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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 20 juin 2013

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Autorisation de légiférer pour accélérer les projets de construction

Deuxième lecture

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture projet de loi, modifié par le Sénat, habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction (nos 1102, 1105).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les députés, le 29 mai dernier, le Sénat a voté, sans aucune voix contre, le projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction que vous aviez adopté en première lecture, le 21 mai.

Le texte issu du Sénat permet d’habiliter le Gouvernement à légiférer sur huit sujets prioritaires pour faciliter et encourager la construction en levant les obstacles qui ont été identifiés, parfois de longue date.

Vous avez largement débattu de ce texte en commission, et je ne reviendrai ici que sur les points qui ont connu des modifications lors de la lecture du texte au Sénat. La commission des affaires économiques a tout d’abord souhaité préciser les conditions de dérogation au PLU à des fins de densification, en rappelant qu’il appartiendrait à l’autorité compétente en matière d’application du droit des sols, en l’espèce le maire, d’apprécier, en fonction des circonstances, l’opportunité de ces dérogations. Il était utile de le préciser puisque c’est en effet aux élus de proximité qu’il appartient de dessiner l’avenir de leurs territoires. Nous leur fournissons pour ce faire des outils efficaces ; nous levons les difficultés : c’est tout l’esprit de ce texte. Par ailleurs, le projet de loi d’habilitation proposera une définition de l’intérêt à agir, conformément aux recommandations du rapport du président Labetoulle.

Les dispositions visant à densifier les villes ont été étendues aux communes de plus de quinze mille habitants en forte croissance démographique : je pense que cet amendement est de nature à pleinement satisfaire le président Brottes et celles et ceux d’entre vous qui avaient émis quelques réserves sur le seul zonage TLV. Vous le voyez, monsieur le président de la commission, le Sénat répond à vos interrogations.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. À défaut du Gouvernement !

Mme Cécile Duflot, ministre. Le Gouvernement est tout à fait disposé à soutenir les

amendements qui vont dans le bon sens ! Vous savez combien je suis sensible à une telle démarche.

Par souci de cohérence, les sénateurs ont souhaité que ces communes de plus de quinze mille habitants en forte croissance démographique soient également concernées par la construction de logements intermédiaires.

Autre modification opérée par le Sénat, conforme aux débats que nous avions pu avoir ici : il est désormais précisé que les conditions de dérogation aux obligations en matière

d’aires de stationnement devront tenir compte de la qualité de la desserte en transports collectifs ou de la densité urbaine, ce qui va de soi.

Les sénateurs ont également souhaité clarifier les dispositions, d’une part, de l’alinéa 15, afin de permettre l’alignement au faîtage des constructions neuves par rapport aux constructions contiguës existantes ; d’autre part, de l’alinéa 16, de sorte qu’en cas de surélévation d’un bâtiment déjà existant, le texte de l’ordonnance envisagée distingue deux cas. Le premier, qui correspond à la rédaction initiale de l’alinéa 16, vise la surélévation de ce bâtiment dans le respect des règles de gabarit du PLU. Le second permet de déroger, le cas échéant, aux règles de gabarit dans le but de parvenir à l’alignement au faîtage par rapport à un bâtiment contigu. Il s’agit d’une précision des termes qui devront guider la rédaction des ordonnances.

Les dispositions concernant le logement intermédiaire, qui avaient animé nos échanges, n’ont été que très peu retouchées par les sénateurs. Vous vous souvenez de l’amendement relatif à l’étanchéité, qui avait fait l’objet d’un travail approfondi : la définition de l’étanchéité a été très légèrement modifiée, afin que la représentation des collectivités territoriales ou de leurs groupements dans le conseil d’administration de la maison mère d’un organisme d’HLM et dans celui de sa filiale dédiée au logement intermédiaire puisse être assurée par les mêmes personnes. Il s’agissait de corriger une ambiguïté dans la rédaction initiale, mais sans remettre en cause l’état d’esprit de l’amendement originel.

Enfin, les sénateurs ont souhaité que les règles relatives aux délais de paiement, facilitant la gestion des trésoreries, concernent explicitement toutes les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics. Je l’avais souligné, c’est maintenant écrit.

Mesdames et messieurs les députés, vous pouvez donc constater que les modifications adoptées par le Sénat ne sont que marginales. Il s’agit de précisions, qui correspondent d’ailleurs à des points dont il a été débattu ici.

Je tiens d’ailleurs à vous dire que vos collègues ont, à plusieurs reprises, salué votre travail et se sont pleinement inscrits dans la logique qui avait été la vôtre lors du premier examen de ce texte. Je me félicite de cette vision partagée, de cette convergence d’idées entre les deux chambres, qui va nous permettre d’agir rapidement pour encourager la construction de logements et lutter contre la crise du secteur du bâtiment et de la construction.

Je vous confirme, monsieur le président de la commission, que le texte des ordonnances pourra être étudié par la commission des affaires économiques avant sa promulgation, et Mme la rapporteure pourra témoigner que nous travaillons d’ores et déjà en étroite concertation. Je fais partie de cette famille qui croit que les promesses engagent ceux qui les font. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Lepetit, rapporteure de la commission des affaires économiques.

Mme Annick Lepetit, rapporteure de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous nous retrouvons ce matin pour étudier une dernière fois ce projet de loi visant à accélérer les projets de construction de logements. Après son examen au Sénat, ce texte nous est revenu légèrement modifié, mais toujours conforme à l’esprit de celui que nous avions voté ici même en première lecture.

Le 4 juin dernier, la commission des affaires économiques a donc examiné une seconde fois ce projet de loi et l’a adopté à l’unanimité. C’est un événement assez rare pour être souligné et salué. Il fait écho au très grand soutien rencontré par ce texte auprès des acteurs du monde du logement, que j’ai rencontrés lors des auditions préparatoires. Les simplifications apportées sont très attendues, tout comme le seront chacune des huit ordonnances dans les mois qui viennent.

Je tiens également à souligner la manière consensuelle dont les débats se sont déroulés. Des amendements constructifs sont venus de tous les bancs de cet hémicycle. Ils ont été discutés, et pour certains d’entre eux adoptés, sans l’esprit polémique qui peut parfois habiter nos débats.

Sur le fond, je me dois de préciser certaines modifications apportées par le Sénat.

En matière de recours contentieux, la référence à un intérêt à agir suffisamment direct a été introduite. Cela correspond aux propositions du rapport Labetoulle, et nous ne pouvons qu’y souscrire.

Raccourcir les délais de règlement des recours est l’une des avancées les plus attendues par tous les acteurs du secteur. Ce sera bientôt une réalité, puisque le Président de la République a annoncé ce dimanche que cette ordonnance sera la première à être signée, dès le mois de juillet.

Cela démontre que la volonté d’aller vite sur ces sujets ne se retrouve pas uniquement dans nos discours à cette tribune. C’est une volonté partagée à tous les niveaux, au sein de l’exécutif comme au Parlement.

Sur les mesures de densification, les reformulations de mon homologue du Sénat ont permis de clarifier la rédaction du texte. Il est désormais bien établi que les dérogations aux règles du PLU constituent une faculté ouverte aux communes, pas une obligation. Enfin, le périmètre des zones tendues a été élargi aux communes de plus de quinze mille habitants en forte croissance démographique qui n’appartiennent pas à une agglomération ou un EPCI de plus de cinquante mille habitants. Dans le prolongement de nos travaux sur la loi de mobilisation du foncier public en faveur du logement, cette modification a pris en compte ce que l’on nomme les villes-champignons  ; elle répond à une préoccupation également exprimée en commission.

Le recentrage du dispositif créant le nouveau régime du logement intermédiaire a, lui, été entièrement validé par le Sénat. Une précision utile y a été ajoutée, permettant aux collectivités locales d’être présentes à la fois au conseil d’administration des maisons mères et à celui de leurs filiales consacrées au logement intermédiaire. Sur ce sujet, on a pu constater ces derniers jours que les choses avançaient vite et bien. Le Président de la République a ainsi annoncé, vendredi dernier, que le taux de TVA appliqué à ces logements serait abaissé à 10 %. En cette période de sérieux budgétaire, c’est un engagement fort, une dépense conséquente mais utile, et une preuve de plus que le logement est réellement une priorité pour cette majorité.

Je terminerai en signalant que, lundi dernier, le Conseil général de l’environnement et du développement durable a recommandé de prolonger de cinq ans l’expérimentation de la conception-réalisation. C’est précisément ce que nous avions fait en première lecture, en adoptant un amendement de notre collègue Daniel Goldberg, preuve que les députés ne sont pas seulement là pour commander ou appliquer des rapports, mais qu’ils peuvent aussi, parfois, les précéder !

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce projet de loi est un bon texte, soutenu et attendu par tous ceux qui veulent, aux quatre coins de la France, construire du logement. Que ce soit la lutte contre les recours mafieux qui bloquent les projets, les mesures pour faciliter la trésorerie des entreprises, la transformation des bureaux en logements ou encore la procédure intégrée qui réduit les délais, il apporte des réponses ciblées, qui font sauter un à un les verrous bloquant le secteur. C’est de cette manière que nous répondrons le mieux à l’urgence de la crise et que nous parviendrons enfin à relancer la machine.

Je conclurai en remerciant Mme la ministre et son cabinet pour le travail effectué et pour avoir su nous convaincre, nous parlementaires, d’autoriser le Gouvernement à passer par la voie toujours délicate des ordonnances. Conformément à ses engagements, je suis associée, en votre nom, mes chers collègues, au travail préparatoire de rédaction des ordonnances. Je confirme ce que Mme la ministre a dit à l’instant : elle viendra présenter ces ordonnances devant la commission, dans les semaines et les mois qui viennent. C’est pourquoi je vous invite bien évidemment à prolonger le vote de la commission en adoptant définitivement ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Madame la ministre, vous avez engagé une politique volontariste qui devrait permettre de diminuer significativement le mal logement dans notre pays.

Il ne faut pas se voiler la face, de considérables obstacles politiques et financiers existent. Les politiques précédentes n’ont pas permis d’améliorer la situation, mais vous vous attaquez bien différemment à ce problème.

Le bilan des années précédentes est connu. La Fondation Abbé Pierre nous le rappelle chaque année : 3,6 millions de personnes sont mal logées. Parmi elles, plus d’un million attendent un logement social, 650 000 sont sans domicile personnel, et 150 000 sans domicile fixe. Le droit au logement est pourtant inscrit dans notre Constitution !

De surcroît, au cours de l’année 2012, les mises en chantier ont diminué et le nombre d’emplois correspondant avec. Face à cette situation, les ordonnances permettront d’agir plus rapidement et de redonner de l’élan à ce secteur.

Vous vous êtes fixée pour objectif de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, ce qui est une nécessité mais aussi une gageure qui appelle la mobilisation de tous et de tous les moyens dont nous disposons.

Vous avez déjà apporté des réponses importantes aux questions liées au foncier et au droit au logement opposable, en renforçant, par exemple, la loi SRU.

Une nouvelle loi sur le logement, dont l’examen commencera en commission en juillet, permettra de doter notre pays d’une réglementation ambitieuse sur la qualité environnementale et thermique des logements à construire et à rénover. Ce vaste chantier aura un impact fort sur l’environnement, le pouvoir d’achat des ménages, l’emploi et l’économie. Ces défis, nous devons les relever de front.

L’isolation est le meilleur moyen de lutter contre les rejets de gaz à effet de serre qui conduisent au dérèglement climatique. Nous devons aller vers de l’habitat à faible consommation, voire à énergie positive. Il s’agit également d’un grand enjeu social dans la mesure où le renchérissement du coût de l’énergie précipite de nombreux ménages dans une situation de précarité énergétique – 8 millions de personnes seraient déjà concernées.

Enfin, les programmes envisagés seront un gisement d’emplois, pour l’essentiel non délocalisables, bien au-delà du seul secteur du bâtiment. Le regain d’activité ne pourra être que favorable aux entreprises du secteur et à l’ensemble de l’économie. Cette loi d’habilitation est en quelques sortes une loi de transition entre les deux volets législatifs que vous conduisez. Elle permettra de lever de nombreux obstacles en apparence techniques mais dont l’impact est en réalité très important sur le type de logement que l’on souhaite construire, sur l’urbanisme, sur la ville que l’on veut pour demain.

L’étalement urbain pose un réel problème et il devient urgent de prendre des mesures pour préserver les terres agricoles. Nous espérons que ces questions seront abordées au plus tôt devant le Parlement. Nous devons nous engager dans une politique de densification intelligente et maîtrisée de nos villes pour qu’elles soient agréables à vivre.

Il devient essentiel, par conséquent, de lever certaines entraves.

Plusieurs procédures préalables à la construction de logements, qui ont chacune leur utilité, se sont ainsi empilées au fil du temps. Nous tenons à ce qu’elles soient maintenues et améliorées pour un habitat plus respectueux des hommes et de l’environnement, mais les délais qui en découlent sont trop longs. Afin de réduire la durée totale de l’instruction, la procédure intégrée permettra d’instruire les dossiers en partie en parallèle et non plus les uns après les autres. Cette solution nous paraît très pertinente. Le contenu des prochaines ordonnances est à l’image de cette disposition, strictement et clairement encadrée.

Je ne citerai que trois autres dispositions particulièrement emblématiques. Un portail national des projets d’urbanisme sera créé. Les bureaux vides seront transformés en logements – la seule Île-de-France compterait environ 4,5 millions de mètres carrés vacants, ce qui représente un gisement important. Enfin, des dispositions seront prises pour combler ce que l’on nomme les « dents creuses » entre des constructions existantes tout en limitant leur hauteur au faîtage des bâtiments voisins – Mme la ministre vient à nouveau de nous le préciser.

Le travail parlementaire a permis de lever les ambiguïtés que le texte pouvait laisser apparaître. Le texte définitif qui nous est soumis en deuxième lecture précise ainsi que les facilités accordées par les ordonnances seront décidées dans un souci d’intérêt général en réaffirmant la volonté politique de favoriser la mixité sociale. Ces dispositions seront prises en toute transparence puisque vous nous avez encore assurés, madame la ministre, que vous présenteriez le texte des ordonnances en commission des affaires économiques avant leur publication et que vous travaillez en étroite collaboration avec Mme la rapporteure.

De même, nous aurons à présent une définition de ce que l’on qualifie de « zone tendue » en prenant notamment comme référence « les zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants telle que définies à l’article 232 du code général des habitants et les communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique ».

Il a également été débattu de la possibilité ouverte aux organismes HLM de créer des filiales pour intervenir dans le logement intermédiaire. Ce dispositif, qui ne faisait pas l’unanimité, a été amendé. Il est à présent encadré avec précision de telle sorte que le financement du logement social serve exclusivement à celui-ci, ce qui est très positif.

Madame la ministre, parce que la situation du logement appelle des réponses rapides, nous approuvons votre réactivité et nous soutenons votre volonté d’accélérer la construction, l’isolement et la rénovation.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre position sur ce projet de loi visant à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour permettre d’accélérer les projets de construction n’a pas changé. Elle est en harmonie avec le vote de nos collègues communistes du Sénat.

Une loi d’habilitation à légiférer par ordonnances ne permet pas de dégonfler l’agenda parlementaire, au contraire. Nous avons déjà exprimé notre refus de principe, d’ailleurs partagé, de ce type de pratique, qui n’améliore pas la considération accordée au Parlement, décidément maltraité ces derniers temps.

Sur le fond, le projet de loi ne permettra malheureusement pas de répondre durablement à l’enjeu du logement dans notre pays. Personne, d’ailleurs, ne soutient le contraire, puisque nous sommes face à des mesures techniques.

La situation est simple : notre pays compte 8 millions de personnes mal logées. Près de 2 millions de demandes de logement social restent à satisfaire. Nous soutenons les objectifs en termes de constructions du Gouvernement mais les chiffres obtenus cette année sont mauvais, vous en êtes vous-même convenu, madame la ministre. Vous imputez à juste titre ces résultats décevants à la crise et à la conjoncture.

Or ce qui nourrit la crise, c’est la baisse des budgets publics, les politiques de rigueur. Le budget du logement est particulièrement concerné depuis des années. Les choix d’austérité minent ce secteur, comme les autres. Tant que la puissance publique n’aura pas consenti un réel effort pour construire des logements sociaux, la crise du logement s’aggravera. Tant que nous n’aurons pas rompu avec les diktats de la Commission européenne et les recettes éculées du libéralisme déjà largement appliquées, sans succès, par la majorité précédente, nous ne nous en sortirons pas.

Je sais, madame la ministre, que vous partagez sur ce plan le diagnostic des députés du Front de gauche.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Et elle propose des solutions en plus !

M. André Chassaigne. Aussi comprendrez-vous que, selon nous, les mesures de dérogation au code de l’urbanisme que vous proposez n’auront qu’un impact limité.

Certes, les ordonnances en préparation comportent, ici ou là, des points qui nous satisfont, qu’il s’agisse de l’aide à la densification du bâti, de la lutte contre les recours abusifs, de la transformation de certains bureaux en logements ou de la fin de la garantie intrinsèque pour les ventes en état futur d’achèvement. D’autres, en revanche, nous inquiètent.

Ainsi, les dérogations aux plans locaux d’urbanisme témoignent d’une certaine défiance vis-à-vis de la démocratie locale, la même que celle à l’œuvre dans le projet d’acte III de la décentralisation. L’intercommunalisation à marche forcée n’est pas le remède à tous les maux.

Les élus locaux que je représente sont en pointe sur ces questions pour défendre la libre administration des collectivités territoriales. S’agissant des domaines de compétence en matière de logement et d’urbanisme, nous combattons, comme ailleurs, cette logique qui vise à dessaisir les communes de leurs pouvoirs et de leurs prérogatives. Nous serons, sur ce point, attentifs au contenu de votre future loi, madame la ministre.

Nous ne partageons pas votre enthousiasme pour les politiques de soutien à l’investissement locatif par les défiscalisations. Cette spécialité de la droite a fait la preuve de son coût exorbitant et de son inefficacité.

L’urgence, c’est le logement social. De fait, le logement dit intermédiaire que vous voulez développer existe déjà sous la forme du prêt locatif social, qui correspond à la catégorie la moins sociale du logement social. En effet, 80 % de la population perçoit des revenus inférieurs au plafond de ressources des PLS. Cette catégorie est d’ailleurs d’ores et déjà majoritaire dans la construction de logements sociaux. Faut-il disperser les efforts ? Ce ne sont ni les promoteurs immobiliers, ni les spéculateurs, qui nous aideront à loger tous ceux qui manquent d’un toit.

Sans sous-estimer l’intérêt de certaines mesures techniques, je voudrais à présent vous soumettre quelques propositions concrètes pour relancer la construction du logement.

Il faut se pencher sur la question des prix du foncier et de la spéculation foncière.

Vous avez fait savoir, madame la ministre, que le rapport demandé par les sénateurs communistes sur ces problématiques était en voie de finalisation Nous devrons désormais passer aux actes car le levier du foncier est essentiel pour s’attaquer au coût des logements.

Nous sommes convaincus que les problèmes du logement ne pourront pas être résolus sans une large refonte des outils de financement. Il est important de recentraliser la collecte des fonds du Livret A à la Caisse des dépôts et consignations afin que les sommes servent bien à financer le logement social.

Nous proposons par ailleurs de créer des prêts à taux bonifiés pour les bailleurs sociaux. Ce ne sont, en effet, pas moins de 200 000 logements sociaux qu’il faudrait construire chaque année pendant cinq ans pour pourvoir aux besoins de la population. Un tel objectif n’a rien d’inaccessible d’autant plus que le secteur de la construction est une activité non délocalisable et, partant, créatrice d’emplois.

Il est indispensable de se diriger vers d’autres types de mesures, comme un véritable encadrement des loyers par bassins d’habitat. Il ne s’agit pas d’éviter les hausses, mais bien de faire baisser les prix du parc privé qui étouffent le pouvoir d’achat des Français.

L’enjeu est de faire correspondre les prix aux besoins, afin que la charge locative, charges comprises, ne dépasse pas 20 % du budget familial. Le seul plafonnement des hausses de loyers à la relocation ne suffira pas à briser la spirale inflationniste.

S’agissant du logement social, envisagez-vous, madame la ministre, de supprimer enfin les surloyers Boutin ? J’en viens même à faire des rimes ! (Sourires.) Ce mécanisme injuste est une véritable machine de guerre contre la mixité sociale, pourtant incontournable dans l’habitat si l’on veut éviter les ghettos et les dégradations.

Les députés du Front de gauche considèrent qu’il est plus que temps de répondre à la gravité de la situation, d’autant que l’examen de votre future loi se profile et qu’il n’est sans doute pas inutile de vous faire savoir combien nos attentes sont fortes.

J’en profite pour vous féliciter, madame la ministre, d’avoir pris le temps de consulter avant d’élaborer ce texte. Cette pratique, remarquable, n’est pas habituelle, et il serait bien que ce témoignage d’ouverture se généralise aux autres ministères.

Nous sommes persuadés que le domaine du logement, grâce à votre action volontariste, peut être un point d’appui pour le changement de cap et de politique que nous revendiquons pour la gauche et notre pays.

En attendant, nous maintiendrons notre vote d’abstention, dont j’ai expliqué les raisons au début de mon intervention qui m’a permis de développer quelques autres points et quelques propositions sur lesquelles nous reviendrons concernant le grand projet de loi sur le logement dont nous débattrons prochainement.

M. Jean-Luc Laurent. Une abstention constructive !

Mme Jacqueline Maquet. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, nous sommes aujourd’hui ici pour discuter en deuxième lecture, du projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction.

Ce projet de loi vient concrétiser la grande réforme du logement voulue par François Hollande, afin de répondre à l’urgence de la crise du logement et de soutenir le secteur du bâtiment qui, comme on le sait tous, souffre beaucoup.

La méthode choisie, celle des ordonnances, doit permettre de gagner du temps pour la production de logements. Tant mieux pour les personnes à loger, tant mieux pour les emplois créés ou sauvegardés.

D’autres projets suivront, notamment le projet de loi relatif au logement et à l’urbanisme qui devrait être présenté à la fin du mois, et dès cet été en commission des affaires économiques.

Pour pallier l’inadéquation de l’offre et de la demande de logement et permettre aux Français de se loger dignement, le Président de la République, dans la continuité de son action en faveur du logement menée depuis un an, a présenté un plan en faveur de l’investissement pour le logement le 21 mars dernier à Alfortville.

Ce plan en vingt mesures pour lever les freins à la construction, pour mobiliser les acteurs, pour libérer du foncier et investir dans la rénovation énergétique de l’habitat, propose notamment l’habilitation donnée par le Parlement au Gouvernement pour légiférer par ordonnance pour huit mesures.

Ces huit mesures visent à réduire les délais de réalisation des projets de construction de logements, les délais de traitement des recours contentieux dans le domaine de l’urbanisme, la densification des projets et le développement d’une offre nouvelle.

En première lecture à l’Assemblée nationale, nous avons amendé ce texte afin de l’améliorer.

Nous avons notamment adopté un amendement afin d’assurer que l’utilisation du dispositif de procédure intégrée pour le logement s’inscrive dans un objectif de mixité sociale et fonctionnelle.

Concernant le développement du logement intermédiaire, là encore, nous avons amendé le texte. Ainsi, cette nouvelle offre de logement intermédiaire ne pourra être soutenue par le dispositif proposé que dans les zones géographiques les plus tendues, afin d’éviter tout effet d’aubaine. Elle ne sera ouverte qu’aux communes qui ne font pas l’objet d’un constat de carence au titre de la loi SRU, c’est-à-dire aux communes qui respectent leurs obligations de production de logement social ou ont engagé un programme de rattrapage en vue de remplir leurs obligations dans ce domaine.

Enfin, la création de filiales doit respecter le principe d’étanchéité des fonds relevant du logement social afin d’empêcher que les fonds du secteur HLM n’en sortent définitivement. Il s’agit aussi d’assurer que cette activité reste bien subsidiaire par rapport à la construction de logements locatifs sociaux.

En première lecture au Sénat, ce texte a également été adopté avec quelques amendements.

Il y a eu un réel consensus dans les deux assemblées sur ce projet de loi afin de relancer la construction de logements.

Comme vous l’avez dit en commission, madame la ministre, l’esprit et la lettre du texte voté à l’Assemblée ont été respectés par le Sénat avec quelques amendements de précision, que nous approuvons.

Concernant le recours contentieux, l’exigence d’un intérêt suffisamment direct à agir a été introduite.

S’agissant de la densification de la construction, les amendements rédactionnels proposés par le rapporteur de la commission des affaires économiques du Sénat font écho aux préoccupations que nous avions exprimées en première lecture à l’Assemblée.

Par ailleurs, le texte du Sénat précise que la dérogation aux règles du plan local d’urbanisme est une faculté offerte aux communes et non une obligation.

De même, la possibilité d’alléger l’obligation de création d’aires de stationnement doit tenir compte de la qualité de la desserte en transports collectifs et de la densité urbaine.

Enfin, le périmètre des zones tendues est élargi aux communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique, qui n’appartiennent pas à une agglomération ou à un établissement public de coopération intercommunale de plus de 50 000 habitants.

En ce qui concerne le logement intermédiaire, le Sénat a confirmé le recentrage du dispositif opéré par l’Assemblée nationale. Le texte précise utilement que les collectivités territoriales ou leurs groupements sont représentés au sein des conseils d’administration de la maison mère et de la filiale dédiée au logement intermédiaire. La création de filiales au sein des organismes de logement social dédiées au logement intermédiaire est ainsi mieux encadrée. Nous avions tiré la sonnette d’alarme, le Sénat a formalisé les choses en la matière.

Enfin, deux autres modifications ont été apportées : d’une part, l’extension aux professionnels des travaux publics du bénéfice de l’amélioration des délais de paiement ; d’autre part, la suppression de l’article 4 dont les éléments ont été intégrées dans la loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports que le Conseil constitutionnel a validée récemment.

Pour conclure, le Parlement doit jouer son rôle de contrôle dans la rédaction des ordonnances qui devront tenir compte des amendements adoptés, afin que les enjeux sociaux, environnementaux et économiques soient respectés. Je suis très confiante, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Tetart.

M. Jean-Marie Tetart. Madame la ministre, depuis quelques semaines déjà, vous avez déposé votre projet de loi autorisant à légiférer par ordonnance en vue d’accélérer les projets de construction, alors même que vous allez présenter au conseil des ministres votre projet de loi sur l’accès au logement et l’urbanisme rénové dans les jours qui viennent.

L’objet des ordonnances proposées ne pouvait-il attendre votre loi que vous voulez voir traiter rapidement au point que ses rapporteurs ont déjà commencé les auditions, alors même qu’on ne connaît pas les grandes lignes ce projet de loi ?

L’urgence justifie tout cela, dites-vous : l’urgence imposée par la crise du logement, l’urgence qu’impose la crise inédite du secteur bâtiment et de l’emploi qui y est lié. Cette urgence, nous la reconnaissons. Comment pourrait-il en être autrement ? Mais cette urgence sur laquelle vous vous appuyez est un aveu d’échec de la politique du Gouvernement sur ce secteur.

En cinq ans, nous avions construit 2 millions de logements dont 600 000 logements sociaux. Le Président Hollande avait, lui, promis la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Cette promesse est loin d’être tenue.

D’avril 2012 à mars 2013, seuls 336 000 logements ont été mis en chantier, soit une baisse de 18% par rapport aux douze mois précédents. En outre, les permis de construire accordés en 2012 ont régressé de 7,3 % en un an et de 24,1% sur le seul quatrième trimestre. Sur l’année 2012, l’INSEE estime une perte de 22 300 emplois dans le secteur de la construction.

Cet échec de votre politique accroît bien évidemment la tension sur les loyers et sur l’offre de logements. Cette tension que vous vous devez de desserrer, c’est cependant vous qui l’avez renforcée. Vous l’avez renforcée en donnant depuis douze mois aux investisseurs institutionnels et privés de mauvais signes : des mauvais signes pour les investisseurs lorsque vous avez brandi l’arme de la réquisition des logements vacants, celle de la surtaxe progressive sur les plus-values immobilières, celle encore du blocage des loyers ; des mauvais signes pour les collectivités locales avec le relèvement à 25% du pourcentage de logements sociaux et l’augmentation des amendes pour les communes carencées ; des mauvais signes avec la tentative de fusion des établissements publics en Île-de-France ; des mauvais signes pour les entreprises et les investisseurs, avec la refiscalisation des heures supplémentaires, avec le manque de flexibilité dans la gestion des emplois, avec la concurrence souvent déloyale de l’auto-entreprenariat et d’entreprises d’autres pays européens, avec la hausse de TVA de 7 à 10% pour les logements sociaux retenue dans le PLFR 2012.

Des mauvais signes pour les investisseurs lorsque vous avez brandi l’arme de la réquisition des logements vacants, celle de la surtaxe progressive sur les plus-values immobilières, celle encore du blocage des loyers ;

Des mauvais signes pour les collectivités locales avec le relèvement à 25% du pourcentage de logements sociaux et l’augmentation des amendes pour les communes carencées ;

Des mauvais signes avec la tentative de fusion des établissements publics en Île-de-France ;

Des mauvais signes pour les entreprises et les investisseurs, avec la refiscalisation des heures supplémentaires, avec le manque de flexibilité dans la gestion des emplois, avec la concurrence souvent déloyale de l’auto-entreprenariat et d’entreprises d’autres pays européens, avec la hausse de TVA de 7 à 10% pour les logements sociaux retenue dans le PLFR 2012.

Tous ces signaux sont aussi contradictoires et ne donnent pas de visibilité quand peu de temps après cette annonce du rehaussement du taux de la TVA, le Président de la République envisage, dans un premier temps, de ramener ce taux à 5% et, dans un second temps,  de le porter à 10% pour les logements intermédiaires sur lesquels nous travaillons dans le cadre de ce texte.

Que de temps perdu, que d’incohérence et de signaux contradictoires donnés aux collectivités, aux opérateurs et aux Français !

La vérité est que vous avez malmené les entreprises et que les Français n’ont pas confiance dans votre politique.

Comment peut-il en être autrement quand on promet aux classes moyennes une fiscalité de plus en plus haute, une réduction des prestations à la famille, une hausse de la TVA, peut-être celle de la CSG et tant d’autres  ?

Alors oui, il y a urgence à sortir le secteur du bâtiment du marasme dans lequel vous l’avez plongé, pour réduire la tension qui existe, en particulier sur le secteur locatif.

Nous l’avons dit en commission, nous regrettons, comme toute opposition peut le faire, que vous vouliez légiférer par ordonnance. Car c’est d’abord une limitation du droit de la représentation nationale.

Mais devant la situation d’urgence qui résulte de votre politique, nous l’acceptons par solidarité avec tous ceux qui sont en attente de logement, avec toutes les entreprises fragilisées.

Nous l’acceptons parce que vous vous êtes engagés solennellement en commission à soumettre les projets de loi à la commission des affaires économiques avant leur promulgation.

Nous en prenons acte car nous avons senti que votre majorité dans cette commission avait la même inquiétude et la même exigence que la nôtre.

Nous avons adhéré à la plupart des mesures définissant le périmètre du champ de l’habilitation. Je pense en particulier à la procédure intégrée pour le logement, à la mise en place d’un portail national de l’urbanisme, à la possibilité de déroger en zone tendue à des dispositions des documents d’urbanisme, à la suppression de la garantie financière intrinsèque pour les ventes en état futur d’achèvement – les VEFA, enfin à l’amélioration de la trésorerie des entreprises du bâtiment.

Nous avons aussi déclaré que nous étions d’accord pour dissuader les recours formés dans un but lucratif, mais nous aurions préféré que cela soit traité dans un autre cadre que celui d’une ordonnance.

Enfin nous regrettons vivement que la définition du logement intermédiaire, qui conditionnera l’octroi d’aides, soit aussi laissé finalement au résultat d’une négociation entre vos services et les investisseurs institutionnels, alors même que le Président Hollande annonce déjà que ces logements seront soumis à un taux de TVA de 10%.

Nous insistons particulièrement sur la nécessité, pour ce point précis, que la commission ne soit pas saisie sur un produit fini, mais plus en amont sur les intentions de la ministre quant à cette définition du logement intermédiaire.

Par ailleurs, nous regrettons que les avantages accordés aux logements intermédiaires, comme la TVA par exemple, ne puissent pas être consentis pour des opérations dans des communes carencées, car dans ces communes, le besoin de logements intermédiaires existe aussi. Mais vous en faites une question de principe et nous ne pouvons donc qu’en prendre acte.

On ne peut cependant tolérer que les communes carencées ne puissent, même pas, aux termes de l’alinéa 20 de l’article 1er  prévoir la production de ces logements dans les documents de planification et de programmation. Alors même que nous ne savons pas encore à quel seuil de prix de vente un logement sera déclaré intermédiaire, pourquoi ne pas laisser la possibilité de produire des logements intermédiaires par simple réfaction du prix de vente que des bilans d’aménagement permettent déjà ?

Si nous regrettons la situation d’urgence que votre politique a créée, si l’engagement donné d’un examen en commission des textes de loi avant promulgation nous permet de prendre en compte une procédure d’ordonnance, nous restons très réservés à ce stade sur le flou entourant les logements intermédiaires. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP s’abstiendra.

Mme la présidente. La parole est à M. Meyer Habib.

M. Meyer Habib. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les jours passent, les mesures tardent, et c’est tout le monde du logement et de la construction qui, hélas, s’enfonce un peu plus dans la crise.

Le Président de la République l’a annoncé lui-même dimanche soir à la télévision : l’objectif des 500 000 logements neufs construits en 2013 rejoindra malheureusement le cimetière de ses promesses non tenues, et vous ne trouverez pas un seul député UDI pour s’en satisfaire. Car avec 300 000 à 350 000 logements construits d’ici à la fin de l’année, soit une baisse de près de 10%, l’objectif est très loin d’être atteint.

Pourtant, ces logements sont attendus, notamment dans les zones tendues comme l’Île-de-France où une partie toujours plus grande de nos compatriotes vient grossir les rangs des mal-logés. Et vous le savez, quand le bâtiment vacille, c’est toute l’économie qui trébuche.

Si rien n’est fait, nous serons donc confrontés à un gigantesque plan social, puisque 40 000 emplois pourraient être détruits dans le secteur en 2014. Cette réalité ne fait pas la une des médias, mais elle représenterait l’équivalent d’un Aulnay-sous-Bois toutes les trois semaines.

Au groupe UDI, nous avons parfois eu le sentiment d’être un peu seuls à tirer la sonnette d’alarme, et ce, dès la fin de l’année dernière. Nous avions tout de suite perçu le risque que vous avez pris en augmentant le taux de TVA dans le secteur de la construction. En procédant à une nouvelle hausse au 1er janvier 2014, deux ans après celle qui était intervenue en 2011, vous avez porté un véritable coup fatal à un secteur déjà lourdement impacté par la crise économique.

Vous avez fait marche arrière sur le logement social, et c’est une bonne chose, mais cela ne suffira pas. Encore un effort, madame la ministre ! Une simple annonce de votre part aurait des conséquences immédiates auprès des professionnels qui n’attendent que cela pour relancer les opérations mises en jachère.

Nous attendons que vous alliez plus loin dans le soutien du secteur par l’abaissement à 5% du taux de TVA pour les travaux de rénovation et d’efficacité énergétique, et à 10% de celui sur le locatif intermédiaire et les logements privés pendant une période de deux ou trois années.

Ces propositions, formulées dans le cadre du plan de redressement national envoyé par Jean-Louis Borloo à l’ensemble des groupes parlementaires de notre assemblée, sont sur la table. Elles devraient tous nous rassembler. L’enjeu est trop grand pour faire l’objet de postures partisanes.

Certes, le Gouvernement s’est réveillé depuis quelques semaines, mais reconnaissez, madame la ministre, que ce réveil a été pour le moins tardif : le plan d’urgence pour le logement décrété par le Président de la République fin mars dernier n’a accouché d’aucune mesure trois mois après.

Légiférer par ordonnances pour aller vite, il faut le faire. Mais nous en sommes aujourd’hui à la deuxième lecture, au début de l’été. Ce que nous nous apprêtons à voter n’aura donc aucun effet en 2013, mais simplement en 2014.

Nous attendons votre projet de loi avec impatience, madame la ministre, mais lui non plus, hélas, n’aura pas le moindre impact sur l’année en cours. 2013, année noire pour le logement, année pour rien, année perdue ! Il n’est pourtant pas trop tard. Une simple déclaration de votre part, ici et maintenant, aurait plus d’effet que toutes les mesures contenues dans vos ordonnances. Annoncez dès maintenant l’annulation de l’augmentation du taux de TVA au 1er janvier prochain  ! Donnez une grande bouffée d’air frais à tout un secteur essentiel pour l’ensemble de notre économie !

D’une façon ou d’une autre, vous y viendrez. Vous ne pourrez pas prendre le risque de laisser le monde de la construction s’enfoncer davantage dans la crise. Vous gagnerez les arbitrages budgétaires, alors doublez Bercy ! Faites dès aujourd’hui une telle annonce, madame la ministre! C’est toute l’économie française qui saluera votre initiative.

Je crains cependant que nos espoirs soient trop ambitieux, j’en reviens donc au sujet qui nous réunit aujourd’hui, c’est-à-dire l’examen en deuxième lecture du projet de loi autorisant le Gouvernement à prendre des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction, premier volet législatif du plan d’urgence pour le logement annoncé par le Président de la République le 21 mars dernier.

Le groupe UDI n’est pas opposé à la procédure d’exception, tant il est urgent d’agir pour faciliter la construction et pour simplifier les procédures dans le contexte actuel. Justifiée par l’urgence, la procédure des ordonnances ne peut être acceptable qu’à une double condition. Elle doit être précisément encadrée quant à son objet et le Parlement doit être directement informé et associé à la rédaction de la loi.

L’encadrement du champ de l’habilitation nous semble suffisamment précis pour éclairer les intentions du Gouvernement.

Sur le fond, nous considérons qu’en dépit de leur importance inégale, les mesures contenues dans le projet de loi répondent toutes à des freins à la constructions bien identifiés. Il est évidemment nécessaire de limiter les recours abusifs, même s’il est très difficile de les caractériser juridiquement.

Les dispositions relatives à la densification s’imposaient, en précisant bien qu’elles ne sont qu’une faculté offerte aux communes, qui restent libres de les mettre en œuvre. A ce sujet, plutôt que d’abroger purement et simplement la loi Apparu visant à densifier les constructions dans les zones tendues dès votre arrivée au Gouvernement, madame la ministre, peut-être aurait-il fallu l’aménager pour renforcer la place des élus locaux dans le processus décisionnel, ce qui nous aurait fait gagner de nombreux mois. La disposition relative aux places de stationnement était particulièrement attendue. Plus globalement, nous sommes favorables à la procédure accélérée pour le logement, la surélévation des « dents creuses » et la transformation des bureaux en logements, qui sont autant d’outils nécessaires et attendus, en particulier dans les zones tendues.

Les travaux de notre assemblée et du Sénat sont venus compléter utilement ces dispositions. Je me félicite en particulier que la notion de zone tendue ait été étendue aux villes dites « champignons » caractérisées par une forte croissance démographique.

La création d’un portail national de l’urbanisme pour faciliter l’accessibilité des documents et les dispositions en faveur de la trésorerie des entreprises nous satisfont également. La nécessité de développer le logement intermédiaire est une évidence. Je m’interroge néanmoins sur la nécessité de lui accorder un statut dans la loi. L’enfer étant pavé de bonnes intentions, je crains que nous n’aboutissions à une rigidité supplémentaire dans un domaine qui souffre déjà de sa complexité normative. A ce sujet, j’insiste sur le fait que dans un pays aussi centralisé que le nôtre, simplification rime, hélas, trop souvent avec complexification. Dans le secteur du logement, une telle tendance se caractérise par l’empiétement du législateur sur le domaine réglementaire.

À l’heure où vous achevez la rédaction de votre projet de loi relatif au logement et à l’urbanisme, et avant d’entreprendre la rédaction des ordonnances, je vous appelle à la plus grande vigilance, madame la ministre, afin qu’aucune disposition susceptible de relever du décret ou de la circulaire n’y figure. Par ailleurs, le recours aux ordonnances ne peut être accepté s’il se résume à un chèque en blanc adressé au Gouvernement. Nous souhaitons donc que le Parlement soit étroitement associé à leur rédaction.

En conclusion, le groupe UDI considère que le projet d’habilitation qui nous est soumis contient des dispositions pragmatiques, nécessaires et attendues. Nous resterons vigilants à la rédaction des ordonnances et à leur application effective. Si le groupe UDI partage l’esprit, il sera donc particulièrement attentif à la lettre. En revanche, ce texte bienvenu ne répond évidemment pas à l’ampleur de la crise qui frappe le monde de la construction. Il ne doit pas exonérer le Gouvernement d’un effort beaucoup plus massif dans ce domaine.

Un tel effort passe nécessairement par un abaissement du taux de TVA sur tout ou partie des champs d’activité de la construction. Aussi, à moins que vous ne réserviez une telle annonce pour votre réponse aux orateurs, madame la ministre, le groupe UDI s’abstiendra sur ce texte qui constitue une modeste première pierre au grand chantier du redressement du secteur de la construction en France.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission, chers collègues, je fais partie de ceux qui, à l’issue des annonces du Président de la République à Alfortville, dans mon département, avaient émis des réserves sur la procédure des ordonnances, qui contraint et limite le travail parlementaire. Vous avez pris lors de la première lecture, madame la ministre, des engagements précis et importants pour y associer les parlementaires et la commission bien en amont de leur future promulgation. Je pense pouvoir dire au nom de l’ensemble de mes collègues que nous vous savons gré de votre méthode et de vos engagements. Le terme « crise » ne permet plus de décrire la situation que vivent nos concitoyens.

Depuis plus de vingt ans, la France est installée dans une profonde dépression de la production associant faiblesse de la construction, envolée des prix et des loyers et durcissement des conditions pour les propriétaires comme les locataires. La situation déjà très mauvaise a été encore aggravée par la crise économique spécifique que nous vivons depuis 2011 avec la crise de l’euro. Sortir des difficultés en matière de logement suppose un ensemble de mesures de long terme et de court terme, réglementaires, légales et économiques.

Depuis un an, vous avez ouvert, madame la ministre, plusieurs chantiers, celui d’abord du renforcement de la loi « solidarité et renouvellement urbain » approuvé par le groupe socialiste, républicain et citoyen, mais aussi celui de la mobilisation du foncier public. Les futures ordonnances dont nous débattons comme le projet de loi que vous présenterez prochainement en conseil des ministres viendront compléter le dispositif. La loi de finances pour 2014, quant à elle, abaissera la TVA pour le logement à 5%, conformément à ce que j’avais souhaité avec d’autres parlementaires.

On pourrait dire que le projet de loi d’habilitation vise de nombreux petits sujets. Je n’en crois rien. Penser cela serait une erreur. La question de l’accélération du traitement des recours et de la lutte contre les recours abusifs n’est pas une petite question, mais une question centrale. La question de la densification intelligente n’est pas une question mineure, mais une question importante à laquelle tous les maires bâtisseurs sont confrontés. Et la question du logement intermédiaire n’est vraiment pas une petite question. C’est d’ailleurs le point qui a été le plus discuté ici et au Sénat.

Nous sommes nombreux à avoir pour objectif le retour des investisseurs institutionnels. Les modalités doivent en être bien précisées. Michèle Bonneton et moi-même y avons contribué par ce que vous avez vous-même qualifié, madame la ministre, d’amendement « Bonneton-Laurent », avec une double préoccupation : d’une part, définir les conditions fiscales et économiques entourant le nouveau produit en s’assurant de l’efficacité du dispositif, de son étanchéité technique, financière et opérationnelle et, d’autre part, s’assurer que les logements seront bien des logements supplémentaires et non des logements prélevés sur le parc de logements locatifs sociaux.

Il nous faut donc, en matière de logements intermédiaires, conditionner la production à une diversification et une augmentation de l’offre, en particulier dans les zones tendues où il y a concurrence pour les opportunités foncières et parfois entre opérateurs. Vous connaissez ma vigilance, madame la ministre, pour que les objectifs de construction de logements que vous avez fixés à la suite du Président de la République soient atteints, tout comme l’objectif minimal de construction de logements locatifs sociaux désormais fixé à 25% ou 20% en zone tendue. Le logement intermédiaire doit s’ajouter au logement social, non s’y substituer comme le propose l’opposition. Je souhaite que vous confirmiez devant la représentation nationale, madame la ministre, votre engagement et votre détermination.

Mme la présidente. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a pour objectif d’accélérer les projets de construction dans les zones urbaines à forte densification avec la volonté réaffirmée, mon cher collègue Laurent, d’imposer la mixité sociale, comme le montre la loi votée le 18 décembre dernier qui porte à 25% la proportion légale de logements sociaux dans chaque commune. Pour y parvenir, le Gouvernement souhaite légiférer par ordonnances, c’est-à-dire demander au Parlement d’aliéner son pouvoir législatif au profit de l’exécutif.

Le recours aux ordonnances requiert à mon sens trois conditions.

La première, c’est le constat d’une urgence. Si l’on considère le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public et au renforcement des obligations de production de logement social adopté le 18 décembre, et la présentation en conseil des ministres le 26 juin prochain de la loi pour l’accès au logement et à l’urbanisme rénové, on peut s’interroger sur le caractère urgent de votre démarche. L’urgence, me semble-t-il, n’est pas de demander au Parlement les pleins pouvoirs opérationnels mais de débattre d’une vision stratégique en matière d’urbanisme et de logement. L’examen du projet de loi que vous présenterez la semaine prochaine, madame le ministre, en sera certainement l’occasion. Mais à ce stade, l’urgence n’est pas démontrée. Ou bien les ordonnances sont sans lien avec le futur projet de loi que vous présenterez, et on peut alors s’interroger sur la cohérence de votre action. Ou bien elles y sont intimement liées et vouloir légiférer par ordonnances dès à présent est une façon d’obtenir du Parlement un chèque en blanc pour un programme qui ne sera dévoilé qu’ a posteriori .

Ou bien les ordonnances sont sans lien avec le futur projet de loi que vous présenterez, et on peut alors s’interroger sur la cohérence de votre action. Ou bien elles y sont intimement liées et vouloir légiférer par ordonnances dès à présent est une façon d’obtenir du Parlement un chèque en blanc pour un programme qui ne sera dévoilé qu’à posteriori.

La deuxième condition, c’est que le contenu des ordonnances relève principalement de dispositions techniques découlant d’objectifs plus fondamentaux votés préalablement. L’annonce de la présentation de la loi sur l’urbanisme et le logement le 26 juin prochain en conseil des ministres éclaire d’une lumière particulière votre volonté, madame le ministre, de légiférer dès aujourd’hui par ordonnances pour accélérer les projets de construction. Ou bien les ordonnances sont sans lien avec le futur projet de loi que vous présenterez, et on peut alors s’interroger sur la cohérence de votre action. Ou bien elles y sont intimement liées et vouloir légiférer par ordonnances dès à présent est une façon d’obtenir du Parlement un chèque en blanc pour un programme qui ne sera dévoilé qu’à posteriori.

La troisième condition, enfin, c’est qu’il existe un large consensus sur les objectifs poursuivis. Or, en l’espèce, si un certain nombre de dispositions me paraissent pertinentes, telles que les délais de recours de contentieux, l’augmentation du taux de garantie d’emprunt pour les collectivités si elle s’accompagne d’une augmentation du taux de réservation pour les communes ou encore la création d’un statut spécifique visant à favoriser le développement de logements intermédiaires, auquel on pourrait d’ailleurs agréger l’accession sociale à la propriété et intégrer l’ensemble dans les PLH des communes, votre objectif de densifier les zones urbaines déjà très denses est en revanche une erreur.

M. Sylvain Berrios. En revanche, votre objectif de densifier dans les zones urbaines déjà très denses est une erreur. En effet, cela signifie qu’aucune leçon n’a été tirée de la densification massive réalisée en urgence dans les années 1960 et qui a donné lieu à un urbanisme torturé, source de bien des maux de nos banlieues aujourd’hui.

Nous avons déjà eu cette discussion en commission, ainsi que dans l’hémicycle en première lecture, et vous avez relevé avec justesse, madame la ministre, que la densité n’était pas nécessairement synonyme de tours ou d’ensembles d’immeubles. Ainsi, dans ma circonscription, il y a deux villes de tailles et de superficies comparables, qui ont fait des choix d’urbanismes différents.

D’un côté, Champigny-sur-Marne, qui a développé un urbanisme composé en grande partie de logements collectifs ; de l’autre, Saint-Maur-des-Fossés, qui a développé un urbanisme à taille humaine avec des zones pavillonnaires importantes.

Or, la densité de Saint-Maur-des-Fossés, où il n’existe plus de foncier disponible…

M. Jean-Luc Laurent. Fadaises !

M. Sylvain Berrios. … est supérieure à la densité de Champigny-sur-Marne, où des réserves foncières demeurent. Si l’on souscrit à votre objectif de densifier dans les zones urbaines denses, cela signifie, pour une ville comme Saint-Maur-des-Fossés, soit de détruire des zones pavillonnaires, soit d’empiler des logements sur des logements déjà existants, soit de conjuguer ces deux solutions. Dans tous les cas, c’est reproduire les erreurs du passé, celles d’un urbanisme aveugle, ignorant le choix des habitants et des maires ainsi que la recherche d’un équilibre harmonieux. Cela, je ne peux l’accepter.

C’est également une erreur parce que vous réaffirmez l’obligation pour les maires à construire dans leurs communes 25 % de logements sociaux. Sans m’attarder sur le caractère idéologique de ce taux, auquel je suis opposé, je souhaite davantage attirer votre attention sur le contresens de raisonner commune par commune en milieu urbain dense, notamment pour les raisons que je viens d’exprimer. Les villes, les maires, les habitants ont fait le longue date le choix d’un certain urbanisme, et le foncier disponible est rare. Le taux de logement social doit s’apprécier de façon consolidée, à l’échelle d’un département, probablement d’une intercommunalité.

Enfin, c’est une erreur parce que vous intégrez des dispositions de critérisation des aides au logement qui visent à exclure les villes ayant fait l’objet d’un arrêté de carence au titre de la loi SRU. Je vois une contradiction dans le fait que l’État signe avec ces villes des contrats de mixité sociale et que, dans le même temps, l’État les exclue du bénéfice des aides financières nécessaires. Si vous souhaitez accélérer la construction de logements sociaux, vous devez cesser de vous enfermer dans le principe de critérisation idéologique réaffirmé dans ce projet de loi.

Pour toutes ces raisons, je ne suivrai pas le groupe UMP et voterai contre l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances pour accélérer les projets de construction.

M. Jean-Luc Laurent. Une belle cohérence anti-logement !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Borgel.

M. Christophe Borgel. Tout a été dit ! Je renonce à prendre la parole, madame la présidente.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. Je vais répondre à quelques points soulevés par les orateurs qui viennent de s’exprimer.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, je partage avec vous, madame Bonneton, l’idée selon laquelle la lutte contre l’artificialisation des sols constitue l’un des grands objectifs du Grenelle de l’environnement – un objectif que nous avons du mal à atteindre avec les dispositions en vigueur. Ce sera l’un des éléments forts du projet de loi que je vais présenter mercredi prochain en conseil des ministres. Nous devons chercher à aller vers une « densification intelligente et maîtrisée », pour reprendre votre formule.

Sur ce point, j’insiste sur le fait que la question de la densité n’est pas une question de forme urbaine, mais une manière d’installer l’espace. Vous vous souvenez certainement des graphiques et des schémas que je vous ai présentés, monsieur Berrios. Vous avez cité l’exemple de Saint-Maur-des-Fossés : la question de la densité n’est pas la seule qui se pose dans cette commune.

M. Sylvain Berrios. Je l’ai dit !

Mme Cécile Duflot, ministre. Les vraies questions sont celles de la mixité sociale et de la construction de logements sociaux.

M. Jean-Luc Laurent. Eh oui !

Mme Cécile Duflot, ministre. Quant à votre argument sur le foncier, il est infondé, puisqu’un certain nombre de terrains appartenant à l’État ont été rendus disponibles – il se trouve que je connais un peu cette commune – à Saint-Maur-des-Fossés.

M. Sylvain Berrios. C’est faux !

Mme Cécile Duflot, ministre. Même si M. Chassaigne a dû s’absenter pour un colloque, je veux répondre aux différents points qu’il a évoqués.

En ce qui concerne l’intercommunalité à marche forcée, je veux souligner que l’intercommunalité, prévue dès la première loi de décentralisation, en 1982, ne s’est pas faite à marche forcée, notamment en Île-de-France, alors même qu’elle apporte des réponses en matière de mixité sociale et de programmation de construction de logements. Cette question figurera aussi à l’ordre du jour de nos débats, notamment en ce qui concerne le plan local d’urbanisme, qui tirera de la force et de l’efficacité de sa dimension intercommunale. Il est ressorti, des nombreux échanges que j’ai eus dernièrement avec des élus ruraux, que l’intercommunalité sera très utile aux petites communes rurales, qui peinent aujourd’hui à se doter d’un document de planification d’urbanisme.

Pour ce qui est du rapport foncier, il est effectivement en cours : comme je l’ai indiqué en première lecture, ce rapport me sera remis à la fin du mois de juin – nous aurons l’occasion d’en reparler.

L’encadrement des loyers va constituer va fournir, dans quelques semaines, matière à de grands débats au sein de cette assemblée. Comme je m’y étais engagée, le Gouvernement travaille à la mise en œuvre d’un véritable dispositif d’encadrement des loyers, qui respectera le terme même d’encadrement – il ne s’agira pas d’une fixation administrative du montant des loyers, mais bien d’une volonté de réguler ce bien de première nécessité qu’est le logement.

En ce qui concerne la suppression des surloyers, que M. Chassaigne n’attende pas de moi que je soutienne cette proposition. Je ne pense pas que l’absence de surloyer favorise la mixité mais, au contraire, qu’elle facilite plutôt le maintien durable d’une certaine catégorie de population dans certaines zones où la mixité pourrait être améliorée. Comme cela a été dit dans le cadre de la réflexion sur les attributions, les surloyers seraient utilement mis en œuvre pour faire baisser la quittance dans certains bâtiments et favoriser l’accession à certains types de populations qui s’en trouvent d’ordinaire exclues du fait qu’elles se trouvent au-dessus des plafonds. En résumé, je pense qu’un surloyer raisonnable est plutôt favorable à la mixité.

Vous avez dit, monsieur Tetart, qu’un certain nombre de points ne répondaient pas à vos demandes. Il a toujours été dit que ce projet de loi d’habilitation concernait des questions mûres, techniquement nécessaires, que le traitement par ordonnances va permettre de régler beaucoup plus vite.

Pour ce qui est des recours sur permis de construire, et conformément à l’engagement que j’avais pris, je serai présente devant la commission des affaires économiques le 2 juillet prochain pour vous présenter le texte correspondant. Au-delà de toute polémique, j’aimerais que l’on reconnaisse que cette question éminemment technique est considérée comme prioritaire depuis des années. Si le calendrier est respecté, le texte sera présenté en Conseil des ministres le 17 juillet et publié au Journal officiel deux jours plus tard. Il ne se sera donc écoulé que quatre mois – je dis bien quatre mois – entre l’annonce du Président de la République et la mise en application du dispositif, alors que certains se gaussaient depuis des années sur la nécessité d’intervenir sur ce point. Même si je ne les prends pas comme un compliment personnel, je veux rappeler les propos tenus par le sénateur Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois du Sénat, qui a déclaré être très heureux de constater qu’à l’issue du processus de réflexion dont le président Labetoulle a été un éminent organisateur, nous allons aboutir à des propositions effectives, qui permettront de résoudre les difficultés touchant nombre de collectivités.

Vous avez rappelé, monsieur Laurent, votre engagement en faveur de la construction de logement social – un engagement que je connais. Quelques mois après le vote de la loi qui a augmenté le pourcentage d’obligation de logements sociaux, un certain nombre de collectivités locales ont reçu des courriers de la préfecture les informant de l’augmentation de la pénalité liée à l’application de la nouvelle loi. Ayant reçu le témoignage de nombre d’opérateurs HLM sollicités par des communes en vue de travailler au développement de projets, je peux vous dire que le travail législatif paye et que cette disposition est utile, puisqu’elle stimule certaines collectivités locales qui n’atteignaient pas leurs objectifs jusqu’alors.

J’ai déjà répondu à une partie de votre intervention, monsieur Berrios. Vous l’aurez compris, je ne suis pas d’accord avec vous pour considérer que l’urgence, qui constitue l’une des conditions requises pour recourir aux ordonnances, fait ici défaut. Si nous avons un dispositif opérationnel à la mi-juillet, à l’issue d’un travail législatif nécessairement long et précis – et finalement décisif –, nous aurons fait gagner un an aux 35 000 projets en attente. Si cela ne répond pas au critère de l’urgence, alors je ne sais pas ce qu’est l’urgence.

Pour conclure, je veux remercier très sincèrement tous les Parlementaires qui ont travaillé sur ce dossier dans des conditions originales. Je sais bien que les ordonnances ne sont pas vraiment la tasse de thé des parlementaires, mais j’espère que nous avons démontré qu’il était possible de réinterpréter cette disposition de la Constitution de la VRépublique afin d’en faire un outil efficace au service d’un travail collaboratif entre parlementaires et Gouvernement. J’espère que cela pourra laisser une petite trace et je vous remercie d’avoir rappelé à l’intention de ceux qui n’étaient pas présents en commission des affaires économiques, monsieur le président, que tout s’est fait en vingt-trois minutes de débat, zéro amendement et zéro voix contre. Je partage avec vous cette grande joie au spectacle d’un travail partagé et efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion des articles

Article 1er 

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l’amendement n2.

M. Jean-Marie Tetart. J’ai bien compris qu’il n’était pas question – et je trouve cela normal – de faire du logement intermédiaire un instrument que l’on pourrait soustraire du quota de carence des logements locatifs. J’ai bien compris également qu’il ne pourrait bénéficier des mesures fiscales. En revanche, compte tenu de ces deux restrictions, je ne comprends pas la rédaction de l’article 1er selon laquelle des communes en situation de carence ne pourraient pas prévoir ce type de logement dans leur document de planification. Pourquoi une telle restriction ?

Dans une grande zone d’aménagement, on peut très bien obtenir des logements intermédiaires – selon la définition que vous allez nous donner – au moyen d’une décote sur prix de vente dans un bilan global d’aménagement, et je ne vois pas pourquoi on se priverait d’une telle possibilité.

Mon amendement vise à témoigner de ma profonde incompréhension de l’article 1er – tout en comprenant bien les précautions que vous voulez prendre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Lepetit, rapporteure. Ce que je ne comprends pas, c’est comment et pourquoi des communes refusent, depuis douze ans, d’appliquer la loi obligeant à construire du logement social. Quand on est maire d’une commune, on a des droits et des devoirs, dont l’un des premiers est d’appliquer la loi. Certes, il n’y a pas tant de communes récalcitrantes – tant mieux pour notre pays –, puisqu’on n’en compte qu’environ 200 sur plus de 36 000, mais elles existent tout de même.

Par ailleurs, le Président de la République a indiqué qu’il souhaitait abaisser le taux de la TVA pour ces logements qui auront un statut particulier, celui de logements intermédiaires, qui n’existait pas auparavant. Cette aide fiscale est une aide publique, et je ne vois pas pourquoi des communes qui refuseraient de se conformer à la loi devraient bénéficier de cet avantage – mais rien ne les empêche de construire des logements à loyer limité sans bénéficier de l’avantage du taux réduit de TVA.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Défavorable, pour les mêmes raisons que celles très bien exposées à l’instant par Mme la rapporteure.

Mme la présidente. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Madame la ministre, madame la rapporteure, je partage votre opinion : ceux qui ne veulent rien faire sont aussi coupables que ceux qui veulent le tout logement social. Dès lors que l’on souhaite engager et favoriser la conception et la réalisation de logements, ce qui suppose, par essence, un urbanisme de projets, il faut pouvoir prendre en compte le spectre intégral du logement…

Mme Annick Lepetit, rapporteure. Oui.

M. Sylvain Berrios. … qui est incorporé aux contrats de mixité sociale et aux programmes locaux de l’habitat signés avec l’État, y compris pour les communes carencées : être carencé ne signifie pas que l’on ne fait pas du tout de logement.

Mme Annick Lepetit, rapporteure. Si !

M. Sylvain Berrios. Non. Voilà ce que je ne comprends pas dans votre logique. C’est pourquoi je soutiens pleinement l’amendement de notre collègue Jean-Marie Tetart.

(L’amendement n2 n’est pas adopté.)

(L’article 1er est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. La commission a maintenu la suppression de l’article 4 votée par le Sénat.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Sur l’ensemble du projet de loi, je ne suis saisie d’aucune explication de vote.

Je mets donc aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement

Discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, portant déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement (nos11061, 1104).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, retenu par l’ouverture de la deuxième grande conférence sociale. Je représenterai donc le Gouvernement qui, en lien avec le Parlement, en particulier sa majorité, a travaillé sur ce projet de loi.

Comme vous le savez, le Gouvernement s’est doté depuis un an de nombreux outils pour créer les conditions de la reprise économique. Par touches successives, nous avons choisi d’élaborer une politique cohérente et équilibrée, articulée autour de deux axes complémentaires : restaurer, d’une part, les conditions de la reprise de l’activité des entreprises, et favoriser, d’autre part, le pouvoir d’achat des salariés – notamment par l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire – pour créer les conditions de la reprise de la demande.

C’est dans le cadre des mesures favorables à la reprise de la demande que se situe cette proposition de loi dont l’initiative revient au groupe socialiste.

Le Président de la République avait annoncé le 28 mars dernier sa volonté d’ouvrir la possibilité de déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement pendant une période de six mois.

L’annonce du Président de la République a été rapidement reprise par des parlementaires qui ont déposé cette proposition de loi, à laquelle le Gouvernement apporte son plein et entier soutien.

Cette proposition de loi vise bien un déblocage exceptionnel, et limité dans le temps et dans son montant, de la participation et de l’intéressement, afin de permettre aux ménages d’utiliser ces sommes.

Cette mesure répond à une exigence : soutenir la consommation à un moment où tous les leviers doivent être mobilisés au service de l’emploi. L’épargne salariale représente 90 milliards d’encours. La part des sommes bloquées au sein de cet encours global concerne potentiellement quatre millions de salariés. Rendre cette épargne disponible, c’est donner, en période de crise, un coup de pouce au pouvoir d’achat des salariés.

La proposition de loi fait le choix de la simplicité et de la lisibilité : les sommes perçues au titre de la participation ou de l’intéressement, aujourd’hui bloquées, pourront être perçues, sans préjudice du maintien du régime fiscal favorable y afférent. Les salariés auront six mois pour déposer leur demande et pourront débloquer jusqu’à 20 000 euros.

J’indique par ailleurs qu’il ne saurait être question, par ce dispositif, de tarir les sources de financement des entreprises solidaires : les fonds solidaires ne sont pas concernés par cette mesure, ce qui évitera de déstabiliser cette source fondamentale de financement dédiée à des entreprises exigeantes socialement que sont les entreprises agréées solidaires.

Le dispositif préserve également les sommes investies dans l’entreprise elle-même, puisque ces sommes ne pourront être rendues disponibles que lorsqu’un accord aura été conclu à ce sujet.

Nous faisons face à un enjeu important : faire de ce dispositif un véritable catalyseur pour aider les ménages confrontés à la crise.

Il faut de la souplesse pour ne pas enfermer les possibilités de déblocage dans des cases qui le contraindraient excessivement – c’est aux salariés de décider de l’affectation de leur épargne –, mais il est dans le même temps important de donner une orientation précise et contrôlable de l’utilisation des sommes débloquées. C’est ce que permet cette proposition de loi.

Le Sénat a souhaité préciser l’objectif du dispositif : favoriser l’achat de biens, notamment dans le secteur automobile. Il nous reste donc, pour notre part, à souhaiter que les véhicules acquis dans ce cadre soient fabriqués en France et que leurs émissions soient réduites au minimum, ce qui permettra à cette proposition de loi de participer à la transition écologique de notre pays.

Ce Gouvernement a fait de la réforme de l’intéressement et de la participation l’une des priorités issue de la grande conférence sociale de juillet 2012. Je tiens à vous rappeler l’importance des mécanismes d’intéressement et de participation : nous avons entre nos mains l’un des outils fondamentaux d’association des salariés à la performance et à la durabilité de l’entreprise. C’est bien légitime car c’est précisément par l’engagement collectif des salariés que l’entreprise crée de la richesse.

Comme le Président de la République l’a rappelé à la fin de l’automne dernier, il nous appartient de repenser, conforter et développer ces mécanismes qui ont souffert de réformes inabouties parce que partielles. C’est le sens de la réforme d’ensemble qui sera proposée aux partenaires sociaux en vue d’une négociation interprofessionnelle sur le sujet, dans la mesure où cette question relève d’abord de la négociation collective.

Cette réforme de l’épargne salariale appellera la mobilisation des partenaires sociaux dans les prochains mois. Pour la préparer, l’installation du Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié en constituera la première étape.

Je vous remercie donc de soutenir et d’adopter cette proposition de loi comme vous l’aviez fait, à une très large majorité, me semble-t-il, en première lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Richard Ferrand, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 13 mai dernier, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture la proposition de loi portant déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement. Ce texte constitue la traduction concrète et rapide d’un engagement pris par le Président de la République en mars et réaffirmé le 16 juin dernier. Il doit permettre d’accroître le pouvoir d’achat des Français, en réorientant une partie de l’épargne salariale vers la consommation, et, par ce biais, d’alimenter la croissance.

Cette proposition de loi complète utilement les mesures que nous avons déjà mises en œuvre pour redresser l’économie de notre pays et améliorer le quotidien des Français. En effet, face à la situation difficile que vivent nombre de nos concitoyens, nous nous sommes fortement mobilisés depuis un an, en adoptant des mesures telles que l’encadrement des loyers, la lutte contre les frais bancaires et la mise en œuvre de nouveaux outils pour créer des emplois, tels que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, les contrats de génération et les emplois d’avenir.

Cette proposition de loi offre un dispositif simple, équilibré et avantageux pour les salariés. Elle prévoit, tout d’abord, que les salariés puissent débloquer les sommes acquises au titre de la participation et de l’intéressement, ce qui doit bénéficier aux salariés travaillant dans de grandes entreprises mais également dans de plus petites sociétés, où l’intéressement est plus présent que la participation.

Afin de préserver l’épargne salariale pour la retraite et de ne pas déstabiliser la trésorerie des entreprises solidaires, ont été exclues du dispositif les sommes investies dans des PERCO et des fonds solidaires.

Par ailleurs, le déblocage est limité à 20 000 euros par personne et doit intervenir pendant une période de six mois, sur simple demande du salarié ou après conclusion d’un accord collectif.

À cet égard, l’employeur est tenu d’informer les salariés de leur droit exceptionnel au déblocage dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la loi.

Enfin, le salarié conserve, à l’égard des sommes débloquées, des exonérations fiscales et sociales qui leur étaient attachées du fait de leur blocage.

En première lecture, en séance publique, à mon initiative, l’Assemblée nationale a apporté trois modifications à ce dispositif.

Notre assemblée a, tout d’abord, opéré un fléchage des fonds débloqués vers « l’achat d’un ou plusieurs biens ou la fourniture d’une ou plusieurs prestations de services », pour éviter les comportements d’optimisation et de transfert entre supports d’épargne. En effet, l’objectif de la mesure demeure le soutien à la consommation des ménages. Afin de garantir l’effectivité de ce fléchage, nous l’avons assorti d’un dispositif de précaution, consistant à demander au salarié de conserver les pièces justificatives attestant l’usage qu’il a fait des sommes perçues, qu’il devra présenter, le cas échéant, à l’administration fiscale.

Deux autres modifications ont été apportées au dispositif, aux fins de clarification : l’une portant sur les modalités de déblocage, l’autre instaurant une période de déblocage fixe, de date à date, du 1er juillet au 31 décembre 2013.

Enfin, à l’initiative du groupe UDI, l’Assemblée nationale a ajouté un article additionnel – l’article 1er bis – demandant au Gouvernement la remise au Parlement, dans un délai d’un an, d’un rapport dressant le bilan du déblocage exceptionnel, ce qui n’avait pas été fait lors des déblocages précédents. Il me semble nécessaire d’assurer le suivi et l’évaluation des lois que nous votons.

Par la suite, la commission des affaires sociales du Sénat a rejeté la proposition de loi. La Haute assemblée a donc examiné, en séance publique, le texte issu de nos travaux. Elle a adopté l’article 1er  bis conforme, puis approuvé la suppression de l’article 2, qui comportait un gage levé par le Gouvernement. Elle a également apporté une modification à l’article 1er sur laquelle je souhaite m’arrêter un instant.Formellement, cette modification a été adoptée à l’initiative du Gouvernement, car le délai de dépôt des amendements était clos. En réalité, elle est issue d’une demande du groupe UDI, qui souhaitait restreindre l’utilisation des sommes débloquées au paiement de prestations de services ou de prestations non délocalisables. Cette limitation de l’objet posait d’évidents problèmes, comme l’a démontré le ministre Benoît Hamon : un salarié aurait ainsi pu débloquer des fonds pour financer la pose d’une cuisine sans pouvoir les utiliser, dans le même temps, pour l’achat d’un équipement électroménager.

À l’issue de ce débat, une rédaction assez étonnante et, pour tout dire, dénuée de sens et de portée, a été élaborée en guise de compromis. Elle consiste à maintenir le dispositif de fléchage des sommes que nous avons adopté en précisant que l’achat d’un bien doit intervenir « en particulier dans le secteur de l’automobile ».

Cette trouvaille intempestive du Sénat, sans améliorer texte, le dote d’un appendice inutile. En effet, cette modification me paraît dépourvue de toute portée normative. De plus, il n’est pas opportun de viser un secteur économique particulier. Le secteur de l’automobile connaît certes des difficultés, mais ce n’est malheureusement pas le seul. L’ajout en question n’apporte donc rien, ni au secteur visé ni à la qualité du texte.

Au-delà de ces regrettables broutilles, je tiens à rappeler l’importance de la mesure inscrite dans cette proposition de loi, qui peut constituer un levier de croissance et de relance de la consommation.

En effet, comme l’a rappelé la ministre, les dispositifs d’épargne salariale mettent en jeu des sommes considérables : l’encours global de l’épargne salariale représentait ainsi 90 milliards d’euros au 30 juin 2012. Ils concernent en outre de très nombreux salariés : en 2010, près de 8,8 millions de salariés, soit 57,3 % des salariés, ont bénéficié d’une mesure d’épargne salariale.

Dans le contexte économique difficile que connaît aujourd’hui la France, il m’apparaît donc nécessaire de mettre en œuvre rapidement le dispositif de déblocage que nous avons adopté.

Or, si notre assemblée décidait de modifier le texte adopté par le Sénat, par exemple en supprimant la mention inutile du secteur automobile, cela priverait les salariés d’une entrée en vigueur de la mesure de déblocage au 1er juillet prochain.

En effet, devraient alors intervenir une deuxième lecture au Sénat, puis, si le Sénat rétablissait son texte, une commission mixte paritaire, qui, si elle échouait, entraînerait une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale puis au Sénat et, enfin, une lecture définitive à l’Assemblée nationale - beaucoup de bruit pour rien, en somme, ce que je vous propose d’éviter.

Au vu de l’ordre du jour très chargé de nos assemblées, il semblait difficile de mener l’ensemble du processus à son terme avant le 1er juillet.

Mes chers collègues, notre devoir est d’abord de penser aux salariés. Nous ne devons en aucun cas les pénaliser du fait d’un galimatias législatif. Il faudra impérativement veiller, lors de la mise en œuvre, à ce que les sommes qui pourront être débloquées - et qui le seront - incluent réellement l’ensemble des sommes épargnées au titre de la participation et de l’intéressement, c’est-à-dire à la fois les sommes versées au titre de ces mécanismes d’épargne salariale et les abondements patronaux et salariés, car telle est bien l’intention du législateur.

C’est pourquoi, afin de respecter le calendrier prévu et de tenir l’engagement présidentiel, la commission des affaires sociales a adopté sans modification, le 4 juin dernier, le texte de la proposition de loi tel qu’il avait été voté par le Sénat. Je vous invite, mes chers collègues, à la suivre en ce sens.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes appelés aujourd’hui à nous prononcer sur une proposition de loi qui fait écho à une mesure annoncée par le Président François Hollande le 28 mars dernier pour relancer la consommation. Permettez-moi de citer les propos du chef de l’État : « Je propose que [la participation], pour tous ceux qui en ont l’usage – 4 millions de Français bénéficient d’un accord de participation –, puisse être débloquée immédiatement sans pénalités fiscales jusqu’à 20 000 euros, et utilisée pour quelque achat que ce soit, sans aucune raison, pour acheter un bien, une voiture [… ]. Cela durera six mois, mais cela permettra pendant ces six mois de débloquer une épargne pour l’affecter à la consommation. »

Conformément à cette annonce, la présente proposition de loi prévoit que les salariés qui ont déjà placé en épargne salariale des primes d’intéressement ou leur participation disposeront de six mois pour débloquer jusqu’à 20 000 euros nets de prélèvements sociaux.

Il est bien sûr difficile de s’opposer à une telle mesure. Elle permettra à ceux de nos concitoyens qui en bénéficieront de rehausser un peu leur pouvoir d’achat. Nous exprimons néanmoins les plus vives réserves sur l’efficacité de ce dispositif et la philosophie qui le sous-tend.

Nous regrettons tout d’abord que ces dispositions soient inscrites dans une proposition de loi. Ce choix n’est pas fortuit car il a pour effet de nous priver d’une étude d’impact, laquelle aurait probablement révélé le peu de pertinence de ce type de dispositif.

Rappelons en effet qu’une mesure identique avait été initiée par Nicolas Sarkozy. La majorité d’alors prétendait ainsi elle aussi « remettre du carburant dans la croissance française et le pouvoir d’achat ».

Le moins que l’on puisse dire est que le résultat n’a pas été à la mesure des espérances : alors que le Gouvernement espérait injecter 12 milliards d’euros dans l’économie, nos concitoyens n’ont débloqué que 3,9 milliards d’euros. Ce résultat témoigne bien de la limite de l’exercice qui consiste à stimuler artificiellement le pouvoir d’achat en incitant les salariés à puiser dans leur épargne.

Nous sommes de fait davantage dans l’effet d’annonce que face à une réelle mesure de soutien au pouvoir d’achat.

Ceux des bénéficiaires qui doivent faire face à des dépenses urgentes débloqueront sans doute leur participation, mais ils peuvent déjà le faire dans de nombreuses circonstances. La grande majorité des autres préféreront à l’évidence tout simplement conserver leur épargne. La précaution prise de faire en sorte que la participation débloquée ne soit pas réinvestie dans l’épargne sonne à cet égard comme un aveu : l’aveu de la faiblesse structurelle de ce type de mesure en période de crise.

Vous savez comme nous que les ménages modestes et moyens, qui subissent de plein fouet les conséquences de la crise actuelle, ne vont pas dilapider leur épargne. Ils n’attendent pas du Gouvernement et de la majorité qu’ils usent et abusent d’artifices comme le déblocage de la participation. Ils attendent une politique volontariste de soutien actif au pouvoir d’achat.

Le pouvoir d’achat a reculé de 0,4 % en moyenne l’an dernier, pour la première fois depuis près de trente ans. Selon l’INSEE, la consommation n’a depuis bientôt cinq ans progressé en moyenne que de 0,2 % par an.

La raison en est simple : des quatre leviers de croissance que sont la consommation, les dépenses publiques, l’investissement des entreprises et le commerce extérieur, nous avons sacrifié les deux premiers au profit des deux autres.

Ces politiques économiques uniquement fondées sur l’offre n’ont pas eu les effets escomptés : la baisse de la consommation et des dépenses publiques a entraîné non pas le redressement de notre économie mais, au contraire, la baisse de l’investissement des entreprises. Pourquoi en effet une entreprise augmenterait-elle l’investissement quand la demande qui lui est adressée, et donc son chiffre d’affaires, est en baisse ? Pourquoi voudriez-vous que le commerce extérieur se porte mieux, alors que nos partenaires les plus importants sont aussi en récession ? Pourquoi proposer un pacte de compétitivité qui accorde 20 milliards d’euros de baisse d’impôts aux entreprises si celles-ci n’investissent pas et utilisent leur surcroît de marge pour continuer à augmenter les dividendes versés aux actionnaires ?

Il est temps selon nous de nous interroger en profondeur sur les choix qui continuent d’orienter notre politique économique malgré leur échec évident. Ce qui est en faillite, c’est non pas notre pays, mais son modèle de développement.

Nous préconisons pour ce qui nous concerne une tout autre stratégie fondée sur la relance de l’investissement public et, ce qui est plus important encore, de la consommation.

Nous ne croyons pas aux vertus d’un prétendu socialisme de l’offre. C’est la demande qu’il faut stimuler…

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. André Chassaigne. … et il faut pour cela redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens par le moyen le plus sûr et le plus efficace : l’augmentation des rémunérations. Je ne suis pas certain que vous approuviez ce dernier point, monsieur Ollier.

Le déblocage de la participation ne saurait tenir lieu de politique salariale. Il ne saurait remplacer un relèvement significatif du SMIC, des pensions et des minima sociaux.

Les Français des classes populaires attendaient de l’alternance une amélioration de leurs conditions de vie et de travail, un meilleur partage des richesses, lesquelles sont le fruit de leur travail. Les dix années de politique de droite ont été vécues à juste titre comme des années noires, des années qui ont vu se multiplier les injustices criantes. Elles se sont soldées par une aggravation des inégalités. Comme l’a montré la dernière étude de l’Insee, cette politique s’est traduite par l’appauvrissement des pauvres et l’enrichissement des riches. Le niveau de vie de la majorité de la population a globalement stagné, voire baissé, nous l’avons dit. Mais l’étude montre par surcroît que la crise de 2008 a touché plus spécifiquement les couches modestes, les personnes les plus fragiles. Le niveau de vie des 5 % des Français les plus riches a progressé de 1,3 % en 2010 alors que celui des 20 % des Français les moins aisés a baissé de plus de 1,2 %.

Il faut aujourd’hui une politique active en faveur d’une nouvelle répartition des richesses, capable non seulement d’améliorer le niveau des ménages modestes et moyens, mais encore d’irriguer le tissu économique. La question des rémunérations est au cœur des enjeux centraux de la transformation de notre agriculture et de la transition écologique, qui sont gravement entravées aujourd’hui par la course au moins-disant salarial et social.

Nous sommes donc inquiets d’apprendre qu’il n’y aura pas de nouveau coup de pouce au SMIC cette année et que les salariés de ce pays devront donc se contenter d’une augmentation de 0,6 % sur deux ans. Nous sommes inquiets de la décision de gel du point d’indice des fonctionnaires annoncée mardi par la ministre de la fonction publique. Nous sommes inquiets du renoncement à plafonner la rémunération des dirigeants et cadres dirigeants d’entreprise. Ce n’est pas uniquement une question de morale ou de justice, c’est une question économique, car la concentration sans cesse accrue des richesses dans les mains de quelques-uns n’est pas un facteur d’embellie économique. Cette concentration souligne au contraire combien la fièvre du profit contrarie l’intérêt général.

Nous pensons également qu’il est plus que temps de revenir sur les 20 milliards d’euros de cadeaux fiscaux consentis aux entreprises dans le cadre du plan de compétitivité, car ils bénéficient à toutes les entreprises sans distinction et sans contrepartie : les banques, les assurances, la grande distribution, les cliniques privées, pour ne citer que les secteurs les plus emblématiques, vont ainsi se voir attribuer un crédit d’impôt injuste.

Vous refusez obstinément de cibler le dispositif pour en diminuer le coût et de consentir en contrepartie un véritable effort sur les rémunérations, les pensions, les minima sociaux et l’investissement des PME, qui sont notre poumon économique.

Nous n’aurons de cesse de vous convaincre que c’est la voie à suivre, madame la ministre, vous convaincre qu’il n’y aura pas de croissance sans relance de la consommation, vous convaincre qu’il n’y a pas d’avenir pour la gauche si elle persiste à appliquer les recettes de ses prédécesseurs et ne s’emploie pas à répondre aux attentes et aux espoirs qui l’ont portée au pouvoir.

Pour l’ensemble de ces motifs, les députés du Front de gauche s’abstiendront sur ce texte, comme ils l’ont fait en première lecture.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, afin de soutenir le pouvoir d’achat et la consommation des Français, plusieurs de mes collègues et moi-même avons déposé le 9 avril dernier une proposition de loi visant à permettre aux salariés de débloquer leur participation de manière anticipée tout en bénéficiant d’une exonération d’impôt sur le revenu pour ces sommes.

Il s’agissait de mettre en œuvre une proposition formulée par le Président de la République à la fin du mois de mars et de la faire entrer en vigueur le plus rapidement possible afin de ne pas tarder dans le lancement d’une mesure visant à relancer la croissance.

Je me réjouis donc de voir cette proposition de loi revenir du Sénat. Le respect du calendrier d’examen permettra qu’elle s’applique dès le 1er juillet prochain, ainsi que cela est prévu dans son article 1er.

Je rappellerai en quelques mots le champ de la mesure, qui vise à la fois la participation et l’intéressement.

Environ, 8,8 millions de salariés sont concernés, soit l’ensemble des salariés ayant accès à des dispositifs d’épargne salariale. Ils pourront débloquer d’ici le 31 décembre les sommes dont ils bénéficient à ce titre, et ce, jusqu’à 20 000 euros. Le montant total de l’épargne salariale atteint aujourd’hui près de 90 milliards d’euros. La France est un pays où le taux d’épargne est fort, probablement l’un des plus forts de la zone euro. Cette mesure n’est pas une fin en soi, elle n’est pas la seule que le Gouvernement et sa majorité entendent mettre en œuvre pour relancer la consommation et pour soutenir l’activité économique.

L’épargne abondante des Français doit être mise au service de la consommation – c’est l’objet de cette mesure – ou au service de l’investissement. J’espère que la prochaine loi de finances comprendra une mesure visant à remettre au service de l’économie « réelle », de l’industrie, une partie des sommes colossales placées dans les produits d’assurance-vie. Pour relancer l’activité, soutenir l’investissement et la prise de parts de fonds propres dans l’activité des entreprises, nous pourrons inciter et même rendre obligatoire la remise en circulation d’une part de l’épargne. Je rappelle que l’assurance-vie collecte actuellement près de 1 500 milliards d’euros.

Certains avaient mis en avant le risque de détournement de cette mesure, les sommes débloquées pouvant être placées sur des produits d’épargne liquide – par exemple le livret A – plutôt que consacrées à l’achat de biens et de services. Certes, dans le contexte de crise économique actuel, les Français ont tendance à puiser dans leur épargne pour maintenir leur consommation. Il a donc semblé utile et prudent de prévoir un fléchage des sommes débloquées vers l’achat de biens ou la fourniture de services.

Cette disposition a été introduite à l’initiative du rapporteur. Elle a été complétée au Sénat par l’adoption d’un amendement du Gouvernement, qui précise que l’achat de biens doit intervenir en particulier dans le secteur de l’automobile. Cette disposition, la seule modification apportée par le Sénat, ne constitue toutefois qu’une indication ; elle ne limite pas le champ des achats possibles.

Par ailleurs, pour assurer le respect du fléchage, l’Assemblée a adopté un dispositif de contrôle spécifique : le salarié devra tenir à la disposition de l’administration fiscale les pièces justificatives qui attestent de l’usage des sommes débloquées pour la consommation.

Il s’agit d’un mécanisme souple, qui ne fait pas reposer sur le salarié des contraintes déclaratives complexes. De surcroît, sa mise en œuvre ne nécessitant pas de dispositions réglementaires, l’entrée en vigueur de la présente proposition de loi ne sera pas suspendue à l’élaboration de ces dernières.

Je note également que notre assemblée a adopté un amendement de nos collègues du groupe UDI prévoyant la remise d’un rapport dressant le bilan de cette mesure de déblocage exceptionnel, ce qui me semble de bonne pratique. Je salue donc la qualité et la célérité des travaux de nos assemblées, qui ont permis de parvenir à un texte applicable rapidement. Nos concitoyens pourront donc faire usage de ce déblocage pour leurs congés d’été et surtout pour la rentrée scolaire.

Je terminerai mon propos par un sujet qui me tient à cœur : la prise en compte des crédits d’impôts dont bénéficient les entreprises dans le calcul de la réserve de participation pour la définition des bénéfices nets.

Je rappelle qu’un récent arrêt du Conseil d’État est venu remettre en question les règles applicables jusqu’alors. J’avais soulevé cette question en première lecture, en déposant un amendement que j’ai finalement retiré. Sans doute les délais ont-ils été un peu courts. Il serait nécessaire que le conseil d’orientation de la participation de l’intéressement et de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié - le COPIESAS - puisse examiner ce sujet, puisque la mise en œuvre du crédit d’impôt compétitivité emploi multipliera l’effet de l’arrêt du Conseil d’État.

Une telle disposition devra être étudiée en amont de la prochaine loi de finances, pour arrêter une doctrine réfléchie et ne pas s’en tenir à un arrêt du Conseil d’État, lequel n’est pas le législateur et ne s’est prononcé que sur une question de procédure.

Voilà mes chers collègues quelques éléments pour compléter cette discussion. Nous avons travaillé vite et bien. Cette mesure pourra être efficiente dès le 1er juillet. Monsieur Chassaigne, je veux dire et répéter que cette mesure n’est pas la seule que le Gouvernement et sa majorité mettent en œuvre pour soutenir l’activité économique. Elle n’est que l’une des dispositions d’un plan d’ensemble. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Bien évidemment, le groupe SRC votera en faveur de ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne suis pas d’accord avec M. Eckert.

M. Christian Eckert. Le contraire m’eût étonné !

M. Patrick Ollier. Je suis plutôt d’accord avec M. Chassaigne, mais pas pour les raisons qu’il a développées. Cette proposition de loi reste un coup politique, qui n’apporte rien aux Français en matière de pouvoir d’achat. Elle se limitera à un effet d’annonce qui pervertit la participation et détourne de son objectif cette belle ambition que sont l’association capital-travail et le partage de la valeur ajoutée.

J’ai eu l’occasion, lors de la première lecture, de rappeler que le pouvoir d’achat des Français a baissé – pour la première fois depuis 1984 – de 1 % en 2012. La perte de confiance est bien là, c’est indéniable. Et vous en portez la pleine responsabilité.

Les effets mécaniques sur la consommation des hausses d’impôts – 10 % fin 2012 – que vous infligez singulièrement aux classes moyennes contribuent largement à ces résultats.

Sans vouloir être cruel, je rappellerai les propos tenus par François Hollande le 16 mai : « l’idéal serait de ne pas avoir à encore augmenter les impôts ». Dix-sept jours plus tard, cet « idéal » se transformait en cauchemar pour les Français, plus particulièrement pour les classes moyennes. Cette malheureuse initiative était la douzième en un an, soit un relèvement significatif de la fiscalité par mois !

Je ne les citerai pas tous, mais cela va du gel du barème de l’impôt sur le revenu à la hausse de la TVA en 2014, en passant par le tour de vis sur la fiscalité de l’épargne, la hausse des cotisations retraites des salariés, la cotisation spéciale sur les retraites pour la dépendance, et les baisses successives du quotient familial. Douze augmentations ! Depuis votre arrivée au pouvoir, cela fait 30 milliards de hausses d’impôts, qui ont touché en premier lieu les ménages.

Comment imaginer qu’en sortant de votre chapeau ce déblocage exceptionnel de la participation, vous allez résoudre le problème du pouvoir d’achat des Français ? Ils pourront bénéficier d’un retrait de 20 000 euros pour stimuler la consommation, mais cela ne permettra pas de gommer les effets de cette politique de matraquage fiscal. La consommation des ménages est en recul, de 0,9 %, pour la seconde fois en soixante ans. Les prix à la consommation ont augmenté de 0,1 % en mai, soit une hausse de 0,8 % sur un an.

L’emploi marchand baisse au premier trimestre 2013, tandis que le taux de chômage explose. Au mois de mai, la confiance des ménages se dégrade, en perte de 4 points.

Voilà le constat que nous sommes conduits à faire les uns et les autres. Ce n’est quand même pas la faute de vos prédécesseurs !

Tous les voyants sont au rouge, et vous voulez bercer d’illusions les Français avec une hypothétique embellie économique, qui découlerait de votre politique.

En vérité, si les effets positifs de votre politique économique se font attendre, c’est bien parce que votre boîte à outils ne contient aucun ustensile qui réponde aux impératifs d’une politique économique destinée à compenser les effets de la crise et à faciliter les investissements et l’emploi !

Oui, il ne fallait pas augmenter les impôts ! Oui, il fallait diminuer le coût du travail ! Oui, il fallait stimuler l’investissement ! Oui, il fallait diminuer courageusement les dépenses publiques ! Voilà les pistes sur lesquelles nous aurions aimé vous suivre. Hélas, ce n’est pas ce qui s’est passé.

Selon une étude de l’INSEE datée de 2005, les deux tiers des retraits effectués en 2004 sont allés vers des placements plus souples, comme le livret A, ou des placements plus rémunérateurs, comme l’assurance-vie. À titre d’exemple, sur les 7 milliards d’euros dégagés en 2004, à peine 2,5 milliards d’euros ont été injectés dans des consommations nouvelles.

En 2008, 1,6 million de salariés ont retiré au total 3,9 milliards d’euros, bien loin de l’objectif que nous avions fixé, à 12 milliards d’euros. D’autres que moi ont fait ce constat, et vous demeurez sourds à ces vérités ! Malgré votre fléchage, qui provoquera forcément des réactions, je crains que ce déblocage ne reste « bloqué » !

En réalité, ces mesures exceptionnelles détournent le dividende du travail de sa vocation ; elles sont largement insuffisantes pour relancer la croissance.

Gaulliste, je milite pour achever le projet de société conçu par le général de Gaulle, notamment dans sa dimension sociale et économique, qui associe capital et travail, association dont sont issus la participation, l’intéressement et l’actionnariat salarié. Ce principe va de pair avec le refus de l’injustice sociale et la volonté de résoudre les problèmes de tension au sein des entreprises. C’est un instrument utile : en permettant de faire en sorte que les hommes deviennent un peu propriétaires de leur outil de travail, il est de nature à modifier sensiblement les conditions du dialogue social. Voilà une belle ambition !

C’est un instrument qui permet aussi un meilleur partage de la valeur ajoutée ! Avec l’association capital-travail, il s’agit de remplacer dans l’entreprise les rapports de contrainte par des rapports de confiance et de faire que les hommes ne soient plus des adversaires, mais des partenaires.

Sincèrement, j’aurais aimé que vous vous engagiez dans cette voie. Nous aurions pu vous suivre, car c’est une ambition sociale qui a toujours amélioré le fonctionnement et la compétitivité des entreprises.

En janvier 1959, le processus participatif a été amorcé, puis renforcé en 1973, en 1986, en 1994, en 2004, en 2005, en 2006. Hélas, le chemin vers une société de la participation n’est pas encore achevé.

En 2008, la dernière réforme – j’étais le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale – a permis de modifier le régime de la participation pour donner le choix aux salariés entre le déblocage, assorti d’un avantage fiscal, des sommes qui leur reviennent et la disponibilité immédiate de ces sommes. En outre, elle a permis d’appliquer la participation dans les entreprises publiques. Cela n’est pas négligeable ! Je me souviens aussi avoir fait voter la création du dividende du travail, car j’estimais que ce concept était mobilisateur par rapport au dividende du capital. J’ai aussi pensé que c’était œuvre utile que de faire adopter le principe de l’élection d’un salarié, au suffrage universel des actionnaires salariés, au conseil d’administration. Ces mesures ont désormais force de loi. Pourquoi n’avez-vous pas, en partant de ces avancées, fait progresser encore la participation ?

L’association capital-travail est loin d’être achevée. Je pensais que les socialistes, soucieux, en principe, du progrès social, auraient engagé des réformes audacieuses, plutôt que de se limiter à ce gadget politique – passez-moi l’expression. Ainsi, j’aurais préféré parler de la mise en place dans chaque entreprise d’un pacte de progrès par la gestion participative, au niveau des responsabilités, des résultats et du capital. J’aurais aimé que nous évoquions la possibilité de généraliser l’association capital-travail dans toutes les entreprises, quelle qu’en soit la forme – actionnariat salarié, participation, intéressement. Hélas, ce n’est pas ce qui s’est passé.

Nous espérions aussi que la navette permettrait à ce texte d’évoluer, dans le sens que nous souhaitions. Nous nous étions d’ailleurs abstenus en première lecture, avec l’espoir que les débats au Sénat permettraient des progrès et que vous proposeriez, avec le retour de ce texte, des avancées.

Malheureusement, cela n’est pas le cas. Vous voulez que les Français mangent leur blé en herbe. C’est tout à fait inacceptable ! Il ne faut pas jouer, en faisant ces annonces, avec le principe de la participation. Le groupe UMP constatant que vous n’avez pas même proposé de faire évoluer le texte, en toute logique nous voterons contre.

M. Daniel Gibbes. Très bien  !

Mme la présidente. La parole est à M. Meyer Habib.

M. Meyer Habib. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous examinons à nouveau aujourd’hui, en deuxième lecture, la proposition de loi du groupe socialiste portant déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement.

Ce texte n’a rien de révolutionnaire. Des opérations de déblocage exceptionnel de l’épargne salariale ont en effet déjà été mises en place sous la précédente majorité afin de relancer la consommation en libérant le pouvoir d’achat des ménages. Cela avait été fait notamment en 1994, puis en 2004, en 2005, et plus récemment en 2008.

Les députés du groupe UDI ont été et sont toujours favorables à de telles mesures, qui permettent effectivement de redonner un peu d’oxygène aux ménages.

Nous nous félicitons d’ailleurs que les députés socialistes se soient ralliés à cette idée, alors qu’ils avaient auparavant fortement critiqué les précédents déblocages exceptionnels, en allant jusqu’à déposer des amendements de suppression de cette mesure en 2008.

Fidèles à nos positions, et dans la logique d’opposition constructive qui anime le groupe UDI depuis le début de cette législature, nous apporterons donc notre soutien à cette proposition de loi.

Pour autant, permettez-moi de relever l’incohérence dont est empreinte l’action du Gouvernement et de sa majorité.

Alors que vous faites aujourd’hui la promotion de l’intéressement et de la participation, il y a à peine un an vous avez choisi dans le projet de loi de finances rectificative pour 2012 d’augmenter de 8 % à 20 % le forfait social, soit une augmentation de 150 %. Vous conviendrez qu’une taxation aussi forte de ce mécanisme n’aura pas pu contribuer à le promouvoir.

Je tiens d’ailleurs à rappeler que les députés du groupe UDI s’étaient opposés à une telle hausse du forfait social. Ainsi, des amendements avaient été déposés visant, sinon à supprimer cette augmentation, à la lisser dans le temps afin de ne pas pénaliser exagérément et brutalement les salariés, ni de dissuader trop fortement les entreprises de mettre en place des dispositifs d’intéressement ou de participation.

Dans le contexte de l’adoption de cette hausse drastique du forfait social au mois de juillet dernier, nous trouvons particulièrement étonnante la proposition de loi visant à autoriser un déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement, à peine un an après.

Nous tenons également à souligner qu’une telle mesure de déblocage exceptionnel ne peut pas constituer, à elle seule, un plan de relance du pouvoir d’achat des ménages et de la consommation.

C’est pourtant ce que le Gouvernement semble vouloir faire croire aux Français, si l’on se fie aux déclarations du Président de la République lors de son intervention télévisée de mars dernier, lors de laquelle il avait fait la promotion de cette opération de déblocage exceptionnel.

Il est absolument nécessaire que d’autres mesures cohérentes soient prises en parallèle de celle que nous discutons ici.

Pour la première fois depuis 1993, le pouvoir d’achat des ménages est en baisse, hélas ! Il y a urgence à agir.

Il est donc regrettable de constater que ce déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement soit la seule solution à laquelle le Gouvernement ait pensé pour améliorer le pouvoir d’achat des ménages, alors que le matraquage fiscal n’a pas cessé depuis l’arrivée au pouvoir de la nouvelle majorité.

La suppression de la défiscalisation et de l’exonération de charges sur les heures supplémentaires, le gel du barème de l’impôt sur le revenu, l’augmentation de la CSG, l’augmentation de la redevance audiovisuelle, ou encore la suppression du forfait applicable au versement des cotisations sociales pour les salariés intervenant au domicile des particuliers sont autant de mesures qui n’ont cessé de ponctionner le pouvoir d’achat des ménages depuis bientôt un an, à hauteur de 28 milliards d’euros.

Après cela, le Gouvernement, qui avait promis la stabilité fiscale après 2013, a annoncé aux Français qu’il manque 20 milliards d’euros pour boucler le budget pour 2014. Augmentation de la TVA au 1er janvier 2014, abaissement du quotient familial, mesures à venir sur les retraites, les impôts continueront donc hélas d’augmenter.

Les Français sont inquiets, et selon un sondage publié récemment par 60 millions de consommateurs, 77 % d’entre eux s’attendent à ce que leur pouvoir d’achat diminue encore en 2013.

Or le déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement ne constitue pas véritablement un coup de pouce supplémentaire au pouvoir d’achat : les salariés auront juste la possibilité d’utiliser plus rapidement que prévu ces sommes qu’ils ont épargnées.

C’est pourquoi les députés du groupe UDI ont proposé concrètement plusieurs mesures complémentaires au déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement, pour le pouvoir d’achat des Français. Ces mesures, que nous vous avions soumises en première lecture, s’inscrivaient dans l’esprit de la loi de 2008 pour le pouvoir d’achat. Nous déplorons qu’elles aient toutes été rejetées par le Gouvernement.

En premier lieu, nous proposions de pérenniser la possibilité pour les salariés de monétiser leurs journées de réduction de temps de travail et les droits stockés sur leur compte épargne-temps.

Il s’agissait de permettre aux salariés et à leurs employeurs qui souhaitent augmenter leur activité de convertir un certain nombre de droits à congés en argent.

Il aurait été particulièrement approprié de remettre en place cette mesure de manière pérenne dans le contexte très difficile dans lequel se trouvent de nombreux salariés aujourd’hui, et notamment les 9 millions de salariés de condition souvent modeste qui ont perdu entre 450 et 500 euros par an à la suite de la suppression de la défiscalisation et de l’exonération de charges sur les heures supplémentaires.

En outre, et dans un souci d’équité, nous proposions de mettre en place une autre mesure de soutien du pouvoir d’achat en direction des salariés des petites entreprises qui ne sont pas assujetties à l’obligation de versement de la participation, ainsi que des salariés des entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire.

Il s’agissait ici d’ouvrir, pour ces entreprises, la possibilité de verser aux salariés une prime exceptionnelle dont les partenaires sociaux pourront décider du principe, du versement et des modalités d’attribution.

Nous espérions que les députés socialistes, qui ont découvert sur le tard les vertus du déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement, verraient également les bienfaits de ces mesures pour le pouvoir d’achat, et soutiendraient leur mise en place.

Force est de constater qu’il vous reste malheureusement, mes chers collègues, un chemin considérable à accomplir.

Nous sommes toutefois heureux que notre amendement sur le bilan de cette mesure de déblocage ait été adopté à l’unanimité, et nous en remercions M. le rapporteur. En effet, aucun bilan de cette mesure n’avait été fait en 2004 ni en 2008, ce qui était à nos yeux regrettable.

Je le redis : le déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement est une mesure qui peut constituer un complément utile de pouvoir d’achat, mais elle ne peut en revanche être la seule perspective offerte aux Français alors que le Gouvernement ne cesse d’augmenter leurs impôts.

C’est pourquoi les députés du groupe UDI ne s’opposeront pas à cette mesure, qui est bien la première prise par ce Gouvernement en faveur des salariés.

Enfin, nous renouvelons notre appel solennel au Gouvernement afin que celui-ci répare les erreurs commises depuis son arrivée au pouvoir et mette en place immédiatement un véritable plan pour le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité des entreprises de notre pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi portant déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement déposé par le groupe socialiste.

Cette proposition de loi traduit en actes les propos du Président de la République lors de son interview télévisée du 29 mars dernier. Il s’était alors engagé à débloquer pendant une période précise la participation et l’intéressement des salariés afin de donner plus de pouvoir d’achat aux Français. Je ne vois pas d’effet d’annonce dans cette affaire. Si le Président de la République et le groupe socialiste proposent le déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement, c’est pour permettre aux salariés de disposer d’une épargne considérée comme indisponible. Car si aujourd’hui le salarié peut faire le choix de récupérer son intéressement ou sa participation dès qu’elle est versée, elle est bien entendu assujettie à l’impôt, et c’est de cet impôt que l’on souhaite les libérer.

Grâce à cette loi, ce sera le cas durant six mois. En effet, les salariés disposeront de cette période à compter de la publication de la loi, donc d’ici la fin de l’année, pour débloquer jusqu’à 20 000 euros nets de prélèvements sociaux. Les sommes ainsi débloquées, y compris les intérêts, bénéficieront aussi d’exonération d’impôt sur le revenu.

Les sommes en jeu sont considérables. L’encours global de l’épargne salariale représenterait entre 90 et 95 milliards d’euros au 30 juin 2012, et le nombre de bénéficiaires serait important. En effet, la part des sommes bloquées au sein de cet encours global concerne environ 4 millions de salariés français qui pourraient faire usage, selon leurs besoins, d’une partie de leur épargne salariale pour consommer.

Le pari de la majorité est que cet argent débloqué permettra aux salariés de réaliser les achats qu’ils repoussent aujourd’hui faute de moyens. Cette mesure est évidemment bienvenue en temps de crise. Il nous faut néanmoins rappeler que plusieurs dispositifs similaires ont déjà été mis en œuvre et que leurs résultats n’ont pas été à la hauteur des attentes. Ainsi, en 2008, des dispositions de même nature devaient permettre d’injecter dans l’économie de 12 milliards d’euros. Au final, c’est un tiers de cette somme qui a été débloqué.

Ce type de dispositif peut également créer des effets d’aubaine. Ainsi, l’épargne débloquée peut être déposée sur des placements plus rémunérateurs tels que le livret A et l’assurance-vie. C’est malheureusement ce qui a été observé en 2004. Nous espérons que l’encadrement de ce dispositif, prévu par la loi, permettra d’orienter réellement l’épargne vers l’achat de biens et de services.

De plus, ces mesures ont toujours, pour nous écologistes, un écho particulier. Si nous sommes conscients de l’aspiration de nos concitoyens à gagner du pouvoir d’achat, les dispositions ayant pour unique objectif de stimuler la croissance et la consommation interrogent toujours nos valeurs écologistes.

Cette croissance, nous disons depuis longtemps qu’elle ne reviendra pas, en tout cas pas à la hauteur de ce que nous avons connu. Il est non seulement illusoire d’aller la chercher " avec les dents ", comme on a pu le dire de manière volontariste, ou de l’attendre désespérément, mais il conviendrait de donner un contenu durable à cette consommation, et peut-être revoir les conditions de sortie de manière plus pérenne, j’y reviendrai en conclusion.

Néanmoins, nous savons que la crise touche aujourd’hui un grand nombre de Français. Selon l’INSEE, le pouvoir d’achat des ménages a chuté de 0,9 % en 2012. Mais il est trop facile d’en attribuer la responsabilité à l’équipe actuelle, tant on connaît les phénomènes d’inertie en matière économique. C’est évidemment le résultat de nombreuses années antérieures de difficultés économiques qui amènent aujourd’hui cette baisse.

La consommation a, quant à elle, baissé de 0,4 %. C’est la plus forte baisse depuis 1993, et la deuxième plus forte baisse depuis l’après-guerre. Ainsi, nous ne pouvons rester inertes, et nous ne pouvons dire non à une disposition qui doit redonner de l’air à tant de ménages.

Enfin, nous débattrons dans quelques jours du projet de loi relatif à la consommation. Bien entendu, il n’est pas sans lien avec le débat que nous avons aujourd’hui. Alors que nous allons adopter une mesure d’urgence en direction des ménages, le projet de loi à venir sur la consommation nous permet de réfléchir plus au fond au modèle économique que nous souhaitons, et qui nous permettra d’amorcer la transition économique et écologique. En effet, si nous ne pouvons rester impassibles face à l’urgence, nous devons préparer l’avenir et les défis qui nous attendent, dont celui de créer des emplois avec une croissance faible. C’est un beau défi.

Ce projet de loi sur la consommation contient déjà de nombreuses mesures permettant de mieux protéger les consommateurs, dont la plus emblématique est bien entendu l’action de groupe. Nous pensons qu’en régulant certaines mauvaises pratiques, cette loi permettra à nos concitoyens de regagner du pouvoir d’achat. Nous espérons qu’elle sera aussi l’occasion de soutenir une économie de proximité plus ancrée sur nos territoires, de soutenir l’économie circulaire et de promouvoir des relations plus transparentes entre producteurs, distributeurs et consommateurs.

Les actions du Gouvernement et de la majorité pour soutenir la création d’emplois via la Banque publique d’investissement, pour lutter contre la fraude fiscale, dont nous allons débattre cet après-midi, en permettant de récupérer les milliards qui échappent à l’impôt et pour protéger les consommateurs montrent que nous travaillons dans un seul objectif : permettre à chacun de vivre mieux. C’est avec cet objectif en tête que le groupe écologiste votera cette loi.

Madame la ministre de l’égalité des territoires et du logement, je me réjouis que vous soyez parmi nous ce matin, car je souhaite formuler une proposition en conclusion de mon intervention. J’ai émis un doute sur le fond de cette affaire et la promotion de la consommation. Nous connaissons les conditions de sortie habituelles – hors le dispositif dont nous débattons – qui concernent notamment l’achat immobilier, ou les événements de la vie familiale.

Chers collègues de la majorité, je pense qu’il serait utile de réfléchir à l’extension de ce dispositif à des mesures qui ont un sens du point de vue du développement durable, notamment à la rénovation de logements. De manière pérenne, au-delà du délai de six mois, nous pourrions, sans mettre en danger la totalité des fonds qui sont dans ces caisses, donner cette possibilité à nos concitoyens. Des travaux de 5 000, 10 000 ou 15 000 euros peuvent être très utiles, et il serait judicieux de débloquer l’épargne salariale à cette fin. Je serais heureux que la majorité et le Gouvernement réfléchissent à cette possibilité qui pourrait concerner les travaux de rénovation, d’économies d’énergie, peut-être aussi le financement de conversion professionnelle ou de création d’entreprises.

Voilà quelques pistes de réflexion, il y en a d’autres, en tout cas le débat ne s’arrête pas à cette seule disposition.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Girardin.

Mme Annick Girardin. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme en première lecture, les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutiennent cette proposition de loi discutée à l’initiative du groupe SRC.

Au vu de la baisse du pouvoir d’achat de nos concitoyens, le Président de la République a annoncé un déblocage exceptionnel de l’épargne bloquée au titre de la participation. Cette proposition de loi met en œuvre cet engagement.

En cette période économique troublée, il est bienvenu que les ménages puissent maintenir leur niveau de vie en accédant prématurément à leur épargne salariale.

Le pouvoir d’achat des Français est une préoccupation première de notre groupe. C’est la raison pour laquelle, comme l’avait indiqué Dominique Orliac en première lecture, nous souhaitions que le déblocage de la participation ne soit soumis à aucune condition. L’épargne salariale appartient aux Français : ils doivent donc pouvoir en disposer en toute liberté. Or, à la demande du rapporteur, l’Assemblée nationale a adopté une restriction de cette liberté.

Nous comprenons le raisonnement. Les expériences précédentes ont montré que l’épargne ainsi débloquée venait alimenter au moins autant l’épargne sur livret que la consommation. Pour optimiser l’impact sur la consommation, le rapporteur a donc cherché à ce que l’épargne débloquée n’alimente pas les livrets d’épargne. Un mécanisme a été trouvé : il consiste à demander aux salariés de tenir à la disposition de l’administration fiscale les pièces justificatives attestant de l’usage des sommes débloquées.

Pour notre part, nous émettons plusieurs réserves sur cette disposition.

Premièrement, l’épargne dont nous discutons n’a pas été gagnée de façon indue. Elle est le fruit d’efforts importants de la part des salariés, pour lesquels l’État autorise le déblocage anticipé. Rien de plus ! Les salariés pourraient donc espérer en disposer librement. La conditionnalité proposée risque de donner le sentiment que les sommes mises à disposition sont un cadeau ; or ce n’est pas le cas.

Notre deuxième réserve porte sur la complexification du dispositif engendrée par cette nouvelle disposition. Les salariés ayant recours au dispositif devront conserver leurs factures. Si l’on associe la complexité de l’administration à la paperasse que l’on demande à nos concitoyens de garder, alors nous ne faisons qu’augmenter cette complexité. Il semble suffisamment difficile de simplifier l’existant pour ne pas complexifier les nouveaux dispositifs que nous mettons en œuvre.

Une troisième réserve porte sur la disproportion de cette conditionnalité par rapport à ce qui est demandé aux entreprises dans le cadre du crédit d’impôt compétitivité emploi. Demandons-nous aux entreprises de garder les factures de leurs investissements dans les outils de production ou dans la transition énergétique ? Non. Toute proposition visant à encadrer le CICE de façon effective, et non seulement par des mots, a été rejetée par l’Assemblée nationale.

M. Laurent Grandguillaume. C’est faux !

Mme Annick Girardin. Alors pourquoi requérir auprès des ménages ce que nous n’osons imposer aux entreprises ? Cette dichotomie est étonnante. D’un côté, on donne 20 milliards d’euros aux entreprises par le biais d’un crédit d’impôt – en utilisant donc de l’argent qui ne leur appartient pas, et nous y étions favorables – sans contrepartie réelle. De l’autre, on propose aux ménages de débloquer la participation et l’intéressement qu’ils ont accumulés – c’est-à-dire leur argent –, mais en les obligeant à fournir des justificatifs. Nous ne sommes pas certains que cela soit bien accepté par les Français. N’est-il pas paradoxal d’appeler à une politique de la demande au niveau européen tout en privilégiant les entreprises au détriment des ménages au niveau national ?

La plupart des interventions dans le cadre de nos débats reposent sur l’hypothèse sous-jacente que toutes les formes d’épargne ont la même relation à la consommation. On aurait tort de croire que la transformation d’une épargne peu liquide – l’épargne salariale – en épargne liquide – l’épargne sur livret – n’a pas d’effet positif sur la consommation. Peut-être qu’à très court terme, en effet, l’épargne débloquée ne se traduira pas par un surplus de consommation. Cependant, même placée sur des livrets, elle viendra augmenter l’épargne liquide des ménages, qui ressentiront alors moins le besoin de constituer une épargne nouvelle, et qui pourront alors consommer davantage, non par à-coups sur une période de six mois, comme ce type de mesures les y incite, mais de façon plus lisse et plus continue.

Enfin, comme nombre de nos collègues l’ont souligné, il n’est pas certain que la consommation de biens durables favorise la production française. On pourrait même penser que c’est la consommation de biens courants et de services quotidiens qui pourrait être la plus à même de relancer la croissance. Or les Français n’utiliseront pas l’épargne débloquée pour des biens et services courants s’ils doivent conserver chaque facture !

Vous l’aurez compris : nous avons des doutes sur l’opportunité d’ajouter cette condition, même si son effet réel sera limité. En effet, au vu de la rédaction actuelle du texte et au-delà des bonnes intentions, on peut douter que l’obligation de conserver les factures sera respectée. Le texte n’indique pas combien de temps ces documents devront être gardés, ni même à quel moment les achats devront être réalisés. Si le déblocage est effectif au 30 décembre 2013, faut-il absolument que les achats aient lieu le 31 décembre, c’est-à-dire à la date butoir fixée pour ce dispositif ? Pourront-ils être réalisés en 2014 ? Peut-être pourriez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le rapporteur. Dans tous les cas, le manque de détails sur cette disposition minore grandement son impact réel.

Cet écart entre la volonté affichée et la précision législative pour concrétiser cette volonté fait écho à la référence au secteur automobile, qui n’a qu’une très faible valeur normative. D’ailleurs, pourquoi cette référence ? Pourquoi vouloir à tout prix orienter les achats des ménages vers ce secteur particulier ? Certes, l’industrie automobile française est importante, mais toutes les voitures achetées en France ne sont pas fabriquées dans notre pays, loin de là ! Beaucoup d’autres produits sans rapport avec l’automobile sont fabriqués en France !

Comme vous, monsieur le rapporteur, nous regrettons de devoir garder cette mention dans le texte final. Il aurait fallu pouvoir modifier une nouvelle fois le texte. Il aurait fallu au moins deux lectures de cette proposition de loi dans chaque chambre. Bref, il aurait fallu que le Parlement légifère, mais il ne le peut pas.

La multiplication des textes dont la portée législative est douteuse et le changement incessant de calendrier nous obligent, une fois de plus, à adopter des textes dans la précipitation. La loi relative à la mobilisation du foncier public a été invalidée en raison d’une erreur de procédure. Je pense aussi au projet de loi de finances pour 2013, que les sénateurs de la majorité ont dû repousser afin d’assurer son adoption avant la fin de l’année.

M. Patrick Ollier. Merci de le dire !

Mme Annick Girardin. Et maintenant, nous examinons cette proposition de loi, que nous considérons tous mal écrite, mais qui ne peut être amendée faute de temps.

M. Patrick Ollier. Vous avez raison !

Mme Annick Girardin. C’est, malheureusement, trop souvent le cas dernièrement.

Nous sommes, nous aussi, convaincus de la nécessité de devoir adopter au plus vite cette proposition de loi, mais celle-ci aurait pu être menée à son terme sans précipitation si d’autres textes, moins urgents ou contenant de nombreuses dispositions réglementaires, n’avaient pas absorbé le temps dont dispose notre assemblée.

M. Patrick Ollier. Bravo !

Mme Annick Girardin. Il est normal que l’année suivant une alternance se caractérise par une forte activité législative, mais les textes ne sauraient être rédigés et examinés à la hâte. Le Parlement fait la loi, mais il la protège aussi. Nous ne pouvons nous satisfaire que des textes inachevés ou imparfaits, et perçus comme tels par notre assemblée, puissent être adoptés.

Mes chers collègues, je crois honnêtement que nous devons aujourd’hui nous poser ces questions, tous ensemble.

On l’a vu : le texte comporte des imperfections. Mais la proposition de loi comporte aussi des avantages, que nous saluons et qui justifient notre soutien.

Avant tout, le dispositif donnera une bouffée d’oxygène au pouvoir d’achat des Français. Il leur donnera la possibilité, s’ils le souhaitent, de réaliser des achats importants et durables. Alors que le pouvoir d’achat est en berne, le Président de la République et sa majorité auraient été coupables de ne pas recourir à un tel instrument au moment où nos concitoyens en ont le plus besoin. En effet, ne nous méprenons pas : le bénéfice de cette proposition de loi ne se fera pas tant ressentir sur l’économie nationale que sur les ménages qui débloqueront leur épargne salariale pour réaliser les achats qui leur tiennent à cœur.

Contrairement aux mesures similaires adoptées par le passé, seront concernés aussi bien la participation que l’intéressement. Cet élargissement n’est pas un détail : il montre la volonté du Gouvernement de ne pas s’adresser uniquement aux salariés des grandes entreprises, qui bénéficient principalement de la participation, mais aussi aux salariés des petites entreprises, qui ont le plus souvent accès à l’intéressement.

M. Richard Ferrand, rapporteur. Exactement !

Mme Annick Girardin. La priorité du Gouvernement et de notre majorité doit porter sur les salariés les moins protégés et bénéficiant de moins d’avantages salariaux. Ce texte en est l’illustration.

Il est aussi prévu que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, un rapport dressant le bilan de la mesure de déblocage exceptionnel. Ce rapport devra notamment préciser les montants débloqués et l’utilisation des sommes perçues. Les sénateurs ont maintenu cette disposition : elle est indispensable pour que l’on puisse enfin connaître l’impact réel de ces mesures qui, bien qu’exceptionnelles, sont régulièrement mises en œuvre.

Enfin, cette proposition de loi n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans un ensemble plus large de mesures qui visent toutes à soutenir la consommation. Nous examinerons dès la semaine prochaine le projet de loi relatif à la consommation. En protégeant les consommateurs et en rétablissant la confiance avec les producteurs, nous construirons une reprise durable de la consommation, et donc de la croissance.

Ainsi, les députés du groupe RRDP soutiennent cette proposition de loi, non pas tant pour ses effets macroéconomiques que pour le coup de pouce que le dispositif pourra donner à près de 9 millions de nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Grandguillaume.

M. Laurent Grandguillaume. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, cette proposition de loi a été préparée avec prudence, sérieux et efficacité.

M. Patrick Ollier. On voit que vous ne l’avez pas lue !

M. Laurent Grandguillaume. Son objectif est de lutter pour le pouvoir d’achat, qui a beaucoup baissé ces dernières années. Il a reculé de 0,3 % en 2008 et de 0,1 % en 2011. Selon l’INSEE, depuis l’éclatement de la crise, la consommation n’a progressé en moyenne que de 0,2 % par an, soit dix fois moins vite qu’entre 2000 à 2007. La conséquence directe de cette baisse est que les Français sont prêts à modifier leurs habitudes de consommation – nous le verrons d’ailleurs la semaine prochaine à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la consommation –, notamment en matière de logement, d’énergie, de transport et de santé.

La proposition de loi du groupe SRC vise à mettre en œuvre, dans les plus brefs délais, l’annonce du Président de la République afin de soutenir la consommation et le pouvoir d’achat des salariés. Elle s’inscrit dans un ensemble de mesures de soutien à la consommation, de reconquête de la croissance et de lutte contre le chômage, telles que le crédit d’impôt, les emplois d’avenir ou le contrat de génération.

C’est un choix de relance de la consommation au moment où les salariés en ont le plus besoin. Nos collègues de l’opposition devraient donc saluer cette proposition de loi,…

M. Richard Ferrand, rapporteur. En effet, ils le devraient !

M. Laurent Grandguillaume. … qui concilie l’objectif d’une mesure simple, directe et non bureaucratique et la nécessité de pallier les défauts du système précédent, qui a souvent conduit les salariés à transférer les sommes d’une épargne vers une autre.

Nous avons su tirer les leçons des erreurs du passé. En 2005, l’INSEE avait souligné que les sommes de la participation débloquées en 2004 avaient alimenté en priorité d’autres supports d’épargne, plus liquides, et que l’effet sur la consommation avait été quasiment nul. En effet, aucun ciblage n’avait été effectué : les mesures trop générales avaient eu l’effet inverse et les sommes débloquées avaient été réépargnées dans d’autres supports tels que l’assurance vie.

À l’initiative de notre rapporteur, Richard Ferrand, et de l’ensemble du groupe SRC, avec la participation d’autres groupes, l’Assemblée nationale a apporté des améliorations essentielles à ce dispositif.

Elle a, tout d’abord, opéré un fléchage des fonds débloqués vers « l’achat d’un ou plusieurs biens ou la fourniture d’une ou plusieurs prestations de services », pour éviter les comportements d’optimisation et de transfert entre supports d’épargne. L’objectif de la mesure reste la consommation des ménages. Afin de garantir l’efficacité de ce fléchage, nous l’avons assorti d’un dispositif de contrôle imposant au salarié de conserver les pièces justificatives attestant l’usage des sommes perçues, qu’il devra présenter, le cas échéant, à l’administration fiscale.

Deux autres modifications, plus techniques mais tout aussi importantes, ont été apportées au dispositif : l’une porte sur les modalités de déblocage, et l’autre instaure une période de déblocage fixe.

Nous avons également prévu un certain nombre de garde-fous. Tout d’abord, notre choix s’est porté sur un dispositif préservant l’épargne placée en vue de la retraite, notamment dans les plans d’épargne pour la retraite collectifs, afin d’éviter que cet investissement visant à préparer le futur ne soit sacrifié à un besoin immédiat de consommation. On se souvient, par exemple, des hypothèques rechargeables défendues par le passé : ces subprimes à la française seront supprimées dans le cadre du projet de loi relatif à la consommation. Deux logiques s’affrontent : celle de la durabilité et celle de la poursuite du profit à court terme.

Nous préservons aussi les fonds solidaires, qui bénéficieront d’un statut particulier. En effet, les besoins des entreprises de l’économie sociale et solidaire sont différents de ceux des entreprises de l’économie classique. Elles ont un fonctionnement plus tempérant et patient, qui suppose de disposer d’un accès à des financements pérennes, auxquels participent notamment les fonds solidaires.

M. Laurent Grandguillaume. Mes chers collègues, cette proposition de loi s’inscrit dans l’urgence de relancer le pouvoir d’achat des salariés. Pour garantir la liberté des femmes et des hommes, il faut d’abord leur assurer des conditions d’existence : emploi, logement – et je pense, madame la ministre, aux mesures que vous préparez.

Il faut aussi se pencher sur la question de l’élargissement du bénéfice de l’épargne salariale : 8,8 millions de salariés bénéficient aujourd’hui d’au moins un de ces dispositifs. Ce chiffre cache des inégalités extrêmement fortes : moins d’un salarié sur cinq travaillant dans une entreprise de moins de cinq salariés a accès à l’un de ces dispositifs et près des deux tiers des salariés des grandes entreprises ont accès à tout : l’intéressement, la participation, les plans d’épargne d’entreprises ou les PERCO. Ce sont autant d’inégalités auxquelles il faudra mettre fin.

Enfin, je voudrais élargir mon propos sur une perspective qui me semble importante, celle de la répartition des moyens de production, donc du capital.

En effet, de nombreuses entreprises font de plus en plus appel au dispositif d’actions gratuites, dispositif lourd et complexe. C’est parfois un bouclier contre les OPA hostiles, qui protège nos entreprises des agressions des prédateurs financiers – ceux qui ne voient qu’à court terme et poursuivent les délocalisations – et qui peut permettre des relocalisations.

Nous devrons également aborder d’autres sujets comme l’obsolescence programmée, chère à notre collègue Éric Alauzet. Il faudra, dans les semaines à venir, prendre le temps nécessaire pour aborder ces sujets dans la sérénité, car ils ont à voir avec les questions de la consommation et du pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Richard Ferrand, rapporteur. Je souhaite revenir sur les propos de certains des intervenants. À M. Chassaigne, je dirai qu’à défaut d’étude d’impact, nous avons pris la décision sur la suggestion du groupe UDI de mener un véritable travail d’évaluation de cette mesure. Après tout, 4 milliards d’euros mobilisés dans un contexte de consommation atone, cela peut représenter jusqu’à 0,1, 0,2 % de croissance, ce qui n’est pas négligeable dans le contexte actuel.

Opposer participation, intéressement et rémunération est une erreur. Il est des domaines où nous sommes très favorables au cumul. (Sourires.) Le salaire, c’est la rémunération du travail. La participation et l’intéressement, c’est associer les salariés à la prospérité et à la durabilité de l’entreprise.

M. Patrick Ollier. Nous sommes d’accord.

M. Richard Ferrand, rapporteur. Merci, monsieur le président.

Opposer les uns aux autres n’est sans doute pas de bon aloi. Dans la situation qui est la nôtre, dire que l’on souhaite débloquer par anticipation une partie de l’épargne salariale, ce n’est pas espérer que cela se substitue au salaire. C’est seulement donner un coup d’accélérateur au bénéfice de la consommation, moteur pour la croissance. Dans cet esprit, le rapporteur général Eckert a indiqué que le texte s’inscrivait dans une logique plus globale de mobilisation de l’épargne, importante en France, en direction de l’économie réelle. Aujourd’hui, c’est en faveur de la consommation, mais le projet de loi de finances permettra de voir comment les sommes épargnées dans le domaine de l’assurance-vie pourront être mobilisées en direction de l’économie réelle.

Je voudrais aussi, très respectueusement, rassurer le président Ollier, pour lui dire qu’il n’y a pas de coup politique dans cette affaire.

M. Patrick Ollier. Bien sûr  !

M. Richard Ferrand, rapporteur. Vous nous faites remarquer que nous créons 30 milliards d’impôts nouveaux. Cela n’a pas grand rapport avec le texte, mais il faut bien que l’on remplisse les caisses que vous avez laissées vides, monsieur le président. Ce texte ne mérite ni excès d’honneur ni indignité. Il s’agit de répondre à un enjeu d’urgence, à savoir la baisse du pouvoir d’achat, que nous avons dû déplorer en 2012. Nous sommes d’accord, notre collègue Grandguillaume le rappelait, pour optimiser et donner à la participation et à l’intéressement une portée plus vaste encore. Le gaullisme s’userait si l’on ne s’en servait pas. (Sourires.) Nous allons le mettre à profit pour développer la participation et l’intéressement.

Ce texte, monsieur Habib, n’est pas révolutionnaire. S’il l’était, vous ne l’auriez sans doute pas voté !

M. Meyer Habib. C’est probable.

M. Richard Ferrand, rapporteur. Le texte doit permettre de nourrir le moteur de la consommation et je vous remercie à cet égard de vous être prononcés favorablement.

M. Alauzet l’a dit, on ne peut pas rester inerte face à l’atonie de la consommation et aux besoins de nos compatriotes.

Mme Girardin a, elle, insisté sur les imperfections, mais la perfection n’est pas de ce monde, ma chère collègue, ni même de cette Assemblée. (Sourires.) Nous avons essayé de trouver un point d’équilibre entre le souci partagé de ne pas rater la cible – à savoir débloquer pour consommer – et de ne pas créer de bureaucratie par une conditionnalité trop forte. Le point d’équilibre auquel nous sommes parvenus par un travail d’horloger en quelque sorte a été de décider qu’il fallait garder les justificatifs de l’utilisation des sommes si d’aventure l’administration fiscale venait à les réclamer. Il s’agit davantage d’une digue psychologique pour éviter que le dispositif soit utilisé de manière pas tout à conforme à notre intention. Mais en aucun cas, il ne s’agit d’une conditionnalité contraignante.

Voilà les quelques précisions que je souhaitais apporter aux différentes interventions de l’ensemble des collègues des groupes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. Je n’ai à peu près rien à ajouter aux propos du rapporteur qui a excellemment porté la proposition de loi émanant des Parlementaires si ce n’est une précision du Gouvernement. Je vous confirme que l’intention du législateur sera bien respectée dans la mise en œuvre de cette mesure et que l’ensemble des sommes épargnées au titre de la participation et de l’intéressement sont bien concernées. Je dis bien : l’ensemble des sommes concernées.

Mme la présidente. Merci de cette précision.

Mme la présidente. J’appelle maintenant dans le texte de la commission l’article de la proposition de loi sur lequel les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

Discussion des articles

Article 1er

(L’article 1er est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et à la grande délinquance économique et financière ;

Projet de loi organique relatif au procureur de la République financier.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron