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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 07 octobre 2013

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Avenir et justice du système de retraites

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (nos 1376, 1400, 1397).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, c’est avec une grande fierté que je présente aujourd’hui, au nom du Gouvernement, ce projet de loi garantissant l’avenir et la justice de notre système de retraites.

La grandeur de la politique est de donner du sens à l’action collective. Si nous voulons que cette réforme soit à la fois juste et efficace, nous devons d’abord l’inscrire dans notre histoire, laquelle est marquée par un attachement profond des Français à notre pacte social. Dans le même temps, nous devons veiller à ce que cette réforme nous permette de relever les défis d’aujourd’hui. En ouvrant de nouveaux droits aux travailleurs, comme la prise en compte de la pénibilité, nous nous inscrivons dans le sillage des grandes conquêtes sociales passées et nous renouons avec l’ambition d’un modèle de cohésion sociale qui a forgé l’identité de notre pays. Aujourd’hui, nous montrons – et nous pouvons en être fiers – qu’une réforme des retraites peut être porteuse de progrès social et de droits nouveaux.

M. Christian Paul. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. La retraite, c’est d’abord un rempart contre l’incertitude. C’est un droit inaliénable qui garantit à tous les retraités qu’ils ne seront pas victimes de la grande pauvreté. Elle doit permettre « d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence », pour reprendre la formule qui est désormais gravée dans notre Constitution.

La retraite est un droit universel qui a effacé de notre paysage national la figure autrefois banale du vieillard indigent. Elle protège et elle empêche de basculer dans la précarité.

La retraite, c’est aussi la promesse faite à chaque Français qu’après une vie de travail il y aura une vie libérée des contraintes du temps. C’est une garantie que la fin de la vie soit, non pas une période de vie sans activité, mais bien l’opportunité offerte à chacun de participer autrement à la construction de notre nation. Il n’y a plus de temps inutile dans la vie.

C’est la possibilité donnée à tous nos concitoyens d’exercer une autre forme de liberté, de suivre cette « ligne de vie et d’espoir », selon la très belle formule de Pierre Mauroy, qui permet d’inventer un nouvel âge, désormais pleinement vécu, plus souvent attendu que redouté, celui des loisirs, de la famille, de la transmission ou encore de l’engagement associatif.

La retraite, enfin, est évidemment un puissant facteur d’égalité. C’est grâce à notre système de retraites par répartition que le niveau de vie des plus âgés s’est rapproché de celui des actifs occupés. Aujourd’hui, nous n’avons plus besoin de choisir entre travailler jusqu’à la fin de nos jours et dépendre de nos enfants. Nous n’avons plus besoin d’être bien nés ou fortunés pour vivre nos dernières années dans la dignité. La retraite est et doit rester le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, si nous voulons continuer de faire briller la flamme du pacte social et républicain, auquel nous sommes attachés.

Car tout cela, nous ne le dirons jamais assez, nous le devons à notre système de retraites par répartition, voulu à la Libération par le Conseil national de la Résistance. La force – et même le génie – de ces fondateurs est certes d’avoir créé un modèle en phase avec la société d’après-guerre, mais aussi d’avoir forgé des valeurs universelles, inaltérables et immuables, que nous devons consolider et transformer afin de mieux les transmettre.

Alors que, face aux défis que nous rencontrons, s’élèvent des voix pour contester notre protection sociale, trop coûteuse aux yeux de certains,…

M. Alain Chrétien. Ce n’est certainement pas nous qui le disons !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et prôner le chacun pour soi de la capitalisation, je veux ici réaffirmer avec force mon attachement profond, et celui de tout le Gouvernement, à notre système de retraites par répartition.

M. Alain Chrétien. Il est partagé !

Mme Marisol Touraine, ministre. Cet attachement n’est pas la marque de l’immobilisme, lequel serait le plus sûr chemin vers l’abandon. Face à l’attentisme des uns et au renoncement des autres, il y a une autre voie : celle d’une gauche déterminée, résolument fidèle aux principes qui nous ont permis d’assurer aux Français un haut niveau de protection et résolument tournée vers l’avenir pour garantir aux générations qui s’engagent dans la vie active qu’elles pourront à leur tour prétendre à cette solidarité collective.

M. Denis Jacquat. C’est aussi ce que nous avons fait !

Mme Marisol Touraine, ministre. La responsabilité du Gouvernement, dans ce contexte, est de regarder les choses en face avec lucidité et de dire la vérité à nos concitoyens, à savoir qu’aujourd’hui, nous devons agir pour garantir notre système de retraites par répartition.

Mesdames, messieurs les députés, la réforme que nous engageons n’obéit à aucune injonction extérieure ; elle répond à l’exigence que nous, femmes et hommes de gauche, portons pour notre système social.

M. Alain Chrétien. Vous gouvernez pour tout le monde, pas seulement pour la gauche !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. On a vu ce que cela donnait avec vous pendant cinq ans !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est ainsi que, dès sa formation, le Gouvernement a annoncé qu’une réforme s’imposait. Nous avons sans attendre répondu aux injustices les plus criantes nées des décisions du précédent Gouvernement. C’est le sens du décret que j’ai signé dès le mois de juillet 2012, qui a d’ores et déjà permis à plus de 50 000 personnes ayant commencé à travailler tôt de partir à la retraite dès soixante ans, sans attendre soixante-deux ans.

La responsabilité du Gouvernement, c’est aussi de répondre avec ambition aux transformations de notre société que nous rencontrons au quotidien. Encore faut-il, pour ce faire, en prendre la pleine mesure.

Ces transformations, c’est évidemment, d’abord, le formidable allongement de l’espérance de vie que nous connaissons depuis maintenant un certain nombre d’années. Les générations plus nombreuses du baby-boom vont vivre plus longtemps.

Il y avait, il y a dix ans, quatre retraités pour dix actifs ; il y en a aujourd’hui cinq pour dix actifs et, en 2035, il y aura sept retraités pour dix actifs. Cet allongement sans précédent de l’espérance de vie représente évidemment une chance pour l’ensemble de notre société. Elle représente un défi que nous devons relever de façon solidaire, puisque l’espérance de vie devrait continuer d’augmenter d’une année tous les dix ans jusqu’en 2060.

Dans le même temps, il faut en finir avec les images pessimistes de notre pays et de sa démographie.

M. Arnaud Robinet. Vous y contribuez !

Mme Marisol Touraine, ministre. Contrairement à certains de nos voisins – que parfois l’on se plaît à nous montrer en exemple –, nous avons la chance, car c’est une force, de pouvoir compter sur une natalité dynamique qui représente un atout d’avenir et de confiance pour notre pays. Mais cela ne nous exonère pas de notre responsabilité immédiate.

Nous vivons plus longtemps et, dans le même temps, nous devons prendre la mesure des transformations qui se sont produites dans nos conditions de vie et de travail, lesquelles se sont diversifiées.

Il y a soixante-dix ans, c’est-à-dire au moment où se mettait en place notre pacte social,…

M. Arnaud Robinet. Que vous mettez à mal !

Mme Marisol Touraine, ministre. …la majorité des enfants quittait l’école à quatorze ans pour travailler. Les femmes s’occupaient de la vie domestique ; elles devaient encore – époque incroyable ! – demander l’autorisation à leur mari pour exercer une activité ou tout simplement pour gérer un compte bancaire. Les couples ne divorçaient pas. Les salariés entraient dans une entreprise après leurs études et la quittaient quatre décennies plus tard.

Ce monde d’hier a disparu. Faut-il pour autant le regretter ? En ignorant les nouvelles réalités auxquelles nous sommes confrontés, en limitant la question des retraites à de simples ajustements comptables, la droite a laissé s’ancrer et s’enraciner les injustices. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Chrétien. Quelle caricature ! Cessez les provocations !

M. Arnaud Robinet. Vous n’avez pas le monopole du cœur !

M. Christian Paul. On croirait une cour d’école !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous avons construit notre système de retraites par répartition pour garantir à tous une fin de vie digne. Nous devons désormais l’adapter pour permettre à chacun que les aléas nés de la carrière professionnelle ou de la vie personnelle soient pris en compte. À ce jour, aucune réforme – je dis bien aucune –…

M. Alain Chrétien. Vous êtes gonflée : vous n’avez pas réformé une seule fois les retraites en trente ans !

Mme Marisol Touraine, ministre. …n’a eu la volonté ou l’audace de prendre en compte cette vérité toute simple : nous ne pouvons tous partir en retraite dans les mêmes conditions. Nous ne pouvons ignorer la diversité des conditions de travail des uns et des autres. Les jeunes, d’ailleurs, ont été les grands oubliés des réformes précédentes.

M. Arnaud Robinet. Parce que vous, vous avez pensé à eux ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le résultat est qu’ils sont aujourd’hui les premiers à avoir perdu confiance, à ne plus croire en l’avenir de notre système de retraites par répartition. Ils font des stages de longue durée ; ils doivent parfois travailler en même temps qu’ils étudient. Ils sont plus nombreux qu’autrefois à faire le choix de l’apprentissage. Trop souvent, leur entrée dans la vie active s’apparente à un parcours du combattant. Ils ne connaîtront pas, nous le savons, les carrières linéaires qui donnaient à leurs parents ou à leurs grands-parents la certitude d’une retraite complète. C’est donc à la jeunesse de notre pays que notre projet de loi s’adresse en priorité,…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est bien de le préciser !

M. Arnaud Robinet. Nous ne nous en étions pas aperçus !

Mme Marisol Touraine, ministre. …parce que c’est à elle qu’il faut redonner confiance dans l’avenir de notre système de retraites par répartition.

Nous devons ensuite répondre – et c’est une exigence – à la plus grande des injustices qui existe, à savoir l’inégalité face à la vieillesse. Les situations de pénibilité au travail concernent chaque année près d’un salarié sur cinq dont l’état de santé sera affecté de manière irréversible. Nous ne pouvons pas demander à un ouvrier de partir à la retraite au même âge et dans les mêmes conditions qu’un cadre, alors même que son espérance de vie reste aujourd’hui encore inférieure de six ans. Nous ne pouvons pas demander à des salariés précaires de se projeter demain en retraités sacrifiés.

Les femmes, enfin, perçoivent encore aujourd’hui des pensions qui restent inférieures d’un tiers à celles des hommes. Pour l’essentiel, nous savons bien pourquoi : elles occupent des emplois moins bien rémunérés et précaires ; plus que les hommes, elles sont soumises aux contraintes des emplois à temps partiel. Elles sont également les premières à sacrifier, temporairement ou durablement, leur vie professionnelle à leur vie familiale.

Évidemment – et nous devons le dire –, notre système de retraites ne peut à lui seul relever l’immense défi de l’inégalité entre les femmes et les hommes. Il ne peut pas à lui seul réduire les fractures qui se sont accumulées tout au long de la vie personnelle et professionnelle. Cela dit, nous ne pouvons pas accepter que nos régimes de retraites entretiennent ou accentuent de telles injustices.

C’est donc pour faire face à ces injustices, pour leur apporter des réponses fortes, nouvelles et qui soient à la hauteur des défis de la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui, que je vous présente ce projet de loi.

Mais cette lutte contre les injustices serait vaine si nous ne relevions pas le défi financier auquel sont confrontés nos régimes de retraites. Les réformes qui ont émaillé ces vingt dernières années n’ont pas garanti la pérennité de notre système.

M. Arnaud Robinet. Et Mitterrand en 1983 ? Et Jospin ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Il y a trois ans à peine – faut-il le rappeler ? –, alors que la crise était déjà là, Éric Woerth promettait « zéro déficit en 2018 ». Le précédent Président de la République déclarait : « Avec cette loi, notre régime de retraites par répartition est sauvé ».

M. Alain Chrétien. Oui, exactement ! Heureusement, il était là !

Mme Marisol Touraine, ministre. La fiction n’aura tenu que quelques mois. En effet, à l’évidence, le constat est là, implacable : si nous n’agissons pas, le déficit atteindra – régimes complémentaires inclus – 20 milliards d’euros en 2020 et 26 milliards en 2040.

M. Philippe Vigier. Vous n’avez fait que la moitié du chemin ! Sinon, le déficit monterait à 45 milliards !

Mme Marisol Touraine, ministre. Les périodes de crise ne peuvent pas servir d’alibi pour affaiblir les protections collectives. Face à ceux qui prônent la privatisation et les fonds de pensions,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Qui ?

M. Arnaud Robinet. Des noms !

Mme Marisol Touraine, ministre. …nous voulons garantir que notre modèle social ne servira pas de variable d’ajustement.

Pour faire face à ses responsabilités, le Gouvernement a fait le choix d’une longue concertation.

Ce projet de loi, nous ne l’avons pas imposé par la force ou la brutalité, méthode qui vous fut trop souvent chère. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Chrétien. Arrêtez les caricatures !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous avons consulté, concerté et dialogué. C’est ainsi que nous gouvernons ! Les Français font la différence, messieurs les députés de l’opposition. Le Président de la République s’y est engagé avec force. Les choix majeurs pour l’avenir de notre pays doivent être faits dans le respect de notre démocratie sociale.

Cette réforme est donc l’aboutissement d’une longue période de concertation et d’échanges, entamée dès la grande conférence sociale de l’été 2012. Concertation et échanges, avec les représentants des salariés, des agents publics et des entrepreneurs de notre pays ; leurs contributions ont été précieuses.

Notre méthode a fait ses preuves. Il y a trois ans, des millions de Français se sont opposés à une réforme brutale et non concertée. Aujourd’hui encore, le président du principal parti d’opposition, le vôtre messieurs les députés de l’opposition,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Il y a des dames aussi !

Mme Marisol Touraine, ministre. …explique qu’une fois revenu au pouvoir, il réformerait la France en moins de six mois à coups d’ordonnances ! On voit que les bonnes vieilles méthodes ont la dent dure !

M. Alain Chrétien. Parlons-en des ordonnances, vous êtes mal partis !

Mme Marisol Touraine, ministre. La concertation et la volonté d’une réforme porteuse d’avancées sociales historiques ont permis d’apaiser les tensions, à tel point qu’après m’avoir demandé si je ne redoutais pas un automne sensible, on m’interroge pour savoir s’il ne fallait pas aller plus loin.

M. Jean-Pierre Vigier. Ah bon ? Où ?

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. À 65 ans pour l’UMP !

Mme Marisol Touraine, ministre. Mais plus loin pour faire quoi ? La droite a tellement imposé l’idée que réformer signifiait brutaliser, elle a tellement distillé le sentiment que nos retraites étaient condamnées, que l’on en oublie la réalité des défis financiers à relever.

20 milliards en 2020, un peu plus de 7 milliards pour le régime général. 26 milliards en 2040. Et ces défis, nous les relevons. Notre projet de loi permettra de garantir la pérennité financière de notre système de retraites.

Nous avons retenu trois principes d’action.

Tout d’abord, nous inscrire sur le long terme pour rompre avec les tentatives de colmatage et de rafistolage passées. 2040, cette date est l’horizon de notre réforme, parce que c’est en 2040 que les jeunes actifs d’aujourd’hui atteindront l’âge de la retraite. Il est indispensable de leur offrir davantage de visibilité, de stabilité, de définir dès aujourd’hui les conditions dans lesquelles ils pourront partir à la retraite.

Le deuxième principe qui nous a guidés est celui du respect des projets de ceux qui s’apprêtent à partir en retraite. Nous n’avons pas voulu bouleverser les conditions de départ pour les prochaines années car, outre qu’il aurait été injuste de priver les personnes concernées de visibilité, ce sont précisément ceux qui ont subi le choc de la dernière réforme qui auraient été amenés, une fois de plus, à revoir leurs perspectives.

Enfin, le troisième principe est celui d’une mobilisation de l’ensemble des composantes de notre société parce qu’il s’agit de rénover notre pacte social et que personne ne peut prétendre s’appuyer sur ce pacte sans y contribuer. Toutes les générations participeront donc, tous les acteurs économiques et tous les régimes, les régimes spéciaux comme ceux du public et du privé.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ah ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Jusqu’en 2020, d’abord, des mesures immédiates de redressement répondent à l’urgence.

Les cotisations des entreprises et des actifs augmenteront progressivement et avec mesure, de 0,15 % en 2014 puis de 0,05 % par an pour atteindre une hausse de 0,30 % au total en 2017.

M. Denis Jacquat. Je croyais qu’elles devaient baisser.

M. Alain Chrétien. Ils paieront plus de charges !

Mme Marisol Touraine, ministre. Cette disposition représentera un effort de 2,15 euros par mois pour un salarié gagnant le SMIC l’année prochaine et de 3,50 euros pour celui qui gagne 2 500 euros.

M. Arnaud Robinet. Sans compter les autres taxes !

Mme Marisol Touraine, ministre. Les retraités seront également appelés à contribuer puisque la revalorisation de leur pension, à l’exception de ce que l’on appelait le minimum vieillesse, désormais intitulé allocation de solidarité aux personnes âgées, interviendra le 1er octobre 2014 et non le 1er avril.

C’est un effort ponctuel, puisque leur retraite sera ensuite revalorisée normalement, chaque année. C’est un effort limité, qui représentera quelques euros par mois pendant six mois. C’est un effort responsable, puisque les retraites ne baisseront pas.

Ces contributions représentent un effort pour chacun. Il ne s’agit pas de le nier et de faire comme si nous pouvions restaurer l’équilibre de nos régimes de retraite sans que chacun soit appelé à y contribuer. Mais cet effort a un sens : permettre de payer nos pensions sans recourir systématiquement à l’emprunt.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Eh oui, l’emprunt, ils ne connaissent que cela !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il a un objectif : cesser de faire peser sur les générations futures le poids de l’indécision du passé. Il a une ambition : ouvrir de nouveaux droits aux salariés d’aujourd’hui.

M. Arnaud Robinet. Avec quel financement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. À partir de 2020, le relais sera pris par l’allongement de la durée de cotisation qui sera progressivement portée à quarante-trois annuités en 2035.

L’augmentation de la durée de cotisation, je le sais, fait débat, mais elle est juste parce qu’elle est en phase avec l’allongement de l’espérance de vie : lorsque l’on vit plus longtemps, il est normal de travailler un peu plus longtemps.

M. Arnaud Robinet. Vous disiez cela en 2003 ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous n’étiez pas né, en 2003, monsieur Robinet !

M. Denis Jacquat. C’est gentil, cela.

Mme Marisol Touraine, ministre. La durée de cotisation augmentera d’un trimestre tous les trois ans à partir de 2020 et cette règle sera désormais inscrite dans la loi, ce qui est protecteur. Ainsi, les jeunes générations bénéficieront d’une durée de retraite au moins égale à celle de leurs aînés. Un jeune de vingt-cinq ans pourra même profiter deux ans de plus de sa retraite que son grand-père ou sa grand-mère sur le point de faire valoir ses droits dans quelques mois ou l’année prochaine.

Désormais, la durée de cotisation devient le socle de notre système et le principal critère d’arbitrage pour les salariés. En la portant à quarante-trois annuités à l’horizon 2035 pour les générations de 1972 et au-delà, pour tous qu’ils soient salariés, fonctionnaires et agents des régimes spéciaux, nous prenons acte de la diversité des parcours professionnels et du fait que certains ont commencé à travailler tôt.

Nous privilégions ainsi une vision de long terme.

Porter une vision de long terme, c’est aussi en finir avec la navigation à vue qui a nourri la défiance des Français. L’instauration d’un mécanisme de pilotage constitue une innovation majeure. Ce dispositif s’appuiera sur le conseil d’orientation des retraites…

M. Alain Chrétien. Il existait déjà !

Mme Marisol Touraine, ministre. …mis en place en 2000 par le Gouvernement de Lionel Jospin et sur un nouveau comité de surveillance des retraites, que vous avez souhaité rebaptiser comité de suivi…

Mme Bérengère Poletti. Cela va tout changer !

Mme Marisol Touraine, ministre. …dont les recommandations seront un élément essentiel du débat public. Pour faire face à d’éventuelles difficultés ponctuelles, le comité pourra recommander des transferts du fonds de réserve des retraites. Cette procédure de suivi doit contribuer à dédramatiser les débats sur les retraites.

L’objectif de réduction des déficits est décisif mais il ne peut constituer en lui-même un projet de société. Il nous revient aujourd’hui de renouer avec le sens du progrès social afin de préserver la solidarité qui est au cœur de notre système.

Désormais, nouveauté fondamentale, notre système de retraites tiendra compte de la diversité des parcours professionnels et de leur impact sur l’espérance de vie : le port de charges lourdes dans les métiers du bâtiment ou de la manutention, l’exposition au bruit, à des températures élevées, le travail de nuit, qui touche de plus en plus de femmes, seront pris en compte pour autoriser des départs anticipés à la retraite ou accorder le bénéfice de conditions d’accompagnement.

En 2010, nous connaissions tous cette situation mais la droite l’a résolument ignorée.

M. Alain Chrétien. Voilà que cela recommence !

Mme Marisol Touraine, ministre. Rien n’a été fait pour avancer sur le terrain des droits sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est faux !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous vous étiez ainsi contentés d’un leurre : mettre en place un dispositif médicalisé et individualisé, qui a profité à 6 000, je dis bien 6 000 Français, alors qu’ils étaient plus de 3 millions à être concernés !

M. Arnaud Robinet. Parce que le dispositif sur les carrières longues permettait de répondre au problème.

Mme Marisol Touraine, ministre. Dix critères de pénibilité ont été identifiés par les partenaires sociaux dans le cadre d’une négociation. À partir du 1er janvier 2015, chaque Français exposé à l’un de ces facteurs se verra doté d’un compte de prévention de la pénibilité lui permettant de cumuler des points. Un trimestre d’exposition vaudra un point. Lorsque le salarié sera exposé à au moins deux facteurs de pénibilité, il sera crédité pour la même période de deux points.

Plusieurs solutions se présenteront à lui pour transformer ses points. J’insiste sur cet élément car il s’agit de travailler sur la prévention de la pénibilité. Nous avons l’ambition d’améliorer les conditions de travail en incitant les entreprises à revoir leurs modes d’organisation pour que les salariés puissent éventuellement transformer leur activité et changer de métier.

Les vingt premiers points devront ainsi être utilisés pour former le salarié. Au-delà, il pourra bénéficier de temps partiel rémunéré à temps plein ou partir plus tôt à la retraite. Vous avez vous-mêmes, messieurs et mesdames les députés, voulu améliorer en commission le dispositif du Gouvernement en modifiant en particulier les règles transitoires. La justice commande que nous accordions à ceux sur le point de partir en retraite le bénéfice de ce nouveau compte pénibilité alors même qu’ils n’auront pas eu le temps d’y accumuler des points. Vous avez souhaité, et le Gouvernement vous a soutenus, que les salariés de cinquante-deux ans et plus, et non plus seulement ceux de plus de cinquante-sept ans, aient le choix de l’utilisation des points qu’ils auront acquis.

Ce compte sera évidemment financé par les entreprises, car ce doit être une incitation pour elles à aménager leurs conditions de travail. Nous allons travailler en 2014 avec elles et l’ensemble des partenaires sociaux pour mettre en place un dispositif que je veux simple, accessible et pratique.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. C’est bien.

Mme Marisol Touraine, ministre. Notre réforme comporte également une avancée sociale majeure pour les femmes. Elle leur permettra de valider l’intégralité de leurs congés de maternité, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas, aussi stupéfiant cela puisse-t-il paraître ! Les femmes sont par ailleurs les premières victimes du temps partiel : à l’avenir, 150 heures de travail rémunérées au SMIC suffiront à valider un trimestre, contre 200 heures aujourd’hui. Concrètement, cela signifie qu’une femme, ou un homme mais c’est plus rare, qui travaille douze heures par semaine, pourra valider un trimestre pour la retraite.

Les jeunes sont confrontés aux difficultés croissantes d’entrée dans la vie active. Rappelons que, contrairement à ce que j’entends parfois, vingt-deux ans est l’âge moyen du début de la carrière.

Répondre aux aspirations des jeunes, c’est d’abord garantir aux 400 000 apprentis actuellement en formation, et à ceux qui vont leur succéder, que tous leurs trimestres de travail en alternance seront validés.

Mme Martine Carrillon-Couvreur et M. Germinal Peiro. Très bien !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Absolument ! Quelle belle mesure !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est ensuite faciliter la validation des périodes de chômage non indemnisé pour ceux qui connaissent des périodes de chômage ou de travail précaire au début de la vie active.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Encore une avancée sociale.

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est encore permettre à tous ceux qui travaillent pour financer leurs études de valider plus facilement ces périodes grâce à la réduction du seuil de validation d’un trimestre. Enfin, nous proposons à tous ceux qui ont obtenu un diplôme après le baccalauréat de valider jusqu’à quatre trimestres…

M. Alain Chrétien. Et avec quel argent ?

Mme Marisol Touraine, ministre. …en cotisant à un tarif préférentiel dans les années qui suivent leur diplôme.

Mesdames et messieurs les députés de la majorité, vous avez souhaité que les périodes de stage puissent faire l’objet d’une attention particulière, dans la mesure où les stages sont désormais le lot commun de ceux qui entrent dans la vie professionnelle.

M. Denis Jacquat. Vous ne l’avez annoncé qu’hier, dans le Journal du dimanche !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il est devenu de plus en plus difficile de s’installer dans la vie active sans passer par une période de stage. Je serai attentive à vos propositions, dès lors que les principes que j’ai évoqués en commission seront respectés : pas de validation sans cotisation, pas de banalisation des stages au regard des contrats de travail.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je suis certaine que nous trouverons une réponse satisfaisante et positive pour les jeunes générations.

M. Jean-Marc Germain. Philippe Vigier était pour, il devrait applaudir !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il est également juste de prendre en compte la situation des personnes handicapées ainsi que celle de leurs aidants, dont l’engagement est encore trop peu reconnu. Demain, les personnes handicapées auront plus facilement accès à la retraite anticipée et pourront bénéficier plus rapidement d’une retraite à taux plein.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Pour les aidants, nous ferons en sorte que le temps passé auprès d’un proche en situation de handicap ou perdant son autonomie soit mieux pris en compte au moment du départ à la retraite, grâce à la création d’une nouvelle majoration d’assurance. Nous ouvrons l’accès à l’assurance vieillesse des parents aux foyers, quelles que soient leurs ressources, ce qui garantira aux aidants familiaux une continuité dans leurs droits à retraite.

Enfin, cette réforme prend en compte la situation particulière du monde agricole.

M. Christian Paul. Il était temps !

M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial. Très bien ! La droite n’aime pas les agriculteurs, elle les avait oubliés ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marisol Touraine, ministre. Les pensions des agriculteurs figurent parmi les plus faibles de notre pays. Cette situation exigeait une réponse forte.

Les plus modestes des chefs d’exploitation verront leurs pensions portées à 75 % du SMIC d’ici à 2017. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Les retraites des femmes d’exploitants seront aussi significativement améliorées

M. Christian Paul. La droite n’en rêvait plus, la gauche agit ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marisol Touraine, ministre. Oui, cela fait partie des réformes que vous auriez aimé porter, mesdames et messieurs les députés de l’opposition. La triste réalité s’impose à vous : vis-à-vis des populations dont vous vous prétendez les défenseurs…

M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial. Comme les gros agriculteurs !

Mme Marisol Touraine, ministre. … la gauche s’est posée en garante de leur protection sociale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Denis Jacquat. Alors pourquoi perdez-vous les élections ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Enfin, cette concertation a montré que nos concitoyens étaient préoccupés par le manque de transparence et de lisibilité du système de retraite. C’est pourquoi j’ai tenu à ce que soit mis en place un compte individuel de retraite, qui permettra à chacun de suivre l’évolution de ses droits et facilitera l’ensemble de ses démarches.

Les règles de calcul et le versement des pensions seront unifiés pour les polypensionnés, afin qu’ils ne soient plus pénalisés dans leur retraite.

M. Denis Jacquat. C’est bien. Mais qui l’a fait ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le GIP info-retraite, qui fonctionne bien, monsieur Jacquat, sera intégré dans cette nouvelle structure. Une fois encore, nous avons été pragmatiques.

M. Arnaud Robinet. Non, dogmatiques !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est ainsi que nous rétablirons la confiance.

Mesdames et messieurs les députés, tout a changé en soixante-dix ans : la vie avant, pendant et après le travail. Aujourd’hui, la retraite représente un âge important, qui ouvre sur des actions, des contributions, des activités nouvelles. La loi ne peut ignorer ces transformations.

Certains ici voudraient que nous sacrifiions les droits sociaux sur l’autel de la crise.

M. Jean-Frédéric Poisson. Qui donc ?

Mme Marisol Touraine, ministre. La pérennité de notre système social, encore plus en temps de crise, appelle résolution, détermination et audace de notre part. Ce sont la cohésion de notre pays et notre démocratie qui sont en jeu. Lorsque la crise ronge les piliers de notre république sociale…

M. Arnaud Robinet. Que vous-mêmes mettez à mal !

Mme Marisol Touraine, ministre. … c’est notre pays tout entier qui va mal. Il vous revient de les adapter aux temps nouveaux et de les fortifier pour l’avenir. Cette grande et belle responsabilité porte le Gouvernement ; elle nous rassemble aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Huguette Bello. Très bien.

M. Arnaud Robinet. Pourquoi n’y a-t-il pas plus d’applaudissements à l’extrême gauche de cet hémicycle ?

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, la préservation de notre système de retraites par répartition est un enjeu majeur pour les Français.

Le système de retraites par répartition fait partie des idées géniales préfigurées par le Conseil national de la Résistance en 1943, et mis en place dès 1945 avec la création de la Sécurité sociale.

Ce modèle social a montré son efficacité pendant une cinquantaine d’années, mais, dès le début des années 1990, il est apparu évident que le système courrait à sa perte. En 1991, Michel Rocard, dans son livre blanc, appelait à agir.

Mme Bérengère Poletti. Ce n’était qu’un livre !

M. Michel Issindou, rapporteur. Depuis cette date, quatre réformes ont tenté de redresser la situation. En vain. La dernière, en 2010, présentée comme décisive, a échoué à garantir l’équilibre de nos régimes de retraites.

M. Denis Jacquat. C’est faux !

M. Michel Issindou, rapporteur. D’ailleurs, son ambition affichée était très mesurée. Elle visait seulement l’équilibre à 2018 ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)



Le constat est là, implacable, irréfutable : les déficits s’accumulent depuis 2004, et si la crise les a amplifiés, ce sont bien des déficits structurels qui minent le système.

M. Arnaud Robinet. Et votre politique économique !

M. Michel Issindou, rapporteur. Il est plus qu’urgent d’agir ! C’est ce que fait ce Gouvernement en présentant un projet de loi visant à garantir l’avenir et la justice de notre système de retraites, deux objectifs majeurs qui ont cruellement manqué dans les réformes précédentes.

À ceux qui en douteraient encore, je voudrais dire combien cette réforme est nécessaire. Il apparaît insupportable de laisser filer les déficits pour des dépenses de fonctionnement courantes que sont les pensions de retraite. Nous empruntons pour les payer, créant ainsi de la dette que les générations futures devront rembourser.

M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial. Absolument !

M. Michel Issindou, rapporteur. Nous savons condamner avec fermeté le surendettement des ménages. Il me paraît tout aussi cohérent de condamner l’endettement excessif de l’État et de la Sécurité sociale.

Les évolutions démographiques sont là, tout aussi implacables et irréfutables. La bosse du baby-boom, devenu papy-boom, était prévisible. Mais aucune des réformes précédentes n’a su la prendre en compte correctement. Moins prévisible était l’allongement rapide de l’espérance de vie à 60 ans, de vingt-deux ans pour les hommes et de vingt-sept ans pour les femmes. Cet allongement devrait encore se poursuivre, au rythme d’un trimestre tous les deux ans.

Il n’est jamais trop tôt pour s’attaquer aux déficits, mais il est parfois trop tard ! La dérive de nos comptes sociaux met en péril l’édifice. La retraite par répartition est un bien commun, et les tenants d’une retraite individuelle par capitalisation ne sont jamais très loin, à l’affût de la moindre faiblesse du système.

M. Gérard Sebaoun. Absolument !

M. Michel Issindou, rapporteur. Non seulement il était temps d’agir, mais il fallait agir avec méthode. La précédente réforme a choqué les Français par sa brutalité. Il s’agissait tout simplement, sans quasiment aucune autre mesure de justice, de repousser l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et l’âge du taux plein à 67 ans, dans un temps très court. La méthode utilisée par cette réforme est autrement plus démocratique.

M. Jean-Frédéric Poisson. La preuve, elle passe devant le Parlement !

M. Michel Issindou, rapporteur. Après la conférence sociale de juillet 2012, le Conseil d’orientation des retraites a produit deux rapports sur l’état des lieux et les perspectives à l’horizon 2060. La commission d’experts, présidée par Mme Moreau, a ensuite préparé des pistes de redressement pour sortir du déficit prévisible de 20 milliards d’euros à l’horizon 2020. Enfin, les partenaires sociaux ont été consultés, et même s’ils ont exprimé des désaccords, ils ont fait avancer la réflexion sur les mesures de justice contenues dans le projet de loi. Je pense notamment aux mesures de pénibilité.

Le dialogue social est devenu une réalité dans ce pays. C’est la bonne méthode pour préparer les réformes majeures. Cette réforme est nécessaire, elle a été méthodiquement menée, encore faut-il qu’elle soit efficace et juste. Madame la ministre, je voudrais saluer l’équilibre global, l’architecture réussie de votre réforme.

Dans un premier temps, elle prend en compte l’impératif de rétablissement des comptes à l’horizon 2020, car on ne peut bâtir sur du sable ! Le régime général doit donc être remis à flot dans les sept ans à venir. Cela passe par un effort partagé de tous les acteurs de la retraite.

En premier lieu, parce que notre système est très fortement contributif, l’effort est demandé sous forme d’augmentation des cotisations, et par part égales, aux employeurs et aux salariés. L’effort est progressif et modéré : 0,3 % à l’horizon 2017, soit 4,50 euros en 2017 pour un salarié payé au SMIC. Cette augmentation modeste des cotisations répond à deux objectifs, essentiels dans la période : ne pas amputer le pouvoir d’achat des salariés et ne pas alourdir les charges des entreprises.

Les retraités, eux aussi, seront mis à contribution, de façon toutefois modeste. Notre système remarquable ne fonctionne que grâce à la solidarité intergénérationnelle. On ne peut demander aux seuls actifs de financer le déficit. Là aussi, l’effort demandé aux retraités est modéré. Le décalage de la revalorisation des pensions, sauf pour les bénéficiaires du minimum vieillesse, au 1er octobre représente entre 6 et 9 euros par mois, pendant six mois, pour les pensions inférieures à 1 000 euros. Cet effort, pour ceux qui touchent de petites retraites, est réel, et d’autres mesures devront le compenser.

Mais le Gouvernement n’a pas suivi les pistes évoquées, comme la suppression de l’abattement de 10 % de frais professionnels – dont on conviendra qu’il est, dans son intitulé, ubuesque –, l’alignement de la CSG sur celle des actifs, ou la désindexation durable, comme elle est pratiquée dans les régimes complémentaires.

La fiscalisation de la majoration de 10 % pour trois enfants est une mesure de justice, et elle complétera le dispositif. Les recettes à court terme, qui s’élèvent à 7 milliards d’euros, constituent le premier étage de la fusée « sauvetage du système par répartition ».

Le second étage est constitué par l’allongement progressif – là aussi, modéré – de la durée de cotisation. Il s’agit de la faire passer progressivement de 41,5 annuités à 43 annuités à l’horizon 2035, à raison d’un trimestre tous les trois ans, à compter de 2020. Ce sont ceux qui ont aujourd’hui 40 ans, la génération de 1973, qui devront justifier les premiers de 43 annuités pour une retraite à taux plein. On mesure, là encore, la progressivité du dispositif, et l’anticipation de l’annonce.

Ces deux étages de la fusée sont étroitement liés et ne peuvent être déconnectés. L’équilibre en 2040 en dépend. C’est toute l’architecture de la réforme qui apparaît : l’augmentation des cotisations peut être modérée parce que l’allongement de la durée de cotisation prend le relais à compter de 2020.

Ce n’est qu’au prix de l’effectivité de ces deux mesures que l’objectif premier de la réforme sera atteint : préserver un niveau de vie digne et satisfaisant à ceux qui vivront de plus en plus longtemps leur retraite. À partir de 2040, les papys boomers auront laissé la place à une population active nombreuse, et notre système retrouvera son équilibre.

C’est la première fois qu’une réforme essaye de voir aussi loin ! Bien sûr, les incertitudes économiques sont de nature à contrarier cet équilibre, mais les hypothèses retenues sont réalistes, avec un taux de productivité en progression de 1,5 % et un chômage qui redescendrait fortement, grâce aux politiques que nous menons.

Pour autant, la réforme est prévoyante. Elle instaure un comité de suivi des retraites, qui, par son expertise annuelle, saura alerter les gouvernants des dérives structurelles du système, notamment de l’éloignement des objectifs poursuivis.

Au-delà de ce rétablissement des comptes, préalable et indispensable à la pérennisation du système, ce sont les mesures de justice qui caractérisent votre réforme, madame la ministre. Jamais les réformes antérieures n’ont accordé autant d’importance à la réparation des injustices, à la résorption des inégalités, à des avancées sociales aussi fortes.

M. Denis Jacquat. Vous exagérez !

M. Michel Issindou, rapporteur. La plus emblématique de ces mesures est la prise en compte, pour la première fois, de la pénibilité.

M. Arnaud Robinet. C’est faux !

M. Michel Issindou, rapporteur. La réforme de 2010 avait baptisé « pénibilité » ce qui n’était que de l’incapacité.

En avançant le départ à la retraite pour ceux qui ont un travail dont la pénibilité physique entraîne une diminution constatée de l’espérance de vie, nous accomplissons un formidable geste de solidarité. Le dispositif est simple dans sa conception. La commission des affaires sociales l’a amendé afin de prendre en compte d’éventuelles difficultés de mise en œuvre.

Je ne doute pas un instant que la bonne volonté de chacun et les critères définis, complétés par décret, permettront de mettre en place correctement la mesure. Il convient toutefois de rappeler que si ce dispositif peut autoriser un départ plus précoce, il a surtout pour vocation de sortir le salarié de son travail reconnu pénible, par une formation adaptée.

Parmi les mesures de justice que contient la réforme, il faut se féliciter que soit prise en compte la situation des femmes, trop souvent victimes de carrières morcelées, hachées, et qui liquident des retraites en droits directs – hors pensions de réversion pour les veuves – inférieures à 900 euros. Certes, la situation s’améliore, mais trop lentement. Il faut aller plus vite vers l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, condition sine qua non pour régler le problème sur le fond.

Cela, hélas, prend du temps. C’est la raison pour laquelle cette réforme contient des mesures très positives. Citons par exemple la validation d’un trimestre dès 150 heures au SMIC, la revalorisation des collaborateurs d’exploitants agricoles et d’indépendants, la prise en compte de la totalité des congés de maternité et, de surcroît, des périodes de chômage et de formation professionnelle, ou encore la volonté de refondre rapidement les droits familiaux et conjugaux. De même, en envisageant la forfaitisation d’une majoration dès le premier enfant et en revisitant les droits à la réversion, on satisfera aux légitimes attentes des femmes.

À titre d’illustration et pour répondre à celles qui craignent de ne pas atteindre les annuités nécessaires à l’obtention d’un taux plein, évoquons le cas d’une femme qui commence à travailler à 23 ans, et qui devra donc justifier de 43 annuités. Si elle a deux enfants, soit le taux de fécondité moyen en France, elle bénéficiera, au seul titre de la maternité, de huit trimestres de majoration de durée d’assurance par enfant, soit la possibilité de partir à la retraite à 70 ans… (Rires sur plusieurs bancs).

M. Denis Jacquat. Enfin la vérité !

M. Jean-Marc Germain. Il a dû aller à la convention de l’UMP ! Il cite Mariton dans le texte. (Sourires.)

M. Michel Issindou, rapporteur. … à 62 ans plutôt – pardonnez-moi le lapsus – et non à 66 ans, monsieur Jacquat !

C’est aussi et surtout aux jeunes qu’il faut redonner confiance. Les périodes d’apprentissage et d’alternance seront intégralement validées ; quant à tous ceux qui occupent des « petits boulots » d’été ou qui travaillent pour financer leurs études, la mesure instaurant un seuil de 150 heures au SMIC leur donnera des trimestres qui leur permettront de partir plus vite. Au cours de l’examen du texte, nous débattrons également des possibilités de rachat de trimestres d’études ou de stage.

Je n’entrerai pas davantage en détail dans chacun des articles du texte. Cela dit, les agriculteurs, les conjoints collaborateurs d’agriculteurs ou d’indépendants, les personnes handicapées ou encore les aidants familiaux verront leur situation fortement améliorée.

M. Jean-Frédéric Poisson. Qui paiera ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Toutes ces mesures de justice suivent un même fil conducteur : les incidents de carrière doivent être valorisés et mieux pris en compte pour le droit à la retraite. Je pense notamment aux périodes de chômage, de formation professionnelle, de maternité ou encore de maladie. C’est cela, la justice ! Et ce projet de loi fait œuvre de justice en entrant au cœur du système, en allant au plus près de la situation de chacun afin de gommer les injustices et les inégalités que produit notre système de retraites, lequel n’évolue pas forcément aussi vite que la société. Nous ne sommes plus à l’époque des carrières linéaires et des femmes au foyer !

Le temps me manque pour parler de la gouvernance et de la lisibilité du système. Pourtant, là encore, la création du GIP inter-régimes, l’accès en ligne aux comptes retraite, le guichet unique pour le dépôt des dossiers, le versement en une seule fois pour les polypensionnés sont autant de mesures qui permettront de donner davantage d’informations à nos concitoyens, de renforcer la transparence et la clarté du système – en clair, de le  simplifier.

Oui, madame la ministre, il s’agit là d’un beau projet de réforme. Je me méfie des mots : on entend de-ci de-là, surtout à ma droite, des formules, ou plutôt des « éléments de langage », selon quoi cette réforme n’en serait pas une : elle serait plutôt une « réformette », voire une « non-réforme ».

M. Denis Jacquat. C’est du Canada Dry !

M. Michel Issindou, rapporteur. Tout cela n’a guère de sens. Une réforme doit être jugée à l’aune de son efficacité : remplit-elle, oui ou non, les objectifs recherchés ?

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est ce que nous verrons !

M. Michel Issindou, rapporteur. Les nôtres sont clairs dès le titre du projet : avenir et justice.

Si nous savons ce que nous voulons, nous savons aussi ce que nous ne voulons pas. Nous ne voulons pas de conflits entre générations, car cette question nous concerne tous. Nous ne voulons pas d’une réforme qui imposerait 44 annuités et augmenterait à 65 ans l’âge légal de départ à la retraite.

M. Denis Jacquat. Ce n’est pas ce que disait Mme Touraine en 2010…

M. Michel Issindou, rapporteur. Nous ne voulons pas de conflits entre les salariés du secteur privé et ceux de la fonction publique. Nous ne voulons pas d’un système qui nous ferait insidieusement passer de la répartition à la capitalisation.

Pour conclure, madame la ministre, je veux vous dire ma fierté de porter une réforme qui a pour but de sauver notre modèle social, et de poursuivre en cela l’action visionnaire du Conseil national de la Résistance, qui inventa en 1943 notre système de retraites par répartition dont la modernité ne se dément toujours pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Huguette Bello. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames les présidentes de la commission des affaires sociales et de la délégation aux droits des femmes, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs, le projet de loi de réforme des retraites que nous examinons aujourd’hui répond, comme je l’ai rappelé lors de son examen en commission, à un triple objectif. Il vise tout d’abord à donner des perspectives de moyens à long terme à notre système, qui en avait besoin, grâce à des efforts répartis entre l’ensemble des acteurs – j’y reviendrai. Ensuite, il renforce l’équité en prenant mieux en compte les difficultés de nos concitoyens les plus vulnérables – je pense en particulier aux personnes qui exercent des emplois pénibles. Enfin, je reviendrai plus précisément sur le financement du dispositif.

Permettez-moi tout d’abord de rappeler quelle est la situation en 2012 : le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de retraites atteint quelque sept milliards d’euros – convenez que ce n’est pas rien ! – dont 5,9 milliards au titre du seul régime général. Je n’évoque pas ici – si tant est qu’il existe – le régime de la fonction publique.

M. Arnaud Robinet. Il ne vaut mieux pas !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. S’il faut prendre acte du fait que la situation s’est légèrement améliorée – de l’ordre de trois milliards d’euros – depuis 2010, je rappelle néanmoins qu’il ne s’agit que d’un effet d’optique. En réalité, au moment même où le déficit structurel du régime général diminuait, le déficit du Fonds social vieillesse, quant à lui, passait de trois milliards en 2009 à quatre milliards cette année. Il y a donc eu un effet de balancier entre le régime général et le FSV.

La réforme de 2010, comme nous l’avions dit alors que nous étions à l’époque dans l’opposition, n’était pas financée.

M. Denis Jacquat. C’est faux !

M. Arnaud Robinet. Si ce ne sont pas des « éléments de langage » !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Pourtant, MM. Fillon et Woerth nous ont expliqué le contraire, la main sur le cœur, en prétendant que nous ne connaîtrions aucune difficulté jusqu’en 2020.

M. Denis Jacquat. Oui, mais depuis, il y a eu la crise !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Pas seulement !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Avec vous, il y a des crises tous les ans, monsieur Jacquat.

Au fond, vous pensez qu’une réforme des retraites doit nécessairement se faire dans le sang. Une bonne réforme, selon vous, se mesure à l’aune du nombre de manifestants qu’elle met dans la rue.

M. Arnaud Robinet. Ils y descendent à cause des politiques que vous menez !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Ce n’est pas le choix que fait le Gouvernement. Au contraire, le Gouvernement a d’abord fait le choix du dialogue.

M. Denis Jacquat. C’est aussi ce que nous avons fait !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Il a commencé par établir un diagnostic avec le Conseil d’orientation des retraites, en permettant à Mme Moreau d’accomplir un travail remarquable.

M. Arnaud Robinet. Le COR n’aurait donc jamais mis personne dans la rue ?

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Il s’est ensuite engagé dans un dialogue constructif et serein avec les partenaires sociaux - il ne s’agissait pas là d’une négociation, mais d’une consultation, au cours de laquelle chacun a pu exprimer ses attentes. C’est ainsi que nous examinons aujourd’hui un texte de loi qui s’est construit dans la durée, depuis huit mois que Mme la ministre, que nous remercions, conduit ce travail de fond.

En dehors du pillage du Fonds de réserve pour les retraites à hauteur de deux milliards d’euros, pas un euro n’a été consacré au financement de la réforme de 2010.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est vrai !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. C’était une réforme sans argent, que vous avez financée à crédit en creusant les déficits – qu’il nous revient aujourd’hui de corriger.

M. Denis Jacquat. Et la crise ?

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. En clair, nous devons payer les déficits de la droite.

M. Arnaud Robinet. Vous ne croyez pas ce que vous dites !

M. Denis Jacquat. Répétez-le nous donc les yeux dans les yeux !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Or, tout cela coûte très cher. M. le rapporteur l’a dit à raison : on ne saurait réformer notre système de protection sociale en creusant des trous dans le budget de la Sécurité sociale. Nous sommes donc en train de corriger vos erreurs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Robinet. Qui parlait de recul de l’âge de départ à la retraite pendant la campagne, monsieur Terrasse ?

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Le travail accompli par le COR a permis de trouver une voie – certes étroite – pour financer la réforme tout en répondant à des exigences sociales. J’ajoute à cet égard que de nombreuses dispositions concernant les retraites seront prises dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

M. Denis Jacquat. Il n’y a rien sur l’assurance vieillesse dans le PLFSS !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. C’était d’ailleurs déjà le cas dans le passé : les réformes de 2003 et 2010 contenaient de nombreux dispositifs financiers qui se sont retrouvés dans les projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale. Pour ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2014, je me réjouis que l’on revienne sur le gel du barème de l’impôt sur le revenu : cette mesure ira dans l’intérêt des retraités, alors même que la droite, en son temps, avait dégelé le dispositif, entraînant du même coup une hausse massive de l’impôt des retraités. Le Premier ministre a d’ailleurs récemment annoncé l’ouverture d’une décote sur l’impôt sur le revenu qui permettra, dès l’année prochaine, d’y assujettir un nombre moindre de personnes âgées. En clair, plusieurs mesures viendront compléter et articuler davantage la réforme des retraites dans le PLF et dans le PLFSS.

Ne le nions pas : il va de soi que des efforts seront demandés aux uns et aux autres. Ces efforts sont connus : ils sont également répartis entre les employeurs, les actifs et les retraités. La hausse des cotisations salariales sera de 0,15 point en 2014, puis de 0,05 point au cours des trois années suivantes, soit 0,3 point en 2017. Mme la ministre l’a rappelé : ce dispositif nous permet d’assurer correctement le financement du système jusqu’en 2020, tandis que le financement complémentaire proviendra de l’allongement de la durée de cotisation.

Au fond, la question importante est la suivante : les personnes qui partiront à la retraite en 2035 avec 43 annuités de cotisations passeront-elles plus ou moins de temps à la retraite qu’aujourd’hui ? La réponse est simple : oui, les retraités de 2035 auront une retraite plus longue que celle de leurs parents et de leurs grands-parents. Rappelons à cet égard que l’espérance de vie en bonne santé progresse, et que c’est une très bonne chose.

Les retraités, eux aussi, participeront à l’effort. On ne saurait en effet exiger des jeunes qu’ils contribuent seuls à l’équilibre des retraites, au risque de créer un décalage entre les générations. À force de trop demander aux jeunes, on court le risque de les désintéresser de notre système de retraites et de la solidarité intergénérationnelle et de les inciter à se tourner vers les fonds de pension. Il est donc essentiel que chacun participe, les retraités comme les autres. De ce point de vue, le Gouvernement n’a souhaité augmenter ni la CSG, ni la CRDS : nous prenons acte de cette bonne nouvelle. Il sera demandé aux retraités comme aux actifs une petite contribution.

M. Denis Jacquat. Après les élections !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. En outre, le décalage entre niveaux de revalorisation n’affectera pas les petites pensions : nous remercions le Gouvernement de tenir son engagement sur ce point. De même, la revalorisation des pensions de retraite est décalée au mois d’octobre, car c’est à ce moment de l’année que l’inflation est connue. Rappelons que dans le passé, les augmentations étaient pratiquement nulles pendant quelque temps avant de bondir soudain en toute confusion, avec un ou deux ans de retard. Désormais, l’augmentation sera décidée dès lors que l’inflation sera connue, c’est-à-dire en octobre. C’est une mesure cohérente, prise dans l’intérêt des retraités.

M. Denis Jacquat. Vous les roulez !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Les retraités n’auront plus à attendre l’année n+1 ou n+2 pour connaître l’augmentation de leur pension : c’est une excellente chose.

Madame la ministre, permettez-moi d’en venir aux quelques modalités du texte qu’il conviendrait d’améliorer.

M. Philippe Vigier. Ah !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Nous ne sommes pas là pour valider tout ce que le Gouvernement nous propose, mais pour l’aider…

M. Denis Jacquat. Nous aussi !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. …et pour contribuer à l’amélioration du texte.

M. Arnaud Robinet. Vous avez pourtant été bridés lors de l’examen en commission !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Le problème de la droite, c’est qu’elle ne fait guère de propositions, alors que, de notre côté, nous travaillons sérieusement avec les députés du groupe socialiste et de la majorité.

M. Arnaud Robinet. M. Guedj dit précisément l’inverse !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Nous avons fait plusieurs observations au Gouvernement, qui les a entendues. Les années de rachat, tout d’abord : il conviendrait, madame la ministre, que les jeunes puissent racheter des trimestres au-delà de cinq ans, car cette durée est trop courte.

Par ailleurs, on peut imaginer que ce rachat ne se fasse pas en capital. Petit à petit, on peut imaginer un système de capitation de manière que les sommes soient modestes et que chacun puisse racheter ses années d’études.

Pour ce qui est des stages, j’y tiens personnellement. Depuis le début, je monte au créneau sur ce sujet et j’ai eu l’occasion de vous en parler personnellement à plusieurs reprises. Vous avez entendu les parlementaires socialistes sur ce point.

M. Arnaud Robinet. Et nos amis de l’UDI tout de même !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Nous attendons que vous présentiez un amendement – que nous n’avons pas pu déposer parce qu’il tombait sous le coup de l’article 40 – afin que les années de stage puissent être validées. Cela étant, vous avez raison de dire qu’il doit y avoir une petite participation des stagiaires. Cela me semble utile et important : rien ne peut être gratuit.

Mon dernier point portera sur le cumul emploi retraite. Je ne suis pas certain d’avoir la majorité, même dans mon propre groupe ! Quoi qu’il en soit, disons la vérité : que se passe-t-il aujourd’hui ?

Par exemple, vous êtes cadre dans une entreprise.

M. Denis Jacquat. Il n’y a pas que des cadres !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Du jour au lendemain, vous demandez votre départ à la retraite, ce à quoi vous avez droit. Le surlendemain, vous revenez voir votre employeur et vous êtes réembauché. Vous touchez alors votre retraite et votre salaire.

Mme Kheira Bouziane. C’est honteux ! Place aux jeunes.

M. Jean-Marc Germain. Bien.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Il y a là un vrai problème. Non que je sois totalement opposé à cette idée. Je vois que Jean-Marc Germain m’approuve. Oui, je pense qu’il faut limiter, plafonner le montant qu’ils perçoivent. On ne peut pas imaginer que des gens qui, aujourd’hui, ont de bons salaires…

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Je pense qu’une personne doit pouvoir cumuler un emploi et une retraite, bien que cela ne satisfasse pas totalement les jeunes qui, eux, veulent rentrer dans la vie active. Mais il n’y a pas vraiment de corrélation entre les deux. Cela étant, l’idée d’un plafonnement ne me paraît pas inintéressante.

M. Denis Jacquat. Donc, il faut renvoyer le texte en commission !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Pour conclure, votre projet, madame la ministre, est juste et équilibré financièrement. Il fera date, car prendre en compte la pénibilité était une promesse du Président de la République, et cette promesse est en passe d’être réalisée.

Madame la ministre, je suis heureux de vous accompagner dans le cadre de ce projet de loi et, comme moi, l’ensemble des membres de la commission des finances a approuvé ce texte de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Arnaud Robinet. Ce n’est pas ce que vous dites en off !

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

M. Denis Jacquat. Il faut applaudir la présidente de la commission, qui est une femme de caractère !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, garantir l’avenir de notre régime d’assurance vieillesse peut être considéré comme un objectif de valeur constitutionnelle puisque le préambule de la Constitution de 1946, comme le rappelle le rapport Moreau, assigne à ce régime un objectif clair : garantir à tous la sécurité matérielle à l’issue de la vie professionnelle.

Le projet de loi dont nous discutons mérite tout d’abord que l’on s’attarde sur son titre – les mots ont un sens –, car il vise à garantir « l’avenir et la justice du système de retraites ».

Il s’agit d’assurer l’avenir de notre dispositif de retraites, car il est vital pour notre société de garantir la pérennité de ce mécanisme fondamental de solidarité intergénérationnelle, constitutif de notre pacte républicain, ce qu’aucune des réformes précédentes n’a su faire.

Mme Bérengère Poletti. Celle-là non plus !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et si elles n’ont pas su le faire, c’est notamment parce qu’elles ont oublié une chose essentielle, à savoir que cette pérennité ne saurait être assurée sans justice.

Nos concitoyens comprennent très bien que l’augmentation de l’espérance de vie, dont nous pouvons nous féliciter, déséquilibre néanmoins notre régime de retraite par répartition tel qu’il a été imaginé à la Libération et auquel tous les Français sont profondément attachés.

M. Arnaud Robinet. Il y a seulement quelques années, vous ne le compreniez pas…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Alors qu’il y avait quatre actifs pour un retraité en 1960, il n’y en aura plus que 1,5 en 2020. Cette seule donnée suffit pour comprendre que notre système est confronté à un choc démographique très important dont les conséquences ont été aggravées par la crise économique. Si l’on veut le sauver, il faut forcément le réformer.

Mais cette réforme, pour indispensable qu’elle soit, ne sera acceptée que si elle se fait dans la justice. Il est donc juste de permettre à celles et à ceux qui ont subi des conditions de travail difficiles de recevoir une compensation sous forme de trimestres de retraite supplémentaires, d’un passage à temps partiel en fin de carrière ou d’un changement d’orientation professionnelle pour, comme l’a fort bien dit Mme la ministre, réduire les facteurs de pénibilité qui génèrent des inégalités dans l’espérance de vie entre les ouvriers et les cadres – cela concerne aussi d’autres catégories sociales.

Face à l’échec prévisible du mécanisme prévu par la loi de 2010, il était indispensable d’agir.

Ce projet de loi s’attache aussi aux inégalités hommes femmes en matière de retraite. Je n’en dirai pas plus, car la présidente de la délégation aux droits des femmes, Catherine Coutelle, l’expliquera beaucoup mieux que moi.

Cette volonté de justice voulue par notre majorité se retrouve dans bien d’autres dispositions de ce texte.

Celles qui concernent les jeunes, d’abord, en permettant aux apprentis de valider tous leurs trimestres d’apprentissage et en facilitant le rachat d’années d’études quand on a obtenu des diplômes après le bac. Vous allez dire, mes chers collègues de l’opposition, que cela, ce n’est pas s’intéresser aux jeunes. C’est inacceptable ! Allez donc demander aux apprentis s’ils ne seront pas contents à l’avenir de voir valider leurs trimestres d’apprentissage !

M. Denis Jacquat M. Arnaud Robinet et Mme Bérengère Poletti. On n’a rien dit !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur Robinet !

M. Denis Jacquat. On est calmes, on est gentils, et on se fait engueuler !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Dans ce domaine, il reste une question difficile, madame la ministre, celle de la prise en compte des stages. Lors de la réunion de la commission et dans la presse ce week-end, vous avez annoncé que vous proposeriez des pistes de solution lors de la discussion en séance publique.

M. Philippe Vigier. Après l’avoir refusé en commission !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Votre majorité attend donc vos propositions sur ce point.

C’est la volonté de justice qui explique également les mesures visant à atténuer les conséquences sur la retraite des carrières heurtées par l’extension de la validation des périodes de formation professionnelle et de chômage non indemnisées ou par l’élargissement des trimestres pris en compte dans le cadre du dispositif « carrières longues ».

C’est la volonté de justice, enfin, qui justifie les avancées proposées en matière de retraites agricoles ou de retraites des travailleurs handicapés et des personnes aidant les personnes handicapées dans leur vie de tous les jours.

M. Philippe Vigier. Ça, c’est bien.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce projet de loi s’attache donc à réparer de nombreuses injustices, ce qui le différencie des précédentes réformes des retraites, mais il rompt aussi avec le passé par la méthode qui a présidé à sa préparation et par la manière dont il est présenté.

S’agissant de la méthode, je la rappelle, car il semblerait que l’opposition ait la mémoire courte…

M. Denis Jacquat. On n’a rien dit ! On est sages comme des images…

M. Philippe Vigier. On n’a pas encore pris la parole !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. La réforme a été menée en trois temps : le temps du diagnostic avec les rapports du Conseil d’orientation des retraites de décembre 2012 et janvier 2013 et le rapport de la commission pour l’avenir des retraites, présidée par Mme Yannick Moreau, que nous avons d’ailleurs auditionnée ; le temps de la concertation avec les partenaires sociaux, qui a eu lieu durant l’été 2013, amorcée dès la première conférence sociale de juillet 2012 ; le temps de la décision, enfin, qui s’est engagé avec l’adoption du projet de loi en Conseil des ministres, le 18 septembre 2013.

Cette manière maîtrisée d’avancer en laissant du temps pour la réflexion et la concertation est particulièrement opportune et s’est avérée, à mon sens, efficace. Madame la ministre, je voudrais vous féliciter d’avoir choisi cette méthode.

M. Arnaud Robinet. Cirage de pompes…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Puisque je m’adresse à vous, j’en profite pour vous rappeler que la majorité parlementaire sera très attentive aux mesures ou aux réflexions que vous avez annoncées, notamment lors de la discussion des prochains projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

Dans le prochain budget, la majorité attend en particulier des gestes significatifs pour les retraites les plus faibles, en tout cas pour celles qui sont au-dessus du minimum de l’ASPA – l’allocation de solidarité aux personnes âgées – qui s’élève à 787 euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C’est pourquoi, chers collègues de l’opposition, lorsque vous parlez de « députés godillots », nous n’avons pas de leçons à recevoir de votre part !

M. Denis Jacquat. Est-ce qu’on a dit qu’on était contre ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Personne, dans la majorité, ne prétend que cette réforme est parfaite et règle définitivement tous les problèmes. Mais nous la défendons avec fierté, avec confiance et sans aucune arrogance, comme par le passé. Preuve en est, un comité de suivi est installé pour en suivre l’application et proposer les mesures que la conjoncture ou l’évolution des paramètres pourraient rendre nécessaires.

La commission des affaires sociales a beaucoup travaillé sur ce texte. Entre les auditions des partenaires sociaux, de Mme la ministre et l’examen des articles, nous nous sommes réunis pendant plus de vingt-trois heures, et je profite de cette occasion pour féliciter notre rapporteur, M. Michel Issindou, pour la qualité de son travail (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), et remercier tous ceux et celles qui, dans le personnel de l’Assemblée, l’ont aidé dans sa tâche.

Le texte dont nous discutons est bien une réforme de notre système de retraites, une réforme importante, sérieuse, bien pensée et juste. Oui, il y a une autre manière de faire de la politique et la faiblesse des résultats obtenus devrait inciter certains et certaines à s’exprimer avec plus de mesure et de retenue.

M. Denis Jacquat. Ce qui veut dire ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pour conclure, je voudrais revenir sur une disposition qui me paraît significative de la manière avec laquelle nous avons abordé le dossier des retraites : celle qui va simplifier grandement la situation des polypensionnés en mettant en place un guichet unique qui sera leur seul interlocuteur lorsqu’ils voudront liquider leur pension.

Il s’agit d’une mesure de simplification, une mesure qu’on peut, à première vue, juger modeste, mais qui va avoir un impact direct sur la vie des Françaises et des Français. En ce sens, cette réforme me paraît emblématique d’une nouvelle façon de faire à la fois pragmatique, rigoureuse et juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, enfin une réforme des retraites qui agit en faveur des femmes.

L’égalité entre les femmes et les hommes est au cœur des préoccupations du Gouvernement, qui a demandé aux partenaires sociaux de s’emparer de ce sujet lors de la conférence sociale pour préparer cette réforme. Longtemps ignorée par la précédente majorité, la résorption des inégalités de pension entre les femmes et les hommes est attendue des Français et surtout des Françaises.

Nul ne peut nier l’injustice des précédentes réformes qui ont fortement défavorisé les femmes. Elles ont abouti à ce qu’elles aient aujourd’hui en moyenne une retraite de droit direct inférieure de 40 % à celle des hommes, et de 30 % avec les droits conjugaux et familiaux.

Pourquoi, alors que les femmes sont entrées massivement sur le marché du travail dans les années soixante-dix, y a-t-il encore cette inégalité au moment de la retraite ? Les modes de calculs des pensions, calqués dès l’origine sur les carrières des hommes, sont défavorables à celles des femmes – souvent plus courtes, interrompues, moins rémunérées et moins linéaires. De plus, les régressions portées par la droite, lors des trois dernières réformes, ont davantage touché les femmes.

Je pense au calcul du salaire moyen basé sur les vingt-cinq meilleures années. Quand les carrières sont courtes, il y a forcément de mauvaises années. Je pense également à l’augmentation du nombre de trimestres demandés, associée à la mise en place de la décote pour les retraités n’ayant pas le nombre de trimestres nécessaires…

M. Arnaud Robinet. C’est ce que vous mettez en place !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. …ou au report de la borne d’âge à soixante-sept ans pour une retraite à taux plein, qui pénalise principalement les femmes.

Salaires et durée de cotisation sont les facteurs déterminants pour une bonne retraite. Ces deux facteurs jouent malheureusement en défaveur des femmes discriminées sur le marché du travail. Les inégalités salariales persistent en dépit des nombreuses lois sur ce sujet. En 2013, la différence de salaire à compétence et poste équivalents est de 10%. C’est injustifiable et intolérable.

Ces inégalités salariales ont été aggravées à partir des années quatre-vingt-dix par l’explosion des temps partiels, occupés à 80 % par des femmes. Un temps partiel conduit à un salaire partiel, puis à une retraite très partielle. Il faut non seulement supprimer toute incitation au temps partiel, mais le rendre plus coûteux.

Ces femmes à l’emploi du temps « hyperflexible » sont devenues la variable d’ajustement d’activités qui doivent se plier à tous les caprices de la demande dans la grande distribution, les magasins de bricolage, ou les services à la personne.

Le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi a contraint les temps partiels inférieurs à vingt-quatre heures. Il faudra suivre l’application de cette réforme avec attention et la renforcer si nécessaire.

Les temps partiels concernent 30 % des femmes en activité. Si rien n’est fait pour enrayer cette pratique, si rien n’est fait pour mieux prendre en compte cette précarité dans les modes de calcul des retraites, la convergence des retraites entre les femmes et les hommes est illusoire.

Cette convergence des salaires servait de remède miracle en 2010 à M. Woerth pour résoudre les inégalités en matière de retraite ! S’il faut être optimiste et volontariste sur ce sujet – et ce Gouvernement l’est, s’agissant de l’égalité entre femmes et hommes –, il serait dangereux et naïf de ne croire qu’à la convergence simple. Actuellement, les inégalités salariales et professionnelles ne se réduisent pas. La convergence des trimestres validés par les femmes et les hommes est loin d’être acquise et les projections restent contradictoires sur ce sujet capital. Il serait bon d’avoir des études un peu plus approfondies sur les conséquences des réformes concernant les femmes.

Mme Véronique Massonneau. Très bien !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Il ne faut pas en conclure trop rapidement, monsieur le rapporteur, que nous parviendrons à cette convergence. Selon des projections du COR, les inégalités en matière de retraite ne se résorberont que partiellement et elles s’élèveront encore à 20% pour les générations qui arriveront à la retraite en 2040.

L’égalité professionnelle et le développement de droits spécifiques aux femmes constituent des objectifs prioritaires de la délégation. Des mécanismes à effet immédiat et des mesures fortes doivent être mis en œuvre. Mais le temps s’écoule, j’irai donc à l’essentiel. Votre projet de loi, madame la ministre, comporte des avancées pour les retraites des femmes, que je ne détaillerai pas mais dont je me félicite : sur le seuil de 150 heures de SMIC, les congés maternité, les aidants familiaux, la prise en compte de la pénibilité qui constitue une très grande réforme, celle des conjoints et le pilotage par un comité de suivi dont la mission est de mesurer les écarts. La délégation a réalisé des auditions et produit dix recommandations, dont certaines font l’objet d’amendements.

La délégation propose de placer la parité au cœur des préoccupations du COR, de lui confier des missions sur l’inégalité des pensions, de fixer au régime des retraites un objectif quantifié de réduction des inégalités, de fixer le minimum contributif à 75 % du SMIC et de réaliser des études sur les conséquences des différentes mesures. Je ne parle pas des droits familiaux et conjugaux qui feront l’objet d’un travail ultérieur, ce qui me semble une bonne méthode. La délégation a formulé plusieurs recommandations sur les réformes et les négociations annuelles. Enfin, le Gouvernement a décidé, sur la base des constats du COR et de la commission Moreau, de refonder les droits familiaux.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. C’est une très bonne chose !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Le calendrier est propice à l’indispensable réflexion. Nous y serons bien sûr attentifs, car certains droits sont aujourd’hui plus favorables aux hommes qu’aux femmes, comme par exemple l’abattement de 10 % sur les pensions, plus favorable aux hommes à 70 %.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Absolument !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. En conclusion, le Gouvernement se livre aujourd’hui à un exercice difficile. Vous avez reconnu, madame la ministre, que la réforme ne peut à elle seule résorber toutes les inégalités accumulées en cours d’une carrière. Mais le Gouvernement a réussi à reprendre la réforme de 2010 qui n’avait rien résolu et à écouter les partenaires sociaux, le tout dans un contexte budgétaire très contraint. L’exigence de justice qui est la nôtre nous impose donc de débattre afin d’améliorer, de préciser et de voter votre texte. Au cours de son audition par la délégation aux droits des femmes au mois de juin dernier, Mme Vallaud-Belkacem rappelait qu’une réforme n’intégrant pas d’emblée l’égalité risque d’aggraver les inégalités. À l’inverse, en faire d’emblée un objectif, comme le fait votre projet de loi, madame la ministre, constitue un grand progrès. L’égalité, nous y parviendrons ! La réforme propose de nombreuses mesures ambitieuses. La délégation s’engage à en faire le suivi dans le but de faire progresser l’égalité entre les hommes et les femmes en vue d’un avenir plus juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Huguette Bello. Très bien !

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un Mouvement Populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Christian Paul. L’auteur de La mort de l’État-providence !

M. Arnaud Robinet. Merci de cette publicité.

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la présidente de la délégation des droits des femmes, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, notre époque présente une caractéristique terrifiante.

M. Michel Issindou, rapporteur. Quel suspense !

M. Arnaud Robinet. Grâce à Internet, on peut retrouver tout ce qui a été dit par le passé.

M. Christian Paul. Y compris vos écrits, monsieur Robinet ! Dans lesquels vous proposez de passer de la Sécurité sociale à l’assurance !

M. Arnaud Robinet. Par exemple, si l’on tape « parti socialiste » et « réforme des retraites », on ne trouve rien. C’est normal, vous n’avez jamais osé faire quoi que ce soit à ce propos, aucune réforme. Mais nous y reviendrons un peu plus tard.

M. Jean-Marc Germain. Et « Robinet » et « retraites » ?

M. Arnaud Robinet. Et si l’on tape « Marisol Touraine » et « retraites », sur quoi peut-on bien tomber ? Sur un débat qui a eu lieu ici même lors de la dernière réforme des retraites, celle que nous avions engagée. L’actuelle ministre des affaires sociales avait pris la parole au cours d’une motion de rejet et s’exprimait en ces termes : « Nous le disons très clairement : l’âge légal de départ en retraite doit rester fixé à 60 ans ». Tiens donc ! Est-ce ce que vous faites aujourd’hui, madame la ministre ? Ou bien la réalité du pouvoir a-t-elle enfin pris le pas sur la démagogie électorale ?

Encore plus fort, vous aviez l’outrecuidance de continuer ainsi : « Comment les Français peuvent-ils faire confiance à une majorité dont le principal représentant fait valser les promesses de campagne comme s’il s’agissait de vulgaires slogans publicitaires ? Quelle crédibilité accorder à votre parole quand les engagements pris ne sont pas tenus ? » Tiens donc ! Prenons quelques sorties médiatiques, qui n’étaient pas autre chose, prononcées en 2003, lorsque Mme Aubry se battait contre Ségolène Royal et François Hollande contre Daniel Strauss-Kahn. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Dominique !

M. Jean-Marc Germain. Vérifiez sur Google ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Et Jaurès dans tout cela ? Et Blum ?

M. Arnaud Robinet. En 2003, le parti socialiste dénonce, par la voix de son porte-parole Benoît Hamon, la décision du Gouvernement d’allonger la durée de cotisation.

M. Jean-Marc Germain. Ce n’est pas Léo Hamon ? (Mêmes mouvements.)

M. Arnaud Robinet. Plus tard, lors du congrès de Dijon, la motion de François Hollande promettait de maintenir à soixante ans l’âge de départ à la retraite.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. C’est le cas, depuis le décret de 2012 !

Mme Bérengère Poletti. Démagogie !

M. Alain Chrétien. Un revirement de plus !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et le congrès de Tours ?

M. Arnaud Robinet. Vous-même, madame la ministre, annonciez tambour battant en 2010 le retour de l’âge légal à soixante ans, que vous érigez en totem en 2012, excluant tout allongement de la durée de cotisation. Force est de constater qu’il y avait bien un loup derrière tout cela. Je m’en tiens donc à ce que vous disiez de la défiance des Français à l’égard de ceux qui leur mentent. On ne peut plus vous accorder la moindre crédibilité car le mensonge a été l’oxygène de votre campagne présidentielle ! À cause de vous, il est aujourd’hui celui des extrêmes. Il vous asphyxie et empêche le pays d’avancer. Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)



Toujours plus fort, toujours plus grand, car vous ne semblez pas avoir de limite, François Hollande reconnaît, dans le document intitulé « Stratégie de politique économique de la France » qui a été envoyé à Bruxelles, que l’âge effectif, et non légal, de départ à la retraite augmentera en conséquence de l’allongement à quarante-trois annuités de la durée de cotisation à partir de 2035. À terme, un assuré entamant sa carrière à vingt-trois ans, car c’est la moyenne en France, ne pourra partir à la retraite au taux plein qu’à partir de soixante-six ans. C’est écrit noir sur blanc page 21. Ainsi, l’âge légal de départ à la retraite est maintenu à soixante-deux ans mais l’âge effectif de départ, qui constitue bien sûr le critère déterminant au regard de la soutenabilité des finances publiques, devrait augmenter mécaniquement. Selon que le président Hollande se situe d’un côté ou de l’autre de la frontière belge, ses déclarations ne sont plus les mêmes !

M. Gérard Sebaoun. Laissez les Belges tranquilles !

M. Arnaud Robinet. Après l’évasion fiscale de l’un de ses ministres, François Hollande invente l’évasion politique ! Son quinquennat est un cimetière de promesses non tenues dans lequel bataillent les ministres pour donner les derniers sacrements à leurs convictions, si tant est qu’ils en aient eu un jour. Amis d’Europe Écologie Les Verts et d’extrême gauche, on vous salue !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Parlez-donc de votre projet !

M. Arnaud Robinet. Non content d’avoir menti, vous ajoutez au mensonge le manque de courage politique. Ce que vous nous proposez n’est pas une réforme mais un simple projet de loi. D’ailleurs, vous n’avez jamais osé vous confronter au problème. MM. Balladur, Fillon, Bertrand et Woerth ne sont pas issus de vos rangs, sauf erreur de ma part, et toutes leurs réformes, grâce auxquelles nos aînés touchent aujourd’hui une retraite, sont le fruit de nos engagements. La meilleure preuve, c’est que Mme la porte-parole du Gouvernement a récemment peiné à trouver un exemple de réforme des retraites menée par la gauche.

M. Alain Chrétien. Il n’y en a pas !

M. Guillaume Larrivé. Un livre blanc, rien d’autre !

M. Arnaud Robinet. Et pour cause ! Comme le dit mon collègue, vous n’avez jamais rien entrepris à ce sujet. Dès lors, à quoi vous engagez-vous ?

M. Alain Chrétien. À une hausse des taxes !

M. Arnaud Robinet. Vous vous engagez à alourdir encore un peu plus la facture des Français. Finalement, votre réforme des retraites, si on peut l’appeler ainsi, nous aurions pu l’écrire à votre place, car nous savions en quoi elle consisterait : une augmentation d’impôts. Charles Dickens aurait dit : « C’était sûr comme les impôts et ça, il n’y a rien de plus sûr ». Surtout avec vous !

M. Jean-Marc Germain. Daniel Dickens ? (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Arnaud Robinet. Je suis désolé de faire étalage de vos défauts, chers collègues de la majorité, mais à un moment donné il y en a assez de vous entendre vous défausser et toujours blâmer vos prédécesseurs de votre incompétence. J’aurais préféré que l’on débatte sereinement, sans a priori idéologique, d’un sujet si important pour nos concitoyens, mais vous nous en avez empêché.

M. Philippe Vigier. Eh oui !

M. Arnaud Robinet. Le résultat, c’est que vous détruisez le principe même et l’idéal du Conseil national de la Résistance qui prévoyait, parmi les mesures à prendre dès la Libération, de promouvoir une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours. En effet, l’augmentation des impôts, des taxes et des cotisations, c’est la négation même de la retraite par répartition !

Mme Véronique Louwagie. Tout à fait ! Très bien !

M. Arnaud Robinet. À propos d’un sujet si difficile et si risqué socialement, l’opposition prend ses responsabilités. Si nous perdons les prochaines échéances électorales en ayant dit la vérité, au moins perdrons-nous la tête haute !

M. Alain Chrétien. On les gagnera !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Avec M. Fillon ou M. Sarkozy ?

M. Alain Chrétien. Avec M. Fillon !

M. Arnaud Robinet. Vous ne semblez toujours pas avoir compris que les temps ne nous permettent plus de faire tout et n’importe quoi avec de l’argent qui ne nous appartient pas. Avec vous, nous sommes passés de la France des Trente Glorieuses au quinquennat piteux !

Mme Bérengère Poletti. Ce sont les Trente Piteuses !

M. Germinal Peiro. C’est minable ! Ce n’est pas au niveau de l’Assemblée Nationale !

M. Denis Jacquat. Mais si !

M. Germinal Peiro. Retournez dans votre caniveau !

M. Arnaud Robinet. Nous proposons de répondre à la croissance des déficits de nos régimes de retraite et à l’évolution démographique, qui entraîne aussi des contraintes financières, par une réforme en profondeur nécessaire au maintien de notre régime de répartition. Cette réponse tient en trois points et a pour fil rouge le refus d’une baisse des pensions comme d’une hausse des impôts.

Le premier point, c’est le travail. Il s’agit de privilégier le travail aux hausses d’impôts par l’allongement progressif de la durée de cotisation et le recul de l’âge minimal de départ à taux plein à soixante-cinq ans, comme dans la plupart des pays européens. Tous les Français pourront partir en retraite à taux plein à soixante-sept ans. C’est l’inverse de ce que vous proposez, c’est-à-dire une hausse du coût du travail et une hausse d’impôts pour les salariés. Le deuxième point, c’est la justice, qui suppose la mise en place d’un seul et même régime pour tous. Les réformes que nous avons engagées précédemment ont permis de réduire progressivement les écarts. L’alignement des taux de cotisation entre les différents régimes devait intervenir en 2020 pour le secteur public et en 2026 pour les régimes spéciaux. Nous voulons accélérer la fin des disparités entre les régimes du privé, du public et les régimes spéciaux. C’est une véritable question de justice sociale.

M. Henri Guaino. Ce ne serait que justice !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et les professions libérales ?

M. Arnaud Robinet. Le troisième point, c’est la durabilité et la liberté pour en finir avec les réformes permanentes. Nous voulons en finir avec les réformes provisoires qui doivent être remises sur le métier tous les cinq ans. Nous proposons de basculer vers un régime universel par points une fois les règles de constitution harmonisées pour tous les salariés et les caisses de retraites unifiées afin de réduire les coûts de gestion et d’améliorer la lisibilité du système.

M. Alain Chrétien. Voilà un vrai projet !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Vous êtes restés dix ans au pouvoir et vous n’avez rien fait !

M. Arnaud Robinet. Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli et de ce que nous avons entrepris en 2010. Sans la réforme de 2010, la prévision de déficit pour 2020 ne serait pas vingt milliards d’euros mais quarante voire cinquante milliards d’euros !

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Arnaud Robinet. Le montant de vingt milliards d’euros résulte de la situation économique, de l’absence de reprise et de la politique économique que vous menez depuis votre arrivée aux commandes. Comme le dit le président de la CNAV, la réforme de 2010 permettait au régime général de retrouver l’équilibre à l’horizon 2020.

M. Jean-Marc Germain. Le président de Pôlemploi, lui, dit que tous les déficits lui ont été transférés !

M. Arnaud Robinet. Ce qui a aggravé les déficits prévus pour 2020, c’est le fameux décret de 2012, pris sans concertation avec le Parlement, qui coûte au régime général comme aux régimes complémentaires !

M. Jean-Marc Germain. Ce n’est pas un décret, monsieur Robinet ! Parlons des circulaires, pendant qu’on y est !

M. Arnaud Robinet. Quant à la pénibilité, mes chers collègues de la majorité, vous n’avez jamais voté nos mesures. Vous n’avez jamais soutenu ce que nous proposions, comme le principe des carrières longues permettant aux salariés français ayant débuté leur carrière à l’âge de quatorze ans de pouvoir partir à la retraite à soixante ans.

M. Alain Chrétien. Grâce à M. Fillon !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. M. Fillon ou M. Sarkozy ?

M. Arnaud Robinet. Vous n’avez pas non plus soutenu les mesures de 2010.

M. Jean-Marc Germain. Évidemment !

M. Arnaud Robinet. Vous déplorez, madame la ministre, que seuls 6 000 de nos concitoyens ont bénéficié des mesures de 2010. Mais le processus dédié aux carrières longues répondait au principe de pénibilité et en particulier dans métiers physiques, car les personnes ayant commencé à travailler de bonne heure sont généralement des gens qui exercent des métiers physiques ou pénibles. Ils ont eu la possibilité de partir avant d’avoir atteint l’âge légal de départ à la retraite. Votre réforme, qui crée un nouveau régime spécial, est sous-calibrée car elle cible l’effort sur les sept milliards d’euros de déficit du régime général alors qu’il faut en trouver vingt pour combler les déficits de tous les régimes.

Vous accomplissez en fait un triple exploit : accroître les impôts des Français, creuser les déficits des régimes de retraites, et créer de nouvelles injustices. Nos compatriotes doivent en effet s’attendre à une régression pour ce qui est de la convergence entre catégories : les hausses de cotisations des fonctionnaires ne se feraient pas au même rythme que celles des actifs…

M. Alain Chrétien. Eh oui !

M. Arnaud Robinet. …au motif que la hausse du taux de cotisation des fonctionnaires croît déjà progressivement pour s’aligner, d’ici à 2020, sur le taux de 10,55 % des actifs – c’est la réforme que nous avions engagée en 2010.

Les recettes annoncées s’émoussent de toute part. Certes, vous ouvrez de nouveaux droits : de ce point de vue, votre projet constitue un beau catalogue – certains des nouveaux droits, bénéficiant aux femmes ou aux polypensionnés, étant au demeurant justifiés. Le problème, c’est que les recettes correspondantes ne sont pas au rendez-vous ! Ainsi, notant que les employeurs ont obtenu la promesse d’une compensation des hausses de cotisations, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, revendique une compensation analogue pour les actifs. Il demande aussi à ce que, non seulement les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, mais aussi toutes les personnes se trouvant en dessous du seuil de pauvreté, soient exonérés du report d’indexation au 1er octobre – mais aucun financement n’est prévu pour cela.

S’il reste flou, le financement du fameux « paquet social » paraît de toute façon insuffisant. Alors que le Gouvernement estime à 2,5 milliards d’euros le coût de la pénibilité en 2040, il ne prévoit qu’un financement de 800 millions d’euros, notamment par l’instauration de deux nouvelles cotisations employeurs à la même date.

Ce projet de loi semble avoir totalement perdu de vue son objectif initial – diminuer les déficits, sauver et garantir le système de retraites par répartition, basé sur la solidarité intergénérationnelle –, ne cherchant à glaner de nouvelles recettes que pour financer de nouvelles dépenses ! On ne trouve, dans votre projet, que des mesures « anti-pouvoir d’achat » plutôt que des mesures courageuses sur le travail. Les cotisations des actifs augmentent, alors qu’elles ont déjà été augmentées pour financer le retour de la retraite à 60 ans – en vertu du fameux décret de 2012, qui prévoit une augmentation de 0,25 point des cotisations d’ici à 2016. De même, les retraités voient leur impôt augmenter, alors qu’ils financent déjà la taxe de « contribution additionnelle de solidarité sur les pensions » de retraite et d’invalidité à hauteur de 0,15 point en 2013 et 0,3 point en 2014, votée dans le PLFSS 2013.

M. Alain Chrétien. Ils sont doublement pénalisés !

M. Arnaud Robinet. Pire, avec la fiscalisation des bonus pour trois enfants, il existe un risque certain de faire basculer dans l’impôt sur le revenu un nombre important de retraités. Sans parler, bien sûr, de l’augmentation de la durée de cotisation, sans aucune mesure de recul de l’âge de départ à la retraite. Certes, vous validez la réforme Fillon…

Mme Bérengère Poletti. C’est vrai !

M. Arnaud Robinet. …mais sans reculer l’âge de départ à la retraite, ce qui va avoir pour effet une diminution du montant des pensions, car beaucoup de nos concitoyens partiront à l’âge de 62 ans sans avoir suffisamment cotisé, et subiront donc une décote importante.

Mme Bérengère Poletti. Eh oui !

M. Arnaud Robinet. Ce projet de loi comporte des mesures anti-compétitivité, au mépris des engagements européens de la France. Alors que le Gouvernement a voté près de 17 milliards d’euros d’impôts supplémentaires sur les entreprises en dix-huit mois, il prévoit de leur demander 2,2 milliards d’euros d’efforts supplémentaires au titre des cotisations et 500 millions d’euros au titre de la pénibilité d’ici 2020 ! Alors que la France vient de perdre deux places au classement de l’indice global de compétitivité établi par le forum mondial de Davos, elle ne tient absolument pas compte des conditions qui lui ont été imposées par Bruxelles en juillet pour réduire son déficit. Parmi ces conditions figuraient la non-augmentation des cotisations et la nécessité d’un report de l’âge à la retraite.

Ainsi, l’article 2 allonge la durée d’assurance requise pour le taux plein. Comme je l’ai dit précédemment, vous validez la réforme Fillon de 2003, mais au détriment des petites pensions pour les futurs retraités qui subiront une décote très importante ! L’article 3 instaure un nouveau mécanisme de pilotage des retraites. Mais quid de l’avenir du Conseil d’orientation des retraites ? L’article 4 décale de six mois, en la repoussant au 1er octobre, la revalorisation des pensions – ce qui constitue une désindexation inavouée, dont les retraités vont à nouveau faire les frais

Le dispositif prévu au chapitre 1er pour mieux prendre en compte la pénibilité au travail constitue, en réalité, une véritable usine à gaz que même les députés de la majorité ont eu du mal à comprendre, la semaine dernière, en commission !

Plusieurs députés du groupe SRC. Pas du tout ! N’importe quoi !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous réécrivez l’histoire !

M. Arnaud Robinet. Pour notre part, nous défendons les accords de branches et la prévention, plutôt que l’ouverture de nouveaux droits sans l’ombre d’un financement.

J’en viens au fameux article 32, qui prévoit l’étatisation de la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales – la CNAVPL.

M. Gérard Sebaoun. Ce n’est pas vrai !

M. Arnaud Robinet. Dites-nous la vérité : l’objectif n’est-il pas de mettre la main sur les excédents de cette caisse…

M. Alain Chrétien. La mettre sous tutelle !

M. Arnaud Robinet. …pour, finalement, la mettre sous tutelle ? La convergence, c’est seulement quand ça vous arrange ! Pour nous, elle doit être générale. En tout cas, nous vous demandons des précisions sur cette mainmise sur la caisse des professions libérales par son étatisation.

Dernier point, l’étude d’impact. Tout d’abord, cette étude d’impact, qui nous a été présentée il y a quelques jours, est incomplète. En particulier, elle ne développe pas précisément l’articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur, ce qui permettrait pourtant de constater le retard que prend la France par rapport à ses voisins européens. Ensuite, cette étude n’évalue pas l’ensemble des mesures annoncées par le Gouvernement. En effet, les mesures centrales de financement de la réforme, qui seront examinées en PLFSS et PLF, y sont mentionnées sans y être traitées de manière exhaustive. Or, si ces mesures sont amenées à être traitées dans des textes financiers, elles n’en constituent pas moins le socle de cette réforme des retraites et méritent, à ce titre, d’être envisagées de manière approfondie dans l’étude d’impact. Cette demande est d’autant plus justifiée que les textes financiers ne font précisément pas l’objet d’une étude d’impact.

Ainsi, la mesure de fiscalisation des majorations de pension pour trois enfants risque d’entraîner des effets de seuil très importants pour de nombreux retraités, qui vont se trouver assujettis à l’impôt sur le revenu – et par conséquent à d’autres taxes, en particulier la taxe d’habitation, que les élus locaux socialistes ne cessent d’augmenter dans les municipalités qu’ils gèrent.

M. Alain Chrétien. Eh oui !

M. Jean-Frédéric Poisson. Scandaleux !

M. Arnaud Robinet. La représentation nationale est en droit de connaître l’impact réel de cette mesure sur le niveau de vie des retraités. Pour les mêmes raisons, l’impact financier des hausses de cotisations de 0,3 point sur les actifs et de 0,3 point sur les employeurs mérite d’être évalué, à l’instar de l’impact des éventuelles mesures de compensation de la hausse des cotisations employeurs, qui semblent avoir été envisagées par le Gouvernement. L’ensemble de la représentation nationale doit connaître les conséquences des choix du Gouvernement en matière de pouvoir d’achat et de compétitivité.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce sont des choix qui vont coûter cher !

M. Arnaud Robinet. En outre, il est à noter que l’étude d’impact ne justifie pas de manière détaillée le choix de retenir l’allongement de la durée de cotisation, en ce qu’elle n’apporte aucune donnée chiffrée dans la présentation des autres scenarii possibles, notamment sur le report de l’âge légal. Le Gouvernement tente d’étayer sa position en déclarant cette option injuste, mais sans donner de comparaison chiffrée sur le rendement de cette mesure. Or, il est indiscutable que ce projet de loi ne permet en aucun cas de financer les 20 milliards d’euros de déficit annoncés par le Conseil d’orientation des retraites à l’horizon 2020.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est peu de le dire !

M. Arnaud Robinet. Enfin, cette étude d’impact nous semble insincère.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Qu’est-ce que c’est poussif !

M. Alain Chrétien. C’est très pertinent, au contraire !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Votre président ne vous a-t-il donc rien expliqué, monsieur Robinet ? On dirait bien qu’il y a un problème de communication au sein du groupe UMP !

M. Arnaud Robinet. En effet, elle estime que le report de la revalorisation des pensions au 1er avril « répond à un souci d’équité, sans baisser les pensions, ni remettre en cause les mécanismes d’indexation des pensions ». Or, il apparaît clairement que ce report fait baisser les pensions et remet en cause les mécanismes d’indexation actuels, puisqu’ils ne feront porter l’effort de revalorisation annuel de l’État que sur trois mois au lieu de neuf actuellement. Par ailleurs, certaines mesures semblent faire l’objet d’un chiffrage incertain ou sous-évalué. C’est notamment le cas du compte personnel de pénibilité qui, selon nos calculs, devrait coûter près de 2,5 milliards d’euros à l’horizon 2017, et non pas à l’horizon 2040, comme le prévoit le Gouvernement. Le cas échéant, les recettes prévues – 500 millions en 2020 – sont largement insuffisantes.

M. Alain Chrétien. Cherchez l’erreur !

M. Arnaud Robinet. D’autres mesures font l’objet d’une estimation manifestement surévaluée. C’est le cas du rendement qu’attend le Gouvernement du rachat de trimestres post-bac, évalué à 300 millions d’euros en 2020, quand les partenaires sociaux eux-mêmes dénoncent un dispositif d’aide insuffisant, qui n’entraînera aucun effet auprès des jeunes.

Comme vous le voyez, chers collègues, ce projet de loi mal préparé ne répond pas aux attentes des Français et à l’objectif consistant à sauver notre système par répartition, à sauver notre régime de retraite. Nous avons affaire, avec ce projet de loi, à un véritable bric-à-brac fiscal, qui restera comme l’une des plus grandes supercheries du quinquennat de Francois Hollande ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Issindou, rapporteur. Tout de suite les grands mots !

M. Arnaud Robinet. Je terminerai en paraphrasant Georges Clemenceau…

M. Christian Paul. À la fin d’une telle intervention, on s’attendait plutôt à Georges Clooney ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Arnaud Robinet. …pour vous dire que votre Gouvernement est extrêmement fertile : on y plante des réformes, et il y pousse des impôts ! Espérons que demain, vous cultiverez plutôt le courage et l’intérêt des Français.

C’est pour l’ensemble des raisons que je viens d’exposer, mes chers collègues, que le groupe UMP a déposé cette motion de rejet préalable que je vous invite tous à voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Tous ? Vous n’êtes que huit en séance !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je dirai simplement quelques mots pour appeler, évidemment, au rejet de cette motion de censure (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP)… ou plutôt de cette motion de rejet de préalable, une motion qui ne repose sur rien, si ce n’est quelques pauvres effets de manches.

Si je ne craignais de me montrer cruelle, je renverrais M. Robinet à certaines déclarations de naguère, notamment aux propos tenus par le précédent Président de la République au sujet de la retraite à 60 ans, qui ne devait pas être remise en question. En ce qui nous concerne, nous sommes cohérents. Lorsque nous faisions partie de l’opposition, nous avions contesté une réforme reposant exclusivement sur le relèvement de l’âge légal et, considérant que cette mesure était injuste, nous avions déclaré que nous ferions en sorte que la retraite à 60 ans soit rétablie pour les personnes ayant commencé à travailler très tôt. C’est ce que nous avons fait dès l’année dernière, en permettant le rétablissement de l’âge de départ à 60 ans pour les personnes ayant commencé à travailler avant l’âge de 20 ans et disposant donc d’un nombre suffisant de trimestres de cotisations. Ce que vous qualifiez de supercherie n’est donc qu’un engagement tenu, en vertu des valeurs de fidélité auxquelles nous sommes attachés.

À la même époque, je faisais partie de ceux qui disaient que l’allongement de la durée de cotisation jusqu’en 2020 devait être maintenu et qu’il faudrait, si l’espérance de vie continuait à augmenter, poursuivre l’allongement de la durée de cotisation au-delà de 2020. Cette position qu’avait exprimée le parti socialiste se trouve aujourd’hui maintenue, et mise en œuvre par le Gouvernement en place. Comme vous le voyez, monsieur le député, à vouloir faire des effets de manches, on se prend souvent les pieds dans le tapis. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Dominique Orliac. Notre collègue du groupe UMP évoque une supercherie, un projet de loi mal préparé ressemblant à un bric-à-brac fiscal. Mais qu’avez-vous donc fait en 1993 avec M. Balladur, en 2003 avec M. Fillon et en 2010 avec M. Woerth ?

M. Alain Chrétien. Des réformes !

Mme Dominique Orliac. Aujourd’hui, la majorité est dans l’obligation de faire face à votre incurie.

M. Denis Jacquat. Oh !

Mme Dominique Orliac. Si nous sommes aujourd’hui dans cette situation, c’est bien le résultat de ce que vous avez mal fait durant les dix années précédentes. Bien évidemment, nous ne voterons donc pas cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Si notre groupe en avait eu la possibilité, il aurait lui-même défendu une motion de rejet préalable…

M. Alain Chrétien. Alors, il faut la voter !

M. Marc Dolez. ...évidemment pas dans les mêmes termes que celle qui a été présentée par notre collègue de l’UMP, c’est pourquoi nous nous abstiendrons.

Je veux vous dire, madame la ministre, que nous sommes totalement opposés au nouveau recul social que vous nous proposez, qui va se traduire mécaniquement par un nouveau recul de l’âge effectif du départ à la retraite, et par une baisse du niveau des pensions. Pour notre part, nous restons indéfectiblement attachés à cette grande conquête sociale de 1981 que constitue le droit à la retraite à 60 ans et à taux plein.

Au-delà des différents dispositifs que vous nous proposez, nous sommes opposés à la philosophie même de votre projet, que vous venez de rappeler – en bref, le fait que l’allongement de l’espérance de vie justifierait le recul du départ de l’âge à la retraite. Nous contestons cette position pour trois raisons. Premièrement, cette vérité démographique fait abstraction d’un point important : l’augmentation constante de la productivité du travail, en parallèle à l’allongement de l’espérance de vie. Par ailleurs, le problème de financement du système de retraite par répartition n’est pas lié au vieillissement de la population, mais au chômage de masse et aux bas salaires.

Deuxièmement, vous ne parlez pas de l’espérance de vie en bonne santé – 61,9 ans pour les hommes et 63,5 ans pour les femmes – qui, elle, a diminué au cours de ces dernières années. Troisième raison, et c’est en ce sens que nous considérons cette question comme un véritable enjeu de société : les gains en matière d’espérance de vie ne doivent pas justifier un allongement du temps de travail, mais au contraire offrir la possibilité d’une durée de vie en dehors du travail plus importante. Il s’agit en effet d’une juste reconnaissance que nous devons aux hommes et aux femmes qui ont travaillé dur tout au long de leur vie, ainsi que d’un bienfait pour l’ensemble de la société : le fait que les retraités puissent vivre en forme et disposer de conditions d’existence décentes est important en soi et présente de surcroît une grande utilité sociale. Aussi, pour dissiper toute méprise, je vous annonce que nous allons nous abstenir sur cette motion de rejet préalable, bien que nous soyons totalement opposés au texte (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Christian Jacob. Vous allez la voter !

M. Alain Chrétien. Encore un effort !

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Iborra, pour le groupe SRC.

Mme Monique Iborra. Je veux m’adresser à Arnaud Robinet…

M. Alain Chrétien. Pour le féliciter !

Mme Monique Iborra. …pour lui dire que sa démonstration est peu convaincante. Pourquoi ? Parce qu’elle est mensongère (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), caricaturale et, à certains égards, mesquine. Par ailleurs, elle témoigne d’une amnésie complète concernant les mesures que votre majorité de l’époque a prises, dont on ressent encore aujourd’hui les effets pervers, et que nous nous apprêtons heureusement à supprimer.

M. Christian Jacob. C’est vous qui êtes peu à peu supprimés d’élection en élection !

Mme Monique Iborra. Mes chers collègues, si votre réforme de 2010 avait été efficace et efficiente, nous ne serions pas obligés, aujourd’hui, de légiférer à nouveau. Pourtant, vous avez porté l’âge de la retraite de 62 à 67 ans et avez siphonné le Fonds de réserve des retraites que le gouvernement de gauche de Lionel Jospin avait mis en place. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Mais peut-être pensiez-vous que, finalement, de renoncement en renoncement, les Français seraient contraints d’abandonner l’idée de la retraite par répartition au profit de la retraite par capitalisation, à laquelle vous pensez très souvent 

M. Arnaud Robinet. C’est un fantasme !

Mme Monique Iborra. Je vous le dis, mes chers collègues, votre démarche en matière de retraites ou, plus généralement, de politiques sociales, s’apparente, pour au moins certains d’entre vous, à une expédition punitive (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : toujours moins d’avantages et plus de régression sociale

M. Alain Chrétien. Caricature !

Mme Monique Iborra. Votre conception de la réforme n’est assurément pas la nôtre. Réformer, oui, régresser, non !

M. Christian Jacob. Quelle formule !

Mme Monique Iborra. Pour vous, il n’est de véritable réforme que celle qui jette des millions de personnes dans la rue ; telle n’est pas notre conception des choses. C’est la raison pour laquelle notre réforme est globale, contrairement à la vôtre, qui est une réforme purement comptable. Elle tient compte de la société complexe et inégalitaire dans laquelle nous vivons, des parcours de vie plus difficiles pour certains que pour d’autres. La réforme des retraites est aussi et surtout une réforme de société, ancrée dans le vécu quotidien de ceux qui en bénéficient ou en bénéficieront. Notre réforme, contrairement à la vôtre, est une réforme de justice et de progrès social, parce qu’elle crée des droits nouveaux.

M. Alain Chrétien. Comment les financez-vous ?

Mme Monique Iborra. Nous voulons agir sur les injustices flagrantes concernant les femmes, les jeunes, les ouvriers, sur les situations de travail pénalisantes pour la santé de ceux qui y sont soumis : tel est l’objet de l’institution du compte pénibilité. Autant de thèmes qui vous paraissent, à vous, négligeables, mais qui, pour nous, sont très importants. Cela fonde notre engagement politique, sans que nous méconnaissions les difficultés et les évolutions sociétales auxquelles nous sommes confrontés.

Faire plus pour ceux qui en ont le plus besoin, tel est le fil rouge de notre politique, alors que la vôtre, jusqu’à aujourd’hui, a été d’abord de faire plus pour ceux qui avaient déjà beaucoup. Je le répète, notre conception de la justice sociale n’est pas la vôtre, et nous en sommes fiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Huguette Bello. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe UMP.

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le groupe UMP – cela ne vous étonnera pas beaucoup – va naturellement soutenir et voter la motion de rejet préalable de notre collègue Arnaud Robinet.

Mme Catherine Lemorton, Présidente de la commission des affaires sociales et M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Quelle surprise !

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la présidente, je suis désolé de vous surprendre de la sorte mais certaines constantes caractérisent les prises de position au sein de cet hémicycle et, cet après-midi encore, nous avons sacrifié à cette tradition, heureusement dans la bonne humeur. Pour avoir bien écouté les différents orateurs et pour avoir assisté, même à distance, aux travaux de votre commission, madame la présidente, je ne vois pas ce qui, aujourd’hui, madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous permet de dire que ce projet de loi sauve définitivement les retraites par répartition. Il est en effet au moins un élément sur lequel nous aimerions obtenir des éclaircissements au cours de ce débat : les hypothèses en matière de croissance et d’indice synthétique de fécondité – autrement dénommé « taux de fécondité » –, sur lesquelles vous vous fondez en grande partie pour expliquer que les mesures proposées seront suffisantes à long terme, ne sont évidemment pas démontrées et sont au minimum contestables, pour ne pas dire, tout au moins pour les années à venir, en partie farfelues.

Par ailleurs, nous avons assisté en commission à une forme de surenchère de mesures complémentaires, sans doute plus onéreuses les unes que les autres. Dans sa rédaction issue de l’examen en commission, le texte va certainement entraîner un alourdissement de la charge que l’ensemble des régimes de retraites fait peser sur la solidarité nationale. Monsieur le rapporteur, si cela était possible, nous aimerions d’ailleurs disposer, à l’occasion du débat, d’une présentation détaillée de cette charge supplémentaire et des évolutions induites par le travail en commission. Si l’on peut vous juger de bonne foi – telle est mon habitude, à laquelle je ne compte pas déroger –, je continue de ne pas voir ce qui vous permet de faire preuve d’une telle assurance – celle que vous affichez depuis le début de l’après-midi.

Je passe sur les invectives et autres propos que l’on se jette réciproquement au nez – « Vous n’avez jamais rien fait ! Vous non plus ! Ce n’est pas moi qui ai commencé ! » et cætera : tout ceci est en réalité assez puéril. La réalité est la suivante : vous proposez des mesures qui n’assurent pas la pérennité à long terme du régime de retraites par répartition et qui vont compliquer de manière extrêmement lourde la vie des entreprises et d’un certain nombre d’organismes de gestion de retraite : il y a eu à ce propos des débats assez longs en commission, auxquels vous avez, entre autres sujets, activement participé, monsieur le rapporteur – la question des caisses des professions libérales n’a d’ailleurs pas été la seule à avoir été abordée.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP votera la motion de rejet de notre collègue Arnaud Robinet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jonas Tahuaitu, pour le groupe UDI.

M. Jonas Tahuaitu. Je soutiens la motion déposée par notre collègue Arnaud Robinet. À l’UDI, nous souhaitons un débat constructif et avons d’ailleurs déposé une quarantaine d’amendements qui n’ont malheureusement pas été retenus par la commission. Nous estimons que le texte est mal ficelé et qu’il conviendrait de l’améliorer, de le retravailler, notamment sur le plan du financement, qui demeure insuffisant, puisqu’il s’élève à sept milliards d’euros, en regard d’une dette de vingt milliards. Par ailleurs, les mesures de justice que vous proposez sont insignifiantes : il convient de soutenir le pouvoir d’achat et de renforcer la sécurité concernant les femmes et les jeunes. Enfin, le compte de pénibilité est beaucoup trop complexe pour les PME et n’insiste pas assez sur la prévention. Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe UDI soutient la motion déposée par Arnaud Robinet.

M. Alain Chrétien. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.

Mme Véronique Massonneau. Nous ne voterons pas cette motion de rejet préalable : si ce texte est loin d’être parfait…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il en est tout près !

Mme Véronique Massonneau. …je ne veux pas pour autant le balayer d’un revers de main, en empêchant le déroulement du travail parlementaire. Je ne veux pas m’associer à une motion de rejet qui n’a pour seule vocation que la critique partisane.

M. Alain Chrétien. Mais non, nous avons formulé des propositions !

Mme Véronique Massonneau. Je n’approuve pas, je le répète, l’ensemble des mesures proposées et je considère qu’il nous faut débattre dans cet hémicycle et améliorer ce texte autant que possible. Je ne rejetterai pas ce projet de loi sans avoir défendu mes amendements. Je me refuse à empêcher le débat parlementaire que mérite un tel enjeu.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Six voix pour !

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le rapporteur – cité excellemment, tout à l’heure, par notre collègue Arnaud Robinet –, monsieur le rapporteur pour avis, depuis exactement vingt ans – et je réponds ici, en particulier, à M. Terrasse – toutes les réformes qui ont été conduites pour pérenniser les régimes de retraite ont été le fait de gouvernements de droite : des mesures à fort impact, que ce soit en termes financiers, de justice sociale ou d’équité ont ainsi été prises régulièrement en 1993, 2003, 2008 et 2010.

La réforme de 2010, dont la principale mesure était le report de l’âge légal de départ à la retraite, a puissamment contribué à réduire les déficits attendus puisque, d’après les calculs de la CNAV, dès 2018, ce sont 75 % des assurés qui auraient décalé leur départ à la retraite.

Au total, l’ensemble de ces réformes a eu un impact positif pour les régimes de retraite, estimé par le Conseil d’orientation des retraites à 3,5 points de PIB en 2020 et près de 6 points de PIB en 2030.

Outre l’impact financier, les réformes menées depuis 1993 ont conduit à un renforcement de l’équité, grâce, notamment, à des mesures de convergence entre le secteur public et le secteur privé, des mesures liées aux carrières longues et la création d’un dispositif concernant la pénibilité.

Face aux effets de la crise, il faut poursuivre l’adaptation de notre système de retraite. Dès que la conjoncture l’a exigé, nous avons agi sans attendre : ainsi, en 2011, le rythme de montée en charge de la réforme de 2010 a été accéléré. Par comparaison, en 2012, alors que la crise économique continuait de sévir, François Hollande a rétabli partiellement le départ à la retraite dès soixante ans, pour un coût de l’ordre de 1,1 milliard d’euros en 2013, en renchérissant le coût du travail – + 0,25 point de cotisation pour les employeurs – et en attaquant le pouvoir d’achat – + 0,25 point de cotisation pour les salariés. Cette dernière décision a été prise à rebours des réformes accomplies précédemment pour encourager à travailler plus longtemps, dans un contexte démographique marqué par un vieillissement de la population, principalement en bonne santé.

Compte tenu de la persistance de la crise, le rendez-vous de 2013, prévu dès la loi de 2010, était plus que jamais à honorer. Les Français y étaient d’ailleurs prêts : d’après le sondage IFOP-Les Echos-Accenture d’avril 2013, 66 % des Français estiment qu’il est nécessaire de continuer à réformer les retraites et 80 % d’entre eux considèrent qu’il faut une vaste réforme pour repenser le système, en fusionnant les régimes.

Or, le rendez-vous que vous nous avez donné aujourd’hui est un faux rendez-vous. En effet, ce projet de loi n’est pas une réforme mais une non-réforme. C’est un texte « Hollande-Ayrault », simple habillage d’une hausse des impôts et des charges, qui révèle une amnésie totale : n’oublions pas que le Conseil d’orientation des retraites chiffre à environ 21 milliards d’euros les besoins de financement de l’ensemble des régimes d’ici à 2020 et que ce déficit résulte principalement des déséquilibres affectant les régimes de retraite complémentaire – AGIRC-ARRCO – et de retraite des fonctionnaires.

Les partenaires sociaux sont parvenus à un accord pour réduire de moitié le déficit prévu de l’AGIRC-ARRCO à l’horizon 2020, alors que le Gouvernement, responsable des autres composantes du déficit, n’a été capable, depuis son arrivée au pouvoir, que de procéder à des hausses d’impôts et de charges, handicapant toujours plus le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises.

Ainsi, les déséquilibres concernent moins le régime général que les régimes du secteur public. À ce titre, il est regrettable que les ménages et les entreprises soient conduits à accomplir des efforts supplémentaires au motif que l’État ne parvient pas à financer la retraite de ses agents.

Si les grands principes des réformes de 2003 et de 2010 sur les mesures d’âge sont maintenus, alors que les socialistes avaient bruyamment manifesté leur opposition à l’époque, c’est au prix, dans ce cas précis, d’une hypocrisie flagrante.

En effet, si le principe d’une répartition des gains d’espérance de vie entre durée du travail, donc durée de cotisation et retraite, posé dès 2003, est poursuivi jusqu’en 2035, il ne s’accompagne pas d’un décalage de l’âge légal de départ en retraite. Cela signifie que si la durée de cotisation passe à quarante-trois ans, celui qui a commencé à travailler à vingt-trois ans pourra partir à soixante-six ans pour avoir sa retraite complète alors que l’âge légal sera resté à soixante-deux ans. C’est prendre le risque que des Français partent à cet âge-là avec une décote et donc une baisse significative du niveau de leur pension.

Procéder comme le fait le Gouvernement, c’est donc choisir la mesure d’allongement du travail la plus néfaste pour le pouvoir d’achat des retraités et, surtout, la moins efficace financièrement.

Le renvoi en commission de ce texte « Canada Dry » est nécessaire pour de multiples raisons.

Tout d’abord, nous sommes en présence d’une réforme sous-calibrée : elle cible son effort sur les 7 milliards d’euros de déficit du régime général alors qu’il faut trouver presque 21 milliards d’euros pour combler les déficits tous régimes confondus.

On constate une régression sur la convergence : les hausses de cotisations des fonctionnaires ne se feraient pas au même rythme que celle des salariés du privé, au motif que la hausse du taux des cotisations des fonctionnaires croît déjà progressivement pour s’aligner d’ici à 2020 sur le taux du privé, qui est de 10,55 %.

Permettez-moi d’insister sur plusieurs points de ce texte. Ainsi qu’Arnaud Robinet l’a parfaitement rappelé voilà quelques instants, on note également que les recettes annoncées s’émoussent de toute part. Les employeurs ayant obtenu la promesse d’une compensation des hausses de cotisations, M. Berger, de la CFDT, revendique une compensation analogue pour les actifs. Il demande aussi à ce que non seulement les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, mais aussi tous ceux qui sont en dessous du seuil de pauvreté soient exonérés du report d’indexation au 1er octobre.

Le financement du « paquet social » reste flou, voire non assuré. Le Gouvernement estime à 2,5 milliards d’euros le coût de la pénibilité en 2040 pour un financement escompté de seulement 800 millions d’euros par le biais de deux nouvelles cotisations employeurs à la même date.

Le projet de loi semble avoir totalement perdu de vue son objectif initial, c’est-à-dire la réduction des déficits : on ne glane de nouvelles recettes que pour financer de nouvelles dépenses.

De multiples autres raisons justifient la demande de renvoi en commission.

Ce projet de loi, ce sont des mesures anti-pouvoir d’achat plutôt que des mesures courageuses sur le travail. Les cotisations des actifs augmentent alors qu’elles ont déjà été augmentées pour financer le retour de la retraite à soixante ans : elles seront portées à 0,25 % d’ici à 2016. De même, l’impôt des retraités augmente alors que ces derniers financent déjà la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie qui avait été votée dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2013 et dont le taux a été fixé à 0,3 % en 2014. Pis, avec la fiscalisation des bonus pour trois enfants, il existe un risque sérieux de faire basculer dans l’impôt sur le revenu un nombre important de retraités.

M. Gérard Sebaoun. Vous l’avez déjà dit !

M. Denis Jacquat. Je l’ai dit, oui, et je le répète, car ce point est important. Dans nos permanences, nous sommes assaillis par des personnes qui viennent se plaindre de payer désormais des impôts alors qu’ils n’en payaient pas auparavant. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Chrétien. Grâce à qui ?

M. Denis Jacquat. Mesdames, messieurs les députés de la majorité, c’est grâce à vous qu’ils en paient plus !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Près de 300 000 contribuables en moins en 2013, contre 600 000 contribuables en plus en 2010 : voilà les chiffres !

M. Denis Jacquat. Ce projet de loi, ce sont également des mesures anti-compétitivité au mépris de nos engagements européens. Alors que le Gouvernement a voté près de 17 milliards d’euros d’impôts supplémentaires sur les entreprises en dix-huit mois, il prévoit de leur demander 2,2 milliards d’euros d’efforts supplémentaires au titre des cotisations et 500 millions d’euros au titre de la pénibilité d’ici à 2020.

Alors que la France vient de perdre deux places au classement de l’indice global de compétitivité établi par le forum économique mondial de Davos, elle ne tient absolument pas compte des conditions qui lui ont été imposées par Bruxelles en juillet pour réduire son déficit. Parmi ces conditions figuraient notamment la non-augmentation des cotisations et la nécessité des bornes d’âge.

Aussi, il est nécessaire qu’en commission trois axes soient étudiés – je dis bien étudiés.

Le premier axe est celui de l’évolution de l’âge légal de départ à la retraite : il faut poursuivre l’effort initié en 2003 et 2010 en prolongeant le report de l’âge légal de départ en retraite pour atteindre progressivement soixante-cinq ans, à raison d’un quadrimestre par an de 2017 à 2026.

Le deuxième axe vise au renforcement de l’équité entre le secteur public et le secteur privé : il s’agit d’harmoniser les règles de constitution et de liquidation des pensions du privé et du public, de poursuivre le processus de convergence des régimes spéciaux tant en matière d’âge que de taux de cotisations et de mettre en place une véritable caisse de retraite gérant les pensions et cotisations des fonctionnaires de l’État.

Le troisième axe concerne la réalisation de ce que nous appelons l’acte II de l’épargne-retraite. Celle-ci doit permettre une lisibilité accrue des différents produits d’épargne retraite individuels avec une harmonisation des produits existants, notamment quant à la sortie sous forme de rente. Elle passe par la mise en place d’un véritable étage collectif, qui pourrait être favorisé par un crédit d’impôt pour les PME.

M. Alain Chrétien. Voilà des propositions concrètes !

M. Denis Jacquat. Comme je l’ai dit en commission, la question de la pénibilité au travail doit être traitée sous l’angle de la santé au travail. Quel que soit le type de travail, chaque salarié doit, dès sa première seconde d’activité, être pris en charge dans le sens d’une prévention de l’exposition à des facteurs de pénibilité.

M. Gérard Sebaoun. Nous sommes d’accord !

M. Denis Jacquat. La création d’un compte personnel de prévention de la pénibilité dont les objectifs concilient prévention et réparation doit cependant être affirmée en commission car son application dans beaucoup de PMI et de PME, et surtout dans les TPE, est quasiment impossible pour de multiples raisons, en particulier organisationnelles.

À ce propos, je rappellerai à ceux qui disent sans arrêt que rien n’avait été fait auparavant concernant la pénibilité les quatre grands dispositifs existants ; je l’ai déjà fait en commission.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. L’invalidité !

M. Denis Jacquat. Tout d’abord, le dispositif « carrières longues » permet, monsieur le rapporteur pour avis, aux travailleurs ayant commencé leur activité avant vingt ans et ayant cotisé le nombre de trimestres nécessaire à la liquidation d’une retraite à taux plein de partir à soixante ans. Ensuite, le dispositif pour invalidité permet de partir dès cinquante-cinq ans pour les travailleurs justifiant un taux d’incapacité ou de handicap de 80 % ou du statut de travailleur handicapé. Quant au dispositif pour incapacité, il permet de partir à soixante ans en justifiant un taux d’incapacité de 10 à 20 % lié à un accident du travail ou à une maladie professionnelle. Enfin, le dispositif pour inaptitude permet de bénéficier des mêmes droits, bien que l’incapacité ne soit pas liée au travail.

Ces dispositifs peuvent être améliorés, en particulier celui qui concerne les personnes handicapées. Ces dernières sont très souvent usées prématurément et il convient que nous portions à nouveau, en commission, notre regard sur elles.

Combattre les inégalités entre les hommes et les femmes a également été un de nos combats, plus particulièrement dans la loi de 2010. À ce propos, je tiens à féliciter à nouveau notre collègue Marie-Jo Zimmermann, alors présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de notre assemblée, pour sa ténacité dans ce combat.

Rappelons que les inégalités des pensions de retraite entre les hommes et les femmes résultent des inégalités déjà présentes au cours de la vie professionnelle entre les hommes et les femmes. Aussi, dans le cadre des retraites, en particulier celui des retraites par répartition, il convient de continuer à lutter en ce sens.

Le renvoi en commission se justifie également par le fait que tout au long de ce projet de loi on rencontre de très nombreux renvois à des décrets. Cela n’est pas normal. En commission, des précisions doivent être apportées sur leur contenu.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. On ne parle pas des arrêtés !

M. Denis Jacquat. Trop de décrets peuvent dénaturer un texte de loi. Si la suppression du Comité de pilotage des régimes de retraite ne m’attristera pas, l’instauration d’un comité de surveillance des retraites me laisse dubitatif malgré les explications reçues en commission. Certaines de ses missions et de ses modalités de fonctionnement sont renvoyées en décret. Il peut rendre au Parlement, au Gouvernement et aux régimes de retraite des recommandations publiques. Celles-ci n’auraient-elles pu être rendues par le Conseil d’orientation des retraites, qui est un outil remarquable et dont le champ aurait pu être élargi à cet effet ? Alors que l’on veut simplifier le millefeuille, on en augmente toujours l’épaisseur.

Simplifier, rendre plus lisible pour l’usager un système de retraite extrêmement complexe a toujours été une de nos préoccupations. Le GIP Info Retraite a été, en ce sens, une réussite car en peu d’années il a créé pour tous les Français un droit effectif à l’information sur ce sujet avec une gouvernance réduite et des frais de gestion extrêmement bas. Dans un pays où plus de trente-cinq régimes de retraite couvrent les Français, où les ressortissants touchent en moyenne 3,5 pensions par personne, la simplification et la lisibilité sont nécessaires pour nos très nombreux polypensionnés qui seront évidemment, compte tenu de l’évolution de notre société, de plus en plus nombreux. Nous ferons tout, madame la ministre, pour que le guichet unique et le simulateur réussissent : c’est la suite logique du GIP Info Retraite que nous avions mis en place.

Rationaliser la gestion des systèmes de retraites est un impératif. Le système français est de loin un des plus coûteux en termes de gestion : les frais de gestion s’élèvent, tous régimes confondus, à près de 25 % des prestations versées là où la moyenne européenne s’établit à 1,2 %. Si la CNAV a des frais de gestion compétitifs, de l’ordre de 1 %, il n’en va pas de même de plusieurs petits régimes pour lesquels ces frais peuvent atteindre 10 % des prestations.

La multiplicité des régimes, donc des dépenses de fonctionnement et d’investissement, est ainsi un facteur d’inflation de ces frais de gestion qui pourraient être pour partie mutualisés. Cela est notamment vrai des modalités techniques de recouvrement, de mise en paiement et des systèmes d’information. La conjonction du départ en retraite d’un quart des 80 000 personnels gestionnaires et du renouvellement des systèmes d’information obsolètes est une opportunité pour rationaliser la gestion des systèmes de retraite. Un tel processus de rationalisation pourrait dégager jusqu’à 2 milliards d’euros par an.

Mes chers collègues, le renvoi en commission est également nécessaire sur la forme, sur la méthode et sur le fond.

Sur la forme, le calendrier est étonnant : le Gouvernement impose un rythme qui nuit aux bonnes conditions d’examen du texte. Quatre jours, weekend compris, entre la présentation du texte en conseil des ministres et l’examen en commission ; trois jours entre le moment où nous avons disposé du texte issu de la commission et le début de l’examen en séance : le Gouvernement est très loin d’avoir respecté le délai réglementaire de six semaines entre le dépôt et le début de l’examen du texte.

L’étude d’impact est surprenante ; Arnaud Robinet y a également fait allusion. En effet, la pression du calendrier se double d’un déficit d’information de la représentation nationale au regard d’une étude d’impact incomplète, qui passe sous silence l’évaluation des principales mesures de la réforme. Sous prétexte d’avoir placé l’examen des hausses de cotisations dans le PLFSS et celui de la fiscalisation des bonus pour trois enfants dans le PLF, le Gouvernement s’est dispensé d’évaluer ces mesures. Pourquoi ? Les députés UMP aimeraient savoir combien de ménages vont basculer dans l’impôt sur le revenu ou devront payer une taxe d’habitation, la redevance audiovisuelle ou la CSG au lendemain de la réforme. Les députés UMP aimeraient aussi connaître les intentions du Gouvernement en matière de compensations des hausses de cotisation employeurs.

J’en viens à la méthode. Nous avons entendu maintes fois nos collègues de la majorité se féliciter de celle qu’a employée le Gouvernement…

M. Michel Issindou, rapporteur. C’est vrai ! Ce que nous faisons est plutôt bien !

M. Denis Jacquat. …et qui serait soi-disant confortée par le climat serein dans lequel cette réforme est examinée.Vous avez d’ailleurs pu remarquer que nous étions très sages – malgré certaines provocations.

La réalité c’est que face aux problèmes de croissance, de baisse de pouvoir d’achat, de matraquage fiscal qui touchent de plein fouet nos concitoyens, ce texte bric-à-brac concernant les retraites passe presque inaperçu. Au demeurant, ayant assisté à l’Assemblée à tous les débats concernant les retraites, c’est la première fois que je vois aussi peu de monde dans une séance inaugurale sur le sujet.

M. Michel Issindou, rapporteur. Surtout à droite !

M. Nicolas Bays. Surtout dans vos rangs, monsieur le député !

M. Denis Jacquat. C’est la majorité qui compte !

Rappelons que le Gouvernement n’a procédé qu’à une consultation des partenaires sociaux, alors que, pour notre part, en 2010, nous avions ouvert très largement une concertation. Cela est étonnant sous une présidence dite « normale » qui avait il y a encore un an l’ambition d’inscrire la négociation collective au rang des principes constitutionnels.

Passant enfin au fond. Au risque de me répéter, mais la pédagogie est dans la répétition,…

M. Nicolas Bays. Vous excellez !

M. Denis Jacquat. …je tiens à souligner que le chapitre recettes est inacceptable car le Gouvernement nous propose un texte à la fois inopérant, irresponsable et dangereux.

Il est inopérant car il ne répond ni à l’enjeu de l’avenir de notre pays ni aux attentes de nos partenaires européens. Nous sommes en présence d’un texte qui assume de ne répondre qu’au tiers des besoins de financement du système à l’horizon 2020, soit 7 milliards d’euros sur les presque 21 milliards qu’il faut trouver.

M. Alain Chrétien. Sept sur vingt !

M. Denis Jacquat. Au moment où elle a été votée, la réforme de 2010 était durable ; elle représentait 20 milliards d’euros d’économie. Sans cette réforme, il n’y aurait plus de système de retraites par répartition aujourd’hui. L’actuelle majorité ne se donne même pas la peine de proposer une réforme crédible.

Ce texte est ensuite irresponsable. Le Gouvernement propose en effet la double peine : une loi qui, bien qu’inefficace, met tout de même lourdement les Français à contribution.

D’ici 2020, plus de 3 milliards seront sortis du porte-monnaie des retraités, 2,2 milliards – en fait 2,7 milliards si l’on compte la pénibilité – seront sortis des marges des entreprises et il y aura 2,2 milliards de baisse de salaire pour les salariés. Au lieu de prendre des mesures d’âge courageuses, le Gouvernement baisse le pouvoir d’achat des Français et augmente le coût du travail.

Ce projet de loi est également dangereux. Où sont les 8 milliards qui manqueront dans cinq ans pour payer les pensions des agents de l’État ? Quelle pérennité auront les régimes complémentaires, qui doivent trouver 8 milliards d’ici 2020 ? Quelles marges de manœuvre existent, alors que l’on sait que les paramètres macroéconomiques du COR sont optimistes et qu’en 2020, il ne manquera peut-être pas 20 milliards mais 25 ou 30 ? La majorité actuelle ne veut pas l’entendre mais nous le savons tous : seules les mesures d’âges permettent d’assurer la pérennité du système.

De plus, à force d’avoir des tabous sur les régimes spéciaux, la convergence, le régime par points, la transparence, l’équité des contributions, le Gouvernement met à mal l’avenir de nos comptes sociaux et de notre pacte social.

Le renvoi en commission est également nécessaire concernant le paquet social.

Le Gouvernement nous propose un texte insincère, car non financé. Le paquet social est un véritable catalogue auquel nous voudrions tous souscrire : mesures à destination des jeunes, des femmes, des petites pensions, des pensions agricoles, et j’en passe.

Je vous citerai deux exemples de mesures non financées. Tout d’abord, la pénibilité. Son coût est estimé à 2,5 milliards en 2040, pour un rendement attendu des deux cotisations affectées de seulement 800 millions à la même date. Il n’est pas responsable de proposer un système dont on sait qu’il ne sera pas financé à hauteur de 1,7 milliard à terme. C’est injuste pour les salariés et les entreprises. Qui va payer la différence ?

Second exemple, les mesures agricoles – je me réjouis à cet égard de voir Germinal Peiro parmi nous, car c’est lui, avec Michel Barnier, alors ministre de l’agriculture, qui a écouté le monde agricole et qui s’est battu pour que des mesures soient progressivement prises.

M. Germinal Peiro. Merci !

M. Alain Chrétien. Il est gentil !

M. Denis Jacquat. On ne peut que se féliciter de la poursuite des efforts, et du respect de notre parole d’aider au maximum les ressortissants du monde agricole. Mais qui va payer ? L’étude d’impact est très floue sur le sujet, évoquant une vague réduction des niches. J’avoue que j’ai peur.

Est-ce que les agriculteurs vont payer ? Fidèle à son habitude, le Gouvernement va-t-il donner d’une main pour reprendre aussitôt de l’autre main ?

Cette insincérité se retrouve dans les relations de l’État avec les libéraux : sans concertation et afin de l’étatiser, la CNAVPL est proposée au poteau d’exécution.

On le voit, votre majorité s’est trompée de projet : c’est pourquoi nous demandons le renvoi en commission.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Où sont les arguments ?

M. Denis Jacquat. En conclusion, je m’interroge tout d’abord sur le non-respect de la loi de 2010 qui prévoyait la réalisation en 2013 d’une étude sur la réforme systémique. Je m’interroge également sur ce projet de lois qui ne correspond pas du tout à ce qui est nécessaire car, depuis 2010, il y a la crise, que la majorité actuelle nie malheureusement constamment.

Lisibilité, visibilité, pérennité sont les maîtres mots d’un texte concernant les retraites. Celui que vous nous proposez, madame la ministre, est simplement et malheureusement un emplâtre destiné à tenir le temps des élections municipales, cantonales et régionales : nous aurons à nous retrouver tous ici même d’ici deux ans.

L’UMP, qui a toujours eu le courage de faire avancer les réformes sans tabous, sait très bien que ce texte n’est que du très court terme. Aussi, comme le sujet des retraites nécessite du sérieux et du long terme, nous demandons le renvoi en commission. Je vous remercie de m’avoir écouté paisiblement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la présidente, je ne dirai que quelques mots, sur un ton aussi paisible que celui qu’a employé M. Jacquat. Sa démonstration ne démontre en effet rien du tout. Les travaux en commission ont été longs, approfondis et fouillés. Il n’y a donc nulle raison, monsieur le député, de retourner en commission pour examiner les points que vous avez évoqués. Ces derniers soulignent d’ailleurs une différence majeure entre les projets que vous avez portés et ceux que le Gouvernement présente aujourd’hui.

Vous avez dit, redit et répété sur tous les tons qu’il n’y avait au fond d’autre réforme que de prolonger celle de 2010. Son échec manifeste m’oblige à dire que ce sont d’autres voies et d’autres perspectives qu’il s’agit d’emprunter.

M. Arnaud Robinet. Quel échec ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Pour cette raison, j’appelle évidemment l’Assemblée à repousser votre motion de renvoi en commission.

M. Denis Jacquat. Quelle erreur historique !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Je m’exprimerai aussi paisiblement que mon ami et collègue Denis Jacquat, avec qui j’ai eu l’occasion de siéger plus de dix ans au sein du Conseil d’orientation des retraites. C’est un fin connaisseur de ce dossier, et j’aurais souhaité que devant notre assemblée, il puisse justifier le renvoi en commission. Mais je n’ai pas entendu dans son intervention la moindre indication justifiant le renvoi en commission.

Les travaux ont été menés en commission des affaires sociales et en commission des finances. Des amendements ont été déposés, et tout à l’heure encore, lors d’une réunion de la commission sur le fondement de l’article 88 de notre règlement, des amendements ont été examinés sous l’autorité de la présidente. Le travail a donc été mené.

Au fond, l’intervention de notre collègue Denis Jacquat repose sur un seul élément : sa justification de la réforme des retraites de 2010. Je tiens à lui rappeler que lui-même, lorsqu’il avait cette responsabilité, nous avait déclaré en 2010 à cette tribune que cette réforme serait la dernière des dernières. Il nous avait déclaré à l’époque que la réforme proposée par François Fillon et Éric Woerth allait régler tous les problèmes, notamment ceux des équilibres financiers.

M. Denis Jacquat. Jusqu’en 2020 seulement !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Or le rapport Moreau met en évidence l’existence de déséquilibres profonds. Si nous nous retrouvons aujourd’hui à débattre d’un texte de loi sur les retraites, c’est justement parce qu’il existe un déséquilibre financier.

Dans le même temps, le Gouvernement a fait le choix d’un rééquilibrage social.

M. Alain Chrétien. Et de faire payer les retraités !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Au fond, une réforme des retraites peut s’accompagner de mesures de justice sociale. C’est le cas du dispositif à l’égard des jeunes, ainsi que celui à l’égard des femmes, qui avaient été totalement oubliées par la précédente réforme. C’est surtout le cas du dispositif à l’égard des personnes qui ont des emplois contraints et qui souffrent de pénibilité.

Denis Jacquat confond deux choses : les travaux pénibles et le fait qu’en fin de carrière, certains salariés se retrouvent dans des situations de handicap. Invalidité et pénibilité sont deux choses distinctes. Nous essaierons de lui démontrer que ce texte permet aussi des avancées sociales.

Mme la présidente. Au titre des explications de vote, la parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Dominique Orliac. Ce projet de loi a été largement amendé en commission, et les pistes qui nous sont proposées permettront d’assurer la pérennité financière du système de retraite.

Monsieur Jacquat, vous nous avez donné rendez-vous dans deux ans, mais permettez-moi de rappeler que vous-même, il y a un peu plus de deux ans, aviez fixé un rendez-vous. Vous avez été insincère puisque vous aviez prévu une large réforme des retraites qui réglerait tout pour des décennies.

M. Denis Jacquat. Seulement jusqu’en 2020, et rendez-vous était fixé en 2018 !

Mme Dominique Orliac. En fait, il s’agissait juste d’un équilibrage financier qui n’avait aucune pérennité. Le groupe RRDP ne votera donc pas cette motion de renvoi en commission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. Je regrette tout d’abord que notre groupe ne dispose que de quinze minutes de temps de parole dans le débat général, répartie en cinq minutes pour nos amis ultramarins et dix pour les députés du Front de gauche. C’est dire à quel point nous avons peu de temps pour expliquer les raisons de fond de notre opposition aux dispositions de ce projet et à la philosophie qui le sous-tend.

Le temps nous manque surtout pour formuler d’autres propositions, ce qui intéresse les Français. Ces propositions permettraient à la fois de financer la protection sociale, donc les retraites, et de stimuler l’économie pour créer des emplois et augmenter les salaires, ce qui est essentiel pour le financement.

S’y joint la contribution indispensable des dividendes, dont l’essentiel va à la spéculation et non à l’investissement. Et comble de l’injustice, les dividendes ne contribuent pas du tout, ce qui constitue un formidable manque à gagner.

Vous le voyez : nos objectifs sont diamétralement opposés à ceux de la droite qui, dès 1993, augmentait la durée de cotisation de 37,5 années à 40.

M. Denis Jacquat. C’était le Livre blanc sur les retraites, c’est Rocard que vous critiquez !

Mme Jacqueline Fraysse. Cette droite allait encore plus loin en 2003 et 2010 en reculant à 62 ans l’âge légal de départ en retraite et en allongeant encore à quarante et un ans la durée de cotisation. Nous n’avons donc aucun doute sur la volonté d’aggravation du contenu de ce texte par la droite.

C’est pourquoi, alors que nous contestons les dispositions du projet et la philosophie qui le sous-tend, nous ne voterons pas cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Pinville, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Martine Pinville. Moi aussi je m’exprimerai de manière apaisée. J’ai bien écouté Denis Jacquat, il a parlé de faux rendez-vous, de non-réforme, de défaillance de l’État ou encore de mesures anti-pouvoir d’achat.

Mais cher collègue, depuis la conférence sociale, avec les travaux du COR, le rapport Moreau et ses propositions, la concertation avec les partenaires sociaux et les longs travaux en commission que nous avons menés, un certain nombre de propositions ont été faites.

Le projet de loi est force de proposition pour les femmes, pour les jeunes, pour les personnes handicapées, les aidants familiaux que la ministre a évoqués tout à l’heure. Ce texte va traiter de la pénibilité – j’oublie bien sûr certaines de ses propositions.

C’est une réforme responsable qui s’attaque à toutes ces inégalités structurelles et qui garantira, je n’en doute pas, l’avenir et la justice de notre système de retraites. Nous ne voterons donc pas la demande de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Denis Jacquat. Quelle erreur !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Véronique Louwagie. Je souhaite revenir sur différents points évoqués par Denis Jacquat pour la défense de ce renvoi en commission portant sur la forme, sur la méthode et sur le fond.

Sur la forme, on ne peut qu’être perplexe au vu du calendrier. Rappelons qu’il ne s’est passé que quatre jours, week-end compris, entre la présentation du projet en Conseil des ministres et son examen en commission. Vous reconnaîtrez que c’est peu. Ensuite, il n’y a eu que trois jours entre le moment où nous avons disposé du texte et le début de l’examen en séance. Ces délais ne sont pas favorables à un bon travail.

S’agissant de la méthode, l’étude d’impact laisse des questions en suspens, qui ont été évoquées. C’est notamment le cas des intentions du Gouvernement en matière de compensation des hausses de cotisation employeurs. Nous n’avons toujours pas de réponse à cette question.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Nous avons toute la semaine pour cela !

Mme Véronique Louwagie. Sur le fond, s’agissant de l’évolution de l’âge légal du départ à la retraite, il conviendrait de poursuivre l’effort qui a été réalisé en 2003 et en 2010.

Finalement, en privilégiant le relèvement de la durée de cotisation plutôt que le report de l’âge légal, le projet de loi contribue à créer des faiblesses. Il encourage une baisse des pensions, il désavantage les jeunes qui, comme le rappelait Arnaud Robinet, ne pourront prendre leur retraite à taux plein qu’à 66 ans s’ils commencent à travailler à 23 ans. C’est une option très compliquée.

C’est une réforme hypocrite qui va laisser penser aux Français qu’ils pourront prendre leur retraite à 62 ans, alors que beaucoup ne pourront le faire qu’avec une retraite minorée ou avec décote.

Un autre point a été évoqué, le renforcement de l’équité entre le secteur public et le secteur privé. En page 132 de son rapport, Mme Yannick Moreau estimait nécessaire de poursuivre la démarche de convergence entreprise depuis 2003 pour remplir trois objectifs principaux. Le premier est un objectif de lisibilité, puisque les différences tendent à nourrir un sentiment d’injustice. Il faut l’entendre. Le deuxième est un objectif d’équité, puisque la part croissante des primes dans la rémunération des fonctionnaires et sa variabilité entre les différents corps aboutissent à une diminution des taux de remplacement et à des inégalités entre fonctionnaires. Enfin, le troisième objectif est un objectif de pilotage.

Le projet de loi a finalement perdu de vue son objectif initial. Pour ces motifs, le groupe UMP soutient le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jonas Tahuaitu, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Jonas Tahuaitu. Le groupe UDI constate que le Gouvernement est très hésitant : après avoir refusé nos propositions relatives aux stagiaires, il en propose une copie fidèle quatre jours après la clôture de nos travaux en commission !

Par ailleurs, les membres de la commission des affaires sociales ont été soumis à un rythme de travail anormal et inapproprié alors que les débats étaient de qualité, en particulier concernant les mesures de justice dans le chantier de la pénibilité.

Je regrette à cet égard l’opposition systématique du rapporteur à des propositions qui semblaient pourtant susciter un relatif consensus parmi les commissaires, sans parler de l’empressement du Gouvernement à couper court au débat.

Au demeurant, le texte qui nous est soumis mériterait une réflexion plus approfondie et plus sereine, car ce projet de loi engage l’avenir de notre pays.

Par conséquent, nous voterons pour la motion de renvoi en commission présentée par M. Jacquat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.

Mme Véronique Massonneau. De même que je n’ai pas voté la motion de rejet préalable, je ne voterai pas cette motion de renvoi en commission.

M. Denis Jacquat. Quelle erreur !

Mme Véronique Massonneau. Rien ne justifie cette motion. S’il n’a pas été fructueux, le travail en commission a tout de même eu lieu.

M. Denis Jacquat. Il n’est pas suffisant ! Vous vous contentez de peu !

Mme Bérengère Poletti. On peut faire mieux !

Mme Véronique Massonneau. Si, comme nous, vous souhaitez travailler sur ce texte, la semaine qui s’ouvre aujourd’hui vous le permettra. Les écologistes préfèrent se concentrer sur les débats qui s’annoncent, avec l’espoir d’améliorer ce projet de loi.

M. Arnaud Robinet. Vous rêvez !

M. Denis Jacquat. Vous allez pleurer, chère amie !

Mme Véronique Massonneau. Cette motion de renvoi en commission n’a donc pas lieu d’être.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Cinq voix seulement à droite !

Mme la présidente. Mes chers collègues, avant d’ouvrir la discussion générale, je vais suspendre la séance quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, disons-le d’emblée : les différentes réformes du système de retraites menées au cours des vingt dernières années par la droite,…

M. Denis Jacquat. Pourquoi nous attaquer, tout de suite ?

Mme Dominique Orliac. …par M. Balladur en 1993, M. Fillon en 2003 et M. Woerth en 2010,…

Mme Bérengère Poletti. Au moins, eux, ils ont fait quelque chose !

M. Arnaud Robinet. Lionel Jospin, lui, qu’a-t-il fait ?

Mme Dominique Orliac. …n’ont été que des réformes paramétriques, de court terme, visant uniquement l’équilibre comptable du système.

M. Denis Jacquat. Nous nous inspirons de Michel Rocard, qui a de très bonnes idées !

Mme Dominique Orliac. Aujourd’hui, l’allongement de la durée de vie doit être une chance de mieux vivre et non pas seulement d’aménager le système de retraites. C’est pourquoi il convient de mettre en œuvre une réforme répondant aux nouvelles attentes de la société et réellement à même de protéger notre système par répartition.

Pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, la réforme des retraites doit être incluse dans une politique de protection et de cohésion sociales tout au long de la vie. Cette réforme ne peut être dissociable d’une réflexion sur l’entrée des jeunes dans la vie active, tout en considérant que leur vie est devenue plus longue que celle de leurs aînés. Elle n’est pas non plus dissociable d’une approche des risques encourus tout au long de la vie pouvant notamment conduire à des états de santé très différenciés en fin de vie et à des carrières heurtées. Par conséquent, il est indispensable de faire émerger une nouvelle politique des temps – sociaux comme professionnels – assurant cohérence sociale et liberté de choix, ce qui implique des choix de temps collectifs et individuels.

Pour notre groupe, la priorité est de lutter contre le chômage, puisque c’est la première clé du redressement de toute politique sociale. Ce chômage chronique, qui concerne autant les jeunes que nos seniors, doit être combattu en priorité pour remettre dans la boucle du travail des cotisants en puissance.

Le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites présenté aujourd’hui engage une réforme qui permettra un financement de la sécurité sociale qui pèsera moins sur le coût du travail, et donc de l’emploi. En outre, il prévoit des économies sur les coûts de gestion des régimes, dès 2016, à hauteur de 200 millions d’euros.

L’espérance de vie recalculée a également été prise en compte. En effet, le Gouvernement s’est fondé sur le fait que l’espérance de vie après 60 ans continuera à augmenter, pour atteindre un peu plus de 25 ans pour les hommes et 30 ans pour les femmes en 2040. Par conséquent, la durée d’assurance pour une retraite à taux plein à partir de 2020 devra augmenter d’un trimestre par an, et passera dès lors à 43 ans en 2035.

Toutefois, s’agissant de la pérennité du financement des retraites, je tiens à rappeler que l’inversion de la pyramide des âges risque de faire contribuer les jeunes générations actuelles plus fortement dans le futur. Les jeunes actifs d’aujourd’hui connaissent des problèmes liés à l’activité et au chômage qui nous semblent plus forts qu’auparavant ; ils devront participer davantage au financement du système, via le principe de solidarité intergénérationnelle.

Aujourd’hui, les jeunes générations sont plus fortement qu’auparavant soumises à plusieurs changements de carrière tout au long de leur vie d’actifs. Il nous faudra donc trouver une solution qui permettra d’éviter un accroissement des inégalités en défaveur des assurés à carrière courte.

On parle sans cesse de l’allongement de l’espérance de vie, mais nous oublions que les définitions de la jeunesse ont évolué. Il est important de prendre en compte l’allongement de l’espérance de vie, mais également l’allongement de la période de vie qui caractérise cette même jeunesse. En effet, si l’on admet communément que la catégorie des jeunes s’arrête à 25 ans, force est de constater que la précarité de la génération oubliée des 25-35 ans continue de créer des fragilités importantes dans les parcours professionnels. Le rachat du temps de la formation ou de périodes de stages ne peut qu’aller dans le bon sens ; je note toutefois que les étudiants ayant mené de longues études seront désavantagés, puisque des étudiants ayant un niveau bac+2 pourront racheter la moitié de leurs études, alors qu’un étudiant de niveau bac+8 ne pourra en racheter qu’un huitième.

Concernant nos seniors, une véritable politique d’accompagnement des personnes âgées devra compléter cette réforme des retraites. Cela passera par la couverture du cinquième risque, mais aussi par des mesures d’accompagnement en nature : aides à l’aménagement du domicile pour l’adapter aux besoins des personnes âgées dépendantes, aides renforcées à la mobilité, aides à l’accès aux activités de communication, culturelles et de loisir. Cette politique d’accompagnement devrait être élaborée et mise en place par l’État et les collectivités territoriales déjà actives dans ces domaines.

N’oublions pas les femmes. À cet égard, le projet de loi assure une meilleure prise en compte des trimestres d’interruption au titre du congé de maternité, qui seront réputés cotisés.

Venant d’un département rural, permettez-moi, madame la ministre, d’insister sur un sujet qui me tient à cœur, celui des retraites agricoles.

Les agriculteurs sont les parents pauvres du système des retraites actuel ; ils pâtissent de très faibles pensions, même lorsqu’ils ont cotisé tout au long de leur carrière. La moyenne nationale s’établissait, fin 2011, à près de 800 euros pour les hommes et à seulement 550 euros pour les femmes. Beaucoup se trouvent, de fait, placés sous le seuil de pauvreté. Aussi, si les promesses de campagne du Président de la République visant à revaloriser les plus faibles retraites agricoles figurent bien dans votre projet de réforme, on peut en revanche s’interroger sur la pertinence des conditions de financement choisies. En effet, doit-on faire supporter ce financement uniquement par les actifs agricoles d’aujourd’hui par une hausse des charges sociales, c’est-à-dire demander aux seuls agriculteurs en activité de compenser le manque de revenus des anciens actifs, ceux-là même qui n’ont pas pu se constituer une retraite décente ?

Par ailleurs, comme l’a indiqué le Premier ministre fin août, « les conjoints collaborateurs n’ont bénéficié, à la différence des chefs d’exploitation, d’aucun point gratuit, ni de la possibilité de racheter des années antérieures ». Le Premier ministre a donc annoncé que 66 points gratuits seront attribués, au titre des affiliations dans la limite de dix-sept années, aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux justifiant de trente-deux années et demie dans le régime des non-salariés agricoles, y compris pour les retraités actuels.

C’est une avancée mais, je crains, madame la ministre, que cela ne suffise pas à leur assurer un niveau de vie décent.

M. Denis Jacquat. Exact.

Mme Dominique Orliac. De même, nombre d’entre eux risquent d’être exclus du dispositif, compte tenu des critères restrictifs et je souhaite que votre projet de réforme s’empare aussi de ces enjeux.

M. Denis Jacquat. On vous aidera.

Mme Dominique Orliac. Concernant la pénibilité dont la prise en compte est une très grande avancée sur laquelle nous reviendrons plus largement, nous pouvons regretter que les praticiens hospitaliers ne soient pas concernés.

Je souhaite insister, avec le groupe RRDP, sur l’article 32 du projet de loi, car celui-ci laisse à penser une certaine reprise en main par l’État des caisses de retraites des professions libérales. En effet, le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, nommé par décret, superviserait la gestion des régimes de base et mettrait fin à l’autonomie des sections professionnelles. Notre proposition d’amendement ne vise aucunement à garder telles quelles les dispositions concernant les régimes de retraite des professionnels libéraux. Mais cet article ayant été introduit sans la moindre concertation, il nous paraît d’autant plus surprenant que les précédents échanges avec le Gouvernement n’aient pas laissé entendre de telles mesures, rédigées en urgence. Selon nous, il est indispensable qu’une concertation ait lieu avant toute prise de décision concernant plusieurs dizaines de fédérations professionnelles. Il conviendrait également de préciser les motivations réelles de l’article 32.

Bref, les pistes qui nous sont proposées dans le projet de loi permettront d’assurer la pérennité financière du système de retraite, d’une réforme des retraites empreinte de justice. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soumettra plusieurs amendements visant à améliorer ce texte afin de lui donner encore plus de force et de justice.

Nous attendons donc de voir comment le projet de loi amendé en commission des affaires sociales évoluera à la suite des amendements qui seront présentés dans les prochains jours, mais notre groupe est confiant dans un texte empreint de plus de justice concernant la retraite de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Denis Jacquat. Il va y avoir des coups !

M. Arnaud Robinet. Préparez-vous !

Mme Jacqueline Fraysse. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, trois ans à peine après la réforme Fillon,…

M. Denis Jacquat. La réforme Woerth.

Mme Jacqueline Fraysse. …nous voici appelés à modifier pour la quatrième fois notre système de retraites.

De la part d’un Gouvernement socialiste, on aurait été en droit d’attendre qu’il en profite pour revenir sur les reculs imposés par vingt ans de libéralisme débridé.

M. Jean-Pierre Vigier. Cela commence mal !

Mme Jacqueline Fraysse. Dès 1993, la réforme Balladur allongeait de trente-sept ans et demi à quarante ans la durée de cotisations et imposait la prise en compte des vingt-cinq et non plus des dix meilleures années, pour le calcul des pensions.

En 2003, la réforme Fillon entérinait un nouvel allongement de la durée de cotisations à quarante et un ans, puis, en 2010, le recul de deux ans de l’âge légal de départ ouvrant droit à une retraite à taux plein. La gauche tout entière n’avait pas manqué de protester à juste titre.

M. Arnaud Robinet. Eh oui, c’est bien de le rappeler ! (Sourires.)

Mme Jacqueline Fraysse. Pourtant, que constatons-nous aujourd’hui ? Non seulement les reculs imposés par la droite sont entérinés, mais de nouvelles régressions sont avancées avec, une fois de plus, l’augmentation de la durée de cotisation portée à quarante deux ans, assortie d’une augmentation du taux de cotisation.

Pas de changement de cap donc, par rapport aux gouvernements précédents : même méthode, mêmes choix.

M. Marc Dolez. Hélas !

Mme Bérengère Poletti. On est d’accord !

Mme Jacqueline Fraysse. Même méthode avec une concertation menée au pas de charge en juillet, et l’annonce des décisions par le Premier ministre le 28 août !

Mêmes choix, avec le maintien du cap de l’austérité sur injonction de la Commission européenne, sans aucune proposition pour commencer de s’attaquer au cancer de la spéculation financière et dégager des ressources nouvelles pour les salaires, l’emploi et la protection sociale, donc les retraites.

Ainsi, après avoir rangé aux oubliettes sa promesse de s’attaquer à la finance et de renégocier le pacte de croissance, François Hollande continue de donner des gages à Bruxelles.

Comment, dans ces conditions affirmer, comme le fait la majorité, que cette réforme des retraites est inévitable et que c’est la seule possible ? Que cette réforme est juste alors que seuls les salariés subiront la hausse de leurs cotisations, puisque celle des entreprises sera entièrement compensée ou qu’elle n’aura pas d’incidence ni sur le montant des pensions, ni sur l’âge de départ à la retraite, ce qui constitue une incroyable hypocrisie ?

M. Arnaud Robinet. On est d’accord ! On l’a dit.

Mme Jacqueline Fraysse. Si votre texte est adopté, le montant des pensions baissera…

M. Marc Dolez. Eh oui !

Mme Bérengère Poletti. C’est la vérité !

Mme Jacqueline Fraysse. …parce que de très nombreuses personnes ne parviendront pas à cotiser quarante-deux ans pour percevoir une retraite à taux plein.

Bien sûr, avec votre réforme, madame la ministre, les salariés partiront plus tard, au-delà de soixante-deux ans, puisqu’ils devront travailler plus longtemps pour atteindre les quarante-deux annuités exigées, ce que vous avez d’ailleurs admis non pas publiquement, mais dans un rapport transmis à la Commission européenne.

Mme Véronique Louwagie. On ne sait pas tout ! (Sourires.)

Mme Jacqueline Fraysse. Pour masquer cette dure réalité et faire passer ce texte « en douceur », comme vous dites, vous avancez quelques points positifs. S’ils ont le mérite de soulever de vrais problèmes, tels que la pénibilité, la prise en compte de l’apprentissage et des stages, le travail à temps partiel, la situation des personnes handicapées et de leurs aidants familiaux ou les retraites dans le monde agricole, l’examen attentif du contenu de ces quelques points montre leur portée limitée.

En tout état de cause, le compte n’y est pas, loin s’en faut.

Le compte n’y est pas pour les jeunes, qui subiront de plein fouet l’allongement de la durée de cotisations car les années d’étude ne sont pas prises en compte. Tout au plus deux années pourront-elles être rachetées, mais à un prix prohibitif !

Le compte n’y est pas davantage pour les femmes. Si celles qui travaillent à temps partiel bénéficieront de la baisse du nombre d’heures nécessaires pour valider un trimestre, aucune mesure volontaire n’est prévue pour mettre fin à l’inégalité salariale qu’elles subissent.

Le compte n’y est pas non plus pour les salariés exposés à des métiers pénibles, avec un compte pénibilité qui ne concernera qu’un petit nombre d’entre eux et qui ne prendra pas du tout en considération des facteurs nouveaux de pénibilité comme le stress au travail, et alors que rien n’est prévu pour les salariés aujourd’hui âgés de cinquante ans et ayant travaillé de nombreuses années dans des métiers pénibles ou pour les contractuels de la fonction publique.

Quant aux retraités, ils subiront le report de six mois de la revalorisation de leur pension, y compris ceux dont la retraite est si faible qu’ils ne sont pas imposables sur le revenu. Ils se verront désormais imposés sur la majoration de 10 % du montant des pensions de parents de trois enfants et plus.

Au total, 2,4 milliards d’euros seront ainsi ponctionnés dès 2014 sur les retraités, y compris les plus modestes, je le répète. À l’évidence, cette réforme est douloureuse pour tout le monde, sauf pour le patronat qui n’aura pas à mettre la main à la poche, puisque la hausse de la part patronale des cotisations retraite sera intégralement compensée par une baisse des cotisations familiales à la charge des employeurs.

Au bout du compte, le financement de cette réforme incombera essentiellement aux salariés. Le MEDEF en a rêvé, le Gouvernement socialiste le fait.

M. Arnaud Robinet. C’est honteux !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas possible ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Jacqueline Fraysse. De ce point de vue, je voudrais dire à mes collègues de droite combien j’admire les trésors d’inventivité dont ils font preuve pour critiquer un texte qui s’inscrit complètement, hélas, dans la doctrine libérale qu’ils défendent.

Notre approche est diamétralement opposée à celle que vous défendez. Nous affirmons que les moyens existent dans notre pays pour financer une protection sociale et une retraite dignes pour tous.

Nous l’affirmons parce que la productivité et la richesse nationales n’ont cessé de progresser au fil du temps. Le problème n’est pas le manque de moyens, mais la répartition de la richesse produite par le travail.

Depuis trente ans, la part des salaires a considérablement reculé par rapport à celle des dividendes. En 1982, les dividendes représentaient 3,2 % du produit intérieur brut. En 2011, ils en représentent 9,3 %. Ce sont ainsi 180 milliards d’euros qui, chaque année, sont versés aux actionnaires, dont la plus grande partie ira gonfler de nouvelles bulles spéculatives.

D’où viennent ces 180 milliards, sinon du travail des salariés ? À quoi servent-ils, sinon à fuir dans les paradis fiscaux et à alimenter la bulle spéculative ? Il est là le frein à la compétitivité des entreprises, dont vous ne cessez de parler, dans cette sangsue qui pressurise le monde du travail, les entreprises et leurs salariés.

C’est pourquoi nous demandons, une nouvelle fois, que ces revenus financiers qui non seulement ne cotisent pas, mais ne sont même pas investis pour créer de l’activité économique et des emplois, soient enfin mis à contribution pour financer la protection sociale, les retraites.

Contrairement à ce que vous affirmez, augmenter la part des prélèvements sur les revenus financiers ne nuirait nullement à la compétitivité des entreprises puisqu’il s’agit de revenus déjà distribués. Mais vous avez délibérément décidé de n’agir que sur l’augmentation des cotisations et de leur durée.

En n’agissant que sur ces seuls leviers, les comptes sociaux ne seront pas équilibrés, et vous le savez. Nous n’irons que de recul en recul sans jamais atteindre l’équilibre qui nous est cependant promis à chaque réforme et aujourd’hui encore…

Lorsque l’on a demandé à Mme Moreau en commission pourquoi elle n’avait pas exploré l’élargissement de l’assiette, elle a répondu que « ce n’était pas la commande », montrant par-là les limites et les présupposés idéologiques qui entourent ce prétendu large débat sur les retraites.

Pourtant et je le dis solennellement, il est urgent de desserrer l’étau de la finance sur l’économie réelle. Cette finance que François Hollande désignait comme « l’ennemi invisible et sans visage »,…

M. Philippe Vigier. Le temps d’un discours !

Mme Jacqueline Fraysse. …cette finance, rappelons-le, qui est la seule responsable de la crise dans laquelle nous nous engluons.

D’un gouvernement de gauche, nous étions effectivement en droit d’attendre une telle orientation courageuse qui aurait rompu avec les politiques néolibérales suivies depuis trente ans. D’autant que les fortes paroles entendues ici même lors de la précédente réforme de 2010…

M. Denis Jacquat. La porte-parole du groupe socialiste en était la ministre actuelle !

Mme Jacqueline Fraysse. …pouvaient nous permettre de placer beaucoup d’espoir sur cette réforme des retraites, la première, par un gouvernement de gauche depuis l’instauration, en 1981, de cette avancée sociale que représente la retraite à soixante ans. Malheureusement, tel n’est pas le cas et la potion est amère.

Après les 20 milliards accordés au patronat dans le cadre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et la ratification de l’ANI, c’est la déception et l’exaspération dans le monde du travail. Permettez-moi de citer un appel de certains membres du Parti socialiste : « En mai et juin 2012, la gauche a été élue pour défendre nos droits à la retraite, pas pour les remettre en cause. C’est à nous, la gauche, de défendre le droit au bonheur après quarante années de labeur. »

C’est bien, en effet, le rôle de la gauche. Mais cet appel sera-t-il entendu en haut lieu et, surtout, soutenu ici dans cet hémicycle ?

Une majorité de gauche ne doit-elle pas se fixer l’objectif d’alléger le travail des hommes et de faire avancer le progrès social ? C’est notre conviction profonde. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, si la majorité décide de maintenir ce cap de l’austérité et des reculs sociaux, nous n’en serons pas : nous ne cautionnerons pas ces formidables renoncements. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.

M. Arnaud Robinet. M. le commissaire politique !

M. Denis Jacquat. Nous avons mis nos boucliers : nous sommes prêts !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous avez aussi votre commissaire politique !

M. Christian Paul. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à l’actif de notre majorité et du Gouvernement, nous adopterons dans quelques jours une réforme pour parvenir, malgré la crise, à sécuriser notre système de retraites, en le finançant, et à faire progresser la justice, qui donne le sens de notre action.

M. Arnaud Robinet. Nous voulons des preuves !

M. Christian Paul. Nous parviendrons à construire ainsi de nouveaux droits, je le dis aussi à l’intention de Mme Fraysse que j’ai écoutée avec attention. À chaque étape, c’est bien à la gauche qu’il convient de construire de nouveaux espaces de progrès et nous le faisons avec cette réforme.

Les deux objectifs de la réforme – sécuriser le système, d’une part ; faire progresser la justice, d’autre part – sont affirmés sans ambiguïté dans ce projet, et nous travaillons avec le Gouvernement à les atteindre.

La droite, sur ce sujet, n’a guère servi la France. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Denis Jacquat. Ça nous manquait !

M. Christian Paul. La tentative brutale de 2010, dont les inspirateurs sont de ce côté, n’a pas assuré le financement des retraites et vous sembliez d’ailleurs, monsieur Jacquat, émettre quelques regrets à ce sujet. Au contraire, elle a fait prospérer les inquiétudes et les injustices. Le mot de réforme ne saurait s’appliquer à cette régression.

M. Jean-Pierre Vigier. Nous avons fait mieux que vous !

M. Christian Paul. Si la virulence des critiques est proportionnelle à l’échec, nous allons entendre ce soir beaucoup de bruits et de fureur !

M. Denis Jacquat. Ça ne fait que commencer !

M. Christian Paul. Plus grave, vous rêvez de pousser le Gouvernement sur tous les écueils.

M. Xavier Bertrand. Pas besoin de nous pour ça !

M. Christian Paul. Je veux le redire : à l’heure de la réforme des retraites, le courage, ce n’est pas le saccage des régimes de retraite. Non, la réforme, ce n’est la fin de la solidarité.

Dans un livre récent, l’un des vôtres décrète la « mort de l’État-Providence » !

M. Denis Jacquat. M. Arnaud Robinet !

M. Christian Paul. Il s’agit en effet de M. Robinet, chargé de la question des retraites au sein de votre formation politique. Si c’est votre programme, comme je le crois, alors dites-le aux Français. Si fixer l’âge légal à 65 ans et la retraite à 70 ans est dans vos intentions, comme je le crains, dites-le maintenant, en pleine lumière au Parlement.

M. Arnaud Robinet. Vous n’avez pas lu le livre !

M. Christian Paul. Chacun jugera mais nous sommes très loin du programme du Conseil national de la Résistance.

M. Gérard Sebaoun. En effet !

M. Christian Paul. Venons à l’essentiel. Cette réforme était nécessaire. Les Français le savent, ils le sentent, ils nous le disent. Ils nous auraient à bon droit reproché de ne pas prendre à bras-le-corps la question de retraites. En effet, il y a trois ans, nous avons reproché à juste titre à la loi Sarkozy d’être injuste et non financée, car elle l’était. Il fallait tourner enfin cette page.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Absolument !

M. Christian Paul. Cette réforme est financée.

M. Arnaud Robinet. Vous n’y croyez pas vous-même !

M. Christian Paul. Des ressources sont mises en face de la démographie, en toute clarté. Ce n’est d’ailleurs pas une falaise à gravir. Les travaux du Conseil d’orientation des retraites et le rapport Moreau ont jalonné la trajectoire.

Il y a, c’est vrai, quinze années difficiles devant nous, de 2020 à 2035. Nous avons pris la mesure des besoins financiers, sans les minorer – c’eût été irresponsable –, mais sans les exagérer non plus, à l’inverse de vous qui prenez à dessein plaisir à faire peur aux retraités d’aujourd’hui et à ceux de demain.

Avec cette réforme, nous ambitionnons de garantir le système par l’effort général, justement réparti, et par un pilotage responsable. Les entreprises y prendront leur part, au côté des salariés. C’est la logique du système de retraites.

Le MEDEF, c’est vrai, demande sans cesse sur tous les sujets des compensations. Ce n’est pas une demande cohérente. La retraite restera majoritairement un système contributif, financé par des cotisations. Viendra prochainement – le Gouvernement s’y est engagé à de nombreuses reprises – le temps d’une réforme,…

M. Denis Jacquat. Donnez-nous une date !

M. Christian Paul. …et peut-être même d’une refondation du financement de la protection sociale, y compris de la branche famille. Nous aurons à le faire également à l’occasion de la loi relative à l’autonomie. Ce soir, il s’agit d’une réforme des retraites et la hausse des cotisations patronales fait partie de l’équilibre de cette réforme.

Cette réforme fait également progresser la justice. Qu’est-ce que la justice, quand on réforme un système de retraite ? Cela suppose deux buts sont à atteindre, deux buts qui figurent dans ce projet. C’est d’abord plus d’égalité parce que l’égalité, c’est la base universelle d’un système par répartition. Nous nous attachons à le consolider, et ainsi à le sauver. Mais la justice, c’est aussi plus de prise en compte de la réalité vécue, et de la vraie carrière de chacun. Nous voulons plus de personnalisation des réponses. Nous voulons personnaliser le système de retraites.

Les Trente glorieuses restent une nostalgie, avec des vies au travail plus complètes et des parcours plus linéaires, souvent dans la même entreprise ou dans la même branche. Aujourd’hui, nous devons cesser d’ignorer les carrières interrompues et discontinues, les précarités subies et le temps partiel. Nous devons mieux reconnaître formations en alternance, les stages, les études fort heureusement plus longues, les allers-retours entre le public et le privé, les choix familiaux, la maternité bien sûr, la mobilité géographique ou la mobilité d’une branche à une autre : ce sont des réalités que le système de retraites ne saurait ignorer ou mal traiter. Dans la société d’aujourd’hui, il faut amortir les chocs et favoriser les choix. C’est notre responsabilité collective.

Alors, madame la ministre, pour que cette réforme soit une réussite, nous attendons beaucoup du travail parlementaire, du dialogue avec le Gouvernement, mais aussi de la discussion avec les partenaires sociaux qui ne s’arrête pas au vote de cette loi.

Nous le souhaitons pour la pénibilité : ce sera une conquête historique et irréversible que des générations de travailleurs cassés par la vie au travail ont attendue en vain. Ce nouveau droit sera ouvert potentiellement à 20 % des salariés. Il est proposé un dispositif de compte pénibilité individuel. À nous de le rendre opérationnel dans les entreprises, par le dialogue avec les partenaires sociaux. À nous d’en faire mieux bénéficier les salariés qui prendront leurs retraites dans les prochaines années. À nous donc d’améliorer ce volet du texte à travers les amendements que nous examinerons au cours de la semaine.

Nous le souhaitons pour les jeunes, qui veulent un système sûr et lisible. Nous allons l’assurer, et ainsi les rassurer. Pour beaucoup, nous atténuerons l’effet mécanique des 43 ans en prenant mieux en compte l’alternance, les stages, le temps partiel, et le rachat des années d’études y contribuera également. Je défends l’idée, avec le groupe socialiste, que la prise en compte des stages doit constituer une des avancées concrètes de cette réforme.

Nous le souhaitons pour les retraités les plus vulnérables, qui bénéficient de petites pensions. Nous devons veiller à ce qu’ils ne perdent pas de pouvoir d’achat au cours de cette législature. C’est aussi l’un des points importants de cette période. Le pouvoir d’achat des retraités les plus pauvres ne s’apprécie pas seulement par le montant des pensions, mais nous devons les protéger, dans ce texte comme dans le projet de loi de finances qui arrive. C’est le vœu unanime de notre groupe. Et je salue aussi à cette occasion les efforts consentis en faveur des retraités agricoles, dans la continuité du combat mené par Germinal Peiro, notamment il y a dix ans sous le gouvernement de M. Jospin.

Nous le souhaitons pour les femmes, avec le souci là aussi de répondre complètement aux aléas et aux choix de la vie réelle. Et je soutiens le travail accompli par la délégation aux droits des femmes, avec à sa tête Catherine Coutelle.

Nous le souhaitons pour les personnes en situation de handicaps. Nous avons également précisé les intentions du texte. Martine Carrillon-Couvreur défendra des amendements en ce sens.

Voilà, mes chers collègues, dans quelles directions, dans quel état d’esprit ont travaillé notre groupe et notre rapporteur, Michel Issindou, dont je veux saluer tout particulièrement l’investissement et l’écoute dont il a fait preuve à l’égard de nos attentes.

Les libéraux qui inspirent l’opposition aiment à dire que « la justice sociale est un mirage ».

M. Denis Jacquat. Pourquoi nous regardez-vous méchamment ?

M. Christian Paul. Nous estimons, bien au contraire, que ce qui fait tenir debout notre société, à l’heure de profonds changements de civilisation, c’est la solidarité entre les générations et les progrès de la justice.

M. Arnaud Robinet. Vous les mettez à mal !

M. Christian Paul. La future loi doit en porter le témoignage et la démonstration. Nous sommes sur la bonne voie : engageons le débat, soutenons ce projet et écrivons une loi que nous pourrons défendre longtemps avec fierté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Denis Jacquat. Monsieur Paul, vous étiez un peu fatigué aujourd’hui !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous plierez bientôt sous les coups !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je concentrerai mon intervention sur l’article 5 du projet de loi, consacré à la pénibilité.

Je veux d’abord répéter – et ce ne sera pas la dernière fois – que c’est bien grâce au côté droit de l’hémicycle que la notion de pénibilité est entrée dans le droit – Xavier Bertrand y a largement contribué. Les décrets de 2010 et de 2011 sont venus confirmer sa place. C’est donc avec surprise que j’entends la majorité d’aujourd’hui affirmer que c’est un sujet dont nous ne nous sommes pas préoccupés.

Il est vrai que la notion de « traces irréversibles sur la santé du travailleur » qui figure dans l’article du code du travail relatif à la pénibilité issu de la réforme de 2010 méritait d’être précisée. Les débats qui ont présidé au vote de cette réforme laissaient la porte ouverte à la réduction de cette notion à l’incapacité ou à l’invalidité – ce que vous aviez critiqué de manière qui n’est pas totalement infondée –, d’où une confusion possible avec les maladies professionnelles. Bref, cette formulation donnait lieu à de très larges interprétations, qui n’étaient pas totalement conformes à la notion de pénibilité telle que les partenaires sociaux l’avaient définie ensemble. Rappelons ici que le seul point d’accord dans la négociation interprofessionnelle à l’époque était précisément la définition de la pénibilité fondée sur une référence à l’espérance de vie. À l’évidence, la rédaction actuelle du code du travail ne permet pas d’axer cette notion sur l’espérance de vie. Les précisions introduites en ce sens, madame la ministre, sont donc plutôt bienvenues.

Les travaux menés dans le cadre de la négociation interprofessionnelle et de la commission des affaires sociales de notre assemblée avaient fait apparaître certaines difficultés qui avaient fait reculer d’abord la négociation interprofessionnelle puis sans doute le Gouvernement, et notre collègue Éric Woerth alors ministre.

Il apparaissait clairement que l’individualisation d’un système sans référence médicale particulière poserait problème et qu’il était extrêmement compliqué de mettre en place un système équivalent au carnet de santé. Certaines organisations syndicales s’étaient élevées contre la possibilité de tracer de manière abusive le profil personnel de santé des salariés car cela pouvait aussi leur nuire en pesant sur leur capacité à être recruté ultérieurement.

Il apparaissait clairement aussi qu’il y avait un risque, souligné par certaines organisations syndicales, à concentrer les efforts sur la compensation de la pénibilité – sous forme de formation professionnelle, de départ anticipé, de reconversion –, au détriment des mesures de prévention en matière de conditions de travail et du rôle à accorder aux instances représentatives du personnel. Votre projet de loi, madame la ministre, ne passe pas à l’écart de ces écueils. Certes, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sont sollicités – le rapport lui-même a apporté une contribution à ce sujet –, mais ces instances, dans leur configuration actuelle, ne permettent pas de prendre en compte ces facteurs de pénibilité avec toute la compétence et la mesure nécessaires.

Par ailleurs, votre projet de loi, madame la ministre, a des impacts dangereux sur l’emploi.

Premièrement, la gestion des fiches professionnelles avec les comptes par points est d’une complexité administrative sans doute insurmontable pour certaines entreprises – en particulier les petites. Beaucoup d’entre elles n’envisagent pas de les traiter sans un accroissement sensible de leurs effectifs et donc de la charge de travail supportée par l’organisation administrative.

Deuxièmement, ce texte aura également un impact négatif sur l’emploi en France parce que le seul moyen qu’auront de nombreuses entreprises pour échapper à cette contrainte sera de recourir à des sociétés de sous-traitance étrangère, dont les salariés, à l’évidence, ne seront pas soumis au même régime.

Mme Bérengère Poletti. Malheureusement !

M. Jean-Frédéric Poisson. Cela aura potentiellement des conséquences sur la création et le maintien d’emplois dans notre pays.

Troisièmement, et ce serait bien si nous pouvions alerter le Gouvernement sur ce sujet,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ça tombe bien, il est là !

M. Jean-Frédéric Poisson. …ce projet crée une forme de responsabilité illimitée dans le temps du chef d’entreprise. En effet, la possibilité de consigner, pour le salarié, son parcours professionnel en termes de santé sans aucune espèce de restriction, ni quant à la forclusion des recours, ni quant à des délais de prescription fixés dans le temps, ouvre la capacité de recours illimités et place l’employeur dans l’incapacité de faire valoir ni ses droits ni sa bonne foi le moment venu.

Voilà pourquoi nous proposerons un amendement qui vise à proposer un système que nous aurions préféré voir se développer, qui permet de recourir d’abord à la négociation collective de branche pour installer des systèmes de compensation de pénibilité avant de passer par la loi. Vous avez fait le chemin inverse. Nous pensons que c’est une erreur et nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir lors de la discussion de l’article 5. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lorsqu’il s’agit d’un thème aussi important que celui des retraites, le maître mot est la confiance. Comme cela a déjà été rappelé, une telle réforme fait appel à la solidarité nationale, et il est important que celles et ceux qui contribueront au succès de cette réforme ne soient pas demain les oubliés de cette solidarité nationale. Or le pacte de confiance n’est pas au rendez-vous. Je dirai même plus, comme Mme Fraysse avant moi : c’est un véritable pacte de défiance.

Mme Véronique Louwagie. Très bien !

M. Philippe Vigier. La promesse présidentielle de maintenir la retraite à soixante ans ? Oubliée comme tant d’autres ! Vous-même, madame la ministre, déclariez, à cette tribune, le 7 septembre 2010 : « Nous le disons très clairement, l’âge légal de départ à la retraite doit rester fixé à soixante ans. » Et vous ajoutiez : « Les socialistes sont clairement opposés au relèvement de l’âge légal du départ à la retraite de soixante à soixante deux ans. Pour nous, cette mesure est non seulement injuste mais totalement inadaptée à la situation socio-économique. » Depuis, quel changement !

Vous n’avez pas voté une seule réforme depuis vingt ans. La réforme de 1993 que vous avez combattue ? Vous deviez revenir dessus. Elle est toujours là ! Celle de 2003 que vous avez également combattue – vous avez même défilé dans la rue ? Vous deviez revenir dessus. Elle est toujours là !

M. Jean-Marc Germain. Vous avez oublié celle de 2000 !

M. Philippe Vigier. Celle en 2008 de Xavier Bertrand sur les régimes spéciaux ? Elle est toujours là ! Celle de 2010 que vous avez encore combattue en défilant dans la rue ? Elle est toujours là !

Vous avez fait même pire puisque vous avez baissé le pouvoir d’achat des retraités de 0,3 % au début de cette année : le changement, c’est maintenant !

Les jeunes générations voient bien qu’avec cette réforme ce sont 14 milliards d’euros qui manqueront dans les caisses – si ce n’est plus puisque les hypothèses de croissance sont erronées.

Ce texte, c’est la validation de la réforme de 2010.

M. Michel Issindou, rapporteur. Sûrement pas !

M. Philippe Vigier. Alors, pourquoi ne revenez-vous pas sur la loi de 2010 ?

Je dois toutefois noter une évolution. À l’époque, l’un d’entre vous et pas n’importe qui puisqu’il s’agit de Christian Eckert, aujourd’hui rapporteur général du budget,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Brillant rapporteur général !

M. Philippe Vigier. …nous expliquait que c’était une ineptie que d’aller jusqu’à soixante-deux ans. Malheureusement, aujourd’hui, il a bien compris que l’équilibre financier passait par là.

M. Jean-Marc Germain. Si l’on devait corriger toutes vos inepties, on serait encore là à Noël !

M. Philippe Vigier. Je citerai encore Pierre-Alain Muet qui n’a pas eu de mots assez durs pour critiquer les critères démographiques.

Pour qu’une réforme des retraites soit véritablement un pacte de confiance, il n’y a pas trente-six leviers possibles : soit on joue sur le niveau des retraites, soit sur les impôts. Mais comme vous n’avez pas eu de courage, comme cette réforme n’a pas de fil conducteur, vous jouez sur tous ces tableaux à la fois et tout le monde est mécontent.

Vous nous expliquez qu’il ne faut pas toucher à l’âge légal de départ à la retraite mais vous demandez aux Français de cotiser plus longtemps. Cela veut dire que vous organisez une décote – vous le savez très bien, monsieur le rapporteur, vous qui défendez ce texte avec beaucoup d’assiduité depuis le premier jour.

Le projet de loi prévoit une hausse de 0,30 % des cotisations vieillesse patronale et salariales d’ici à 2017, dont 0,15 % dès 2014. Mais croyez-vous que la feuille de paie des salariés soit suffisamment élevée pour que cette mesure n’ait pas d’incidence ? C’est pourtant bien leur pouvoir d’achat qui va baisser. Mais il est vrai que, depuis 2012, vous avez réussi cet exploit de faire baisser le pouvoir d’achat, ce qui n’était jamais arrivé depuis 1984.

On nous a expliqué, sur le perron de Matignon – j’ai entendu cela, comme vous à la télévision, monsieur le rapporteur – que la hausse des cotisations patronales sera compensée. Mais les entreprises ont bien compris que cela aura des conséquences sur la compétitivité. Du reste, le MEDEF est très amer suite aux discussions qu’il a pu avoir avec le Premier ministre.

Madame la ministre, vous prévoyez le report, du 1er avril au 1er octobre, de la revalorisation des retraites, certes pas pour les très petites retraites – j’en donne acte, même s’il y a eu un petit cafouillage à un moment donné.

Cette réforme, c’est 15 milliards de déficit assuré en 2020. Vous dites à ce propos que celle de 2010 a été insuffisante. C’est vrai, mais reconnaissez que le déficit est passé de 45 milliards à 20 milliards.

M. Michel Issindou, rapporteur. Vos chiffres ne sont pas les nôtres !

M. Philippe Vigier. Vous préféreriez peut-être avoir aujourd’hui un déficit de 40 milliards ?

Vous nous avez dit qu’il y avait eu beaucoup de dialogues, de débats, que vous aviez reçu tous les partenaires sociaux.

M. Arnaud Robinet. Mais pas les partis politiques !

M. Philippe Vigier. Certes, des avancées ont été obtenues s’agissant de l’apprentissage et des retraites des femmes. En revanche, vous ne donnez pas un bon signal aux familles en fiscalisant la majoration de pension accordée aux parents ayant eu beaucoup d’enfants. Pourtant, comme je l’ai indiqué en commission, le rapport Gallois expliquait fort bien que la démographie de notre pays est un atout formidable.

Quant aux jeunes, quelle conversion depuis la semaine dernière ! Je me suis bagarré, en commission, pour expliquer qu’il fallait trouver un moyen pour que les stages que l’on impose aux jeunes dans leur cursus de formation soient comptabilisés dans leur retraite. J’ai pu constater, ce week-end, que vous commenciez à prendre en considération cette avancée. Je souhaite que l’on puisse aller au bout du chemin.

Notre réforme, vous la connaissez : c’est une réforme structurelle et une réforme partagée.

M. Michel Issindou, rapporteur. Que ne l’avez vous fait avant !

M. Philippe Vigier. Nous proposons d’abord des règles de confiance en matière de niveau de cotisation et de retraite minimum. Pour ma part, je ne me satisfais pas de la retraite minimum actuelle, même si vous n’avez pas rappelé qu’elle avait augmenté de 25 % au cours des cinq dernières années. Il eut été pourtant plutôt sympathique de le dire.

Nous proposons ensuite l’accélération de la réforme de 2010. Comme l’explique le rapport Moreau, cela permettra d’aboutir à l’équilibre et évitera de baisser le montant des retraites, c’est-à-dire le pouvoir d’achat des retraités, et d’augmenter les charges pesant sur les entreprises. Reconnaissez que le report, du 1er avril au 1er octobre, de la revalorisation des pensions constitue une baisse du montant de la retraite. D’ailleurs, il est inscrit, dans le projet de budget pour 2014 que cela représentera 1 milliard d’économies.

En ce qui nous concerne, nous nous sommes toujours battus pour la retraite par points, et je suis heureux que ce principe de système unifié où public et privé suivent le même chemin soit de plus en plus partagé, sachant, monsieur le rapporteur, que cette extinction des régimes spéciaux ne doit pas se faire brutalement mais progressivement. Parallèlement, il faut revaloriser les petites retraites car la solidarité doit s’appliquer en direction de ceux qui souffrent le plus. Vous avez parlé de solidarité. Mais pensez-vous vraiment que votre réforme permettra de donner des perspectives nouvelles à ces gens que vous recevez, comme moi, dans votre circonscription et qui perçoivent une pension de 700, 800 ou 900 euros ? Certainement pas.

Ce régime unique, ce régime de compte notionnel, ce régime par points, c’est la transparence, c’est la simplicité : chacun sait où il en est. Le public cessera de regarder le privé, et vice versa. Madame la présidente de la commission, ne sanctuarisons pas des situations qui, si elles pouvaient se justifier à un moment, ne se justifient plus aujourd’hui, et vous le savez très bien. Pourquoi ne revenez-vous pas sur la réforme de 2008 conduite par Xavier Bertrand alors qu’un début de convergence avait été organisé ? Pourquoi ne revenez-vous pas sur la réforme de 2010 qui voit commencer à converger le niveau de cotisations du privé et du public ? Mais surtout, pourquoi avoir créé, en commission, un nouveau régime spécial pour les militaires ayant accompli deux ans de service ? Ce n’est pas très bien, et les Français voient que cette réforme ne les sortira malheureusement pas de l’ornière.

Je ne dis pas que la réforme de 2010 était la der des ders, que tout était formidable, même si, ce que vous n’avez pas dit, je le répète, que l’on avait fait, comme le rapport Moreau l’a très clairement souligné, 25 milliards d’euros d’économies –heureusement que ces économies ont été réalisées !

En tout cas, vous l’avez compris, nous proposons des règles de confiance, l’accélération de la réforme de 2010, un système par points, le rapprochement public-privé, la mise en extinction progressive des régimes spéciaux. Voilà des éléments très importants.

Un mot sur la pénibilité que Jean-Frédéric Poisson vient d’évoquer fort bien à l’instant.

M. Jean-Frédéric Poisson. Merci !

M. Philippe Vigier. N’oublions pas les avancées réalisées en 2003 puis en 2008 où les partenaires sociaux se sont mis d’accord sur un certain nombre de critères de pénibilité.

M. Jean-Marc Germain. Combien ont bénéficié de ce facteur de pénibilité ? 6 227 !

M. Philippe Vigier. En 2010 encore – vous ne siégiez pas ici, monsieur Germain, mais ce n’est pas pour cela que rien ne pouvait se faire –, d’autres avancées ont été possibles. Nous vous demandons aujourd’hui d’entendre ce qu’ont dit les partenaires sociaux, les entreprises. Ils nous ont expliqué qu’il fallait de la simplification et plus de formations. Attention à ne pas fustiger un certain nombre d’emplois dont on dira ensuite qu’ils sont très pénibles.

Enfin, vous proposez la création d’un compte pénibilité dont la limite a été fixée à 100 points, soit l’équivalent de vingt-cinq années de carrière. Cela veut dire que vous considérez que l’on a traité le sujet et que si l’on a un métier pénible pendant quarante ans, on ne fait rien des quinze autres années.

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh oui !

M. Philippe Vigier. S’agissant des jeunes, nous ne lâcherons rien, car le système proposé n’est pas équilibré. Vous bloquez sur comptabilisation des stages dans la retraite alors que ces stages leur sont imposés dans leur cursus de formation.

En conclusion, nous serons engagés et constructifs, comme nous l’avons été en commission.

M. Michel Issindou, rapporteur. Quelle bonne nouvelle !

M. Philippe Vigier. Pour le moment, monsieur le rapporteur, vous n’avez pas été constructif : aucun amendement, aucune demande de rapport, aucune clause de revoyure ! Rien : ce fut l’opposition systématique ! Lorsque vous écrivez quelque chose c’est formidable, tandis que lorsque c’est nous qui le faisons, rien n’est possible.

M. Michel Issindou, rapporteur. On a connu cela en 2010 !

M. Philippe Vigier. Je tiens à rappeler au groupe socialiste que, lors de la discussion de la réforme de 2010, 160 explications de vote individuelles ont eu lieu ici. C’était du blocage pour du blocage. Pour notre part, nous ne nous inscrivons pas dans cette ligne-là. Si le débat est constructif et si des avancées sont réalisées, nous ferons du chemin. En revanche, si rien n’est au rendez-vous, nous nous opposerons à cette réforme car elle est injuste. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.

Mme Véronique Massonneau. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lors de l’examen de la précédente réforme des retraites en 2010, la France se mobilisait et descendait dans la rue, une mobilisation légitime face à une réforme inique : recul de l’âge légal de départ en retraite, augmentation de la durée de cotisation prise en compte hasardeuse de la pénibilité,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Elle n’était pas hasardeuse mais pas suffisamment précise !

Mme Véronique Massonneau. …enfin un financement raté qui annonçait déjà à l’époque une nouvelle réforme quelques années plus tard.

Cette réforme, nous l’examinons aujourd’hui et c’est l’opposition d’alors, désormais majoritaire, qui la propose.

M. Arnaud Robinet. Malheureusement !

Mme Véronique Massonneau. Au vu de sa virulence il y a trois ans, on pouvait s’attendre à une réforme ambitieuse et juste. Mais force est de constater que ce projet de loi manque cruellement d’ambition et d’originalité, notamment en ce qui concerne son financement.

Le même levier qu’en 2010 est actionné, c’est-à-dire l’augmentation de la durée de cotisation. Dans une période où le chômage est très fort, notamment chez les jeunes et seniors, les écologistes refusent cet allongement aussi injuste socialement qu’inefficace économiquement. La prise en compte de l’espérance de vie, cela s’entend, mais il est indispensable d’élargir cette vision. L’espérance de vie sans incapacités, la dépendance et le chômage doivent être autant de critères qui nourrissent la réflexion sur la durée de cotisation. Cette réflexion doit d’ailleurs avoir lieu dans le cadre plus global du temps de travail. Alors que le débat sur le travail dominical refait surface, il est grand temps de repenser l’articulation entre travail et loisirs.

L’autre mesure de financement repose sur les retraités via le report de la revalorisation des pensions au 1er octobre. Si les bénéficiaires de l’ASPA ne seront, fort heureusement, pas concernés, la mesure touchera de plein fouet les retraites les plus précaires mais ne bénéficiant pas de l’allocation de solidarité. J’ai, hélas, bien pris note, madame la ministre, que vous ne souhaitiez pas revenir sur ce report, et je le déplore. Faire participer les retraités à la solidarité, pourquoi pas ? Mais il ne faut pas oublier de dissocier les retraités les plus aisés des plus démunis ; c’est de cette manière que l’on rétablit un système de justice.

Dans le cadre de cette discussion, M. le ministre de l’économie et des finances a en outre annoncé une compensation pour les entreprises qui financeront les différentes mesures. En résumé, les efforts de la réforme reposeront uniquement sur les salariés et les retraités : vous comprendrez donc aisément que l’on ne peut soutenir une telle chose.

Plutôt que les leviers classiques, d’autres options étaient envisageables, par exemple l’élargissement de l’assiette. Des amendements présentant des financements alternatifs ont également été examinés en commission, mais ont tous été rejetés.

Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé de grandes avancées de justice sociale : véritable prise en compte de la pénibilité, égalité femmes-hommes, amélioration pour les carrières heurtées ou pour les jeunes. Ainsi que je l’ai indiqué, les écologistes souscrivent à ces objectifs. Menant ces combats depuis de nombreuses années, nous nous réjouissons que le Gouvernement s’en saisisse.

Mais, une nouvelle fois, nous sommes bien obligés d’avouer notre déception face au manque de concrétisation de ces objectifs. Les jeunes ne seront aidés que dans un dispositif absolument inopérant et injuste, celui du rachat des trimestres d’étude.

Mme Bérengère Poletti. Je croyais qu’il y avait des Verts dans ce gouvernement ?

Mme Véronique Massonneau. Je modérerai néanmoins mon propos en saluant une très bonne mesure : la prise en compte efficiente de l’apprentissage. Mais pour que notre jeunesse étudiante ne soit pas laissée de côté, il faudrait une prise en compte des stages. Madame la ministre, vous avez annoncé des avancées sur ce sujet ; nous étudierons ainsi votre amendement après l’article 16. En conséquence, je m’exprimerai ultérieurement sur cet amendement.

Concernant l’égalité femmes-hommes, certaines mesures constituent certes des avancées pour les personnes concernées, telles que la validation des trimestres de maternité ou l’abaissement du seuil de validation d’un trimestre à 150 heures de SMIC ; mais cela ne touchera qu’un nombre assez faible de femmes.

En outre, en renvoyant à plus tard l’examen de questions essentielles comme la prime au troisième enfant – proportionnelle à la pension, elle bénéficie majoritairement aux hommes –, on ne traite pas les inégalités les plus criantes. D’autres idées pourraient améliorer encore la lutte pour l’égalité femmes-hommes ; nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.

J’en viens à la « grande avancée de ce texte », pour reprendre les propos de M. le rapporteur, à savoir le compte personnel de prévention de la pénibilité. Je ne peux que me féliciter de ce dispositif, incontestablement la principale satisfaction apportée par ce texte. Il traduit un changement de philosophie, permettant la prise en compte de la situation individuelle de chaque salarié.

Le compte personnel de prévention de la pénibilité ouvre tout à la fois la voie à des départs anticipés en retraite pour les salariés en situation de travail pénible, et à une réorientation – via des formations notamment – vers des métiers ou des postes moins dommageables pour la santé des salariés : c’est un pas considérable. Alors que la réforme de 2010 n’avait permis la prise en charge que de 6 359 travailleurs, l’objectif visé ici est de 300 000 personnes.

L’opposition critique ce nouveau dispositif en parlant d’ « usine à gaz ». Je pensais pourtant, avec sans doute un peu de naïveté, que cette disposition du texte serait consensuelle ; j’espérais que la prise en compte des travailleurs en situation de pénibilité de notre pays serait une volonté transpartisane.

M. Jean-Frédéric Poisson. Arrêtez avec cela !

Mme Véronique Massonneau. Sous couvert d’une prétendue avancée en 2010, la droite de cet hémicycle critique ce qui était pourtant préconisé par les plus grands experts de la pénibilité.

M. Denis Jacquat. Ne nous montrez pas du doigt !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas poli de montrer du doigt !

Mme Véronique Massonneau. Je citerai ainsi Serge Volkoff, membre du conseil d’orientation des retraites et de la commission Moreau. Auditionné par M. Eric Woerth sur l’aspect pénibilité de sa réforme, il avait alors émis des recommandations et des critiques sur les risques de certaines mesures. Mais, hélas, il ne fut pas écouté. Il est pourtant dommage de se priver des conseils avisés d’experts !

Ce compte personnel de prévention de la pénibilité est quant à lui salué comme il se doit. Je ne ferai pas la fine bouche, tant cette mesure mérite l’approbation, mais elle reste perfectible et doit être précisée. Je pense notamment à la question du stock, qui mériterait certainement d’être améliorée.

Tel est d’ailleurs l’objet de deux de nos amendements. Le rapport Moreau offrait quelques pistes de réflexion sur la reconstitution de carrière, qu’il semblerait intéressant de suivre. De plus, nombre de dispositions – 25 dans le texte initial – sont renvoyées à l’adoption ultérieure d’un décret. Il est donc nécessaire de faire attention : le diable se niche dans les détails !

M. Denis Jacquat. C’est justement ce que j’ai dit tout à l’heure !

Mme Véronique Massonneau. Ces renvois réguliers à des décrets dans l’ensemble du texte ne facilitent pas le travail parlementaire – travail qui n’a pas été particulièrement simple en commission : de nombreux amendements, de tous bords politiques, ont été déposés et débattus, aboutissant finalement à bien peu de modifications.

J’ai entendu Mme la ministre parler d’un « équilibre de trébuchet » ; je suis bien consciente que ce texte est en effet le résultat d’une concertation avec les partenaires sociaux et les représentants des syndicats employés et patronaux.

Mais les amendements présentés en commission, qui le seront de nouveau en séance, se font eux aussi l’écho des revendications de partenaires sociaux, d’experts ou de sociologues, auditionnés depuis de nombreuses semaines. À travers ces discussions et ces rencontres, nous avons pu cibler les carences et les améliorations à apporter au texte. Je suis donc particulièrement déçue que l’on ait fait la sourde oreille aux parlementaires de la majorité.

M. Denis Jacquat. Oh !

Mme Véronique Louwagie. Ce n’est pas bien !

M. Denis Jacquat. Cela fait beaucoup de femmes déçues !

Mme Véronique Massonneau. Exclure ainsi toute initiative des députés me semble contre-productif. La semaine qui vient sera donc l’occasion d’entendre les avancées proposées par les différentes sensibilités de la majorité, ainsi que par les autres partis d’ailleurs ! Le titre de ce projet de loi – « Garantir l’avenir et la justice du système de retraites » – est prometteur et ambitieux. Faisons en sorte que le Parlement place ces mesures à la hauteur de leur appellation !

Face à cette réforme qui nous est proposée, nous ne ferons pas montre d’une opposition pavlovienne. J’ai indiqué que plusieurs dispositifs étaient intéressants, certains plus que d’autres ; à ceux-ci, nous affirmerons notre soutien. A contrario, des mesures ne nous semblent pas acceptables en l’état, et nous ne pourrons les voter si elles ne sont pas amendées.

C’est justement dans cet état d’esprit que nous entamons l’examen de ce projet de loi : sans résignation, et dans l’optique d’améliorer ce qui doit l’être. Nous savons ce sur quoi nous nous sommes engagés devant nos électeurs, et c’est en fonction de cela que nous entendons continuer à travailler sur ce texte.

Mme Eva Sas. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Madame la ministre, vous soumettez au débat, dans le prolongement du rapport Moreau et des concertations avec les partenaires sociaux, un projet de loi qui s’inscrit sous le signe de la justice.

Tout en partageant les propos qui viennent d’être énoncés par mes collègues du groupe socialiste sur les avancées majeures de ce texte, je souhaite m’attarder tout particulièrement sur le volet handicap contenu dans ce dernier.

Conformément à la circulaire du Premier ministre en date du 4 septembre 2012, ce projet de loi comporte des dispositions importantes visant à améliorer la situation des travailleurs handicapés ainsi que des aidants familiaux.

Il s’agit d’appliquer une logique de solidarité à un public dont les difficultés tant dans l’accès que dans le maintien dans l’emploi sont manifestes, et qui contribue néanmoins à la production de richesse nationale.

Est-il encore nécessaire de rappeler que les personnes handicapées sont doublement pénalisées sur le marché de l’emploi, en raison d’un niveau de formation plus faible que les demandeurs d’emploi non handicapés, cette moindre qualification entraînant ainsi une moindre rémunération ?

Faut-il rappeler que les personnes handicapées recherchent majoritairement des emplois à temps partiel pour faire face à leur handicap, entraînant ainsi une ouverture de droits moins importante ? Avons-nous encore besoin d’entendre que les carrières hachées, voire le chômage de longue et de très longue durée, sont le lot quotidien d’une partie importante des travailleurs handicapés ?

Ces faits sont connus et nous les avons mis en avant par le passé, sur ce même sujet des retraites, afin qu’une prise de conscience s’opère et qu’un effort particulier de solidarité soit engagé.

La réforme de 2010 a bien abordé cette question, mais peu de réponses ont été apportées. D’après les données produites par la Caisse nationale d’assurance vieillesse, à peine plus de 1 000 personnes ont pu bénéficier en 2011 d’une pension de retraite anticipée au titre du handicap ; les conditions d’attribution sont en effet telles qu’il est presque impossible d’obtenir le bénéfice de cette mesure.

Faciliter le parcours d’insertion et d’inclusion dans notre société des personnes en situation de handicap nécessite obligatoirement une approche politique volontariste en la matière.

En abaissant le taux d’incapacité de 80 % à 50 % pour répondre aux difficultés que je viens d’énoncer, votre projet de loi, madame la ministre, constitue une avancée indéniable pour l’ouverture de nouveaux droits en faveur des travailleurs handicapés.

Nous aurons cependant à discuter de la condition liée à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. La suppression de ce critère dans le texte ne peut rester en l’état ; nous y reviendrons.

Sur ce sujet, je salue d’ailleurs le dialogue que nous avons pu instaurer avec vous pour que toutes les situations soient étudiées avec la plus grande attention.

Nous aurons à aborder ce sujet dans le cadre du débat parlementaire, et je pense que nous trouverons ensemble le bon chemin pour garantir les droits des travailleurs handicapés préparant leur départ à la retraite.

Votre projet de loi comporte aussi des mesures importantes visant à améliorer la retraite pour les adultes en charge d’un adulte handicapé.

En effet, nous connaissons les conséquences de l’engagement des aidants familiaux sur leur vie professionnelle et personnelle. Alors que ces personnes sont en âge d’exercer une activité professionnelle, nombre d’entre elles sont contraintes de procéder à des aménagements, le plus souvent sous la forme de changements d’horaires, voire de cesser toute activité. Il y a donc urgence à prendre en compte ces situations.

La disposition visant à supprimer la condition de ressources concernant l’affiliation gratuite et obligatoire à l’allocation vieillesse des parents au foyer ainsi que la majoration de trimestres pour les aidants familiaux d’un adulte handicapé constituent donc des avancées majeures.

Pour ces raisons, je salue les propositions qui nous sont ainsi faites. Je souhaite que le travail parlementaire à venir enrichisse le texte et nous permette de trouver de nouvelles améliorations, concrétisant l’esprit de justice sociale qui anime ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, quoi qu’on pense ou quoi qu’on dise, le système de retraites par répartition est perçu comme une institution inviolable par la quasi-totalité des travailleurs – du moins par ceux qui gagnent leur pain quotidien à la sueur de leur front.

Des mesures correctives peuvent être opérées sur des piliers qui se lézardent. Pour autant, la base d’appui ne saurait être démantelée.

Faire référence au système de répartition ne suffit pas pour le protéger des attaques incessantes dont il est l’objet.

La répartition sous-tend deux éléments indissociables : la solidarité et la justice. Rogner la solidarité, ronger la justice, revient à les remettre en cause. J’en veux pour pour preuve que toutes les réformes précédentes, réalisées dans l’urgence et à intervalles de plus en plus rapprochés, ont porté atteinte au couple solidarité-justice.

L’argument avancé est le déficit de tous les régimes de retraite. Il a été évalué, paraît-il, à 15 milliards d’euros en année pleine et atteindrait 20 à 22 milliards d’euros en 2020, selon les prévisions du Conseil d’orientation des retraites. Louables sont les efforts entrepris pour l’enrayer ! Mais là où le bât ne cesse de blesser, c’est qu’à chaque fois, l’effort sollicité n’est ni équitablement ni solidairement réparti.

Pour ceux qui triment, la répartition est la bouée de sauvetage qui empêche le naufrage précipité.

Solidarité et compétitivité seraient-elles devenues incompatibles au point de sacrifier la première au poteau d’exécution de la seconde ?

Le glissement est amorcé de réforme en réforme, amplifiant ainsi les inquiétudes. Et en matière d’inquiétudes, la Martinique n’est pas en reste. Jugez-en par vous-mêmes : le chômage ne cesse de grimper, touchant 53 000 personnes, toutes catégories confondues. Rapporté à la population totale de la Martinique, arrondie à 400 000, le taux de chômage s’établit à 13,25 %.

En France, ce taux représenterait plus de 8 600 000 chômeurs. Ce serait la super-cata !

La population française continue de croître ; celle de la Martinique, loin de se stabiliser, décroît. De plus, le vieillissement se poursuit de façon accélérée et n’est pas prêt de s’arrêter.

Dans le même « balan », les jeunes, en masse, quittent le pays pour s’installer ailleurs : 43 % des bacheliers poursuivent leurs études sans esprit de retour, tant les conditions d’embauche sur place sont pour eux un véritable parcours du combattant.

Concernant la retraite des marins-pêcheurs, bon nombre d’entre-eux ne perçoivent que 200 à 300 euros par mois. Ils n’ont pas cotisé durant la plus grande partie de leur vie professionnelle, ou l’ont fait selon une faculté ouverte, on ne comprend pas comment, en outre-mer à l’époque : au « demi-rôle ». Qui dit demi-rôle, dit demi-pension, dit demi-retraite.

La retraite des agriculteurs, elle, ne dépasse pas les 360 euros par mois. Cela tient au type de culture et à la surface moyenne des exploitations : moins de 5 hectares en Martinique contre 80 hectares en France.

Que dire de la retraite complémentaire des salariés agricoles ? Ces derniers sont exclus du champ d’application de l’accord national interprofessionnel de retraite de 1961 et de la loi du 29 décembre 1972 portant généralisation de la retraite complémentaire au profit des salariés et anciens salariés. Malgré leurs demandes récurrentes, ils ne bénéficient toujours pas d’une affiliation à la Mutuelle sociale agricole.

S’agissant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, qui succède au minimum vieillesse depuis le 1er janvier 2007, cette prestation est versée sous condition de ressources et est destinée à garantir aux personnes âgées de plus de 65 ans un niveau de ressources minimal. De nombreuses personnes font le choix, en raison du risque de recours sur succession, de renoncer au bénéfice de cette allocation pour ne pas mettre leurs héritiers en difficulté.

Que dire du versement des pensions au premier jour de chaque mois ? Lors de la réforme des retraites en 2010, un amendement allant dans ce sens a été adopté à l’unanimité et est devenu l’article 13 de la loi n2010-1330 du 9 novembre 2010.

Cette décision est restée sans suite. Les retraités doivent toujours faire face aux difficultés provoquées par le décalage entre le versement tardif de leur retraite et les factures qu’ils doivent acquitter dès les premiers jours du mois.

En conclusion, madame la ministre, reconnaissez que certaines décisions ont été différées, provoquant ainsi des difficultés supplémentaires. Il est plus que temps de les régler en adoptant nos amendements si, comme le précise le projet de loi, le Gouvernement tient à garantir l’avenir et la justice du système de retraites.

Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Huillier.

Mme Joëlle Huillier. Madame la présidente, mes chers collègues, depuis plusieurs semaines, nous entendons ou lisons ici et là divers commentaires sur ce projet de loi. On nous dit que c’est une réforme minimale, une réforme qui ne règle pas grand-chose, on nous dit même, parfois, qu’il n’y aurait pas de réforme du tout. Eh bien, je vais m’attacher à vous démontrer qu’il s’agit non seulement d’une vraie réforme, mais d’une réforme de société, d’une réforme de gauche bien différente des précédentes. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)



D’abord, c’est une réforme acceptée : acceptée car elle a été discutée, négociée avec les partenaires sociaux sur la base des propositions du rapport Moreau. Elle est ainsi le fruit de la démocratie sociale, comme l’ont été avant elle les emplois d’avenir, les contrats de génération et les accords de sécurisation de l’emploi.

Ensuite, c’est une réforme efficace et équilibrée : efficace, car elle assure le financement du système à court et à moyen terme, et prévoit son pilotage pour en finir avec les changements de règles à courte vue, angoissants pour les Français ; équilibrée aussi, car elle est financée grâce aux efforts de tous.

Oui, la durée d’assurance sera allongée après 2020, pour tout le monde, dans le public comme dans le privé, en cohérence avec l’augmentation de l’espérance de vie.

Oui, les cotisations salariales et employeurs seront relevées et c’est logique dans un modèle contributif, si on veut garantir à tous un bon niveau des pensions.

Oui, les retraités, d’abord les plus aisés, participeront à l’effort à travers la fiscalisation des majorations de pension pour enfant et le report de revalorisation au 1er octobre.

Enfin, et c’est là notre différence fondamentale avec la droite…

M. Denis Jacquat. Ah !

Mme Joëlle Huillier. …c’est une réforme juste, qui réduit les inégalités entre les Françaises et les Français en accordant de nouveaux droits sans en enlever aucun à personne.

C’est l’extension du dispositif « carrières longues », décidée l’année dernière et qui était, en réalité, la première mesure de justice.

C’est la meilleure prise en compte des années d’apprentissage et des temps partiels, au profit des jeunes actifs et des femmes en particulier.

C’est bien sûr une véritable prise en compte de la pénibilité, à travers l’acquisition de points qui permettront de financer une formation en vue d’une reconversion professionnelle, un temps partiel ou l’acquisition de trimestres supplémentaires.

J’entends à ce propos le patronat – je dis bien le patronat et non pas les entrepreneurs qui, sur le terrain, ont une vision un peu différente des choses – dire que cela va être compliqué, que cela va coûter cher. Qu’il me soit permis de lui répondre deux choses. D’abord, rien n’est simple, et si on devait renoncer à chaque fois que quelque chose est compliqué, on ne ferait jamais grand-chose. Ensuite et surtout, ce que les employeurs paieront demain en cotisations, les travailleurs le payent, et depuis longtemps, de leurs souffrances, de leur santé, de leur vie !

M. Michel Issindou, rapporteur. C’est vrai !

Mme Joëlle Huillier. Bien sûr, des questions restent en débat. Je pense à la refonte des majorations de pension, refonte nécessaire mais qu’il serait bienvenu de mettre en œuvre sans attendre 2020, afin qu’elle bénéficie rapidement à toutes les mères.

Je pense aussi aux jeunes, dont les périodes d’études ou de stages, de plus en plus longues, devraient être mieux prises en compte.

Je pense enfin, bien sûr, à l’effort en faveur des petites pensions, dont nous espérons qu’il trouvera sa traduction concrète lors de l’examen du projet de loi de finances.

En dehors de ces quelques interrogations sur lesquelles vous ne manquerez pas de nous répondre, madame la ministre, je veux saluer votre travail et celui de nos rapporteurs, qui a permis d’aboutir à cette réforme acceptée, efficace et juste.

Là où la droite mettait des millions de Français dans la rue, nous avons mis l’ensemble des acteurs autour d’une table pour parvenir au consensus.

M. Jean-Frédéric Poisson. Les Français sont ravis…

M. Marc Dolez. Il n’y a pas de consensus des acteurs !

Mme Joëlle Huillier. Là où la droite a été incapable de résorber le déficit du régime, nous assurons son financement à moyen terme et le retour à l’équilibre à long terme. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)



Là où la droite faisait supporter les efforts par les seuls actifs, nous les faisons partager par tous.

M. Denis Jacquat. On dirait du Hollande : « Moi Président de la République… »

Mme Joëlle Huillier. Là où la droite avait humilié les travailleurs avec une compensation de l’incapacité pour seulement 6 000 personnes –6 000 ! – nous leur rendons justice avec un compte pénibilité qui bénéficiera à plus de 3 millions d’entre eux.

M. Jean-Frédéric Poisson. Demandez au PC !

M. Denis Jacquat. Il faut supprimer la droite !

Mme Joëlle Huillier. Là où la droite imposait toujours plus de reculs, nous proposons de nouvelles avancées, de nouveaux progrès sociaux, pour davantage d’équité.

M. Arnaud Robinet. On se croirait en 1930 !

Mme Joëlle Huillier. Voilà, mes chers collègues, ce qu’est une réforme de gauche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. L’un des auteurs du naufrage!

M. Xavier Bertrand. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames, messieurs, nous devions assister à une grande première : enfin, un rendez-vous de la gauche avec une réforme des retraites !

Oh ! je ne parle pas, bien évidemment, des précédents rendez-vous. Passer de soixante-cinq à soixante ans sans aucun financement, ce n’était pas si compliqué ! Faire un rapport, obtenir la mise en place du Fonds de réserve des retraites, très vite siphonné…

M. Jean-Marc Germain. Siphonné par qui ? Par Xavier Bertrand !

M. Xavier Bertrand. …pour financer les trente-cinq heures, ce n’était pas si compliqué ! Mettre en place le conseil d’orientation des retraites, institution incontestée, ce n’était pas non plus si compliqué ! (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)



En revanche, demander des efforts et tenir un langage de vérité si on veut garantir le paiement des retraites de tous les Français, cela demandait une vision, une cohérence et du courage.





Si, dans quelques années, les étudiants en sciences politiques étudient la rouerie, la machination, la manipulation politiques (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC), on étudiera le rendez-vous des retraites de 2013. Si, en revanche, le cours porte sur l’obligation de vérité et sur le courage en politique, il est évident que ce Gouvernement ne verra pas sa copie examinée, c’est le moins qu’on puisse dire.





L’obligation que vous aviez, madame la ministre, n’était pas due aux limites de la réforme précédente – il suffit de lire ce qu’écrit le Conseil d’orientation des retraites pour savoir à quoi est dû ce rendez-vous incontournable. Notez bien que je parle de « rendez-vous » : il n’est pas question de parler de « réforme des retraites » avec ce rendez-vous qui n’est rien d’autre qu’un bricolage fiscal supplémentaire. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)





En définitive, vous avez eu l’outrecuidance de prendre pour titre : « Avenir et justice du système de retraites ». Justice ?



M. Christian Paul. On ne parle décidément pas le même langage !

M. Xavier Bertrand. Où est la justice dans un pays assommé par les prélèvements fiscaux et sociaux, où nos concitoyens clament chaque jour leur exaspération devant ce Gouvernement qui n’entend pas leur message ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Il a raison !

M. Xavier Bertrand. Où est la justice, quand des retraités vont devenir imposables du fait d’une des mesures contenues dans ce texte ?

M. Philippe Vigier. Eh oui !

M. Xavier Bertrand. Où est la justice, quand les pensions vont mécaniquement baisser pour un grand nombre de nos concitoyens ?

Où est la justice, quand le décalage de revalorisation des pensions n’a évidemment qu’un objectif hypocrite, non affiché, celui de vouloir gagner de l’argent sur leur dos ? Vous essayez de nous faire croire que, pour les retraités les plus modestes, il n’y aura pas ce décalage parce que vous n’avez pas le courage de leur dire que leurs pensions vont se trouver diminuées.

M. Christian Paul. Plus vous échouez, plus vous êtes arrogant : c’est proportionnel !

M. Xavier Bertrand. Où est la justice quand pour la première fois, sous votre quinquennat, les retraites complémentaires du privé n’ont plus bénéficié de cette garantie de pouvoir d’achat qui était inscrite, pour les régimes de base, dans la réforme de 2003 ? C’est sous votre quinquennat qu’avec François Hollande vous l’aurez laissé faire !

Et où est la justice, quand vous n’avez pas le courage de terminer le mouvement que nous avions lancé afin que le public et le privé obéissent enfin complètement aux mêmes règles ? Car aujourd’hui, quand on parle de différences, beaucoup de Français y voient des privilèges.

M. Michel Issindou, rapporteur. Ils ont tort.

M. Xavier Bertrand. Les fonctionnaires ne sont bien évidemment pas responsables de cette situation, et si l’on parle de justice, il faudra aussi intégrer les primes dans le calcul de la retraite, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui, même si nous avons mis en place un système de retraite additionnelle.

Décidément, il n’y a aucune justice dans le texte !

Quant à l’avenir, n’en parlons même pas : pour la première fois, nous avons vu défiler des étudiants, des syndicats étudiants qui, c’est le moins que l’on puisse dire, n’avaient pas connu dans les années précédentes un éloignement politique avec la gauche. Or ils sont allés manifester parce qu’ils ont compris que ce sont eux qui allaient faire les frais d’un Gouvernement et d’une majorité qui n’osent pas dire que, si on veut garder le système de retraites, il faut des efforts et il faut travailler plus longtemps.

Où est l’avenir garanti quand, dans quatre ans au grand maximum, nous serons obligés de revenir pour parler des retraites, parce que chacun le sait, ce rendez-vous n’est même pas financé au tiers, alors même que vous dépensez de l’argent que vous n’avez pas en prenant des mesures qui coûteront – et qui vont donc, encore une fois, obérer l’avenir du système des retraites. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Voilà pourquoi vous ne pouvez parler ni d’avenir, ni de justice.

Si on veut donner une garantie aux Français, il faut accepter de dire qu’il y a un problème démographique et que la solution, que cela plaise ou non, sera de passer l’âge de départ à la retraite à soixante-cinq ans. Nous le savons bien : à partir de 2030, quand il y aura plus de retraités que d’actifs, le système par répartition sera menacé s’il n’y a pas de réformes courageuses.

M. Jean-Marc Germain. Vous en rêvez ! Vous avez toujours défendu les retraites par capitalisation !

M. Xavier Bertrand. Nous savons aussi pertinemment qu’il faudra un système par points qui permettra non seulement de piloter l’ensemble, mais aussi de donner la garantie d’avoir un même système, que l’on soit dans le public ou que l’on soit dans le privé, que l’on soit artisan ou que l’on soit parlementaire. C’est ce que demandent les Français, qui sont prêts à la réforme, à une condition : si certains font un pas de deux mètres, les autres ne doivent pas faire un pas de cinquante centimètres. C’est ça l’équité, c’est ça la justice !

En définitive, vous avez eu peur. Vous avez eu peur de ceux que vous considérez comme une clientèle électorale et vous n’avez pas compris que les Français dans leur ensemble vous disent que cette réforme est injuste.

Il fallait une vision, il fallait une cohérence, il fallait du courage : ce n’est vraiment pas la marque de fabrique de François Hollande et de son Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance



de l’Assemblée nationale



Nicolas Véron