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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 23 juillet 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Manifestation pro-palestinienne

M. Jérôme Chartier

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Manifestations pro-palestiniennes

M. Bruno Le Roux

M. Manuel Valls, Premier ministre

Situation au Proche-Orient

Mme Brigitte Allain

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie

Mme Sonia Lagarde

M. Manuel Valls, Premier ministre

Réforme territoriale

M. Carlos Da Silva

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Politique du Gouvernement

M. Gérald Darmanin

M. Manuel Valls, Premier ministre

Epidémie de chikungunya

M. Serge Letchimy

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Mères porteuses

M. Jean Leonetti

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Sécurité ferroviaire

M. Michel Pouzol

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Avenir de la Nouvelle-Calédonie

M. Dominique Bussereau

M. Manuel Valls, Premier ministre

Événements à Gaza

M. André Chassaigne

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Persécution des chrétiens d’Orient

Mme Valérie Boyer

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Réforme du droit d’asile

M. Jean-Louis Touraine

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Intercommunalité

M. Joël Giraud

M. Bernard Cazeneuve, ministre

Situation économique

M. Jean-Pierre Decool

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Suspension et reprise de la séance

2. Délimitation des régions et modification du calendrier électoral

Explications de vote

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Nicolas Sansu

M. Hugues Fourage

M. Hervé Gaymard

M. Michel Piron

M. François de Rugy

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

3. Approbation d’accords internationaux

Accord avec la Géorgie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

Ratification du protocole modifiant l’accord de transport aérien entre la Communauté européenne et les États-Unis d’Amérique

Accord de coopération en matière de sécurité intérieure avec les Émirats arabes unis

Accord avec le Liban sur la coopération en matière de sécurité intérieure, de sécurité civile et d’administration

4. Projet de loi de finances rectificative pour 2014

Présentation

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Discussion générale

M. Joël Giraud

Mme Eva Sas

M. Nicolas Sansu

M. Hervé Mariton

M. Dominique Baert

M. Philippe Vigier

Texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture

Vote sur l’ensemble

5. Règlement du budget et approbation des comptes de l’année 2013

Présentation

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Discussion générale

M. Alain Fauré

Mme Véronique Louwagie

M. Charles de Courson

M. Éric Alauzet

M. Joël Giraud

M. Nicolas Sansu

Texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture

Vote sur l’ensemble

6. Projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014

Présentation

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

M. Michel Issindou, suppléant M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales

Discussion générale

M. Joël Giraud

Présidence de M. Marc Le Fur

M. Nicolas Sansu

Mme Françoise Dumas

Mme Véronique Louwagie

M. Philippe Vigier

M. Jean-Louis Roumegas

Mme Bernadette Laclais

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture

Vote sur l’ensemble

7. Égalité entre les femmes et les hommes

Présentation

M. Sébastien Denaja, rapporteur de la commission mixte paritaire

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports

Discussion générale

Mme Sandrine Mazetier

M. Guy Geoffroy

Mme Sonia Lagarde

Mme Laurence Abeille

M. Jacques Moignard

Mme Marie-Anne Chapdelaine

Vote sur l’ensemble

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

8. Clôture de la session extraordinaire

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Manifestation pro-palestinienne

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jérôme Chartier. Monsieur le Premier ministre, vous avez décidé ce week-end d’interdire deux manifestations pour préserver la paix entre les communautés. Je veux revenir sur l’interdiction de la manifestation de Sarcelles qui, quoique se disant pour la paix, n’avait en réalité rien de pacifique. En effet, aller manifester contre Israël au cœur de ce que l’on appelle la petite Jérusalem de France relevait davantage de la provocation que de l’apaisement. Et lire en arabe sur les murs de la gare RER de Garges-Sarcelles : « Venez avec du fer. Dimanche, on va casser du juif » ne correspondait pas davantage à l’idée que l’on se fait d’une manifestation apaisée.

La manifestation fut donc interdite à juste raison, mais les casseurs s’étaient de toute façon donné rendez-vous pour atteindre un objectif qui est manifeste depuis déjà plusieurs mois : faire peur à la communauté juive pour qu’elle quitte la France.

D’autres communautés connaissent ce genre de situation à travers le monde, en plus terrible parfois : certaines risquent la mort. Je pense en ce moment aux Palestiniens, comme aux chrétiens d’Orient, victimes d’une épuration systématique en Irak. Or les Palestiniens comme les chrétiens d’Irak sont les Juifs de France : ils sont une minorité qui doit absolument être protégée et je veux croire que tout sera mis en œuvre pour leur garantir respect et sécurité.

Je vous demande donc, monsieur le Premier ministre, de prendre trois engagements. Je vous demande d’abord de mobiliser les moyens nécessaires pour garantir le respect de la loi et des décisions de l’État. À Sarcelles, ce ne fut pas le cas. Je vous demande ensuite de donner l’instruction à tous les procureurs de France de poursuivre systématiquement tous les gestes et toutes les paroles à caractère antisémite, pour montrer l’engagement de la République à protéger ses citoyens les plus exposés. Je vous demande enfin, monsieur le Premier ministre, de réaffirmer votre mobilisation pour protéger les minorités de France, et en particulier la communauté juive, car le jour où la République abandonnera le plus petit nombre au plus grand nombre, cette république ne sera plus la République française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député Chartier, tout le monde, sur tous les bancs de cet hémicycle, je n’ai pas de doute sur ce point, considère comme vous que l’antisémitisme et toutes les formes de haine qui se déploient dans l’espace public et qui peuvent porter atteinte à la sécurité de certains citoyens en raison de leur appartenance religieuse constituent des phénomènes qui doivent être vivement condamnés et qui ne sont pas acceptables.

Vous souhaitez que les lieux de culte soient protégés, mais ils le sont déjà. Ils l’ont été à Sarcelles, car les forces de police étaient présentes dans la ville pour assurer que les synagogues ne seraient pas attaquées par des manifestants qui, comme vous l’avez dit très justement, étaient prêts à perpétrer des actes antisémites. Ils l’ont d’ailleurs fait, en s’attaquant à une épicerie parce qu’elle était tenue par un juif ou en tentant, sans y parvenir, de jeter des cocktails Molotov sur des synagogues.

Nous avons donc protégé les lieux de culte. Depuis une circulaire que j’ai adressée à l’ensemble des préfets de France à la fin du mois de mai dernier, la surveillance est maximale et s’effectue, vous le savez bien, en très étroite liaison avec les représentants de la communauté juive, avec lesquels nous évaluons quotidiennement les risques et adaptons nos dispositifs de sécurité. Je veux donc qu’on ne laisse pas planer de doute sur ce point : nous sommes dans un état de vigilance absolue.

Je voudrais à présent revenir sur l’interdiction de la manifestation elle-même. Nous n’avons pas interdit une manifestation, car la liberté de manifester est la règle. Nous avons interdit des déferlements de haine antisémites dans les rues. Nous avons eu raison de le faire, et ceux qui ont bravé cette interdiction doivent assumer la responsabilité des actes qui ont été commis. Dans le contexte actuel, j’appelle chacun à assumer ses responsabilités, pour ne pas ajouter de la tension à la tension. Il est de notre responsabilité de faire en sorte que toutes les communautés soient respectées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Manifestations pro-palestiniennes

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le Premier ministre, l’escalade mortifère qui s’empare du Proche-Orient depuis plusieurs semaines provoque, à juste raison, une mobilisation internationale de grande ampleur. Mobilisation diplomatique, tout d’abord, pour faire sortir de l’impasse un processus de paix dont le blocage menace la sécurité de la région et conduit deux peuples à se tourner le dos. Mobilisation humanitaire, ensuite, pour venir en aide aux victimes civiles placées au milieu de la confrontation entre Israël et le Hamas. La France y prend toute sa place, notre majorité souhaite ici prendre toute la sienne.

Droit à la sécurité pour Israël, refus de la colonisation dans les territoires occupés, soutien à la construction d’un État palestinien, deux peuples vivant côte à côte et en paix : la position de la France sur ce dossier est constante. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Chacun a le droit d’avoir une autre position que celle de notre diplomatie, et de manifester pour faire valoir cette opinion. Simplement, lorsqu’elles engendrent la haine de l’autre, lorsqu’elles provoquent des violences tournées contre d’autres citoyens français en raison de leur origine ou de leur religion, lorsqu’elles font ressurgir les fantômes des années trente et la haine du Juif, comme ce fut le cas ce week-end à Paris et à Sarcelles, alors les manifestations doivent être interdites et les comportements antirépublicains sanctionnés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Si une large majorité de ceux qui veulent manifester le font pacifiquement, nul ne peut fermer les yeux sur la gravité des propos et des actes de ces derniers jours. La fraternité est au cœur du projet français. Nous ne laisserons pas les extrémistes profiter des conflits extérieurs pour combattre la République. Au contraire, nous croyons avec fierté que notre diversité peut être un exemple de rempart contre la violence pour les observateurs du monde entier.

Monsieur le Premier ministre, notre position est claire : la paix au Proche-Orient, la République en France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président Le Roux, manifester est un droit, une liberté. Manifester pour la paix au Proche-Orient ; manifester pour dire son horreur de la guerre, son émotion, son indignation face à la souffrance des populations civiles palestiniennes de Gaza – comment, d’ailleurs, ne pas partager cette émotion devant les images insupportables de femmes et d’enfants victimes des bombardements ? Manifester aussi sa solidarité à l’égard des Israéliens qui vivent la peur au ventre à cause des centaines de roquettes tirées par le Hamas ; manifester pour crier son horreur, son émotion – les mots sont faibles – face aux 170 000 morts en Syrie depuis trois ans, face au sort réservé aux minorités en Syrie ou en Irak, ou à celui des chrétiens d’Orient que, bien sûr, nous n’oublions pas.

M. Meyer Habib. Bravo !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce sont autant d’occasions de manifester. Manifester est donc un droit, parfois un devoir. C’est une liberté, et c’est l’esprit de la République. Mais, et je fais là écho à la question de Jérôme Chartier, manifester pour s’en prendre à des synagogues ou des commerces tenus par des Juifs, cela ne porte qu’un seul nom : l’antisémitisme. Et l’antisémitisme n’est pas une opinion, c’est un délit. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, UMP, UDI, RRDP et écologiste.)

M. Yves Fromion. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cela appelait une réponse claire et ferme. Au vu des incidents graves et des actes antisémites constatés lors de la manifestation du 13 juillet à Paris, au vu des informations que le ministre de l’intérieur détenait et des risques encourus, le préfet de police a décidé d’interdire la manifestation du 19 juillet à Paris. Cette décision s’imposait.

Au vu d’éléments très précis en sa possession, le maire de Sarcelles, votre collègue François Pupponi, a demandé l’interdiction de la manifestation prévue dans sa ville le 20 juillet. Il a eu raison lui aussi, les faits le démontrent. M. Chartier rappelait ce qui s’est produit à Sarcelles : des commerces, une pharmacie, des épiceries ont été incendiés parce qu’ils étaient prétendument tenus par des commerçants juifs. On a également essayé de lancer des cocktails Molotov sur des synagogues, sans y parvenir parce que les forces de l’ordre étaient présentes. Cela s’appelle, je le redis, des actes antisémites. C’est insupportable, c’est intolérable et malheureusement, le hasard faisait que cela s’est déroulé le jour où nous commémorions la rafle du Vél d’Hiv. Il faut nommer ces actes, il faut en appeler à la conscience : ce sont des actes antisémites. (Mêmes mouvements.)

Mesdames et messieurs les députés, comme l’a rappelé le ministre de l’intérieur, sur les soixante-six manifestations qui ont eu lieu ces derniers jours, quatre ont été interdites, pour des motifs parfaitement légitimes. Le ministre de l’intérieur, dont je salue l’action, fera à chaque fois analyser ces manifestations par les préfets avec la plus grande attention. Rien ne peut justifier la violence à l’égard des forces de l’ordre, dont je veux saluer l’engagement, le professionnalisme et le sang-froid. (Mêmes mouvements.)

Rien ne peut justifier l’antisémitisme. Je veux aussi m’adresser à nos compatriotes, aux Juifs de France qui vivent avec la peur, qui ont non seulement connu les morsures de l’histoire, mais aussi les événements de ces dernières années : l’assassinat d’Ilan Halimi, les attentats de Toulouse et de Montauban et l’attentat récent commis par un Français au musée juif de Bruxelles. Chacun doit être pleinement conscient ici que dans ces manifestations ou sur les réseaux sociaux, des groupes radicaux, extrémistes, abritent derrière la mise en cause d’Israël et un antisionisme de façade leur antisémitisme et la haine des Juifs. Il faut aussi le dire, et dire la vérité à ceux qui peuvent se retrouver dans ces manifestations. (Mêmes mouvements.)

Je l’ai dit ici même il y a quelques mois : il existe un nouvel antisémitisme qui s’est banalisé. Il mêle cause palestinienne, djihadisme, détestation d’Israël et haine de la France et de ses valeurs. Ce nouvel antisémitisme reprend la thèse ignoble, insupportable, du complot juif. Ces mots, les slogans entendus ont fait mal. Ils blessent la République, ils blessent la France, et ils peuvent tuer. Il faut regarder cette vérité en face.

Même si tout cela est le fait d’une minorité, et je ne fais pas d’amalgame entre cette minorité et ceux qui manifestent, quand on se rend à une manifestation qui a été interdite parce que, quelques jours auparavant, des slogans et des actes antisémites ont été constatés, et que l’on est un élu de la République, un maire d’arrondissement, on fait attention où l’on met les pieds et avec qui l’on manifeste ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et UMP.– Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, RRDP et UDI.)

M. Claude Goasguen. Des sanctions !

M. Manuel Valls, Premier ministre. J’en appelle donc au rassemblement et à l’esprit de responsabilité. Je salue tous ceux, dans la majorité comme dans l’opposition, qui se sont exprimés avec gravité et sens de l’État, en particulier trois anciens premiers ministres : Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin et François Fillon. Ce n’est pas l’interdiction des manifestations qui a provoqué la violence, mais ce sont les violences qui ont justifié l’interdiction. Face à la violence, face à l’antisémitisme, on ne se laisse pas aller à je ne sais quel doute ou je ne sais quel questionnement.

Oui, vous avez raison, on peut débattre de tout, on peut mettre en cause la politique du Gouvernement, on peut interroger le Gouvernement, et Laurent Fabius répondra dans un moment sur la position de la France au Proche-Orient. Mais on ne peut pas, face à l’antisémitisme, au racisme et à la violence, se laisser aller. On tient, avec fermeté, avec gravité.

Les Français attendent que nous agissions dans l’unité. Il n’y a pas, en France, plusieurs communautés qui se divisent en fonction de ce qui se passe à l’extérieur. Il n’y a qu’une seule communauté : la communauté nationale, qui doit se retrouver autour de notre devise, donc de la fraternité – qui doit se retrouver autour de l’idéal de la France ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste, qui se lèvent, et sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Julien Aubert. Bravo !

Situation au Proche-Orient

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour le groupe écologiste.

Mme Brigitte Allain. Monsieur le ministre des affaires étrangères et du développement international, la bande de Gaza est sous occupation depuis trop longtemps. Les populations vivent dans la terreur permanente. Ces dernières semaines, la riposte disproportionnée d’Israël aux tirs de roquettes du Hamas a provoqué un bain de sang à Gaza. Des centaines de soldats et de civils, dont de nombreux enfants, ont été tués ou blessés. Aujourd’hui, le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme accuse Israël de possibles crimes de guerre.

Nous demandons au Gouvernement de rappeler à toutes les parties leurs obligations au regard du droit international, d’agir pour obtenir un cessez-le-feu immédiat et de condamner le ciblage délibéré des zones d’habitation et des populations civiles, dont la sécurité doit être assurée, dans le respect des accords de Genève. Enfin, il faut faire aboutir un accord de paix fondé sur l’arrêt de la colonisation, le respect des frontières et la reconnaissance par les autorités internationales de deux États libres et indépendants.

Toutes les violations commises par chacune des parties dans cette terrible guerre doivent être condamnées avec fermeté.

M. Claude Goasguen. Est-ce vraiment ce que vous faites ? Pour chacune des parties ?

Mme Brigitte Allain. Il en est de même des actes racistes et antisémites que l’on constate ces derniers jours en France. Ne prenons pas le risque de transformer ce conflit politique en un conflit religieux intercommunautaire.

Monsieur le ministre, la France saura-t-elle s’engager contre l’engrenage de la violence et des conflits armés sans lendemain ? Va-t-elle faire entendre une voix juste et ferme auprès de l’ONU pour assurer le respect des droits internationaux et permettre aux peuples du Moyen-Orient de vivre enfin en paix ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. C’est précisément ce que fait la France, madame la députée !

Il y a encore quelques jours, je me trouvais dans cette partie du monde. J’ai rencontré d’abord le président de l’Autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas, qui m’a dit à quel point il appréciait l’attitude de la France. Il m’a demandé d’intervenir, ce que j’ai fait, auprès de ceux qui, dans la région, peuvent essayer de tempérer, si possible, le Hamas.

J’ai rencontré ensuite le président égyptien, et je l’ai assuré du soutien de la France à sa proposition de cessez-le-feu. Lorsqu’on assiste à la mort de dizaines et de dizaines, et maintenant de centaines de civils palestiniens, ainsi que de militaires israéliens, il n’y a qu’une demande à faire : c’est cette demande pressante de cessez-le-feu.

J’ai également rencontré les autorités jordaniennes et, enfin, le Premier ministre israélien.

À tous, j’ai tenu le même discours, qui est depuis longtemps celui de la France. D’abord, nous demandons un cessez-le-feu immédiat. Comme le Président de la République, je suis en contact permanent avec tous les protagonistes du conflit.

Ensuite, il faut aller au fond du sujet et encourager la négociation pour trouver enfin le chemin de la paix. Il n’y a pas de paix possible si, d’une part, la sécurité d’Israël n’est pas assurée et si, d’autre part, les droits des Palestiniens ne sont pas respectés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP ainsi que sur quelques bancs des groupes UMP et UDI.)

C’est la position traditionnelle de la France, que nous continuons de tenir aujourd’hui. Je l’ai encore affirmée hier auprès de mes collègues ministres des affaires étrangères européens. C’est aussi la position adoptée par la France au conseil de sécurité des Nations unies. Nous n’avons qu’une seule volonté : le dialogue et la paix. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et UDI.)

Avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie

M. le président. La parole est à Mme Sonia Lagarde, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

Mme Sonia Lagarde. Monsieur le Premier ministre, conformément à l’accord de Nouméa conclu en 1998 par le gouvernement Jospin, le congrès de Nouvelle-Calédonie issu des dernières élections provinciales décidera de la date à laquelle les Calédoniens se prononceront sur leur avenir. Dans cette perspective, vous avez déclaré il y a quelques jours que vous entendiez faire de la Nouvelle-Calédonie une priorité. Vous avez ainsi confié à Alain Christnacht et Jean-François Merle une mission d’écoute et d’analyse qui devrait les amener à rencontrer prochainement la société civile ainsi que les responsables politiques calédoniens.

Si la ministre des outre-mer a confirmé il y a quelques jours la venue de cette mission dans notre collectivité, nous avons en même temps appris avec stupéfaction la décision officielle du haut-commissaire de démissionner. La Nouvelle-Calédonie le regrette, alors que nous avions trouvé chez Jean-Jacques Brot un grand serviteur de l’État, un défenseur vigilant des intérêts de la France et de la Calédonie.

Si une large majorité de Calédoniens, toutes communautés confondues, souhaitent rester au sein de la République, c’est à eux seuls de le décider, le moment venu. Vous savez combien le dossier calédonien est sensible, complexe, et les équilibres très fragiles. En tant que partenaire de l’accord, l’État aura un rôle déterminant dans ce processus.

C’est pourquoi, monsieur le Premier ministre, il importe de répondre aux inquiétudes toutes légitimes des Calédoniens. Pouvez-vous détailler devant la représentation nationale la feuille de route de la mission et préciser la position de l’État dans cette période décisive pour la Nouvelle-Calédonie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, il y a un peu plus de vingt-cinq ans, deux hommes issus de deux familles que tout opposait ont pris un risque inouï, celui de faire la paix. La poignée de main historique entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou a mené la Nouvelle-Calédonie sur un chemin audacieux, celui d’un accord institutionnel construisant un avenir commun.

Comme vous l’avez rappelé, sous l’autorité du Président de la République, le Gouvernement fait de la Nouvelle-Calédonie une priorité. C’est pourquoi j’ai confié à deux personnalités d’expérience, qui connaissent bien la Nouvelle-Calédonie, une mission d’écoute et d’analyse. Jean-François Merle a œuvré pour la réalisation des accords de Matignon, et Alain Christnacht a joué un rôle essentiel dans l’accord de Nouméa. L’un et l’autre ont en mémoire l’esprit des accords, cette œuvre de réconciliation exemplaire.

Cette mission n’est pas une mission du dialogue comme en 1988 : nous ne sommes heureusement plus au lendemain des événements d’Ouvéa. Il ne s’agit pas non plus d’une mission de négociation comme celle qui, en 1998, avait permis la conclusion de l’accord de Nouméa : le contexte et le cadre juridique sont différents. Il s’agit tout simplement d’une mission d’écoute des partenaires locaux et de conseil au Gouvernement. En effet, l’État doit se préparer à jouer pleinement son rôle de partenaire, et chacun sait bien que la consultation prévue par l’accord de Nouméa a besoin d’être préparée et travaillée pour que nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie puissent, le moment venu, choisir leur avenir librement et en toute connaissance de cause.

Cette mission n’a vocation à se substituer ni aux autorités politiques, ni aux autorités administratives. Soyez rassurée : le nouveau haut-commissaire, Vincent Bouvier, qui connaît bien les dossiers de la Nouvelle-Calédonie, assurera la continuité de l’État. Je regrette d’ailleurs que l’on cherche à semer le doute quant à notre volonté. La ministre l’a encore rappelé il y a quelques jours en Nouvelle-Calédonie : il ne peut pas y avoir d’ambiguïté sur la politique conduite par le Gouvernement. Elle s’inscrit dans le chemin tracé par l’accord de Nouméa qui, je le rappelle, a valeur constitutionnelle.

C’est précisément ce chemin que nous commencerons à tracer à l’occasion du prochain comité des signataires. C’est pour préparer ce rendez-vous important que la ministre des outre-mer s’est rendue en Nouvelle-Calédonie, et je souhaite que ce prochain comité des signataires, qui pourra se réunir en septembre ou en octobre 2014, avant le déplacement du Président de la République en Nouvelle-Calédonie, prépare sereinement l’avenir avec vous et avec l’ensemble des élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Réforme territoriale

M. le président. La parole est à M. Carlos Da Silva, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Carlos Da Silva. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur. J’y associe mes collègues Florent Boudié, Sébastien Denaja et Hugues Fourage.

L’Assemblée nationale a débattu longuement du projet de loi de délimitation des régions.

Mme Laure de La Raudière et M. Marc Le Fur. De charcutage des régions !

M. Carlos Da Silva. Nous allons dans quelques instants nous prononcer sur son adoption. C’est un texte important pour nos concitoyens, nos associations et nos entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il s’inscrit dans une réforme territoriale de grande ampleur, attendue depuis trop longtemps par les Français.

Plusieurs députés du groupe UMP . Allô ?

M. Sylvain Berrios. Ce n’est pas ce qu’ils attendaient !

M. Carlos Da Silva. C’est un acte fondateur pour la modernisation de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous en prie, chers collègues.

M. Carlos Da Silva. Les objectifs énoncés par le Président de la République sont connus : clarifier les compétences des collectivités et rendre l’action publique territoriale plus lisible et plus efficace. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.) Ils s’appuient sur cette nouvelle carte des régions de France, sur des métropoles fortes et sur des intercommunalités plus cohérentes.

Notre pays aura moins de collectivités certes, mais elles seront renforcées, capables d’assurer le développement, la création d’emplois, de mieux accompagner la structure de tous nos territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Cette nouvelle carte des régions n’est ni une carte de gauche ni une carte de droite (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) mais une carte qui s’appuie sur l’histoire et qui est tournée vers l’avenir. Une carte pour tous les Français. Nous changeons le visage de notre nation pour des décennies. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Le débat que nous avons eu a été vif et passionnant, comme en témoigne la réaction de nos collègues de droite. Il a pourtant dépassé les caricatures et le clivage majorité-opposition pour permettre à la France d’avancer.

M. Patrice Verchère. C’est vous, la caricature !

M. Carlos Da Silva. Les députés veulent que cette réforme réussisse.

Monsieur le ministre, il reste une question pour que cette réforme soit une grande réforme (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), utile à tout le pays et utile pour tous les Français. Non-cumul des mandats, nouvelle carte régionale, parité aux élections départementales : nous avons fait le choix d’une rénovation profonde de notre vie publique. Pouvez-vous nous dire comment l’État, à travers ses services déconcentrés, compte l’accompagner ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Merci de votre question, monsieur le député Da Silva, et merci également de la contribution déterminante qui a été la vôtre, en tant que rapporteur, à la réussite des débats qui se sont déroulés en fin de semaine dernière dans cet hémicycle.

Plusieurs députés du groupe UMP . Bravo ! En effet, quelle réussite !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je veux tout d’abord saluer l’ensemble des parlementaires, sur tous les bancs, qui, pour ceux qui ont été présents, ont fait un travail législatif important, dans un esprit constructif, dont il est sorti une carte certes différente de la proposition initiale, mais produite, ainsi que le voulait le Gouvernement, par l’Assemblée nationale dans toutes ses composantes et qui est arrivée à un équilibre positif.

Bien entendu, il reste encore du travail à faire. Il y a d’autres sujets sur lesquels il sera possible de revenir. Mais l’idée de faire de grandes régions qui puissent compter en Europe et de donner à nos territoires des atouts pour investir dans les filières d’excellence et faire les investissements de compétitivité dont le pays a besoin, cet objectif-là pourra au terme du vote de la loi être atteint.

Parallèlement, il y a également la volonté de renforcer l’intercommunalité, de clarifier les compétences – Mme Lebranchu et M. Vallini auront à présenter un texte sur ce dernier point. Et, vous l’avez dit, monsieur le député, se pose aussi la question de l’administration déconcentrée de l’État. Celle-ci doit être modernisée : il s’agit de faire en sorte qu’il y ait davantage et mieux de services publics dans les territoires. C’est la raison pour laquelle, à la demande du Premier ministre et du Président de la République, nous travaillons, Thierry Mandon et moi, à la modernisation de l’administration déconcentrée de l’État. Nous voulons la renforcer au plan départemental afin que les services publics soient plus forts, qu’ils répondent davantage aux aspirations des collectivités territoriales et qu’ils travaillent mieux avec elles, dans le but d’éviter le risque, qui suscite une vive inquiétude, de la relégation de territoires notamment ruraux qui ont besoin de services publics forts pour concrétiser leurs projets. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Yves Fromion. N’importe quoi !

Politique du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gérald Darmanin. « Il n’est pas trop tard pour réussir le quinquennat ». Cette critique acerbe et terrible ne vient pas des leaders de l’opposition, que vous caricaturez chaque semaine ici, monsieur le Premier ministre. Elle ne vient pas non plus de l’immense majorité des Français qui, à chaque élection, vous signifient leur mécontentement. Elle vient de votre propre camp politique, de votre camarade Martine Aubry. (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Le Fur. Eh oui !

M. Gérald Darmanin. « Il n’est pas trop tard pour réussir le quinquennat » ! Voilà deux ans, vous promettiez la concorde, et vous avez la discorde jusqu’au sein du Parti socialiste.

M. Jean-Claude Perez. Cela vous va bien de dire ça !

M. Gérald Darmanin. Il y a deux ans, vous promettiez aux Français le redressement dans la justice et vous n’avez ni l’un ni l’autre. Il y a deux ans, vous promettiez que dans le concert européen, la France serait entendue et vous n’êtes même pas capables d’imposer le commissaire européen que le Président de la République a choisi.

« Il n’est pas trop tard pour réussir le quinquennat », monsieur le Premier ministre. Certes, Mme Aubry a profité de la belle fusion entre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie pour régler à Paris, lors d’une conférence de presse, ses petits calculs politiques avec vous. Mais combien de Français pensent la même chose, surtout parmi ceux qui vous ont fait confiance ?

« Il n’est pas trop tard pour réussir le quinquennat ». Qu’avez-vous à répondre, monsieur le Premier ministre, à ce terrible réquisitoire qui émane directement de vos camarades socialistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député Darmanin, c’est la dernière séance de questions au Gouvernement...

M. Hervé Mariton. Le Gouvernement va tomber ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et je ne veux pas que vous partiez en vacances avec les doutes qui vous submergent (Rires) et que vous venez d’exprimer. Votre analyse très pertinente sur ce qui se passe au Parti socialiste ou dans la majorité doit être le fruit de l’expérience que vous vivez actuellement dans votre formation politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Sur ces sujets, dont Bernard Cazeneuve vient de rappeler les fondements en répondant à Carlos Da Silva, les lignes politiques peuvent épouser les frontières régionales. Le Président de la République a proposé, il y a deux mois, une nouvelle carte des régions, laquelle s’inspirait de travaux antérieurs qui ont été menés par la mission Balladur notamment ou par des sénateurs, comme Jean-Pierre Raffarin, que je cite là une deuxième fois…



M. Marc Le Fur. Vous n’avez pas retenu les conclusions de la mission Balladur.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il l’a fait afin de faire évoluer notre pays et de rendre les régions plus fortes. Cela sera d’ailleurs l’objet du deuxième texte que vous présenteront Marylise Lebranchu et André Vallini à l’automne prochain.

Pour ma part, je me réjouis que l’on puisse s’accorder sur une carte qui corresponde à ce qui est nécessaire pour le pays. Cette carte, au fil des lectures au Sénat et à l’Assemblée, peut connaître des évolutions, concernant le droit d’option par exemple ou l’une ou l’autre des régions, car nous devons être à l’écoute de chacun.

L’important, c’est ce qui ressortira tout à l’heure du vote de l’Assemblée nationale, alors que le Sénat a refusé d’aller au bout du débat. L’important, c’est le débat que nous aurons sur l’avenir de l’intercommunalité et des conseils généraux, en tenant compte de la spécificité des territoires ruraux. L’important, c’est que l’État accompagne cette réforme.

Si nous sortons tous plus forts, au-delà des dissonances et des divisions que vous avez voulu rappeler, c’est tant mieux. Le Parlement et l’Assemblée nationale auront fait la démonstration que l’on peut bien travailler pour l’intérêt général dans cet hémicycle, non pour un camp, mais pour l’intérêt de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Epidémie de chikungunya

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Madame la ministre de la santé, depuis huit mois, les Antilles et la Guyane sont touchées par une épidémie de chikungunya. Près de 120 000 cas ont été cliniquement constatés dans ces régions et il en existe certainement beaucoup plus, selon les statistiques. Je tiens à préciser que le virus n’est pas mortel mais que des personnes fragilisées en sont victimes.

Aujourd’hui, nous constatons une stagnation de l’épidémie. Le nombre de cas hebdomadaires supplémentaires dans certaines régions est en diminution. La mobilisation locale est très importante : autorités sanitaires, professionnels, population, collectivités et État. Votre présence sur le terrain, madame la ministre, en est le témoignage.

Cependant, le risque d’amplification, voire d’extension de l’épidémie est réel. C’est pourquoi les efforts doivent se poursuivre, particulièrement dans la lutte contre les gîtes larvaires. Mais nous devons aussi, en toute lucidité, prendre conscience des limites actuelles de la lutte anti-vectorielle. Des cas isolés non contrôlés voire non contrôlables dans l’état actuel de la réglementation peuvent assez rapidement évoluer vers de véritables crises épidémiques.

La fréquence des crises épidémiques est inquiétante. Nous sortons d’une épidémie de dengue. La Réunion a connu une épidémie majeure de chikungunya en 2005. Si la couverture sanitaire post-crise est efficace, les conséquences sociales et économiques ne sont pas évaluées et encore moins prises en compte. Enfin, et ce n’est pas le moindre des constats : il n’existe aucun vaccin pour traiter le virus de l’Aedes vecteur du chikungunya et de la dengue.

Madame la ministre, comment comptez-vous améliorer sur place et en amont la lutte anti-vectorielle ? Quelles sont les mesures que vous pensez prendre pour réduire les risques de crises épidémiques que nos populations affrontent avec dignité et courage ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur Letchimy, je me suis rendue aux Antilles il y a quelques jours, où sévit une grave épidémie de chikungunya.

M. Guy Teissier. Vous n’avez pas été piquée, par hasard ?

Mme Marisol Touraine, ministre. On estime qu’au moins 15 % de la population aurait d’ores et déjà été touchée.

Je veux saluer l’implication de tous : des services de l’État, des professionnels de santé, des collectivités locales et des élus, dont vous faites partie, ainsi que votre collègue guadeloupéen M. Lurel.

Aujourd’hui, nous sommes à un moment-clef de l’épidémie. Si une certaine stabilisation est observée, elle peut toutefois repartir à la faveur de la saison des pluies. Nous devons donc redoubler de vigilance et nous mobiliser car, comme vous l’avez indiqué, il n’existe pas de vaccin. Pour la dengue en revanche, un vaccin du laboratoire Sanofi devrait être très rapidement disponible.

Face au chikungunya, seule la prévention est efficace. L’État est fortement engagé. Des renforts sanitaires ont été envoyés. Des renforts de la sécurité civile permettent de lutter contre les nids à moustiques, en particulier sur les toits des habitations. L’État a proposé aux collectivités cent contrats aidés à destination de jeunes. Des jeunes du service civique sont impliqués auprès de la population. J’ai eu l’occasion d’annoncer cinquante-deux nouveaux contrats de cette nature.

Vous m’avez indiqué, monsieur le député, que vous souhaitiez que des médecins volontaires puissent être mobilisés, si cela s’avérait utile. Cela sera le cas.

Le Gouvernement est pleinement mobilisé et remercie l’ensemble des acteurs locaux de leur engagement auprès de la population. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mères porteuses

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti.

M. Jean Leonetti. Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement s’est engagé à ne pas légaliser la pratique des mères porteuses, que l’on appelle pudiquement la gestation pour autrui. Cette pratique est contraire au respect de la dignité de la personne humaine car elle permet de louer un utérus pendant neuf mois et de marchandiser ainsi le corps humain. Elle considère l’enfant à naître comme un objet de contrat et donc comme une chose que l’on commande contre rémunération.

M. Claude Goasguen. Très juste !

M. Jean Leonetti. Dernièrement, la Cour européenne des droits de l’homme a permis la transcription dans l’état-civil français de la filiation d’enfants nés de cette pratique. Cette situation va incontestablement favoriser la pratique des mères porteuses. Il convient donc de renforcer notre législation pour éviter ces pratiques.

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous favorable à ce que notre droit nous permette de sanctionner les agences qui favorisent le trafic d’enfants ?

Êtes-vous favorable aux sanctions contre ceux qui ont recours à cette pratique ?

Êtes-vous favorable à la proposition de loi que nous déposerons bientôt qui va dans ce sens ?

Je ne suis pas le seul à vous faire cette proposition. Une tribune récemment parue a rassemblé, entre autres, les signatures de Jacques Delors, Lionel Jospin, Thierry Solère, Marie-George Buffet ou Alain Claeys. Tous demandent au Président de la République d’aller dans le même sens.

Monsieur le Premier ministre, les corps ne sont pas à louer, les enfants ne sont pas à vendre, les êtres humains ne sont pas des choses. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean Lassalle. Très juste !

M. Jean Leonetti. Monsieur le Premier ministre, vous venez de demander à la représentation nationale de se rassembler autour de certaines valeurs. Voici une bonne occasion pour que Gouvernement et Parlement se retrouvent autour de cette valeur commune qu’est la dignité de la personne humaine.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) S’il vous plaît, mes chers collègues !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Leonetti, vous l’avez dit et je le répète avec insistance, la gestation pour autrui est prohibée en droit français. C’est un principe d’ordre public à caractère absolu qui ne souffre aucune exception.

M. Yves Fromion. Qu’en est-il de la circulaire ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela est inscrit dans le code civil à l’article 16-7, qui dispose que toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle, et dans le code pénal à l’article 227-12, que vous voulez d’ailleurs modifier, qui punit les personnes physiques ou morales d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende si elles s’entremettent entre ce que l’on peut appeler des clients, un couple, et des personnes qui assurent cette prestation.

Il n’y a donc pas de débat sur cette prohibition. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Si, il y a débat !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme du 26 juin ne modifient en rien ce principe d’ordre public dans le droit français.

M. Hervé Mariton. Il faut clarifier les sanctions !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ils distinguent la situation des parents de la situation des enfants.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas vrai !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. S’agissant de la circulaire de janvier 2013, je rappelle qu’elle demandait la délivrance de certificats de nationalité après vérification de la filiation.

M. Hervé Mariton. Qu’en est-il de la sanction des parents ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Selon le code civil, une fois la filiation assurée, l’octroi de la nationalité est possible. La circulaire visait donc à respecter les dispositions du code civil en délivrant un certificat de nationalité.

M. Claude Goasguen. Et la pénalisation des parents ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le député, vous allez déposer une proposition de loi. Cela donnera lieu à un débat. C’est un sujet extrêmement important.

M. Jean Leonetti. Quelle est votre position ?

M. Guy Geoffroy. Est-ce que vous êtes pour ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement a une ligne tout à fait claire et les polémiques en la matière n’ont pas lieu d’être. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

Sécurité ferroviaire

M. le président. La parole est à M. Michel Pouzol, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Pouzol. Ma question s’adresse à M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le ministre, il y a quelques jours, nous étions ensemble sur le quai de la gare de Brétigny-sur-Orge pour rendre hommage aux victimes du plus grave accident ferroviaire que notre pays ait connu depuis vingt-cinq ans : le déraillement du train Paris-Limoges du 12 juillet 2013, qui a causé la mort de sept personnes et une trentaine de blessés. À l’occasion de cet événement, je tenais une nouvelle fois à exprimer ma solidarité aux victimes et à leurs familles. Il y a un an, le Président de la République et le Premier ministre, venus sur place, avaient promis que toute la lumière serait faite sur les causes de cette catastrophe.

Un premier rapport d’experts commandé par le procureur de la République d’Évry a été rendu public il y a quelques jours. Il met en lumière des négligences graves à la fois dans l’entretien et la maintenance des voies, mais aussi dans les procédures mises en place pour contrôler l’état de celles-ci. S’il faut être prudent quant aux conclusions de ce rapport, et en attente de ceux à venir, et s’il faut rappeler que le réseau ferré de France est l’un des plus sûrs du monde, l’accident récent de Pau impliquant un TGV et un train régional, causant une quarantaine de blessés dont quatre graves, est venu rappeler que la bataille pour la sécurité n’était jamais gagnée.

Le choix stratégique du « tout TGV » au détriment des réseaux locaux, et notamment du réseau francilien, ainsi que le sous-investissement en matière d’entretien des voies sur ces réseaux ont été dénoncés depuis de nombreuses années par les associations d’usagers et par les élus locaux. Personne ne peut admettre que la sécurité des usagers soit remise en cause pour des raisons de stratégie financière.

Nous avons récemment voté la réforme ferroviaire que vous avez présentée. Nous pouvons nous féliciter de la réunion sous une direction commune de la SNCF et de Réseau Ferré de France, qui devrait permettre une meilleure coordination des actions menées sur l’ensemble du réseau.

Plusieurs députés du groupe UMP . Sûrement pas !

M. Michel Pouzol. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d’État, quels moyens seront mis en œuvre pour l’entretien du réseau ferré local, qui souffre d’un manque criant d’investissement depuis de trop nombreuses années, afin que des drames comme celui de Brétigny-sur-Orge ne puissent plus se reproduire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Un député du groupe UMP . Et des grèves !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député Michel Pouzol, nous étions en effet ensemble le 12 juillet dernier pour commémorer les victimes de Brétigny. Cela s’est fait avec beaucoup de dignité et de recueillement. Je vous remercie, ainsi que tous les élus, d’avoir été présents aux côtés des familles, de leurs amis et de leurs proches. Il y a quelques jours, à Denguin, trente blessés dont deux graves et deux cent cinquante personnes impliquées ont été victimes d’un nouveau drame ferroviaire.

La France des transports connaît des heures sombres, douloureuses, et même si l’on ne saurait établir de lien ou de corrélation entre les drames, les accidents, je pense être l’interprète de la représentation nationale et bien sûr du Gouvernement, monsieur le Premier ministre, pour adresser à toutes les victimes, et notamment à celles du récent accident routier impliquant un minibus à Courteranges – nous y sommes allés avec M. le ministre de l’intérieur, accompagnés du député-maire François Baroin : les images que nous avons vues sont autant de drames – ainsi qu’aux familles et aux proches des victimes d’un autre accident dont je viens d’avoir connaissance, qui implique à nouveau une jeune adolescente et quatre membres de sa famille à Salon-de-Provence, toute notre solidarité, notre compassion et l’expression de nos sentiments les plus attristés.

Nous devons en effet assurer à la France, qu’elle soit ferroviaire, routière ou maritime, toutes les conditions de sécurité. Je répondrai en détail à votre question sur les mesures envisagées pour le ferroviaire ; mais je pense que, compte tenu de l’accumulation de ces drames, il était important que nous puissions avoir ce moment de recueillement.

Avenir de la Nouvelle-Calédonie

M. le président. La parole est à M. Dominique Bussereau, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Bussereau. Monsieur le Premier ministre, après Mme la députée-maire de Nouméa, je souhaiterais vous interroger sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie que, pour notre part, nous souhaitons ardemment, naturellement, dans la République française.

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. Claude Goasguen. Bravo !

M. Dominique Bussereau. Il s’est produit un événement qui, même s’il s’est déjà produit, reste rare : la démission du haut-commissaire, Jean-Jacques Brot, pendant la visite de Mme la ministre des outre-mer. C’est un homme que beaucoup dans cet hémicycle connaissent, grand serviteur de l’État, sans concession, déterminé et républicain. Sa démission survient à un moment contrasté de la Nouvelle-Calédonie, une Nouvelle-Calédonie où le résultat des élections provinciales du printemps a été équilibré, mais où la situation économique reste moyenne, même si le nickel est dans une meilleure situation.

Dans le cadre d’une mission de la commission des lois au mois de septembre, avec Jean-Jacques Urvoas, René Dosière et d’autres collègues, nous avons compris les uns et les autres qu’il y avait un espoir d’une solution consensuelle pouvant aboutir à un référendum qui ne serait pas un « référendum couperet », dressant les uns contre les autres.

Aussi voudrais-je vous poser trois questions. Premièrement, pourquoi ce départ brutal du haut-commissaire de la Nouvelle-Calédonie ? On parle d’un différend avec votre gouvernement sur le corps électoral référendaire. Deuxièmement, quelle sera la situation administrative de ce haut fonctionnaire apprécié, qui doit être réglée, à notre sens – et je crois que nous le pensons tous –, de manière particulièrement équitable ? Et enfin, un reproche, monsieur le Premier ministre, sur la mission Christnacht-Merle : vous voyez bien – sans vouloir remettre en cause la personnalité de ces deux hauts fonctionnaires –, que ce n’est pas une mission équilibrée. C’est une mission monocolore, avec un manque réel de neutralité sur ce sujet de la part des deux missionnaires. Pourquoi cette mission, et comment pouvez-vous la motiver ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le ministre Bussereau, vous êtes parmi les députés de métropole un des meilleurs connaisseurs de la Nouvelle-Calédonie, comme votre collègue René Dosière ou le président Urvoas. Je vous remercie pour cette question, à laquelle je réponds bien volontiers.

Comme je l’ai indiqué à Mme Lagarde, la mission que j’ai confiée à Alain Christnacht et Jean-François Merle est une mission d’écoute et d’analyse. Ce que je sais, je le rappelais tout à l’heure, monsieur le député, c’est que Jean-François Merle et Alain Christnacht ont contribué auprès de deux premiers ministres respectifs au processus de paix.

M. Christian Paul. Absolument !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est la seule raison pour laquelle ils ont été missionnés, avec les objectifs que j’ai rappelés tout à l’heure. La République a toujours été présente à chaque étape institutionnelle, et continuera à l’être avec le souci du bien commun des Calédoniens. Mais entendons-nous bien : il est exclu que le Gouvernement se substitue au choix des acteurs calédoniens et s’engage dans un chemin qui ne recueillerait pas au préalable l’assentiment de tous les partenaires. Dans cet esprit, j’entends d’ailleurs associer très étroitement la représentation nationale, comme cela a toujours été fait dans le passé ; je l’ai dit à l’ensemble des acteurs calédoniens que j’ai rencontrés il y a quelques semaines avec la ministre. Je vous propose donc de réfléchir à la création d’un groupe de travail composé de députés et de sénateurs, issus de la majorité comme de l’opposition, pour suivre en temps réel ce travail et y être associés ; j’ai évoqué cela avec Jean-Jacques Urvoas.

Quant au préfet Brot, je ne doute pas un seul instant qu’il lui sera proposé des fonctions à la hauteur de ses capacités professionnelles. N’ayez en revanche aucun doute sur le fait que son départ, sa démission, n’a rien à voir avec la politique du Gouvernement. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Il se trouve que j’ai été ministre de l’intérieur,…

Un député du groupe UMP . Hélas !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et que je crois très honnêtement, pour ce qui concerne ces questions, qu’il appartient au Gouvernement, en toute responsabilité, de gérer les nominations et d’assurer la continuité de l’État.

Je voudrais terminer par une évocation plus personnelle : au petit matin de la signature des accords de Matignon, le 26 juin 1988, revenant sur la tragédie d’Ouvéa, Michel Rocard avait fait promettre aux participants de tout faire pour que la Nouvelle-Calédonie ne soit plus jamais un enjeu de politique politicienne au plan intérieur. Je me sens, avec beaucoup d’autres, bien sûr, dépositaire et comptable d’une certaine manière de cet engagement solennel. C’est pour cela que nous avons besoin du concours de tous pour mener à terme et réussir le processus des accords de Matignon et de Nouméa ; c’est ce que souhaitent tous les élus de Nouvelle-Calédonie, et je compte sur chacun d’entre vous pour y parvenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

Événements à Gaza

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre des affaires étrangères et du développement international, Gaza est le théâtre d’une tragédie humaine, celle d’une prison à ciel ouvert dont la population subit les bombardements massifs de l’armée israélienne. Censée neutraliser les tunnels et les roquettes du Hamas, l’opération militaire détruit mosquées, maisons, écoles, et même hôpitaux.

Ces bombardements dits chirurgicaux ont déjà coûté la vie à près de 650 Palestiniens, dont une écrasante majorité de civils et des centaines d’enfants. Je le dis solennellement, ces actes sont des violations du droit international humanitaire, constitutifs de crimes de guerre.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Absolument !

M. André Chassaigne. Et pourtant, cette énième opération militaire israélienne à Gaza bénéficie du soutien des dirigeants occidentaux, qui conforte le sentiment d’impunité du gouvernement israélien.

Quand le président Hollande a manifesté sa solidarité au gouvernement israélien, en l’habilitant à « prendre toutes les mesures pour protéger sa population », il a oublié la protection de la population palestinienne.

Mme Marie-Françoise Bechtel et M. Jean-Luc Laurent . Hélas !

M. André Chassaigne. Cette position rompait avec la traditionnelle solution des « deux États pour deux peuples », seule à même d’instaurer une paix juste et durable.

Nous avons pris acte, monsieur le ministre, de votre position plus équilibrée. Mais il faut aussi rappeler que l’actuel gouvernement israélien est l’émanation d’une droite nationaliste extrême qui poursuit la colonisation,…

Mme Marie-Françoise Bechtel. Absolument !

M. André Chassaigne. …le blocus inhumain de Gaza et l’emprisonnement arbitraire de Palestiniens au mépris du droit international.

Ma question est précise : quel a été ou quel sera le vote de la France sur la résolution discutée aujourd’hui même à l’ONU demandant la protection internationale des Palestiniens…

M. Hervé Mariton. Et la protection des Israéliens !

M. André Chassaigne. …et une enquête internationale d’urgence sur l’offensive israélienne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le président Chassaigne, je connais votre sensibilité sur ces questions. Croyez bien que s’agissant des atteintes extrêmement graves à l’égard des Palestiniens, beaucoup et peut-être même tous ici partagent votre indignation.

Cela dit, il faut regarder l’ensemble de la question. Le Président de la République – et le Gouvernement est parfaitement en accord avec le chef de l’État – a rappelé un fait qu’il ne faut pas contester, à savoir que tout État a droit à sa sécurité. Cela ne lui permet pas de faire n’importe quoi,…

M. Patrice Carvalho. Tout à fait !

M. Laurent Fabius, ministre. …mais le fait que des roquettes soient envoyées sur Israël par l’organisation du Hamas n’est pas acceptable en droit international et dans les faits. Cela n’autorise pas, de l’autre côté, Israël, à agir d’une façon que vous qualifiez de disproportionnée. Voilà la position du Gouvernement.

Il n’y a pas sur ce point de rupture avec ce que vous avez appelé – et c’est juste – la tradition de la position française. Je rappelle que l’an dernier, nous avons été de ceux qui ont permis que soit voté à l’ONU le statut pour la Palestine d’observateur non-membre.

En ce qui concerne la question précise que vous avez posée, nous nous situerons exactement dans la ligne de la tradition française.

M. Claude Goasguen. Non, dans la ligne du Quai d’Orsay ! Ce n’est pas pareil !

M. Laurent Fabius, ministre. Lorsque la question avait été posée à Genève, la France s’était abstenue. Il en sera de même en ce qui concerne le vote qui interviendra cet après-midi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Persécution des chrétiens d’Orient

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Valérie Boyer. Monsieur le président, j’associe à ma question les membres du groupe d’études sur les chrétiens d’Orient.

Monsieur le Premier ministre, les persécutions des chrétiens d’Orient se poursuivent en Irak comme en Syrie et s’amplifient de façon alarmante. Il y a quelques semaines, les chrétiens présents depuis 2 000 ans à Mossoul, en particulier, se sont vu lancer un ultimatum par les nouveaux occupants djihadistes : se convertir à l’Islam, s’acquitter d’un impôt spécial pour les non-musulmans, fuir et tout abandonner, ou bien rester et être exécutés « par le glaive ». Depuis, la quasi-totalité des chrétiens a fui pour échapper aux persécutions.

Nous sommes choqués de voir apposée une lettre les désignant comme « nazaréens » qui marque d’un sceau ces populations, comme en d’autres temps des populations étaient marquées de l’étoile jaune.

M. Jean Lassalle. Eh oui !

Mme Valérie Boyer. Se déroulent des scènes de saccage des églises, d’exode à pied où ils sont pillés, rançonnés, humiliés, qui nous rappellent l’horreur du génocide arménien. Cent ans après 1915, l’histoire bégaie : c’est dramatique !

Silence, on tue ! Aujourd’hui, les chrétiens d’Orient sont en danger de mort et nous sommes les témoins silencieux de ce massacre annoncé. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI et RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC.) Selon l’Évangile de Saint-Luc, « s’ils se taisent, les pierres crieront », mais il sera trop tard. Demain qui parlera l’araméen, qui parlera la langue du Christ ?

Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, a déjà affirmé que ces actions conduites contre les chrétiens pouvaient être considérées comme un crime contre l’humanité. Mais nous assistons à un véritable génocide.

Monsieur le Premier ministre, il y a trois semaines vous nous demandiez de ne pas douter un seul instant de la voix et de l’action de la France à ce sujet. À ce jour, le Président de la République est pourtant l’un des seuls chefs d’État à ne pas s’être exprimé sur les chrétiens d’Orient. Aussi, je vous en conjure, chaque minute compte. Que le silence de la France ne soit pas complice de ces crimes. Ne laissez pas la France faillir à son devoir historique et moral de protection des minorités chrétiennes d’Orient pour ne pas faire rougir l’histoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Madame la députée, je pense que tout le monde ici partage l’émotion forte que vous avez traduite dans votre question.

En ce qui concerne la France, il faut dire les choses telles qu’elles sont. Vous qui suivez cette question, vous savez certainement que, lundi dernier, c’est à la demande de la France que le Conseil de sécurité des Nations unies s’est exprimé explicitement sur ce sujet. De la même façon, le Président de la République, moi-même et tel ou tel membre du Gouvernement ont rappelé, comme vous l’avez fait, à quel point la question des chrétiens d’Orient, en Irak mais aussi au-delà, devait nous mobiliser.

Outre la saisine du Conseil de sécurité ce lundi, nous avons, sur le plan pratique, dépêché des crédits pour permettre que toute une série de personnes déplacées soit aidée. Cela vaut pour l’Irak et d’autres régions du Proche et du Moyen-Orient. Ce matin même, en Conseil de défense, nous avons abordé ce sujet avec le Président de la République.

En ce moment même, les Irakiens sont en train de déterminer leurs institutions. Il est capital que nous puissions empêcher la partition irakienne, car si l’organisation terroriste EIIL prend le dessus, comme beaucoup d’indications nous le montrent, non seulement le phénomène que vous avez décrit se poursuivra mais il s’amplifiera.

J’appelle donc, à travers cette Assemblée, tous ceux qui peuvent faire pression pour faire en sorte que l’Irak ne soit pas démembré. La position de la France sera de soutenir toutes les minorités, en particulier les chrétiens d’Orient. (Applaudissements sur quelques bancs des groupe SRC et RRDP.)

M. Axel Poniatowski. N’importe quoi !

Réforme du droit d’asile

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Louis Touraine. Ma question s’adresse à monsieur le ministre de l’intérieur.

Au conseil des ministres de ce matin, vous avez présenté le projet de loi, attendu, sur la réforme de l’asile.

Il y a exactement un an, votre prédécesseur, M. Manuel Valls, engageait une grande concertation pour la réforme du droit d’asile.

Pendant trop longtemps, ce sujet a fait l’objet de polémiques. Notre gouvernement a choisi le dialogue, la recherche d’un consensus entre tous les acteurs. Pour la première fois, se sont retrouvés autour de la table les représentants des administrations, l’ensemble des associations, dont je veux ici saluer le travail et l’engagement remarquables, mais aussi les représentants des élus locaux, en particulier des conseillers généraux et des maires.

Ceux-ci doivent faire face dans leur ville, dans leur agglomération, à diverses difficultés et à l’insuffisance des places d’hébergement, quand les demandeurs arrivent toujours plus nombreux.

Leur attente était à la hauteur de leur désarroi devant certaines situations. En effet, comment accepter de voir des personnes maintenues deux années durant dans une procédure administrative incertaine ? Comment accepter de voir des personnes déboutées du droit d’asile se maintenir sur notre territoire, parfois même à l’intérieur des centres d’accueil, alors que le système est à saturation ? Comment accepter de voir ces associations, ces travailleurs sociaux, à bout de nerfs, parce que la quasi-totalité des demandes d’asile se concentre sur un même territoire ?

Enfin et surtout, comment accepter que se délite ce magnifique droit à la protection en France pour ceux qui sont fortement menacés dans leur pays ? La France est fière d’avoir été pionnière en la matière ; elle doit tout faire pour préserver son action généreuse et humaniste.

Avec la sénatrice Valérie Létard, par delà les frontières partisanes, nous avons tenté l’an dernier de construire un rapport équilibré, lucide et républicain. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer que le projet du Gouvernement répondra bien aux attentes et aux valeurs formulées à l’issue de la grande concertation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je vous remercie pour votre question. Je voudrais tout d’abord saluer l’importance du travail que vous avez accompli avec la sénatrice Valérie Létard sur la réforme de l’asile, à la demande du Premier ministre qui, vous l’avez dit, quand il était ministre de l’intérieur, a engagé une vaste concertation, de grande qualité, de manière à faire en sorte que les propositions puissent être à la hauteur de l’enjeu.

Le premier point sur lequel je voudrais insister est la nécessité de raccourcir les délais. Vous l’aviez signalé dans votre rapport : vingt-quatre mois entre la première demande d’asile et la réponse de l’État, ce sont des conditions indignes faites aux demandeurs d’asile. Ce sont des difficultés humaines, parfois dramatiques, dans certains territoires de la République.

Nous allons donc raccourcir les délais en les ramenant à neuf mois. Comment ? En donnant des moyens supplémentaire à l’OFPRA et à la Cour nationale du droit d’asile, de manière que les dossiers puissent être traités rapidement. Vous l’avez souhaité, nous allons le faire.

Nous avons également la volonté de renforcer les droits des demandeurs d’asile. Dans les procédures accélérées, nous souhaitons qu’il puisse y avoir des recours suspensifs contre les démarches de l’administration française. Ce sera possible.

Troisièmement, nous devons améliorer considérablement les conditions d’accueil. Manuel Valls, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, a lancé un plan d’augmentation des places dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile. Nous allons poursuivre et amplifier ce mouvement, de manière à améliorer les conditions d’accueil.

Enfin, lorsque les demandeurs ne relèvent pas du droit d’asile, il faut qu’ils puissent retourner dans leur pays d’origine. Il faut par conséquent agir de façon humaine. C’est la raison pour laquelle nous substituerons à la rétention l’assignation à domicile, qui nous permettra d’être à la fois plus efficaces et plus humains. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

Intercommunalité

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Ma question s’adresse à monsieur le ministre de l’intérieur.

En réponse à la question que je posais ici-même au mois de mai dernier, le Gouvernement a annoncé sa volonté, que vient de rappeler le Premier ministre, de renforcer l’intercommunalité, dans le cadre de la réforme dont vous avez la charge.

Je rappelle les principes qui ne doivent cesser de nous guider : veiller à ne pas rompre le fil de la démocratie de proximité, respecter l’histoire des territoires et leurs bassins de vie, trouver des échelles d’intercommunalité cohérentes qui donnent des intercommunalités d’adhésion forte et de projets, sans quoi elles ne pourront prendre en charge les compétences qui leur seront dévolues.

Je m’inquiète à ce titre des conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014, lequel, suite à une question prioritaire de constitutionnalité, a réaffirmé que seul le principe de population devait être pris en compte dans la gouvernance des conseils communautaires, et a censuré le principe des accords locaux autorisés par la loi de mai 2013, accords qui ont été utilisés par 75 % des intercommunalités françaises.

Si on peut comprendre la philosophie qui sous-tend cette décision, on ne peut nier les réalités des territoires. Compte tenu de l’extrême diversité de taille des communes, la répartition strictement proportionnelle est en réalité très difficile à atteindre. Elle tend aussi à gommer le caractère fédérateur, voire fédéral, de l’intercommunalité, issue d’un scrutin indirect.

Or, de toutes petites communes jouent parfois un rôle déterminant pour tout un bassin : ainsi en est-il des communes touristiques. Comment envisager la compétence économique d’une intercommunalité avec la participation réduite d’élus issus d’une petite commune stratégique, comme une station de ski, qui peut rapporter 50 % des recettes fiscales à l’intercommunalité dont elle fait partie ?

Il est impossible de favoriser les regroupements de communes et l’intercommunalité sans cette idée d’accord, terme qui montre combien les élus et les communes sont capables de s’entendre autour d’un projet commun de gouvernance.

Ma question, monsieur le ministre, est donc la suivante : comment inciter de manière pragmatique au regroupement en redessinant une marge d’accord local sur la gouvernance des conseils communautaires ou d’agglomération dans le prochain texte de loi sur la décentralisation ?

Il y va de l’avenir de l’intercommunalité dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député, merci pour cette question précise qui ne laisse aucun droit à l’improvisation. (Sourires.)

Vous faites référence à une décision du Conseil constitutionnel sur la commune de Salbris, du 24 juin dernier. Elle considère que le dispositif arrêté par un certain nombre de communes, en application d’un amendement à la loi du 16 décembre 2010 relative à l’intercommunalité, pose un problème d’égalité devant le scrutin.



En effet, cet amendement a ouvert la possibilité d’augmenter de 25 % le nombre des sièges de conseillers communautaires pour ce qui est de la part répartie à la proportionnelle à la plus forte moyenne. Le Conseil constitutionnel, dans cette décision, a considéré que les accommodements intervenus entre les communes, statuant à la majorité qualifiée dans le cadre de cette loi, n’étaient pas conformes à la Constitution.



Fort heureusement, cette décision du Conseil constitutionnel ne remet pas en cause les élections de 2014. Mais elle implique que nous nous adaptions. Nous allons donc prendre des dispositions à destination des préfets, leur indiquant comment, en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel, engager la discussion pour pouvoir corriger les choses. Mais il faudra une disposition législative et nous proposons que celle-ci, si Mme la ministre Lebranchu en est d’accord, puisse s’inscrire dans le cadre de la loi NOTRe qu’elle présentera, ce qui permettra de répondre à votre préoccupation, conformément aux règles de droit constitutionnel.



Situation économique

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Depuis le début de l’année, chaque fin de mois apporte son lot de fermetures d’entreprises et de chômeurs supplémentaires, dans une économie sans croissance ni confiance.

Notre situation économique contraste avec celle des autres pays de la zone euro, où la croissance repart.

Le monde économique ne sait pas où on l’emmène et les forces vives du pays attendent une vision claire, stable et durable.

Les entreprises, notamment les trois millions de PME, constituent le moteur de la croissance et de l’emploi. Pourtant, les chefs d’entreprise ont subi depuis deux ans un matraquage fiscal sans précédent.

La situation est grave. Les secteurs de l’immobilier et du bâtiment traversent une crise majeure. Il est impératif de mettre fin à la surrèglementation qui tue le travail.

Le pacte de responsabilité ne suffira pas à redresser la situation du pays, les 50 milliards d’économies ne faisant que limiter l’augmentation des dépenses.

Au moment où notre dette atteindra 100 % de notre richesse nationale, l’absence de financement des mesures de ce pacte nous fait craindre la dérive de nos déficits.

Quant à la réforme territoriale, loin de mettre fin au millefeuille, elle ne permet de réaliser aucune économie de structure.

On sait que les collectivités locales vont souffrir de la baisse des dotations. Si elles ne jugulent pas leurs dépenses de fonctionnement, elles ne pourront plus investir. Pourtant, chacun sait dans cet hémicycle que les entreprises de travaux publics dépendent à 70% de la commande publique.

Monsieur le Premier ministre, tant que la confiance ne reviendra pas, les entreprises n’investiront pas et les ménages continueront d’épargner – quand ils le peuvent – par peur de l’avenir.

L’économie française est entrée dans un cercle vicieux que seul un changement profond de politique économique pourra inverser.

Pour rompre avec l’improvisation permanente, quelle feuille de route optimiste et réaliste les entreprises peuvent-elles attendre du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. Monsieur le député Jean-Pierre Deccol, je voudrais tenter de décourager votre pessimisme.

Pourquoi ? Parce que depuis maintenant deux ans, avec constance et régularité, sous le feu certain de la critique – à laquelle malheureusement vous participez –, nous travaillons à restaurer les marges des entreprises (Protestations sur les bancs du groupe UMP) afin de leur permettre d’affronter la compétition européenne et mondiale.

Nous le faisons, d’ailleurs, avec un dispositif que vous connaissez bien et qui est appliqué sur le terrain. Ainsi, ce sont déjà 334 000 entreprises qui, pour un montant de 7 milliards, ont bénéficié du crédit impôt compétitivité emploi, le CICE.

Je note d’ailleurs – mais cela ne vous aura pas échappé, monsieur le député – que les baromètres Altares indiquent une chute de 25 % du nombre de faillites des PME alors qu’elles étaient jusqu’ici très nombreuses.

Nous constatons aussi une mobilisation nationale en faveur de l’emploi et de la restauration des performances des entreprises. Ainsi, des branches entières signent-elles des accords sur la création d’emplois en contrepartie du pacte de responsabilité.

En ce qui concerne le secteur de la chimie, le ministre des affaires sociales a ainsi annoncé un accord pour la création de 47 000 emplois. C’est une industrie que nous soutenons, et pas seulement en matière de coût du travail mais, aussi, s’agissant du coût de l’énergie. En effet, EDF vient de signer avec 27 sociétés industrielles qui utilisent de l’énergie en grande quantité – les électro-intensifs –, un tarif préférentiel sur 25 ans pour une centaine de sites répartis dans 18 régions et concernant 60 000 emplois dans les secteurs de l’acier, de l’aluminium, de la chimie et du papier.

Nous nous battons tous et nous souhaitons pouvoir compter sur vous et sur votre concours. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Délimitation des régions et modification du calendrier électoral

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (n2100, 2120, 2106).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, Pierre Mendès France dès 1962 et la publication de son livre La République moderne, et François Mitterrand dès son élection à l’Élysée, ont agi pour la création de « conseils régionaux » ; socialistes et radicaux ont toujours voulu renforcer la démocratie locale, celle qui vit au contact direct des citoyens.

Aujourd’hui, toutefois, l’organisation territoriale connaît un nombre excessif de strates. Leur superposition au fil du temps a entraîné la multiplication des échelons de décision, l’enchevêtrement des compétences et la lenteur des procédures. Il faut donc rendre ce système plus efficace. Sur ce point, le diagnostic est partagé, mais il reste plusieurs divergences quant aux solutions à adopter. Cela tient surtout à la précipitation qui a marqué l’élaboration de ce texte, mais aussi à l’insuffisance de la concertation réalisée avec les territoires et les partenaires politiques.

Il faut, certes, agrandir les régions et donc procéder à des regroupements, mais à condition de se fonder sur deux critères.

Le premier est la complémentarité réelle des régions regroupées : des affinités naturelles, une histoire commune, une culture partagée, ou encore des économies convergentes.

Ainsi, la réunification des deux Normandie va de soi. En revanche, la même réunification, pourtant tout aussi opportune, est refusée à la région Bretagne qui, malgré une histoire, une langue et une identité communes, continuera d’exclure Nantes. À l’inverse de ce regroupement naturel, qui est refusé, le projet de loi prévoit des regroupements artificiels, comme la nouvelle région Auvergne et Rhône-Alpes, qui ira d’Aurillac à Évian, au bord du lac Léman, ou le ménage à trois décidé pour l’Alsace avec deux autres régions.

Le second critère à respecter est la neutralité politique du découpage, qui doit reposer exclusivement sur des considérations d’intérêt général et non sur l’intention de favoriser ou de défavoriser tel ou tel dignitaire local.

Or, pour des raisons qui peuvent apparaître politiques, ce découpage comporte tantôt des mariages forcés, comme celui du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie,…

M. Jean-Claude Buisine. Non, non et non !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …tantôt des célibats imposés, tel que celui qui résulte de l’absence de regroupement de la Bretagne avec les Pays de la Loire.

Un découpage ne peut procéder de menus différends ou de petits arrangements entre grands feudataires.

M. François Rochebloine. Excellent !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Par ailleurs, ce texte comporte trois difficultés principales.

La première concerne le droit d’option, qui permet opportunément à un département de se détacher de sa région d’origine pour intégrer une région limitrophe.

Notre rapporteur a rendu ce droit beaucoup plus difficile à exercer que ne l’avait fait le Sénat.

M. Jean-Luc Laurent. Ça, c’est une bonne chose !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. C’est votre appréciation.

En effet, il faudra l’accord non seulement du département et de la région d’accueil, mais aussi de la région d’origine. De plus, les délibérations concordantes des assemblées délibérantes des trois collectivités devront être adoptées à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, ce qui risque de rendre ce droit d’option inopérant et illusoire.

La deuxième difficulté a trait au nombre de candidats par section départementale, calculé de sorte que chaque département dispose d’un nombre minimal d’élus au sein du conseil régional. Le Sénat, à l’initiative du groupe RDSE, avait fixé ce seuil à cinq conseillers régionaux par département. Notre rapporteur, lui, l’a ramené à seulement deux conseillers, ce qui est évidemment trop peu pour assurer une représentation équitable des petits départements au sein du conseil régional.

Enfin, la troisième difficulté – évidemment fondamentale – concerne le devenir des départements. Selon les propos tenus le 3 juin par le secrétaire d’État concerné, « les départements vont être dévitalisés […]. Et en 2020, il n’y aura plus de conseils généraux ; leurs compétences auront été absorbées par les régions et les intercommunalités ».

Une telle suppression peut à la limite être envisagée en zone urbaine, là où existent des métropoles ; mais elle serait très inopportune dans les zones rurales, où l’on ressent déjà un sentiment d’abandon et d’éloignement de l’action publique. Avec la formation de grandes régions, l’existence d’un niveau intermédiaire de proximité entre ces vastes ensembles et les collectivités de base apparaîtra d’autant plus nécessaire. C’est pourquoi nous vous demandons de garantir, lors de la prochaine lecture de ce texte, le maintien des conseils généraux dans les départements ruraux.

Monsieur le ministre, même en ce dernier jour de la session extraordinaire, la vie ne s’arrête pas aujourd’hui, non plus que le destin de ce projet de loi.

M. Jean-Luc Laurent. Qu’en est-il du destin de la France ?

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. La discussion va se poursuivre, avec une nouvelle lecture dans chaque assemblée. Nous souhaitons vivement que cela permette de résoudre les difficultés et de trouver un large accord. Ce n’est pas encore le cas en l’état actuel du texte. C’est pourquoi les trois quarts des députés de notre groupe ne voteront pas en sa faveur – seulement quatre le feront à titre personnel ; mais tous vous font confiance pour que des modifications soient apportées sur les points qui nous paraissent essentiels. Rendez-vous donc à l’automne, saison des sagesses réciproques. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre pays, la France, connaît une très grave crise économique, sociale et politique. Nos concitoyens ressentent une défiance de plus en plus grande à mesure que grandit l’impuissance publique. Cette défiance confine à la division, parfois au rejet de l’autre, et met à mal les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité qu’incarne notre République.

Les inégalités sociales explosent : d’un côté, les 500 plus grandes fortunes augmentent de 15 % à 25 % par an et, de l’autre, le nombre de citoyens qui vivent sous le seuil de pauvreté atteint un record. De même, les inégalités territoriales s’exacerbent, avec des métropoles qui captent les richesses et des zones rurales et périurbaines qui perdent des services publics et des activités et s’enfoncent dans le déclassement.

M. André Chassaigne. Très juste !

M. Nicolas Sansu. Rétablir la confiance, retrouver une communauté de destin, refonder tout simplement la République pour tous nos concitoyens, voilà quel aurait dû être le but d’une loi qui touche à l’architecture territoriale de notre beau pays.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Mais c’est son but !

M. Nicolas Sansu. Or le projet de loi qu’il nous est demandé d’approuver ne répond pas à cet objectif. Il ne permettra pas de fonder une nouvelle République, susceptible de rapprocher les citoyens de ses représentants, de valoriser tous ses territoires, de prendre appui sur la diversité culturelle pour grandir et faire grandir la place de la France dans le monde.

M. André Chassaigne. C’est même tout le contraire !

M. Nicolas Sansu. Votre projet est d’abord disqualifié par une méthode qui allie le manque de concertation, le recours à la procédure accélérée et une étude d’impact indigente.

Un député du groupe UMP . C’est juste !

M. Nicolas Sansu. Pour couronner le tout, s’agissant d’un sujet qui touche pourtant aux fondements de la République, vous refusez de donner la parole au peuple à l’issue d’un grand débat public national – une décision symptomatique.

Par ailleurs, votre projet est incohérent. Il est ainsi incompréhensible de séparer le débat sur les périmètres, celui relatif aux compétences et celui qui concerne le maintien ou la suppression d’un ou plusieurs échelons territoriaux.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Nicolas Sansu. En fait, votre projet s’inscrit dans la continuité de la réforme territoriale de 2010 qui avait, à juste titre, été combattue par toute la gauche. L’objectif de la loi de 2010, comme celui de la loi sur les métropoles ou de ce projet de loi, est d’adapter notre maillage territorial à la concurrence entre les territoires, à la course au moins-disant social et à l’assèchement de la dépense publique et sociale.

Le plan d’austérité que vous faites subir aux collectivités est d’ailleurs en phase avec ce projet de carte régionale. Or il est notoire que tout cela aura des conséquences sur l’investissement public et donc sur l’emploi et l’activité, en particulier dans les territoires les plus fragiles.

Dès lors, le texte qui nous est soumis dépasse largement la simple redéfinition des périmètres régionaux, cohérents pour certains, incohérents pour d’autres. En fait, il s’agit de répondre à la volonté de la Commission européenne et du Conseil européen d’affaiblir plus encore l’échelon national et de donner de la force au triptyque intercommunalité-région-Europe, au détriment du triptyque commune-département-État.

Pourtant, affaiblir la commune est dangereux pour la cohésion territoriale et source de nouvelles inégalités. Supprimer le département, c’est, à terme, remettre en cause le niveau des prestations versées et le nombre des bénéficiaires.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est faux !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Lisez le texte du projet de loi, mon cher collègue !

M. Nicolas Sansu. C’est sur ces allocations de solidarité que les libéraux vont proposer de trouver des marges d’économies.

Enfin, comment ne pas s’insurger contre la vulgate du « mille-feuille » dispendieux ? Tous les élus locaux – et ils sont nombreux ici – le savent : les financements croisés ont été de formidables leviers pour promouvoir l’investissement public. Qu’il s’agisse de construire un équipement social, médico-social, sportif, culturel ou scolaire, le « mille-feuille », tellement vilipendé, est largement plébiscité quand il s’agit de boucler les plans de financement.

En contribuant à l’assèchement de la dépense publique locale, en éloignant les centres de décision et les élus des citoyens à travers la suppression des départements et l’agrandissement des régions, ce projet de loi vise finalement à répondre à l’exigence libérale d’intégrer dans la sphère privée des dépenses aujourd’hui socialisées. Ce n’est pas ainsi que nous imaginons la nécessaire remise à plat des compétences de chaque échelon territorial.

Pour notre part, nous considérons que la décentralisation doit être organisée en fonction du principe de proximité et qu’elle doit permettre d’optimiser les décisions publiques dans le sens d’une plus grande satisfaction de l’intérêt général tout en définissant les rôles respectifs de l’État et des différents échelons territoriaux. Il faut revoir en profondeur le financement des collectivités grâce à une réforme de la fiscalité affirmant notamment la responsabilité du secteur économique dans le développement local.

Les trois niveaux de collectivités – communes, département et régions – sont indispensables à l’harmonie sociale et à la politique de solidarité. Chaque collectivité doit avoir son assemblée élue et disposer de moyens fiscaux permettant de mener à bien ses projets. Quant aux citoyens, ils doivent être pleinement associés à la construction des politiques publiques locales.

Votre texte ne répond pas à ces exigences. Les députés du Front de gauche se prononceront donc contre cette réforme, tout en appelant à une véritable refondation de la République.

M. André Chassaigne. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Hugues Fourage. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, c’est un truisme que de dire que la réforme territoriale est fondamentale pour la France et pour l’avenir de nos territoires.

Je voudrais tout d’abord souligner l’excellent travail fourni par la commission des lois et son rapporteur. Contrairement à ce que j’ai entendu, le travail de concertation, en particulier, a été exceptionnel : le rapporteur a ainsi rencontré, fait sans précédent, tous les représentants des groupes politiques siégeant dans les conseils régionaux.

J’appelle également votre attention sur la qualité des discussions qui ont eu lieu dans cet hémicycle, même s’il a fallu pour cela connaître une nuit un peu longue. Tout le monde a pu s’exprimer et rappeler les enjeux de cette réforme.

Ces enjeux, on a parfois tendance à les oublier. Qu’est-ce que cette réforme doit nous apporter ? Des régions plus fortes, d’une taille comparable à ce que l’on trouve ailleurs en Europe ; de la lisibilité et, contrairement à ce qui a été dit, une simplification du mille-feuille territorial, car nos concitoyens ont besoin d’y voir beaucoup plus clair ; mais aussi des économies budgétaires et une rationalisation de la carte administrative.

Certes, il n’existe pas de carte idéale. Tous ceux qui se sont prêtés à l’exercice ont pris conscience de la difficulté de redéfinir le périmètre des régions. Nous avons entendu, sur les bancs de cette assemblée, tout et son contraire, chacun justifiant d’ailleurs son point de vue par des arguments légitimes. On peut, en effet, prendre en compte les dimensions historique, culturelle, ou encore sociale, mais la difficulté, on le voit bien, réside dans la question de la périphérie – périphérie d’une région ou périphérie du pays.

J’ai entendu parler de l’organisation d’un référendum. Si nous avons rejeté la motion référendaire que le Sénat avait pour sa part adoptée, c’est bien parce que nous considérons que le Parlement doit faire son travail et prendre ses responsabilités.

Lorsque les régions ont été instituées, il y a quarante ans, il a fallu un simple décret. Aujourd’hui, elles relèvent de la loi. La représentation nationale doit donc prendre ses responsabilités.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Hugues Fourage. La carte des régions reprend le plus grand dénominateur commun : elle a été élaborée en fonction de l’intérêt général et non d’intérêts particuliers ou partisans. (Murmures sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Se pose aussi la question du droit d’option. On peut comprendre qu’on ait décidé de l’instaurer dès lors que l’on avait choisi de ne pas démanteler les régions existantes.

Le droit d’option existe donc, à condition toutefois que soit respecté un certain équilibre : il n’est pas envisageable qu’un département quitte une région sans que celle-ci donne son avis, car une telle décision emporte des conséquences économiques et financières. En outre, la décision doit être prise à la majorité qualifiée, marquant ainsi une volonté bien réelle, sans équivoque, claire et sans ambiguïté. Le droit d’option, c’est un aller simple, sans retour envisageable ; la majorité qualifiée est donc vraiment nécessaire.

Mes chers collègues, cette réforme est un acte majeur, qui doit rendre les régions plus compétitives.

M. Dominique Le Mèner. Non !

M. Hugues Fourage. Cette réforme, tout le monde l’a voulue ; tous les rapports ont appelé à la réaliser. Il faut donc être très clair et, à un moment donné, prendre ses responsabilités. Oui, tout le monde a voulu cette réforme, il convient de le rappeler, même si ce n’est pas forcément sous cette forme précise.

Elle doit maintenant être mise en œuvre, parce que c’est l’intérêt des régions, mais aussi celui de la France, une France en mouvement, qui refuse le blocage. Bien évidemment, le groupe SRC, conscient de ces enjeux, la votera sans problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Hervé Gaymard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Gaymard. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, on ne peut pas gérer la France du XXIsiècle, qui doit se projeter dans l’avenir en desserrant ses carcans et en réduisant ses pesanteurs, avec une organisation territoriale sédimentée, souvent redondante et uniforme.

C’est pourquoi, en 2010, nous avons adopté une réforme qui aurait dû entrer en application au mois de mars dernier. Grâce à la création du conseiller territorial, elle tendait à réduire de moitié le nombre des élus et elle permettait, avec la fin de la clause générale de compétence, d’assurer l’indispensable cohérence des compétences entre l’échelon départemental et régional. Cette même réforme créait également les métropoles et permettait aux départements et aux régions de se regrouper.

En 2012, il y a exactement deux ans, vous n’avez rien trouvé de mieux, à peine élus, que d’abroger cette réforme refondatrice. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Depuis lors, vous pataugez. Je ne vais pas égrener tous vos faux départs, ces projets de lois adoptés en conseil des ministres dont nous n’avons pas vu la couleur, ces contradictions invraisemblables – la plus fameuse étant l’engagement du Président de la République en faveur du maintien des départements, suivi, quelques semaines plus tard, par un démenti de son Premier ministre –, sans parler de ces élections départementales et régionales au calendrier flottant, ce qui ne s’était jamais vu dans l’histoire de la République.

Avec cette première lecture chaotique, le débat, mes chers collègues, ne fait que commencer ; il est loin d’être terminé, puisqu’il se prolongera cet automne, après le renouvellement partiel du Sénat.

À ce stade, au nom du groupe UMP, je ferai plusieurs remarques. Sauf exceptions, la réduction du nombre de régions ne doit pas être un objectif en soi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Ce qui compte, en effet, c’est leur cohérence et leur efficience, qui ne dépendent pas de leur taille.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. C’est bien ce qu’on dit !

M. Hervé Gaymard. Votre redécoupage erratique, comme de juste, ne satisfait personne.

M. Jean-Paul Bacquet. Si ! Si !

M. Hervé Gaymard. Je n’évoquerai pas vos querelles internes, avec Martine Aubry, à propos du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), mais j’insisterai sur le mauvais traitement que vous infligez à l’Alsace, qui n’est pas acceptable.

M. André Schneider. En effet !

M. Hervé Gaymard. Entendez ce que vous disent vingt et un des vingt-quatre parlementaires alsaciens. Écoutez aussi ce que vous disent les Bretons, sur tous les bancs de cet hémicycle ; vous ne les avez pas encore entendus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur certains bancs du groupe UDI.)

M. Thierry Benoit. Bravo !

M. Hervé Gaymard. Ayez enfin le courage de sortir d’une uniformité réductrice : les territoires ruraux et montagnards ne doivent pas être gérés comme les aires métropolitaines et urbaines – c’est encore plus vrai avec des régions plus grandes qui tuent la proximité. Écoutez ce que vous disent les territoires ruraux et montagnards ; écoutez les propositions innovantes, comme celle que vous font les Savoyards des deux départements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur certains bancs du groupe UDI.)

À ce stade d’un débat qui ne fait que commencer et compte tenu du refus que vous avez opposé à un certain nombre de légitimes revendications ou suggestions, compte tenu aussi des trop nombreuses incertitudes qui pèsent sur la question des compétences et de la prise en compte des territoires ruraux et montagnards, le groupe UMP votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur certains bancs du groupe UDI.)



M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Vote de posture !

M. Hervé Gaymard. Nous espérons cependant que le Gouvernement saura entendre, lors de la prochaine lecture, les propositions de bon sens qui remontent de tous les territoires, qui émanent de tous les acteurs économiques et sociaux et qui sont formulées par tous les groupes de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMPsur certains bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, pour les députés du groupe UDI, profondément décentralisateurs, la réforme territoriale, mère des réformes structurelles, attendue depuis si longtemps, est primordiale – essentielle même – et urgente.

Cinq ans après le rapport Balladur qui soulignait, au mois de mars 2009, l’urgence qu’il y avait à décider, n’est-il pas temps d’avoir le courage d’entreprendre une mutation profonde de notre organisation territoriale ?

M. Jean-Paul Bacquet. Bien sûr !

M. Michel Piron. Et qu’attendre d’une telle réforme ? D’abord, qu’elle mette fin à l’enchevêtrement territorial des collectivités et des compétences. Ensuite, qu’elle mette en place une autre gouvernance de notre pays, plus efficace, plus économe et plus lisible. Qu’elle nous permette, en outre, de relever les défis de la mondialisation en nous appuyant sur les territoires, particulièrement sur les régions. Enfin, que l’efficacité de l’action publique puisse, dans un monde en pleine mutation, augmenter le dynamisme de notre pays et nous permettre de retrouver le chemin de la croissance.

Pour atteindre ces objectifs, la réforme territoriale doit, à nos yeux, respecter les conditions, toutes les conditions, d’une décentralisation assumée. Pour ce faire, elle doit se conformer à un certain nombre d’exigences.

Or, force est de constater que le projet de loi relatif à la délimitation des régions n’est qu’une timide introduction à la réforme.

Nous déplorons d’abord la méthode employée. Limité à la question de la carte, le texte qui va être soumis au vote élude des questions essentielles, telles celles des compétences et des ressources fiscales des régions. Il aborde le sujet en partant d’une carte administrative, sans que soient plus précisément considérés les objectifs, le développement et les orientations pour l’avenir.

Certes, un autre projet de loi, abordant pour sa part la question des compétences, a été présenté le même jour. Pourquoi donc ne pas avoir rassemblé les compétences et la carte des régions en un seul texte, afin que le contenu et le contenant fussent débattus en même temps ?

Pour le dire autrement, comment peut-on nous demander de nous prononcer uniquement sur le contenant d’une réforme dont le contenu n’a pas été adopté ? La réforme accordera-t-elle aux régions, à l’instar de ce qui existe chez nos voisins européens, un réel pouvoir organisationnel et réglementaire, qui seul peut permettre de tenir compte de la diversité de nos territoires ? Sur cette question primordiale, et sous réserve que le second projet de loi soit bel et bien examiné, nous devrons attendre l’automne pour être fixés.

Quant à l’objet restreint de ce premier texte, nous sommes bien conscients qu’il n’existe pas de carte idéale qui puisse satisfaire l’ensemble de nos concitoyens et des élus, aussi bien nationaux que territoriaux.

Cependant, monsieur le ministre, vous vous êtes dit ouvert aux propositions des parlementaires. Vous disiez avoir l’intention de laisser le Parlement s’emparer du débat. Qu’en a-t-il été ?

Tant en commission qu’en séance, ce débat a été pour le moins inégal. Certains parlementaires ont été privés de l’occasion de défendre leur propre vision de l’aménagement du territoire, une autre approche de l’organisation territoriale française. Cela a entraîné, chez eux, incompréhension et frustration.

Pour le groupe UDI, le respect des spécificités territoriales et l’association des acteurs, premiers concernés par les décisions qui s’appliqueront dans les territoires, sont tout à fait primordiaux. Une réforme digne de ce nom doit prendre en compte ces spécificités en apportant des réponses diversifiées, adaptées aux besoins et aux caractéristiques de chaque territoire et en laissant la place aux expérimentations.

Enfin, outre celle des compétences, de nombreuses questions demeurent en suspens. La première est celle, centrale, du rôle de l’État dans les territoires et à leur égard. À la suite du transfert de compétences consécutif à la réforme des collectivités territoriales, nous serons nécessairement amenés à nous interroger sur ce que nous attendons – ou n’attendons plus – de l’État. Nous aurions d’ailleurs dû traiter ce sujet concomitamment.

Par ailleurs, comment peut-on envisager une telle réforme sans s’interroger sur les moyens ? En d’autres termes, comment peut-on envisager une telle réforme sans refonte de notre fiscalité locale ? Alors que celle-ci est devenue opaque, de plus en plus complexe et injuste, les collectivités disposeront-elles des moyens financiers nécessaires pour exercer clairement et pleinement leurs compétences, c’est-à-dire leurs responsabilités ?

Comment une réforme territoriale orpheline d’une vision d’ensemble garantira-t-elle plus d’efficience de l’action publique et de lisibilité pour nos concitoyens, tout en permettant de réaliser les économies indispensables dans le cadre de la lutte contre les déficits publics ?

En d’autres termes, ce projet de loi n’est que l’introduction d’une réforme inachevée, encore loin de celle que nous attendons, une réforme qui fasse le pari de l’intelligence collective, d’une intelligence partagée entre l’État et les collectivités, entre les territoires et la capitale, entre la politique et les citoyens. Parce que nous, députés du groupe UDI, demeurons profondément décentralisateurs, nous considérons que le rendez-vous de l’automne sera majeur. Quelle en sera la conclusion ? À ce jour, nous n’en savons rien. Soit, mais loin de postures qui ne sont pas les nôtres et que nous avons subies et déplorées sous la législature précédente et faute de savoir où ce texte nous mènera, nous nous abstiendrons majoritairement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, c’est avec le discours de politique générale qu’a prononcé le Premier ministre au début du mois d’avril que la réforme territoriale a été relancée.

Le groupe écologiste avait immédiatement salué ce nouvel élan réformateur, car, malheureusement, cette promesse de décentralisation était, jusqu’alors, restée inaboutie. D’ailleurs, nous préférons parler de décentralisation plutôt que d’une simple réforme territoriale.

Nous souscrivons aux objectifs, qui sont au nombre de trois : renforcement des intercommunalités ; renforcement des régions ; disparition, à terme, des conseils généraux. Depuis le début, nous considérons d’ailleurs qu’ils peuvent être atteints indépendamment de la constitution de grandes régions.

Nous craignons même – disons-le clairement – que l’émergence de grandes régions fasse quelque peu perdre de vue, en cours de route, l’objectif de suppression des conseils généraux.

Oui, un redécoupage est utile pour notre pays. Nous faisons même partie de ceux qui prônent depuis de nombreuses années un certain nombre de changements de la carte des régions. Vous le savez sans doute – c’est le cas, à tout le moins, de celles et ceux qui ont suivi le débat, qui a duré plusieurs jours –, il y a en Bretagne, pour prendre cet exemple, une revendication très ancienne de redécoupage.

M. Marc Le Fur. Tout à fait ! (Sourires.)

M. François de Rugy. Nous souhaitions donc naturellement saisir l’occasion de l’examen de ce texte, consacré au redécoupage des régions, pour mener à bien ce projet. Or – et je tiens à marquer notre incompréhension –, il n’a pas pu aboutir.

Lors de la publication de la première version de la carte, nous avions immédiatement dit qu’elle était à nos yeux inacceptable, parce qu’illogique et incompréhensible. À cet égard, l’examen à l’Assemblée nationale a permis d’avancer, de décanter les choses – je tiens d’ailleurs à saluer le travail du rapporteur, qui a essayé de faire œuvre de bon sens pour rendre la carte un peu plus cohérente. Malheureusement, il reste une anomalie qui saute d’ailleurs aux yeux de quiconque se penche sur cette carte ; elle se situe dans l’Ouest et le centre de la France, dans la mesure où trois régions existantes restent seules, chacune dans leur coin. La région Centre est même la plus petite de toutes – si l’on met de côté la Corse, en raison de sa nature insulaire –, avec 2,6 millions d’habitants.

Tout à l’heure, lors de la séance des questions au Gouvernement, le Premier ministre a affirmé que la carte pouvait encore évoluer. C’est une déclaration pleine de sagesse et de bon sens. De fait, la carte doit encore évoluer, notamment dans l’Ouest et dans le centre, mais aussi, peut-être, dans l’Est.

M. Jean-Luc Reitzer. Oui, en Alsace !

M. François de Rugy. À cet égard, nos collègues ont fait valoir, au cours du débat, un certain nombre d’arguments parfaitement recevables.

En ce qui concerne le droit d’option, que nous appelons pour notre part le droit de choisir pour les départements, le Premier ministre l’a également cité parmi les éléments qui doivent évoluer. Or, lorsque l’on a accouché au forceps d’une telle carte, en réalité décidée d’en haut – ce qui n’est pas sans rappeler un certain jacobinisme –, il est nécessaire de laisser une marge d’adaptation aux territoires, aux élus locaux et aux populations qui se mobiliseraient en faveur de modifications à l’échelle des départements. Tel est le sens de notre soutien extrêmement fort à une modification de l’article 3, relatif à ce droit d’option.

Le texte doit pouvoir évoluer et être précisé sur d’autres points. Je pense en particulier – nous avons d’ailleurs beaucoup parlé de ce sujet avec le ministre de l’intérieur au cours des débats – aux capitales régionales, s’il faut les appeler ainsi, ainsi qu’au statut particulier, que certains ont évoqué très calmement et de façon très constructive, de l’Alsace…

M. Jean-Luc Reitzer. Très bien !

M. François de Rugy. …ou encore de la Savoie.

Nous avons salué, pour notre part, ces démarches, qui viennent d’en bas et correspondent tout simplement à la diversité de nos territoires.

Le groupe écologiste, au vu de ce bilan quelque peu mitigé, a donc choisi de s’abstenir sur ce texte. Vous l’aurez compris, c’est une abstention critique sur certains aspects…

M. Marc Le Fur. Il fallait voter contre !

M. François de Rugy. …mais aussi constructive, car nous espérons bien voter en faveur du texte lors de la prochaine lecture, si la carte est plus logique et si les départements…

M. Jean-Paul Bacquet. Si, et si et si !

M. François de Rugy. …disposent d’un véritable droit d’option, ce qui permettrait de procéder à des adaptations. Allons jusqu’au bout de cette démarche de décentralisation ; alors, nous soutiendrons pleinement ce texte, ainsi que le deuxième texte, sur les compétences. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur certains bancs du groupe RRDP.)

M. Jean-Paul Bacquet. Quel courage !

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants551
Nombre de suffrages exprimés466
Majorité absolue234
Pour l’adoption261
contre205

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de M. Christophe Sirugue.)

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Approbation d’accords internationaux

Procédure d’examen simplifiée

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifié, en application de l’article 103 du règlement, de quatre projets de loi autorisant l’approbation de conventions et accords internationaux (nos 289, 2012 ; 192, 2029 ; 104, 2115 ; 288, 2116).

Ces textes n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je vais mettre aux voix chacun d’entre eux, en application de l’article 106 du règlement.

Accord avec la Géorgie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Ratification du protocole modifiant l’accord de transport aérien entre la Communauté européenne et les États-Unis d’Amérique

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Accord de coopération en matière de sécurité intérieure avec les Émirats arabes unis

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Accord avec le Liban sur la coopération en matière de sécurité intérieure, de sécurité civile et d’administration

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

4

Projet de loi de finances rectificative pour 2014

Lecture définitive

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances rectificative pour 2014 (nos 2163, 2181).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi de finances rectificative pour 2014 vous revient en lecture définitive. J’en rappellerai les principaux éléments.

Ce projet de loi confirme la volonté du Gouvernement de poursuivre l’assainissement budgétaire. Il fixe notamment la part que prendra l’État dans les économies – 4 milliards d’euros – prises en gestion pour commencer à résorber l’écart constaté en 2013 entre la prévision et la réalisation du déficit structurel.

Ce sont 1,6 milliard d’euros d’annulations de crédits qui vous sont proposées, dont 1 milliard d’euros d’annulations sur crédits frais, c’est-à-dire hors réserve de précaution. Je rappelle que le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 prévoit 1,1 milliard d’euros d’économies et que le solde des économies, soit 1,3 milliard d’euros, concerne le Fonds national d’action social, le FNAS, l’UNEDIC et le programme d’investissements d’avenir, le PIA, et ne nécessite pas de traduction législative.

Ce projet de loi de finances rectificative, de même que le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, que vous examinerez tout à l’heure, met également en œuvre les mesures du pacte de responsabilité et de solidarité prenant effet en 2014 et en 2015. Le projet de loi prévoit une mesure d’allégement d’impôt sur le revenu au bénéfice des contribuables situés au bas du barème de l’impôt, ce qui représente 1,2 milliard d’euros de pouvoir d’achat donné aux ménages moyens, financé par les recettes tirées du rapatriement des avoirs dissimulés à l’étranger. Il prévoit aussi la prorogation d’un an de la contribution exceptionnelle d’impôt sur les sociétés, à la charge des grandes entreprises.

Ce collectif a fait l’objet d’un dialogue nourri avec la majorité, d’ailleurs entamé avant même le dépôt du texte, comme en a témoigné le doublement de la réduction d’impôt que j’ai évoquée, laquelle est passée de 500 millions d’euros à plus d’1 milliard d’euros.

Le débat parlementaire a également permis, le plus souvent à l’initiative de la majorité, de faire évoluer le projet du Gouvernement et de le compléter. Vous me permettrez de ne pas rappeler toutes les modifications, pour me concentrer sur quelques-unes.

Deux mesures favorables aux ménages, notamment modestes, auront ainsi été adoptées à l’initiative de la majorité.

Tout d’abord, des amendements des groupes socialistes et RRDP permettront, cette année, d’exonérer de taxe d’habitation et de dégrever de contribution à l’audiovisuel public les personnes de condition modeste âgées de plus de soixante ans ou veuves qui ont bénéficié, au titre de 2013, d’une exonération de taxe d’habitation pour revenus modestes.

Ensuite, les allocations logement seront finalement revalorisées dans les conditions prévues antérieurement au dépôt du projet de loi. Cette mesure est d’ailleurs gagée par une diminution à due concurrence des crédits des ministères. À ce titre, elle s’inscrit dans la même philosophie que d’autres amendements visant à mieux répartir l’effort demandé sans en minorer l’ampleur ; je pense notamment aux chambres de métier et d’artisanat ou à l’audiovisuel.

Je voudrais également souligner la vigilance de la majorité quant à l’évaluation des conséquences du pacte. Cette préoccupation s’est traduite par l’adoption d’un amendement du groupe RRDP demandant un rapport sur la création d’un observatoire des contreparties.

M. Joël Giraud. Absolument !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En outre, ce texte a apporté une nouvelle preuve de la mobilisation continue du groupe socialiste, aux côtés du Gouvernement, dans la lutte contre la fraude : je pense aux amendements de Mme Mazetier et de MM. Bachelay et Muet, qui permettront de nouveaux progrès en la matière.

L’amendement défendu par Mme Mazetier vise à renforcer les sanctions contre les grandes entreprises qui refusent de présenter leur comptabilité sous forme dématérialisée pour compliquer le travail de contrôle de l’administration fiscale. L’amendement défendu par M. Bachelay, quant à lui, a pour objet de permettre aux institutions financières françaises de disposer d’un fondement légal en vue de réaliser les diligences afin d’identifier les contribuables visés et les comptes qu’ils détiennent. Enfin, M. Muet, dont on connaît la mobilisation sur ce sujet, a défendu un amendement tendant à lutter contre l’utilisation à des fins d’optimisation des prix de transfert dans les États et territoires non coopératifs, ou ETNC.

Par ailleurs, ce texte aura permis d’autres avancées significatives. À l’initiative de M. Blein, le champ des associations et fondations de l’économie sociale et solidaire bénéficiant d’une exonération du versement transport a été clarifié.

À l’initiative de MM. de Rocca Serra et Pupponi,…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Avec l’accent lorrain ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …le caractère incitatif des mesures en faveur de la reconstitution des titres de propriété immobilière sera renforcé dans les territoires où ils ne sont pas parfaitement établis.

Enfin, des amendements des groupes RRDP et SRC, faisant suite à une initiative du groupe RDSE au Sénat, ont permis une modification de la répartition du produit de la taxe communale sur la consommation finale d’électricité, la TCCFE. C’est un parfait exemple du rôle de terrain des parlementaires, lesquels sont effectivement les mieux à même d’apprécier l’effet sur nos territoires des mesures votées par le Parlement.

Au-delà, le dialogue parlementaire aura permis de réaffirmer les engagements du Gouvernement en matière de financement des transports en Île-de-France.

Plusieurs de ces sujets – et d’autres – appelleront de nouveaux travaux de notre part, dans le cadre notamment des lois financières de l’automne. Cela dit, je pense que nous avons de quoi nous réjouir de ce que le travail collectif nous aura permis d’accomplir.

M. Jean-Luc Laurent. C’est de bon augure, mais nous serons vigilants !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour conclure, je voudrais donc saluer le travail de la commission des finances et de sa rapporteure générale, qui ont dû préparer l’examen de ce texte dans des délais contraints. Je remercie également la majorité pour le courage dont elle témoigne en prenant des mesures toujours justifiées par le souci de redresser notre pays, même si elles ne sont pas toujours populaires.

J’appelle l’opposition à sortir des postures : on ne peut pas à la fois réclamer des baisses de prélèvements plus fortes et toujours refuser les économies proposées, car faire des économies, mesdames et messieurs les députés, c’est la condition nécessaire pour pouvoir à la fois diminuer les prélèvements obligatoires, réduire nos déficits publics et redonner du pouvoir d’achat.

M. Jean-Luc Laurent. Exactement !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour finir, je voudrais remercier les services de l’Assemblée et des ministères, les collaborateurs des groupes, la présidence et tous ceux qui, dans leurs fonctions, ont permis un débat de qualité qui, je l’espère, débouchera tout à l’heure sur l’adoption d’un texte nécessaire au redressement de notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je ne reviendrai pas sur le fond de ce projet de loi de finances rectificative pour 2014, dont M. le secrétaire d’État vient de rappeler les grandes lignes, et sur les objectifs que nous souhaitons atteindre en l’adoptant.

Lors de sa séance du 21 juillet 2014, le Sénat a rejeté, en nouvelle lecture, la première partie et donc l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2014. Conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l’article 45 de la Constitution, l’Assemblée nationale est donc saisie par le Gouvernement d’une demande tendant à ce qu’elle statue définitivement sur ce texte.

La commission mixte paritaire n’ayant pu parvenir à l’adoption d’un texte commun, l’Assemblée nationale doit se prononcer sur le texte qu’elle a voté en nouvelle lecture, qui n’a été modifié que marginalement par rapport à la première lecture, si l’on tient compte de l’engagement du Gouvernement de reporter à l’automne la discussion sur la taxe de séjour.

Dans ces conditions et en application du troisième alinéa de l’article 114 du règlement de notre assemblée, la commission des finances a adopté définitivement le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture ; je vous invite à faire de même.

Je remercie très sincèrement l’ensemble des services de la commission des finances et les administrateurs, qui ont travaillé pendant de nombreuses heures pour produire des analyses qui ont éclairé nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, nous voici aujourd’hui réunis pour la lecture définitive du projet de loi de finances rectificative pour 2014, rejeté en nouvelle lecture par le Sénat le 21 juillet.

L’Assemblée nationale a débattu de ce texte et l’a amendé à deux reprises. Le groupe RRDP s’est précédemment satisfait de l’adoption de plusieurs de ses propositions, notamment en faveur des ménages modestes, comme la prolongation en 2014 de l’exonération de la taxe d’habitation et du dégrèvement de contribution à l’audiovisuel public, qui vient compléter la réduction exceptionnelle d’impôt sur le revenu pour 3,7 millions de ménages modestes, initialement proposée par le Gouvernement.

Nous saluons également la suppression par la commission de finances, à l’initiative de la rapporteure générale, de l’article 6 du projet de loi de finances rectificative pour 2014, qui prévoyait le gel en 2014 de l’allocation de logement social et des aides personnalisées au logement, qui bénéficient pourtant principalement à des contribuables disposant de ressources particulièrement modestes.

Le groupe RRDP s’est également satisfait de la mesure en faveur des collectivités locales prévoyant le rétablissement de la perception par les communes de la taxe sur la consommation finale d’électricité – mesure également défendue par d’autres groupes.

En nouvelle lecture, outre le rétablissement, à l’article liminaire, de la décomposition entre la part structurelle et la part conjoncturelle du solde public effectif pour l’année 2014, le Gouvernement a fait supprimer les dispositions prévoyant de faire passer le plafond de la taxe de séjour à 8 euros puis à 3,50 euros, ainsi que la taxe de deux euros visant à améliorer l’offre de transport en commun de la région Île-de-France, tous deux adoptés par voie d’amendement parlementaire en première lecture.

Concernant la taxe de séjour, comme l’a indiqué en séance Mme Dubié le 15 juillet, reporter la réforme à l’automne pour l’examiner dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015 permettra de conduire la nécessaire concertation avec les professionnels et d’en expertiser l’impact, en particulier du point de vue de l’attractivité du territoire français.

Le régime de ces taxes n’ayant pas été revu depuis une dizaine d’années, une réforme demeure un sujet de préoccupation légitime. Les propositions formulées par la mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances doivent néanmoins faire l’objet d’une concertation plus approfondie.

Toujours en nouvelle lecture, l’amendement défendu par le groupe RRDP et adopté par notre assemblée sur le dispositif de simplification de l’éco-prêt à taux zéro permettra de clarifier le cas où différentes entreprises interviennent dans la réalisation d’un bouquet de travaux financé par un éco-prêt à taux zéro : l’entreprise commettant une erreur dans la déclaration de ses travaux éligibles ne pourra être sanctionnée que sur sa seule part des travaux, indépendamment des travaux réalisés par d’autres entreprises. Nous saluons également l’adoption de cette mesure.

Nous demeurons plus circonspects quant au maintien, en nouvelle lecture, du champ des bénéficiaires de l’exonération de versement transport, prévu à l’article 5 quater, qui avait été redéfini en première lecture. L’adoption du principe de la remise d’un rapport par le Gouvernement avant le 1er octobre évaluant son impact financier sur les fondations et associations à but non lucratif, dont l’activité est uniquement de caractère social, ne nous paraît pas suffisante.

En effet, des organisations nationales du secteur privé non lucratif sanitaire, social et médico-social, tels que l’Association pour adultes et jeunes handicapés, l’APAJH, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, la FNARS, l’Union nationale des associations de parents d’enfants inadaptés, l’UNAPEI, la Croix-Rouge ou la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne, la FEHAP, alertent publiquement le Gouvernement, depuis la première lecture, sur les conséquences de l’exclusion des activités sanitaires, sociales et médico-sociales du bénéfice de l’exonération de versement transport de droit ou sur délibération. Le Groupement des autorités responsables de transport, le GART, a récemment estimé à 565 millions d’euros le montant potentiel des recettes nouvelles engendrées par cette suppression d’exonération. Selon les organisations concernées, le nombre de suppressions d’emploi pourrait s’élever à 10 000 si l’on ne met en aucune mesure permettant de ménager une transition.

Nous serons donc particulièrement vigilants sur les modalités de compensation de ces nouvelles charges et de fixation des ressources de ces établissements par l’État, les conseils généraux et l’assurance maladie.

Enfin, concernant les entreprises, je rappellerai l’adoption, en première lecture, du principe de la création d’un observatoire des contreparties, auquel le Parlement sera associé. Comme vous venez de le rappeler, monsieur le secrétaire d’État, cette disposition a été introduite en séance, par voie d’amendement, à l’initiative du groupe RRDP – notamment de son président, M. Schwartzenberg.

Cet observatoire, distinct du comité de suivi du seul CICE – même élargi –, placé auprès du Premier ministre, sera chargé de suivre l’usage fait par les entreprises de l’ensemble des allégements de charges et d’impôts, selon l’engagement pris par le Président de la République en janvier dernier à propos du pacte de responsabilité et du CICE.

Ces contreparties doivent en effet être définies au niveau national et déclinées par branche professionnelle. Elles doivent porter sur des objectifs chiffrés d’embauche, d’insertion de jeunes, de travail des seniors, de qualité de l’emploi, de formation et d’ouverture de négociations sur les rémunérations et la modernisation du dialogue social.

La nécessité de mettre en place un tel observatoire a d’ailleurs été mise en lumière lors de la dernière conférence sociale, notamment pour l’avancée des négociations par branche de contreparties au CICE. Plusieurs syndicats ont appelé de leurs vœux une installation rapide de cet observatoire en vue d’une meilleure coopération entre toutes les parties prenantes, le CICE ne pouvant se muer définitivement en une nouvelle forme de mécénat.

La mission d’information parlementaire sur le CICE permettra d’arrêter prochainement – ce qui n’a rien d’anecdotique – les sommes engagées, ainsi que l’ensemble des bénéficiaires pour l’année 2013, en vue de la discussion du loi de finances pour 2015. De ce fait, elle fera utilement progresser le débat, récurrent dans notre hémicycle, autour du ciblage et de la sélectivité souhaitable du CICE. Néanmoins, elle ne tranchera pas la question des contreparties.

Les arbitrages budgétaires orchestrés par le Gouvernement entre offre et demande demeurent en effet relativement déséquilibrés : 41 milliards d’euros de baisses de charges d’un côté, pour 5 milliards de réductions d’impôt seulement prévus initialement pour les ménages, de l’autre. À cet égard, les récentes annonces du Premier ministre concernant une nouvelle réduction d’impôt favorable aux classes dites moyennes, en loi de finances pour 2015, prennent tout leur sens.

Le groupe RRDP sera également particulièrement vigilant à ce que s’inscrivent concrètement, dans le prochain véhicule budgétaire, la refonte et la simplification promises par le Gouvernement du bas du barème.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, chers collègues, malgré toutes les limites mises en évidence depuis les années 1970, la croissance reste malheureusement l’alpha et l’oméga des politiques publiques, sans que l’on s’interroge sur son contenu, sans que l’on se demande, par exemple, si cet accroissement de richesses est – ou non – pourvoyeur d’emplois, s’il permet une réduction des inégalités ou si au contraire il les accroît.

Depuis le rapport Gallois de novembre 2012,…

M. Jean-Luc Laurent. Excellent rapport !

Mme Eva Sas. …la croissance reste centrale, mais un autre mot a fait son apparition, pas seulement comme une simple notion, mais comme une valeur devenue cardinale, dont on ne peut interroger le contenu, ni même la pondérer par d’autres objectifs – il s’agit de la compétitivité, nouveau dogme d’une politique économique en recherche de sens.

Il en va ainsi de tous les mots fourre-tout que l’on n’interroge plus.

Nous, écologistes, pensons que notre politique économique doit retrouver ses objectifs premiers – l’emploi, la qualité de vie, ou encore la réduction des inégalités – et qu’elle ne peut être réduite à des slogans, fussent-ils martelés comme des vérités absolues. La compétitivité et la croissance ne peuvent tenir lieu à elles seules d’objectifs. Nous avons le devoir de nous interroger sur le contenu de ces notions, sur ce qu’il faut faire croître – à savoir l’emploi, les énergies renouvelables et la solidarité – et sur ce qu’il faut, au contraire, voir décroître : les pollutions, ou encore les accidents de la route. C’est tout le sens de la proposition de loi sur les indicateurs alternatifs de richesse que nous déposerons en septembre.

Il en va de même pour la compétitivité : le Gouvernement s’engage, avec les réductions de cotisations patronales, dans une compétition essentiellement tournée contre les autres pays européens. Pour notre part, nous proposons de tirer la France et l’Europe vers le haut en investissant dans l’innovation et les énergies renouvelables. Nous voulons faire de la France, non un concurrent, mais un modèle pour une Europe de la transition énergétique et de la solidarité.

Or le présent projet de loi de finances rectificative accroît la course au moins-disant social avec les autres pays européens. Si l’on additionne le CICE, le pacte de responsabilité et les autres mesures contenues dans le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, on arrive à une diminution de 41 milliards d’euros des prélèvements des entreprises, et cela sans contreparties ni garanties en termes de créations d’emplois. Devant de telles aides, on serait presque tenté de dire que vous faites de l’assistanat.

M. Nicolas Sansu. C’est tout à fait cela !

Mme Eva Sas. À tout le moins, nous devons nous interroger sur l’efficacité de ces baisses de cotisations.

Vous attendez – au mieux – de ces mesures la création ou le maintien de 490 000 emplois. Nous attendons de voir si ces chiffres correspondront à la réalité, même s’il est toujours difficile d’évaluer le nombre d’emplois maintenus.

Selon vos propres chiffres, le CICE devrait créer à lui seul 300 000 emplois. Cela signifie qu’il coûte aux finances publiques 60 000 euros par emploi – un chiffre élevé pour une estimation de créations d’emplois qui semble, elle, ambitieuse. Il faudrait donc plutôt tabler sur un montant de 60 000 à 100 000 euros par emploi, à comparer aux 12 800 euros bruts que coûte un emploi d’avenir payé au SMIC. Ne serait-il pas plus efficace de rééquilibrer votre politique en accroissant l’effort consacré aux emplois d’avenir ?

Il faut aussi rappeler que le rapport de la rapporteure générale nous a informés du fait que le pacte de responsabilité devait créer 190 000 emplois d’ici à 2017, chiffre à mettre en regard de l’impact négatif sur l’emploi des mesures de restriction budgétaire, que le rapport estime à 250 000 emplois.

Ces 41 milliards d’euros pèsent sur les finances publiques, alors même que leur efficacité peut être remise en question. A contrario, vous refusez de faire des investissements qui nous semblent nécessaires. Nous, écologistes, pensons que ces milliards pourraient être mieux utilisés dans des investissements créateurs d’emplois et permettant de préparer l’avenir. En effet, il suffirait de 25 % de la somme engagée pour rénover 500 000 logements par an, soit l’objectif fixé en début de quinquennat, à raison de 20 000 euros par logement – il s’agit du montant estimé par les professionnels pour faire une rénovation thermique complète de chaque logement.

Il suffirait même de 1 % de cette somme, soit 450 millions d’euros, pour financer le troisième appel à projets permettant de soutenir de nombreux projets de transports en commun – tramways, bus à haut niveau de service, ou encore métros – dans les villes de France. Ces projets amélioreraient le quotidien de nombreux Français tout en créant de l’emploi.

Au lieu de cela, la France relance des politiques de baisse de l’imposition des entreprises, c’est-à-dire la politique de Reagan dans les années 1980, dont les résultats sont pour le moins mitigés.

Ce que nous proposons, c’est au contraire d’investir, notamment dans la formation professionnelle. Selon l’économiste Mathilde Lemoine, si l’on investissait les 30 milliards d’euros du pacte de responsabilité dans la formation professionnelle, la production s’en trouverait accrue et cela aboutirait, à terme, à un accroissement de 5 % du PIB.

De nombreux économistes ont émis des doutes sur votre politique de l’offre. Il en va de même, d’ailleurs, des chefs d’entreprise, puisque, selon l’INSEE, seuls 18 % d’entre eux déclarent qu’il existe un problème d’offre, alors que près de la moitié déclare qu’ils ont d’abord un problème de demande, c’est-à-dire un carnet de commandes insuffisamment rempli. Nous sommes donc nombreux, au sein de votre majorité, rejoints par les économistes et, plus largement, par nos concitoyens, à vous demander, d’une part, de procéder à un rééquilibrage entre la politique de l’offre et la politique de la demande et, d’autre part, de faire vraiment le choix de l’écologie et de l’emploi. Pour donner un seul exemple, le même accroissement du produit intérieur brut crée au moins six fois plus d’emplois dans l’isolation des bâtiments que dans l’importation d’énergie. Nous attendons donc avec impatience la discussion du projet de loi de finances pour 2015, afin de mettre en œuvre ces deux priorités que, je l’espère, nous partageons et qui vont de pair : l’écologie et l’emploi.

En conséquence, comme vous le savez, une partie du groupe écologiste s’abstiendra sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014, mais une majorité votera en sa faveur.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, depuis 2012, la politique économique et budgétaire du Gouvernement repose sur deux postulats essentiels : miser sur une reprise de la croissance et, dans le même temps, revenir à l’équilibre budgétaire. Le projet de loi de finances rectificative est emblématique de cette obsession de l’équilibre, avec, comme conséquence, un pacte de responsabilité qui s’apparente plus à un pacte d’austérité.

Or, comme l’ont souligné bon nombre d’économistes, qui ne sont pas tous d’affreux gauchistes, la croissance est entravée par la rigueur budgétaire. C’est d’ailleurs ce qu’a confirmé Matteo Renzi, après Valérie Rabault. Je pense qu’il avait lu son rapport. (Sourires.)

M. Dominique Baert. C’est sans aucun doute son livre de chevet !

M. Nicolas Sansu. Le Premier ministre italien a ainsi souligné avec beaucoup de force, à l’heure où nous commémorons le centenaire de la Première guerre mondiale, que les millions de jeunes gens morts au cours de ce conflit ne se sont pas sacrifiés pour des paramètres ou pour un no man’s land de bureaucratie. Certes, il n’a pas demandé de pouvoir dépasser les 3 % du PIB – limite fixée au déficit budgétaire –, se contentant d’inviter à « utiliser la marge de flexibilité qui existe » dans les traités européens.

Ces déclarations d’intention sur l’assouplissement du pacte de stabilité sont néanmoins l’aveu que la politique de rigueur n’est pas la meilleure base pour une croissance durable. Nul ne semble pourtant vouloir remettre en cause les politiques menées aujourd’hui en Europe, notamment en France. Quelques jours plus tard, François Hollande annonçait en effet qu’avec le pacte de responsabilité « tout [était] sur la table » et que « rien ne [serait] modifié ».

La priorité reste donc à la baisse de la dépense publique, aux milliards d’allégements des contributions des entreprises, le Gouvernement se contentant de vouloir incarner une modalité, disons plus sociale, de l’adaptation à des transformations structurelles jugées inéluctables.

À suivre ce discours, l’important serait, pour la gauche, d’aider les plus vulnérables à affronter les conséquences des réformes structurelles que tentent d’imposer les very serious people, comme les désigne ironiquement Paul Krugman. En fait, les very serious people sont des idéologues et ne sont pas réellement sérieux.

Les thérapies de choc que proposent les think tanks ou les économistes libéraux ne visent au fond qu’à rétablir la trajectoire économique d’avant la crise, sans rompre avec le capitalisme financier qui lui a donné naissance, en profitant de la crise pour faire passer des réformes structurelles qui aboutissent à des reculs, tant du point de vue des dépenses sociales que du statut des salariés.

La dernière note du Conseil d’analyse économique est à cet égard édifiante : elle préconise tour à tour de faciliter les licenciements des titulaires de CDI, de renforcer la concurrence dans les secteurs non manufacturiers et de concentrer toujours davantage les allégements de cotisations sociales sur les seuls bas salaires.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce n’est absolument pas la politique du Gouvernement !

M. Nicolas Sansu. Dans une très intéressante contribution sur ce que pourrait être une politique de gauche, l’économiste Michel Husson indiquait récemment : « Le choix est entre une gestion "paramétrique" de la configuration héritée des décennies néo-libérales et une bifurcation systémique vers un autre modèle de développement. »

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Oh là là !

M. Charles de Courson. Il faut avoir fait Polytechnique pour comprendre ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est un défi !

M. Nicolas Sansu. Nous avons justement, en séance, un agrégé de mathématiques et un polytechnicien !

Nous croyons sérieusement en la nécessité d’opter aujourd’hui pour cette bifurcation – ce terme vous convient-il davantage, monsieur le secrétaire d’État ?

Pour les libéraux, il n’est plus question aujourd’hui d’œuvrer, en quelque manière que ce soit, à la redistribution des gains de productivité sous forme de créations d’emplois, de hausse des salaires et de développement de l’État social. Au contraire, il n’est plus question que de baisser le coût du travail et de grignoter l’État social, quitte à creuser les inégalités et à aggraver le chômage de masse.

Pour sortir de l’ornière, il faudrait, pour reprendre la formule de l’économiste Patrick Artus, qui ne siégerait certainement pas à mes côtés s’il était député,…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je ne le crois pas non plus !

M. Nicolas Sansu. …« accepter un rendement plus faible des placements, une rentabilité plus faible du capital ».

Il faudrait, en d’autres termes, s’attaquer à l’effarante concentration des richesses sur une étroite couche de la population, prendre à bras-le-corps la question de la répartition des richesses entre capital et travail et investir dans le capital humain et la transition énergétique.

Il faut surtout remettre au cœur des stratégies économiques, en France comme en Europe, l’amélioration de la qualité de vie de chacun – je rejoins en cela notre collègue écologiste Eva Sas.

Il est du devoir de la gauche d’assurer une reconquête politique du temps long. Il s’agit, en d’autres termes, au-delà des débats de court terme sur la politique budgétaire, de reconnaître que, si les ruptures que nous avons indiquées sont hors de portée dans la conjoncture actuelle, il est impératif qu’elles soient amorcées et se traduisent par une amélioration immédiate des conditions d’existence de la majorité de nos concitoyens.

C’est le sens de nos propositions en faveur de l’investissement public ou du relèvement des bas salaires et des minima sociaux que de nous faire entrer dans cette dynamique de transformation sociale. C’est aussi le sens que nous donnons à nos propositions en matière fiscale, qu’il s’agisse de la refonte du barème, de la suppression des niches ou de la modulation de l’imposition des entreprises.

L’ensemble de ces propositions restant aujourd’hui lettre morte, au nom de la mise en œuvre du pacte de responsabilité, nous nous prononcerons une nouvelle fois contre ce projet de loi de finances rectificative. Bien sûr, nous aurons à nouveau ce débat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015. Nous proposerons alors de rééquilibrer les politiques publiques entre offre et demande.

Mme Eva Sas et Mme Barbara Romagnan. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce n’est pas de « bifurcation » qu’il s’agit, mais, depuis des semaines, dans le cadre de l’examen de ce collectif budgétaire, de méprise.

Méprise, monsieur le secrétaire d’État, car votre Gouvernement n’a toujours pas fait le choix d’une baisse des dépenses publiques réelle et suffisante. La réalité, c’est que le compte n’y sera pas tant tant que le Gouvernement n’aura pas fait un autre choix en termes d’emploi public. Le quinquennat est marqué par la faute originelle d’un certain nombre de recrutements injustifiés, dans des secteurs certes importants de l’action publique, mais où l’amélioration de la qualité du service public ne se juge pas à l’augmentation du nombre d’emplois.

Dès lors que vous ne voulez pas vous dédire de cette politique – vous savez sûrement que c’est une erreur mais, par blocage idéologique, vous vous y enfermez –, vous êtes condamnés à ne pas y arriver.

Dans ce collectif, comme, plus largement, dans votre stratégie budgétaire et économique, ne figure pas de réelle baisse de la dépense publique – en tout cas, pas à un niveau suffisant. On n’y trouve pas non plus de réelle réforme structurelle – les dispositions ne sont ni évaluées ni justifiées.

La majorité vient de voter l’un des volets de la réforme territoriale. Or chacun sait que la principale faiblesse de votre approche réside dans son insuffisance en termes d’économies : personne n’a vu où elles pourraient être réalisées. Personne n’a vu non plus quelle était votre stratégie fiscale.

La baisse des dépenses est en effet insuffisante, les réformes structurelles ne sont pas au rendez-vous, les baisses d’impôt non plus – nous l’avons seriné à l’occasion des débats successifs sur le collectif.

La seule mesure nouvelle à l’égard des entreprises leur est défavorable – je veux parler du prolongement de la surtaxe dite exceptionnelle de l’impôt sur les sociétés. Les bonnes mesures supposées de baisse de l’impôt sur les sociétés à moyen et long terme ne sont pas au rendez-vous car vous n’avez pas le courage de les prendre ; vous n’êtes tout simplement pas capables de les prendre vu la structure de votre majorité. Vous ne le pourrez pas davantage dans quelques semaines ou quelques mois.

Le pacte de responsabilité n’est pas solidement financé. Cela entraînera un endettement record, ce qui soumet notre pays à un risque considérable. Nous survivons aujourd’hui, mais la situation est très dangereuse. Vous réussissez à afficher quelques économies de budget en budget car le taux de la dette était encore en baisse récemment, mais vous savez très bien que tout cela est extrêmement fragile et que la situation risque de se tendre. Le président de la commission des finances avait parfaitement analysé à cette tribune il y a quelques jours la structure dans le temps de notre dette par rapport à celle d’autres émetteurs en Europe. Cela promet des temps particulièrement difficiles pour notre pays.

Enfin, monsieur le secrétaire d’État, qui croire et que croire ?

Nous le soulignons depuis les premiers mois de la législature : il y a, non pas une bifurcation, mais une méprise, comme je le disais, une très grande confusion dans l’action du Gouvernement et de la majorité. Les Français, les ménages, les entreprises ne savent toujours pas quelle est votre politique économique. Est-elle faite de contraintes et de taxation des entreprises ? Est-elle faite au contraire d’un encouragement à la compétitivité ?

Les esprits les plus généreux ont pu imaginer à un moment que, dans le pacte de responsabilité, il y avait enfin un choix stratégique. La réalité – nous l’avons expliqué tout au long de la discussion de ce collectif –, c’est que vous n’avez pas fait un choix cohérent.

Peut-être avez-vous conçu une cohérence au départ, mais, dans ce cas, vous n’avez pas osé l’assumer, notamment vis-à-vis de la majorité. La méprise et l’incertitude restent donc entières. Le Président de la République – ses propos ont été repris par la presse – a déclaré, ces dernières heures, s’agissant de l’assainissement des finances publiques : « Les 3 %, c’est la perspective ». Qu’est ce que cela veut dire ? Est-ce de l’incertitude ou bien du cynisme ?

En politique, l’adresse, l’astuce, les mots et les formules ne permettent pas de définir une politique économique.

Je pense, monsieur le secrétaire d’État – vous le savez sans doute, d’ailleurs, au fond de vous-même –, qu’il doit être très compliqué pour vous d’expliquer la cohérence de votre politique budgétaire…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non ! Je ne tremble pas ! (Sourires.)

M. Hervé Mariton. …tant vous n’en avez pas les moyens parlementaires et tant il y a de contradictions dans la vision de l’exécutif.

Il faut d’urgence élaborer un programme d’économies bien plus vigoureux dans notre pays.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Combien ?

M. Hervé Mariton. Nous avons évoqué, il y a quelques mois, un programme d’au moins 100 milliards d’euros.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je le note !

M. Luc Belot. Dont 20 milliards qui concernent les collectivités locales !

M. Hervé Mariton. Nous le tiendrons. Je vous renvoie, monsieur le secrétaire d’État, à quelques analyses que je vous ai proposées ; nous pouvons en parler.

Certes, cela n’est pas facile. C’est courageux, mais nécessaire pour réduire les déficits car on ne peut pas se contenter d’annoncer que les 3 %, c’est la perspective et de réduire les impôts, tant le matraquage fiscal, dont vous reconnaissez tout de même aujourd’hui que c’était une faute, aura marqué, frappé et contraint les ménages et les entreprises pendant les deux premières années.

Les Français ont besoin de clarté. Ils ont besoin que les finances publiques soient solidement tenues, avec une stratégie qu’ils puissent comprendre et qui soit soutenue par une majorité. Tel n’est pas le cas de la vôtre, à supposer même qu’elle existe. Vous le savez ; c’est la raison pour laquelle vous n’allez pas jusqu’au bout et, si le pacte de responsabilité existe vraiment, vous n’osez pas l’assumer réellement.

Votre stratégie n’est pas soutenue par la majorité ; elle n’est pas comprise par les Français ; elle compromet l’économie et l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Merci pour vos encouragements, monsieur Mariton !

M. le président. La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert. C’est la lecture définitive du projet de loi de finances rectificative pour 2014. À ce stade de la discussion et à quelques heures de la clôture de la session extraordinaire, il y a, me semble-t-il, vous en conviendrez aisément, deux principes fondamentaux.

Le premier, c’est qu’il ne faut pas prolonger indéfiniment les débats alors même que les votes définitifs doivent intervenir. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Le second, c’est que nous devons concentrer sur l’essentiel (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC) : quelle est l’utilité fondamentale de cette loi de finances rectificative ?

Son utilité fondamentale, c’est que, dès la rentrée prochaine, au moment où les feuilles d’impôt sur le revenu arriveront, elle fera baisser l’impôt des plus modestes, de 350 euros pour un célibataire et 700 euros pour un couple, ce qui n’est pas rien. C’est effectivement un changement concret. On pourrait citer l’ensemble des mesures de ce projet, à commencer par celles qui concernent l’apprentissage. Cela va effectivement changer la vie de bon nombre de nos concitoyens.

Les Français ont besoin de clarté, affirmait M. Mariton. Eh bien, la clarté, elle est là. Hier et avant-hier, la droite baissait l’impôt de solidarité sur la fortune des plus fortunés. Nous, nous baisserons l’impôt des plus modestes dès la rentrée prochaine. Voilà pourquoi le groupe socialiste et apparentés votera évidemment ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, Dominique Baert le disait à l’instant, il faut de la clarté et il faut faire des choix.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour les centristes, c’est un peu dur ! (Sourires.)

M. Philippe Vigier. Or, pendant deux ans, que s’est-il passé ?

Vous vous étiez engagés sur la réduction des déficits publics. Avez-vous, oui ou non, tenu votre parole ? Non. Alors que vous deviez les ramener à 3 %, nous sommes malheureusement à 4,1 %, et ce n’est pas là un mauvais procès que je vous fais.

Qu’en est-il du fameux déficit structurel ? C’est dommage, Mme Berger n’est pas là, qui nous donnait des cours d’économie supérieure pour nous expliquer comment il fallait le recalculer. Quoi qu’il en soit, vous attendiez un taux très faible ; or il sera bien plus élevé que prévu.

S’agissant de l’explosion de la dette, à chaque fois que nous vous interrogions, vous nous demandiez combien de milliards d’euros de dette nous avions laissés. Quel passif laisserez-vous…

M. Alain Fauré. Bien moins que vous en tout cas !

M. Philippe Vigier. …lorsque nous vous succéderons en 2017 ?

La croissance ? Qui a pu croire en cette bonne étoile, l’étoile de Mme Berger (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

M. Michel Vergnier. C’est une histoire d’amour qui commence !

M. Bruno Le Roux. Il a besoin de vacances !

M. Philippe Vigier. …laquelle nous expliquait en 2012 qu’il y aurait 1 % de croissance en 2013 ? Or voici qu’en 2014, alors que vous attendiez 1 %, ce sera probablement 0,7 %. Je souhaite que la croissance soit la plus forte possible pour mon pays, car, sinon, on sait le cortège de difficultés économiques que cela représente.

Je ne parle même pas de l’explosion du chômage. On allait tout régler, la courbe allait s’inverser, la boîte à outils était efficace. Résultat : il y a 400 000 chômeurs de plus. Cette politique nous a vraiment menés dans le mur.

M. Dominique Baert. Regardez ce qu’a fait Fillon !

M. Philippe Vigier. Et la compétitivité des entreprises ? Là, il y a une conversion, je le reconnais, monsieur Baert. Il y a deux ans, les entreprises étaient les ennemies de l’emploi ; maintenant, vous avez compris,…

M. Charles de Courson. On progresse !

M. Philippe Vigier. …vous, car ce n’est pas le cas d’une partie de vos amis, que, sans compétitivité, il n’y aurait pas de croissance et que, sans croissance, il n’y aurait pas d’emplois.

M. Michel Vergnier. Que dit Mme Berger ?

M. Philippe Vigier. Je me souviens d’ailleurs des propos de notre secrétaire d’État chargé du budget, ancien rapporteur général, sur le CICE. Il était très dubitatif lorsqu’il parlait de son application.

M. Nicolas Sansu. Il avait raison !

M. Philippe Vigier. En revanche, ce projet de loi de finances rectificative a permis de tordre le cou définitivement à un concept de gauche, à savoir l’idée selon laquelle plus de dépenses publiques, c’est plus d’efficacité économique.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cela ne marche pas !

M. Philippe Vigier. C’est Michel Sapin – ce n’est pas n’importe qui, puisqu’il est ministre des finances – qui l’a reconnu lui-même.

Je ne parle même pas des prélèvements obligatoires, dont le montant a explosé. Vous savez, les Français ont en mémoire la phrase de Jean-Marc Ayrault : neuf Français sur dix ne paieront pas plus d’impôts. Au final, avec toutes les mesures que vous avez prises, ce sont neuf Français sur dix qui ont payé plus d’impôts.

M. Charles de Courson. C’est vrai !

M. Nicolas Sansu. Voire dix sur dix, avec la hausse de la TVA !

M. Philippe Vigier. Les élections municipales vous l’ont rappelé douloureusement.

Je passerai sous silence le gel du barème, l’abaissement du quotient familial – il y aurait là toute une litanie de mesures sur lesquelles je ne reviendrai pas étant donné que nous terminons notre débat budgétaire.

Derrière tout cela, il y a l’effondrement du pouvoir d’achat. S’il a baissé de pratiquement 1 % en 2013,…

M. Charles de Courson. En moyenne !

M. Philippe Vigier. …ce n’est que la conséquence de votre politique économique et financière. Comme vous avez enfin reconnu, dans la Creuse, que, sans compétitivité des entreprises, il n’y avait pas d’emploi, cela vous a amenés naturellement à vos propositions sur le pacte de responsabilité et le pacte de stabilité.

La pause fiscale, je vous le dis aujourd’hui avant que vous ne partiez en vacances, il n’y en aura pas en 2014 pour les classes moyennes, qui paieront 4,5 milliards d’euros en plus. Le geste que vous faites pour les plus modestes avec ce projet de loi de finances rectificative – les fameux 350 euros pour une personne seule ou 700 euros pour un couple –, les classes moyennes n’en bénéficieront pas, bien au contraire. Elles paieront encore plus d’impôts.

Il y a eu des péchés initiaux, des péchés originels.

M. Charles de Courson. Et même capitaux !

M. Philippe Vigier. Il y a d’abord, évidemment, la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires. Vous en paierez la facture jusqu’à la fin de la législature.

Il y a ensuite la suppression de la TVA compétitivité. Cela représentait une baisse des charges de 13 milliards d’euros pour les entreprises, qui devait entrer en application au 1er octobre 2012. Si vous l’aviez mise en place, les charges des entreprises auraient baissé de 30 milliards, alors que votre pacte de responsabilité démarre le 1er janvier 2015. Vous en paierez durement les conséquences…

M. Dominique Baert. C’est hors sujet !

M. Philippe Vigier. …parce que l’emploi continuera de se dégrader dans ce pays.

M. Jean-Frédéric Poisson. Tout à fait !

M. Philippe Vigier. À l’UDI, nous disons donc des choses simples.

D’abord, il faut être sérieux et responsable, comme dirait mon ami Charles de Courson, c’est-à-dire diminuer les dépenses publiques,…

M. Michel Vergnier. Combien ?

M. Philippe Vigier. …et, pour cela, faire des réformes structurelles que vous vous êtes toujours refusé à faire.

M. Luc Belot. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

M. Philippe Vigier. Je pense aux retraites, à la réforme des collectivités territoriales,…

M. Michel Vergnier. C’est pour cela que vous venez de voter contre ?

M. Philippe Vigier. …ou encore à la réforme de l’État.

M. Luc Belot. Que ne l’avez-vous fait ?

M. Philippe Vigier. Je pense à l’évolution des effectifs dans la fonction publique. Vous savez, les Français savent lire. Lorsque vous leur affirmez que le nombre de fonctionnaires est stabilisé, ils savent très bien que ce n’est plus le cas, quand bien même il y aurait eu 17 000 fonctionnaires de moins en 2013 que l’année d’avant. Vous n’avez même pas tenu l’engagement de maintenir le niveau des dépenses publiques dans la fonction publique.

Pourtant, lorsque le pacte de responsabilité et le pacte de solidarité sont arrivés, nous les avons accueillis avec bienveillance, parce que c’est une exigence d’améliorer le pouvoir d’achat et la compétitivité. Malheureusement, nous ne vous faisons pas confiance parce que – vous le savez vous-mêmes et la Cour des comptes vous l’a dit – la diminution de 50 milliards d’euros des dépenses ne sera pas au rendez-vous. Au mieux, il y en aura 20 ou 25 ; je vous donne rendez-vous à l’automne.

Nous voterons donc naturellement contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La discussion générale est close.

Texte adopté par l’Assemblée nationale

en nouvelle lecture

M. le président. J’appelle maintenant, conformément à l’article 114, alinéa 3, du règlement, le projet de loi de finances rectificative pour 2014 dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

5

Règlement du budget et approbation des comptes de l’année 2013

Lecture définitive

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en lecture définitive du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013 (no2177, 2180.)

Présentation

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs, avant de vous parler du projet de loi de règlement, je voudrais remercier l’ensemble de ceux qui ont permis, par leur vote, que soit adopté le projet de loi de finances rectificative. On nous annonçait de nombreux avatars sur ce texte, de nombreuses difficultés.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il y en a tout de même eu !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il y a eu un dialogue, parfois des moments de doute pour les uns, de certitude pour d’autres ; c’est la loi du débat parlementaire. Après ces longues heures de séance, je tiens à vous remercier pour la qualité de nos échanges, sur tous les bancs et pour la grande courtoisie qui a présidé à l’ensemble de nos discussions.

M. Dominique Baert. Sans oublier les présidents !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le projet de loi de règlement a pour objet de constater les résultats de l’exécution, tels qu’ils ressortent de la comptabilité budgétaire et de la comptabilité générale de l’État.

Le premier enseignement de l’année 2013 est la maîtrise de la dépense, nonobstant ce que j’ai entendu tout à l’heure : quel que soit le champ de dépense retenu, les résultats de l’exécution sont positifs en matière de maîtrise des charges publiques.

La dépense sous norme en valeur du budget de l’État a été inférieure de 144 millions d’euros à l’autorisation votée par le Parlement. C’est suffisamment rare pour être souligné.

La dépense globale de l’État a été maîtrisée et, dans le même temps, nos priorités ont été financées : je rappellerai, par exemple, les créations de postes dans les ministères prioritaires, à l’éducation nationale, dans la justice ou encore parmi les forces de sécurité présentes sur le terrain, ainsi que la mise en œuvre du plan de lutte contre la pauvreté.

La dépense d’assurance maladie, on ne le dit pas assez, a été inférieure de 1,4 milliard d’euros à l’objectif fixé par la loi de financement de la Sécurité sociale. Là aussi, c’est suffisamment rare pour être signalé.

La dépense publique dans son ensemble a augmenté, en valeur, de seulement 2 %. C’est le plus bas niveau depuis 1998.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est beaucoup quand même !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons réduit, en 2013, de plus d’un tiers le rythme de croissance de la dépense par rapport à celui constaté sous la dernière législature, qui était de 3,1 % par an en valeur.

Nous avons donc enregistré des résultats en matière de maîtrise de la dépense. C’est la preuve que l’on peut faire montre de sérieux dans la gestion de l’argent public, sans pour autant remettre en cause notre service public ni notre modèle social.

Sur les recettes, le principal objet de nos débats aura porté sur les écarts entre prévision et exécution. On constate en effet un écart important de 14,6 milliards d’euros entre la prévision et l’exécution des recettes fiscales du budget de l’État. Les écarts entre prévision et exécution concernent plus généralement l’ensemble des ressources publiques et expliquent la plus grande part de l’écart entre prévision et réalisation du déficit.

Nous connaissons les facteurs d’explication de ces moins-values fiscales : c’est la moindre croissance de l’activité économique – 0,3 %, contre 0,8 % prévu en loi de finances initiale – ; c’est aussi et surtout l’élasticité des recettes qui a été nettement inférieure à l’unité – nous évaluons le coefficient à 0,2 – et qui explique à elle seule une dégradation de 0,5 % du PIB.

Si l’on regarde en détail l’évolution des prélèvements en 2013, on constate que deux impôts expliquent la faiblesse de leur progression : l’impôt sur les sociétés, en raison notamment de la chute du bénéfice fiscal des sociétés financières et la TVA, en raison de la faiblesse de l’investissement des ménages, due en grande partie à la faiblesse de la construction immobilière.

Cette faible élasticité des prélèvements en 2013 est donc liée à deux secteurs de l’économie spécifiques. Ces deux secteurs sont cycliques et les moindres prélèvements qu’ils ont induits en 2013 le sont également.

J’insisterai, enfin, sur la sincérité des prévisions de recettes fiscales pour 2013. L’article 32 de la LOLF dispose en effet que la sincérité s’apprécie « compte tenu des informations disponibles ». Ce n’est donc pas au regard de l’importance de l’écart entre prévision et exécution que l’on apprécie la sincérité d’un budget. Sans quoi la LFI pour 2009, avec un écart de 45,2 milliards d’euros entre prévision et exécution, eût été sans doute la plus insincère de l’histoire.

M. Alain Fauré. Eh oui ! C’est énorme !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La sincérité s’apprécie au regard des informations disponibles à un instant t et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler. De ce point de vue, la LFI pour 2013 comme la LFR de fin d’année 2013 étaient bien conformes au principe de sincérité, ainsi que l’a d’ailleurs estimé le Conseil constitutionnel.

J’ai bien compris, mesdames et messieurs les députés, votre impatience d’approuver la loi de règlement – en particulier la vôtre, monsieur le président de la commission – et je m’en tiendrai donc là. (Sourires.) Tels étaient les principaux éléments que je souhaitais rappeler à votre assemblée au moment où elle va se prononcer sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRCsur certains bancs du groupe RRDP.)

M. Dominique Baert. Tout est dit !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Cette loi de règlement, comme vient de le rappeler M. le secrétaire d’État, est une loi de constatation de l’exercice 2013, avec deux grands messages : d’une part, un encadrement très sérieux des dépenses publiques, notamment avec une sous-exécution sur le budget de l’État, puisqu’il y a eu en 2013 une baisse des dépenses publiques par rapport à 2012, et, d’autre part, l’écart entre la loi de finances pour 2013 et son exécution.

Lors de sa séance du 22 juillet, hier, le Sénat a rejeté, en nouvelle lecture, le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013, alors que – je me permets de le rappeler –, il avait adopté conformes l’ensemble des articles.

M. Dominique Baert. Quelle cohérence !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l’article 45 de la Constitution, l’Assemblée nationale est donc saisie par le Gouvernement d’une demande tendant à ce qu’elle statue définitivement sur ce projet de loi. La commission mixte paritaire n’ayant pu parvenir à l’adoption d’un texte commun, l’Assemblée nationale doit se prononcer sur le texte qu’elle a voté en nouvelle lecture et qui est strictement identique, pour le coup, à celui adopté en première lecture.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bravo !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Dans ces conditions, et en application du troisième alinéa de l’article 114 du Règlement, la commission des finances a adopté définitivement le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. Je vous invite à faire de même.

J’en profite pour remercier de nouveau l’ensemble des équipes de la commission des finances, notamment ses administrateurs, pour leurs analyses et leur soutien. Je pense, mes chers collègues, qu’ils méritent vos applaudissements. (Applaudissements sur divers bancs.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Fauré.

M. Alain Fauré. Monsieur le président, monsieur le ministre, j’ai écouté l’intervention de M. Mariton sur le texte précédent et il y a des moments où je suis un peu surpris. Je me demande si des consultations pour amnésie avérée ne s’imposent pas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Véronique Louwagie. Il n’est plus là !

M. Alain Fauré. Ce seront les seuls chiffres que je donnerai, pour permettre des comparaisons et fixer des étapes. Quand je le fais, croyez-moi, ce n’est pas de gaîté de cœur. J’aurais aimé que ces chiffres ne soient pas vrais. Hélas, ils le sont ; je ne raconte pas d’histoires.

Premiers chiffres : 5,7 % du PIB pour le déficit en 2009, 7 % en 2010, 5,2 % en 2011. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Monsieur Poisson, quand vous-même montez à la tribune, vous ne nous épargnez pas. Si nous pouvions être plus raisonnables, reconnaître que nous sommes face à une crise internationale difficile,…(« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous le reconnaissez enfin !

M. Alain Fauré. …si nous pouvions, vous comme nous, travailler de manière beaucoup plus posée, au lieu de nous invectiver, comme vous le faites régulièrement.

Le taux de chômage est aujourd’hui à un niveau jamais atteint. Les dépenses connaissaient une augmentation infernale depuis plusieurs années. Reconnaissez que nous avons diminué la cadence de cette augmentation.

Mme Véronique Louwagie. Vous n’avez pas inversé la courbe du chômage !

M. Alain Fauré. C’est peut-être difficile à entendre pour vous, mais c’est une réalité.

La réduction des dépenses est, d’une année à l’autre, de 12,3 milliards d’euros. Les dépenses du budget de la Sécurité sociale diminuent également de 1,3 milliard d’euros. Dans le cadre du budget 2013, nous avons mis en place le CICE afin de rendre de la compétitivité aux entreprises : ce sont des recettes en moins mais cela permettra aux entreprises de se redresser. Nous avons mis tout cela en place et nous le faisons avec sérieux.

Je ne suis pas d’accord avec les propos de M. Mariton tout à l’heure ; ils étaient exagérés. Je regrette également que nous ne soyons pas plus nombreux dans l’hémicycle cet après-midi pour nous préoccuper des comptes de la nation, car c’est le plus important pour nous tous. C’est fort regrettable.

La sincérité des comptes, que M. le secrétaire d’État a soulignée, est un autre point fort. Seuls trois points, de mémoire, étaient sujet à précision, alors qu’il y en avait six en 2011, dans le projet de loi de règlement présenté par la précédente majorité.

La réduction des remboursements de la dette, à hauteur de 1,4 milliard d’euros, est due, c’est vrai, à une bonne maîtrise des taux d’intérêt, mais la faiblesse de ces taux est aussi la preuve de la confiance qu’inspire notre façon de tenir les comptes de la nation. Il vous faut bien le reconnaître.

J’appelle tout le monde, sur les différents bancs, à voter pour le présent projet de loi de règlement budgétaire pour 2013, de manière que nous puissions clôturer cette année 2013 posément et non en s’invectivant, comme ont pu le faire plus tôt certains orateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous voici de retour dans l’hémicycle pour la lecture définitive du projet de loi de règlement des comptes de l’année 2013. Lors de l’examen en nouvelle lecture, lundi, j’ai eu l’occasion de rappeler quelques données de l’exécution 2013 dont le Gouvernement ne devrait pas se satisfaire.

Madame la rapporteure générale, vous avez parlé de constatation ; oui, mais au-delà de la constatation, je dirais que c’est l’heure de vérité, c’est l’heure où les chiffres parlent.

Le déficit de l’État, tout d’abord : il atteint presque 75 milliards d’euros et a dérapé de plus de 12 milliards d’euros par rapport à ce qui était prévu dans la loi de finances initiale, c’est-à-dire par rapport à ce que le Parlement a voté.

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh oui !

Mme Véronique Louwagie. Vous avez parlé, monsieur le secrétaire d’État, de résultats positifs, avec une maîtrise des dépenses et un sérieux de la gestion de l’argent public. Permettez-moi d’émettre des doutes sur vos propos.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

Mme Véronique Louwagie. Les dépenses publiques sont passées de 56,9 % du PIB en 2012 à 57,4 % en 2013, soit un niveau record. Les chiffres parlent ! Dans ces conditions, la dette a continué d’augmenter de plus de 71 milliards d’euros en un an, soit plus 3,1 points, pour atteindre un niveau historique de 94,1 % du PIB à la fin de 2013, c’est-à-dire 1 457 milliards d’euros.

Vous avez également parlé, monsieur le secrétaire d’État, de réduction de l’évolution des dépenses. Or si les dépenses n’ont pas progressé comme prévu, c’est uniquement en raison de la faiblesse des taux d’intérêt, qui a permis de diminuer la charge de la dette et de contenir les dépenses.

M. Guy Geoffroy. Évidemment !

Mme Véronique Louwagie. Mais les hausses d’impôts ont rapporté deux fois moins que prévu, puisque les recettes fiscales sont inférieures de 14,5 milliards d’euros à ce qui avait été voté en loi de finances initiale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce n’est pas vrai ! Regardez le tableau qui figure dans le rapport !

Mme Véronique Louwagie. Vous avez évoqué une croissance de 0,3 % au lieu de 0,8 %. Il faut se poser une vraie question sur cette situation : diminution des recettes d’IS du fait des faibles résultats de nos entreprises, diminution des recettes de TVA en raison du faible investissement des ménages dû à une diminution de la construction immobilière. Tout cela est le résultat de deux années de matraquage fiscal que nous n’avons cessé de dénoncer. Trop d’impôt tue l’impôt.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. François André. Vous venez de démontrer le contraire !

Mme Véronique Louwagie. Le 13 mai dernier, M. le Premier ministre, en répondant à une question d’actualité, a tenu les propos suivants : « Le niveau des prélèvements obligatoires dans notre pays est devenu insupportable. La hausse de la fiscalité de ces dernières années est elle-même devenue insupportable. » En effet, depuis 2012, la fiscalité sur les entreprises et les ménages a augmenté de 30 milliards d’euros.

De plus, l’écart entre l’objectif fixé dans la loi de programmation des finances publiques et le déficit constaté en 2013 correspond à 1,3 point de PIB, soit plus de 25 milliards d’euros. Ce résultat est essentiellement dû à des recettes moindres que celles espérées dans la loi de programmation. Voilà un indicateur supplémentaire montrant que l’impôt semble entrer dans une zone de rendement décroissant. Comme je le rappelais en nouvelle lecture, la stabilisation de notre dette semble être un objectif de plus en plus lointain. Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous interroger sur nos capacités de financement dans les années qui viennent.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est sûr !

Mme Véronique Louwagie. Cette capacité ne peut, hélas, que se dégrader alors que l’encours des emprunts à rembourser, qui est aujourd’hui de 104 milliards d’euros, atteindra 144 milliards d’euros en 2015. Cela nous place dans une situation de dépendance dangereuse vis-à-vis des marchés financiers et de nos créanciers étrangers, puisqu’une remontée des taux d’intérêt peut nous placer demain ou après-demain dans une situation financière très difficile.

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh oui !

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le secrétaire d’État, nous ne sommes pas les seuls à vous alerter. Les Français ont subi de plein fouet les augmentations d’impôts, en particulier les classes moyennes et les retraités. La Cour des comptes pose d’ailleurs la question de la sincérité des prévisions du Gouvernement ; et aujourd’hui les chiffres de l’exécution parlent d’eux-mêmes. L’absence de financement des mesures du pacte de responsabilité présenté dans le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, liée à la non-documentation des économies proposées par le Gouvernement, malgré nos multiples interventions et nos multiples demandes, démontre que celui-ci a fait, hélas, le choix de la dérive de nos déficits et de notre endettement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

Mme Véronique Louwagie. L’exécutif 2013, totalement sous la responsabilité socialiste – c’est important de le relever –, marque, avec son dérapage budgétaire massif par rapport à la prévision, une véritable rupture avec les années précédentes. Nous serons, sans aucun doute, au-dessus des 4 % de déficit à la fin de l’année. Plus que jamais, la marche des 3 % semble aujourd’hui bien haute ! C’est pourquoi le groupe UMP s’opposera de nouveau à ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à quoi sert le vote de la loi de règlement ?

M. Michel Issindou. Bonne question. Vous avez sans doute la réponse, j’imagine.

M. Dominique Baert. Faut-il ces angoisses existentielles en troisième lecture ?

M. Charles de Courson. Hélas, à pas grand-chose ! Pourquoi ? Vous êtes-vous déjà posé cette question toute simple : que se passe-t-il si nous votons contre ?

M. Jean-Luc Laurent. Il n’y a que vous qui vous la posez !

M. Charles de Courson. Rien ! Simplement, le déficit ne pourra pas être reporté dans le déficit général de l’État.

M. Dominique Baert. C’est presque une bonne nouvelle !

M. Charles de Courson. Dans l’histoire de la nation française, cela est arrivé une fois, au XIXsiècle. Aucune conséquence.

Mais l’approbation de la loi de règlement pourrait au moins avoir une utilité, celle de réfléchir un peu à…

M. Alain Fauré. L’avenir !

M. Charles de Courson. Pas seulement à l’avenir, mais à ce qui s’est passé, aux écarts qui apparaissent et aux conséquences que l’on peut en tirer.

D’abord, tous les indicateurs sont au rouge. La croissance, comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, n’a été que de 0,3 % en 2013, alors que vous aviez espéré 0,8 %. Souvenez-vous de ce que vous avait dit le groupe UDI ! Un tel chiffre n’était pas raisonnable ! Il fallait envisager une toute petite croissance, et tant mieux si elle était finalement supérieure, mais il ne fallait pas s’illusionner comme cela a été fait, non par vous, monsieur le secrétaire d’État, mais par tant de gouvernements, qui ont toujours expliqué que la croissance résoudrait nos problèmes. Le chômage est en hausse et le pouvoir d’achat en baisse. C’est la première fois depuis plus de vingt ans que le pouvoir d’achat a baissé, par ménage, de 1,5 % en 2013 !

M. Michel Issindou. Il fallait solder l’ardoise !

M. Guy Geoffroy. Vous, vous l’allongez !

M. Charles de Courson. Je n’aurai pas l’impudence de rappeler les promesses du candidat François Hollande et son engagement n9, qui était de réduire les déficits publics à 3 % dès 2013. Comme vous le savez, nous sommes loin du compte, puisque nous sommes 1,2 point au-dessus. Vous avez essayé d’obtenir deux ans de prolongation pour atteindre cet objectif et l’Union européenne vous a accordé un report jusqu’à 2015. Mais même cet objectif différé, vous ne l’atteindrez pas.

M. Guy Geoffroy. Ni même en 2017 !

M. Alain Fauré. Avec tout ce que vous nous aviez laissé sur le tapis, ce n’était pas facile !

M. Jean-Luc Laurent. Ce n’est pas la fin du monde !

M. Charles de Courson. Nous en rediscuterons dès l’automne.

Contrairement à ce que vous dites souvent, monsieur le secrétaire d’État, les déficits se réduisent globalement peu. Voyez les chiffres : 12,9 milliards d’euros de déficit pour la Sécurité sociale en 2011 ; 12,8 milliards en 2012 ; 12,5 milliards en 2013. C’est étale.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est ce que vous appelez un dérapage !

M. Charles de Courson. Je ne dis pas que c’est un dérapage, je dis qu’il n’y a pas de réduction du déficit des organismes de Sécurité sociale en 2013. Il est stable au cours des trois dernières années. Par contre, il y a un point que personne n’a soulevé dans le débat :…

M. Dominique Baert. Personne sauf vous, bien sûr. Cela ne m’étonne pas.

M. Charles de Courson. …la dérive des collectivités territoriales.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je l’ai fait au Sénat !

M. Charles de Courson. C’est dommage que vous ne l’ayez pas rappelée ici, monsieur le secrétaire d’État ! Je vous donne les chiffres. En 2011, un quasi-équilibre, avec 0,7 milliard d’euros de déficit, autant dire rien. En 2012, 3,7 milliards d’euros de déficit ; en 2013, 9,2 milliards ! Il y a donc une stabilité du déficit des organismes de protection sociale, mais l’apparition d’un déficit croissant des collectivités territoriales. Le déficit de l’État et des ODAC, pour faire simple, baisse, mais à un rythme qui n’est pas très différent de ce que l’on a constaté les années précédentes. Nous étions passés de 110,8 milliards d’euros en 2010 à 91,2 milliards en 2011, soit une réduction importante au cours de la dernière année dont nous assumons l’entière responsabilité.

M. François André. Vous partiez de haut !

M. Charles de Courson. La réduction du déficit, cette année-là, a été de 19,6 milliards. Elle n’a été que de 6 milliards en 2012, puisque le déficit s’est élevé à 85,2 milliards. Cette année, la réduction est de 17,3 milliards. Cette baisse du déficit de l’État et des ODAC est amputée, à hauteur de la moitié, par l’augmentation du déficit des collectivités territoriales.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Plutôt un tiers !

M. Charles de Courson. Disons un gros tiers, puisque le déficit des collectivités territoriales passe de 3 à 9 milliards, soit une augmentation de 6 milliards, alors que l’on réduit de 17 milliards le déficit de l’État. Cela devrait nous inciter à réfléchir, monsieur le secrétaire d’État, aux mesures pour 2015 !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ce n’est tout de même pas le même déficit. Pour les collectivités territoriales, il s’explique par les dépenses d’investissement.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, les finances des collectivités territoriales dérivent !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est très lié au cycle électoral.

M. Dominique Baert. Même Gilles Carrez n’est pas d’accord !

M. Charles de Courson. Or l’engagement pris par la France concerne la somme des trois déficits, celui de l’État, celui de la Sécurité sociale et celui des collectivités, et non pas un seul d’entre eux.

Quant au montant de la dette, qui est la conséquence du déficit public, nous en sommes, à la fin de l’année 2013, à 1 940 milliards d’euros, soit presque 92 % de notre PIB. D’où vient, monsieur le secrétaire d’État, la hausse de la dette publique ? L’État et les ODAC expliquent 92 % de la hausse. La dette des collectivités territoriales connaît une augmentation qui n’est pas tout à fait négligeable, de 6 milliards d’euros – elle s’élève à 182 milliards –, mais cela reste très faible au regard de la masse de la dette de l’État.

M. François André. En ce cas, il ne faut pas parler de dérive !

M. Charles de Courson. Quant à la Sécurité sociale, on constate une très légère hausse de la dette dite sociale, qui est en réalité une dette de l’État comme chacun sait.

Sur le front des recettes, vous nous expliquez, monsieur le secrétaire d’État, que les 15 milliards d’euros de moins-value fiscale par rapport aux prévisions en loi de finances initiale sont dus un peu à une moindre croissance et beaucoup à une chute du taux d’élasticité. Mais parler d’élasticité n’explique en rien le phénomène, c’est un constat a posteriori ! Le problème est celui-ci : pourquoi l’élasticité a été beaucoup plus faible que ce que vous aviez prévu ? L’opposition vous le dit, notamment le groupe UDI : vos excès fiscaux ont entraîné une modification du comportement des agents économiques.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

Mme Véronique Louwagie. Tout à fait !

M. Philippe Vigier. Vous avez raison !

M. Charles de Courson. S’agissant de l’impôt sur les sociétés, sa chute très forte n’est pas seulement liée, comme vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, à la chute des bénéfices des banques ; elle est aussi liée à l’optimisation qui a été déclenchée dans toutes les entreprises internationalisées. Après avoir porté le taux d’imposition à 38 %, soit le taux le plus élevé d’Europe, il ne faut pas s’étonner si les responsables financiers et fiscaux des grands groupes font de l’optimisation fiscale !J’ai rencontré récemment un vieil ami, qui est le responsable financier d’un grand groupe.

M. François André. Vous nous l’avez déjà dit !

M. Charles de Courson. Je l’ai interrogé sur les effets de cette augmentation du taux à 38 %. Il m’a répondu : « Ce n’est pas un problème pour nous. Vous pouvez même le porter jusqu’à 50 %, ce n’est pas un problème. Nous ne faisons plus un sou de bénéfice en France ».

M. Nicolas Sansu. C’est M. Gattaz ?

M. Charles de Courson. Non, ce n’est pas M. Gattaz.

M. Nicolas Sansu. Ah bon. Je croyais qu’il s’agissait de Radiall.

M. François André. Il faut changer d’amis, monsieur de Courson !

M. Alain Fauré. Soyez plus précis ! Donnez-nous le nom !

M. Charles de Courson. Le siège de la société est au Luxembourg. Nous avons d’ailleurs, à la commission des finances, constitué une mission d’information sur le problème de la délocalisation, non pas seulement des personnes physiques, mais aussi, ce qui est beaucoup plus important, des sièges des grandes sociétés, à des fins d’optimisation fiscale.

Deuxièmement, comment expliquer la chute des recettes de la TVA par rapport à l’estimation qui avait été faite ? Ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d’État, qu’il est en train de se développer dans notre pays des substitutions ? On appelle cela, pudiquement, « l’économie alternative ». C’est gentil !

Mme Véronique Louwagie. C’est poétique !

M. Éric Alauzet. C’est l’économie collaborative, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson. Je veux parler du troc, ou encore du travail au noir. La chute de l’emploi à domicile, par exemple, traduit pour partie une chute réelle, mais pour partie également un retour du travail au noir, suite aux mesures hélas totalement inadaptées que vous avez prises. Vous avez d’ailleurs partiellement reconnu cela, il y a quelques jours, puisque vous avez doublé le crédit d’impôt, ce dont je vous félicite, même si vous auriez dû aller encore un peu plus loin. C’est un ensemble de phénomènes qui expliquent la chute des recettes de TVA et non pas ce qu’on nous a dit pendant longtemps et qui est absolument inexact, à savoir une évolution de la structure de la consommation entre les différents taux.

S’agissant de l’impôt sur le revenu, dont les prévisions de recettes sont traditionnellement estimées avec beaucoup de précision, nous retrouvons une fois de plus des phénomènes d’optimisation, notamment sur la dépense fiscale.

Troisième et dernier point, je voudrais vous parler du problème des dépenses. Globalement, comment évoluent les dépenses publiques ? Je parle bien de la dépense globale : celle de l’État, celle de la Sécurité sociale, celle des collectivités territoriales. En 2013, le total s’est élevé à 1 208 milliards d’euros. En 2012, c’était 1 185 milliards d’euros. C’est donc une augmentation de 23 milliards, soit de 1,9 %. En 2012, l’augmentation avait été de 33 milliards d’euros, soit 2,9 %, mais en 2011, elle n’avait été que de 24 milliards, soit à peu près autant que cette année. Monsieur le secrétaire d’État, cela pose un vrai problème : vous n’êtes pas assez rigoureux ! Le groupe UDI ne cesse de vous le dire !

M. Dominique Baert. Mais il n’a jamais géré le budget, le groupe UDI !

M. Charles de Courson. Du courage, encore du courage ! Mais avez-vous la majorité de votre politique, monsieur le secrétaire d’État ? Je pense que non. Et d’ailleurs, on voit bien des tiraillements…

M. Alain Fauré. Gérez les tiraillements au sein du groupe UDI ! Ne vous occupez pas du groupe SRC !

M. Charles de Courson. Mes chers collègues de la majorité, ce que vous avez vu en 2014 n’est rien par rapport à ce que vous verrez en 2015 ! Y aura-t-il encore une majorité pour voter le budget 2015 ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous le saurons cet automne.

En conclusion, nous voterons contre cette loi de règlement, même si je vous ai expliqué que cela n’avait aucune portée, pour montrer qu’il faut encore beaucoup progresser, monsieur le secrétaire d’État,…

M. Alain Fauré. Oui, professeur !

M. Charles de Courson. …dans la connaissance de l’origine de la chute des recettes et vers une plus forte réduction de la dépense, sans laquelle nous serons bientôt mis sous le contrôle de l’Union européenne, pour non-respect de nos engagements internationaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, je n’utiliserai qu’une partie du temps qui m’est imparti, pas seulement parce que nous avons tout dit, puisque nous sommes en troisième lecture, ou parce que je vous sais impatients de voir vos souffrances abrégées, mais parce que je veux concentrer mon propos sur une seule idée et y insister particulièrement.

M. Charles de Courson. Dans un souci écologique !

M. Éric Alauzet. Quel enseignement principal doit-on tirer de la loi de règlement 2013, dans la suite de celle de 2012 et en anticipant celle de 2014, pour préparer le budget 2015 ?

M. Éric Alauzet, rapporteur spécial. L’enseignement principal est le suivant : nous peinons à équilibrer le budget et à réaliser nos objectifs de rééquilibrage des comptes publics, et singulièrement de réduction des déficits. Nous n’avons réalisé que la moitié du chemin, soit environ 10 milliards de réductions de déficit, au lieu des 20 milliards programmés pour 2013, avec un déficit à 4,3 % au lieu de 3,8 %, pour une référence à 4,9 % en 2013. Et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut malheureusement prévoir le même scénario pour 2014, où nous serions également à mi-chemin, peut-être à 4 % de déficit, entre la prévision à 3,6 % et la référence 2013 à 4,3 %. Nous en connaissons les raisons : une dynamique économique et une confiance en berne, qui réduisent les recettes fiscales.

Du coup, nous sommes contraints d’accroître encore la baisse des dépenses, au risque de créer un cercle vicieux d’assèchement de l’économie. Je vous renvoie au PLFR et au PLFRSS en discussion aujourd’hui même dans notre hémicycle, dans lesquels nous ajoutons plusieurs milliards de réductions de dépenses. Nous connaissons les risques : chutes de l’investissement public, notamment au niveau des collectivités locales et des territoires, mais aussi des programmes d’avenir, et réduction de l’action et de l’emploi publics. On ne peut plus continuer ainsi et, je le dis solennellement, on ne peut plus continuer à faire peser tout l’effort sur la dépense publique. Je vous exhorte, monsieur le secrétaire d’État, à trouver d’autres voies.

D’autres voies pour augmenter les recettes et ne pas effondrer l’action publique, d’autres voies pour trouver des économies de dépenses moins douloureuses. Il ne faut pas oublier que les États européens qui ont fait un effort comparable à celui qui est encore devant nous, à savoir les 50 milliards d’économie et une réduction du déficit à 3 % du PIB, l’ont fait dans un contexte plus favorable, hors crise.

Du côté des recettes, tout d’abord, il n’y a qu’une voie pour les augmenter sans augmenter les impôts, et peut-être même en les diminuant : c’est de restaurer l’assiette fiscale, minée par les niches fiscales, et notamment le déplacement des sièges ou des fonctions de services des grandes entreprises dans les pays à faible fiscalité. Ces comportements sont abusifs et totalement intolérables, car l’échappement à l’impôt fait peser la charge sur les autres entreprises et sur les ménages, ce qui cause la dépression économique.

Le président Obama ne vient-il pas de lancer l’offensive contre les comportements dont il estime qu’ils seront responsables d’une perte fiscale supplémentaire de 20 milliards aux États-Unis si l’on ne fait rien ? Un certain nombre d’entraves à ces comportements sont en préparation. Si l’Europe, l’OCDE et les États-Unis sont à l’œuvre, la France doit accélérer, car il y a urgence. Nous savons que les obstacles sont principalement juridiques – ce sont du moins ceux qui nous sont le plus souvent opposés. J’espère qu’ils ne cachent pas des réserves politiques ou, j’ose le mot, des connivences administratives.

M. Charles de Courson. Quelle horreur ! Serait-ce possible ?

M. Éric Alauzet, rapporteur spécial. C’est donc bien sur la question juridique qu’il faut travailler.

Il faut effectivement, et parallèlement, réduire les dépenses, mais pas n’importe où. La cible prioritaire est notre facture énergétique. Elle représente l’essentiel de notre déficit commercial. C’est donc bien la question de la transition énergétique qui est posée, pas comme un sujet parmi d’autres, mais comme la locomotive de nos investissements.

Les investissements en direction des économies d’énergie et des énergies renouvelables ne constituent donc pas un secteur parmi d’autres : ils doivent en constituer le cœur. Ces investissements, comme les moyens financiers, doivent être concentrés sur cette cible. Pourquoi dis-je cela ? Pour une raison simple, en lien avec le sujet même qui nous occupe, celui des finances publiques. L’énergie est en effet le seul secteur pour lequel on peut prévoir, avec un degré de certitude élevé, les échéances et le montant des économies réalisées, au point de caler la durée du prêt sur les temps de retour, et de financer les mensualités de remboursement de l’emprunt avec les économies d’énergie.

Si je dis cela, monsieur le secrétaire d’État, c’est pour montrer que les emprunts levés pour l’investissement peuvent effectivement ne pas être pris en compte dans le calcul de la dette, à la condition expresse de remplir cette exigence : faire des économies. Si ce n’est pas le cas, les investissements créeront des dépenses et de la dette. Les avantages sont nombreux. Ils concernent d’abord l’économie locale – ce sont la plupart du temps des investissements locaux –, et il faut donc préserver les investissements des collectivités locales et une partie des dotations aux collectivités locales. Un autre avantage est que l’économie d’énergie est diffuse et qu’elle concerne tous les agents économiques, aussi bien l’État que les collectivités locales et les ménages. Et elle peut, en ce sens, produire un mouvement, un allant, une grande cause nationale susceptible de remobiliser l’ensemble des Français, là où ils sont. Un dernier avantage est de contribuer à l’équilibre des comptes publics.

Je résume les deux pistes qui existent, monsieur le secrétaire d’État. La première consiste à augmenter les recettes en réduisant l’optimisation fiscale, en s’appuyant bien entendu sur l’Europe pour fixer une trajectoire d’extinction de l’évasion fiscale. La seconde consiste à réduire les dépenses en concentrant nos investissements dans la transition énergétique, et ce en s’appuyant, là aussi, sur un programme de grands travaux européens constitués d’une multitude de petits projets.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous examinons ici un projet de loi dont les neuf articles, incluant l’article liminaire, ont été adoptés sans modification par notre assemblée les 8 et 21 juillet. Le projet de loi de règlement des comptes de 2013 a en revanche été rejeté par deux fois au Sénat, bien qu’il ne s’agisse essentiellement que d’un constat comptable. Aussi, cette discussion générale tend à renouveler strictement nos propos concernant l’exécution des comptes de 2013, et ce pour la troisième fois consécutive. Il nous semble utile, en cette fin de session parlementaire, de faire avant tout une économie substantielle qui, je l’espère, sera appréciée sur tous les bancs, à savoir l’économie de notre parole, la discussion de fond ayant largement eu lieu à deux reprises dans notre hémicycle. De la même manière qu’en première et en nouvelle lecture, et pour les mêmes motifs, le groupe RRDP votera ce projet de loi.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Bravo, monsieur Giraud !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avec l’exemple de M. Giraud, vous avez la pression, monsieur Sansu ! (Sourires.)

M. Nicolas Sansu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, avec ce projet de loi de règlement, le Gouvernement met en avant que les efforts engagés en 2013 auront permis une meilleure maîtrise des dépenses publiques, une hausse des recettes d’un peu plus de 15 milliards d’euros et une réduction du déficit budgétaire d’environ 12 milliards d’euros. Cependant, cette réduction du déficit public est bien moindre qu’annoncée, puisque la loi de finances pour 2013 prévoyait un recul du déficit de plus de 24 milliards. Les recettes fiscales sont, de leur côté, inférieures de 14 milliards d’euros aux prévisions, comme cela a été annoncé par plusieurs de nos collègues.

Notre rapporteure générale, Mme Rabault, impute la forte baisse de la croissance spontanée des prélèvements obligatoires au ralentissement persistant de l’économie française.

M. Dominique Baert. Si elle l’a dit, c’est que c’est vrai !

M. Nicolas Sansu. Absolument ! Ce ralentissement persistant de l’économie, nous ne le devons pas seulement à une conjoncture internationale défavorable, à la croissance plus faible que prévue aux États-Unis, ou à l’absence de signes tangibles de reprise chez la plupart de nos voisins. Nous devons cette situation au fait que les États européens se sont tous engouffrés, depuis 2009, dans des politiques de rétablissement des finances publiques, dans une marche forcée vers l’austérité, alors que la demande mondiale s’est contractée.

M. Jean-Luc Laurent. C’est exact !

M. Nicolas Sansu. Les entreprises attendent, depuis, une reprise qui ne vient pas, tandis que l’Europe et la France misent sur une demande extérieure, en espérant que les entreprises trouveront à l’étranger les parts de marché qui leur manquent.

L’Observatoire français des conjonctures économiques, un grand organisme, indique que « l’absence de reprise durable au cours des six dernières années tranche singulièrement avec l’évolution du PIB observée après les diverses crises qui ont ponctué l’histoire de l’économie française. Les reprises passées ont en effet toujours, en environ six années, porté l’activité au moins 8 % au-dessus de son pic d’avant-crise », alors même que nous atteignons juste, au quatrième trimestre de 2014, le niveau de 2008. Cela tend une fois de plus à démontrer que, généralisée à toute l’Europe, la double politique de l’austérité et de l’offre, où chacun cherche à diminuer ses coûts pour être plus compétitif que son voisin, plombe la reprise, plutôt qu’elle ne la stimule. La diminution des coûts conduit à une baisse des revenus, qui conduit elle-même au recul de la demande, recul qui contraint à son tour les entreprises à baisser leur prix, ce qui diminue leurs marges. Et voilà le cercle vicieux duquel il faudrait bien sortir.

Le projet de loi de règlement pour 2013 devrait donc agir comme un signal sur cette absence de politique de demande, qui déprime la croissance et a pour conséquence le creusement des inégalités, la perte de substance économique et la hausse du chômage. Je veux revenir sur ce qu’a dit notre collègue Charles de Courson concernant l’augmentation du besoin de financement des collectivités territoriales, car les mesures qui sont annoncées pour 2015, 2016 et 2017, avec les baisses de dotations, vont ipso facto se traduire par un triple phénomène pour les collectivités locales. Il y a d’abord le risque d’une augmentation de la fiscalité locale – on peut ensuite pérorer sur la baisse de la fiscalité nationale. Vient ensuite la diminution de services publics locaux, pourtant indispensables à la population, et de l’investissement public local. Nous avons tous été saisis par un certain nombre d’entreprises locales, qui aujourd’hui craignent la baisse des dotations – à juste titre. Dernière conséquence, l’accroissement de l’endettement et le besoin de financement qui grandira.

En clair, l’examen des comptes de l’année 2013 devrait vous inviter, monsieur le secrétaire d’État, à réviser les hypothèses sur lesquelles se fonde la politique économique de la France. Les allégements en direction des entreprises, de surcroît sans contreparties, n’offrent aucune perspective de relance de l’activité, y compris sous l’angle de l’assainissement budgétaire. Ils ne compenseront pas les effets de l’austérité sur ces mêmes entreprises. Et, nous le savons, il y a également un travail à faire sur les recettes fiscales. Je rejoins le groupe écologiste qui, par la voix d’Éric Alauzet, a parlé de l’évasion et de l’optimisation fiscales, qui confinent bien souvent à la fraude fiscale.

Vous n’ignorez pas qu’un nombre croissant d’économistes, mais aussi d’élus et de citoyens de gauche, s’entend aujourd’hui à considérer que vous faites fausse route, monsieur le secrétaire d’État, et que l’avenir de la gauche passe par une politique d’investissement social, d’investissement écologique, d’investissement dans la formation, de soutien à l’investissement public, notamment des collectivités territoriales. Ce n’est malheureusement pas la voie que vous avez choisie pour 2013, comme nous le voyons dans ce projet de loi de règlement ; ce n’est pas la voie qui a été choisie pour 2014, et j’ai bien peur que ce ne soit pas celle qui soit choisie pour 2015. Nous ne voterons pas ce projet de loi de règlement.

M. Philippe Vigier. C’est le front du refus !

M. le président. La discussion générale est close.

Texte adopté par l’Assemblée nationale

en nouvelle lecture

M. le président. J’appelle maintenant, conformément à l’article 114, alinéa 3, du règlement, le projet de loi dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)

6

Projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014

Lecture définitive

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 (nos 2174, 2178).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les députés, vous êtes appelés ce soir à vous prononcer en lecture définitive sur ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, au terme d’un parcours législatif très dense, puisqu’il s’est déroulé dans des délais très contraints : le texte avait été présenté en conseil des ministres et en commission des affaires sociales le 18 juin ; le débat en première lecture s’est tenu il y a seulement trois semaines ; nous nous sommes retrouvés il y a tout juste deux jours pour la nouvelle lecture, et nous sommes sur le point de conclure ce parcours.

Je tiens donc à remercier de façon toute particulière l’ensemble des membres de la commission des affaires sociales, qui ont travaillé dans des délais contraints, au point d’accepter de siéger un vendredi pour examiner le texte avant la nouvelle lecture. Je remercie notamment la présidente de la commission, le rapporteur du projet de loi et l’ensemble des parlementaires qui se sont impliqués.

Ce travail doit d’autant plus être salué qu’il a permis de conforter les orientations du projet du Gouvernement : l’emploi et la croissance, la justice sociale, et le rétablissement des comptes de la Sécurité sociale.

Le choix de la justice sociale a conduit le Gouvernement et le Parlement à adopter toute une série de mesures depuis le début de la législature, que je ne rappellerai pas de nouveau. Dans ce texte, ce choix se traduit tout d’abord dans l’amendement maintenant la revalorisation de l’allocation de logement familiale, adopté à l’initiative du groupe socialiste, mais aussi dans les amendements du rapporteur et du groupe radical qui tendent à assurer le succès de la réforme de l’aide à la complémentaire santé pour favoriser l’accès aux soins des ménages à bas revenus qui ne bénéficient pas de la CMU-C.

Parce que la justice sociale n’est durable que si les droits que nous créons sont financés, ce texte poursuit le rétablissement des comptes de la Sécurité sociale. Plusieurs amendements adoptés à l’initiative de votre rapporteur vont dans ce sens. L’un précise les modalités de la compensation financière à la Sécurité sociale, afin de s’assurer que les efforts d’économie qui sont demandés seront bien au service de la pérennité de notre modèle social. Certains améliorent les comptes en amendant les recettes, mettant fin à des niches. Un autre amendement permet de réaliser des économies en matière de médicament, en sécurisant les conditions dans lesquelles une recommandation temporaire d’utilisation peut être utilisée pour permettre la prescription d’une spécialité pharmaceutique en dehors de son autorisation de mise sur le marché.

Cet effort de rétablissement des comptes nous permet de financer une mobilisation sans précédent pour l’emploi. Les amendements présentés par votre rapporteur ont permis de conforter ce choix résolu. Tout d’abord en intégrant dans le champ de la négociation annuelle obligatoire une discussion entre les partenaires sociaux sur les efforts qui seront réalisés dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité et du CICE. Puis, en nouvelle lecture, en doublant la déduction forfaitaire dont bénéficient les particuliers employeurs, pour des besoins sociaux précis – la garde d’enfants et l’aide aux personnes âgées en voie de perte d’autonomie.

Ce dernier amendement, je veux le souligner, traduit non seulement le souhait de soutenir l’emploi dans un secteur où les besoins sont importants, mais également notre choix de justice sociale et de responsabilité financière. Il ne s’agit pas de soutenir tous les emplois à domicile de façon générale et indifférenciée – cela coûterait considérablement plus cher et conduirait à soutenir toute une série d’activités ne présentant pas le même intérêt collectif et réservées, de fait, aux ménages les plus aisés –, mais de le faire sur un champ précis, correspondant à des besoins reconnus.

L’ensemble de ces amendements traduit un travail fructueux, malgré les contraintes que j’ai déjà évoquées, entre le Gouvernement et les groupes de la majorité. Je tiens à saluer encore une fois la qualité de ce travail, l’ensemble des députés qui se sont engagés, et tout particulièrement les membres de la commission des affaires sociales. Je veux saluer l’ensemble des groupes qui ont souhaité soutenir l’action du Gouvernement en faveur de la pérennité de notre modèle social. Je n’irai pas plus loin : nous avons eu l’occasion de débattre longuement de ce texte, de ses ambitions et de ses objectifs. Vous avez contribué à l’améliorer de manière positive, constructive, efficace lors de nos débats.

Je veux vous dire une nouvelle fois que la priorité du Gouvernement est d’agir de façon résolue pour faire en sorte que l’activité économique de notre pays s’améliore et se développe afin que l’emploi redevienne l’horizon pour des générations nouvelles, que l’emploi soit la perspective positive au service des jeunes. En agissant ainsi, en rappelant que cette exigence s’accompagne de la volonté de faire de notre modèle social le socle de notre pacte républicain, nous faisons œuvre utile, œuvre d’avenir et œuvre de solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou, suppléant M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Michel Issindou, suppléant M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, vous aurez compris que je ne suis pas Gérard Bapt ! Il m’a prié de le remplacer, et s’excuse de ne pas être présent.

L’examen du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 s’achève par une lecture définitive devant notre assemblée, le Sénat ayant une nouvelle fois rejeté le texte en nouvelle lecture hier.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui est donc celui qui a été adopté par notre assemblée en nouvelle lecture. La commission des affaires sociales, dans sa grande sagesse, a bien voulu confirmer son adoption ce matin même. Je regrette d’autant plus le rejet du texte par le Sénat que je suis convaincu qu’il porte, aux côtés du PLFR que notre assemblée vient d’adopter, les mesures nécessaires à la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité.

Ce pacte repose sur trois piliers : la restauration de la compétitivité des entreprises, le soutien du pouvoir d’achat des ménages et la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques. Il est possible et nécessaire de mener de front ces trois objectifs.

Tout d’abord, ce projet participe d’une ambitieuse politique d’allégement du coût du travail et de baisse de la fiscalité des entreprises. Il prévoit des mesures d’allégements des cotisations patronales sur les bas salaires, ainsi que des cotisations des travailleurs indépendants, et la suppression progressive de la C3S. La restauration de la compétitivité des entreprises représentera un effort financier de 6,5 milliards d’euros en 2015. Ces mesures s’ajouteront aux moyens financiers afférents au CICE, dont la montée en charge se poursuit également sur la même période, et dont 7 milliards ont déjà bénéficié aux entreprises en 2014.

Ensuite, le présent texte participe également du retour à l’équilibre des finances publiques. Le pacte comporte un plan d’économies de 50 milliards d’euros, auxquelles participeront l’État, les collectivités territoriales et les organismes de Sécurité sociale. Aux côtés du PLFR, le PLFRSS contribue à des économies estimées à 4 milliards d’euros pour la seule année 2014. Le texte que nous examinons présente ainsi des mesures destinées à corriger l’équilibre des comptes sociaux, telles que la rectification du montant de l’ONDAM ou le gel, limité dans le temps, du montant des pensions de retraite.

Enfin, le soutien à la consommation des ménages et la solidarité constituent un élément essentiel du pacte. C’est une dimension qu’il ne faut pas occulter.

Au titre du soutien du pouvoir d’achat des ménages, rappelons que ce texte procède à la mise en place d’une exonération de cotisations salariales pour les bas salaires, compris entre 1 et 1,3 SMIC, qui correspondra, pour un salarié au SMIC, à un gain net supplémentaire de revenu de 520 euros par an. Le PLFRSS exonère également du gel des pensions les retraites inférieures à 1 200 euros. Surtout, notre assemblée a unanimement exclu du périmètre du gel les allocations familiales de logement.

Le PLFR, quant à lui, contient des mesures en faveur des ménages situés au bas du barème de l’impôt sur le revenu. Ce sont 3,7 millions de ménages qui paieront moins d’impôts en 2014.

Au total, les ménages bénéficieront de 5 milliards d’euros de mesures de soutien à leur pouvoir d’achat dès 2015. Ces mesures s’établiront à plus de 16 milliards d’euros sur l’ensemble de la période 2014-2017.

Je termine par ce qui représente le dernier apport de l’Assemblée nationale sur ce texte, à savoir l’amendement adopté en nouvelle lecture à l’initiative de notre vrai rapporteur – Gérard Bapt – qui porte à 1,50 euro la déduction forfaitaire de cotisations pour l’emploi à domicile concernant les activités liées à la garde d’enfants et aux services aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées. Le rapporteur a souhaité reprendre l’initiative de notre collègue sénateur Yves Daudigny. Nous partageons son souci de soutenir ce secteur qui constitue un gisement d’emplois important, tout en ciblant les avantages sur les activités liées à de véritables besoins des particuliers employeurs, en l’occurrence la petite enfance et les publics fragiles, en excluant les services de confort, comme le recommandait d’ailleurs la Cour des comptes.

Comme le rapporteur a eu l’occasion de le dire ce matin en commission des affaires sociales, ce texte, tel que voté en nouvelle lecture, doit être adopté par notre assemblée. Il porte en effet les mesures essentielles pour un retour à une croissance durable : maintien de la trajectoire de retour à l’équilibre des comptes publics, restauration de la compétitivité de notre tissu économique, donc redressement de l’emploi, et enfin maintien de la cohésion sociale. C’est un excellent texte, et je vous invite à l’adopter sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous apprêtons à voter en lecture définitive ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014. Cela a été rappelé, c’est la seconde fois qu’un collectif budgétaire rectificatif de la Sécurité sociale nous est soumis, et c’est dans un esprit constructif, en tant que membres de la majorité, que les membres du groupe RRDP présents soutiendront ce texte.

Nous vivons une situation économique difficile, il est donc de notre devoir de relever les finances publiques et de combler au mieux nos déficits, afin de laisser un pays aux finances saines aux générations futures. Toutefois, avoir des finances saines peut engendrer des situations compliquées et difficiles pour certaines catégories sociales et socio-professionnelles de notre pays.

Certes, un effort de solidarité est demandé à tous, mais il est de notre responsabilité de maintenir une cohésion nationale et sociale, ainsi que notre socle républicain, en proposant des mesures équitables.

Nous soutenons ce PLFRSS, madame la ministre, par sens des responsabilités, en ayant pleine conscience des efforts demandés, puisque ce PLFRSS s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des mesures du pacte de solidarité. Il améliore notamment le pouvoir d’achat en faveur des catégories sociales les plus modestes, des salariés ou des retraités.

En effet, ce texte contient un allégement des cotisations sociales prévues pour les entreprises et les salaires aux revenus modestes qui représente près de 9 milliards d’euros, répartis pour un peu moins d’un tiers – environ 28 % – pour les salariés aux revenus modestes, le reste pour les employeurs ou les travailleurs indépendants et les exploitants agricoles. Nous y sommes favorables.

L’exonération ou l’allégement des charges patronales doit contribuer à la création d’emplois et nous approuvons la mesure qui prévoit une évaluation, dans chaque branche professionnelle, de l’impact sur l’emploi et les salaires dans le cadre de la négociation annuelle sur les salaires. Nous y sommes également favorables.

Enfin, certaines coopératives agricoles non éligibles au CICE vont bénéficier d’une mesure compensatoire et, dès l’an prochain, de la suppression totale de la C3S, alors que cette taxe ne sera supprimée que progressivement d’ici 2017 pour les entreprises. C’est dans le même esprit que nous approuvons la suppression du gel des allocations logement familiales.

En outre, nous sommes satisfaits que le report de la revalorisation des retraites ne concerne pas les petites retraites, inférieures à 1 200 euros. Suite à la demande du président de notre groupe, Roger-Gérard Schwartzenberg, qui l’avait déjà fait lors de l’examen du texte sur la réforme des retraites, les retraités les plus modestes ne seront donc pas concernés par le décalage de la revalorisation de leurs retraites devant intervenir le 1er octobre 2014. Nous avons bataillé ferme et sommes restés déterminés pour garder ce palier qui était loin d’être acquis. Nous sommes de gauche, nous voulons une politique sociale et solidaire. Par conséquent, il est de notre devoir de ne pas voir verser dans une plus grande précarité les plus démunis de nos concitoyens.

Je veux également revenir sur un amendement d’importance, proposé par notre groupe et voté par notre assemblée en première lecture, dont les dispositions sont restées inchangées au cours de la navette parlementaire. Ce dernier concernait l’article 56 de la loi n2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la Sécurité sociale pour 2014, qui organise un dispositif de mise en concurrence visant à sélectionner des contrats proposés par les organismes complémentaires santé, à savoir des mutuelles, instituts de prévoyance ou encore des sociétés d’assurance, qui donneront droit à l’utilisation de l’aide à la complémentaire santé.

Notre amendement visait à exclure de ce dispositif les contrats complémentaires santé qui ne permettraient pas l’adhésion de l’ensemble des bénéficiaires de l’ACS en imposant des limites à leur accès, notamment une limite d’âge. En votant cet amendement, l’Assemblée nationale a supprimé une disposition discriminatoire et nous ne pouvons qu’en être satisfaits.

Certes, nous ne supprimons aucune prestation sociale, nous en avons même dégelé certaines dont le gel était pourtant prévu initialement dans ce PLFRSS. Mais avec ce PLFRSS, il nous faut être attentifs à ne pas pénaliser les plus modestes, les plus fragiles. Il est important de mener une politique sociale et solidaire et de répartir les efforts de la façon la plus juste qui soit, puisque la justice sociale ne se répartit pas de façon égale mais bel et bien de façon équitable. Comme beaucoup d’entre vous, les députés du groupe RRDP auraient aimé aller plus loin dans les mesures d’amélioration du pouvoir d’achat.

Fidèle à la majorité gouvernementale, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera donc ce PLFRSS pour 2014. Nous le voterons, certes sans enthousiasme débordant, mais avec pragmatisme et responsabilité. Et nous serons vigilants quant au PLFSS 2015 et aux nécessaires réformes de structures que nous appelons de nos vœux. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

(M. Marc Le Fur remplace M. Christophe Sirugue au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur intérimaire (Sourires), le groupe GDR a eu l’occasion d’exprimer son opposition au pacte de responsabilité durant les différentes lectures du projet de loi de finances rectificatif et du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale.

L’un de nos arguments tient au manque d’efficacité des exonérations sociales. D’une part, elles semblent quasiment sans effet sur l’emploi : je vous renvoie à toutes les études qui ont été livrées sur ce point. D’autre part, vous avez choisi de les concentrer sur les bas salaires, ce qui constituera une incitation à embaucher au minimum légal : c’est la fameuse trappe à bas salaires.

Enfin, les cotisations sociales, qui sont un élément du salaire, servent notamment à financer notre système de santé. Les largesses faites au patronat sous forme d’allégements ou d’exonérations de cotisations ont donc un impact important sur nos vies. Il faudra compenser ces pertes de recettes, et cela ne se fera pas sans heurts : la compensation de ces sommes énormes sera à chercher du côté d’une réduction drastique des budgets. Nos collectivités locales seront contraintes de renoncer à certains investissements, et nos hôpitaux offriront parfois des soins de moindre qualité.

Nous ne contestons pas, madame la ministre, le fait que la santé soit un secteur où des économies sont sans doute possibles, notamment grâce à une meilleure organisation des soins. Cependant, les baisses draconiennes de budget ne se résumeront probablement pas à une meilleure organisation des soins : une baisse de leur prise en charge est même vraisemblable. Vous le savez, tous les hôpitaux connaissent aujourd’hui des difficultés budgétaires chroniques.

Les questions en discussion sont donc essentielles, et les renoncements des salariés importants. C’est pourquoi il aurait été logique que les entreprises prennent des engagements précis vis-à-vis des salariés quant à l’utilisation de l’argent qui leur sera rendu. Hélas, le Gouvernement et la commission ont refusé tous les amendements allant dans ce sens.

Pourtant, ce sont plus de 40 milliards d’euros de prélèvements fiscaux et sociaux qui seront rendus aux entreprises, à toutes les entreprises, même à celles qui n’en ont pas besoin. Ce choix s’explique par une croyance : c’est le postulat – qui est faux, à nos yeux – selon lequel tout retour de la croissance doit passer par une baisse du coût du travail. Or il existe bien d’autres facteurs permettant de retrouver la croissance et l’emploi. C’est une erreur, à notre sens, de faire tant d’efforts pour permettre cette baisse des prélèvements pour les entreprises, sans contrepartie ni différenciation selon les secteurs.

Je veux insister sur le sujet des exonérations sociales et de leur efficacité. Nous ne sommes pas les seuls à remettre en cause ces exonérations : des rapports de la Cour des comptes, mais aussi des analyses du ministère des finances, sont également très critiques. Récemment encore, un rapport de notre éminente collègue sénatrice Michelle Demessine, intitulé Vingt ans d’exonérations de cotisations sociales : réussite ou échec d’une stratégie ?, remettait en cause ce choix politique. Ce rapport n’a pas été adopté en commission. On comprend bien pourquoi : il ne répondait pas forcément aux canons libéraux. Il ne sera donc pas publié. C’est dommage, car sa lecture est très instructive : je vais vous en citer quelques extraits.

On y apprend que, sur les dix dernières années, le cumul des seuls allégements généraux de cotisations – les allégements Fillon, entre autres – a représenté plus de 210 milliards d’euros. Ce chiffre, considérable, est à comparer au montant de la dette sociale cumulée qui a atteint, fin 2013, 211 milliards d’euros. Ce sont donc les exonérations de cotisations sociales qui expliquent en grande partie le montant de notre dette sociale. De plus, ces exonérations bénéficient, au bout du compte, aux secteurs les moins exposés à la concurrence internationale.

En 2008, la Cour des comptes avait constaté que « les nombreux dispositifs d’allégement des charges sociales sont insuffisamment évalués en dépit de la charge financière croissante qu’ils représentent pour les finances publiques. […] S’agissant des allégements généraux sur les bas salaires, leur efficacité sur l’emploi est trop incertaine pour ne pas amener à reconsidérer leur ampleur, voire leur pérennité. » Ce constat de la Cour des comptes en 2008 est toujours pertinent.

Pendant tout l’automne, au cours des différents débats budgétaires, nous aurons l’occasion de vous livrer les éléments de ce rapport sénatorial avorté. Il explique également que ces aides publiques aux emplois peu qualifiés à bas salaires font courir à notre pays le risque de s’installer dans une économie bas de gamme, avec une stratégie consistant exclusivement à baisser les coûts de production, notamment le coût du travail, afin de diminuer les prix des produits français. Une telle stratégie apparaît, à long terme, totalement contre-productive pour un grand pays développé comme la France, qui doit, au contraire, monter en gamme grâce à l’investissement, à la recherche, à l’innovation et à des formations initiale et professionnelle de qualité.

Puisque nous cherchons des recettes, je veux rappeler que, selon l’INSEE, la part des dividendes en France est passée, entre 1980 et 2010, de 3 % à 9 % de la valeur ajoutée des sociétés françaises, donc du PIB, soit une augmentation du simple au triple. Vous ne pouvez pas ignorer ces chiffres et refuser d’assurer une meilleure redistribution des richesses. La réponse au déficit se situe là, tout comme la possibilité de relancer notre économie.

Tout cela nous conduit à vous répéter notre opposition à ce texte, qui met en œuvre un pacte de responsabilité dissymétrique, qui organise le transfert des prélèvements vers les ménages et met l’accent sur l’offre en oubliant la demande.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumas.

Mme Françoise Dumas. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour l’ultime examen de ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale. Je m’attacherai donc seulement à rappeler l’esprit et l’économie générale de ce texte, qui doit être appréhendé à la lumière du collectif budgétaire pour 2014, avec lequel il forme la première étape du pacte de responsabilité et de solidarité.

Ce pacte est, depuis le début de l’année, notre fil conducteur pour le redressement économique de la France. Il est construit autour d’une préoccupation constante : la mobilisation de nouveaux moyens en faveur de l’emploi et de l’investissement, pour relancer la croissance et l’emploi.

Vous le savez, ce pacte repose sur trois piliers. Le premier est le renforcement de la compétitivité de nos entreprises, avec la poursuite de la politique d’allégement du coût du travail et l’effort réalisé sur la fiscalité des entreprises. Le deuxième pilier est le retour à la stabilité et à l’équilibre de nos finances publiques : ce sont les 50 milliards d’euros que nous nous sommes engagés à économiser par la mise en place de réforme structurelles, tant au niveau de l’État que des collectivités. Le troisième pilier donne au pacte son caractère résolument solidaire : c’est le soutien à la consommation des ménages et du pouvoir d’achat, grâce notamment à une fiscalité favorable aux travailleurs les plus modestes.

Ce que nous visons, à travers ce pacte, c’est un demi-point de croissance supplémentaire à l’horizon 2017, la création de 200 000 emplois marchands, et le retour à une économie compétitive et ambitieuse, au service d’une société qui doit retrouver confiance en elle-même.

M. Michel Issindou, rapporteur. Très bien !

Mme Françoise Dumas. Ce pacte forme un ensemble cohérent, alliant soutien à la compétitivité et à la solidarité : chacun participe au redressement du pays par des efforts consentis, mais en reçoit aussi les fruits. C’est la définition de la solidarité : ce terme n’est pas galvaudé.

Pour mettre en œuvre ce pacte et en permettre les premiers effets, le Gouvernement a décidé d’aller vite. C’est la raison même de ces deux collectifs budgétaires, qui trouveront une traduction très concrète, dès le mois de septembre, sur la feuille d’imposition des Français, et dès 2015 en ce qui concerne les allégements de cotisations sociales prévus par ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale.

Les Français nous ont envoyé des messages suffisamment clairs au printemps : le changement, plus vite, plus fort ! Ce n’est rien de moins que l’esprit de ce pacte.

Bien sûr, des efforts sont demandés, mais à tous. Les allégements de cotisations salariales et patronales impliquent une plus grande mobilisation des ressources de l’État pour financer notre modèle social, mais aussi pour réaliser des économies substantielles. Bien sûr, certaines prestations sociales ne seront pas revalorisées automatiquement, à l’exception des minima sociaux. Pourtant, il convient de relativiser cet effort exceptionnel : les pensions de retraite de base ne seront pas diminuées, mais simplement gelées pour une année. Ce n’est pas rien !

Dans un contexte d’inflation modérée, en exonérant les petites retraites inférieures à 1 200 euros mensuels, soit la moitié des pensions, cet effort, associé aux baisses d’impôts contenues dans le PLFR, permettra de réaliser une économie de 220 millions d’euros en 2014 et de près d’un milliard d’euros les deux années suivantes, pour un manque à gagner très circonscrit pour les retraités concernés. Lundi dernier, M. le rapporteur Gérard Bapt a pris l’exemple d’un retraité touchant une pension de base de 1 456 euros brut : après application de tous les dispositifs de gel et d’allégements fiscaux, ce retraité verra son pouvoir d’achat augmenter de près de 200 euros par an.

Je ne m’attarde pas non plus sur le cas des salariés touchant entre 1 et 1,3 SMIC, dont les cotisations diminueront et qui se verront restituer près d’un demi-treizième mois à l’échelle d’une année, geste de justice en faveur de la consommation.

Plus généralement, nous pouvons nous satisfaire d’un texte qui réussit à répartir les efforts de manière juste et équitable, fondé sur des principes essentiels de justice fiscale tels que la progressivité et la redistribution.

Nous venons d’évoquer les pensions de retraite ; abordons maintenant la question de la C3S. Cet impôt, assis sur le chiffre d’affaires des entreprises sans tenir compte des capacités contributives des redevables, plutôt reflétées par les bénéfices, a créé des situations de distorsions économiques et fiscales tout à fait regrettables et inéquitables. La mesure prévue à l’article 3 permettra de corriger ces distorsions, défavorables, en réalité, aux petites structures. Grâce à un abattement d’assiette à 3,5 millions d’euros pour la C3S due au titre de 2015, tous les redevables verront cette charge diminuer, voire disparaître dans certains cas. Cette exonération immédiate pour les PME est conforme aux objectifs du pacte et illustre son esprit de responsabilité et de solidarité.

M. Michel Issindou, rapporteur. Très bien !

Mme Françoise Dumas. Il s’agit d’un exemple parmi d’autres. Mais il illustre, pour moi, ce qu’est une politique de sérieux budgétaire, où les notions d’équité, de justice et de progressivité ont guidé les arbitrages, mêmes les plus difficiles, du travail parlementaire.

Ce dernier a permis d’apporter des améliorations notables au projet de loi initial. Je pense notamment aux amendements du groupe SRC visant à abandonner le gel de l’allocation de logement familiale, des pensions d’invalidité et des rentes AT-MP. Je salue également l’adoption de l’amendement de François Brottes concernant la suppression de la C3S, dès 2015, pour toutes les coopératives agricoles, qui pourront ainsi bénéficier de dispositifs d’aide à la compétitivité et à l’embauche.

Enfin, il est indispensable de saluer ce qui demeurera l’ultime modification de ce texte : l’augmentation de 0,75 à 1,50 euro de la déduction forfaitaire de cotisation pour l’emploi à domicile, en direction, notamment, des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées – vous l’avez rappelé, madame la ministre. Il s’agit d’un très beau signal, à quelques semaines de la discussion du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement.

Au terme de cette session extraordinaire, quittons-nous satisfaits d’avoir su prendre nos responsabilités, et retrouvons-nous tous mobilisés à l’automne pour continuer la mise en œuvre du pacte, qui incarne notre ambition pour le redressement du pays, en responsabilité mais aussi en solidarité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. Michel Issindou, rapporteur. Excellent !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

M. Michel Issindou, rapporteur. Ce sera beaucoup moins bien !

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur par intérim (Sourires), mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis – c’est la cinquième fois en une semaine – pour examiner le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014, cette fois en lecture définitive.

Je me contenterai d’abord de rappeler la position du groupe UMP sur les articles emblématiques de ce projet de loi.

Sur la partie recettes, le groupe UMP soutient toujours le principe des articles 1er, 2 et 3, qui abaissent les cotisations salariales entre 1 et 1,3 SMIC, amplifient les allégements Fillon entre 1 et 1,6 SMIC et créent un premier abattement sur la C3S.

À l’article 2, sous la pression de parlementaires de tous bords et des deux chambres, le Gouvernement a consenti à faire un geste envers les particuliers employeurs. L’Assemblée a donc adopté l’amendement de notre rapporteur, qui a la particularité de flécher l’augmentation de la déduction forfaitaire, qui passe ainsi de 0,75 à 1,50 euro, vers les activités liées à la garde d’enfants ou à l’aide aux personnes âgées dépendantes et handicapées.

Ce ciblage complexifie le dispositif et pose même la question de son applicabilité. Je rappellerai tout de même que le groupe UMP avait déposé un amendement qui concernait l’ensemble du secteur et avait au moins le mérite de la clarté et de la simplicité. Mais nous savons bien que le choc de simplification est, plus que jamais, à géométrie variable.

M. Jean-Frédéric Poisson. Tout à fait !

Mme Véronique Louwagie. A contrario, vous le savez aussi, sur la partie dépenses, notre groupe condamne très fortement l’article 9, qui gèle l’ensemble des pensions de base, tout en excluant de cette mesure les pensions dont le montant total est inférieur à 1 200 euros.

M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

M. Guy Geoffroy. C’est tragique !

Mme Véronique Louwagie. En clair, cette mesure privilégie le rabot à la réforme de structure que nous demandons avec insistance depuis maintenant deux ans. Elle crée un puissant effet de seuil qui relèverait presque de la rupture d’égalité et participe au matraquage généralisé des classes moyennes modestes.

M. Philippe Vigier. Tout à fait !

M. Guy Geoffroy. Ça, c’est très dur !

Mme Véronique Louwagie. Cerise sur le gâteau, cette mesure est une usine à gaz qui risque d’être difficile à appliquer, monsieur le secrétaire d’État.

Je souhaite maintenant revenir sur les trois questions restées sans réponse au cours de nos débats.

Première question : l’article 1er est-il conforme à la Constitution ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Non.

Mme Véronique Louwagie. Madame la ministre, je suis intervenue lundi, lors de la nouvelle lecture, et vous ne m’avez pas répondu. De notre point de vue, il peut y avoir une difficulté. Plutôt que d’abaisser les cotisations de manière uniforme par tranche, vous choisissez d’instaurer de la progressivité au sein des cotisations pour les salariés rémunérés entre 1 et 1,3 SMIC.

M. Michel Issindou, rapporteur. C’est bien.

Mme Véronique Louwagie. Non seulement cette progressivité a pour effet de plaquer une logique fiscale sur les cotisations sociales, mais surtout elle affaiblit le lien entre le prélèvement et la prestation. Clairement, les salariés concernés vont « sous-cotiser » et garder malgré tout le même niveau de couverture sociale. Il y a là matière à interrogation.

M. Guy Geoffroy. En effet.

Mme Véronique Louwagie. Deuxième question : connaissez-vous les pistes de financement des baisses de charges contenues dans ce texte ? Encore une fois, nous savons bien que le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale n’est pas le véhicule juridique et législatif dans lequel il convient d’inscrire les modes de compensation des pertes de recettes de la Sécurité sociale. Mais l’exigence de sincérité qui pèse sur tout texte financier imposerait que le Gouvernement détaille clairement les pistes de financement envisagées. Or il n’en est rien, le Gouvernement a laissé les parlementaires dans le flou.

Quand on connaît l’avis réservé qu’a émis le Haut conseil des finances publiques sur le PLFR et le PLFRSS, il y a là, encore une fois, matière à interrogation. Votre capacité à respecter vos engagements européens ne s’éloigne-t-elle pas un peu plus chaque jour, pour le malheur de la France ?

Troisième et dernière question : les entreprises peuvent-elles compter sur l’ensemble des engagements que vous avez pris dans le pacte ? Le débat sur les contreparties – nous l’avons encore entendu il y a quelques instants – a contribué à entretenir un climat de suspicion envers les entreprises. Nous regrettons que le Gouvernement n’ait même pas eu le courage d’inscrire dans cette loi d’affichage l’ensemble des baisses de charges annoncées. Nous avions des amendements en ce sens, qui ont été rejetés.

Bien que favorable aux articles 1er, 2 et 3 relatifs aux baisses des charges, mais pour toutes ces questions restées sans réponses, et du fait de son opposition à l’article 9, le groupe UMP votera contre l’ensemble de ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Issindou, rapporteur. Quelle surprise !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, chère Catherine, monsieur le rapporteur,…

M. Michel Issindou, rapporteur. Par intérim. (Sourires.)

M. Philippe Vigier. …mes chers collègues, il faut s’interroger une seconde sur les raisons pour lesquelles nous sommes amenés à examiner encore une fois ce texte en lecture définitive. C’est très simple : avec ce PLFRSS, il s’agit de la mise en place du pacte de responsabilité et de solidarité. Si l’on comptait le nombre de fois que ces mots ont été prononcés depuis quelques mois, on battrait certainement des records. Or la mise en place de ce pacte signe un virage à 180° de la politique gouvernementale…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Une bifurcation !

M. Philippe Vigier. …avec ses deux péchés originels, la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires et les 500 euros par mois – j’ai entendu parler de 200 euros tout à l’heure mais il s’agit bien de 500 euros – que vous avez pris dans les poches de 9 millions de Français ;…

M. Jean-Frédéric Poisson et M. Guy Geoffroy. Oui !

M. Philippe Vigier. …et la fin de la TVA compétitivité de 13 milliards d’euros que nous avions mise en place. Bien sûr, ce que nous avions fait, il vous fallait le défaire !

Revirement complet, disais-je. Aujourd’hui, la croissance est atone. La trajectoire, monsieur le secrétaire d’État, de la diminution des déficits publics n’est pas respectée. La preuve en est, c’est l’absence de confiance. Vous ne pouvez prétendre que vous avez la confiance des Français. Combien de Français ont-ils encore confiance en l’action du Président de la République ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous en prie.

M. Philippe Vigier. Plus grave, la colère s’est emparée de nos concitoyens. On a espéré qu’avec le pacte de responsabilité et de solidarité annoncé par François Hollande, on tournerait une nouvelle page. Oui, nous avons espéré que sa seule priorité, sa priorité absolue, était de lutter contre le chômage.

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh oui.

M. Guy Geoffroy. Qui parlait de l’inversion de la courbe du chômage ?

M. Philippe Vigier. Je n’oublie pas les promesses qui ont été faites.

Au nom de l’intérêt général, Jean-Louis Borloo avait même annoncé que notre groupe accompagnerait le Gouvernement si une telle politique en faveur des salariés, donc de leur pouvoir d’achat, et des entreprises pour améliorer la compétitivité était au rendez-vous.

M. Michel Issindou, rapporteur. Promesse jamais tenue par l’UDI !

M. Philippe Vigier. C’est un rendez-vous manqué, monsieur le rapporteur. Il y a pourtant urgence. Quels sont les chiffres du chômage ? En juin 2012, catégories A, B, C, D, E : 5,3 millions de chômeurs. En mai 2014, les mêmes catégories : 6,24 millions de chômeurs, c’est-à-dire 959 000 chômeurs de plus. Je vous invite à méditer ces chiffres.

Votre pacte de responsabilité et de solidarité va certes dans le bon sens, …

M. Michel Issindou, rapporteur. C’est bien de le reconnaître.

M. Philippe Vigier. …mais pourquoi, monsieur le rapporteur, n’appliquez-vous pas ces mesures maintenant ? Il y a urgence ; l’augmentation du chômage, ce sont des vies brisées. Pourquoi attendez-vous le 1er janvier 2015 ? Vous auriez pu, madame la ministre, décider de ces mesures dans le PLFSS pour 2015. Pourquoi maintenant, puisque cela ne s’applique pas en 2014 ? On voit bien qu’il s’agit d’affichage.

Comme vous n’allez démarrer qu’en 2015, ce que je déplore, l’effet de ces mesures ne se produira qu’en 2016 ou 2017. Et pendant ce temps, monsieur le secrétaire d’État, le pouvoir d’achat se sera dégradé, et vous le savez bien.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On n’a pas les sous. Vous ne nous avez rien laissé.

M. Philippe Vigier. Monsieur le rapporteur général devenu secrétaire d’État chargé du budget ne peut pas me critiquer sur ce point. Vous émettiez beaucoup de réserves sur votre blog à l’égard du CICE. Nous avions dit que, comme l’avait expliqué Louis Gallois, il aurait fallu baisser massivement les charges qui pèsent sur les salaires et provoquer le choc de compétitivité. Et si nous en sommes là – je ne sais pas où sont passés les frondeurs ce soir –,…

M. Guy Geoffroy et M. Jean-Frédéric Poisson. Ils sont à la plage.

M. Philippe Vigier. …c’est parce qu’il y a une telle division entre vous qu’il était plus important d’endiguer les frondeurs que de prendre les bonnes mesures pour la France !

Mme Martine Pinville. On est là !

M. Philippe Vigier. Ah, il y a une frondeuse ! Une sur trente et un !

Le drame, c’est que les réformes de structure, comme la réforme sur les collectivités territoriales,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Parlons-en !

M. Philippe Vigier. …et à ce propos, on verra que les effets financiers ne seront au rendez-vous qu’en 2017, la réforme des retraites, monsieur le rapporteur, que vous avez souhaité décaler en laissant plusieurs milliards, la réforme de la transition écologique, la réforme du paritarisme, vous les avez laissées de côté. Le Président de la République, le Premier ministre à cette tribune nous ont annoncé le pacte de stabilité : 50 milliards d’euros d’économies. Pour notre part, nous n’avons jamais parlé de 100 milliards.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est Mariton.

M. Philippe Vigier. Nous nous contentons de vous encourager à faire au moins les 50 milliards annoncés. Permettez-moi d’exprimer les plus grands doutes quand le Premier président de la Cour des comptes annonce 20 à 25 milliards ! En outre, vous faites porter pratiquement la moitié de l’effort aux collectivités territoriales.

M. Jean-Frédéric Poisson. Oui.

M. Philippe Vigier. Vous avez oublié ce qui se disait sur ces bancs lorsque l’on essayait de demander aux collectivités territoriales de faire un effort. Vous répondiez que l’on muselait les collectivités. En l’occurrence, maintenant, ce sont elles qui feront l’effort maximum. Mais pas seulement elles. S’agissant des retraites, sujet qui vous tient à cœur, monsieur le rapporteur, à l’issue d’un débat très animé dans votre majorité, même les petites retraites verront leur revalorisation décalée de dix-huit mois.

M. Michel Issindou, rapporteur. Non, pas les plus petites retraites.

M. Philippe Vigier. Les Français n’oublieront pas la phrase de François Hollande du 22 janvier 2012 qu’il a prononcée au Bourget – où il a parlé de beaucoup de choses, de la bonne finance, de la mauvaise finance, on ne sait plus car les choses évoluent. Que disait-il ? « J’ai entendu la plainte des retraités qui craignent, après avoir conquis leurs droits, de les perdre. » Eh bien, s’agissant des petites retraites, ils sont en train de perdre leurs droits.

M. Michel Issindou, rapporteur. On a sauvé le régime général !

M. Philippe Vigier. Et la gauche portera durablement ces stigmates.

Madame la ministre, avec l’article 10, vous projetez de diminuer de 160 millions d’euros la participation de l’assurance maladie au financement du fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés pour 2014. Derrière ces économies, il y a l’amélioration de la performance hospitalière, des conditions de travail des personnels, et des opérations d’investissement.

Ces économies ne préfigurent pas, à mes yeux, une modernisation des établissements de santé qui sont pourtant le premier point d’entrée d’une réorganisation du système de soins. Il eût été plus urgent et plus pertinent d’accélérer le développement de la chirurgie ambulatoire, à laquelle je crois beaucoup, et d’engager une réforme en profondeur de la protection sociale et de la santé, mais les réformes structurelles, vous les laissez toujours de côté.

Au final, vous prévoyez 41 milliards d’euros de baisses de charges sans que les économies budgétaires qui permettront de les compenser n’aient été détaillées.

M. Michel Issindou, rapporteur. Cela viendra. Vous n’avez pas laissé grand-chose.

M. Philippe Vigier. M. le secrétaire d’État m’interrompait tout à l’heure pour faire remarquer qu’il n’y avait pas d’argent. Il est vrai que nous ne savons pas où vous irez chercher les crédits.

Vous avez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, multiplié des gestes à l’égard de l’aile gauche de la majorité, qui vous accuse de faire « des cadeaux aux entreprises » – comme si l’entreprise était l’ennemie de l’emploi et de la croissance. Cette nouvelle obligation pour les branches lors de leur négociation annuelle sur les salaires, d’introduire l’évaluation de l’impact sur l’emploi et les salaires de l’ensemble des exonérations de cotisations sociales, mais également des réductions et crédits d’impôt dont bénéficient les entreprises, est ressentie comme une nouvelle contrainte.

François Hollande nous disait vouloir pérenniser le crédit impôt recherche. Mais celui-ci sera-t-il menacé un jour après des évaluations ? Vous pouvez encore évoluer sur ce point. N’aviez pas expliqué lors de la mise en place du CICE qu’il y aurait une loi pour définir les contraintes prévues. Cette loi n’a jamais vu le jour.

Résumons : après deux années de matraquage fiscal, vous annoncez une baisse des charges pour finalement dire aux entreprises que les avantages dont elles bénéficient seront peut-être remis en cause. Le moteur de la croissance, c’est la compétitivité. Chacun sait que la France a perdu des parts de marché. Chacun sait que le taux de marge des entreprises s’est effondré. Le dialogue social est selon moi majeur, mais il ne doit pas être pris en otage du fait des divisions internes de votre majorité.

Je voudrais dire un mot sur l’amendement relatif aux services à la personne, sujet sur lequel on revient sans cesse. Ce dispositif a prouvé sa pertinence en termes d’emplois créés : vous proposez 1,50 euro de baisse de charges. J’observe que vous en avez restreint le champ à la petite enfance, aux personnes les plus âgées et aux personnes handicapées. Il est dommage que vous n’ayez pas laissé le champ ouvert, car l’on sait que les cotisations à l’ACOSS diminuent et que le travail au noir va se développer.

Le pacte de responsabilité et de solidarité constituait aux yeux de l’UDI une opportunité formidable. Cela sera, hélas, un rendez-vous manqué. Faute de courage, il est devenu une tentative désespérée de préserver la majorité. Nous verrons à l’occasion du PLF 2015 comment les choses se passeront. Vous l’aurez compris, nous nous opposerons résolument à ce texte,…

M. Michel Issindou, rapporteur. Quel dommage.

M. Philippe Vigier. …sans ignorer les avancées timides qu’il contient.

M. Jean-Frédéric Poisson. Trop timides.

M. Philippe Vigier. Je note cependant la conversion d’une partie de votre majorité vers l’entreprise. Sans l’entreprise, il n’y aura pas d’emplois. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au terme de ce débat, nous devons dresser un bilan bien décevant. Le Gouvernement n’aura rien voulu entendre des propositions de rééquilibrage issues de notre assemblée, ni même celles provenant de sa propre majorité. Nous pouvions partager le constat de départ : nécessité de relancer une économie désorientée et de créer des emplois, et impérieuse obligation de ne pas léguer à nos enfants une dette publique insoutenable.

C’est pourquoi, pendant deux ans, nous avons soutenu une politique de maîtrise des dépenses publiques, de prélèvements supplémentaires plus justes et de lutte contre la fraude fiscale – une lutte qu’il faudra encore intensifier –, tout en maintenant le niveau de protection sociale.

Mais le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale que vous nous proposez aujourd’hui prend une tout autre direction, en s’engageant dans des allégements massifs et inconditionnels des cotisations patronales et simultanément dans le gel des prestations sociales. C’est un pari risqué. Rien ne nous dit, surtout pas les récentes déclarations du MEDEF, que ces exonérations bénéficieront à l’emploi et qu’elles n’iront pas grossir des dividendes déjà confortables et creuser un peu plus les inégalités.

Nous vous avons proposé, avec d’autres, des amendements pour rééquilibrer ce projet en faveur des ménages et de l’investissement, en introduisant des contreparties aux allégements accordés aux entreprises. Mais vous avez refusé cette logique, vous privant ainsi des moyens de reconnaître et de soutenir les plus vertueuses de nos entreprises.

Nous avons aussi proposé d’abandonner le gel des prestations sociales, en particulier celui des pensions de retraite. Le débat avait déjà été vif au sein de la majorité lors de l’examen de la réforme des retraites, qui repoussait de six mois la revalorisation attendue. Vous la repoussez encore d’un an, soit au total dix-huit mois. Dans le même temps, vous annoncez le report du compte pénibilité qui était pourtant la seule avancée de cette réforme.

M. Michel Issindou, rapporteur. Cela ne concerne pas les retraités !

M. Jean-Louis Roumegas. Vos choix d’aujourd’hui font peser un risque sur les comptes sociaux. Les pertes de recettes pour la Sécurité sociale ne sont pas financées. L’État annonce qu’il va les compenser. Mais comment ? Sur quel budget public ?

Nous pouvons craindre dès le projet de loi de finances pour 2015 des conséquences en cascade pour les usagers de la Sécurité sociale et pour toutes les missions régaliennes qui ne seront plus assurées, qu’il s’agisse de l’écologie, des transports, de la santé, de la recherche et peut-être d’autres domaines encore.

Vos choix de courte vue repoussent toujours plus loin les vraies réformes que nous attendons – la transition écologique, l’adaptation de notre économie à un monde aux ressources de plus en plus rares, la transition énergétique –, réformes qui créeraient activités et emplois plus sûrement que les mesures que vous proposez aujourd’hui.

Un mot encore sur la méthode du Gouvernement. Incapable de rassembler sa majorité, il a choisi de passer en force, au mépris du débat parlementaire, en jouant sur la discipline de vote plutôt que sur l’adhésion, poussant à l’extrême la logique d’une VRépublique à bout de souffle.

Pour toutes ces raisons, les écologistes ne pourront soutenir le texte que vous nous proposez aujourd’hui.

M. Philippe Vigier. Ça va mal !

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, j’ai bien conscience d’être le dernier obstacle avant l’adoption de ce texte et l’un des derniers obstacles avant la clôture de cette session.

Mme Véronique Louwagie. Vous, un obstacle ? C’est à n’y plus rien comprendre.

Mme Bernadette Laclais. Je vais donc essayer de ne pas être trop longue.

Vous me permettrez de rappeler les avancées notables auxquelles nous sommes parvenus au cours de la discussion et, comme vous l’avez souligné, madame la ministre, la densité du texte qui nous est proposé.

Ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale concrétise sans attendre le pacte de responsabilité et de solidarité, à travers une nouvelle baisse du coût du travail ciblée sur les bas salaires jusqu’à 1,6 SMIC, la première étape de la suppression de la C3S, le renforcement du pouvoir d’achat des ménages, notamment les plus modestes, et une baisse des cotisations salariales dès le 1er janvier 2015.

Il contribue également au programme d’économies sur les dépenses publiques, avec une mesure qui a fait débat mais qui commence, je crois, à être comprise dans sa progressivité : le gel de l’indexation des pensions de retraite. Cet effort demandé aux retraités représente une économie importante mais il est progressif et limité dans le temps, dans un contexte d’inflation modérée.

L’Assemblée nationale a aussi adopté trois amendements identiques défendus par nos rapporteurs supprimant la mesure de gel de l’allocation de logement à caractère familial, qui sera revalorisée au 1er octobre 2014.

Concernant les dépenses, sous l’impulsion déterminante de notre rapporteur et de la vôtre, madame la ministre, il faut citer l’élargissement des possibilités de recommandations temporaires d’utilisation pour les produits médicamenteux, qui permet de limiter les coûts pour l’assurance maladie.

Enfin, lors de l’examen en nouvelle lecture lundi, notre assemblée a adopté un allégement de cotisations pour certains particuliers employeurs. Vous me permettrez, madame la ministre, de plaider pour un élargissement de la notion de « personnes âges en perte d’autonomie ». Nous savons bien que ces quelques heures de services sont parfois fondamentales pour rester à domicile et éviter des solutions beaucoup plus lourdes et beaucoup plus coûteuses. Une mesure juste et pertinente, destinée également à la petite enfance et aux personnes handicapées, peut être prise. Elle va aussi dans le sens du soutien à l’emploi.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, ce projet de loi est difficile. Difficile pour nous tous car nous avons bien conscience que le contexte dans lequel il s’insère est difficile : il appelle des mesures courageuses et déterminées. Je crois toutefois qu’un équilibre a été trouvé pour que les mesures soient les plus justes possible, sans renoncer à l’effort que nous imposent les circonstances, et dont personne ne peut s’exonérer. Il nous faut rechercher le plus possible les moyens de ne pas pénaliser l’emploi et la croissance, tout en soutenant les ménages les plus modestes ainsi que les entreprises car nous connaissons bien les difficultés auxquelles elles sont confrontées dans une économie mondialisée et la perte de compétitivité qui est la leur.

Justice dans l’effort et effort pour le redressement de nos comptes publics sont des conditions nécessaires à la pérennité de notre système de protection sociale, qui n’enregistre aucun recul dans le périmètre des prestations et du service public.

Redresser nos comptes, soutenir l’emploi, préserver le pouvoir d’achat des plus modestes : nous adopterons ce texte, parce que ces trois dimensions sont indissociables, parce que nous sommes responsables, parce que nous savons que la période que nous vivons exige de nous cette responsabilité.

Redresser les comptes, c’est aussi pour nous la perspective d’améliorer encore notre système de protection sociale. Il ne s’agit pas de redresser pour le principe de redresser ; il s’agit pour nous, hommes et femmes de progrès, de travailler à rendre toujours plus protectrice notre société pour ceux qui en ont le plus besoin. Pour cela, nous avons besoin de redresser les comptes publics et de savoir travailler dans la justice pour les plus démunis, pour les personnes le plus en difficulté, pour les personnes handicapées, pour les personnes dépendantes.

Les textes que vous nous proposez vont dans ce sens, je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. Michel Issindou, rapporteur. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le président, je prends la parole simplement parce que je veux éviter que la dernière oratrice ait l’impression d’être le dernier obstacle avant l’adoption de ce texte, sans pour autant être moi-même un obstacle.

M. Michel Issindou, rapporteur. Vous serez un tremplin !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Alors que nous arrivons au terme de la lecture de plusieurs textes, j’aimerais vous donner très rapidement mon analyse.

À ce stade de nos travaux, nous pouvons mesurer le chemin parcouru. C’est ce que je me suis efforcé de faire en présentant le projet de loi de finances rectificative dans le cadre de sa dernière lecture. Nous attendions un texte de tous les dangers. Des discussions ont eu lieu entre le Gouvernement et sa majorité, avec l’opposition aussi. Nous pouvons aujourd’hui nous satisfaire des équilibres qui ont été trouvés. Ces textes vont aboutir, et nous pouvons nous en féliciter, indépendamment de la question de leur contenu, qui a été longuement commenté.

Il nous faut aussi mesurer le chemin qu’il reste à parcourir.

S’agissant du PLFR, il nous reste à travailler sur la taxe de séjour, le financement des transports ou les mesures fiscales. Il faudra nous atteler à cette tâche dès la fin du mois d’août si nous voulons aboutir à un résultat cohérent.

S’agissant du PLFRSS, je voudrais évoquer la question des services à la personne, que vous avez été nombreux à pointer – du fait de lectures concomitantes dans les deux assemblées, je n’ai pu être présent lors de la deuxième lecture. J’aimerais vous donner mon sentiment sur ce sujet que je crois connaître un peu pour avoir été rapporteur de la mission « Travail et emploi », lorsque j’étais dans l’opposition, et pour m’y être intéressé fortement lors de la remise en cause de la cotisation au forfait.

Très sincèrement, je crois – je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes – que nous ne pourrons pas conserver un total de 6 milliards d’euros de dépenses fiscales et sociales si nous n’établissons pas un ciblage intelligent, accompagné de mesures à caractère social. Je vous le dis comme je le pense, moi qui suis chargé de l’équilibre des comptes publics. Il sera difficile de ne pas approfondir le travail qui a été déjà mené, en procédant à un resserrement sur certains emplois de service.

Nous avions donné quelques pistes, il y a deux ou trois ans, dans le cadre d’un travail que nous avions conduit avec votre ex-collègue Chantal Brunel. Nous avions établi une distinction entre les emplois à domicile contraints, ceux qui sont subis et ceux qui sont choisis et qui relèvent parfois du confort. C’est dans cette direction qu’il nous faut regarder. La comparaison entre les différents pays d’Europe que met en évidence le rapport de la Cour des comptes montre que nous sommes le seul pays à accorder des déductions fiscales ou sociales à certains types de prestation – je ne voudrais pas allonger nos débats en précisant lesquelles.

Je considère qu’il serait bon de travailler ensemble sur ce sujet pour aboutir, à l’automne ou au début de l’hiver, à plus d’efficacité et plus de justice dans ces mesures qui représentent aujourd’hui 6 milliards d’euros.

Pour finir, je tiens à remercier M. le rapporteur suppléant, la présidente de la commission et tous les services de l’Assemblée. Nous parvenons à une phase un peu particulière avec ce dernier projet de loi financier. Il nous reste beaucoup à faire.

Je voudrais dire aussi tout le plaisir que j’ai eu, puisque c’était la première fois, à travailler avec Marisol Touraine à ce PLFRSS. Cela n’avait rien d’évident et nous avons su progresser ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Texte adopté par l’Assemblée nationale

en nouvelle lecture

M. le président. J’appelle maintenant, conformément à l’article 114, alinéa 3, du règlement, le projet de loi dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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Égalité entre les femmes et les hommes

Commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes (n2162).

Présentation

M. le président. La parole est à M. Sébastien Denaja, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Sébastien Denaja, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je veux d’abord vous dire l’immense honneur qui m’a été fait d’être désigné par mes collègues rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur ce projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, et de me trouver ici et maintenant parmi vous pour cette dernière séance de la session extraordinaire. Quelques esprits chagrins y verraient peut-être une forme d’indélicatesse de la part de ceux qui sont chargés collectivement d’établir le calendrier parlementaire ; moi, j’y vois au contraire le souci que ce texte majeur soit le point d’orgue de cette session extraordinaire, qui viendra conclure un an de travail de nos deux assemblées.

Quoi qu’il en soit, je suis très heureux de vous présenter ce soir ce texte issu d’un accord trouvé lors de la commission mixte paritaire et adopté par celle-ci à l’unanimité il y a deux jours, au Sénat. Ce texte ambitieux constituera une avancée significative sur le chemin de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et qui, je crois, marquera véritablement de son empreinte l’histoire des droits des femmes et le combat pour l’égalité. Oui, la loi Najat Vallaud-Belkacem – tel sera son nom dans quelques instants – va marquer l’histoire des droits des femmes !

À l’issue de la deuxième lecture par l’Assemblée nationale, nos deux assemblées étaient parvenues à un accord sur de très nombreux points. Sur quarante-huit articles restant en discussion, douze avaient été adoptés conformes, neuf suppressions avaient été validées par l’Assemblée tandis que trois articles avaient été rouverts pour coordination. Trente articles restaient donc en discussion, sur lesquels la commission mixte paritaire est parvenue à un accord. Je tiens vraiment à souligner à cet égard l’esprit particulièrement constructif dont Mme Virginie Klès, rapporteure de ce texte au nom de la commission des lois du Sénat, a fait preuve au cours de nos discussions ; je viens même à l’instant de recevoir un mot de sa part se félicitant également de cet état d’esprit, me disant même qu’elle voyait la réalisation d’un véritable rêve démocratique – si tout pouvait se passer comme cela dans nos assemblées !

Sur un certain nombre de points, l’accord trouvé consiste à retenir le texte du Sénat : c’est le cas par exemple de l’article 18 bis, relatif à la parité à la tête des exécutifs locaux, car nous y avons vu ensemble une difficulté d’ordre constitutionnel ; sur l’article 18 quater, concernant les règles de remplacement des conseils communautaires : là encore, la chambre représentant les collectivités territoriales a pu valablement faire valoir son point de vue ; ou encore sur l’article 22, relatif à la parité au sein des chambres d’agriculture.

Sur d’autres points, l’accord consiste à retenir au contraire la rédaction de l’Assemblée nationale : c’est le cas par exemple de l’article 2 bis B, relatif aux autorisations d’absence accordées au conjoint d’une femme enceinte pour lui permettre d’assister à trois des examens prénatals obligatoires. Vous avez déjà eu l’occasion, madame la ministre, de vous expliquer sur ce sujet, cet après-midi encore, par voie numérique notamment.

C’est le cas également de l’article 5 sexies A, qui concerne la suppression de l’expression sexiste « bon père de famille » du code sexiste – pardon, du code civil ! Ce lapsus n’a évidemment rien de révélateur, tant nous avons de la révérence, comme Jean Carbonnier, pour ce qui équivaut pratiquement à la Constitution française pour les civilistes ! Il est temps que cette session s’achève… (Sourires.)

C’est le cas toujours de l’article 17 quinquies, qui vise à assurer le respect par les administrations du nom de famille des femmes mariées ; j’y suis particulièrement sensible eu égard au cheminement de l’amendement ici même à l’Assemblée nationale.

Je pense aussi à l’article 19 bis sur la féminisation de l’Institut de France et des Académies ; pour m’être déjà largement exprimé sur ce sujet, je n’y reviens pas, mais je me félicite que, peut-être, dans les cinquante ans qui viennent, le quai Conti prendra un autre visage, différent de celui de cette tapisserie des Gobelins qui surplombe le perchoir – où nous ne voyons que très peu de femmes – pour ne pas dire aucune.

C’est également la rédaction de l’Assemblée qui a été retenue pour l’article 20 bis relatif à la féminisation des conseils d’administration et de surveillance des sociétés non cotées. L’obligation de respecter un plancher de 40 % de personnes de chaque sexe entrera donc bien vigueur le 1er janvier 2017, et non le 1er janvier 2020 comme le prévoyait le texte adopté par le Sénat. En outre, madame Mazetier, elle sera étendue aux sociétés non cotées employant de 250 à 499 salariés et dont le chiffre d’affaires ou le bilan dépasse 50 millions d’euros, à compter du 1er janvier 2020. C’est une avancée importante pour la place des femmes dans les instances dirigeantes des entreprises et, si le compte rendu de la commission mixte paritaire est public, j’espère que d’aucuns pourront lire les propos de Nicole Ameline, notre collègue qui siège sur les bancs de l’UMP, propos particulièrement constructifs sur ce sujet…

Mme Sandrine Mazetier. Oui ! Formidable !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. …car la parité dans les entreprises est une chance et non une contrainte.

Sur six autres articles, la commission mixte paritaire a adopté les propositions de rédaction commune que Mme Klès et moi-même lui avions soumises. C’est le cas notamment de l’article 2 bis D qui concerne l’action de la Banque publique d’investissement en faveur de l’entreprenariat féminin, de l’article 6 bis A relatif au versement de la pension alimentaire par virement bancaire, ce à quoi tenaient particulièrement nos collègues de la délégation aux droits des femmes – je saisis cette occasion pour excuser l’absence de sa présidente, Catherine Coutelle, qui regrette vivement de ne pouvoir être parmi nous ce soir mais qui, n’en doutez pas, suivra attentivement nos conclusions. Je pense aussi à l’article 20 ter, qui rend applicable dès 2017 au lieu de 2016 l’obligation de nommer au moins 40 % de personnes de chaque sexe dans les emplois d’encadrement supérieur de la fonction publique.

Enfin, je me félicite que la commission mixte paritaire ait retenu le titre du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale. Celui-ci est désormais intitulé « Égalité réelle entre les femmes et les hommes » : l’ajout de cet adjectif, qui n’est pas allé sans susciter quelques débats lors de la commission mixte paritaire au Sénat – débats très instructifs –, me paraît mieux souligner l’ambition de ce texte, votre ambition, madame la ministre, et l’ambition des parlementaires qui vous ont accompagnée dans ce travail, qui est de passer d’une égalité proclamée à une égalité concrétisée, d’une égalité formelle à une égalité réelle, inscrite dans les faits et dans le quotidien.

Le texte auquel la commission mixte paritaire est parvenue est, j’en suis convaincu, un texte qui aidera à mieux combattre les inégalités entre les sexes, dans toutes leurs dimensions, pour concrétiser la promesse d’égalité inscrite à l’article 1er de notre Constitution. Je vous appelle donc à l’adopter avec autant d’enthousiasme que lors de la première lecture, car c’est très largement que ce texte avait été soutenu, au-delà même de la majorité traditionnelle dans cet hémicycle.

Je vous invite à adopter ce texte et à soutenir la démarche dans laquelle il engage notre pays. Je souhaite qu’il ait, dans quelques semaines, force de loi, un peu plus d’un an après le dépôt par le Gouvernement, le 3 juillet 2013, de son projet de loi, que nos débats auront très substantiellement enrichi. Soyez tous remerciés de m’avoir accompagné dans cette tâche de rapporteur que j’espère avoir accomplie dignement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur – Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes n’est pas là mais nous pensons à elle –, mesdames et messieurs les députés, nous arrivons au terme d’un travail qui, je le crois, restera à l’honneur de votre Parlement ; je vous le dis avec beaucoup de simplicité mais aussi avec une bonne dose de reconnaissance.

Ce texte, en effet, n’était pas n’importe quel texte : un projet de loi-cadre, sur un sujet comme celui du droits des femmes et de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, nous l’avons préparé comme une première, avec un regard neuf, avec une approche différente de ce que l’on avait connu jusqu’à présent sur ces sujets, une approche totalement intégrée des politiques d’égalité et une philosophie de l’action qui correspond aux défis de notre temps, à savoir le défi de droits qui s’appliquent réellement, le défi de lois sur l’égalité qui sont respectées, le défi aussi, et il n’est pas mince, du changement des mentalités, et notamment d’un partage nouveau des responsabilités parentales, sans compter le défi d’une parité enfin concrétisée.

Dès la première lecture de ce texte, votre rapporteur, désormais suivi par la commission mixte paritaire, a voulu marquer dans le titre même du texte cette ambition : réaliser l’égalité réelle. Cette ambition est attendue depuis trop longtemps, notamment par nos concitoyennes, et je pense que, depuis deux ans, on pourra dire qu’elle a guidé l’action de ce gouvernement. Ce projet de loi a vocation à l’amplifier, et je compte sur cette assemblée pour que, par-delà les bancs, par-delà les oppositions qui parfois peuvent se manifester ici ou là, ce texte puisse nous rassembler, parce qu’il est vraiment l’affaire de tous, parce que nous y avons travaillé ensemble, mais aussi parce que nous en serons comptables. Gouvernement, Parlement, collectivités locales, entreprises, citoyens, nous serons tous les acteurs, les garants de ce texte, chacun dans nos responsabilités.

Le Parlement et chacun des groupes qui siègent ici ont apporté à ce projet de loi une contribution précieuse, je le reconnais bien volontiers, dans un esprit de coconstruction législative qui, depuis des années, est du reste la marque de ces textes relatifs aux droits des femmes. J’espère que vous aurez tout à l’heure l’occasion de concrétiser cet esprit de coconstruction dans vos votes.

Je voudrais à cet instant saluer avec beaucoup de chaleur l’engagement et le travail excellent de votre rapporteur, Sébastien Denaja. Je veux saluer aussi le travail des rapporteurs pour avis, Monique Orphé et Sylvie Tolmont, ainsi que le travail de fond qui a été réalisé par la délégation aux droits des femmes sous l’impulsion de Catherine Coutelle et avec la contribution de chacun de ses membres.

Je le disais tout à l’heure : l’égalité, c’est l’affaire de tous. Tous les ministères seront donc concernés par la mise en œuvre de ce texte. En tant que tel, il matérialise d’ailleurs cette approche interministérielle dont j’ai voulu faire un automatisme depuis deux ans, parce que je crois profondément que c’est la condition de la réussite et d’un changement qui investit toutes les politiques publiques et tous les secteurs de la société.

Avec ce projet de loi, c’est une conception nouvelle que l’on affirme : la politique de l’égalité est un ensemble cohérent. Nous devons combattre ensemble toutes les inégalités, d’où qu’elles viennent, quels que soient leur mode d’expression, parce que ces inégalités ont une logique profonde : les violences, la précarité, celle des familles monoparentales en particulier, la persistance des inégalités professionnelles ou encore l’inéquitable répartition des responsabilités domestiques et parentales ; tout cela est intrinsèquement lié. Pour cette raison, nous avons voulu que l’article 1er définisse, pour la première fois, le périmètre de la politique publique d’égalité entre les femmes et les hommes.

Le texte auquel nous aboutissons forme une belle loi. Nous avons réussi, tout au long de nos débats, à veiller à ne pas le surcharger, notamment de rapports, à le concentrer sur l’essentiel, sur ce qui crée de la norme, sur ce qui est véritablement outil nouveau pour gagner en efficacité, en effectivité. Cette loi sera un puissant coup d’accélérateur au mouvement pour l’égalité.

Vous l’avez faite aussi pour qu’elle change la vie des femmes et des hommes de ce pays. Je ferai en sorte, pour ce qui me concerne, que cette loi soit rapidement appliquée : je m’engage en particulier à ce que l’ensemble des textes d’application soient adoptés avant la fin du mois de novembre.

Mme Sandrine Mazetier. Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Avec la réforme du congé parental, nous allons ainsi mettre en place une logique nouvelle des prestations sociales, qui seront désormais conçues dès le départ avec le réflexe de l’égalité entre les femmes et les hommes. Avec la réforme de la négociation en matière d’égalité professionnelle, avec l’introduction de la mesure d’interdiction d’accès aux marchés publics pour les entreprises qui ne jouent pas le jeu de l’égalité professionnelle, nous allons enfin donner une effectivité à ce principe. Certes, depuis deux ans, les choses ont déjà beaucoup changé : tout le monde sait qu’il n’y a plus d’impunité pour les entreprises qui ne respectent pas les lois sur l’égalité professionnelle, mais vous nous donnez les moyens, avec ce texte, d’aller plus loin et plus vite.

Avec ce texte, nous nous attaquons aussi à un phénomène que vous avez tous pu constater sur le terrain, toutes les enquêtes le démontrent : la grande précarité des familles monoparentales. C’est une vérité notamment dans les territoires de la politique de la ville : pour m’y attaquer, j’ai décidé d’en faire une priorité des contrats de ville à négocier très prochainement avec les collectivités. Cette précarité des familles monoparentales, et des mères isolées en particulier, vous avez décidé d’y répondre avec nous par la mise en place de la garantie publique contre les impayés de pension alimentaire, ces derniers expliquant bien souvent l’aggravation de la situation de ces familles. Vous vous attaquez ainsi à un sujet qui traîne depuis des années, voire des décennies, et apportez enfin la sécurité que ces mères isolées attendaient. La préfiguration va se mettre en place très rapidement dans les vingt départements dans lesquels ce mécanisme commence, avant sa généralisation. Je peux vous dire, pour avoir fait récemment un tour des CAF et des caisses de MSA, que les agents de ces institutions sont complètement mobilisés sur ce sujet dont ils comprennent toute la portée.

Mais c’est sans doute dans le domaine des violences que nous avons poussé le plus loin le travail de coproduction législative que je veux saluer. Des améliorations très sensibles ont été apportées au cours de la navette et consacrées par la CMP : protection renforcée des femmes dans le cadre de l’ordonnance de protection, protection des femmes étrangères victimes de violences, définition d’un véritable arsenal législatif de lutte contre les violences sexuelles dans l’armée, à l’université, lutte contre le harcèlement moral hors du cadre du travail, élargissement du téléphone portable grand danger aux victimes de viols, lutte contre les mariages forcés. Et je ne suis pas exhaustive. Nous avons abouti à un texte qui, pour les victimes de violences faites aux femmes, va véritablement changer la donne et qui, surtout, n’oublions pas cette dimension, ouvrira des possibilités nouvelles de prise en charge des auteurs de violences, pour mieux prévenir la récidive.

Enfin, c’est dans votre assemblée que les débats sur le sujet de la parité ont été les plus riches, avec, sur tous les bancs, je crois, la volonté d’une parité généralisée. Vous le savez autant que moi, les évolutions que nous avons prévues dans le texte de loi seront profondes et durables. Nous concrétisons enfin le principe de parité, inscrit dans la Constitution, dans l’égal accès aux responsabilités, qu’elles soient politiques, professionnelles ou sociales. À ce moment précis, je veux saluer tous ceux qui, sur ces bancs, ont contribué à ce combat depuis plusieurs années et qui voient peut-être enfin dans les mesures que nous prenons un aboutissement de leurs batailles.

Toutes les institutions de la vie sociale seront concernées. D’ailleurs, les pouvoirs publics seront exemplaires puisque, pour lutter contre le plafond de verre dans la fonction publique, nous avons décidé d’avancer d’un an, c’est-à-dire à 2017, l’obligation pour nous d’atteindre les 40 % au moins de femmes dans les nominations de cadres dirigeants.

Grâce à ce texte, nous confirmons et prolongeons l’ambition de la loi du 27 janvier 2011 concernant la féminisation des conseils d’administration des grandes entreprises. La France, et j’insiste sur ce point, est vraiment à l’avant-garde sur cette question en Europe, et je forme ici le vœu que la prochaine Commission européenne puisse reprendre les travaux et faire adopter une directive européenne sur la question des quotas dans les conseils d’administration des grandes entreprises.

Ce texte permettra, si vous l’adoptez, que toutes les instances consultatives, les établissements publics, administratifs, industriels, commerciaux, les autorités administratives indépendantes, connaissent une féminisation qui changera petit à petit la représentation des femmes dans l’espace public. Votre assemblée aura l’opportunité d’être à l’avant-garde de ce mouvement puisque, dès 2017, les règles en la matière seront rendues très sévères. Chaque parti devra les prendre en compte. J’ai compris, d’ailleurs, que la plupart des partis étaient prêts à le faire, soit par adhésion, soit parfois par souci d’économies. En tout cas, je crois qu’il s’agira d’un tournant de notre vie démocratique.

Mesdames, messieurs les députés, le vote que je sollicite auprès de vous ce soir est un vote d’adhésion pour un texte qui, je crois, se donne les moyens de son ambition. Mais c’est aussi un vote de conviction dans la capacité de notre pays à faire le dernier saut qui lui manquait encore pour offrir aux femmes et aux hommes la perspective de vivre dans une société de l’égalité réelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Madame la ministre, nous allons adopter dans quelques instants un projet de loi que vous avez déposé le 3 juillet 2013 sur le bureau du Sénat et qui a connu en un an deux lectures. Symbole de l’enrichissement que les parlementaires peuvent apporter à un texte, ce projet de loi s’intitule désormais, sur proposition de notre rapporteur, et après un beau débat en CMP, projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Mais tout le monde l’appellera la loi Najat Vallaud-Belkacem.

Car c’est bien à la réalité et à l’effectivité des droits, au-delà de la proclamation des principes, que s’intéresse ce texte et que vous consacrez toute votre énergie, madame la ministre. Il faut identifier et surmonter les freins, les obstacles, les résistances explicites ou implicites à l’égalité réelle, résistances d’autant plus vives, parfois, qu’elles sont inconscientes.

Le fait que notre rapporteur soit un homme est en soi un symbole et un succès. Désormais, l’égalité femmes-hommes n’est pas seulement l’affaire des femmes, mais bien un progrès pour l’ensemble de la société.

Depuis votre nomination, madame la ministre, vous avez multiplié les actions structurelles associant approche intégrée et mesures spécifiques. Vous avez défini une méthode globale d’intervention, que ce texte promeut pour toute action publique. Si elle est sobre et pacifique, c’est néanmoins une réelle révolution des pratiques politiques et administratives que vous menez.

En totale cohérence avec la méthode transversale prônée, ce projet de loi-cadre aborde pour la première fois l’égalité dans toutes ses dimensions et fournit des leviers pour chacune d’entre elles, à commencer par l’égalité professionnelle. Permettez-moi un focus sur la création d’entreprises.

Alors que, selon tous les sondages, l’envie d’entreprendre est aussi répandue chez les femmes que chez les hommes, la part des femmes entrepreneures stagne depuis plusieurs années en dessous de 30 %. Les porteuses de projets ont plus souvent que les hommes des difficultés pour accéder au crédit bancaire. C’est pourquoi je me réjouis que la commission mixte paritaire ait approuvé les dispositions que j’avais proposées avec les députés socialistes à propos du rôle et des objectifs prioritaires de la Banque publique d’investissement. Le développement de l’entrepreneuriat féminin en fait désormais partie, précisément parce que l’activité des femmes est facteur de croissance, de compétitivité et d’emploi.

La Banque publique d’investissement est désormais tenue d’orienter son action vers l’entrepreneuriat féminin. Elle devra assurer l’accès des femmes au crédit et, au besoin, instaurer des dispositifs spécifiques pour aider les femmes à créer et développer leurs entreprises. C’est un souhait de notre ex-collègue Axelle Lemaire que je salue et qui est désormais votre collègue, madame la ministre.

Par ailleurs, en retenant la proposition du rapporteur de l’Assemblée de donner la possibilité aux hommes salariés d’assister à trois examens prénataux avec leurs compagnes, sans perte de salaire, le texte issu de la CMP contribue à accorder une vraie place aux pères, avant même la naissance. Cette implication précoce renforce, comme les études nous le montrent, les liens entre père et enfant. Elle est de nature à modifier la répartition traditionnelle des tâches éducatives au sein du couple. Un nouveau droit pour les pères, une répartition plus équilibrée des tâches quotidiennes : voilà une disposition dont chacun sort gagnant. Par un triste paradoxe, nos débats d’aujourd’hui empêchent précisément notre rapporteur de profiter de ce beau droit qu’il a lui-même promu et défendu. Nous lui exprimons notre gratitude et à la future maman notre solidarité et nos meilleurs vœux et nous adressons des bisous au futur grand frère.

Deuxième axe fort de ce texte : pour lutter contre la précarité des femmes, un nouveau service public a été créé, la garantie contre les impayés de pension alimentaire. On sait que 40 % des pensions alimentaires ne sont aujourd’hui payées que partiellement, ou pas du tout, alors qu’elles représentent près d’un cinquième des revenus des familles monoparentales les plus pauvres. C’est inacceptable. Nous serons donc très attentifs aux résultats de l’expérimentation qui sera réalisée sans délai et à sa généralisation sur le territoire. C’est aussi pourquoi les députés ont souhaité rappeler dans ce texte la possibilité de recourir au virement bancaire pour acquitter de façon régulière la pension alimentaire, ce qui permet de ne pas exposer les femmes à d’insupportables négociations, et parfois même à des violences et des humiliations. La CMP a utilement conservé et précisé cette disposition.

Le troisième volet de ce texte est d’ailleurs destiné à protéger les femmes contre toutes les violences. Cette loi renforce le dispositif d’ordonnance de protection, qui sera désormais délivrée plus vite, pour une durée plus longue, assurant ainsi une meilleure protection des victimes.

La commission mixte paritaire s’est accordée pour permettre aux personnes protégées par une ordonnance de se domicilier, pour tous les actes de la vie courante, auprès d’une association. Cette mesure renforce la sécurité de ces trop nombreuses femmes victimes de violences – une femme sur dix en France –, qui risquent parfois leur vie au moment de la séparation.

Quant à la mise en œuvre de l’objectif constitutionnel de parité, je salue l’aggravation des sanctions financières pour les formations politiques ne respectant pas la parité, comme je salue l’accord intervenu en CMP sur le seuil de 20 000 habitants à partir duquel communes et EPCI devront désormais présenter chaque année un rapport sur la situation de l’égalité femmes-hommes au sein de ladite collectivité.

Concernant la représentation des femmes dans les instances décisionnelles des entreprises, je suis particulièrement satisfaite de la décision des membres de la CMP de respecter le calendrier de mise en œuvre prévu initialement par le législateur pour les entreprises de plus de 500 salariés, et plus satisfaite encore de l’extension de ce dispositif aux entreprises de taille intermédiaire, comptant de 250 à 500 salariés, que nous avions proposée. Tous les lieux de pouvoir doivent être investis par les femmes, y compris la haute fonction publique. Et malgré le regret qui est le nôtre de ne pas avoir pu inscrire dans le texte un dispositif plus exigeant et de ne pas avoir pu éprouver et prouver la valeur de l’article 1er de notre Constitution, qui, je le rappelle, proclame que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes […] aux responsabilités professionnelles et sociales », nous avons néanmoins accéléré le calendrier du dispositif prévu pour les emplois d’encadrement supérieur, et nous l’avons étendu aux directeurs des agences régionales de santé.

Je connais par ailleurs votre engagement, madame la ministre, et celui de votre administration, à développer les viviers de cadres intermédiaires et à promouvoir les femmes aux postes clés de la fonction publique. Je compte plus que jamais sur votre détermination pour briser le plafond de verre qui limite encore à 6 % la part des femmes parmi les trésoriers payeurs généraux ou à 10 % leur représentation au sein du corps préfectoral.

Pour conclure, je veux saluer ici votre travail, madame la ministre, votre investissement sur tous les fronts en faveur de l’égalité et les nombreux résultats d’ores et déjà obtenus. Je souhaite que cette loi-cadre donne toute légitimité, sur la durée, à la méthode transversale et intégrée que vous déployez avec succès.

Je tiens à remercier tous les députés membres de la CMP, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent. Nous avons développé au Sénat, lundi soir, une approche et une vision communes transcendant les clivages. C’est suffisamment rare pour en apprécier la valeur. Mais la cause de l’égalité nous élève. Je veux remercier les sénateurs qui ont fait preuve d’une grande écoute à notre égard.

Je veux naturellement rendre hommage à notre rapporteur, Sébastien Denaja, pour l’excellent travail fourni tout au long de l’examen du texte, mais aussi pour sa bonne humeur et son humour, pour l’écoute dont il a fait preuve à l’égard de ses collègues. Je l’en remercie sincèrement, comme je veux remercier à travers lui les administratrices et administrateurs qui nous ont accompagnés dans ce travail patient et précis. Je remercie également le président de la commission des lois qui aura été jusqu’au bout à nos côtés dans cette belle mission.

« Il n’y aura de bonheur pour l’humanité que dans l’égalité des droits pour tous, et l’équitable répartition des fonctions entre tous, hommes et femmes indifféremment ». Ainsi s’exprimait Hubertine Auclert, décédée il y aura un siècle le 4 août prochain. En ce 23 juillet 2014, pour le dernier texte voté dans cette session extraordinaire, je veux croire, mes chers collègues, que, modestement mais avec détermination, nous jetons les bases d’un peu plus de bonheur pour l’humanité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, UDI, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, nous sommes réunis non pas pour avoir le dernier mot sur un texte qui n’aurait pas eu l’heur de satisfaire le Sénat, mais pour adopter, comme l’a fait la Haute assemblée dans l’après-midi, les conclusions positives de la commission mixte paritaire qui s’est réunie il y a quarante-huit heures chez nos collègues du Palais du Luxembourg.

Les conclusions sont positives parce qu’il n’y avait pas, parmi les dispositions encore en discussion entre nos deux assemblées, d’éléments susceptibles de provoquer un blocage. Toutefois, nous avons bien noté que, sur certains points, le travail que se sont efforcés de faire le rapporteur de notre assemblée que je salue et le rapporteur au Sénat n’a pas réussi à régler l’ensemble des questions, puisque la CMP a été amenée à voter, une fois en notre faveur et une fois en faveur de la thèse de nos collègues sénateurs, sur des dispositions pour lesquelles un accord n’avait pas été trouvé préalablement.

Madame la ministre, vous revendiquez une approche intégrée de l’égalité. Soit. Mais on remarquera qu’il y a dans ce texte une différence très notable entre les sujets abordés.

On peut vouloir les intégrer dans une même démarche – pourquoi pas ? –, mais la cohérence d’ensemble n’est pas évidente : on va du congé parental à la parité en politique, en passant par la suppression de la notion de « bon père de famille », et puis, à l’initiative de nos collègues sénatrices, nous évoquons également les concours de miss.

Sur chacun des points, il y a des avancées intéressantes. L’ensemble apportera certainement – et ce sera ma conclusion personnelle, à défaut d’être celle de mon groupe – une amélioration notable, conformément à l’ambition que nous partageons tous. Mais je crois que, sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, il faut conserver une réelle humilité et ne pas relâcher notre détermination. Nous allons aujourd’hui progresser, mais il faudra encore le faire. Sur le sujet dont je parlerai tout à l’heure et qu’a évoqué notre rapporteur, celui de la réalité des nouveaux droits, celle-ci tiendra peut-être plus à notre capacité à mettre en œuvre les dispositions que nous votons qu’à l’intitulé de cette loi.

Certaines avancées méritent d’être saluées, parce qu’elles sont positives.

Sur l’égalité professionnelle, un faisceau de mesures va dans le bon sens : la meilleure articulation des différentes négociations, celle qui est spécifique à l’égalité et celle qui porte sur les salaires ; un meilleur accompagnement des retours de congé parental ; la possibilité d’utiliser une partie des droits du compte épargne-temps pour financer des frais de garde d’enfant notamment. Tout cela est bel et bon, il est important de le saluer.

S’agissant de l’accès des femmes aux responsabilités dans l’entreprise publique, notre rapporteur y a fait allusion et vous aussi, madame la ministre, l’extension des lois que je me permettrais d’appeler « Copé-Zimmermann-Sauvadet » aux structures qui en étaient exclues a pour objectif de briser le plafond de verre, dans les fédérations sportives, dans les chambres de commerce et d’industrie, dans les conseils économiques et sociaux des régions et dans les conseils des ordres professionnels, pour ne citer que ces instances. Beaucoup d’autres sont concernées.

Contre la précarité, saluons la facilitation de l’accès des parents modestes aux modes de garde existants, ce qui n’est pas rien, l’expérimentation du versement en tiers payant de la PAJE aux assistants maternels pour éviter les efforts de trésorerie des parents, ainsi que l’accès facilité aux crèches pour les mères s’inscrivant dans un parcours d’insertion. Tout cela est également positif.

Il y a aussi, et personne ne sera surpris que je m’y attarde un instant, concernant les violences faites aux femmes, la confirmation et le renforcement du dispositif de l’ordonnance de protection en faveur des femmes victimes de violences et tous autres, en particulier leurs enfants.

Puisque nous sommes au mois de juillet, rappelons que l’ordonnance de protection a maintenant quatre ans, puisque c’est la loi du 9 juillet 2010 qui l’a mise en place.

Je voudrais remercier la commission mixte paritaire d’être allée au bout du travail que nous avons mené ici, dans cette assemblée ; comme le disait Sandrine Mazetier il y a quelques instants, nous avons obtenu un vote favorable de la CMP sur la disposition que nous souhaitions inscrire dans le texte et qui permet à la femme victime de violence, et obligée de quitter son domicile, de pouvoir élire domicile non seulement à l’adresse de son avocat, mais aussi à celle d’une association ou d’une structure habilitée, « pour les actes de la vie courante ».

Tout cela est important : nous savons qu’il n’y a rien de banal en cette matière et que tout doit être fait pour privilégier ce qui favorise la sortie de crise, le redressement et la reconstruction d’une vie si longtemps abîmée.

Mais vous le savez bien, il y a dans cette loi des dispositions qui suscitent des réserves, lesquelles inspirent la position majoritaire de mon groupe.

Le groupe UMP a fait en effet ce choix d’une abstention qui s’efforce d’être la plus constructive possible, mais il ne peut aller au-delà.

La réforme du CLCA, avec la volonté d’un meilleur partage qui implique les pères, aura peut-être des conséquences auxquelles il nous faudra réfléchir, en particulier dans le cas où le père n’aura pas la possibilité d’utiliser ces six mois avant la fin des trente-six mois durant lesquelles l’arrivée d’un enfant fait bénéficier de cette prestation.

Il y a également, à l’article 3, l’interdiction de soumissionner aux marchés publics faite aux entreprises ne respectant pas l’égalité. Nous avons évoqué ici, au cours des précédentes lectures, la forme de double peine que, pour certains d’entre nous, instaure ce dispositif automatique, au risque de fragiliser certaines entreprises – ainsi que les femmes qui travaillent dans ces entreprises.

Il y avait aussi quelques points de désaccord qu’en fin de session je qualifierai de quasi picrocholins entre le Sénat et l’Assemblée. Nous avons réussi à résoudre ces désaccords en CMP.

II faut se féliciter de l’accord trouvé sur la question de l’entrée en vigueur de certaines dispositions de la loi Copé-Zimmermann, à l’article 20 bis. Nous souhaitions que les dispositions de cette loi du 27 janvier 2011 puissent entrer en application au 1er janvier 2017, tandis que le Sénat souhaitait une entrée en vigueur en 2020. La CMP a fort opportunément retenu notre proposition, de même qu’elle a retenu l’extension – que je salue – du dispositif aux sociétés non cotées de 250 à 499 salariés. Nous avons fait coup double : ne boudons pas notre plaisir. Je crois qu’il nous faut être très volontaristes.

Au final, mes chers collègues, madame la ministre, monsieur le rapporteur, je crois utile et objectif de dire que cette loi fait faire un pas appréciable à la cause des femmes, même s’il en faudra d’autres, car cet ouvrage doit être sans cesse remis sur le métier.

Certaines mesures que j’ai évoquées, en particulier celles des articles 2 et 3, conduisent mon groupe, dans sa grande majorité, à s’abstenir. Vous savez qu’en ce qui me concerne, de manière personnelle, avec mes deux collègues qui siégeaient avec moi au sein de la CMP, nous soutenons ce texte, malgré les réserves et les interrogations que nous pouvons avoir.

En matière d’égalité, il n’y a pas de vrais ni de faux combats : il y a tout simplement des avancées à réaliser, les unes après les autres. Certains combats font avancer la cause des femmes, et d’autres n’y parviennent pas. Bien que soutenant toute avancée en matière d’égalité, je ne peux, au nom de mon groupe, que regretter que certaines dispositions aient créé des tensions entre nous, des tensions qui auraient pu trouver leur place dans d’autres textes mais pas dans celui-ci.

Vous avez – je le dis sans aucune agressivité – imposé ce débat sur la suppression plus symbolique qu’effective de la notion de détresse en matière d’IVG. Vous savez, et il faut que nous l’assumions tous, que cela a provoqué des réactions très vives, qui ont entraîné une grande majorité de mes collègues vers l’abstention. C’est dommage. Je vous le redis, peut-être aurions-nous pu traiter ces questions d’une manière différente.

Et puis, monsieur le rapporteur, nous sommes en fin de séance, nous sommes en fin d’examen de ce texte, je suis au terme de mon propos : permettez-moi, sans aucune agressivité non plus, de noter cet entêtement que vous avez eu à propos du titre de la loi, entêtement qui nous a valu une très belle démonstration, malheureusement non suivie d’effet, du président de la commission des lois du Sénat. J’ai essayé de m’y raccrocher en formulant quelques éléments supplémentaires, qui n’ont pas eu l’heur de satisfaire la CMP. Je renouvelle la question que j’ai posée : notre loi, que je vais voter, va s’appeler « loi pour l’égalité réelle ». Comment s’appellera la prochaine ? Quel vocable trouverons-nous pour faire apparaître que cette fois-ci, c’est la bonne ? Je crains qu’en ayant voulu être trop précis, plus précis que le texte initial, nous ayons minoré l’importance de ce que nous avons tous ensemble réussi à faire.

Je vous demande d’excuser ces quelques minutes supplémentaires pour expliquer la position de mon groupe, qui s’abstiendra majoritairement. Votre serviteur, vous le savez, pour une série de raisons qu’il assume totalement, devant vous et devant son groupe, votera ce texte,…

Mme Chantal Guittet. Bravo !

M. Guy Geoffroy. ...tout comme mes collègues Marie-Jo Zimmermann et Nicole Ameline, ainsi que Françoise Guégot. Je souhaite que toutes les améliorations apportées par ce texte deviennent effectives pour que l’égalité soit réelle et que nous sachions nous retrouver tous ensemble au prochain rendez-vous pour faire progresser la cause des femmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Sonia Lagarde.

Mme Sonia Lagarde. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, auterme de plusieurs mois – une année, en vérité – de débats devant le Parlement, nous franchissons aujourd’hui l’ultime étape de l’examen de ce projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes. À cet égard, la discussion des conclusions de cette commission mixte paritaire constitue pour chacune et chacun d’entre nous un moment important : c’est l’occasion à la fois de tirer le bilan des échanges et de réaffirmer nos convictions en matière d’égalité.

Ces convictions, du reste, se résument assez bien dans l’expression d’ « égalité réelle ». L’enjeu de ce projet de loi, ce n’est pas simplement de réaffirmer l’égalité théorique entre les hommes et les femmes, qu’il s’agisse de l’égalité politique ou encore de l’égalité juridique au sein de la sphère familiale : celle-ci est désormais acquise, quand bien même la France n’a pas toujours été, loin s’en faut, exemplaire sur ces questions, en tardant notamment, chacun le sait, à reconnaître aux femmes le droit de vote.

Ce qui est en jeu dans ce projet de loi, c’est bien l’enracinement de cette promesse républicaine d’égalité dans la réalité du quotidien. En d’autres termes, il ne nous appartient pas seulement de dire, mais surtout de faire.

Il s’agit donc de faire, c’est-à-dire de construire l’égalité réelle, pour changer notre société, pour la faire avancer sur le chemin de l’égalité. Et nous n’avons pas eu, dans cet hémicycle, de débat à l’espagnole, ce qui est une chance.

Mais force est de constater que l’égalité entre les sexes ne constitue toujours pas, dans cet hémicycle, un point de consensus du débat politique, ni une ligne de force de l’action publique.

Avec ce projet de loi, nous avons cherché à répondre aux situations d’urgence qui demeurent dans notre société, en matière de droits des femmes. La première d’entre elles, c’est la question des violences faites aux femmes au sein même de la sphère familiale.

Une nouvelle fois, je veux saluer, madame la ministre, le dispositif de l’ordonnance de protection tel qu’il est mis en place par ce projet de loi, en permettant à l’autorité judiciaire d’agir à la fois plus rapidement et plus efficacement en cas de signalement de ce type de violences.

L’ordonnance de protection doit devenir demain un outil au service de toutes les femmes qui, c’est encore bien trop souvent le cas, n’osent pas saisir la justice des violences dont elles sont victimes.

C’est un progrès incontestable et, comme je l’ai dit, en première et en seconde lecture, je veux rappeler aussi l’absolue nécessité d’agir sur le terrain en actionnant tous les leviers de la prévention et de la détection, qu’ils soient publics ou associatifs, pour lutter encore et encore contre les violences faites aux femmes.

La seconde urgence à laquelle ce projet de loi se devait de répondre tient quant à elle aux situations de grande détresse matérielle dans lesquelles certaines mères se trouvent plongées à la suite d’une séparation. Si je veux saluer les avancées de ce projet de loi, nous aurions pu aller encore plus loin car nous savons bien que, pour nombre de femmes séparées élevant seules leurs enfants, il suffit parfois d’une seule pension alimentaire impayée pour basculer dans la grande précarité, la grande pauvreté. Une pension alimentaire impayée, c’est un échec de la justice à faire respecter et appliquer ses décisions – et c’est une question qui intéresse dès lors la société tout entière.

J’en viens à présent au troisième objet déterminant de ce projet de loi, l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.

L’inégalité salariale n’est pas un sujet que nous avons découvert au cours de l’année écoulée et il faut rappeler que c’est avec la loi du 22 décembre 1972, soit voici déjà plus de quarante ans, que la France a commencé son long chemin vers l’égalité des rémunérations.

Au fil des années, les initiatives en la matière ont été nombreuses. Certaines ont permis des avancées nettes et concrètes, d’autres sont, pour leur part, restées en deçà des enjeux.

À l’heure actuelle, soit après quarante ans d’actions dans le domaine législatif pour l’égalité salariale, une femme gagne toujours en moyenne 25 % de moins qu’un homme à compétence égale. C’est inacceptable !

Dans cette perspective, ce projet de loi a le mérite d’ouvrir une nouvelle voie en mobilisant le levier de la commande publique pour inciter les entreprises à s’engager vis-à-vis de leurs salariés en faveur d’une égalité pleine et entière en matière de rémunérations entre les hommes et les femmes.

C’est une avancée que je salue, comme je l’ai fait à chacune des étapes de la procédure législative, mais je veux rappeler aussi ma crainte qu’à elle seule, cette disposition ne remplisse pas tous les objectifs que nous lui assignons.

Ce projet de loi marque une étape, une étape importante, certes, mais une étape seulement, car je crains hélas que nous ne devions nous saisir à nouveau de ce problème dans quelques années pour y mettre véritablement un terme.

Alors, vous l’aurez compris, le groupe UDI soutient ce projet de loi tel qu’il résulte des travaux de la commission mixte paritaire et des débats qui ont précédé.

Sur bien des points, il marque un départ plus qu’une arrivée mais nous savons aussi que l’égalité réelle est ce qu’il y a de plus lent à construire dans une société.

Au terme de ce débat, je souhaite, enfin, réaffirmer simplement une conviction : combattre les inégalités de toute nature qui aujourd’hui encore font qu’une femme n’a dans notre société ni les mêmes droits ni les mêmes chances qu’un homme, ce n’est pas comme on l’entend parfois porter un ensemble de revendications catégorielles et c’est encore moins se mettre aux ordres d’un lobby.

Vouloir l’égalité, c’est porter un projet pour la société tout entière, c’est vouloir plus de prime au mérite, plus de justice pour chacune.

Vouloir l’égalité, c’est aussi changer les mentalités et les comportements comme vous l’avez encore répété ce soir, madame la ministre.

C’est faire en sorte que les femmes soient pleinement actrices de leur propre vie, sans aucune peur, sans avoir encore et encore à lutter contre toutes formes de discriminations, toutes formes de violences.

Défendre le droit des femmes, c’est garantir le paiement des pensions alimentaires pour éviter à certaines d’entre elles de sombrer dans la précarité.

Défendre le droit des femmes, c’est garantir le principe d’égalité salariale pour faire reculer l’arbitraire dans le monde du travail.

Défendre le droit des femmes, c’est lutter contre les violences que beaucoup  d’entre elles subissent.

Défendre le droit des femmes, c’est aussi l’occasion et, croyez-moi, elle est belle, de rappeler la volonté du Général de Gaulle, le courage de Simone Veil, l’obstination de Lucien Neuwirth, la vision de Valéry Giscard d’Estaing, la détermination d’Yvette Roudy, celle de Catherine Génisson et de Lionel Jospin, sans oublier nos collègues Marie-Jo Zimmermann et Françoise Guégot et, dorénavant, Najat Vallaud-Belkacem.

Défendre le droit des femmes, madame la ministre, c’est au fond si simple : c’est tout simplement vouloir une société plus juste, une société meilleure. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI, du groupe SRC et du groupe écologiste.)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, s’il est bien un objectif qui doit être et qui, je le pense, est partagé sur tous les bancs de cette assemblée, c’est bien celui de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Nous votons aujourd’hui le texte issu de la CMP d’un projet qui a fait l’objet d’une certaine unanimité, d’un certain consensus, depuis le début de son examen. Ce consensus est rassurant car cela démontre une volonté commune de tous les partis politiques de mettre fin aux inégalités entre les hommes et les femmes.

Ce texte fait d’ailleurs suite aux combats précédents déjà menés dans notre hémicycle. Je pense, bien sûr, à Simone Veil ou, plus récemment, à nos collègues Nicole Ameline et Marie-Jo Zimmermann.

Un rappel de ces quelques dates montrera à quel point cet objectif d’émancipation des femmes et d’égalité entre les femmes et les hommes est difficile à atteindre, malgré les bonnes volontés.

Pour rappel, il a fallu attendre 1965 pour que les femmes mariées puissent exercer une profession sans l’autorisation de leur mari.

Ce n’est qu’en 1967 que la loi permet aux femmes de commencer à décider de leur maternité, avec l’autorisation de la contraception.

Ce n’est qu’en 1970 que l’autorité parentale remplace la puissance paternelle.

En 1972, le principe « travail égal, salaire égal » est reconnu, sans pour autant que cela devienne une réalité, hélas.

L’interruption volontaire de grossesse n’est votée qu’en 1975. Elle ne sera prise en charge par la Sécurité sociale qu’en 1982 et remboursée à 100 % que grâce au PLFSS pour 2013 !

Cette prise en charge, je le rappelle, a eu lieu grâce à l’action d’Yvette Roudy qui, dans la foulée, posa le principe de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes et ouvrit le congé parental.

Un pas important est franchi en 2000 par le gouvernement de Lionel Jospin, avec la loi sur la parité.

À partir de 2004, le législateur s’attaque aux violences. La loi de 2010 vient confirmer cette volonté.

Notre collègue Marie-Jo Zimmermann, qui a été à l’origine de la loi de janvier 2011 pour une meilleure représentation des femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées, est un exemple de cette détermination durable dont il faut faire preuve pour faire avancer l’égalité dans les textes législatifs.

Car le constat de la situation actuelle reste néanmoins accablant. Si un léger mieux s’est fait ressentir cette année en passant, je crois, en dessous des 20 %, l’écart salarial entre les hommes et les femmes reste globalement énorme.

La réduction puis l’abolition des inégalités salariales – et professionnelles, plus largement – sont l’un des leviers que le Gouvernement et l’ensemble de la représentation nationale doivent activer au plus vite.

Ces inégalités sont la source de nombreux dysfonctionnements. Ainsi le cas du congé parental. Compte tenu du montant de l’indemnité versée, dans un couple, ce sera nécessairement celui ayant le salaire le moins élevé qui se retrouvera forcé de prendre le congé, afin d’éviter une perte de pouvoir d’achat trop importante.

Or, comme je le disais, avec les écarts salariaux entre hommes et femmes, ce seront donc majoritairement les femmes qui partiront en congé parental.

De même, avec un salaire moindre, les cotisations sont, de fait, moindres. Cela se ressentira donc en cas de périodes de chômage ou sur le montant de la retraite. Il est ainsi grand temps de remédier à cela.

Ce projet de loi va véritablement dans le bon sens.

D’abord, par son aspect transversal. Il ne se contente pas uniquement d’aborder l’aspect professionnel – bien qu’il s’agisse d’une priorité, comme je le disais. Il aborde également les questions de violence, de représentativité, de lutte contre la précarité, ou encore des sanctions, j’y reviendrai.

Ainsi, il est prévu de renforcer l’égalité professionnelle et les droits des femmes, notamment, en situation de précarité.

Cela se concrétise par le renforcement de la lutte contre les inégalités professionnelles, notamment salariales, entre les hommes et les femmes.

Source de beaucoup d’inégalités aussi bien financières que sociales, l’accès à l’égalité professionnelle doit être une priorité de la représentation nationale, comme je le soulignais précédemment. Aggraver les sanctions, les diversifier, imposer l’égalité professionnelle aux entreprises est indispensable pour l’atteindre.

Concernant les droits des femmes, des dispositions intéressantes sont également prévues. Je pense, notamment, à l’expérimentation visant à établir des garanties contre les impayés alimentaires ou bien à une autre expérimentation permettant le versement direct des prestations aux assistants maternels.

Ces deux mesures s’adresseront en priorité aux femmes les plus défavorisées, et c’est une excellente chose.

Enfin, comment ne pas souligner l’article prévoyant la suppression de la situation de détresse pour les femmes désirant interrompre une grossesse ? Alors que l’Espagne semble replonger des décennies en arrière et que certains, en France, continuent leur campagne de désinformation et leurs manifestations aussi insupportables qu’inefficaces, cette mesure est un message rassurant et important pour toutes nos concitoyennes.

Un message important de ce volet du texte concerne la protection contre les violences. Le renforcement des sanctions contre le harcèlement, la précision législative du concept de harcèlement psychologique sont autant de dispositions qui étaient attendues et nécessaires.

Dans le même sens, la lutte contre les mariages forcés est un signal fort.

Les écologistes saluent également les mesures facilitant l’obtention de papiers par les étrangères victimes de violences, ainsi que le rapatriement des victimes depuis l’étranger.

Les chiffres sur les violences faites aux femmes en France font encore froid dans le dos : 400 000 femmes victimes de violences conjugales déclarées en deux ans, 10 % de femmes victimes de violences conjugales, 148 femmes mortes sous les coups de leur conjoint en 2012.

Cela démontre la nécessité qu’il y avait de légiférer sur le sujet.

Quant aux mesures prises, elles vont dans le bon sens. Le principe du maintien de la victime dans le logement du couple en cas de violence, la suppression de la médiation en cas de violences dans le couple, ou encore la généralisation de la télé-protection en cas de danger de violence sont autant de dispositions qu’il convient de soutenir.

Je souhaite ajouter un message concernant la banalisation des violences faites aux femmes à travers la terminologie : lorsqu’une femme meurt sous les coups de son conjoint, il est souvent question de « drame conjugal ». Or, c’est un meurtre, un assassinat, ce n’est pas un drame conjugal, formule qui tend à banaliser de tels actes.

Ce soutien, les écologistes l’apportent également aux mesures en faveur de la parité. Qu’elle soit favorisée dans le monde professionnel, dans le monde associatif, dans le monde de la culture, c’est important. Qu’elle le soit dans la vie politique, c’est nécessaire et primordial. C’est pourquoi nous nous félicitons du renforcement des sanctions à l’encontre des partis politiques ne mettant pas en œuvre la parité.

Bien sûr, nous avons certains regrets. Tout d’abord, on aurait pu envisager une réforme du congé parental plus ambitieuse, de plus grande envergure, avec la mise en place d’un congé plus incitatif pour les pères, afin de favoriser une meilleure répartition des tâches domestiques.

Nous pouvons également regretter – je parle, notamment, au nom de mon collègue Sergio Coronado, qui avait défendu plusieurs amendements sur le sujet – le manque de prise en compte des questions de sécurisation des femmes étrangères en cas de violences familiales.

C’est une question d’urgence et il est donc fort dommage que ce texte n’ait pas été considéré comme le bon véhicule pour apporter une réponse à ces femmes.

Enfin, je me permettrai une légère digression car cela ne fait pas partie du texte à proprement parler mais s’inscrit dans la même ligne directrice. Outre la voie législative, le Gouvernement avait décidé de mettre en place les ABCD de l’égalité afin d’éduquer dès le plus jeune âge à l’égalité entre les filles et les garçons. C’était une excellente chose.

Si l’on peut comprendre votre volonté, madame la ministre, de changer le programme afin d’apaiser les franges les plus conservatrices de notre société, j’espère que cela ne signifie pas le report sine die de ce programme éducatif mais, simplement, son remplacement par un autre qui susciterait moins de fantasmes chez ses détracteurs.

Les écologistes y seront attentifs car nous avons toujours prôné la mise en place de politiques volontaristes pour l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est le cas de ce projet de loi et nous y sommes donc totalement favorables.

Nous vous remercions, madame la ministre, de votre opiniâtreté sur ce sujet et pour cette loi qui, je crois, comme l’a dit une collègue, contribuera à promouvoir un monde meilleur. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard.

M. Jacques Moignard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mesdames et messieurs les députés, si de nombreuses mesures ont été prises au cours des dernières années pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes, aucune loi n’a encore eu l’ambition d’aborder de front l’ensemble des thématiques la concernant.

Ce texte issu de la commission mixte paritaire que nous examinons ce soir aborde donc la question de l’égalité dans toutes ses dimensions, et c’est ce qui en fait la force.

J’évoquerai succinctement cinq des dimensions qu’il contient, qui ont d’ailleurs été reprises par mes prédécesseurs : l’égalité professionnelle, la lutte contre la précarité des femmes isolées, la protection des femmes contre toutes les violences, la santé et le bien-être, la juste représentation des femmes dans la société.

L’égalité professionnelle, tout d’abord.

En dépit de l’adoption de nombreuses lois sociales, par exemple la loi Roudy de 1983 sur l’égalité professionnelle, la place des femmes dans la vie économique est toujours marquée par de profondes inégalités. Ainsi, représentant la moitié des salariés du privé, elles n’occupent qu’un cinquième des postes de cadres dirigeants des entreprises du secteur privé.

La situation n’est guère meilleure dans la fonction publique, où l’État et les collectivités locales devraient pourtant être astreints à un devoir d’exemplarité.

Or les femmes, bien que légèrement majoritaires – 52 % –, sont peu présentes dans les fonctions d’encadrement et aux postes de responsabilité.

Ces inégalités professionnelles se reflètent, c’est bien connu, dans les revenus : celui des femmes reste toujours inférieur de 25 % à celui des hommes. Près d’une femme salariée sur trois travaille à temps partiel contre seulement 7 % des hommes, et, pour une part importante d’entre elles, il s’agit d’un temps partiel subi. Ces inégalités de situations se retrouvent jusque chez les personnes âgées : les femmes perçoivent une pension de retraite d’un montant moyen un tiers inférieur à celui des hommes.

Je me dois donc à cette tribune de mettre l’accent sur cette préoccupation majeure qui s’impose aux entreprises : mettre en œuvre l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La délégation aux droits des femmes s’est saisie rapidement de cette question et a examiné les améliorations qu’il convenait d’apporter dans l’immédiat. Ainsi, dès novembre 2012, la délégation a adopté des recommandations, notamment la mise en place d’une disposition appropriée indiquant que c’est par la voie de la négociation que sera privilégiée l’écriture du plan unilatéral de l’entreprise. Le projet de loi, en obligeant les organisations professionnelles à faire de la réduction des écarts de rémunérations une priorité, réduira fortement cette inégalité, de même qu’en instaurant une prestation partagée d’éducation de l’enfant, il favorisera le retour des femmes vers l’emploi et rééquilibrera la répartition des responsabilités parentales au sein du couple. D’ici à 2017, quelque 100 000 hommes pourront pendant six mois, s’ils le souhaitent, accéder au congé parental.

Rompre l’inégalité passe également par un renforcement de la lutte contre la précarité des femmes isolées. Une mère sur deux élevant seule ses enfants dit ne pas arriver à boucler son budget sans être à découvert. Et pour cause : presque la moitié des pensions alimentaires sont payées de façon irrégulière, ce qui pénalise des centaines de milliers de femmes et d’enfants. Le projet de loi a donc inventé une nouvelle forme de protection sociale : une garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires. Voilà un véritable remède qui, il faut le savoir, va conduire à des attitudes désormais plus volontaristes.

Autre pierre angulaire de ce texte : la protection des femmes contre toutes les violences. Celles-ci sont sans aucun doute la première source d’inégalités entre les femmes et les hommes : il n’y a pas d’égalité pour une femme prisonnière chez elle ou harcelée dans le cadre de son travail. La lutte contre les violences faites aux femmes est un préalable aux politiques d’égalité. Il s’agit d’une réalité difficile à évaluer, notamment parce que, commises dans le huis clos du foyer familial ou à l’abri des regards, une très grande majorité d’entre elles ne sont ni signalées ni détectées. En tout état de cause, les auteurs de ces violences sexuées sont, dans l’immense majorité des cas, des hommes. Outre le plan d’action triennal lancé par le Gouvernement pour mieux protéger les femmes victimes de violences, le projet de loi prévoit notamment l’accélération de la délivrance de l’ordonnance de protection et l’allongement à six mois renouvelables de la durée pour laquelle lesdites mesures de protection sont prises. Il affirme aussi le principe d’éviction du domicile de l’auteur des violences et le maintien de la victime dans le logement. En effet, trop souvent, cette décision demeure encore une exception : ces dernières années, à peine un quart des affaires traitées ont fait l’objet de telles mesures. L’éviction de l’auteur doit devenir le principe, et l’avis de la victime recueilli systématiquement. Cela répond à un principe de justice : pas de double peine pour la victime.

La mobilisation doit également porter sur la santé, le bien-être et le bonheur, et non sur des archaïsmes éhontés. Il faut donc se féliciter de la suppression de la notion de « détresse » pour recourir à une interruption volontaire de grossesse. Désormais, une femme pourra y recourir si « elle ne veut pas poursuivre une grossesse », c’est-à-dire ne plus être enfermée dans une situation qu’elle ne peut maîtriser, qu’elle subit.

Autre volet important du texte : assurer une juste représentation des femmes dans toutes les sphères de la société, à commencer par la nôtre, élus de la nation. Malgré des progrès notables dus aux dispositifs mis en place par la loi constitutionnelle de juillet 1999, qui a inscrit l’objectif de parité dans notre Constitution, les femmes continuent à être sous-représentées dans les assemblées parlementaires et dans les collectivités territoriales – sauf ce soir, où j’ai compté plus de femmes que d’hommes dans l’hémicycle… À cette fin, ce projet de loi traduit l’engagement du Président de la République de renforcer les modulations financières pour les partis politiques qui ne respectent pas les objectifs de parité. La réforme doublera donc les pénalités applicables aux partis qui ne respectent pas la parité aux élections législatives, et elle appliquera le principe d’une représentation équilibrée dans diverses instances – fédérations sportives, chambres de commerce, chambres d’agriculture, etc.

Pour conclure, parce que cette loi s’adresse à toutes et à tous, parce qu’elle est une loi de progrès pour les femmes comme pour les hommes, parce qu’elle porte en elle les conditions d’une égalité réelle entre eux, parce qu’elle fera évoluer durablement les comportements, et enfin, parce que cette loi, au-delà des femmes et des hommes, est une loi pour une humanité en marche, le groupe radical, républicain, progressiste et démocrate y apporte tout son soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, par habitude, par tradition parfois, les mentalités se structurent autour de représentations, d’idées préconçues, qui s’ancrent durablement dans les esprits, dans tous les esprits, même parfois les plus bienveillants. L’égalité homme-femme est de ces combats menés contre la facilité, contre les mauvaises coutumes. La reproduction de comportements et de pratiques alimentant l’inégalité entre les hommes et les femmes a une traduction aussi concrète qu’inquiétante : 80 % des tâches domestiques sont assurées par les femmes ; 80 % des salariés à temps partiel sont des femmes ; 27 %, telle est toujours la différence de rémunération entre les hommes et les femmes.

Notre gouvernement a pris le sujet dans toute sa dimension, je pense notamment à l’égalité professionnelle et à la lutte contre les discriminations au travail, à la lutte contre les violences et les stéréotypes sexistes, à la lutte contre la précarité et à l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités politiques, sociales et professionnelles.

Ce faisant, nous répondons à tous les enjeux, à ceux connus de longue date – je pense, par exemple, à la question salariale –, mais également aux enjeux plus récents – la place des pères dans l’éducation des enfants, le temps de vie personnel, notre représentation collective du rôle des femmes, depuis la sphère familiale jusqu’aux médias. Nous sommes en effet sur une problématique ouverte aux aléas de notre société, au vent de notre monde moderne, pas forcément toujours heureux. Cinq chantiers sont engagés : assurer une égalité salariale entre les hommes et les femmes ; mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle ; lutter contre la précarité des femmes ; protéger les femmes contre les violences ; et surtout, assurer une juste représentation des femmes dans la société.

Mais des mesures concrètes sont déjà initiées. Pour en citer quelques-unes : réformer le congé parental afin de favoriser le retour des femmes vers l’emploi et de rééquilibrer la répartition des responsabilités parentales au sein du couple ; expérimenter un mécanisme de garantie publique contre les impayés de pension alimentaire – un véritable progrès ; appliquer le principe de l’éviction du domicile de l’auteur des violences, car la femme est souvent contrainte d’y rester parce qu’elle ne sait pas où aller, et favoriser le départ de celui qui est violent, voilà un véritable progrès ; et surtout, assurer la parité en politique en augmentant le taux de modulation des financements des partis politiques qui ne respectent pas la parité aux élections législatives. Si on constate que nous sommes aujourd’hui très nombreuse dans l’hémicycle, quand l’on compare le nombre d’élues et d’élus, il y a encore trop peu de femmes. Chacune, à la place qui est la sienne, servira la cause de l’égalité homme-femme. La lutte pour l’égalité est un de nos combats ; François Hollande l’avait annoncé et nous nous y tenons à la lettre. Ce combat nous honore car nous prenons le soin de ne jamais nous satisfaire de l’existant ni baisser la garde devant les difficultés.

Une société s’élève lorsqu’elle permet à tous d’y trouver leur place juste et entière. Ce projet de loi y répond parfaitement et nous ne pouvons qu’être honorées d’y porter notre voix. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La discussion générale est close.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d’abord à remercier tous les intervenants pour la qualité du travail que nous avons accompli ici. Ce texte, je l’ai dit, n’est pas une aventure isolée, mais une coconstruction. Vous y avez apporté beaucoup. Nous avons dû y consacrer quelque vingt-quatre heures de débats intenses, et 40 % des amendements que vous avez présentés ont été acceptés.

Par conséquent, je n’ai aujourd’hui qu’un souhait à formuler : que ce texte vive longtemps et que, pour répondre à ce que disait M. Geoffroy, nous n’ayons pas même à nous poser la question de l’intitulé d’un prochain texte, car nous n’en aurons pas besoin. Je vais en tout cas m’efforcer, dans les responsabilités qui sont les miennes, de lui donner effectivité très rapidement grâce aux décrets d’application qui s’imposent, et je serai très vigilante à la mise en œuvre des mesures qui ont été votées, sachant que nous avons admis qu’il fallait les évaluer, en particulier celles qui vont transformer véritablement nos modes de fonctionnement – je pense au congé parental – ; notre volonté étant, en toutes choses, que les hommes et les femmes de ce pays vivent mieux. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, je vous souhaite à tous un très bon été, de bonnes vacances, et j’adresse les mêmes souhaits à l’ensemble de nos collaborateurs, toutes catégories confondues.

8

Clôture de la session extraordinaire

M. le président. L’Assemblée a achevé l’examen des textes inscrits à son ordre du jour. Le président de l’Assemblée nationale prendra acte de la clôture de la session extraordinaire par avis publié au Journal officiel.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinquante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly