Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 12 juin 2013

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de l’Assemblée nationale du Burkina Faso, conduite par son président, M. Sungalo Appolinaire Ouattara. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Acte III de la décentralisation

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, au nom du groupe UDI.

M. Jean-Christophe Fromantin. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et concerne l’acte III de la décentralisation.

Vous savez, monsieur le Premier ministre, combien le groupe UDI est attaché aux territoires et à la subsidiarité. Je sais que, dans cet hémicycle, beaucoup partagent cette préoccupation d’une réforme territoriale qui donne du sens aux enjeux qui se présentent à nous.

Vous aviez, en avril dernier, émis cinq principes de clarté, de confiance, de cohérence et de démocratie qui dictent cette réforme territoriale.

Je voudrais revenir sur chacun de ces principes et poser autant de questions que de principes évoqués.

Monsieur le Premier ministre, vous aviez parlé de clarté. Aujourd’hui, la clarté est nécessaire, mais, en voulant maintenir tous les niveaux et toutes les strates ainsi que la clause de compétence générale pour tout le monde, existe-t-il vraiment une perspective de clarté avec en Île-de-France, par exemple, la commune, l’intercommunalité, le département, la métropole, la région, la conférence territoriale et l’État ?

M. François Rochebloine. C’est toute la question !

M. le président. Mes chers collègues, je vous demande un peu d’attention !

M. Jean-Christophe Fromantin. Vous aviez parlé de confiance et vous réduisez de manière significative le rôle des maires dans notre organisation territoriale. Y a-t-il vraiment compatibilité entre le principe de confiance et la place que laisse l’acte III de la décentralisation au rôle des maires, pivots de la confiance entre l’opinion et l’action publique ?

Vous aviez parlé de cohérence. Or quelques semaines, nous avons voté une réforme concernant le conseiller départemental sans même attendre les résultats de notre débat sur l’acte III de la décentralisation.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Jean-Christophe Fromantin. N’y a-t-il pas, là aussi, une contradiction entre la division de cet acte III en trois parties et le vote d’une réforme avant, d’une part, et cette perspective de cohérence, d’autre part ?

Enfin, vous aviez parlé de démocratie, mais nos concitoyens demandent, sur une telle réforme, à la fois de la lisibilité et une capacité des élus à prendre des décisions, ce qui sera extrêmement difficile avec cette réforme. Y a-t-il une nouvelle doctrine en matière d’aménagement du territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Je vous prie à nouveau, mes chers collègues, de prêter un peu plus d’attention à ce qui se dit.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur Fromantin, malheureusement, je n’ai pu en effet entendre tous les points que vous avez développés.

Comme vous l’avez rappelé, le projet de loi a été divisé en trois parties à la demande des sénateurs en raison du temps nécessaire à sa discussion. Ces derniers ont ainsi choisi d’aborder dans un premier point la création des métropoles en même temps que la confirmation du rôle des régions et des départements comme chefs de file ainsi que la conférence territoriale - que vous regrettez - et l’action publique.

Votre groupe s’est abstenu, mais ne s’est pas du tout opposé au texte.

M. François Sauvadet. C’est faux ! Il s’est opposé sur l’essentiel !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Concernant le Grand Paris, vous avez d’abord regretté que l’on ne puisse pas avancer plus vite, en particulier parce que se sont opposées deux conceptions, y compris dans les rangs de l’opposition, l’une visant à la fusion entre métropole et région, l’autre entre les seuls départements.

Le second reproche était que nous n’étions pas allés assez vite et assez loin en ce qui concernait le couple commune-intercommunalité. Le Président de la République et le Premier ministre s’étaient engagés dès le départ à ce que l’intercommunalité ait davantage de compétences pour que l’on puisse notamment mutualiser les services et pour que tout cela se traduise dans le PLF pour 2014 par une réforme des dotations avec péréquation, par une réécriture de la dotation verticale et en plus par des ressources pérennes pour les départements – tout cela forme un tout qu’il est bien difficile à décrire en deux minutes.

Ce qui nous a en tout cas animés, c’est d’abord la confiance, ensuite la liberté, enfin l’engagement en matière de finances locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Lutte contre le travail des enfants

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi, pour le groupe écologiste.

Mme Danielle Auroi. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, ma question s’adresse au ministre chargé du développement.

C’est aujourd’hui la journée internationale contre le travail des enfants. Je voudrais rappeler à cette occasion que nos concitoyens peuvent se trouver malgré eux complices de certaines multinationales qui ferment volontairement les yeux sur les véritables conditions de fabrication de leurs produits. Le drame survenu il y a quelques semaines au Bangladesh a mis en lumière les circuits tortueux reliant donneurs d’ordre, filiales et sous-traitants. On se demande d’ailleurs si l’opacité de ces circuits n’est pas délibérément maintenue. J’ai également en mémoire le scandale des ballons de football fabriqués par des enfants, qui a éclaté il y a quelques années.

Aujourd’hui, malgré les efforts de l’ensemble des parties prenantes pour mettre fin au travail des enfants dans les usines, la plus grande vigilance reste de mise. Dans de nombreux secteurs et pays, les enfants restent une main-d’œuvre courante, corvéable à merci et soumise à tous les abus, dans la sphère domestique en particulier.

Mme Eva Sas. C’est vrai !

Mme Danielle Auroi. Les enfants ne sont pas les seuls à travailler dans des conditions indignes. La confection, par exemple, emploie en grande partie des femmes contraintes de travailler pour des salaires de misère qui ne leur permettent même pas de se nourrir, afin de satisfaire les exigences de prix et de délai des donneurs d’ordre situés aux États-Unis et en Europe. Les multinationales tirent profit d’un vide juridique qui les exonère de la responsabilité des abus commis par leurs filiales et leurs sous-traitants.

Avec Philippe Noguès, Dominique Potier et nos collègues du cercle parlementaire pour la responsabilité sociétale des multinationales, nous avons déjà appelé l’attention du Gouvernement sur un tel encouragement au dumping social et environnemental dont les salariés d’Europe font les frais. Je connais, monsieur le ministre, votre engagement sur ces questions. Pourriez-vous nous éclairer sur les actions que vous entendez mener, en lien avec vos collègues Nicole Bricq et Michel Sapin en particulier, afin d’empêcher que les multinationales françaises commettent, sur d’autres territoires que le nôtre, des violations flagrantes des conventions internationales sur les droits humains et du travail ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du développement.

M. Guy Geoffroy. Et du Mali !

M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement. Vous soulevez, madame la députée Danielle Auroi, une question essentielle. Permettez-moi de vous rappeler un unique chiffre, que tout le monde doit garder à l’esprit : aujourd’hui, 240 millions d’enfants travaillent, ce qui les empêche d’accéder à une scolarité normale qui est pourtant un droit fondamental pour tous. Même si la question ne fait pas la une du journal de vingt heures, que fait le Gouvernement ?

M. Philippe Le Ray. Rien !

M. Pascal Canfin, ministre délégué. Nous sommes engagés à plusieurs niveaux et vous avez d’ailleurs mentionné un certain nombre de ministres. Tout d’abord, nous mettrons en place dès le 17 juin, sous l’autorité du Premier ministre, la plate-forme française pour la responsabilité sociale des entreprises. Elle sera un lieu de concertation pour l’ensemble des acteurs, les ONG, les syndicats et les entreprises, afin que celles-ci soient le plus en avance possible.

Ensuite, nous soutenons des normes internationales, par exemple la démarche de la Commission européenne engagée par Michel Barnier visant à imposer à l’ensemble des entreprises européennes des critères de responsabilité sociale et environnementale. Nicole Bricq travaille avec ses collègues européens pour faire en sorte que les accords commerciaux prennent en compte les droits sociaux fondamentaux, en particulier bien sûr l’interdiction du travail des enfants. En France, la conférence sociale qui aura lieu ce mois-ci traitera de la question. Nous travaillerons avec les partenaires sociaux, sous l’autorité de Michel Sapin, afin de connaître leur rôle dans l’avancée du dossier.

Enfin, le ministre du développement que je suis favorise les filières garantissant l’absence de tout recours au travail des enfants. Il en existe au moins une, c’est le commerce équitable. Pour la première fois, le gouvernement français financera à hauteur de sept millions d’euros les associations et entreprises de commerce équitable afin de développer leur offre. En définitive, notre stratégie, partagée selon moi par tout le monde, consiste à tirer la mondialisation vers le haut. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques sur les bancs du groupe SRC.)

Situation des comptes publics

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, pour le groupe UMP.

M. Gilles Carrez. Monsieur le président, chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre. C’est en qualité de président de la commission des finances de notre assemblée que je vous fais part, monsieur le Premier ministre, de ma très grande inquiétude sur l’évolution de nos comptes publics depuis le début de l’année.

Les recettes rentrent mal. La moins-value sur la TVA et l’impôt sur les sociétés peut être chiffrée dès à présent à plus de dix milliards d’euros. Cela s’explique par les hausses massives d’impôts que vous avez décidées. Comme le dit la sagesse populaire, « trop d’impôt tue l’impôt ».

M. Philippe Le Ray. Bravo !

M. Christian Eckert. C’est lamentable !

M. François Rochebloine. Pas tant que vous !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. J’étais devant la commission des finances il y a une heure et demie, monsieur le président Carrez. J’y ai répondu à toutes les questions que vous venez de soulever relatives à l’évolution des recettes fiscales en 2013. J’y ai rendu compte avec beaucoup de précision des conditions dans lesquelles nous percevons la TVA et indiqué les mesures prises dans le cadre du programme de stabilité afin que les aléas conjoncturels et fiscaux soient pris en compte dans la trajectoire de nos finances publiques. C’est la raison pour laquelle je suis triste de vous voir procéder, vous qui êtes président de la commission des finances, à ce type d’amalgames qui vraiment ne vous ressemble pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Sans doute y êtes-vous poussé par certains de vos amis outranciers ! Je vous ai connu infiniment plus modéré ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous parlez, monsieur le président de la commission des finances, de matraquage fiscal. Mais permettez-moi de vous rappeler ce qui a été fait par la majorité à laquelle vous apparteniez quelques mois avant les élections présidentielles dont a procédé l’alternance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Julien Aubert. Cela n’a rien à voir !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez augmenté les prélèvements obligatoires de vingt milliards d’euros en 2011 et de quinze milliards d’euros en 2012, soit trente-cinq milliards d’euros supplémentaires en dix-huit mois ! Et vous venez nous donner des leçons sur la maîtrise de la fiscalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)Vous évoquez la dépense, mais les dépenses publiques ont augmenté de 170 milliards au cours du précédent quinquennat, soit une moyenne annuelle de 1,7 %, contre 0,5 % désormais, soit près de quatre fois moins ! En outre, nous avons fait 300 millions d’économies sur le budget de l’État. Telle est, monsieur Carrez, la réalité des chiffres, fort éloignée de ce que vous venez d’indiquer ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il n’y aura pas de loi de finances rectificative pour une raison très simple, c’est que nous ne souhaitons pas ajouter l’impôt à la récession et aux difficultés que connaît notre pays ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Défense de l’exception culturelle

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Patrick Bloche. Monsieur le Premier ministre, l’engagement de négociations entre l’Union européenne et les États-Unis visant à la conclusion d’un nouvel accord de libre-échange amène à déterminer préalablement le périmètre du mandat confié à la Commission européenne ; le respect de l’exception culturelle et de la diversité culturelle, telle qu’elle est définie dans la Convention de l’Unesco de 2005, devrait logiquement conduire à ce que la culture et l’audiovisuel en soient exclus. Or, à l’heure actuelle, les craintes les plus vives existent qu’il n’en soit pas ainsi, malgré le vote clair du Parlement européen. La rencontre, pas plus tard qu’hier, entre M. Barroso et une délégation de cinéastes européens, ne peut que confirmer nos inquiétudes.

Or, à l’heure actuelle, les craintes les plus vives existent qu’il n’en soit pas ainsi, malgré le vote clair du Parlement européen. La rencontre, pas plus tard qu’hier, entre M. Barroso et une délégation de cinéastes européens, ne peut que confirmer nos inquiétudes.

Votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, a pris clairement position sur cette question et conduit avec détermination un travail de conviction auprès des autres gouvernements des États de l’Union européenne. Vous pouvez compter sur le large soutien de la représentation nationale qui s’exprimera, cet après-midi, dans cet hémicycle, par le vote d’une proposition de résolution européenne.

Que les choses soient claires : si notre pays, son gouvernement, son Parlement, sont si mobilisés pour le respect de l’exception culturelle, ce n’est pas en défense d’une position strictement hexagonale qui ne concernerait que notre langue, notre culture et les dispositifs vertueux de financement de la création que nous avons su mettre en place. Ce qui est en jeu dépasse la France : c’est la diversité culturelle à l’échelle de l’Europe comme du monde, puisque le futur accord entre l’Union européenne et les États-Unis donnera le « la » des règles du commerce international.

Aussi, à l’avant-veille de la réunion du Conseil européen, pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, si le message universel de la diversité culturelle que la France porte depuis le siècle des Lumières a emporté la conviction au-delà de nos frontières ?

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Patrick Bloche, vous avez dit l’essentiel.

M. Pierre Lellouche. Tu parles ! Quelle blague !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. En effet, vendredi prochain, l’ordre du jour du Conseil du commerce extérieur comprendra la question du mandat donné à la Commission européenne pour engager des négociations avec les États-Unis en vue d’un accord de libre-échange.

La France est évidemment favorable au commerce international et aux échanges économiques, à condition que des règles du jeu soient clairement affirmées.

M. Pierre Lellouche. Vous avez tronqué le débat, c’est scandaleux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il y a déjà eu d’autres accords de libre-échange avec d’autres pays, qui ont donné des résultats positifs pour la croissance et pour l’emploi, à condition que ces accords soient négociés sur la base d’un principe auquel la France est très attachée, celui du juste échange.

En ce début de discussion entre la France et les États-Unis, plusieurs points doivent êtres réglés. La France n’était pas la seule à affirmer, par exemple, que les échanges relatifs à la défense nationale devaient être exclus. Sur ce point, nous avons obtenu un premier résultat positif.

M. Pierre Lellouche. Le débat, c’est cet après-midi !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Pour ce qui est de l’agriculture, nous avons là encore réussi à faire évoluer les positions de la Commission européenne pour préparer le mandat de négociation. C’est vrai pour le refus des OGM, du clonage des animaux, du bœuf aux hormones et de bien d’autres points que je ne vais pas détailler ici.

M. Pierre Lellouche. Il devait justement y avoir un débat cet après-midi ! C’est scandaleux !

M. le président. Allons, monsieur Lellouche !

M. Jean-Marc Ayrault, premier ministre. Il reste une question essentielle, que vous avez rappelée, celle de la position constante de la France en faveur de l’exception culturelle, en faveur de la défense des industries culturelles. La France a toujours considéré que cette question essentielle devait être mise de côté, comme c’est déjà le cas dans nos relations avec le Canada et le Japon – et ce qui est possible avec d’autres pays doit l’être aussi pour les États-Unis.

Nous nous battons, et nous nous battrons toujours pour la défense de la diversité culturelle.

M. Pierre Lellouche. Où est le débat ?

M. Patrick Balkany. On n’en débat pas !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Dans ce combat, nous ne sommes pas seuls. Le Président de la République, la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, la ministre du commerce extérieur, Nicole Bricq, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, ainsi que le ministre délégué des affaires européennes, Thierry Repentin, n’ont cessé de multiplier les contacts pour obtenir cette exclusion de la négociation.

Quatorze ministres européens de la culture ont même signé un appel sur ce point. Comme vous l’avez rappelé, le Parlement européen s’est exprimé dans le même sens.

La question est simple. Quel mandat Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, qui représentera la France vendredi au Conseil européen, tiendra-t-elle du Gouvernement ? Ce mandat est clair, et la France s’opposera à l’ouverture des négociations si les industries culturelles ne sont pas protégées, c’est-à-dire exclues des négociations. La France ira jusqu’à utiliser son droit de veto politique.

C’est notre identité, c’est notre combat. Nous ne sommes pas seuls, mais en tête pour le mener avec l’appui de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Sanction à France Télévisions

M. le président. La parole est à M. Christian Kert, pour le groupe de l’union pour un mouvement populaire.

M. Christian Kert. Je veux d’abord dire à M. le ministre Bernard Cazeneuve que nous avons bien pris note du fait qu’il suffise de lui poser une question qui le dérange pour qu’il perde son sang-froid. (Protestations sur les bancs du groupe SRC - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En
l’absence de Mme la garde des sceaux, ma question s’adressera à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Madame la ministre, une tête est tombée cette semaine dans la scandaleuse affaire du « mur des cons », ce mur de photos exposées au siège du syndicat de la magistrature et qui rassemblait une collection de photos de personnalités - toutes plutôt classées à droite, curieusement. Une tête est tombée, madame la ministre, mais ce n’est pas la bonne tête !

Face à la réprobation qu’avait soulevée ce mur, Mme la garde des sceaux nous avait dit, avec beaucoup de détermination, qu’il fallait sanctionner, une déclaration que nous avions accueillie avec des bravos. Elle avait saisi le Conseil supérieur de la magistrature qui vient de lui répondre, en substance, que ce n’est pas son affaire ! Le Conseil lui répond ce qu’elle savait probablement déjà, à savoir qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur une affaire particulière !

De deux choses l’une : soit elle connaissait d’avance la réponse, ce qui n’est pas à son honneur, soit elle ignorait l’incompétence du CSM, ce qui est pire encore ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)Ce n’est pas la tête de la garde des sceaux qui est tombée…

M. Marcel Rogemont. Heureusement !

M. Christian Kert. …heureusement, ni celle de la présidente du syndicat de la magistrature, ce n’est même pas celle du décorateur du « mur des cons ». Non, c’est celle du journaliste qui a filmé ce mur et sorti l’information. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)À vous, madame la ministre, qui, défendez comme nous comme nous les sources de la presse je redis la belle phrase de Camus : « Si l’homme échoue à concilier la justice et la liberté, il échoue à tout ! »

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, dans l’affaire du journaliste Clément Weill-Raynal, il ne s’agit pas d’une entrave à la liberté d’expression (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

M. Patrick Balkany. Qu’est-ce qu’il vous faut !

M. Marc Le Fur. C’est quoi, alors ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. …ni d’une entrave à la liberté de la presse. Ce journaliste a été sanctionné par sa hiérarchie, qui a estimé qu’il ne s’était pas comporté de manière loyale vis-à-vis d’elle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Fromion. Sur les ordres du pouvoir !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. C’est donc une affaire interne à l’entreprise France Télévisions. (Mêmes mouvements.)

C
ette entreprise n’a nullement empêché la communication des images, en l’occurrence des images filmées du fameux « mur des cons »,…

M. Dominique Le Mèner. Scandaleux !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. …qui ont été diffusées sur France 2 et sur France 3. Il n’y a donc eu aucune censure de la part de France Télévisions, qui a simplement estimé que ce journaliste aurait dû livrer ses images d’abord à l’entreprise qui l’emploie, à savoir France Télévisions, et non à un site Internet concurrent, Atlantico. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. )

M. Yves Fromion. N’importe quoi !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Quant à la protection des sources des journalistes, vous serez heureux d’apprendre, monsieur le député, que ma collègue garde des sceaux, Christiane Taubira, a présenté ce matin en Conseil des ministres un projet de loi (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) q ui va garantir aux journalistes français la meilleure protection des sources qui soit aujourd’hui au sein de l’Union européenne.

En effet, nous allons supprimer la notion d’impératif prépondérant d’intérêt public et combler les failles de la loi de 2010, qui avait notamment permis la scandaleuse affaire des fadettes, dans une affaire pas si lointaine.

Comme vous le voyez, nous nous préoccupons de la liberté de la presse et de la protection des journalistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Crédit d’impôt compétitivité emploi

M. le président. La parole est à M. Alain Rousset, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Alain Rousset. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances. Sans vouloir assombrir l’atmosphère au sein de notre assemblée, je veux évoquer la question des dépenses publiques (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

P
eu de temps après la publication du rapport Gallois, M. le Premier ministre a pris une décision très forte concernant la compétitivité de nos entreprises (Mêmes mouvements.)

M. Lucien Degauchy. Parlons-en !

M. Alain Rousset. Je veux parler du crédit d’impôt compétitivité emploi, qui s’élève à une vingtaine de milliards. Je peux dire, pour avoir été au contact des entreprises sur le terrain que cette action a été plus que bien perçue, singulièrement par les très petites entreprises et les PME. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J’aimerais savoir, monsieur le ministre, où en est le dispositif de préfinancement, puisque l’application du dispositif dans son ensemble est prévue pour 2014 : jusqu’où s’étend-il ? Combien d’entreprises sont concernées ? Quel est son montant ?

S’agissant de la capillarité de ce dispositif et de l’information que nous menons tous, les uns et les autres, auprès des entreprises – par-delà nos sensibilités, me semble-t-il –-, n’y a-t-il pas une action plus importante à mener afin d’informer directement les chefs d’entreprise ?

Enfin, je veux saluer, monsieur le ministre de l’économie et des finances - et je m’adresse également à M. le Premier ministre -, l’importance que les entreprises accordent aux programmes d’investissement et de rénovation de l’outil industriel dans lequel le Gouvernement s’est engagé au titre de la deuxième phase du pacte de compétitivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur Rousset, je vous sais très attaché à l’industrie, de même que le Gouvernement est passionnément attaché à la compétitivité française (Rires sur les bancs du groupe UMP.) C’ est pourquoi nous avons décidé de lancer ce crédit d’impôt compétitivité emploi.

De quoi s’agit-il ? D’une mesure puissante, très puissante, beaucoup plus puissante que celles qui ont été lancées depuis dix ans en matière de compétitivité.

Cette mesure correspond à 4 % du coût du travail en 2013 et à 6 % en 2014, soit 13 milliards d’euros cette année et 20 milliards d’euros dès l’année prochaine.

C’est une mesure simple : aucune démarche n’est à accomplir, si ce n’est déclarer son crédit d’impôt. M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME, a d’ailleurs affirmé qu’il s’agit du dispositif le plus simple qu’il a connu en tant que chef d’entreprise depuis quarante-cinq ans.

J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une mesure pérenne, qui n’est pas en application pour seulement deux ans, mais bien pour cinq ans.

C’est une mesure immédiate – vous m’interrogez d’ailleurs sur le préfinancement : 4 300 entreprises l’ont déjà demandé, pour un montant total de 600 millions d’euros, dont 400 millions ont déjà fait l’objet de décisions.

Elle monte en puissance vite et fort, puisque cent dossiers de préfinancement sont déposés chaque jour, et j’ai bon espoir dans le fait que nous puissions atteindre les deux milliards d’euros de préfinancement pour 2013 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) étant rappelé que toutes les entreprises n’en ont pas besoin.

Il faut informer mieux, mobiliser plus encore. Je vous annonce aujourd’hui le lancement d’un site internet : mon-cice.gouv.fr (« Alors ! » sur les bancs du groupe UMP) qui répondra aux demandes en cinq jours.

Nous allons aussi écrire – et je vais le faire personnellement – aux chefs d’entreprise (Mêmes mouvements). Enfin, il convient que tous – je dis bien tous –, les organismes patronaux, les experts-comptables, les préfets, le secteur bancaire privé se mobilisent davantage encore : tel sera mon message, demain, devant la Fédération des banques françaises.

Monsieur le député, nous allons ensemble, grâce au CICE, gagner la bataille de la compétitivité (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mutations des fonctionnaires de police dans les DOM

M. le président. La parole est à M. Bruno Nestor Azerot, pour le groupe de la gauche démocrate et républicaine.

M. Bruno Nestor Azerot. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur. Permettez-moi d’y associer mes collègues Alfred Marie-Jeanne et Jean-Philippe Nilor.

Monsieur le ministre, je sais que, tout comme nous qui avons reçu vendredi dernier une délégation du collectif des gardiens de la paix des outre-mer, vous êtes sensible à l’amélioration continue du système de mutation des fonctionnaires de police.

Alors qu’aujourd’hui nombre de Français des outre-mer vivant en métropole doivent faire face à un déracinement familial pour exercer leur mission de service public, voilà que les difficultés s’accumulent et s’aggravent pour ceux dont l’espoir légitime est de retrouver leur terre de naissance qu’ils ont dû quitter pour intégrer l’école de police ou rejoindre leur première affectation.

Au-delà de cette insupportable coupure et des complications financières et affectives qu’elle engendre, les conditions de possibilité de retour sont de plus en plus contraignantes et de moins en moins rationalisées.

Comment accepter l’arbitraire d’un système qui finit par décourager tout espoir de retour avant parfois deux décennies ?

Dans des petits territoires comme la Martinique où nous devons faire face à des problématiques sécuritaires en hausse et à des effectifs en déficit chronique, même dans les zones de sécurité prioritaire au bénéfice desquelles nous attendons de profiter, cette année, du plan de recrutement de 6 000 agents que vous avez intelligemment lancé, les gardiens de la paix domiens ne sauraient attendre l’arrivée de la retraite pour rentrer au pays et servir chez eux.

Pourquoi ne pas revenir au système en place avant la réforme de 2002, fondé sur l’ancienneté de la demande et qui présentait le mérite de donner de la visibilité aux candidats qui ont des engagements des deux côtés de l’océan ?

Il faut également recadrer et rationaliser le critère des centres d’intérêts matériels et moraux.

Notre démarche n’est pas empreinte de naïveté : il ne nous viendrait pas à l’idée de réclamer un retour pour tous mais des critères beaucoup plus cohérents et prenant en compte les réalités dans lesquelles se trouvent nos compatriotes des outre-mer.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre pour rétablir une situation d’égalité des chances et revenir à des critères plus transparents… ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Bruno Nestor Azerot, je vous prie de bien vouloir excuser les excuses de M. Manuel Valls, qui se trouve actuellement aux côtés de ses homologues européens, dans le cadre d’un important exercice de simulation d’attentat.

Vous nous interrogez sur les difficultés de fonctionnement du système de mutation des policiers servant en métropole et sur les moyens de l’améliorer.

Le système actuel offre un certain nombre de postes à la mutation, en fonction des départs à la retraite, des postes devenus vacants pour les agents arrivant en fin de séjour et des besoins exprimés par les services locaux.

Quoi qu’on en dise, le système…

Mme Huguette Bello. N’est pas bon !

M. Victorin Lurel, ministre. … fonctionne : il repose sur le calcul de points attribués à chaque agent en fonction de leur ancienneté dans l’administration, de leur situation familiale, de leur grade et de leur affectation actuelle, notamment dans les zones sensibles.

Les fonctionnaires métropolitains affectés dans les outre-mer, vous le savez, y demeurent pour une durée limitée – deux à quatre ans selon les territoires concernés –, alors que les fonctionnaires originaires des outre-mer peuvent être « fidélisés », c’est-à-dire affectés durablement et définitivement au sein de leur territoire, à condition qu’ils démontrent qu’ils y ont le centre de leurs intérêts matériels et moraux. J’attire cependant votre attention sur le fait que, saisie par des fonctionnaires non natifs des outre-mer, la HALDE a adopté une délibération condamnant la notion d’ « originaire » et recommandant de lui substituer la notion d’intérêts matériels et moraux. Il faut en tenir compte.

Enfin, j’insiste sur la nécessité de conserver la possibilité d’affecter les fonctionnaires métropolitains là-bas… (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Couple franco-allemand

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Lellouche. Ma question s’adresse au Premier ministre, mais vu la confusion qui règne dans les rangs du Gouvernement, elle pourrait tout aussi bien s’adresser à M. Montebourg, à M. Hamon ou même à notre président, M. Bartolone. Je souhaiterais en effet connaître la position du Gouvernement sur deux questions clés pour notre économie.

La première est relative à l’Allemagne et à la politique européenne. Nous sommes à deux semaines du sommet européen de Bruxelles, monsieur le Premier ministre. Qui croire ? Le Président de la République quand il promet de remettre en ordre les finances de l’État et de construire un gouvernement économique, ou M. Montebourg ou M. Bartolone qui veulent une confrontation avec l’Allemagne ? Quand allez-vous cesser cette mascarade, cette prétendue réorientation de la politique européenne alors même que vous avez déjà tout avalé – le traité européen, la mort des eurobonds et la baisse du budget de l’Union européenne ? Allez-vous donc céder aux pressions de la gauche ou remettre en ordre les finances ? Comme le disait Gilles Carrez tout à l’heure, 30 milliards d’euros d’impasse budgétaire nous attendent pour la fin de l’année et aucune loi de finances rectificative n’a été prévue.

M. Yann Capet. N’importe quoi !

M. Pierre Lellouche. J’en viens à la seconde question, qui est encore plus grave. Dans deux jours, l’Union européenne adoptera un mandat de négociation sur le traité commercial entre l’Union européenne et les États-Unis. Ce mandat devait être discuté cet après-midi en séance publique sur la base d’une résolution européenne. C’était la dernière occasion pour l’Assemblée de se prononcer sur le sujet avant la négociation. Or ce débat a été retiré de l’ordre du jour des travaux.

Monsieur le Premier ministre, je vous accuse d’avoir fait taire le Parlement sur une question extrêmement grave ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C ’est un scandale ! Et ne croyez pas vous en tirer en deux minutes en faisant des grands numéros sur l’exception culturelle ! L’Assemblée nationale – c’est un scandale ! – est méprisée alors qu’il s’agit d’une question qui touche aux aspects fondamentaux de l’économie française ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué des affaires européennes. (« Non ! Au Premier ministre ! » et vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mes chers collègues, il ne sert à rien de vous comporter de la sorte, cela dégrade l’image de l’Assemblée. Je vous rappelle que c’est le Gouvernement qui choisit le ministre qui répond.

M. Thierry Repentin, ministre délégué des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député Pierre Lellouche (Mêmes mouvements)…

M. Pierre Lellouche. Je ne vous écoute pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – M. Pierre Lellouche se lève et quitte l’hémicycle.)

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Lellouche ! Qu’est-ce que c’est que cette attitude ? (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes UMP et SRC.) Mes chers collègues, je vous demande de garder votre calme.

M. Lellouche est sorti. Souhaitez-vous néanmoins, monsieur le ministre délégué, répondre à la question qui vous a été posée ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. J’aurais souhaité répondre à M. Lellouche que ce n’est pas par des effets de manche qu’il arrivera à faire croire que le couple franco-allemand ne fonctionne pas. Le couple franco-allemand est solide, il travaille dans la sincérité. J’en veux pour preuve plusieurs actes concrets.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas la question !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. L’année dernière, sous l’impulsion du Président de la République, François Hollande, nous avons fait adopter plusieurs dispositifs avec l’Allemagne alors que vous n’aviez pas su le faire : la taxe sur les transactions financières (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) ; l’augmentation de la dotation Erasmus, qui est passée de 8 à 13 milliards d’euros et que nous allons élargir à l’ensemble des apprentis (Mêmes mouvements) ; l a ligne budgétaire de 6 milliards d’euros destinée à appuyer les politiques de l’Union européenne pour l’emploi des jeunes (Mêmes mouvements)…

M. Claude Goasguen. La question !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …ou encore la recapitalisation de la Banque européenne d’investissements, qui va permettre à la France de bénéficier de 7 milliards d’euros de prêts par an de 2013 à 2015. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M
esdames, messieurs les députés, même lorsque nous n’étions pas d’accord avec nos amis allemands, nous avons su trouver des terrains d’entente pour permettre toutes ces avancées.

M. Claude Goasguen. La question !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Peut-être la question de M. Lellouche exprime-t-elle une frustration : celle de ne pas avoir su faire ce que nous avons fait, de ne pas avoir su rééquilibrer le couple franco-allemand dans la perspective d’une Europe de la relance, de la croissance, y compris lorsque M. Lellouche était secrétaire d’État aux affaires européennes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Primes au ministère de l’intérieur

M. le président. La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Bernard Lesterlin. Monsieur le Premier ministre, l’inspection générale de l’administration et l’inspection générale de la police nationale ont rédigé un rapport dévoilant des pratiques opaques ayant eu cours au ministère de l’intérieur entre 2002 et 2004. (Huées sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous en prie !

M. Bernard Lesterlin. M. le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, a transmis ce rapport à la justice afin qu’elle puisse disposer de tous les éléments lui permettant de faire son travail dans l’enquête visant M. Claude Guéant. Que révèle ce rapport ? Selon la presse, il met à jour deux choses très simples.

Le premier élément est d’ordre politique. Une pratique officiellement abolie a été rétablie dans l’opacité la plus totale. Le gouvernement de Lionel Jospin avait mis fin au versement des primes discrétionnaires et défiscalisées qui avaient cours dans les cabinets ministériels et l’UMP s’est arrogé le droit de les rétablir sans en avertir quiconque.

Le second élément est factuel. M. Claude Guéant, directeur de cabinet du ministre de l’intérieur d’alors, Nicolas Sarkozy, a bénéficié de 100 000 euros versés au titre de frais d’enquête entre 2002 et 2004. Une partie du mystère des 500 000 euros d’argent liquide employés par M. Claude Guéant pour régler certaines factures est donc résolue. Si cela est vrai, la République n’en sort pas grandie.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. Bernard Lesterlin. Autres temps, autres mœurs : les fonds secrets avaient permis au général de Gaulle de gagner Londres en 1940 ; les primes indûment perçues par Claude Guéant, elles, ne donnent pas le lieu de leur destination.

M. Jean-François Lamour. Vous préférez Cahuzac ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le parlement. Monsieur le député Bernard Lesterlin, je vous demande de bien vouloir excuser M. Manuel Valls.

Je répondrai à votre question dans la limite des attributions du Gouvernement et dans le respect des décisions de justice qui seront éventuellement prises à l’avenir. Je ne peux que vous communiquer les faits révélés par l’enquête administrative.

Le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, a saisi au début du mois de mai l’inspection générale de l’administration qui, avec le concours de l’inspection générale de la police nationale, lui a remis hier un rapport sur l’usage fait des frais d’enquête et de surveillance.

Ces frais sont destinés aux services de police dans un objectif d’efficacité et de discrétion dans leurs missions. Ils permettent notamment de rechercher des renseignements, de rémunérer des informateurs ou encore de mener des filatures.

Le rapport fait différentes propositions afin de mieux encadrer l’utilisation de ces fonds et le ministre de l’intérieur a annoncé qu’il avait décidé de suivre toutes ces préconisations et de poursuivre ainsi le travail de rationalisation et de traçabilité engagé par le directeur général de la police nationale dès octobre dernier.

Le rapport indique par ailleurs qu’entre le mois de mai 2002 et l’été 2004 une partie de ces fonds à hauteur de 10 000 euros par mois a été remise à M. Claude Guéant, alors directeur de cabinet de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur.

Un certain nombre de questions légitimes se posent. C’est à M. Guéant désormais…

M. Jean Glavany. De rembourser !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. ...d’apporter les réponses.

M. Dino Cinieri. Guérini aussi !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Sachez que le ministre de l’intérieur a transmis l’intégralité du rapport au procureur de la République de Paris. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Droit de vote des étrangers non-communautaires pour les élections locales

M. le président. La parole est à M. Claude de Ganay, pour le groupe de l’union pour un mouvement populaire.

M. Claude de Ganay. Monsieur le Premier ministre, je regrette que vous n’ayez pas trouvé bon de répondre à la question pertinente de mon collègue Pierre Lellouche. (Applaudissements quelques bancs du groupe UMP.) C ’est à vous que j’adresse ma question.

En début de semaine, l’ensemble des parlementaires ont reçu de la part d’une sénatrice et de l’un de nos collègues écologistes un carton d’invitation les conviant à une cérémonie d’octroi symbolique du droit de vote aux étrangers non-communautaires aux élections locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. Claude de Ganay. Certes, les écologistes sont coutumiers de ce type de provocation. Mais peut-on tolérer l’organisation de cette cérémonie le 24 juin prochain au Sénat ? Le palais du Luxembourg n’est pas la mairie de Bègles, monsieur le Premier ministre ! (Rires sur les bancs du groupe écologiste.) Le Sénat est un lieu où le respect du droit républicain doit s’affirmer !

Je me permets d’ailleurs de vous rappeler que jusqu’à nouvel ordre, le droit de vote est indissociable de la citoyenneté ! Jusqu’à nouvel ordre, c’est en accédant à la nationalité française que l’on accède au droit de vote ! («  Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Et jusqu’à nouvel ordre, le droit de vote ne s’achète pas : payer l’impôt n’est pas une condition suffisante ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)Comment alors interpréter l’initiative de certains parlementaires de votre majorité, qui outrepassent les prérogatives du Parlement ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

L
a démocratie n’est pas un jeu, encore moins un coup de comm’ permanent, elle demande du respect ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Mes chers collègues, pensez à l’image que nous donnons !

M. Claude de Ganay. Ma question est double, monsieur le Premier ministre : Cautionnez-vous, avec le président du Sénat, cette initiative parlementaire qui se joue des lois de la République ? Allez-vous demander aux parlementaires de votre majorité, écologistes en tête, d’annuler cette cérémonie, au nom de la neutralité et du respect dus aux institutions républicaines ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. C’est de l’abus de biens sociaux !

M. Gilbert Collard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le parlement. Monsieur le député, je m’étonne que vous puissiez, sous des applaudissements encore plus surprenants, remettre en cause l’un des fondements de la démocratie, la liberté de débattre, qui plus est, dans une enceinte parlementaire. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. - Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je suis accablé que certains d’entre vous, lorsque je rappelle ce principe, se permettent de protester. D’autres, en entendant votre conception de la démocratie, doivent l’être tout autant : je ne veux donc pas faire d’amalgames.

La question du droit de vote des étrangers non-communautaires pour les élections locales nourrit le débat public depuis longtemps. C’est une question légitime, qui fait surgir une ligne de conflit, qui, d’ailleurs, n’est pas toujours transpartisane. Ainsi, certains ont pu faire des propositions, il est vrai vite oubliées, le temps d’une campagne électorale.

Que dans le cadre de ce débat, au Sénat, comme à l’Assemblée nationale, des parlementaires organisent une réunion autour d’une manifestation symbolique…

M. Michel Herbillon. Il s’agit de l’organisation d’un vote !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …fait plus honneur, je crois, à la démocratie que les propos déplacés que vous avez tenus.

M. Michel Herbillon. Scandaleux !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Sur le fond, le Président de la République a rappelé qu’un projet de loi sera présenté après les élections municipales …

Mme Laure de La Raudière. Ah !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …et que s’il recueille la majorité des trois cinquièmes – puisqu’il s’agirait d’une réforme constitutionnelle – le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales deviendra le droit de la République.

M. Philippe Meunier. Vous êtes les fossoyeurs de la République !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il nous semble, dans le contexte actuel, que la meilleure façon d’intégrer ces résidents est justement de lutter contre ceux qui veulent les attirer vers les extrêmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur certains bancs du groupe RRDP.)

Affaire du Furosémide

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Gérard Bapt. Ma question, qui s’adresse à la ministre des affaires sociales et de la santé, concerne un nouvel épisode tragique lié à un médicament, et dont l’opinion publique s’est récemment émue.

La présence de comprimés d’un somnifère dans la boîte d’un médicament diurétique a eu des conséquences tragiques. Au nom du groupe SRC, je veux exprimer la solidarité des députés avec les victimes et leurs familles, en espérant que nous n’aurons pas à déplorer de nouvelles victimes.

Madame la ministre, les causes de cette inversion ont-elles été identifiées par les inspecteurs qui enquêtent sur la chaîne de production du laboratoire concerné ?

Au-delà, pouvez-vous affirmer que cet événement n’a aucun rapport avec la qualité du médicament, un générique ? Cet épisode tragique a relancé une campagne de dénigrement envers les médicaments génériques. Pouvez-vous confirmer que la traçabilité, la fabrication et la distribution jusqu’aux officines pharmaceutiques s’opèrent dans les mêmes conditions que pour les molécules princeps, les médicaments non génériques ? Les contrôles de qualité, de sûreté sont-ils assurés de la même manière ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, vous avez rappelé que le 7 juin, des comprimés d’un somnifère ont été retrouvés dans la boîte d’un médicament diurétique, le furosémide 40 mg du laboratoire Téva.

Depuis, des accidents, et même des décès, ont été signalés. Les parquets concernés ont ouvert des enquêtes.

Tous les lots de ce médicament ont été retirés. Les patients peuvent échanger gratuitement leurs boîtes de furosémide contre des boîtes d’un médicament équivalent.

Je veux, à cette occasion, souligner l’engagement des pharmaciens et les remercier pour le travail qu’ils accomplissent au service de nos concitoyens.

Deux enquêtes ont été engagées par les autorités sanitaires. La première, une inspection sur place, n’a pas permis d’identifier l’origine de cet accident de conditionnement, qui reste rarissime.

La seconde enquête consiste à s’assurer que l’erreur de conditionnement ne s’est pas répétée pour d’autres boîtes sorties de la même entreprise. À ce stade, il n’y a qu’une seule boîte, celle à l’origine de l’accident, qui porte la preuve d’un échange de comprimés.

Je le répète, il s’agit d’une erreur de conditionnement. Le médicament générique n’est pas en cause. Les médicaments génériques sont des médicaments comme les autres, qui permettent de soigner, qui sont vérifiés, produits dans de bonnes conditions et soumis à des procédures de sécurité. J’appelle nos concitoyens à ne pas confondre le médicament générique avec cet accident de conditionnement. (Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.)

Pharmacovigilance

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Bérengère Poletti. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Madame la ministre, il ne se passe pas une semaine sans que les médicaments ne s’invitent dans les médias et dans l’actualité.

Après le scandale du Médiator ou les polémiques autour de Diane 35, le Furosémide fait aujourd’hui des victimes du fait, jusqu’à preuve du contraire, d’une erreur de conditionnement.

M. Luc Belot. Elle vient de répondre !

Mme Bérengère Poletti. Mais il est un médicament pour lequel votre intervention est également attendue au plus vite, c’est le méthylphénidate, commercialisé sous le nom de Ritaline ou Concerta.

Cette drogue, cousine des amphétamines, est prescrite de manière exponentielle et abusive aux enfants hyperactifs : plus 70 % en cinq ans et plus 114 % sur la même période pour les moins de vingt ans. Les Américains l’appellent la kiddy coke : la drogue des enfants. Elle est également prescrite hors de l’autorisation de mise sur le marché, aux étudiants en période d’examen, par exemple.

Cette molécule fait polémique parmi les médecins spécialisés et soulève, selon l’avis de la Haute Autorité de Santé, des questions sur ses conséquences psychiatriques, neurologiques et cardiovasculaires.

Le 26 février dernier, vous avez exprimé ici même, lors d’un débat sur la sécurité sanitaire, votre souhait de mettre en place un système de pharmacosurveillance, déplorant que cet instrument fasse cruellement défaut.

Nous sommes en mai ; les crises se succèdent, le temps passe et il y a urgence pour les agences et pour les responsables de la santé à disposer d’informations en temps réel, afin de mieux anticiper les crises et mieux protéger les patients.

Quand comptez-vous, madame la ministre, mettre enfin en place ce système indispensable qui existe et qui nécessite une autorisation ? Que fait aujourd’hui le Gouvernement pour le Furosémide et pour le sujet plus sournois du méthylphenidate ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée Bérengère Poletti, nous devons éviter dans cette enceinte de faire l’amalgame entre des situations qui ne se ressemblent guère.

Je viens de répondre à l’instant à une question sur le Furosémide 40, du laboratoire Teva, confirmant qu’il s’agissait d’une erreur de conditionnement.

Vous m’interrogez sur la Ritaline : l’actualité n’est pas la même, pas plus que les enjeux en matière de santé publique. Certes, la tendance, moins prononcée en France que dans certains pays étrangers, à prescrire de façon trop rapide et systématique de la Ritaline aux enfants dits « hyperactifs » fait aujourd’hui débat.

Ce médicament fait, depuis plusieurs années, l’objet d’un encadrement strict, et des études de pharmacovigilance ont été engagées au niveau européen.

Au-delà, j’ai, en ce qui me concerne, demandé à ce que les professionnels de santé soient informés de façon plus précise des conditions dans lesquelles ce médicament peut être prescrit, et la Haute Autorité de Santé publiera en 2014 des recommandations de bonnes pratiques sur la prise en charge de ces enfants ou adolescents.

Quant à la pharmacosurveillance, il s’agit de repérer les prescriptions qui paraissent inadaptées aux situations à prendre en charge. Pour cela, ainsi que je vous l’ai indiqué lors du débat que vous avez mentionné, les professeurs Bégaud et Costagliola me remettront dans quelques semaines des propositions permettant d’améliorer notre système. Il est en effet indispensable que la Caisse nationale d’assurance maladie et l’ensemble des autorités sanitaires disposent des éléments permettant de suivre les prescriptions collectives et d’identifier les cas dans lesquels ces prescriptions paraissent inadaptées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Lutte internationale contre la sous-nutrition

M. le président. La parole est à M. Jean-René Marsac, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-René Marsac. Ma question s’adresse à M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement. J’y associe mes collègues Colette Capdevielle et Anne-Yvonne Le Dain, avec lesquelles j’ai participé à une mission sur la question de la sous-nutrition.

Samedi dernier se tenait à Londres une réunion internationale sur la sous-nutrition et la sécurité alimentaire, réunissant les pays du G8 et des pays du sud.

Cette année encore, plus de 2 millions d’enfants n’auront pas la chance de fêter leur cinquième anniversaire, et 165 millions souffrent d’un retard de croissance dû à la sous-nutrition. Au-delà de l’urgence humanitaire, il s’agit d’un handicap majeur pour le développement des pays concernés.

L’ambition de ce sommet du 8 juin était de mobiliser davantage de fonds en faveur de la lutte contre la sous-nutrition.

la France est membre de la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition, une initiative lancée lors du sommet du G8 à Camp David en 2012. L’objectif est de promouvoir l’investissement privé dans le secteur agricole dans six pays africains pilotes et de sortir 50 millions de personnes de la pauvreté d’ici dix ans. Néanmoins, les ONG craignent que les intérêts économiques prennent le pas sur la lutte contre l’insécurité alimentaire.

Par ailleurs, la France a rejoint le Mouvement mondial de renforcement de la nutrition qui s’est fixé pour objectif de changer la manière dont le monde répond au problème de la sous-nutrition. En effet, au-delà des chiffres, il est nécessaire de promouvoir une utilisation plus efficace et plus transparente des financements internationaux.

Monsieur le ministre, conformément à l’engagement du Président de la République, vous présenterez un projet de loi sur la politique de développement dans les prochains mois. Quelles seront les orientations du Gouvernement afin d’affirmer une vision française de la politique de lutte contre la sous-nutrition et l’insécurité alimentaire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du développement.

M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement. Monsieur le député Jean-René Marsac, mon analyse et celle du Gouvernement rejoignent totalement la vôtre, et je tiens à saluer votre engagement personnel et celui des députées auxquelles vous vous associez sur cette question. Je salue également le travail des ONG françaises, particulièrement actives et dont l’action en matière de lutte contre la faim dans le monde est reconnue partout dans le monde.

Alors que l’humanité pourrait nourrir sept milliards d’habitants sur cette planète, il y a aujourd’hui un milliard de femmes, d’hommes et d’enfants qui souffrent de malnutrition. Dans ce contexte, nous aidons d’abord les pays qui le souhaitent à prendre des dispositions concrètes, réglementaires et juridiques, pour lutter, par exemple, contre l’accaparement des terres, facteur aggravant de la malnutrition.

Ce week-end à Londres, en marge du G8, nous allons signer avec le Sénégal un contrat qui transfère dans leur droit des garanties permettant de lutter contre l’accaparement des terres.

Nous avons également instauré un dispositif financé par la taxe sur les transactions financières, qui permettra à deux millions d’enfants au Sahel de bénéficier d’un accès aux soins, afin de traiter les conséquences de la sous-nutrition et de la malnutrition.

Je suis fier que la France soit le premier pays au monde à mettre en place une taxe sur les transactions financières et à en affecter une partie au développement, ce que le précédent gouvernement n’avait malheureusement pas cru bon de faire.

Par ailleurs – cela peut paraître loin du sujet mais la faim dans le monde est aussi une question de spéculation –, la loi bancaire française est la première loi au monde qui va interdire aux banques françaises de spéculer sur les matières premières agricoles. Nous pouvons en être fiers, même si la droite, là encore, a voté contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Situation de la société Steco

M. le président. La parole est à M. Franck Marlin, pour le groupe de l’union pour un mouvement populaire.

M. Franck Marlin. J’associe à ma question Mme Marianne Dubois et M. Philippe Vigier.

Monsieur le ministre du redressement productif, « Toute notre énergie à votre service » : ce slogan appartient à la société Steco, située dans le nord Loiret, aux frontières du sud Essonne et de l’Eure-et-Loir.

Cette entreprise, créée en 1946, fermera malheureusement ses portes le 30 juin prochain, sur décision du tribunal de commerce d’Orléans, faute de repreneur.

Pas moins de 120 salariés, ceux qui manifestent leur mécontentement en ce moment-même aux portes de l’Assemblée nationale, sont malheureusement voués à rejoindre les rangs des demandeurs d’emploi, chaque jour plus nombreux, hélas, dans notre pays, à cause de vous, monsieur le ministre.

M. Jean-Luc Laurent. Démago !

M. Franck Marlin. Nous aurions aimé que ce slogan soit le vôtre, monsieur le ministre. Steco, vous le savez, est le dernier fabricant français de batteries. Le spécialiste du made in France, c’est vous, c’est nous, mais une fois de plus, force est de reconnaître que vous faites peu de choses pour aider nos salariés.

Pourtant, en 2010, cette société et ses salariés ont fait preuve d’initiative et d’anticipation en lançant sur le marché une nouvelle génération de batterie verte. Voilà un bel exemple de made in France monsieur le ministre.

Il est peut-être moins facile et élégant de porter une batterie qu’un béret ou une marinière, mais c’est un outil industriel français qui aurait mérité que vous et votre gouvernement lui portiez plus d’intérêt et de considération.

S’il est nécessaire, vous avez raison, de vanter les mérites de la France pour accueillir de nouvelles entreprises, il est tout aussi essentiel de prendre des mesures pour sauvegarder et assurer la pérennité des industries présentes sur notre territoire, à condition bien entendu d’y associer tous les acteurs économiques concernés et les partenaires politiques.

Monsieur le ministre, vous qui prônez le made in France quand allez-vous passer du stade des incantations à celui de l’action ? Qu’allez-vous faire pour ces salariés, ceux qui manifestent ? Quand allez-vous enfin mettre toute votre énergie au service des salariés et de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député, voici un dossier que le ministère dont j’ai la charge connaît bien. Il est d’ailleurs directement suivi par le commissaire au redressement productif qui a engagé un certain nombre de démarches que vous n’ignorez pas.

Les difficultés de cette entreprise qui fabrique des batteries sont anciennes. Le prix du plomb, qui représente 60 % du coût de fabrication d’une batterie, a doublé en quelques années alors que, parallèlement, le marché de l’automobile chutait. Les problèmes que rencontre cette entreprise sont par conséquent assez considérables.

Cette entreprise peut pourtant s’enorgueillir d’un véritable savoir-faire, même s’il faut encore consentir des efforts pour améliorer les investissements, reprendre le cycle de la recherche et du développement.

Qu’avons-nous fait dans ce dossier, monsieur le député, puisque vous semblez vous plaindre que mes services ou que le commissaire au redressement productif n’auraient pas fait preuve de suffisamment d’énergie ?

Nous avons tout d’abord fait un moratoire sur les dettes fiscales et sociales de la société envers l’État, pour ne pas handicaper une éventuelle reprise.

Nous avons par ailleurs octroyé une aide à la réindustrialisation d’un montant de un million. Cette somme importante permettrait à d’éventuels repreneurs de disposer d’avances remboursables sur lesquelles ils pourraient adosser un redémarrage et une recapitalisation.

Malgré ces dispositions, le plan de continuation n’a pas pu être respecté et il n’a pas été trouvé de repreneur. Quinze personnes disposées à reprendre l’entreprise se sont présentées devant l’administrateur judiciaire. Elles ont finalement renoncé faute de moyens et de capitaux suffisants par rapport à un outil de travail qui pourtant, pour nous, représentait des éléments d’espérance.

Il reste jusqu’au 10 juillet pour convaincre un repreneur. Vous-même, d’ailleurs, si vous pouvez y contribuer et convaincre des repreneurs, vous aurez participé comme nous tous au redressement productif.

Il nous reste jusqu’au 10 juillet. Je ne désespère pas de défendre la dernière usine de batteries made in France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Laurent. Excellente réponse !

Accès à la CMU complémentaire pour les personnes handicapées

M. le président. La parole est à M. Thierry Robert.

M. Thierry Robert. Madame la ministre en charge des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, ma question concerne l’accès à la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, pour les personnes à mobilité réduite.

Madame la ministre, avant la revalorisation de l’allocation adulte handicapé, l’AAH, les bénéficiaires étaient automatiquement éligibles à la CMU-C. On le sait, lors du dernier quinquennat, l’AAH a été revalorisée de 25 %. Ainsi, ses bénéficiaires peuvent à présent toucher jusqu’à 776 euros par mois. Cette mesure va bien évidemment dans le bon sens mais elle reste incomplète. En effet, le plafond de la CMU-C n’a pas encore été revalorisé. En conséquence, les bénéficiaires actuels de l’AAH dépassent le plafond qui leur permet de bénéficier de la CMU-C. Le but était d’augmenter le pouvoir d’achat de ces personnes mais paradoxalement, elles en ont perdu.

Par ailleurs, les personnes handicapées ont de grandes difficultés à obtenir d’une mutuelle qu’elle accepte de les prendre en charge car les soins sont trop coûteux. L’accès à la CMU-C est donc une nécessité absolue pour que ces personnes parviennent à subvenir à leurs besoins quotidiens en matière de santé.

Alors que notre économie est entrée en récession, les personnes porteuses de handicap sont les premières et les plus durement touchées par les difficultés et la perte de leur pouvoir d’achat.

Madame la ministre, que comptez-vous faire pour garantir aux bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé un droit d’accès automatique à la CMU-C, quel que soit leur degré de handicap ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargé des handicapés.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des handicapés. Monsieur le député, l’accès aux soins des plus fragiles, des plus démunis, et particulièrement des personnes en situation de handicap, est une priorité du Gouvernement, qui s’est d’ailleurs immédiatement traduite dans les faits par des actes concrets.

Dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté et la précarité, annoncé en janvier, nous avons pris la décision d’augmenter le plafond de la CMU-C et de la complémentaire santé de 7 % en plus de l’inflation, dès le 1er juillet prochain.

Concrètement, 750 000 personnes de plus auront accès à ces deux dispositifs dont 100 000 personnes bénéficiaires de l’AAH, soit une personne sur trois contre une personne sur cinq aujourd’hui. L’effort considérable que nous faisons prouve bien l’intérêt que nous portons tant à l’accès aux soins des personnes handicapées qu’à l’accès au droit.

Quant à l’accès au droit, le taux de non recours à la CMU-C comme à la complémentaire santé nous inquiète. Nous allons prendre des dispositions à ce sujet. Nous allons ainsi mener une campagne d’information sur l’accès au droit. Nous avons également engagé des démarches de simplification et nous avons d’ores et déjà pris des décisions, comme la signature d’une convention entre l’Union nationale des CCAS et l’assurance maladie pour permettre de pré-inscrire les demandeurs de l’ACS.

Nous avons aussi expérimenté le bénéfice automatique de la complémentaire santé pour les bénéficiaires du minimum vieillesse. Depuis mai 2013, l’accès aux tarifs sociaux est automatique pour les bénéficiaires d’une complémentaire santé.

Plus généralement, c’est l’accès aux soins dans notre pays pour les personnes en situation de handicap qui est un peu plus difficile, ce qui est véritablement injuste.

Elles sont exclues des procédures de prévention et de santé. Nous devons nous adapter. Ce sera l’objet n° 1 du Comité interministériel du handicap qui sera prochainement présidé par le Premier ministre. (Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Modification de l’ordre du jour prioritaire

M. le président. Le Gouvernement a informé le président de l’Assemblée nationale que l’examen du projet de loi sur la consommation commencerait le lundi 24 juin après-midi à la suite de l’examen de la proposition de résolution en hommage à Aimé Césaire.

La discussion du projet de loi de règlement et le débat d’orientation des finances publiques sont reportés à une date ultérieure.

4

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour un rappel au règlement.

M. François Rochebloine. Mon intervention se fonde sur l’article 47, alinéa 2, du règlement.

J’ai pu constater, comme l’ensemble de nos collègues sans doute, qu’au cours des questions au Gouvernement, deux jeunes femmes, dans les tribunes du public, portaient un voile. Or nous nous trouvons ici dans un lieu public.

Mme Valérie Boyer. En effet !

M. François Rochebloine. Il faut que le personnel de l’Assemblée, inquiet de ne savoir que faire, reçoive des instructions très précises. Ce qui s’est passé cet après-midi, et qui n’est pas une nouveauté, est anormal et ne doit plus se reproduire. Nous sommes, je le répète, dans un lieu public. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RRDP.)

Mme Valérie Boyer et M. Christian Kert. Très bien !

5

Conditions de privatisation de la Société nationale Corse Méditerranée

Discussion d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de résolution de M. Paul Giacobbi et de plusieurs de ses collègues, tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions de privatisation de la Société nationale Corse Méditerranée (nos1053, 1111).

Explications de vote

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le président, monsieur le ministre des transports, mes chers collègues, j’ai suffisamment ennuyé l’Assemblée sur ce sujet pour ne pas vouloir la lasser davantage. Les conditions de privatisation de la SNCM ont d’emblée posé problème. Cela s’est malheureusement trouvé confirmé par un certain nombre de décisions juridictionnelles ou para-juridictionnelles qui, même si elles sont sans doute contestées à juste titre, montrent la difficulté de l’entreprise et, au fond, que tout n’avait pas été parfaitement défini et qu’il y avait des irrégularités.

La commission des finances a examiné la proposition de résolution dont votre serviteur est l’auteur récidiviste - j’avais en effet déjà déposé, en 2011, au titre du groupe SRC qui avait bien voulu l’accepter, une proposition à peu près semblable.

Il ressort des débats en commission - que je me dois de rapporter très brièvement - que les représentants des différents groupes considèrent que cette proposition de résolution est recevable, opportune.

Reste qu’il s’est établi une sorte de consensus autour du fait que la commission d’enquête envisagée porte bien sur les conditions de privatisation de la SNCM à l’époque et non pas sur ce qu’il conviendrait de faire aujourd’hui pour sortir de la situation où nous nous trouvons. Ce n’est pas, en effet, l’objet d’une commission d’enquête parlementaire mais bel et bien le rôle du Gouvernement. Et, à titre personnel, je fais parfaitement confiance au Gouvernement pour trouver les voies et moyens de sortir de la situation actuelle. Voilà ce que je souhaitais dire sur le sujet.

L’affaire est suffisamment importante sur le plan financier, puisque les montants en jeu sont considérables et se comptent en centaines de millions d’euros ; elle l’est aussi, et c’est encore plus important, par les risques qu’elle fait peser sur l’emploi, puisque mille quatre cents à mille cinq cents emplois sont directement concernés, et un peu plus de manière indirecte.

Cela nous incitera à examiner soigneusement, à l’avenir, les méthodes employées, et à déterminer, dans ce cas précis, comment la collectivité territoriale de Corse aurait dû être associée aux décisions qui ont été prises au plan national, puisqu’elle ne l’a pas été suffisamment.

Pour toutes ces raisons, monsieur le président, mes chers collègues, le groupe RRDP est évidemment favorable à cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. Alain Tourret. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la gauche démocrate et républicaine.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de création d’une commission d’enquête sur les conditions de la privatisation de la SNCM, déposée par notre collègue Paul Giacobbi et le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, retient tout l’intérêt de notre groupe, étant donné l’inquiétude que suscitent la situation de la compagnie maritime et l’avenir du service public de continuité territoriale entre la Corse et le continent.

La SNCM se trouve en effet dans une situation critique et elle a connu, depuis sa recapitalisation-privatisation, de nombreux soubresauts. Le plus important d’entre eux est dû à l’attitude de la Commission européenne, qui exige d’elle le remboursement de 220 millions d’euros d’aides publiques ; par ailleurs, le jugement en première instance sur l’opération de privatisation en elle-même condamnerait la compagnie à une mort certaine.

Ces décisions ont été prises à la suite d’une plainte de l’entreprise Corsica Ferries, qui pratique un dumping social inacceptable. Je dois rappeler à l’Assemblée que cette compagnie low cost a été condamnée pour dégazage illégal d’un Mega Express au large du Cap Corse en mai 2004, et que sa candidature à l’appel d’offres de délégation de service public pour la période 2014-2023 a été rejetée, du fait de la vétusté de sa flotte.

Les deux décisions du tribunal européen s’appuient sur le principe de concurrence libre et non faussée, qui a été rejeté par les Français en mai 2005. Ce qui est en jeu, c’est la continuité territoriale et l’obligation, que nous revendiquons, de battre pavillon français de premier registre, comme le fait la SNCM, ce qui exige de repousser les limites que fixe la Commission européenne. En ce sens, nous partageons les craintes exprimées par la proposition de résolution. La situation de la SNCM est grave et les choix que l’on fait, en ce moment même, déterminent l’avenir de la compagnie et les quatre mille emplois directs et induits qu’elle génère.

Les menaces qui pèsent sur la compagnie sont liées, tout autant aux conditions de sa privatisation, qu’aux recours contentieux qui s’y trouvent mêlés, et que décrit parfaitement la proposition de résolution qui nous est soumise. Mais il est à craindre que la commission d’enquête détermine les causes de cette situation sans pouvoir, en raison de son spectre, produire des solutions.

Chacun sait, en effet, que d’autres facteurs entrent en ligne de compte, notamment la décision de non-indexation de la dotation de continuité territoriale, qui a pour conséquence d’aggraver les coûts pour la compagnie, déjà touchée par l’envolée des prix des carburants. Et ce d’autant plus que la compagnie n’a pas fait les investissements nécessaires au renouvellement de sa flotte, qui pourraient se traduire par la construction de navires de nouvelle génération au gaz naturel liquéfié, plus sobres et plus écologiques.

Cette stratégie, qui a été annoncée par le candidat François Hollande dans son document « Le défi maritime français », a une dimension économique, industrielle et écologique majeure. Je l’ai dit, les conditions de l’attribution de la délégation de service public pour la période 2014-2023 sont au cœur des enjeux actuels. La décision, prise la semaine dernière, de procéder à un nouveau tour de table avec l’ensemble des candidats, fait à nouveau le jeu de Corsica Ferries, alors même que l’Office des transports de la Corse avait jugé son offre inacceptable.

Le syndicat des marins CGT des compagnies SNCM et CNM a déposé un préavis de grève de vingt-quatre heures reconductibles à compter du 27 juin 2013. Chacun mesure les conséquences qu’il aurait, si des négociations n’étaient pas entamées dès aujourd’hui.

Je profite donc de cette explication de vote pour appeler le Gouvernement à ouvrir une véritable négociation avec tous les acteurs concernés – collectivités territoriales, actionnaires de la SNCM et syndicats –, à trouver une solution privilégiant la qualité du service public de continuité territoriale, et à la financer.

Au cœur de toutes ces questions se trouve la transparence des aides apportées pour garantir la pérennité du service public de continuité territoriale. Mon collègue Gaby Charroux a fait en commission des finances la proposition d’élargir les prérogatives de la commission d’enquête et de lui confier l’examen de l’utilisation des aides apportées par l’État au titre de la continuité territoriale, et plus globalement de l’utilisation des fonds publics par la compagnie Corsica Ferries.

Nous regrettons que la commission n’ait pas accepté cette proposition, qui était de nature à gagner du temps et qui nous aurait permis de jouer parfaitement notre rôle, qui est de contribuer au développement de la SNCM, de répondre aux enjeux qui lui sont liés et de créer les conditions de la mise en œuvre d’un projet ambitieux auquel tout le monde adhère, de transparence, de réindustrialisation, de transition écologique et de service public dans notre pays.

En dépit de cela, nous voterons cette proposition de résolution, en espérant que nos préoccupations relatives aux quatre mille emplois qui sont en jeu auront été entendues. ( Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le président, mes chers collègues, le groupe SRC est favorable à la création de cette commission d’enquête, qu’il souhaitait d’ailleurs déjà en 2011, et il n’a aucune raison aujourd’hui, bien au contraire, de ne pas souhaiter que la plus grande clarté soit faite sur les conditions dans lesquelles la privatisation de la SNCM s’est déroulée.

Pour quelles raisons ? D’abord parce que la situation de la SNCM est aujourd’hui problématique. Je veux dire, à ce sujet, que la commission d’enquête a un champ d’investigation parfaitement limité, et qu’il ne nous appartient pas de traiter de la situation actuelle de la SNCM, pas plus que de son avenir. Le Gouvernement et la collectivité territoriale de Corse sont actuellement dans une phase de discussions et de réflexions, qui tiennent compte, en particulier, des décisions de justice, passées et à venir.

Ce qui pose un problème, c’est d’abord le fait que l’Union européenne ait qualifié d’« aide d’État » la participation de l’État à la recapitalisation de la société ; on s’interroge, par ailleurs, sur la manière dont, dans le cadre de la délégation de service public, les aides apportées par la collectivité territoriale de Corse pourraient également être d’État.

En outre, ce processus de privatisation s’est fait par étapes et, alors que de l’argent public avait été engagé, des profits ont été faits. Il importe donc de réfléchir au lien entre les conditions dans lesquelles la privatisation s’est déroulée et la situation actuelle de cette société qui a, je le rappelle, un résultat négatif, un excédent brut d’investissement, ou EBIDTA, nul, et qui ne dispose pas aujourd’hui d’un plan d’affaires lui permettant de développer un plan industriel et un plan d’investissement. Tel est le problème qui se pose à nous.

Il importe, pour le résoudre, de faire la lumière sur la manière dont l’argent public a été utilisé, ne serait-ce que parce que la privatisation n’a pas été complète et que l’État reste aujourd’hui actionnaire pour une part importante dans cette société, et que l’avenir de la SNCM aura, pour l’Etat et pour le contribuable, des conséquences qui ne sont pas nulles.

Il convient donc de faire la clarté complète sur le processus, tel qu’il s’est passé, mais, je le répète - et nous étions tombés d’accord là-dessus, en commission des finances, avec le rapporteur Paul Giacobbi - ce sont bien les conditions de la privatisation, et elles seules, qui doivent être examinées par la commission d’enquête.

Il n’y pas lieu, en particulier, d’interférer à ce stade dans les discussions que le ministre Frédéric Cuvillier conduit avec la collectivité territoriale de Corse, les dirigeants de la SNCM, les autres actionnaires de la SNCM et les syndicats de salariés.

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour le groupe de l’union pour un mouvement populaire.

M. Camille de Rocca Serra. Paul Giacobbi l’a dit, la collectivité territoriale de Corse n’a pas été directement associée, mais elle l’a tout de même été en partie. Ce que je peux dire, c’est que les circonstances l’ont voulu ainsi à l’époque, et que nous ne sommes pas arrivés à cette privatisation par hasard.

Il y eut d’abord une décision de la Communauté européenne en 2003, puisque depuis 1996, la SNCM est dans l’obligation de mise en concurrence : c’est l’Union européenne qui le dit et nous devons l’assumer.

Pendant longtemps, on a trouvé des subterfuges pour éviter que cette mise en concurrence ne soit trop dommageable, notamment sur le plan social. C’est pour cela qu’on a construit tout un système, comprenant un service de base et un système complémentaire, qui ne fait pas l’unanimité sur ces bancs.

Cette société a néanmoins des problèmes, car elle compte de trop nombreux emplois pour assurer sa délégation de service public, le service de la Corse ; qu’elle n’arrive pas, par ailleurs, à se développer sur l’ensemble des réseaux méditerranéens qui auraient pu être utiles ; qu’elle n’est plus capable de recapitaliser. En effet, en 2003, l’Union européenne a accepté une dernière recapitalisation à hauteur de 76 millions d’euros – mais 66 millions effectifs, puisque 10 millions ont été distraits – à la condition que l’État s’engage à céder une partie de la flotte et une partie de ses actifs.

Qu’allait-il en résulter ? Une crise sociale majeure, qui s’est fait davantage sentir à Marseille qu’en Corse. Or tous les élus, et tous les gouvernements successifs, quelle que soit leur tendance, ont tenu, dès avant 2002, à défendre et à proroger la paix sociale dans cette entreprise, qui puisait, aux trois quarts, dans le bassin d’emploi, de Marseille-PACA. C’est ainsi que la collectivité territoriale de Corse a été contrainte de créer une délégation de service public, susceptible d’atteindre cet objectif.

Puis l’Union européenne a dit qu’il fallait céder des actifs. En 2005, il y avait deux possibilités. Si vous en trouvez une troisième, il faudra l’exposer. La première, qui a été évoquée, c’était de laisser mourir l’entreprise à petit feu : la Société nationale maritime Corse Méditerranée, à 100 % publique pouvait-elle être laissée à l’abandon, jusqu’à la liquidation ? La deuxième possibilité consistait, comme cela avait été fait auparavant pour Air France, à ouvrir le capital. Certains voulaient une ouverture totale, mais pour ma part, lorsque nous avons été associés à cette discussion ultérieurement, j’ai fait partie de ceux qui se sont opposés à la privatisation totale. Nous avons non seulement demandé que l’État reste dans le capital – nous espérions qu’il conserverait 33 % des parts, et il n’en a conservé que 25 % – et j’ai moi-même demandé que les salariés soient associés au capital : ils le sont à hauteur de 9 %, ce qui fait un total de 34 %, au-delà de la minorité de blocage. C’était une option, et c’est celle que nous avons choisie.

Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles cela s’est passé. On dit, et c’est peut-être vrai, qu’il y eut un marché de gré à gré. Il y a peut-être eu, comme cela se fait aujourd’hui, cher Paul Giacobbi, dans le cadre de la délégation de service public, un appel d’offres infructueux, suivi d’une négociation. C’est ce que nous faisons aujourd’hui, parce que nous n’avons pas d’autre solution.

Je ne sais pas si c’était la seule possibilité ; rien ne dit que ce n’était pas possible, rien ne dit que ce n’était pas souhaitable. La vraie question touche aux cessions d’actifs et à l’arrivée de ce que nous avions initialement demandé, un professionnel du transport, ou plutôt un industriel, qui s’appelle Veolia. Il est vrai que Veolia n’était pas, à proprement parler, un spécialiste du transport maritime, mais ce que je crois savoir, c’est qu’à l’époque, aucun des grands opérateurs du transport maritime dans cette partie de la Méditerranée, au départ de Marseille, n’était franchement prêt à venir sur ce segment et à reprendre une entreprise qui présentait des problèmes sociaux importants.

Telle était la situation de départ. Des interrogations légitimes existent, et nous ne nous opposerons jamais à ce que la lumière soit faite sur ces dossiers.

Aujourd’hui, Bruxelles sanctionne les aides perçues au titre du service complémentaire et le Gouvernement veut faire appel de cette décision. Le Tribunal de première instance de l’Union européenne a annulé la décision prise par la Commission européenne. Le Gouvernement et l’Union européenne s’opposent, et nous devons défendre le service maritime pour la Corse. C’est pour moi l’essentiel. Le groupe UMP ne s’opposera pas à la création de cette commission d’enquête.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution du groupe RRDP propose la création d’une commission d’enquête afin de connaître les conditions dans lesquelles la privatisation de la SNCM a eu lieu.

Comme l’ont rappelé les précédents orateurs, la SNCM est un opérateur indispensable qui joue un rôle majeur de transport vers la Corse, la Sardaigne, l’Algérie et la Tunisie. Cette société est en grande difficulté, puisqu’elle est à deux doigts de mettre la clé sous la porte.

L’objet de cette commission d’enquête est de comprendre comment nous en sommes arrivés là.

À sa création, la SNCM était une entreprise publique détenue à 75 % par la Compagnie générale maritime et à 25 % par la SNCF. En 2005, sa privatisation a été engagée sur la base d’une procédure de vente de gré à gré. En 2006, la Commission européenne avait validé cette vente, et l’État s’est donc retrouvé propriétaire à hauteur de 25 % de la SNCM.

Mais la SNCM a connu des difficultés majeures, et elle a enregistré un déficit de 12 millions d’euros en 2012. Pire, des décisions graves viennent d’être prises au niveau de l’Union européenne. Tout d’abord, par un jugement du 11 septembre 2012, le Tribunal de première instance a annulé la décision prise en 2008 par la Commission européenne approuvant la recapitalisation et la privatisation de la SNCM. Cela signifie qu’il pourrait être exigé que 230 millions de concours publics soient remboursés.

De plus, la région Corse avait apporté un financement de 230 millions d’euros au titre des services complémentaires. La Commission a requalifié ce financement en aide d’État. Ce sont donc 450 millions d’euros qui doivent être remboursés, alors que le chiffre d’affaires de la compagnie n’est que de 300 millions d’euros. Près de 1 700 emplois sont en jeu, c’est donc un véritable drame social et économique pour le principal employeur de cette région.

À nos yeux, cette commission d’enquête sera chargée de faire la lumière sur les conditions de cette privatisation. Dans la mesure où la stratégie de prise de participation de l’État et de privatisation s’est soldée par un échec, je crois qu’il faut rendre des comptes au contribuable français. Il me paraît donc indispensable d’éclairer la représentation nationale sur les incertitudes qui entourent la privatisation de la SNCM.

La première question à laquelle il faudra répondre, et je souhaite que nous puissions avoir les éléments nécessaires, est de savoir dans quelles conditions s’est passée cette vente de gré à gré. Comment se fait-il que la représentation nationale n’ait pas été consultée à ce moment ?

Nous devrons également nous interroger sur le rôle des acteurs de cette privatisation. Ainsi, le fonds d’investissement Butler capital partners, après être entré au capital à hauteur de 38 % pour un montant de 13 millions d’euros, a revendu ses parts quelques années plus tard, en 2008, pour un montant de 73 millions d’euros. Cela représente une plus-value de 60 millions d’euros en trois ans.

Il faudra tenir compte des enseignements sur les dysfonctionnements éventuels de cette privatisation pour qu’à l’avenir, l’État intervienne à bon escient. Nous répétons souvent que nous avons besoin d’un État stratège, qui protège l’emploi, et pas d’un État mauvais gestionnaire et qui fragilise l’emploi.

Dans cette situation difficile, sachant que nous ne pouvons pas laisser 1 700 personnes risquer de perdre leur emploi et que nous avons besoin de cet opérateur, nous sommes favorables à la création de cette commission d’enquête sur les conditions de privatisation de la SNCM afin que toute la clarté puisse être faite sur cette affaire.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la création d’une commission d’enquête parlementaire est toujours la démonstration d’un échec, d’un dysfonctionnement. Dans le cas présent, nous constatons que beaucoup d’éléments semblent avoir amené à la disparition d’une entreprise qui, au final, aura profité à quelques fonds d’investissement.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Qui peut avoir conduit une entreprise, la SNCM, qui faisait la fierté des régions Corse et Provence-Alpes-Côte d’Azur, à ne plus être que l’ombre d’elle-même, attendant à l’agonie le coup de grâce d’une injonction européenne ?

Cette entreprise était florissante, et rayonnait avec ses deux navires amiraux, le Danielle Casanova e t le Napoléon Bonaparte, d ont les noms traduisent ce lien entre la Corse et le continent.

Aujourd’hui, sept ans plus tard, où en sommes nous ? La SNCM a connu une descente aux enfers en termes d’activité, prise en étau entre la concurrence déloyale d’autres compagnies telle que Corsica Ferries et la vente de ses actifs, ses navires amiraux en premier lieu. Cet étau s’est traduit par une perte de 12 millions d’euros en 2012, pour un chiffre d’affaires de 300 millions.

Voilà de plus que l’Europe, à juste titre ou non, demande à la SNCM le remboursement de tout ou partie du concours public obtenu. Cela représente un montant de 230 millions d’euros, soit 75 % de son chiffre d’affaires actuel. Pire, l’entreprise est aussi menacée de devoir rembourser à l’office des transports de la Corse 220 millions d’euros au titre des services complémentaires. Au total, ces deux sommes représentent plus de 180 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. Cela signifierait sans aucun doute la fin de la SNCM.

Si nous en sommes arrivés là, c’est bien à la suite d’un choix politique qui a amené à privatiser la SNCM en 2005 au profit d’un fonds d’investissement, Butler capital partners, qui a étrangement bénéficié de ces aides et de la bienveillance de l’État alors que son engagement était limité et plus faible que d’autres offres, dont celle de Connex. Ce fonds a réalisé une plus-value de 50 millions d’euros quelques années plus tard en sortant du capital pour revendre ses parts à Veolia transdev, qui n’est autre que la nouvelle dénomination de la société Connex, dont l’offre avait été repoussée en 2005 et qui a payé son entrée majoritaire dans le capital de la SNCM en 2008 bien plus cher que si elle avait été retenue trois ans plus tôt.

Il est important de rappeler que Veolia transdev est détenu en grande partie par la Caisse des dépôts et consignations, institution qui ne gère pas l’argent de l’État, mais l’épargne des Français collectée dans le cadre du livret A. Comment croire en un tel scénario de montage financier complexe, ne respectant aucune règle prudentielle habituelle, écartant le contrôle de l’État et de ses représentants ? Pourtant ce scénario s’est accompli, entraînant à sa perte toute une entreprise, ses 1 700 emplois directs, ainsi que l’économie complémentaire qu’elle générait.

Il est donc plus que nécessaire de remettre les choses à l’endroit. Cette commission d’enquête permettra, espérons-le, de faire toute la lumière sur ce mauvais feuilleton financier et ce drame social en devenir.

Malheureusement, aux problèmes de la SNCM ont succédé ceux de SeaFrance. Il n’y a pas de fatalité à ce que les sociétés de transport maritime de passagers ne fonctionnent pas en France. N’aurait-il pas fallu s’inspirer de ce qui se fait avec la Brittany Ferries, qui a aussi connu des difficultés, mais qui est une société de transport maritime ancrée dans la réalité de deux régions, la Bretagne et la Normandie, et qui assure des liaisons régulières dynamiques entre ces régions et les îles britanniques ?

Nous devons examiner le passé, afin de s’assurer que les intérêts de la nation et des Français n’ont pas été spoliés, et faire toute la vérité en la matière. Nous devons parallèlement soutenir toute initiative qui apporterait des garanties dans l’avenir afin que les intérêts collectifs soient assurés, notamment en donnant aux Parlementaires toute leur place dans le contrôle des choix de l’exécutif d’alors. C’est pourquoi nous voterons en faveur de la création de cette commission d’enquête parlementaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Vote sur la création d’une commission d’enquête

M. le président. Je rappelle qu’aux termes de l’article 141, alinéa 3 du règlement, la demande de création d’une commission d’enquête est rejetée si la majorité des trois cinquièmes des membres de l’Assemblée s’y oppose, soit 346 voix. Seuls les députés défavorables à la création de la commission d’enquête participent au scrutin.

Qui est contre ?

(La majorité requise pour le rejet n’est pas atteinte.)

M. le président. La demande de création d’une commission d’enquête est adoptée. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

6

Réponse du président à un rappel au règlement

M. le président. Monsieur Rochebloine a, par un rappel au règlement, contesté la présence dans les tribunes de personnes voilées. Il me paraît nécessaire de faire une mise au point.

Je rappelle que la question a déjà été soumise au Bureau de l’Assemblée, à plusieurs reprises.

Le Bureau a estimé qu’il n’y avait pas de disposition réglementaire interdisant le port de vêtements ou de signes extérieurs d’appartenance religieuse. Toutefois, dans le cas où le comportement du public troublerait l’ordre de nos débats et que des mesures devraient être prises, nous le ferions.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

7

Respect de l’exception culturelle

Discussion d’une proposition de résolution européenne

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne de Mme Danielle Auroi et M. Patrick Bloche relative au respect de l’exception culturelle (nos 875, 943, 917).

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour un rappel au règlement.

M. Pierre Lellouche. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1.

Aux termes de la Constitution, le Gouvernement est maître de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. En supprimant purement et simplement le débat, prévu cet après-midi en séance publique, sur la proposition de résolution déposée par notre collègue Seybah Dagoma et consacrée au futur accord de libre-échange Europe-États-Unis, et en lui substituant un vrai faux débat tronqué sur l’exception culturelle, c’est à un véritable déni de démocratie, à une véritable imposture, que vient de se livrer le Gouvernement, à la fois sur la forme et sur le fond.

Sur la forme, le Gouvernement prend les parlementaires de tous les bancs pour des attardés mentaux en faisant mine de croire que la discussion sur l’exception culturelle, aussi importante soit-elle, puisse à elle seule remplacer le débat envisagé sur la totalité du traité. Le Premier ministre n’a apparemment pas eu le temps d’examiner ce dossier, ni le rapport de Mme Dagoma, pour découvrir que l’exception culturelle ne constitue que l’un des chapitres de cette négociation très complexe qui couvre l’ensemble des domaines clés de l’économie mondiale et de notre économie nationale.

Sur le fond, ce déni de démocratie est encore plus intolérable quand on sait que le commerce international est une compétence exclusive de l’Union européenne. C’est même, avec l’agriculture, l’un des très rares domaines où la politique de l’Union est proprement fédéralisée. Dès lors que le mandat sera donné, dans deux jours, au négociateur européen, M. Karel De Gucht, celui-ci aura toute liberté pour négocier au nom de l’Union et arbitrer lui-même entre les intérêts des différents États membres.

Le débat d’aujourd’hui était donc – j’insiste sur ce point, mes chers collègues – la dernière occasion pour l’Assemblée nationale de se prononcer sur ce traité avant le début de la négociation.

Il faut également savoir que ce traité ne sera pas présenté devant cette assemblée pour être ratifié. C’était donc aussi la dernière fois que la représentation nationale pouvait se prononcer sur les équilibres proposés par le Gouvernement, sur les différentes lignes jaunes et sur les problèmes que le Gouvernement entend soulever devant le négociateur.

Cette importance explique le soin avec lequel cette négociation a été suivie par l’ensemble des autres parlements dans les pays partenaires, en Europe et, bien sûr, aux États-Unis. Chacun comprend bien que les négociations commerciales entraînent des conséquences immédiates sur l’emploi et la compétitivité dans tous les pays.

Au nom du groupe UMP, je considère donc que la suppression, à la dernière minute, de ce débat par le Gouvernement revient à un scandaleux déni de démocratie. Le Gouvernement vient de piétiner les droits du Parlement. Il le fait tout simplement parce que, sur ce sujet particulier comme sur l’Europe, sa majorité est totalement divisée. Plutôt que d’affronter un débat qu’il aurait eu beaucoup de peine à contrôler, le Premier ministre a choisi de priver la nation d’un débat sur un sujet fondamental. Je le répète : c’est un scandale et une insulte pour les droits des parlementaires et de l’opposition. C’est aussi un signe inquiétant – je ne vous le cache pas – quant au mode de fonctionnement du pouvoir actuel.

Mes chers collègues, la République ne saurait pas vivre au rythme des marchandages, des amendements et des discussions, aussi respectables soient-ils, entre les différents courants du parti socialiste !

La France avait droit à un débat sur l’accord commercial entre l’Europe et les États-Unis : elle ne l’aura pas eu. En tant que parlementaire qui connaît un peu ces dossiers, je dois dire que c’est extrêmement grave. Ce n’est pas à l’honneur de ce Gouvernement.

M. le président. Mes chers collègues, mon intervention sera évidemment purement factuelle.

Le Gouvernement est effectivement maître de l’ordre du jour,…

M. Pierre Lellouche. C’est ce que j’ai dit !

M. le président. …comme M. Lellouche l’a dit très justement, à l’exception de celui de la semaine de l’Assemblée et de la semaine de contrôle.

Nous sommes actuellement en semaine de contrôle. La demande de retrait du débat de notre ordre du jour ne résulte donc pas d’une initiative gouvernementale, mais d’une initiative des auteurs de la résolution. Cette demande de retrait est intervenue le 4 juin et a été suivie par la conférence des présidents.

La parole est à M. François de Rugy, pour un rappel au règlement.

M. François de Rugy. À ce stade du débat, je souhaite intervenir, au nom du groupe écologiste, sur la forme – Noël Mamère interviendra tout à l’heure sur le fond, dans le cadre de la discussion générale.

M. Lellouche s’est un peu emporté lors des questions au Gouvernement. Cependant, il a posé une question. Je ne partage pas tout ce qu’il a dit ; je récuse notamment la dramatisation de ses propos, qui ne doit d’ailleurs pas être si forte puisque son groupe n’est représenté que par lui-même et deux autres députés. En revanche, s’agissant du déroulement de ce débat, je veux également exprimer des regrets : on donne l’impression qu’il est cantonné à la question de l’exception culturelle. Certes, il s’agit d’un sujet très important, et nous remercions le Premier ministre qui a dit tout à l’heure que la France était à la pointe du combat sur ce sujet ; mais ne réduisons pas les négociations commerciales entre deux entités aussi importantes que l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique au sujet de l’exception culturelle.

Pour notre part, nous considérons qu’il aurait été bien plus intéressant que les deux propositions de résolution soient soumises à notre débat. Nous avons été surpris lorsque nous avons appris qu’une partie du débat allait être escamotée à cause de ce retrait. Nous l’avons regretté en conférence des présidents et je tenais à réitérer ici ces propos, au nom de mon groupe, avec la plus grande clarté.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour un rappel au règlement.

Mme Marie-George Buffet. Je trouve à mon tour dommageable – j’aurai l’occasion d’y revenir tout à l’heure – que ce beau combat pour l’exception culturelle et la défense de l’audiovisuel soit terni, dans le contexte actuel, par l’impossibilité d’examiner l’ensemble du mandat qui va être confié à l’Union européenne pour la négociation avec les États-Unis. Dans ce mandat figurent des questions essentielles, qui touchent à l’environnement, à la santé et au service public. Il aurait été opportun d’en débattre ; en faisant entendre la voix de la France sur l’ensemble de ce mandat, le débat à l’Assemblée nationale aurait pu renforcer la position du Gouvernement.

Ce soir, nous allons débattre de l’exception culturelle. Je m’en félicite, car cette question est très importante. Mais j’aurais préféré que cette discussion puisse avoir lieu dans le cadre d’un débat global.

M. le président. La parole est à Mme la ministre du commerce extérieur.

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Je serai à la table du Conseil des ministres du commerce extérieur le 14 juin. Au nom du Gouvernement, je veux donc répondre aux parlementaires qui l’ont interpellé : même si l’ordre du jour de cette semaine est fixé par l’Assemblée nationale, il est normal que j’apporte une réponse.

En l’état actuel, la France a fixé trois lignes rouges.

La première consiste à exclure du mandat les sujets relatifs à la défense. La Commission nous a entendus et a retiré du mandat tout ce qui concerne les marchés de défense. Bien que nous voulions profiter de cette négociation pour accentuer l’ouverture des marchés publics américains, qui sont beaucoup plus fermés que les marchés publics européens, nous ne souhaitons pas que les États-Unis fassent ingérence dans notre politique de défense. Nous sommes tous d’accord sur ce point.

Concernant les préférences collectives – on regroupe sous ce terme tout ce qui touche essentiellement à l’agriculture –, nous ne voulons pas voir, dans les assiettes européennes, du bœuf aux hormones ou des OGM. Nous ne voulons pas que nos boucheries disposent des carcasses décontaminées à l’américaine. Nous ne voulons pas non plus du clonage animal. Nous avons imposé à la Commission d’indiquer très explicitement ces éléments dans le mandat. La Commission européenne a entendu cet appel de la France et l’a explicitement mentionné dans le projet de mandat qu’elle soumettra après-demain aux États membres.

Reste l’exception culturelle, dont nous allons débattre et sur laquelle le Premier ministre s’est exprimé tout à l’heure. Nos entreprises ont des intérêts offensifs.

Monsieur Lellouche, vous êtes membre de la commission des affaires étrangères, et vous étiez présent lorsque je suis venue débattre, à l’invitation de votre présidente, Mme Guigou, des positions que je défendrai dans le cadre de l’ensemble de ce projet de partenariat transatlantique.

Depuis lors, nous avons tenu bon sur nos lignes rouges, et nous avons fait valoir nos intérêts offensifs dans le domaine de l’agroalimentaire, des marchés publics, de la pharmacie, de la chimie, du textile et de l’habillement. Nous continuerons à les faire valoir.

Cela étant, il reste un sujet important, qui ne devient pas technique, comme le voudrait la Commission, mais politique, comme le Premier ministre l’a dit tout à l’heure et comme nous le redirons avec force : il s’agit du sujet de l’exception culturelle qui, pour nous, ne peut pas être un otage de la négociation.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour un ultime rappel au règlement.

M. Pierre Lellouche. Je veux simplement répondre à cette argutie juridique selon laquelle le Gouvernement n’est plus en charge de l’ordre du jour de cette assemblée pendant la semaine de contrôle. À qui allez-vous faire croire que ce débat a été supprimé parce que la rapporteure, qui a d’ailleurs très bien travaillé, a décidé un beau matin qu’elle ne souhaitait finalement pas que l’on débatte de son rapport ? Le groupe majoritaire est en lien avec le Premier ministre : ce sont les règles de fonctionnement de notre Parlement sous la Ve  République. Arrêtons de jouer sur les mots ! Le Premier ministre a décidé, pour des raisons qui lui appartiennent et qui tiennent, à mon avis, au désordre dans sa majorité, de ne pas traiter au fond les questions que Mme Bricq vient d’énumérer. Mais cette simple énumération permet déjà de constater la complexité du dossier.

Madame Bricq, on ne peut pas dire que la position de la France se résume à des lignes rouges que l’on égrène !

Mme Nicole Bricq, ministre. Nous sommes d’accord !

M. Pierre Lellouche. Une telle stratégie de négociation ne permet pas d’aller très loin !

Certes, l’exception culturelle fait partie des tabous nationaux. Mais s’agissant de la défense, cela peut se discuter, sachant que l’industrie de l’armement ne fait pas partie du Marché unique européen, et que les marchés demeurent nationaux. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Ce sont les Américains qui font leur marché en Europe, tandis que nous avons le plus grand mal à pénétrer le marché américain ! Ne convient-il pas de discuter de ce sujet et des alternatives possibles ?

Par ailleurs, dans les domaines financier, des services et de l’agriculture, il existe des dossiers considérables. Le sujet agricole ne se résume pas uniquement à la question des OGM.

Oui, tout cela méritait un débat en commission. Nous l’avons eu et le rapporteur a travaillé, mais le débat aurait mérité aussi que chaque groupe puisse s’exprimer sur ces questions majeures.

Cet accord transatlantique détermine la compétitivité et l’emploi dans notre pays.

M. le président. Merci, mon cher collègue.

M. Pierre Lellouche. Je le répète : retirer le débat de l’ordre du jour à la dernière seconde est une très mauvaise manière faite à la démocratie.

À votre place, mesdames les ministres, je ne serais pas très fier.

Mme Nicole Bricq, ministre. Laissez-moi donc mon libre arbitre !

M. Pierre Lellouche. À la place des parlementaires de la majorité non plus, d’ailleurs…

Mme Luce Pane. Allons donc !

M. le président. Nous avons bien compris, mon cher collègue.

M. Pierre Lellouche. J’ai rarement vu une chose pareille dans cette maison.

M. le président. Je ne répéterai pas les éléments de réponse que j’ai exposés tout à l’heure.

Présentation

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Patrick Bloche, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le président, madame la ministre du commerce extérieur, madame la ministre de la culture, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, permettez-moi d’adresser en votre nom un salut amical à Jack Ralite, promoteur si talentueux de l’exception culturelle, qui se trouve dans les tribunes du public. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et GDR.) Q u’il ne m’en veuille pas trop : je n’ai pas prévu de citer dans mon intervention René Char ou Paul Eluard. (Sourires.) Depuis le mois de février dernier, l’Union européenne puis le président des États-Unis ont acté le lancement de discussions formelles sur un accord de libre-échange bilatéral. La question des conditions précises de ces négociations est, depuis, devenue cruciale et sensible.

En l’occurrence, la Commission européenne négocie en suivant un mandat qui lui est conféré par le Conseil après avis du Parlement européen. L’initiative de la proposition de mandat appartient à la Commission, qui en a délibéré le 12 mars dernier, et c’est sur celle-ci que la proposition de résolution que nous vous présentons aujourd’hui se fonde.

Entre les États membres, la question du périmètre de la négociation est importante car tous n’ont naturellement pas les mêmes intérêts. La pratique communautaire prend là tout son sens lorsqu’il s’agit de dégager un bien commun européen respectueux des intérêts de chacun sans sacrifier une vision d’avenir qui dépasse les inévitables contradictions… sauf qu’en l’occurrence, la Commission a délibérément choisi dans sa proposition de mandat de ne pas respecter une des règles cardinales qu’elle avait observée jusqu’alors en matière de négociations commerciales et qui consistait à ne pas y inclure les services culturels et, surtout, audiovisuels qui sont les fondements de l’exception culturelle européenne.

C’est pourquoi nous avons déposé conjointement avec Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes, cette proposition de résolution visant à ce que l’exception culturelle, à laquelle nous sommes toutes et tous attachés, soit respectée dans ces futures négociations commerciales et, par conséquent, que cette position de la Commission soit contrée par les États membres qui doivent se prononcer sur le mandat de négociation lors de la réunion du Conseil prévue ce vendredi 14 juin.

Cette proposition a pour objet de faire respecter l’exception culturelle, c’est-à-dire le principe selon lequel la culture et les biens et services qui s’y rapportent ne sauraient être considérés à l’instar de marchandises comme les autres. Il en va, tout d’abord, de la préservation de notre modèle culturel dont la France, mais pas elle seule, est légitimement fière d’assurer le développement en prenant en compte plusieurs éléments d’action publique sur lesquels nous nous rassemblons : l’accès de tous à la culture et la diffusion culturelle ; le soutien aux créateurs grâce à des dispositifs d’aide et à des mécanismes de rémunération de la création ; la structuration d’une activité économique de la création, notamment dans le secteur audiovisuel ; la promotion de la diversité dans la création avec des mécanismes qui permettent d’orienter les ressources vers des formes d’expression qui ne trouveraient pas facilement leur place dans une pure logique de marché.

À cet égard, les principes appliqués au financement de l’audiovisuel et du cinéma doivent être particulièrement mis en avant.

À l’échelle de l’Europe comme en France, la contribution des secteurs culturels et de l’audiovisuel à l’économie et à l’emploi est attestée par la Commission européenne elle-même qui, dans une communication du 26 septembre 2012, soulignait les points suivants : ces secteurs représentent 3,3 % du PIB et emploient 6,7 millions de personnes, soit 3 % de l’emploi total ; entre 2008 et 2011, l’emploi s’y est révélé plus résistant que dans les autres secteurs de l’économie de l’Union.

Ce sont toutes ces potentialités en termes d’emploi et de croissance qui seraient remises en cause si les secteurs de la culture et de l’audiovisuel étaient soumis à la pure logique commerciale et, par conséquent, à la puissance de l’industrie américaine. Au-delà, en ce qui concerne la distribution des contenus, nul doute que les quatre grands acteurs désormais désignés par l’acronyme « GAFA », pour Google, Amazon, Facebook et Apple, apprécieraient un affaiblissement des régulations mises en œuvre en Europe dans le secteur audiovisuel et ne négligeraient pas non plus l’éventualité d’un accès aux aides et soutiens prévus par les dispositifs européens en cas d’application d’un principe d’égalité de traitement lié au libre-échange.

D’ailleurs, selon la commissaire Androulla Vassiliou, que nous avons récemment auditionnée, la Commission européenne n’a pas exclu les services audiovisuels du mandat de négociation en raison d’une demande expresse des États-Unis – il n’y a pas de hasard –, qui ont fait savoir qu’ils en faisaient une condition pour l’ouverture des négociations.

Mais en prenant cette position, la Commission se met en contradiction avec ses propres orientations stratégiques et avec les engagements contractés en matière de protection et de valorisation de la diversité culturelle.

Pourtant, contrairement à une idée reçue, l’exception culturelle n’est pas un protectionnisme et n’empêche pas le commerce et les échanges. C’est heureux que les œuvres de l’esprit puissent circuler sans entrave ! Il n’a jamais été question que l’exception culturelle signifie l’exclusion de la culture des échanges commerciaux.

Ce que nous voulons, c’est empêcher que la négociation commerciale comprenne des engagements, de la part de l’Europe, soumettant les biens et services culturels, notamment, audiovisuels à une libéralisation préjudiciable à la diversité des expressions culturelles ; éviter que par le jeu de la clause dite du traitement national, les industries du divertissement américaines bénéficient en Europe des mêmes encouragements et soutiens que la création d’expression européenne ; interdire que les secteurs culturels soient englobés dans un grand marchandage sans logique de préservation de la diversité des expressions culturelles.

C’est pourquoi la proposition de résolution vise tout d’abord, à l’égard de la Commission européenne, à réaffirmer l’importance que la France attache aux outils de l’exception culturelle.

Elle vise, ensuite, à garantir sans ambiguïté la mise en œuvre des principes et dispositifs de l’exception culturelle. Certes, la proposition de mandat de négociation prévoit que l’accord conclu ne pourra aboutir à affaiblir les législations en matière de protection et de promotion de la diversité culturelle et qu’il ne pourra pas contenir de clause qui risquerait de porter préjudice à la diversité culturelle de l’Union européenne, notamment dans le secteur audiovisuel.

Toutefois, rien ne garantit, en l’état, que de tels dispositifs ne seront pas rendus inopérants par le jeu des engagements souscrits dans le cadre de la négociation commerciale. Il est par ailleurs nécessaire de faire prévaloir une large acception de l’exception culturelle dans l’environnement numérique. La France et l’Europe doivent, à cet égard, - c’est essentiel - soutenir la position selon laquelle le support de l’échange est neutre. Dès lors, son caractère numérique et sa dématérialisation ne suffisent pas à autoriser un traitement différent en présence d’un bien ou service de nature culturelle.

Enfin, la proposition de résolution soutient la position du Gouvernement français et l’invite à user de tous les moyens dont il dispose, y compris, en dernier recours de son droit de veto comme vient de le rappeler M. le Premier ministre. Dès que le mandat de négociation proposé par la Commission a été connu, le Président de la République a souligné, le 15 mars dernier, que la France souhaitait que les services audiovisuels n’en fassent pas partie et que « ces domaines soient exclus du champ de la négociation » avec l’administration américaine. Vous avez, madame la ministre du commerce extérieur, rappelé cette position avec force et constance dans vos déclarations publiques.

De votre côté, madame la ministre de la culture, je sais l’énergie que vous avez déployée pour emmener une majorité de ministres de la culture européens qui se sont joints aux efforts de la France, en cosignant une lettre adressée à la présidence irlandaise de l’Union et à la Commission européenne. La mobilisation des cinéastes européens, lors de la conférence internationale sur l’exception culturelle organisée à l’occasion du Festival de Cannes a montré, s’il le fallait, l’engagement des cinéastes européens. Quelques jours plus tard, les mots de Steven Spielberg lors de la cérémonie de clôture du Festival, indiquant, je le cite, que « l’exception culturelle est le meilleur moyen de préserver la diversité du cinéma », ont montré que ce qui est en jeu dépasse la France et même l’Europe.

Le vote en commission du commerce international de l’amendement d’Henri Weber qui portait ce principe de l’exception culturelle puis le vote, sans appel – 391 voix pour, 191 contre et 17 abstentions – du Parlement européen le 23 mai dernier marque la volonté des représentants des peuples européens de soutenir la mobilisation de tous ceux qui défendent la diversité culturelle.

Nous souhaitons que l’Assemblée nationale à son tour, soutienne avec force cette proposition de résolution qui, je le rappelle, a été votée à l’unanimité des commissions des affaires européennes et des affaires culturelles et de l’éducation, pour contribuer activement au travail de conviction que le Gouvernement mène auprès des autres États membres afin de rassembler une majorité favorable au respect de la diversité culturelle et cela, dès la réunion du Conseil européen. Nous voulons que soit prise en compte cette ligne rouge parlementaire.

Aussi, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter avec conviction, détermination et enthousiasme cette proposition de résolution. En faisant cela, nous serons fidèles au message universel que la France porte au-delà de ses frontières depuis le siècle des Lumières. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Marcel Rogemont. Excellent !

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente et rapporteure de la commission des affaires européennes.

Mme Danielle Auroi, rapporteure de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, madame la ministre du commerce extérieur, madame la ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, comme l’a déjà brillamment exposé mon collègue et co-rapporteur Patrick Bloche, nous nous réunissons aujourd’hui pour examiner la nécessité d’exclure le cinéma et les services audiovisuels du mandat pour un « Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique ».

Le 14 juin prochain, le Conseil de l’Union européenne décidera en effet du contenu et du périmètre du mandat de négociation de la Commission européenne. Les premières propositions de la Commission nous ont inquiétés.

Aussi nous, parlementaires, avons aujourd’hui la responsabilité de donner de la voix pour défendre l’exception culturelle, désormais rebaptisée « respect de la diversité des expressions culturelles ».

Jusqu’ici l’Europe garantit cette diversité d’expression par le Traité de Lisbonne, comme par la convention des Nations unies du 20 octobre 2005, à laquelle l’Union européenne adhère, mais que les États-Unis ont refusé de signer et de ratifier !

Pourtant, la Commission européenne a décidé d’inclure les services audiovisuels dans ces négociations commerciales, menaçant entre autres l’existence du cinéma d’auteur, et, au-delà, la créativité de nombre de supports.

Pourtant, l’OMC elle-même avait fini par entériner le fait que la culture n’est pas une marchandise comme les autres !

L’enjeu est important. Aussi, notre commission, particulièrement attentive aux négociations commerciales et à la préservation de la diversité culturelle, a tenu à s’emparer du sujet en lien étroit avec la Commission des affaires culturelles.

J’en profite pour saluer ici l’implication de nos collègues, rapporteurs pour la commission, Marietta Karamanli et Rudy Salles, qui ont présenté une proposition de résolution sur le changement de réglementation européen quant aux aides de l’État dans le secteur du cinéma et qui travaillent sur le financement européen du cinéma. Je tiens aussi à remercier Seybah Dagoma et Marie-Louise Fort qui ont travaillé sur le juste échange

Le juste échange, voilà bien ce qui doit prévaloir dans nos relations transatlantiques. C’est la raison pour laquelle, notre commission et la commission des affaires étrangères, se sont également penchées sur l’entièreté du mandat de négociation, j’y reviendrai tout à l’heure.

De quoi s’agit-il à travers le texte que nous avons à examiner aujourd’hui ?

Cette résolution doit permettre au Gouvernement français, lors du Conseil d’après-demain, de demander une exclusion explicite des services audiovisuels du champ des négociations.

Les chiffres le montrent, le rapport de forces serait déséquilibré et se montrerait particulièrement favorable aux États-Unis. Il conduirait, à terme, à un déclin rapide de l’industrie du cinéma européen, à un assèchement de la production artistique, avec de très lourdes conséquences en termes d’emploi, de création, de rayonnement culturel.

Les cinéastes ne s’y trompent pas, qu’ils soient européens ou américains, qu’ils s’appellent Costa Gavras, Lucas Belvaux ou Steven Spielberg !

L’exception européenne protège aussi les créateurs américains. Au début du siècle dernier, Constantin Brancusi affrontait la justice pour défendre le statut de ses sculptures, considérées par les douanes américaines comme des objets commerciaux, et non comme des œuvres d’art. Faut-il rappeler ici qu’il a gagné son procès ?

L’exception culturelle défend la primauté de la création sur le commerce. Les auteurs, de part et d’autre de l’Atlantique, ont besoin de cette protection contre la marchandisation à tout va et dans tous les secteurs !

De fait, le marché américain, déjà dominant, a su s’emparer des nouvelles technologies de l’information, aussi bien en termes de diffusion de contenu que de revenu généré. À cet égard, il importe, comme l’a fait mon collègue Patrick Bloche de rappeler l’attachement au principe de neutralité technologique en vertu duquel la nature du support ne saurait modifier le contenu de l’œuvre.

Il importe également de souligner que la mention expresse de la protection de la diversité culturelle dans le mandat de négociation de la Commission ne saurait suffire à protéger efficacement cette même diversité. C’est pourquoi il est nécessaire d’exclure l’ensemble des services audiovisuels de cet accord commercial.

Dans l’hypothèse où cette exclusion de principe ne pourrait être tenue, il faudrait que le Gouvernement s’oppose, en vertu de l’article 207 paragraphe 4 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, à ce que les services audiovisuels soient inclus dans le mandat, afin que le respect de la diversité culturelle et linguistique des Européens soit préservé.

La culture, domaine de compétence partagé entre les États et l’Union, est en l’espèce régie par la règle de l’unanimité.

« Pour moi la culture n’est pas un instrument. Comparable à la science, la culture est un moyen nécessaire à l’épanouissement des personnes », croyez-le ou non, il s’agit de propos prononcés par M. Barroso en septembre dernier. A-t-il la mémoire si courte ? Pourquoi dès lors la Commission propose-t-elle un mandat en rupture avec le consensus qui prévalait jusqu’alors ? Est-il besoin de vendre l’Union européenne pour un plat de lentilles ? Pourquoi la Commission veut-elle apporter, la corde au cou, à l’image des Bourgeois de Calais, la clef que les Américains ne lui ont même pas demandée ? Au nom de quoi ? Du libéralisme le plus effréné ? Celui qui a conduit à l’arrêt il y a quarante-huit heures des chaînes de télévision nationales en Grèce ?

L’Europe doit incarner un projet politique qui dépasse le seul libre-échange. La diversité des expressions culturelles est un trait d’union entre les peuples, un symbole fort de la solidarité partagée, ce n’est pas une marchandise ! C’est la raison pour laquelle je vous propose, chers collègues, de soutenir avec force cette résolution qui porte sur le champ culturel.

Je souhaite également profiter de ce débat pour rappeler que l’exception culturelle ne doit être ni l’arbre qui cache la forêt, ni le supplément d’âme qui permettrait de brader tout le reste.

Notre commission s’est penchée sur la globalité du mandat de négociation de cet accord de libre-échange au travers d’une autre proposition de résolution adoptée et par notre commission des affaires européennes et par la commission des affaires étrangères. Si un tel accord doit être « gagnant-gagnant » – et ce sera, je pense, votre position, madame la ministre du commerce extérieur –, il doit préserver les préférences collectives européennes, notamment en matière d’éthique, de travail, de santé, de sécurité environnementale et alimentaire.

II nous faut également être très vigilants sur la question des services publics, des droits des investisseurs et encore de la sûreté des données personnelles. Le Gouvernement lui-même l’a dit, d’autres obstacles doivent être levés avant la signature d’un tel mandat, qu’il s’agisse des services, de la défense, de l’agriculture.

Les manières de produire et la qualité des denrées alimentaires, la défense du consommateur ne peuvent être compatibles avec les OGM, l’utilisation des hormones de croissance dans l’élevage, la décontamination chimique des viandes, le clonage, pour ne citer que ces exemples, que vous avez vous aussi évoqués, madame la ministre. Il nous faut tenir aussi fermement sur ces sujets que sur l’exception culturelle. De la même manière, en matière de choix environnementaux, de protection de l’eau, des sols, de la biodiversité, nos règles collectives ne peuvent être bradées.

Pour revenir au sujet qui nous occupe précisément aujourd’hui, je rappellerai que la représentation nationale et européenne s’est exprimée sans ambiguïté pour défendre l’exception culturelle. La résolution que nous vous proposons aujourd’hui a été adoptée à l’unanimité par nos deux commissions. De son côté, le Parlement européen a voté, par une majorité écrasante de 381 voix contre 181, la proposition de résolution portée par notre collègue Henri Weber, qui demande également l’exclusion explicite des secteurs audiovisuel et cinématographique du mandat de négociation. En outre, notre ministre de la culture et de la communication, Aurélie Filippetti, a réussi à obtenir le soutien de quatorze ministres de la culture européens.

La convergence politique qui s’exprime, au niveau tant national qu’européen, est suffisamment rare pour être soulignée. Dès lors, elle ne doit pas laisser indifférente la Commission européenne. Son opiniâtreté et son autisme creuseraient encore le fossé toujours plus grand entre les citoyens et une Union européenne qui paraît se détourner d’eux.

Je le redis, notre position n’est en rien défensive ; elle est, à l’inverse, porteuse d’une vision sociale et culturelle de l’Europe qui ne doit pas, qui ne peut pas, se résumer à un grand marché.

« Unis dans la diversité », telle est la devise européenne : c’est dans cet esprit, mes chers collègues, que nous vous proposons, Patrick Bloche et moi, d’adopter la présente proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du commerce extérieur.

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les députés, vendredi 14 juin prochain, je représenterai la France au Conseil européen des ministres du commerce extérieur à Luxembourg. Il y sera principalement question du mandat portant sur les négociations avec les États-Unis en vue d’un partenariat transatlantique. Je tiens bien sûr à vous dire aujourd’hui la position que je défendrai en l’état actuel de la rédaction du mandat qui nous sera soumis. D’ores et déjà, je vous précise qu’un rendez-vous avec l’un de mes homologues étrangers m’obligera peut-être à partir avant la fin de nos débats mais la continuité de l’exécutif sera assurée grâce à Aurélie Filippetti.

Dès l’ouverture des négociations, la France a posé des conditions sine qua non p our accorder à la Commission européenne un tel mandat. Sur plusieurs points, nous avons été entendus : je citerai notamment les préférences collectives européennes en matière agricole et l’exclusion des marchés de défense. Nous avons beaucoup avancé sur un sujet cher aux Européens, la préservation des indications géographiques. Nous avons un différend important sur la conception même de la propriété intellectuelle avec les États-Unis et sur la question de l’exception culturelle et de l’exclusion des services audiovisuels qui motive la présente proposition de résolution, le problème n’est pas réglé au moment où nous parlons.

Le dernier texte proposé par la Commission préserve certes les politiques existantes en matière de quotas de production et de diffusion, mais ce faisant, il les gèle ; surtout, il ne nous permet pas d’inventer l’avenir de nos industries culturelles. Compte tenu de la rapidité des évolutions technologiques, qui peut dire quels seront demain les modes de diffusion de la culture ?

À cet égard, j’aimerais faire quelques rappels historiques qui vous permettront d’apprécier l’importance que nous accordons à l’avenir de nos industries culturelles.

Quand la France a promu et défendu dans les accords internationaux l’exception culturelle sous l’égide du président François Mitterrand au cours des années quatre-vingt, Internet n’était encore qu’un réseau réservé à quelques scientifiques de très haut niveau. Lorsque nous avons négocié, sous l’impulsion du président Chirac, les articles de la Charte pour la diversité culturelle de l’UNESCO, les vitesses de téléchargement étaient telles que l’internaute patient et chanceux devait attendre plusieurs heures avant de récupérer un fichier musical et plusieurs jours pour un film. À l’époque où l’Union européenne, constatant l’échec du multilatéralisme commercial, se lançait à pas rapides dans les premières négociations d’une succession d’accords bilatéraux, ni l’iPhone ni l’iPad, qui ont révolutionné les modes de consommation des œuvres culturelles, n’avaient été inventés.

Si je fais ce rappel historique, c’est pour motiver notre volonté non seulement de protéger l’exception culturelle et l’exclusion des services audiovisuels mais aussi de penser à l’avenir. Il n’existe pas aujourd’hui d’autre méthode pour garantir notre capacité à protéger les auteurs et les créateurs, les producteurs du secteur de la culture que celle qui consiste à ne pas considérer celle-ci comme une marchandise. Il ne s’agit pas de défendre le village gaulois, comme certains voudraient le faire croire, mais de laisser l’avenir ouvert à l’innovation dans le domaine des industries culturelles. Tel est l’enjeu qui se présente à nous.

Si les États ne veulent pas demain être soumis à une culture dominante, ils doivent conserver leur capacité à légiférer en faveur de leurs créateurs et de leurs industries culturelles, non pas seulement pour les protéger, comme je l’entends trop souvent dire, mais pour leur permettre d’être conquérants, comme ils le sont, dans le domaine de la musique, de la littérature et du cinéma. Voilà la position que nous défendons aujourd’hui avec Mme Filippetti, ministre de la culture.

François Mitterrand affirmait : « Quand la France rencontre une grande idée, elles font ensemble le tour du monde ». L’exception culturelle est une grande idée : cent quinze pays et l’Union européenne ont signé la charte de l’UNESCO.

Dans les discussions autour du mandat de négociation en vue d’un partenariat transatlantique, la France n’est pas isolée : la Pologne, l’Italie, la Belgique, la Roumanie, l’Autriche, parmi d’autres, ont affirmé leurs préoccupations pour le sujet qui nous occupe. Ces pays ne sont toutefois pas tous prêts à afficher la même détermination quand il s’agira de décider d’accorder ou non le mandat à la Commission européenne, soit après-demain. Certains sont même prêts à accepter une position de compromis.

La Commission continue à vouloir prendre des engagements mais sans dire explicitement lesquels, ce qui est déjà un problème. Elle nous dit en quelque sorte que c’est elle qui sera juge de ce qu’est ou de ce que n’est pas la diversité culturelle. Ce faisant, elle sort, selon moi, de sa compétence. J’estime qu’il faut garantir une liberté entière aux États pour favoriser l’émergence de nouveaux modèles économiques face à l’évolution des nouvelles technologies. C’est la Commission qui est sur la défensive. Elle nous fournit des pages et des pages d’argumentaires techniques sans répondre, et pour cause, à une question qui est éminemment politique.

La France a pris des initiatives. J’ai écrit à mes vingt-six homologues qui siégeront à mes côtés le 14 juin prochain afin de les informer de notre position. Le Président de la République m’a donné un mandat très clair que M. le Premier ministre a exposé devant vous, mesdames, messieurs les députés, en répondant tout à l’heure à une question au Gouvernement posée par Pierre Lellouche qui, s’il était resté, aurait pu prendre à nouveau la parole après les interventions de Mme Filippetti et de moi-même.

Le Président de la République a très tôt pris une position très nette sur le sujet de l’exception culturelle. Il s’inscrit dans une continuité car la position de la France n’a jamais varié, du général de Gaulle à Jacques Chirac, en passant par François Mitterrand et Nicolas Sarkozy. Vous voyez, mesdames, messieurs de l’opposition, que je ne suis pas sectaire.

Mme Annie Genevard. Tant mieux !

Mme Nicole Bricq, ministre. Je citerai même Nicolas Sarkozy : « Je suis fier de notre pays qui incarne et défend l’exception culturelle, une exception qui a donné sa vitalité à la création contemporaine. »

En marge de la réunion de l’OCDE qui a eu lieu à Paris le 30 mai dernier, j’ai redit en face-à-face à Karel De Gucht, commissaire européen au commerce extérieur, qui agit au titre de la compétence exclusive de la Commission, que la France ne donnerait pas de mandat à la Commission si elle n’évoluait pas. Nous nous appuyons ainsi sur une tradition établie car l’Europe n’a jamais intégré la culture dans les négociations commerciales internationales. Nous affirmons donc une position historique avec sérénité mais aussi avec fermeté.

C’est cette position que défend la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui à l’initiative de votre assemblée. Je veux rappeler que le Sénat, où j’étais auditionnée hier, a adopté une proposition de résolution par le biais de sa commission des affaires européennes mais qui prend en compte le mandat de négociation dans son ensemble - je m’adresse ici à ceux qui regrettent que la proposition de résolution de votre assemblée ne soit pas globale.

Madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, vos travaux mais également ceux menés par Mme Dagoma à la commission des affaires étrangères ont montré que ce projet de partenariat constituait un véritable enjeu démocratique. Vous vous en en êtes saisi, utilisant pleinement l’espace démocratique qui est le vôtre. Le Parlement européen, qui dispose depuis le Traité de Lisbonne d’une voix consultative en matière de politique commerciale, a adopté le 23 mai dernier une proposition de résolution demandant expressément l’exclusion des services audiovisuels des négociations. Les parlementaires européens français, toutes couleurs politiques confondues, ont su rallier une majorité massive de leurs collègues, que j’ai remerciés personnellement pour l’engagement qu’ils avaient pris. Il ne s’agit donc évidemment pas d’une position uniquement française, comme le laisse entendre la Commission.

Les parlements nationaux et européen devront continuer de se saisir de ces questions. Une fois le mandat donné, ils auront à exercer un droit de suite. Je sais que le Parlement européen y tient.

J’ai demandé au commissaire de suivre le déroulement des négociations car elles structureront 40 % du commerce mondial et fixeront les normes dominantes pour l’ensemble du commerce mondial – sous réserve que les négociations soient engagées et arrivent à bon port. In fine en raison de sa nature mixte, l’accord devra être ratifié par les États membres à l’unanimité.

Ne brûlons toutefois pas les étapes dès maintenant : nous nous situons dans le temps de l’action. En l’état actuel des propositions de la Commission européenne, je ne donnerai pas, le 14 juin, l’accord de la France au mandat de négociation avec les États-Unis. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, mesdames et messieurs les députés, la proposition de résolution que vous soumettez aujourd’hui au vote de l’Assemblée nationale est absolument essentielle, à plus d’un titre.

Nicole Bricq vient de rappeler les enjeux majeurs que recèle le mandat de négociation qui sera confié à la Commission européenne vendredi 14 juin.

Votre résolution défend un principe essentiel pour l’Union européenne : le respect de l’exception culturelle dans le cadre de l’ouverture des négociations entre l’Union européenne et les États-Unis.

À l’instar du président Patrick Bloche, je tiens à saluer Jack Ralite, présent parmi nous, ainsi que tous ceux qui se sont mobilisés au cours des années et des combats passés pour l’affirmation de ce grand principe de l’exception culturelle.

Monsieur le président, madame la présidente, nous devons aujourd’hui rappeler avec vous que l’exception culturelle n’est pas négociable : elle constitue une ligne rouge, fermement défendue par nos prédécesseurs.

Le combat de 2013 ressemble en effet à celui de 1993, mené à l’époque du président Mitterrand lors de la négociation des accords du GATT. La culture n’est pas une marchandise comme une autre : voilà ce que nous rappelons aujourd’hui, vingt ans plus tard.

Néanmoins, il s’est passé beaucoup de choses en vingt ans, en particulier l’arrivée du numérique, qui a provoqué des révolutions dans tous les domaines, faisant naître des acteurs représentant une menace encore plus considérable pour l’exception culturelle : la menace d’une homogénéisation des contenus culturels livrés au public, donc des manières de penser que ces contenus culturels peuvent induire ou influencer. Notre tour est venu de nous battre pour défendre avec fierté l’exception culturelle au service de la diversité culturelle.

En parlant d’exception culturelle, nous pouvons déconcerter nos concitoyens par un langage un peu technique, voire technocratique. Et pourtant le principe en est très simple : la culture n’est pas une marchandise comme une autre, et a par conséquent besoin de mécanismes de régulation spécifiques et fins.

En effet, la culture est un tout : nous avons besoin de films grand public comme de films d’auteurs, de films à petits budgets comme à gros budgets. Dans le secteur du livre, nous avons besoin d’une grande diversité de l’offre éditoriale. Tout cela permet de former les publics, de les satisfaire, d’éveiller leur curiosité, donc de susciter chez eux davantage d’appétence pour les produits culturels qui peuvent leur être proposés.

C’est ce qu’a affirmé Steven Spielberg lors du festival de Cannes, lorsqu’il a insisté sur l’importance que revêtait à ses yeux la préservation de l’exception culturelle : selon lui, le public français consomme et voit beaucoup de films français, mais également beaucoup de films internationaux, dont beaucoup de films américains.

Depuis vingt ans, cette exception culturelle ne nous a donc pas empêchés de nourrir des échanges féconds avec nos amis américains ; elle n’a pas empêché les spectateurs français ou européens de découvrir les œuvres majeures produites par l’industrie cinématographique ou audiovisuelle américaine. Mais elle nous a permis, à nous Européens, à nous Français, de défendre et de promouvoir des secteurs entiers de nos industries créatives, qui constituent un enjeu économique majeur en termes d’emplois comme en termes de capacité de l’Union à se doter d’outils de représentation du monde.

Si vous me permettez de l’appeler ainsi, je dirais que l’exception culturelle est un outil de souveraineté, un outil d’influence, dirait-on en langage diplomatique. Elle est surtout un outil indispensable à l’Union européenne pour nourrir son projet politique d’une véritable sensibilité culturelle, d’un véritable sentiment de citoyenneté, constitués au travers des œuvres de l’esprit et seuls à même de nous permettre de former un espace commun au sein de l’Union européenne.

En défendant ce principe aujourd’hui, mesdames et messieurs les députés, vous ne faites pas œuvre de nationalisme, de corporatisme ni d’antiaméricanisme ; vous n’êtes pas non plus dans une posture défensive.

Vous vous placez au contraire dans une démarche d’ouverture, constructive, reposant sur la confiance : confiance dans la capacité des acteurs culturels européens et des publics européens à développer cette vision du monde et à apprécier des œuvres, qu’elles soient nées sur nos territoires ou ailleurs ; confiance également dans cette grande et belle mission de la France et de l’Europe, qui accueillent sur leur sol des créateurs et des artistes de tous les pays et de tous les continents, ou financent leurs œuvres par des mécanismes institués grâce à l’exception culturelle.

La vision qui sous-tend notre combat pour l’exception culturelle est universaliste : nous voulons continuer à défendre le fait que le cinéma français accueille, aide et soutienne les créateurs du monde entier.

Notre vision de la culture est ouverte, et non repliée sur nos frontières, dans une démarche qui serait cocardière ou franco-française. L’exception culturelle n’est pas spécifiquement française : c’est une exception parce que la culture est exceptionnelle.

L’enjeu est aujourd’hui majeur. Il y a vingt ans, le numérique a fait irruption dans nos vies et dans nos manières de produire, de regarder et de consommer les œuvres culturelles.

La mutation induite par le numérique nécessite des adaptations de nos outils de régulation. Tous ces outils mis en place depuis l’après-guerre doivent aujourd’hui être modulés et adaptés aux révolutions numériques.

Si nous nous privons aujourd’hui de ce principe majeur qu’est l’exception culturelle, nous ne pourrons pas demain défendre l’adaptation de nos outils de régulation à l’ère du numérique ; or c’est là que réside l’enjeu. La modernité est là, et non dans le fait de proclamer que nous allons ouvrir les marchés aux États-Unis, permettant ainsi aux produits culturels européens de conquérir le marché américain : c’est un leurre, une illusion !

L’enjeu majeur est de savoir comment, à l’ère du numérique, intégrer ces nouveaux acteurs du numérique, extrêmement puissants et dominants, en amont dans le circuit de financement de la création. C’est ce qui a fait le succès de nos mécanismes de soutien, en France comme en Europe, aux politiques culturelles ; c’est ce qui devra demain soutenir ce que l’on appelle « l’Acte II de l’exception culturelle ».

Avec ce texte, mesdames et messieurs les députés, vous donnez un véritable écho à cette grande et belle tradition française, qui nous permet de nous inscrire dans les traces de ceux qui nous ont précédés : nous avons mentionné le combat mené en 1993, mais nous pourrions remonter bien plus loin, après-guerre, lorsque la France a voulu se doter d’un Centre national de la cinématographie pour développer un cinéma français riche de sa diversité.

En marchant ainsi dans les pas de ceux qui vous ont précédés, vous tracez la voie pour l’avenir, car c’est ainsi, avec des principes solides, des principes de confiance, que nous pourrons construire l’Europe de demain. Cette Europe a besoin d’un nouveau souffle, et celui-ci ne peut être que culturel.

Certains nous caricaturent en disant que la France mène un combat solitaire. Là encore, ils ont tort car la France n’est pas solitaire ; mais l’eût-elle été qu’elle défendrait encore ce grand principe de l’exception culturelle. Telle est en effet la mission essentielle de la France ; c’est ce qu’attendent de nous les acteurs, les créateurs et même les populations du monde.

À mon initiative, ainsi que Nicole Bricq l’a rappelé, une majorité de ministres de la culture européens se sont joints aux efforts de la France en cosignant une lettre adressée à la présidence irlandaise de l’Union européenne et à la Commission européenne.

Ce texte a été signé par les ministres de la culture allemand, autrichien, belge, bulgare, chypriote, espagnol, hongrois, italien, polonais, portugais, roumain, slovène, slovaque et grec. Ils attendent une voix, étant parfois eux-mêmes isolés au sein de leur propre gouvernement ; cette voix sera celle de la France, car la France sera au rendez-vous de l’exception culturelle, ainsi que le Premier ministre l’a précisé tout à l’heure.

Madame la présidente, vous avez souligné l’attachement du Gouvernement à la défense de la diversité culturelle. Je vous remercie de l’avoir fait car, face aux immenses défis économiques, sociaux et politiques qui nous sont lancés, je suis convaincue que l’Europe doit se mobiliser sur les atouts que lui assurent la vitalité et la diversité de sa culture.

Ne cherchons pas plus loin les outils pour relancer économiquement l’Europe : ils sont sous nos yeux ! Les secteurs culturels et audiovisuels sont des secteurs d’excellence : nous n’avons pas besoin de les placer sous perfusion car ils sont extrêmement vivaces et fertiles.

Nous devons simplement empêcher qu’ils soient détruits, laminés par un accord de libre-échange qui les livrerait à une concurrence sauvage et totalement dérégulée. L’enjeu économique est donc majeur. La création des œuvres culturelles en Europe doit, plus que jamais, être reconnue comme relevant de cet enjeu économique majeur, en plus d’être un enjeu culturel et de citoyenneté.

Tel sera le bénéfice que l’on pourra peut-être retirer de ce débat, au demeurant inquiétant, sur la volonté soudainement affichée par la Commission européenne de revenir sur un acquis vieux d’une vingtaine d’années, mais plus que jamais pertinent. Si cela permet de mettre en lumière l’importance que représentent les secteurs culturels pour l’Union européenne, ce débat n’aura pas été vain.

Fort de votre soutien, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement fera fermement valoir ses positions le 14 juin, ainsi que Nicole Bricq l’a indiqué, comme il a déjà eu l’occasion de le faire lors du conseil des ministres de la culture européens, et comme le Parlement européen l’a fait par ce vote à une écrasante majorité à la fin du mois de mai dernier pour la défense de l’exception culturelle.

Aujourd’hui, face aux évolutions induites par le développement du numérique, nous devons adapter nos politiques culturelles et construire de nouveaux outils. De plus, parallèlement à l’effort engagé au niveau national, la France tient à préserver la capacité de l’Union européenne à adapter ses politiques aux évolutions numériques.

C’est tout l’enjeu de l’exclusion que nous demandons avec nos partenaires : il s’agit de garder les mains libres pour pouvoir nous doter des outils dont nous avons besoin à l’ère du numérique. Il en va de l’avenir de la création en Europe ; il en va de l’intérêt général et de l’essence même du projet européen.

Mesdames et messieurs les députés, en défendant cette proposition de résolution, vous faites honneur à la représentation nationale, honneur à notre héritage, honneur à notre avenir. Vous défendez la culture mais aussi, à travers elle, un projet européen politique, universaliste et généreux ; un projet de liberté pour les peuples et pour les créateurs d’Europe et d’ailleurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, chers collègues, la proposition de résolution dont nous discutons aujourd’hui est d’une grande importance, non seulement pour notre pays et nos concitoyens, mais également pour tous les citoyens européens.

Mon propos sera bref, et principalement centré sur deux questions : pourquoi préserver la diversité culturelle ? Pourquoi la Commission européenne doit-elle changer d’avis ?

La notion d’exception culturelle se comprend comme l’exclusion de la culture de la sphère des relations marchandes lorsqu’elles ne sont vues que dominées par l’offre et la demande et à l’aune de la rentabilité des biens et services échangés.

Lors du cycle de l’Uruguay, commencé en 1986, certains États souhaitaient élargir le champ des négociations aux services, y compris les services culturels, en particulier ceux de l’audiovisuel. Or la soumission de l’audiovisuel au droit commun de l’accord menaçait l’existence des systèmes nationaux et européens de l’aide publique à l’audiovisuel.

Ainsi est née l’exception culturelle. Elle donne à la culture une place à part dans ce que l’on appelle les biens et les services.

La question des relations entre culture et commerce est posée dans la plupart des instruments du droit commercial international : le commerce des biens, la protection de la propriété intellectuelle touchant au commerce, la protection des investissements, la régulation des subventions.

Aujourd’hui ce sont les négociations en vue d’un accord de libre-échange euro-Atlantique, dont la négociation prendra deux ans, et qui devrait aboutir à la création de la première zone commerciale du monde, qui redonnent son actualité à cette exception. L’enjeu est tout autant dans la préservation de la diversité que dans la protection de l’équilibre des échanges économiques.

Je commencerai par la protection de l’équilibre des échanges économiques.

La vision qui prédomine trop souvent est celle de la référence aux seules économies d’échelles que permettrait l’harmonisation des marchés nationaux. Vu ainsi, l’atout serait donc seulement dans le marché intérieur et dans des marchés nationaux harmonisés.

Appliqué au secteur culturel et audiovisuel, cela traduit, me semble-t-il une dimension économique conçue a minima réduisant le traitement des industries de la culture et de l’imaginaire à une question de concurrence interne et non à une politique de valorisation, de partage et de soutien à la créativité et à l’exportation des œuvres européennes. Cela traduit aussi un défaut de conception de la politique commerciale qui n’est pas vue comme un possible support à la culture et aux productions européennes.

Si je prends l’exemple du cinéma, cela aurait pour conséquence d’ouvrir davantage nos marchés à la concurrence américaine et de créer une concurrence artificielle entre cinémas nationaux européens qui n’a aucune raison d’exister, car la diversité des approches artistiques est à l’origine même de leur complémentarité.

Je souhaite compléter mon propos par quelques mots sur la préservation de la diversité. À cet égard, je reprendrai l’exemple du cinéma.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’identité du cinéma européen réside dans la coexistence d’industries cinématographiques nationales fortes.

À l’instar de Bertrand Tavernier, je pense qu’il existe une culture et une histoire européennes qui transparaissent dans les films européens. Le cinéma européen aborde aussi de nombreux thèmes de société que ne traite pas le cinéma outre-Atlantique.

Il faut donc mieux valoriser ce qui a fait et fait l’excellence du cinéma européen : sa diversité, sa capacité à raconter des histoires différentes comme Costa-Gavras le dirait s’il était là, son aptitude à renouveler les genres et les formes.

Pourquoi la Commission doit-elle absolument changer d’avis ?

La position actuelle de la Commission est simple, je dirai même simpliste. Comme l’a rappelé Mme la ministre, l’Union européenne protégera ses industries culturelles dans les discussions avec les États-Unis en vue d’un accord de libre-échange, et ce, en contrepartie de l’acceptation par les États membres que le cinéma et la télévision soient inclus dans le champ des négociations.

Voilà la position très générale et l’engagement très minimal du commissaire au commerce au nom de la Commission européenne.

Trois arguments me paraissent justifier un changement de cap, non seulement utile mais bien nécessaire. Cette position méconnaît la réalité politique, oublie la réalité économique et est contraire à l’essence même de la volonté de faire l’Europe.

Dans une certaine mesure, la force de la politique américaine dans de nombreux secteurs tient à son inscription dans une stratégie gouvernementale prospective, cohérente et disposant d’un soutien prioritaire aux plus hauts échelons politiques. Rien de tel en Europe.

Bien que le thème de la culture soit proclamé comme une priorité, les faits, eux toujours têtus, nous ramènent en deçà des discours.

Qu’est devenue l’affirmation de l’actuel président de la Commission qui assurait, en 2005, que « Dans l’échelle des valeurs, la culture vient devant l’économie » ? Rien, seulement des mots, face à la perspective d’un demi-point de croissance annuelle supplémentaire pour chacun des partenaires de cette zone de libre-échange entre les États-Unis et l’Europe.

Évidemment cela est tentant alors que l’Europe n’est toujours pas en mesure de créer les conditions d’un retour à ladite croissance en valorisant les ressources stratégiques actuelles que sont la recherche, l’éducation, les valeurs culturelles.

La position de la Commission oublie la réalité économique et géostratégique. Le but des États-Unis est de contrer l’essor commercial de la Chine, en créant deux zones de libre-échange, une côté Pacifique et une côté Atlantique.

La volonté de faire prévaloir des accords commerciaux bilatéraux est aussi l’expression d’un recul général du multilatéralisme, ce qui risque de marginaliser encore plus certains États et de laisser certaines régions du monde s’enliser dans la pauvreté.

Par ailleurs en matière de politique économique ne soyons pas dupes. Certains pratiquent, ouvertement ou non, ce qu’ils dénient aux autres le droit de pratiquer.

Les lois dites «  buy american » et «  employ american » , c’est-à-dire « acheter américain » et « employer américain » traduisent bien une réalité protectionniste.

Enfin, la position de la Commission est contraire à la volonté originelle de faire l’Europe.

On prête à Jean Monnet le propos suivant : « Si c’était à refaire, je commencerais par la culture. » Même si ce propos n’a jamais été tenu, il rend compte de ce qui a fondé la volonté originelle de rassembler pour prévenir les oppositions et les conflits en Europe. C’était partir du constat que l’Europe c’est d’abord une culture bimillénaire, philosophique, juridique et artistique.

L’éminent historien de l’art Ernst Gombrich indique que les œuvres ont ceci de particulier qu’elles sont inépuisables et imprévisibles comme les hommes.

Si l’on veut des innovations sociales mais aussi des découvertes scientifiques, il faut en amont de la créativité. Ce potentiel est pour une part dans la création culturelle.

Si on la réduit, seules les applications technologiques nous rapprocheront. Or, on le sait, elles ne portent pas les valeurs qui font un monde plus proche et des solidarités plus fortes.

En conclusion, la culture et les œuvres de création audiovisuelles ne doivent plus être les passagers clandestins de l’Europe, elles doivent être de grandes étoiles qui nous aident à choisir nos priorités et à ce titre faire l’objet d’un traitement exceptionnel.

Je suis ravie, avec mes collègues, de soutenir cette proposition de résolution, cette initiative prise en commun par la commission des affaires culturelles et celle des affaires européennes, afin d’appuyer la démarche volontariste du Gouvernement au niveau européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, madame la présidente et rapporteure de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, « Le cinéma français se porte bien, pourvu qu’on le sauve ! » Le débat que nous avons aujourd’hui n’est pas nouveau, pas plus que ne l’est cette citation de Marcel L’Herbier. Pourtant il est d’une ardente actualité.

Dans deux jours, les ministres européens du commerce extérieur se réuniront pour adopter le mandat ouvrant un cycle de négociations commerciales entre l’Union européenne et les États-Unis. La culture sera-t-elle incluse dans ce mandat ou bien souffrira-t-elle d’une exception, comme en 1993 dans le cadre des accords du GATT ?

À l’époque, nous avions refusé de livrer le cinéma en échange du libre-échange. Depuis lors, l’exception culturelle est devenue la règle et la voix de la France a été rejointe par 128 États acceptant, ratifiant ou approuvant la convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Depuis lors, le traité de Lisbonne a inscrit le respect de la diversité culturelle comme droit fondamental de l’Union.

Ces succès de la diplomatie française et européenne risquent pourtant de connaître un revers historique. Ces derniers mois, la Commission européenne a cédé à la volonté des États-Unis de négocier ce qui n’est pas négociable : le 12 mars, elle a adopté un projet de mandat autorisant l’ouverture de négociations concernant un accord global sur le commerce et l’investissement qui inclurait les services culturels audiovisuels.

Parce qu’on ne mégote pas avec la culture, le 17 avril dernier nous étions unanimes, au sein de la commission des affaires culturelles, pour faire valoir l’exception culturelle.

Le 13 mai, à l’initiative de Mme la ministre de la culture et de la communication, treize ministres européens de la culture l’ont rejointe pour demander solennellement cette exclusion.

À l’instigation de Luc et Jean-Pierre Dardenne la pétition des cinéastes européens a réuni près de 7 000 signataires dans le monde entier, de David Lynch à Ken Loach, en passant par Pedro Almodovar et Michael Haneke.

Alors, certains pourraient êtes tentés de dire que cette affaire regarde les gens de culture. Mais que nous enseigne le vote du 23 mai dernier en session plénière du Parlement européen ? Que, là encore, une majorité très nette est acquise à l’exception culturelle.

L’amendement du député européen Henri Weber a en effet été adopté à une large majorité, par 391 voix contre 191 comme cela a été rappelé tout à l’heure, en dépit de l’avis négatif du président de la commission du commerce international et, il faut bien le dire, des manœuvres de la Commission européenne.

D’autres pourraient dire que cette affaire oppose deux Europe, l’une emmenée dans un sens par l’Allemagne et l’autre emmenée dans un autre sens par la France.

Mais alors, que dire du vote, la semaine dernière au Bundesrat allemand, d’une majorité de Länder qui s’est prononcée à rebours de l’opinion du gouvernement fédéral, contre l’inclusion de la culture dans le champ des négociations ?

Vous le voyez, nous le voyons, l’exception culturelle n’est pas un enjeu franco-français, c’est un enjeu européen.

Avec vingt-sept États membres – bientôt vingt-huit – l’Europe n’est pas autre chose que l’émanation de cultures singulières, séculaires et complémentaires. Ces cultures préexistaient à l’Europe et elles en fondent aujourd’hui l’essence.

Dans ce débat, d’autres l’ont dit avant moi, c’est donc la devise même de l’Europe qui est en jeu : « Unie dans la diversité ».

En 1993, notre diversité culturelle était en jeu face au cinéma hollywoodien. En 2013, le danger pour l’Europe n’est plus Hollywood. D’ailleurs lors de la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, le président du jury Steven Spielberg a rappelé que « l’exception culturelle est le meilleur moyen de préserver la diversité du cinéma, du cinéma mondial ».

Aujourd’hui le danger, y compris pour les États-Unis, vient d’acteurs économiques mondiaux qui s’affranchissent des règles nationales. Céder sur l’exception culturelle, c’est renoncer définitivement à les soumettre au droit et à la fiscalité. C’est les exempter à jamais de toute norme.

Jacques Toubon l’a rappelé mardi au théâtre du Vieux-Colombier devant la coalition française pour la diversité culturelle présidée par Pascal Rogard, dont on sait l’action déterminante : « Si l’on perd cette bataille, dans cinq à dix ans, les géants de l’Internet domineront le commerce numérique des œuvres et nous n’aurons plus aucun moyen de les soumettre à une fiscalité ».

Aujourd’hui, Google, Apple ou Amazon ne menacent pas seulement le cinéma, l’édition et la musique, ils menacent la souveraineté des États.

Face à ces assauts, la Commission européenne semble oublier son histoire. C’est pourquoi le consensus doit faire la force de la diplomatie française.

Madame Bricq, tout à l’heure vous avez cité Jacques Chirac. Pour vous être agréable, je citerai François Mitterrand. En 1993, en période de cohabitation, l’unité s’était faite autour du Président de la République, François Mitterrand, du Premier ministre, Édouard Balladur, du ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, et du ministre de la culture et de la francophonie, Jacques Toubon. Cette union pouvait compter sur le soutien du président de la Commission européenne, Jacques Delors.

Vingt ans plus tard, il va de soi que l’opposition parlementaire est tout entière réunie derrière vous, madame la ministre, derrière la ministre de la culture, le ministre des affaires étrangères, le Premier ministre et le Président de la République.

Le rayonnement de la France, pour ne pas dire sa grandeur, passe par un État protecteur des créateurs comme de la création. En ce domaine, notre pays peut revendiquer une valeur d’exemplarité. C’est en France que Colbert créa le système des pensions aux artistes, sortant ceux-ci de la précarité, c’est en France que furent institutionnalisées les académies, laboratoires des talents artistiques, en France que naquit au XIXe siècle une politique de protection des monuments historiques, en France que fut créé le premier ministère de la culture, en France que furent imaginés des outils aussi performants que le prix unique du livre, l’intermittence ou le Centre national du cinéma.

Ce modèle, le monde entier nous l’a envié et a souvent essayé de le copier. Il contribue encore au rayonnement de la France, de notre langue et au dynamisme de notre pays.

Car, ne nous y trompons pas : en menant ce combat, cette bataille, ce sont trois acquis démocratiques fondamentaux que nous défendons.

Le premier, c’est la liberté de pensée. Quand Beaumarchais imagine les droits d’auteur, il le fait en homme des Lumières, attaché à défendre la possibilité pour les auteurs de se soustraire à la tyrannie de l’argent.

Le deuxième, c’est la fertilité de la création. La France est un terreau fertile pour les artistes, car elle ne s’intéresse pas seulement aux valeurs reconnues par le marché, mais entretient au quotidien des centaines d’initiatives. Le cinéma français produit des chefs-d’œuvre parce que notre système de financement permet aux nouveaux créateurs de se lancer dans l’aventure.

Le troisième acquis, c’est la démocratisation du savoir. La plus belle conquête de notre politique culturelle restera toujours la possibilité offerte au plus grand nombre d’accéder aux œuvres ; cet accès démocratique ne peut être garanti que s’il est donné aux acteurs de la culture de continuer à se battre pour faire partager leur passion. Comment imaginer que nos librairies de proximité puissent survivre sans protection face à la terrible concurrence d’Amazon ?

N’oublions pas non plus que derrière ce combat, des milliers d’emplois sont en jeu. S’il est encore un domaine dans lequel la place de la France est incontestée dans la grande concurrence mondiale, c’est celui de la culture.

Alors, soyons unanimes pour défendre le modèle du CNC, qui permet de financer le cinéma d’auteur, lequel participe de notre honneur et de notre fierté.

Soyons unanimes pour défendre le prix unique du livre, grâce auquel paraissent, chaque année, en France quarante mille nouveautés, distribuées dans plus de deux mille librairies indépendantes et quinze mille points de vente.

Soyons unanimes pour défendre les quotas de production et de diffusion, qui garantissent notre diversité audiovisuelle et musicale.

Soyons unanimes pour ériger une digue entre la culture et ses industries, d’une part, et les lois du marché, d’autre part.

Soyons unanimes pour que la culture ne soit pas un outil de domination, mais un outil de souveraineté.

Enfin, soyons lucides : si, vendredi prochain, le Conseil européen des ministres du commerce extérieur fait échec à tous les efforts déployés par notre assemblée, le Gouvernement, la diplomatie française et le Parlement européen, si tous les efforts de la France sont vains, nous devrons nous poser la question des raisons de cet échec historique.

En 1993, le Président de la République, qui était un homme de culture, avait su se montrer ferme en portant la voix de la France. Il y a deux jours au Vieux-Colombier, l’ancien ministre de François Mitterrand, Jack Ralite, que nous avons salué, a été vivement applaudi par les professionnels de la culture lorsqu’il a déclaré : « Je n’entends pas le Président de la République parler au niveau suffisant… Et pourtant, il s’agit du statut de l’esprit ! »

Au demeurant, il est difficile aujourd’hui de justifier une quelconque exception culturelle, lorsqu’on sait que lors de l’élaboration du premier budget du gouvernement Ayrault, les crédits de la culture ont été soumis à une diète historique. Qu’il est difficile de défendre l’exception culturelle pour notre cinéma, après avoir prélevé 150 millions d’euros au CNC !

Je sais qu’actuellement, a lieu, au Palais de l’Élysée, la remise du prix de l’audace artistique et culturelle. Madame la ministre du commerce extérieur, j’aurais voulu dire à votre collègue en charge de la culture,…

Mme Nicole Bricq, ministre. Elle va revenir !

M. François de Mazières. …qu’il faudrait justement un peu plus d’audace pour défendre notre exception culturelle, que le Président de la République, au-delà du veto, parvienne à motiver nos collègues allemands, comme l’avait fait François Mitterrand en 1993.

Aujourd’hui, notre fragilité, c’est notre isolement ; je crois que nous le payons cher.

Mme Annie Genevard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Monsieur le président, madame la ministre du commerce extérieur, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le président des affaires culturelles, je veux à mon tour saluer Jack Ralite, ardent défenseur de la culture, qui nous fait l’honneur et le plaisir d’assister à nos débats, et commencer mon intervention en souhaitant un joyeux anniversaire à tous ceux de mes collègues qui ont été élus comme moi le 12 juin 1988, il y a vingt-cinq ans – je ne sais pas si nous sommes très nombreux. Quoi qu’il en soit, je suis heureux et fier que ce débat sur l’exception culturelle se tienne ce jour, car nous sommes au cœur de ce qui constitue l’exception française.

L’exception culturelle est sans doute la seule exception qui fasse l’unanimité.

L’unanimité, dans notre pays comme dans nos travées, est si rare qu’elle en deviendrait presque suspecte. Mais, à la façon de la République assiégée, cette unanimité est fragilisée au sortir immédiat de nos frontières.

Naturellement, une première question affleure : serait-ce là un combat d’arrière-garde, que l’esprit du temps rendrait définitivement ringard et dérisoire ? Ou bien s’agit-il d’un enjeu à l’issue capitale ?

Nous avons été stupéfaits, nous aussi, du choix délibéré de la Commission de ne pas respecter cette règle, jusqu’alors toujours observée en matière de négociation commerciale, qui consiste concrètement à ne pas inclure les services culturels et, surtout, audiovisuels, au fondement de l’exception culturelle européenne.

Mais au fond, ce n’est pas si surprenant.

Il est vrai qu’à certains égards, et à l’égard de certains, le concept d’exception culturelle est devenu une formule consacrée et caricaturale d’une politique culturelle inspirée par la France.

Vanité hexagonale ou peur gauloise pour ceux qui n’y croient pas et s’étonnent qu’un pays qui se fait, disent-ils, une idée si haute de lui-même, adopte des attitudes aussi crispées. Les mêmes font également mine de s’étonner qu’un tel pays prétende imposer à l’Europe des valeurs qui semblent un mélange d’étatisme et de corporatisme et affichent, avec une fausse candeur, leur étonnement de voir des créateurs revendiquant tout à la fois leur espace de liberté et aspirant à se lover docilement derrière des protections et des barrières. À ceux-là, je voudrais préciser deux ou trois choses.

Cette idée d’exception n’est pas nouvelle et elle n’est pas spécifiquement française.

C’est en 1917 que, pour la première fois, un dispositif juridique est élaboré pour contrôler l’importation de films étrangers. Le cinéma européen voit en effet déjà pointer la menace américaine, avec ses comiques et ses westerns muets. Mais cette initiative, ce n’est pas la France qui la prend : c’est l’Allemagne, s’inspirant des thèses, exposées vers 1830 par Friedrich List, sur le « protectionnisme éducateur ». En 1927, c’est au tour de la Grande-Bretagne d’instituer des quotas à l’importation qui obligent les salles de cinéma à offrir au public un pourcentage déterminé de films nationaux.

En France, ce n’est vraiment qu’en 1946 qu’une démarche de cette nature est engagée avec les accords de Washington, signés le 28 mai, dits accords Blum-Byrnes, qui apportent à la France un prêt de 650 millions de dollars à faible taux d’intérêt en contrepartie d’une abrogation de toute mesure douanière restrictive.

Plus tard, c’est vrai, dans les accords du GATT, puis de l’OMC, la France a été à la manœuvre. Ce n’est pas tout à fait un hasard, car elle est le pays européen le plus concerné par l’industrie du cinéma. Mais la France, c’est aussi une balance culturelle qui, bien que tendanciellement excédentaire, est fragilisée par l’industrie culturelle. La compensation vient du solde commercial positif des œuvres d’art. Autrement dit, faute d’une puissante volonté au service de l’exception culturelle et cinématographique, nous liquidons doucement notre patrimoine et nous fragilisons une contribution non négligeable des secteurs culturels et de l’audiovisuel au PIB européen, contribution qui excède 3 %. Vous avez, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, très précisément rappelé ces données économiques.

Cette fragilisation ne concerne pas seulement un secteur, que l’on pourrait classer parmi d’autres. Elle concerne, en fait, un certain état du monde auquel nous sommes bien amenés à réagir : un monde multipolaire où l’hégémonie bienveillante passe par l’importance stratégique des facteurs culturels, un monde où les facteurs de la puissance ont changé.

Désormais, la realpolitik de l’ère de l’information passe par l’établissement de normes technologiques, qui structurent l’infrastructure globale. Ce qu’ont réussi les États-Unis, c’est-à-dire mettre l’administration fédérale au service des entreprises dont le dynamisme et la réussite assurent la puissance collective, nous ne pouvons nous contenter de le constater. Nous le pouvons d’autant moins qu’une certaine façon de faire et même d’être est en cause ici. Est visé un modèle culturel qui s’efforce de proposer à chacun le plus large accès possible à la culture, qui s’efforce de proposer un soutien aux créateurs grâce à des dispositifs d’aide et à des mécanismes de rémunération de la création. C’est un modèle qui assure la promotion de la diversité.

Voilà pourquoi nous sommes unanimes sur ce point : il n’y a rien de polémique, en effet, dans un nymphéa de Monet, une mélodie de Fauré, un oiseau de Braque, un papier découpé de Matisse, un homme qui marche de Giacometti, un bocal de Morandi ou une composition de Rothko. J’aurais pu parler du cinéma, mais Marietta Karamanli, avec qui je prépare un rapport au sein de la commission des affaires européennes, en a déjà parlé. Cette diversité des créations correspond nécessairement à une diversité des exceptions, laquelle doit être respectée et sauvegardée.

Nous approuvons donc à 100 % cette proposition. Nous l’approuvons et nous sommes stupéfaits de cette décision communautaire qui semble confondre les chiffres et les lettres, mais qui, en réalité, se trompe aussi sur les chiffres… Vous le voyez bien, tout cela n’a vraiment rien à voir avec une forme de nationalisme culturel !

Mais pourquoi ne pas évoquer à cette tribune les choses sensibles, aussi tangibles que les démonstrations économiques ? Pourquoi ne pas dire que la culture est une dimension intérieure qui apparaît au moment de l’émotion, de l’émerveillement, du saisissement ? C’est une rencontre par laquelle chacun se trouve meilleur, plus intelligent, transporté plus haut par une impression, une association d’idées. Pourquoi ne pas dire que le législateur que nous sommes a vocation, si ce n’est à tout protéger, du moins à contribuer à ces moments de grâce ?

Pourquoi ne pas dire que ce dont nous parlons ici, c’est du plus beau et du plus insaisissable des objectifs d’une politique culturelle : celui de permettre au plus grand nombre de s’élever, de célébrer et de transmettre les valeurs d’une civilisation, d’une nation, en faisant partager le socle commun du patrimoine, les héritages esthétiques, les références visuelles qui font sens et qui ont une utilité sociale dans un monde toujours tenté par la distinction sociale, les marqueurs et les postures de différenciation ? C’est bien de cela qu’il est question ici ! Voilà pourquoi il y a un sens à considérer que les créations culturelles ne sont pas des œuvres comme les autres, y compris du point de vue de l’intérêt général.

Il est vrai que, lorsque la convention de l’UNESCO est entrée en vigueur, le 18 mars 2007, la vidéo à la demande, la télévision de rattrapage, les jeux vidéo en ligne, la radio numérique ou la télévision connectée n’existaient pas encore. La musique en ligne, quant à elle, n’avait pas donné toute sa mesure. Enfin, l’audiovisuel, entré depuis dans l’ère du tout numérique, promet aujourd’hui aux œuvres dématérialisées un rayonnement culturel non seulement local, mais aussi international. Il est également vrai que la diffusion des œuvres par internet peut contribuer au rayonnement culturel des pays ou des continents, et nous n’avons aucune raison de nous en inquiéter, bien au contraire.

Faut-il pour autant sombrer dans une sorte de démagogie qui est en fait l’expression d’une psychologie de la résignation et de la soumission, un nouveau fatalisme ? Il est vrai que les canaux de diffusion de la culture se sont multipliés, et c’est tant mieux. Mais faut-il pour autant accepter les abus de position dominante, notamment sur internet ? Pourquoi accepterait-on, par exemple, que les mécanismes de référencement reconstituent sur la toile ce qu’ils produisent dans le monde physique, rejouant l’histoire éternelle du gros qui use de son pouvoir pour empêcher la croissance des petits ?

La fonction de l’État, c’est de protéger la culture quand elle repose sur des passionnés, sur des passeurs, sur le talent de gens qui ont « un œil » ou « une oreille », sur les responsables de lieux de culture. Il relève donc du devoir moral de la puissance publique de dire non à ceux qui disent non à la culture. Fondamentalement, l’Europe s’oublie quand elle oublie la culture et l’industrie culturelle. Car l’Europe n’est pas seulement un négociateur commercial international qui dispose de la taille critique. L’Europe, c’est une culture et une conscience qui sont nées sur les ruines de la pire des barbaries ; c’est une aspiration à l’universel, bien loin de toute « ligne Maginot ».

En Europe plus que partout ailleurs, peut-être, la résignation n’est pas une politique. Mais la position défensive n’est pas non plus totalement satisfaisante. Comme l’observait le stratège chinois Sun Tseu, il y a plus de 2 500 ans, si elle permet de résister, elle n’offre jamais la victoire. Or, c’est un peu, avouons-le, la posture européenne. À l’inverse, la puissance permet de remporter des victoires, mais non d’emporter l’adhésion, ni d’assurer la paix. C’est la posture américaine. Alors, que devons-nous porter ?

Nous pensons que notre signature doit être celle de la diversité culturelle, que les enjeux culturels ont une dimension stratégique qui nous impose une approche adaptée au contexte de la mondialisation. Nous pensons qu’il n’existe aucune solution magique aux défis inédits que présente la mondialisation culturelle.

Nous le pensons, non pour des raisons égoïstes, mais comme une alternative au choc des civilisations. Au fond, nous sommes convaincus qu’au-delà de la présente résolution, l’enjeu est celui de l’élaboration de nouvelles formules politiques qui permettront de baliser les rapports de force en exploitant la réalité des interdépendances pour en faire un moteur de mobilisation.

Le groupe UDI adoptera cette proposition de résolution, mais nous espérons que la réflexion se poursuivra bien au-delà. En la matière, vous pourrez compter sur la contribution de l’UDI.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, madame la ministre du commerce extérieur, mes chers collègues, bien entendu, la défense de l’exception culturelle fait l’unanimité, sur les bancs de droite et de gauche.

Comme cela a été expliqué par les orateurs qui m’ont précédé, l’enjeu n’est pas simplement français, il est européen : il s’agit de défendre la diversité de notre vieux continent. Beaucoup d’entre nous ont en mémoire, de par leurs lectures ou leurs études, ce qui est arrivé à certains moments de notre histoire ; ils se rappellent qu’on a qualifié d’allemands des auteurs tels que Kafka, issu de cette Mitteleuropa qui avait grandement participé au rayonnement de la culture européenne.

Tout à l’heure, notre collègue de Mazières a évoqué la question du statut des intermittents, qui est l’un des éléments de notre exception culturelle. Je voudrais, à ce propos, saluer notre collègue Jacques Ralite, qui a beaucoup contribué, avec Étienne Pinte et moi-même, à l’action menée par le comité de suivi des intermittents lorsque leur statut était menacé par le gouvernement de M. Fillon.

Nous avons, les uns et les autres, notre part de combat. Limiter la discussion de ce traité euratlantique à la simple question de l’exception culturelle serait irresponsable et ce serait une faute politique. En effet, nous sommes un certain nombre à considérer qu’au-delà de l’exception culturelle, ce traité transatlantique masque la volonté des États-Unis de reproduire ce qu’ils ont créé en 1993, avec l’ALENA – l’accord de libre-échange nord américain –, qui réunit les États-Unis, le Canada et le Mexique. Or, nous voyons bien, aujourd’hui, la manière dont les États-Unis se servent de cette zone de libre-échange pour imposer leur loi. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder ce qu’il s’est passé il y a quinze jours, lorsque la société pétrolière Chevron a attaqué directement l’État canadien.

Il suffit aussi de se souvenir des initiatives qui ont été prises pour ouvrir ce marché du libre-échange. On a cité, tout à l’heure, la position adoptée par le Président Mitterrand en 1993, lors de la négociation du GATT. Mais rapprochons-nous de la période contemporaine.

En 1998, nous avons lutté contre un projet, défendu par l’Organisation mondiale du commerce et la Commission européenne : l’accord multilatéral sur l’investissement, l’AMI. Socialistes, communistes ou écologistes, nous pratiquions ce que nous avions appelé la « stratégie de Dracula », qui consistait à braquer le projecteur sur toutes les zones d’ombre de cet accord multilatéral d’investissement. Nous avons harcelé le Gouvernement à coups de questions écrites, de questions au Gouvernement et de questions orales et nous avons organisé des manifestations et des réunions pour éclairer l’opinion sur ce sujet.

Nous étions alors en période de cohabitation ; Lionel Jospin était Premier ministre. La France, sur son initiative et en accord avec le Président Chirac, a refusé cet accord multilatéral d’investissement. Les États-Unis n’en sont pas restés là puisqu’en 2011, ils ont tenté de conclure avec l’Europe un accord bilatéral portant sur les services, la propriété intellectuelle, l’investissement et les produits, en vain.

Plus récemment, en 2012, il a fallu la mobilisation des écologistes, et d’autres, contre un projet sur la contrefaçon, l’ACTA – l’accord commercial anticontrefaçon –, qui avait été signé et ratifié par vingt-deux pays de l’Union européenne pour le faire échouer.

Il n’y a donc pas de fatalité à ce que s’impose l’accord transatlantique entre l’Union européenne et les États-Unis, même s’il est préparé d’une certaine manière dans le dos des citoyens et que le Parlement européen n’a qu’un avis consultatif. En outre, nous savons, les uns et les autres, parce qu’il ne faut pas se voiler la face, que le président de la Commission a des visées professionnelles et politiques qui justifient le fait qu’il veuille avancer à marche forcée en la matière. Nous savons en effet qu’il regarde vers l’Organisation des Nations unies.

M. François Loncle. Non, vers l’OTAN !

M. Noël Mamère. L’actualité récente nous offre quelques exemples de ce à quoi peut conduire la faiblesse de l’Union européenne dans les rapports de force que nous entretenons avec les États-Unis. Ainsi, après avoir imposé à la Grèce un certain nombre de règles et d’efforts, nous avons vu, hier, consternés, abattus, les programmes de la télévision nationale – qui, en assurant l’accès à l’information, est l’un des éléments structurants du débat démocratique, de l’espace public, pour parler comme un pédant, qui contribuent à la vitalité démocratique d’un pays – se transformer en un écran noir : 3 000 personnes sont jetées à la rue.

Le Gouvernement grec n’a proposé aucune solution alternative, n’a annoncé aucune date de réouverture de la radio-télévision publique. Que va-t-il se passer ? Eh bien, vont s’engouffrer dans la brèche toutes les télévisions et les radios privées, qui, grâce au numérique et au satellite, vont pouvoir s’imposer et contribuer à une forme d’hégémonie culturelle.

Mme Filippetti, tout à l’heure, a souligné le rôle du numérique. Certes, nous ne pouvons nier son importance. Mais, comme l’avait décrit Jacques Ellul en 1953, dans un texte prémonitoire intitulé La Technique ou l’enjeu du siècle nous constatons que le numérique ne sert pas seulement à découvrir d’autres cultures ; il sert aussi à espionner, contrôler, réduire nos libertés personnelles, nos libertés publiques, et à envahir l’espace social et l’espace de notre vie.

Alors oui, bien sûr, il faut défendre l’exception culturelle. Mais que pourrons-nous faire face à cet ogre qui est en train de se construire « à l’insu de notre plein gré », pour reprendre l’expression d’un sportif pris la main dans le sac ? Contre quoi devons-nous nous battre ? Contre l’élargissement de cet espace géographique !

Car, pour résumer l’enjeu en une formule, on peut dire que cet accord transatlantique n’est rien d’autre qu’une forme d’OTAN de l’économie, l’Europe devenant un supplétif des États-Unis. Ceux-ci ont en effet, qu’il s’agisse du commerce ou de la politique extérieure, une peur obsessionnelle du déplacement du centre de gravité du monde vers le Pacifique et l’Asie, en particulier vers la Chine. Les États-Unis veulent donc imposer leurs normes, modifier les réglementations, pour permettre, par exemple à la société Wal-Mart, qui est plus riche que la Grèce, ou à la société pétrolière Exxon, dont le chiffre d’affaires est équivalent au produit intérieur brut de l’Autriche, de s’imposer par des fusions-acquisitions, liquidant ainsi nombre de petites et moyennes entreprises qui tenteront d’affirmer leur singularité. Comment pourrons-nous lutter contre des monstres pareils ?

J’ai parlé de nos libertés. Les États-Unis, malheureusement copiés par d’autres, sont devenus les chantres de ce que l’on appelle la lutte contre le terrorisme par tous les moyens. Même le Président Obama, qui s’était engagé à supprimer Guantanamo et à abandonner le programme « Prism », est prêt à remettre en cause les libertés, au nom de la lutte contre le terrorisme ; le Patriot Act qui a beaucoup réduit les libertés à l’époque de Bush, n’a pas été abrogé. Donc, si l’on passe un accord transatlantique avec les États-Unis d’Amérique, il y a de fortes chances qu’au nom de la lutte contre le terrorisme, nombre de dispositions sécuritaires attentatoires à nos libertés soient mises en œuvre au sein de l’Union européenne.

Enfin, les conséquences et les dégâts collatéraux de cet accord seraient bien plus profonds que ceux de l’accord multilatéral d’investissement. Il répond en effet au souci exprimé par Samuel Huntington, cet historien américain qui a théorisé la guerre des civilisations. Il s’agit pour les États-Unis de constituer, avec l’appui de l’Europe, un bloc occidental contre le bloc Asie-Pacifique, mais aussi contre le monde arabo-musulman, qui est aujourd’hui présenté comme le diable et comme la source de tous les terrorismes contre lesquels nous devons nous battre et, à ce titre, sacrifier nos libertés.

Bien entendu, les écologistes, que j’ai l’honneur de représenter à cette tribune, voteront pour la proposition de résolution présentée par Patrick Bloche et Danielle Auroi. Mais nous regrettons vivement, nous aussi – mais pas dans les mêmes termes que M. Lellouche –, que la proposition de résolution présentée par Mme Seybah Dagoma devant la commission des affaires étrangères n’ait pas fait l’objet de ce débat. Sa proposition, qui évoquait tous les aspects que je viens d’essayer de décrire devant vous pendant les dix petites minutes qui m’étaient imparties, nous aurait permis d’avoir un vrai débat démocratique avant que l’Union européenne nous jette dans les bras de ce que Les Amis de la Terre appelaient un monstre.

En tout état de cause, nous, les écologistes, nous nous battrons et nous mènerons campagne, ici, à l’Assemblée nationale, et dans tout le pays, pour remporter le même succès que celui que nous avons obtenu contre l’accord multilatéral d’investissement. Nous voterons pour cette proposition de résolution sur le respect de l’exception culturelle.

Mme Danielle Auroi, rapporteure et M. Patrick Bloche, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais d’emblée exprimer le soutien du groupe RRDP à la proposition de résolution européenne relative au respect de l’exception culturelle présentée par nos collègues Danielle Auroi et Patrick Bloche.

J’écoutais, ce matin, sur une radio de service public, Bérénice Bejo évoquer l’avantage fourni par le système français d’aide à la production cinématographique et expliquer que jamais le film The Artist très apprécié aux États-Unis et oscarisé, n’aurait pu être produit par les Américains eux-mêmes, compte tenu des règles qui sont les leurs.

Cette exception doit, à l’évidence, être maintenue. L’accord intitulé « Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis » s’inscrit, certes, dans une démarche logique de rapprochement des deux continents. En plus de valeurs communes telles que l’attachement aux droits de l’homme, aux libertés fondamentales et à la démocratie, nous partageons avec nos amis américains des relations économiques privilégiées.

Les États-Unis sont en effet notre deuxième partenaire commercial, ce qui représente 13,9 % de nos échanges de marchandises.

Ce texte aspire à dépasser les engagements précédents qui ont été pris dans le cadre de l’OMC entre les États-Unis et l’Europe en vue d’une libéralisation des échanges et des investissements par la suppression des obstacles non tarifaires et l’harmonisation des régulations.

Selon une analyse commandée par la Commission, cet accord serait bénéfique à l’Union européenne, tant sur le plan de la croissance de son PIB que de ses exportations et de son niveau d’emploi.

La réciprocité des intérêts est évidemment la condition indispensable d’un accord économique solide et stable. À cet égard, le secteur de l’audiovisuel et des services culturels constitue l’élément négatif qui déséquilibre ces négociations.

D’après les chiffres figurant dans l’excellent rapport présenté par Mme Danielle Auroi le 11 avril dernier, en 2010, le montant des exportations de services audiovisuels des États-Unis vers l’Union européenne est estimé à 7,5 milliards de dollars, contre seulement 1,8 milliard de dollars de l’Union européenne vers les États-Unis. Une telle asymétrie des échanges de biens culturels pose un réel problème dans la négociation de l’accord global. Le mandat de la Commission en la matière n’est pas satisfaisant. L’attitude de la Commission et de son président ne l’est pas davantage, comme il arrive, encore moins en matière de culture, comme on pouvait s’y attendre.

L’Union européenne s’est pourtant déjà engagée à défendre le principe de diversité culturelle, du moins de la diversité des expressions culturelles comme l’on dit maintenant, dans l’article 22 de la Charte des droits fondamentaux, adoptée en décembre 2000 à Nice. Contrairement aux États-Unis, qui ne l’ont pas fait, l’Union européenne a signé la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO en octobre 2005, confirmant, selon la formule consacrée, que « la culture ne peut être considérée comme une marchandise comme les autres ». Formule consacrée, mais inexacte : la culture n’est pas une marchandise du tout. La qualifier de marchandise qui n’est pas identique ni analogue ou comparable aux autres, c’est, au fond, une facilité que nous employons tous. Nous n’en devons pas moins cesser de traiter la culture de marchandise.

Quoi qu’il en soit, les engagements de notre pays – dont celui que je citais, pris dans le cadre de l’UNESCO – nous imposent des obligations particulières. Le partenariat transatlantique promouvant le respect des politiques appliquées par l’Union européenne ne doit donc pas faire écueil à ses engagements internationaux. Le point 8 de la recommandation de décision du Conseil de l’Union européenne précise que « les parties ne favoriseront pas les échanges ou les investissements directs à l’étranger assouplissant les normes fondamentales du travail ou les politiques et la législation visant à protéger et à promouvoir la diversité culturelle ». Il y a là un engagement pris envers nos partenaires européens de respecter nos acquis sociaux et politiques.

Notre attachement à certains principes fondamentaux, parmi lesquels précisément le respect de la diversité des expressions culturelles, est fédérateur de notre Union. À cet égard, le rapport de Mme Seybah Dagoma est particulièrement éloquent. Il faut se méfier des velléités de contournement de cette promesse par les États-Unis d’Amérique. Les dispositions sectorielles prises dans le cadre d’une harmonisation réglementaire incluent le secteur des technologies de l’information et de la communication. Il est nécessaire de rappeler le principe de neutralité technologique établissant que la nature du support ne modifie pas le contenu de l’œuvre dans les négociations de l’accord, conformément à la proposition de résolution européenne.

Le partenariat transatlantique ne doit pas être le premier pas vers une menace de notre industrie culturelle et artistique. Le projet est ambitieux, mais ne doit pas inciter l’Union européenne à contredire ses engagements et ses textes fondateurs. C’est pourquoi nous approuvons pleinement l’exigence formulée par la proposition de résolution d’exclure explicitement les services audiovisuels du mandat de négociation, mettant à part ce qui concerne la culture et exprimant l’idée qu’elle est en pareil cas ce qui reste quand on a tout négocié. (Sourires.) Il s’agit, au contraire, d’une réalité très différente de ce que l’on a négocié par ailleurs.

En tout cas, si tel n’était pas le cas, comme beaucoup l’ont demandé ici et comme le permet le paragraphe 4 de l’article 207 du traité de fonctionnement de l’Union européenne, nous invitons les États membres, en particulier le nôtre, à faire usage de leur droit de veto pour protéger la diversité des expressions culturelles au sein de notre Union. Je voudrais pour terminer saluer Jack Ralite, qui a beaucoup fait pour la culture et la considère certainement comme un bien infiniment précieux car infiniment fragile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, nous débattons aujourd’hui d’un projet de résolution européenne visant à faire respecter l’exception culturelle. Qui aurait pu penser qu’un tel acquis puisse être de nouveau remis en cause ? Mais qui aurait pu penser que trois chaînes de télévision publique seraient, hier soir, plongées dans le noir en Grèce ? Au vu du mandat confié à l’Union européenne pour négocier le contrat de libre-échange, dit « partenariat transatlantique de commerce et d’investissement », avec les États-Unis, le risque est bien là. Les logiques libérales en place ne nous feront pas taire. Deux raisons expliquent le bien-fondé de la résolution pour l’exception culturelle : la culture n’est pas une marchandise et l’exception culturelle n’est pas négociable.

La culture, tout d’abord, n’est pas une marchandise. La volonté citoyenne de placer la culture hors du champ du commerce ne date pas d’hier. Elle s’enracine dans la lutte contre l’offensive des marchands pour faire de l’argent avec ce que l’on appelle aux États-Unis l’industrie du divertissement. Nous parlons de culture, voilà toute la différence. Celle-ci est intrinsèque à toute activité humaine : « Je pense, donc je suis ». Et quand nous parlons culture, parlons-nous d’autre chose ? Nous parlons de création, d’imagination, de réflexion, d’abstraction, d’anticipation d’échange et de partage, que seuls les femmes et les hommes sont en mesure d’accomplir.

Nous savons que pour vivre et s’épanouir, les êtres humains n’ont pas seulement besoin de s’alimenter ou d’ériger des règles, mais aussi de créer. Les grottes de Lascaux ne sont-elles pas là pour nous le rappeler ? Oui, la beauté de la peinture existait bien avant que ne s’organise le marché de l’art !

Aussi, l’exception culturelle ne peut être négociable. Le mandat négocié entre l’Europe et les États-Unis relève d’un enjeu de civilisation que tous les chefs d’États européens devraient sinon comprendre, du moins admettre au regard des multiples décisions européennes d’ores et déjà formulées. Faut-il rappeler en effet que l’Union européenne a ratifié la convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle, ouvrant ainsi à chaque État le droit d’apporter des aides aux diverses expressions culturelles comme il l’entend ? Faut-il rappeler également que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne précise que « l’Union européenne respecte la diversité culturelle et linguistique » ? Plus récemment, le Parlement européen a adopté à une très large majorité une résolution demandant l’exclusion du secteur audiovisuel du mandat de négociation. Le traité sur l’Union européenne lui-même, que nous avons combattu sur bien d’autres aspects, promeut grâce aux mobilisations la diversité culturelle au sein de l’Union européenne !

Nous savons combien le combat fut rude et long pour en arriver là. Permettez-moi à mon tour de rendre hommage à mon ami Jack Ralite qui, dès 1986, alors que l’on privatisait TF1, impulsait la création des états généraux de la culture. Ces derniers rassemblèrent 1 500 artistes à Paris le 17 juin 1987 et 6 000 personnes au Zénith six mois plus tard, qui étaient autant d’artistes, citoyens et citoyennes, nous ayant appris à nous battre pour refuser de livrer la culture au marché et à la concurrence libre et non faussée. En 1994, le principe est reconnu par les instances européennes lors des négociations du GATT. Depuis cette date, l’exception culturelle est partie intégrante de la construction européenne, mais les tentatives de la remettre en cause ont été fréquentes. Ainsi, il a fallu la défendre en 1998 face aux velléités marchandes de l’accord multilatéral sur l’investissement.

Aujourd’hui, nous devons de nouveau nous mobiliser. Nous allons montrer aux rapaces que les artistes, le monde de la culture et de la création ainsi que les citoyennes et les citoyens peuvent avoir le dernier mot pour faire gagner l’humain contre la loi de l’argent. Partout, se lèvent la protestation et la résistance : à Cannes, où des milliers de signatures ont été recueillies ainsi que le soutien de l’un des plus grands cinéastes américains, Steven Spielberg. Mentionnons aussi l’appel des 500 artistes, qui viennent d’apposer leur signature sur une pétition lancée par la SACEM et soutenue par les organismes de la filière musicale. Une nouvelle fois, la mobilisation est en route pour défendre l’exception culturelle face à des accords commerciaux internationaux impliquant l’Europe et qui feront encore trinquer les peuples. Quand on fait trinquer les peuples, on tire souvent sur la culture !

En refusant par une résolution que l’on touche à la culture, nous refusons toute la logique mercantile qui guide actuellement les politiques européennes et qui est d’autant plus nocive qu’elle s’accompagne de la mise en œuvre du dogme de l’austérité. D’ailleurs, madame la ministre de la culture, comme j’ai eu l’occasion de vous le dire hier, il va vous falloir sonner le tocsin pour votre budget ! On ne peut accepter que la culture, dont la dotation est censée diminuer de 67 millions d’euros, soit « dévastée par l’austérité », selon le titre du journal L’Humanité h ier.

Il faudrait donc avoir le débat sur l’ensemble du mandat pour l’accord entre l’Union européenne et les États-Unis, car ces logiques toucheront tous les domaines de notre activité économique et sociale. La Commission européenne s’apprête en effet à créer une vaste zone de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis visant à démanteler les règles tarifaires, réglementaires et environnementales protégeant les salariés et les consommateurs. Elle laisse planer sur nos services publics de lourdes menaces, tant dans la santé que dans les transports ou l’éducation.

On veut nous vendre tout cela au nom d’une relance économique en France. Ne soyons pas dupes ! Les grands vainqueurs seront les multinationales, comme le Président Obama l’a lui-même reconnu. Cet accord transatlantique risque en fait de mettre notre développement sous tutelle des grands groupes financiers, comme dans le domaine culturel sous celle des Google, Apple et autres Amazon.

Une nouvelle fois, je veux vous dire notre mécontentement du retrait de la résolution européenne portant sur la totalité du mandat et de l’impossibilité de débattre d’un mandat global et impératif pour la négociation de l’Union européenne sur l’ensemble de l’accord. Cela nous aurait peut-être permis de mieux défendre l’exception culturelle en nous opposant aux logiques qui sous-tendent un tel mandat.

Je me félicite toutefois que nous puissions débattre ce soir de la culture, répondant ainsi à l’appel des cinéastes soulignant qu’« à l’heure où le déficit démocratique du fonctionnement de l’Union européenne fait dangereusement tanguer l’idée même des pères fondateurs, ne galvaudons pas la diversité culturelle qui est au cœur de notre rayonnement ».

À ce propos, nous aurons à débattre dans quelques jours d’une nouvelle résolution sur la volonté de la Commission européenne de porter atteinte aux aides pour le développement du cinéma. Je pense en particulier à la volonté de modifier les critères de territorialisation des dépenses. Sur ce point également, mobilisation citoyenne et détermination gouvernementale doivent aller de pair. Rappelons-nous les manifestations des cinéastes en 1946 lors des accords liés au plan Marshall, auxquelles vous avez fait allusion, madame la ministre.

J’en viens maintenant au contenu de la proposition de résolution qui nous est proposée. L’alinéa 13 mentionne que « les biens et services culturels ne sauraient être assimilés à des marchandises comme les autres ». J’aurais préféré, comme l’orateur précédent, que l’on s’arrête à « des marchandises », car, vraiment, les services culturels n’en sont pas. Les alinéas 14 et 15 ainsi que l’alinéa 18 insistent sur les services audiovisuels à juste titre. Autant il est inacceptable de supprimer l’exception culturelle, autant il serait inacceptable d’en sortir les services audiovisuels. L’entrevue qui a eu lieu entre le président de la Commission européenne ne nous rassure pas sur ce point.

Nous prenons note, madame la ministre, des garanties que vous nous donnez sur l’attitude du Gouvernement justifiant l’utilisation de son droit de veto si le contenu du mandat demeure inchangé. En effet, comme le rappelle la CGT spectacle, le traité prévoit un vote à l’unanimité en cas de menaces sur la diversité culturelle. Nous souhaitons que le Président de la République dise haut et fort à ses collègues européens notre opposition résolue au contenu actuel du mandat. Celles et ceux qui se mobilisent pour l’exception culturelle comptent sur la détermination de la France.

C’est dans cet esprit que les députés du front de gauche voteront cette résolution.

Je voudrais terminer par cette belle idée traversant la mobilisation depuis près de trente ans : « La culture se porte bien, pourvu qu’on la sauve. »

M. Patrick Bloche, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai par une citation : « Le 14 juin, date de l’adoption par le Conseil de l’Union européenne du mandat définitif de négociation de l’accord de libre-échange Europe-États-Unis, l’Europe pourrait rentrer dans une nouvelle ère, celle dans laquelle le politique abdiquerait devant la seule logique de marché en sacrifiant l’un de ses biens les plus précieux : la culture ». Ce sont les propos introductifs d’une tribune signée par une vingtaine de cinéastes européens – mais qui aurait aussi bien pu l’être par Jack Ralite, que je salue.

Au-delà de son importance pour l’édification de la personne humaine, mais aussi pour la défense des différentes cultures de l’Union européenne, ce combat n’est pas une danseuse ! Le secteur de la culture est d’ailleurs un secteur économique pourvoyeur d’emplois et porteur de développement – davantage même que le secteur automobile en France. Sur le plan européen, il représente 3,3 % du PIB et emploie un peu moins de 7 millions de personnes. Or, cette réalité et cette potentialité d’emploi et de croissance sont remises en cause avec le projet de négociation de l’accord de libre-échange avec les États-Unis.

Les secteurs de la culture et de la création ne peuvent être soumis à une stricte logique commerciale, compte tenu de la puissance et de l’impact des industries culturelles dans le monde. Il y a là une asymétrie qui s’impose à l’ensemble des autres pays, et dont il faut tenir compte. Le combat est mené pour la reconnaissance de la diversité culturelle et son épanouissement dans un monde nécessairement multiculturel. C’est pourquoi nous défendons avec force le principe de l’exception culturelle, portée par la France depuis des lustres et devenue diversité culturelle lors des accords de Marrakech du 15 avril 1994.

Ce principe a été constamment réaffirmé dans les négociations commerciales conduites par l’Union européenne. Il a, par ailleurs, été consacré en 2005 par la convention de l’UNESCO sur la diversité des expressions culturelles. Je rappelle les propos tenus à l’époque par son directeur général, Koichiro Matsuura : « La richesse culturelle du monde, c’est sa diversité au dialogue ».

Au moment où le mandat de négociation va fixer, le 14 juin prochain, les contours de l’accord de libre-échange, cette proposition de résolution est indispensable pour favoriser le dialogue des cultures et pour accompagner le Gouvernement. Elle interroge la pure logique des marchés et replace la culture au centre de notre identité française et de notre identité européenne.

Il convient, en effet, de réaffirmer que la culture ne constitue pas un ensemble de biens et services marchands comme les autres. L’identité française, si souvent présente dans le débat public, est fondée aussi sur la vitalité de notre culture. C’est là que la France est attendue et c’est là qu’elle a un rôle éminent à jouer : un rôle dans l’accès de tous à la culture et la diffusion culturelle ; dans le soutien aux créateurs ; dans la régulation d’une activité économique de la création ; enfin, elle joue un rôle dans la promotion de la diversité dans la création, et ambitionne également de favoriser la rencontre entre les cultures, notamment européennes.

Alors, pourquoi sacrifier ce patrimoine, partie intégrante de notre identité – et de celle, d’ailleurs, de chacun des pays de l’Union européenne ? Rien ne le justifie. C’est pourquoi, avec d’autres pays engagés à ses côtés, la France entend bien défendre la diversité culturelle. L’écho de cette mobilisation nous vient aussi du Parlement européen, qui a voté, le 26 mai dernier, une résolution demandant l’exclusion du secteur audiovisuel du mandat de négociation.

La culture et la création doivent impérativement être protégées et préservées pour prospérer. Toutes deux doivent faire l’objet d’un régime particulier de régulation avec des mesures de soutien financier et réglementaire, afin d’assurer leur développement et leur pérennité. Il ne s’agit pas de défendre une vision franco-française de l’exception culturelle ou de la diversité culturelle : c’est le combat pour la culture, partie intégrante de l’identité de chacun.

Il ne suffit pas au commissaire européen au commerce, M. De Gucht, de dire qu’on ne touchera pas au système de protection et de régulation mis en place en faveur des biens et services culturels traditionnels. Le combat n’est pas celui du cinéma américain contre le cinéma français, celui d’Hollywood contre la diversité culturelle, mais bien celui d’entreprises – Netflix, Google, Apple, Facebook – contre la diversité culturelle, notamment celle de l’Union européenne. N’oublions pas qu’un moteur de recherche comme Google, qui devrait normalement garantir la neutralité dans ses conditions d’utilisation, est aujourd’hui éditeur de services et, à ce titre, donne la priorité à ses propres services.

Nous sommes devant une mutation technologique qui va, peut-être seulement dans un premier temps, fragiliser le dispositif que nous avons mis en place pour faire perdurer la création culturelle. Mais demain, il est à craindre que tous les systèmes de régulation et de financement de la création ne se trouvent étouffés. C’est de cela qu’il s’agit, et de rien d’autre. C’est pourquoi nous demandons au gouvernement français de s’opposer clairement à l’inclusion des services culturels dans le mandat de négociation entre l’Europe et les États-Unis. Nous connaissons votre détermination sur ce point, madame la ministre, et vous en remercions.

M. Patrick Bloche, rapporteur. Excellent !

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, dans cette discussion qui s’engage sur l’exception culturelle, objet de cette proposition de résolution, il n’est peut-être pas inutile de rappeler le contexte dans lequel ce débat s’inscrit.

En mars, Bruxelles a donné son feu vert au lancement des négociations pour un accord de partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre l’Europe et les États-Unis. Il vise à stimuler la croissance et l’emploi pour l’Union européenne en garantissant, par exemple, un accès total aux marchés publics et en supprimant les restrictions imposées aux fournisseurs européens par les USA. Un accord avec les États-Unis permettrait d’ajouter 0,5 % de PIB à l’économie européenne.

Pour le président Obama, cet accord est « une chance unique ». Son secrétaire d’État, John Kerry, y voit « quelque chose qui peut aider à relever l’économie de l’Europe, à renforcer notre économie, créer des emplois pour les Américains, les Allemands, les Européens en général et donner naissance à l’un des plus grands marchés du monde. »

Mais le périmètre du mandat à accorder à la Commission fait débat, en particulier sur les OGM, sur les normes sanitaires ou environnementales, ou sur la culture, sujet qui cristallise les oppositions. Malgré les promesses économiques en termes d’emplois que peut apporter un marché transatlantique mieux intégré et malgré l’engagement que le résultat ne porte pas préjudice « aux valeurs fondamentales de l’Union européenne » – ce sont là les mots du rapporteur de la Commission pour le commerce international –, le monde de la culture et le monde politique se sont puissamment mobilisés pour réaffirmer la singularité de la question culturelle qui, selon eux, ne doit pas entrer dans le champ des négociations – selon eux, mais selon nous aussi.

Les raisons mises en avant et résumées dans cette résolution portent sur la protection et la promotion de la diversité culturelle, menacée dans l’hypothèse de la libéralisation du marché, notamment dans le domaine des industries audiovisuelles dominées par les États-Unis, avec une part de marché de plus de 50 %, mais qui représente aussi en Europe 4,5 % du budget de l’Union et 8 millions d’emplois. La France a brandi son droit de veto, qui permet de déroger au principe d’un vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil de l’Union, ce qui fait trembler les défenseurs de cet accord, dont les fondamentaux économiques sont, par ailleurs, largement partagés.

Le rapport du sénateur Blin analyse opportunément la place de la culture en Europe. Si celle-ci s’est d’abord construite sur l’économie, celle du charbon et de l’acier, afin d’éloigner le spectre de l’affrontement de ses États membres en liant leurs économies, en particulier celle de l’Allemagne et de la France, et même si la culture n’était pas absente des préoccupations des bâtisseurs, la reconnaissance de la culture comme compétence communautaire est tardive. Elle ne date que de 1992, par un article repris et devenu l’article 151 du traité d’Amsterdam, selon lequel « la Communauté contribue à l’épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l’héritage culturel commun ».

Pour expliquer cette singularité, on peut invoquer la magnifique définition que Léon Brunschvicg donne de la culture dans son ouvrage paru en 1947 L’Esprit européen : « La culture demeure inerte et morte tant qu’elle se borne à rôder en quelque sorte autour des âmes, tant qu’elle n’a pas suscité l’effort de la conscience pour se posséder elle-même et se conquérir dans son autonomie essentielle, c’est-à-dire tant que la matière de la culture n’a pas servi à la réalité de la civilisation, tant que l’Europe expression géographique ne s’est pas transformée en Europe communauté spirituelle. »

M. Jacques Myard. Mon Dieu ! C’est beau comme de l’antique ! (Sourires.)

Mme Annie Genevard. Comment, face à cet enjeu, faire entendre la voix à la fois forte et fragile de l’exception culturelle qui, en France, nous permet de maintenir – pour combien de temps encore ? – un réseau de librairies indépendantes, disparues depuis longtemps en Angleterre, ou encore de maintenir une industrie cinématographique pleine de vitalité quand elle est sinistrée en Italie, pays qui a donné tant de belles heures au cinéma.

Oui à la défense de l’exception culturelle, oui à cette proposition de résolution. Encore faudrait-il, je ne peux m’empêcher de vous le rappeler, madame la ministre, que vous défendiez plus efficacement le budget national de la culture, dont le journal L’Humanité e stimait hier à sa une qu’il était « dévasté par l’austérité » – eh oui, mes chers collègues, l’UMP peut citer L’Humanité ce qui montre bien que la culture permet des rapprochements improbables ! (Sourires.) J e rappelle que le budget de la culture a subi une baisse historique de 4,3 %.

Il n’est pas inutile de rappeler l’intérêt de la convergence des principes au niveau national et européen. Préserver le budget de la culture – François Hollande avait promis de le sanctuariser –, c’est aussi une façon de donner un sens concret à l’exception culturelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Féron.

M. Hervé Féron. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, nous avons depuis longtemps, et à bon escient, choisi de limiter le libre-échange de la culture sur le marché pour soutenir et promouvoir nos artistes. Vous avez souligné, madame la ministre, combien le combat que mène la France au plan européen avec d’autres pays alliés et de très nombreux professionnels du cinéma européen en faveur de l’exception culturelle, est essentiel.

C’est en préservant l’identité culturelle que nous permettons les échanges et les rencontres dans ce domaine. Or, inclure les services audiovisuels dans un accord de commerce international, c’est bien sacrifier le principe d’exception culturelle. La France a décidé, notamment depuis la création d’un ministère dédié en 1959, de renforcer la place de la culture dans l’édifice institutionnel. La culture fait effectivement partie d’un enjeu économique et commercial non négligeable. Les États doivent continuer de chercher à affirmer l’importance de la diversité culturelle, et ne pas ouvrir la voie à l’ultralibéralisme le moins artistique qui soit. Si l’État n’assure plus ce développement, la diversité artistique locale disparaîtra de la scène nationale, et l’art français de la scène internationale.

Le rôle de la politique culturelle de la France est assurément de promouvoir la diversité culturelle en Europe et à l’étranger grâce à des initiatives d’organisations internationales et européennes, et grâce à des rapports culturels renforcés entre les États. Les instituts culturels, mais aussi les services audiovisuels, sont ainsi des véhicules de promotion de la culture comme de la langue nationale d’un pays à l’étranger.

Près de 6 000 pétitionnaires et cinéastes européens demandent, par conséquent, que les services audiovisuels et cinématographiques soient exclus des négociations commerciales bilatérales entre l’Europe et les États-Unis. En effet, la culture n’est pas un simple bien de consommation ; ne pas la tenir à l’abri des seules lois du marché, c’est prendre le risque de son uniformisation. C’est aussi la dissoudre dans un « tout culturel » où elle perdrait tout son sens, l’assimiler à une marchandise dans la société de consommation et favoriser l’industrialisation du divertissement.

Or, pour vivre et se développer, une culture a autant besoin du contact avec les autres que de l’affirmation de sa spécificité. L’économie fait éclater les frontières nécessaires à la création culturelle au profit du plus riche, qui impose sa singularité pour en faire un « standard » universel. Alors, décidons d’échapper à l’action normalisante des États-Unis, à la relégation de la culture à l’état de simple produit consommable.

Mme Danielle Auroi, rapporteure et M. Patrick Bloche, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Louise Fort.

Mme Marie-Louise Fort. Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les présidents de commissions, mes chers collègues, lors de l’examen de la proposition de résolution européenne sur le mandat de négociation de l’accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne, alors que je revenais des États-Unis, j’avais indiqué que l’Union européenne était perçue outre-Atlantique comme plus demandeuse de cet accord que les États-Unis, aux yeux desquels il ne présentait guère d’actualité.

Je regrette donc que nous ne débattions que du respect de l’exception culturelle. Non seulement cela limite – même si nous les affirmons avec force – l’impact de nos exigences dans cette étape préalable à la négociation mais cela tend surtout à museler l’Assemblée nationale et ipso facto la France.

La défense de la diversité culturelle est l’un des fondements de la construction européenne. De fait, sa devise n’est-elle pas « Unie dans la diversité » ?

À cet égard, je rappelle que l’Europe a ratifié en 2005 la convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Par ailleurs, nous le savons, l’audiovisuel européen est subventionné. Le maintien d’une industrie cinématographique et audiovisuelle en Europe est le gage, dans une certaine mesure, de son rayonnement, de sa capacité à se représenter en donnant une voix à ses artistes et de sa faculté d’entrer avec succès dans l’ère numérique en créant de l’activité et des emplois.

L’exclusion des services culturels et audiovisuels et la défense de l’exception culturelle ont constitué une position constante de l’Europe en matière commerciale. Les services audiovisuels n’ont donc en aucune façon à entrer dans le champ de cette négociation sur le commerce des services et l’investissement.

Notre position en la matière a été exprimée de manière très explicite : le parti populaire européen a voté, le 23 mai dernier au Parlement européen, lors du vote sur le projet de mandat, une résolution tendant à en exclure les services audiovisuels, y compris en ligne.

Cette position doit être défendue avec d’autant plus de force que les États-Unis – on le sait bien – promeuvent de manière très offensive leurs intérêts dans le secteur audiovisuel, en particulier dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

La force de frappe de l’industrie américaine en matière cinématographique mettrait en péril l’industrie cinématographique européenne. Aussi le fait d’inclure ce secteur dans le champ des négociations reviendrait à mettre en concurrence deux productions de poids inégal et fragiliserait les politiques européennes d’aides aux secteurs créatifs originaux que, d’ailleurs, les États-Unis nous envient.

On peut regretter la position du président Barroso, qui, tout en reconnaissant qu’il fallait respecter l’exception culturelle et le droit des États à légiférer dans ce domaine, n’a pas pour autant accédé à la demande française d’exclusion des services audiovisuels. En validant les propos du commissaire Karel de Gucht, qui a balayé d’un revers de main la résolution du Parlement européen, il prend surtout le risque de mettre en péril l’avenir de la création et l’identité des peuples européens.

Alors que treize ministres européens de la culture, dont les ministres allemand, espagnol, italien et français, ont cosigné une lettre demandant que le secteur audiovisuel soit exclu de l’accord de libre-échange, le Conseil doit tenir compte de l’avis des États membres et de celui du Parlement européen.

Cette exclusion doit constituer un préalable inconditionnel à la négociation. Surtout, si l’Europe se livrait, dès le début des négociations, à cette concession majeure, qu’en serait-il de la défense de ses autres intérêts d’importance majeure, en matière agricole par exemple ?

Jacques Ruffié affirmait qu’aucune culture, aucune religion, aucune civilisation n’était à l’abri de la destruction. Chers collègues, baisser la garde sur la question essentielle de l’exception culturelle portrait un coup fatal à notre culture, dont le statut serait alors ravalé à celui de marchandise, aussi noble soit-elle. Faisons en sorte que la défense de l’exception culturelle constitue notre règle au cours de cette négociation et – soyons fous – efforçons-nous de lui conférer un caractère universel.

M. Patrick Bloche, rapporteur. Soyons fous !

M. le président. La parole est à M. Christophe Léonard.

M. Christophe Léonard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame la présidente de la commission des affaires européennes, chers collègues, la notion d’exception culturelle, promue par la France depuis les années 1980, repose sur le principe que la culture n’est pas une marchandise comme les autres, eu égard à sa dimension profondément humaine, au rôle qu’elle joue dans le développement de la pensée, à ses effets sur notre manière d’être ensemble, à ce qu’elle dit de nous et à l’enrichissement de la réflexion et de la construction de nos sociétés et de nos démocraties qu’elle favorise.

Le principe d’universalité qui s’attache aux biens culturels ne saurait être remis en cause, comme l’a démontré la convention de l’ONU pour l’éducation, la science et la culture du 20 octobre 2005 relative à la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, à laquelle, contrairement à l’Europe, les États-Unis ont refusé d’être partie prenante.

Ce sont autant d’arguments qui, à moins de souhaiter la disparition de toute diversité culturelle, impliquent que la culture ne puisse être soumise à l’idéologie d’un marché dont on sait, pour le vivre et le subir au quotidien – c’est mon cas dans le département des Ardennes –, qu’il est incapable de se réguler et que son unique raison d’être est le profit pour le profit, au mépris de tout paramètre humain.

On ne peut donc que regretter que, le 12 mars dernier, la Commission européenne ait adopté le projet de mandat autorisant l’ouverture de négociations pour un accord global sur le commerce et l’investissement, intitulé pudiquement « partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique ».

Pour la première fois depuis plus de vingt ans et les négociations de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1993, l’exception culturelle est remise en cause.

En effet, afin d’éviter la mise en œuvre de la possibilité offerte par l’article 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne relatif aux négociations commerciales de déroger à la majorité qualifiée en conférant un droit de veto à un État membre qui serait en mesure de prouver que les accords commerciaux risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l’Union européenne, la Commission a introduit dans le texte de son projet de mandat la mention selon laquelle la diversité culturelle serait préservée. Or, cette mention ne prévoit pas de protection automatique vis-à-vis des nouveaux supports numériques agrégateurs de contenus, principalement détenus par des sociétés américaines.

S’agit-il donc d’un oubli ou d’un trompe-l’œil ? La Commission européenne organise vraisemblablement une offensive libérale sans précédent qui ne saurait laisser la représentation nationale indifférente et qui la conduira, j’en suis certain, comme ce fut le cas précédemment, à s’opposer farouchement à toute remise en cause du statut commercial de la culture.

Aussi faut-il saluer la position du gouvernement français, qui, une fois encore, a assumé ses responsabilités face à l’histoire, en réaffirmant le 14 mai dernier par la voix de sa ministre du commerce extérieur, Mme Nicole Bricq, que la France n’accorderait pas de mandat à la Commission européenne si l’exception culturelle n’était pas respectée et, par la voix de sa ministre de la culture, Mme Aurélie Filippetti, en réclamant l’exclusion des services audiovisuels de tout engagement de libéralisation commerciale. D’ailleurs, à l’invitation de Mme Filippetti, treize ministres de la culture européens ont cosigné une lettre adressée le 13 mai dernier à la présidence irlandaise de l’Union et à la Commission européenne. Par ailleurs, tout à l’heure, lors des questions au Gouvernement, M. le Premier ministre a réaffirmé la fermeté de la position de la France.

Au-delà de la puissance américaine dans le domaine audiovisuel et du statut commercial des biens culturels, une tout autre question est soulevée par cet accord transatlantique : celle de l’identité européenne.

Cette identité est en crise du fait de la situation économique très dégradée de l’Europe, qui résulte de son incapacité à mettre en œuvre la nécessaire harmonisation sociale, fiscale et environnementale, et à se doter d’un budget communautaire puissant, tourné vers la croissance et l’emploi.

Par l’exception culturelle, c’est bien notre identité que nous devons défendre. La déposer entre les mains des marchés, des multinationales américaines – leaders sur les marchés audiovisuels et des nouveaux supports numériques – la vouerait irrémédiablement à la soumission et à l’écran noir, à la façon de la Grèce. Aussi je veux saluer la position de fermeté adoptée par le ministre du redressement productif dans le dossier Dailymotion-Yahoo, qui éclaire le débat actuel.

Voilà pourquoi, considérant que le texte actuel du projet de mandat de la Commission européenne ne prend pas pleinement en compte la protection et la promotion de la diversité culturelle en n’excluant pas explicitement les services culturels et audiovisuels, qu’il n’assure pas la pérennité de l’industrie cinématographique et audiovisuelle européenne notamment dans le monde numérique, qu’il se désintéresse du principe de neutralité technologique, en précisant que la nature du support ne modifie pas le contenu de l’œuvre – ce qui est de nature à favoriser un contournement de la protection de la diversité culturelle –, je demande au gouvernement de la France de ne pas signer de chèque en blanc à la Commission européenne sur quelque sujet que ce soit et de s’opposer à la délivrance d’un mandat de négociation sur cet accord transatlantique, lors du Conseil du commerce extérieur prévu le 14 juin prochain, en utilisant si nécessaire son droit de veto.

M. Jean-Philippe Mallé. Très bonne intervention !

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Monsieur le président, madame la ministre, la proposition de résolution relative au respect de l’exception culturelle présentée par nos collègues Auroi et Bloche, dans le cadre du projet de mandat que le Conseil s’apprête à donner à la Commission pour négocier le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique ne constitue pas une nouveauté dans les relations transatlantiques.

Chacun s’en souvient, l’accord Blum-Byrnes du 28 mai 1946 a constitué l’illustration la plus parfaite et la plus évidente, pour ne pas dire cinglante, de cet enjeu, entre la France et les États-Unis. À l’époque, les Américains ont obtenu l’ouverture des cinémas français et, plus généralement, ont permis à leurs films d’être déversés sur le continent européen, alors qu’ils étaient jusqu’alors interdits de séjour. Il faut toutefois reconnaître que l’interdiction totale qui avait cours à l’époque était quelque peu excessive.

Le compromis final, vous le savez, a consisté en l’abandon du quota de films américains en contrepartie de l’exclusivité de diffusion des films français quatre semaines sur treize. Les Américains avaient cependant gagné la partie. Il ne s’agit pas pour moi de manifester un quelconque rejet des films américains, dont certains sont excellents, tandis que d’autres, qui le sont beaucoup moins – et qui abondent sur des chaînes de télévision françaises – sont nommés par les Américains eux-mêmes des « savonnettes », tant ils sont insipides.

Toutefois – et nous sommes tous d’accord sur ce point –, l’objet de notre action consiste à préserver un secteur économique à part entière, porteur de notre identité culturelle. Dès 1946, vous le savez, la riposte – intelligente – a consisté à créer le Centre national de la cinématographie, qui a connu des années fastes grâce, notamment, aux possibilités financières qui lui étaient offertes, et en particulier aux avances sur recettes.

À ce propos, madame la ministre, il ne s’agit pas simplement de défendre l’exception culturelle vis-à-vis des Américains dans ce qui sera peut-être un futur partenariat transatlantique. Il est aussi primordial que nous, Français, défendions l’exception culturelle française, c’est-à-dire la diversité linguistique à Bruxelles. À cet égard, je dois dire que j’ai parfois le sentiment que le gouvernement français – je vous rassure : quel qu’il soit – est inscrit aux abonnés absents.

Aujourd’hui, on constate malheureusement que la Commission est devenue une formidable machine à angliciser. On le voit jusque sur ses murs : la dernière fois que j’y suis passé, il y a quelques semaines, je n’ai pas vu un mot écrit en français ; c’est du matraquage ! Pourtant, le français, comme l’allemand, est une langue de travail au même titre que l’anglais.

Mme Marie-Louise Fort et M. Franck Riester. Très bien !

M. Jacques Myard. Il est urgent que vous réagissiez.

J’ai d’ailleurs posé une question écrite au Gouvernement en novembre 2012 ; j’attends encore la réponse. Je suis sûr qu’après ce rappel, j’obtiendrai quelques éclaircissements.

Si l’exception culturelle est un enjeu majeur que nous devons défendre bec et ongles, elle doit être replacée dans le cadre plus étendu et tout aussi problématique du mandat de négociation de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis.

Il est d’abord regrettable – quelques-uns de mes collègues l’ont souligné – que le plénum de notre assemblée ne discute pas de l’ensemble de la proposition de résolution qui a été adoptée à l’unanimité tant par la commission des affaires européennes que par la commission des affaires étrangères et s’en tienne au seul problème de l’exception culturelle. Cela aurait eu plus de poids si nous avions ici débattu de l’ensemble de la proposition de résolution qui avait été très bien préparée par notre collègue Seybah Dagoma.

Ce projet d’accord transatlantique n’est pas un simple accord de libre-échange entre des partenaires qu’on pourrait qualifier d’homothétiques, tant s’en faut ! D’un côté, nous avons des États aux ordres de Bruxelles, car la Commission, après avoir reçu un mandat, dispose d’une compétence exclusive en la matière. De l’autre côté, la compétence est d’un autre ordre : les États fédérés excellent dans l’art de la rébellion vis-à-vis du Congrès et de Washington. Dans ces conditions, si Washington décide de quelque chose, il n’est pas du tout certain que les États fédérés l’appliquent, comme le montrent de multiples exemples. Seule une approbation de ce futur accord par le Sénat et la Chambre des représentants à une majorité des trois cinquièmes permettrait de lier les États fédérés ; le reste n’est que littérature pour gogos qui n’ont rien compris au système.

De surcroît, les États-Unis ont multiplié les mesures protectionnistes, lesquelles sont parfois bien dissimulées. L’une des dernières mesures que j’ai découvertes est l’interdiction faite aux banques européennes de pouvoir lever des dollars aux États-Unis pour les prêter aux entreprises. Cette possibilité est en effet réservée aux seules banques américaines. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Il ne faut donc pas s’en tenir aux apparences avec les Américains et négocier avec le FAMAS sur la table. (Sourires.)De plus, il est clair que si vous incluez dans le mandat de négociation les industries de l’armement, c’en est fini de l’industrie européenne de l’armement. Je me félicite d’ailleurs que le Premier ministre ait rappelé qu’il s’y opposait.

J’en viens maintenant rapidement à trois remarques.

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Jacques Myard. Monsieur le président, l’affaire n’est pas près d’être conclue, je vous le dis ! (Sourires.)

M. le président. Je vous l’accorde, mais je ne visais que votre propos !

M. Jacques Myard. Tout d’abord, nous n’avons pas forcément tout à gagner d’une conclusion de cet accord, surtout si l’on prend en compte le fait que les Américains peuvent jouer sur le cours de leur monnaie alors que la nôtre est surévaluée. Je vous rappelle que le commerce mondial croît de 7 % par an.

Ensuite, la Commission doit être tenue à bride courte, car les exemples ont montré dans le passé qu’elle prenait des libertés par rapport à son mandat.

Enfin, la France ne doit pas hésiter, je le dis et je le répète, à utiliser son droit de veto. Seul l’esclave, madame la ministre, dit toujours oui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Françaix.

M. Michel Françaix. Madame la ministre, rien ne vaut sans la culture, puisque c’est elle qui éclaire, qui donne le sens des proportions et des distances ; c’est elle qui apprend le relatif et la comparaison, sans interdire la recherche éternelle de l’absolu ; c’est elle aussi qui sert de guide, qui permet d’aller toujours un peu plus loin dans la possession du savoir sans jamais s’enfermer dans une discipline.

L’exception culturelle, c’est une façon d’aborder et de comprendre l’existence, la vie de l’esprit et la vie du corps. C’est une façon d’aborder et de comprendre et d’élargir l’idée que l’on se fait de la vie sociale, c’est une manière d’avancer en compagnie de tous les autres.

Ce bien précieux ne peut être bradé aux géants de l’internet et à des normes de consommation. Voilà pourquoi, sans s’enfermer dans une vision étroite et passéiste, nous ne pouvons accepter d’inclure l’audiovisuel dans les accords de libre-échange avec les États-Unis.

Nous savons ce que la création française, au cinéma et à la télévision, doit à l’État et aux mécanismes de protection et de soutien qu’il a mis en place à divers moments. Sans eux, nous savons que le cinéma français aurait disparu comme dans d’autres pays d’Europe. Ce serait le condamner que d’en faire un produit banal destiné à alimenter seulement les programmes de télévision.

Aux États-Unis, tout ce qui est culture est assimilé soit à des produits marchands soit à des activités de bienfaisance livrées à la générosité des entreprises et des particuliers. La culture n’est pas pour les Américains une activité d’intérêt public au sujet de laquelle un gouvernement devrait avoir des idées et un plan d’action. Elle n’entre pas dans l’univers mental des dirigeants politiques d’outre-Atlantique, qui voient en elle une industrie du divertissement.

Mais cette conception s’étend bien au-delà des États-Unis. Je crains qu’il n’y ait des dirigeants européens qui, même s’ils n’adhèrent pas aux thèses américaines, estiment que la culture n’est rien d’autre qu’un agrément de la vie, une fleur de la prospérité, un cadeau de la providence qu’il n’est dans le mandat d’aucun pouvoir d’engendrer, de protéger et de favoriser.

Nous autres, Français, nous avons cru pouvoir interpréter un silence général comme un consentement tacite à notre conception de la culture et nous avons estimé que nos partenaires, en adhérant du bout des lèvres à « l’exception culturelle », ratifiaient cette conception. Nous commençons à déchanter.

Mais il convient de traiter avec circonspection les affirmations circonstancielles et maladroites de l’exception culturelle faites dans un esprit de revendication corporative : elles compromettent une cause qui est infiniment plus noble et qui engage tout le champ de la culture, bien au-delà du sort, assurément digne de considération, des fabricants d’images.

La France ne saurait donc se présenter comme une donneuse de leçons, ainsi qu’elle aime trop souvent à le faire.

Je suggère que le bilan qu’elle doit dresser de sa politique culturelle et les conclusions qu’elle peut en tirer pour l’avenir ne s’établissent pas en circuit fermé, de façon trop strictement hexagonale. Car la culture, c’est toujours une peur dominée ou sublimée ; c’est aussi l’acceptation du risque, qu’il s’agisse de l’altérité, de la confrontation à d’autres cultures, ou de l’innovation, du changement.

Le défi est là : la mondialisation des échanges matériels et immatériels expose nos sociétés – non seulement leur économie, mais aussi leurs mentalités, leurs pratiques, et jusqu’à leur langage – aux rudesses d’une compétition généralisée, souvent sauvage, à la standardisation sous l’empire d’un système de référence dominant et à un jeu de rapport de force où la France et l’Europe risquent d’avoir le dessous.

La participation sans complexe à ce monde sans frontières rend nécessaire que chaque nation, chaque groupe humain connaisse et fasse vivre son identité propre, dont la culture est l’une des principales composantes, la plus insaisissable, peut-être, mais la plus décisive.

Le problème se pose pour la France mais aussi pour les autres nations d’Europe et aucune d’elles ne peut prétendre le régler isolément ; cela suffit pour donner un sens à l’Europe de la culture.

Face à la dictature des enjeux financiers et médiatiques, face à la robotisation au service des comptes d’exploitation, il faut tout faire pour la reconnaissance d’un statut spécifique pour les œuvres de l’esprit.

L’art est une harmonie de tensions dont tout l’éclat provient de la multitude de ces couleurs dans un monde pluriel qui ne gomme pas, qui n’uniformise pas.

Et s’il ne faut pas donner l’impression que nous mènerions un combat d’arrière-garde pour perpétuer le rayonnement d’une étoile éteinte, alors oui, la diversité culturelle, c’est reprendre à notre compte cet appel de René Char, repris par Jack Ralite : « Développez votre étrangeté légitime. » (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Estelle Grelier.

Mme Estelle Grelier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, madame la présidente de la commission des affaires européennes, je serai moins poétique que l’orateur qui m’a précédée. La politique commerciale est une compétence exclusive de l’Union européenne. Après avis du Parlement européen, le Conseil octroie à la Commission européenne un mandat à partir duquel elle conduit les négociations à l’abri de tout contrôle démocratique avant le vote, final, de ratification.

Le projet de mandat de négociation qui a été soumis aux dirigeants européens en vue d’aboutir à un accord de libre-échange avec les États-Unis a ouvert un débat auquel notre assemblée se doit de contribuer. Si je souscris totalement à la proposition de résolution qui nous est présentée, j’interviendrai plus globalement sur le périmètre du mandat de négociation.

Alors que le projet de mandat sera discuté au prochain Conseil européen, institution dont la majorité conservatrice accueille d’un bon œil l’ouverture des négociations, la question n’est plus de savoir si nous devons accepter ou rejeter le principe d’ouverture des négociations, puisque celles-ci seront ouvertes. Elle doit se poser en des termes plus équilibrés et il doit être fermement défini ce qui doit ou ne doit pas relever d’un partenariat mercantile. Or, trouver la ligne de crête en la matière est complexe.

La proposition de résolution sur l’exception culturelle, qui marque la vigilance et les réserves fortes de l’Assemblée nationale, s’inscrit dans une démarche d’accompagnement critique de l’ouverture des négociations, démarche dont la première étape doit être la définition d’un mandat de négociation clair, précis pour la Commission, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

À travers cette proposition de résolution, nous exprimons notre conviction et notre attachement au fait que l’on ne peut pas faire commerce de tout.

Les orientations que la Commission a rédigées balaient un champ d’intervention très vaste. Ce mandat est toutefois trop imprécis et ambigu pour nous satisfaire. Au gré des déclarations du commissaire au commerce, Karel De Gucht, il apparaît même empreint d’une certaine malhonnêteté intellectuelle, voire d’une effrayante rigidité libérale.

Or, ce n’est pas à la Commission de décider ce sur quoi elle sera autorisée à négocier.

M. Jacques Myard. Très bien !

Mme Estelle Grelier. Face à sa tentation hasardeuse de se précipiter sans garde-fous – c’est le cœur du sujet – dans les négociations avec notre partenaire américain, l’Union européenne doit défendre avec conviction ses spécificités, ses préférences collectives et son modèle social.

Un certain nombre de priorités fortes, voire essentielles, sont absentes du texte du 12 mars. Les deux entités négociatrices n’ont pas les mêmes intérêts à défendre ou à développer, en fonction de leurs objectifs, de leurs autres partenaires commerciaux, mais aussi de leur culture politique ou sociétale. La limitation claire des domaines négociables est d’autant plus fondamentale que les États membres de l’Union eux-mêmes peuvent parfois avoir des cultures et des intérêts divergents.

Le gouvernement français a, pour sa part, fixé trois lignes rouges pour la définition du mandat de négociation et nous y souscrivons : la non-remise en cause des préférences collectives qu’expriment les consommateurs européens ; l’exclusion des marchés de défense du champ de la négociation ; enfin, le refus d’assimiler les biens et services culturels à des marchandises comme les autres, refus que notre assemblée réitère, par la présente proposition de résolution.

Préférences collectives, défense, culture : par leur spécificité, leur caractère sensible, la différence d’approche dont ils font l’objet de part et d’autre de l’Atlantique, ces domaines doivent être préservés d’une libéralisation à marche forcée. Sans citer l’ensemble des arguments qui ont été avancés par les précédents orateurs, rappelons qu’aux États-Unis la culture relève avant tout d’une industrie, alors qu’elle constitue pour l’Europe l’un des fondements de son histoire, de sa construction et de son identité.

D’autres conditions strictes doivent être rappelées à la Commission pour une défense efficace de nos intérêts face à un interlocuteur rompu aux négociations. Il s’agit notamment de s’assurer que la réciprocité et l’équilibre des engagements soient respectés, étant entendu que si l’accord s’applique à l’ensemble des États membres de l’Union, il devra s’appliquer aussi aux cinquante États fédérés américains. De plus, les divers volets de négociation devront être évoqués de manière égale, sans faire l’impasse sur les sujets épineux ; je pense notamment ici au souhait de l’administration américaine de sortir du champ des négociations les services financiers pour contourner l’application des normes dites « Bâle III ». Enfin, et, surtout, le temps de la négociation devra être respecté, sans précipitation ni date butoir prédéfinie.

Au vu des précédentes négociations commerciales, au vu des travaux liminaires, compte tenu de la tendance de la Commission européenne à la rétention d’information – une tendance naturelle et sans doute inhérente à toutes les négociations commerciales – et de sa vision strictement libérale du projet d’accord, il faut impérativement que la représentation nationale, avec les élus européens, puisse assurer un suivi des négociations et être pleinement associée à ce dialogue transatlantique. Madame la ministre, nous comptons sur vous.

Si ces négociations aboutissent, vraisemblablement dans plusieurs années, et sous réserve du respect de l’exclusion culturelle, comme l’a rappelé le Premier ministre, elles auront, de par la puissance économique et commerciale des parties prenantes, un impact majeur sur l’ensemble des négociations commerciales dans le monde.

À nous de nous assurer qu’elles se dérouleront dans le respect le plus strict de nos valeurs et de nos convictions européennes. Nous souhaitons que l’éclairage particulier porté sur ce partenariat transatlantique serve aussi l’avancée attendue des travaux, aujourd’hui bloqués, des institutions européennes sur la réciprocité commerciale.

M. Patrick Bloche, rapporteur et Mme Danielle Auroi, rapporteure. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Franck Riester.

M. Franck Riester. Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le principe de l’exception culturelle est né il y a vingt ans, à l’occasion des accords du GATT. En reconnaissant ce principe, l’Europe défendait la vision que la culture n’est pas une marchandise comme les autres et affirmait son ambition d’encourager sa création et de protéger sa diversité.

Aujourd’hui, le bilan de l’exception culturelle est largement positif. Reflet de la pluralité de nos territoires, la diversité culturelle est vecteur de sens et de lien social entre les Européens et elle contribue à la croissance et à l’emploi. Pourtant, l’exception culturelle est aujourd’hui en danger.

Dans le cadre des futures négociations du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, la Commission européenne a refusé d’exclure explicitement les services audiovisuels de son mandat de négociation.

La libéralisation de l’audiovisuel et du cinéma n’est pas une avancée, c’est un renoncement. Un renoncement au modèle français d’économie de la création et au droit souverain des États de mettre en œuvre des politiques de soutien à la culture. Un renoncement à tout ce qui a permis, depuis vingt ans, de soutenir la culture européenne.

Sans exception culturelle, le parc français de salles de cinéma ne serait pas le quatrième au monde, il n’y aurait pas de salles d’art et d’essai, il n’y aurait pas 600 nouveaux films sur nos écrans chaque année. Mais il ne s’agit pas de défendre une spécificité franco-française : c’est bien la diversité des expressions européennes qu’il s’agit de protéger.

La position de la Commission est d’autant plus dangereuse qu’elle hypothèque l’avenir du secteur : je veux parler des services audiovisuels délivrés par internet. La libéralisation de ces services interdirait toute modernisation de la régulation et du financement de la création. Elle permettrait aux géants du numérique américain d’échapper à toute obligation envers la création.

Le danger est bien là : sans exception culturelle, les services américains de contenus en ligne déferleront sans entrave sur le marché européen naissant. L’Europe risque alors de se transformer en un simple espace de consommation d’œuvres produites et distribuées par des acteurs extracommunautaires. Moins d’offre, moins de choix : ce serait la fin de la diversité culturelle.

Il s’agit d’un enjeu de compétitivité industrielle et aussi d’un enjeu de civilisation. Aujourd’hui, le Gouvernement semble en avoir pris conscience puisqu’il a pris l’engagement d’utiliser le droit de veto français si la culture n’était pas écartée du mandat de négociation. Nous, députés, prenons acte de cet engagement du Premier ministre, cet après-midi, devant la représentation nationale.

Nous déplorons toutefois, avec notre collègue Pierre Lellouche, qu’il n’ait pu y avoir de débat sur le partenariat transatlantique au sein de l’Assemblée nationale. Nous regrettons aussi le temps où l’ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy, réussissait à engager nos partenaires européens et à faire bouger la Commission sur des enjeux essentiels pour l’Europe, qu’il s’agisse de la crise financière ou de la crise internationale en Géorgie.

Aujourd’hui, force est de constater que la France est affaiblie au sein de l’Europe. François Hollande avait promis de renégocier le traité européen ; il ne l’a pas fait. Il avait promis un budget européen ambitieux ; ce dernier subit une baisse historique. La France doit retrouver son poids et son rôle d’impulsion pour faire avancer l’Europe sur ces questions qui engagent l’avenir.

Comme les artistes, créateurs et professionnels de la culture qui se sont engagés, comme les députés européens, qui ont majoritairement voté en ce sens, les députés de l’opposition, au-delà des clivages politiques, soutiendront le Gouvernement dans son combat pour l’exception culturelle à Bruxelles. Ils voteront donc cette résolution présentée par M. Bloche et Mme Auroi.

Néanmoins, on ne peut que constater que si le Gouvernement défend l’audiovisuel et les industries culturelles à Bruxelles, il mène une politique inverse en France, enchaînant les décisions néfastes à ces secteurs : coupe historique du budget de France Télévisions, projet de réaffectation des fréquences destinées à l’origine à la TNT vers les opérateurs de télécoms, abandon des créateurs face au piratage avec le projet de supprimer la HADOPI, ponction massive dans le compte de soutien affecté au Centre national du cinéma.

L’exception culturelle est en danger ; il faut la préserver. Mais le Gouvernement doit être cohérent et s’engager à soutenir la culture et la communication en Europe mais aussi en France. C’est à ce prix que ces secteurs pourront réellement se développer et la diversité culturelle, prospérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Bleunven.

M. Jean-Luc Bleunven. Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, l’Union européenne et les États-Unis ont décidé, en début d’année, de lancer les négociations visant à conclure un accord bilatéral de libre-échange. Il convient ici de rappeler que le commerce transatlantique est un enjeu économique majeur. En effet, à eux deux, l’Europe et les États-Unis représentent la moitié de l’économie mondiale en volume, et chacun est le premier partenaire de l’autre.

Ces négociations bilatérales s’inscrivent dans un objectif de recherche de nouveaux relais de croissance entre l’Union européenne et les États-Unis. Elles se dérouleront par ailleurs dans un contexte marqué par l’échec des négociations multilatérales du cycle de Doha et par la conjoncture économique tendue en Europe et aux États-Unis.

Les conditions dans lesquelles se dérouleront ces négociations doivent faire l’objet d’une attention particulière de notre part. En effet, cet accord posera très certainement les bases des futures règles internationales en matière d’échanges commerciaux. Cela a été dit, l’objet de la libéralisation des échanges internationaux ne porte plus que de façon très marginale sur des barrières tarifaires largement démantelées par de précédents accords. Désormais, ce type de partenariat porte essentiellement sur la suppression ou l’adaptation des normes ou des règles qui sont le reflet des valeurs respectives des parties.

En choisissant d’inclure dans sa proposition de mandat de négociation les services culturels et audiovisuels, la Commission ouvre la voie à une offensive libérale dans ces secteurs, menaçant ainsi la diversité des expressions culturelles européennes.

En adhérant à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles adoptée par l’Unesco, l’Union européenne et l’ensemble de ses États membres ont marqué leur volonté commune de se doter d’un instrument international de protection de leur identité culturelle.

Cet engagement a été traduit dans le traité de Lisbonne par l’introduction d’un certain nombre de dispositions nouvelles portant sur la protection de la diversité culturelle des États membres. L’article 3 du traité dispose notamment que l’Union « respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen ».

Le développement de notre modèle culturel s’appuie sur un soutien fort de la puissance publique. En France, notamment, il permet de garantir l’accès de tous à la culture et à la diffusion culturelle et le soutien aux créateurs, grâce à des dispositifs d’aide et à des mécanismes de rémunération de la création via les droits d’auteur. Il permet aussi de structurer une activité économique de la création, notamment dans l’audiovisuel, et de promouvoir la diversité par l’orientation de fonds vers des formes d’expression qui ne pourraient trouver de soutien financier dans une stricte logique de marché.

Cet engagement public est aujourd’hui possible grâce à notre système, qui combine des obligations de production et de diffusion à la charge des diffuseurs, une chronologie de diffusion, ainsi que des financements par des taxes assises à la fois sur les entrées en salles de cinéma et la diffusion de films sur les médias audiovisuels. C’est ce modèle qui permet de faire de notre cinéma l’un des plus créatifs au monde. C’est ce mécanisme qui permet au Centre national du cinéma et de l’image animée de mettre en œuvre la politique de l’État dans les domaines du cinéma et des autres arts et industries de l’image animée. Ainsi 700 millions d’euros ont été générés par le produit des taxes affectées au fonds de soutien géré par le CNC. La valeur ajoutée atteint 29,8 milliards d’euros, soit environ 1,5 % du PIB français, et 340 000 emplois sont aujourd’hui couverts par le périmètre d’action du CNC.

À l’échelle européenne, les secteurs culturels et de l’audiovisuel apportent une contribution non négligeable à l’économie et à l’emploi, en représentant 3,3 % du PIB et 6,7 millions d’emplois.

Alors que les institutions européennes sont décriées et que le sentiment d’appartenance à une forme de « citoyenneté européenne » est chaque jour plus compliqué à inculquer, la protection de notre exception culturelle représente un enjeu majeur pour la construction de l’identité européenne.

Pourtant, ces mécanismes de soutien à la création sont aujourd’hui sous la menace d’une offensive libérale, souhaitée par les États-Unis dans le cadre des négociations de l’accord de libre-échange.

En incluant dans son projet de mandat de négociation les services audiovisuels, la propriété intellectuelle et les nouvelles technologies de l’information, la Commission disposerait d’un mandat particulièrement large.

L’objectif pour les États-Unis est de lever la protection qui recouvre le secteur audiovisuel, en remettant en cause le principe selon lequel la nature du support ne modifie pas le contenu de l’œuvre, ce que l’on appelle la neutralité technologique.

Or les États-Unis disposent dans le secteur de l’audiovisuel d’une part de marché de 54,5 %, contre 25,5 % pour l’Union européenne. Par ailleurs, les séries au succès universel sont presque exclusivement distribuées par les majors américaines et les contenus sont proposés par les grands groupes nord-américains tels Google, Amazon, Facebook et Apple.

En affaiblissant les mesures de régulation qui permettent à nos expressions culturelles d’exister, la Commission contribuerait à l’établissement d’un rapport de force totalement asymétrique entre l’Union européenne et les États-Unis et, par voie de conséquence, au délitement de notre savoir-faire en la matière.

Notre diversité culturelle européenne doit être défendue ! Cette proposition de résolution nous permet de rappeler à la Commission le rôle de régulateur que doit jouer l’Union européenne dans le secteur culturel et dans la préservation de notre identité.

L’Europe s’est engagée pour cette protection dans le cadre du traité de Lisbonne et de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO du 20 octobre 2005.

L’intervention de la puissance publique paraît nécessaire pour garantir la pérennité d’une offre culturelle riche, variée et accessible à tous, et qui ne peut être intégralement soumise à la loi du marché. C’est pourquoi nous demandons à la Commission, par cette proposition de résolution, de conserver l’ambition européenne qui est de contribuer à l’épanouissement des cultures des États membres, dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l’héritage culturel commun.

M. Patrick Bloche, rapporteur et Mme Danielle Auroi, rapporteure. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

Article unique

M. le président. J’appelle maintenant dans le texte de la commission l’article unique de la proposition de résolution.

Explication de vote

M. le président. La parole est à Mme Martine Martinel, pour une explication de vote.

Mme Martine Martinel. Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, je serai brève après cette discussion qui nous a permis d’apprécier l’expression de la diversité culturelle de nos collègues, qui ont mis tout leur talent au service de cette proposition de résolution.

Ce texte défend le principe de l’exception culturelle, qui n’est pas négociable, comme l’a dit Mme la ministre. La culture n’est pas une marchandise comme les autres. Défendre l’exception culturelle, c’est aussi se placer au service de la diversité, avec conviction et courage. Il s’agit d’une démarche d’ouverture essentielle. Vous avez le soutien des autres ministres de la culture, madame la ministre, et j’espère que ce texte, défendu avec talent, recueillera le 14 juin l’adhésion attendue.

Il ne devrait pas y avoir de voix discordante, les remarques entendues çà et là n’étant que la marque de la singularité de certains. Il me semble que votre travail, madame et monsieur les rapporteurs, madame la ministre, ne mérite aucune critique.

Vote sur l’article unique

M. le président. Je mets aux voix l’article unique de la proposition de résolution.

(L’article unique est adopté à l’unanimité, ainsi que l’ensemble de la proposition de résolution.)

8

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Débat sur la politique maritime de la France.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron