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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 07 octobre 2013

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heure trente.)

1

Avenir et justice du système de retraites

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (nos 1376, 1400, 1397).

Discussion générale (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le Gouvernement a souhaité placer cette réforme sous le signe de la justice en ciblant plusieurs enjeux prioritaires parmi lesquels les femmes et les jeunes, qui sont pourtant, très souvent, les grands perdants de ce projet.

La solidarité nationale se doit de venir en aide aux plus fragiles, en effet, mais force est de constater que ce projet de loi est extrêmement loin de son objectif initial.

Madame la ministre, je tiens tout d’abord, sur la forme, à saluer votre assiduité en commission, comme je l’ai d’ailleurs dit à Mme Lemorton. C’est là un effort d’autant plus méritoire de la part du Gouvernement que tous les ministres ne s’y astreignent pas.

Pour autant, recevoir un texte quelques jours seulement après son passage en Conseil des ministres et disposer de peu de temps pour en débattre – sans parler des amendements qui ont été déposés tout à l’heure, en quelques minutes, en application de l’article 91 de notre règlement –, ne sert pas les intérêts du Gouvernement. Si vos amendements étaient si bons et si cette réforme l’était tout autant, vous auriez pu les présenter dans des conditions tout à fait respectables pour le Parlement.

La véritable force de notre pays, c’est sa démocratie laquelle, aujourd’hui, est cependant assez mise à mal en dépit d’une politique familiale qui rencontre beaucoup de succès et d’une démographie d’une ampleur tout à fait particulière qui constitue sans doute notre atout principal. Mais le défi de l’avenir, c’est aujourd’hui l’avenir des retraites.

Le projet de loi qui nous est aujourd’hui proposé suggère un certain nombre de mesures en faveur des femmes, mesures qui ne sauraient à elles seules régler l’ensemble des situations problématiques auxquelles elles sont confrontées.

Le groupe UDI ne peut que se satisfaire de la prise en compte des trimestres de maternité au titre de la durée d’assurance et de l’assouplissement des modalités de validation des carrières à temps très partiel.

Néanmoins, pourquoi contrebalancer de telles mesures par des dispositions préjudiciables au niveau de vie des familles comme la fiscalisation des majorations de pension pour les foyers de trois enfants et plus, qui plus est en échange d’une promesse de réforme des droits familiaux pour laquelle le Gouvernement n’est pas en mesure de fournir le moindre cap avant 2020 ?

Nous demandons que des mesures spécifiques soient prises en faveur des femmes et des hommes qui ont connu des carrières heurtées pour avoir élevé une famille – ainsi de la suppression de la décote qui affecte les pensions des parents qui ont interrompu leur carrière pour élever un enfant et de la suppression de la fiscalisation injuste des majorations de pension.

En outre, nous soumettrons à la représentation nationale une proposition d’instauration d’un système consistant à partager les droits à pension au moment du divorce, puis, les droits à réversion en cas de décès.

Ces propositions, mon collègue Philippe Vigier l’a dit, sont conformes au rôle d’opposition constructive que nous nous sommes assignés.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Arnaud Richard. Les jeunes, ensuite, madame la ministre : cette jeunesse qui était censée être la priorité du quinquennat de François Hollande et qui sera probablement la grande perdante de cette réforme…

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Arnaud Richard. … parce que le Gouvernement lui demande de travailler plus longtemps et de cotiser plus, parce que la réforme ne prend pas en compte tous les jeunes, parce que la confiance, une nouvelle fois, n’est pas au rendez-vous.

La prise en compte des semestres d’apprentissage et d’alternance dans la durée de cotisation permettra certes de soutenir les jeunes qui en bénéficient, mais cela reste totalement insuffisant.

Quant aux étudiants, parlons-en, le dispositif gouvernemental d’aide au rachat de trimestres d’étude ne soutiendra en aucun cas les étudiants les plus modestes, qui ne disposeront pas de ressources suffisantes et dont la retraite ne sera assurément pas la première préoccupation lorsqu’ils entreront sur le marché du travail.

Et les stagiaires, madame la ministre : 436 euros mensuels, voilà ce à quoi ils peuvent vraisemblablement s’attendre, parfois pendant de nombreux mois, sans espoir d’embauche, après de longues années d’études supérieures ! Dans un contexte économique désastreux, des femmes et des hommes talentueux doivent ainsi se résoudre à une précarité souvent méconnue en enchaînant des stages faiblement rémunérés.

Que fait votre projet pour donner de la confiance à cette population de jeunes qui, parfois jusqu’à vingt-huit, vingt-neuf, voire trente ans, n’aura pas cotisé un seul centime ?

Madame la ministre, vous avez annoncé vouloir « trouver une solution » pour les stagiaires : nous vous prenons au mot et espérons que nos propositions seront adoptées en séance.

Nous appelons donc le Gouvernement à corriger sa copie parce que demeurent les injustices que subissent les femmes et les jeunes, ces personnes aux carrières souvent incomplètes et aux retraites les plus modestes.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Arnaud Richard. Si le Gouvernement se refuse à toute réforme structurelle fondée sur la confiance et s’il rejette toutes nos propositions…

Excusez-moi, madame et monsieur le rapporteur, si cela vous fait rire…

S’il refusait toutes nos propositions, madame la présidente de la commission des affaires sociales…

M. Arnaud Robinet. Un peu de respect pour l’orateur, madame la présidente ! Sur un sujet aussi important, les Français apprécieront !

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Arnaud Richard. Monsieur le président…

M. le président. Je ne fais pas tout en matière de discipline…

M. Arnaud Richard. Madame la présidente, vous avez été sérieuse pendant vingt-trois heures de débat. Essayez de continuer !

On ne peut donc que regretter que le Gouvernement et sa majorité s’apprêtent à refuser les amendements qui seront présentés. La confiance n’étant pas au rendez-vous, il est tout à fait envisageable, même si nous nous montrerons un partenaire responsable au cours de nos débats, que nous votions contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous étudions aujourd’hui le premier projet de loi significatif sur les retraites présenté par un Gouvernement de gauche depuis 1982. Nous avons là, à n’en pas douter, une réforme plus équilibrée que celle de 2010, et il faut d’abord en reconnaître les points positifs. Cette réforme tourne le dos au report de l’âge légal, abandonne la piste de l’augmentation de la CSG et comporte des mesures en faveur des femmes, comme la validation de trimestres supplémentaires de congés maternité et de temps partiel. Surtout, elle traite enfin la question de la pénibilité.

On retiendra en effet, comme principale avancée de ce texte, la création du compte personnel de prévention de la pénibilité. Contrairement à la pseudo-réforme du Gouvernement précédent, qui niait la réalité…

M. Arnaud Robinet. On croit rêver !

Mme Eva Sas. …celle-ci apporte une solution à la première des injustices, la différence d’espérance de vie entre les ouvriers et les cadres, qui n’est pas anecdotique, puisque l’espérance de vie en bonne santé à 65 ans est de 6,5 années pour un ouvrier et de 11,1 années pour un cadre.

La réforme de 2010 n’a pas apporté de réponse à la question de la pénibilité. Comme l’a écrit Pierre Merle, elle a opéré, de manière un peu honteuse d’ailleurs, un tour de passe-passe, puisque « les différences de conditions de travail ont été niées…

M. Denis Jacquat. C’est faux !

M. Arnaud Robinet. Totalement absurde !

Mme Eva Sas. …et transmutées en un problème personnel et médical », celui de l’inaptitude. La présente réforme s’attaque enfin sérieusement à la question de la pénibilité, mais elle peut encore être améliorée. Nous vous proposerons notamment de ne pas limiter le nombre de points du compte de prévention, pour ne pas pénaliser les salariés ayant été exposés pendant plus de vingt-cinq ans à un facteur de pénibilité.

Malgré ses limites, le compte pénibilité constitue une avancée réelle. Il fait partie des points positifs qui auraient pu rendre cette réforme juste. J’utilise le conditionnel car ce texte nous laisse malgré tout un goût amer. Il comporte, en effet, deux défauts majeurs, qui nous empêchent de le qualifier de juste. Le premier problème, c’est que les entreprises sont exonérées de l’effort collectif de financement.

M. Alain Chrétien. Mais les entreprises paient !

Mme Eva Sas. Le deuxième c’est que cette réforme repose, au-delà de 2020, sur l’allongement de la durée de cotisation.

En effet, le partage de l’effort de financement n’existe, hélas, qu’en façade, puisque le Gouvernement a annoncé que la hausse des cotisations serait entièrement compensée pour les entreprises. S’il est légitime de préserver les PME dans un contexte économique difficile, comment justifier d’exonérer toutes les entreprises de l’effort collectif, y compris les plus grandes et celles qui réalisent des bénéfices importants ?

M. Arnaud Robinet. Elles paient !

Mme Eva Sas. Avec le crédit d’impôt compétitivité, cela fait, au final, beaucoup d’égards pour les entreprises et beaucoup d’efforts pour les ménages.

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. Alain Chrétien. Écoutez la gauche de la gauche !

Mme Eva Sas. Le relèvement de la contribution sur les dividendes nous aurait paru un mode de financement plus juste, et c’est ce que nous vous proposerons lors de l’examen du projet de loi de finances, qui débutera bientôt dans cet hémicycle. Cette contribution a un double avantage ; d’une part, elle préserve les PME, puisqu’elle ne concerne que les entreprises de plus de 250 salariés ; d’autre part, même si elle n’est prélevée que sur les dividendes distribués aux actionnaires, son rendement est significatif, puisqu’il devrait atteindre 1,6 milliard d’euros en 2013. Nous nous étonnons que cette piste ait été jusqu’ici écartée et que l’on continue de faire reposer la contrainte sur les seuls ménages.

L’allongement de la durée de cotisation au-delà de 2020 est le deuxième point noir de cette réforme. En effet, dans une situation de chômage élevé, cet allongement ne se traduit que par une chose : le remplacement des retraités par des chômeurs, moins bien indemnisés.

M. Pouria Amirshahi. Ce n’est pas faux !

Mme Eva Sas. La réforme de 2010 a eu pour conséquence d’augmenter la population active de 224 000 personnes, qui sont arrivées sur un marché du travail déjà saturé. Au final, l’Unedic a estimé l’impact de cette réforme à 30 000 demandeurs d’emploi supplémentaires et à 440 millions d’euros de coût annuel pour l’assurance chômage. Maintenir les seniors sur le marché du travail ne peut qu’alimenter le chômage endémique qui mine la société française.

M. Denis Jacquat. C’est faux !

M. Arnaud Robinet. Et le partage du travail ?

Mme Eva Sas. C’est pourquoi nous vous proposerons par amendement de surseoir à cette décision et d’attendre, pour la mettre en œuvre, qu’il soit démontré, par un rapport présenté devant la représentation nationale, que l’augmentation de la durée de cotisation n’a aucun impact sur le nombre de chômeurs ou sur le taux de chômage.

Les écologistes pensent depuis toujours que l’évolution de nos sociétés et de la productivité doit nous conduire à réduire progressivement le temps de travail. Il s’agit d’un mouvement historique qui ne s’est interrompu que récemment, pour des raisons idéologiques, et il convient de le reprendre. Vous nous proposez, madame la ministre, d’allonger la durée de cotisation, et donc d’allonger la durée du travail tout au long de la vie. Pour cette raison, et malgré les avancées qu’il contient, vous aurez compris que nous ne pouvons soutenir votre texte en l’état. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente du droit des femmes (Sourires.)

M. Marc Dolez. Présidente du droit des femmes ? Rien que ça ?

M. Gérard Sebaoun. …monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, ce projet de loi traduit enfin une véritable prise en compte de la pénibilité au travail, avec la création du compte personnel de prévention de la pénibilité. Je suis heureux que le dispositif préconisé dans le rapport Moreau ait été retenu.

Le sujet en lui-même, ainsi que la simplicité et la lisibilité du mécanisme proposé, auraient pu faire consensus. Or, si notre groupe a participé à l’amélioration du texte en commission, j’ai personnellement regretté les amendements de suppression de l’article 6 défendus par l’opposition.

En effet, la pénibilité transcende les choix partisans. Elle fut reconnue dès 1975, lorsque la loi permit à des salariés très exposés par le travail en continu, à la chaîne ou sur les chantiers, de prendre leur retraite à partir de 60 ans, alors que le droit commun était à 65 ans. La loi de 2003 en a fixé le principe, en encourageant les organisations représentatives à négocier, ce qu’elles firent entre 2005 et 2008 pour aboutir à une définition de la pénibilité et à une liste de dix facteurs de risques. Malheureusement, la loi de 2010 a manqué d’ambition sur la pénibilité – notre collègue Jean-Frédéric Poisson l’a implicitement reconnu tout à l’heure – en réduisant la compensation de la pénibilité à un dispositif médicalisé de départ anticipé en cas d’incapacité permanente.

Le fait que seuls un peu plus de 6 500 salariés en soient aujourd’hui attributaires est bien la démonstration d’un échec conceptuel. Pour traiter du problème de la pénibilité, il faut évidemment s’extraire du simple traitement des dommages, d’où l’introduction des volets « formation » et « temps partiel » dans le compte pénibilité.

L’étude d’impact nous rappelle malheureusement qu’à 50 ans, l’espérance de vie des ouvriers est inférieure de près de cinq ans à celle des professions les plus qualifiées – et jusqu’à neuf ans sans incapacité. Deux notes récentes de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, fondées sur l’étude SUMER, Surveillance médicale des expositions aux risques, de 2010, confirment ces données. Entre 1994 et 2010, on a constaté dans le secteur privé – c’est-à-dire dans le champ du projet de loi que nous examinons – une progression du travail posté, ainsi qu’une forte augmentation de l’exposition au bruit : près de 20 % des salariés y sont exposés, et 6 %, essentiellement des ouvriers, le sont très lourdement, au-delà de 85 décibels pendant au moins vingt heures par semaine. Si l’on note une stabilisation globale des contraintes physiques intenses, les ouvriers non qualifiés – encore eux ! – sont toujours les plus exposés à la manutention et à des charges pendant au moins vingt heures par semaine. En sont également victimes aujourd’hui des salariés du commerce et des services, ainsi que des employés administratifs.

La baisse relative des expositions aux produits chimiques cancérogènes, ou probablement cancérogènes, entre 2003 et 2010 est liée au drame de l’amiante et au renforcement de la réglementation, et c’est heureux.

M. Christian Hutin. Très bien !

M. Gérard Sebaoun. Là encore, ce sont les ouvriers, et surtout les plus jeunes d’entre eux, encore en apprentissage, qui sont les plus exposés. Toujours selon la DARES, ce sont 30 à 40 % des salariés des métiers de la maintenance, du BTP, du bois, des métaux, des industries graphiques et de l’artisanat qui sont concernés par une exposition à au moins un agent cancérogène, avec, pour près d’un quart d’entre eux, une durée d’exposition qui dépasse dix heures par semaine. Pire encore, la multi-exposition est évaluée à 5 % dans le BTP et à 8 % dans la maintenance.

À côté de ces constats très lourds, on doit heureusement saluer les progrès réalisés dans la prévention. L’exposition au trichloréthylène, solvant très répandu, mais hautement toxique, a ainsi été divisée par trois entre 2003 et 2010, grâce à l’utilisation de produits de substitution. C’est grâce au triptyque que constituent la prévention individuelle et collective, l’amélioration des conditions de travail et les compensations – au pluriel – que nous pourrons lutter contre les expositions nocives et permettre aux plus exposés, au premier rang desquels, je le répète, les ouvriers, de s’en extraire, afin de bénéficier d’une retraite en meilleure santé. C’est tout le sens des préconisations du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Dans un autre registre, j’aimerais finir mon propos en adressant solennellement, depuis cette tribune, une réponse au président de la CARMF, la caisse de retraite des médecins.

M. Arnaud Robinet. Ah oui ?

M. Denis Jacquat. Voilà qui est intéressant !

M. Gérard Sebaoun. Qu’il sache que la menace de plainte auprès du Conseil de l’ordre, qu’il a cru bon de m’adresser personnellement, au prétexte que j’aurais « sali la profession » par mes propos en commission pendant la discussion de l’article 32… (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Robinet. Ce n’est pas correct !

M. Gérard Sebaoun. Je vous demande m’écouter jusqu’au bout, monsieur Robinet, car c’est lui qui n’est pas correct !

Cette affirmation n’a guère impressionné le médecin que je suis, qui ne se reconnaît dans aucun corporatisme, et encore moins le parlementaire que je suis, dans l’exercice de son mandat ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Bravo ! On aura les preuves dans le rapport de l’IGAS !

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, chers collègues, je commencerai en vous lisant la définition que donne le dictionnaire Larousse du mot « réforme » : « changement de caractère profond, radical, apporté à quelque chose, en particulier à une institution, et visant à améliorer son fonctionnement ».

Votre texte, madame la ministre, n’est ni profond, ni radical.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

Mme Bérengère Poletti. Il ne change en rien, ou presque, le fonctionnement des retraites en France. Votre non-réforme ne garantira malheureusement pas l’équilibre financier de nos retraites, ni à court ni à long terme. D’ailleurs, vous n’avez même pas osé utiliser le mot « réforme » dans le titre de ce projet de loi !

Au sujet des retraites, huit Français sur dix se disent inquiets, et sept sur dix pensent que votre texte ne va pas dans la bonne direction.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Allons, ils ne l’ont pas lu !

Mme Bérengère Poletti. Il existe pourtant en Europe des pays qui ont su réformer leur système de retraite, avec courage et cohérence. C’est le cas de la Suède, qui a mis quinze ans à le faire.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Cela a été très dur pour les femmes !

Mme Bérengère Poletti. Au début des années 1990, ce pays souffrait de plusieurs maux : une dette publique élevée, un chômage important et une production en stagnation. Il a alors agi sur l’axe de la fiscalité, en la simplifiant, et sur l’axe de la dépense publique. Mais les Suédois ont surtout mis en place un système par points pour la retraite, faisant passer leur pays d’un régime à prestation définie à deux régimes à cotisation définie, l’un par répartition, l’autre par capitalisation. La Suède a réussi à mettre en œuvre une réforme à la fois structurelle et consensuelle – car le consensus est la condition essentielle. L’Allemagne a également procédé à une réforme, différemment certes, mais tout aussi profondément, et elle aussi dans le consensus.

Pendant ce temps-là, en France, au moment de la réforme de 2010, qui n’avait pourtant pas l’ampleur de celle des pays que je viens de citer, le parti socialiste défilait dans les rues…

M. Arnaud Robinet. Et il y mettait les jeunes !

Mme Bérengère Poletti. …contre une réforme qu’il valide aujourd’hui, puisqu’il n’y change strictement rien, malgré les promesses présidentielles.

M. Jean-Marc Germain. Il vaut mieux manifester contre une réforme des retraites que contre le mariage homosexuel !

Mme Bérengère Poletti. Vous nous demandez aujourd’hui de légiférer sur l’avenir et la justice du système de retraites. Pour ce qui est de l’avenir, on peut déjà craindre d’être obligés de revenir sur ce texte avant même la fin de votre mandat, puisque cette petite réforme est très incomplète. Avec une augmentation massive des prélèvements obligatoires, elle dégage 7,6 milliards d’euros de recettes…

M. Jean-Marc Germain. Elle en dégage 8,1 !

Mme Bérengère Poletti. …alors que le déficit supplémentaire des régimes de retraite va atteindre 20 milliards d’euros. Que proposez-vous pour les 12,4 milliards d’euros restant ?

M. Dino Cinieri et M. Denis Jacquat. Rien !

Mme Bérengère Poletti. Votre mesure phare est l’allongement progressif de la durée des cotisations à 43 ans d’ici 2035 pour pouvoir toucher une retraite complète… Diantre ! Quel courage ! Mais il est vrai qu’il s’agit de votre premier texte sur les retraites, puisque toutes les évolutions qui ont eu lieu à ce sujet au cours des dernières années ont été orchestrées par des gouvernements de droite. Vous les avez toutes critiquées, mais où serions-nous si nous n’avions pas eu la détermination qui vous manque aujourd’hui ?

M. Jean-Marc Germain. La situation n’a jamais été aussi mauvaise, et on sait à qui on le doit !

Mme Bérengère Poletti. La Commission européenne se dit elle-même déçue de cette non-réforme. Elle a pourtant accordé à la France un délai supplémentaire pour réduire son déficit et engager de vraies réformes.

Vous parlez aussi de justice du système de retraites. Mais de quelle justice parlez-vous ? Vous n’avez touché, ni de près, ni de loin, à la différence extrêmement importante qui existe en France entre le régime général privé, le régime général public et les régimes spéciaux !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et voilà, c’est reparti !

Mme Bérengère Poletti. Ainsi, certains voient leur retraite calculée sur leurs six derniers mois d’activité, pendant que d’autres la voient calculée sur les vingt-cinq meilleures années.

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cela donne le même résultat !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Lisez le rapport Moreau !

Mme Bérengère Poletti. Certains partent encore bien avant soixante ans ; d’autres partent à soixante-cinq ans. Même le nouveau compte pénibilité est injuste. Surtout, il n’est pas intégralement financé.

M. Denis Jacquat. Exactement !

Mme Bérengère Poletti. Son coût est estimé à 2,5 milliards d’euros en 2040, voire en 2020, alors que le rapport des cotisations employeurs serait de 800 millions d’euros. La notion de pénibilité et sa prise en compte pour la retraite ne sont pas nouvelles, puisque les textes de 2003 et 2010 ont proposé des avancées en la matière. Mais quelle injustice que de reporter sur la prochaine génération la charge du financement lourd de nos retraites !

Votre seule mesure de convergence semble se porter sur la caisse des professions libérales, lesquelles travaillent bien plus de trente-cinq heures par semaine et ce jusqu’à soixante-cinq ans – parfois plus !

M. Arnaud Robinet. Eh oui !

Mme Bérengère Poletti. Leurs réserves vous intéressent, bien sûr. Vous vous autorisez donc à modifier leur gouvernance.

Enfin, vous décalez de six mois la revalorisation des pensions. Vous faites ainsi payer votre manque de courage aux petits retraités. Vous leur faites payer 800 millions d’euros l’an prochain et près du double en 2015. Décidément, accabler les familles ne vous suffit pas : aujourd’hui, vous accablez aussi les retraités. Comment voulez-vous que les Français vous comprennent ? Comment voulez-vous qu’ils adhèrent ? Votre politique n’est pas celle du courage ; elle est celle qui flatte vos petits amis politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pouria Amirshahi. Ne faites pas semblant de découvrir le sort des salariés !

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, messieurs les rapporteurs, chers collègues, je voudrais rappeler au préalable qu’un système de retraites est avant tout un choix démocratique validant un projet de société, un pacte social bâti collectivement.

À cet égard, je crois important de rappeler que, quand certains demandent aujourd’hui publiquement la mise à bas du programme du Conseil national de la Résistance, quand d’autres assument de vouloir la capitalisation ou encore la mort de l’État-providence, ce projet de loi réaffirme au contraire l’objectif politique clair de la préservation de notre système solidaire de retraites par répartition, avec de nouvelles mesures de justice – dont certaines sont d’une ampleur véritablement structurelle, comme la mise en place du compte pénibilité évoqué à l’instant par mon collègue Gérard Sebaoun.

Je voudrais, dans cette intervention, insister sur deux points qui méritent à mon sens d’être précisés et éclaircis à l’occasion de ce débat parlementaire.

Tout d’abord, nous aurons, dans les heures et les jours qui viennent, un débat sur le pilotage et les paramètres d’évolution du système de retraites, notamment sur la nécessité qu’il y a, selon moi, à ne pas aborder la question de l’allongement de la durée de cotisation sans la lier aux évolutions du contexte économique, notamment celles du taux d’emploi et de l’espérance de vie en bonne santé.

Ensuite, en lien avec le point précédent, je voudrais revenir plus longuement sur la situation des jeunes. Cette réforme, nous l’avons tous répété, c’est en effet d’abord à eux qu’elle doit s’adresser. Pourtant, des inquiétudes légitimes se sont exprimées.

L’un des enjeux importants des discussions que nous allons avoir cette semaine, notamment à propos des amendements que nous allons soutenir dans ce débat parlementaire, est donc bien de résoudre, concernant les jeunes, une équation complexe : l’allongement de la durée de cotisations cristallise aujourd’hui – il faut le dire – les inquiétudes, et ce d’autant plus qu’elle se combine aux deux autres termes de l’équation que sont l’allongement de la durée des études, pourtant bénéfique pour les jeunes et pour l’ensemble de la société, et les conséquences des débuts de carrière heurtés car souvent marqués par des périodes de chômage.

Dans ce contexte, des mécanismes doivent être mis en place pour que certains parcours de jeunes ne se traduisent pas par l’alternative suivante : un départ à la retraite à soixante-sept ans avec une carrière incomplète ou un départ encore plus tardif avec tous les trimestres nécessaires.

Le projet de loi apporte de ce point de vue un certain nombre de réponses importantes, déjà évoquées dans ce débat : le passage à 150 heures-smic pour valider un trimestre, qui concernera pour beaucoup les jeunes ; la validation de tous les trimestres d’apprentissage, fondamentale pour les apprentis qui subissaient jusqu’à présent une injustice qui sera désormais corrigée ; le dispositif de rachat d’années d’études à tarif préférentiel.

Mais, pour les raisons évoquées à l’instant, je crois qu’il faut aller plus loin dans la possibilité pour les jeunes d’acquérir plus précocement des droits à la retraite. La prise en compte de périodes de stages, déjà été évoquée par Mme la ministre et que tend à instaurer un amendement du groupe socialiste, sera une première étape importante – dans les conditions que vous avez rappelées, madame la ministre, à savoir une assimilation entre stage et emploi pour éviter les abus. Mais, à mon sens, cette première étape n’épuise pas toutes les questions, notamment parce que les étudiants, en fonction de la filière choisie ou des établissements où ils étudient, ne font pas tous le même nombre de stages. Par ailleurs, se posera aussi, à terme, la question de l’inégal traitement entre des jeunes qui, pour une même formation initiale, auront, pour certains, pris la voie de l’apprentissage et, pour d’autres, fait un autre choix.

Dans une perspective de solidarité entre les générations, et en vue de faciliter pour l’ensemble des étudiants post-bac l’acquisition de trimestres en vue d’une carrière complète, il me semble donc nécessaire de continuer à réfléchir aux modalités d’ouverture pour les étudiants de droits à la retraite au titre de leurs études, autour des principes suivants : assurer une égalité de traitement entre toutes les filières et tous les types d’études et ne pas privilégier les études longues par rapport aux études courtes.

Au-delà de cette question des études, il me semble également important que nous avancions au cours de nos débats sur la manière de mieux prendre en compte la difficulté d’insertion des jeunes sur le marché du travail et les périodes où alternent chômage non indemnisé et emplois précaires. Des amendements devraient nous permettre de revenir à ces questions au cours du débat.

En conclusion, si, pour survivre, notre système de retraites par répartition a besoin d’être viable financièrement, il a également besoin de susciter la confiance de l’ensemble de la population, à commencer par celle des jeunes générations. Le débat parlementaire devra permettre de montrer comment ce que nous faisons traduit une plus grande solidarité intergénérationnelle, plus de justice et plus de progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(M. Marc Le Fur remplace M. Denis Baupin au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Alain Chrétien. Enfin une parole sensée !

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, enfin nous allons avoir avec un Gouvernement de gauche un débat de fond sur l’avenir des retraites,…

M. Arnaud Robinet. Il était temps !

M. Bernard Accoyer. …un débat de vérité que la gauche, quand elle était aux responsabilités, a toujours esquivé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Bérengère Poletti. C’est vrai !

M. Christian Paul. Et la réforme de 1982 ?

M. Bernard Accoyer. En 1982, c’est par voie d’ordonnance que le Gouvernement Mauroy a fait adopter le principe de la retraite à soixante ans, privant le Parlement de toute discussion de fond sur les conséquences financières considérables de cette mesure pour la pérennité de nos régimes.

En 1991 et en 2000, les gouvernements Rocard puis Jospin ont reculé devant l’obstacle malgré les constats alarmants dressés par le Livre blanc sur l’avenir des retraites puis par le rapport Charpin, qu’ils avaient eux-mêmes commandés.

En mai 2012, c’est par voie réglementaire que le Gouvernement Ayrault a fait adopter plusieurs mesures remettant en cause la réforme courageuse adoptée par le Parlement en 2010, tout en refusant de s’en expliquer devant lui.

Il s’agissait pourtant de mesures à hauteur de 11 milliards d’euros, financés déjà pour l’essentiel par les cotisations des salariés et des entreprises ; 11 milliards, soit plus de la moitié du déficit attendu en 2020.

Le débat qui s’engage aujourd’hui a l’avantage de placer chacun devant ses responsabilités – ses responsabilités devant les jeunes générations et devant les générations à venir.

Mes chers collègues, notre régime de retraite par répartition est l’un des piliers du pacte social mis en place en octobre 1945 par le Gouvernement présidé par le général de Gaulle. Ce pacte social est fondé sur trois principes : la solidarité entre les générations, la valeur travail qui finance cette solidarité, l’équité entre les Français.

Les pensions des retraités sont financées par les cotisations des actifs et non par l’impôt. Financer les retraites, comme le propose le Gouvernement, par une hausse d’impôts et une baisse des droits familiaux constitue une grave atteinte au principe de la répartition.

La gauche recule devant l’adoption de mesures d’âge, alors que, si l’on fait la moyenne des pays de l’OCDE, l’âge légal de départ à la retraite est de quatre ans de plus qu’en France. Or c’est là, madame la ministre, le fruit de dispositions qui ont souvent été prises sous l’impulsion de gouvernements sociaux-démocrates.

La conséquence de ce texte est que les retraites vont baisser – il faut le dire aux Français. D’autant qu’avec les dispositions relatives à la pénibilité que vous introduisez, un salarié sur deux pourrait faire valoir ses droits avant l’âge légal.

M. Pouria Amirshahi. Tant mieux !

M. Bernard Accoyer. Où est la réforme quand on charge la barque au lieu de l’équilibrer ?

Mes chers collègues, depuis 1945, nos régimes de retraites ont été réformés et adaptés pour tenir compte des réalités démographiques liées à l’allongement de l’espérance de vie : ce sont les réformes courageuses conduites par les gouvernements Balladur en 1993, Raffarin en 2003 et Fillon en 2007 puis 2010.

M. Pouria Amirshahi. Citez-les tous pour ne fâcher personne !

M. Bernard Accoyer. Elles ont permis de dégager 120 milliards d’euros de ressources supplémentaires pour assurer le financement des retraites. Ces réformes indispensables, une gauche dogmatique, après avoir renoncé à les mettre en œuvre, les a même toujours combattues avec force, en combinant obstruction parlementaire frontale…

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Oh ! Très peu !

M. Bernard Accoyer. …et soutien appuyé aux manifestations de rue, à l’image du candidat François Hollande qui manifestait à Tulle, le 2 octobre 2010, au côté des syndicats, contre l’une de ces réformes qui ont pourtant sauvé notre régime de retraites par répartition.

M. Jean-Marc Germain. Manifester avec les syndicats, ce n’est pas une maladie honteuse !

M. Bernard Accoyer. Notre régime de retraites par répartition a été également amélioré depuis 1945, à chaque fois sous l’impulsion de gouvernements de droite et du centre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul. Et la retraite à soixante ans en 1982 ?

M. le président. Nous écoutons l’orateur, mes chers collègues ! Seul le président Accoyer a la parole.

M. Bernard Accoyer. Merci, monsieur le président, de me protéger ! (Sourires.)



Je veux citer ici deux avancées récentes : le dispositif « carrières longues », adopté en 2003 avec la loi Fillon, que j’ai eu l’honneur de rapporter devant cette assemblée et le dispositif « incapacité », adopté en 2010 avec la loi Woerth.

Mme Véronique Massonneau. Une honte !

M. Bernard Accoyer. Mes chers collègues, la pérennité de notre régime de retraites repose sur une règle d’équilibre financier entre cotisations et pensions. Un équilibre entre réformes structurelles devant l’allongement spectaculaire – et dont il faut se réjouir – de l’espérance de vie et avancées successives pour plus de solidarité.

Cet équilibre, toujours respecté par la droite et le centre, le Gouvernement et sa majorité s’apprêtent malheureusement à le remettre en cause.

M. Arnaud Robinet. Tout à fait !

M. Bernard Accoyer. Qu’y a-t-il, en effet, dans le projet du Gouvernement ?

M. Damien Abad. Rien !

M. Bernard Accoyer. Une prétendue réforme qui n’est en réalité qu’une hausse d’impôts et de cotisations supplémentaires pour les salariés et les entreprises ; une réforme non financée qui ne couvre qu’un tiers des 20 milliards d’euros supplémentaires à trouver à l’horizon de 2020 ; la suppression scandaleuse de droits familiaux, au cœur du pacte générationnel ;…

Mme Bérengère Poletti. Tout à fait !

M. Bernard Accoyer. …la remise en cause du pacte de solidarité entre les générations, en préservant pourtant celles du baby-boom, au détriment de jeunes générations, sacrifiées malgré les engagements du Président de la République ;

M. Alain Chrétien. Les reniements, c’est maintenant !

M. Bernard Accoyer. …l’abandon de toute mesure de convergence et d’équité entre le secteur privé et le secteur public et les régimes spéciaux.

Cette prétendue réforme n’est en réalité qu’une anti-réforme…

M. Christian Jacob. C’est une augmentation d’impôts et de prélèvements masquée !

M. Bernard Accoyer. …qui risque de menacer l’avenir de la répartition. Pour ces raisons, au nom de la préservation de notre pacte social, nous ne pouvons que nous y opposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente des femmes, comme on l’a dit tout à l’heure (Sourires), messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous débattons depuis maintenant plusieurs heures et, à travers les retraites, ce sont finalement deux conceptions de la réforme qui s’affrontent ce soir.

Avec vous, chers collègues de l’UMP, la réforme a revêtu bien des atours ces dernières années, mais à la fin elle s’est toujours terminée de la même manière : un recul de l’État-providence.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est faux !

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas ce qu’a dit la commission !

M. Jean-Marc Germain. L’éducation nationale ? Cela a été la saignée dans les effectifs. Le travail ? Vous rêvez d’un code du travail dont la dernière page toucherait la première. Les retraites ? Vous avez changé les mots : difficile de parler de retraite par capitalisation après la crise financière ; vous parlez donc d’un système par points, mais le projet reste le même, c’est-à-dire chacun pour soi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Robinet. Mais un système par points, c’est la répartition !

M. le président. Mes chers collègues, écoutons M. Germain !

M. Jean-Marc Germain. Pour nous, il n’y a pas de réforme qui porte ce nom sans être source de progrès. Nous nous sommes donc demandé, non pas comment boucher les trous mais ce qui ne va pas dans le système et comment y remédier.

Insupportables les inégalités d’espérance de vie en bonne santé. Désormais, la pénibilité sera combattue sérieusement au travail et compensée par un départ en retrait plus précoce.

M. Christian Jacob. Vous n’aimez pas le travail !

M. Jean-Marc Germain. Indignes les écarts de 50 % des pensions entre les femmes et les hommes. Nous les réduisons de manière forte.

Désespérant pour les jeunes de devoir attendre parfois d’avoir trente ans pour contribuer à leur retraite. Désormais, le principe sera simple : dès qu’il y a travail, il y a validation et nous attendons, madame la ministre – vous le savez – des avancées sur les stages. Ces progrès, madame Fraysse, monsieur Dolez, madame Massonneau, portons-les ensemble et soyons fiers de le faire.

M. Denis Jacquat. Mme Fraysse n’est pas d’accord avec vous !

M. Jean-Marc Germain. La réforme, c’est le progrès, mais c’est aussi régler les problèmes. Je vous ai entendus à droite, depuis tout à l’heure, vous gargariser avec la loi de 2010 et les précédentes.

M. Arnaud Robinet. Le Front national a les mêmes arguments !

M. Jean-Marc Germain. Mais enfin, serions-nous là, monsieur Accoyer, si vous aviez réussi ?

Vous aviez promis que la réforme de 2010 serait la dernière, que l’âge de départ à la retraite à soixante-deux ans, c’était pour solde de tous comptes, que cela allait tout régler. Et voici que, tout juste deux ans plus tard, vous nous parlez de soixante-cinq ans ! Que direz-vous donc en 2015 ? « Pardon, on s’est trompé, c’est soixante-sept ans » ? Et en 2017 ? « Oh mille pardons, c’est soixante-neuf ans ? »

M. Arnaud Robinet. C’est ce qu’il se passera justement avec votre réforme !

M. Jean-Marc Germain. Quand comprendrez-vous que reporter brutalement l’âge de départ à la retraite est non seulement profondément injuste – 80 % de votre réforme de 2010 a été portée par les ouvriers et les employés – mais aussi inefficace ?

C’est vrai, monsieur Robinet, vous avez un peu réduit le déficit du régime de retraite mais vous avez creusé celui de l’assurance chômage puisque vous avez transformé de jeunes retraités en vieux chômeurs. En réalité, il n’y a pas trente-six façons de rétablir les comptes : à court terme, soit l’on augmente les cotisations, soit l’on baisse les pensions.

Prétendre que l’on pourra n’avoir ni l’un ni l’autre, c’est mentir aux Français. Votre refus d’augmenter les cotisations appellera inéluctablement une baisse généralisée des pensions, appelons un chat un chat.

M. Arnaud Robinet. C’est faux !

M. Jean-Marc Germain. Quelle autre conséquence aurait le report de trois ans du départ à la retraite quand on sait que près d’un Français sur deux, à l’âge de soixante ans, est au chômage ? Soixante-cinq ans, pour eux, est synonyme de trois ans de chômage et d’une sévère décote au moment de la liquidation de leur pension…

M. Damien Abad. Mais parlez donc de votre réforme !

M. Jean-Marc Germain. …avec à la clé, 600 000 multiplié par trois, 1 800 000 actifs en plus qui frapperont aux portes de Pôle Emploi.

M. Arnaud Robinet. Cela fait mal au cœur d’entendre tout cela !

M. Jean-Marc Germain. Travailler plus longtemps, monsieur Accoyer, pourquoi pas si l’espérance de vie continue d’augmenter mais seulement quand nous aurons remporté la bataille contre le chômage, seulement pour ceux qui ont les métiers les moins pénibles et en garantissant aux jeunes une durée de retraite au moins égale à celle de leurs parents. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. C’est mal parti !

M. Jean-Marc Germain. Vous avez l’habitude, chers collègues de l’opposition, de désigner des boucs émissaires. Le chômage : les syndicats. Les difficultés à l’école : les professeurs. L’insécurité : les magistrats.

M. Christian Jacob. Les impôts : les socialistes !

M. Jean-Marc Germain. Quant aux retraites, le bouc émissaire est tout désigné, à entendre M. Bertrand : le fonctionnaire ! Près d’un amendement sur deux contre les fonctionnaires, quel acharnement sans raison ! La réalité est connue : les fonctionnaires ont les mêmes retraites que tous les autres, le même niveau de pension et le même âge de départ en retraite.

M. Dino Cinieri. N’importe quoi !

M. Jean-Marc Germain. Pourquoi se lancer dans un grand chamboule tout si c’est pour ne rien changer ? Nous préférons nous concentrer sur les vraies questions plutôt que sur les faux problèmes, en répartissant équitablement les financements pour mettre à contribution les retraités comme les actifs, les entreprises comme les salariés, le public comme le privé, tout en protégeant les petits salaires et les petites retraites. À ce titre, nous vous remercions, madame la ministre, des engagements que vous avez pris.

C’est cela, le vrai courage, le progrès, la justice, l’efficacité et le rassemblement. Je souhaiterais que cet esprit qui anime notre groupe nous réunisse sur tous les bancs, au moins le temps de ce débat si important pour la France. Alors nous serions fidèles, soixante-dix ans après son adoption, au programme du Conseil national de la résistance qui a jeté le 14 mars 1944 les fondements de notre régime de retraite…

M. Arnaud Robinet. Quelle prétention !

M. Jean-Marc Germain. …et qui proclamait en préambule : « Ce n’est qu’en regroupant toutes ses forces que la France retrouvera son équilibre moral et social et redonnera au monde l’image de sa grandeur ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dino Cinieri. Ce n’est pas demain la veille !

M. Arnaud Robinet. Quel tissu de mensonges !

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Monsieur le Président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il existe plusieurs leviers d’action pour réduire le déficit du régime des retraites : niveau des cotisations, montant des pensions, âge de départ, années de cotisation.

En 2010, le Gouvernement Fillon avait courageusement choisi d’agir essentiellement sur deux d’entre eux : la durée légale du travail, passée de 40 à 41 puis à 41,5 ans de cotisation et l’âge de départ à la retraite passé de 60 à 62 ans pour l’âge légal – mesure qui n’entrera en vigueur qu’en 2017 – et de 65 à 67 ans pour le taux plein.

En 1980, la France comptait cinq actifs pour un retraité. Il n’y aurait plus aujourd’hui que 1,6 actif pour un retraité, ce qui signifie que nous n’avons plus les moyens de financer les retraites et que la seule solution, à l’instar de nos voisins européens, est de travailler plus longtemps.

Ce n’est agréable ni à dire ni à entendre mais les Français ont droit à la vérité.

M. Arnaud Robinet. Eh oui !

M. Dino Cinieri. En 2010, Jean-Marc Ayrault avait promis qu’en cas de victoire en 2012, les socialistes rétabliraient le droit de partir à la retraite à 60 ans.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. C’est fait !

M. Arnaud Robinet. Quel mensonge !

M. Dino Cinieri. Dans le document qui retrace la « Stratégie de politique économique de la France » envoyé la semaine dernière à Bruxelles, le Président de la République reconnaît que l’âge de départ à la retraite – effectif mais pas légal – va faire un bond suite à l’allongement à 43 annuités de la durée de cotisation en 2035.

On peut y lire en page 21, qu’« À terme, un assuré qui débute sa carrière à 23 ans – ce qui est la moyenne en France – ne pourra partir à la retraite au taux plein qu’à partir de 66 ans. Ainsi, l’âge légal de départ est maintenu à 62 ans mais l’âge effectif de départ à la retraite, qui constitue le critère déterminant au regard de la soutenabilité des finances publiques, devrait augmenter mécaniquement ».

Le changement est passé par là et les électeurs de gauche apprécieront ce nouveau reniement !

M. Arnaud Robinet. Il n’y en a plus beaucoup, des électeurs de gauche !

M. Dino Cinieri. Lorsque M. Ayrault et M. Hollande promettent de ne pas relever l’âge légal de départ en retraite, ils savent très bien que cet âge légal est de toute façon peu usité : en 2012, l’âge moyen de départ en retraite était de 62 ans et 3 mois, soit légèrement au-dessus de cette barrière de l’âge légal.

Le Premier ministre n’a que très peu parlé de la durée de cotisation qui constitue pourtant le réel déterminant du départ en retraite. Or, ce texte envisage bel et bien une nouvelle hausse de la durée légale.

Pour partir en retraite à 62 ans, il faudra donc soit renoncer à une partie conséquente de ses revenus, soit avoir travaillé depuis l’âge de 19 ans sans discontinuer.

La question de l’âge légal n’est donc pas vraiment essentielle ici et relève plutôt du symbolique.

Votre réforme prolonge le dispositif Fillon qui allongeait la durée de cotisation en fonction de la progression de l’espérance de vie : 41 ans à compter de 2012, 41 ans et demi à compter de 2020, 43 ans en 2035.

Les mesures annoncées feront plaisir à certains, notamment celles concernant les carrières longues ou la pénibilité, mais elles augmenteront le besoin de financement des retraites.

La seule réponse que propose aujourd’hui le chef du Gouvernement est d’augmenter les cotisations pesant sur les salariés et les entreprises.

Cette simple hausse des cotisations sociales ne suffira absolument pas à pérenniser le système des retraites : il manquera toujours 7 milliards d’euros pour le régime général et 20 milliards pour l’ensemble des régimes.

De surcroît, les hypothèses de croissance sur lesquelles s’appuie votre pseudo-réforme sont « irréalistes » selon l’économiste Marc Touati pour qui tout cela repose sur du sable. Vous tablez en effet sur 2 % de croissance du PIB en 2015 alors que son niveau moyen tourne autour de 0,8 % par an depuis une dizaine d’années.

En réalité, vous ne réformez rien du tout ! Votre texte ne règle aucun problème structurel, ne traite en rien le problème des régimes spéciaux, n’évoque pas, ou si peu, le rapprochement entre le public et le privé.

Vous ne faites qu’augmenter les taxes, ce qui va pénaliser le pouvoir d’achat des salariés et la compétitivité des entreprises à un moment où le chômage continue malheureusement de progresser.

Concrètement, alors que tour à tour les ministres se relaient pour annoncer une « pause fiscale », vous augmentez les cotisations des actifs pour la deuxième fois en un an et demi, car elles ont déjà été augmentées pour financer le retour de la retraite à 60 ans pour les carrières longues – 0,25 point d’ici 2016.

Vous augmentez également l’impôt des retraités alors qu’ils financent déjà la taxe de « contribution additionnelle de solidarité sur les pensions » de retraite et d’invalidité qui avait été votée dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 à hauteur de 0,15 point en 2013 et 0,3 point en 2014.

Pis : avec la fiscalisation des bonus pour trois enfants, vous faites basculer dans l’impôt sur le revenu un nombre important de retraités.

Vous promettez de compenser la hausse des cotisations vieillesse demandée aux entreprises en 2014 par une baisse des charges familles. La branche famille sera alors financée par une nouvelle recette encore indéterminée, ce qui revient à rajouter un milliard d’euros de prélèvements sur les ménages.

Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, si c’est une hausse de la CSG ou de la TVA, ou encore une nouvelle taxe que vous nous offrirez en cadeau de Noël ?

M. Alain Chrétien. Très bien !

M. Dino Cinieri. Vos mesures sur la pénibilité partent d’une bonne intention. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que les personnes qui ont passé trente ans aux trois-huit dans la sidérurgie sont certainement plus fatiguées physiquement que des personnes travaillant dans des bureaux en horaires réguliers.

Mais que faites-vous du stress des salariés ? Des deux heures quotidiennes de train ou de RER pour aller travailler ? Des difficultés des mères qui jonglent entre leur travail et leurs enfants ?

Mme Elisabeth Pochon. C’est vrai, certaines subissent les deux !

M. Dino Cinieri. Tout cela sera-t-il pris en compte ? Non bien évidemment ! Ou bien tout le monde y a accès et ce n’est pas finançable ou seul un petit nombre peut en profiter et c’est parfaitement injuste.

Alors, bien évidemment, Madame la ministre, je ne voterai pas cette réformette. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Germinal Peiro. Quel niveau !

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les présidentes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites était attendu et nécessaire pour relever les défis d’aujourd’hui. En effet, cette réforme est urgente pour garantir la pérennité de notre système de retraite, le système par répartition, fondement du modèle social français, que nous envient nombre de pays et auquel nos concitoyens sont très attachés.

Ce pacte intergénérationnel suppose la confiance de tous et c’est pourquoi vous avez entrepris, madame la ministre, non seulement de procéder au redressement financier de notre système pour en garantir l’équilibre à horizon 2020, mais également de le rendre plus juste. Vous revenez ainsi sur des inégalités injustifiées et insupportables, installées depuis des décennies à l’encontre des jeunes, des femmes, des salariés soumis à la pénibilité, des bénéficiaires de petites pensions, des travailleurs handicapés ou encore des retraités agricoles.

Dès lors, s’il est indéniable que cette réforme va dans le bon sens, ce n’est toutefois pas la réforme systémique que nous appelions de nos vœux. En effet, madame la ministre, l’on peut regretter que l’occasion n’ait pas été saisie de procéder à une réforme plus globale, tendant à harmoniser les différents systèmes entre eux, pour une plus grande visibilité mais aussi pour une plus grande justice encore.

Mme Véronique Louwagie. Bravo ! Nous allons être obligés de vous applaudir !

Mme Jeanine Dubié. J’aimerais à présent revenir sur deux sujets particuliers prévus dans cette réforme, à commencer par la pénibilité. Le parti radical de gauche proposait depuis quelques temps déjà de mieux prendre en compte la pénibilité du travail dans le secteur privé en mettant notamment en place un tableau de la pénibilité, lequel aurait été réévalué par exemple tous les sept ou dix ans. Pour nous, radicaux de gauche, l’âge de la retraite n’a pas le même sens selon les activités exercées qui peuvent réduire l’espérance de vie.

Le fait que le présent projet de loi prenne en compte la pénibilité, à travers la création d’un compte pénibilité, basé sur les critères retenus dans le décret du 30 mars 2011, tel que les manutentions manuelles de charges lourdes ou encore le travail de nuit, est une véritable satisfaction pour le groupe RRDP.

Nous défendrons tout de même quelques amendements sur ce point afin de renforcer le dispositif transitoire qui s’applique aux salariés âgés d’au moins 52 ans en 2015.

Il faudra en outre rester vigilants dans sa mise en œuvre. Un rapport intermédiaire devra être mis en place afin de s’assurer du bon fonctionnement de ce compte pénibilité.

Le deuxième sujet porte sur l’article 4 du projet, qui vise à décaler de six mois, du 1er avril au 1er octobre, la date de revalorisation annuelle des pensions de retraite de tous les régimes de base.

L’allocation de solidarité aux personnes âgées ainsi que le minimum vieillesse et les allocations d’invalidité ne seront pas concernées par ce changement de date puisqu’elles continueront d’être revalorisées au 1er avril.

Si nous sommes conscients que le projet de loi vise un certain équilibre et poursuit un objectif de justice en demandant à chacun – salariés, entreprises et retraités – de contribuer à l’effort de redressement du système de retraites, nous ne sommes pas favorables à cette mesure qui risque d’amputer le pouvoir d’achat de 15 millions de retraités.

Déjà décalée de trois mois dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, passant du 1er janvier au 1er avril, la revalorisation serait à nouveau reportée de six mois, pour s’appliquer au 1er octobre, soit un décalage de neuf mois en l’espace de cinq ans.

Si ce décalage peut sembler anodin, il ne l’est pas pour nos concitoyens puisqu’il correspond dans les faits à une désindexation temporaire des pensions par rapport à l’inflation. C’est pourquoi nous avons défendu en commission des amendements sur cet article 4. Nous les défendrons à nouveau en séance publique.

Le groupe RRDP souhaite le maintien de la revalorisation au 1er avril pour l’ensemble des retraités ou, a minima, pour les plus modestes de nos concitoyens qui bénéficient du minimum contributif et du minimum garanti dans les fonctions publiques. En effet, nous croyons à la relance de la croissance par la consommation, donc par le maintien du pouvoir d’achat de toutes les catégories, notamment les retraités.

C’est dans un esprit constructif mais aussi ambitieux, madame la ministre, que le groupe RRDP souhaite travailler au cours de nos débats pour améliorer et renforcer la réforme nécessaire, juste et équilibrée que vous nous avez proposée afin de garantir la pérennité de notre système de retraites par répartition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, messieurs les rapporteurs, chers collègues, en écoutant l’opposition s’exprimer plus tôt, je me demandais si la souffrance était devenue le critère de la réforme. Si j’entends bien son message, la réforme ne serait ni assez dure ni assez exigeante ; elle ne va pas assez loin et ne fait pas assez souffrir.

M. Bernard Accoyer. La réforme exige du courage !

M. Alain Chrétien. Et le courage, ce n’est pas la souffrance !

M. Denys Robiliard. Pour le moment, le courage, ce serait de m’écouter, mais je reconnais qu’il en faut beaucoup… (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Robinet. Voilà bien le seul moment du débat où vous vous montrez pragmatique !

M. Denys Robiliard. Pour sortir de cette mortification, tâchons donc de faire le point – de manière pragmatique, s’entend – sur ce dont il s’agit : il faut, d’ici 2020, financer un déséquilibre de 20 milliards sur un volume total d’environ 300 milliards, tous régimes confondus. S’il est un message à faire passer, particulièrement aux jeunes, qui ont besoin de croire au régime par répartition,…

Mme Isabelle Le Callennec. Les jeunes pensent d’abord à leur travail !

M. Denys Robiliard. …c’est le suivant : 20 milliards rapportés à 300 milliards ne révèlent pas un besoin systémique – ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il ne faille pas débattre d’une réforme systémique. En outre, les enseignements du COR et ceux du rapport Moreau montrent que notre système par répartition retrouvera de lui-même son équilibre en 2040, de sorte que le déficit n’est pas pérenne. Voilà des informations qu’il me semble ne pas falloir cacher et dont on ne saurait conclure qu’il faut réformer l’ensemble du système – ce système par répartition que nous utilisons depuis 1945 – au motif qu’il serait en perdition, puisque ce n’est pas le cas.

Ensuite, lorsque j’entends les protestations de l’opposition concernant toutes les mesures d’effort qui sont demandées, sans exception, je suis tenté de vous demander de serrer vos haires avec vos disciplines, car il s’agit manifestement d’un discours de Tartuffe : vous critiquez un soi-disant manque de courage tout en vous lavant les mains des efforts requis.

M. Bernard Accoyer. Il est vrai qu’en matière de lavage de mains, vous êtes des experts !

M. Denys Robiliard. Ces efforts sont multiples, et je n’aurai pas le temps des les aborder tous. L’allongement de la durée de cotisation est naturellement la mesure qui suscite le plus de débats et c’est sur ce point que je souhaiterais obtenir des réponses du Gouvernement. Peut-il nous assurer qu’elle permettra à chacun d’obtenir une pension de retraite d’un niveau suffisant pour pouvoir vivre dans la dignité ? Telle est en effet la condition essentielle à respecter.

Cette réforme commencera par s’appliquer à la génération de 1973, qui a quarante ans cette année. Entrée sur le marché du travail il y a vingt ans environ, elle a traversé deux décennies qui, sur le marché du travail, n’ont pas été bonnes.

M. Bernard Accoyer. Cette année est particulièrement mauvaise !

M. Denys Robiliard. En effet, au cours de cette période, on entrait plus tard sur le marché du travail pour en sortir précocement après une carrière souvent hachée. C’est à la lumière de ce constat qu’il faut s’interroger sur la mesure d’allongement de la durée de cotisation, même si je ne nie pas que des efforts sont évidemment à consentir.

L’opposition nous reproche de ne financer que sept des vingt milliards de déficit.

M. Bernard Accoyer. Pourquoi donc avez vous creusé le déficit de onze milliards en 2012 ?

M. Denys Robiliard. Que ne dirait-elle pas si nous nous mêlions de financer les régimes ARCO et AGIRC, alors qu’ils relèvent des partenaires sociaux ? Elle nous reprocherait naturellement de nous mêler de ce qui ne nous regarde pas. Quant au financement des retraites des fonctionnaires, convenez qu’il relève de la responsabilité de l’État et de son budget, et non pas du régime général des retraites.

M. Bernard Accoyer. C’est bien là le problème ! Ce serait pourtant une mesure de justice !

M. Denys Robiliard. J’entendais tout à l’heure M. Bertrand prétendre qu’il ne trouvait aucune mesure de justice dans cette réforme. Il est temps de le désaveugler : la prise en compte de la totalité des trimestres de maternité, n’est-ce pas une mesure de justice ? Ramener de 200 heures à 150 heures le temps partiel nécessaire à la validation d’un trimestre n’est-ce pas une mesure de justice, qui s’adresse d’ailleurs surtout aux femmes car elles occupent 80 % des emplois à temps partiel ? L’intégration dans le décompte de la totalité est trimestres d’apprentissage n’est-ce pas non plus une mesure de justice ? Enfin, quand on sait qu’un ouvrier de 35 ans a six années d’espérance de vie de moins qu’un cadre du même âge, la prise en compte de la pénibilité n’est-ce pas elle aussi une mesure de justice ?

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. L’opposition ne comprend pas la notion de justice !

M. Denys Robiliard. Quand j’entends que cette réforme serait sans justice, je me dis que c’est décidément bien à des Tartuffe que nous avons affaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Face aux Tartuffe, les godillots !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce projet de loi était attendu. Or, il a déçu et déçoit encore. Sans prétendre que la montagne a accouché d’une souris,…

Mme Elisabeth Pochon. Que d’éléments de langage…

Mme Véronique Louwagie. …c’est pourtant bien ce qui semble s’être produit lorsque, à la fin du mois d’août, le Premier ministre a ébauché les grandes lignes de la première réforme des retraites menée par la gauche sous la Ve République. Et malgré cette première réforme à votre actif, force nous est de regretter que la France demeure une exception européenne en matière de retraites.

Mme Elisabeth Pochon. Notre système social est une exception !

Mme Véronique Louwagie. Madame la ministre, vous avez déclaré que votre texte reposait sur un « principe d’effort équilibré, équitablement réparti et proportionné ». Ce propos peut à, maints égards, paraître péremptoire, voire malicieux !

Le relèvement des cotisations sans modification aucune de l’âge de départ à la retraite va immanquablement pénaliser nombre de nos concitoyens. Vous le savez bien, puisqu’ils vont subir une baisse de leurs pensions en raison de la hausse des cotisations sociales de 0,15 point en 2014, et de 0,05 point les trois années suivantes. En outre, le report de 6 mois, du 1er avril au 1er octobre, de la réévaluation des pensions de retraite a été validé en commission, ce qui aura pour effet inévitable de grever le pouvoir d’achat des retraités.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

Mme Véronique Louwagie. Certes, vous prenez des mesures en faveur de la pénibilité. Doit-on néanmoins rappeler que des mesures avaient été prises en ce sens dès 2003, puis en 2010 avec un départ anticipé pour les personnes ayant commencé à travailler tôt ?

Au fond, votre projet de loi se résume à un alourdissement de dix milliards d’euros, à des prélèvements sur les Français et à la création de nouvelles injustices à travers des mécanismes liés à la pénibilité, à propos desquels la rédaction de l’article 6 de votre projet de loi demeure ambiguë. Vous n’avez cessé de dénigrer la réforme Woerth, qui a eu au moins le mérite de réduire les déficits des régimes de retraites et, surtout, d’entamer l’alignement du secteur public sur le secteur privé.

Sur ce point, vous vous êtes bien gardée de poursuivre cette logique d’équité décidant même de revenir en arrière sur les arrêts maladie, en mettant fin au jour de carence des fonctionnaires…

M. Arnaud Robinet. Scandaleux !

Mme Véronique Louwagie. …alors même que les salariés du privé en conservent trois !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Non, pas tous : que faites-vous des accords de branche ?

Mme Véronique Louwagie. Mon propos n’est pas de stigmatiser les fonctionnaires, ou quiconque d’ailleurs, mais admettez que le « principe d’effort équilibré, équitablement réparti et proportionné » paraît à géométrie variable : quid, en effet, des régimes spéciaux ?

L’État ne peut pas tout. L’État-providence ne peut même rien face aux besoins de financements sans cesse grandissants de nos régimes de retraite qui, hélas, sont structurellement déficitaires. Ces besoins de financements sont évalués à 20 milliards d’euros, alors que votre réforme tentera, au mieux, de combler le seul déficit du régime général, soit environ 7,6 milliards d’euros. La situation des régimes AGIRC-ARCO aurait aussi mérité quelques clarifications.

Il convient naturellement d’être objectif. Reconnaissons par exemple que la mesure en faveur des femmes, avec la prise en compte des trimestres de congé maternité, est louable. Pourtant, force nous est donnée de regretter le sort que vous réservez aux familles, qui ne sont pas favorisées dans ce projet de loi. C’est d’ailleurs récurrent depuis plusieurs mois, notamment depuis le PLFSS 2013. Le rapport Moreau traçait deux axes : la défiscalisation des majorations de pension accordées aux parents de trois enfants, et l’abattement fiscal de 10 % sur les pensions. Des deux, vous avez choisi de supprimer le premier, au risque de frapper de plein fouet les familles.

De surcroît, le projet de loi prévoit d’étatiser les caisses de retraite des professionnels libéraux et de modifier la gouvernance de la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales. Pourquoi ? La question a plusieurs fois été posée en commission des affaires sociales, en vain.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous ne pouvons répondre à une question dont les fondements même sont erronés !

Mme Véronique Louwagie. Les professionnels sont inquiets, et rien n’est fait pour les rassurer. Vous proposez des rachats de trimestres aux salariés ayant effectué des études longues, ce qui est d’ailleurs le cas de nombreux jeunes entrant dans la vie active, mais l’aide de 1 000 euros que vous instaurez ne concernera pas toutes les personnes pouvant prétendre à ce dispositif.

Hier, madame la ministre, vous avez déclaré dans les colonnes d’un grand hebdomadaire dominical vouloir accorder une plus grande attention à certaines périodes de stage dans le calcul des droits à la retraite. Outre le coût de cette mesure, vous semblez admettre le risque de banaliser les stages – une banalisation pour le moins choquante – surtout, vous semblez vouloir donner satisfaction à une partie de votre majorité.

En conclusion, chers collègues, il convient de regretter que sur ce sujet majeur des retraites, le Gouvernement préfère battre en retraite ! (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Votre projet de loi sera coûteux ; surtout, ses effets ne seront que provisoires et rédhibitoires. Vous allez, d’une certaine manière, faire en sorte que « les retraités eux-mêmes paient leurs retraites »…

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Mais non !

Mme Véronique Louwagie. …si vous m’autorisez cette formule un peu brutale mais communément admise chez les intéressés eux-mêmes. Aucune solution de fond n’est proposée et, contrairement à nos voisins européens, le courage manque à ce projet de loi, ce que nous ne pouvons que regretter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Linda Gourjade.

Mme Linda Gourjade. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente et monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, chers collègues, le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites renforce notre conception du modèle social français car il introduit plus de justice et codifie notre système de retraite par répartition. Ces deux objectifs constituent les avancées majeures de ce texte. Notre système repose principalement sur la solidarité intergénérationnelle entre la population active et les retraités. Il repose également sur la durée de cotisation des salariés et des entreprises en tenant compte de l’espérance de vie des salariés après la retraite.

L’équilibre du système de retraites dépend sans conteste de ces premiers paramètres liés aux progrès scientifiques réalisés dans le domaine de la santé et à l’élévation du niveau de formation des jeunes, qui retarde naturellement leur entrée dans la vie active. Toutefois, l’allongement de la durée de cotisation et celui de l’espérance de vie ne peuvent pas constituer, à eux seuls, l’alpha et l’oméga de l’évolution de notre modèle social en matière de retraites. Les politiques publiques menées par le Gouvernement pour réduire le chômage et pour soutenir l’investissement des entreprises et des acteurs publics doivent pouvoir contribuer à la réflexion sur l’amélioration de la vie après des années de travail.

De la même façon, il est nécessaire que l’évolution de la durée de cotisation et le montant des petites retraites profitent des résultats de ces politiques publiques. Je remercie le Gouvernement d’avoir accepté les amendements que nous avons proposés en ce sens.

Permettez-moi de revenir sur l’augmentation des cotisations. Le redressement de la situation financière de notre système de retraites par répartition repose sur l’augmentation des cotisations, partagée par tous : les entreprises, les salariés et les retraités.

Cette mesure s’inscrit dans la continuité de notre modèle social par un effort justement réparti.

Concernant les entreprises, au lieu de faire reposer l’ensemble de l’effort sur les salariés, comme l’avait fait la réforme Fillon de 2010, le Gouvernement fait le choix inverse en équilibrant la hausse des cotisations. Pour les bas salaires, le réaménagement de l’impôt sur le revenu atténuera la hausse des cotisations.

Si l’on peut comprendre que les entreprises bénéficieront d’une compensation correspondant à l’augmentation de leur hausse de cotisation sociale pour préserver leur compétitivité, notre réflexion doit se poursuivre afin que cela ne se traduise pas par une baisse du pouvoir d’achat de l’ensemble des salariés. Un juste équilibre doit être recherché entre le soutien de la consommation des ménages et le développement des entreprises pour l’emploi.

Pour les retraités, il n’y aura ni baisse ni gel de la revalorisation des pensions et la revalorisation annuelle restera indexée sur l’inflation. Cependant, elle interviendra le 1er octobre au lieu du 1er avril, sauf pour le minimum vieillesse qui continuera à être revalorisé dès le 1er avril. C’est l’effort demandé aux retraités. Pour les petites retraites, compte tenu du faible niveau de ressources procuré par le minimum vieillesse, il serait juste que le Gouvernement adopte un seuil supérieur pour ne pas pénaliser les retraités en situation de grande précarité.

Une autre préoccupation est l’emploi des seniors. Force est de constater qu’une grande majorité d’entreprises ne veulent pas embaucher ces salariés. La discrimination en fonction de l’âge est courante. Le taux d’emploi des seniors de cinquante-cinq à soixante-quatre ans était de 41,5 % en 2011, soit six points de moins que la moyenne européenne.

Les efforts du Gouvernement pour maintenir les seniors dans l’emploi avec la mise en place des contrats de génération se heurtent aux mesures d’âge comprises dans les plans de sauvegarde pour l’emploi qui autorisent un départ anticipé ou au dispositif de la rupture conventionnelle. Notre réflexion doit se poursuivre pour être plus efficients dans ce domaine.

La rénovation du dispositif de retraite progressive inscrite dans le projet de loi est en ce sens utile pour maintenir les seniors dans l’emploi quelques années de plus. D’autres mesures visant le même objectif sont prévues au bénéfice des salariés effectuant des travaux pénibles, comme la formation pour changer de métier. Elles doivent s’étendre plus largement au sein de l’entreprise.

Pour conclure, madame la ministre, ce projet de loi confirme le choix du Gouvernement pour notre système de retraites par répartition. Il comporte des avancées sociales, notamment en donnant de nouveaux droits aux salariés : pour les carrières heurtées et pour la pénibilité au travail. Son financement est aujourd’hui assuré.

Pour l’avenir, les politiques publiques menées par le Gouvernement doivent être capables d’infléchir la seule logique de l’allongement des annuités, nécessaire pour avoir une retraite à tôt plein. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce n’est pas une réforme des retraites, c’est une simple justification pour créer de nouvelles taxes afin de financer de nouvelles dépenses, au lieu de baisser les déficits des différents régimes.

Annoncée le 28 février 2013 à grands renforts médiatiques par la mise en place d’un énième « comité Théodule », nous nous attendions à ce que cette réforme des retraites soit plus ambitieuse et, surtout, plus juste.

La précédente réforme de 2010 prévoyait une clause de rendez-vous au premier semestre 2013. Vous n’avez donc rien inventé ! Vous ne faites finalement qu’appliquer la clause de revoyure prévue par cette réforme.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vrai !

M. Alain Chrétien. On est bien loin du régime universel par points, moins complexe, plus juste, moins coûteux que nous appelions de nos vœux.

Mme Elisabeth Pochon. Que ne l’avez-vous fait précédemment ?

M. Alain Chrétien. Vous nous proposez une réformette qui ne réglera rien. Il existe en France, mes chers collègues, quarante caisses de retraite distinctes, et une trentaine de régimes distincts.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Il y a trente-huit caisses ! Soyez précis !

M. Alain Chrétien. Cette multiplication des caisses engendre des frais de gestion inutiles, évalués à 2,5 milliards d’euros.

Les méthodes de calcul de la pension de retraite et d’âge de départ sont parmi les plus compliquées au monde. Nous avons un système avec trois paramètres : les deux âges légaux – l’âge d’ouverture des droits et l’âge d’annulation de la décote –, ainsi que la durée de cotisation.

À cette complexité, il faut ajouter un manque criant de convergence entre le régime public et le régime privé. Vous l’avez déjà entendu, mais vous l’entendrez encore ! Une convergence, dont je regrette que le Président de la République rejette le principe, alors que le mode de calcul pour la fonction publique se base sur les six derniers mois, tandis que celui des salariés du privé se base sur leurs vingt-cinq meilleures années. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Cette absence de convergence est accentuée par les régimes spéciaux, lesquels reçoivent 686 millions d’euros des autres régimes. Ces régimes spéciaux ouvrent droit à des conditions très avantageuses qui ne semblent plus justifiées. Des métiers autrefois très pénibles ne le sont plus. Pourtant, l’État dépense près de 9,7 milliards d’euros par an pour ces régimes spéciaux. La réforme de 2008 avait déjà partiellement fait converger ces régimes avec les règles applicables à la fonction publique. Vous avez tout abandonné.

Au sein même du régime général, nous avons un écart croissant entre les monopensionnés et les polypensionnés. Ces derniers sont perdants, puisque dans leur cas, le calcul des pensions se fait sur la base des vingt-cinq meilleures années dans chaque régime plutôt que sur les vingt-cinq meilleures années de l’ensemble de la carrière, comme c’est le cas pour les monopensionnés.

J’ai d’ailleurs déposé trois amendements pour corriger cette absence de convergence entre le régime public et le régime privé et pour prendre en compte l’écart entre polypensionnés et monopensionnés.

Nous avons donc un système coûteux et injuste, qui ne répond plus à la problématique démographique.

Le texte qui nous est présenté aujourd’hui ne répond à aucun de ces défis. Très attendues, les conclusions du rapport Moreau, présentées le 14 juin dernier, auguraient mal de la réforme qui s’engage. Je rappellerai juste que le besoin de financement est évalué à 20 milliards d’euros d’ici à 2020. Oubliant curieusement ces 20 milliards, ce projet de réforme ne cible son effort que sur les 7 milliards de déficit du régime général. Absolument rien n’est prévu pour résorber le déficit du régime des fonctionnaires qui, lui, s’élève à 8 milliards.

Cette réforme marque également un recul pour la convergence public-privé. Le rapport Moreau préconisait déjà de ne plus revaloriser les salaires anciens pris en compte pour le calcul des retraites. C’était déjà un mauvais signal. Vous allez plus loin dans l’iniquité en proposant que les hausses de cotisations des fonctionnaires ne se fassent pas au même rythme que celles des actifs. Ces mesures ont donc une conséquence directe : l’accroissement de l’écart public-privé.

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

M. Alain Chrétien. Sur le financement, vous prévoyez une simple augmentation des charges sociales et des impôts plutôt que des mesures d’économie visant à baisser les déficits des différents régimes. Les cotisations des actifs et des retraités vont augmenter, alors qu’elles ont déjà été augmentées pour financer le retour de la retraite à soixante ans et la contribution additionnelle de solidarité sur les pensions.

De même, vous avez le culot de voter 17 milliards d’impôts supplémentaires pour les entreprises en dix-huit mois et vous prévoyez de leur demander 2,2 milliards d’efforts supplémentaires au titre des cotisations, ainsi que 500 millions au titre de la pénibilité d’ici à 2020… Et, vous allez ensuite nous expliquer que vous luttez pour la compétitivité des entreprises !

Il y a vraiment un lien entre votre politique fiscale et votre politique sociale : ce lien, c’est la mauvaise direction que vous avez empruntée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Bachelay.

M. Guillaume Bachelay. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, chers collègues, le projet de loi qui nous réunit a pour but de consolider et de personnaliser notre système solidaire de retraites. C’est pourquoi cette réforme a été discutée – un an a séparé la feuille de route et la concertation – et c’est pourquoi elle est financée – les orientations fixées par le Gouvernement garantissent l’équilibre des régimes en 2020.

Mais nos débats ne portent pas seulement sur la méthode – même si la forme, c’est le fond qui remonte à la surface – ni sur les ressources – même si l’on avait cru comprendre que les décisions passées allaient, promis juré, financer durablement le système par répartition.

Monsieur Bertrand parlait tout à l’heure de « grande première ». Je me souviens qu’en 2010, pour ce qui est des retraites, lui et ses amis promettaient aux Français une « grande dernière ».

M. Arnaud Robinet. C’est faux !

M. Guillaume Bachelay. C’est une invitation à davantage d’humilité…

Notre sujet, c’est le pacte social et ce qui le fonde : solidarité entre les générations ou « sauve-qui-peut » pour chaque individu ? C’est pourquoi, avec la pérennité financière, la réforme des retraites de la gauche apporte plus de justice sociale. Et c’est pourquoi un enjeu met clairement à jour les clivages : celui de la pénibilité.

Le mois dernier, l’UMP a publié un document sur les retraites où il est écrit que « le dispositif pénibilité » du Gouvernement « trahit une vision dévalorisante du travail ». Au MEDEF, le 17 septembre, on déclarait que « la retraite n’a rien à voir avec la pénibilité ». Ainsi, la pénibilité serait hors sujet au travail et hors jeu à la retraite.

En 2003, faute d’être inscrit dans la loi, aucun système collectif pour en tenir compte ne fut concrétisé.

M. Arnaud Robinet. Et les carrières longues ?

M. Guillaume Bachelay. En 2010, l’âge légal de départ à la retraite fut repoussé à soixante-deux ans et le droit à une retraite dès soixante ans ne fut envisagé que pour les personnes dont l’incapacité était avérée dès cet âge. Comme si la pénibilité, pour vous, c’était l’invalidité…

Mme Marie-Christine Dalloz. Cela n’a rien à voir !

M. Guillaume Bachelay. En 2013, à droite, la pénibilité reste suspecte. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Toujours dans le récent texte de l’UMP que j’ai évoqué, je lis, à propos du progrès proposé par le Gouvernement, qu’il inciterait les salariés « à se maintenir dans des emplois jugés "pénibles" ». Le mot figure entre guillemets, ces pincettes sémantiques et prudhommesques, celles qu’ici même, les conservateurs utilisaient en 1891 lors de l’examen du projet de loi sur les caisses de retraites des ouvriers. Pourtant, chers collègues de l’opposition, la pénibilité, elle existe, et sans guillemets !

Elle existe dans les données chiffrées qui témoignent des réalités vécues. Dans la France de 2013, l’écart de vie entre un cadre et un ouvrier est aujourd’hui de plus de six ans, et il est de neuf ans pour l’espérance de vie en bonne santé. Cette injustice, nous la refusons, nous la dénonçons et nous la combattons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La pénibilité, elle existe aussi dans les territoires et dans bien des familles. Je suis l’élu d’une des circonscriptions les plus ouvrières de notre pays, dans l’une de ses régions les plus industrielles, la Haute-Normandie.

Depuis cinq ans, dans le cadre de l’Observatoire régional de la santé et avec le soutien logistique du CHU de Rouen, des médecins du travail ont mis en place le dispositif EVREST – Évolutions et relations en santé au travail – à partir des informations recueillies auprès d’un millier de salariés représentatifs.

Ils établissent, sur la base des « facteurs de risques professionnels » dont parlent à ce jour lois et décrets, que les salariés de l’industrie – ils représentent 20 % de l’emploi régional – et ceux du secteur de la construction – 7 % de l’emploi régional – sont les plus touchés, à la fois par les contraintes physiques – port de charges lourdes, exposition aux vibrations – et par l’environnement physique agressif – exposition à des agents chimiques dangereux, aux bruits, à des températures extrêmes.

Oui, les postures pénibles, ça existe ! Oui, l’exposition aux poussières et aux fumées, ça existe ! Oui, le travail de nuit, le travail répétitif, le travail en équipes successives et alternées, ça existe – dans des usines, sur des chantiers, mais aussi dans les métiers de la santé ou de l’action sociale.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Ils n’ont jamais vu d’usines…

M. Guillaume Bachelay. Mes chers collègues, cette réalité économique, cette réalité humaine ne doit pas seulement être connue : elle doit être reconnue.

C’est pourquoi je suis fier que le Gouvernement propose à la représentation nationale la création d’un compte personnel de prévention de la pénibilité. Il permettra de convertir les facteurs de pénibilité tels que les partenaires sociaux les ont définis en 2008, en trimestres de formation, en retraite anticipée ou en temps partiel. Il encouragera aussi les entreprises à repenser les modes d’organisation du travail.

La discussion parlementaire en précisera ou en complétera certaines modalités. Mais une chose est sûre : dans l’histoire de la République sociale, cette conquête fera date. Parce qu’elle donne toute leur place aux travailleurs et toute sa valeur au travail ! (« Bravo !» et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Madame la ministre, votre réforme est une occasion manquée et, après que beaucoup d’arguments ont été développés par mes collègues du groupe UMP, je veux simplement vous dire à nouveau qu’elle comporte au moins six erreurs graves.

Il s’agit d’abord une erreur de vision. Je pense à votre manière d’aborder cette réforme, d’envelopper dans la précipitation la discussion avec les partenaires sociaux et d’éviter à tout prix une discussion dans le corps social. C’est une occasion manquée de réfléchir à ce qu’est la retraite dans notre société, à la place des retraités et à l’articulation entre l’emploi et la retraite, sauf à revenir en arrière sur les conditions du cumul de l’emploi et de la retraite, par exemple. C’est un signal extrêmement négatif et, je le répète, une occasion manquée.

La deuxième erreur est une erreur sociale. Nous venons d’entendre parler de pénibilité. Nous avons, lors de précédentes réformes, introduit des dispositions sur l’incapacité. Nous avons mis en œuvre des dispositifs de reconnaissance des carrières longues.

M. Jean-Marc Germain. Ce n’est pas vrai !

M. Hervé Mariton. J’entendais ce matin Mme Touraine expliquer dans les médias que prendre en compte la pénibilité, c’est fondamentalement prendre en compte la différence d’espérance de vie. Viendrez-vous alors nous expliquer dans quelques mois, madame la ministre, que les femmes ont vocation à prendre leur retraite plus tard que les hommes ? Irez-vous au bout d’un tel raisonnement purement statistique ?

M. Arnaud Robinet. Eh oui !

M. Hervé Mariton. Vous hochez la tête, mais nous avons proposé, lors d’une réforme précédente, d’apprécier la situation individuelle des personnes, de façon responsable. Vous raisonnez sur la seule espérance de vie. Toutes les femmes en France qui sont aujourd’hui au travail peuvent dès lors nourrir quelque inquiétude sur leurs perspectives de retraite. Vous devriez en effet proposer, par souci de cohérence, que les femmes prennent leur retraite plus tard,. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Deguilhem. Ça n’a rien à voir !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Quelle mauvaise foi !

M. Jean-Marc Germain. C’est un argument bas de gamme !

M. Hervé Mariton. Vous commettez aussi une erreur de société. Certes, vous nous y avez habitués. Vous considérez en effet que la politique familiale doit être le curseur essentiel de toute mesure d’économie à prendre. Les dispositions proposées dans le projet de loi de finances sur la fiscalisation des droits familiaux, qui leur sont préjudiciables, ne sont qu’un signe supplémentaire des atteintes que le Gouvernement dont vous êtes membre entend porter à la politique familiale et à la famille en général.

La quatrième erreur est une erreur économique, d’autres l’ont dit. Elle réside dans le caractère extravagant des hypothèses économiques sur lesquelles vous fondez votre réforme, madame le ministre. Votre seule excuse consisterait à dire que d’autres ont commis avant vous une erreur de cette nature, avec moins d’ampleur et moins de cécité volontaire toutefois, mais s’exonérer de la responsabilité d’une erreur en invoquant celle des autres, fusse-t-elle bien réelle, n’est pas recevable.

M. Jean-Marc Germain. L’inventaire commence enfin !

M. Hervé Mariton. Il est ahurissant que vous n’établissiez pas votre réforme, aussi insignifiante soit-elle, sur des hypothèses économiques plus solides.

M. Jean-Marc Germain. Lesquelles ?

M. Hervé Mariton. La cinquième erreur, madame le ministre, est une erreur budgétaire, pratique fréquente du Gouvernement dont vous êtes membre. Quand vous êtes obligés de faire des économies, et vous l’êtes en effet compte tenu de l’état global des finances publiques et des finances sociales, vous ne résistez pas à un premier pas qui consiste à engager d’abord des dépenses nouvelles. C’est absolument irresponsable. Par choix et surtout parce que la pression extérieure de Bruxelles vous le commande, vous bâclez une réforme qui n’en est pas une et vous la rendez plus compliquée et plus inefficace encore en augmentant le niveau de la dépense par des initiatives mal calibrées et mal justifiées.

La sixième erreur, sans doute la plus grave, touche les jeunes. Votre réforme, qui ne règle rien, inquiète aujourd’hui les retraités, les salariés et aussi, comme les sondages récents l’ont démontré, les fonctionnaires et les bénéficiaires de régimes spéciaux, qui ne peuvent que s’inquiéter de l’absence de prise en compte de ce sujet particulier qui engage le respect des personnes.

M. Germinal Peiro. Rappelez-vous de votre réforme, monsieur Mariton !

M. Hervé Mariton. L’aveuglement dont vous faites preuve n’est pas la meilleure manière de répondre à la situation des personnes. Vous insultez les jeunes et commettez à leur égard une erreur majeure. Nous les écoutons dans les médias et discutons avec eux. Ils sont conscients que votre réforme ne règle rien pour eux et leur apporte surtout de l’inquiétude pour les années à venir.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Germinal Peiro. Qu’avez-vous fait pour eux ?

M. Hervé Mariton. C’est une responsabilité grave que vous prenez dans une réforme injuste, pénalisante et fragile, qui n’est pas à la hauteur de ce que la France et les Français exigent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Robinet. Bravo !

Mme Marie-Christine Dalloz. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mesdames les présidentes, mes chers collègues, mettre en place une réforme responsable garantissant l’avenir du système solidaire par répartition, mettre en place une réforme juste corrigeant les inégalités structurelles, avancer sur le chemin du progrès social en prenant en compte la pénibilité et en assurant aux femmes, aux jeunes et aux chômeurs une meilleure retraite, voilà des objectifs qui doivent recevoir un large assentiment dans cet hémicycle.

M. Hervé Mariton. Où avez-vous lu cela ?

M. Christian Paul. Avez-vous lu le texte, monsieur Mariton ?

M. Germinal Peiro. Je suis certain qu’il en sera de même au sujet des retraites agricoles que je souhaite évoquer devant vous.

M. Denis Jacquat. Très bien !

M. Germinal Peiro. Vous le savez, le montant des retraites versées aux agriculteurs non salariés est l’un des plus bas de tous les régimes sociaux et peut être comparé à celui versé aux petits artisans et aux petits commerçants. Les causes en sont connues : le refus de la profession des exploitants agricoles d’être alignée sur le régime des salariés lors de la création du régime général, une assurance vieillesse obligatoire plus tardive, des cotisations basées dans un premier temps sur un revenu cadastral souvent très faible, le manque de statut des conjoints et l’absence de cotisation vieillesse pour les aides familiaux. Ce sont autant de raisons pour lesquelles les retraités non-salariés agricoles ont été les victimes d’un système social totalement défaillant.

Dès le début des années 1990, grâce à la création de l’Association nationale des retraités agricoles de France, les revendications des vieux travailleurs de la terre ont pris corps. Ils n’ont jamais demandé l’aumône mais simplement la possibilité de vivre décemment. Une telle revendication ne concerne pas des grands propriétaires terriens mais des petits paysans qui vivaient de polyculture sur des exploitations familiales. Ce sont eux qui, après la Seconde guerre mondiale, ont fait passer l’agriculture française d’une agriculture autarcique à une agriculture de production. S’il faut signaler que c’est en 1994, sous le gouvernement Juppé, que les premières revalorisations ont été mises en place, il faut reconnaître que les mesures significatives ont été prises par le gouvernement de Lionel Jospin, qui avait mis en place un plan quinquennal de revalorisation et fait adopter en 2002 la loi que j’ai eu l’honneur de rapporter créant un régime complémentaire obligatoire en agriculture. Cette loi fut votée à l’unanimité à l’Assemblée Nationale et au Sénat, comme l’ont rappelé mes collègues Denis Jacquat et Christian Paul.

M. Arnaud Robinet. Et nous l’avons financée !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Vous n’avez rien fait ! Pas un centime, de sorte que nous sommes obligés d’y revenir dix ans plus tard !

M. Germinal Peiro. En dix ans de gouvernement de droite, nous n’avons jamais obtenu d’engagement pour la durée d’un mandat. La mensualisation et l’extension de la RCO n’ont pas apporté satisfaction en matière de revalorisation.

Le texte que vous nous présentez, madame la ministre, représentera une nouvelle avancée significative pour 800 000 retraités non-salariés agricoles. Le texte honore les engagements du Président de la République. François Hollande fut le seul candidat, lors de la dernière campagne présidentielle, à s’être engagé par écrit et pour la durée de son mandat à ce sujet.

M. Christian Paul. Ce fut annoncé dans la Nièvre !

M. Germinal Peiro. Il s’est engagé à étendre la retraite complémentaire obligatoire aux conjoints et aux aides familiaux en attribuant des points gratuits aux personnes qui sont actuellement retraitées, à supprimer la durée minimale d’activité pour bénéficier des majorations, à rattraper le seuil de 75 % du SMIC pour les chefs d’exploitation, à assurer la réversion de la retraite complémentaire obligatoire, à appliquer le principe des droits combinés aux retraités qui bénéficient de la retraite complémentaire obligatoire et à accorder le bénéfice de retraite proportionnelle aux périodes de longue maladie. Ces six engagements du Président de la République seront tenus, madame la ministre, à condition que le Parlement vote le projet de loi que vous nous présentez.

M. Yves Censi. En augmentant les cotisations de 75 % !

Mme Marie-Christine Dalloz. Des engagements de François Hollande tenus ? Nous ne vivons pas dans le même monde ! C’est sans doute la raison pour laquelle les agriculteurs lui font fête à chacune de leurs rencontres !

M. Germinal Peiro. Revaloriser les retraites de ceux qui sont actuellement retraités, tel est l’honneur de la gauche. Je pense ce soir aux vieux retraités du Périgord, de Bretagne, des Vosges, du Massif central et des Pyrénées.

M. Hervé Mariton. Et de la Drôme !

M. Germinal Peiro. Je pense à tous les vieux retraités agricoles de France qui n’ont qu’un espoir, c’est que la République leur rende justice. Ce sont des hommes et des femmes qui ont vécu petitement et qui touchent aujourd’hui des retraites beaucoup plus basses que la moyenne.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Germinal Peiro. Ils n’espèrent qu’une seule chose, c’est la justice sociale dans ce pays. Je suis heureux que ce soit un gouvernement de gauche qui la leur apporte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous n’êtes pas au rendez-vous en matière de justice sociale, ni fiscale d’ailleurs !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Les députés du groupe UMP n’applaudissent pas !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Guedj.

M. Jérôme Guedj. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, monter à cette tribune au moment où arrive sur l’établi parlementaire un texte relatif aux retraites est tout sauf un moment anodin pour un parlementaire socialiste.

Mme Marie-Christine Dalloz. Revoilà la boîte à outils !

M. Jérôme Guedj. C’est pourquoi je veux m’exprimer ici en pleine confiance mais aussi en toute clarté, sans rien taire de mes enthousiasmes ni de mes satisfactions mais sans rien taire non plus de mes convictions et de mes doutes. Je remercie mes collègues qui me permettent de le faire, à cet instant, à cette tribune.

Comme vous, madame la ministre, je salue la mémoire de Pierre Mauroy, dont la récente disparition a laissé un grand vide à gauche et dans le pays. Peu d’hommes ont marqué comme lui le pays de leur empreinte ces dernières décennies, peu d’hommes ont eu un tel rôle dans l’accomplissement du progrès social, peu d’hommes peuvent voir inscrit à leur crédit un tel bilan dans l’amélioration des conditions d’existence de nos concitoyens, comme le Président de la République l’a rappelé aux Invalides.

Mais ce soir c’est au Pierre Mauroy s’opposant à la loi Woerth que je rends hommage, en invoquant son discours de combat contre ce texte de régression, au cours d’une poignante intervention au Sénat rappelant, avec toute la pertinence et la force morale qui était les siennes, que « de toutes les revendications, qu’elles soient ouvrières ou non, celle-ci a été la plus importante. Elle l’est restée et le restera dans l’histoire sociale de la France ».

M. Hervé Mariton. Et votre intervention à vous ?

M. Yves Censi. C’est le retour au seuil de soixante ans !

M. Jérôme Guedj. Et l’ancien Premier ministre de rappeler ces ouvriers, usés par une vie de travail, demandant à leurs élus le droit de bénéficier d’une retraite digne et en bonne santé, le droit de ne pas mourir au travail, le droit à une vie après le travail, le droit de vivre et de vieillir dans la dignité qu’exige la condition d’homme et de citoyen !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est Germinal !

Mme Elisabeth Pochon. C’est indécent, chère collègue !

M. Jérôme Guedj. Ce progrès, nous l’avons fait advenir car la gauche au pouvoir a vocation à porter dans cette enceinte les revendications des salariés mobilisés pour leurs droits. Ce progrès, c’est celui qui nous a conduits à engager à travers les décennies le mouvement nécessaire de réduction du temps de travail : à l’échelle de la semaine par les quarante heures, puis les trente-neuf et les trente-cinq heures, à l’échelle de l’année par la création des congés payés, de deux semaines, puis trois, quatre et cinq semaines !

M. Arnaud Robinet. Cinquante ans et trente heures ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jérôme Guedj. Je vois que tous ces progrès sociaux continuent à vous poser problème, manifestement, chers collègues de l’opposition ! C’est aussi à l’échelle de la vie que nous sommes engagés dans le mouvement de réduction du temps de travail, en particulier par la retraite à soixante ans. La gauche n’est rien sans ces marqueurs fondamentaux qui placent son action dans la grande histoire de l’émancipation individuelle et collective. Chacune de ces avancées fut arrachée, fruit de la mobilisation des salariés et produit des alternances politiques. Et à chaque fois, comme ce soir, elles le furent sous les cris et les hurlements des conservateurs de tout poil, des professionnels de la réaction et de la mise à contribution première des salariés, ceux-là même qui à l’UMP proposent aujourd’hui sans vergogne de repousser l’âge légal de départ à la retraite à soixante-cinq et même soixante-sept ans ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. De telles insultes ne vous honorent pas !

M. Jérôme Guedj. Le projet de loi qui nous est proposé, j’en conviens sans aucune réserve, s’inscrit dans la grande histoire des progrès sociaux et comporte des avancées fortes. Le volet pénibilité est une mesure essentielle, personne ne le niera, et chacun ici devrait en être fier, car la souffrance au travail est une grande conquête. Elle n’est ni de gauche, ni de droite.

M. Arnaud Robinet. La souffrance au travail, une conquête ? Bravo !

M. Jérôme Guedj. La mise en place d’un compte pénibilité permet, à tout moment de sa carrière, en fonction des points acquis, de réduire son temps de travail. Ce progrès est majeur et il fait honneur à la gauche, n’en déplaise à la droite, tout comme les autres éléments conçus pour lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes et pour mieux tenir compte de la situation des jeunes et des stagiaires.

Oui, ce projet comporte des avancées. C’est pourquoi je veux dire, avec franchise et honnêteté, que nous ne devons pas y introduire des éléments qui en amoindriraient l’impact, qui en altéreraient la portée et la perception. Je pense, bien sûr, à l’ajustement financier reposant sur un allongement de la durée de cotisation, fût-ce à partir de 2020.

M. Hervé Mariton. Il faut bien payer !

M. Jérôme Guedj. Vous nous dites, madame la ministre, que lorsqu’on vit plus longtemps, il est normal de travailler plus longtemps. Pour ma part, je ne le crois pas.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Jérôme Guedj. J’aurais tellement préféré que nous tenions compte, le moment venu, de l’espérance de vie sans incapacité, du taux de chômage, de la situation économique et de la productivité ! Madame la ministre, mes chers collègues, je ne cherche pas à créer de fracture, mais simplement à être honnête avec moi-même, transparent avec mes convictions (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), loyal à notre histoire, fidèle aux convictions qui sont le patrimoine commun de la gauche. Ce que je dis à l’extérieur, au sein de mon parti, dans ma circonscription, dans le débat public, je veux pouvoir l’exprimer ici en toute confiance

Personnellement, je crois qu’il est aussi absurde pour la gauche d’allonger la durée de cotisation qu’il le serait pour la droite de proposer une loi sur les 32 heures.

M. Jean-Pierre Vigier. Ah !

M. Hervé Mariton. Cette comparaison a le mérite d’être claire !

M. Jérôme Guedj. Nous devons être loyaux envers notre histoire, car si nous voulons que la politique ait un avenir, que nos concitoyens reprennent confiance en nous, il nous faut aussi être fidèles au souvenir des revendications passées, au maintien des progrès promis. Nous ne devons pas céder à l’air du temps, aux Cassandre qui nous annoncent catastrophe sur catastrophe, mais maintenir le cap du progrès social en nous aidant des nombreux outils que contient ce texte. Rester fidèles aux valeurs que nous portons, c’est la meilleure manière de répondre aux cris d’alarme qui sont lancés par tous ceux qui ne se reconnaissent plus dans l’action publique, donc dans la République.

Notre système de retraite par répartition est celui qui permet de jouir d’un droit fondamental, cette part de droit au bonheur qui est au cœur de notre engagement, je veux parler du droit, après une vie de travail, de jouir en bonne santé d’une retraite digne. Notre système n’est pas en danger (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Hervé Mariton. Bien sûr que si !

M. Jérôme Guedj. …car la vitalité démographique de notre pays garantit l’équilibre de notre système à l’horizon 2035. Par ailleurs, dans un contexte où le taux de chômage est extrêmement élevé, nous devons porter une attention toute particulière à la situation des jeunes.

Cette loi, c’est l’occasion pour nous de réaffirmer ici, aux yeux de tous, que notre objectif est de réenchanter la vie des Français, de faire revivre le rêve français, si cher au Président de la République. Pour conclure, je rappellerai les propos tenus par Pierre Mauroy au Sénat, lors de la réforme des retraites de 2010. Évoquant la retraite à 60 ans, il disait : «Ce moment est inscrit dans la mémoire collective des Françaises et des Français. On écrit l’histoire non seulement avec l’avenir des propositions, mais aussi avec le passé des revendications, le vécu de l’ensemble de ces travailleurs. » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Alain Chrétien. On ne peut pas dire que les applaudissements soient nourris. Cela en dit long sur l’enthousiasme de vos collègues !

M. le président. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après les multiples promesses effectuées par François Hollande, qui ont entretenu un flou impressionnant durant toutes les années où vous êtes restés dans l’opposition depuis 2002, voilà le gouvernement socialiste au pied du mur. Il est vrai que vous ne vous êtes pas contentés de vous opposer aux réformes de 2003 et 2010 ; vous avez fait quelques propositions. En 2003, au congrès de Dijon, la motion de François Hollande promettait de conserver le départ à la retraite à 60 ans ; en 2010, ceux d’entre vous qui étaient déjà là défilaient à cette même tribune pour dire combien il était scandaleux de repousser l’âge légal de 60 ans à 62 ans – Jean-Marc Ayrault promettait même que vous reviendriez à la retraite à 60 ans. Enfin, en 2011, le projet présidentiel du parti socialiste était très clair – peut-être un peu plus que ne l’était son candidat – quand il affirmait : « Nous rétablirons l’âge légal de départ à 60 ans ».

Les Français ont beau chercher dans votre projet de réforme cette fameuse promesse, ils n’en trouvent plus aucune trace. À ce niveau, mes chers collègues, une telle promesse non tenue est un mensonge de campagne avéré, vous en conviendrez. En 2010, votre principal argument était de nous expliquer qu’il ne fallait pas passer à 62 ans, parce que ce n’était pas un engagement de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy. Si nous avons eu le courage de faire plus que ce que nous avions promis pour sauver notre système de retraite par répartition, vous êtes, pour votre part, en train de céder à la lâcheté des promesses de campagne inconsidérées, quitte à décrédibiliser, une fois de plus, la parole du Président de la République. Aujourd’hui, vous encourez deux accusations : celle de lâcheté, formulée sur la droite de l’hémicycle, et celle de trahison, du côté de nos collègues communistes – eux qui, à la différence de nous, vous ont cru et ont voté pour vous au second tour.

Je veux vous poser une question, madame la ministre : pouvez-vous dire ouvertement, devant les Français, ce qui vous a fait changer d’avis ? Avez-vous menti sciemment – ce que personne ne veut croire – ou avez-vous simplement évolué et découvert le monde réel après l’accession de François Hollande à la présidence de la République ? S’il est une certitude, c’est que la réforme des retraites de 2013 ne marquera pas l’histoire de la protection sociale en France. Votre ambition de refonder le système, énoncée à la légère durant la campagne présidentielle, semble être tombée aux oubliettes, voire sacrifiée sur l’autel des prochaines élections. Vous ne le savez que trop : il y aurait beaucoup de coups à prendre à mener une réforme des retraites à la hauteur de ses enjeux. À force de jouer sur des curseurs hors d’âge, vous faites le choix, une fois de plus, de faire supporter la charge par les générations futures, au lieu de traiter réellement le problème. Ainsi, vous ne faites aucun cas du fait que le Conseil d’orientation des retraites chiffre à 21 milliards d’euros les besoins de financement de l’ensemble des régimes d’ici à 2020, puisque vous ne vous préoccupez que de trouver 7,5 milliards d’euros.

Après les déclarations quelque peu candides de Germinal Peiro relatives aux retraites agricoles, je voudrais rétablir la vérité à ce sujet. Certes, votre texte traduit une partie des engagements de François Hollande lors de la campagne présidentielle pour faire progresser le niveau de pension des retraités agricoles – qui, je le rappelle, sont parmi les plus faibles. Cependant, madame la ministre, ces engagements sont-ils de nature à améliorer vraiment le quotidien des retraités agricoles ?

M. Germinal Peiro. Oui !

M. Yves Censi. Deuxièmement, le financement de ces mesures est-il à la hauteur de la dérive budgétaire que connaît le régime de retraite des exploitants agricoles, et est-il compatible avec la capacité contributive extrêmement réduite de ses actifs ?

M. Germinal Peiro. Oui !

M. Yves Censi. Vous dites oui, et nous saurons nous en souvenir. Alors que vous disposiez de marges de manœuvre financières, dégagées par la perspective de la baisse du nombre de retraités agricoles et la solidarité nationale, vous ne les avez pas utilisées. Vous avez fait le choix de financer ces mesures par des charges nouvelles pesant sur les exploitants agricoles et par la suppression ou la réduction de certains avantages dont bénéficiaient jusqu’à présent certains agriculteurs. Cette solution est évidemment inacceptable.

D’autres solutions existaient. Ainsi, les réserves des caisses de MSA auraient pu être intelligemment utilisées pour l’amélioration des plus faibles pensions, mais vous avez décidé de les affecter au budget de l’État – j’y reviendrai dans un instant et vous poserai une question à ce sujet, madame la ministre. Ces sommes ont pourtant été constituées sur la base des cotisations des agriculteurs et grâce à une bonne gestion des caisses de MSA. Dès lors, n’aurait-il pas été plus juste qu’elles soient utilisées pour réduire la charge pesant sur les actifs agricoles et ainsi faire participer le régime social agricole ? Ce n’est pas le choix que vous avez fait, préférant augmenter les prélèvements de deux points du revenu agricole sur les actifs, alors que la compétitivité des exploitations est plus que jamais menacée et alors que la capacité contributive des exploitants agricoles, avec un revenu moyen de l’ordre du SMIC, est extrêmement réduite.

Relisez le rapport de la Cour des comptes à ce sujet : « Le faible niveau de revenu des exploitants agricoles fait qu’ils constituent la catégorie socio-professionnelle avec le taux de pauvreté le plus élevé – plus de 25 % contre 12 % pour l’ensemble de la population ». La pension moyenne des exploitants agricoles – 900 euros environ – est très largement inférieure à la pension moyenne de l’ensemble des retraités, qui disposent de 1 500 euros environ. Et pour 10 % d’entre eux, qui ne bénéficient pas d’une carrière complète, la pension est inférieure à 600 euros mensuels.

Comment, dans ces conditions, pouvez-vous envisager d’augmenter encore la pression fiscale des exploitants ? Ce que l’on attend pour le régime agricole, c’est un financement pérenne, et non un financement par le déficit ou reposant sur une augmentation des charges pesant sur leurs seules familles. Je vous pose donc une seconde question, madame la ministre, une question très claire : en faisant ce que je considère comme des fausses avancées, des faux cadeaux, soit non financés, soit financés en pressurant encore les familles d’agriculteurs, et en transférant les réserves de la MSA à l’État, ne cherchez-vous pas en fait, à faire mourir le régime agricole ? J’attends vos réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, puisque je suis le dernier orateur inscrit dans la discussion générale, vous ne m’en voudrez pas de vous faire part de mon sentiment sur cette réforme des retraites, plutôt que de vous livrer un discours convenu.

Je veux commencer par dire une chose qui n’a sans doute pas été suffisamment dite, à savoir le fait que cette réforme est une réforme de gauche. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Parce que les cotisations augmentent ?

M. Christian Hutin. Pourquoi est-ce une réforme de gauche ? Parce que c’est une réforme réaliste et progressiste, mes chers collègues. Clemenceau disait qu’en période de crise, la seule politique possible, c’est le réalisme. Nous sommes en période de crise, et il y a du réalisme dans cette réforme, parce que notre régime de retraite est confronté à un risque majeur.

M. Yves Censi. On est loin de la campagne électorale !

M. Christian Hutin. Je ne fais pas campagne, monsieur Censi.

Pourquoi cette réforme est-elle progressiste ? Parce que, des quatre réformes des retraites de ce début de siècle, c’est la première à octroyer des droits nouveaux…

M. Alain Chrétien. Financés comment ?

M. Hervé Mariton. Par un chèque en bois !

M. Christian Hutin. …dont vont bénéficier les femmes, par la prise en compte de la maternité, les familles soignantes et aidantes…

M. Hervé Mariton. Et les familles nombreuses ?

M. Christian Hutin. …et les agriculteurs, dont Germinal Peiro a parlé tout à l’heure.

Mme Marie-Christine Dalloz. Enlever des droits, vous appelez ça des droits nouveaux ?

M. Christian Hutin. L’un de ces droits nouveaux est celui, essentiel, de la prise en compte de la pénibilité. Lors de la précédente législature, j’ai été membre d’une mission parlementaire sur les troubles psychosociaux, présidée par Mme Touraine, alors députée, et dont le rapporteur était Jean-Frédéric Poisson. Des conclusions de cette mission, adoptées à l’unanimité, il ressortait que les risques psychosociaux ne doivent pas être négligés. Le fait qu’ils soient pris en compte dans les décrets du Gouvernement constitue une grande avancée, quand on pense que, dans certains pays de l’OCDE, la notion de pénibilité est encore définie par rapport à un seuil de calories dépensées, comme on pouvait le faire au XIXe siècle, alors que de nos jours, la pénibilité ne se résume évidemment plus à sa dimension physique, mais intègre la souffrance psychique ressentie par les travailleurs – je pense notamment aux personnes faisant partie du personnel des plateformes téléphoniques, qui passent toute la journée à répondre à des appels de l’extérieur.

Par ailleurs, cette réforme est éminemment politique, parce qu’elle est critiquée par la gauche de la gauche,…

M. Arnaud Robinet. La gauche du PS !

M. Christian Hutin. …mais, pour prétendre à la béatification, ne faut-il pas des avocats du diable ? Je ne suis pas certain que l’intervention de Marc Dolez ait été destinée à œuvrer en faveur de la béatification de Marisol Touraine ou Catherine Lemorton (Sourires)

M. Christian Paul. Sainte Marisol, priez pour nous !

M. Christian Hutin. …mais il est permis de penser que cette réforme porte la marque d’un certain courage, car on ne peut donner ce que l’on n’a pas, et les efforts consentis à ce titre me paraissent tout à fait légitimes.

M. Hervé Mariton. Si vous le dites !

M. Christian Hutin. La réforme est également politique en ce qu’il existe une réforme alternative, celle que vous et vos collègues proposez, monsieur Mariton, consistant à porter l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans et la durée de cotisation à 44 ans – une réforme quelque peu brutale…

M. Hervé Mariton. Elle est nécessaire. C’est l’inaction qui est brutale !

M. Yves Censi. Vous, vous préférez mentir en période électorale !

M. Christian Hutin. …et qui ne serait pas forcément comprise par les Français.

Je terminerai en abordant la question des fonctionnaires, une catégorie de travailleurs si ce n’est stigmatisée, du moins souvent mise sur la sellette en commission. Sur ce point, je me souviens d’une histoire que m’avait racontée Albert Denvers, député de Dunkerque jusqu’en 1993, comme je le suis moi-même aujourd’hui, et auquel le nombre de mandats qu’il avait effectués depuis 1956 valait un grand respect dans cet hémicycle. Dans les années 1970 et 1980, alors que les EPCI venaient d’être créés, il était confronté à d’énormes difficultés pour trouver des fonctionnaires disposés à travailler au sein de ces structures. Quand il faisait le tour de ses connaissances dans le but de recruter des candidats potentiels, les jeunes auxquels il s’adressait, comme leurs parents, lui répondaient invariablement qu’ils préféraient travailler chez Usinor ou au port de Dunkerque. Dans ces années-là, devenir fonctionnaire ne faisait pas forcément rêver. Certes, les temps ont changé – « O tempora, o mores ! » –, mais ne perdons pas de vue que les fonctionnaires qui partent à la retraite aujourd’hui ne se sont pas engagés dans leur carrière en pensant en tirer un quelconque privilège. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous ne sommes pas convaincus par votre démonstration !

M. Hervé Mariton. Effectivement, vous n’avez pas convaincu grand-monde avec votre histoire !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je veux simplement dire quelques mots, monsieur le président. Vous avez, chers collègues de droite, un projet totalement différent du nôtre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Denis Jacquat. Heureusement !

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. Et je ne parle pas du projet de 2010, car si vous aviez été courageux en 2010, vous auriez fait à cette époque la réforme que vous nous annoncez aujourd’hui, consistant à porter l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans et la durée de cotisation à 44 annuités.

M. Philippe Vigier. Et vous, vous n’auriez rien fait !

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. Vous ne l’avez pas fait, ce qui explique que vous soyez aujourd’hui dans la surenchère. Cela me rassure de constater que, pour notre part, nous défendons un projet réaliste, équilibré et efficace.

M. Denis Jacquat. C’est ce qu’a dit Mme Fraysse tout à l’heure !

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. En vous livrant à une attaque en règle contre les fonctionnaires, qui a constitué le fil rouge de vos interventions, vous avez dévoilé ce que vous espériez secrètement.

Vous ressentez, peu ou prou, l’envie d’un autre système, fondé sur autre chose que la répartition (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : même si vous ne le dites pas comme cela et si vous vous en êtes défendus au départ avec beaucoup de conviction, j’insiste sur le fait que, quelles que soient vos dénégations, la capitalisation n’est pas très loin. (« Personne n’a dit cela ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Yves Censi. Vous caricaturez nos propos !

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. On l’entend, même si vous ne le dites pas très fort, et vous avez besoin de ce conflit de générations, vous avez besoin d’exciter la France au moment où elle est plutôt calme (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Chrétien. Vous trouvez que la France est calme ? Mais dans quelle France vivez-vous ?

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. La France est calme, elle a compris qu’il était nécessaire d’accomplir une réforme des retraites, et vous êtes en train de nous demander : qu’est-ce que cette réforme qui n’est pas violente ?

M. Alain Chrétien. Elle gronde, la France !

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. On vit dans une France qui a besoin d’apaisement, et l’on va lui proposer une réforme des retraites apaisée, qui sera efficace et gagnera en efficacité dans le temps.

M. Hervé Mariton. Dormez tranquilles !

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. Voilà ce que l’on attend, et il n’est nul besoin de s’exciter. Vous n’avez pas besoin de vous mettre dans cet état : nous ferons une réforme tranquille, sereine et paisible.

M. Yves Censi. Il n’est pas de problème que l’absence de solution ne saurait résoudre !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, j’ai entendu quelques réflexions quant à la forme. Je tiens à rappeler, en premier lieu, que vous avez disposé du texte en temps et en heure après son adoption en conseil des ministres et que vous aviez entre vos mains les principales données dès le 27 août à 19 heures, lorsque le Premier ministre a fait une déclaration sur cette réforme. Cette déclaration a d’ailleurs donné lieu à une intervention du président de l’UMP : comme M. Copé est un homme raisonnable, il ne se serait pas exprimé s’il n’y avait pas eu matière à cela. Vous disposiez donc, je le répète, des principales données.

Par ailleurs, vous faites preuve d’une certaine mauvaise foi, monsieur Robinet : votre discours est identique au contenu de la lettre de M. Christian Jacob du 24 septembre, qui avait dénoncé le fait que l’étude d’impact n’était pas complète. Cela a donné lieu à une réunion de la conférence des présidents lundi dernier, et j’ai répondu point par point à la lettre d’interpellation du président de votre groupe, qui, d’ailleurs, au vu des réponses apportées, n’a rien trouvé à redire lors de la conférence des présidents.

Néanmoins, certains orateurs de l’opposition, principalement de l’UMP, ont repris cette critique. Excusez-moi de devoir vous l’indiquer, mais l’étude d’impact détaille, de la page 25 à la page 29, l’impact financier global de la réforme, et le 5° du III présente une « trajectoire financière globale », qui dresse une projection jusqu’à 2020, 2030 et 2040.

Mme Marie-Christine Dalloz. Si la méthode s’apparente à celle de la loi de programmation des finances publiques, il y a de quoi être inquiet !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je répète ce que j’ai dit à cette tribune : loin d’adopter le ton péremptoire qui vous caractérisait en 2010, nous mettons en place un comité de suivi – on ne saurait en effet s’en remettre aux projections – et nous agirons en fonction de l’évolution économique, de la reprise, du taux de croissance et du retour éventuel du plein-emploi. Il me semble donc que cette réforme va dans le bon sens et que toutes vos remarques s’apparentent à une litanie, à l’instar de ce que nous avons connu en commission. Ce sera ainsi jusqu’à jeudi ou vendredi, mais sachez que nous maintiendrons nos positions, tout en souhaitant entendre d’autres arguments que ceux qui ont été exprimés jusqu’à présent.

M. Yves Censi. Votre intervention n’est pas très argumentée !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Mais si : lisez les pages 24 à 29 de l’étude d’impact, à moins que ce ne soit un effort trop important pour vous.

M. Yves Censi. On l’a lue et relue.

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre. Mesdames, messieurs les députés, je veux tout d’abord vous remercier pour la qualité et la force du débat que nous venons d’avoir : cela montre que la réforme que je vous présente, qui suscite une opposition très nette entre la majorité et la droite, constitue une avancée considérable. Mes remerciements vont tout d’abord au rapporteur, qui a brillamment montré comment l’ensemble des éléments présentés forme un équilibre, tant sur le plan du financement que de la justice, et en quoi cela permet de préserver notre système de répartition, auquel nous sommes très attachés. Je veux également saluer les propos de la présidente Catherine Lemorton, qui a insisté avec beaucoup de force sur l’ensemble des avancées sociales que comprend ce texte, en particulier en direction des jeunes. Elle a également appelé à ce que des avancées supplémentaires puissent être réalisées au cours de la discussion : j’aurai l’occasion d’y revenir, puisque le Gouvernement donnera un avis favorable à des amendements d’origine parlementaire.

Pascal Terrasse, au nom de la commission des finances, tout en mettant l’accent sur le caractère équilibré du financement de cette réforme, a aussi insisté, je veux le souligner, sur l’absence de brutalité qui a présidé à l’élaboration de ce texte, ce qui rompt avec une tradition bien établie par la majorité précédente. Permettez-moi également de saluer la présidente Catherine Coutelle, qui a souligné des avancées en faveur des femmes auxquelles je suis d’évidence particulièrement sensible – même si les autres ne m’indiffèrent naturellement pas – car, trop longtemps, les femmes ont été les laissées-pour-compte des réformes des retraites : leur situation particulière est aujourd’hui pleinement prise en considération.

Je veux vous dire, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, que vous n’êtes pas à une contradiction près. Nous reviendrons précisément sur vos arguments dans le cadre du débat mais, à vous entendre, on a le sentiment que vous n’avez qu’une obsession : celle de l’âge légal. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Censi. Cette obsession était la vôtre !

Mme Marisol Touraine, ministre. En dehors de ce critère, rien ne trouve grâce à vos yeux. L’âge légal, pour vous, c’était la seule voie à emprunter, puisque votre horizon est désormais 65 ans. Je veux dire à ceux qui étaient absents lors des premiers débats et qui se sont interrogés sur les engagements que nous avions pris quant à un retour à l’âge légal à 60 ans : cet engagement a été tenu. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vigier. Ah bon ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Dès juillet 2012, en effet, nous avons pris un décret permettant à celles et ceux qui ont commencé à travailler jeune de pouvoir partir en retraite à 60 ans, et tel était notre engagement.

Mme Marie-Christine Dalloz. La prise en compte des carrières longues existait déjà !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous y tenions et nous l’avons concrétisé. Mais je veux dire par ailleurs que certains propos sont à ce point inconsidérés et inconséquents que l’on ne sait quel crédit leur prêter.

Monsieur Mariton, vous nous expliquez que nous devrions retarder l’âge de départ en retraite des femmes au prétexte qu’elles ont une espérance de vie plus longue.

M. Hervé Mariton. C’est votre logique, madame !

Mme Marisol Touraine, ministre. Non, monsieur le député, ce n’est pas notre logique puisque nous prenons en compte l’espérance de vie liée aux conditions de travail.

M. Hervé Mariton. Allez au bout de votre logique !

Mme Marisol Touraine, ministre. Mettre cela sur la table de cette façon est faire preuve de mépris, au mieux, à l’endroit de l’ensemble des femmes de ce pays, au pire, et plus probablement, à l’égard de la prise en compte des conditions de travail.

En effet, à écouter l’ensemble de vos interventions depuis le début de ce débat, l’on voit que tout ce qui a trait aux conditions de travail et à la pénibilité vous indiffère totalement. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. C’est faux !

Mme Marisol Touraine, ministre. S’il y a bien quelque chose que je retiens de nos débats, c’est que la majorité s’est, de manière forte et unanime – et je l’en remercie – félicitée et réjouie des avancées que comporte ce projet de loi en ce qui concerne la prise en compte des conditions de travail pénibles auxquelles sont confrontés un grand nombre de nos concitoyens.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous avons été les premiers à le faire !

Mme Marisol Touraine, ministre. Mais, à droite, je n’ai rien entendu de tel parce qu’en vérité les conditions de travail ne vous importent guère (Mêmes mouvements) ; tout ce qui vous préoccupe, c’est d’instituer des règles couperet qui s’appliquent de la même manière à l’ensemble de nos concitoyens.

M. Philippe Vigier. C’est lamentable !

M. Yves Censi. C’est de la provocation !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je veux remercier Jérôme Guedj d’avoir évoqué le fait que cette réforme s’inscrivait, par nombre de ses mesures, dans la grande histoire du progrès social que porte la gauche. Je veux également saluer les propos de Guillaume Bachelay, qui a indiqué que la création de ce compte pénibilité ferait date dans notre histoire sociale. En effet, la droite, jusqu’à présent, non seulement refusait de prendre en compte la pénibilité, mais la traitait par le mépris en faisant semblant de considérer qu’elle était synonyme d’invalidité.

M. Denis Jacquat. On est gentils, on est calmes, et l’on se fait gourmander !

Mme Marisol Touraine, ministre. À la suite des discussions que nous avons eues en commission, des progrès ont été apportés à ce compte pénibilité, qui ont été rappelés, en particulier, par Gérard Sebaoun, et je veux dire clairement que cette amélioration du compte pénibilité, telle qu’elle est prévue à l’article 6 et telle qu’elle ressort des propositions du groupe SRC est très positive. Il me paraît important de permettre que le temps partiel soit pris par les salariés tout au long de leur carrière professionnelle, et pas seulement à son terme : cette volonté des députés reçoit un avis très favorable du Gouvernement, et je veux le dire très solennellement, pour que les amendements puissent être discutés (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guillaume Bachelay. Très bien !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Voilà une avancée !

Mme Marisol Touraine, ministre. De la même manière, je redis, comme je l’ai fait tout à l’heure à la tribune, que je suis favorable au fait d’avancer à 52 ans l’âge à partir duquel les salariés exposés à des facteurs de pénibilité, sans être contraints de transformer les points acquis en actions de formation, pourront les transformer en temps partiel ou en retraite anticipée. Là encore, j’émettrai un avis favorable sur les amendements allant en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)



Nous sommes animés par une volonté de justice, comme l’a rappelé Denys Robiliard. Elle constitue le fil conducteur du texte que nous vous présentons.

Je veux dire à Jeanine Dubié que je partage avec elle le sentiment que les dispositifs transitoires doivent pouvoir être améliorés : c’est ce que j’indiquais il y a un instant.

Une autre des grandes avancées de ce texte concerne les femmes, comme cela a été souligné, en particulier par Joëlle Huillier, et je veux remercier Arnaud Richard qui, depuis les bancs de l’opposition, a pris acte et salué ces avancées en faveur des femmes : c’est suffisamment rare pour être relevé.

M. Philippe Vigier. Il n’est pas le seul !

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Vigier, si vous souhaitez que je vous associe à ces remerciements, je le ferai, mais il me semble qu’un peu moins de colère ne vous nuirait pas, car vous en faites votre fonds de commerce alors que ce rôle ne vous convient pas.

M. Jean-Marc Germain. Jaloux !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je veux également insister sur les mesures en faveur des jeunes : Dominique Orliac y est longuement revenue et nous aurons l’occasion d’avancer dans cette voie. Linda Gourjade a aussi souhaité que nous puissions prendre en considération les périodes de stage, et pas seulement le temps des études ; c’est une demande très largement partagée, qui a été portée par les députés de la majorité. Comme j’ai eu l’occasion de le dire, nous aurons la possibilité de donner satisfaction, dans des limites précises, à certains amendements que vous allez présenter en ce sens.

Je terminerai par la question du financement, en essayant de rassurer Véronique Massonneau et en lui disant que les entreprises vont bel et bien contribuer au financement de l’avenir de nos régimes de retraite car, comme l’a fort à propos souligné Christian Paul, il nous faut distinguer le financement de notre système de retraites de la mise en place de la réforme du financement de la protection sociale : ce sont deux démarches qui s’engagent parallèlement sans être identiques. Jean-Marc Germain a également rappelé la brutalité et l’insincérité du financement prévu par les réformes des précédents gouvernements, et je crois que nous n’avons pas, comme il l’a indiqué avec force, de leçons à recevoir de la part de ceux qui nous ont légué un système de retraite criblé d’injustices…

M. Bernard Roman. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et incapable d’assurer son financement (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)



Enfin, nous aurons l’occasion – car c’est un sujet qui préoccupe l’ensemble des parlementaires – de revenir dans le détail sur les avancées de ce texte dans le domaine des retraites agricoles : Germinal Peiro l’a dit avec force, et je veux saluer son engagement constant sur cette question. Il a rappelé que ce projet de loi, après dix années de jachère, reprenait le chemin de l’amélioration des retraites des exploitants agricoles et de leurs conjoints.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Rien n’a été fait pendant dix ans !

Mme Marisol Touraine, ministre. Avec ce texte, nous nous inscrivons dans le sillage des engagements pris par le candidat François Hollande – auxquels, monsieur Peiro, vous aviez largement contribué – dans le cadre de la campagne présidentielle.

M. Yves Censi. Et le hold-up sur les réserves ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Comment mieux conclure ce débat qu’en reprenant la formule de Christian Hutin : c’est une grande et belle réforme de gauche, parce qu’elle comporte des avancées sociales,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Parce qu’elle comporte des impôts !

Mme Marisol Touraine, ministre. …parce qu’elle s’inscrit dans l’avenir, parce qu’elle ne nie pas les réalités et parce qu’elle porte un regard lucide sur les limites malheureuses des réformes passées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Censi. Merci de répondre aux parlementaires de l’opposition ! Cela valait le coup d’attendre la fin !

M. le président. La discussion générale est close.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour un rappel au règlement.

M. Arnaud Robinet. Ce rappel se fonde sur l’article 58 du règlement. Nous ne pouvons laisser Mme la ministre tenir de tels propos envers l’opposition. Pour une ministre qui se dit sereine, quelle agressivité !

M. Bernard Roman. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Arnaud Robinet. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’observer cette prétendue sérénité lors des débats en commission, au cours desquels la ministre a été présente pour surveiller son troupeau, pour veiller à ce que ses troupes ne dévient pas de la pensée unique. Nous ne pouvons pas laisser dire que l’opposition méprise les conditions de travail et nie la pénibilité.

M. Bernard Roman. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Arnaud Robinet. Concernant la situation des femmes, notre collègue Hervé Mariton a simplement joué sur l’absurdité des arguments qui ont été avancés.

M. le président. Merci, mon cher collègue.

M. Arnaud Robinet. Permettez-moi de revenir sur nos conditions de travail, monsieur le président, car c’est l’objet de mon rappel au règlement. Juste avant la reprise des débats, nous avons été convoqués en commission en application de l’article 91, réunion au cours de laquelle nous avons découvert, non sans surprise, un certain nombre d’amendements du Gouvernement. Or nous n’avons pas pu disposer du temps nécessaire pour les étudier.

M. Denis Jacquat. Il a raison !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cela n’a rien à voir avec le règlement !

M. Bernard Roman. On a toute la nuit !

M. Arnaud Robinet. Au demeurant, il n’y a pour ainsi dire pas eu de débats en commission : la ministre était présente pour surveiller ses troupes ou son troupeau, comme on l’a dit tout à l’heure. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jérôme Guedj. C’est insultant !

M. Arnaud Robinet. Dans ces conditions, nous demandons une suspension de séance pour réunir notre groupe afin d’étudier les amendements de fond qui ont été déposés par le Gouvernement.

M. le président. Il y sera fait droit, mon cher collègue. Nous allons d’abord écouter le rappel au règlement de M. Marc Dolez. Vous avez la parole, cher collègue.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, ce rappel se fonde sur l’article 58, alinéa 1er relatif aux conditions de nos débats. Pour notre part, nous pensons qu’il serait plus raisonnable de ne pas commencer la discussion des articles ce soir et de la reporter à demain, et ce pour deux raisons.

Premièrement, notre groupe n’a pas pu prendre réellement connaissance d’un certain nombre d’amendements qui ont été déposés ce soir au titre de l’article 91 du règlement.

M. Alain Chrétien. Ah !

M. Marc Dolez. Deuxièmement, et cette raison revêt peut-être encore plus d’importance à nos yeux, c’est pourquoi je vous demande d’en tenir compte, nous ne pouvons commencer la discussion des articles et des amendements sans entendre le président de la commission des finances.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Je le représente !

Mme Marie-Christine Dalloz. Cela m’étonnerait !

M. Marc Dolez. En effet, nous ne comprenons pas pourquoi un certain nombre de nos amendements, et non des moindres, ont été jugés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. Par conséquent, nous souhaiterions disposer de toutes les explications nécessaires avant que le débat ne s’engage vraiment. Il serait donc beaucoup plus raisonnable pour la qualité et la sérénité de nos débats – il est maintenant vingt-trois heures cinquante – de reporter le début de la discussion des articles à demain.

M. le président. Comme vous le savez, mon cher collègue, sur l’article 40 de la Constitution, la décision du président de la commission est souveraine. Celui-ci pourra parfaitement s’expliquer s’il le souhaite.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. Pour faire droit à la demande de M. Robinet, la séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-huit, est reprise à vingt-trois heures cinquante-huit.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, inscrite sur l’article.

Mme Isabelle Le Callennec. Avec cet article 1er, nous entrons dans le vif du sujet. Que dit-il ? Permettez-moi de vous le lire : « La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. » Jusqu’ici, tout va bien. Je poursuis : « Les assurés bénéficient d’un traitement équitable […], quels que soient […] leur parcours professionnel, leur espérance de vie, les régimes dont ils relèvent […]. » C’est déjà sur ce point que le bât blesse, car dans ce texte ne figurent pas une ligne sur la convergence attendue entre les salariés du secteur privé et ceux du secteur public, pas une allusion aux régimes spéciaux. Où est l’équité ?

Continuons : « La Nation assigne également au système de retraite par répartition un objectif […] de garantie d’un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités […]. » C’est exactement l’inverse que vous entreprenez en rehaussant les cotisations qui pèsent sur les retraités et en reportant la revalorisation annuelle de six mois, du 1er avril au 1er octobre, à partir de 2014.

Ceci fait suite à l’augmentation de la taxe de 0,3 % prélevée depuis le 1er avril sur les retraités imposables, à la désindexation partielle des retraites complémentaires et à la fiscalisation de la majoration de 10 % pour les parents de trois enfants et plus.

C’est une baisse de pouvoir d’achat manifeste pour les retraités qui, quand ils le peuvent, sont les premiers à aider leurs enfants et leurs petits-enfants. Voulez-vous mettre fin aux solidarités familiales ? Que vous ont fait les familles pour que vous vous acharniez de la sorte sur elles ?

L’article continue ainsi : « Le financement du régime de retraite par répartition est assuré par des contributions réparties équitablement […] » Là encore, c’est faux. Elles pèseront surtout sur les jeunes, sur les salariés et sur la classe moyenne, déjà accablée par le matraquage fiscal auquel se livre votre gouvernement.

Enfin, il est écrit que le financement du régime de retraite « suppose de rechercher le plein-emploi à tous les âges de la vie. » Avec, hélas ! plus de 3 millions de chômeurs et un taux de chômage de près de 11 %, et de 25 % chez les jeunes, le pire serait à craindre.

Madame la ministre, cet article 1er et de nombreux autres à venir laissent à penser que le Gouvernement passe totalement à côté des enjeux et tourne le dos à l’efficacité et la justice sociale, contrairement à ce que vous allez tenter de nous faire croire durant les débats. Heureusement, les Français ne sont pas dupes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 1er entend réaffirmer les principes de notre système de retraites, mais ces principes sont contredits par les articles qui suivent, qui s’avèrent extrêmement flous ou bien franchement contraires aux principes énoncés.

Ainsi est affirmé le principe, auquel nous sommes très attachés, de la retraite par répartition, fondement de la solidarité entre les générations. Mais la solidarité entre les générations implique également le principe des prestations définies, qui permet d’assurer au salarié et futur retraité un niveau de pension garanti par rapport à son salaire. C’est la base même de l’assurance-vieillesse. Or l’article 3 de ce même projet de loi instaure un comité chargé notamment de maintenir les cotisations en deçà d’un certain plafond, avec le risque que le montant des pensions ne serve de variable d’ajustement pour éviter d’augmenter le montant des cotisations. Par cette mesure, le Gouvernement fait donc clairement le choix de rassurer les employeurs qui gagneront sur les cotisations sociales qu’ils versent une visibilité que perdra le salarié quant au montant de sa future pension.

De même, cet article indique que les retraités devront se voir garantir un niveau de pension satisfaisant, l’article 3 prévoyant quant à lui que ce niveau satisfaisant ne devra pas entraîner une augmentation trop importante des cotisations sociales. Vous avez ainsi refusé, en commission, de définir plus précisément ce niveau comme étant au moins celui du SMIC. J’en déduis qu’il sera inférieur.

Enfin, ce même article évoque une répartition équitable entre les revenus du travail et ceux du capital. Mais comme je l’ai montré dans mon intervention en discussion générale, depuis trente ans, cette répartition est de moins en moins équitable. Surtout, vous ne prenez aucune mesure pour commencer à rendre cette répartition plus juste.

Si l’on tient à affirmer des principes à l’article 1er, il ne faut pas s’en contenter et mettre ses actes en conformité avec les principes énoncés. Sur ce point, vous semblez éprouver quelques difficultés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Nous voterons naturellement l’article 1er, car il nous semble très important de réaffirmer des principes. Ce qui a tant manqué ces dernières années, c’est de disposer de principes directeurs pour les réformes.

Notre système d’assurance-retraite à la française, c’est d’abord un système d’assurance, et c’est ce que rappelle le premier alinéa. Or, un système d’assurance verse des pensions en rapport avec les revenus d’activité, mais prend aussi en compte les périodes de privation involontaire d’emploi – nous avons déposé un amendement va dans ce sens.

Nous avons également voulu réaffirmer dans cet article que le système français apportait de la solidarité, les pensions permettant aussi de corriger certaines inégalités nées des parcours professionnels, qu’il s’agisse des femmes, des jeunes ou des ouvriers qui subissent une plus grande pénibilité et dont l’espérance de vie en bonne santé est donc plus courte. Cela semble essentiel, comme il est essentiel de rappeler que toutes les réformes et tous les financements doivent respecter le principe d’équité, entre les entreprises et les actifs, entre les actifs et les retraités, et entre le public et le privé. C’est ce que rappelle cet article (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et c’est la raison pour laquelle nous l’approuvons.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Personne ne nie qu’il faille trouver les financements nécessaires au maintien et au développement du système par répartition, qui est au cœur de notre pacte républicain en liant les générations entre elles. Ceci étant, vouloir faire travailler les salariés plus longtemps, que ce soit en reportant l’âge légal de départ à la retraite ou en augmentant, comme c’est ici proposé, la durée de cotisation, est doublement hypocrite.

Tout d’abord, vu l’état du marché du travail, il sera de plus en plus difficile de réunir les annuités requises pour bénéficier d’une pension à taux plein. Le COR lui-même indique que l’âge moyen de cessation d’activité est à peine supérieur à 59 ans, et une majorité de salariés sont hors emploi – chômage, invalidité, inactivité, dispense de recherche d’emploi – au moment de partir à la retraite. L’augmentation de la durée de cotisation aura donc d’abord et avant tout pour conséquence, au moment de la liquidation de la retraite, de réduire la pension pour le plus grand nombre. Nous devrions, à cet article 1er, réaffirmer notre attachement à la retraite à prestations définies, héritée du système mis en place en 1946.

La seconde raison pour laquelle nous sommes très critiques vis-à-vis de cette proposition est que faire travailler plus longtemps les salariés revient à rompre le contrat entre générations, car la solidarité intergénérationnelle a deux volets : si les actifs paient les pensions des retraités, en contrepartie, les salariés âgés laissent leur place sur le marché du travail aux jeunes générations. Cette exigence est d’autant plus importante que le chômage de masse perdure.

Décaler l’âge effectif de départ à la retraite, qui sera la conséquence de l’augmentation de la durée de cotisation, revient à préférer entretenir le chômage des jeunes plutôt que de payer les retraites.

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Cet article, placé en tête du projet de loi, relève de la provocation ou de l’hypocrisie. « La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations », peut-on y lire. En 2010 aussi, le Gouvernement jurait la main sur le cœur qu’il tenait à la retraite par répartition comme à la prunelle de ses yeux. Mais quelle est la réalité ? À mesure que l’on allonge la durée de cotisation et qu’en conséquence on retarde l’accès à une retraite à taux plein on enfonce un coin dans le système existant. Des assurances privées sont toutes portes ouvertes, prêtes à proposer des retraites par capitalisation et se substituer peu à peu au régime général qui, au fil des réformes, faillit à sa mission et pousse les salariés à aller voir ailleurs.

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux.

M. Gaby Charroux. La lecture de cet article révèle trois aveux : tout d’abord, l’insuffisante ambition politique et sociale de ce projet de loi, même si la commission a contribué à affermir les timides principes initiaux ; ensuite, la continuité du contenu de cette réforme, qui s’inscrit dans la logique des réformes précédentes et de la loi de 2010 que nous avions pourtant combattues ensemble ; enfin, l’adhésion, une nouvelle fois, au dogme du « Vivre plus, travailler plus », dont chacun commence d’ailleurs à réaliser qu’il s’agit d’un raisonnement spécieux.

En effet, les principes posés ne se fondent que sur des minima qui sont en phase avec le titre très défensif de ce projet de loi, qui vise à « garantir l’avenir et la justice du système de retraites ». Il n’est pas question de développer le système ou de renverser les logiques, mais de garantir : serait-ce la seule ambition majeure de la gauche ? Cela ressemble fortement à un aveu d’impuissance.

S’il faut se féliciter de l’affirmation du principe du régime de retraite par répartition, nous savons que, réforme après réforme, il est mis à mal et fragilisé. Cet article ne pose pas le principe d’un revenu minimal décent, c’est-à-dire supérieur au seuil de pauvreté, alors que nous savons que des centaines de milliers de retraités sont pauvres. Il pose encore comme principe « un niveau satisfaisant de revenus ». Satisfaisant pour qui ? Pour la nation, comme le prévoit la rédaction de l’article ? Mais alors que tout concourt à l’économie, à la baisse du pouvoir d’achat, à la réduction de la dépense publique, donc sociale, comment détermine-t-on un niveau « satisfaisant » ?

Dans son alinéa 6, cet article affirme le principe d’égalité entre les hommes et les femmes. Comment ne pas s’en féliciter ? Mais la question qui se pose aussitôt est celle de savoir où sont les effets concrets de cette volonté. L’égalité salariale rapporterait jusqu’à cinq milliards d’euros de cotisations, alors agissons pour y parvenir !

La suite de la lecture de ce projet de loi démontre, et nous allons y être confrontés durant tout le débat, que les mesures proposées vont souvent à l’encontre des principes minimums édictés.

Il faut, selon nous, affirmer que l’ensemble des revenus doivent concourir au développement de notre système de retraite par répartition – je pense notamment aux revenus financiers – et contribuer à l’exercice de ce droit fondamental qu’est le départ à la retraite à 60 ans à taux plein.

Ce faisant, nous affirmerions de véritables principes de gauche, cette gauche qui a su, en 1981 comme en 1997, utiliser la voie du progrès social et de l’humain ouverte par Ambroise Croizat en 1945.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. L’article 1er, qui reformule les objectifs du système de retraite, illustre l’absence de réforme systémique et le recours à la seule modification des paramètres, qui font de ce texte une non-réforme.

Le Gouvernement se concentre sur les 7 milliards d’euros de déficit du régime général et laisse de côté les régimes complémentaires, le régime des fonctionnaires de l’État et les régimes spéciaux. Le maintien des grands avantages de la fonction publique et des affiliés aux régimes spéciaux sonne comme un signal majeur de renoncement à réformer en profondeur notre système de retraites.

Pourtant, des voix s’élèvent depuis des années pour réclamer un changement de système. Dans de nombreux pays, comme la Suède et l’Allemagne, les réformes se sont fondées sur un principe d’équité clair pour tous : à contribution égale, cotisation égale. Un système de compte retraite à points présente l’avantage de permettre le passage à un système unifié. Il résoudrait en outre les problèmes d’équité intercatégorielle, notamment au regard des régimes spéciaux et des disparités entre public et privé.

Tandis que la France fait, une fois encore, le choix de contraindre les affiliés pour qu’ils s’adaptent au système, d’autres pays ont fait un choix inverse, celui d’adapter le système, grâce à une réforme structurelle ou systémique, aux choix et nécessités des affiliés. L’assuré est alors placé au cœur de la réforme, et dispose in fine de plus de liberté et de responsabilité : choix de la durée de sa carrière, de l’âge légal de la retraite, absence de décote punitive, droits calculés en fonction des contributions versées.

Il est étonnant que l’idée d’un travail de convergence ne soit pas envisagée. La parcellisation des trente-cinq régimes de retraite conduit à un manque de lisibilité, et probablement à un surcoût de gestion. Comment se fait-il que l’on ne se donne pas au moins, en ce domaine, un programme de travail à moyen terme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Je me pose deux grandes séries de questions sur cet article 1er.

Tout d’abord, pourquoi le mot « réforme » ne figure-t-il pas dans l’intitulé de ce projet de loi ?

Mme Véronique Louwagie. Parce que ce n’est pas une réforme !

M. Denis Jacquat. Deuxièmement, les débats en commission ont été étonnants, et parfois surréalistes. Dans le texte que l’on nous a donné à étudier en commission, il était fait état des « objectifs d’équité ».

Après l’adoption d’un amendement socialiste sous-amendé, on parle désormais de « traitement équitable » de tous les assurés. J’aimerais donc connaître les différences entre ces différentes expressions, d’autant que notre excellent collègue Jean-Marc Germain vient de décliner les différentes définitions de l’équité. J’avoue avoir du mal à m’y retrouver.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cela va aller, vous verrez !

M. Denis Jacquat. Je souhaite poser une dernière question, à la suite de notre ami Gilles Lurton : pourquoi la convergence n’a-t-elle pas été inscrite dans les grands principes du système de retraites ?

M. Gérald Darmanin. C’est vrai : pourquoi ?

Mme Isabelle Le Callennec. Cela manque !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. La question posée par les alinéas 5 et 7 de l’article 1er a été très bien exposée tout à l’heure. Le projet de loi dispose que « les assurés bénéficient d’un traitement équitable au regard de la durée de la retraite comme du montant de leur pension ». Or l’expression « traitement équitable » signifie que l’on ne distingue pas les salariés du privé d’un côté et les salariés du public de l’autre. Il n’est pas inutile de rappeler que 76 % du financement des retraites des fonctionnaires sont assurés par l’État, lequel, faut-il le rappeler, est endetté à hauteur de 91,7 % de son produit intérieur brut.

En outre, nous ne nous focalisons pas sur les régimes spéciaux. Je le dis très sereinement à Jean-Marc Germain : quand on sait qu’il manque 7 milliards d’euros sur les régimes spéciaux, faut-il les sanctuariser ? S’agit-il d’un traitement identique des uns et des autres ?

Madame la ministre, vous avez affirmé tout à l’heure que cette réforme était financée. Vous savez très bien qu’elle ne l’est pas ! Vous savez très bien que 20 milliards d’euros sont nécessaires – ce n’est pas nous qui le disons, les différents rapports l’ont prouvé. Or l’effort que vous demandez représente un peu plus de 7 milliards d’euros : il manque donc 14 milliards ! Cette réforme n’est pas financée : non seulement vous léguez aux nouvelles générations un déficit de 14 milliards d’euros – quel signal formidable vous leur envoyez ! –, mais cela signifie surtout, mes chers collègues, qu’une nouvelle réforme va venir !

M. Denis Jacquat. Après les élections !

M. Philippe Vigier. Comment voulez-vous créer un pacte de confiance ? Comment voulez-vous que nos concitoyens considèrent que nous prenons des bonnes décisions pour eux ? Vous savez tous que le compte n’y est pas : qui peut démontrer le contraire ici ? Le compte n’y est pas : malheureusement, il manque plusieurs milliards.

M. Jean-Marc Germain. La ministre va vous réexpliquer tout cela !

M. Philippe Vigier. C’est la raison pour laquelle nous avons souligné la nécessité d’un pacte de confiance qui permette aux Français de connaître la rémunération minimale qu’ils percevront à la retraite, avec quel montant de cotisations, et sans pénaliser le pouvoir d’achat des salariés comme vous êtes en train de le faire.

Vous ne pouvez pas nier que, depuis votre arrivée au Gouvernement, la retraite a diminué.

M. Gérald Darmanin. Eh oui !

M. Philippe Vigier. Après 0,3 % en janvier, une hausse de cotisation de 0,15 point est annoncée. À cela s’ajoute la baisse des retraites complémentaires AGIRC-ARRCO, puisqu’elles n’ont pas été réévaluées au niveau de l’inflation. Vous le savez très bien !

M. Denys Robiliard. Ce n’est pas nous qui l’avons décidé !

M. Gérald Darmanin. C’est ça, le changement !

M. Philippe Vigier. Nous ne voulons pas que cela continue ainsi. Si ce projet de loi comporte des avancées – je l’ai dit tout à l’heure, madame la ministre –, il n’en est rien à nos yeux s’agissant des retraites minimales, qui méritent franchement d’être réévaluées.

Ce n’est pas un problème de réforme de gauche ou de droite. Comme toutes vos réformes, cette « non-réforme » n’est pas financée.

M. Alain Chrétien. C’est le changement !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je souhaite rappeler à certains collègues de la majorité que, si le groupe UMP a effectivement élaboré un contre-projet et travaillé sur un autre projet de réforme,…

M. Jean-Marc Germain. Vous parlez du travail de M. Mariton ?

Mme Marie-Christine Dalloz. …c’est bien le projet du Gouvernement et de la majorité que nous examinons ce soir.

Comme Denis Jacquat l’a fait remarquer, il est étonnant que vous n’assumiez pas le terme « réforme ». Vous parlez de « garantir l’avenir et la justice du système de retraites ». Il y a un maître-mot qu’il faut employer toutes les deux phrases : c’est le terme de « justice ».

Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est bien d’en parler, c’est mieux de l’incarner.

M. Jean-Marc Germain. Cela s’appelle le socialisme !

Mme Marie-Christine Dalloz. Mme la ministre a affirmé tout à l’heure que cette réforme était une réforme de gauche. Je vous propose donc d’examiner en quatre points en quoi il s’agit d’une réforme de gauche.

Ce n’est pas une réforme de structure – elle n’a rien de structurel. Elle ne garantit pas une convergence entre le privé et le public.

M. Denys Robiliard. Elle existe déjà !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas faire offense aux fonctionnaires que de dire qu’il y a aujourd’hui une distorsion entre les régimes de retraite du public et du privé.

M. Pouria Amirshahi. C’est une obsession ! Vous vous acharnez contre les fonctionnaires !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous ne remettez pas en cause les régimes spéciaux – cela aurait demandé du courage. Il ne s’agit donc pas d’une réforme structurelle : c’est une réforme de gauche.

C’est aussi une réforme de gauche parce qu’elle manque de courage. À mon sens, remettre en cause différents aspects du système de retraites aurait été beaucoup plus logique. Cette réforme est également sous-calibrée en termes de financement. Comme cela a déjà été dit, votre réforme apporte 7 milliards d’euros alors qu’il en aurait fallu 20 milliards pour combler le déficit de l’ensemble des régimes. Ainsi, cette réforme est sous-calibrée et elle manque de courage : il s’agit donc d’une réforme de gauche.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. Vous admettez quand même qu’il s’agit d’une réforme, contrairement à ce qu’a dit l’un de vos collègues !

Mme Marie-Christine Dalloz. En outre, elle attaque directement la compétitivité de nos entreprises : c’est encore une réforme de gauche ! Vous parlez beaucoup de compétitivité – vous mettez en place des dispositifs très compliqués comme le crédit d’impôt compétitivité emploi – et de justice mais, en réalité, cette réforme contient une vision de la pénibilité qui constitue encore un nouveau recul pour la compétitivité des entreprises françaises. Je vous le dis aujourd’hui et je vous le répéterai autant que de besoin : vous allez mettre à mal de nombreux secteurs et pans d’activité de notre pays en les stigmatisant comme métiers pénibles. Vous ne trouverez plus d’employés dans ces secteurs.

C’est encore une réforme de gauche parce qu’elle crée de nouvelles taxes.

M. Gérald Darmanin. C’est vrai !

Mme Marie-Christine Dalloz. Après le matraquage fiscal que vous avez imposé aux Français qui ne s’en relèvent pas, vous entreprenez aujourd’hui un matraquage social. C’est cela, la conception de la justice de la gauche en France !

M. Gérald Darmanin. Bravo !

Mme Marie-Christine Dalloz. Pour toutes ces raisons, cette réforme marque un nouveau du pouvoir d’achat. Je vous le confirme : il s’agit bien d’une réforme de gauche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Christian Paul. Pas plus de deux minutes !

M. Arnaud Robinet. Je souhaite relire l’article 1er de ce projet de loi, qui reformule soi-disant les objectifs du système de retraites. Il réaffirme le choix de la retraite par répartition, les objectifs d’équité, de solidarité entre les générations, de réduction des écarts de pensions entre les femmes et les hommes,…

M. Pouria Amirshahi. Tout ce dont vous ne voulez pas !

M. Arnaud Robinet. …de maintien du niveau de vie des retraités et de pérennité financière. Or on le voit bien : toutes les mesures proposées dans ce projet de loi sont en totale contradiction avec ce qui est inscrit dans l’article 1er.

M. Jean-Marc Germain. Au contraire : c’est la renaissance de l’État providence !

M. Arnaud Robinet. Cela a été rappelé par mes collègues : le système de retraites par répartition est mis à mal et sa « pérennité », entre guillemets, pose un certain nombre de problèmes. Pourquoi ?

Premièrement, ce projet de loi n’est pas financé. Nous savons que 20 milliards d’euros sont nécessaires mais seuls 7 milliards sont inscrits dans la partie financement de ce texte. Ce manque de financement met à mal le système de retraites par répartition dans les années à venir.

Deuxièmement, l’article 1er parle de maintien du niveau de vie des retraités. Ceux-ci seront heureux d’entendre que l’objectif de ce texte est de maintenir leur niveau de vie ! Ils ont été ponctionnés et taxés dans le PLFSS 2013,…

M. Gérald Darmanin. Spoliés !

M. Arnaud Robinet. …ils seront taxés – et encore une fois spoliés, comme le dit notre collègue – avec les mesures annoncées.

Quant à l’équité, où est-elle ? Vous refusez la convergence entre les différents régimes sauf, bien sûr, pour le régime des libéraux que vous voulez étatiser.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous tournez en boucle !

M. Arnaud Robinet. Il n’y a pas de convergence ! Vous refusez la convergence entre le public, le privé et les régimes spéciaux.

Enfin, l’article 1er réaffirme le choix de la retraite par répartition, mais il y a une chose que l’on ne comprend pas très bien. La principale mesure de votre projet de loi consiste à augmenter le nombre d’annuités, en le portant progressivement à quarante-trois, sans reculer l’âge de départ à la retraite : cela aboutira bien sûr à une diminution des pensions, ce qui incitera notamment les générations futures à se tourner vers des produits de retraite par capitalisation…

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est un paradoxe !

M. Arnaud Robinet. …pour compléter les diminutions de pensions et les décotes qui résulteront de la seule augmentation de la durée de cotisation. Deux mois après l’annonce par le Gouvernement du passage progressif à quarante-trois annuités pour bénéficier d’une retraite à taux plein, le message a été reçu cinq sur cinq par la jeunesse : un sondage récent montre en effet que 57 % des Français ne font plus confiance au système de retraites par répartition et qu’une majorité des jeunes de 18 à 34 ans préfèrent la capitalisation à la répartition.

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. On leur souhaite bien du courage !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Ce projet de loi est une réforme juste et responsable,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Et de gauche !

M. Pierre-Alain Muet. …qui traduit parfaitement les objectifs affirmés dans l’article 1er.

Mme Isabelle Le Callennec. Il ne suffit pas de le répéter pour que cela devienne une réalité !

M. Hervé Mariton. C’est une antiphrase !

M. Pierre-Alain Muet. Elle est juste, car la seule mesure d’âge qui est juste touche la durée de cotisation.

M. Gérald Darmanin. Les députés communistes qui vous écoutent sont effondrés !

M. Pierre-Alain Muet. Ce n’est pas ce que vous avez fait lors de votre précédente réforme, chers collègues de l’opposition. Vous avez alors augmenté l’âge auquel un cotisant a la possibilité de faire valoir ses droits à la retraite : c’était en fait un impôt supplémentaire qui consistait à faire cotiser des salariés qui avaient toutes leurs annuités des années de plus pour rien.

Cette réforme est juste et pertinente,…

M. Denis Jacquat. Mme Fraysse déprime quand elle entend cela !

M. Pierre-Alain Muet. …parce qu’elle consiste à prendre jusqu’en 2020 les seules mesures possibles dès lors que l’évolution démographique est prise en compte. Les mesures pertinentes consistent effectivement à augmenter progressivement les cotisations.

Enfin, ce projet de loi corrige des injustices – ce que vous n’avez jamais fait dans les réformes précédentes –…

M. Philippe Vigier. Allez-vous revenir en arrière ?

M. Pierre-Alain Muet. …en matière de pénibilité, de prise en compte des années d’apprentissage, de carrières incomplètes. Il corrige surtout les injustices entre les hommes et les femmes en matière de retraite, qui sont encore plus fortes qu’en matière de salaire, en prenant mieux en compte les congés maternité.

Il s’agit d’une réforme de gauche, madame Dalloz, dont nous serons fiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Vigier. M. Muet a changé d’avis en deux ans !

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 1er.

Nous commençons par une série d’amendements identiques, sur lesquels je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n1150.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 1er énonce un certain nombre de principes : nous proposons d’inscrire dès la première phrase celui selon lequel notre système de retraites est solidaire. Cette précision nous paraît indispensable dans un contexte où les réformes se succèdent et conduisent de plus en plus de salariés à douter du système solidaire par répartition.

En effet, à force de repousser l’âge de départ à la retraite et d’augmenter le temps de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein dont l’indexation est d’ailleurs régulièrement remise en cause, il est inévitable que certaines personnes se tournent vers les produits d’épargne retraite. Mais il est de notre devoir d’alerter l’opinion sur les risques d’une telle option. D’abord, seuls ceux dont les revenus le permettent pourront épargner pour leur retraite, ce qui constitue une discrimination puisque les autres n’auront pas cette possibilité – je rappelle en effet que le salaire médian en France est inférieur à 1 600 euros, ce qui ne permet évidemment pas d’épargner. Ensuite, nul ne peut prédire ce que vaudra l’argent placé durant vingt, trentea fortiori quarante-cinq ans dans un fonds de pension privé – aux États-Unis, les salariés retraités en ont fait plusieurs fois la douloureuse expérience.

Pour toutes ces raisons, nous sommes attachés au système de retraites solidaire par répartition et souhaitons inscrire ce principe dès le début de l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1152, qui est identique.

M. Marc Dolez. En effet, monsieur le président, c’est le même amendement, mais il y a beaucoup d’explications à donner !

M. Gérald Darmanin. C’est vrai !

M. Marc Dolez. Il est très important de réaffirmer dès le début du texte que notre système de retraites est solidaire. En effet, réitérer cette affirmation implique évidemment un effort proportionné de la part de toutes les parties à la solidarité nationale : les actifs, les retraités et les employeurs. Or, à la lecture du projet de loi – nous aurons l’occasion de le démontrer tout au long de nos débats –, nous constatons qu’il n’en est rien : ce sont surtout les actifs et les retraités qui sont mis à contribution,…

Mme Isabelle Le Callennec. Exactement !

M. Gérald Darmanin. Très juste !

M. Marc Dolez. …et non les employeurs, puisque le Gouvernement a annoncé qu’il engageait une réforme « pour que le financement de la protection sociale et de la branche famille en particulier pèse moins sur le coût du travail […]. Cette évolution sera engagée dès 2014, de sorte qu’il n’y ait pas de hausse du coût du travail l’année prochaine ».

Par conséquent, l’effort sera inégalement réparti. S’il est vrai que la hausse des cotisations salariales ne sera peut-être que de quelques euros, elle aura pour les plus bas salaires un impact non négligeable qui s’ajoutera à d’autres augmentations – je pense en particulier à la hausse de TVA prévue pour le 1er janvier.

Lorsque l’on parle de solidarité, nous posons la question essentielle et primordiale de la répartition des richesses. C’est ce point que nous reprendrons dans la suite du débat, à travers un certain nombre d’amendements, afin qu’une autre répartition des richesses permette d’assurer le financement d’un système de retraites réellement solidaire.

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement n1159, qui est identique.

M. Gérald Darmanin. C’est le même, mais il s’agit d’un sujet intéressant !

M. Patrice Carvalho. Ici, monsieur le président, il faut souvent se répéter pour être compris ! Malheureusement… (Sourires.)

M. Arnaud Robinet. Eh oui ! Nous sommes d’accord avec vous !

M. Patrice Carvalho. Nous proposons d’inscrire très clairement dans l’article 1er le principe selon lequel notre système de retraites est solidaire. Cette précision est d’autant plus indispensable dans un contexte où les réformes qui se succèdent ont pour but principal de pousser les gens vers les produits d’épargne retraite.

En effet, à force de repousser l’âge de la retraite et d’augmenter le temps de cotisations pour obtenir une retraite à temps plein, dont l’indexation est régulièrement remise en cause, il est inévitable que de plus en plus de personnes soient sensibles au fait de cotiser à un plan de capitalisation individuelle permettant de partir plus tôt, et dans de meilleures conditions.

Mais il est de notre devoir d’alerter nos concitoyens sur les risques d’une telle option. Certes, pour ceux qui ont une bonne situation et de bons revenus, le choix peut être judicieux. En revanche, pour les autres, c’est-à-dire la très grande majorité dont le salaire se situe entre 1 200 et 1 700 euros, le montant de l’épargne qu’ils pourront affecter à leur retraire privée sera faible. Et si l’on ajoute à cela les périodes où ils ne pourront rien épargner pour cause de difficultés familiales ou de chômage sur une longue période, le résultat risque d’être très peu significatif.

Du reste, nul n’est capable de prédire ce que vaudra l’argent placé durant vingt, trente et a fortiori quarante-cinq ans dans un fonds de retraite privé. Les salariés retraités américains ruinés plus d’une fois ont en fait les frais. Voulons-nous la même chose dans notre pays ? Non, c’est pourquoi nous vous proposons d’inscrire comme principe intangible la « solidarité » de notre système de retraites.

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux, pour soutenir l’amendement n1160.

M. Gaby Charroux. L’amendement n1160 vise à préciser la nature de notre système de retraites, un système solidaire. La précision est importante à l’heure où notre pacte social français fait l’objet d’attaques récurrentes de la part du patronat et des libéraux, qui voient dans notre système de protection sociale un manque à gagner pour le capital. D’ailleurs, le MEDEF juge cette réforme un peu trop timorée, même si elle va dans le sens de ses intérêts. Il la fustige, car il estime qu’elle ne résout aucun problème structurel. Et pour cause ! Pour le MEDEF, il faudrait aller encore plus loin. Son antienne du besoin de capitalisation pour stabiliser et pérenniser le système de retraites par répartition est désormais connue : c’est tout le contraire d’une retraite solidaire. Rappelons qu’en plus d’être très inégalitaire, puisque seuls les salariés les plus riches peuvent se l’offrir, les retraites par capitalisation ne fonctionnent pas puisqu’elles supposent de pouvoir transférer de l’argent dans le temps. De fait, elles créent de grosses structures financières, les fameux fonds de pension, qui déstabilisent totalement les marchés financiers. Pour empêcher une telle dérive qui serait catastrophique, nous demandons que le mot « solidaire » soit très clairement inscrit dans l’article 1er.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Michel Issindou, rapporteur. C’est un pléonasme que de parler de retraite solidaire par répartition. La retraite par répartition est, par définition, solidaire.

M. Marc Dolez. Et alors ?

M. Michel Issindou, rapporteur. L’alinéa 4 de l’article 1er a pour objet de d’affirmer le choix de la retraite par répartition par opposition à la retraite par capitalisation. Le caractère solidaire de notre système est défini à l’alinéa 6, qui détaille les objectifs de solidarité. Les amendements présentés n’améliorent pas la rédaction de l’article 1er. Au contraire, ils l’alourdissent. Chacun sait que la solidarité est le fondement même de la retraite par répartition.

M. Gérald Darmanin. Rien n’est clair !

M. Michel Issindou, rapporteur. Inutile, donc, de rajouter le mot « solidaire », car cela serait redondant.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis que la commission. L’objectif est évidemment partagé par le Gouvernement, mais le système de retraite par répartition est solidaire par principe. Et le principe de solidarité est réaffirmé à l’alinéa 6. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1150, 1152, 1159 et 1160.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants53
Nombre de suffrages exprimés51
Majorité absolue26
Pour l’adoption7
contre44

(Les amendements identiques nos 1150, 1152, 1159 et 1160 ne sont pas adoptés.)

M. Gérald Darmanin. Les socialistes ont voté contre la solidarité !

M. Philippe Vigier. C’est un vote interne !

Plusieurs députés UMP. La fracture à gauche est consommée !

M. Arnaud Robinet. La situation est comique !

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques, sur lesquels je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Dolez. Cela ne fait que commencer !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n1225.

Mme Jacqueline Fraysse. Le présent amendement tend à préciser, parmi les principes de notre système de retraites, que celui-ci est à « prestations définies ». En effet, dans un tel système, le salarié, retraité en puissance, cotise dans la certitude que sa future pension représentera un certain pourcentage de ses derniers salaires, soit, en France, à peu près 75 % en intégrant la retraite complémentaire – ce taux est du reste appliqué dans le privé comme dans le public, ce qui devrait rassurer ou faire taire ceux qui évoquent les prétendus privilèges des fonctionnaires. Pour équilibrer le système, on peut, dès lors, soit augmenter le montant des cotisations, soit allonger la durée de cotisation. Le contraire d’un système à prestations définies est un système à cotisations définies : le pourcentage des cotisations est fixé et le système s’équilibre par le montant des pensions, qui servent de variable d’ajustement.

Ce système est préconisé par le MEDEF (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) …

M. Arnaud Robinet. Vade retro Satana !

Mme Jacqueline Fraysse. …qui voit là un moyen de se mettre à l’abri de toute augmentation des cotisations patronales. Or, à l’article 3 du projet de loi, il est prévu la création d’une commission chargée de contenir le niveau des cotisations en deçà d’un certain plafond. Ce système est mis en œuvre en Suède depuis une dizaine d’années. Il a plongé les salariés suédois en fin de carrière dans le doute quant au montant de leurs futures pensions. Il faut rappeler qu’avec la crise financière, celles-ci ont connu une chute brutale. La presse suédoise s’est ainsi fait l’écho de cette ancienne aide-soignante, mère de trois enfants, devenue assistante maternelle, puis travailleuse sociale. Ayant commencé à travailler à quatorze ans, elle a cotisé plus de cinquante ans. Alors que le salaire moyen s’élève en Suède à 1 690 euros, elle aura droit à une retraite royale de 1 100 euros après cinquante ans de carrière !

M. Gérald Darmanin. C’est un pays socialiste !

Mme Jacqueline Fraysse. C’est pour éviter ce genre de mésaventure et cette marque de mépris à l’égard des travailleurs que nous proposons de préciser que notre système de retraite est à « prestations définies ».

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1227.

M. Marc Dolez. L’amendement n1227 vise également à préciser que le choix par la nation de la retraite par répartition doit se faire à « prestations définies », c’est essentiel. Si le projet de loi devait être adopté en l’état, le système de retraite serait de facto amené à fonctionner à cotisations définies. Autrement dit, on ajustera en permanence le montant des pensions versées ou en cours de constitution au montant des ressources perçues ou projetées compte tenu du plafonnement des cotisations.

Dans un contexte d’accroissement du nombre de retraités et de leur espérance de vie, il s’ensuivra inéluctablement un décrochage continu et majeur du taux de remplacement du salaire par la pension de retraite, sauf à prétendre maintenir les actifs dans l’emploi à un âge absolument irréaliste. Lorsque le système a été mis en place en 1946 – je souhaite le rappeler compte tenu de la force du propos –, le ministre Ambroise Croizat déclara : « Il faut en finir avec la souffrance, l’indignité et l’exclusion. Désormais, nous mettrons l’homme à l’abri du besoin. Nous ferons de la retraite non plus une antichambre de la mort, mais une nouvelle étape de la vie. »

Au-delà ce cet enjeu de société qui est absolument essentiel, maintenir les salariés dans l’emploi le plus tard possible – et c’est à cela que revient l’augmentation de durée de cotisation – suppose que l’on ne partage plus le temps de travail entre les générations. C’est pour cela que, dans l’article 1er, nous souhaitons réaffirmer notre attachement à un système à prestations définies.

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement n1234.

M. Patrice Carvalho. Il est indispensable de préciser, à cette étape, l’attachement de notre nation au choix de la retraite par répartition à prestations définies. Faute de quoi, comme l’ont déjà dit mes collègues, nous assisterons à un décrochage continu et majeur du taux de remplacement des salaires par les pensions de retraite. Sauf, bien sûr, si les actifs sont maintenus dans l’emploi à un âge avancé.

La retraite à quatre-vingts ans n’est pas une simple fiction, mais une anticipation si nous continuons sur le chemin emprunté aujourd’hui. D’ailleurs, certains n’hésitent pas à le clamer haut et fort. C’est le cas notamment du président de l’American International Group – AIG – comme solution à la crise.

Robert Benmosche est clair et net : « L’âge de la retraite devra être augmenté à soixante-dix, quatre-vingts ans. Cela rendrait les retraites et les services de santé moins coûteux. Cela ferait travailler les gens plus longtemps et enlèverait un fardeau des épaules de la jeunesse ».

Si cette déclaration n’était pas si inepte et cynique, elle prêterait à sourire. En effet, AIG est l’une des compagnies d’assurances sauvées par le gouvernement américain lors de la crise des subprimes en 2008 

M. Benmosche prospère donc grâce à l’argent public après avoir plongé l’économie mondiale dans la crise, dont nous payons encore aujourd’hui les pots cassés, et il nous assène des leçons de bonne gestion. Bonne gestion qui ne peut se faire, bien évidemment, que sur le dos des pauvres travailleurs !

Nous ne pouvons décemment nous inscrire dans cette logique et demandons donc l’adoption de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux, pour soutenir l’amendement n1235.

M. Gaby Charroux. Par cet amendement, nous souhaitons inscrire dans le projet de loi l’attachement de la nation à un système à prestations définies. À défaut, cela signifie que notre système sera amené à fonctionner à cotisations définies. En d’autres termes, avec l’accroissement du nombre de retraités et de leur espérance de vie, nous assisterons à un décrochage continu et majeur du taux de remplacement du salaire par les pensions de retraite, sauf si les actifs sont maintenus dans l’emploi à un âge canonique. Cette hypothèse nous conduit à faire un petit tour dans le futur. Pierre Lévy nous y invite dans son ouvrage L’insurrection, roman d’anticipation qui nous plonge au cœur d’une Europe néolibérale en 2022, où une position harmonisée a fixé à soixante-dix-sept ans la cessation d’activité et même à soixante-dix-neuf ans pour les fonctionnaires qui, chacun en convient, effectuent des tâches reposantes. Est-ce ce futur qui est souhaité ? Pour nous, la réponse est évidemment non. Nous vous invitons donc à adopter nos amendements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Je confirme l’avis défavorable de la commission. Les paramètres de calcul de la retraite que sont aujourd’hui les prestations définies ou les cotisations définies ne sont pas des objectifs d’un système de retraites, mais des moyens au service de ces objectifs. Et ils ne doivent pas figurer dans l’article 1er.

En l’occurrence, notre système est déjà un système à prestations définies et le présent projet de loi ne change rien sur ce point. L’article 3 pose un principe de tunnel, qui ne fait pas de notre système un système à cotisations définies, puisque les recommandations du comité de suivi ne s’imposent pas au Gouvernement ni au Parlement. S’il y a un taux de cotisations plafond, il y a aussi un taux de remplacement plancher, donc une prestation définie. Rien n’empêche un régime à prestations définies, par exemple un régime à points, de comporter des éléments de solidarité. Rien n’oblige un système par points à réduire le taux de remplacement. Vos suggestions ne sont donc pas utiles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1225, 1227,1234 et 1235.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants55
Nombre de suffrages exprimés53
Majorité absolue27
Pour l’adoption7
contre46

(Les amendements identiques nos 1225, 1227,1234 et 1235 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement n2877.

M. Jean-Pierre Vigier. Le présent amendement vise à inclure la convergence entre les régimes dans les principes fondateurs du système de retraite. Il y a un point que je n’arrive pas à comprendre et auquel vous n’avez toujours pas répondu, madame la ministre. Pourquoi la réforme de 2010, que vous trouviez injuste, est-elle aujourd’hui devenue juste ? Je rappelle en effet que vous ne la supprimez pas.

Et puisque Pierre-Alain Muet est là, je me ferai un plaisir de le citer : « L’injustice, disait-il, c’est tout d’abord le report de l’âge légal de la retraite à 62 ans, en réalité un impôt sur les salariés les plus modestes qui pourraient prétendre prendre leur retraite et qui vont cotiser pour rien. »

Mais alors pourquoi ne pas revenir sur cette réforme de 2010 ? Vous n’avez pas répondu, madame la ministre, mais il faut nous le dire. Cette réforme – désolé d’insister sur ce point – était indispensable. Les artisans et les commerçants partent à la retraite en moyenne à 62,2 ans et les professions libérales à un peu plus de 63,7 ans ; les salariés de la RATP partent, eux, à 54,4 ans en moyenne seulement. C’est ça la justice de gauche ? Non, pour nous, c’est de l’injustice et c’est la raison pour laquelle nous voulons rapprocher public et privé et mettre en extinction les régimes spéciaux.

Vous parlez de pénibilité. Fort bien. Mais un artisan-couvreur, un artisan-charpentier n’est-il pas victime lui aussi de problèmes de santé liés à la pénibilité ? Pourtant, il part à la retraite plus tard qu’un salarié de la RATP. Pourquoi sanctuariser des injustices chroniques ?

Au-delà du fait que tout cela coûte 7 milliards au budget général – et vous le savez bien, monsieur Muet, vous qui êtes attentif au déficit structurel –, cela aboutit à une sanctuarisation. C’est la raison pour laquelle nous ne voulons plus que ces retraites soient financées à partir du budget général. Il ne s’agit pas de procéder de manière brutale mais de manière étalée dans le temps.

Reste qu’il faut donner un signal très fort : nos concitoyens, qu’ils travaillent dans le secteur public ou dans le secteur privé, doivent être traités de la même façon. Le seul moyen d’y parvenir, c’est d’établir un système universel par points. Cela n’implique pas qu’il faille tout lisser et modeler sur une même forme : ce système n’empêchera pas de traiter le problème des carrières heurtées ou celui de la pénibilité et de prendre en compte les difficultés que peut rencontrer chaque salarié tout au long de son parcours. La vraie justice, c’est le traitement identique des uns et des autres.

De grâce, cessons de sanctuariser l’injustice !

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Alain Chrétien. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Monsieur Vigier, nous n’allons pas reprendre ce débat. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Arnaud Robinet. On est là pour ça : nous sommes dans l’hémicycle !

M. Denis Jacquat. Souvenez-vous : en commission, vous nous disiez que l’on pourrait s’étendre sur telle ou telle question en séance publique !

M. Michel Issindou, rapporteur. Oui, nous n’allons pas le reprendre maintenant car nous aurons de multiples occasions de le développer par la suite.

L’article 1er fixe des grands principes du système des retraites. La convergence n’est pas un objectif. Cela n’aurait aucun sens de lui donner ce statut. Elle constitue à la limite un moyen au service de la lisibilité.

M. Philippe Vigier. Ah !

M. Michel Issindou, rapporteur. Et encore, ce n’est pas sûr. C’est la raison pour laquelle l’article 27 prévoit de créer un groupement d’intérêt public qui se penchera sur le rapprochement entre régimes.

Cette convergence qui vous taraude et que vous voulez imposer à tout prix, c’est votre objectif, pas le nôtre. Notre réforme n’a pas besoin pour être comprise d’être subordonnée à ce que vous considérez comme une nécessité absolue. Cet ajout ne règle en rien les problèmes de la retraite, des avancées sociales, de la justice, sans parler du financement. Il est donc totalement inutile. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Monsieur le président, j’aimerais avoir quelques éclaircissements de la part de la majorité gouvernementale. En commission, il nous a été très souvent dit : « Inutile de vous appesantir sur telle ou telle question, nous pourrons en débattre en séance publique ». Or, à l’instant, le rapporteur vient de nous dire que ce n’est pas le lieu pour en discuter.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est toujours comme ça !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. J’aimerais réagir à cet amendement en me référant à l’alinéa qui suit : il fait état d’un « traitement équitable ». Qu’est-ce qu’un traitement équitable aujourd’hui ? Derrière cette notion, il y a le mot égalité.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis. La différence entre l’équité et l’égalité est un vaste débat !

Mme Véronique Louwagie. Pour le calcul des retraites, cela implique d’appliquer les mêmes règles pour la prise en compte des cotisations durant le temps de l’activité et d’assurer ensuite les mêmes droits à l’âge de la retraite. Ce que nous souhaitons incorporer dans l’aliéna concerné, c’est la nécessité d’aller vers la convergence entre les régimes. Rappelons que celle-ci est évoquée dans le rapport Moreau, qui soulignait la nécessité de poursuivre la démarche de convergence entreprise depuis 2003. Il était ajouté que l’objectif fort était un changement de mode de calcul, non pour réaliser des économies mais pour favoriser la lisibilité et la fixation d’objectifs communs. Le rapport Moreau envisageait encore de calculer les pensions des salariés de la fonction publique en prenant en compte non les six derniers mois mais une durée de référence variant de trois à dix ans.

Cette convergence, tout le monde y pense : les Français la souhaitent, comme le montrent les différents sondages. Cet amendement permettrait de l’introduire dans l’article 1er. Saisissez-vous donc de l’occasion qui vous est ici donnée et donnez un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Encore une fois, on perçoit très bien le mal-être du rapporteur et de la majorité.

M. Michel Issindou, rapporteur. Mais pas du tout !

M. Arnaud Robinet. Monsieur le rapporteur, vous allez tout de même accepter d’ouvrir le débat dans cet hémicycle et d’y participer ! M. Jacquat a rappelé à juste raison qu’en commission, dès qu’un amendement était déposé par l’opposition, l’un de vos arguments était de dire qu’il était inutile d’allonger les débats puisque que nous aurions tout le temps d’en discuter dans l’hémicycle. Et là, vous répondez à M. Vigier qu’il n’est pas utile de refaire le débat puisqu’il a déjà eu lieu. Non, le débat doit avoir lieu ici dans l’hémicycle !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous répétez cinquante fois les mêmes choses !

M. Arnaud Robinet. Je voudrais vous rappeler ici les grandes lignes de l’article 1er : reformuler les objectifs du système de retraites, réaffirmer le choix de la retraite par répartition, poser les objectifs d’équité et de solidarité entre les générations. Or quel est l’objectif de l’amendement déposé par notre collègue Vigier, qui sera suivi d’un amendement similaire du groupe UMP ?

La convergence n’a qu’un seul but, c’est l’équité, l’équité entre l’ensemble de nos concitoyens, l’équité entre tous les salariés français, qu’ils appartiennent au secteur privé, au secteur public ou qu’ils relèvent des régimes spéciaux. Car nous devons le reconnaître, il y a des iniquités entre travailleurs des régimes spéciaux, salariés du public et du privé, qu’il s’agisse du montant de la pension ou de l’âge de départ à la retraite.

L’objectif de l’amendement qui sera défendu par l’UMP dans quelques instants est d’assurer cette équité, en accord avec l’article 1er qui est l’un des articles fondamentaux de votre projet de loi. Par la convergence, il s’agit d’aller vers un régime unique pour plus d’équité et d’égalité entre tous les Français. C’est ce que nous demandons, c’est ce que vous refusez.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous avons eu exactement le même débat en commission !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le rapporteur, vous reconnaîtrez que nous n’avons quand même pas déposé 5 000 amendements parce que nous abordons ce texte avec un peu de sérieux, comme vous d’ailleurs. Pourquoi repoussez-vous le débat sur ce sujet de fond ? Je vous le dis gentiment : je ne lâcherai rien, là-dessus. Comment la réforme de 2010 que vous considériez comme injuste est-elle devenue juste à vos yeux aujourd’hui ? Il faut que vous vous expliquiez à ce sujet. Est-ce parce que vous avez réévalué la situation ? que vous considérez que des évolutions sont indispensables ? que la démographie n’est plus pour vous un critère contre lequel lutter ? Toutes ces raisons, nous pourrions les comprendre : en politique, on peut évoluer.

Deuxièmement, quand je vous cite des chiffres, ce n’est pas pour vous embêter : 55 ans à la RATP contre 62 ans pour les artisans et 63 ans pour les professions libérales. Pourquoi ne rien entendre ?

Ce n’est quand même pas nous, madame la présidente de la commission des affaires sociales, qui avons demandé à Mme Moreau d’écrire dans son rapport qu’il fallait travailler sur le passage à une période de référence de dix années. Pourquoi refusez-vous cela ? Allons plus loin : dans la réforme de 2010, vous savez très bien que les cotisations sociales payées par les employeurs sont plus importantes dans le secteur public que dans le secteur privé. Pourquoi sanctuariser cela ?

Nous vous demandons d’aller vers la convergence. Vous serez gagnants, nous serons gagnants. N’oubliez pas ce que je vous ai dit. Les Français sont dans une position de défiance vis-à-vis de l’ensemble de la classe politique. Sur un sujet comme celui-là, regardez ce qu’a fait l’Allemagne : elle a voté un pacte de confiance.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous voulez que je vous explique comment sont calculées les retraites des Allemands de l’est ?

M. Philippe Vigier. Des hommes et des femmes de sensibilités différentes se sont retrouvés autour d’un engagement fondamental. Nous avons parlé du Conseil national de la Résistance, nous avons parlé de la République et de la solidarité. La solidarité, c’est une exigence et pas uniquement un slogan. Elle se décline autour d’actions fortes au cœur desquelles se trouve la convergence.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Monsieur le président, je ne comptais pas m’exprimer mais je pense qu’il est bon de mettre un peu d’ordre entre nous. Nous avons eu longuement l’occasion de débattre de cette question lors de la discussion générale. Je vous fais grâce, monsieur Vigier, de commentaires sur votre présence dans l’hémicycle mais au moins lisez le texte jusqu’à l’alinéa suivant, où il est indiqué très clairement qu’est fixé un objectif d’équité entre tous les assurés, quel que soit leur régime.

M. Denis Jacquat. Il y a eu un énorme malaise en commission autour de cette question !

M. Jean-Marc Germain. Le souhait que vous avez est très clairement satisfait, s’il s’agit bien pour vous de cela. En revanche, si ce qui vous importe, c’est montrer du doigt les fonctionnaires en faisant croire qu’ils seraient mieux traités que les autres, nous ne l’acceptons pas. Car, au fond, la réforme proposée par vos collègues UMP, que vous semblez soutenir, est avant tout une réforme contre : contre les fonctionnaires que vous montrez du doigt depuis le début de nos débats – et cela fait six heures qu’ils ont commencé – (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI), contre les ouvriers et les employés – car ce sont eux, à 80 %, qui ont pâti de votre augmentation de l’âge légal de 60 ans à 62 ans.

M. Philippe Vigier. N’importe quoi !

M. Jean-Marc Germain. Nous, nous corrigeons ce défaut-là en rétablissant la prise en compte de la pénibilité. Cette réforme contre, nous ne l’acceptons pas, c’est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à votre amendement.

(L’amendement n2877 n’est pas adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 8 octobre, à zéro heure cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance



de l’Assemblée nationale



Nicolas Véron