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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 03 octobre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Marc Le Fur

1. Nomination d’un député en mission temporaire

2. Introduction des territoires ruraux et de montagne dans le code de l’éducation

Discussion générale (suite)

M. Thierry Braillard

M. Yves Daniel

M. Laurent Marcangeli

M. Yannick Favennec

Mme Martine Faure

M. Alain Calmette

Mme Colette Langlade

M. Yves Durand

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Discussion des articles

Article 1er

Amendement no 5

Après l’article 1er

Amendement no 9

Suspension et reprise de la séance

Après l’article 1er (suite)

Article 2

Amendement no 6

Article 3

Amendement no 7

Article 4

Amendement no 8

3. Prêt à taux zéro pour l’aménagement du domicile des personnes handicapées

Présentation

M. Gérald Darmanin, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Discussion générale

Mme Bérengère Poletti

M. Jonas Tahuaitu

M. Gabriel Serville

Mme Martine Pinville

M. David Douillet

M. Laurent Marcangeli

Mme Chantal Guittet

Mme Martine Carrillon-Couvreur

M. Gérald Darmanin, rapporteur

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée

Discussion des articles

Article 1er

M. Damien Abad

M. Jacques Myard

Amendement no 10

Article 2

Amendement no 9

Après l’article 2

Amendement no 17

Article 3

M. Damien Abad

Suspension et reprise de la séance

Amendement no 8

Après l’article 3

Amendements nos 3 , 19 , 20

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 4 , 6 , 7

Titre

4. Dialogue social et continuité du service public dans les transports maritimes

Présentation

M. Laurent Marcangeli, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Discussion générale

M. Thierry Mariani

M. Jean-Paul Tuaiva

Mme Marie-George Buffet

M. Arnaud Leroy

M. Gilles Savary

M. Laurent Marcangeli, rapporteur

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué

Discussion des articles

Article 1er

M. Thierry Mariani

M. Gilles Savary

M. Laurent Marcangeli, rapporteur

Article 2

M. le président

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Nomination d’un député en mission temporaire

M. le président. Le président a reçu du Premier ministre une lettre l’informant de sa décision de charger Mme Estelle Grelier, députée de Seine-Maritime, d’une mission temporaire auprès du ministre du redressement productif.

2

Introduction des territoires ruraux et de montagne dans le code de l’éducation

Suite de la discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à introduire la notion de territoires ruraux et de montagne dans le code de l’éducation (nos 1031, 1384).

Discussion générale (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée de la réussite éducative, chers collègues, si personne ne peut s’enorgueillir dans cette assemblée d’avoir le monopole du cœur,…

M. Gérald Darmanin. Très juste !

M. Thierry Braillard. …nous partageons tous l’intérêt et la défense de nos territoires ruraux et de montagne. Comme l’a rappelé Sophie Dion ce matin, cette défense n’est ni de gauche ni de droite : elle relève de l’intérêt général.

M. Laurent Marcangeli. Très bien !

M. Thierry Braillard. Aussi, sous les vivats de l’opposition, (Sourires) qu’il me soit permis de vous indiquer, madame la rapporteure, que ce n’est pas parce que le groupe radical de gauche et apparentés s’oppose, pour des raisons que je vais expliquer, à votre proposition de loi qu’il faudrait penser ou faire dire que la spécificité de l’école de montagne ou de l’école rurale n’est pas pour nous une priorité.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Cela va être difficile !

M. Thierry Braillard. C’est bien le contraire. Ce qui gêne d’ailleurs avec ce texte c’est qu’il sous-entend que si l’on ne vote pas en sa faveur, on ne défend pas les intérêts des territoires ruraux et de montagne.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Eh bien oui !

M. Thierry Braillard. Loin s’en faut, comme je vais essayer de le démontrer dans le temps qui m’est imparti. C’est justement parce que l’on défend les territoires ruraux et de montagne…

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Qu’on est contre le texte ?

M. Thierry Braillard. …que l’on doit s’opposer à cette proposition de loi.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Très compliqué !

M. Thierry Braillard. Je m’en explique : aux bonnes intentions, quelles qu’elles soient et d’où qu’elles viennent, nous préférons toujours les actes.

L’école constitue un facteur important dans les choix d’une famille de s’établir dans une commune. Nous partageons tous ce constat : l’existence d’une école rurale de montagne est essentielle pour éviter soit la concentration urbaine soit la désertification. Dès lors, la priorité reste bien de préserver le maillage du service public de l’éducation existant et le maintien du taux d’encadrement par élève des écoles et collèges en zone de montagne, ainsi que les moyens affectés au suivi des élèves en difficulté et aux remplacements.

Pour ce faire, y avait-il une sorte de no man’s land juridique pour justifier la proposition de loi du groupe UMP ? C’est ce que croit notre collègue Marie-Christine Dalloz…

M. Gérald Darmanin. Excellente collègue !

M. Thierry Braillard. …lorsqu’elle indique dans son rapport que l’objet de son texte est de réparer un oubli en ajoutant quelques mots au code de l’éducation. Pourtant, vous devriez savoir – mais vous le savez pertinemment, madame la rapporteure – que la circulaire du 30 décembre 2011 à destination des recteurs d’académie…

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Une circulaire serait normative ? Nous apprenons quelque chose !

M. Thierry Braillard. …a porté une attention toute particulière aux zones de montagne pour compenser les situations d’isolement éducatif auxquelles elles peuvent être confrontées. Vous parlez de normatif. Vous savez pourtant que l’on nous reproche bien souvent l’excès législatif : à force de faire trop de lois, on tue la loi.

M. Gérald Darmanin. Entre le trop et le trop peu il y a une différence !

M. Thierry Braillard. Cette circulaire du 30 décembre 2011 est exhaustive et elle contient des objectifs partagés.

M. Gérald Darmanin. Êtes-vous membre du Gouvernement ?

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. C’est l’adjoint du ministre de l’éducation !

M. Thierry Braillard. Premier objectif, la concertation, cette concertation que madame la ministre vous avez menée avec les élus concernant les rythmes scolaires et que l’Association nationale des élus de montagne aurait bien aimé connaître à une autre époque, notamment lorsque M. Darcos était ministre de l’éducation nationale.

Autre objectif, l’identification des écoles, dans chaque département ayant des zones de montagne, qui justifient l’application de modalités spécifiques d’organisation et d’allocation de moyens au regard de leurs caractéristiques. À ce propos, je veux saluer à cette tribune, un exemple positif : l’excellent travail du conseil général des Hautes-Pyrénées, de son président Michel Pélieu et de Chantal Robin-Rodrigo, une de nos anciennes collègues.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Un autre temps !

M. Thierry Braillard. En lien avec les autorités académiques de ce département, ils ont mené une expérience très concluante sur une telle identification des écoles, en combinant le classement montagne avec le caractère rural de la commune, sa démographie scolaire, son isolement et ses conditions d’accès pour les transports scolaires. Il s’agit d’un travail récent, réalisé en 2011 et 2012, qui montre bien l’implication dont peuvent faire preuve les élus de montagne pour soutenir l’école rurale et de montagne.

La circulaire permet également parmi ses objectifs l’aménagement du réseau scolaire et une stabilisation des structures, ce qui constitue pour nous une vraie priorité. Mais toutes les bonnes intentions, toutes les bonnes volontés se heurtent souvent au récif de la contrainte financière.

M. Gérald Darmanin. Quel poète !

M. Thierry Braillard. Sur ce point, la réalité pour les écoles des territoires ruraux et de montagne a changé : alors que des postes disparaissaient, des postes ont été recréés, créés ou seront bientôt affectés. Toutefois, madame la ministre, le ministère doit veiller à ce que, dans ces départements, il n’y ait pas un tropisme trop urbain. Le rôle des directeurs académiques des services de l’éducation nationale, les DASEN, nous apparaît essentiel à cet égard. Ce que fait en tout cas le Gouvernement, avec notre soutien, est la traduction de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013. Ce texte précise qu’une attention particulière est portée aux territoires ruraux et de montagne, comme l’a rappelé Mme la ministre,…

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. L’enfer est pavé de bonnes intentions !

M. Thierry Braillard. …mais c’est surtout l’augmentation des moyens et du nombre de postes qui nous permet de penser que le Gouvernement soutient mieux, quantitativement et qualitativement, les écoles dans les territoires ruraux et de montagne.

M. Gérald Darmanin. Et les rythmes scolaires ? Et les baisses de dotations ?

M. Thierry Braillard. Monsieur Darmanin, ce n’est pas nous qui avons supprimé 80 000 postes en cinq ans ! Avec un tel bilan, on évite d’interrompre l’orateur !

Qu’il s’agisse de la priorité donnée à l’accueil des enfants de moins de trois ans, du service public du numérique ou encore de la continuité pédagogique entre l’école élémentaire et le collège, des bons points doivent être attribués à notre majorité et à nos ministres Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale, et George Pau-Langevin, ministre de la réussite éducative.

Madame la ministre, je sais que vous restez attentive à la question du transport scolaire, notamment du surcoût lié à la modification de l’organisation de la semaine scolaire, même si l’aide de l’État par élève augmente dans les territoires ruraux et de montagne pour répondre à la modification des rythmes scolaires.

Le service public de l’éducation dans les zones rurales et, en particulier, de montagne est une priorité de notre majorité et il ne pourra que s’améliorer au cours des prochaines années, compte tenu des moyens budgétaires qui lui sont affectés : plus de 300 créations de postes dès cette rentrée, voilà une réalité que l’on n’avait pas connue depuis des années !

C’est la raison pour laquelle le groupe radical de gauche et apparentés ne voit aucun intérêt à voter cette proposition de loi. Il s’associera aux amendements de suppression qui seront défendus ultérieurement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daniel.

M. Yves Daniel. Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée de la réussite éducative, chers collègues, nous poursuivons cet après-midi l’examen de la proposition de loi de Mme Dalloz, visant à introduire la notion de territoires ruraux et de montagne dans le code de l’éducation. Étant moi-même agriculteur exploitant, et élu d’une circonscription rurale, un tel texte aurait pu me séduire. C’est loin d’être le cas, pour des raisons que j’ai pu développer il y a quelques semaines en commission des affaires culturelles et de l’éducation et que je vais reprendre ici.

Pour commencer, revenons sur la principale motivation de la présente proposition de loi. L’exposé des motifs affirme que les territoires ruraux « souffrent depuis longtemps d’une absence d’aménagement du territoire qui se traduit dans tous les secteurs et notamment dans l’organisation du service public de l’éducation. » Pour répondre à cette objection, vous me permettrez de citer plusieurs passages de la loi pour la refondation de l’école de la République, que nous avons votée en juillet dernier.

Tout d’abord, la lutte contre les inégalités territoriales est devenue une mission du service public de l’éducation. Puis l’attention particulière à porter aux territoires ruraux et de montagne est désormais inscrite dans ce texte.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Pour les moins de trois ans !

M. Yves Daniel. Le grand service public du numérique est mis en place avec des cofinancements mobilisés en priorité pour raccorder de façon systématique les établissements scolaires des premier et second degrés, principalement ceux qui sont situés en milieu rural. Vous le constatez vous-même, mes chers collègues, les mesures en faveur des territoires ruraux et de montagne que la loi pour la refondation de l’école contient sont nombreuses. Malheureusement, pour respecter le temps qui m’est imparti, je n’aurai pas le loisir de tout détailler.

Je voudrais cependant appeler votre attention sur un autre texte qui sera discuté à l’Assemblée dans le courant de l’année prochaine : le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, la forêt et l’alimentation.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Ce n’est pas le sujet !

M. Yves Daniel. La question de l’enseignement agricole, directement lié aux territoires ruraux y sera en effet largement abordée. C’est la raison pour laquelle les ministères de l’éducation nationale et de l’agriculture ont lancé une vaste concertation sur l’avenir de cet enseignement, dont les conclusions ont été remises en mai dernier. Notre collègue Carole Delga, députée de Haute-Garonne et coordinatrice de l’atelier « Promotion sociale et réussite scolaire », n’a pas manqué de souligner que l’enseignement agricole est au cœur des priorités du Gouvernement.

Certains pourraient dire que ce rapide inventaire n’est qu’une succession de déclarations d’intention. En réalité, le changement est déjà à l’œuvre, comme en témoignent les chiffres qui concluront mon propos.

Les territoires ruraux ont fortement souffert de la réforme Chatel et de la suppression de 80 000 postes d’enseignants qui l’a accompagnée. Pour corriger le sous-investissement des années précédentes, 60 000 postes seront créés dans l’éducation nationale sous ce quinquennat. Ce n’est pas rien. Pour cette seule rentrée 2013, on enregistre ainsi 3 350 postes supplémentaires d’enseignants dans les écoles publiques et privées sous contrat.

Entre 2009 et 2012, les effectifs disponibles pour le remplacement ont diminué de 40 %. À la rentrée 2013, 1 000 postes ont été alloués aux professeurs remplaçants dont 720 pour le primaire et plus de 280 pour le secondaire. Cet effort était plus qu’attendu : je vous rappelle, mes chers collègues, que si l’on additionne l’ensemble des heures non dispensées, un élève perd en moyenne une année de cours tout au long de sa scolarité.

Les nouveaux rythmes scolaires représenteraient un coût difficilement supportable pour les communes rurales et de montagne. Au-delà de la somme forfaitaire pour chaque élève passée en 2013, un complément est alloué aux communes classées en « dotation de solidarité rurale cible ». Pour la première fois, non seulement l’État aide au financement du périscolaire, mais en plus il le fait davantage pour les communes rurales.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Cela sera financé comment en 2014 ?

M. Yves Daniel. J’ajoute que cette réforme se fait dans un esprit de concertation, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, lors de votre audition par la commission des affaires culturelles et de l’éducation début septembre : « La réforme des rythmes scolaires améliore le travail entre les DASEN, les associations et les élus. Cette pratique de la concertation est une avancée de la démocratie éducative. »

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. C’est bien de le dire !

M. Yves Daniel. Les fermetures de classes auraient selon vous, madame Dalloz, rythmé la rentrée scolaire des départements ruraux ou de montagne.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Ah oui !

M. Yves Daniel. Pourtant, les prévisions de fermetures dans les départements ruraux à cette rentrée sont plus que compensées par les ouvertures, comme l’a dit Mme la ministre, avec un solde net de 104 créations de classes. Et parmi elles, il convient de noter la mise en œuvre du renforcement de la scolarisation des enfants de moins de trois ans et du dispositif « plus de maîtres que de classes » dont les zones rurales et de montagne sont les premières à bénéficier.

Que ce soit dans ses déclarations, ses actions ou les moyens engagés, le Gouvernement montre son souci constant d’assurer un développement harmonieux, équitable et juste de notre pays.

M. Jean-Pierre Le Roch. Exactement !

M. Yves Daniel. J’invite l’opposition à y prêter davantage attention, et à déposer des textes qui ne soient pas seulement rhétoriques mais porteurs d’avancées réelles. Nous y gagnerions tous, et l’égalité des territoires, l’égalité des chances, aussi.

Nous disons oui à la prise en compte des territoires ruraux et de montagne, dans la complémentarité et la spécificité des territoires. C’est ce que nous propose le Gouvernement, et ce que nous vous proposons de faire en ne votant pas cette loi.  (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Durand. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli.

M. Laurent Marcangeli. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, en tant que parlementaire corse, je suis évidemment très sensible aux problématiques qui touchent les zones rurales de montagne. Je sais combien ces territoires peuvent souffrir d’un manque de reconnaissance. Ils ont parfois le sentiment que leurs spécificités ne sont pas suffisamment prises en compte.

Comme vous, mes chers collègues, je rencontre des habitants des territoires ruraux et de montagne : tous me disent combien la vitalité de leur territoire dépend de la présence et de la qualité de nos services publics. Parmi ces missions essentielles, l’école est un élément capital – je dirais même stratégique – pour l’avenir d’une commune, d’un regroupement de communes, d’un canton, d’un département ou d’une région.

Nous le savons bien, la présence ou l’absence d’une école dans un lieu donné pèse incontestablement sur les choix des familles d’y rester, de s’y installer. C’est un élément déterminant, un facteur d’attractivité et de développement. C’est pourquoi nous devons préserver au maximum le maillage territorial, ou du moins le faire évoluer de façon pertinente. Pertinente, c’est-à-dire en prenant en compte les caractéristiques particulières de ces territoires, par exemple le relief ou le climat des terres de montagne. En effet, les problèmes d’accès à l’école ne s’y posent évidemment pas dans les mêmes termes que dans un environnement urbain. Aussi les notions de seuils, de normes, doivent obligatoirement être pondérées par des critères particuliers et objectifs, tels que la situation géographique.

En tant que juriste, mais également en tant que représentant d’un territoire doté d’un statut particulier, je crois qu’il est toujours bon de rappeler l’adage bien connu : à situation différente, réponse juridique différenciée. C’est tout l’esprit de la loi montagne, qui a posé les principes fondamentaux d’auto-développement, de compensation des handicaps et d’équilibre. C’est également l’esprit de la charte de l’organisation des services publics en milieu rural de 2006, qui a fixé de nouvelles règles, notamment un diagnostic et une concertation préalables à toute réorganisation d’un service public.

Dans la droite ligne de ces textes, la précédente majorité avait mis en place un groupe de travail au sein du ministère de l’éducation nationale. De ce travail collectif, mené par mon collègue Luc Chatel et l’Association nationale des élus de montagne, est née la circulaire du 30 décembre 2011 relative aux écoles de montagne.

Cette circulaire constitue un véritable guide des bonnes pratiques en matière de carte scolaire, car ces zones sont spécifiques. Une circulaire reste peu contraignante : c’est pourquoi je pense que le code de l’éducation doit désormais prendre explicitement en compte les territoires ruraux de montagne. Malheureusement, la loi sur la refondation de l’école aura été une occasion manquée, comme le souligne si justement ma chère collègue Marie-Christine Dalloz dans son rapport.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Merci !

M. Laurent Marcangeli. Pour corriger ce rendez-vous manqué, notre collègue nous propose donc tout simplement de mentionner les territoires ruraux et de montagne dans le code de l’éducation, et d’encadrer les opérations de carte scolaire par un décret pris en Conseil d’État.

Chers collègues de la majorité, nous avons entendu vos prises de position. Vous dites que, pour vous, l’école est une priorité. C’est d’ailleurs en ce sens que vous avez supprimé la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Vous avez créé de nombreux postes dans l’éducation. Je ne doute donc pas que vous approuviez ce texte, qui vise simplement à ce que tous les territoires disposent d’une offre éducative de qualité et équitable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, madame la rapporteure, mes chers collègues, je vous dirai en quelques mots pourquoi le groupe UDI se prononcera pour cette proposition de loi.

La première raison est de méthode : cette méthode, c’est la simplicité. Le texte qui nous est proposé pose un seul principe : prendre en compte la réalité des différents territoires, et notamment des territoires de montagne et des zones rurales, pour apporter une réponse adaptée aux besoins d’éducation. En peu de mots, tout est dit.

N’est-ce pas là la vocation de la loi ? La simplicité est l’assurance de l’efficacité, parce qu’elle rend le cadre législatif plus compréhensible à tous, au ministère de l’éducation nationale et à toutes ses composantes territoriales, rectorales et départementales, mais aussi aux élus locaux, ainsi qu’aux parents. Ce cadre-là ne saurait être fixé par une circulaire. C’est bien l’autorité de la loi qui doit s’imposer de façon claire et universelle.

La deuxième raison de notre soutien à cette proposition de loi, c’est sa nécessité. Dans son rapport thématique de mai 2013, la Cour des comptes a relevé certaines faiblesses de l’organisation de l’éducation nationale, au regard de l’impératif d’amélioration des résultats des élèves. Elle a notamment dénoncé une gestion de masse indifférenciée, sans individualisation, qui est en fin de compte inégalitaire. Face au poids décisif des origines sociales et géographiques dans le parcours scolaire des élèves, la Cour faisait le constat de l’incapacité à prendre en compte, dans l’organisation scolaire, les besoins des élèves, eu égard à leurs difficultés, liées à nombre de facteurs, notamment géographiques. Même les zonages d’éducation prioritaire n’échappaient pas à sa critique, dans la mesure où ils sont souvent frappés de caducité. En définitive, leurs résultats sont peu probants pour les élèves.

En bref, la proposition de loi qui nous est présentée nous invite à ne plus raisonner sur des moyennes, mais sur des réalités. De ce point de vue, on ne peut que regretter que la loi de refondation de l’école de la République n’ait traité ce sujet que de façon vaporeuse, dans le rapport annexé à la loi. Comme aime à le rappeler son rapporteur, notre collègue Yves Durand, cette déclaration d’intention a « valeur législative mais pas normative ».

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Eh oui ! C’est reporté en annexe !

M. Yves Durand. Cela n’avait rien de vaporeux !

M. Yannick Favennec. La troisième raison du soutien du groupe UDI, c’est la sortie du dilemme entre le quantitatif et le qualitatif. On connaît l’importance quantitative de l’éducation nationale, que l’on pourrait résumer en deux chiffres : la moitié des agents publics employés par l’État sont des enseignants ; le budget de l’éducation nationale représente plus de 17% du budget général de l’État.

Il s’agit donc d’allier des moyens importants à une méthode qui permette de les affecter de façon plus pertinente. Que visons-nous par là ? Simplement à libérer les imaginations, à faire émerger de bonnes pratiques qui permettraient notamment une meilleure gestion des enseignants, et qui contribueraient à une meilleure attractivité de ce métier, dans un cadre pédagogique plus souple, ouvert aux expérimentations.

De ce point de vue, le seul critère fondamental qui nous semblait devoir être conservé dans la loi pour garantir un principe de cohérence républicaine était le socle. Malheureusement, l’article 7 de la loi du 8 juillet 2013 fait l’impasse sur les contenus du socle commun de connaissances, de compétences et désormais de culture qui se voient relégués à une définition réglementaire. C’est là une erreur de méthode fondamentale.

La quatrième et dernière raison du soutien du groupe UDI, que je représente ici, c’est évidemment l’effort singulier que la République doit consacrer à des territoires singuliers. Je suis moi-même un élu du monde rural, du département de la Mayenne. Je suis persuadé, au regard des aspirations des Français, des perspectives démographiques de notre pays, que le monde rural constitue un enjeu fondamental pour la réussite à venir de nos jeunes compatriotes, parce que le bien-être des élèves et de leurs parents est une condition de la réussite éducative.

Il ne s’agit donc pas d’agiter la sébile pour ces territoires, mais plutôt d’éviter des choix que l’avenir ne tardera pas à rendre obsolètes. Il s’agit de faire un pari de développement, alors que par ailleurs nous nous battons pour maintenir, améliorer et transformer d’autres services publics de proximité, comme les services postaux ou l’offre médicale.

Voilà donc, très brièvement évoquées, les quatre raisons principales qui conduiront le groupe UDI à voter pour cette proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Faure.

Mme Martine Faure. Monsieur le président, madame la rapporteure, mes chers collègues, la grande réforme engagée par M. le ministre de l’éducation nationale et vous-même, madame la ministre, au moyen de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet dernier, a reconnu et affirmé la dimension territoriale du service public de l’éducation. Cette loi a complété l’article premier du code de l’éducation, aux termes duquel « l’école contribue à l’égalité des chances et lutte contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire ».

La loi énonce avec force que la répartition des moyens du service public de l’éducation doit tenir compte des différences de situation, notamment en matière économique et sociale. Nous nous sommes attachés à renforcer l’encadrement des élèves dans les écoles situées dans des zones d’environnement social défavorisé et des zones d’habitat dispersé. L’expression « zone d’habitat dispersé » n’évoque nullement la ville !

Aussi, la proposition de loi présentée aujourd’hui en séance ne se justifie pas. Une attention toute particulière est déjà portée aux territoires ruraux et de montagne : la loi de refondation prévoit notamment que, lors de l’élaboration de la carte scolaire, les autorités académiques respectent leur devoir d’information et de concertation avec les exécutifs locaux des collectivités territoriales concernées.

Il est regrettable d’opposer les territoires urbains d’un côté, ruraux et de montagne de l’autre. En effet, au fil du temps, on observe une évolution démographique. Les données numériques bougent. La précarité, nous le savons bien, n’est pas l’apanage de la campagne ou de la montagne : elle se retrouve bien souvent dans les villes ou dans leurs périphéries. La loi de la refondation de l’école a particulièrement veillé à assurer la même qualité de vie scolaire à tous les élèves et à gommer toutes les disparités flagrantes.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Oui, mais les territoires ruraux et de montagne présentent des spécificités !

Mme Martine Faure. Mais, faut-il le rappeler ? les territoires ruraux, de montagne et d’outre-mer ont beaucoup souffert sous les gouvernements précédents, notamment du fait des nombreuses suppression de postes d’enseignants, et de la diminution des moyens de l’enseignement scolaire. On ne peut pas le nier. Nous avons, quant à nous, tenté de remédier à cette situation dès la rentrée 2012, en créant 1 000 postes. Cette évolution a été confirmée en 2013 : plus de 3 000 postes d’enseignants supplémentaires ont été créés. Ils ont été répartis avec le souci de rendre l’école plus juste, dans tous les territoires. Les zones rurales et de montagne ont d’ailleurs été les premières à bénéficier du renforcement de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, conformément à l’article 8 du projet de loi.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Uniquement ceux de moins de trois ans !

Mme Martine Faure. Oui, mais enfin je pense que dans tout ce texte nous avons continué à affirmer l’égalité sur tous les territoires.

Enfin, je tiens à insister sur les engagements pris par notre Gouvernement pour mettre en place un grand service public du numérique. Les cofinancements prévus par les programmes gouvernementaux en faveur du déploiement du très haut débit sur l’ensemble du territoire sont mobilisés pour raccorder de façon systématique les établissements scolaires, et principalement ceux qui sont situés en milieu rural. Cela, vous ne pouvez pas le nier !

Je rappelle également qu’en ce qui concerne le haut débit, les difficultés existent parfois de façon aussi pénalisante en milieu urbain qu’en milieu rural. Cette action conduite en matière de développement du numérique et des nouvelles technologies permettra précisément de réduire les inégalités sociales comme territoriales. Elle garantira un meilleur accès à un enseignement de qualité sur l’ensemble du territoire.

Les zones rurales ont bel et bien été prises en compte par la loi de refondation de l’école de la République. Je le redis : les députés de l’opposition avaient trouvé la loi de refondation de l’école trop bavarde ; aujourd’hui, inutile de rendre le code de l’éducation plus bavard ! Nul besoin de redites et de formules redondantes ! Les territoires ruraux, les territoires de montagne et les territoires d’outre-mer sont bien pris en compte et en considération. Ils continueront de l’être.

Notre gouvernement a souhaité, avec la refondation de l’école, redonner espoir à tous les enfants et à tous les jeunes de notre pays. Ne nous laissons pas emporter par des discussions inutiles et stériles, et défendons sans perdre de temps l’unique intérêt des élèves sur l’ensemble des territoires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Calmette.

M. Alain Calmette. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, cette proposition de loi présente pour le moins un caractère incongru venant de l’UMP : ni l’école ni l’aménagement du territoire n’ont, me semble-t-il, été pour elle une priorité dans les dernières années.

Car enfin, qu’avez-vous fait, chers collègues, ces dernières années pour le milieu rural, pour les zones fragilisées ? Vous n’avez eu aucune ambition de politique d’aménagement du territoire, alors que la décennie 2002-2012 a accentué les inégalités non seulement entre les citoyens, mais aussi entre les territoires.

À coup de révision générale des politiques publiques, vous avez démantelé le réseau des services publics. Chaque administration centrale, avec sa logique verticale, sans harmonisation avec les autres, a supprimé non seulement des postes d’enseignants, mais aussi des gendarmeries, des tribunaux, des perceptions.

Dans mon département, le Cantal, entièrement classé en zone de montagne, près de soixante-dix postes ont été supprimés durant la période – pour ne parler que des postes d’enseignants du premier degré.

Et après cela, vous venez nous proposer, comme remède miracle, d’introduire la notion de territoires ruraux et de montagne dans le code de l’éducation ?

Vous devriez plutôt avoir des remords quant à la politique que vous avez soutenue et vouloir, comme le fait le Gouvernement depuis un an, refaire de l’école la priorité qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être.

Vous auriez pu voter la loi de refondation de l’école qui, loin d’oublier les territoires ruraux et de montagne, les renforce, grâce aux moyens nouveaux qui leur seront octroyés. D’ailleurs, dans ces zones, le débat entre quantitatif et qualitatif n’a pas lieu d’être. C’est par le quantitatif que l’on préservera le qualitatif.

Aujourd’hui même, mesdames et messieurs les députés UMP, je lisais votre contre-projet de budget qui propose le retour de la révision générale des politiques publiques, préconise cinq milliards d’euros d’économies supplémentaires dans les dépenses de l’État et envisage 15 000 suppressions supplémentaires de postes de fonctionnaires.

Un traitement particulier pour l’école ? Il n’en est pas question ! Une mention particulière sur l’aménagement du territoire ? Non plus ! Quelle contradiction de présenter le même jour cette proposition de loi et votre contre-budget de budget !

Après avoir supprimé 80 000 postes en cinq ans dans l’éducation nationale, vous venez nous proposer d’introduire la notion de zones rurales et de montagne dans le code de l’éducation, alors que ces zones seraient précisément les premières victimes de votre politique si l’on appliquait vos propositions budgétaires !

La seule façon d’offrir à ces zones une offre éducative de qualité garantissant l’égalité républicaine d’accès au service public de l’éducation est de donner les moyens à l’école d’ancrer durablement la rénovation de l’école dans les territoires, en lien avec une véritable politique d’aménagement du territoire.

Il ne s’agit pas d’une politique frileuse, de nostalgie du passé, de repli sur soi, de défense du statu-quo. Il s’agit au contraire d’une vision progressiste de l’école en milieu rural, qui repose sur quelques priorités inscrites dans la loi que vous avez refusé de voter : l’accueil des moins de trois ans dans les zones rurales, où l’environnement social dans le domaine de la petite enfance est défavorisé ; le dispositif « plus de maîtres que de classes », qui comprend le soutien aux élèves en difficulté à travers les Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, complètement démantelés par votre politique ; le numérique, outil primordial de désenclavement intellectuel, culturel, scientifique et pédagogique ; le périscolaire qui prolonge le service public de l’éducation et le complète dans le cadre du projet éducatif de territoire.

Vous qui lancez une campagne de pilonnage contre la réforme des rythmes scolaires, qui demandez même son abrogation,…

M. Damien Abad. Ce n’est pas nous, ce sont les Français !

M. Yves Durand. Mais non !

M. Alain Calmette. …qui clamez partout que cette réforme n’est pas applicable en milieu rural, et bien sachez que dans le département du Cantal, mon département, près de 80 % des enfants sont concernés dès cette rentrée.

Une telle action va permettre, et permet déjà, un travail de fond – qui va se poursuivre – de mutualisation, de formation des intervenants, d’ouverture de l’école sur son environnement, avec des conséquences très positives sur la prise en charge des enfants au-delà du temps scolaire.

Oui, la loi de refondation de l’école est une opportunité pour les territoires ruraux et de montagne. La solution passe par une structuration durable des réseaux des écoles avec la création de pôles pédagogiques, en travaillant sur la qualité des projets scolaires et périscolaires, le service public du numérique éducatif étant un élément essentiel de cette démarche.

Voilà notre vision de l’école en milieu rural, celle que nous allons essayer de mettre en place dans les années qui viennent.

La loi nous donne les moyens de cette ambition d’une école rénovée non seulement pour elle-même et pour les enfants, mais aussi au service de l’aménagement du territoire dans les zones rurales et de montagne.

Et cela, mes chers collègues, c’est une tout autre ambition que celle que vous proposez à travers cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Langlade.

Mme Colette Langlade. Permettez-moi simplement, madame la rapporteure, de rappeler quelques chiffres portant sur les cinq dernières années, soit entre 2007 et 2012 : vous avez, avec la majorité d’alors, voté la suppression de 80 000 postes dans l’éducation nationale, détruit la formation des maîtres, supprimé la carte scolaire et les RASED. Vous avez également contribué à la dévalorisation du métier d’enseignant et, surtout, fait chuter la France au classement PISA.

M. Damien Abad. Quel sectarisme !

M. Yves Durand. C’est la vérité !

Mme Colette Langlade. N’ayant que cinq minutes de temps de parole, j’arrêterai l’inventaire des coups que vos collègues de l’opposition ont porté à l’école de la République, à notre école.

M. Damien Abad. Vous parlez au passé, toujours au passé !

Mme Colette Langlade. Aujourd’hui, vous renoncez à réparer les dégâts des dix ans de droite au pouvoir, à l’image des députés de l’opposition qui défendent cette proposition de loi. Grâce à l’actuelle majorité, cette réparation passe par la création de 60 000 postes dans l’éducation, par la création des emplois jeunes professeurs, par la loi de refondation de l’école de la République.

Partant de ce constat, mes chers collègues de la majorité, la démarche de cette proposition de loi n’est pas crédible : ce n’est pas avec une proposition de loi d’affichage, comme celle que nous discutons aujourd’hui, que nous répondrons aux besoins des écoles dans les territoires ruraux et de montagne.

Le Gouvernement a commencé à donner des réponses à ces questions et continue à en apporter. La loi de refondation de l’école créé un grand service public du numérique. Elle précise que « les cofinancements prévus par les programmes gouvernementaux en faveur du déploiement du très haut débit sur l’ensemble du territoire sont notamment mobilisés pour raccorder de façon systématique les établissements scolaires des premier et second degrés, et principalement ceux qui sont situés en milieu rural »

Dans son article 8, elle dispose que : « dans les classes enfantines ou les écoles maternelles, les enfants peuvent être accueillis dès l’âge de deux ans révolus dans des conditions éducatives et pédagogiques adaptées à leur âge, visant leur développement moteur, sensoriel et cognitif, précisées par le ministre chargé de l’éducation nationale. Cet accueil donne lieu à un dialogue avec les familles. Il est organisé en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne et dans les régions d’outre-mer. »

Concernant la mise en œuvre des nouveaux rythmes scolaires, les communes éligibles à la dotation de solidarité rurale recevront une majoration de quarante euros par élève pour l’année scolaire 2013-2014 et de quarante-cinq euros par élève pour l’année scolaire 2014-2015.

Enfin, les zones rurales et de montagnes sont parmi les premières à bénéficier du renforcement de la scolarisation des enfants de moins de trois ans et du dispositif « plus de maîtres que de classes ». Comme mes collègues de la majorité, je m’opposerai à ce texte, comme ce fut le cas en commission. En effet, il ne répond à aucun des besoins de nos écoles rurales et de montagne.

Dois-je enfin rappeler, madame le rapporteur, que le 12 septembre dernier votre parti politique  a réuni une convention consacrée à l’éducation et que l’une de ses trente-six propositions visait à rendre public les évaluations réalisées dans les écoles, l’objectif étant de responsabiliser chaque école primaire sur ses résultats ?

M. Yves Durand. La mise en concurrence !

Mme Colette Langlade. Nous en savons que trop que pour vous, la mise en concurrence des établissements scolaires qui se situent en zones rurales ou de montagnes est une priorité.

En conclusion, je voterai contre cette proposition de loi, sachant que la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République porte une attention spécifique aux territoires ruraux et de montagne.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Ah bon ? Où ça ? Dans l’annexe ?

Mme Colette Langlade. Depuis juin 2012, madame le rapporteur, l’enfant, l’élève reste au coeur de nos priorités.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Le coeur de vos priorités, c’est la loi ! C’est extraordinaire !

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’essaierai devant vous d’apporter une réponse aux questions que je me suis posées en écoutant attentivement l’ensemble des orateurs.

Première question : y aurait-il entre nous des désaccords sur la spécificité des territoires ruraux et de montagne ?

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Non !

M. Yves Durand. Nous en sommes bien d’accord, madame la rapporteure, en tout cas du côté gauche de l’hémicycle, et c’est d’ailleurs pour cela que nous avons condamné votre funeste révision générale des politiques publiques qui supprimait des postes, notamment dans les territoires ruraux et de montagnes.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. C’est faux ! Je vous donnerai des exemples !

M. Yves Durand. Deuxième question : les préoccupations que nous partageons  tous en la matière sont-elles inscrites dans la loi de refondation de l’école ?

M. Damien Abad. Non !

M. Yves Durand. La réponse est oui. Madame la rapporteure, vous avez fait mention, et je vous en remercie, d’un amendement que j’ai présenté en tant que rapporteur de la loi sur la refondation de l’école, qui évoque, dans le rapport annexé, la spécificité de ces territoires.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Dans le rapport annexé !

M. Yves Durand. Mme la ministre vous l’a rappelé tout à l’heure dans son propos introductif qui présentait la position du Gouvernement sur cette proposition de loi : la loi, donc désormais le code de l’éducation, reconnaît clairement une spécificité de ces territoires, sachant que nous avons à combattre les inégalités territoriales. Les choses sont claires.

Troisième question : pourquoi une telle proposition de loi a-t-elle été déposée ? Madame la rapporteure, j’ai hélas trouvé la réponse dans votre rapport : « l’occasion manquée de la loi du 18 juillet 2013, dite de refondation de l’école. » Le seul objet de ce texte, c’est de revenir sur une loi votée par notre assemblée, par la majorité de gauche, et que vous n’acceptez pas.

Vous suivez, et je le regrette, exactement la même pratique dans ce domaine que sur les rythmes scolaires : votre groupe a renié le vote exprimé lors du rapport de la mission parlementaire sur ce thème, alors même qu’il y avait unanimité pour dire que c’était une réforme urgente et nécessaire, réforme qu’aujourd’hui vous rejetez et méprisez pour des raisons politiciennes. Voilà pourquoi nous voterons contre votre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la réussite éducative.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative. Mesdames, messieurs, comme la discussion l’a montré, nous sommes tous d’accord sur l’objectif : nous recherchons une égalité entre les territoires et nous sommes tout à fait conscients des dispositifs spécifiques que peuvent requérir les écoles des milieux ruraux et de montagnes.

Toutefois, comme chacun le comprend, la loi ne peut pas avoir comme objet de réglementer dans le détail ce qui doit relever de l’action quotidienne des établissements, de circulaires ou du dialogue de gestion avec les académies.

M. Gérald Darmanin. Pour un Gouvernement socialiste, avoir tout le monde contre soi s’agissant des rythmes scolaires, c’est fort !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Depuis que le Gouvernement a réaffirmé l’éducation comme une priorité, les moyens sont revenus. Les professeurs ont été embauchés et la formation a été relancée : la volonté de remettre davantage de maîtres devant les élèves a été traduite dans les faits.

Malheureusement, nous ne pouvons pas remédier immédiatement à tous les dégâts causés précédemment, nous ne pouvons pas tout de suite sortir du chapeau tous les maîtres que l’on voudrait.

Pour autant, les écoles de montagne ont, compte tenu de leurs spécificités, un taux d’encadrement qui est souvent supérieur à celui des écoles des villes.

M. Laurent Marcangeli. Des chiffres !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Les allocations de moyens favorisent en effet ces écoles. En tout cas, elles ne sont pas trop défavorisées.

On a parlé de la durée des trajets des enfants de ces régions pour se rendre à l’école, mais tel est le cas dans nombre d’autres endroits de notre pays où des élèves doivent malheureusement faire des trajets trop longs. Les moyens sont à cet égard répartis en fonction des situations.

Par exemple, je suis allée l’année dernière en Guyane, où des enfants ont une heure et demie de pirogue pour aller à l’école. Et comme dans ce territoire, les communes n’ont pas les moyens d’organiser la restauration scolaire, on ne donne rien à manger à ces enfants entre cinq heures du matin et seize heures.

Nous sommes donc conscients des difficultés, mais je ne crois pas qu’on doive inscrire dans la loi ce qui doit faire partie de la pratique quotidienne de l’administration.

On a également évoqué les nouveaux rythmes scolaires. Dois-je rappeler à mon tour que le Parlement a publié à ce sujet un rapport qui n’était pas partisan puisque Mme Tabarot notamment, députée UMP, en faisait partie ?

M. Yves Durand. Elle présidait même la mission !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Vous-même, monsieur Yves Durand, en faisiez partie, et déjà vous étiez bien sûr d’accord avec la position actuelle de la gauche.

M. Gérald Darmanin. Le problème, ce n’est pas la réforme, c’est M. Peillon !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Mais des députés UMP avaient aussi conclu qu’il fallait impérativement, dans l’intérêt des enfants, revenir sur les rythmes scolaires, lesquels étaient inadaptés. Après avoir procédé à une consultation, M. Chatel lui-même a convenu qu’il fallait agir dans l’intérêt de nos enfants.

M. Damien Abad. Mais en concertation !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Je rappelle aussi que, l’an dernier, dans le cadre de la loi sur la refondation de l’école, l’Assemblée a évoqué cette question des rythmes scolaires. Lorsque l’on affirme, année après année, qu’une réforme est nécessaire, il faut bien un jour y procéder. Certes, agir dans l’intérêt des enfants impose un effort aux adultes, et il est clair que l’on devra affronter des oppositions. On le savait avant de commencer. C’est même la raison pour laquelle Luc Chatel avait remis prudemment à la rentrée 2013 la réforme des rythmes scolaires !

Mais ce n’est pas parce qu’une réforme est difficile qu’il ne faut pas la faire, si nous sommes convaincus qu’il y va de l’intérêt des enfants. C’est justement parce que nous n’agissons pas que les choses nous apparaissent extrêmement difficiles ! Or nous ne pouvons pas nous permettre de ne rien faire pour nos enfants. Nous sommes tous d’accord sur l’objectif : les écoles de montagne doivent être respectées.

M. Gérald Darmanin. Le problème, c’est que la proposition vient de la droite !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Il demeure que nous estimons qu’il est inutile de l’inscrire dans le code de l’éducation. Vous avez parlé de lois bavardes, ne les généralisons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.

Article 1er

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je vous ai écoutée attentivement, madame la ministre. Quand on est d’accord avec l’esprit d’une loi, on ne vote pas contre, à la limite, on s’abstient !

M. Gérald Darmanin. Eh oui !

M. Damien Abad. Mais sans doute considérez-vous que les modalités pratiques sont plus importantes que le principe ! Il ne peut en tout cas pas y avoir deux poids deux mesures. Si vous êtes pour le principe, donc pour les écoles de montagne, et si, comme vous nous l’avez fort justement dit dans votre discours, vous défendez la ruralité, remettez-vous en à la sagesse de l’Assemblée plutôt que de vous opposer ! Ou alors si vous êtes contre, ce qui est tout à fait respectable, assumez votre opposition !

M. Gérald Darmanin. Eh oui !

M. Damien Abad. Sinon, nous serions contraints d’en conclure qu’elle est politicienne et partisane !

Vous considérez que cette proposition est inutile parce que son principe figure dans le code de l’éducation, que la circulaire du 30 décembre le prévoit et qu’il existe une loi montagne.

M. Yves Durand. Le principe est satisfait !

M. Damien Abad. Si nous sommes parlementaires, c’est parce que nous estimons qu’il existe une différence entre la loi et le règlement.

M. Gérald Darmanin. Bravo !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Et en l’occurrence, cela relève du règlement !

M. Damien Abad. C’est ce que vous affirmez. Expliquez-moi alors pourquoi il est impossible d’inscrire des précisions d’ordre territorial dans le code de l’éducation alors que des précisions d’ordre économique et social y figurent ? Si ce texte relève du règlement, alors tout relève du règlement ! Accordez au moins vos violons !

Vous avez par ailleurs souligné avec raison, madame la ministre, qu’il s’agissait en la matière d’une question qui relevait de la pratique quotidienne de l’administration. Mais si nous sommes ici aujourd’hui, c’est justement parce que cette pratique quotidienne pose problème ! C’est parce que dans nos écoles rurales ou de montagne, on ferme ou on ouvre une classe pour un ou deux élèves en moins ou en plus. Vous le savez d’ailleurs tellement que vous avez dénoncé sur ces bancs ce problème sous le précédent gouvernement. Il ne s’agit donc pas ici d’une proposition de loi qui n’intéresserait que l’UMP !

Interrogez d’ailleurs Frédérique Massat et plus généralement l’Association nationale des élus de la montagne. Vous verrez alors quelle est leur position sur ces sujets ! Au-delà des écoles de zones urbaines ou de zones défavorisées, l’application stricte du règlement contraint parfois les directeurs d’académie à fermer des écoles, ce qui est, vous le savez comme moi, source de drames. En effet, quand une école ferme, c’est parfois un village qui, ensuite, disparaît !

M. Gérald Darmanin. Très juste !

M. Damien Abad. Nous vous demandons simplement de faire preuve de bon sens en instaurant un principe et de faire en sorte qu’il soit adopté à l’unanimité ou, au moins, de vous en remettre à la sagesse de l’Assemblée nationale. Vous démontreriez alors que, tous ensemble, nous sommes, au-delà des clivages partisans, capables de défendre la ruralité et les zones de montagne ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion.

Mme Sophie Dion. Je m’étonne également qu’alors que l’on s’accorde sur le fond, il n’existe pas de consensus pour voter le texte. La montagne, la ruralité, la campagne ne sont ni de droite ni de gauche, et je regrette donc que vous n’acceptiez pas, chers collègues de la majorité, de voter ce texte simplement parce qu’il émane de l’UMP. Peut-être vous rendrez-vous compte dans quelques mois combien il est nécessaire !

Je me contenterai de faire trois remarques.

Premièrement, je m’étonne de constater que certains soutiennent que le fait rural ou montagnard est pris en compte dans la loi. C’est inexact. Vous êtes tous des juristes et vous savez parfaitement qu’une circulaire n’est pas une loi. Une circulaire est, par définition, soumise à un pouvoir discrétionnaire. Elle n’a pas force obligatoire – je ne vous rappellerai pas la hiérarchie des normes.

Il serait vraiment regrettable que notre assemblée ne considère pas que la loi a une valeur symbolique extraordinaire et qu’elle est surtout obligatoire, ce qui n’est évidemment pas le cas de la circulaire toujours soumise à l’arbitraire de celui qui l’applique.

Ma deuxième remarque porte sur l’argument selon lequel il serait inutile de prendre en compte l’école de montagne ou de la campagne en raison de l’accès au numérique. Comme vous, j’ai lu Albert Camus : rien ne remplace l’instituteur dans une école.

Le rôle du maître d’école est essentiel dans la formation d’un enfant, d’un jeune.

M. Yves Durand. Meilleur que celui du curé ? (Sourires.)

Mme Sophie Dion. Enfin, ma troisième remarque fera référence à ce que l’on appelle les déserts médicaux : vous allez en effet créer demain des déserts scolaires. Vous mesurerez alors à quel point la proposition de loi qui nous est soumise était nécessaire. Je regrette, encore fois, que vous ne la votiez pas pour des raisons purement idéologiques. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daniel, pour soutenir l’amendement n5.

M. Yves Daniel. Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 1er. Je ne sais quoi ajouter après tout ce qui vient d’être dit…

M. Gérald Darmanin. On vous comprend !

M. Yves Daniel. …car c’est à se demander si nous lisons tous les mêmes textes. Cet article en effet est déjà satisfait par le code de l’éducation qui précise, en son article L. 111-1, que le service public de l’éducation contribue « à lutter contre les inégalités sociales et territoriales » et que « la répartition des moyens du service public de l’éducation tient compte des différences de situation », ce qui inclut de fait les territoires ruraux et de montagne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Avant de donner l’avis de la commission, je tiens à répondre à notre collègue que soutenir que cette disposition est déjà inscrite dans cet article L. 111-1 est soit une méconnaissance totale de cet article, soit de la mauvaise foi !

M. Gérald Darmanin. C’est un peu les deux !

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Permettez-moi de vous citer quelques exemples, sachant que le ratio P/E est exactement le même pour tous les territoires – ce qui signifie d’ailleurs que la réalité des territoires est totalement occultée. Les données qui m’ont été transmises par le ministère, le 18 septembre, font ainsi apparaître que les Ardennes ont perdu 42 classes, le Morbihan 46, le Maine-et-Loire 37,5 postes et le Jura 35 ! Est-ce vraiment cela que vous voulez, à savoir la création de déserts scolaires comme le disait à l’instant ma collègue ?

Madame la ministre, je vous ai bien écoutée. Vous avez dit que l’école de la République se devait d’être présente partout, rappelant que vous favorisiez le développement du numérique. Je tiens juste à vous rappeler que le numérique dans nos territoires ruraux ne pourra se développer qu’à la seule condition qu’il reste une classe ! Considérant l’avalanche de fermetures lors de cette dernière rentrée, on ne peut qu’en conclure que les déserts scolaires n’ont pas fini de surgir dans les territoires ruraux !

Vous nous avez également beaucoup parlé de la RGPP, et si j’ai à chaque fois, c’est parce que je savais que j’allais alors me faire plaisir ! Je ne prendrai qu’un seul exemple. Sous la précédente majorité, une quatrième classe a été ouverte dans un regroupement pédagogique intercommunal, un RPI très rural, à savoir à l’école de la Pesse et des Bouchoux dans la montagne du Haut Jura, alors que l’on comptait un élève de moins qu’aujourd’hui. Les élèves de ce RPI ont donc fait leur rentrée le 2 septembre dans leurs quatre classes, et ont eu école pendant une semaine. Or, le mercredi qui a suivi, à savoir le 10 septembre, l’inspecteur a fermé purement et simplement une classe !

M. Gérald Darmanin. C’est le changement !

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Telle est votre réalité, et c’est pourquoi tant que notre proposition ne sera pas inscrite dans le code de l’éducation, de telles dérives se poursuivront.

Puisque vous êtes unanimes pour vanter votre reconnaissance de la spécificité de la montagne, laissez-moi donc vous lire un extrait d’une lettre de Mme la présidente de l’ANEM, Mme Frédérique Massat, issue de votre majorité, adressée tout récemment, le 18 septembre dernier, à M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale, suite à la fermeture de cette classe :

« Cette décision entraîne un redécoupage des cycles sur les deux sites d’enseignement, créant, de fait, des classes jusqu’à vingt-neuf élèves sur trois niveaux et mutant sans préavis une enseignante titulaire. Considérant l’école rurale comme un élément vital d’aménagement du territoire, nous vous sollicitons pour procéder à un nouvel examen de cette décision de suppression de poste à l’aune de la circulaire 2011-237 du 30 décembre 2011. » Même Frédérique Massat, députée de votre majorité, se réfère à la circulaire de M. Chatel pour défendre un établissement scolaire !

M. Damien Abad. Le bon sens montagnard !

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Cela montre qu’il existe bien un vrai manque dans votre loi de refondation de l’école de la République et que la seule façon d’y remédier, c’est d’inscrire dans l’article L. 111-1 la spécificité de l’école rurale et de montagne.

Force est de reconnaître aujourd’hui que pour défendre l’école de montagne, les élus de la montagne issus de la majorité ne sont pas là !

La commission, monsieur le président, a émis un avis favorable sur cet amendement, en dépit de mon avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. On peut toujours trouver un exemple…

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. J’en ai d’autres !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. …ou trois exemples de fermeture de classe du fait d’un effectif inférieur au seuil fixé. Référons-nous plutôt à des considérations plus globales. Entre 2008 et 2012, 114 postes ont été supprimés dans un département rural comme le Jura alors que nous n’y en avons supprimé, pour cette rentrée, que quinze. Lorsqu’il n’y a plus assez d’enfants pour maintenir une classe, on ne peut pas maintenir un poste d’enseignant pour un effectif partiel. On ne doit pas jouer à ce jeu. Nous devons veiller à ce que le nombre d’enseignants soit suffisant, et il y a des règles définissant le nombre d’enfants par classe. On ne peut pas en conséquence conserver des classes si l’effectif est réduit de moitié. Ce ne serait pas, madame, une manière correcte de procéder.

Je suis donc de l’avis de la commission.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Nous avons de nombreux exemples similaires à celui de l’école des Bouchoux, madame la ministre. Je citerai, à ce titre, le cas de ma circonscription et de la commune de montagne du Poizat.

Notre objectif, je le répète, est de faire en sorte que la spécificité des zones de montagne et des zones rurales soit prise en compte dans le code de l’éducation afin que l’administration, donc très concrètement les directeurs d’académie, adoptent une position positive en la matière.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Elle l’est !

M. Damien Abad. S’il n’y avait pas eu de problème, Mme Massat, présidente de l’Association nationale des élus de la montagne, n’aurait pas écrit le courrier en question !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Les parlementaires écrivent régulièrement aux ministres. Il n’y a rien là d’anormal !

M. Damien Abad. S’il n’y avait pas de problème, nous ne serions pas là aujourd’hui et vous le savez comme moi ! Certaines pratiques quotidiennes nous démontrent qu’il est nécessaire de légiférer.

Vous nous dites qu’il y a eu 834 fermetures cette année, toutes compensées par des ouvertures. Mais combien y en a-t-il eu en zone rurale et en zone de montagne ? Il semble en effet qu’il y ait eu un grand nombre d’ouvertures en zone urbaine et un grand nombre de fermetures en zone rurale ! Pouvez-vous nous donner des éléments chiffrés plus précis sur la répartition des ouvertures et des fermetures entre les zones rurales, les zones de montagne et les zones urbaines afin que nous puissions mieux cerner quelles sont les priorités du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. On parle de départements ruraux et, dans ces départements, c’est positif !

M. le président. Si vous souhaitez vous exprimer, madame la ministre, je vous donne la parole.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Merci, monsieur le président.

Il est extrêmement savoureux de voir l’opposition s’élever contre des suppressions de postes ! Cela nous ramène en effet à des réalités qui ont été autrement plus dures ! Encore une fois, il y a eu dans le Jura, considéré comme un département rural, 114 suppressions de postes entre 2008 et 2012 contre seulement quinze cette année. Vous avez beau tordre les chiffres comme vous voulez, monsieur le député, les départements ruraux sont bien mieux traités qu’ils ne l’étaient quand vous étiez aux affaires !

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Très concrètement, madame la ministre, cela signifie que vous engagez-vous aujourd’hui à ne jamais inscrire le mot « territoriale » dans le code de l’éducation ?

M. Yves Durand. Il y figure déjà !

M. Damien Abad. Non, puisque c’est l’objet de la proposition de loi ! Ne racontez pas n’importe quoi !

Madame la ministre, est-ce que, oui ou non, la gauche au pouvoir n’écrira jamais dans le code de l’éducation le mot « territoriale » et n’évoquera jamais, au-delà des zones d’habitat dispersé, les zones rurales et de montagne parce qu’une telle démarche serait déjà satisfaite et qu’elle serait donc inutile ? Si tel doit être le cas, alors assumez-le ! Il ne faudrait pas en effet que, dans deux ou trois ans, vous reveniez devant nous en nous expliquant qu’il faut prendre en compte dans la loi les zones rurales et les zones de montagne du fait de l’existence de certaines difficultés !

Les députés de droite ne sont pas seuls à vous le dire : les remontées du terrain démontrent la spécificité de telles zones. Au-delà de la spécificité des zones socialement défavorisées, que l’on a parfois trop prises en compte, celle des zones rurales et de montagne ne doit pas être oubliée. Lorsqu’une école n’a que deux ou trois classes et que l’une d’entre elles ferme, c’est l’école entière qui est en danger. Vous le savez bien en effet, les parents n’ont alors plus confiance et mettent leurs enfants ailleurs, situation que l’on essaie d’ailleurs de corriger avec les RPI.

Vraiment, inscrire cette spécificité dans le code de l’éducation serait utile. Avez-vous d’ailleurs interrogé vos directeurs d’académie sur ce sujet ? Ne considèrent-ils que cela pourrait leur être utile dans les choix qu’ils ont à faire dans les zones rurales ?

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Quelques mots simplement car il faut tout de même en sortir. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Damien Abad. C’est le débat !

M. Yves Durand. Les textes existent et il faut donc faire preuve d’un peu de bonne foi. Au-delà des différences de situation, comme l’a indiqué Yves Daniel, dont il est tenu compte pour la répartition des moyens du service public de l’éducation, nous renforçons cette prise en compte avec la notion de zone d’habitat dispersé, donc les zones rurales et de montagne. Je le soutiens d’autant plus que j’ai été professeur d’histoire et géographie : on explique en effet aux élèves de première que les zones d’habitat dispersé sont en général des zones rurales et de montagne. Ces zones sont donc bien prises en compte dans les textes.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Non !

M. Yves Durand. Dans ma commune de Lomme, dans le Nord, une fermeture de classe de maternelle m’étant apparue injustifiée car située en zone d’éducation prioritaire, j’ai écrit au DASEN et alerté le ministre. Il m’a été répondu qu’il y avait des cas plus urgents. Je n’ai pas déposé une proposition de loi pour autant. Il est vrai que, compte tenu de la destruction des postes intervenue pendant dix ans (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), il est difficile de faire face à certaines situations !

Mme Martine Pinville. C’est vrai !

M. Yves Durand. Alors, un peu de décence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Si vous me trouvez dans la loi la définition de la zone d’habitat dispersé, monsieur Durand, je suis preneuse.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Autant la notion de montagne a été définie puisqu’une loi montagne a été votée en 2005 pour définir les critères et les spécificités de la montagne, autant celle de zone d’habitat dispersé n’est absolument pas définie par la loi.

Vous parlez par ailleurs de cette proposition de loi comme d’un texte fait dans un certain état d’esprit. Or lorsqu’elle a été déposée, le 15 mai 2013, sur le bureau de l’Assemblée nationale, on ne parlait alors ni de refondation de l’école de la République ni de rythmes scolaires. De grâce, ne prêtez donc pas de mauvaises intentions à ce texte qui n’a pour objet que de répondre à des réalités !

Madame la ministre, vous parlez d’un solde de quinze postes pour le Jura, mais il y a eu trente-cinq fermetures – j’ai votre document. Dois-je par ailleurs rappeler qu’un grand nombre des postes supprimés dans le cadre de la RGPP, s’ils étaient financés par l’éducation nationale, correspondaient à des mises à disposition d’autres organismes ? Or vous les intégrez dans votre calcul portant sur les cinq années précédentes. Et celui-ci est d’autant moins lisible que vous n’avez pas pris en compte les effectifs réels, avec un enseignant en face d’une classe. La réalité, aujourd’hui, c’est qu’il y a des fermetures d’écoles.

M. le président. La parole est à M. Alain Calmette.

M. Alain Calmette. Quelqu’un qui viendrait dans cet hémicycle sans être au courant des problèmes de la ruralité et de la montagne penserait qu’alors que tout allait bien jusqu’à maintenant voilà que l’on supprime depuis quelques mois des postes spécifiques dans les zones de montagne et le milieu rural.

M. Damien Abad. Ce n’est pas ce que nous avons dit !

M. Alain Calmette. Quand l’on sait d’où l’on part, comment peut-on faire ainsi le procès de la majorité au sujet des postes d’enseignants dans ce pays ?

M. Damien Abad. Nous faisons une proposition constructive !

M. Alain Calmette. Le Gouvernement a un travail de rattrapage, de reconstruction, de refondation à effectuer…

M. Gérald Darmanin. Qui fait grève ?

M. Alain Calmette. …afin de remédier dans l’urgence à des situations catastrophiques partout où c’est nécessaire, dans le milieu urbain comme dans le milieu rural car il ne faut pas opposer les deux.

Je suis élu d’un département rural situé entièrement en zone de montagne. Alors qu’il a subi pendant des années et des années des suppressions de postes, nous allons réussir l’année prochaine, par un travail de co-construction avec les partenaires éducatifs, à stabiliser le nombre de postes, en dépit d’une baisse démographique très forte.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Il faut être dans la majorité pour cela !

M. Alain Calmette. Ce n’est pas en se repliant sur le passé, en voulant le statu quo que l’on va construire une école du futur. C’est plutôt en trouvant de nouveaux moyens, en procédant à des mutualisations, à des regroupements pédagogiques que nous arriverons à faire vivre notre pays.

Nous partons de loin et nous reprocher à nous, majorité, de supprimer des postes, c’est tout de même un inversement de raisonnement que je tenais à souligner.

M. Damien Abad. Vous n’avez pas le monopole de l’école !

(L’amendement n5 est adopté et l’article 1er est supprimé.)

Après l’article 1er

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n9.

Mme Annie Genevard. Je suis d’un naturel obstiné.

M. Yves Durand. C’est vrai !

Mme Annie Genevard. En première lecture de la loi sur la refondation de l’école, j’ai posé une question à M. le ministre de l’éducation nationale, il n’a pas répondu. En seconde lecture, je lui ai reposé la même question, il n’a pas répondu. Je la pose donc à nouveau à la faveur de cette excellente proposition de loi, la rentrée scolaire nous ayant montré qu’elle n’était pas inutile.

Je lui avais demandé de nous préciser sa définition d’une zone d’environnement social défavorisé. C’est en effet ce critère qui déterminera un élément fondamental, la prise en compte dans les effectifs des enfants de moins de trois ans – ce qui entraîne évidemment le maintien ou non de postes, l’ouverture ou non de classes. Vous comprenez donc bien que cette notion a toute son importance, particulièrement dans les zones de montagne et les zones rurales. Madame la ministre, cette notion est-elle donc définie de façon précise dans le code de l’éducation ?

Il existe des territoires ruraux ou de montagne socialement défavorisés. Entendons-nous bien, nous ne sommes ni en ZEP, ni en banlieue ni dans les quartiers, mais l’éloignement d’un centre urbain, l’absence de services à la population, la difficulté de circulation, le défaut de desserte par transport public sont des éléments qui peuvent concourir à ce que l’on ait un environnement à caractère social défavorisé.

Je repose donc la question et je la reposerai inlassablement parce qu’elle n’est pas anodine car nous avons constaté dans nos territoires que, dans des lieux socialement défavorisés, la scolarisation des moins de trois ans n’a pas été prise en compte.

On peut, quand on est ministre, claironner la refondation de l’école, on peut dire que tout a changé, qu’on est passé de l’ombre d’un gouvernement indifférent à la question éducative à la lumière d’un ministre pénétré de l’importance de la question éducative. Si l’on ne donne pas les moyens de le traduire dans les faits, ce ne sont que des paroles vaines.

M. Gérald Darmanin. Exactement !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n9 ?

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable, en dépit de mon avis favorable, voire très favorable car il faudra bien un jour, madame la ministre, répondre à ce souci de clarification législative. S’il est bien de définir un cadre, qu’y intègre-t-on comme critères sociaux ? Que signifie cette terminologie de zone d’environnement social défavorisé et comment la décline-t-on très concrètement sur nos territoires ? Une telle clarification me semble légitime.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Je n’ai pas vraiment envie de devoir donner une telle définition (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : il me suffira de constater que l’UMP ne sait pas ce que c’est que des gens socialement défavorisés ! (Mêmes mouvements.)

Mme Annie Genevard. C’est malhonnête !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. C’est significatif ! Nous, nous sommes nombreux à savoir parfaitement ce que sont les gens défavorisés, les gens dans la difficulté, dans l’exclusion…

M. Damien Abad et Mme Annie Genevard. C’est scandaleux de parler ainsi !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. …et à vouloir essayer de faire plus pour eux parce qu’ils ont moins.

Vous le savez parfaitement, 120 postes supplémentaires ont été alloués en zone rurale pour la scolarisation des moins de trois ans, et cela justement dans des zones rurales défavorisées.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Madame la ministre, vous êtes peut-être un peu énervée d’être ici, souffrez que l’opposition puisse discuter et parler d’éducation.

M. Yves Durand. C’est inélégant !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Décidément, vous ne vous améliorez pas !

M. Gérald Darmanin. Ce qui est inélégant, monsieur Durand, c’est d’imaginer que la droite est la bourgeoisie et que la gauche, ce sont les zones sociales défavorisées. Regardez la sociologie de vos dirigeants politiques, vous seriez bien surpris !

Ce qui inélégant, madame, c’est d’ignorer le fait qu’il y a ici des élus de la nation venant parfois de circonscriptions ayant donné une majorité à M. Hollande, et j’en suis. Venez dans ma circonscription quand vous le souhaitez, à Tourcoing, à Halluin, que connaît bien M. Durand, vous verrez que vous n’avez ni le monopole du cœur, ni celui de l’éducation, ni celui des écoles. Vous tenez comme un étendard cette espèce de misérabilisme alors que depuis un an et demi, c’est la casse sociale que vous organisez pour la plupart des gens qui ont voté pour vous. Je ne reviendrai pas en détail sur les mesures économiques, mais vous devriez avoir un petit peu de modestie quand vous voyez que ceux qui font grève aujourd’hui, ce sont les enseignants !

Mme Genevard pose un vrai problème. Elle a le souci de l’éducation, elle a montré pendant tout le débat sur la loi sur l’école à quel point elle était investie. Vous pourriez au moins respecter l’opposition, respecter ceux qui ont voté pour elle et ne pas montrer un certain sectarisme comme vous le faites. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Durand. Voilà qui fait avancer le débat !

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la ministre, je suis vraiment stupéfaite par votre remarque. Je ne comprends pas que vous osiez nous faire une pareille réponse. Nous vous interrogeons sur l’absence de critères qui entraînent la prise en compte ou non des enfants de moins de trois ans. Je rappelle que votre ministre de tutelle a fait de la scolarisation des enfants de moins de trois ans dans les zones défavorisées un étendard, un élément phare de sa réforme, et vous traitez cela par le mépris en faisant observer que la droite ne sait pas ce qu’est une zone à environnement social défavorisé. C’est une honte de répondre ainsi.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Damien Abad. Répondez à la question !

Mme Annie Genevard. Comment osez-vous vous en sortir par cette pirouette qui est indigne de vous, indigne de la fonction que vous occupez ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Exactement !

M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli.

M. Laurent Marcangeli. Je vous accompagnerai volontiers dans ma circonscription si vous le souhaitez, madame la ministre, et vous verrez ce qu’est, dans le monde rural, une zone d’environnement social très défavorisé après la fermeture d’une école.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Je sais ce que c’est !

M. Laurent Marcangeli. Je vous montrerai ce qui se passe dans ces régions sinistrées quand les services publics ferment leurs portes.

M. Yves Durand. Nous l’avons vécu !

M. Laurent Marcangeli. Je trouve très choquant que vous fassiez en permanence, de façon manichéenne, de la démagogie sur des sujets qui ne sont ni de droite ni de gauche, mais de bon sens. Cette proposition de loi est une bonne proposition, elle parle de problèmes réels, concrets, que des centaines de milliers de Français vivent au quotidien, dans des zones qui ont besoin d’être soutenues par le Gouvernement et qui attendent de lui autre chose que des paroles blessantes pour une partie de notre pays. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Jusqu’à présent notre débat s’était à peu près bien passé, madame la ministre, même si nous avons un désaccord de fond, ce qui est normal dans cette assemblée. Il faut simplement que, les uns et les autres, nous nous respections. Je vous suggère donc de revenir sur vos propos pour la bonne tenue de nos débats. Par ailleurs, puisque vous la connaissez, donnez-nous la définition d’une zone socialement défavorisée, dites-nous où se trouve cette définition et précisez-nous en les conditions. En tout cas, pour toute l’Assemblée, il serait bon que vous reveniez sur vos propos.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion.

Mme Sophie Dion. Monsieur le président, une suspension de séance s’impose pour que chacun reprenne ses esprits, se pénètre des notions d’intérêt général et de solidarité et comprenne que l’enfant mérite mieux que de tels débats et compromissions. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Après l’article 1er (suite)

(L’amendement n9 n’est pas adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Yves Daniel, pour soutenir l’amendement n6 de suppression de l’article 2.

M. Yves Daniel. Je ne remercie pas Mme la rapporteure de m’avoir taxé de mauvaise foi. Elle a pris pour exemple d’ouvertures et de fermetures de classes le Morbihan, en évoquant quarante-six suppressions de classes. Je ne comprends pas car le solde à la rentrée est positif de douze classes !

En ce qui concerne l’amendement, l’article L. 111-1 du code de l’éducation répond déjà à l’objet de la proposition de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Je profiterai de l’occasion pour bien préciser les choses. Il y a en effet dans le Morbihan un solde positif de douze classes, soit 59,5 dotations en équivalents temps plein, mais bien 46,5 fermetures. Ce sont les chiffres officiels du ministère.

M. Yves Durand. Maintenant, nous les avons ! Ce n’était pas le cas avant !

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Et je ne suis pas sûre que les fermetures aient lieu en milieu urbain. C’est cette répartition qu’il faudrait prendre en considération.

On parle de zones d’habitat dispersé, mais, encore une fois, trouvez-moi dans le code la définition de cette notion. C’est une invention récente qui n’a absolument aucune portée juridique. La montagne et les territoires ruraux ne sont pas définis seulement par l’habitat dispersé ; ce n’est pas le seul critère. L’habitat dispersé est un habitat peu dense, mais la montagne ou le monde rural, c’est aussi du relief, un climat différent, un écosystème. L’article L. 113-1 dispose que les actions menées pour les enfants de moins de trois ans le sont en priorité dans les zones situées dans un environnement social défavorisé, en zone urbaine, rurale ou de montagne. Pourquoi n’acceptez-vous pas l’idée de le préciser pour l’ensemble de nos classes ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Ce que propose Mme la rapporteure à cet article 2, à savoir de compléter la notion de zone d’habitat dispersé, dont on ne connaît même pas la définition, par les zones rurales et de montagne, est de bon sens.

Par ailleurs, madame la ministre, ce n’est pas parce que votre langue a fourché une fois que vous n’avez plus le droit de répondre.

Mme Annie Genevard. Exactement !

M. Damien Abad. Il faut retrouver de la sérénité dans nos débats et, pour cela, que vous répondiez sur le fond. Vous ne pouvez pas, parce que vous avez commis une erreur, ne plus rien dire jusqu’à la fin du débat. Ce n’est pas notre conception de la démocratie et, pour vous avoir vu à l’œuvre par ailleurs, je ne pense pas non plus que ce soit votre volonté profonde. La seule chose à faire est donc de nous répondre concrètement et même, comme je vous y ai invitée avant la suspension, de revenir sur vos précédents propos, de manière que nous retrouvions la sérénité de nos débats.

(L’amendement n6 est adopté et l’article2 est supprimé.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. Yves Daniel, pour soutenir l’amendement n7 de suppression de l’article 3.

M. Yves Daniel. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. L’exposé sommaire de l’amendement renvoie à la mention, dans la loi, des zones rurales et de montagne, mais, encore une fois, il s’agit d’un rapport annexé à la loi sur la refondation de l’école de la République. Un rapport annexé n’est pas du tout une inscription dans le marbre !

Vous considérez que de telles mesures ont valeur législative, mais permettez-moi là encore de sourire : vous rappelez la circulaire du 30 décembre 2011 de M. Luc Chatel.

Quand cela vous arrange, vous vous référez à ce qu’a fait l’ancien Gouvernement, mais quand c’est le contraire, vous dénoncez alors ses dérives. Il faut être un peu cohérent ! S’agissant de cette circulaire datée du mois de décembre 2011, vous auriez dû soit revenir dessus, soit l’intégrer aujourd’hui dans votre texte sur la refondation de l’école de la République. Vous ne faites preuve d’aucun bon sens, au point que je m’étonne de cet amendement de suppression de l’article 3. Cela n’a de fait rien de législatif !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 7 ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Favorable.

(L’amendement n7 est adopté et l’article 3 est supprimé.)

Article 4

M. le président. La parole est à M. Yves Daniel, pour soutenir l’amendement n8, qui est un amendement de suppression de l’article.

M. Yves Daniel. Ce sont les mêmes arguments qui découlent de la suppression des autres articles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Malgré mon avis défavorable, les trois articles précédents étant tombés, la commission a accepté, à mon grand dam, cet amendement. Encore une fois, j’espère que les élus de la montagne, lors d’un prochain congrès, sauront noter de quelle solidarité les députés font preuve sur la question de la montagne.

M. Damien Abad. C’est vrai !

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. C’est la première fois dans notre histoire d’élus de la montagne que nous assistons à ce manque de solidarité, et c’est votre majorité qui en portera les conséquences.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Vous n’osez plus répondre, madame la ministre ! Cela signifie donc clairement que vous reconnaissez votre faute de tout à l’heure. Assumez vos propos !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Cela suffit maintenant !

M. Damien Abad. Puisque vous vous référez à la circulaire du 30 décembre 2011 et que vous dites qu’il est inutile d’inscrire notre proposition dans le code de l’éducation puisqu’elle y est déjà satisfaite, pouvez-vous dans ce cas nous donner l’interprétation que votre administration et votre ministère font de cette circulaire quand il y est écrit qu’une « attention particulière est portée aux territoires ruraux et de montagne » ? Quelles actions concrètes témoignent sur nos territoires de cette volonté ? J’attends une réponse concrète à cette question, et non pas votre mutisme actuel.

M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli.

M. Laurent Marcangeli. Je déplore l’occasion manquée, car nous pouvions donner aujourd’hui un exemple de bon sens. Or avec ces amendements de suppression et la position de la majorité sur ce texte d’intérêt général, celle-ci a offert une image de fermeture. J’espère que les territoires ruraux et de montagne s’en souviendront, non sans tristesse mais avec véhémence, pour les prochains rendez-vous.

M. Yves Durand. Nous avons maintenant bien compris l’objet réel de la proposition de loi !

(L’amendement n8 est adopté et l’article 4 est supprimé.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi. L’Assemblée ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, il n’y aura pas lieu de procéder au vote solennel décidé par la Conférence des présidents.

M. Gérald Darmanin. C’est bien dommage !

3

Prêt à taux zéro pour l’aménagement du domicile des personnes handicapées

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à accorder un prêt à taux zéro pour l’aménagement du domicile des personnes handicapées moteur (nos 494, 1361).

Présentation

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Gérald Darmanin, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, mes chers collègues, permettez-moi d’exprimer d’abord l’honneur qui m’est fait d’avoir été désigné rapporteur de cette proposition de loi déposée avec mon collègue David Douillet et améliorée par rapport à la proposition précédemment faite par Christian Vanneste, l’ancien député de la dixième circonscription du Nord dont je suis l’élu. De nombreux parlementaires de mon groupe politique – qu’ils en soient remerciés – ont cosigné cette proposition de loi.

Il est important de nous arrêter aujourd’hui sur la question du handicap, car, madame la ministre, nous savons tous sur ces bancs à quel point, en tant que citoyens mais élus également, nous avons affaire à la détresse des familles, ainsi qu’à la joie et au courage de ceux qui se battent chaque jour contre le handicap.

En dépit des avancées apportées par la loi du 11 février 2005, la question de l’accueil et de l’accompagnement du handicap demeure un défi important, notamment dans le domaine du logement, sur lequel nous avons, avec mon collègue David Douillet, concentré notre réflexion. Il défendra d’ailleurs bientôt un amendement au nom également de Bernard Gérard, cosignataire de la proposition de loi sur les rez-de-chaussée dans les logements HLM. Beaucoup reste à faire pour les maisons individuelles à usage d’habitation et pour les logements collectifs. Le point essentiel de la loi de 2005, voulue par Jacques Chirac, était que l’environnement est l’élément le plus important pour la personne handicapée. Quoi de plus important en ce cas que son logement et son accueil ? Je sais à quel point les associations et certains parlementaires – je salue Bérengère Poletti et David Douillet, qui a beaucoup œuvré pour le handicap – sont investis dans ce sujet.

Nos concitoyens handicapés sont en droit d’attendre que les collectivités publiques mettent tout en œuvre pour que ceux qui souhaitent rester chez eux puissent le faire. Le handicap touche tout le monde – l’enfant, l’adulte et la personne âgée – et la difficulté de ces personnes se résume parfois à l’enfer d’une poignée de porte que l’on n’arrive pas à ouvrir, à un évier ou à une douche auxquels on ne peut pas accéder ou à une porte d’entrée qui ne permet plus le passage. Il faut savoir que 62 % des accidents des personnes handicapées chez elles sont dus à ces petits manques d’aménagement très concrets.

Notre proposition de loi vise aussi à accompagner le grand âge. Nous avons tous à faire, sur ces bancs, au grand défi que représente le vieillissement de la population et nous pensons qu’il vaut mieux accompagner, par ce genre de dispositifs concrets, le maintien à domicile au lieu de construire des établissements spécialisés, coûteux et parfois difficiles à bâtir.

Bien sûr, madame la ministre, vous allez me répondre qu’il existe déjà des aides. Soit, et il est heureux que le législateur et les gouvernements précédents aient pensé à mettre en place un tel système d’aides. Mais celles-ci sont trop complexes et manquent au principe d’égalité sur notre territoire. Ces deux sujets tiennent à cœur à l’UMP, mais aussi à la majorité qui souhaite un choc de simplification. L’aide de l’ANAH varie malheureusement beaucoup en fonction des zones de notre territoire. De plus, les délais pour l’obtenir sont très longs – plus de dix-huit mois – et ses bénéficiaires doivent avancer les frais. Le principe de notre proposition de loi est de répondre à ces personnes qui travaillent, qui ont des revenus modestes et qui ne peuvent pas fournir ces avances de frais, sans toutefois demander l’assistanat.

Parmi ces aides, il existe également le volet logement de la PCH – la prestation de compensation du handicap –, mais une fois encore le montant de cette aide est très disparate et elle est soumise à une limite d’âge, critère pour le moins discriminant quand le handicap touche tout le monde. Reste le crédit d’impôt pour dépenses d’équipements qui ne concerne que 25 % des montants de dépenses et peut s’élever jusqu’à 5000 euros par personne seulement. Or que fait-on avec 5000 euros, à Tourcoing par exemple, dans une maison des années 1930, où il faut quasiment tout refaire dans l’entrée ? En outre, j’espère que vous allez nous rassurer, madame la ministre, en garantissant la prolongation de ce crédit qui devrait cesser d’être le 31 décembre 2014 et sur lequel rien n’a été dit lors de la réunion interministérielle.

Le plus important, ce ne sont peut-être pas tant les lois, les règlements ou ce qui existe déjà, mais ce que nous voyons sur le terrain, en tant que parlementaires. Chacun ici, quels que soient son territoire, sa carte politique et ses engagements, a eu affaire dans sa permanence à des familles qui lui ont dit à quel point cela est compliqué de rentrer dans le maquis administratif, au moment même où elles souffrent dans leur chair et dans leur cœur. Il existe de nombreuses failles dans ces dossiers : aussi proposons-nous aujourd’hui leur simplification.

Cette proposition de loi a trois vertus. Une vertu pragmatique, tout d’abord. Quoi de plus simple que le prêt à taux zéro pour une personne handicapée ? Ce prêt est calqué sur le système disponible pour les primo-accédants, avec un crédit d’impôt pour les banques. Cela va très vite et répond au besoin de simplicité qu’a souhaité François Hollande.

Une vertu sociale ensuite, qui n’est pas de l’assistanat. Les personnes handicapées et leurs familles ne demandent pas l’aumône, elles demandent à être aidées par la collectivité publique, face à cet accident de la vie. Le prêt à taux zéro n’est pas une subvention, il est un prêt. Si le coût de l’usure est supporté par la collectivité, il faut voir également combien cela lui rapporte à long terme au lieu de faire construire des maisons spécialisées ou des établissements publics.

M. David Douillet. Très juste !

M. Damien Abad. Exactement !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Une vertu égalitaire, enfin. Il n’est pas normal qu’à Tourcoing ou à Poissy on ne touche pas les mêmes aides qu’à Toulouse ou à Ajaccio.

M. David Douillet. C’est vrai !

M. Damien Abad. Très juste !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Il n’est pas normal que dans l’Ain on n’ait pas les mêmes aides que dans les Ardennes, parce que les MDPH, les agences nationales de l’habitat ou les antennes régionales n’appliquent pas toujours les mêmes critères, n’écoutent pas toujours de la même façon les personnes handicapées et ne font pas preuve de la même sensibilité. L’égalité du prêt zéro, c’est garantir à Tourcoing comme à Ajaccio la même aide pour le même handicap.

Je dois avouer que nous n’avons pas compris en commission le rejet de notre proposition par le groupe socialiste – et nous remercions d’ailleurs le groupe communiste de l’avoir votée.

M. Damien Abad. Ils ont du bon sens, les communistes !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Le groupe socialiste a justifié son vote par la tenue prochaine d’une réunion interministérielle. Nous avons attendu cette réunion – remarquons à ce propos que le groupe socialiste s’était fendu de la même excuse auprès de M. Abad, il y a quelques mois – mais rien n’est venu…

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Quand même…

M. Gérald Darmanin, rapporteur. …concernant les problèmes concrets liés au logement que nous soulevons. Pour vous, il serait urgent de ne pas agir. Les débats aujourd’hui, dans un esprit constructif, montrent au contraire qu’il n’est jamais trop urgent d’agir quand il est question du handicap. Les personnes touchées par le handicap ne peuvent pas attendre les réunions de technocrates ou les réunions interministérielles qui n’aboutissent jamais à des conclusions concrètes pour elles.

Ce qui existe aujourd’hui, c’est un groupe de travail. Faisons donc mentir la phrase de Clemenceau qui disait : « Si vous voulez enterrer un problème, nommez une commission. » Je crois, madame la ministre, que vous ne pourrez qu’apporter un avis favorable à notre proposition.

On se demande souvent à quoi sert la politique. Il est parfois difficile de répondre à cette question lorsque l’on voit à la télévision la droite contre la gauche, la gauche contre la droite débattre des sujets complexes que sont la sécurité ou l’emploi. Mais s’agissant du handicap, la politique peut répondre concrètement à un problème concret. Nous pouvons aujourd’hui faire œuvre d’intérêt général et nul ne peut revendiquer une mainmise sur une telle question.

Parmi les milliers de visages des familles touchées par le handicap, je veux en retenir trois : celui de Célia, une enfant handicapée de Tourcoing, ma commune, ainsi que ceux de ses parents, Marjorie et Olivier, qui se sont battus très courageusement pour que le handicap de leur fille ne soit pas un malheur mais une volonté de vivre la vie telle qu’elle est. À la société qui se demande souvent comment on peut aider ces personnes, médiatiquement ou politiquement, nous apportons une réponse : en votant cette proposition de loi. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur Darmanin, monsieur Douillet, je voudrais d’abord vous dire que je salue cette initiative qui est pour moi l’occasion, une fois de plus, de débattre ici, au plus haut niveau de la République, de la question du handicap.

M. Damien Abad. On n’en pas souvent l’occasion !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Le Gouvernement a montré l’importance qu’il accorde à la construction d’une société inclusive, dans le droit fil de la loi du 11 février 2005, en réunissant, pour la première fois depuis sa création, je le souligne, le Comité interministériel du handicap. C’est la première fois qu’est proposée à la France une feuille de route sur la question du handicap, avec énormément de chantiers.

M. Damien Abad. Personne n’en a parlé !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Je le regrette, monsieur le député, mais il en est sorti des propositions concrètes et des chantiers qui vont aboutir. Ce fut l’occasion de mettre en place les conditions d’une nouvelle dynamique vers l’accessibilité universelle. Ce vaste sujet, très important pour l’ensemble de notre société, ne devrait pas faire polémique entre nous. C’est une question sur laquelle nous devrions avancer et construire ensemble.

M. David Douillet. Nous sommes d’accord !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Votre proposition de loi, messieurs les députés, témoigne d’une préoccupation que nous partageons tous, au Gouvernement comme au sein de cet hémicycle.

Le développement de logements adaptés est en effet l’une des clefs, pas la seule mais elle est fondamentale, de l’autonomie des personnes en situation de handicap. Vous aviez déjà déposé, monsieur le rapporteur, cette proposition sous la forme d’un amendement au texte de M. Damien Abad, et je me souviens très bien que nous avions alors entamé une partie de notre débat d’aujourd’hui.

Vous évoquez dans l’exposé des motifs le cas, très émouvant, de la petite Célia, qui a inspiré votre proposition de loi, et qui, bien entendu, ne laisse personne indifférent. Cette sorte de drame est terrible non seulement pour la victime elle-même, la petite Célia en l’espèce, mais aussi pour l’ensemble de ses proches, et provoque le plus souvent une perte de revenu pour le foyer, qui rend encore plus difficile l’adaptation du logement, à plus forte raison, vous le soulignez à juste titre, lorsqu’il s’agit de foyers populaires, de familles modestes. Je veux que vous sachiez que je partage ces préoccupations. La question du handicap doit nous rassembler. Je veux que nous avancions ensemble.

M. Damien Abad. Ça dépend de vous !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Les publics que vous souhaitez aider, selon votre exposé des motifs, à savoir les foyers modestes touchés par ce drame, doivent bien entendu, au même titre mais encore plus que d’autres, être accompagnés et soutenus.

Nous avons donc une convergence sur les objectifs, mais cela ne doit pas occulter le fait que nous avons à débattre des moyens pour les atteindre, monsieur le rapporteur, et que nos analyses divergent sur ce point.

Je rappelle que votre proposition de loi vise en premier lieu à la création d’un dispositif de prêt à taux zéro pour l’aménagement du domicile des personnes handicapées, dispositif calqué sur celui du prêt à taux zéro dit environnemental.

Deuxièmement, elle vise à assouplir les conditions d’accession de ces personnes à un dispositif de même nature, à savoir le prêt à taux zéro pour l’accession à la propriété. Ces prêts, proposés par l’État ou par les collectivités, sont des incitations absolument nécessaires, car ils permettent de faire progresser l’accession à la propriété et la performance énergétique des bâtiments. Mais, dans le cas présent, je doute que le dispositif proposé soit opératoire et permette d’apporter une aide concrète aux ménages populaires placés dans la situation dramatique que vous décrivez dans votre exposé des motifs, monsieur le rapporteur. En effet, le principe d’un crédit d’impôt aux établissements bancaires pour les prêts sans intérêt accordés à des particuliers exclut pour une plus grande part les ménages les plus modestes.

M. David Douillet. Mais non, ce n’est pas vrai !

Mme Chantal Guittet. Bien sûr que si !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Les critères d’attribution de ces prêts, notamment les impératifs de solvabilité financière, de plus en plus rigoureux – même pour les classes moyennes ! –, excluent votre cible. L’emprunt lui-même, quand bien même il serait sans intérêt et limité à 32 500 euros, resterait une charge financière très dure pour l’avenir des familles les plus modestes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)



Je rappelle qu’il existe déjà plusieurs dispositifs d’aide à l’aménagement des logements pour les personnes à mobilité réduite. Ainsi, l’Agence nationale de l’habitat peut financer entre 35 % et 50 % du montant des travaux d’accessibilité, principalement pour les petits propriétaires, mais aussi pour les locataires. La prestation de compensation du handicap, que vous avez évoquée à l’instant, monsieur le rapporteur, comporte un volet d’aide à l’aménagement du logement qui peut contribuer jusqu’à 10 000 euros, et ce sans conditions de ressources. Je tiens d’ailleurs à préciser que ces deux dispositifs sont cumulables. Enfin, le crédit d’impôt bénéficiant directement aux particuliers existe pour l’aménagement des logements, à savoir l’acquisition d’équipements sanitaires, de sécurité ou d’accessibilité attachés à perpétuelle demeure, c’est-à-dire les équipements que vous mentionniez particulièrement. Ce crédit d’impôt est destiné aussi bien aux personnes âgées qu’aux personnes en situation de handicap, et permet une réduction ou un remboursement pouvant aller jusqu’à 5 000 euros.

M. David Douillet. Ce n’est pas suffisant !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Bien sûr, ces dispositifs sont loin d’être parfaits (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) et manquent de lisibilité, et mon souci est le même que le vôtre et que celui de tout le monde ici : je me soucie des lois de la République et je veux, autant que vous, que la République soit partout chez elle

M. David Douillet. Alors passons au vote !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. De ce point de vue, et aussi de celui de la justice sociale, l’équité territoriale est importante pour moi. C’est pourquoi je vais vous indiquer quelques pistes sur lesquelles nous travaillons, et que vous connaissez déjà.

La première, c’est le Comité interministériel du handicap : il a confirmé la création d’un groupe de travail. Vous vous gaussez, mais il faut tout de même partir d’un contenu, d’éléments précis, et il ne s’agira pas un groupe de travail fait pour enterrer les choses… On a d’ailleurs beaucoup enterré le Comité interministériel du handicap, ces dernières années, puisqu’il ne s’est jamais réuni !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Vous l’avez reporté !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Nous, nous posons les problèmes sur la table. Nous avons donc créé un groupe de travail au sein du Conseil national de l’habitat, avec les objectifs suivants : recenser les aides existantes ; vérifier leur bonne articulation ; proposer des mesures pour en améliorer l’efficacité et la lisibilité. Ce travail est en cours et vous y serez associé comme l’ensemble des parlementaires. Je précise que, dans le cadre du pacte de confiance et de responsabilité, les collectivités territoriales, notamment les départements, qui sont les plus impliqués dans ce domaine, seront associées à l’amélioration de ces dispositifs, pour toutes les raisons que vous avez indiquées, y compris l’équité territoriale.

Deuxièmement, le crédit d’impôt pour l’accessibilité des logements est vraiment universel et permet aussi de cibler les personnes non éligibles aux aides de l’Agence nationale de l’habitat, en particulier celles qui sont juste au-dessus des plafonds de ressources. Pour ces deux raisons, il nous paraît particulièrement pertinent, et vous-même l’avez évoqué à la tribune. Plusieurs parlementaires, vous-même, mais aussi Mme Carrillon-Couvreur et M. Abad, m’avez alertée sur le fait que ce crédit d’impôt, prorogé jusqu’en 2014 par le projet de loi de finances 2013, arrive à terme. Je souhaite moi aussi vivement qu’il soit à nouveau prorogé. Des réflexions sont en cours, et le Gouvernement apportera des réponses dans le cadre du prochain projet de loi sur l’autonomie pour améliorer et pérenniser ce dispositif. Je suis partante pour mieux le cibler en direction des personnes âgées et des personnes handicapées ainsi que de leurs familles.

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Serez-vous encore ministre ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Enfin, mesdames et messieurs les députés, le comité interministériel du handicap entend, de manière plus globale, donner à la société inclusive, donc à l’accessibilité universelle, ce nouvel élan, cette nouvelle dynamique qui a manqué, il nous faut bien le reconnaître tous ensemble, à la loi de 2005. C’est véritablement cet élan politique, cette volonté commune d’avancer vers la société inclusive qui est sortie du Comité interministériel. C’est pourquoi le Premier ministre a chargé la sénatrice Claire-Lise Campion d’organiser une large concertation avec l’ensemble des acteurs de l’accessibilité. Il ne s’agit pas d’une concertation qui va durer longtemps : il faut qu’elle se termine avant la fin de l’année car nous n’avons plus de temps à perdre. On en a tellement perdu ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)



La concertation portera notamment sur les agendas d’accessibilité programmée : ils doivent être un vrai outil pour dépasser les blocages qui existent encore et parvenir à l’accessibilité des transports et des établissements recevant le public.

Le second chantier de la concertation est l’adaptation des normes d’accessibilité pour les logements et les établissements recevant du public. Il s’agit d’élargir la vision de l’accessibilité à tous les handicaps et de rendre ces normes opératoires. Claire-Lise Campion mènera à bien ce travail avec les parlementaires, puisqu’elle l’est elle-même.

Ma dernière réponse est certainement plus générale, mais plus fondamentale encore, monsieur Darmanin : c’est cette nouvelle dynamique, ce second souffle que nous voulons insuffler à la société française, dans le cadre des directions définies par le comité interministériel du handicap. Si nous prenons tout cela à bras-le-corps ensemble, avec les associations et les autres parlementaires, l’esprit de la loi du 11 février 2005, auquel nous sommes tous ici particulièrement attachés, pourra devenir réalité. Je compte sur chacun d’entre vous, quel que soit le banc où il siège, car ce sujet doit nous rassembler.

En conclusion, la position du Gouvernement sur cette proposition de loi,…

M. David Douillet. Sagesse !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. … est celle du partage des valeurs, du partage des objectifs, mais non pas celle de l’approbation des moyens que vous voulez employer. Le Gouvernement préconise donc le rejet du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Damien Abad. Oh non !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de Gérald Darmanin, issue du travail réalisé en commun avec David Douillet, visant à créer un prêt à taux zéro pour l’aménagement du domicile des personnes handicapées, s’inscrit dans la suite logique de la grande loi de 2005, un des marqueurs de la volonté politique de Jacques Chirac en faveur de l’égalité des droits et des chances, de la participation et de la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi a consacré un droit à compensation du handicap et une obligation de mise en accessibilité afin de permettre l’accès des personnes handicapées aux espaces publics, aux systèmes de transport et au cadre bâti neuf. L’échéance de cette mise en accessibilité des espaces publics arrive bientôt, c’est-à-dire en 2015, puisque nous avions voté un délai de dix ans pour la mise en conformité.

Nous recevons tous dans nos permanences, régulièrement, des personnes en situation difficile, confrontées à leur propre handicap ou à celui d’un membre de leur famille, notamment d’un enfant. Ces handicaps leur créent des dépenses exceptionnelles pour adapter leur logement ou leur véhicule, dépenses auxquelles elles ont très souvent du mal à faire face. Il est vrai qu’il existe des aides, madame la ministre, qu’évidemment nous leur conseillons, mais qui sont bien loin de répondre à toutes les situations. Un outil supplémentaire ne nuirait pas, et nous sentons bien que, sur ce sujet, les outils et les réponses concrètes manquent pour permettre à ces familles en difficulté de réaliser des investissements simples, parfois coûteux, mais tellement porteurs d’amélioration pour leur vie quotidienne !

Leur consentir un prêt sans intérêt n’est certes pas la seule réponse à leur apporter. Mais c’en est une, très significative et très intéressante, que nous pourrions tous ensemble, ici, aujourd’hui, décider de leur offrir. En effet, les aides de l’Agence nationale de l’habitat répondent à des besoins exprimés par des familles aux ressources modestes, voire très modestes. Mais, pour les catégories moyennes, l’ANAH répondra malheureusement, bien souvent, par la négative, étant précisé que sa réponse est variable selon les territoires. La prestation compensatoire du handicap, introduite elle aussi par la loi de 2005, et dont la montée en charge est tout à fait significative depuis sa création, ne répond également qu’en partie aux besoins puisque, pour les travaux supérieurs à 1 500 euros, elle ne prend en charge que 50 % du montant et est plafonnée à 10 000 euros sur dix ans. Par ailleurs, elle est inaccessible aux personnes âgées dépendantes, dont le maintien à domicile dépend bien souvent de l’aménagement de ce dernier.

Quant au crédit d’impôt équipement, il doit arriver à échéance fin 2014. En tout état de cause, un crédit d’impôt ne répond pas à l’ensemble des besoins, puisque les personnes à revenus très modestes n’en bénéficient pas. Il serait donc bienvenu que les députés, toutes tendances confondues – car nous souhaitons tous améliorer la situation des personnes handicapées – votent aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue Gérald Darmamin. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir salué son initiative, mais j’avoue n’avoir pas bien compris vos réserves.

M. Damien Abad. Elle n’en a pas !

Mme Bérengère Poletti. En effet, nous proposons un dispositif supplémentaire, qui ne nuirait à qui que ce soit. Actuellement, les personnes sont obligées d’emprunter, et verser des intérêts. Pourquoi leur refuser la possibilité d’emprunter sans intérêt ? Je n’ai pas bien compris, je le répète, les réserves que vous avez émises. Notre rapporteur a fait preuve d’une ténacité exemplaire puisque, sur chaque texte susceptible d’apporter une solution à cette difficulté, il est intervenu par voie d’amendement, y compris, dernièrement, sur le texte de notre collègue Damien Abad, qui souhaitait faire du handicap un sujet transversal s’imposant à tous les textes législatifs. L’initiative de Gérald Darmanin est soutenue par les associations de personnes handicapées, que j’ai encore auditionnées et interrogées ce matin : elles m’ont répondu que, naturellement, il s’agissait d’une aide tout à fait intéressante à destination des familles concernées par le handicap.

Nous savons malheureusement que le contexte budgétaire contraint rend difficile l’émergence de solutions. Tout en saluant votre enthousiasme, madame la ministre, je redoute qu’il ne se refroidisse au contact des contingences budgétaires actuelles. C’est la raison pour laquelle l’adoption de la proposition de notre collègue, peu coûteuse et souple, serait la bienvenue.

Au cours des discussions du 17 septembre dernier en commission, nous avons bien vu que nous étions tous d’accord, mais, malheureusement, il nous a été opposé la proximité de la tenue d’un Comité interministériel du handicap, qui s’est réuni le 25 septembre. Ce comité a été créé en 2009 pour renforcer le pilotage interministériel. La réunion du 25 septembre dernier a permis de définir quatre secteurs prioritaires : la jeunesse, l’emploi, la connaissance du handicap, impliquant le dépistage et l’accès aux soins, et l’ambition de l’accessibilité. Mais, madame la ministre, rien n’a été prévu pour l’aménagement de l’habitat des personnes handicapées…

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Cela s’appelle l’accessibilité.

Mme Bérengère Poletti. …ni, sans que l’on puisse vous le reprocher – puisque le sujet était le handicap – pour celui des personnes âgées dépendantes.

Le Parlement a le droit, je dirais même le devoir, d’exprimer ses propres convictions et de déterminer ses priorités. Je le répète, nous recevons tous très régulièrement des personnes handicapées qui nous sollicitent, et pour lesquelles ces investissements sont très difficiles à réaliser. Aussi en appelé-je, mes chers collègues, à votre esprit d’initiative, à votre conscience de devoir répondre à une question de société à laquelle vous êtes sensibles.

Par ailleurs, j’avais soulevé en commission la problématique des normes – je serai d’ailleurs intéressé par votre réponse à ce sujet, madame la ministre – puisqu’il serait tellement plus facile de construire des logements en respectant d’emblée des normes d’accessibilité aux personnes handicapées.

M. Gérald Darmanin, rapporteur. C’est vrai.

Mme Bérengère Poletti. Il conviendrait d’ouvrir ou de poursuivre – car les choses sont, me semble-t-il, bien entamées – les discussions avec les professionnels du bâtiment, y compris au niveau européen, sur ces normes de construction. Je pense par exemple, comme notre collègue tout à l’heure, à la largeur des portes, à la hauteur des interrupteurs ou à l’espace offert par les salles de bains. Vivre dans un espace adapté au handicap est plus doux pour tout le monde, pour tous les membres de la société. Ainsi, je vous rappellerai, à titre anecdotique, que la télécommande ou la brosse à dents électrique ont été créées au départ pour les personnes handicapées, et que tout le monde a jugé plutôt confortable de se servir d’outils pensés au départ pour ces personnes. Il serait moins coûteux d’adapter un logement si l’on avait réalisé ce travail en amont. C’est pourquoi, comme me l’a suggéré notre collègue Darmanin en commission, j’ai déposé un amendement visant à ce que le Gouvernement remette au Parlement une étude sur la convergence des normes de construction.

M. Damien Abad. Très bien !

Mme Bérengère Poletti. J’espère qu’il recueillera votre adhésion.

L’amendement ayant pour objet de réserver en priorité les rez-de-chaussée aux personnes handicapées ou à mobilité réduite est une excellente proposition que je soutiens, dans la mesure où il s’agit d’un choix : il n’est bien sûr pas question de faire habiter toutes les personnes handicapées dans des rez-de-chaussée, ce qui serait discriminant. Mais si elles le choisissent, pourquoi pas ?

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe UMP soutiendra cette proposition de loi qui semble faire l’unanimité et qui, je l’espère, recueillera le vote de tous les députés présents (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jonas Tahuaitu.

M. Damien Abad. La voix de la sagesse !

M. Jonas Tahuaitu. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui touche à un droit fondamental, sans rien changer de fondamental au droit, pour le rendre opérant. De ce seul point de vue, et compte tenu du travail remarquable réalisé par le rapporteur, il s’agit là d’une sorte de cas d’école. Et nous tenons à saluer la méthode ainsi retenue par notre collègue Darmanin, à bien des égards exemplaire.

Ce droit, qui concerne plus de dix millions de personnes, est largement reconnu dans plusieurs textes : la loi du 11 février 2005, qui introduit, via l’article L. 111-7 du code de la construction et de l’habitation, des contraintes liées aux aménagements intérieurs dans les locaux d’habitation ou dans les établissements recevant du public, la charte des droits fondamentaux du 7 décembre 2000, ou encore la convention internationale des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées – toutes références rappelées dans le rapport

Malgré cet arsenal juridique constitué des normes les plus élevées, le bilan demeure insatisfaisant. Il convient donc de rendre possible ce qui est déjà en grande partie prévu : c’est tout simplement la vocation de cette proposition de loi, qui met en lumière un problème que les évolutions démographiques vont rendre très vite insoluble à défaut de réponse concrète. La dynamique résultant de l’évolution démographique aboutit en effet à une très forte croissance, jusqu’en 2020, du nombre de personnes de plus de quatre-vingts ans. Entre 2020 et 2030, cette croissance devrait se ralentir pour s’accélérer de nouveau à partir de 2030. Mais, en toute hypothèse, la dépendance fait son chemin.

Par ailleurs, la prévalence de la dépendance parmi les personnes de plus de quatre-vingts ans renvoie à des hypothèses sur l’évolution de la durée de vie en bonne santé ou en situation d’incapacité. Si les projections antérieures ont abouti à l’hypothèse centrale d’une stabilité de la période passée en dépendance, les travaux récents de l’Institut national des études démographiques mettent en évidence une augmentation des incapacités des quinquagénaires, qui nous amèneront sans doute à revoir les scénarios antérieurs sur l’évolution de la période en incapacité.

Les besoins des personnes dépendantes renvoient aussi à l’évolution du nombre d’aidants familiaux, c’est-à-dire, pour la moitié d’entre eux, les conjoints, et, pour un tiers d’entre eux, les enfants âgés de cinquante à quatre-vingts ans, sachant qu’il s’agit, pour une très large part, de femmes. Le nombre d’aidants familiaux diminuera très probablement du fait de la dynamique démographique, de l’évolution des structures familiales et des taux d’activité féminins.

Enfin, si aucune mesure n’est prise pour réduire la dépendance et adapter le logement des personnes âgées, il sera nécessaire de multiplier les espaces collectifs d’hébergement, ce qui générera inéluctablement un coût exponentiel pour la collectivité. Or, les départements consacrent déjà 40 % de leurs prestations d’aide sociale – soit 1,3 million de prestations – aux personnes âgées. L’aide aux personnes âgées est versée à plus d’un million de personnes et l’aide sociale à l’hébergement à 116 000 personnes, mais, paradoxalement, le taux d’équipement par habitant a, quant à lui, diminué. Le nombre de places dans les établissements pour personnes âgées est passé de 165 pour 1 000 habitants de plus de soixante-quinze ans au milieu des années 1990, à 127 en 2007 : l’augmentation continue du nombre de places a, en effet, été inférieure à celle du nombre de personnes âgées. Cette diminution doit être relativisée au regard du recul de l’âge moyen d’entrée en établissement de six mois entre 2003 et 2007, de l’alourdissement de la dépendance des personnes en établissement, ainsi que de la forte augmentation des services à domicile, ajoutée à la création de 17 000 places de soins infirmiers à domicile sur la même période.

Ce constat est d’une certaine façon illustré par les 450 000 chutes de personnes âgées qu’on dénombre chaque année en France,…

M. Damien Abad. Eh oui !

M. Jonas Tahuaitu. …et dont 62 % ont lieu à domicile. Ces chutes engendrent 10 000 décès par an et, pour tous les autres, une dégradation générale de l’autonomie. Force est de constater que la France est en retard dans ce domaine : seules 18 % des personnes âgées bénéficient d’aménagements spéciaux, contre 45 % aux Pays-Bas et 38 % en Israël. Certes, de nombreux pays font moins bien, mais nous avons tout de même beaucoup de retard sur les meilleurs élèves. La loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005, dite loi « handicap », a représenté un grand progrès, en imposant que les nouveaux logements soient accessibles aux personnes dépendantes. Mais, parallèlement à ce dispositif, on ne s’est pas donné les moyens de faire ce qui était nécessaire en matière de réhabilitation. Or, les personnes âgées ne sont pas très mobiles. Elles veulent souvent demeurer dans leur logement. Les chiffres que nous livre le rapport de notre collègue montrent, en outre, que le flux actuel de logements neufs ne contribue guère à améliorer cet état des lieux, tant dans le parc privé que dans le parc public.

Notre système d’attribution ne garantit d’ailleurs pas que les appartements les mieux adaptés, notamment au rez-de-chaussée, soient prioritairement attribués aux personnes qui en ont le plus besoin.

La réponse à cette situation passe, bien sûr, par la construction de logements adaptés. C’est un engagement du Président de la République, qui a fixé pour objectif la construction de 80 000 logements adaptés en cinq ans. Mais elle passe aussi par la solvabilisation de la demande. Le rapport Broussy suggère notamment de pérenniser le crédit d’impôt pour dépenses d’équipement. On pourrait également envisager la prise en charge partielle par la puissance publique de l’assurance décès pour les emprunts des personnes âgées, ou des aides nouvelles de l’Agence nationale de l’habitat, également évoquées dans le rapport Broussy.

Il existe, en réalité, de nombreux dispositifs pour les propriétaires et les locataires du parc privé et pour les locataires du parc public, mais ils sont trop dispersés. Il convient de travailler à une meilleure articulation des aides existantes, telles que la prestation compensatoire du handicap et les aides de l’Agence nationale de l’habitat, et de les faire mieux connaître du grand public. Sans doute faudra-t-il envisager de mettre en place un guichet unique à partir des centres locaux d’information et de coordination, afin de guider les personnes âgées dans ce maquis des aides, mais le mieux est souvent l’ennemi du bien.

Si nous fondons notre analyse sur la seule comparaison entre le coût moyen d’adaptation d’un logement, qui varie entre 6 000 et 8 000 euros, et le prix annuel de séjour d’hébergement en établissement hospitalier pour l’accueil des personnes âgées dépendantes, qui est de 25 500 euros, la conclusion est assez claire : il faut s’orienter, d’une façon ou d’une autre, vers le maintien à domicile, qui répond aux souhaits du plus grand nombre de nos aînés.

Le prêt à taux zéro pour le financement des travaux d’aménagement des logements des personnes handicapées, calqué sur le modèle du prêt à taux zéro pour la rénovation énergétique des logements anciens, nous semble une bonne réponse possible, même si elle exclut par nature les ménages qui ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. Cette proposition de loi est donc socialement et moralement justifiée, dans son principe. Elle est économiquement pertinente puisqu’elle bénéficiera au secteur du logement aujourd’hui sinistré. Elle s’inscrit enfin dans un processus historique partagé par l’ensemble des responsables politiques, quelle que soit leur sensibilité, depuis des décennies.

M. Damien Abad. Eh oui !

M. Jonas Tahuaitu. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI votera pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise part d’un constat que nul ne peut contester. À défaut de générer un fort élan de sympathie, elle devrait déclencher à tout le moins une réelle dynamique de solidarité citoyenne.

Pour une personne à mobilité réduite, en effet, aménager son logement est un véritable casse-tête et relève le plus souvent d’une mission impossible, d’autant que le coût en est très élevé. Certes, il existe des financements, je dirais même un maquis de financements. Nous avons souvent une impression de trop-plein pour trop peu de résultats positifs.

La prestation de compensation du handicap s’élève à 100 % du coût des travaux jusqu’à 1 500 euros et à 50 % au-delà, mais le montant maximal est de 10 000 euros sur dix ans. L’Agence nationale de l’habitat peut accorder des subventions à hauteur de 70 %, mais dans la limite de 8 000 euros hors taxes par logement, ce qui est nettement insuffisant.

Les personnes à mobilité réduite peuvent également bénéficier d’un prêt auprès d’un collecteur du 1 % logement mais dans la limite de 9 600 euros par logement et de 50 % du montant des travaux. Il est proposé encore, pour l’accessibilité des logements, un crédit d’impôt de 25 % du montant des dépenses d’installation avec un plafond de 5 000 euros pour une personne seule et de 10 000 euros pour un couple marié, ce montant pouvant être majoré de 400 euros par enfant à charge.

Il existe donc des financements mais leur émiettement et leurs limites ne permettent pas de répondre aux besoins identifiés, bien qu’il soit possible de cumuler certains d’entre eux. Nos collègues de l’UMP nous proposent par conséquent une extension du prêt à taux zéro.

Celui-ci, qui a connu des évolutions depuis sa création en 1995, ne concerne aujourd’hui que la construction d’un logement neuf ou l’acquisition d’un logement neuf ou ancien. Il s’agit d’étendre le dispositif à l’aménagement des logements au bénéfice des personnes à mobilité réduite. Il nous est proposé que ce prêt soit financé par un crédit d’impôt accordé aux banques prêteuses.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine appelle l’attention de chacun sur le fait que ce dispositif, aussi utile qu’il soit à un certain nombre de nos concitoyens, risque de se révéler d’autant plus limité dans son efficience que les financements existants sont nombreux, ainsi que je l’ai souligné au début de mon propos. Et pour cause : le prêt à taux zéro doit être complété par un prêt principal et ne peut représenter plus de la moitié du financement. À l’époque, le projet de loi de finances pour 2011 avait même instauré un prêt à taux zéro « plus », qui ne représente que 18 % à 33 % des besoins de financement selon les zones géographiques.

Le dispositif qui nous est proposé tend à fixer le plafond du prêt à 32 500 euros. Mais qui peut prétendre accéder au prêt principal et à ce prêt à taux zéro ? Celui-ci est soumis à conditions de ressources. Or, nul ne l’ignore, l’allocation pour adulte handicapé s’élève aujourd’hui à 790 euros par mois, et peut être cumulée à un complément de ressources d’environ 179 euros ou à une majoration pour la vie autonome de 104,77 euros. Cela limite le revenu mensuel à moins de 1 000 euros par mois. Dans ces conditions, il faudra nous expliquer comment une personne à mobilité réduite pourra prétendre à des prêts, sauf à s’endetter de manière insupportable pour éventuellement, à terme, sacrifier son bien, si tant est qu’elle parvienne à obtenir le prêt principal.

Avec cette proposition de loi, deux questions nous sont posées. La première concerne le niveau des revenus des personnes à mobilité réduite et des personnes handicapées de manière générale. La loi du 11 février 2005, intitulée solennellement « loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », devait en effet s’attaquer à ce sujet. Las ! nous constatons que les résultats ne sont pas du tout à la hauteur de nos attentes et que le niveau de vie de nos concitoyens à mobilité réduite n’a guère progressé.

Cette question demeure donc d’une cruelle actualité et l’existence même du texte qui nous est soumis en est la pure démonstration. Elle se réglera non pas en faisant des comptes d’apothicaires mais par une volonté politique d’accorder aux personnes concernées la place qui leur revient, ce qui commence par la garantie d’un revenu décent.

La deuxième question qui me vient à l’esprit est celle de la nécessaire remise à plat de tous ces financements émiettés en faveur de l’aménagement des logements. Sans doute conviendra-t-il de regrouper ces ressources financières afin de les rendre plus efficaces et plus substantielles. Le comité interministériel du handicap s’est réuni le 25 septembre dernier sous la présidence du Premier ministre. Cela mérite d’être salué puisque, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, il ne s’était réuni qu’une seule fois depuis sa création en 2009, ce qui en dit long sur l’importance qui a été accordée au handicap au cours de ces dernières années. Je ne souhaite cependant chatouiller personne en disant cela.

Plusieurs chantiers ont été ouverts : la jeunesse, l’emploi, l’accessibilité, l’accompagnement ; nous ne pouvons que nous en féliciter. Malheureusement, le niveau de vie de nos concitoyens à mobilité réduite n’était pas au menu, pas plus que l’aménagement des logements, l’accessibilité ayant été traitée seulement pour les lieux publics, un sujet sur lequel nous avons du retard puisque l’échéance pour l’achèvement des travaux a été fixée à 2015. À ce stade, je voudrais me tourner vers le Gouvernement : quand allons-nous ouvrir ces chantiers-là ?

M. Damien Abad. Très bien !

M. Gabriel Serville. Madame la ministre, je retiens votre volonté de ne pas créer de clivages politiciens autour d’un sujet aussi sensible et sur lequel de fortes attentes s’expriment de la part tant des personnes à mobilité réduite que de leurs familles. C’est pourquoi le groupe GDR est favorable à cette proposition de loi.

Notez cependant que j’ai volontairement passé sous silence les trop nombreux problèmes que rencontrent les personnes à mobilité réduite dans le département de la Guyane, dont le quotidien s’assimile en réalité à un véritable enfer permanent, tant elles sont loin du niveau atteint par leurs homologues, si je puis dire, résidant en France métropolitaine. Cela étant dit, dans le cas où le Gouvernement refuserait d’accorder une suite favorable à cette proposition, nous espérons ardemment que tout sera mis en œuvre dans les meilleurs délais afin de ne plus perdre de temps, ainsi que vous l’avez vous-mêmes affirmé, madame la ministre. Vous avez dit : « comptez sur nous. » Sachez que nous comptons sur vous et sur une implication rapide du Gouvernement pour que ces nombreuses questions trouvent rapidement les meilleures réponses. D’avance, je vous en remercie.

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville.

Mme Martine Pinville. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi de M. Darmanin que nous examinons aujourd’hui reprend le contenu d’un amendement que notre collègue avait déposé lors des discussions sur la proposition de loi de M. Abad relative à l’égalité des droits et à l’intégration des personnes en situation de handicap le 25 avril 2013.

L’objet de cette proposition de loi est, certes, louable, nous l’avons déjà dit, mais nous pensons qu’il manque sa cible. J’y reviendrai. C’est de plus un dispositif supplémentaire, notre collègue Bérengère Poletti l’a rappelé tout à l’heure. Ce dispositif est censé viser en particulier des personnes appartenant aux milieux populaires, qui ont peu de moyens, mais qui sont propriétaires de leur logement.

En effet, vous proposez de créer un prêt à taux zéro calqué sur le dispositif existant déjà pour l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments. Il s’agit, pour être précis, d’un crédit d’impôt pour les prêteurs, qui ne peut prendre la forme d’un remboursement d’impôts pour les emprunteurs non imposables.

Après analyse du public concerné, il apparaît que seules les personnes handicapées imposables et déjà propriétaires de leur logement entreraient dans ce dispositif. Alors que la moitié des foyers fiscaux ne sont pas imposables, ce dispositif paraît donc de portée réduite. Il me semble en outre important de replacer la question de l’adaptation du logement de l’ensemble des personnes handicapées dans un cadre plus général. Vous n’êtes pas sans savoir que je travaille également sur le sujet des personnes âgées, notamment des personnes en perte d’autonomie. Le dispositif proposé cible un public spécifique, avec lequel il faut certes travailler, mais il serait à mes yeux plus pertinent d’appréhender le problème de façon plus globale.

Le Comité interministériel du handicap qui s’est tenu la semaine dernière, le 25 septembre, a acté le fait qu’un groupe de travail sera chargé de proposer des améliorations du dispositif d’adaptation des logements des personnes handicapées ; madame la ministre l’a bien précisé voilà quelques instants. Je n’ai pas apporté avec moi le compte rendu des travaux qui ont été menés par ce Comité interministériel, mais je crois avoir entendu de votre bouche, monsieur le rapporteur, à moins qu’il ne s’agisse d’une autre personne dans l’hémicycle, que ces travaux étaient confidentiels.

Je vous invite à regarder le contenu de ces travaux et tout ce qui a été proposé à cette occasion. C’était la première réunion de ce Comité interministériel depuis sa création en 2009, et je voudrais ici vous en remercier, madame la ministre, et saluer sa présidente, Mme Carrillon-Couvreur.

Ce qui est intéressant, c’est qu’une feuille de route a été tracée. Elle indique un certain nombre d’éléments sur les priorités déjà définies, les méthodes de travail envisagées. Une première piste consiste à améliorer l’information sur les dispositifs existants, souvent peu ou mal connus, ainsi que nous pouvons le constater dans nos permanences.

En effet, il existe plusieurs systèmes d’aide à l’adaptation du logement pour les personnes handicapées – prestation de compensation du handicap, aides de l’ANAH, crédit d’impôt accessibilité ouvert aux propriétaires et aux locataires –, portés par de nombreux acteurs – État, collectivités, partenaires sociaux d’action logement –, mais l’ensemble est difficilement lisible par les éventuels bénéficiaires.

Le devoir d’information sur les droits des personnes handicapées – les maisons départementales des personnes handicapées jouent dans ce domaine un rôle essentiel – doit bénéficier aux propriétaires modestes, en situation de handicap ou qui hébergent une personne en situation de handicap, et qui ont avant tout besoin d’une meilleure lisibilité et d’un accompagnement personnalisé.

Très sensible à la question des personnes âgées et de la perte d’autonomie liée au vieillissement, je considère que l’adaptation du logement, qu’il s’agisse des personnes handicapées ou des personnes âgées, doit être abordée sous le même angle. C’est pourquoi nous pourrions envisager d’ouvrir le crédit d’impôt accessibilité non seulement aux personnes handicapées et aux personnes âgées, mais également à leur famille proche, notamment aux descendants des personnes âgées et aux ascendants des personnes handicapées.

Pour conclure, je souhaite rappeler l’engagement du Président de la République d’inclure un volet « handicap » dans chaque projet de loi. Nous avons pu constater que cet engagement est tenu ; il démontre notre volonté de travailler en faveur des personnes handicapées et de mieux les accompagner. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. David Douillet.

M. David Douillet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, cette proposition de loi et les principes qui ont présidé à sa rédaction ont été brillamment présentés par les orateurs précédents, notamment M. Darmanin et Mme Poletti. Aussi, je reviendrai sur un seul point, essentiel à mes yeux : l’État doit faciliter la vie de celles et ceux qui sont confrontés au handicap. J’ai pu le constater dans une vie antérieure, ce principe fondamental n’est toujours pas respecté.

Le besoin manifeste que les familles pourraient avoir d’un tel dispositif m’est apparu avec évidence lorsque j’ai rencontré avec Gérald Darmanin, dans sa circonscription, les parents de Célia. Nous avons alors pris la mesure des sacrifices qu’ils avaient dû consentir pour pouvoir offrir à leur petite fille un espace de vie adapté à ses besoins, qui lui permettrait de continuer à progresser.

Vous le savez tous ici, j’ai eu l’occasion durant de longues années de participer à l’opération « pièces jaunes », portée par la Fondation Hôpitaux de Paris - Hôpitaux de France, dont l’objectif est d’améliorer les conditions de vie des enfants et des adolescents dans les hôpitaux. J’ai croisé énormément d’enfants et de jeunes touchés de plein fouet – et de façon toujours injuste – par la maladie, et la violence de ces histoires continue encore de m’émouvoir. Dans ces cas-là, les répercussions sont immenses et s’étendent au cercle familial. Il convient alors de conserver à cette « nouvelle » famille son cadre de vie, et pour cela, de l’adapter.

Durant ces treize années, je me suis rendu compte que le plus puissant des remèdes, c’était l’amour que les proches, soudés, pouvaient porter aux personnes malades et handicapées. L’équipe des « pièces jaunes » s’est évertuée à financer beaucoup de « maisons des parents », pour faciliter le rapprochement géographique et pour qu’avec la présence des parents ce puissant remède puisse s’exercer.

Cette proposition de loi concerne, elle, la maison des parents, leur chez-eux. Car beaucoup de ces histoires se soldent par l’explosion du cercle familial, la séparation des parents. Madame la ministre, vous dites avec raison que ce texte ne concerne qu’une partie de ces personnes, celles qui peuvent financer ces adaptations. Mais j’ai envie de vous répondre : « commençons par quelque chose, puisque rien n’est fait jusqu’à présent !» Il s’agirait d’une première avancée et nous pourrions travailler ensuite pour que ceux qui n’ont pas les moyens de contracter un emprunt se voient offrir les mêmes possibilités. Je ne comprends pas que vous raisonniez ainsi, sauf à vouloir retarder encore les choses. Votons cette proposition de loi, ensemble !

Il existe une tranche intermédiaire de la population : ceux qui ne sont pas suffisamment riches pour payer ces travaux, mais pas assez pauvres pour avoir accès à toutes les aides. Faut-il qu’elle se voie aussi ôter cette possibilité d’emprunter, qui allégerait leur fardeau ? C’est de cela que nous parlons, et c’est urgent : on ne peut différer la maladie ou l’accident, on y est confronté instantanément et les besoins sont immédiats.

Le rendu de la commission m’a beaucoup attristé, tout comme les arguments que vous avez présentés, madame la ministre, pour rejeter cette proposition de loi. Il faudra bien expliquer aux Français comment une proposition de loi, si ancrée dans la vie quotidienne des parents de personnes handicapées et visant uniquement l’intérêt général, peut être rejetée au prétexte qu’elle ne satisfait pas tout le monde.

Avançons au moins, et réglons une petite partie du problème : un plafond de 32 500 euros, ce n’est pas le bout du monde ! Faire des travaux pour faciliter le passage d’une porte, d’une marche, obstacles soudain insurmontables pour un gamin en fauteuil ou une personne âgée, ce n’est pas grand-chose, mais cela chiffre tout de suite. Cela représente quelques milliers d’euros, mais il s’agit d’un besoin immédiat. Pourquoi refuser ce genre d’initiatives ? Pour des réalisations qui vaudront sans doute plus cher, des centres qui coûteront des dizaines de millions d’euros ?

Nous ne sommes pas devant vous par hasard. La demande existe, elle est forte !

M. Laurent Marcangeli. Tout à fait !

M. David Douillet. Je veux vous faire comprendre, madame la ministre, que nous ne prenons pas la parole par plaisir ou par envie de vous faire perdre votre temps. C’est pour ces gens-là que j’essaie de me battre, et je le fais avec sincérité.

M. le président. Il faut conclure.

M. David Douillet. Oui, monsieur le président. Ce sujet me touche, alors je prends quelques secondes de plus, moi qui ne parle pas souvent. Avançons ensemble. Nous pourrions, je crois, voter à l’unanimité cette proposition de loi qui accélérera ce processus, via vos groupes de travail et vos groupes de réflexion, qui souvent, sont trop lents. On entend trop souvent parler de ce genre d’initiative, sans en voir les résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli.

M. Laurent Marcangeli. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre groupe a choisi d’inscrire à l’ordre du jour de cette journée qui lui est dédiée un sujet qui devrait, comme l’a dit David Douillet, nous rassembler tous : le handicap. Les députés et élus locaux que nous sommes ont tous été confrontés dans l’exercice de nos fonctions à cette situation grave, qui touche des centaines de milliers de nos compatriotes.

Vous savez comme moi combien ces personnes peuvent être en situation de souffrance, car aux difficultés physiques s’ajoute l’inadaptation de leur environnement : c’est, pour eux, une double peine.

M. Damien Abad. Exact !

M. Laurent Marcangeli. En tant qu’élus, il nous est interdit d’ignorer ces problèmes auxquels nous sommes tous les jours confrontés.

Il est indéniable que la législation, en la matière, a progressé, notamment avec la loi du 11 février 2005. Cette loi a ouvert un droit à compensation qui permet la prise en charge par la collectivité des dépenses liées au handicap ; elle a favorisé l’intégration scolaire ainsi que l’insertion professionnelle ; elle a renforcé l’accessibilité des espaces publics, des transports et du bâti neuf. Une loi majeure, qui, pourtant, n’avait pas fait l’unanimité, puisque l’opposition d’alors avait voté contre.

Il ne me semble pas avoir entendu les propositions du Gouvernement sur ce sujet, madame la ministre. Et ce malgré l’engagement n32 du candidat socialiste à l’élection présidentielle, qui visait la mise en place d’un volet handicap dans chaque projet de loi.

M. Damien Abad. Parlons-en !

M. Laurent Marcangeli. Pour notre part, nous considérons qu’il s’agit d’un sujet majeur. Le texte qui nous occupe aujourd’hui s’inscrit pleinement dans la continuité de la loi de 2005, en proposant que les personnes handicapées puissent bénéficier d’un prêt à taux zéro pour l’aménagement de leur domicile.

Il s’agit de répondre à un problème extrêmement concret. Les logements ne sont pas forcément adaptés à la vie d’une personne en situation de handicap : distribution des pièces, équipements ménagers… Autant de travaux essentiels dont le coût est parfois difficile à assumer.

C’est pourquoi une action de soutien à ces personnes et à leurs familles me semble la bienvenue. De surcroît, elle a l’immense avantage de maintenir et d’encourager l’autonomie de la personne. Je suis convaincu que nous devons tout mettre en œuvre pour préserver cette autonomie et éviter autant que possible le placement en établissement. Cette solution est moins coûteuse pour les personnes concernées, mais aussi pour l’État et les collectivités territoriales. C’est un dispositif juste, de bon sens, que nous proposent nos collègues Gérald Darmanin et David Douillet.

Cette proposition simple répond concrètement aux difficultés que rencontrent des citoyens fragiles. Elle crée un prêt à taux zéro grâce à un crédit d’impôt accordé aux banques, et elle assouplit les conditions d’accès des personnes handicapées au prêt à taux zéro pour une première accession à la propriété.

D’autre part, je salue la proposition de M. le rapporteur, qui souhaite que les logements sociaux situés en rez-de-chaussée soient prioritairement réservés aux personnes à mobilité réduite : là encore, ce n’est que du bon sens - il ne faudrait jamais s’en départir.

Hélas, il y a fort à craindre que cette proposition ne subisse le même sort que la proposition de M. Abad, rejetée voici quelques mois. Pourtant, si nous ne sommes pas capables, chers collègues, de nous rassembler sur de tels sujets, ne nous étonnons pas que nos concitoyens et électeurs portent un regard aussi désappointé sur la politique et sur l’action publique.

M. Damien Abad. Exactement !

M. Laurent Marcangeli. Je forme donc le vœu, dont j’espère qu’il ne restera pas pieux, que nous ne retombions pas dans les travers du débat que nous venons d’avoir à l’occasion de la précédente proposition de loi, relative aux services publics en milieu rural, qui était pourtant de bon sens et soulevait un problème réel auquel se heurtent de nombreux Français. Le handicap est un sujet concret et important pour bon nombre de nos concitoyens. Ayez donc le courage du bon sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, donner aux personnes en situation de handicap la possibilité de vivre dans des logements adaptés est une préoccupation louable à laquelle nous sommes tous ici sensibles. L’injustice peut frapper n’importe qui. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, de rappeler qu’à tout moment chacun d’entre nous est susceptible de se retrouver dans une situation de handicap : pour avoir travaillé longtemps en réanimation à Garches, j’ai pu le constater chaque jour.

Le maintien à domicile est devenu un véritable enjeu social et financier. Des collectivités aux associations, de nombreux acteurs sont mobilisés pour tenter de faciliter toujours davantage l’insertion des personnes en situation de handicap.

Vous proposez, monsieur le rapporteur, un dispositif visant à permettre à certaines personnes en situation de handicap de financer l’aménagement de leurs habitations. Je le reconnais volontiers, la personne handicapée subit une double peine : son handicap d’une part, puis le parcours du combattant qu’elle doit effectuer pour trouver des solutions concrètes afin de reprendre une vie normale.

Pourtant, contrairement à ce qui a été dit, les personnes en situation de handicap bénéficient de nombreux dispositifs mis en place par différents acteurs : l’État, l’ANAH, le mouvement Pact Arim, l’Union nationale de la propriété, les conseils généraux, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, et d’autres encore. Subventions ou crédits d’impôt, les mesures facilitant le financement de l’autonomie sont à la fois nombreuses et souvent méconnues. La procédure est longue et parfois décourageante. La solitude, réelle ou ressentie, touche la majorité des familles qui, estimant leur logement inadapté, ont fait ou envisagent de faire des travaux.

Au-delà d’une assistance technique a priori déficiente, cette solitude peut aussi s’expliquer par un manque d’information et de communication sur les aides humaines et financières existantes, tant dans le réseau spécialisé que dans le grand public. Cette situation est inadmissible, et nous devons tout faire pour permettre à toute personne en situation de handicap de trouver les solutions nécessaires afin qu’elle puisse obtenir les aides dont elle a besoin pour continuer à vivre normalement dans la société.

Je ferai trois remarques. Je m’étonne tout d’abord, monsieur le rapporteur, du titre de votre proposition, qui semble ne s’adresser qu’aux personnes en situation de handicap moteur. Je vous rappelle que l’on distingue communément six grandes familles de handicaps : outre le handicap moteur, il existe les handicaps auditifs, les handicaps psychiques, les déficiences intellectuelles, les maladies invalidantes et les handicaps visuels. Tous peuvent nécessiter des aménagements ; je ne comprends donc pas pourquoi une telle restriction.

Ensuite, j’estime que le dispositif que vous proposez est profondément injuste, car il exclut toutes les familles à faibles ressources.

M. Damien Abad. N’exagérez tout de même pas !

Mme Chantal Guittet. Vous semblez ne pas connaître le niveau de ressources dont disposent la plupart des personnes en situation de handicap…

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Vous ne vous adressez guère à la bonne personne…

Mme Chantal Guittet. … qui vivent souvent sous le seuil de pauvreté et ont toutes les peines du monde à obtenir et à rembourser un prêt.

M. Damien Abad. Parlons-en !

Mme Chantal Guittet. Vous n’êtes pas en situation de précarité, que je sache. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Damien Abad. Et vous ?

Mme Chantal Guittet. J’en viens donc à ma deuxième remarque : comme le souligne le rapport, la multiplicité des aides complique la tâche des personnes handicapées ; ajouter un dispositif supplémentaire ne fera qu’accroître la complexité du système.

M. Damien Abad. Dites-le donc au Président de la République !

Mme Chantal Guittet. La complexité ne se simplifie pas ; la complication, en revanche, oui. Appliquer un processus de simplification à un système complexe n’aboutit qu’à des solutions simplistes et inefficaces.

M. Laurent Marcangeli. N’importe quoi !

Mme Chantal Guittet. Vous refusez l’assistanat ; nous voulons la solidarité. Je préfère donc nettement une solution globale qui s’adresse à tous ceux que concerne le handicap - personnes en situation de handicap, personnes âgées, familles - et non pas seulement à une partie d’entre eux, comme vous le proposez.

M. Damien Abad. Proposez donc des solutions, au lieu de ne rien faire !

Mme Chantal Guittet. Pendant dix ans, vous n’avez rien fait non plus… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Je privilégie donc une réflexion permettant de simplifier les procédures, d’améliorer la lisibilité et l’efficacité des mesures et de rendre accessibles le plus grand nombre de logements, quel que soit le niveau de ressources des occupants

C’est grâce à l’engagement de tous – acteurs de la construction, associations ou encore parlementaires – que nous faciliterons l’insertion de toutes les personnes en situation de handicap, pour qui le principal défi est, sinon de survivre, en tout cas de vivre normalement – se déplacer, profiter des loisirs, aller au restaurant ou chez des amis, bref, vivre comme tout le monde. Je compte donc sur vous, madame la ministre, pour que la grande loi sur l’autonomie englobe tous les aspects de la question, qu’il s’agisse du niveau de ressources des personnes en situation de handicap, de l’accessibilité des logements et des lieux publics ou encore de l’insertion dans l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je tiens avant toute chose à rassurer nos collègues sur le fait que la commission des affaires sociales, dont je suis la vice-présidente, est bien présente : c’est parce que ma vue faiblit que je siège dans les travées plutôt qu’au au banc des commissions, et non pour éviter d’être assise à côté de Gérald Darmanin ! (Sourires.)



L’accessibilité est un enjeu majeur pour nous tous, et en particulier pour les personnes qui, du fait de leur handicap, de leur perte d’autonomie ou de leur avancée en âge, ne peuvent se déplacer et accéder à une vie citoyenne dans de bonnes conditions. C’est un chantier ambitieux puisqu’il s’agit de passer d’une logique de protection, puis d’intégration – et aujourd’hui d’inclusion – à une dynamique d’appartenance – je préfère ce terme – à notre société pour toutes les personnes en situation de handicap.

L’accessibilité concerne non seulement les transports et les bâtiments publics et privés, mais aussi tous les domaines de la vie sociale, afin que chacun puisse exercer pleinement sa citoyenneté.

Ces dernières années, nous avons dû intervenir à plusieurs reprises – certains ici s’en souviennent – pour mobiliser les moyens nécessaires à la mise en œuvre de l’accessibilité. Oui, nous avons dû combattre plusieurs tentatives de recul qui remettaient en cause ce principe, et en particulier toutes les tentatives de dérogation. Il a fallu la mobilisation des parlementaires, mais aussi celle des plus hautes juridictions – Conseil d’État et Conseil constitutionnel – pour que ces tentatives échouent.

Fort heureusement, ce temps est désormais révolu. C’est dire combien il importe de rester vigilant sur ces sujets, car on nous expliquera toujours avec force arguments que tout cela est très compliqué.

Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement – je salue d’ailleurs l’investissement de Mme la ministre – suit de très près le sujet du handicap et s’attache à doter sa politique d’une cohérence globale, qui doit être un gage d’efficacité. Aussi, dans un contexte budgétaire pourtant tendu, le Gouvernement n’a pas souhaité modérer ses efforts en faveur de l’inclusion de nos concitoyens en situation de handicap.

Il agit d’abord en introduisant, conformément à l’engagement n32 du Président de la République, un volet handicap dans chaque loi, afin que les dispositions prévues puissent s’appliquer aux personnes en situation de handicap.

M. Damien Abad. Oui, mais ce volet est d’ordre réglementaire et n’apparaît pas dans la loi !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Cet engagement est, avant tout, l’expression d’une volonté politique que nous partageons tous : la volonté de lutter contre toutes les formes de discriminations et de faire prospérer une égalité réelle et complète. Il est aussi la traduction d’une vision à long terme engagée dès la mise en œuvre de cette circulaire et qui cible l’accessibilité universelle. Enfin, l’engagement du Président est le gage d’une méthode efficace assurant une véritable prise en considération de la question du handicap dans les politiques publiques.

Cette politique concerne tous les types de handicaps. Les pouvoirs publics sont parvenus à élaborer des objectifs clairs et précis qui dessinent la feuille de route de la politique du handicap, et qui ont été présentés lors du comité interministériel du handicap que le Premier ministre a réuni la semaine dernière pour la première fois depuis sa création en 2009, et en présence de tous les ministres. Or, l’accessibilité des logements figure en bonne place – à la page 26 – dans le relevé de décisions du comité.

M. Damien Abad. Oui, mais quelles en sont les conclusions ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Le comité confirme l’objectif, fixé en 2005, de la mise en accessibilité qui, malgré des avancées certaines, demeure insuffisante au vu de l’avancement actuel des travaux.

Afin de redonner un second souffle à cette idée d’envergure, il a été convenu de compléter et d’améliorer le volet accessibilité dans un cadre concerté, grâce aux agendas d’accessibilité programmée – les Ad’AP mentionnés par Mme la ministre.

Comme vous le voyez, chers collègues, la nouvelle majorité a engagé une démarche globale et volontariste d’inclusion des personnes handicapées dans notre société. Pour avancer, le Gouvernement n’a pas fait le choix d’un nouveau texte de loi. Il a choisi l’efficacité en menant une action transversale sur tous les sujets traités par la puissance publique.

La proposition de loi de M. Darmanin obéit, sans nul doute, à de bonnes intentions, et je salue son initiative qui nous donne l’occasion d’évoquer ces sujets et d’envisager de nouvelles solutions.

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Je vous remercie.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Lors du débat en séance sur la proposition de loi de M. Abad relative à l’égalité des droits des personnes en situation de handicap, M. Darmanin avait d’ailleurs déjà déposé un amendement que reprend aujourd’hui dans les mêmes termes la proposition que nous examinons. À l’époque, cet amendement n’avait pas été assorti d’une réflexion sur son impact, en particulier sur le public qui pourrait bénéficier du crédit d’impôt. Nous avons aujourd’hui l’occasion de nous y intéresser, comme l’ont expliqué plusieurs orateurs.

En premier lieu, le texte cible les personnes en situation de handicap moteur et leur proche famille déjà propriétaires de leur logement. Or, le dispositif choisi n’est pas satisfaisant. En effet, les prêts à taux zéro basés sur un crédit d’impôt aux établissements bancaires sont certes très utiles pour favoriser l’accession à la propriété ou la performance énergétique des bâtiments, mais ils ciblent mal, en tant que tels, les ménages populaires en raison d’un effet d’éviction évident. Outre le fait que le texte, à mon sens, identifie mal les bénéficiaires de ce prêt, il n’apporte de surcroît aucune avancée nouvelle par rapport aux dispositifs en vigueur.

Plusieurs systèmes d’aide à l’adaptation des logements sont d’ores et déjà accessibles pour les personnes handicapées, qu’il s’agisse de la PCH, des aides de l’ANAH ou encore du crédit d’impôt accessibilité ouvert aux propriétaires et aux locataires.

Reconnaissons que la multiplicité des acteurs – l’État, les collectivités, les partenaires sociaux d’action logement, etc. – rend le dispositif des aides difficilement lisible pour ses bénéficiaires. Il vaudrait mieux réfléchir à une forme d’accompagnement spécialisé en direction des personnes concernées plutôt que de créer une aide supplémentaire qui affaiblirait encore l’efficacité des procédures et des outils actuels.

À ce titre, le Comité interministériel du handicap a confirmé que serait créé un groupe de travail au sein du conseil national de l’habitat. Chargé de recenser les aides existantes, de vérifier leur bonne articulation et de proposer, le cas échéant, des mesures visant à en améliorer l’efficacité et la lisibilité, il devrait se réunir dès maintenant et jusqu’à la fin de l’année.

Tout comme vous, je reçois régulièrement des familles et des enfants en situation de handicap dont je mesure parfaitement les besoins. Pour autant, plutôt que de rajouter des dispositifs à ceux existants, nous nous devons, à notre niveau de responsabilité, d’avoir une vision globale de ces situations afin de formuler des propositions qui répondent, une bonne fois pour toutes, à ces besoins importants.

L’approche du Gouvernement en termes d’accessibilité des logements est ainsi beaucoup plus globale. Le groupe de travail qui se réunira dans les prochains jours sous la présidence de la sénatrice Claire-Lise Campion, laquelle a rendu un très intéressant rapport, « Réussir 2015 », sera chargé de réfléchir aux moyens d’améliorer le dispositif d’accessibilité du logement avec l’objectif prioritaire de simplifier l’accès aux aides et leur gestion grâce à son installation au sein du Conseil national de l’habitat. Il regroupera l’ensemble des parties prenantes, dont les représentants des personnes, désignés par le Comité national consultatif des personnes handicapées.

Il s’agit donc bien de répondre aux besoins d’adaptation des logements des personnes âgées, des personnes handicapées et de ceux qui les hébergent en garantissant l’accès le plus large possible aux aides existantes.

Pour toutes ces raisons nous ne pouvons accepter aujourd’hui cette proposition, même si le travail doit se poursuivre. Des débats plus informés sur l’utilité d’un tel prêt dans le dispositif d’aides pourront avoir lieu à la conclusion de ces chantiers.

À l’issue du Comité interministériel du handicap, les associations ont fait connaître leur satisfaction d’avoir été entendues sur des travaux qu’elles conduisent depuis plusieurs années. Elles ont mené un travail sur le long terme. Grâce à ce Gouvernement, au Premier ministre et à la ministre Marie-Arlette Carlotti qui s’est montrée particulièrement vigilante, nous avons pu faire un grand pas le 25 septembre. Nous serons attentifs à la suite des travaux car nous voulons, comme tout le monde ici, avancer concrètement sur ce chantier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)









M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Je voudrais remercier tous les orateurs, quel que soit leur groupe politique, pour leur intervention, mais aussi Mme la ministre pour ses propos.

Je veux tout d’abord évoquer un point qui nous concerne tous, nous autres parlementaires. Vous proposez, madame la ministre, qu’une circulaire soit prise et qu’un groupe de travail, qui n’est pas parlementaire mais je ne doute ni de son niveau ni de son intérêt pour le sujet, se penche sur la question. Or, nous sommes les législateurs et vous devriez à ce titre remercier au moins le groupe UMP qui vous a permis, à deux reprises, depuis un an et demi, de défendre votre ministère car, en un an et demi, aucun projet de loi ni proposition de loi d’origine socialiste ne vous aura donné l’occasion de nous montrer combien vous étiez attentive au problème du handicap. Je vous le dis sans ironie.

M. Damien Abad. C’est très vrai !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Par ailleurs, madame la ministre, vous auriez pu, comme certains orateurs du groupe socialiste, vous abstenir d’opposer la gauche, dont viendrait la lumière, source du progressisme absolu, à la droite où, après avoir appris que nous n’aimions pas les pauvres, il s’avérerait que nous n’aimerions pas davantage les personnes handicapées. À ce propos, le ton que Mme Guittet a employé à l’endroit de M. Abad mériterait au moins quelques rectifications.

Parlons franchement : qui a augmenté l’AAH en cinq ans de 25 % ? Le Gouvernement de Nicolas Sarkozy ! On pourrait aussi parler du bilan de Lionel Jospin sous la présidence de Jacques Chirac, mais il a fallu attendre la loi de 2005, qu’une grande partie des socialistes n’a pas votée mais que tout le monde s’accorde aujourd’hui à trouver extraordinaire. On peut se jeter à la tête qui a fait quoi et qui n’a rien fait, mais vous avez mis, madame, au moins un an et demi à réunir le Comité interministériel !

M. Jacques Myard. Bravo !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Il se réunit, c’est une très bonne chose, mais ne faites pas de querelle politique sur un sujet où le bilan de la gauche n’a pas non plus été extraordinaire. Droite comme gauche, nous n’avons pas à nous cacher derrière nos cartes politiques, mais à réfléchir aux moyens d’améliorer la condition de ces personnes qui souffrent du handicap. Je sais, madame, qu’en votre for intérieur vous êtes d’accord.

La réalité, madame, c’est qu’en dehors de la circulaire dont vous parliez tout à l’heure en réponse à M. Abad, nous n’avons pas grand-chose. Tout d’abord, toutes les lois que nous avons étudiées depuis le début de cette législature ne comportent pas systématiquement un volet sur le handicap. C’est faux. D’ailleurs, la circulaire n’est pas obligatoire vis-à-vis de la loi : je ne vais pas vous rappeler la pyramide de Kelsen. Nos collègues de l’outre-mer ont tout à fait raison de l’avoir demandé, chaque loi devrait prévoir un article supplémentaire consacré au handicap.

Je voudrais répondre très rapidement aux orateurs que je remercie, à commencer par Mme Poletti pour les mots agréables qu’elle a eus à l’endroit du rapporteur. Son intervention, comme celle d’autres, m’a fait prendre conscience du quiproquo entre ce que proposent le rapporteur et David Douillet, cosignataire de cette proposition de loi, et ce que vous en avez compris. Je vous présente mes excuses si je me suis mal exprimé en commission, dans mon texte et à nouveau à l’Assemblée.

Tout d’abord, le crédit d’impôt – Mme Pinville avait fait, je crois, l’erreur en commission – n’est pas destiné aux personnes, mais aux banques. Ce n’est pas parce que l’on ne paie pas l’impôt sur le revenu que l’on ne pourra pas emprunter. Eh oui, là est bien le problème. Nous sommes d’ailleurs si soucieux de la séparation des pouvoirs qu’il appartiendra au Gouvernement de fixer par décret le seuil à partir duquel le prêt pourra être accordé.

J’ai entendu certains dire : « Il faut d’abord avoir un logement ». En effet, avant de pouvoir faire des travaux dans sa maison, il faut avoir une maison. J’en conviens, il faut d’abord être propriétaire. D’autres ont prétendu que ce prêt ne pourrait venir qu’en complément d’un autre prêt et qu’il serait difficile, pour des allocataires de l’AAH, d’obtenir les deux. C’est vrai, le montant de l’allocation adulte handicapé est très bas même si Nicolas Sarkozy l’a revalorisé de 25 % en dépit de la crise économique.

Mme Bérengère Poletti. Tout à fait !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Cela étant, ce dispositif ne concerne pas seulement les personnes allocataires de l’AAH. Pour reprendre l’exemple de la petite Célia, ses parents travaillent. Leurs revenus sont modestes mais ils travaillent et paient peut-être, ou pas, l’impôt sur le revenu. Ils ne vont pas se surendetter parce qu’ils contractent un prêt à taux zéro ! Cela n’a aucun sens ! Au contraire, nous allons les aider à obtenir plus facilement un prêt auprès des banques, dont chacun connaît la frilosité, et dont ils n’auront pas à rembourser l’usure.

Je n’ai pas bien compris la position des députés communistes qui ont voté pour en commission et qui s’apprêteraient à présent à voter contre. On a le droit de changer d’avis, mais je me souviens très bien des déclarations du député de la Martinique, que je suis même allé remercier à la fin de la réunion.

Mme Chantal Guittet. M. Serville vient de dire qu’il voterait ce texte !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Excusez-moi, j’avais donc mal entendu.

Mme Chantal Guittet. Il suffisait d’écouter !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Vous avez tout de même fait une remarque, mon cher collègue, qui mérite que l’on s’y attarde. Vous prétendez que ce dispositif conduirait à endetter encore davantage des personnes en situation de précarité. Tout d’abord, il n’est pas obligatoire de souscrire à ce dispositif. Il existe par ailleurs – et vous m’obligez à faire là de la politique, mais que cela ne nous empêche pas de réfléchir ensemble ! – une différence fondamentale entre les conceptions que nous avons des classes sociales modestes et populaires. Je crois que, pour vous, il s’agit de celles qui n’ont aucun revenu et vivent dans le dénuement le plus total – il en existe malheureusement beaucoup.

Moi, je range aussi dans les classes modestes et populaires les ménages qui gagnent 2 500 euros par mois – madame est secrétaire, monsieur est policier, par exemple. Eux ne peuvent pas emprunter 50 000 ou 60 000 euros pour aménager leur maison, leur évier, la douche pour leur enfant. Nous en revenons au débat sur la détermination des riches et des pas riches, mais je crois qu’un ménage modeste et populaire, dans ma commune, pourrait très bien se composer d’une secrétaire de direction et d’un policier.

Je n’ai pas la prétention de croire que cette proposition de loi pourrait tout résoudre. Je ne suis d’ailleurs pas le Premier ministre ni le ministre en charge de la question, et je ne vous propose ni un projet de loi d’habilitation, ni un projet d’ordonnance, ni un projet de loi d’orientation. Je vous soumets une proposition de loi sur un sujet très concret car, permettez-moi de vous le dire, madame la ministre, avec tout le respect que je vous dois, il y a pour l’instant beaucoup de bla-bla mais assez peu de concret.

Je tiens tout de même à vous remercier, madame la ministre, du ton sur lequel vous nous avez parlé, car il a beaucoup changé par rapport à la même disposition que je vous avais déjà soumise. Mme Carrillon-Couvreur a d’ailleurs eu la gentillesse de souligner que j’étais un peu répétitif, car ce n’est pas une fois que j’ai déposé cet amendement, mais trois fois !

M. Jacques Myard. Il vaut mieux se répéter que se contredire !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Deux fois sur un projet de loi de Mme Duflot sur le logement, une fois avec vous, madame la ministre.

Vous nous disiez, c’était la séance du 25 avril 2013 et le même sujet : « Cet amendement témoigne de votre non-sérieux, de la légèreté avec laquelle vous abordez la question du handicap ce soir. […] Il n’est pas normal d’aborder de telles questions de cette manière et je le refuse. Je pense que nous devons avoir un débat posé et sérieux. L’avis est donc défavorable. » Et aujourd’hui, notre proposition serait devenue intéressante ! Je vous en remercie !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Je disais la même chose !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Je tiens le compte rendu à votre disposition si vous le souhaitez.

Je voudrais terminer sur un dernier point pour remercier les orateurs du groupe socialiste et ceux qui souhaitent voter cette disposition. J’ai bien lu, madame Carrillon-Couvreur, le compte rendu du comité interministériel. Un lien y est en effet établi avec le logement à la page 27, mais c’est surtout la page 35 qui m’intéresse car y sont développés l’accompagnement social et médico-social ainsi que le maintien à domicile. Nous y retrouvons les propos de MM. Marcangeli, Abad et Douillet sur l’importance de l’environnement. Que dit le Gouvernement ? « L’objectif reste l’inclusion en milieu ordinaire tant que cela est possible » – nous sommes d’accord. Or, le comité constate que ce maintien à domicile se heurte à la « fragilité des services d’aide et d’accompagnement à domicile, à la complexité des aides à l’adaptation des logements ». Je pense que l’on ne pourrait pas mieux défendre que ce comité interministériel le vote de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie et je suis heureuse d’avoir assisté à ce débat de très bonne tenue. Chaque fois que l’on aborde le thème du handicap, à quelque niveau que ce soit, c’est un regard différend que l’on porte sur la société et c’est très important.

Beaucoup d’entre vous ont évoqué la loi de 2005. En effet, elle a fait progresser la question du handicap. Lorsque je suis arrivée au ministère, un rapport prévoyait que l’accessibilité ne serait pas réalisée au 1er  janvier 2015, que les objectifs ne seraient pas atteints. J’ai voulu jouer la carte de la franchise et j’ai rendu public ce rapport. Je souhaite aujourd’hui que l’on tienne cet objectif du 1er janvier 2015 et que l’on accompagne tous ceux qui ne pourront pas y arriver seuls.

Nous avons mis en place le Comité interministériel du handicap. Je ne veux pas polémiquer. Vous avez dit qu’il avait été réuni une seule fois, le jour de sa mise en place, et qu’il ne s’est rien passé depuis. Je suis la première à le regretter. Il a manqué une volonté d’aboutir, d’avancer. Ce comité a porté des actions et des chantiers très concrets car nous l’avons préparé avec l’ensemble des partenaires, vous-mêmes, des associations. Nous avons ainsi pu aborder la question des assistants de vie scolaire, dossier engagé depuis longtemps, et nous avons proposé de créer un vrai métier de l’accompagnement des élèves en situation de handicap, afin de respecter à la fois les 28 000 salariés précaires qui y travaillent et les élèves en situation de handicap.

Nous avons mis en place le troisième plan « autisme », qui se heurte à de grandes difficultés tant les lacunes sont grandes. Nous avons rendu les transports totalement gratuits, quelle que soit la distance à parcourir, pour les enfants qui se rendent dans les centres d’action médico-sociale sociale précoce ou les centres médico-psycho-pédagogiques.

Nous allons ouvrir un nouveau droit à la formation pour les parents qui travaillent, et qui appartiennent souvent aux couches moyennes. Ne vous inquiétez pas, monsieur le rapporteur : nous aussi, nous nous préoccupons de cette population. Je suis moi-même, comme beaucoup d’autres ici, issue des couches moyennes. Nous voulons permettre aux parents qui viennent d’apprendre le handicap de leur enfant de suivre une formation qui sera prise en charge et dont nous discuterons des modalités avec les partenaires sociaux.

Nous voulons que l’allocation de chômage puisse être versée si l’un des parents doit démissionner pour suivre son enfant placé loin de son domicile. Nous comptons introduire un volet handicap dans le cadre de la loi sur la formation professionnelle.

Vous voyez que dans ce domaine, comme dans bien d’autres, nous prenons des mesures très précises. Nous n’avons pas besoin d’une nouvelle loi mais d’une volonté politique, d’un travail en commun. Bien sûr, nous avons besoin de vous, parlementaires, mais aussi des partenaires sociaux.

Nous demandons également que l’on vérifie la bonne articulation des aides entre elles afin d’améliorer leur efficacité et leur lisibilité. Bien entendu, vous y serez associés. Les parlementaires ne sont jamais hors du jeu quand il s’agit de faire évoluer le regard sur la société.

Le fil rouge du Comité interministériel du handicap, c’est l’accompagnement des parcours de vie, et le maintien à domicile est fondamental. Vous le voyez, il y a beaucoup de dispositions prises à ce sujet.

Moi aussi, monsieur Douillet, je suis émue par de telles situations. Moi aussi, j’essaie –– de façon moins brillante que vous – d’accompagner des jeunes, et notamment des enfants atteints par la maladie. En l’occurrence, plutôt que de handicap, il s’agit de maladie. Je pense à l’association « Sourire à la vie », qui accompagne les enfants atteints d’un cancer et leurs parents. Le parrain de cette association est Grand Corps Malade.

M. David Douillet. C’est bien.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Comme vous, monsieur Douillet, il agit beaucoup sur le terrain.

Bien sûr, je suis sensible à cela ! Vous ne pouvez pas dire que nous rejetons cette proposition de loi par sectarisme.

M. David Douillet. C’est vous qui le dites, pas moi !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Je ne la rejette pas par sectarisme.

M. David Douillet. Je n’ai pas dit cela !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Je pense que la proposition que vous faites exclut par nature une partie de la population concernée, des ménages qui, aujourd’hui, ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. Elle exclut par nature, puisqu’il faut en outre être propriétaire pour avoir accès au dispositif. Je crains donc qu’on n’ajoute une injustice à l’injustice.

Monsieur Douillet, monsieur le rapporteur, ce que vous proposez n’est qu’un dispositif supplémentaire qui va complexifier encore plus le dispositif existant et qui, de toute façon, au moment où nous parlons, n’atteint pas la cible que vous mentionnez dans votre rapport liminaire.

M. David Douillet. La cible, elle est là !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Je préfère ma méthode à la vôtre…

M. David Douillet. C’est quoi, votre méthode ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. …parce que je crois qu’elle sera plus efficace. Alors, ensemble, essayons de mettre les choses à plat et d’avancer !

Pour conclure, j’ai le regret de vous dire que je reste sur ma position.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, inscrit sur l’article 1er  .

M. Damien Abad. Madame la ministre, je suis très heureux d’apprendre que vous avez une méthode. Je voudrais seulement savoir laquelle et j’aimerais que vous nous éclairiez un peu à ce sujet…

La proposition de loi de mon collègue Darmanin est de bon sens. Vous dites qu’elle exclut une partie de la population concernée. Mais elle inclut des personnes qui, jusqu’à présent, ne pouvaient pas bénéficier de ce prêt à taux zéro.

Vous êtes toujours dans le rejet. Pour ma part, j’attends de vous des propositions. Les deux seules fois où nous avons parlé du handicap dans cet hémicycle, c’était lors de l’examen de deux propositions de loi du groupe UMP, dans le cadre des niches parlementaires.

Il est regrettable que nous ne puissions pas débattre davantage de cette question. Vous parliez tout à l’heure du Comité interministériel du handicap. Très bien ! Vous avez mis plus d’un an pour le réunir…

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Il ne s’était pas réuni depuis 2009 !

M. Damien Abad. En outre, il n’y a eu quasiment pas une ligne dans la presse, quasiment aucune information…

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Adressez-vous aux journalistes !

M. Damien Abad. Les journalistes ne sont pas seuls en cause. À un moment donné, il faut faire des propositions et aboutir à des mesures concrètes. On ne peut pas en rester au stade du groupe de travail et des rapports. C’est certes nécessaire, mais il faut aller plus loin. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les associations, et toutes celles et ceux concernés par le handicap.

Je ne veux pas vous faire l’offense de lire certaines dépêches de l’AFP – mais si vous m’y obligez, je le ferai – ou les communiqués faits par les associations à la sortie du Comité interministériel du handicap.

Vous parlez de l’objectif d’accessibilité. M. Ayrault disait qu’entre la loi de 2005 et l’objectif d’accessibilité de 2015, nous étions loin du compte. C’est lui-même qui l’a dit en sortant du Comité interministériel. Je vous pose la question : cet objectif est-il encore crédible ? Quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour y parvenir ? Car si nous restons là les bras croisés, sans bouger, nous savons très bien que nous n’arriverons pas à atteindre cet objectif.

Quant à l’allocation adulte handicapé, elle est complètement sortie du comité interministériel du handicap. Le rapporteur l’a rappelé : le président Nicolas Sarkozy avait augmenté l’AAH de 25 %. Aujourd’hui, sa revalorisation est extrêmement faible puisqu’elle ne suit même pas le cours de l’inflation. Madame la ministre, la question financière, qui est fondamentale – vous l’avez dit vous-même –, sera-t-elle abordée dans ce Comité interministériel ? Figure-t-elle à l’ordre du jour de ces groupes de travail ? Quelles sont les propositions ?

Aujourd’hui, la politique du Gouvernement à l’égard du handicap n’existe quasiment pas. Vous le savez, madame la ministre, il y a très peu de propositions. Très peu de choses ont été faites. Vous dites aujourd’hui que vous avez évolué sur un certain nombre de sujets, mais nous attendons des actes, des preuves. David Douillet parlait d’amour, et en amour, il y a aussi des preuves.

M. Jacques Myard. Il n’y a que des preuves ! (Sourires.)

M. Damien Abad. Ce que nous proposons aujourd’hui, c’est vrai, n’est pas suffisant. Mais, comme l’a rappelé le rapporteur, ce n’est pas une loi d’habilitation, ce n’est pas une loi-cadre. C’est une proposition de loi qui a un objectif : envoyer enfin un signal positif à l’ensemble des personnes handicapées. C’est sur ce point que nous devons nous retrouver. C’est pourquoi le groupe UMP soutiendra cette proposition de loi. Et il est important qu’au moins, vous ne soyez pas contre…

Vous ne pouvez pas nous faire le coup de dire à chaque fois que vous êtes d’accord avec l’objectif et avec le principe, mais que vous votez contre, au prétexte que vous êtes contre les modalités pratiques. On m’a appris que l’esprit de la loi était aussi important que la lettre et que le principe comptait plus que les modalités pratiques. Alors, quand on est pour un principe, on ne peut pas être contre une loi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, j’ai cosigné la proposition de loi de Gérald Darmanin et je l’ai fait avec une certaine émotion. Car, confrontés à des accidents de la vie, nous sommes, les uns comme les autres – je ne ferai de procès d’intention à quiconque ici –, dans la nécessité de résoudre des problèmes. Et les problèmes passent parfois par des solutions qui ne sont pas grandioses, mais qui ont le mérite d’exister. Le besoin est évident et il nous faut y répondre.

Je n’étais pas dans l’hémicycle tout à l’heure, mais je suivais le débat dans mon bureau, en regardant la télévision sur le canal 31. Quand je vous ai entendue, madame la ministre, j’ai été effrayé. Comme vient de le rappeler notre collègue Abad, vous dites que vous êtes d’accord sur l’objectif. Mais vous avez employé tous les moyens pour repousser la solution que nous proposons. Êtes-vous atteinte de procrastination, madame la ministre ? Est-ce la nouvelle formule de votre ministère que de remettre à demain ce qui peut être fait aujourd’hui ?

M. David Douillet. Oui !

M. Jacques Myard. Voilà le problème ! Les bras m’en tombent ! Aujourd’hui, vous donnez un très mauvais signal à l’ensemble des familles handicapées qu’un simple prêt à taux zéro pourrait aider grandement.

Bien sûr, ce n’est pas une révolution, mais c’est un premier pas,…

M. David Douillet. C’est un plus !

M. Jacques Myard. …c’est un progrès manifeste. Je ne comprends pas pourquoi vous ne voulez pas voter ce texte, quitte à ce qu’il soit ensuite réintroduit dans un texte plus généreux, plus grand, sur lequel vous travailleriez.

Voilà pourquoi, je vous en conjure, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, ayez un peu de courage, désobéissez et votez ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Vous prenez vos désirs pour des réalités ! Nous sommes la majorité !

M. Jacques Myard. Je parlais de l’opposition au texte !

M. le président. Nous en venons aux amendements.

La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour soutenir l’amendement n10, tendant à supprimer l’article 1er.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je voudrais revenir sur deux points qui ont été évoqués par Damien Abad et Jacques Myard.

Lorsqu’ils disent qu’aucune volonté ne se manifeste à travers les propositions faites par le Gouvernement sur les mesures qu’il faut porter en direction des personnes handicapées, ils savent bien que ce n’est pas vrai. Le travail est conduit régulièrement. Le Gouvernement avance, avec des propositions,…

M. Damien Abad. Lesquelles ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. …dans le cadre du Comité interministériel du handicap. Mais ce comité ne s’est pas fait tout seul ! Il s’est fait en s’appuyant, je l’ai dit tout à l’heure, sur les travaux des associations qui, elles-mêmes, ont travaillé depuis des mois, voire des années, car le CIH aurait dû être réuni depuis longtemps. Il l’a enfin été en 2013…

M. Damien Abad. Là-dessus, nous sommes d’accord !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. …grâce à la volonté de ce Gouvernement, je tiens à le répéter. Mais les propositions inscrites dans le compte rendu du Comité ne l’ont pas été pour le plaisir d’écrire quelques pages. Elles s’inspirent exactement des travaux des commissions qui travaillent tous les jours, toutes les semaines, tous les mois, dans le cadre du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Je peux en témoigner : il s’agit bien d’une vision.

M. Damien Abad. Laquelle ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Il s’agit de lutter contre toutes les discriminations et de poser des actes pour une politique globale envers les personnes handicapées.

M. Damien Abad. Il n’y a pas d’actes !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Enfin, il s’agit bien aussi d’une méthode. Je rappelle l’implication de l’ensemble des ministres qui travaillent et qui vont continuer à travailler sur toutes les propositions en vérifiant qu’il y ait bien ce volet handicap. Les mesures que vous proposez dans ce texte existent déjà.

M. David Douillet. Si c’était le cas, nous ne serions pas là !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je rappelle qu’il existe aujourd’hui, par exemple, des crédits d’impôt permettant aux personnes en situation de handicap et à leurs familles de payer des dépenses d’installation ou de remplacement d’équipements de leur habitation principale.

M. David Douillet. Ce n’est pas suffisant !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. C’est vrai, nous l’avons dit tout à l’heure, ce n’est pas suffisant. Nous voulons une proposition qui concerne l’ensemble des personnes, pas seulement une partie de la population. C’est aussi cela, la méthode, et c’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. Sur l’amendement n10, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission.

M. Gérald Darmanin, rapporteur de la commission des affaires sociales. J’ai bien entendu les orateurs du groupe SRC. Ils trouvent que le titre n’est pas le bon, se demandent pourquoi le dispositif a été plafonné à 32 500 euros et lui reproche de ne pas s’adresser à l’ensemble de la classe moyenne. Mais pourquoi, dans ces conditions, se bornent-ils à proposer des amendements de suppression ?

Je suis étonné que, de la part d’un groupe se voulant constructif, nous n’ayons pas de proposition de changement de titre, de changement de critères ou de changement de volonté administrative. Suppression, suppression et seulement suppression ! Voilà qui montre l’esprit constructif avec lequel, mesdames et messieurs de la majorité, vous avez abordé ce texte !

Le fait majoritaire étant ce qu’il est, la commission a évidemment émis un avis favorable à votre amendement de suppression, madame la députée. À titre personnel, cependant, le rapporteur ne peut y souscrire.

D’abord, l’argument de la ministre, que vous reprenez, madame Carrillon-Couvreur, est étonnant. Vous dites que notre proposition exclut des gens du dispositif, mais il n’y a pas de critères de revenus. Il appartiendra à Mme la ministre de prendre un décret pour fixer un seuil. Ce n’est pas parce qu’on ne paie pas l’impôt sur le revenu qu’on ne peut pas avoir accès à ce prêt. D’autre part, le crédit d’impôt n’est pas versé à la personne, mais à l’établissement bancaire.

Qui plus est, les gens qui paient l’impôt sur le revenu ne sont pas forcément riches – surtout depuis cette année. Je ne sais pas si tout le monde ici partage cette opinion, et je laisse à ma collègue Bérangère Poletti le soin de réaffirmer ce qu’elle vient de dire à juste titre.

Ensuite, je reviens sur l’argument qui consiste à dire que nous allons exclure des gens du dispositif. David Douillet et Damien Abad ont raison, nous allons aussi en inclure. Vous allez donc, une fois de plus, repousser au lendemain une disposition concrète.

Madame la ministre, je vous fais une proposition, ainsi qu’au groupe socialiste. Je ne vous fais pas de procès d’intention : votons le texte, voyons ce qui se passe au Sénat et, si le groupe de travail améliore le texte, ou si l’étude d’impact que vous réclamiez lors de l’examen de la proposition de loi Abad n’est pas concluante, retirons le texte. Mais pourquoi refuser maintenant l’acte d’amour que nous proposait tout à l’heure Damien Abad ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli.

M. Laurent Marcangeli. Il n’est jamais trop tôt pour prendre de bonnes décisions, comme l’a bien précisé le rapporteur. Expérimentons, attendons la tenue d’un débat au Sénat, et voyons si l’on peut compléter le dispositif.

J’ai entendu tous les orateurs. À de rares exceptions près, personne n’est venu nous dire que la proposition de loi serait mauvaise ou nuisible pour les personnes victimes d’un handicap. Je le dis très simplement : votons la proposition de loi, ne nous y opposons pas et donnons le bon exemple. C’est en qualité d’avocat que je fais part de mon admiration à certains intervenants du groupe socialiste. Vous êtes allés chercher très loin, chers collègues, des arguments de ne pas voter la proposition de loi aujourd’hui. J’aimerais que cela soit un compliment, c’est tout le contraire.

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Je ne comprends pas très bien la réponse du Gouvernement et des députés du groupe socialiste selon laquelle il ne serait pas possible de donner suite à la proposition de loi car elle ne concernerait pas l’ensemble des Français. Les solutions qui existent actuellement, comme les aides de l’ANAH ou la PCH, ne répondent pas de la même manière à l’ensemble des Français et reposent sur des différences selon le revenu des personnes.

M. Laurent Marcangeli. Eh oui !

Mme Bérengère Poletti. Les aides de l’ANAH, par exemple, n’aident que les personnes à faible revenu. Si je comprends bien, avec les solutions présentes comme celle que nous proposons aujourd’hui, en fait vous ne voulez surtout pas aider les catégories moyennes !

M. David Douillet. Eh oui !

Mme Bérengère Poletti. Que vous ont-elles fait ?

M. Yves Durand. Rien !

Mme Bérengère Poletti. Je ne comprends pas ! Les personnes qui paient des impôts ne sont pas forcément des personnes aisées, en particulier cette année. Il suffit de dénombrer les foyers fiscaux qui entrent cette année dans le dispositif fiscal et paient maintenant des impôts, ce qui leur reste quand même un peu en travers de la gorge. Maintenant qu’elles paient des impôts, elles n’ont pas le droit d’avoir recours à un tel dispositif ? Franchement, c’est bien vous qui êtes discriminants et injustes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. David Douillet.

M. David Douillet. Pas davantage que ma collègue Poletti, je n’arrive à comprendre. Franchement, mesdames et messieurs les députés de la majorité, vos arguments sont bien légers. Pourquoi ne pas plutôt avancer ? Dans la vie, quand on a un objectif, et en l’espèce nous avons un objectif commun, ce qui n’est pas courant, il faut avancer par étapes. En voici une, qui en effet concerne les propriétaires et les gens qui peuvent souscrire un emprunt, et que l’on se propose de soulager un tant soit peu de la charge matérielle que représente un enfant handicapé ou une personne handicapée. Ce n’est pas rien, c’est une avancée ! Comme disait mon collègue Darmanin, après examen par le Sénat, nous continuerons à avancer. Nous sommes là pour avancer à partir de demandes qui émanent du terrain !

M. Damien Abad. Évidemment !

M. David Douillet. J’en viens à me dire, et je le dis devant tous ceux qui assistent à nos débats, que je proposerai dorénavant des lois sous la signature de l’un de mes amis qui partage vos bancs, mesdames et messieurs les députés de la majorité ! C’est le seul moyen de les voir adoptées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Martine Pinville. Arrêtez ! Comment cela se passait-il avant ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Je vais répéter ce que j’ai dit tout à l’heure. Moi, je veux avancer,…

Mme Bérengère Poletti. Nous aussi !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. … mais mieux que vous, plus rapidement et de manière plus cohérente.

M. Thomas Thévenoud. Très bien !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Nous avons pris une décision dans le cadre du Comité interministériel du handicap, celle de mettre à plat l’ensemble des dispositifs. Ceux-ci sont divers et confus, ils se chevauchent entre eux, personne n’y comprend rien. Nous sommes en train de travailler dans cette direction. La représentation nationale sera bien entendu associée et nous voulons qu’il en sorte de la transparence, de la clarté et des dispositifs efficaces. Je veux donc avancer mieux que vous, mesdames et messieurs les députés de l’opposition. Vous me demandez quelle est la méthode ? La voilà. La méthode, c’est de mettre les choses à plat, de montrer aux gens ce qui existe, d’être efficace et de ne pas cibler une catégorie de la population en particulier. Moi aussi, je regarde de près les couches moyennes. Je sais qu’elles ont des difficultés, je ne suis pas stupide ! J’ai la charge des populations les plus défavorisées, mais aussi des couches moyennes.

Tel est l’ensemble du dispositif que nous sommes en train de mettre en place et que vous voulez aborder à la va-vite, par le petit bout de la lorgnette, à la va-vite ! Nous allons travailler sur quelque chose de plus cohérent, j’espère que vous avez maintenant compris ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Damien Abad. Le débat dégénère !

M. Jacques Myard. Procrastination !

M. Thomas Thévenoud. Restez poli ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Franchement, madame le ministre, nous essayons de vous aider. Vous êtes à la tête d’un ministère d’où n’est venu aucun projet de loi. Sans les deux propositions de loi de l’UMP, on n’aurait jamais parlé du handicap. En outre, une question écrite sur deux n’obtient pas de réponse.

M. Gérald Darmanin, rapporteur. C’est vrai !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. C’est faux !

M. Damien Abad. C’est la vérité. Bien des questions écrites attendent toujours une réponse de votre part, madame le ministre.

Mme Martine Pinville. Ce n’est pas le sujet !

M. Damien Abad. Il nous revient de décider, chère collègue, des sujets que nous abordons dans l’hémicycle. La présentation de votre méthode, madame le ministre, demeure très floue. Vous affirmez que vous associerez la représentation nationale aux travaux du Comité interministériel ; j’aimerais savoir comment. Je m’interroge également sur le calendrier de travail du Comité et sur le fonctionnement des groupes de travail : les parlementaires de l’opposition y seront-ils associés ou non ?

Vous ne m’avez pas non plus répondu tout à l’heure sur l’allocation d’adulte handicapé. Un certain nombre d’associations vous ont saisie sur cette question. Oui ou non, la revalorisation de l’AAH sera-t-elle à l’avenir meilleure que cette année, sur le modèle de ce qu’avait fait l’ancien Président de la République ?

Quant à l’accessibilité, je salue votre ambition d’en faire un objectif pour 2014 et 2015 mais je me demande encore une fois comment vous comptez faire : quelles mesures prenez-vous, quelles propositions faites-vous ? On attend d’une ministre de l’action, des propositions concrètes,…

Mme Bérengère Poletti. Des projets !

M. Damien Abad. …pas simplement du baratin.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n10.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants44
Nombre de suffrages exprimés43
Majorité absolue22
Pour l’adoption26
contre17

(L’amendement n10 est adopté et l’article 1er  est supprimé.)

Article 2

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville, pour soutenir l’amendement n9 à l’article 2.

Le long débat dont a fait l’objet l’article 1er  devrait abréger celui qui porte sur l’article 2. Mais bien entendu, Mme Pinville dispose pleinement de ses deux minutes de temps de parole\…

Mme Martine Pinville. Je suis ravie de vous entendre plaider, monsieur le président, en faveur de débats clairs et concis.

M. le président. Telle est ma tâche ! (Sourires.)

Mme Martine Pinville. Compte tenu des propos tenus par Mme la ministre et de la méthode qu’elle a présentée, je propose la suppression de cet article.

M. Damien Abad. Il n’est question que de suppression, en voilà assez !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Je serai moi aussi concis, car nous avons un ordre du jour chargé, auquel est inscrite encore une proposition de loi, qui sera débattue tout à l’heure dans cet hémicycle. On a bien compris la position du Gouvernement, celle du groupe socialiste et celle du groupe UMP. Personnellement, je le regrette, mais ma qualité de rapporteur de la commission m’oblige à être loyal à mon devoir. Je rappelle donc que la commission a donné un avis favorable à l’amendement de suppression et regrette, en ma qualité de rapporteur fortement investi dans cette proposition de loi, qu’une fois de plus les seuls amendements en provenance du groupe socialiste sur ce thème soient des amendements de suppression.

La question des revenus ne saurait pas être ésotérique pour ceux qui nous écoutent et nous regardent. La proposition de loi n’exclut personne du dispositif. Ce n’est pas parce que l’on paie l’impôt sur le revenu que l’on est riche, et ce n’est pas parce qu’on ne le paie pas qu’on ne pourra pas bénéficier d’un prêt à taux zéro.

M. David Douillet. Absolument !

Mme Bérengère Poletti. Tout à fait !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Le Gouvernement a la volonté, que l’on peut comprendre, de retarder autant que possible, nous pensons pour notre part qu’il faut avancer autant que possible. Mais ne vous cachez pas, madame la ministre, chers collègues de la majorité, derrière un critère de revenu qui n’existe pas. Comme l’a dit notre excellent collègue Jacques Myard, parti retrouver le canal 31 à son bureau, c’est de la procrastination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Avis favorable ou pas, il serait appréciable, madame le ministre, que vous donniez quelques explications.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Ah non ! Ça suffit !

Mme Martine Pinville. Elles ont été données !

M. Damien Abad. Non, madame le ministre, ça ne suffit pas. Si vous considérez que ça suffit, cela veut dire que vous mésestimez votre rôle de ministre des personnes handicapées !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Vous ne pouvez pas me parler comme cela !

M. Damien Abad. Si, j’ai le droit j’ai le droit de dire ce que je pense. Tel est votre rôle, au banc des ministres.

M. le président. Sur l’amendement n9, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Vous affirmez, madame la ministre, que le dispositif proposé par mon collègue Darmanin exclut beaucoup de personnes, et vous soutenez un amendement de suppression. Soit. Je vous pose donc la question : quelles propositions concrètes faites-vous en faveur des personnes handicapées ? C’est une question simple et j’attends simplement une réponse ou au moins des pistes, à défaut de propositions. Donnez-nous quelque chose, madame le ministre ! De quoi a-t-il été question au Comité interministériel ? De quoi avez-vous parlé ? Quels sujets avez-vous abordés ? Rien n’a filtré dans la presse ni en public. Nous sommes des élus de la nation et nous voulons savoir ce que vous avez fait dans ce Comité interministériel, quelles sont les conclusions du débat et surtout, à défaut de prêt à taux zéro, que proposez-vous ? Vous dites que cela n’est pas satisfaisant ; quelles sont donc vos pistes de travail ?

M. David Douillet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli.

M. Laurent Marcangeli. En lisant l’exposé sommaire de l’amendement, je me demande ce que sont les familles modestes. Visiblement, les membres du groupe UMP l’ignorent, peut-être pouvez-vous donc nous en donner une définition, chers collègues de la majorité. Si, selon vous, être fonctionnaire, gagner 1 500 euros par mois, avoir une épouse qui travaille à mi-temps et payer l’impôt sur le revenu, ce n’est pas être un foyer modeste, alors je n’y comprends plus rien ! En vérité, vous faites diversion en essayant de faire accroire que nous proposons une loi pour une seule catégorie de Français, délaissant les personnes les plus modestes, qui plus est victimes de handicap. Voilà bien un mauvais procès fait à la proposition de loi défendue par notre groupe ! Ce n’est pas ainsi que l’on fera avancer les choses. En tout cas, nous rejetons cet amendement et nous voterons contre.

M. Damien Abad. On ne peut pas se contenter de supprimer ! Ce n’est pas cela, la politique !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n9.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants39
Nombre de suffrages exprimés39
Majorité absolue20
Pour l’adoption23
contre15

(L’amendement n9 est adopté et l’article 2 est supprimé.)

Après l’article 2

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n17 portant article additionnel après l’article 2.

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Cet amendement a déjà été évoqué au cours de la discussion générale. Mme la ministre n’a pas répondu mais elle avait déjà émis un avis défavorable lors de la discussion de la proposition de loi de M. Abad. Elle soutenait alors un argument selon lequel la réservation des rez-de-chaussée aux personnes handicapées, non pas exclusivement mais prioritairement, lui paraissait discriminatoire. Il s’agit d’un argument dont on peut discuter. Je suis sûr que les orateurs du groupe UMP compléteront mon propos et qu’il y a matière à réfléchir en particulier à ce que disait Mme Poletti sur le tout début de la construction des logements.

Réserver le rez-de-chaussée aux personnes handicapées, ce n’est pas leur faire injure mais leur permettre, si elles le souhaitent, d’avoir accès à des logements adaptés. Je connais personnellement dans ma circonscription, et chacun ici doit avoir ce genre d’exemple en tête, une personne qui habite au cinquième étage, dont l’épouse est malheureusement atteinte de la maladie d’Alzheimer. Lui-même est handicapé moteur et a obtenu, dans un logement social public construit il y a moins d’un an, un appartement au cinquième étage alors qu’il avait demandé le rez-de-chaussée. Il ne s’agit pas de réserver tous les rez-de-chaussée aux personnes handicapées ni d’obliger tous les handicapés à résider au rez-de-chaussée des HLM, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, mais d’autoriser les bailleurs sociaux à réserver prioritairement les rez-de-chaussée aux personnes qui souhaitent y résider.

Je pense que c’est un amendement intelligent, qui vient utilement compléter cette proposition de loi. La commission a malheureusement émis un avis défavorable, mais vous comprendrez qu’à titre personnel je défende cette mesure, qui constitue la reprise, sous forme d’amendement, d’une proposition de loi dont j’ai précédemment été l’auteur, notamment avec mon collègue Bernard Gérard.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Puisque nous avons déjà eu cette discussion lors de l’examen de la proposition de loi de M. Abad, je me vois contrainte de répéter les mêmes choses. Premièrement, les rez-de-chaussée d’immeubles sont loin d’être tous accessibles, car ils sont souvent surélevés ; deuxièmement, dans de nombreux HLM, les rez-de-chaussée ne sont pas occupés par des logements, mais par des locaux techniques ; enfin, je crois qu’adopter une telle mesure reviendrait à adresser un signal tout à fait contraire à l’esprit de la loi de 2005 et à l’esprit que nous avons voulu insuffler au Comité interministériel du handicap. Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. Sur l’amendement n17, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. David Douillet.

M. David Douillet. J’entends bien ce que vous dites, madame la ministre, mais les situations que vous évoquez ne se retrouvent pas forcément partout ! Ainsi, l’un de mes amis, malheureusement atteint de sclérose en plaques et obligé de se déplacer en fauteuil roulant, m’a fait savoir qu’à Poissy il lui était impossible d’obtenir un logement au rez-de-chaussée, au motif qu’il n’est pas prioritaire : rien n’oblige les bailleurs – même les bailleurs sociaux – à lui réserver un appartement au rez-de-chaussée.

Notre proposition, c’est du bon sens, et je ne comprends pas pourquoi nous débattons si peu depuis le début de l’examen de ce texte – c’est d’ailleurs profondément choquant, car les séances publiques sont faites pour échanger. Depuis que vous avez fait votre présentation, on ne vous a guère entendue, madame la ministre, et sans doute bon nombre de familles seront-elles interloquées par votre mutisme. Puisqu’il existe des endroits où le problème se pose, pourquoi ne pas accepter cette proposition réaliste et de bon sens ?

Mme Bérengère Poletti. Ils n’en ont pas, de bon sens !

M. David Douillet. J’aurais voulu éviter de dire ces mots, car ce débat, de par son importance, doit dépasser les clivages politiques. Cependant, force est de constater, depuis le début des débats, que nous nous trouvons face à un mur dogmatique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est bien l’impression que vous nous donnez, chers collègues ! Rompez donc ce mur, comme nous avons nous-mêmes su le faire en d’autres temps, d’autres lieux. Si certains d’entre vous essayent de le faire, leurs efforts ne sont pas suffisants. Sachez nous entendre, ce sera une belle avancée et un beau signal en direction des familles concernées

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Chacun de nous à affaire à plusieurs bailleurs sociaux dans son département, et est amené à travailler régulièrement avec chacun d’eux. Pour ma part, je connais un bailleur social qui montre un grand intérêt pour la problématique du handicap. Il a le souci de réserver les appartements situés au rez-de-chaussée aux personnes handicapées – qui en font d’ailleurs souvent la demande : il est très fréquent que des familles viennent me trouver pour cela.

Certes, tous les rez-de-chaussée ne sont pas des logements – certains peuvent être occupés par des commerces – et tous ne sont pas accessibles sans aucune difficulté – il peut y avoir deux ou trois marches avant d’y arriver. Mais en tout état de cause, un rez-de-chaussée est toujours plus facilement accessible qu’un appartement situé dans les étages ! Chacun connaît les problèmes liés à la maintenance des ascenseurs dans les immeubles : quand une personne handicapée occupe un appartement situé dans les étages, il peut arriver qu’elle se trouve enfermée chez elle quand l’ascenseur desservant son appartement tombe en panne ! Je le répète, se voir attribuer un rez-de-chaussée de manière préférentielle est toujours préférable pour une personne handicapée. Certains bailleurs ne faisant pas spontanément cet effort humaniste et, somme toute, logique, consistant à réserver leurs appartements en rez-de-chaussée aux personnes handicapées en faisant la demande, il ne me paraît pas inutile que la loi pose une règle en la matière.

M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli.

M. Laurent Marcangeli. Vous avez dit tout à l’heure, madame la ministre, que certaines personnes pouvaient trouver qu’une telle mesure revêt un caractère discriminant. Il ne s’agit pas, pourtant, d’imposer aux personnes handicapées d’occuper un appartement au rez-de-chaussée, mais seulement de faire en sorte qu’elles soient prioritaires si elles le souhaitent : tel est le sens de l’amendement proposé par M. Darmanin.

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Bien sûr !

M. Laurent Marcangeli. Il n’y a aucune discrimination, puisque le libre choix du locataire est maintenu : il est prioritaire, mais pas obligé de prendre un appartement au rez-de-chaussée. Offrir cette commodité aux personnes en situation de handicap est une proposition de bon sens, mais un bon sens auquel vous ne semblez malheureusement pas sensibles.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n17.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants35
Nombre de suffrages exprimés34
Majorité absolue18
Pour l’adoption13
contre21

(L’amendement n17 n’est pas adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, inscrit sur l’article 3.

M. Damien Abad. Je suis désolé de devoir insister, madame la ministre, mais je souhaite vraiment que la représentation nationale soit éclairée sur la feuille de route du Comité interministériel. On a bien compris qu’en ce qui concerne cette proposition de loi votre stratégie se résumait à proposer des amendements de suppression. La politique du handicap de la gauche se résumerait-elle à une série d’amendements de suppression ?

Puisque vous me parliez tout à l’heure des associations, l’UNAPEI regrette, à propos du Comité interministériel, que cette réunion « n’ait pas été l’occasion d’annoncer des décisions retranscrites notamment dans le cadre des lois de finances de l’État et de la sécurité sociale pour l’année 2014. L’UNAPEI suivra de près la mise en œuvre de cette feuille de route, notamment dans le cadre de l’examen du PLF et du PLFSS 2014 et invite les parlementaires à s’en saisir pour en assurer une traduction concrète ». Aujourd’hui, nous ne faisons pas autre chose que répondre à ces personnes qui attendent des mesures concrètes. Je vous pose donc à nouveau ma question, madame la ministre : quelles traductions concrètes des décisions prises dans le cadre du Comité interministériel pour le handicap le Gouvernement va-t-il faire figurer dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Je demande une suspension de séance, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme Martine Pinville, pour soutenir l’amendement n8, tendant à supprimer de l’article 3.

Mme Martine Pinville. Je ne vais pas refaire tout le débat…

M. Damien Abad. Quel débat ? Il n’y a pas de débat !

Mme Martine Pinville. Mme la ministre nous a déjà indiqué quelle était sa méthode, quelle feuille de route serait suivie, et quelles mesures ont été prises. Nous savons donc où le Gouvernement a l’intention d’aller et comment il veut y aller – ce qui comprend des travaux auxquels nous pourrons être associés. Dès lors, il me paraît difficile de prétendre que la représentation nationale n’est pas associée aux mesures prises, et il ne me paraît pas cohérent de voir une proposition de loi cibler une catégorie de personnes – j’estime d’ailleurs qu’en la matière, une disposition législative doit concerner, plus largement, l’ensemble des personnes touchées par une perte d’autonomie, et non se résumer à une mesure unique et très limitée.

M. Damien Abad. Et bien, faites-le !

M. le président. Sur l’amendement n8, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérald Darmanin, rapporteur. L’article 3 étant relatif à la suppression du gage, il n’est sans doute pas nécessaire de consacrer la soirée à son examen, même s’il s’intègre dans une proposition de loi relative au handicap. Pour ma part, je souhaite plutôt revenir sur une expression entendue il y a quelques instants, selon laquelle le Parlement devait être associé. Pour moi, le Parlement doit surtout faire la loi : le législateur, c’est nous !

M. Damien Abad. Exactement !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Je veux bien que le Parti socialiste soit converti à la Ve République et au parlementarisme rationalisé – aujourd’hui, le Président de la République a dit devant M. Debré qu’il n’avait jamais été favorable à une VIRépublique – mais tout de même, le Parlement, c’est nous ! Le Parlement n’a pas à être associé, madame la ministre, mais à faire, à voter.

M. Damien Abad. Eh oui, il décide ! C’est la coproduction législative !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Que le Gouvernement émette un avis défavorable, cela peut se comprendre – chacun doit être conscient de son rôle et faire valoir ses arguments –, mais il me paraît inconcevable qu’il se retranche derrière un acte réglementaire telle une circulaire, ou se contente d’évoquer un groupe de travail né d’une commission, elle-même issue de travaux préparatoires effectués par des associations : il est temps de décider ! Pour cela, nous proposons des mesures concrètes qui, contrairement à ce qui a été dit, n’excluent personne, puisque la proposition de loi que nous défendons ne contient aucun critère d’application.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Je vais répondre aux questions qui ont été posées,…

M. Damien Abad, rapporteur. Ah ! Enfin !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. …quitte, pour cela, à devoir me répéter.

Êtes-vous d’accord pour considérer, monsieur Abad, que les assistants de vie scolaire constituent un beau projet du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Damien Abad et Mme Bérengère Poletti. Il n’est pas de vous, ce projet !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Cela fait partie des décisions prises dans le cadre du Comité interministériel du handicap. Êtes-vous d’accord pour dire que le troisième plan « autisme » a constitué une avancée, pour dire que la création de 350 places de répit pour les parents qui n’en peuvent plus – il n’existe actuellement que 40 de ces places – est une bonne chose ? Êtes-vous d’accord pour que la prévention précoce soit mise en place dès la petite enfance ? Tout cela fait partie des mesures prises dans le cadre du Comité interministériel.

Êtes-vous d’accord, oui ou non, pour qu’on rembourse les frais de transport des enfants fréquentant les CAMSP et les CMPP, quelle que soit la distance ? Êtes-vous d’accord pour que les parents qui viennent d’apprendre le handicap de leur enfant aient droit à une formation qui ne soit pas prise sur leur temps de travail et leur salaire, mais sur leur temps de formation, que ce soit dans le secteur privé ou dans la fonction publique ?

Chaque année, pendant peut-être trois, quatre ou cinq ans, ils pourront ainsi accompagner leur enfant. En êtes-vous d’accord ? Sachez alors que le Comité interministériel du handicap le prend en compte !

Nous avons besoin de parler avec les partenaires sociaux, car nous respectons les corps intermédiaires.

M. Damien Abad. Mais pas le Parlement !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Êtes d’accord pour que partout on forme tous ceux qui accompagneront des enfants en situation de handicap, que ce soit les équipes enseignantes, les travailleurs sociaux, la médecine de ville par une approche différente ? C’est également pris en compte par le Comité interministériel du handicap ! Dois-je continuer ?

M. Damien Abad. Oui, encore !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Il y a beaucoup d’autres choses, monsieur, comme vous le savez puisque vous avez le rapport. Il y a également des chantiers où des parlementaires sont présents puisqu’il y a des missions parlementaires ; ils vous rendront compte et vous aurez, à terme, à trancher.

Êtes d’accord pour reconnaître qu’il y a beaucoup de chantiers dans ce Comité interministériel du handicap, réuni pour la première fois depuis 2008 ? Rien en effet n’avait été fait dans l’intervalle. Les associations sont présentes dans le comité de suivi et elles ont raison de nous surveiller parce qu’elles ont été échaudées par le passé.

M. Damien Abad. Soyez sérieuse !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. On leur donne de grandes perspectives mais quand on se retourne, on n’est pas au rendez-vous pour 2015. Est-ce que vous êtes d’accord pour dire que lors de la conférence nationale du handicap qui se tiendra dans un an, on pourra se retourner et voir tout ce qui aura avancé ?

Je pourrais continuer très longtemps, mais je ne peux pas refaire tout le travail du Comité interministériel du handicap.

Ne soyez pas de mauvaise foi, monsieur le député : vous connaissez très bien toutes les actions qui ont déjà été décidées et tous les chantiers qui sont en cours. Ne dites pas que vous n’êtes pas au courant, vous êtes suffisamment averti pour savoir tout le travail qui a été fait.

M. Damien Abad. Lequel ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Celui dont nous débattons, par exemple.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Madame la ministre, je veux bien que tout cela émane du Comité interministériel du handicap mais, si ma mémoire ne flanche pas, il me semble que ce comité s’est réuni le 25 septembre et que toutes les actions que vous citez ont été annoncées avant cette date. Ma question portait précisément sur ce que vous avez fait le 25 septembre. C’est la première fois que vous réunissiez ce comité, et tout ce dont vous avez parlé – les AVS ou le plan autiste qui sont de très bonnes choses –…

Mme Bérengère Poletti. C’est nous !

M. Damien Abad. …date d’avant la réunion du 25 septembre. Qu’avez-vous fait ce jour-là et quels sont les chantiers à venir ? Voilà la question. S’agissant de ce Comité interministériel du handicap, si vous avez l’amabilité de nous écouter puisqu’il faut que la représentation nationale soit éclairée sur ce sujet, je vous repose la question : qu’y a-t-il dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 ? Répondez à la question : quelles sont les dispositions en faveur du handicap qui sont prévues dans ces deux projets de loi centraux et qui engagent financièrement ?

Vous nous demandez si nous sommes d’accord. Je suis prêt pour ma part à jouer le jeu. Je suis même prêt à soutenir  le dispositif des AVS. Mais vous, êtes-vous d’accord quand on vous dit que la revalorisation de l’allocation pour adulte handicapé n’est pas suffisante par rapport à ce qui avait été fait par le gouvernement précédent ?

Êtes-vous d’accord quand on vous dit qu’il ne suffit pas d’avoir des groupes de travail dans le Comité interministériel du handicap, qu’il faut aller au-delà de la concertation et passer aux propositions pratiques. Êtes-vous d’accord pour mettre des dispositions concrètes dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale en faveur des personnes handicapées ? Êtes-vous d’accord pour dire que l’objectif d’accessibilité ne sera pas atteint en 2015 si nous ne prenons pas dès aujourd’hui des mesures concrètes, fortes ?

J’ai bien compris une chose : votre méthode consiste à gagner du temps, à jouer la montre ; votre feuille de route est de ne pas faire grand-chose. Nous attendons des actes, des propositions concrètes et surtout une réponse sur les dispositions que vous entendez prendre pour l’avenir dans les projets de loi de finances et de financement pour la Sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. David Douillet.

M. David Douillet. Dans nos contrées yvelinoises, on constate que quand on n’a pas beaucoup de confiture, on a tendance à l’étaler. Les associations qui travaillent dans le domaine du handicap sont témoins que pas grand-chose avance, qu’il n’y a que des paroles et encore des paroles. Je regrette que ma collègue Pinville soit partie…

Mme Martine Pinville. Mais non, je suis là !

M. Damien Abad. Elle a changé de place pour se rapprocher de nous !

M. David Douillet. Toutes mes excuses ! Vous vous rapprochez ? C’est très bon signe. Il reste encore quelques sièges, j’arrive, je vais me rapprocher aussi. (Sourires.)



Je pense que vous êtes sincère quand vous dites que cela ne concerne qu’une catégorie de personnes, mais je ne suis pas d’accord avec vous. En vous écoutant, je me mettais à la place d’un foyer vraiment défavorisé, disposant de peu de moyens, de faibles revenus. Je suis intimement convaincu que ces gens dont vous parlez, qui ne pourraient pas emprunter même à taux zéro, se battraient comme des lions pour pouvoir le faire, grâce à un entourage, des associations. Si cette perche dont nous discutons depuis le milieu de l’après-midi leur est tendue, je suis convaincu que cela leur donnerait encore plus de courage pour se battre, aménager leur environnement et l’adapter au handicap qui frappe leur famille.

C’est une étape. Nous ne réglons pas tout dans cette proposition de loi, je vous l’accorde. Nous avons l’humilité de le reconnaître mais, au moins, nous avançons : ces mesures vont aider beaucoup de gens alors que les temps sont durs, vous le savez aussi bien que moi. Je vous en supplie : écoutez et avançons ensemble. Sur ces sujets concrets, le temps des « diseux » est terminé, celui des « faiseux » est arrivé.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Madame la ministre, au moins nous savons sur quoi vous êtes d’accord ou pas. Vous n’êtes pas pour l’aménagement des logements de personnes handicapées grâce à des prêts à taux zéro. Cela fait deux fois que vous le dites face à deux propositions de loi et le Gouvernement a refusé le dispositif par la voix de Cécile Duflot. Vous n’êtes pas non plus d’accord pour que les rez-de-chaussée d’immeubles soient réservés prioritairement aux personnes handicapées.

Dans le projet de loi de finances, on voit aussi que vous n’êtes pas d’accord pour revaloriser, au moins à la hauteur de l’inflation, l’AAH que Nicolas Sarkozy avait augmentée de 25 %. Avec mes collègues Damien Abad, David Douillet, Bérangère Poletti et Laurent Marcangeli, je présenterai des amendements pour traduire vos propos dans les faits.

Vous savez, madame, nous redéposerons cette proposition de loi, sous toutes les formes. J’espère qu’en définitive vous remercierez Damien Abad, David Douillet et moi-même de vous avoir permis de dire, devant la représentation nationale, ce que vous faites et ce que vous avez conclu dans votre Comité interministériel du handicap.

L’étape suivante serait peut-être que le groupe socialiste – M. Le Roux nous a rejoints – vous permette de répondre en son nom à l’interrogation de la représentation nationale : pourquoi n’y a-t-il pas de loi sur le handicap depuis un an et demi ?

Il ne s’est rien passé depuis 2005, dites-vous. Tout à fait normalement, vous revendiquez la loi de 2005, mais une majorité de socialistes ne l’a pas approuvée. Dernier exemple montrant que votre ministère a perdu lors des arbitrages : l’amendement n274 sur refondation de l’école et concernant les enfants autistes. Vous avez dû le voir passer en réunion interministérielle. Est-ce que votre ministère ne l’a pas vu ? Est-ce vous qui n’avez pas suivi les arbitrages ? Est-ce le groupe socialiste – puisque c’est lui qui l’a déposé – qui a décidé une régression sans pareil pour les enfants autistes, même s’il y a eu des modifications ?

M. Damien Abad. Quel couac !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Êtes-vous ou non d’accord pour dire que l’UMP vous aide aujourd’hui à faire progresser votre ministère en prenant la parole, par deux fois. Madame, c’est toujours un plaisir de vous voir. Je pense que l’on vous reverra encore souvent grâce aux niches parlementaires de l’UMP.

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Madame la ministre, je ne comprends pas pourquoi vous vous êtes énervée comme ça en intervenant sur un ton passionné en tout cas. Vous dites que vous allez vous répéter mais à aucun moment vous n’aviez tenu les propos que vous avez tenus tout à l’heure. Vous n’aviez pas encore parlé du détail de ce qui s’était dit en comité interministériel.

Dans l’inventaire que vous nous en avez fait, j’ai retrouvé énormément de choses qui viennent de l’ancienne majorité. Mais dans cet inventaire, il n’y a rien sur l’adaptation des logements pour les personnes handicapées. À aucun moment, vous nous avez demandé si nous étions d’accord avec une mesure qui aurait été discutée le 25 septembre concernant le sujet dont nous débattons aujourd’hui. Nous restons donc sur notre faim puisque, visiblement, le Gouvernement ne propose rien pour permettre aux personnes, quelles qu’elles soient d’ailleurs, de pouvoir mieux investir pour adapter leur logement au handicap.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n8.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants32
Nombre de suffrages exprimés32
Majorité absolue17
Pour l’adoption18
contre14

(L’amendement n8 est adopté et l’article 3 est supprimé.)

Après l’article 3

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n3.

M. Damien Abad. Cet amendement vise à rendre obligatoire la saisine du Conseil national consultatif des personnes handicapées, préalablement à toute réforme susceptible d’avoir des implications pour les personnes handicapées. C’est un débat que nous avons eu lors du dépôt de ma proposition de loi. Vous dites vouloir faire de la concertation, impliquer les associations de personnes handicapées, consulter largement. Si telle est votre méthode, vous devez approuver l’idée de rendre obligatoire la saisine du Conseil national sur les sujets qui intéressent le handicap. Voilà une proposition de bon sens qui, je n’en doute pas, ne pourra que recevoir un avis favorable de la part du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérald Darmanin, rapporteur. La commission, réunie en application de l’article 88, a donné un avis défavorable à l’amendement de M. Abad. Nous n’avons pas eu l’occasion de discuter sur le fond. Nous étions convenu avec nos collègues, notamment M. Paul et la présidente de la commission, d’aller assez vite, comme il est de coutume dans ce cas.

Cependant, à titre personnel, je ne peux que le soutenir, d’autant plus que dans le compte rendu de la séance de la proposition de loi que vous avez présentée, monsieur Abad, et ô combien brillamment, M. Paul et Mme la ministre estimaient que le Conseil national et les associations auraient dû être consultés à propos de mes amendements. Un oubli est donc réparé. Toute personne sensée ne peut qu’approuver votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Cet amendement ne changerait rien au champ de compétence du CNCPH – et je parle devant sa présidente, Mme Carrillon-Couvreur –, mais risquerait de porter atteinte à sa liberté d’action. Mon avis est donc défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je vais répéter ce que j’avais répondu en avril, lors de la discussion d’un amendement de Damien Abad. Comme vous le savez, le CNCPH regroupe l’ensemble des associations qui représentent les personnes en situation de handicap et il s’autosaisit, plus que jamais depuis que la circulaire de la circulaire du 4 septembre 2012 du Premier ministre Jean-Marc Ayrault rappelle qu’il y a un volet « handicap » dans chaque loi. Il s’autosaisit sur chaque texte pour pouvoir travailler, en amont si possible et en tout cas au cours des débats, et suivre les avancées dans les textes de loi.

Rendre le volet « handicap » obligatoire alourdirait énormément le travail du CNCPH qui, après discussion, ne le souhaite pas. Ce qui est important c’est de maintenir une vigilance absolue sur cette question. D’ailleurs, depuis mon arrivée à la présidence du CNCPH, le 8 octobre dernier, nous avons suivi très attentivement l’ensemble des textes de loi et nous avons reçu tous les cabinets ministériels, voire les ministres. Ils sont venus apporter des éléments de connaissance sur le volet « handicap ».

Nous assistons, dans le cadre de ce travail, à un changement de culture, grâce à la circulaire du 4 septembre 2012 qui a vraiment permis d’avancer sur ce sujet. Actuellement, le CNCPH suit l’ensemble des textes. Nous avons fait un travail assez important et les membres pourraient vous le confirmer. Pour ces raisons, il ne faut pas rendre la consultation obligatoire et laisser au CNCPH la possibilité de suivre les textes lui-même et de garder cette liberté de travailler sur ceux qui lui paraissent essentiels sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Excusez-moi, madame la ministre, mais honnêtement, je préfère les explications de Mme Carillon-Couvreur, qui sont claires. C’est la vérité ! Vous nous avez dit que rendre obligatoire la saisine du conseil national consultatif des personnes handicapées nous conduirait à commettre une sorte d’incompétence négative. Vous avez dit qu’en tout cas, cela lui enlèverait des pouvoirs. C’est complètement faux, et ce n’est pas du tout le sujet.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Je n’ai pas dit cela !

M. Damien Abad. Si, vous avez dit quelque chose de similaire : nous pourrons vérifier dans le compte rendu des débats.

Laissez-moi vous dire, simplement, que l’on peut discuter de la complexité de cette proposition, et de l’alourdissement du processus de décision qu’elle causerait. Ce que vous avez dit, en revanche, est complètement faux ! Je comprends un certain nombre d’arguments qui s’opposent à cet amendement ; je pense aussi qu’il renforcerait le CNCPH.

(L’amendement n3 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n19.

M. Damien Abad. Cet amendement prévoit de mettre en place un dispositif expérimental de revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés. L’amendement n°6 porte sur le même sujet.

Ma question est simple : oui ou non, madame la ministre, sera-t-il question d’une revalorisation de l’AAH au Comité interministériel du handicap ? Les Français, les personnes handicapées attendent de savoir. Nous comptons sur une réponse concrète de votre part sur ce sujet.

Le but de cet amendement est d’obtenir une telle réponse. Vous avez parlé tout à l’heure de la paupérisation des classes moyennes. Vous avez dit vous-même que vous connaissez les couches moyennes, les couches populaires : vous savez donc que l’allocation aux adultes handicapés est un élément financier important pour ces personnes, ces familles qui sont en difficulté.

Ma question est donc simple : est-ce prévu dans le cadre du comité interministériel du handicap ?

M. le président. Sur l’amendement n19, je suis saisi par le groupe Union pour un Mouvement Populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission ?  

M. Gérald Darmanin, rapporteur. La commission, réunie en application de l’article 88 du règlement de l’Assemblée nationale, a traité cet amendement de la même manière que le précédent. Même punition : il a été décidé de ne pas débattre sur le fond, mais sur la forme.

Votre amendement a donc été rejeté par la commission, monsieur Abad. À titre personnel cependant, je ne peux qu’y être favorable. D’abord, parce qu’il s’inscrit dans le droit fil de l’action de Nicolas Sarkozy pendant cinq ans, lorsqu’il était Président de la République. L’AAH a ainsi été revalorisé de 25%.

L’honnêteté intellectuelle devrait tous nous conduire à reconnaître, quelle que soit la formation politique à laquelle nous appartenons, que nous n’en faisons jamais assez pour les personnes handicapées. Nous n’en faisons pas assez en matière de revalorisation des aides, alors qu’elles peuvent les tirer d’un dénuement qui confine parfois à la misère. Nous faisons tous ce constat dans nos permanences, et lors de nos réunions électorales.

Je crois qu’il est important, monsieur Abad, que votre amendement soit adopté. Cela permettrait au moins de lancer le débat que vous appelez de vos vœux, sur la revalorisation au niveau de l’inflation. Il serait quand même étonnant, au moment où les députés de la majorité comme de l’opposition s’accordent sur l’objectif de permettre aux classes populaires de sortir de la misère, de la pauvreté, que nous soyons indignes au point de faire des économies sur ce minimum social. Ce serait céder à la vision comptable de tous les spécialistes des finances publiques, qu’ils soient de droite ou de gauche.

Je crois que le législateur s’honorerait en votant aujourd’hui une telle disposition. Elle répond à un constat de terrain, en même temps qu’à un cri du cœur en faveur de la dignité humaine. Laissons aux comptables, qu’ils viennent de la Cour des comptes ou d’ailleurs, le soin de faire des économies sur autre chose que l’allocation adulte handicapé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Je rappelle que l’AAH est revalorisée en fonction de l’inflation. Je rappelle également que cette question n’est plus traitée dans le cadre du comité interministériel du handicap. Nous l’avons en effet sortie du champ du CIH, car nous y travaillons dans le cadre des chantiers de modernisation de l’action publique, de la même manière que nous travaillons avec les collectivités territoriales pour accompagner la prestation de compensation du handicap, que nous devons aussi renforcer.

Nous travaillons donc à réformer le pilotage de l’allocation adulte handicapé, afin de réduire les disparités entre territoires. Il s’agit aussi de penser l’AAH dans l’ensemble du parcours de vie. Ce travail est donc en cours.

Je rappelle également qu’au sein du Comité interministériel du handicap, existe un groupe de travail présidé par François Chérèque, dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté et la précarité. Ce groupe travaillera sur la situation des personnes handicapées touchées par la précarité. Là aussi, il y aura des dispositions à prendre.

Je suis assez étonnée de vous entendre parler, depuis le début de la séance, de l’AAH. Nous savons pourtant tous très bien que le contre-budget proposé par l’UMP met à bas tous les budgets sociaux !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. C’est tout à fait faux !

M. Arnaud Leroy. Mais si ! Vous prévoyez 130 milliards d’euros de coupes !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. L’AAH serait extrêmement concernée, si votre budget était appliqué !

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Madame la ministre, je vois que vous êtes attentive à nos propositions et contre-propositions. Je peux vous assurer d’une chose : mon collègue Gérald Darmanin et moi-même avons pesé de tout notre poids pour qu’il n’y ait aucune diminution de l’allocation adulte handicapé dans ce contre-budget.

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Très juste !

M. Damien Abad. C’est une question de cohérence, de constance dans les idées. C’est pourquoi nous maintenons un certain nombre de valeurs.

Laissez-moi vous dire encore une chose. Nous savons désormais que les questions relatives à l’AAH, à la compensation, aux ressources, ne relèvent pas du comité interministériel du handicap. Vous l’avez dit très clairement, pour une fois : c’est tout à votre honneur. À partir de là, je me permets de douter de l’efficacité de ce comité interministériel !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n19.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants37
Nombre de suffrages exprimés37
Majorité absolue19
Pour l’adoption17
contre20

(L’amendement n19 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n20.

M. Damien Abad. Nous abordons un autre sujet, madame la ministre. Il s’agit des cartes de stationnement pour les personnes handicapées, grands invalides civils ou grands invalides de guerre. On sait très bien que des places sont réservées à ces personnes handicapées. On sait très bien également que ces places sont souvent occupées, parfois à juste titre, parfois à mauvais escient – on ne peut que le regretter. Je voudrais surtout appeler votre attention sur les disparités qui concernent, dans les villes, les parkings payants, hors places pour personnes handicapées.

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Très juste !

M. Damien Abad. Je ne vois pas au nom de quoi cet amendement serait repoussé. S’il y a des raisons de ne pas le voter, discutons-en ensemble. Son objet est d’harmoniser et d’homogénéiser cette pratique. Concrètement, pourquoi une personne handicapée pourrait-elle stationner gratuitement dans un parking payant à Lyon, et pas à Marseille, ou inversement ?

La question posée par cet amendement est donc la suivante : cette homogénéisation des pratiques permettrait-elle aux personnes handicapées de mieux connaître la réglementation, et de mieux savoir si elles doivent payer quand elles se garent dans un parking payant ? À l’heure actuelle, un flou juridique entoure cette question, car cela relève avant tout de la compétence des communes. Il y a donc des disparités sur le territoire national.

Eh bien, au nom de l’égalité territoriale – à laquelle je suis sûr que vous êtes attachée comme je le suis – comme au nom de l’unité de la République, nous devrions essayer d’homogénéiser ces stationnements. Nous devrions harmoniser le régime de ces cartes de stationnement pour les personnes handicapées afin, précisément, de mieux encadrer les modalités de leur stationnement sur des places payantes, hors emplacement spécifique.

Cela permettra deux choses : premièrement, d’homogénéiser les pratiques, et deuxièmement, de mieux gérer l’afflux de véhicules sur les places réservées aux personnes handicapées. Parfois, malheureusement, ces emplacements sont bondés, et on ne peut pas les utiliser. J’attends donc votre avis sur cette question.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Je remercie M. Abad de sa proposition. Le hasard, cher collègue, fait très bien les choses : sur les bancs du Gouvernement sont présents Mme Carlotti, ainsi que M. le ministre des transports. Le hasard, c’est Dieu qui se promène incognito, comme disait Einstein.

M. Damien Abad. Excellent !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Je suis sûr que M. le ministre des transports et Mme la ministre aux personnes handicapées pourront résoudre ensemble le problème que vous soulevez. Il s’agit effectivement d’une vraie question d’unicité du territoire national.

Que l’on soit à Marseille ou à Boulogne-sur-Mer, monsieur le ministre, les personnes handicapées détentrice d’une carte devraient pouvoir se garer de la même manière.

Réunie en application de l’article 88 du règlement de l’Assemblée nationale, la commission a donné un avis défavorable à votre amendement. À titre personnel, je suis au contraire tout à fait favorable à votre proposition.

Je me permets de vous interpeller, madame la ministre, sur la question plus large de ces cartes de stationnement pour personnes handicapées. Nous rencontrons dans nos permanences des personnes détentrices de ces cartes qui se plaignent de ce que les collectivités territoriales ne réalisent pas assez vite des places réservées aux personnes handicapées. Beaucoup d’autres personnes se plaignent également d’une certaine fraude. La presse s’en fait souvent l’écho. Ces actes de fraude nuisent aussi aux personnes handicapées : les premières personnes touchées sont celles qui sont véritablement titulaires de la carte.

J’espère donc que cette réunion intergouvernementale sur le banc du Gouvernement – si vous permettez ce clin d’œil – nous permettra d’obtenir un avis favorable. Mais peut-être m’avancé-je un peu trop en disant cela… (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui est trop général. Ce sujet mérite effectivement que nous y travaillions de plus près.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. J’entends bien que cet amendement est trop général, et que vous préférez y travailler de plus près. Cependant, madame la ministre, sans vous déranger, pourriez-vous simplement nous dire sur quoi vous comptez travailler, et comment ? Pouvez-vous nous donner quelques éléments d’éclaircissement supplémentaires ? Franchement, vous ne pouvez pas vous contenter de nous dire que cet amendement est trop général, avant de passer au vote ! D’abord, êtes-vous d’accord ou pas avec notre idée ? Trouvez-vous que c’est une bonne idée ? Comment, ensuite, traduire cette idée de manière concrète, et peut-être plus efficace que par l’adoption de cet amendement ?

M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n°20…

M. Damien Abad. Ah non, madame la ministre, il faut répondre ! Je vous ai posé une question !

M. le président. Monsieur Abad, je ne peux pas contraindre un membre du Gouvernement à vous répondre ! Le Gouvernement parle quand il veut ; il n’y est jamais obligé.

La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le président, il apparaît que cet amendement convient, sur le fond, à Mme la ministre. Il semble que nous devrions réfléchir pour, peut-être, l’enrichir. Une suspension de séance, que je sollicite, serait donc utile.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Madame la ministre, loin de nous l’idée de vouloir rallonger inutilement les débats…

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. C’est un plaisir !

Mme Bérengère Poletti. …mais depuis un petit peu plus d’un an, nous avons eu tellement peu l’occasion de discuter avec vous de ces sujets du handicap – fort heureusement, un certain nombre d’initiatives parlementaires du groupe UMP nous en donnent l’occasion – que lorsque l’on vous pose une question précise sur un sujet qui semble vous intéresser et vous émouvoir, nous ne comprenons pas que nous ne puissions pas obtenir de réponses.

J’espère qu’à la suite de cette suspension de séance, vous allez pouvoir répondre à la question de mon collègue Damien Abad. Merci.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Je réponds…

M. Damien Abad. C’est gentil !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. …mais je ne peux pas me répéter de question en question, indéfiniment. Comme vous posez toujours les mêmes questions, vous permettrez que je vous réponde que je l’ai déjà dit.

M. Damien Abad. C’est une question nouvelle !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Concernant l’amendement n20, je vais expliquer précisément pourquoi le Gouvernement a émis un avis défavorable. D’abord, il y a différents parkings : certains sont adaptés pour faciliter le paiement aux personnes en situation de handicap. Quand je disais qu’on pouvait y réfléchir davantage, je faisais référence à la proposition de loi du Sénat, qui me paraît assez équilibrée, puisqu’elle demande la gratuité pour les personnes en situation de handicap quand le paiement constitue une gêne. Je préférerais qu’on réfléchisse à cet aspect, plutôt qu’à la proposition que vous faites. L’avis est donc défavorable. Cette fois, j’ai répondu.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je vous remercie de répondre. Cela sert de vous pousser dans vos retranchements !…

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Cela suffit !

M. Damien Abad. …Cela vous permet d’apporter un certain nombre de réponses. Oui, vous dîtes que vous ne voulez pas vous répéter. Mais, le compte rendu des débats le dira : c’est la première fois qu’on parle de cette carte de stationnement ! C’est la première fois que vous répondez sur ce sujet ! C’est la première fois que vous parlez d’une proposition de loi au Sénat ! Je ne vois donc pas en quoi vous vous répétez.

Je pense qu’il s’agit d’un nouveau débat, d’une question importante, qui mérite d’être approfondie. D’ailleurs, si nous nous étions répétés, vous nous auriez peut-être répondu dès la première fois. Vous n’auriez pas attendu une suspension de séance pour apporter des éléments de réponse.

Je pose à nouveau une question simple : vous dîtes que le paiement serait gratuit lorsqu’il y a une gêne. Par rapport à quoi s’entend la gêne ? Par rapport à l’accessibilité ? Je n’ai pas compris cette question de la gêne. Pourriez-vous nous préciser ce point-là s’il vous plaît ?

(L’amendement No 20 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n4.

M. Damien Abad. Je n’ai pas eu de réponse sur ce dernier point, mais nous surveillerons cette proposition de loi au Sénat et je suis sûr que la ministre fera de même, ce qui nous permettra d’avoir des réponses un peu plus précises et concrètes que ce soir à l’Assemblée nationale.

L’amendement n4 est de bon sens non seulement parce qu’il reprend la proposition de loi que les députés UMP ont portée, mais également, je vais vous faire ce cadeau, parce que c’était l’engagement n° 32 du candidat Hollande. Cet engagement préconisait d’intégrer un volet handicap dans chaque loi.

L’objet de l’amendement est d’avoir une approche globale, continue, transversale, et la plus pragmatique possible de la question du handicap. Vous savez comme moi qu’il n’y a pas de cloisonnement entre, d’un côté, les personnes handicapées et, de l’autre, les valides.

L’objectif de cet amendement, qui est presque une proposition de loi à lui tout seul, est de prévoir un volet handicap à chaque fois qu’une loi est débattue à l’Assemblée nationale et que son objet le nécessite.

Je sais ce que vous allez me répondre : il y a déjà une circulaire. Mais nous sommes députés de la nation ! Nous considérons donc que la loi et le règlement ne sont pas la même chose ! S’il y a un article 34 et un article 37 dans la Constitution, c’est justement pour délimiter ce qui relève de la loi et ce qui relève du règlement.

J’aimerais que vous fassiez comme nous : moi, je salue cette circulaire, même si elle ne vient pas de mon camp politique. Je dis que c’est une bonne chose. C’est une première pierre à l’édifice.

Mais elle n’est pas suffisante, car elle n’a pas force de loi. Quand la loi n’impose pas de s’occuper du handicap au préalable, les ministères peuvent passer outre. Vous savez comme moi, Madame Carlotti, que le handicap n’est pas toujours la préoccupation première de tous les ministères, sous les gouvernements de droite comme de gauche.

Nous proposons simplement de changer la logique en intégrant un volet handicap dans chaque loi. Ne nous dites pas que la circulaire est suffisante : nous avions dit à la fin de la discussion sur la proposition de loi que si vous ne pouviez pas le faire au niveau législatif, nous pourrions le faire au niveau constitutionnel. Où en est-on de cette réflexion sur la norme constitutionnelle ? Quand, en France, aura-t-on enfin le réflexe handicap dans chaque loi ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérald Darmanin, rapporteur. La commission, réunie au titre de l’article 88, a donné un avis défavorable.

M. Damien Abad. Dommage !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. À titre personnel, j’y suis tout à fait favorable. Il reprend votre proposition de loi que nous avons eu l’honneur, et même un certain plaisir, à discuter lors du premier texte défendu par Mme Carlotti dans cet hémicycle.

Je crois que vous avez raison de rappeler l’engagement du Président de la République portant sur l’intégration du handicap dans la loi. La circulaire est déjà un premier pas, mais depuis l’arrêt du Conseil d’État Notre-Dame du Kresker en 1954, nous savons que les circulaires ne relèvent pas obligatoirement du domaine réglementaire.

Le législateur pourrait effectivement obliger le Gouvernement, mais aussi la technocratie de nos ministères, à intégrer ce volet handicap – cela vaut sous la droite et sous la gauche, car les fonctionnaires restent même si les ministres partent. C’est aussi une façon pour le ministre de rendre service à son ministère.

Je vais prendre un exemple très concret. J’ai eu la chance de servir un ministre des sports qui est assis sur ces bancs : il a fallu qu’il se batte ardemment pour que le handicap soit pris en considération dans les deux lois qu’il a eu l’honneur de présenter à la représentation nationale.

Nous aurions gagné bien du temps si le législateur avait obligé le ministre à forcer son administration à intégrer la question du handicap dès l’élaboration du texte de loi, et ne s’était pas contenté d’une mesure réglementaire inspirée par des bons sentiments et sujette à interprétation, cosignée par l’ensemble des ministres du Gouvernement concernés par ce sujet.

Je pense d’ailleurs que nous pourrions adopter cet amendement afin de montrer que nous sommes soucieux des engagements pris par le Président de la République. Après tout, il a été élu au suffrage universel, et c’est une manière républicaine de donner satisfaction à ses électeurs.

M. Damien Abad. Très bien ! Excellent !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Cet amendement reprend une proposition de loi que nous avons largement débattue dans cet hémicycle…

M. Damien Abad. Largement ? Non !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. …au mois d’avril 2013, je crois. Vous l’avez rejetée.

M. Damien Abad. …Les communistes ont voté pour, mais le groupe socialiste a voté contre !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Je pense que le meilleur moyen de garantir l’engagement du Président de la République est de faire appel à la vigilance des élus que vous êtes, exactement comme l’a fait – et je lui rends hommage – le groupe socialiste en déposant un amendement sur les emplois d’avenir. La vigilance du groupe socialiste a été importante et a fait avancer les choses dans le domaine de l’accès des jeunes en situation de handicap aux emplois d’avenir.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli.

M. Laurent Marcangeli. Il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Vous avez dit que la proposition de loi a été rejetée lors d’un précédent débat…

M. Damien Abad. Elle a été rejetée uniquement par le groupe socialiste ! Les Verts et le groupe communiste ont voté pour !

M. Laurent Marcangeli. …mais nous continuons à nous battre pour que l’engagement 32 du candidat François Hollande, devenu Président, soit respecté par le Parlement et notamment par l’Assemblée nationale, où il dispose d’une belle majorité.

On est entouré du marbre, dans cet hémicycle. Il n’y a rien de mieux que le marbre de la loi. Les circulaires passent, tout comme les ministres, les ministères, et les fonctionnaires. La loi a au moins une vertu : elle est inscrite dans une habitude, une tradition. Je pense qu’il s’agit d’un progrès, et non d’un recul ou une régression. On inscrit dans le marbre de la loi l’obligation de tenir compte du handicap à chaque fois qu’une loi ou une disposition nouvelle est adoptée par le Parlement. C’est une très bonne chose.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je voulais simplement dire que la proposition de loi a été rejetée uniquement par le groupe socialiste. Tous les autres groupes ont voté pour, y compris les communistes et Europe écologie - Les Verts.

L’exemple que vous avez pris, madame la ministre, sur les emplois d’avenir est un très bon exemple, qui démontre que la circulaire ne marche pas. Si la circulaire avait été efficace, il n’y aurait pas eu besoin d’un amendement des députés socialistes à l’Assemblée nationale pour intégrer un volet handicap !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Oui !

M. Damien Abad. Vous voyez bien ce que je veux dire ! Votre exemple est l’illustration même que votre circulaire échoue à créer un réflexe sur le handicap dans chaque loi, et qu’il faut donc l’inscrire dans la loi ! Vous-mêmes utilisez des exemples qui démontrent l’utilité de cette proposition de loi. Vous pouvez ne pas être très contente de ce que je dis, mais c’est la vérité ! Votre exemple sur les amendements portant sur les emplois d’avenir démontre toute l’utilité de ma proposition de loi. Si c’est simplement le logo UMP qui vous gêne, je suis près à ce que Barbara Pompili, la présidente du groupe d’étude « intégration des personnes handicapées » à l’Assemblée nationale, reprenne la loi à son compte. J’espère que cette fois-ci vous ferez preuve de beaucoup plus d’ouverture d’esprit.

M. le président. La parole est à M. David Douillet.

M. David Douillet. Sur des sujets comme cela, être aussi obtus et systématique est hallucinant ! Nous sommes au Parlement : on parlemente, on discute, on doit avancer ensemble. La richesse de notre démocratie, c’est d’avoir des visions et des avis différents. Tant mieux !

Ce sont des sujets qui ne sont pas politiques : il n’y a pas d’idéologie….

M. Damien Abad. Bien sûr !

M. David Douillet. …ou alors, je me suis égaré et n’ai pas tout compris. J’ai l’impression qu’il n’y a pas d’idéologie derrière tout cela. J’espère que non, en tout cas !

M. Damien Abad. Non ! Elle vient du groupe socialiste, l’idéologie !

M. David Douillet. Vous vous plaignez de vous répéter, mais nous aussi devons répéter encore une fois notre question : expliquez-moi pourquoi un amendement de bon sens…

M. Damien Abad. Le bon sens marseillais, madame Carlotti !

M. David Douillet. J’ai eu l’immense honneur d’être ministre, je sais ce qu’est une circulaire ! Elle est prise en compte ou non, y compris par les fonctionnaires. Elle est sujette à interprétation. On avait été obligé d’en supprimer un bon nombre parce que les interprétations étaient bien loin de l’esprit initial.

Il relève du bon sens de se poser la question de l’impact de la loi sur les personnes handicapées, et d’intégrer un volet handicap le cas échéant. Essayez de franchir ce cap, vous aussi, mes chers collègues de la majorité, pour au moins une fois accepter quelque chose qui ne vous posera pas de problème dans votre groupe !

(L’amendement n4 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n6.

M. Damien Abad. Les Français jugeront, madame la ministre, de votre action et de la manière dont vous traitez dans l’hémicycle les amendements et les propositions, qui ne font que reprendre les engagements du Président Hollande.

Cet amendement concerne de nouveau la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés. J’ai proposé, tout à l’heure, que soit votée une loi d’expérimentation. Je vous suggère, ici, quelque chose d’encore plus léger, à savoir que le Gouvernement remette un rapport au Parlement comprenant notamment une étude sur la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés, que vous avez, en effet, revalorisée seulement de 1,75 % au 1er septembre de cette année, alors que le Président Sarkozy l’avait majorée de 25 % pendant son quinquennat.

Ma question est simple, madame la ministre. Qu’en sera-t-il des revalorisations pour l’année prochaine ? Nous avons bien entendu que l’allocation aux adultes handicapés n’entrait pas dans la réflexion menée par le Comité interministériel du handicap. Vous avez dit que plusieurs chantiers étaient en cours. Quelles propositions allez-vous faire ? La revalorisation de l’AAH sera-t-elle, oui ou non, supérieure dans les années à venir au 1,75 % proposé pour cette année ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Il vous reste, cher collègue, encore un amendement à défendre. Nous arrivons donc au terme de ce débat et deux constats, deux vérités, s’imposent à nous. Le Gouvernement est arrivé dans cet hémicycle en souhaitant n’adopter aucun de nos amendements et aucune de nos propositions.

M. Damien Abad. Il ne veut rien faire !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le groupe SRC a déposé des amendements de suppression des articles. Si vous aviez désiré constater, par la voie d’un amendement, que l’hémicycle est rouge, un amendement de suppression aurait été déposé tendant à préciser qu’il n’est pas rouge, mais qu’un groupe de travail serait créé pour savoir s’il est rouge ou non ! C’est une première vérité.

Seconde vérité : je crois, mon cher collègue Abad, et je le dis aux autres membres du groupe UMP, que nous devrons sans doute déposer, dans quelques semaines, une autre proposition de loi sur le handicap pour prouver l’intérêt de la discussion parlementaire.

M. Damien Abad. On le fera à chaque fois !

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Sur le fond, monsieur le député Abad, si votre amendement a été refusé par la commission, réunie en application de l’article 88, j’y suis, à titre personnel, favorable. Le plus simple pour faire adopter vos propositions sur le handicap, mon cher collègue Abad, serait peut-être d’écrire au Premier ministre pour qu’il prenne une circulaire. Ce sera sans doute plus efficace que le travail législatif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Cet amendement étant extrêmement proche de l’amendement n19 dont nous avons précédemment débattu, j’aurai la même réaction et j’y serai donc défavorable.

M. Damien Abad. C’est une demande de rapport !

(L’amendement n6 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement n7.

Mme Bérengère Poletti. J’ai évoqué cet amendement alors que je m’exprimais dans la discussion générale. Il est tout à fait en rapport avec la proposition de loi, laquelle souhaitait – je m’exprime au passé puisque les articles n’ont malheureusement pas été votés – aider les personnes à investir pour rendre leur logement accessible, ce pour quoi je plaide depuis longtemps. Les normes de construction doivent prendre d’emblée en compte les normes d’accessibilité. Les économies ainsi réalisées seraient substantielles et on offrirait aux personnes handicapées, aux personnes âgées et à l’ensemble de nos concitoyens la possibilité d’habiter dans des logements plus confortables. Je pense, notamment, aux douches, aux baignoires, à la largeur des portes, à la hauteur des interrupteurs, agencements qui devraient être pensés en amont.

Si les constructeurs prévoient, dès le départ, des portes d’un mètre ou de 1,20 mètre, leur prix sera peu élevé. En revanche, changer des portes de quatre-vingt-dix centimètres afin d’opter pour des portes plus larges serait beaucoup plus onéreux, ces produits étant moins souvent fabriqués. Je sais que cette réflexion est en cours non seulement en France, mais au niveau européen. Je pense, en conséquence, qu’il serait intéressant que le Gouvernement remette au Parlement une étude sur le travail déjà effectué et sur la manière de parvenir à cette harmonisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérald Darmanin, rapporteur. Madame Poletti, votre amendement a reçu un avis défavorable de la commission, réunie en application de l’article 88. À titre personnel, je suis absolument favorable à votre suggestion qui rejoint le principe même de la proposition de loi qui concerne le logement et le handicap. Les arguments que vous avez soulevés dans la discussion générale et dans votre présentation de l’amendement sont de bon sens. Chacun peut comprendre qu’en prévoyant ces aménagements, et ce à grande échelle, ce sera plus efficace et encore moins cher.

Je pense donc que l’Assemblée devrait suivre l’avis personnel du rapporteur et voter votre amendement. Mme la ministre ne peut, ici, que s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée, tellement cela nous paraît évident. Cette étude qui devrait être remise au Parlement n’engagerait rien de plus.

J’en profite, monsieur le président, puisque je prends une dernière fois la parole, pour remercier les services de l’Assemblée qui ont beaucoup aidé votre rapporteur. Je remercie aussi l’ensemble des orateurs et Mme la ministre d’être venus, cet après-midi, débattre de cette proposition de loi sur le handicap.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Madame Poletti, ce que vous venez de dire me paraît fondamental. C’est le cœur de la réflexion menée par le Comité interministériel du handicap.

M. Damien Abad. Ce n’est pas vrai !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. L’accessibilité dont je vous ai parlé tout à l’heure a été un des enjeux. Nous savons que nous ne pourrons pas respecter partout l’échéance de 2015.

M. Damien Abad. Il y a une brèche !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Aujourd’hui, 60 % des établissements ouverts au public ne sont pas accessibles. Un retard énorme a été pris, et vous le savez. Il n’y a pas eu de volonté politique pour avancer et être au rendez-vous de cette échéance. Nous avons donc proposé de poursuivre notre action et d’accompagner tous ceux qui seront au rendez-vous parce que ce sera le cas de certains. Il ne faut surtout pas annoncer un report de cette date. Elle est toujours notre objectif. Nous avons demandé à Mme Claire-Lise Campion de réunir un groupe de travail qui travaillera très rapidement, puisqu’il devra remettre ses conclusions d’ici à la fin de l’année.

Il associera l’ensemble des associations. Nous verrons ainsi ce qu’il sera advenu des contrats passés avec les collectivités territoriales et les commerces et qui n’ont pas encore abouti. Comme je vous l’ai annoncé à la tribune, Mme Campion, dans le cadre de ce groupe de travail très rapide, aura une seconde mission que vous avez également évoquée. Il s’agit du second chantier relatif à l’ajustement des normes. Cela ne fera pas l’objet d’un rapport gouvernemental, mais d’un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Madame la députée Poletti, nous sommes tout à fait en phase. Ce chantier arrive. Il vous sera présenté pour que vous en débattiez avant de vous prononcer par un vote. Votre vision sera alors plus globale encore. Je suis donc défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Vous venez d’entériner l’échec de l’objectif 2015 d’accessibilité des bâtiments, madame la ministre.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Pas du tout !

M. Damien Abad. C’est ce que vous venez de reconnaître !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. C’est vous qui l’avez enterré, monsieur ! Cela suffit !

M. Damien Abad. Ce n’est pas vrai, madame, et cela ne suffit pas ! Nous sommes là pour débattre ! Si vous le prenez sur ce ton, nous allons demander une suspension de séance !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Je n’ai pas sommeil !

M. Damien Abad. Vous vous énervez, cela signifie que quelque chose ne fonctionne pas quelque part ! Restez calme et sereine, comme le ministre des transports qui est à vos côtés ! Il est essentiel d’être serein ! Madame la ministre, je sais que vous prenez beaucoup sur vous, mais ce débat est important pour la représentation nationale. Vous avez précédemment expliqué que nous n’atteindrions l’objectif de 2015 que partiellement, car il manquait une volonté politique. Mais qui est ministre ? Qui est actuellement membre du Gouvernement ? Qui peut prendre des mesures pour que soit tenu cet objectif de 2015 ? C’est à vous d’avoir la volonté politique ! Nous sommes prêts à vous aider en matière d’accessibilité des bâtiments. Agissez avec nous ! C’est essentiel ! Or, à l’exception de Mme Carrillon-Couvreur, peu de députés du groupe SRC s’intéressent à la question du handicap. C’est bien dommage, car ce sujet est primordial pour nos concitoyens !

(L’amendement n7 n’est pas adopté.)

Titre

M. le président. L’amendement sur le titre n’a plus d’objet, puisque le texte a été vidé de son contenu.

Nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi. L’Assemblée ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, il n’y aura pas lieu de procéder au vote solennel décidé par la conférence des présidents.

(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)

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Dialogue social et continuité du service public dans les transports maritimes

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports maritimes (nos 809, 1383).

Présentation

M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Laurent Marcangeli, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, monsieur Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable, mes chers collègues, je suis heureux de défendre aujourd’hui devant vous, dans cet hémicycle, une proposition de loi dont le sujet est particulièrement cher aux centaines de milliers d’insulaires que compte notre pays et dont je fais partie.

Je remercie mon groupe d’avoir inscrit ce texte à l’ordre du jour et j’en profite également pour associer à ma démarche mes collègues Sauveur Gandolfi-Scheit et Camille de Rocca Serra ainsi que notre collègue sénatrice Catherine Procaccia. Ils ont tous trois contribué, par leurs travaux de qualité, à la genèse du texte qui nous occupe aujourd’hui.

Ce texte, déposé voici quelques mois et cosigné par près d’une soixantaine de mes collègues, est relatif au dialogue social et à la continuité du service public dans les transports maritimes. Son objectif est clair : il s’agit simplement d’aligner le transport maritime sur le droit commun s’appliquant aux autres types de transports. Vous le savez, la continuité du service public est assurée, pour le transport ferroviaire, par la loi du 21 août 2007 et, pour le secteur aérien, par la loi Diard du 19 mars 2012.

Ces deux lois ont été votées par la précédente majorité, en dépit du grand désaccord de l’opposition d’alors. Cette opposition voyait dans ces deux textes les pires intentions parmi lesquelles une atteinte insoutenable au droit de grève, une violation de la liberté contractuelle, une infraction aux droits sociaux et une remise en cause du principe de libre administration des collectivités territoriales. On nous promettait donc l’apocalypse.

Mme Marie-George Buffet. Bonne définition !

M. Laurent Marcangeli, rapporteur. En résumé, elle jugeait la continuité du service public juridiquement contestable et politiquement injuste.

Mes chers collègues, je me réjouis de me trouver en ce moment face non à l’opposition d’alors mais à la majorité d’aujourd’hui, car force est de constater que les arguments qu’elle faisait valoir hier n’ont plus cours à présent.

Sur le plan du droit d’abord. Le Conseil constitutionnel, qu’elle a saisi sur chacune des deux lois de 2007 et de 2012, l’a deux fois déboutée totalement. Les deux décisions des sages, sur le transport terrestre comme sur l’aérien, ont validé les dispositions adoptées par le Parlement, à la virgule près. Réglementer la continuité des services de transport est donc sans aucun doute parfaitement conforme à notre Constitution.

Si quelqu’un a bien donné quitus aux arguments de la majorité d’hier, c’est celle d’aujourd’hui. En effet, notre assemblée a examiné depuis le début de cette législature deux textes concernant le secteur des transports, la loi du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports, et la loi du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable.

Si la réglementation adoptée en 2007 pour le rail et en 2012 pour l’aérien était si injuste, si apocalyptique, que ne l’avez-vous abolie ? Vous aviez deux belles occasions à saisir, mais, manifestement, ni vous, monsieur le ministre, ni vous, mes chers collègues de la majorité, n’en avez éprouvé le besoin ou l’envie. Je ne peux croire que la majorité ait perdu cette belle passion du détricotage, qui était pourtant sa marque de fabrique. J’y vois donc la meilleure démonstration de la qualité des dispositions en vigueur, qui facilitent la vie des usagers, sans pour autant porter atteinte au droit de grève.

Convenez-en avec moi, ces dispositions sont désormais communément admises, sur ces bancs comme dans le pays tout entier, et personne ne penserait à les remettre en cause. Nous pouvons tous nous en féliciter, car notre pays en sort plutôt renforcé.

Il est désormais temps de rendre le dispositif parfaitement complet, en étendant au transport maritime ce qui existe déjà pour le ferroviaire et l’aérien. Ainsi, l’accord de prévention des conflits, l’information des usagers, les dessertes prioritaires en cas de mouvement social deviendraient applicables aux liaisons par bateau.

Mes chers collègues, ce que vous avez admis pour le rail et pour les airs, soit par votre vote en 2007 et 2012, soit par l’acceptation de cet acquis, vous ne pouvez le refuser au transport maritime, transport pour lequel l’action publique est plus légitime encore.

En droit d’abord. Les parlementaires de gauche s’étaient opposés au texte sur le transport aérien au motif qu’il s’agissait d’un service presque exclusivement privé, donc guère concerné par les obligations de service public justifiant un encadrement particulier du droit de grève. En tant que juriste, j’en conviens, l’argument pouvait s’entendre, mais ce n’est pas le cas ici. Ma proposition de loi ne concerne ni les croisiéristes ni les circuits internationaux. Le dispositif est clairement limité aux îles du territoire national et européen, dont la desserte justifie des obligations de service public. La collectivité compétente peut fixer des obligations de service public concernant les ports à desservir, la régularité, la continuité, la fréquence, la capacité à offrir le service et la tarification pour les services réguliers à destination des îles ou entre îles. Cette prérogative particulière se double de financements spécifiques, engageant la solidarité de la nation, au titre du principe de continuité territoriale. Nous y sommes, je pense, tous attachés ou, du moins, je l’espère.

J’aimerais maintenant, chers collègues, vous sensibiliser à l’argument de fait.

Le territoire métropolitain s’est doté de règles, dont chacun se trouve satisfait, pour assurer que le train, l’avion se présentent – presque – à l’heure dite pour desservir des sites prioritaires. C’est fort pratique mais, en l’absence de ces règles, il restait toujours des modes de déplacement alternatifs : l’automobile, le vélo, l’avion en cas de grève ferroviaire, le train en cas de grève aérienne.

Mettez-vous à la place d’un habitant d’un territoire insulaire. Si la liaison maritime est coupée, que peut-il faire ? Aucune voie ferrée, aucune route ne peut le mener sur le continent. S’il habite sur une île suffisamment grande pour accueillir un aéroport, il pourra se déplacer, moyennant un coût financier supérieur et, puisque ce Gouvernement parle beaucoup de transition écologique, un coût carbone faramineux. Mais, s’il réside sur une île plus petite, quelles solutions a-t-il ? La brasse ? Le dos crawlé ? Le pédalo ? On ouvre la mer ou on marche sur l’eau ?

Plus sérieusement, vous le voyez bien, ces blocages portent clairement atteinte aux libertés des usagers et engendrent parfois des situations personnelles difficiles. Je le dis fermement, il n’est plus possible que des populations entières soient prises en otage alors que l’économie des îles comme la Corse dépend fortement de leurs transports. C’est pourtant précisément à cette situation d’insularité que notre réglementation s’abstient de répondre aujourd’hui. Il est urgent de combler cette lacune pour donner à ces citoyens les mêmes droits que les autres, pas plus, pas moins.

Croyez-le bien, je ne me situe pas dans une démarche punitive, cette proposition n’est dirigée contre personne. Il ne s’agit pas non plus d’un texte de circonstance, même si, bien sûr, l’actualité ne manque pas d’alimenter mes convictions à ce sujet, comme en juin dernier, lorsque l’on menace le bon déroulement du Tour de France, pour la première fois au départ en Corse, par un préavis de grève déposé peu avant le coup d’envoi de la première épreuve.

J’en reviens plus précisément au texte que je propose. La loi n’intervient qu’en dernier ressort, en cas d’échec de la négociation, afin de laisser un maximum d’espace à la démocratie sociale. Rien ne serait pire, aucun signal ne serait plus déplorable en direction des territoires insulaires qu’un rejet franc et massif exprimé par une Assemblée, dont la majorité des membres, j’en suis bien conscient, n’ont aucun problème d’ordre maritime dans leur circonscription.

Mes chers collègues, nous sommes députés de la nation. Aujourd’hui, nous devons mettre un terme à une situation juridique qui affaiblit l’économie et la qualité de vie des territoires insulaires, en adoptant un dispositif qui n’est rien d’autre que le droit commun. Je vous demande donc de bien vouloir apporter votre soutien à ma proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs, le groupe UMP propose aujourd’hui à la discussion de l’Assemblée une proposition de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports maritimes.

La raison invoquée pour faire voter ce texte est l’importance de la conflictualité dans les dessertes maritimes faisant l’objet d’une délégation de service public. Or, en réalité, lorsqu’on regarde les chiffres, la conflictualité est inexistante ou très faible. En effet, on ne relève aucune grève dans huit des neuf principales dessertes maritimes faisant l’objet d’une délégation de service public. La continuité du service public est-elle donc vraiment un problème dans le secteur des transports maritimes ?

Est-ce alors la desserte de la Corse au départ de Marseille que vise le texte ? Dans ce cas, il faut le dire et l’assumer. Au cours de ces dernières années, la CMN, l’une des deux compagnies assurant une délégation de service public, n’a enregistré qu’un seul conflit, lié au mouvement national contre la réforme des retraites. En ce qui concerne peut-être alors plus précisément la SNCM,…

Mme Marie-George Buffet. Voilà !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. …l’année 2011 a connu de très fortes perturbations, du fait du contexte propre à l’entreprise. Je rappelle cependant la responsabilité du précédent Gouvernement dans le fait que le dialogue social n’a pas été assumé. Pourtant, les difficultés ne manquent pas, si c’est bien la SNCM dont vous souhaitez parler.

Dans ces conditions, invoquer la forte conflictualité pour justifier le dépôt de cette proposition de loi semble donc totalement infondé : la continuité des services publics de transports maritimes de personnes n’est à aucun moment remise en cause.

L’objectif affiché de cette proposition de loi est de favoriser le dialogue social. Puisqu’il n’y a pas de conflit, c’est qu’il y a un dialogue, et je n’ai eu de cesse de m’entretenir avec l’ensemble des représentants syndicaux et des acteurs du maritime, quelle que soit la compagnie. La question du maritime est très sensible, et mon prédécesseur s’est rendu compte de cette réalité : abandon de SeaFrance, pavillon français, difficultés de Brittany Ferries, difficultés de la SNCM. C’est dire à quel point il est nécessaire d’assurer un dialogue constant, et que l’État assume son rôle.

En ce qui concerne plus particulièrement la Corse, point n’est besoin d’avoir un texte de loi. L’autorité organisatrice a elle-même aménagé des dispositions permettant de favoriser le dialogue social et prévu des dispositions précises au sujet de la continuité des services. Je pense notamment à des modalités de négociation entre syndicats et acteurs du maritime, notamment pour définir quels sont les usagers prioritaires en cas de conflit ou évoquer le service social et solidaire, l’information du public.

De même, les opérateurs titulaires d’une délégation se sont dotés d’accords de prévention des conflits, en concertation avec les syndicats, car c’est par la prévention que l’on peut éviter toute difficulté liée à la continuité des services publics. Lorsque conflit il y a, c’est bien dû à un échec du dialogue, à une absence de discussion et peut-être même de respect du dialogue social. À la CMN, cet accord a été signé par l’ensemble des syndicats dès 2006 et, à la SNCM, non pas sous le précédent Gouvernement, car c’eût été difficile, mais en novembre dernier, alors même que le climat avait changé.

Dès lors, permettez-moi de douter de l’utilité de cette proposition de loi, d’autant que les principaux acteurs, les partenaires sociaux, l’autorité organisatrice ont mis au cœur de leurs préoccupations la nécessité de déterminer les modalités nécessaires à la mise en place d’un service public performant, respectueux des voyageurs et assurant la qualité des prestations grâce au dialogue social.

Sur le plan technique, ce texte est ambigu. Alors que l’exposé des motifs se focalise sur la desserte de la Corse, sans doute parce que c’est votre terre d’élection, la rédaction de la proposition de loi en l’état semble pourtant l’exclure de son champ d’application.

En effet, s’agissant des dessertes maritimes, trois types de collectivités organisatrices de transport sont recensés, les départements, les communes ou groupements de communes assurant la desserte maritime des petites îles, et la collectivité Corse. Or l’article L.5431-1 du code des transports cité dans l’article 2 du texte ne mentionne que les deux premiers types de collectivités, alors qu’il n’est pas fait mention de l’article L.4424-18 du code général des collectivités territoriales, au terme duquel la collectivité territoriale de Corse définit les modalités d’organisation des transports maritimes et aériens entre l’île et toute destination de la France continentale.

Par ailleurs, vous ne parlez que de l’armement des navires. C’est certes un maillon nécessaire du transport maritime, mais il n’est pas le seul.

Nous savons bien que, pour que l’ensemble de l’activité maritime soit pris en considération, il faut traiter les services de sécurité, de sûreté, les capitaineries et autres services maritimes. Souhaitez-vous avoir une vision englobante pour votre texte ?

En réalité, ce texte tente tout simplement de créer un précédent. Ne s’agit-il pas, là où le dialogue social, la concertation existent – j’ai illustré mon propos en montrant ce qui existe au sein des compagnies, notamment dans l’une de celles qui assurent la délégation de service public entre la France continentale et la Corse –, d’affaiblir ces procédures de prévention des conflits qui se caractérisent par le respect de la représentativité ?

Par ailleurs, le fait que le champ de votre texte soit si large – il inclut le transport de voyageurs à vocation touristique, le transport de marchandises… – me conduit à m’interroger sur la remise en cause de principes constitutionnels, parmi lesquels le droit de grève.

Je pense qu’il n’y a aucune justification à vouloir légiférer en ce domaine. La précédente majorité avait d’ailleurs tiré cette même conclusion. Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, monsieur Mariani, qui, en tant que ministre, avez été un acteur et un témoin privilégié, en 2007, lorsque le précédent Gouvernement a demandé à certains députés de retirer des amendements qui allaient dans ce sens, c’est bien que vous considériez qu’ils n’étaient pas nécessaires.

Mme Marie-George Buffet. Tout à fait !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. En 2008, après la commande d’un rapport au Gouvernement, il n’a pas non plus été donné suite à une telle proposition. En 2012, enfin, la majorité de l’époque n’a pas amendé le projet de loi sur le service minimum dans les transports aériens dans le sens que vous préconisez aujourd’hui ; peut-être est-ce l’approche d’élections qui vous rend plus actifs sur ce terrain.

Enfin, un mot d’actualité sur la situation de la desserte et des conditions de délégation de service public. C’est la SNCM qui est visée, dans cette proposition de loi. Je souligne la mobilisation et les efforts du Gouvernement, ainsi que la solidarité des élus de Corse et de France continentale, pour sauver cette compagnie de 1 400 employés, dont nous avons besoin.

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Nous avons également besoin de solidarité de la France pour porter juridiquement nos combats contre un certain nombre de procédures engagées par la Commission européenne. Nous sommes en effet engagés dans des procédures d’appel et de contentieux.

S’agissant de la SNCM, il est préférable de porter le sujet là où il est, à savoir sur la responsabilité de ceux qui ont mis la compagnie dans l’état où elle se trouve aujourd’hui, par des décisions graves, si graves que votre assemblée a adopté à l’unanimité une proposition de M. Paul Giacobbi tendant à la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les conditions de privatisation de cette société.

Si nous avions eu une gouvernance, une vision industrielle, commerciale, classique, prévoyant les enjeux et l’avenir de cette compagnie, qui est une compagnie importante pour les liaisons en Méditerranée, vous ne feriez pas face aujourd’hui à l’inquiétude des salariés, car c’est bien de cela qu’il s’agit : l’inquiétude des salariés, qui souhaitent assurer l’avenir de leur compagnie. À cette inquiétude je réponds par l’action, la détermination, la combativité, et non par un texte attentatoire à des droits constitutionnels fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord indiquer que, si la proposition de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports maritimes a bien été enregistrée le 13 mars dernier, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ne s’en est saisie que tardivement, parce que, d’une part, il n’est pas habituel d’examiner au fond une proposition de loi dont on ignore si elle sera un jour ou non inscrite à l’ordre du jour, d’autant que son premier auteur, M. Laurent Marcangeli, n’est pas habituellement membre de notre commission, d’autre part, parce que le groupe UMP a demandé l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée il y a seulement quatre semaines.

Pour autant, le sujet nous était connu, dans la mesure où, comme l’a rappelé notre rapporteur, deux textes précédents ont eu pour objectif d’assurer la continuité du service public dans les transports réguliers de voyageurs : la loi du 21 août 2007 relative aux transports terrestres puis la loi du 19 mars 2012, dite loi Diard, pour le transport aérien. J’observe que ces textes adoptés au cours de la même législature, la treizième, le furent après un parcours parlementaire un peu heurté, mais très rapide : à peine deux mois pour le premier et quatre pour le second.

La proposition de Laurent Marcangeli et de plusieurs de ses collègues a pour objectif d’étendre les dispositifs de 2007 et 2012 aux transports maritimes réguliers de voyageurs, avec un tropisme – n’ayons pas peur de le dire – pour les relations entre la Corse et le continent.

Rappelons également que, lors de l’examen des deux premiers textes, en 2007 puis en 2012, des amendements avaient déjà été déposés par des membres de l’UMP pour inclure le transport maritime dans les règles concourant au « service minimum ». Ces amendements avaient été rejetés par la majorité d’hier, qui est l’opposition d’aujourd’hui ; M. Thierry Mariani, alors ministre des transports, avait, en mars 2012, manifesté son opposition, ou requis la sagesse de l’Assemblée, sans doute pour ne pas froisser les auteurs des amendements.

En revanche, à chaque fois, l’opposition d’alors, devenue la majorité aujourd’hui, s’était montrée défavorable, non seulement aux textes initiaux, mais bien évidemment aux propositions d’extension aux transports maritimes. Je laisserai aux orateurs du groupe SRC le soin de présenter les arguments constitutionnels, juridiques ou techniques étayant cette position. Si je rappelle ces faits, c’est pour souligner la constance de certains élus et donc notre cohérence. Ce que nous avons refusé hier, nous le refusons aujourd’hui.

Mes chers collègues, comme notre rapporteur l’a indiqué, la commission du développement durable a rejeté la proposition de loi lors de sa séance du mercredi 18 septembre, et j’invite aujourd’hui l’Assemblée à confirmer cette position en rejetant de la même façon le texte en discussion.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes réunis ce soir à l’initiative de notre collègue Laurent Marcangeli pour examiner une proposition de loi visant à instaurer la continuité du service public dans les transports maritimes et à améliorer le dialogue social dans ce secteur. Le but est de garantir à l’ensemble de nos concitoyens, notamment aux insulaires, le droit de circuler librement, dans le respect du droit de grève.

Comme vient de le rappeler Laurent Marcangeli, cette proposition de loi s’inscrit dans le prolongement de deux textes adoptés par notre majorité au cours de la précédente législature. Il s’agit de la loi du 21 août 2007, qui a permis d’instaurer la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, en cas de grève ou de perturbation prévisible, et de la loi de mars 2012, dite loi Diard, que j’avais eu l’honneur de soutenir à l’époque. Cette dernière loi a étendu le principe de continuité dans le secteur aérien, sans pour autant procéder à un quelconque copier-coller ; en effet, les choses n’étaient pas transposables. Ces lois, qui font figure de grandes réformes du quinquennat de Nicolas Sarkozy, ont généré des avancées majeures, tant en termes d’organisation des transports aérien et terrestre, que sur le plan du dialogue social et de l’information aux passagers, trop souvent oubliés.

Désormais, ces secteurs, réputés pour leur « conflictualité importante », disposent d’un mécanisme de service garanti qui permet aux entreprises d’établir un plan de transport adapté aux moyens humains dont elles disposent. Ce dispositif se traduit, entre autres, par l’obligation pour les personnels de se déclarer grévistes quarante-huit heures auparavant, permettant ainsi aux entreprises de connaître à l’avance le nombre de grévistes. De fait, les compagnies de transport aérien ou terrestre peuvent mieux organiser le service, en redéployant les moyens disponibles sur les priorités de desserte.

J’en viens donc à l’intérêt même de la continuité du service dans les transports. Cet intérêt, vous le savez, monsieur le ministre, est double. D’une part, l’enjeu est d’assurer des conditions de transport acceptables pour les passagers. La prise en otage récurrente des voyageurs, qui aspirent légitimement à se déplacer, était devenue inacceptable. Nous nous souvenons encore du calvaire de milliers de voyageurs attendant impatiemment dans les gares ou les halls d’aéroport sans aucune certitude de pouvoir partir, en pleine période de vacances ! Comble du manque d’information, certains trains ou avions étaient annulés à la dernière minute. Ces paralysies à répétition donnaient de surcroît une image affligeante des conditions de trafic dans notre pays, pour les touristes.

D’autre part, l’enjeu est d’ordre économique. Les grèves des transports aérien ou ferroviaire engendraient des pertes financières importantes, pour les compagnies mais aussi pour l’ensemble de l’économie du pays. De toute évidence, dans un contexte de crise majeure, nous ne pouvions nous permettre de donner des signes dissuasifs aux partenaires étrangers.

Ces lois ont porté leurs fruits. Cela se traduit par des progrès indéniables sur le plan du dialogue social et des informations aux passagers dans le transport terrestre et le transport aérien. D’ailleurs, les démarches de concertation mises en place ont souvent permis d’éviter le conflit qui, comme le disait Éric Diard, doit être « la dernière des solutions. Elle n’arrange ni les compagnies, ni les salariés, qui perdent tous de l’argent ».

Je m’étonne de voir que la majorité actuelle, dont le principal objectif, il faut le dire, est de détricoter les réformes adoptées précédemment, n’ait pas encore supprimé ces dispositifs. À l’époque, l’opposition avait voté contre ces textes, les considérant comme une atteinte grave au droit de grève. C’est pourquoi, à deux reprises, vous aviez saisi, chers collègues, le Conseil constitutionnel pour en juger en dernier ressort. À deux reprises, le Conseil des sages avait alors rappelé qu’aux termes du septième alinéa du préambule de 1946, « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Autrement dit, ce droit est un principe de valeur constitutionnelle, certes, mais qui a des limites. C’est pourquoi le législateur a été habilité à y apporter les limites nécessaires pour concilier la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte.

En vertu de quoi, le Conseil constitutionnel avait donc validé en 2007 puis en 2012 les lois instaurant un principe de continuité dans les transports terrestres et aériens. Certains tentaient de faire croire en 2012 que la proposition de loi de notre ami Éric Diard avait pour objectif de remettre en cause le droit de grève. Ils allaient même jusqu’à voir dans cette loi de l’opportunisme politique, et ils nous reprochaient, à tort, de présenter un texte de circonstance. Aujourd’hui, la majorité serait prête à nous reprocher, si j’ai bien compris, de légiférer dans un climat apaisé.

En tout état de cause, les arguments que vous avanciez hier sont caducs. Rendons-nous à l’évidence : le principe de continuité dans les transports n’est en rien une infraction aux droits sociaux garantis par la Constitution. Au contraire, il permet de concilier la liberté de voyager et le droit de grève.

Fort du succès rencontré dans les autres modes de transports, le dispositif de continuité doit être étendu aux transports maritimes. Concernant le calendrier, vous devriez plutôt vous féliciter, chers collègues de la majorité, que l’on puisse prendre sereinement de telles mesures.

Monsieur le ministre, je me permets de dire, avec humour, que je suis très heureux que la gauche n’ait pas respecté certaines de ses promesses. Lors de la campagne électorale, il avait été annoncé que le service minimum dans les transports terrestre et aérien serait annulé.

Mme Marie-George Buffet. Eh oui !

M. Thierry Mariani. Qu’il n’en soit rien me rassure, pour les passagers mais aussi pour vous, car vous évitez une épreuve qu’ont connue certains de vos prédécesseurs, confrontés à plusieurs milliers de passagers bloqués dans les aéroports, qui ne savent où dormir ni comment trouver une tétine pour leur enfant, et qui demandent au ministre pourquoi leurs avions ne décollent pas, pourquoi ils n’ont pas été prévenus. Vous n’avez pas tenu votre promesse d’abolir ces deux lois, je ne peux que vous en féliciter, et je vous invite à appliquer leurs principes aux transports maritimes, que concerne le présent texte.

La situation dans les transports maritimes est extrêmement difficile parfois pour les insulaires. Ce texte vise à étendre la continuité du service public dans les transports maritimes de passagers, seul mode de transport à l’heure actuelle qui ne bénéficie pas d’un tel dispositif et qui par conséquent souffre encore des mouvements sociaux. Je ne pense pas, monsieur le ministre, que le texte de M. Marcangeli concerne le transport de fret : ce n’est pas son but.

Les grèves dans le secteur des transports maritimes continuent de désorganiser profondément le service rendu aux usagers, même si nous venons de connaître une année d’accalmie. Lorsque les salariés des compagnies maritimes se mettent en grève, c’est plusieurs centaines de milliers d’insulaires et de touristes qui en font les frais. Ils pâtissent clairement des grèves intempestives des compagnies maritimes, qui interrompent la desserte insulaire, et ce malgré l’introduction dans notre droit, en 1976, du principe de continuité territoriale.

Les usagers des transports maritimes, qui empruntent régulièrement les voies maritimes, soit pour aller travailler, soit pour se rendre en vacances ou retrouver leurs proches, n’ont hélas pas de modes de déplacement alternatifs lorsque les bateaux restent à quai.

Dès lors, les mouvements sociaux et les blocages qu’ils engendrent portent manifestement atteinte à une liberté fondamentale, à valeur constitutionnelle, qui est celle d’aller et de venir. Or c’est à l’État de veiller au respect de la libre circulation des personnes. Par ailleurs, les conflits dans les transports maritimes ne cessent d’affecter l’économie de ces régions essentiellement tournées vers la mer et le tourisme. Force est de reconnaître que des grèves fréquentes fragilisent l’économie des îles. Alors même que ces régions profitent d’une ouverture maritime propice au tourisme, les mouvements sociaux, et surtout les blocages qu’ils impliquent, anéantissent les efforts de commercialisation de ces territoires au fort potentiel touristique – c’est aussi l’une des raisons qui a poussé notre collègue Marcangeli à déposer, à juste titre, cette proposition de loi.

De surcroît, ces grèves surviennent très souvent, comme par hasard, à des dates fatidiques. J’en veux pour preuve le préavis de grève déposé par les organisations syndicales de transport maritime de passagers assurant la liaison entre la Corse et le continent, deux jours avant le départ du Tour de France de Porto-Vecchio.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Il n’y a pas eu grève !

M. Thierry Mariani. Certes, mais un préavis avait tout de même été déposé ! Heureusement qu’il n’y a pas eu grève, monsieur le ministre. Je vous souhaite sincèrement d’éviter de vous retrouver face à des centaines de familles avec des enfants dans ce cadre-là. Nous vous avons épargné de telles situations dans les aéroports et dans les gares : aussi espérons-nous que vous ne regretterez pas votre position ce soir.

Comment en effet peut-on laisser les passagers dans l’incertitude de pouvoir voyager ? Il est inacceptable que des voyageurs ne puissent pas bénéficier des prestations qu’ils ont payées et, pis encore, qu’ils ne puissent pas connaître véritablement les conditions du trafic à l’avance. C’est pourquoi le groupe UMP soutient ce soir sans aucune réserve la proposition de loi de Laurent Marcangeli. Grâce aux lois votées lors de la précédente législature, les continentaux peuvent bénéficier d’une continuité dans les transports, contrairement aux résidents des territoires insulaires. Par conséquent, une grève peut rendre le bras de mer qui nous sépare insurmontable. Or insulaires et continentaux doivent pouvoir circuler librement sans entrave sur l’ensemble du territoire de la République : la mise en place d’une continuité du service public dans les transports maritimes est et sera donc nécessaire.

L’objectif de cette proposition, que nous saluons à l’UMP, est d’améliorer l’information des passagers dans les transports maritimes et de permettre aux compagnies maritimes de mieux organiser les services en cas de mouvement de grève. Il s’agit de fait d’étendre le dispositif en vigueur dans les transports aériens et terrestres au secteur maritime, dans un souci d’équité entre les différents modes de transports, et de prendre ainsi en considération les préoccupations des insulaires dont les déplacements dépendent de leur capacité à prendre le bateau.

Pour ce faire, la loi prévoit tout d’abord de mettre en place un mécanisme de prévention des conflits, inspiré de l’alarme sociale instaurée en 2007 dans les transports terrestres et dont on a pu mesurer l’efficacité. Ce dispositif permettra une négociation préalable entre syndicats, salariés et employeurs. Deuxièmement, le texte prévoit la mise en place d’un parcours de dessertes prioritaires, avec des plages horaires et des fréquences établies par la collectivité territoriale, ainsi qu’un plan d’information des usagers afin de couvrir les besoins essentiels de la population. Enfin, il prévoit l’obligation pour le personnel de déclarer individuellement sa participation au mouvement de grève quarante-huit heures à l’avance, et l’obligation de confirmer sa reprise à son employeur vingt-quatre heures à l’avance, comme c’est le cas dans les compagnies aériennes et les transports terrestres. Cela permettra à la compagnie maritime de mieux redéployer les dessertes et de tenir les passagers informés sur l’état du trafic. Comme vous le voyez, ce texte n’attente en rien au droit de grève.

Mme Marie-George Buffet. Mais si !

M. Thierry Mariani. Ce droit est simplement soumis à une obligation d’information préalable de l’employeur. Loin d’être une entrave au droit de grève, ce texte vise à préserver le droit de circuler pour les travailleurs qui prennent le bateau et le droit de grève pour ceux et celles qui manifestent leur mécontentement.

En conclusion, nous pensons avec mes collègues du groupe UMP que cette proposition de loi est une véritable avancée pour l’organisation des transports maritimes, comme cela s’est déjà fait pour les transports terrestres et aériens. Alors que vous conservez cette disposition, je vous invite à l’étendre enfin au transport maritime de passagers.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva.

M. Jean-Paul Tuaiva. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, à la suite de la loi du 21 août 2007 ayant permis d’assurer la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs – loi étendue ensuite au secteur aérien par le biais de l’adoption de la loi Diard du 19 mars 2012 –, le groupe UMP nous propose aujourd’hui de garantir la continuité du service public dans les transports maritimes. L’objet de ce texte, à l’instar des précédents, est de permettre aux entreprises de définir un plan de transport adapté aux moyens humains dont elles disposent et de renforcer le droit d’information des usagers lorsqu’elles sont confrontées à un mouvement social.

Aussi la continuité des dessertes maritimes île–continent ou les liaisons entre territoires insulaires seraient-elles garanties pour les voyageurs ou, tout du moins, la prévisibilité de ces dessertes serait-elle assurée. Il s’agit donc de la création d’un droit nouveau pour les usagers du transport maritime : celui de ne pas être pris au piège par un mouvement social inopiné qui ne les concerne pas, aussi légitime soit-il.

Au-delà de ce droit pour les voyageurs, l’absence de continuité dans le transport maritime pèse sur l’image et l’économie de ces territoires qui ne disposent pas de mode de déplacement alternatif. Cette situation crée donc de fait une ségrégation territoriale et une rupture d’égalité entre les usagers du service public, selon qu’ils utilisent le train, l’avion ou le bateau puisque des territoires entiers et leurs populations peuvent se retrouver prisonniers de la disparition provisoire de leur seul moyen de transport et de déplacement. C’est donc la question de l’impuissance des pouvoirs publics à garantir à chacun la liberté d’aller et de venir qui est posée dans ce texte.

Pour y répondre, la proposition de loi vise trois objectifs : la mise en place d’un mécanisme de prévention des conflits ; la mise en place d’un parcours de dessertes prioritaires ; enfin, l’obligation pour le personnel de déclarer individuellement sa participation à un mouvement de grève. Nous nous félicitons de la procédure choisie ici qui ne prévoit l’intervention du pouvoir réglementaire qu’en dernier ressort, soit en cas d’échec de la négociation d’entreprise, pour permettre à la démocratie sociale de s’exprimer pleinement. Vous le savez, les députés du groupe UDI sont profondément attachés au dialogue social et à la promotion des accords issus d’un dialogue constructif et fructueux entre partenaires sociaux, en dehors de toute intervention étatique lorsque cela ne s’avère pas directement nécessaire.

En ce sens, les termes de la proposition de loi, qui prévoient un délai d’un an pour parvenir à un accord nous semblent de nature à garantir les conditions d’un dialogue suffisamment approfondi. Dans le détail, le dépôt d’un préavis de grève ne pourra intervenir qu’à l’issue d’une négociation préalable entre l’employeur et la ou les organisations syndicales représentatives qui envisagent de déposer le préavis. Il s’agit ainsi de permettre d’éviter un conflit social préjudiciable aux usagers, à l’entreprise mais aussi aux salariés. Par ailleurs, l’accord devra prévoir l’obligation pour les personnels de se déclarer gréviste quarante-huit heures à l’avance et de signifier la reprise du travail vingt-quatre heures auparavant, conformément à ce qui est prévu pour les transports terrestres et aériens.

En outre, le second volet du dispositif, comme cela a pu être le cas pour les transports terrestres de voyageurs, prévoit que la collectivité territoriale compétente définit des dessertes prioritaires correspondant aux besoins identifiés de la population. Nous le savons d’expérience : la définition des dessertes prioritaires, en cas de perturbation prévisible du trafic, est une condition indispensable au bon déroulement et à la qualité de la continuité du service public. À cet effet, différents niveaux de service sont définis dans les dessertes prioritaires en fonction de l’importance de la perturbation, afin d’éviter l’attribution d’une priorité maximale à l’ensemble des sites. J’ajoute que cette proposition de loi se veut modérée, car elle englobe dans son dispositif un nombre restreint de zones à desservir en priorité.

Un autre élément fondamental repose sur le droit d’information des usagers et de la collectivité organisatrice quant au service assuré en cas de perturbation du trafic. Cette information doit bien évidemment être gratuite, fiable et, comme cela est prévu par le texte, délivrée vingt-quatre heures avant le début de la perturbation pour le passager. Lors des débats de la précédente législature, l’opposition d’alors avait mené un combat frontal contre ce dispositif, estimant qu’il constituait une atteinte intolérable au droit de grève et une violation des droits sociaux garantis par la Constitution. Le Conseil constitutionnel, saisi par les parlementaires socialistes, avait répondu clairement que ces textes étaient en tous points conformes à la loi fondamentale.

M. Thierry Mariani. Absolument !

M. Jean-Paul Tuaiva. Les arguments d’hier ne sont donc plus recevables pour s’opposer à la procédure prévue aujourd’hui. Par ailleurs, les décisions des sages nous offrent une garantie quant à la solidité juridique du dispositif. Au-delà de la reconnaissance de sa constitutionnalité, nous avons aujourd’hui le recul nécessaire pour établir un premier bilan. Or ce dispositif a largement prouvé son efficacité puisqu’il a permis d’assurer le respect des libertés d’aller et venir et de travailler des usagers, en garantissant la continuité du service public, sans porter atteinte au droit de grève des salariés ou des agents. Tant sur le plan du droit que sur celui de l’efficacité, force est aujourd’hui de constater que les arguments défendus par la précédente opposition se sont révélés nuls et non avenus.

Je voudrais ainsi soulever une certaine incohérence dans la position d’équilibriste défendue aujourd’hui par la majorité, qui ne semble pas vraiment savoir pourquoi elle s’oppose à ce texte.

Mme Marie-George Buffet. Mais si !

M. Jean-Paul Tuaiva. De deux choses l’une : soit les deux textes précédents étaient aussi scandaleux que vous le disiez et je ne comprends donc pas pourquoi vous n’avez pas saisi les multiples occasions qui se sont présentées depuis un an et demi pour les supprimer ;…

M. Thierry Mariani. Absolument !

M. Jean-Paul Tuaiva. …soit ils ont fait la preuve de leur efficacité et votre opposition à un texte qui n’est que la déclinaison maritime des précédents est incompréhensible, voire intenable. Contrairement à ce que nous avons pu entendre en commission, ce texte n’est pas un texte « contre » une entreprise en particulier,…

Mme Marie-George Buffet. Si !

M. Jean-Paul Tuaiva. …mais bel et bien un texte « pour » !

M. Laurent Marcangeli, rapporteur. Pour les usagers !

M. Jean-Paul Tuaiva. Pour la fin de la rupture d’égalité entre les citoyens et les territoires, pour la continuité du service public, pour la défense et la protection de l’économie locale et des territoires insulaires et enfin pour le dialogue social. En cohérence avec les positions que nous défendions lors de la précédente législature, le groupe UDI votera bien évidemment en faveur de cette proposition de loi de nos collègues du groupe UMP, qui n’est qu’une déclinaison sectorielle de l’existant et qui permettra d’organiser des espaces de négociation au sein des entreprises maritimes exerçant des missions de service public. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Laurent Marcangeli, rapporteur. Merci !

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, la proposition de loi que nous examinons s’inscrit dans le droit fil de la loi du 21 août 2007 sur la continuité du service public dans les transports terrestres – communément appelée « service minimum » – étendue au transport aérien par la loi Diard. II est inutile, je pense, de vous rappeler d’emblée que nous demandons l’abrogation de ces lois.

M. Thierry Mariani. Vraiment ?

Mme Marie-George Buffet. Cette proposition est la réécriture – l’auteur l’annonce dans l’exposé des motifs – d’amendements déposés lors de l’examen de la loi de 2007 qui avaient été rejetés par votre propre majorité. Soyons clairs, cette loi ne vise que la desserte de la Corse, que la SNCM et plus particulièrement ses syndicats et ses salariés. L’objectif est de réduire le droit de grève dans le transport maritime, comme vous avez déjà essayé de le faire dans le transport terrestre et l’aérien. La méthode est la même : obligation d’un accord-cadre, négociation avant la grève, individualisation des grévistes et possibilités de sanctions individuelles. Même en n’étant plus au pouvoir, vous voulez poursuivre votre œuvre de déstabilisation de l’action syndicale.

M. Laurent Marcangeli, rapporteur. Rien que cela !

Mme Marie-George Buffet. Après la loi de 2007, après l’instauration du service minimum dans les écoles, après l’accord national interprofessionnel retranscrit dans la loi de sécurisation de l’emploi, nous avons affaire à une proposition de loi qui poursuit l’œuvre de réduction des droits des salariés et de leurs représentants tout autant que du droit constitutionnel de grève. L’article 1er prévoit qu’un préavis de grève ne peut être déposé qu’après concertation ; or, comme vous le savez, ce sont souvent les employeurs, quelle que soit la branche d’activité, qui refusent la négociation et celle-ci ne s’ouvre souvent qu’après un déclenchement de mobilisation. Au lieu de stigmatiser les syndicats et les salariés, pourquoi ne pas faire une autre lecture du dialogue social ? En donnant, par exemple, plus de droits aux salariés dans l’entreprise, comme nous le proposons, avec une véritable représentation de ceux-ci au sein des conseils d’administration. Qui penserait ici, ne serait-ce qu’une seconde, que les salariés font grève par plaisir ? Qu’ils perdent des journées de salaire sans conséquences, alors qu’elles sont souvent lourdes pour eux-mêmes et leurs familles ?

L’article 2, qui reprend des dispositions déjà connues, propose un arsenal d’obligations pour les salariés mais également des sanctions individuelles pour celles et ceux qui n’auraient pas fait connaître leur intention de participer à la grève au moins vingt-quatre heures à l’avance. Il introduit une notion particulièrement dangereuse puisque « le niveau minimal de service doit permettre d’éviter que soit portée une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir, à la liberté d’accès au service public […] ».

Qui va définir la notion d’atteinte disproportionnée ? Si ce sont les mêmes qui ne supportent pas qu’un seul salarié puisse utiliser son droit de grève, je crains que l’atteinte soit en effet vite disproportionnée !

Je pourrais décliner l’ensemble du texte de la même manière tant est manifeste la volonté de stigmatiser et de montrer du doigt ce droit dont bénéficie les salariés et qu’ils ont obtenu au prix de leurs luttes. Permettez-moi tout de même de mentionner encore l’alinéa 25 de l’article 2 qui dispose qu’« en cas de perturbation du trafic, tout usager a le droit de bénéficier d’une information gratuite, précise et fiable sur le service assuré […] ».

M. Thierry Mariani. C’est une bonne chose !

Mme Marie-George Buffet. Mais pour bien connaître les associations d’usagers dans les transports tout autant que les syndicats, permettez-moi de vous dire, mon cher collègue, que ce droit est valable quelle que soit la période, grève ou pas, même si de nombreux efforts restent à faire en ce domaine.

Vous comprendrez, mes chers collègues, que ce texte ne peut être examiné en dehors du contexte social général, et de la situation de la SNCM en particulier. Après l’adoption de la loi sur la sécurisation de l’emploi et vu la situation dégradée de l’emploi industriel, l’aventure que viennent de vivre les « Conti » – à qui les tribunaux ont donné raison mais qui n’ont plus ni employeur, ni entreprise – et à quelques jours de notre débat sur les retraites, quel signe enverrions-nous aux salariés de notre pays en adoptant une telle proposition de loi ?

La SNCM vit une période difficile parce que des choix à l’opposé de l’intérêt du service public et des salariés ont été faits. En ce moment même, une commission d’enquête de notre assemblée, à laquelle participe mon collègue Gaby Charroux, travaille pour déterminer les conditions de sa privatisation alors qu’elle était bénéficiaire et bien structurée économiquement jusqu’en 2003.

Prévenir les conflits sociaux passe par l’écoute des salariés et de leur expertise ; or ils alertaient sur les risques de la privatisation et annonçaient les résultats que l’on connaît aujourd’hui.

La Commission européenne veut condamner la SNCM – un journal du soir en a fait aujourd’hui un de ses titres – au remboursement d’aides publiques au nom du principe de concurrence libre et non faussée. Le paiement de cette somme mettrait en grave difficulté la compagnie alors que la Caisse des dépôts et consignations annonce sa sortie du capital. La SNCM a obtenu la délégation de service public pour la période 2014-2020, mais aura-t-elle les moyens de l’assumer et de tenir le plan industriel prévu ? Faire de la prévention de conflit, c’est assurer sa pérennité, lui donner les moyens de son développement et combattre les dispositions européennes qui la rendent exsangue.

Ce qui nuit à la desserte Corse-continent, ce n’est pas le droit de grève, c’est qu’une compagnie low cost, écartée de la DSP pour la vétusté de ses navires, qui ne respecte pas le droit social français et qui porte atteinte à l’environnement ne soit pas contrainte, dans son activité de cabotage en Méditerranée, à battre pavillon français.

Prévenir les conflits sociaux passe par la suppression de la concurrence déloyale.

Adopter cette proposition de loi serait un mauvais signe envoyé non seulement aux marins de Corse et de la façade méditerranéenne mais également à l’ensemble des salariés du pays. Vous l’aurez compris, Monsieur le ministre, mes chers collègues : le groupe GDR contre cette proposition de loi.

M. Thierry Mariani. On s’en doutait !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy.

M. Arnaud Leroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président Chanteguet, chers collègues, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires », écrivait Montesquieu – vous faisiez référence à votre qualité de juriste, monsieur le rapporteur, en étant un également, je me permets ce petit clin d’œil. Je pense que nous sommes exactement ici dans une telle situation.

La qualité des services publics et la desserte des territoires insulaires sont des sujets importants pour nombre de nos concitoyens. Cette préoccupation n’est pas le monopole des élus insulaires. C’est donc avec attention que le groupe socialiste s’est penché sur cette proposition de loi.

À la lecture de cette proposition de loi, je ferai plusieurs remarques.

Non, la desserte de nos îles n’est pas régulièrement affectée par les grèves. Elles ne représentent d’ailleurs qu’une part minime des causes de dysfonctionnement de la qualité de service pour les usagers, ce qu’a relevé notamment le rapport d’application de la loi de 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Ce rapport a été rédigé en 2009 par Maxime Bono et Jacques Kossowski, un député de votre bord politique. De plus, vous aurez quelque mal à trouver des mouvements sociaux à répétition qui affecteraient la desserte des îles.

La réalité, c’est que cette proposition de loi – dont j’ose espérer qu’elle n’a aucune visée électorale – vise particulièrement la SNCM. Vous ciblez particulièrement la Corse, c’est votre droit, mais l’honnêteté aurait voulu que vous le mentionniez explicitement dans le titre de votre proposition. Nous ne tomberons pas dans ce piège grossier. Nous sommes face à une provocation. La situation de la SNCM a été décrite avec brio, profondeur et justesse par ma collègue Marie-George Buffet, et il serait indécent de remettre de l’huile sur le feu. Elle a fait référence à la commission d’enquête que j’ai l’honneur de présider et à laquelle vous participez, monsieur Marcangeli. Vous êtes donc au courant des difficultés et je pense qu’il est de notre responsabilité d’élus de la République de ne pas envenimer la situation. Provocation, disais-je, parce qu’un accord sur la prévention des conflits a été signé en novembre 2012, le ministre l’a rappelé, et qu’un contrat de délégation de service public inclut la possibilité d’organiser un service minimum en son article 22. Les outils nécessaires au dialogue social existent donc. À nous, à vous, aux salariés et aux dirigeants de l’entreprise de les faire vivre.

Non, nous n’adopterons pas des dispositions déjà rejetées par l’ancienne majorité. J’ai écouté avec intérêt les propos de mon collègue représentant des Français de l’étranger, Thierry Mariani, et je vais lui rappeler les paroles d’un de ses collègues ministres de l’époque : Xavier Bertrand… Mais, au préalable, il faut rappeler qu’il y a une spécificité du transport maritime que vous semblez ne pas du tout appréhender à la lecture de votre proposition de loi, notamment au niveau des rythmes : nous ne sommes pas sur des départs chaque demi-heure ou chaque heure, une rotation peut être journalière, voire bi-hebdomadaire, et il faut le prendre en considération. Nous ne sommes pas du tout dans le cas du métro, d’un train ou encore d’un avion, qui plus quand il s’agit des dessertes low cost. C’est d’ailleurs ce que disait la majorité d’alors, ce que le Gouvernement répondait, en 2007 comme en 2009, suite à plusieurs amendements UMP déposés par des élus insulaires – qui par ailleurs assumaient complètement le besoin de continuité avec la Corse. Je vais maintenant citer un de vos leaders, sur la ligne de départ pour 2017, comme tant d’autres

M. Thierry Mariani. Il y en a beaucoup ! (Sourires.)

M. Arnaud Leroy. Il est exact qu’ils sont en nombre, mon cher collègue, mais je vais vous donner son nom : Xavier Bertrand, ministre à l’époque. « Ce texte n’apporte pas la réponse qui convient », répondait-il après la présentation de chacun de ces amendements. Je pense, monsieur Marcangeli, qu’une telle réponse est aussi valable aujourd’hui.

Par conséquent, le groupe SRC ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, ultime orateur.

M. Gilles Savary. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pratiquement tout a été dit sur ce texte prétendant étendre le service minimum aux transports réguliers maritimes mais qui, en réalité, est particulièrement ciblé sur un problème particulier : celui de la desserte de la Corse.

À la suite de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, dite « loi sur le service minimum dans les transports publics », comme à la suite de son extension à l’aérien par la loi Diard de mars 2012, cette proposition pourrait sembler aller de soi. Ce débat n’est certes pas médiocre, mais je juge qu’il intervient à un moment particulièrement inopportun, et je vais vous dire pourquoi, monsieur le rapporteur.

De façon générale, dans notre pays, l’immense majorité des dessertes maritimes régulières en délégation de service public connaissent une conflictualité sociale quasi-nulle, et même, a contrario, un sens élevé du service qui conduit les équipages à l’assurer dans des conditions parfois très difficiles. Qu’il s’agisse de la desserte des îles bretonnes, donc de Belle-Île, de Groix, de Houat, d’Hoëdic, d’Arz, de Bréhat, de Batz, de Sein, d’Ouessant et de Molène ou encore de l’Île d’Yeu, qu’il s’agisse encore, et ils me sont chers, des deux bacs de traversée de la Gironde, ou des multiples services d’outre-mer, je n’ai pas entendu parler d’une actualité tonitruante sur l’interruption de service pour cause de conflits sociaux.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Exactement.

M. Gilles Savary. Il n’ y a dans ces dessertes aucun indice de conflictualité excessive, aucune demande d’usagers, ni d’élus locaux, ni d’associations de consommateurs réclamant la mise en place d’un dispositif de service minimum.

J’ajoute qu’ayant une longue expérience d’élu local, je considère que la lettre et l’esprit de l’article 72 de la Constitution, qui consacre le principe de libre administration des collectivités territoriales, devrait nous conduire à respecter leur libre capacité à négocier des conventions de service public et des contrats de service public comme elles l’entendent, en fonction de leur connaissance, beaucoup plus fine que la nôtre, des contextes locaux et des dispositions à leur appliquer. Le ministre a d’ailleurs rappelé tout à l’heure les compétences légales particulières de l’assemblée territoriale de Corse en ce domaine. Je ne note pas par ailleurs que les collectivités locales administrant des lignes maritimes régulières ni l’association des élus du littoral aient exprimé la moindre revendication d’intervention de la loi en la matière. Au passage, j’observe ce soir qu’il n’y a pas foule, y compris parmi les signataires de cette proposition de loi, que peu de députés se sentent concernés par la conflictualité que vous paraissez voir. J’observe qu’il n’y a pas non plus beaucoup de collègues corses présents pour venir soutenir ce texte – je le regrette pour vous, monsieur Marcangeli.

En réalité, cette proposition de loi ne poursuit pas tant un projet de garantie universelle du service public qu’elle ne constitue un épisode du feuilleton à rebondissements de la Société national Corse Méditerranée et de ses relations tumultueuses avec les collectivités locales, tumultueuses pour des raisons multiples et dont la continuité de desserte est très loin d’épuiser le sujet.

Il est incontestable, je vous l’accorde, que le niveau de conflictualité de la SNCM a été ces dernières années hors de proportion avec celui de tous les autres services maritimes réguliers de France métropolitaine et d’outre-mer, mais je ne suis pas du tout convaincu, connaissant l’histoire et le contexte un peu particulier de cette entreprise, qu’une loi de circonstance et d’improvisation suffise à régler le problème. À l’appui de ce raisonnement, je vous rappelle que la SNCM comme la compagnie méridionale de navigation, cela a été dit, sont assujetties à des obligations contractuelles de dialogue social et de continuité de service, notamment au titre de l’article 22 du contrat de délégation de service public qui les lie à la collectivité territoriale de Corse, mais aussi d’un accord plus récent de prévention des conflits conclu en novembre 2012. Le fait que ces dispositions ne soient éventuellement pas respectées devrait pouvoir justifier le recours à des voies de droit sans qu’il ne soit besoin d’y ajouter une loi soupçonneuse pour les autres liaisons maritimes de notre pays.

Au moment où vous nous présentez cette proposition de loi, et c’est pourquoi il n’est pas bien choisi, deux dossiers d’une très grande sensibilité sociale sont actuellement ouverts et me semblent justifier que l’on évite toute provocation de nature sociale et politique tant ils sont douloureux pour de nombreuses familles de marins.

Il s’agit tout d’abord du dossier de la SNCM, qui fait l’objet d’une commission d’enquête de notre assemblée, à laquelle j’ai l’honneur de participer, et dont la mission est d’essayer d’identifier les conditions de la privatisation, en particulier comment un fonds d’investissement privé – que je ne citerai pas par charité –, introduit au capital par le délégataire Veolia, a pu s’en retirer quelques mois plus tard avec une plus-value de cession d’actions de l’ordre de 60 millions d’euros…

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Eh oui !

M. Gilles Savary. …au titre d’un pacte d’actionnaires entre Veolia et ce fonds, pacte dont on nous a précisé qu’il était secret, ce qui, s’agissant d’un service public, devrait vous émouvoir tout autant que les grèves, mes chers collègues.

C’est dans ce contexte particulier, qui ne semble pas avoir ému le Gouvernement Villepin et ceux qui l’ont suivi, alors que l’avenir de la SNCM et de ses personnels reste à consolider, que vous nous demandez aujourd’hui de jeter de l’huile sur le feu en détournant les regards vers les salariés pendant qu’ici on tente d’identifier les responsabilités de l’actionnariat dans les difficultés de cette entreprise. On pourrait à la rigueur vous suivre s’il n’y avait désormais de la concurrence avec plusieurs opérateurs, permettant, notamment en période hivernale, d’assurer en toutes circonstances une desserte convenable, guère plus chaotique que ne le serait un service minimum. C’est une île que je connais bien, j’y ai de nombreux amis, je fais sans doute moins de traversées que vous…

M. Arnaud Leroy. Ils prennent l’avion ! (Sourires.)

M. Gilles Savary. …mais je sais, pour l’avoir expérimenté, de quoi je parle.

Par ailleurs, votre proposition de loi intervient – c’est contextuel, mais ce n’est pas neutre –, alors que la crise ayant affecté SeaFrance, si douloureuse, puisqu’elle a occasionné 880 pertes d’emploi, a révélé le sens élevé des responsabilités et la très grande dignité des personnels, malgré l’épreuve qu’ils ont subie. Aujourd’hui, l’urgence à l’égard de SeaFrance, ou plutôt de la nouvelle compagnie, établie sous la forme d’une SCOP, My Ferry Link, qui gagne des parts de marché et enregistre un rendement prometteur – + 10 % sur le fret et + 8,1% sur le trafic de passagers depuis sa mise en service il y a un an –, est d’éviter que la commission de la concurrence britannique ne la saborde, au prétexte d’une vision dogmatique et inhumaine de la concurrence, en contestant le rachat de trois navires de la nouvelle compagnie par Eurotunnel. S’il est un dossier qui doit requérir notre attention et notre appui – l’appui de chacun d’entre nous, cela a été rappelé par le ministre, quelle que soit notre sensibilité –, c’est bien celui-là, comme celui de redonner des perspectives de redressement à la SNCM, menacée par une procédure d’infraction engagée par la Commission, au titre des aides d’État, qui rend difficile la consolidation. Il s’agit bien d’encourager le redressement de ces deux entreprises, plutôt que d’adresser aux marins et à leurs familles, victimes ou exposés à ces menaces sociales, un message de défiance, à travers une proposition de loi plus politique qu’utile.

Pour aller à l’encontre de l’argumentation de notre collègue de l’UDI, j’ajoute que le ministre des transports du précédent gouvernement, qui m’a précédé à la tribune, n’avait pas jugé bon, à l’époque, de présenter un projet de loi de cette nature, et je ne vois pas pourquoi aujourd’hui, nous dérogerions à la jurisprudence qu’il a introduite (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Marcangeli, rapporteur. Même si elle a quitté l’hémicycle, je commencerai par répondre à Mme Buffet, qui a multiplié les prises de position et s’est battue, durant toutes ces années, contre les lois précédentes. Je lui décerne au moins la médaille de la constance, dans la défense d’un syndicat – la CGT – et d’une entreprise, à Marseille, dans le droit fil de ses convictions et de celles de son parti politique. Je crois que cela l’honore.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé un certain nombre de choses, fort intéressantes. S’agissant de la conflictualité, dont on a beaucoup parlé, vous êtes-vous aperçu que, lors de mon intervention, je n’ai pas dit qu’il y avait trop de conflits sur les lignes, notamment celles qui relient le continent à la Corse. Il est vrai que l’on a connu des périodes très difficiles, voire insupportables. Il est vrai que les gens ont parfois eu peur, notamment avant la première étape du Tour de France : il s’agissait en effet d’un événement extrêmement important tant sur le plan économique que pour l’histoire de la Corse et celle du sport français – c’était la centième édition du Tour. Je dis simplement que ce n’est pas parce qu’il n’y a pas une grande conflictualité qu’il faut oublier un principe fondamental de notre République, en vertu duquel personne ne doit être laissé au bord du chemin. Or, depuis que vous êtes arrivé aux responsabilités, vous n’avez pas porté atteinte aux lois votées par la précédente majorité : cela a été rappelé avec brio par Thierry Mariani. Vous ne l’avez pas fait, parce que vous savez très bien que les Français ne vous laisseraient pas faire ; vous savez très bien que cela fait partie des choses acceptées et appréciées par une grande majorité de Français, et qu’y porter atteinte constituerait une régression dans le domaine de la liberté d’aller et venir, et de la liberté en général.

Évidemment, le fait que je sois corse compte dans cette proposition de loi. À cet égard, je vous prie d’excuser nos deux collègues Camille de Rocca Serra et Sauveur Gandolfi. Vous le savez, s’ils sont absents ce soir, c’est un peu à cause du Président de la République, qui se rend demain à Ajaccio.

M. Arnaud Leroy. Il l’a fait exprès !

M. Laurent Marcangeli, rapporteur. Nos collègues se rendent demain matin à un petit-déjeuner à la préfecture de Corse, pour assister à une cérémonie importante : celle du soixante-dixième anniversaire de la libération de la Corse, qui a commencé le 9 septembre dans ma ville, Ajaccio, et s’est terminé le 4 octobre à Bastia. Cette commémoration sera magnifiée par la présence du Président de la République, que je remercie. Je rejoindrai d’ailleurs le cortège demain matin. La Corse, c’est aussi cela, pas seulement les mauvaises nouvelles dans les journaux, mais également le premier département de France métropolitaine libéré dès 1943.

Je veux vous dire, monsieur le ministre, qu’il n’y a aucune opportunité politicienne dans cette proposition de loi. J’ai été élu député contre vents et marées, si je puis dire, à rebours d’une vague rose nationale, en reprenant un siège qui n’appartenait plus depuis longtemps à ma famille politique ; j’avais fait une seule promesse en matière de proposition de loi : celle-ci. Les électrices et les électeurs de la première circonscription de la Corse-du-Sud et d’Ajaccio, qui m’ont donné une belle victoire le 17 juin 2012, n’attendaient rien de moins que cela de la part de leur député : tenir un engagement. C’est ce que vous devriez peut-être faire également, puisque, lorsque vous étiez dans l’opposition, vous aviez dit que ces lois – tant dans les domaines ferroviaire que terrestre ou aérien – étaient iniques, inacceptables et portaient une grave atteinte au pacte républicain, au droit de grève. Vous avez donc saisi, tout naturellement, le Conseil constitutionnel : excusez-moi de vous rappeler que le résultat n’a pas été à la hauteur de vos espérances. Bien au contraire, pas une virgule n’a été changée.

Je constate par ailleurs que la France ne se trouve pas dans une situation catastrophique en matière de droit de grève, qui n’a pas connu d’atteinte disproportionnée. Finalement, tout cela est peu à peu entré dans les usages. D’ailleurs, vous n’avez pas touché à ces deux lois, et je pense que vous ne le ferez pas, que vous n’aurez pas le courage de le faire pendant cette législature, comme vous n’avez pas davantage eu le courage de le faire lorsque la possibilité vous en était offerte, il y a encore quelques mois de cela.

Ces lois devraient s’appliquer partout, dans tous les secteurs. Pourquoi ? En raison de la continuité du service public, principe très important, à l’instar de la liberté d’aller et venir : cela ne concerne pas seulement les Corses, mais aussi ces touristes, qui, parfois, se retrouvent complètement « largués », veulent rentrer chez eux avec leurs enfants, comme le disait tout à l’heure Thierry Mariani, et qui ne peuvent pas le faire parce qu’on a décidé de faire grève. Cela pénalise une économie et toute une société, cela pénalise in fine tout le monde et pas seulement la Corse, dont je suis l’un des représentants dans cette assemblée.

Il y a aussi une exigence dans le service public, une enveloppe pour la continuité du service public que la Corse verse chaque année. Je ne suis pas là pour parler d’une entreprise en particulier. Il existe une procédure d’appel d’offres et des candidatures, acceptées ou rejetées. Je ne stigmatise personne et je regrette que certains de nos collègues aient souhaité s’engager dans cette voie. On a parlé de SeaFrance tout à l’heure, et l’on m’a prêté des intentions extrêmement douteuses : je ne vais pas si loin ; j’essaie de résoudre un problème, qui est celui du quotidien de beaucoup de mes concitoyens, et de faire droit à une exigence importante : celle de rendre compte de mon mandat et de respecter mes engagements. Cela me paraît important pour notre démocratie, qui est aujourd’hui quelque peu malade. Ce que je veux, mes chers collègues, c’est que cette continuité territoriale, pour laquelle nous versons de l’argent soit respectée, que l’on ne prenne ni les Corses ni les touristes en otage lorsqu’on est mécontent à Marseille. C’est aussi simple que cela. Et je voudrais que la Corse, qui, demain, sera une fois de plus à l’honneur, avec la présence du Président de la République, fasse partie intégrante de cette République française que j’aime tant.

La  loi de la République aujourd’hui, le droit commun, est le service continu, qui protège également le dialogue social. Permettez-moi d’ailleurs une petite parenthèse sur le dialogue social : j’aimerais qu’il soit possible dans les entreprises délégataires de service public. On a une compagnie aérienne – Air Corsica – qui a organisé elle-même, par le dialogue social interne à l’entreprise, le service continu. Cela appartient, en quelque sorte, à un monde rêvé. Je ne crois pas aujourd’hui à la capacité des entreprises délégataires de service public de transport maritime de réaliser cet accord social et de permettre la continuité du service public. Je n’y crois pas, je le répète, et c’est la raison pour laquelle je dépose cette proposition de loi, qui vient compléter le dispositif déjà existant et solidifier une situation que l’on connaît déjà dans les autres secteurs du transport. C’est une proposition de loi de bon sens, qui n’est pas animée par des arrière-pensées électorales ou des volontés de déstabilisation de telle ou telle entreprise. Je n’ai qu’un seul objectif en présentant ce texte : la défense des usagers, de la liberté d’aller et venir et d’une certaine idée du dialogue social (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, permettez-moi de répondre par quelques mots, car on ne comprendrait pas que je ne fasse pas référence aux questions d’actualité. Je ne parle pas seulement de celle qui met à l’honneur le courage des Corses, de cet anniversaire de la libération de la Corse, marqué d’ailleurs par la présence du Président de la République, qui vient saluer toutes les forces combattantes, et je pense ici aux Marocains venus prêter main-forte aux résistants. Quelle belle image que ce bateau de la SNCM baptisé « Danielle Casanova », du nom de cette grande résistante originaire de Corse. La SNCM rend ainsi hommage à cette histoire et à cet anniversaire. Précisément, l’actualité est aussi celle d’un combat : combat pour l’emploi, pour le développement économique, pour la continuité territoriale. Un combat qui s’inscrit dans l’histoire contemporaine : depuis quelques années, la SNCM n’a connu ni plan industriel ni instabilité de gouvernance. Gilles Savary a fait référence à la période de la privatisation, et certains éclaircissements nous seront certainement apportés par la commission d’enquête.

Ce texte est inopportun, au moins, convenez-en, quant à la date de sa discussion, au moment où les journaux du soir, sur des pages entières, indiquent combien notre Gouvernement s’inscrit dans la défense du pavillon français, dans le cadre d’un combat permettant d’assurer un avenir à la délégation de service public. Il a fallu pour cela que la collectivité de Corse et les opérateurs – et précisément celui qui a été retenu – puissent assurer l’équilibre économique, et que l’on dispose d’un contexte permettant à cette délégation d’offrir de la visibilité et une certaine perspective pour les dix ans qui viennent. Il a fallu – et nous sommes actuellement engagés dans cette procédure – fourbir nos armes pour engager un recours juridique contre des décisions de la Commission européenne. Il a fallu quinze mois, depuis notre prise de responsabilités, pour renouer un dialogue qui n’existait plus, afin que les organisations syndicales soient régulièrement tenues informées de ce qui est leur vie, leur engagement, et même leurs responsabilités dans la société. Nous l’avons fait de différentes manières, en discutant avec les divers acteurs, en facilitant la mise en place d’un plan de développement, notamment celui qui permettra d’assurer le renouvellement de la flotte, dressera des perspectives, traitera du dimensionnement économique et industriel et surtout de la protection sociale, pour éviter qu’il y ait des départs contraints. Il faudra que nous allions au-delà et que nous parvenions à la stabilité dans la gouvernance. La « DDOT » que vous avez votée a permis également d’adopter des dispositions relatives au pavillon de l’État d’accueil, pour éviter le dumping social maritime – nous tenions ces propos ici même – et appliquer à un certain nombre de compagnies – qui s’en exonéraient – des règles applicables aux compagnies à pavillon français. C’est donc bien un combat de tous les jours.

Il nous faut surmonter ensemble, avec les autorités corses, les industriels, les organisations syndicales, d’importantes difficultés et franchir d’innombrables obstacles. Il nous faut à la fois rassurer et pérenniser la compagnie et son développement. La priorité des priorités est de favoriser l’emploi, d’assurer la viabilité de cette compagnie et de mettre en place les conditions de la défense de ses intérêts. Puisqu’il n’y a pas de conflictualité, mobilisons nos forces dans le sauvetage d’une société qui a bien besoin de l’engagement du Gouvernement tout entier : c’est ce qu’il fait depuis sa nomination, et cela tranche singulièrement avec ce que nous avons pu connaître, voire subir (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, inscrit sur l’article.

M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais faire quelques précisions à l’occasion de la discussion de cet article.

Tout d’abord, chacun de nous a compris au ton de M. Laurent Marcangeli, le rapporteur de cette proposition, qu’il s’agit d’un texte de conviction, et en aucun cas d’opportunisme.

Monsieur le ministre, j’ai moi aussi occupé les fonctions qui sont les vôtres aujourd’hui et ce qui me chagrine, c’est que ce n’est jamais le bon moment. Au sein du précédent Gouvernement, nous avions eu une discussion pour savoir s’il fallait ou non étendre la continuité de service public aux transports maritimes. L’opportunité s’est présentée au moment de la discussion de la loi Diard. Ainsi que vous l’avez rappelé, des amendements avaient été déposés par les députés d’origine corse et le Gouvernement d’alors avait souhaité qu’ils soient retirés. En tant que membre de ce Gouvernement, j’étais totalement solidaire avec cette décision.

En effet, le climat social était alors extrêmement difficile. Or, ainsi que vous l’avez vous-même souligné, il est plus calme aujourd’hui.

M. Arnaud Leroy. Et alors ?

M. Thierry Mariani. Je vous le demande donc : quand arrivera le bon moment ? Je reconnais que certains problèmes ont été médiatisés, mais ils n’ont rien à voir avec l’état du climat social. Si on ne peut faire ce type de propositions ni quand la situation est tendue ni quand elle est calme, à quel moment pouvons-nous le faire ?

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous donnerez acte à notre collègue Marcangeli d’avoir déposé une proposition de loi sans lien direct avec l’actualité brûlante de la presse d’hier ou d’aujourd’hui, c’est-à-dire un texte qui n’est pas une loi de circonstance.

Ensuite, la proposition de loi vise également à protéger l’intérêt des passagers, ce qui a été oublié par certains orateurs, notamment l’orateur du groupe GDR. Ce texte a également pour objet le maintien de l’emploi, qui suppose d’assurer une fiabilité auprès des clients. Si la concurrence d’une société privée sur notre sol et des compagnies italiennes est très dure, c’est précisément parce que la société française, la SNCM pour ne pas la nommer, a une fiabilité aléatoire. Combien de fois ai-je entendu les touristes expliquer qu’ils préféraient passer par Gêne pour être sûrs d’arriver dans les temps ?

Les dispositions de ce type, qui ont été adoptées pour les transports aériens, secteur dans lequel les compagnies doivent faire face à la concurrence – ce n’est pas encore le cas de la SNCM –, favorisent la fiabilité et donc l’emploi. Les passagers optent en effet pour une compagnie avec laquelle le trajet est garanti.

Permettez-moi d’insister sur le fait que nous risquons une fois encore de manquer une opportunité, ce qui est regrettable. J’espère que vous n’aurez pas à faire face à une grève dans les transports maritimes, monsieur le ministre, car alors vous vous mordrez les doigts de ne pas avoir saisi cette occasion.

Je terminerai par une note d’humour : monsieur Savary, sachez que le nom « Mariani » est d’origine italienne ; nul n’est parfait, je ne suis pas d’origine corse. (Sourires.) Mon intervention n’avait donc rien d’intéressé. Elle l’a été d’autant moins que, comme vous le savez, je suis désormais parlementaire des Français de l’étranger. Permettez-moi à cet égard de vous faire amicalement remarquer que les représentants des Français de l’étranger assurent en cet instant 30 % de la présence dans l’hémicycle !

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary.

M. Gilles Savary. Je remercie mon collègue Thierry Mariani de cette précision utile quant à ses origines. Je n’en suis que plus désolé de l’absence des Corses, puisqu’il n’y a donc qu’un Corse présent dans cet hémicycle : M. le rapporteur.

M. Laurent Marcangeli, rapporteur. S’il ne devait en rester qu’un, je serais le dernier !

M. Gilles Savary. C’est bien entendu tout à fait anecdotique.

Que nous prenions ce débat très au sérieux me semble normal, car il est intéressant. D’ailleurs, sans vouloir paraître ni sentencieux ni inconvenant, si j’ai bien compris les propos de M. Marcangeli, il s’agit de débattre non pas tant du service public que du service après-vente électoral : dont acte ! Il me semble tout à fait honorable d’essayer de faire adopter un texte qui s’appuie sur des promesses de campagne. Cela ayant été clairement explicité, il n’est pas nécessaire que nous y passions la nuit.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Marcangeli, rapporteur. Je vous remercie de ces paroles apaisantes, monsieur Savary. Elles viennent adoucir l’ambiance de ce débat, qui selon moi en avait besoin.

Je vous invite simplement à vous inspirer de cette proposition, car certaines des personnes qui ont voté pour vous voilà quelques mois regrettent leur choix, regrettent de vous avoir élu et regrettent que votre groupe soit désormais majoritaire. Le service après-vente électoral étant tout simplement le respect de la parole donnée aux électeurs, vous devriez peut-être en faire l’une de vos préoccupations.

Quant à l’article 1er, il porte sur le dialogue social précédant un conflit. Certains ont prétendu que cette proposition de loi portait atteinte au droit syndical. Sachez que je suis avocat de profession et que j’ai défendu des employés aux prud’hommes. Ma mère a exercé des responsabilités syndicales pendant vingt-cinq ans, consacrant à cette fonction une partie de sa vie. Loin de moi l’idée, donc, de vouloir porter atteinte à la liberté syndicale et au droit de grève dans ce pays ! Je suis un républicain, mais je considère qu’un certain nombre de libertés doivent être encadrées par la loi. C’est ce qui a été fait pour d’autres modes de transports et c’est ce que nous proposons dans cet article 1er auquel, monsieur le président, je suis tout naturellement plus que favorable.

Avant que nous passions au vote, je souhaite remercier monsieur le ministre de sa présence, ainsi que les administrateurs de l’Assemblée qui ont travaillé sur la rédaction de ce texte. Je salue en particulier mon collègue Thierry Mariani, qui m’a fait l’honneur de m’accompagner aujourd’hui.

(L’article 1er n’est pas adopté.)

Article 2

(L’article 2 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi. L’Assemblée ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, il n’y aura pas lieu de procéder au vote solennel décidé par la Conférence des présidents.

Avant de libérer l’ensemble des présents, je voulais exprimer ma gratitude à l’égard d’un haut fonctionnaire de l’Assemblée, Christophe Pallez, ici présent, qui pendant longtemps a accompagné les présidents et vice-présidents durant les séances, fussent-elles de nuit. Il va désormais rejoindre d’autres responsabilités dans cette maison. Je tenais à le saluer pour cette dernière séance.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, lundi 7 octobre, à seize heures :

Projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance



de l’Assemblée nationale



Nicolas Véron