Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 23 octobre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement sur des sujets européens

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

Espace Schengen

M. Jean Leonetti

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Economie numérique

Mme Axelle Lemaire

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique

Élargissement de l’Union européenne

M. Alain Tourret

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

Chypre

M. Alain Bocquet

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

Dimension sociale de l’union économique et monétaire

M. Jean-Luc Bleunven

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

Espionnage américain

Mme Laure de La Raudière

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Directive détachement

M. Jean-Pierre Fougerat

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Union bancaire européenne

M. Jacques Myard

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Harmonisation sociale et fiscale

Mme Danielle Auroi

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Économie numérique

M. Lionel Tardy

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique

Politique européenne de la pêche

Mme Annick Le Loch

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Canal Seine-Nord

M. François-Xavier Villain

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Formation des jeunes

Mme Isabelle Le Callennec

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Couverture sociale des travailleurs transfrontaliers

M. Francis Hillmeyer

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Extension aux non-résidents des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine

M. Thierry Mariani

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

2. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 (suite)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Première partie

Article 1er

M. Bernard Accoyer

M. Thierry Benoit

Mme Marisol Touraine, ministre

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Mme Véronique Louwagie

M. Denis Jacquat

M. Jean-Pierre Door

M. Dominique Tian

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Mme Marisol Touraine, ministre

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Article 2 et annexe A

Mme Véronique Louwagie

Amendement no 621 rectifié et 622

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales

Vote sur l’ensemble de la première partie

Deuxième partie

Article 3

M. Bernard Accoyer

Mme Véronique Louwagie

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Mme Valérie Rabault, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendement no 516

Article 4

M. Bernard Accoyer

Mme Véronique Louwagie

Amendements nos 724 , 814

Article 5

Article 6

Mme Jacqueline Fraysse

M. Bernard Accoyer

Mme Véronique Louwagie

Amendement no 61, 518 et 519

Article 7

M. Jean-Pierre Door

Amendements nos 62 , 712

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Vote sur l’ensemble de la deuxième partie

Troisième partie

Article 8

M. Bernard Accoyer

M. Jean-Pierre Barbier

M. Denis Jacquat

Mme Véronique Louwagie

M. Arnaud Richard

Mme Annie Genevard

M. Pascal Terrasse

M. Gérard Bapt, rapporteur

M. Dominique Tian

M. Éric Straumann

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Amendements nos 2 , 22 , 165 , 248 , 595 , 424 , 821

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 812, 817 et 818 , 296 , 612 , 576 , 811 , 297 , 319

Article 9

Mme Jacqueline Fraysse

M. Bernard Accoyer

Mme Véronique Louwagie

M. Frédéric Lefebvre

Mme Annie Le Houerou

M. Jacques Lamblin

M. Julien Aubert

M. Jean-Pierre Door

Amendements nos 23 , 223 , 228 , 247 , 293 , 596

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement sur des sujets européens

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement sur des sujets européens.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes, pour un bref propos liminaire.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, en juillet dernier, je me présentais devant vous pour vous annoncer que la France avait obtenu une avancée importante pour la réorientation de l’Union européenne, mettant la croissance et l’emploi des jeunes en tête de ses priorités. C’est désormais un acquis.

Des moyens sans précédent seront votés en effet dans cette perspective au Parlement européen le mois prochain. Cette étape cruciale franchie, il nous faut maintenant développer cette stratégie européenne au travers de chaque politique sectorielle. C’est précisément ce que nous allons engager avec le numérique, qui sera le premier point à l’ordre du jour du Conseil européen de demain.

Au-delà de la nécessité de fluidifier le marché unique pour faciliter l’accès aux services et contenus numériques, le numérique, sujet qui touche le quotidien de nos concitoyens, représente un quart de la croissance française et de la création d’emplois en France. C’est pourquoi nous appelons à la mise en place d’une réelle stratégie afin de développer les emplois du futur.

Pour y parvenir, il faut bâtir une politique industrielle numérique à l’échelle européenne, définir des règles du jeu équitables en matière fiscale entre les acteurs, garantir la propriété intellectuelle pour soutenir les industries, et protéger les données personnelles pour sécuriser l’environnement numérique de nos concitoyens.

Le deuxième point à l’ordre du jour, et sur lequel nous serons fortement mobilisés, est l’approfondissement de l’Union économique et monétaire. Cet approfondissement est indispensable pour permettre de prévenir les déséquilibres fiscaux et sociaux qui peuvent survenir au sein de la zone euro.

Nous y parviendrons avec deux objectifs. Le premier consiste à mettre à l’ordre du jour la dimension sociale de l’Union économique et monétaire, sujet auquel nous attachons une grande importance et qui doit contribuer à adapter les politiques aux réalités des États membres.

Pour nous, en effet, c’est une nécessité économique et sociale que d’autres critères viennent s’ajouter aux seuls indicateurs financiers qui ont guidé par le passé les choix politiques de l’Europe.

La France, qui en avait fait la demande en mai, a obtenu une proposition de la Commission d’établir un tableau de bord social composé de cinq indicateurs. Nous voyons ce premier pas inédit comme un acte fondateur qui en appellera d’autres. Ils sont complémentaires du travail que la France mène pour lutter contre le dumping social à l’échelle de l’Europe et pour accompagner les jeunes, y compris les plus fragilisés d’entre eux

Le deuxième objectif est de poursuivre la construction de l’union bancaire. Après la supervision unique des banques, la prochaine étape à franchir est celle de leur recapitalisation directe. Cela permettra de réaliser les tests de résistance, auxquels les banques seront soumises à partir de janvier 2014, dans de bonnes conditions.

Enfin, mesdames et messieurs les députés, un troisième point sera abordé sur demande de l’Italie et de la France concernant la gestion des frontières de l’Union, par suite des événements dramatiques de Lampedusa et de Malte.

La Méditerranée ne peut continuer à être un cimetière à ciel ouvert. Il faut une réaction internationale et européenne forte. Face à une telle tragédie, l’Europe est attendue sur des actes, d’abord de prévention, par le soutien au développement et à la recherche de solutions durables dans les pays d’origine des migrants ; puis de solidarité, tant vis-à-vis des pays de l’Union européenne les plus exposés qu’envers ceux de la rive sud de la Méditerranée ; enfin de protection, par une surveillance au plus près des côtes des pays de départ, en concertation avec les pays concernés, ainsi que par une lutte sans relâche contre les criminels qui exploitent sans scrupule la misère et le désespoir des migrants.

Chacun de ces trois points de l’ordre du jour européen est d’autant plus décisif qu’il s’inscrit dans la perspective que nous nous sommes fixée depuis bientôt dix-huit mois : bâtir une Europe de la croissance et des solidarités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Espace Schengen

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean Leonetti. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Le problème de l’immigration est devenu un problème européen. L’immigration a changé : hier, elle était de nature économique ; aujourd’hui, elle est devenue sociale.

L’Europe a également changé : de six membres fondateurs, nous sommes passés à vingt-huit pays membres, l’élargissement ayant permis à des pays qui n’avaient pas le même niveau économique, pas le même niveau social ni le même niveau de sécurité à leurs frontières, d’entrer dans l’Union européenne.

L’esprit même des accords de Schengen repose sur la libre circulation des personnes et des biens à l’intérieur de l’espace européen, précisément parce que les frontières extérieures sont sûres. Aujourd’hui, nous devons revenir à l’esprit de Schengen pour avoir des frontières sûres et stables.

Avoir des frontières sûres suppose d’abord d’examiner les frontières poreuses de certains pays, qui font le lit de l’immigration clandestine à partir de réseaux mafieux. C’est la raison pour laquelle je vous demande solennellement, comme par le passé, de mettre un veto à l’entrée de la Roumanie et la Bulgarie à l’espace Schengen au 1er janvier 2014. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

L’Europe doit aussi avoir des frontières stables, car elle a trop souffert de s’élargir sans s’approfondir. C’est la raison pour laquelle nous avions gelé en 2009 la négociation avec la Turquie concernant la libre circulation des personnes et des biens. Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à affirmer avec nous que la Turquie n’a pas vocation à entrer dans l’Union européenne ? Depuis un an et demi, votre gouvernement ne dit rien, ne fait rien, ne propose rien ! Êtes-vous d’accord pour une Europe intégrée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le ministre Leonetti – vous avez en effet été en charge des affaires européennes –, sur ces dossiers que vous connaissez bien, nous devons, me semble-t-il, chacun à notre place… (M. le Premier ministre entre dans l’hémicycle et rejoint le banc du Gouvernement. – Sourires.)

M. Bernard Accoyer. C’est le cas de le dire ! (Rires.)

M. Manuel Valls, ministre. Vous voyez bien que nous ne sommes pas fâchés (Sourires. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) et que je travaille avec plaisir sous l’autorité du Premier ministre ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît ! Écoutez la réponse du ministre de l’intérieur !

M. Manuel Valls, ministre. Mais revenons au sujet. Rien ne serait pire que d’entretenir la confusion sur ces questions. Tout d’abord, le droit à circuler et à séjourner sur notre territoire n’est pas du tout absolu : des conditions sont fixées par une directive de l’Union européenne de 2004, que tous les citoyens – et notamment les Bulgares et les Roumains, puisque la question a été posée –, doivent respecter.

Aujourd’hui, il n’y a pas de remise en cause du droit à circuler et à séjourner sur notre territoire sur la base des principes de l’Union européenne et des lois en vigueur.

Pour ce qui concerne Schengen, vous l’avez dit, mais il faut le dire encore plus clairement : cette question ne concerne pas l’Union européenne en son sein, mais l’organisation et la surveillance des frontières extérieures. Il n’y a d’ailleurs pas de décision concernant le 1er janvier de l’année prochaine : il ne faut pas confondre ce sujet avec la problématique de l’ouverture au travail. Il s’agit tout simplement d’affirmer, comme le ministre des affaires étrangères a déjà eu l’occasion de le souligner, que la Bulgarie et la Roumanie ne sont pas prêtes pour entrer dans Schengen : le Gouvernement de la France a déjà eu l’occasion de le dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Franck Gilard. Très bien !

Economie numérique

M. le président. La parole est à Mme Axelle Lemaire, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Axelle Lemaire. J’associe à cette question ma collègue Corinne Erhel pour m’adresser à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.

Le Conseil européen qui s’ouvrira demain à Vilnius doit porter pour la première fois sur la question du numérique. Pourquoi accorder une importance à ce sujet alors que nos jeunes, en Europe, sont au chômage et que le continent se relève avec peine d’une crise économique gravissime ? Parce que le numérique, ce n’est pas du virtuel, c’est la vraie vie : 2,5 milliards d’individus sont aujourd’hui connectés à internet. Pendant cette seule question, un million et demi de contenus créateurs de valeur seront partagés sur le seul Facebook et 408 millions d’e-mails seront envoyés.

Surtout, le numérique concerne 530 000 salariés dans l’Union européenne et l’on sait de manière certaine que ce secteur est en forte croissance, qu’il crée des emplois, et l’on sait pareillement de manière certaine que le numérique aura un impact sur nos sociétés aussi important que celui qu’a eu l’apparition de l’écriture, de l’imprimerie ou la première révolution industrielle.

Or, face à ces enjeux, le silence de l’Europe sur ce sujet est angoissant.

Souvenez-vous de notre avance, de notre leadership dans les télécoms et les hautes technologies il y a quinze ans : Alcatel, Siemens, Ericsson, Sagem, Philips menaient la danse. Depuis, les géants du net américains se sont imposés et ont imposé leurs règles, en bafouant parfois les nôtres, notamment dans le domaine de la protection des données personnelles des citoyens et de la sécurité de nos entreprises.

À force de vouloir béatement imposer une libre concurrence qui n’a d’équitable que les apparences, l’Europe est en train de perdre cette bataille.

Madame la ministre, pouvez-vous nous présenter la position de la France sur ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Madame la députée Axelle Lemaire, vous avez raison de rappeler que le constat que nous devons aujourd’hui dresser en matière de politique européenne du numérique est un constat d’échec.

Alors même que nous nous étions fixé, en 2000, le projet ambitieux de faire de l’Europe le continent n1 en matière d’économie de la connaissance – c’était la stratégie de Lisbonne –, force est de constater que nous avons échoué. Lorsque nous regardons avec lucidité où en est l’économie numérique en Europe, il est vrai que nous ne pouvons que dresser un constat d’échec.

Pourtant, nous avons eu des succès. Nous avons réussi à construire des réseaux à haut et très haut débit à des prix extrêmement faibles pour les consommateurs. Nous avons soutenu l’effort de recherche et développement partout en Europe. Mais il est vrai que si nous avions en 2000 six constructeurs de téléphones mobiles en Europe qui représentaient 55 % du marché, aujourd’hui, avec le rachat de Nokia par Microsoft, nous n’en avons plus un seul. Et je ne parle pas des difficultés rencontrées par les équipementiers de réseaux de télécom.

Face à cela, la France a effectivement proposé à l’Europe de réagir. Telle est la position que le Président de la République portera demain auprès de ses homologues lors du Conseil européen.

Le fait que nous ayons déjà resitué et centré le débat sur le numérique à l’échelle européenne constitue une première victoire politique parce que, vous avez raison, ce sujet n’était pour l’instant pas traité et ne l’avait pas été par la précédente majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrice Martin-Lalande. C’est complètement faux !

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Pour la première fois, nous allons proposer à nos homologues les moyens de nous donner une véritable ambition en matière de numérique.

Alors, c’est vrai, l’Europe a raté le virage de l’internet 2.0, des smartphones et des tablettes, mais elle peut encore être au centre des prochaines révolutions numériques en gagnant la bataille de l’innovation, notamment en matière de traitement massif des données, d’informatique en nuage ou d’objets connectés.

Aujourd’hui, dans la compétition mondiale en cours, tous les acteurs – vous l’avez dit – utilisent les failles de nos systèmes réglementaires pour en tirer des avantages indus. La France souhaite ouvrir la discussion sur la régulation des plateformes de certains géants du net et rétablir l’équité fiscale entre acteurs du numérique.

C’est une grande ambition que nous souhaitons porter pour la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Élargissement de l’Union européenne

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires européennes, l’Union européenne a décidé hier d’ouvrir un nouveau chapitre dans les négociations d’adhésion avec la Turquie, après trois ans de paralysie (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)



Rappelons que la Turquie a officiellement déposé sa candidature en 1999 mais que le processus de négociation s’est révélé long, tant les réticences à Londres, à Berlin et à Paris étaient fortes. Comment en serait-il autrement alors que la Turquie quitte progressivement la laïcité ?

Mais n’est-ce pas le processus d’élargissement lui-même qui a trouvé ses limites et, ce, en dépit des efforts de la Commission, qui a recommandé que l’on accorde le statut de pays candidat pour la deuxième fois à l’Albanie et pour la cinquième fois à la Macédoine, mais en vain ?

En réalité, depuis l’adhésion de la Croatie en 2013, c’est la volonté politique qui manque aux États membres ! Chacun, en effet, a en tête le succès très relatif de l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie.

L’exemple de l’Ukraine est également significatif. Elle a déclaré sa candidature en 2005, soutenue par le commissaire européen à l’élargissement, M. Olli Rehn. En théorie, l’Ukraine n’a que peu de perspectives d’adhésion. C’est un pays voisin qui bénéficie cependant de l’appui déterminé de la Pologne et du président Krasniewski.

Que constate-t-on en France ? Les Français, comme nombre d’Européens, n’ont plus la foi des conquérants. Ils en viennent à douter de leur modèle économique ; ils en viennent à douter de leur modèle démocratique. N’est-il pas plus important, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires européennes, de renforcer la cohésion des États membres et, en premier lieu, celle des États qui ont adopté l’euro – leur monnaie commune – que de prévoir ou d’envisager un nouvel élargissement qui risque de n’être qu’un miroir aux alouettes pour les États candidats à l’adhésion ?

Monsieur le ministre, l’approfondissement des structures européennes ne vaut-il pas mieux, dans l’actuelle décennie, qu’un élargissement qui risque de n’être qu’un enlisement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le député, vous posez en quelque sorte la question du rythme de l’élargissement de l’Union européenne à des pays qui, effectivement, frappent à sa porte.

Je veux vous dire que, dans un texte signé le 30 mai dernier par François Hollande et Angela Merkel, nous avons souhaité préalablement un approfondissement des politiques de l’Union économique et monétaire au sein de la zone économique. Je réponds donc favorablement, évidemment, à votre attente sur cette question-là.

S’agissant de l’élargissement, les vingt-huit membres de l’Union européenne ont décidé hier, à l’unanimité, d’ouvrir les négociations préalables à l’adhésion, un jour, de la Turquie,…

M. Xavier Bertrand. C’est un scandale !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …fondées tout particulièrement sur le chapitre 22 relatif à la politique régionale et à la coordination des instruments structurels. Mais entre le début des négociations, qui commenceront le 5 novembre prochain, et l’adhésion effective, il s’écoulera plusieurs années (« Eh alors ? » sur les bancs du groupe UMP), les négociations avec la Croatie, dernier pays ayant intégré l’Union européenne, ayant duré huit ans. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Écoutez la réponse, s’il vous plaît !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je souhaite vous dire, monsieur le député, que la question des accords d’association avec d’autres pays sera posée les 28 et 29 novembre prochains à Vilnius.

M. Xavier Bertrand. C’est la France qui a été à l’origine de la décision prise hier ! C’est un scandale !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Vous avez cité l’Ukraine. Je peux vous dire que tout nouvel accord d’association sera conditionné à des réformes structurelles dans ces pays, sur le plan économique mais, également, dans les domaines du droit et de la justice. Ce sont là autant de préalables incontournables comme nous l’avons dit aux pays qui frappent à la porte de l’Union européenne.

J’ajoute qu’à Vilnius, il n’y aura pas d’ouverture à de nouvelles adhésions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Chypre

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Alain Bocquet. Monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, de retour d’une mission à Chypre avec nos collègues Marcel Rogemont et Guy Geoffroy, je souhaite vous interroger sur une situation intolérable qui perdure au sein de l’Union européenne.

Comment accepter plus longtemps que Chypre, dont l’intégralité du territoire fait partie de l’Union européenne, soit coupée en deux ? Au nord, une armée d’occupation de 35 000 militaires turcs depuis 1974 et une colonisation rampante dans le plus total mépris du droit international. Une ligne de démarcation de 180 km parsemée de miradors ; un millier de soldats de l’ONU pour la contrôler ; une zone tampon au cœur de Nicosie devenue un no man’s land avec des hectares de ruines, et des jeunes soldats qui se regardent en chiens de faïence, fusil en main. Nicosie, dernière capitale européenne séparée en deux par un mur, vingt-quatre ans après Berlin !

M. Jacques Myard. C’est un spécialiste qui parle !

M. Alain Bocquet. Le 11 octobre dernier, c’est près de la ville fantôme de Famagouste, vidée de sa population, reconquise par les rats et la végétation, qu’une chaîne humaine de Chypriotes grecs et turcs a témoigné de la volonté de vivre ensemble dans un pays – leur pays – enfin réunifié !

L’Europe s’en lave les mains, pour reprendre l’expression d’un dirigeant rencontré là-bas. Elle fait les yeux doux à la Turquie et elle a montré plus de promptitude dans la crise bancaire de Chypre que pour régler ce problème qui relève du respect des droits de l’homme et des nations.

Quelles actions la France envisage-t-elle de mener au sein de l’Europe et à l’ONU pour que soit mis fin, quarante ans après, à cette partition insupportable de Chypre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Je souhaite vous rassurer : la France soutient et continue de soutenir Chypre sur le règlement politique de la question chypriote, en appuyant une reprise des négociations selon les paramètres agréés par les Nations-unies. Dans ce cadre, nous sommes très attachés à ne pas imposer de l’extérieur aux Chypriotes des solutions qu’ils n’auraient pas négociées et naturellement la France sera aux côtés de toutes celles et de tous ceux qui œuvrent avec sincérité à un tel processus.

Dans ce contexte, vous le savez, M. Anastasiades a proposé un paquet dont la France a pris connaissance. Ce paquet de mesures marque la disposition de Nicosie à accepter, en échange de la restitution du quartier de Varocha, les concessions suivantes.

Vis-à-vis des Chypriotes turcs : ouverture du port de Famagouste et l’adoption du règlement « Commerce direct » bloqué par Chypre depuis 2004. L’ouverture au trafic international de l’aéroport de Tymvou-Ercan, sous le contrôle de l’OACI, pourrait également être envisagée.

Vis-à-vis d’Ankarra : accord pour la reprise des négociations, qui pourraient porter sur cinq chapitres bloqués depuis 2009, sous réserve qu’Ankarra respecte ses obligations à l’égard de Chypre, qui découlent de l’union douanière avec la Turquie.

Le dialogue, je peux vous l’assurer, est permanent entre la France et les autorités chypriotes : guidé par le souci de contribuer utilement à un règlement, il a encore eu lieu, pas plus tard qu’hier, dans une rencontre bilatérale avec mon homologue chypriote à l’occasion d’un sommet européen.

Dimension sociale de l’union économique et monétaire

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Bleunven, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Luc Bleunven. Monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, après une décennie de politiques non coopératives entre États-membres, la réorientation de l’Europe voulue par le chef de l’État est en marche. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) L’union économique et monétaire est enfin en voie d’achèvement via le renforcement, face au pilier monétaire, du pilier économique et l’ajout d’un pilier social.

En effet, une monnaie unique sans coordination forte des politiques économiques ne peut produire de réelle convergence entre États-membres. Mais de telles politiques, coordonnées sur des critères purement et strictement budgétaires, ne pourront être ni viables économiquement ni acceptables socialement.  

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement veut aujourd’hui introduire un véritable pilier social au sein de l’union économique et monétaire.

Cette dimension manquante qu’est la politique sociale, on l’oublie souvent, est une compétence partagée entre l’Union et les États-membres. Elle doit devenir une préoccupation constante des dirigeants européens, que ce soient bien sûr les ministres de l’emploi, mais également et surtout les ministres de l’économie et des finances. La pratique actuelle de coordination des politiques économiques est même en retrait par rapport à la stratégie de Lisbonne de 2000 qui prévoyait l’objectif d’un taux d’emploi de 70 % et une proportion de femmes actives de 60 %, ainsi que la réduction de moitié du nombre de personnes menacées par la pauvreté dans toute l’Union européenne.

L’ambition européenne sur ces différents sujets doit répondre à l’urgence sociale. Le 15 octobre dernier, le Conseil des affaires sociales des 28 n’a pas défini de position commune sur la proposition de révision de la directive relative au détachement des travailleurs. Pourtant, le recours massif aux travailleurs détachés, qui s’apparente trop souvent à du dumping social, est facteur de déséquilibres économiques importants au sein même de notre Union. Je pense évidemment au secteur de l’agroalimentaire et à tout le monde économique breton, à tous ces salariés qui aujourd’hui subissent de plein fouet une concurrence déséquilibrée.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rappeler les différentes actions déjà menées par le Gouvernement en matière sociale au niveau européen et nous indiquer en quoi le pilotage des politiques économiques au niveau de l’Union intégrera désormais pleinement la dimension sociale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Comme je l’ai dit tout à l’heure à la tribune, la dimension sociale de l’union économique et monétaire est à la fois une exigence sociale, un impératif politique et une nécessité économique pour la zone euro. Il est effectivement important de démontrer que cette dimension est complètement intégrée dans les politiques de l’Union pour protéger et faire avancer les droits sociaux. Si nous n’y arrivons pas, je crains que les peuples rejettent l’intégration supplémentaire qu’est l’union économique et monétaire.

C’est pour cela que nous avons obtenu de la Commission européenne qu’elle inscrive à l’ordre du jour des débats entre les chefs d’État et de gouvernement la dimension sociale. Il en sera ainsi demain, car pour la première fois, à l’occasion d’un sommet européen, les chefs d’État et de gouvernement débattront de la question sociale, à travers la proposition qui sera faite par la Commission d’intégrer, d’ores et déjà, cinq indicateurs sociaux qui permettront de décider plus justement les politiques économiques et monétaires dans les années qui viennent.

Nous sommes également très favorables à l’idée d’associer davantage les syndicats et les employeurs au niveau européen, comme nous le faisons au niveau national à travers la grande conférence sociale, à la définition et à la mise en œuvre des recommandations stratégiques au cours du semestre européen.

Au-delà, nous continuons à travailler au niveau européen à une convergence sociale, par le haut, avec la mise en place notamment du salaire minimum : question taboue il y a quelques années, il y a quelques mois encore devrais-je dire, mais que le changement de majorité en France a permis d’inscrire à l’ordre du jour (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) en entraînant avec nous l’Allemagne, ce que nos prédécesseurs n’avaient pas réussi à faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Espionnage américain

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le Premier ministre, voilà quatre mois que l’agent de la NSA, Edward Snowden, a révélé que le monde entier était mis sur écoute par les États-Unis, grâce à la coopération de sociétés privées américaines. De nombreux pays se sont indignés dès le mois de juin 2013. Silence radio du côté du Président de la République et du Premier ministre français.

L’ampleur de cet espionnage a été précisée en début de semaine par le journal Le Monde. C’est une atteinte insupportable aux libertés individuelles de nos compatriotes. Le simple appel téléphonique entre le Président Obama et le Président Hollande n’est ni suffisant, ni à la hauteur des enjeux. On peut quand même s’étonner que la gauche, si diserte à donner des leçons de morale à tout va, se contente d’un service ultra-minimum quand il s’agit de la protection des libertés fondamentales des Français.

Le contrôle de l’internet mondial est au cœur de ce débat. Or, vendredi dernier, en Uruguay, l’ICANN et les quatre autres associations les plus importantes qui assurent la gouvernance de l’internet mondial, ont décidé de faire une déclaration commune annonçant leur souhait de s’affranchir de la domination américaine.

Alors que nos vies, nos économies, nos libertés individuelles, notre sécurité sont de plus en plus dépendantes d’internet et le seront encore plus demain avec le développement des objets connectés ou encore l’usage des technologies de big data, la France doit voir dans cette déclaration une chance historique pour rééquilibrer les pouvoirs entre les États-Unis et l’Europe sur la gouvernance de l’internet. Il serait même bon d’en faire un préalable aux prochaines négociations en matière de libre-échange.

M. Jacques Myard. Très bien !

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le Premier ministre, pourquoi le Gouvernement français a-t-il tant tardé à réagir suite à l’affaire Prism ? Pourquoi n’avez-vous pas inscrit le sujet du contrôle et de la gouvernance de l’internet à l’agenda du Conseil de l’Europe, alors même qu’il sera discuté des sujets touchant le numérique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Madame la députée, je vais vous confirmer ce que j’ai déjà répondu hier à ce sujet. D’abord, ce n’est pas une réunion du Conseil de l’Europe mais du Conseil européen qui se tiendra jeudi et vendredi. Je ne sais pas si le Conseil de l’Europe se saisira de cette question. En tout cas, s’il le souhaite, il le fera.

Vous avez évoqué une question de principe et je vous confirme la position de la France. Le Président de la République, le ministre des affaires étrangères et moi-même avons dit à nos amis et alliés américains que ce que nous avons découvert – et qui ne date pas d’aujourd’hui, et qui s’est produit sous d’autres gouvernements – était particulièrement choquant et que certaines pratiques ne se justifiaient pas, même au nom de la lutte contre le terrorisme et pour la sécurité, combat que nous menons en commun. En tout cas, le Président Hollande a demandé au Président Obama la transparence sur ce qui s’est fait précisément.

M. Dominique Le Mèner. Quelle naïveté !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Puisque les autorités américaines ont contesté l’ampleur et la précision de certaines informations qui ont été évoquées dans différents journaux, la France demande précisément aux autorités américaines de lui donner toutes les informations sur les pratiques qui ont été utilisées concernant un certain nombre d’écoutes qui portent atteinte à des principes et à la protection des libertés individuelles. C’est la garantie de la confiance.

Cette question est essentielle, si nous voulons repartir sur des bases de confiance. La France attend donc des engagements et des réponses. Les engagements ont été donnés ; maintenant, nous attendons des actes concrets. Vous dites que cette question n’est pas à l’ordre du jour du Conseil européen alors qu’il sera question du numérique. Mais bien entendu qu’il en sera question ! Et les exigences que la France formulera par la voix du Président de la République seront mises en discussion avec nos partenaires européens. D’ores et déjà, je puis vous dire que nos partenaires européens, en tout cas pour les pays les plus engagés, sont sur la base des orientations de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre Lellouche. Que se passe-t-il s’il n’y a pas transparence, monsieur le Premier ministre ?

Directive détachement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fougerat, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Pierre Fougerat. Monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, nous sommes massivement attachés, sur ces bancs, à l’idée européenne, à sa genèse qui reposait sur le refus de la guerre, à son avenir aussi, car c’est bien cela qui nous importe. Cet avenir, nous le voulons social, nous le voulons politique.

Oui, toutes et tous, nous savons bien que cet avenir doit avoir une forte dimension sociale. C’est la condition absolument nécessaire pour rendre de nouveau attractives l’Europe et ses institutions.

Mon collègue Jean-Luc Bleunven évoquait à l’instant les critères sociaux qui pourraient être ajoutés aux critères économiques de convergence au sein de l’Union économique et monétaire. Pour ma part, j’insisterai sur le statut des travailleurs en évoquant les conséquences de la directive détachement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Adoptée pour encourager la mobilité des travailleurs, objectif certes louable auquel nous souscrivons, cette directive génère des dérives préoccupantes.

M. Jacques Myard. Il a raison !

M. Jean-Pierre Fougerat. Instrument détourné par certains pour faire du dumping social et même carrément pour frauder, cette directive crée des distorsions de concurrence inacceptables…

M. Jacques Myard. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Fougerat. …dans certains secteurs comme le bâtiment, l’agroalimentaire ou encore les transports.

M. Jacques Myard. Et la restauration !

M. Jean-Pierre Fougerat. Plusieurs réponses peuvent y être apportées : la création d’une agence du travail mobile en Europe, suggérée par notre commission des affaires sociales, la mise en place d’une carte électronique sécurisée, ou encore la création d’une liste noire des entreprises fraudeuses.

Monsieur le ministre, si cette question n’est pas à l’agenda du Conseil européen de cette semaine, elle sera au cœur du prochain Conseil des ministres du travail qui se tiendra en décembre. Pouvez-vous nous dire quelle est la position du Gouvernement de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Lucien Degauchy. Et du chômage !

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, l’Europe sociale est de retour, mais pas depuis très longtemps : depuis un an, où la France et l’Allemagne ont mis à l’agenda de l’Europe cette question sociale. C’était le cœur de l’Europe que nous voulions et elle doit redevenir le cœur de l’Europe de l’avenir.

La première manière de mettre l’Europe sociale sur le devant de la scène consiste à lutter contre toutes les formes de dumping social. L’utilisation abusive de la directive détachement est aujourd’hui scandaleuse. Elle met en cause y compris le sens social de l’Europe que nous voulons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La France est déterminée, et je l’ai fait valoir au dernier Conseil des ministres du travail, à ce que l’Europe se dote enfin, ce que vous n’avez pas fait (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), des outils qui permettront de lutter contre ces fraudes. Il nous faut une capacité administrative de lutter contre les fraudes. Il nous faut la responsabilité des entreprises. Il y a des donneurs d’ordre en France qui savent pertinemment qu’ailleurs en Europe il y aura une utilisation abusive de cette directive détachement et qui sont en quelque sorte libres de leur responsabilité. Cela doit cesser. C’est la responsabilité conjointe des donneurs d’ordre et de l’ensemble des sous-traitants qui doit pouvoir être mise en cause. C’est ce que nous demandons au niveau européen.

Mme Claude Greff. C’est un échec !

M. Michel Sapin, ministre. Je me suis opposé, avec l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, à l’adoption d’un compromis qui aurait été un mauvais compromis. Nous nous battrons, lors du prochain Conseil des ministres du travail, pour enfin avoir les moyens de lutter contre cela.

Mais j’aimerais terminer par un mot : je connais des entreprises, en France, qui sont les premières à demander la fin des abus mais qui sont aussi les premières à utiliser abusivement des travailleurs détachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Alors, que chacun prenne ses responsabilités, y compris les entreprises françaises. (Mêmes mouvements.)

Union bancaire européenne

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. Monsieur Sapin, si vous voulez lutter contre les fraudes, dénoncez la directive Bolkestein et tout ira beaucoup mieux ! Mais ne nous racontez pas d’histoires !

Monsieur le Premier ministre, je m’adresse à vous car ma question concerne plusieurs de vos ministres.

Il y a quelques jours, un quotidien du soir nous a révélé des informations sensationnelles, selon lesquelles nos chers amis américains nous espionnaient. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Cela n’a étonné que les sapeurs Camember et rendu un grand service au Café du commerce : on n’y parle plus de l’affaire Leonarda, dans laquelle vous avez fait un bel exercice de trapèze. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Mais nos chers alliés ont-ils besoin de nous espionner ? J’en doute fortement, puisque nous leur donnons tous nos secrets bancaires à livre ouvert. J’en veux pour preuve la décision de la BCE – qui compte en son sein, comme chacun sait, quelques beaux spécimens de Goldman Sachs, l’ENA américaine – de confier au cabinet américain Oliver Wyman la mission de procéder à un examen exhaustif des comptes de cent vingt-quatre banques européennes, dont treize françaises, examen préalable à la mise en place de l’union bancaire, qui au passage est une pure perte de souveraineté. Vous allez me répondre que la BCE est indépendante : non et non ! Elle l’est – malheureusement – pour la politique monétaire, mais pas dans l’exercice de supervision.

Mes questions sont simples : le Conseil européen va-t-il se saisir de cette question, qui est un vrai scandale ? Quelles mesures allez-vous prendre pour interdire à ces agents américains de venir espionner nos banques ? Il s’agit d’une question de sécurité nationale et européenne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député Jacques Myard, même les paranoïaques ont des ennemis, je le sais.

M. Jacques Myard. Oh !

M. Pierre Moscovici, ministre. Mais il me semble tout de même que vous poussez le bouchon assez loin.

M. Jacques Myard. Non !

M. Pierre Moscovici, ministre. Vous décrivez l’union bancaire comme une perte de souveraineté alors qu’elle permettra à l’Union européenne – mais je sais que vous la détestez de toutes vos forces…

M. Jacques Myard. Mais arrêtez ! J’aime l’Europe !

M. Pierre Moscovici, ministre. …de tirer enfin profit des bénéfices de l’euro.

M. Philippe Meunier. Lesquels ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Le problème aujourd’hui, c’est que selon que votre entreprise se trouve d’un côté ou de l’autre de la frontière italo-autrichienne, par exemple, vous ne payez pas du tout le même taux. Nous voulons précisément que les canaux de transmission de la politique monétaire de la Banque centrale européenne, qui est indépendante, aillent jusqu’aux petites et moyennes entreprises. Pour cela, il faut mettre fin à la fragmentation bancaire que nous connaissons, et qui est insupportable. Voilà pourquoi l’union bancaire est un très grand projet politique, dans lequel la France est impliquée, et elle l’assume totalement.

La première étape est celle de la supervision bancaire ; ensuite viendra celle de la résolution bancaire. Mais restons-en à la supervision bancaire : il a été demandé à la Banque centrale européenne de procéder à une revue indépendante des bilans des banques.

M. Jacques Myard. Avec un cabinet américain !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est sa responsabilité, et elle est parfaitement indépendante.

M. Jacques Myard. Non !

M. Pierre Moscovici, ministre. Cette autorité bancaire a demandé à un cabinet indépendant de l’assister dans cette tâche, en lui apportant son expertise.

Mais franchement, ne soyez pas suspicieux en tout… Ce qui compte, c’est que ce soient les autorités européennes, à commencer par la Banque centrale, qui aient la totale et pleine responsabilité de ce contrôle. C’est cela que vous critiquez, car vous n’avez jamais accepté le verdict de Maastricht et la création de l’euro.

M. Jacques Myard. C’est nul ! Nul !

M. Pierre Moscovici, ministre. Toutes vos questions y reviennent et elles n’ont pas en l’occurrence de sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Harmonisation sociale et fiscale

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi, pour le groupe écologiste.

Mme Danielle Auroi. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, le Conseil européen sera sans doute un conseil de transition, compte tenu des circonstances : exécutif allemand non calé, Commission européenne en panne de budget, élections européennes en vue. Mais le mécontentement contre l’Europe monte un peu partout, faisant le lit des extrémismes et des populismes. Nous n’en sommes plus au temps des habiles compromis : il y a le feu à la maison européenne. Faire passer le message de l’union suppose de réaliser des pas tangibles, exprimant une réelle solidarité européenne. Pour nous, cette solidarité doit s’exprimer par le haut, par le refus des dumpings sociaux et fiscaux, par la convergence sociale et fiscale.

Sur ce plan, monsieur le ministre, que peut-on attendre du prochain Conseil ? Pouvez-vous nous rassurer concrètement sur la possibilité de mettre en place un salaire minimum européen et un système européen de garantie-chômage ? Pour cela, il faut un fléchage budgétaire clair, et la volonté de construire un budget européen autonome, assurant la solidarité sociale, écologique et démocratique. Or le projet de taxe sur les transactions financières, qui répond à une revendication ancienne de solidarité, paraît en panne aujourd’hui.

Pourtant, les obstacles ont été levés à Bruxelles pour les onze volontaires de la coopération renforcée. La proposition de la Commission est sur la table et peut servir de base aux négociations. De plus, nos partenaires allemands semblent être maintenant positivement engagés sur ce projet. Pouvez-vous nous rassurer sur la volonté de la France d’avancer résolument à ce propos ? Qu’en est-il précisément de la position du Gouvernement sur la question de la résidence et sur celle de l’assiette de la future taxe ? Pouvons-nous espérer qu’y soient inclus tous les dérivés et les obligations ?

En bref, monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que dans les deux domaines du social et de la solidarité, la France ne se contentera pas de jouer a minima ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la présidente Danielle Auroi, je ne sais pas si ce Conseil européen sera un conseil de transition, mais il est vrai qu’il s’inscrit dans une conjoncture politique un peu particulière, puisqu’il a lieu avant les élections européennes et le renouvellement des institutions de l’Union, et à un moment où l’Allemagne, qui sort à peine des élections, est en train de travailler à la formation d’une coalition, qui réunira probablement le parti de Mme Merkel, la CDU-CSU, et le SPD.

En tout cas, comme le disait Michel Sapin, l’Europe sociale est de retour, très largement à l’initiative de la France. Cela s’est traduit notamment par une initiative commune du Président François Hollande et de Mme Merkel, le 30 mai dernier, au cours de laquelle ils ont évoqué deux points qui sont fondamentaux pour ceux qui ont l’Europe à cœur : d’abord la convergence des systèmes fiscaux, qui est sans doute une condition nécessaire pour les progrès de l’Europe sociale…

M. Jean Leonetti. C’est nous qui l’avons initiée !

M. Pierre Moscovici, ministre. …et ensuite la mise en place de salaires minimums, qui eux-mêmes sont une condition du progrès des politiques d’emploi. Vous savez que cela fait partie des principaux sujets de négociation entre les deux grands partis allemands qui travaillent à la formation d’une coalition.

Le Conseil européen travaillera demain sur ces propositions concrètes et proposera notamment un tableau de bord social.

Vous m’interrogez in fine sur la taxe sur les transactions financières. Cela me donne l’occasion de faire une mise au point, dans un contexte où l’on ne se comprend pas toujours. Je veux d’abord rappeler que la France est à l’initiative sur ce sujet : c’est elle qui a proposé, avec l’Allemagne, une coopération renforcée en la matière. La France veut une taxe sur les transactions financières qui soit ambitieuse, avec un rendement important et une assiette large, incluant notamment les devises et certains dérivés.

M. Jean-Luc Laurent. Quand ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Il est vrai qu’il y a là des enjeux de souveraineté et que la proposition de la Commission ne correspond pas à tous en tout point. Mais nous voulons avancer ensemble, avec vous, vers cette taxe ambitieuse, et nous y parviendrons ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Jean Leonetti. Lentement !

Économie numérique

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Lionel Tardy. Madame la ministre déléguée à l’économie numérique, à plusieurs reprises vous avez exprimé le souhait de voir la France jouer un rôle moteur dans la définition de l’agenda européen sur les questions numériques.

Nous ne pouvons que nous en féliciter et encourager ce volontarisme plus que nécessaire. Mais, sur ce sujet comme sur tant d’autres, nous ne vous avons pas attendu, contrairement à ce que vous avez prétendu. Nous avions organisé en 2011 l’e-G8, sommet mondial de l’internet – et pas uniquement européen – que vous seriez bien incapables de reproduire étant donné l’état de faiblesse actuel de la France.

Néanmoins, au regard des positions avancées par la France et des réactions qu’elles suscitent chez nos voisins européens, je crains que votre esprit d’initiative ne soit assimilé à un passage en force. Malgré le mini-sommet que vous avez organisé à Bercy il y a un mois, aucun consensus ne semble se dessiner autour des propositions françaises.

Vous avez, par exemple, mis l’accent sur la création d’une taxe au niveau communautaire. Cette initiative a été critiquée par certains pays, dont la Pologne, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie qui estiment à juste titre que toute taxation de ce type est vaine si elle n’est pas mise en œuvre à un niveau international.

Par ailleurs, je note avec regret que la contribution de la France est très orientée sur les questions de fiscalité et de propriété intellectuelle. Ne faudrait-il pas sortir de ce schéma de pensée et réfléchir plutôt en termes d’attractivité et de cadre juridique favorable pour les entreprises du numérique, comme l’ont fait les Britanniques dans leur contribution ? Ne faudrait-il pas enfin se donner les moyens de construire de véritables clusters européens capables de rivaliser avec la Silicon Valley ?

Madame la ministre, de quelle marges de manœuvre la France disposera lors de ce Conseil européen ? Pouvez-vous nous dire si un consensus préalable se dessine réellement ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Monsieur le député, je profite de votre question pour saluer l’initiative parlementaire prise récemment sous la forme d’une proposition de résolution adoptée à l’unanimité par la commission des affaires économiques la semaine dernière, ainsi que le travail d’Axelle Lemaire, d’Hervé Gaymard et de Corinne Erhel sur cette proposition de résolution.

Cette proposition saluait le travail effectué par le Gouvernement français pour préciser l’agenda du Conseil européen qui se tiendra demain et après-demain. Contrairement à ce que vous dites, monsieur le député, la taxation et la fiscalité ne sont pas du tout au cœur de la position française puisque, précisément, la position que nous avons construite vise à créer les conditions, en Europe, de l’émergence d’un écosystème numérique qui n’existe pas pour l’instant.

J’ai rappelé tout à l’heure un certain nombre de chiffres concernant les fabricants de téléphonie mobile. J’aurais également pu citer la question de la valorisation boursière des entreprises de l’internet, qui font apparaître l’Europe comme un nain vis-à-vis des États-Unis.

Vous avez raison, le sujet, aujourd’hui, c’est bien de construire une Europe du numérique. La fiscalité et la régulation ne sont que des aspects collatéraux des propositions que nous avons formulées.

Nous proposons de créer les bonnes conditions pour que l’Europe puisse s’approprier la révolution de l’internet 3.0, c’est-à-dire l’internet des données. Nous avons évoqué plus tôt le big data et les objets connectés : c’est cela qui est important aujourd’hui.

Nous proposons de créer un capital-risque européen. Aujourd’hui, l’une des difficultés que rencontrent les entreprises françaises et européennes est de trouver les financements pour accompagner leur création et leur croissance ; le financement par capital-risque européen est trop faible. Il nous faut aussi travailler sur la normalisation et la standardisation, dont nous connaissons aujourd’hui l’importance : que les technologies européennes soient reconnues et adoptées par l’ensemble des industries mondiales, c’est un enjeu important.

Les questions de régulation et de fiscalité sont collatérales. L’enjeu, c’est bien de créer l’Europe du numérique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Politique européenne de la pêche

M. le président. La parole est à Mme Annick Le Loch, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Annick Le Loch. Monsieur le ministre chargé de la pêche, le Parlement européen a débattu hier du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, le FEAMP. Les enjeux sont cruciaux pour l’avenir de nos littoraux, dont le poumon économique est la pêche.

De quoi s’agit-il ? Au 1er janvier prochain, la nouvelle politique commune de la pêche entrera en vigueur avec ce nouvel instrument financier qui prévoit 6,6 milliards d’euros pour soutenir les pêcheurs, notamment en les aidant à respecter l’interdiction de rejet de poisson en mer et à investir dans des engins sélectifs afin de préserver la ressource. Les pêcheurs ont déjà fait des efforts pour adapter leur capacité de pêche aux impératifs de gestion des stocks de poisson.

Le FEAMP doit aussi pouvoir accompagner le renouvellement et la modernisation de la flotte de pêche, ainsi que l’installation des jeunes. Il n’y a pas d’alternative pour offrir des perspectives à la filière.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelles priorités vous allez défendre pour soutenir la pêche française ?

Monsieur le ministre, je veux aussi attirer votre attention sur la défense des droits de pêche de la France. Vous le savez, les navires de pêche au large sont en proie à des difficultés, et des armements espagnols se sont mis sur les rangs pour acheter à prix élevés ces navires, non pour leurs performances, vu leur âge, mais pour les quotas de pêche qui leur sont rattachés.

Si une régulation n’est pas rapidement mise en œuvre, c’est une véritable hémorragie de notre flotte hauturière et de nos apports que nous risquons de vivre.

Après avoir rejeté l’instauration des quotas individuels transférables, comment la France entend-elle aujourd’hui défendre ses droits à produire ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Mesdames et messieurs les députés, chère Annick Le Loch, l’objectif est d’aller vers une pêche toujours plus durable, et les efforts qui sont réalisés par les pêcheurs sont importants. Ils se traduisent d’ailleurs par une augmentation des stocks puisque 61 % du stock de poisson de l’Atlantique Nord-Est est pêché durablement en 2013 ; cette proportion n’était que de 6 % en 2005.

Cette démarche est donc ambitieuse. Une nouvelle politique commune des pêches a été adoptée, vous l’avez indiqué. Un certain nombre de ses orientations ne manquent pas d’inquiéter les professionnels. Nous avons souhaité qu’elle puisse être comprise, acceptée, et donc qu’elle soit liée à des dispositions financières d’accompagnement.

Les discussions sont en cours au niveau européen : j’ai appris il y a quelques minutes que le Parlement européen venait d’adopter un texte portant notamment sur le FEAMP. Ce texte nous permettra d’accompagner cette politique commune des pêches, notamment en ce qui concerne les axes de défense de la France, qui a donc été entendue : modernisation des navires, enjeux de sécurité et conditions de travail, réduction de la dépendance énergétique et surtout, aide à l’installation des jeunes.

Par ailleurs, un volet particulier a été consacré aux outre-mers, que nous défendons. Désormais, une somme de 12 millions sera consacrée annuellement aux outre-mers. Cette somme n’était que de 6 millions précédemment.

Pour ce qui est du FEAMP en discussion, compte tenu du texte qui vient d’être voté par le Parlement européen et de la position de la France, je suis tout à fait serein sur la façon dont nous pouvons aborder le trilogue qui s’annonce, et notamment améliorer les piètres résultats des précédentes discussions menées par nos prédécesseurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Canal Seine-Nord

M. le président. La parole est à M. François-Xavier Villain, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. François-Xavier Villain. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche ; j’y associe mes collègues Jean-Louis Borloo, Stéphane Demilly et Arnaud Richard.

Monsieur le ministre, vous connaissez l’attente des habitants des régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie quant à la réalisation du canal Seine-Nord. Ces régions méritent d’être entendues autant que d’autres – plus que d’autres, peut-être ; mais toutes les régions de France demandent aujourd’hui une véritable politique d’aménagement du territoire plutôt que des interventions dans l’urgence et médiatisées. Mais là n’est pas ma question.

Ma question porte sur la politique de l’Union européenne en matière de transports. Nous nous réjouissons que cette politique voit les moyens qui lui sont consacrés multipliés par trois pour s’élever à 26 milliards d’euros pour la période 2014-2020. Nous nous réjouissons que cette politique identifie, parmi les neuf corridors prioritaires pour permettre le développement des échanges, le corridor Mer du Nord - Méditerranée dont le canal Seine-Nord est un maillon.

La Commission européenne évalue à 250 milliards d’euros les investissements à réaliser sur la période 2014-2020. L’aide européenne est portée à 26 milliards d’euros : dès lors, il y a lieu d’établir des priorités. La Commission européenne a confirmé que le canal Seine-Nord était une de ses priorités : il faut maintenant l’engagement des États. Monsieur le ministre, le canal Seine-Nord sera-t-il la priorité du Gouvernement français ? Avez-vous la certitude que l’Union européenne aidera à hauteur de 40 % la totalité des investissements du canal, comme elle l’avait fait pour les études durant la période 2007-2013 ? Enfin, selon quelle procédure et quel calendrier les travaux du chantier du canal Seine-Nord pourront-ils être repris ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député François-Xavier Villain, j’ai le souvenir d’un ancien président de la République…

M. Julien Aubert. François Hollande ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. …qui, à l’approche d’une élection présidentielle, clamait que 97 % du financement du canal Seine-Nord était acquis.

M. Julien Aubert. Mitterrand ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. J’ai aussi le souvenir du constat amer des candidats au partenariat public-privé qui démontraient que, alors que le coût du canal Seine-Nord était estimé à 4,4 milliards d’euros, il s’élevait en fait à 7 milliards d’euros, soit un manque de plus de 2 milliards.

J’ai également le souvenir d’un gouvernement qui annonçait que le canal Seine-Nord était une priorité et le répétait devant les populations,…

M. Julien Aubert. En tout cas, la priorité du gouvernement actuel n’est pas la lutte contre le chômage !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. …alors qu’il n’avait demandé à la Commission européenne qu’une subvention à hauteur de 6 %.

À mon arrivée au ministère des transports, il a fallu remettre les choses à l’endroit et donner une perspective à la réalisation du canal Seine-Nord pour éviter qu’il ne coule. Nous avons demandé à votre collègue Rémi Pauvros de travailler sur la reconfiguration de ce canal : il me rendra les conclusions de sa mission – un travail important – dans les prochaines semaines. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Par ailleurs, lors de la réunion du conseil des ministres européens des transports à Tallinn, en présence de Siim Kallas, j’ai signé un engagement avec mes homologues néerlandais et belge pour que cette infrastructure d’avenir de relance du transport fluvial puisse bénéficier de subventions à hauteur de 40 %. Si nous pouvons obtenir 40 % de subventions de la part de l’Union européenne, c’est bien grâce au combat mené par le Président de la République…

M. Julien Aubert. Et sur Léonarda ? Et sur les Roms ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. …afin que le réseau RTE-T que vous avez cité, le grand réseau de transport transeuropéen, puisse bénéficier d’une augmentation de 65 % des subventions. C’est un combat que la France a mené, c’est un combat que la France a gagné ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Formation des jeunes

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Isabelle Le Callennec. Ma question s’adresse au ministre des affaires européennes ; j’y associe mon collègue Marc Le Fur.

Au conseil européen de juin, une enveloppe de 6 milliards d’euros a été annoncée pour soutenir l’emploi des jeunes en 2014 et 2015 ; de même, 2 milliards d’euros doivent être consacrés au financement de projets dans les régions où le chômage des jeunes dépasse 25 %. C’est la fameuse garantie pour la jeunesse. Ce dispositif vise à ce que tous les jeunes de moins de 25 ans se voient proposer un emploi, une formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant leur sortie de l’enseignement ou la perte de leur emploi.

L’UMP a vu dans cette annonce l’espoir que le Gouvernement allait enfin consacrer des moyens à l’apprentissage. Le Président de la République évoquait même l’idée d’un Erasmus de l’apprentissage. Mais depuis ? Rien. Ou plutôt si : un arrêt brutal de la promotion de l’apprentissage au profit d’une coûteuse communication sur les emplois d’avenir (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) et une baisse considérable des dotations aux entreprises qui accueillent des apprentis. Résultat : un recul des entrées en apprentissage. L’objectif de 500 000 apprentis d’ici à 2017 s’éloigne dangereusement.

C’est dommage quand on sait que 80 % des jeunes formés en apprentissage s’insèrent dans l’emploi. C’est une occasion manquée quand on sait que les pays d’Europe qui favorisent l’apprentissage affichent un taux de chômage des jeunes inférieur à 10 %.

Plus inquiétant encore : vous donnez le sentiment de dévoyer l’esprit même de la garantie pour la jeunesse puisque vous venez de lancer, à titre expérimental sur dix territoires tests, la garantie jeunes, qui n’est autre qu’un RSA jeunes et n’a donc rien à voir avec le dispositif européen.

M. Christian Jacob. Eh oui !

Mme Isabelle Le Callennec. Ma question est triple, monsieur le ministre. La garantie jeunes ne va-t-elle pas devenir une exception française, à l’image des 35 heures ? (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.) Comment allez-vous répartir les 600 millions d’euros dévolus à la France ? L’éphémère ministre de la formation que vous fûtes a-t-il abandonné l’idée de soutenir l’apprentissage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et du chômage !

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, pourquoi voulez-vous dévoyer une très belle idée qui a été mise en place à l’initiative de la France, la garantie jeunesse, en posant des questions polémiques, purement nationales et parfaitement infondées ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Parlons d’abord de la garantie jeunesse. Oui, c’est une initiative française : le ministre des affaires européennes et moi-même en savons quelque chose. Oui, c’est la France et l’Allemagne, une fois encore, qui ont porté cette idée et l’ont fait adopter par l’ensemble des membres de l’Union européenne. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.) Oui, ce sont 6 milliards d’euros auxquels s’ajoutent d’autres milliards d’euros du FSE, qui seront mis au service, non au cours des six prochaines années mais dans les deux années à venir, de la lutte contre le chômage des jeunes,…

Mme Claude Greff. Nous n’en voyons pas les résultats !

M. Michel Sapin, ministre. …tout aussi inadmissible en France, en Allemagne, en Espagne, en Grèce et dans tous les pays où il est deux fois plus élevé que le chômage global.

M. Daniel Fasquelle. Créez des emplois !

M. Michel Sapin, ministre. C’est ce que nous faisons.

Madame Le Callennec, vous semblez vilipender la garantie jeunes…

M. Daniel Fasquelle. En effet !

M. Michel Sapin, ministre. …comme s’il s’agissait d’une exception en Europe. Sachez que les autres pays d’Europe nous demandent des précisions sur cette mesure, parce qu’ils ont envie de s’en inspirer…

M. David Douillet. Pas l’Allemagne !

M. Michel Sapin, ministre. …et non de la considérer comme une exception. Ils veulent que l’Europe puisse mettre en place, dans chaque pays, des outils de cette nature.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, demandez au ministre de se calmer un peu !

M. Michel Sapin, ministre. Madame Le Callennec, vous profitez de manière tordue et inexacte de votre question (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour parler de l’apprentissage. L’apprentissage est une priorité pour nous. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Calmez-vous, mes chers collègues.

M. Michel Sapin, ministre. L’apprentissage bénéficiera d’au moins autant de crédits – si ce n’est plus – que sous votre majorité.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas ce que disent les chiffres !

M. Michel Sapin, ministre. Non, l’apprentissage n’a pas diminué en France. Reportez-vous aux chiffres : le nombre des apprentis dans cette période, en septembre, n’a presque pas diminué par rapport à l’année dernière. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les chiffres sont au même niveau que l’année dernière : il n’y a pas de concurrence entre les emplois d’avenir et l’apprentissage. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Mes chers collègues, on ne s’entend plus !

M. Michel Sapin, ministre. Au contraire, ces deux dispositifs participent d’une même volonté : lutter contre le chômage des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Couverture sociale des travailleurs transfrontaliers

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Hillmeyer. Monsieur le ministre des affaires européennes, la convergence sociale et fiscale est un enjeu vital pour une Europe de l’emploi et de la croissance, qui protège ses citoyens et ses entreprises. La France et l’Allemagne se sont engagés ensemble à jeter les bases de cette future convergence et François Hollande a, lui-même, entrepris de jouer un rôle décisif dans cette démarche. Or le groupe UDI s’inquiète des décisions du Gouvernement, qui nous éloignent chaque jour davantage de cet objectif et vont dans le sens exactement opposé à l’évolution européenne.

L’impôt sur les sociétés est porté à 33,1 % quand la moyenne européenne s’élève à 23,5 % ; le manque de courage sur les retraites alors que tous nos partenaires européens prennent leurs responsabilités ; l’augmentation record des prélèvements obligatoires alors que toute l’Europe a choisi la modération fiscale ; un coût du travail qui reste trop élevé et un temps de travail qui, avec les trente-cinq heures, constitue une exception française : tous ces choix ou plus exactement ces non-choix sont un très mauvais signal envoyé à l’Europe.

Vous êtes en train de passer à côté de la grande question des prochaines années pour l’Europe et pour notre pays, celle de la convergence fiscale et sociale. Monsieur le ministre, je veux ici évoquer une illustration de ces divergences sociales que vous laissez se développer : la remise en cause du droit d’option issu d’un accord entre l’Union européenne et la Suisse, qui permet à plus de 130 000 frontaliers travaillant en Suisse de choisir leur assurance maladie. De nombreux autres travailleurs frontaliers domiciliés en Autriche, en Allemagne, en Italie en bénéficient également. Dénoncer cette convention va créer une différence de traitement entre les travailleurs frontaliers selon leur pays de résidence.

Quelle réponse comptez-vous leur apporter, monsieur le ministre ? Avez-vous une véritable politique fiscale et sociale proeuropéenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, si j’ai bien compris, vous m’interrogez sur la question des travailleurs transfrontaliers, qui travaillent en Suisse. Je dois dire que nous avons eu un peu de mal à suivre le fil de votre propos. (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)



Je veux vous rappeler que, contrairement à ce que vous avez indiqué, c’est votre majorité qui a pris la décision de mettre fin au régime dérogatoire dont bénéficient les travailleurs transfrontaliers de Suisse. Quelle est la situation ? Les résidents français qui travaillent en Suisse ont aujourd’hui la possibilité de choisir entre la Sécurité sociale française et une assurance privée en Suisse. Ils ont la possibilité de faire des allers-retours entre ces deux régimes.

Mme Annie Genevard. C’est très bien.

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce qui signifie, par exemple, que certains d’entre eux, lorsqu’ils sont jeunes et ne sont pas malades, prennent des assurances peu coûteuses en Suisse et lorsqu’ils ont davantage besoin de solidarité, reviennent vers la solidarité nationale française.

M. Bernard Accoyer. C’est faux !

Mme Marisol Touraine, ministre. Cela met en cause les principes de la solidarité de la Sécurité sociale. Le Gouvernement a la volonté d’engager des concertations sur la base d’échanges que nous avons eus avec l’ensemble des associations au cours de l’année écoulée, ainsi que sur la base du rapport de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale des finances, qui a préconisé une période transitoire. C’est ainsi que le Gouvernement a pris la décision de mettre en place une situation transitoire pendant un an, contrairement à ce que vous aviez envisagé. Je veux indiquer que, bien évidemment, l’ensemble des personnes qui aujourd’hui font l’objet de traitements lourds en Suisse pourront évidemment continuer ces traitements en Suisse. Cela ne changera rien pour eux.

M. Bernard Accoyer. Ils ne pourront pas se faire soigner chez nous.

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est un engagement du Gouvernement, un engagement de justice qui sera évidemment respecté.

M. François Sauvadet. On ne comprend rien !

Extension aux non-résidents des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Thierry Mariani. Avant de poser ma question, je voudrais rappeler qu’il y a trente ans, jour pour jour, cinquante-huit paras français étaient assassinés par les terroristes dans l’attentat de l’immeuble Drakkar à Beyrouth. Nous pouvons avoir une pensée pour eux.

J’en viens à ma question, qui s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances. Lors de la loi de finances rectificative de juillet 2012, votre majorité a adopté un dispositif visant à assujettir les non-résidents à des prélèvements sociaux supplémentaires sur leurs revenus fonciers et sur les plus-values immobilières perçues en France. Avec les députés du groupe UMP, je me suis fermement opposé à cette mesure injuste et injustifiée.

Avec ce dispositif, les Français de l’étranger font malheureusement, eux aussi, les frais de la fiscalisation tous azimuts du Gouvernement. Ils sont désormais redevables de la CSG et de la CRDS, qui ont pour vocation de financer la protection sociale. Or, par définition, la quasi-totalité des non-résidents ne peuvent en bénéficier. Alertée sur ce sujet à la suite de nombreuses plaintes, la direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion de la Commission européenne s’est penchée sur la conformité de cette mesure avec le droit européen.

La Commission, vous le savez, a conclu par un avis négatif et a donc ouvert une procédure d’infraction contre la France. Avec l’UMP, je me félicite d’une telle mesure, qui souligne la justesse de notre position. Ma question est donc double. Entendez-vous revenir à la raison et remettre en cause ce dispositif et cet impôt supplémentaire que vous risquez de devoir rembourser dans quelques années ? Et votre décision, dans ce cas, portera-t-elle uniquement sur les non-résidents communautaires, ce qui contribuerait à créer de l’injustice et des différences de traitement entre les non-résidents français, qu’ils soient communautaires ou non communautaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, le ministre de la défense et le ministre délégué à la défense participent à une cérémonie commémorative de l’événement tragique que vous avez évoqué.

La question que vous me posez concerne l’imposition aux prélèvements sociaux des plus-values immobilières. Comme vous le savez, l’imposition de ces plus-values relève d’un prélèvement libératoire à l’impôt sur le revenu de 19 % pour les résidents de l’Union européenne et de 33,3 % pour les non-résidents hors Union européenne. Il a été décidé, comme vous l’avez indiqué, lors de la loi de finances rectificative, de procéder à l’imposition au titre des prélèvements sociaux des non-résidents, de manière que ceux-ci puissent s’acquitter d’un impôt comparable à celui dont s’acquittent les résidents français lorsqu’il est procédé à des cessions immobilières ou foncières. Nous avons pris cette décision pour des raisons de justice fiscale.

Comme vous l’avez indiqué, la Commission européenne, mais aussi le Conseil d’État dans le cadre d’une question préjudicielle adressée à la Cour de justice de l’Union européenne, ont remis en cause le bien-fondé de cette décision. Nous ne partageons pas l’analyse de la Commission européenne, pour des raisons que je veux vous indiquer. D’abord, pour des raisons de justice. Ensuite, nous considérons que bien que les non-résidents ne bénéficient pas toujours du système de protection sociale français, il n’y a pas d’obstacle juridique à ce qu’ils soient imposés au titre des prélèvements sociaux. À ce titre, nous ne partageons pas l’analyse de l’Union européenne dès lors que ces prélèvements sociaux ne s’effectuent pas sur des revenus d’activité. Telle est la position du Gouvernement sur ce sujet.

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Sandrine Mazetier.)



Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 (nos 1412, 1470, 1462).

Hier soir, l’Assemblée a fini d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé du budget, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame et messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, nous nous sommes quittés hier à l’issue d’une discussion générale riche. Je salue la qualité des diverses interventions auxquelles je vais répondre rapidement.

Je tiens tout d’abord à renouveler mes remerciements à Mme la présidente de la commission des affaires sociales et aux rapporteurs, notamment pour avoir souligné que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous présentons avec Bernard Cazeneuve est un projet ambitieux pour les équilibres globaux. Gérard Bapt et Valérie Rabault ont eu raison de rappeler que ce texte va nous permettre de réaliser un effort substantiel qui repose, contrairement à ce qu’affirme l’opposition, sur la bonne maîtrise des dépenses.

Rappelons que l’ONDAM que nous avons fixé est le plus ambitieux depuis 1998. Comme l’a souligné Véronique Massonneau, les économies sont mises en œuvre sans être accompagnées de mesures qui iraient à l’encontre de l’intérêt des assurés sociaux, ce qui marque une véritable rupture.

Contrairement à ce que j’ai entendu du côté de l’opposition, de la part de Jean-Pierre Door et d’autres, qui ont en particulier évoqué à plusieurs reprises la question de la chirurgie ambulatoire, il y a ainsi dans ce projet de loi des mesures d’économie qui résultent directement de la valorisation de la chirurgie ambulatoire. Mais il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, monsieur Door. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Denis Jacquat. Il a un très bon ORL ! (Sourires.)

Mme Marisol Touraine, ministre. Je vois que vous ouvrez grand vos oreilles, et je m’en réjouis car nous avons quelques jours devant nous pour cheminer.

Je vous redirai ce qu’a souligné Olivier Véran, à savoir que nous nous engageons dans une démarche sérieuse de réduction des déficits, sans pour autant remettre en cause notre protection sociale.

Ces réformes de structure portent d’abord sur les retraites. Vous avez, monsieur Jacquat, repris ce débat, mais je n’y reviendrai pas. Nous avons eu l’occasion de l’aborder longuement dans cet hémicycle, et je veux à nouveau saluer le travail remarquable du rapporteur Michel Issindou sur ce texte. Je remercie Joëlle Huillier d’avoir dit qu’il s’agissait de la meilleure réforme des retraites depuis vingt ans, porteuse de droits nouveaux et de justice. Je m’étonne d’avoir entendu M. Marcangeli remettre en question le compte pénibilité ; j’ai envie de demander à l’opposition de s’accorder sur cette question car des positions divergentes se sont exprimées.

M. Denis Jacquat. La diversité est notre force !

M. Jean-Marc Germain. Nous sommes plus forts que vous ! (Sourires.)

Mme Marisol Touraine, ministre. J’entends que vous faites preuve de diversité sur la question des retraites ; une partie d’entre vous reconnaît donc que le texte que nous avons présenté est loin d’être l’abomination que d’autres parmi vous prétendent.

En ce qui concerne la branche AT-MP, je remercie Christian Hutin et Denis Robiliard d’avoir souligné que les modalités d’indemnisation des victimes de l’amiante devaient faire l’objet d’un travail attentif. Je connais leur engagement et leur volonté que nous avancions sur cette question très complexe. Je veux les assurer à nouveau de la détermination du Gouvernement.

Marie-Françoise Clergeau a insisté sur la vision positive, tournée vers l’avenir du Gouvernement, s’agissant de la famille, à l’opposé des caricatures que nous entendons sur les bancs de l’opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Est-ce que nous avons le droit de parler ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne veux même pas y revenir ; j’ai tellement entendu que la gauche n’aimerait pas la famille que je crois que vous vous discréditez ! Trouvez des arguments un peu plus sérieux.

M. Julien Aubert. Ça commence bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Marie-Françoise Clergeau ainsi que Linda Gourjade ont bien montré que notre choix a été de redresser la branche famille que vous aviez laissé couler, et de le faire de manière juste puisque moins de 15 % des familles sont mises à contribution, ce qui signifie que, pour 85 % d’entre elles, les prestations sont totalement préservées, voire améliorées dans certains cas. En même temps, nous portons une vision rénovée : nous souhaitons adapter la politique familiale à la réalité de la société, en permettant une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

Martine Pinville a rappelé la cohérence de notre action sur le médico-social, entre la stratégie nationale de santé et ce projet de loi, entre le projet de loi annoncé sur l’adaptation de la société au vieillissement de la population, le nouvel abondement du plan d’aide à l’investissement pour le médico-social ou encore le lancement d’un troisième plan autisme. Jérôme Guedj a raison de reconnaître et de soutenir le rôle essentiel de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie dans ce paysage. Nous voulons qu’elle puisse jouer pleinement le rôle qui est le sien, et je sais pouvoir compter, sur cette question comme sur d’autres, sur sa pleine mobilisation.

Je souhaite rassurer Rémi Delatte, qui s’interrogeait sur la manière dont le Fonds de solidarité vieillesse serait abondé. Le financement de ce fonds, tel qu’il est précisé dans notre projet de loi, tiendra compte de l’ensemble des mesures que nous prenons à l’occasion de la présente discussion, et les conséquences de l’adoption d’amendements seraient, comme chaque année, tirées à la fin de cette discussion.

Vous avez été nombreux à souligner l’importance de la mise en œuvre de ce texte dans la perspective de la stratégie nationale de santé, qui fait de l’accès aux soins un élément essentiel de notre politique. Christian Paul a salué l’engagement du Gouvernement pour la généralisation du tiers payant. Nous aurons l’occasion de revenir, dans la discussion, sur cet élément fort de la politique gouvernementale, à mille lieues des épouvantails que veut agiter une partie de la droite. C’est évidemment un élément important en matière de renforcement de l’accès aux soins pour nos concitoyens. Comme l’a souligné Valérie Rabault, pour le Gouvernement, tout renforcement de notre protection sociale constitue un facteur à la fois de cohésion du pays et d’accroissement de la compétitivité de notre économie. La santé est un facteur de développement et de croissance.

En matière d’accès aux soins, Sylviane Bulteau et, je le souligne, Bérengère Poletti, ont rappelé que l’accès à la contraception est un droit, que nous devons soutenir et accompagner. Nous aurons l’occasion de revenir sur les mesures annoncées, qui prolongent celles votées l’année dernière. Catherine Lemorton a eu raison de rappeler que l’accès à la contraception passe par des dispositions législatives mais aussi par le renforcement de l’information, qui doit permettre à toutes les jeunes femmes, à tous les jeunes gens de bénéficier de l’ensemble des mesures que nous mettons en place.

Madame Louwagie, il est difficile de vous entendre sur la multiplication des refus de soins, alors que vous avez soutenu un gouvernement qui a multiplié les obstacles sur le parcours de soins de nos concitoyens (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Denis Jacquat. Ce sont des mirages, sûrement !

Mme Marisol Touraine, ministre. …mais je ne doute pas que vous approuverez les mesures que nous proposons pour favoriser l’accès de l’ensemble de nos concitoyens à l’optique.

En écho aux propos de Jean-Louis Roumegas, je veux rappeler que la santé environnementale et, plus généralement, les actions de prévention sont au cœur de la politique que je mène et de la stratégie nationale de santé sur laquelle nous travaillons.

La politique de santé de ce gouvernement repose aussi sur la modernisation du financement des hôpitaux. Christian Paul l’a rappelé, il est temps de rompre avec l’obsession de la tarification à l’activité, ce dogme d’une application intangible. Puisque Jacqueline Fraysse a cité le rapport Couty, je rappellerai, ce qu’elle n’a d’ailleurs pas nié, que beaucoup de travail a été effectué depuis un an avec les acteurs de l’hôpital public : fin de la convergence tarifaire, reconnaissance à nouveau du service public hospitalier, publication de l’ensemble des décrets prévus par la concertation sur les pouvoirs de la commission médicale d’établissement et des commissions techniques… Nous avons deux grandes avancées : le soutien à l’investissement hospitalier et la préservation du financement des missions d’intérêt général. Je veux dire à Jacqueline Fraysse ainsi qu’à Ségolène Neuville que ces avancées doivent être confortées, car l’hôpital public est au cœur de notre politique, et nous n’avons pas la volonté, en ce qui nous concerne, d’opposer le secteur public au secteur privé, la médecine ambulatoire à l’hospitalisation ; nous souhaitons que chacun tienne pleinement sa place, dans l’intérêt de nos concitoyens.

Enfin, plusieurs interventions portaient sur les complémentaires de santé. Fanélie Carrey-Conte a souligné que ce projet de loi marquait une nouvelle étape dans l’accès à la complémentaire santé de qualité pour tous que souhaite le Gouvernement. Nous aurons l’occasion d’aborder ces questions. La complémentaire santé, c’est aussi celle des étudiants, madame la présidente de la commission des affaires sociales, et je crois que le rapprochement, soutenu par le Gouvernement,de la mutualité étudiante avec la mutuelle générale de l’éducation nationale, depuis le mois de mars dernier,  a permis des progrès importants, qui peuvent encore être prolongés, et le Gouvernement y est attentif.

Je conclurai en renouvelant mes remerciements à tous ceux qui se sont exprimés. D’autres sujets devront faire l’objet d’approfondissement. Je pense notamment à la question du médicament. Il n’y a pas de contradiction entre la volonté de réguler la consommation de médicaments et celle d’une politique d’innovation en direction de l’industrie pharmaceutique. Je salue le travail remarquable mené par les officines pharmaceutiques ainsi que la qualité des relations que nous entretenons avec leurs représentants dans un travail au quotidien. Nous aurons, mesdames et messieurs les députés, l’occasion d’aller de l’avant et d’approfondir chacun de ces sujets au cours de nos débats.

Première partie

Mme la présidente. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement, en commençant par les dispositions relatives à l’exercice 2012.

Article 1er

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits à l’article 1er.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Je m’exprimerai sur les deux premiers articles, relatifs aux comptes de la Sécurité sociale pour 2012. On constate dans ces articles, devant les sommes très importantes du régime général, qui dépassent le budget de l’État, que le déficit de l’année 2012 diminue de 4 milliards d’euros par rapport à 2011. C’est à mettre sur le compte des efforts importants en médecine ambulatoire et sur le médicament, soumis à un régime assez sévère. D’ailleurs, sur cet exercice 2012, non seulement l’ONDAM a été respecté, mais les dépenses ont même été inférieures de 1 milliard d’euros par rapport à ce qui avait été fixé ici même dans le PLFSS 2011.

Cependant, la question qui se pose, sur tous les bancs de cette assemblée comme à tous les responsables politiques et à tous nos compatriotes, c’est celle de la pérennité des déficits et de la Caisse d’amortissement de la dette sociale qui, de prolongement de vie en prolongement de vie, à quoi tout le monde a contribué, y compris la droite, reste chargée à un niveau d’environ 150 milliards d’euros. Si les taux d’intérêt venaient à augmenter, ce que l’on ne peut écarter, la situation, comme pour la dette de l’État, serait encore plus difficile. Il y a donc lieu de faire un effort pour que les comptes soient mieux maîtrisés, car nous restons le seul pays de l’Union européenne, avec la Grèce et l’Espagne, à avoir un déficit de nos comptes sociaux.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Puisque nous en sommes à l’examen du premier article de ce PLFSS pour 2014, je voudrais faire part de mon inquiétude, en appuyant les propos de mes collègues Francis Vercamer et Arnaud Richard du groupe UDI, sur le financement des maisons de santé pluridisciplinaires. Je n’ai rien vu dans ce PLFSS sur les maisons de soin et les maisons de santé, notamment en milieu rural.

Vous savez comme moi que l’Observatoire national de la démographie des professions de santé donne les chiffres de 206 médecins pour 100 000 habitants en 1979 contre 322 aujourd’hui. Nous avons donc un problème de répartition de la présence des médecins sur le territoire national. Je profite de votre présence, madame la ministre de la santé, ainsi que de celle du ministre du budget, pour suggérer au Gouvernement que soient prises d’ici à la fin de l’examen du présent projet de loi, peut-être par voie d’amendement, les mesures qui s’imposent afin d’appuyer les travaux de l’ancien gouvernement mais aussi de l’actuel Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui a fait des annonces sur la création de maisons de santé.

Je voudrais aussi appeler votre attention en vue d’une meilleure articulation entre l’action des agences régionales de santé, qui s’expriment sur des projets professionnels, et les financements d’État, notamment les attributions FNADT et DETR. Cette mise en garde à l’occasion de l’examen de l’article 1er vise à laisser au Gouvernement la possibilité de nous faire part de ses propositions précises d’ici à la fin de l’examen de ce PLFSS 2014.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. S’agissant des maisons de santé, je peux vous répondre immédiatement, monsieur Benoit. Le Gouvernement a en effet la volonté de conforter la place de pôles pluridisciplinaires de santé, dans lesquels les maisons de santé sont un élément décisif. J’ai annoncé au mois de décembre dernier le lancement d’un pacte territoire-santé qui s’appuie notamment sur le renforcement des moyens accordés aux maisons pluridisciplinaires de santé dans les territoires qui ont besoin de structurer leur offre de soins. Dans ce projet de loi, l’ONDAM – soit la définition des dépenses – inclut des aides au fonctionnement pour des maisons pluridisciplinaires de santé. Par ailleurs, nous prévoyons le financement d’un nombre accru d’équipes pluridisciplinaires de médecins, car nous ne voulons pas simplement financer des maisons, des murs ou du fonctionnement, mais aussi des projets de santé qui sont in fine le plus important.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Je voudrais rassurer le président Accoyer sur les aspects budgétaires qu’il a évoqués, en rappelant quelques chiffres et quelques principes. Le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse était de 20,8 milliards d’euros en 2011 ; nous l’avons ramené à 17,5 milliards d’euros en 2012, en raison de décisions que nous avons été amenés à prendre dès notre arrivée aux responsabilités ;…

M. Pascal Terrasse. Leur bilan, c’était le dépôt de bilan !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …puis il a continué à diminuer pour atteindre 16,2 milliards d’euros en 2013 ; nous souhaitons parvenir à 12,8 milliards d’euros en 2014. Cela signifie que nous nous inscrivons dans une trajectoire continue de diminution du déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, là où en 2010, monsieur Accoyer, alors que la croissance était de 1,5 %, le déficit atteignait 28 milliards d’euros et augmentait de 4,5 milliards d’euros en une année.

M. Dominique Tian. Et en Allemagne ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez raison d’indiquer qu’il faut prendre des dispositions relatives à la CADES. L’ancienne majorité a d’ailleurs défini en 2005 des principes la régissant : injecter systématiquement des ressources lorsqu’elle contracte de nouvelles dettes et ne pas allonger la durée d’amortissement des dettes qui lui ont été transférées. Or vous avez contrevenu à deux reprises à la règle que vous vous étiez vous-mêmes fixée : en 2008, vous avez décidé de transférer des ressources de la Sécurité sociale à la CADES, créant les conditions d’une accumulation de dettes accumulées se traduisant par les déficits d’aujourd’hui et de demain ; en 2010, vous avez allongé la durée d’amortissement de la dette. Cette année, parce que nous faisons des efforts de réduction de déficit des branches, notamment de la branche vieillesse, dans le cadre du plafond de 62 milliards d’euros, qui se décline en un plafond de 10 milliards d’euros annuellement, nous allons reprendre une partie de la dette des branches maladie et famille à hauteur de 4 milliards d’euros. Cela devrait donc vous rassurer totalement, monsieur Accoyer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Après avoir examiné le tableau d’équilibre, je voudrais réagir sur deux points : la réduction de la dette ces deux dernières années et l’effort important de la médecine de ville. Comme l’a dit Bernard Accoyer, nous avons connu une réduction importante du déficit – 10,6 milliards d’euros – en deux ans, puisqu’il était de 13,3 milliards d’euros en 2012 et de 17,4 milliards d’euros en 2011. Cela mérite d’être souligné. Quant à la réduction des dépenses de ville, elle se poursuit depuis quatre ans, grâce à la diminution des achats de médicaments en pharmacie, des arrêts maladie ou encore d’un certain nombre de prescriptions. L’économie réalisée est de 950 millions d’euros en 2012, 700 millions d’euros en 2011 et 400 millions d’euros en 2010, selon la Cour des comptes. Elle pourrait être de 500 millions d’euros en 2013. Cet effort important relatif à la maîtrise de l’ordonnance mérite d’être souligné et nous pouvons nous en réjouir. Il fait honneur aux médecins qui ont respecté les injonctions de l’assurance maladie s’agissant du contrôle des dépenses.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Peut mieux faire !

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Il n’y a malheureusement, dans ce projet de loi, aucune ligne directrice concernant la santé publique.

M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales. Vous pouvez ne pas être d’accord, mais vous ne pouvez pas dire ça !

M. Denis Jacquat. Il y a des taxes, qui entrent dans le cadre de la santé publique, mais, madame la ministre, nous en avions déjà parlé l’année dernière, une politique de santé publique avec un chapitre sur la prévention serait nécessaire dans le cadre d’un PLFSS. Si la politique de prévention est bonne à court, moyen et long termes, on peut être sûr que les déficits de la Sécurité sociale diminueront dans le temps. En réponse à ce que vous avez dit à M. Benoit sur les maisons pluridisciplinaires de santé, n’oubliez pas que nous étions d’accord à l’unanimité pour mettre en place l’éducation thérapeutique du patient.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Nous ne devons pas dissimuler sans cesse les réalités, ni non plus, monsieur le ministre, reporter sur les autres les difficultés financières, en particulier de la branche maladie. Cet article 1er permet d’observer la réduction du déficit qui s’est faite en 2012 par rapport à 2011, surtout pour la branche maladie – de 8,6 milliards d’euros à 5,9 milliards d’euros –, et un ONDAM qui a été respecté les trois dernières années. C’est après la crise financière et économique des années 2008 à 2010 que les déficits étaient effectivement les plus importants. Toutefois, il y a eu un net rattrapage qui est le fait de l’ancienne majorité. Nous devons le redire ! En 2012, la réduction est donc de 5,9 milliards d’euros. Mais vous avez malheureusement subi vous aussi, comme la Cour des comptes l’a confirmé, une petite catastrophe de plus d’un milliard d’euros puisque le déficit de la branche maladie atteint 7 milliards d’euros, au lieu des 6 milliards d’euros attendus.

La majorité précédente avait aussi réussi à faire des efforts pour réduire ces déficits, grâce, comme Mme Louwagie l’a rappelé, à la forte responsabilité du corps médical qui a respecté l’ONDAM pendant les trois ans. La vérité doit être rétablie, au lieu de dissimuler les chiffres comme cela.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Madame la ministre, vous n’avez pas répondu à mes questions d’hier soir, alors que j’ai eu l’impression de poser une question que beaucoup se posent : pourquoi, en Allemagne, à l’occasion du débat sur le PLFSS, discute-t-on des excédents de la sécurité sociale allemande…

M. Christian Paul, rapporteur. Ce n’est pas le même système !

M. Dominique Tian. … quand, en France, on essaie de limiter le déficit, monsieur le ministre, à 12,5 ou 13,5 milliards d’euros ? Qui plus est, comme vous ne l’avez pas dit, le total de la dette de la Sécurité sociale s’élève à 100 milliards d’euros. Si vous estimez que votre PLFSS est dynamique et qu’il va dans le bon sens, nous ne devons pas parler du même. La comparaison des situations française et allemande méritait une réponse de la ministre, d’autant que j’avais fait l’effort de rester dans l’hémicycle jusqu’à une heure du matin pour en discuter. L’Allemagne n’est pas n’importe quel pays, puisque le Président de la République fait souvent référence à son modèle économique. Nous aurions donc pu passer deux minutes à tenter de comprendre pourquoi nous sommes le mauvais élève de l’Europe.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La réponse à votre question est très simple, monsieur Tian : en Allemagne, la droite française n’a pas gouverné pendant dix ans. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul, rapporteur. C’est ce que l’on appelle une volée de revers !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je veux répondre, monsieur Tian, à vos propos d’hier soir, qui ne portaient pas sur le sujet que vous venez d’évoquer, mais sur la relation entre la médecine de ville et la médecine hospitalière et l’évolution différenciée des dépenses hospitalières et des dépenses de ville. Vous appeliez alors le Gouvernement à être particulièrement attentif aux dépenses hospitalières, ce qui est le cas, puisque pour la première fois, l’évolution des dépenses hospitalières sera moins importante que celle des dépenses de ville, sans pour autant que nous opposions les acteurs du privé à ceux du public.

Mme la présidente. Mes chers collègues, avant que nous n’engagions la discussion sur les articles suivants et les amendements, la parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, qui souhaite nous faire un point relatif à l’article 40.

M. Gérard Bapt, rapporteur. La parole au bourreau !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je ne suis pas du tout un bourreau, monsieur Bapt !

M. Jérôme Guedj. Vous avez sabré !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Avant que ne s’engage la discussion des articles, je souhaite vous dire quelques mots sur la manière dont j’ai exercé le contrôle de la recevabilité des amendements déposés sur ce texte. Sur les 808 amendements déposés, 148 ont été déclarés irrecevables – soit un taux de 18,3 %. Ce taux est plus élevé que la moyenne des autres textes, mais il est moins élevé que l’an dernier et qu’il y a deux ans. La tendance va donc dans le bon sens et montre que nous respectons mieux les dispositions organiques et constitutionnelles. Comme je l’ai dit, monsieur le ministre délégué, à propos de la loi de finances, celle-ci aussi bien que la loi de financement doivent être non seulement conformes à l’article 40 de la Constitution, mais aussi aux dispositions de la LOLF et de la LOLFSS, laquelle prévoit l’interdiction des « cavaliers sociaux ». On a petit à petit éliminé les cavaliers budgétaires, mais les cavaliers sociaux sont encore assez nombreux, presque un régiment de cavalerie ! En tout cas, il y en a plusieurs dizaines.

S’agissant des amendements déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, parce qu’ils créaient ou aggravaient une charge publique, ce sont des amendements qui portaient soit sur la création de structures permanentes ou l’extension d’un financement par un organisme de sécurité sociale, ou encore des amendements qui facilitaient l’affiliation à un régime, ce qui est toujours analysé comme une charge dans la mesure où l’affiliation est créatrice de nouveaux droits. De même, je rappelle qu’il n’est pas possible de flécher une dépense, quand bien même cela ne changerait pas le montant global de l’enveloppe, car cela contraint l’organisme à dépenser, constituant par là, indubitablement, une charge nouvelle.

Par ailleurs, seuls neuf amendements ont été censurés parce qu’ils constituaient une perte de recettes non gagée. En revanche, comme de coutume, j’ai fait preuve d’une grande bienveillance en rectifiant de moi-même les amendements mal gagés qui ne visaient généralement pas le bon organisme, pour qu’ils puissent être examinés.

M. Julien Aubert. Vive le président Carrez !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. S’agissant des cavaliers sociaux, le Conseil constitutionnel est très vigilant et il censure tout amendement qui n’a pas d’impact ou un impact trop indirect sur l’équilibre des régimes de base de sécurité sociale. À ce titre, j’ai écarté soixante-sept amendements, qui, comme l’an dernier, portaient, pour le plus grand nombre d’entre eux, sur les médicaments, qu’il s’agisse des autorisations de mise sur le marché ou des mentions portées sur les ordonnances. D’autres portaient sur les pouvoirs des directeurs des ARS ou modifiaient la composition d’instances. J’ai également écarté les amendements intéressant des organismes de sécurité sociale non obligatoires comme la caisse des Français de l’étranger : si elle gère un régime de base, celui-ci est facultatif et il n’entre donc pas dans le champ des lois de financement tel qu’il est défini par la loi organique.

Par ailleurs, j’ai appliqué avec compréhension la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de financement pour 2013 qui précisait que « les dispositions relatives aux organismes qui gèrent des dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie peuvent figurer en loi de financement ». J’ai entendu cette définition au sens large en considérant, c’est un point très important, que les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens des établissements hospitaliers entrent dans le champ des lois de financement.

Enfin, j’appelle votre attention sur une interprétation parfois trop extensive de certains assouplissements jurisprudentiels, et j’ai rencontré le même problème s’agissant de la loi de finances. En effet, il est vrai qu’un amendement peut être déclaré recevable s’il est couvert par une intention du Gouvernement. Mais encore faut-il que celle-ci ait été exprimée antérieurement, soit en commission, soit en séance publique, et de façon suffisamment précise. Autrement dit, il ne suffit pas que le ministre se déclare favorable de façon générale : il faut qu’il précise exactement le champ de la mesure qu’il vise et qu’il admette la prise en charge de son coût éventuel.

J’ai essayé de mener mon travail avec discernement et en laissant toujours le doute bénéficier à l’initiative parlementaire.

M. Christian Paul, rapporteur. Excellent !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Par conséquent, il reste 535 amendements en discussion, ce qui nous permettra, j’en suis sûr, d’avoir un débat nourri. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Noël Carpentier. Très bien !

(L’article 1er est adopté.)

Article 2 et annexe A

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais revenir sur la situation de la CADES car je regrette que nous n’en parlions pas plus. Nous n’avons pas pu en débattre en commission des affaires sociales en raison du peu de temps dont nous disposions alors que c’est un sujet qui mérite d’être abordé.

Depuis 1996, plus de 200 milliards d’euros de déficit y ont été transférés ; il reste aujourd’hui 148 milliards à amortir au titre de l’année 2012, soit encore plus que les 139 milliards de l’année 2011. Cela traduit un endettement fort du régime général de la Sécurité sociale : quasiment 174 milliards d’euros l’année dernière. Je voudrais connaître l’avis du ministre du budget sur les conséquences de l’évolution des taux d’intérêt. Il y a quelques mois, la CADES se finançait à des taux particulièrement élevés, proches de 7,5 % alors que, selon les références de la Cour des comptes sur la période 2005-2011, le coût de financement n’était pas supérieur à 2 %. Vous avez presque dénoncé dans vos propos, monsieur le ministre délégué, le dispositif actuel. Mais qu’on le considère pertinent ou non, opérant ou pas, il existe et mérite donc d’être analysé afin que la représentation nationale dispose d’éléments de réponse.

Par ailleurs, il serait intéressant que notre commission des affaires sociales auditionne le président du conseil d’administration de la CADES sur l’impact du poids de son endettement et du déficit de la Sécurité sociale que nous transférons sur les générations futures.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements rédactionnels, nos 621 rectifié et 622, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général, pour les soutenir.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Il s’agit en effet de deux amendements rédactionnels, déposés à titre personnel. Je vous invite à lire le premier à ma place, mes chers collègues, car les membres de l’Assemblée parlementaire de la francophonie risqueraient de me reprocher ma prononciation du sigle développé ECP. (Sourires.) Quant au second, il est encore plus rédactionnel.

J’en profite pour signaler que 2012 a été une année charnière puisque dès le milieu de l’année, nous pouvions constater que l’évolution de la croissance et de l’emploi conduisait à une diminution des recettes. Celle-ci a été compensée à hauteur d’un milliard et demi par la loi de finances rectificative de juillet 2012, ce qui a permis de respecter, à la centaine de millions d’euros près, les engagements que le Gouvernement avait pris. Il faut au moins saluer la stabilité du solde par rapport aux prévisions bien qu’il ait été grevé depuis le début de ce cycle de dépression qui allait se manifester pleinement au premier semestre 2013. C’est ce qui explique bien entendu les difficultés de l’équilibre des comptes, avec un déficit des recettes, notamment des cotisations sociales.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. J’ai senti le petit malaise de M. Bapt à propos de l’anglais, en m’étonnant que ce bon à moyen terme négociable ne puisse pas tout simplement être appelé en français « euro-papier commercial », traduction exacte qui permettrait, en plus, de respecter notre belle Constitution. Je propose donc de substituer aux mots : « euro commercial papers », les mots : « euro-papiers commerciaux ».

Mme la présidente. S’agit-il d’un sous-amendement oral à l’amendement n621 rectifié, monsieur Aubert ?

M. Julien Aubert. Oui, madame la présidente, si le rapporteur veut bien l’accepter.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur ?…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je suis d’accord pour que l’on s’en tienne à une formulation francophone.

Mme la présidente. Je considère donc que l’amendement est ainsi rectifié.

(Les amendements nos 621, deuxième rectification, et 622 sont successivement adoptés.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Continuons ainsi ! (Sourires.)

(L’article 2, amendé, et l’annexe A sont adoptés.)

Vote sur l’ensemble de la première partie

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013.

(L’ensemble de la première partie du projet de loi est adopté.)

Deuxième partie

Mme la présidente. Nous abordons maintenant la deuxième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives à l’année 2013.

Article 3

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 3.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Cet article transfère une partie des ressources du fonds pour l’emploi hospitalier, créé en 1994 pour gérer les complications, notamment créées par les 35 heures, pour les personnels hospitaliers.

M. Pascal Terrasse. les 35 heures en 1994 ? Drôle de notion du temps !

M. Bernard Accoyer. Ce fonds a permis d’absorber un certain nombre de difficultés. Il est alimenté par 1 % de la masse salariale des hospitaliers publics, abondement considérable. Il est en excédent et le Gouvernement en détourne une partie…

M. Christian Paul, rapporteur. Cessez de parler de détournements !

M. Gérard Bapt, rapporteur. On n’est pas chez Balkany !

M. Bernard Accoyer. …en direction de la CNRACL, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Or l’un des problèmes contre lesquels on essaye de lutter depuis des années dans les projets de loi de financement de la Sécurité sociale, c’est la complexité des tuyauteries que même les plus habiles d’entre nous n’arrivent que difficilement à suivre. C’est un problème de transparence. L’un des droits fondamentaux des parlementaires d’abord, des citoyens ensuite, c’est tout de même de savoir à quoi servent les prélèvements, les impôts, les cotisations, l’abondement de tel ou tel organisme par un employeur.

En plus, ce détournement de 200 millions d’euros n’a pas été effectué vers un organisme anodin mais vers la CNRACL. On voit donc la confusion que crée l’affectation de ces fonds hospitaliers, d’autant plus que l’on connaît la difficulté budgétaire qu’endurent beaucoup d’établissements – même si certaines situations ont été améliorées depuis quelque temps. Cette opacité ne paraît pas une bonne chose. Il vaudrait mieux diminuer les sommes allouées sur la trésorerie des hôpitaux en direction de ce fonds et augmenter les cotisations perçues par la CNRACL si celle-ci en a besoin. Ce serait de la bonne gestion et une comptabilité transparente à laquelle chacun a droit.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. On assiste en effet avec l’article 3 à un transfert direct de 200 millions d’euros, pris sur le fonds pour l’emploi hospitalier au profit de la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales. Ces deux organismes étant gérés par la Caisse des dépôts et consignations, pourquoi un tel virement ? Il n’y a pas d’explication, en dehors du fait que le fonds a des réserves à hauteur de 233 millions d’euros et que la CNRACL, elle, a des besoins de trésorerie évalués à 800 millions en 2014.

Il est important de rappeler l’origine de ces réserves : elles résultent d’une contribution de 1 % à la charge des employeurs hospitaliers pour prendre en charge, au profit du personnel de ces établissements, des surcoûts au titre du temps partiel, de la cessation anticipée d’activité, de certaines formations, de la réduction du temps de travail à 35 heures, de l’aide à la mobilité et du compte épargne temps. J’ose espérer que le fonds pour l’emploi hospitalier ne manquera jamais de trésorerie pour subvenir aux besoins que je viens d’évoquer et qui ont motivé sa constitution. Je rappelle que ces ressources étaient destinées au personnel hospitalier, et on peut prendre le transfert d’aujourd’hui comme un véritable hold-up au détriment du financement de dispositifs d’aménagement du temps de travail du personnel.

J’ai bien relevé dans l’article que cette mesure serait exceptionnelle. Pouvez-vous m’affirmer, madame la ministre, monsieur le ministre, qu’elle ne sera pas reconduite ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la députée, je suis confus de ne pas avoir eu le temps de répondre à votre précédente question sur la CADES, mais je veux le faire maintenant parce qu’elle est importante. Vous le savez : la majorité précédente a transféré, en 2010, 130 milliards à la CADES. Je ne remets pas du tout en cause l’existence de cette caisse, mais elle doit être gérée conformément aux règles qui lui ont été assignées, ce qui passe notamment par le non-allongement de la durée d’amortissement, contrairement à ce qui a été fait en 2010 et qui est regrettable. C’est la raison pour laquelle nous reprenons cette année une partie de la dette de la branche famille et de la branche assurance maladie, ce qui est rendu possible par nos efforts de réduction des déficits de la branche retraite. Vous m’avez aussi interrogé sur les taux d’intérêt : ils sont historiquement bas, et par conséquent nous n’avons pas de difficulté à remplir nos objectifs. Le président de la CADES a par ailleurs considéré que cette disposition du PLFSS n’allongera pas sa durée d’amortissement. Vous devez donc être totalement rassurée.

J’en viens aux propos de M. Accoyer sur ce qu’il a appelé le détournement. Les termes ont toujours une connotation, une capacité d’évocation.

M. Pascal Terrasse. Toujours dans la subtilité !

M. Bernard Accoyer. Je n’ai pas parlé de hold-up !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Votre collègue a employé le mot « hold-up », terme voisin. Je vous propose, si vous en êtes d’accord, monsieur Accoyer, d’utiliser le terme de reroutage, qui me paraît moins connoté, plus précis et plus conforme à la réalité.

M. Bernard Accoyer. C’est en effet plus subtil ! (Sourires.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pourquoi ? Tout d’abord, parce que ce Fonds pour l’emploi hospitalier est structurellement excédentaire, au point de l’être aujourd’hui à hauteur de 40 millions d’euros, alors que la CNRACL est déficitaire. Il n’y a pas de raison que certaines structures soient excédentaires quand les déficits de certaines autres ne sont pas comblés.

Le deuxième argument, parce que le premier ne suffit pas, est qu’il y a un lien organique entre les deux structures : la CNRACL contribue au financement des retraites de l’ensemble des personnels, y compris les personnels hospitaliers. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il ne s’agit pas d’un détournement mais d’un « reroutage ».

Enfin, si nous ne faisions pas cela, nous pourrions retenir votre proposition qui consiste à augmenter les cotisations au titre de la CNRACL, et que payent les collectivités territoriales. Lors des questions au Gouvernement, vous seriez alors les premiers à vous lever pour dire qu’il est scandaleux de prendre des mesures qui consistent à alourdir les charges qui pèsent sur ces collectivités.

Comme nous n’avons aucune raison de vous offrir cette occasion, je vous propose de retenir la proposition que nous formulons.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Valérie Rabault, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. En tant que membre du conseil de surveillance de la CADES comme M. Accoyer, je voudrais apporter quelques précisions à Mme Louwagie. Les taux d’intérêt d’emprunt de la CADES n’ont jamais été de 7 % depuis sa création. Le chiffre que vous avez mentionné est donc inexact.

Par ailleurs, on constate au 31 juillet que la CADES emprunte à des taux voisins de 2,9 % et que l’écart de taux entre les obligations de l’État français et les emprunts de la CADES se resserre. Les comparaisons avec différents organismes européens qui n’ont pas tout à fait les mêmes fonctions que la CADES – rappelons que la France est le seul pays à amortir sa dette sociale – montre que l’écart des taux se resserre, comme c’est le cas notamment avec le KFW allemand.

Les conditions de financement sont donc très favorables actuellement et, je le répète, la CADES n’a jamais emprunté à 7 %.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n516.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet article prévoit un transfert de 200 millions d’euros du Fonds pour l’emploi hospitalier vers la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, auquel nous sommes opposés pour diverses raisons.

D’abord, la CNRACL est une caisse de retraite pour les agents des fonctions publiques territoriales et hospitalière qui n’était pas déficitaire ; elle ne le devient qu’après les compensations qu’elle verse aux régimes de retraite du privé. Au passage, je fais observer à tous ceux qui réclament un alignement des régimes de retraite des fonctionnaires sur le privé, qu’en l’occurrence, ce ne sont pas les salariés du privé qui participent au financement des retraites des fonctionnaires mais l’inverse. Fermons la parenthèse.

Le second point de désaccord a trait au Fonds pour l’emploi hospitalier. Le FEH a pour objet la prise en charge des surcoûts financiers supportés par les établissements hospitaliers, notamment au titre du temps partiel. Il est financé par une contribution de 1 % à la charge des employeurs hospitaliers, assise sur la rémunération de leurs salariés. Il est structurellement excédentaire et son niveau de réserves devrait continuer à augmenter lors des prochains exercices, nous dit-on.

Alors, de deux choses l’une : soit les hôpitaux dont la situation financière n’est pourtant pas florissante, contribuent à ce fonds au-delà des besoins et il faut réduire cette contribution ; soit les besoins existent et il n’est pas admissible que ce fond soit sous-utilisé, excédentaire. Dans les deux cas, il n’y a aucune raison que les hôpitaux publics soient ainsi rançonnés…

M. Bernard Accoyer. C’est un « reroutage » !

Mme Jacqueline Fraysse. …pour permettre à la CNRACL de contribuer au financement de retraites du secteur privé.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit, dans cet article 3, tout simplement d’une mesure de bonne gestion. Nous nous trouvons devant la coexistence de deux organismes pour les mêmes bénéficiaires, les personnels des collectivités locales et des établissements hospitaliers. D’un côté, nous avons une CNRACL structurellement déficitaire depuis 2010 pour des raisons de ratio démographique et qui verse – Mme Fraysse a raison sur ce point – une importante contribution au titre de la solidarité inter-régimes qu’il faut souligner. De l’autre, nous avons le FEH qui est structurellement bénéficiaire, avec des réserves qui sont supérieures à 223 millions d’euros en fin d’année et qui seront encore supérieures l’an prochain.

À une période où l’euro public est très cher, pourquoi faire dormir des réserves dont on a besoin pour diminuer les déficits et éviter de recourir une fois de plus – et je l’ai vécu à deux reprises en tant que maire – à l’augmentation des points de contribution employeur, donc notamment aux budgets municipaux et aux contribuables locaux ?

Voilà pourquoi, j’appelle l’assemblée à repousser l’amendement de Mme Fraysse.

(L’amendement n516, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 3 est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, inscrit sur l’article 4.

M. Bernard Accoyer. Nous allons à nouveau parler de « reroutage », monsieur le ministre du budget, puisque, dans cet article, il est question d’utiliser les ressources à hauteur de 150 millions d’euros – ce qui n’est pas rien – qui découlaient de l’article 7 de l’avenant n8 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie qui avait été négocié pendant le dernier PLFSS. Comme ce prélèvement avait été improvisé dans la précipitation, il n’a pas été utilisé. Et comme il n’a pas été utilisé, bien qu’il ait été évidemment prélevé sur les assurés, sur les mutualistes, on le met dans le budget général de l’assurance maladie. Ce n’est pas, là non plus, de la bonne gestion, même si j’en conviens, monsieur le ministre, on peut parler d’un « reroutage »…

M. Christian Paul, rapporteur. Cela n’en est pas puisque c’est direct ! Vous n’avez rien compris, monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer. …à condition bien entendu que ce mot soit dans le dictionnaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Cet article 4 prévoit les modalités de contribution des organismes de protection complémentaire au financement de ce qui est appelé le forfait médecin traitant. Finalement, cet article traduit la volonté du Président de la République et les accords qui ont été signés avec les organismes de protection complémentaire.

D’une manière générale, on ne peut pas être trop en désaccord avec cette modalité, mais on peut s’interroger sur la manière dont elle est appliquée. En effet, elle est appliquée pour une courte durée, jusqu’en 2016, année de la mise en place du tiers-payant. C’est un système complexe puisqu’un calcul sera effectué chaque année : le montant de 150 millions d’euros sera divisé par le nombre d’assurés et d’ayants droit, avec des plafonds.

Quel est finalement l’intérêt de mettre en place un dispositif comme celui-ci pour une période courte, compte tenu du coût ? Cela me laisse perplexe.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l’amendement n724.

Mme Dominique Orliac. Cet amendement vise à supprimer l’article 4.

Mon argumentaire va reprendre une partie des propos que j’ai tenus hier, lors de la discussion générale, et auxquels vous n’avez d’ailleurs pas répondu, madame la ministre.

Le 25 octobre 2012, l’Union nationale des organismes complémentaires de l’assurance maladie a signé l’avenant n8 à la convention nationale qui organise les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie. Pour ce faire, les complémentaires ont complété à hauteur de 150 millions d’euros le financement mis en place par l’assurance maladie obligatoire.

Or les modalités de financement du dispositif prévu à l’article 4 du PLFSS dénaturent les engagements pris. En effet, ce dispositif s’apparente plus à une taxe contrairement à l’idée d’origine d’un financement d’une prestation de soins.

Présentée comme une taxation, cette idée méconnaît fondamentalement le sens de l’engagement pris par l’UNOCAM au moment de sa signature de l’avenant n8. Pour ces raisons, il est demandé la suppression de l’article 4, la négociation conventionnelle indispensable devant aboutir dans un délai fixé par la loi, celui-ci pouvant être de l’ordre de douze mois à compter de la promulgation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Paul, rapporteur. Je suis un peu surpris des observations de l’opposition et également de l’amendement auquel – je m’en excuse auprès de ma collègue – je vais devoir donner un avis défavorable.

Si cet article 4 n’est pas adopté, la revalorisation des rémunérations des médecins traitants n’interviendra pas. Vous êtes en train de dire à des milliers de médecins traitants à travers la France que leur rémunération ne sera pas revalorisée en 2014 et en 2015. Je vois que M. Door demande la parole : il a certainement compris et il va peut-être corriger le tir. Ne pas adopter cet article serait très fâcheux.

Pourquoi ne peut-on pas le faire autrement ? Tout simplement parce que la généralisation du tiers-payant – la ministre a raison de dire que c’est un chantier à l’échelle de la législature – va demander plusieurs années. Nous pourrons ensuite opérer directement ce versement.

Monsieur Accoyer, ce n’est pas un « reroutage » – la leçon n’a pas été entendue – mais c’est une participation…

M. Bernard Accoyer. Les fonds n’ont pas été utilisés !

M. Christian Paul, rapporteur. …des organismes complémentaires, mutuelles, instituts de prévoyances ou assurances privées, qui ont signé l’avenant 8, acceptant ainsi de participer à la revalorisation du forfait du médecin traitant. Ils vont le faire grâce à cet article 4.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Orliac, je donne malheureusement un avis défavorable à votre amendement. C’est un article important qui résulte d’une négociation conventionnelle. Dans le cadre de la négociation visant à limiter les dépassements d’honoraires, les organismes complémentaires se sont engagés, afin de permettre de contribuer à la valorisation des actes et de la prise en charge assurée par des professionnels de santé – des médecins généralistes pour l’essentiel mais aussi des spécialistes – qui ne pratiquent pas de dépassements d’honoraires.

C’est cette participation qu’il s’agit d’acter. Il n’y a donc pas de « reroutage » puisque c’est la première fois que cette somme est versée. À défaut de système de tiers-payant nous permettant de flécher directement la contribution des complémentaires à chaque passage du patient chez son médecin, un versement globalisé est effectué pendant une période transitoire, en attendant que le tiers-payant se mette en place et nous permette d’utiliser d’autres dispositifs.

Dans un instant, je présenterai d’ailleurs un amendement du Gouvernement permettant de préciser la durée de cette période transitoire mais, j’y insiste, c’est une disposition dont le principe a été défini dans le cadre d’une négociation conventionnelle et dont les modalités ont été discutées avec les organismes complémentaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, effectivement cet avenant n8 a été signé entre les organismes professionnels, l’assurance maladie et les complémentaires le 25 octobre 2012. Nous sommes en octobre 2013. Rien n’a été fait depuis un an alors que les organismes complémentaires s’étaient engagés à hauteur de 150 millions d’euros, de façon à participer au développement des nouveaux modes de rémunérations.

M. Christian Paul, rapporteur. Mettez-vous d’accord avec M. Accoyer ! Vous dites tout et son contraire comme d’habitude !

M. Jean-Pierre Door. Mais il y a un problème, monsieur le rapporteur : ce mécanisme n’a jamais été précisé depuis un an. Est-ce que ce sont des forfaits, un type de prélèvement ? Nous en restons aux interrogations.

Vous avez enfoncé un coin entre les mutuelles et le Gouvernement. Les mutuelles disent que vous transformez ce prélèvement de 150 millions d’euros en taxe, comme Mme Orliac vient de le signaler par un amendement.

Qu’est-il souhaité ? Qu’une taxe parafiscale – ces 150 millions d’euros – soit versée à l’assurance maladie ? Vous transformez les organismes complémentaires en payeurs aveugles comme ils le sont déjà très souvent en ce qui concerne le remboursement d’actes médicaux. Ils ne veulent plus être des payeurs aveugles ; ils veulent être des assureurs à plein-temps, si l’on peut dire, et être responsables.

À titre personnel – j’espère que mes collègues le feront aussi – je vais soutenir l’amendement de Mme Orliac tendant à la suppression de cet article, afin qu’une réflexion supplémentaire s’engage entre les organismes mutualistes et le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Véran.

M. Olivier Véran. Je veux répondre à M. Door. Les complémentaires ne sont pas des payeurs aveugles. Vous remettez en cause ici un accord conventionnel signé entre les partenaires sociaux, auquel les complémentaires santé ont pleinement pris part, et qui stipulait qu’elles participeraient à hauteur de 150 millions d’euros pour financer le forfait de médecin traitant.

Qu’est-ce donc que ce forfait ? Il s’agit de cinq euros par an et par patient qui sont destinés aux médecins. Seront concernés 95 % des médecins de secteurs I et II en contrat d’accès aux soins. Cette participation n’est pas aveugle puisque les complémentaires santé ont signé l’accord conventionnel qui la prévoit.

La question est de savoir par quel mécanisme ces cinq euros seront versés. La ministre et le rapporteur vous ont répondu que ce sera par le biais du tiers payant, directement, mesure transitoire qui permet l’entrée en vigueur du forfait dès maintenant.

En revanche, il peut être intéressant que les médecins soient informés, lorsqu’ils reçoivent une lettre de la caisse nationale d’assurance maladie, par exemple, que les cinq euros du forfait proviennent d’un financement assuré par les complémentaires santé. Il peut effectivement être intéressant que l’autre partie de l’accord soit informée. Il me semble que cette mesure, qui ne relève pas de la loi, peut être envisagée avec la CNAM.

Pour le reste, nous ne comprenons pas votre position.

(L’amendement n724 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Orliac, que je prie de m’excuser, car elle avait demandé la parole avant la mise aux voix.

Mme Dominique Orliac. Ce n’est pas grave, madame la présidente.

Il ne faut pas être dupe et je ne sais si votre argumentaire sera vraiment compris des complémentaires. Il s’agissait des nouveaux modes de rémunération, mais ils ne sont pas mis en place. J’ai donc peur, pour ma part, que le procédé ne compromette la poursuite de l’engagement de ces complémentaires santé pour l’avenir.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n814.

Mme Marisol Touraine, ministre. Il s’agit précisément de réduire la durée de la période transitoire en ramenant son terme, actuellement le 31 décembre 2016, au 31 décembre 2015, compte tenu des engagements qui sont les nôtres en faveur du tiers payant.

Je veux aussi vous rassurer, madame Orliac : les versements iront bien aux professionnels de santé concernés, et c’est bien l’ensemble de l’accord qui se met en place.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Paul, rapporteur. On gagnerait à ne pas commencer l’examen d’un texte important comme celui du PLFSS par de vaines querelles.

M. Jean-Pierre Door. Ce ne sont pas de vaines querelles !

M. Christian Paul, rapporteur. Franchement, j’entends tout et son contraire ; pardonnez-moi si c’est le fruit d’une mauvaise interprétation. M. Door nous dit qu’un an est passé et qu’il aurait fallu mettre immédiatement en paiement les 150 millions d’euros issus de l’avenant 8, tandis que M. Accoyer ou d’autres nous disent qu’il faudrait reporter cela sine die. J’y vois quand même le début d’une contradiction.

M. Bernard Accoyer. J’ai dit que vous avez bloqué de l’argent pour ne rien faire !

M. Christian Paul, rapporteur. C’est pour revaloriser le rôle du médecin traitant, c’est ce que nous examinons, et peut-être même voterez-vous avec nous l’article 4 après avoir entendu nos arguments.

La proposition du Gouvernement est de limiter cette période transitoire. Nous avons un objectif important, la généralisation du tiers payant, laquelle permettra ensuite d’affecter ces 150 millions d’euros par an, participation obtenue par voie conventionnelle ; la notion de taxe prendrait ici une coloration extrêmement péjorative, il s’agit d’un accord conventionnel. Il comportait un engagement de participation. Ces participations viendront à partir de l’année 2014, pour moitié, et à plein régime à partir de 2015. Je pense que c’est une application cohérente de l’accord.

J’entends bien ce que dit Olivier Véran. Il pourrait être intéressant que la caisse nationale d’assurance maladie puisse indiquer, au moment du versement, qu’il y a une participation forte des complémentaires santé. Cela ne me paraît pas choquant et il faut, madame la ministre, que nous puissions examiner comment cela pourrait se faire. Et, effectivement, les complémentaires santé sont des financeurs responsables, ce ne sont pas des financeurs aveugles ; sur ce point aussi, je pense qu’il y a méprise.

J’émets un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je me prononce également en faveur de l’amendement, mais, effectivement, nous nous trouvons dans une situation un petit peu embrouillée. M. Véran a raison de faire remarquer qu’il s’agit là d’un engagement conventionnel, alors même que les complémentaires ne sont pas directement acteur des négociations conventionnelles, qui se font avec l’assurance maladie. À ce jour, cette négociation n’a pas abouti dans les faits ; néanmoins, les médecins traitants commencent à toucher ce forfait, qui leur est versé par l’assurance maladie. Celle-ci n’indique pas que ces versements seront ensuite financés par les complémentaires santé, puisque le prélèvement qui est l’objet de cet article n’est pas en vigueur.

En revanche, il serait normal que les médecins sachent, à partir du moment où cet article entrera en vigueur, que, si l’assurance maladie joue le rôle d’intermédiaire, les organismes complémentaires, notamment mutualistes, participent au financement.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Je veux m’exprimer contre cet amendement, et je saisis aussi l’occasion de rappeler au rapporteur que, quoi qu’il en dise, 150 millions d’euros ont été prélevés, et donc financés par les cotisants, les assurés complémentaires, les mutualistes, et qu’ils n’ont pas été utilisés durant cette année.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est le contraire : ils ont été utilisés sans avoir été prélevés !

M. Bernard Accoyer. Deuxième point, le principe même de la participation des assurances complémentaires à la prise en charge  des dépenses de soins par le régime général, le fait même de les mettre autour de la table pose un problème de fond. Jusqu’à présent, la place des assureurs complémentaires, qu’il s’agisse de mutuelles ou d’organismes d’assurance ou de prévoyance, n’a jamais été dans le secteur conventionnel.

Cette fois, à titre exceptionnel, le secteur complémentaire avait accepté de participer à ce financement. Il nous a fait savoir que, compte tenu de ce qui s’était passé, il envisageait de cesser d’y participer. On le comprend. Finalement, c’est un peu la marque de fabrique de ce PLFSS : le Gouvernement est allé un peu partout chercher des petites recettes, prendre des recettes nouvelles ailleurs – il a par exemple essayé, on le verra un peu plus tard, d’en prendre aux frontaliers – pour arriver à donner le sentiment que le déficit ne sera pas trop important.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Les derniers propos de M. Accoyer montrent qu’il veut tout sauf entrer dans le débat, puisqu’il parle non plus des complémentaires mais de tout à fait autre chose. Mais, non, les sommes n’ont pas été prélevées pour ne pas être versées ! Elles ont été versées sans avoir été prélevées, comme l’a indiqué M. Bapt. C’est donc bien cette situation que nous voulons régler.

Je souhaite, comme l’a proposé M. Véran, et M. Paul a repris cette idée, que l’assurance maladie, lorsqu’elle procèdera au versement annuel de ce forfait de cinq euros à chaque médecin traitant, puisse indiquer que les complémentaires ont participé à son financement.

(L’amendement n814 est adopté.)

(L’article 4, amendé, est adopté.)

Article 5

(L’article 5 est adopté.)

Article 6

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet article a pour objet de réviser les tableaux d’équilibre des différentes branches de la sécurité sociale pour 2013. Son examen attentif est riche d’enseignements. Que constate-t-on en effet ?

Tout d’abord, les objectifs de dépense de chacune des branches de la sécurité sociale ont été respectés. J’en donnerais volontiers quitus au Gouvernement, si cela ne s’était pas fait au prix d’un recul de l’accès aux soins, puisqu’un tiers de nos concitoyens ont renoncé à se faire soigner, l’an dernier, pour des raisons financières.

Remarquons ensuite que, malgré cet effort, le déficit est supérieur de 1,7 milliard d’euros à ce qui était prévu. Cette aggravation vient donc non pas d’un dérapage des dépenses, pour utiliser cette expression consacrée qui est employée pour parler de personnes malades cherchant à se faire soigner ou de médecins cherchant à exercer correctement leur métier, mais de recettes insuffisantes.

Si les recettes sont insuffisantes, c’est d’abord parce que le Gouvernement ne souhaite pas en chercher de nouvelles, par exemple en mettant à contribution les revenus du capital au même niveau que ceux du travail. C’est aussi parce que les prévisions de croissance sur lesquelles le Gouvernement fonde ses PLFSS sont incompatibles avec sa politique de rigueur. Ainsi, l’an dernier, le Gouvernement nous promettait une croissance de 0,9 % ; au final, elle devait péniblement atteindre le taux de 0,1 % seulement. C’est évidemment, je le répète, la conséquence de 30 milliards d’euros de restriction budgétaire en 2013, comme en 2012, qui ont évidemment étouffé la croissance.

Si seulement cela avait permis de remplir les objectifs de réduction du déficit fixés par Bruxelles ! En l’occurrence, le déficit est passé de 5,3 % du PIB à 4,1 % en 2013. L’objectif n’est donc pas atteint.

Décidément, non seulement cette politique n’est pas juste mais elle est même inefficace, ce qui est préoccupant.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Sur certains points, nous pouvons souscrire aux propos que vient de tenir notre collègue Mme Fraysse. Ce qui ressort surtout du tableau rectifié, le dernier transmis, c’est qu’il y a eu d’assez sérieuses erreurs d’évaluation du Gouvernement, ne serait-ce que sur le taux de croissance – la prévision était de 0,8 % du PIB, la réalité fut de 0,1 % – ou sur la croissance de la masse salariale – la prévision était de 2,3 %, la réalité de 1,3 % –, mais passons là-dessus et revenons simplement sur la branche maladie, dont le déficit constaté sera en réalité supérieur de 2,7 milliards d’euros à ce qui avait été prévu, celui de la branche vieillesse étant, lui, supérieur de 1,5 milliard d’euros aux prévisions.

C’est d’ailleurs pour cette raison que, si le déficit du régime général avait été réduit de sept milliards d’euros sur l’exercice 2011 et de quatre milliards d’euros sur l’exercice 2012, eh bien, en 2013, un exercice sous la responsabilité du gouvernement actuel, la réduction du déficit de la sécurité sociale, comme l’a souligné la Cour des comptes elle-même, marque le pas, puisque, à la fin de l’année 2013, le déficit sera légèrement supérieur à celui de l’année dernière, ainsi que l’a annoncé la commission des comptes de la sécurité sociale. Il y a donc, en 2013, une rupture dans une courbe qui était celle du redressement, avec, au cours des années précédentes, une baisse de sept milliards d’euros, puis une baisse de quatre milliards d’euros.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Ces chiffres de l’année 2013 nous amènent à une réflexion sur les modalités de financement de notre protection sociale, de la protection sociale des Français. Je défendrai de tout cœur l’ensemble de ces mécanismes qui relèvent de la solidarité, mais je veux relever que la Commission européenne soulignait déjà, en 2011, la nécessité d’« accroître l’efficacité du système fiscal […] en déplaçant la charge fiscale du travail vers l’environnement et la consommation et en mettant par ailleurs en œuvre la réduction […] du nombre et du coût des exonérations fiscales et sociales ».

En tout cas, je partage les propos tenus par Mme Fraysse, qui disait qu’il nous faut rechercher d’autres ressources. Mais notre convergence s’arrête là : je persiste en effet à plaider en faveur d’une TVA compétitivité. En tout état de cause, je regrette que le Gouvernement soit revenu en arrière sur cette question, car la TVA compétitivité éviterait de faire peser la charge de notre protection sociale sur le travail et sur les exportations. Il nous faudra vraiment engager une réflexion forte, débattre, échanger des idées sur la modernisation notre protection sociale. Pour cela, il faudra assurer un financement moins pénalisant pour le travail et la compétitivité de la France.

Nous devons prendre clairement conscience du poids croissant de notre protection sociale, dont le financement est assis uniquement sur le travail. C’est pour cela que nous perdons chaque jour des marchés et de la compétitivité. Je crois que nos coûts salariaux sont les plus élevés d’Europe dans l’ensemble des secteurs, qu’il s’agisse de l’industrie ou des autres secteurs. J’ai dit : je crois ; ce n’est pas exact, j’aurais dû dire : j’en suis sûre. Nous savons tous cela.

Au regard du tableau d’équilibre présenté par l’article 6, nous devons mener une vraie réflexion, fondée non sur l’idéologique mais sur le pragmatisme.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 61, 518 et 519, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. le rapporteur, pour les soutenir.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je dirai juste un mot de cet article. Nous avons effectivement constaté une perte de recettes due au manque de croissance et à la montée du chômage. Cela a entraîné une baisse des cotisations. Mais les mesures prises par la Gouvernement répondent pour l’essentiel à vos préoccupations, qui sont aussi – si j’ai bien compris – celles de la Commission européenne. Les mesures adoptées pour faire face à cette aggravation limitée du déficit ont consisté en une hausse de la fiscalité sur les bières – qui a aussi eu une incidence comportementale – et de la fiscalité sur le tabac, l’assujettissement des indemnités de rupture conventionnelle au forfait social, l’élargissement de la taxe sur la promotion des produits de santé, l’alignement des prélèvements sociaux à la charge des travailleurs indépendants. S’y est ajoutée l’incidence en année pleine des mesures prises en cours d’année 2012 : hausse de la cotisation retraite, relèvement du forfait social et des prélèvement sur les revenus du capital, suppression de l’exonération fiscale des heures supplémentaires. C’est grâce à ces mesures de recettes que l’aggravation du déficit a été limitée en 2013. Les dépenses ont par ailleurs respecté les normes de l’ONDAM.

Voilà pourquoi, madame Louwagie, je considère que vos vœux en matière de fiscalité environnementale et comportementale ont été, pour une large part, exaucés par le Gouvernement.

(Les amendements nos 61, 518 et 519, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 6, amendé, est adopté.)

Article 7

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Madame la présidente, il s’agit de revoir l’ONDAM de 2013, qui a effectivement été respecté, ce qui est très bien. Les dépenses d’assurance-maladie se sont même établies à un niveau inférieur d’environ 500 millions d’euros à ce qui avait été prévu. Il faut dire que la France a eu la chance d’échapper à toute épidémie importante au cours de l’hiver et du printemps dernier – c’est tant mieux.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est faux, il y a eu la grippe !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Et la gastro-entérite !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. L’épidémie de grippe a même été plus forte que les autres années !

M. Jean-Pierre Door. Auriez-vous été touchés par une épidémie d’interruptions ?

Mme la présidente. Seul M. Door a la parole, mes chers collègues !

M. Jean-Pierre Door. Les médecins ont réduit de façon considérable les prescriptions. Ils ont levé le stylo de façon très importante sur leurs ordonnances. Comme vous le savez, la croissance des dépenses de médicaments a été nulle, sinon négative. Tout cela vient des médecins de ville, qui ont respecté les engagements de maîtrise médicalisée. C’est pour cela que l’ONDAM a été respecté pour la troisième année. Il avait été initié – encore une fois – par la précédente majorité : il ne faut pas l’oublier, monsieur le ministre. Vous vous placez donc dans la continuité de ce qui a été fait depuis plusieurs années. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil du Parlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul, rapporteur au nom de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement n62.

M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement de précision.

(L’amendement n62, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement n712.

Mme Bérengère Poletti. Madame la présidente, cet amendement a pour objectif d’empêcher l’opération organisée par le Gouvernement. Cette opération consiste à reprendre 70 millions d’euros à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie pour les affecter à l’ONDAM médico-social. Vous l’avez dit vous-même lors de travaux en commission, par l’intermédiaire de Mme Delaunay.

Cet amendement propose de redonner à la CNSA ces 70 millions d’euros. Cette solution me semble meilleure que celle retenue en commission par les députés socialistes, qui consiste à lui redonner 130 millions d’euros de taxes au moyen d’un amendement ultérieur. Il me semble plus pertinent de lui laisser les crédits non dépensés. En effet, la CNSA a besoin de ces crédits pour travailler.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Paul, rapporteur. Madame Poletti, pour la clarté de nos débats, il faut, dans cette affaire, bien distinguer l’année 2013 de l’année 2014. Votre amendement porte sur l’ONDAM de l’année 2013, dont on peut effectivement débattre.

Mme Bérengère Poletti. Justement : vous prenez des crédits de l’année 2013 pour financer l’année 2014 !

M. Christian Paul, rapporteur. Ce débat est légitime. On peut aussi considérer que les établissements de santé ont eu en 2013 un certain nombre de besoins. Je pense que nous pouvons y souscrire, ce qui ne veut pas pour autant dire que nous, parlementaires, sommes indifférents à ce qu’il advient, année après année, des réserves de la CNSA. Vous aviez, de ce point de vue, montré l’exemple.

Pour cette année, nous considérons effectivement qu’il n’y a pas lieu de procéder à l’opération de « reroutage » – comme dirait M. le ministre – que vous proposez. La commission a donc émis un avis défavorable.

Nous aurons en effet l’occasion d’en reparler pour 2014 : il faudra très sérieusement envisager qu’une part au moins du produit de cette contribution soit affectée, dès l’année à venir, à des missions ou à des objectifs qui concernent les personnes âgées, notamment les personnes âgées dépendantes. Nous aurons très largement l’occasion d’y revenir.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pour éviter que M. Door ne persévère dans l’erreur, et pour sa culture personnelle, je tiens à rectifier ses propos.

Vous avez dit que l’ONDAM a été respecté, et que les dépenses de santé se sont même établies à un niveau bien inférieur, ce dont on peut se féliciter. Vous pouvez doublement vous en féliciter, parce que, contrairement à ce que vous disiez, il y a bien eu une épidémie. Je vous donne les chiffres : l’épidémie de grippe 2012-2013 a été la plus longue depuis trente ans. Elle a duré treize semaines. 4,3 millions de consultations ont été faites, et 28 000 passages aux urgences. Je me félicite donc, madame la ministre, du respect de l’ONDAM.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne reviendrai pas sur ce qu’a dit M. Door, car Mme la présidente de la commission des affaires sociales y a très bien répondu.

Madame Poletti, il y a effectivement confusion entre l’année 2013 et l’année 2014. Nous aurons l’occasion de débattre de l’ONDAM médico-social et de l’ONDAM hospitalier au moment de l’examen de l’article 50 de ce projet de loi, pour ce qui est de l’année 2014. Pour ce qui est de l’année 2013, il n’y a pas eu de transfert de l’ONDAM médico-social vers l’ONDAM hospitalier. Je crois donc que vous pourriez retirer votre amendement, sans remettre en question votre démarche, car il y a confusion entre les années.

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Je suis un peu étonné qu’on demande à Mme Poletti de retirer cet amendement, parce que notre lecture est aussi celle de nombreuses associations et de personnes travaillant dans le secteur médico-social.

Mme la présidente. Madame Poletti, confirmez-vous que vous maintenez cet amendement ?

Mme Bérengère Poletti. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n712 n’est pas adopté.)

(L’article 7, amendé, est adopté.)

Vote sur l’ensemble de la deuxième partie

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013.

(L’ensemble de la deuxième partie du projet de loi est adopté.)

Troisième partie

Mme la présidente. Nous abordons maintenant la troisième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année 2014.

Article 8

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. C’est une bonne chose que M. le ministre du budget soit présent : nous l’en remercions. Avec cet article 8, nous arrivons à des mesures incompréhensibles compte tenu des engagements pris par le Premier ministre lui-même en faveur des placements dirigés vers le financement des entreprises, la compétitivité, l’investissement et le développement durable.

Le Gouvernement respecte bien la règle qu’il s’est donnée : chaque jour un impôt nouveau ! Cette fois-ci, il s’agit de s’en prendre à l’épargne à long terme, l’épargne populaire par une surtaxation qui représente 600 millions d’euros : Ce n’est pas rien !

Les placements concernés par cette surtaxation, qui trahit la confiance que l’on doit pouvoir avoir dans la parole de l’État, sont les PEA – 5,5 millions de nos compatriotes détiennent un PEA –, les PEL – 10 millions de nos compatriotes en détiennent un –, les contrats d’assurance-vie – nos compatriotes qui en détiennent sont encore plus nombreux. Il s’agit de placements familiaux, qui financent l’économie, et qui sont parfois des produits de succession. Vous portez un coup vraiment dangereux à la confiance, qui est indispensable à tout développement économique, à tout investissement, et donc à l’emploi. L’anxiété prévaudra désormais lorsque le Gouvernement dira aux Français qu’ils peuvent compter sur tel ou tel produit d’épargne réglementée. Vous remontez en effet jusqu’en 1997, puisque cette mesure est rétroactive – ce qui est tout à fait scandaleux. C’est une très mauvaise décision. Nous pensons donc que ce n’est pas ainsi que l’on rétablira la confiance dans notre pays et que les investisseurs y reviendront – ou, à tout le moins, cesseront de le quitter, de s’en détourner – pour y créer des emplois.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. J’ai peur que nos interventions soient un peu répétitives, mais peut-être serons-nous ainsi mieux compris, car la répétition est la base de la pédagogie.

Je crois que cet article 8 est la plus belle illustration de votre acharnement à détruire l’épargne des Français, des classes moyennes, de celles et ceux qui travaillent. Vous nous dites souvent, pour vous justifier, que cela ne concerne que les classes aisées. J’aimerais bien qu’un jour ou l’autre, dans cet hémicycle, vous définissiez ce que c’est qu’un ménage aisé. À partir de quel revenu mensuel un ménage doit-il être considéré comme aisé, et peut-il donc être taxé ?

M. Julien Aubert. Pour François Hollande, à partir de 4 000 euros par mois !

M. Jean-Pierre Barbier. Cette épargne des ménages modestes ou appartenant aux classes moyennes est constituée de revenus du travail. Je rappelle quand même que dans notre pays, les revenus du travail sont déjà taxés. Quand on taxe cette épargne, on taxe une deuxième fois ces revenus, en réalité : c’est une double taxation !

Il faut aussi que vous vous rendiez compte que cette taxation devient insupportable. 600 millions d’euros supplémentaires seront prélevés : c’est purement comptable. Ce n’est pas dû à l’ancienne majorité, c’est bien de votre fait. Il n’y a pas de pause fiscale.

Par ailleurs, la nouveauté de cette mesure réside dans le fait qu’elle entame la confiance, puisque les gens ne pouvaient pas anticiper la rétroactivité jusqu’en 1997 avec un taux de taxation à 15,5 %. Si mes informations sont justes, je crois même que cette mesure s’appliquera à partir du mois de septembre de cette année, c’est-à-dire avant même le vote de la loi. Les gens n’auront aucune possibilité de s’en sortir. Il y a donc un double piège : d’un côté, la mesure est rétroactive jusqu’en 1997, de l’autre, elle s’applique avant même d’être votée. Je crois que notre pays a vraiment besoin de stabilité s’il veut retrouver un climat de confiance. Ce n’est pas le chemin que nous prenons aujourd’hui.

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Comme vient de le dire à l’instant Bernard Accoyer et Jean-Pierre Barbier, il s’agit de très mauvaises propositions.

En effet, cette surtaxation des PEA, des PEL et des contrats d’assurance-vie touche les placements familiaux de notre pays. Or, ces placements familiaux sont fondés – cela a été dit – sur la confiance. C’est l’épargne des classes moyennes.

Mais la cerise sur le gâteau est la rétroactivité. C’est pour cela que nous demandons la suppression de cet article dans sa globalité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Cet article 8 va véritablement rompre la confiance.

Il faut rappeler la manière dont s’établissent les contrats des épargnants, qui sont conclus entre trois parties : l’épargnant, le gestionnaire et le taxateur – c’est-à-dire l’État.

Je voudrais rappeler les taux qui s’appliquent aujourd’hui pour mesurer l’impact que cela peut avoir. S’agissant de certains PEA de plus de cinq ans, les taux actuels peuvent être de 0,5 %, en tout cas pour les intérêts se rapportant à l’année 1997. Aujourd’hui, on passerait à un taux de 15,5 %, soit une augmentation de plus de 15 points.

Il pourrait se passer la même chose sur certains contrats d’assurance-vie, puisque les taux s’élèvent aujourd’hui à 3,4 % pour les gains acquis en 1997.

S’agissant des revenus acquis entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2004, le taux est de 7,5 %.

Le taux serait appliqué à l’intégralité des gains constitués depuis 1997 : c’est une hausse sans précédent et sans nom de la pression fiscale.

Derrière cette hausse de taux, on touche au problème fondamental de la confiance. Je crois que c’est trahir les Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est un mécanisme fallacieux et insidieux

Hier, cela a été comparé avec le mécanisme des plus-values immobilières, mais je crois que c’est un sujet complètement différent.

En matière immobilière, il n’y a pas de gains acquis. Il peut y avoir des plus-values ou des moins-values. C’est donc un mécanisme complètement différent et la comparaison n’est pas du tout pertinente.

Je crois que le mot trahison doit être retenu. Les Français doivent l’entendre. C’est un mécanisme dont l’impact est trop fort. Augmenter de 15 % la pression fiscale des épargnants dont l’épargne est destinée à faire face à des moments de la vie plus difficiles, à financer la scolarité de leurs enfants ou des dispositifs de retraites, ce n’est pas admissible.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Cet article 8, monsieur le ministre, est vraiment la signature de votre Gouvernement.

C’est votre signature parce qu’une fois encore le prétexte de l’harmonisation, avec l’habillage habituel de l’égalité ou de l’équité, semble vous autoriser tout naturellement à augmenter les prélèvements sociaux, ici sur les produits de placement tels que l’assurance-vie ou l’épargne logement.

Bilan de l’opération : une hausse de 600 millions d’euros de prélèvements sur ces produits d’épargne et donc sur leurs titulaires. Or ces titulaires ne sont pas des nantis. Ce sont simplement des Français de la classe moyenne qui sont parvenus à constituer une épargne pour eux-mêmes, pour leurs enfants, pour leurs familles.

C’est votre signature, parce que vous tapez toujours du même côté. C’est le grand débat, tellement dérisoire, du public contre le privé, de l’argent placé contre l’argent gagné – Bernard Accoyer évoquait très bien hier ce parti pris d’un autre temps.

Cette vieille lune vous aveugle et pèse terriblement sur les forces économiques de notre pays et sur le moral de chacune et de chacun de nos compatriotes, qui ont envie d’être encouragés, et non pas harcelés.

C’est encore votre signature parce que vous grattez les fonds de tiroir (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) faute du courage nécessaire, il est vrai, pour engager une réforme structurelle de notre système de sécurité sociale. Et forcément, c’est de plus en plus compliqué.

Vous parvenez péniblement à réduire les frais de gestion de la Sécurité sociale d’environ 400 millions d’euros, ce qui est tout à fait insignifiant. Le résultat est qu’en 2014, les prévisions de ce PLFSS tablent, malgré de nouveaux prélèvements à hauteur de 6,5 milliards d’euros, sur un déficit de 13,2 milliards d’euros.

Cette signature est donc celle de la fiscalisation contre la capacité à trouver des réformes structurelles sur ce PLFSS !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Cet article est l’une des dispositions les plus choquantes du PLFSS. Choquante, parce que l’on change les règles du jeu en cours de contrat par la rétroactivité, qui conduit à pénaliser la fidélité des actionnaires.

Choquante, parce que l’on va pénaliser de petits épargnants qui ont souvent plébiscité des produits tels que le PEL, assez sûr et au périmètre financier modeste.

Choquante enfin, parce qu’il contrevient, pour ce qui concerne les PEA, aux efforts faits pour flécher l’épargne des Français vers l’entreprise, vers laquelle nos compatriotes ont tant de mal à aller.

Elle n’est pas cohérente : comment comprendre en effet que dans le même exercice budgétaire, on encourage et on pénalise tout à la fois l’épargne des Français ?

Tout cela est grave. Monsieur le ministre, quand les Français vont s’en rendre compte, l’intolérance fiscale va monter d’un cran, tout comme lorsque vous avez voulu fiscaliser les heures supplémentaires, antérieurement à la décision politique.

Tout cela va nourrir un peu plus l’image d’un état spoliateur et injuste, qui ne reconnaît pas la légitimité des fruits du travail. Vous avez là quelque chose qui est tout à fait explosif.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Dominique Tian. Qu’est-ce qu’il va encore nous dire ?

M. Pascal Terrasse. Je crois que le sujet est abordé de façon excessive,…

M. Dominique Tian. Nous sommes bien d’accord !

M. Pascal Terrasse. …notamment lorsqu’il est débattu par nos collègues de l’UMP. Au fond, chacun ici est d’accord pour valoriser le travail. La valeur travail a d’ailleurs fait partie des gènes d’une certaine campagne présidentielle.

M. Dominique Tian. Pour vous, c’est la valeur de l’assistanat !

M. Pascal Terrasse. Or, on se rend compte aujourd’hui d’une particularité de notre pays : celles et ceux qui travaillent doivent payer des cotisations sociales sur leur propre salaire.

Par ailleurs, ce qu’on appelle les plus-values, c’est-à-dire le bénéfice tiré d’un capital, n’est, lui, pas soumis à la même fiscalité que celle portant sur le travail.

M. Julien Aubert. Heureusement ! Autrement cela s’appellerait le communisme !

Mme Bérengère Poletti. Il s’agit des revenus de l’épargne !

M. Pascal Cherki. Nous parlons des revenus du capital !

M. Pascal Terrasse. Au fond, nous essayons depuis un peu plus d’un an d’égaliser petit à petit les cotisations qui financent la protection sociale portant sur les revenus du travail et celles portant sur les revenus de biens mobiliers, et du capital en particulier.

Nous essayons d’aller progressivement vers cette convergence, qui me paraît naturelle : faire que le capital et ses plus-values – puisque c’est le bénéfice tiré de ce capital qui est sollicité…

Plusieurs députés du groupe UMP. Encore heureux !

M. Pascal Terrasse. Oui ! Il faut expliquer aux Français que ce sont les plus-values, et non le capital lui-même, qui sont touchées. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Cherki. Les revenus du capital !

M. Pascal Terrasse. S’agissant des PEA, je veux bien vous écouter, mais vous le savez très bien : depuis 2001 au moins, les livrets comme le PEA sont plutôt en moins-values, puisque la plupart d’entre eux sont indexés sur la valeur du CAC.

Aujourd’hui, j’attends toujours de rencontrer un détenteur de PEA dire que son PEA a augmenté depuis 2001. Il n’y a donc pas de plus-values sur les PEA.

En revanche, la question posée par l’une de nos collègues me paraît très intéressante : elle évoquait l’idée de rendre plus active notre épargne. C’est un vrai sujet !

Nous l’avons évoqué à l’occasion du débat sur les retraites. Je pense, en effet, que notre pays a une épargne qui n’est pas suffisamment active et orientée vers ses ETI, ses PME et ses PMI : c’est un sujet sur lequel nous devons travailler. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Straumann. Ce n’est pas cela qui va les encourager !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je voudrais ramener ce débat à de plus justes proportions. On ne crée pas un nouveau taux de prélèvement social sur le revenu du capital à 15,5 % : il existe déjà ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Tian. Si, vous créez un nouveau taux !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit simplement d’une harmonisation des modes actuels de prélèvement…

M. Bernard Accoyer. Les 600 millions d’euros, vous les trouvez où ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. En harmonisant les modes de prélèvement sur un certain nombre d’outils d’épargne, monsieur Accoyer. Les mécanismes de prélèvement sont extrêmement complexes à l’heure actuelle…

M. Bernard Accoyer. Allons bon !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …puisqu’ils dépendent de la date à laquelle ils ont été initiés, et ont varié d’année en année, y compris en raison des modifications de prélèvement auxquelles vous avez pu vous-mêmes procéder lors des législatures précédentes.

Ils dépendent également de leur soumission ou non à l’impôt sur le revenu, et de la catégorie choisie.

Par ailleurs, vous avez été un peu péremptoire, me semble-t-il, en disant qu’il s’agissait là de revenus du travail. Il s’agit de revenus de placement : l’assurance-vie, on le sait, a été le principal placement vers lequel les banques ont orienté beaucoup d’épargnants au cours des dernières années. Il ne s’agissait pas obligatoirement de revenu du travail.

Vous dites également que nous allons taxer les classes moyennes : mais l’essentiel du prélèvement auquel on va procéder, et dont le rendement contribuera à réduire le déficit de la Sécurité sociale, provient de la modification du prélèvement sur les plans d’épargne en actions.

M. Bernard Accoyer. Cela rapportera 600 millions d’euros ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je ne pense pas que beaucoup de ménages appartenant aux classes moyennes – voire aux classes populaires, s’il fallait vous entendre ! – disposent de plan d’épargnes en actions.

M. Bernard Accoyer. 5,5 millions ! C’est exactement ce que le ministre a demandé de faire !

M. Julien Aubert. Cela doit être difficile pour vous, monsieur le ministre !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Enfin, les plans d’épargne en action ont pu également perdre de la valeur pendant le krach boursier. Nous avons sûrement autour de nous des personnes qui, disposant d’un plan d’épargne en actions, sont aujourd’hui en déficit par rapport à leur investissement initial.

C’est une mesure d’harmonisation, d’unification et aussi de rendement, car nous avons besoin de réduire les déficits de la Sécurité sociale, y compris ceux que vous nous avez laissés.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Si des mesures touchant à peu près 20 millions de Français sont des mesures qui ne touchent que les riches, cela veut dire que notre pays se porte très bien ! Malheureusement, chacun sait que cela n’est pas exactement la situation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Terrasse. La France a le taux d’épargne le plus élevé d’Europe !

M. Gérard Bapt, rapporteur. On parle du PEA !

M. Dominique Tian. Monsieur le rapporteur, 5 millions de personnes sont concernées par le PEA, 10 millions par le PEL ! Le PEA, c’est de l’argent donné aux entreprises pour qu’elles se développent, puisque c’est l’achat d’actions…

M. Gérard Bapt, rapporteur. De l’argent pour les entreprises étrangères, c’est cela que vous cherchez ?

M. Dominique Tian. …ce ne sont pas des boursicoteurs, ce sont des gens qui ont de l’épargne longue servant à alimenter les entreprises : ce sont des SICAV.

Le PEL, c’est pour se loger, monsieur le rapporteur ! 10 millions de Français ont un PEL pour se loger.

L’assurance-vie, c’est pour sa succession ! Ce n’est pas de l’argent qu’on va toucher, parce que par définition on sera mort. C’est vos successeurs qui pourront peut-être ainsi démarrer dans la vie plus facilement.

M. Pascal Terrasse. La durée de l’assurance-vie, c’est huit ans !

M. Dominique Tian. Cela touche 10 à 15 millions de personnes, donc arrêtez de dire que cela ne touche que les nantis ! Cela concerne évidemment toutes les classes moyennes, et ceux qui ont essayé par leur travail de grandir dans leur vie, de mettre un peu d’argent de côté pour constituer une épargne.

Votre vision des choses est totalement aberrante, monsieur le rapporteur !

M. Christian Paul, rapporteur. Calmez-vous !

M. Dominique Tian. Est-ce qu’il vaut mieux acheter des produits de consommation, importés dans la plupart des cas parce qu’il n’y a plus d’entreprises en France – des produits comme les télévisions qui viennent de Corée, de Chine, ou d’ailleurs –, ou vaut-il mieux épargner pour son pays, pour ses enfants ?

Là, vous êtes en train de sanctionner ces épargnants à hauteur de 600 millions. Et vous le faites rétroactivement !

C’est sûrement le plus grave ! L’insécurité juridique et fiscale que vous développez systématiquement en proposant des mesures rétroactives est malheureusement tout à fait néfaste !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce n’est pas rétroactif !

M. Dominique Tian. Je vous rappelle quand même une notion que vous ne connaissez peut-être pas : il s’agit du jour de la libération fiscale, qui intervient fin juillet. Les Français travaillent quasiment la moitié de l’année pour l’État : 46 % de leurs revenus sont ponctionnés pour payer l’État et le système social.

M. Pascal Cherki. Cela finance les crèches, les écoles, les hôpitaux… !

M. Dominique Tian. Et vous trouvez qu’il n’y a que les riches qui paient ! Mais c’est l’ensemble des Français que vous êtes en train de ponctionner, parce que vous êtes incapables de prendre les mesures structurelles que tout le monde vous demande de prendre, y compris la Cour des comptes.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Lesquelles ?

Mme la présidente. Chers collègues, un certain nombre de nos collègues, qui se sont déjà exprimés sur l’article 8, me redemandent la parole – je pense à M. Barbier. Je leur rappelle que nous discuterons par la suite d’un certain nombre d’amendements de suppression, ce qui permettra aux uns et aux autres de s’exprimer.

La parole est à M. Éric Straumann.

M. Éric Straumann. Un mot sur l’assurance-vie : au début des années 1990, l’État encourageait les Français à épargner en assurance-vie, puisqu’il y avait une réduction d’impôt ; sur 1 000 francs de versement, il y avait à l’époque une réduction d’impôt de 25 %.

Au milieu des années 1990, de grandes campagnes ont eu lieu expliquant déjà aux Français qu’au moment de la retraite, ils n’auront pas de revenus permettant d’assurer le maintien du pouvoir d’achat.

M. Pascal Cherki. C’était un Gouvernement de droite, à l’époque !

M. Éric Straumann. On a donc encouragé l’épargne sous la forme de l’assurance-vie. Naturellement, ces contrats d’assurance-vie ont été alimentés avec des revenus ayant déjà été eux-mêmes soumis à l’impôt.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

M. Éric Straumann. On a donc dit il y a quinze ou vingt ans à ces épargnants de préparer leur retraite en mettant de l’argent sur des contrats d’assurance-vie. Ce ne sont pas des spéculateurs, car ce sont en général des taux très modestes qui sont servis sur ces contrats.

Aujourd’hui, alors qu’ils ont bien préparé leur retraite, comme vous avez besoin d’argent, vous prélevez 15 % sur le rendement de leurs contrats. Je pense que cette proposition est immorale vis-à-vis de nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie pour toutes ces interventions.

M. Julien Aubert. De rien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Cependant, si certaines étaient mesurées, d’autres l’étaient tellement peu qu’elles en étaient absurdes. Je serai en effet précis : vous souvenez-vous, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, du taux des prélèvements sociaux de 2008 ? Il était de11 %. Quand vous avez quitté le pouvoir, il était de 15 %. Vous avez donc, entre 2008 et 2012, augmenté de 50 % les prélèvements sociaux sur les revenus des placements.

M. Julien Aubert. Il y avait la crise !

M. Christian Paul, rapporteur. Et les déficits ? Et la dette ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez ainsi prélevé 6 milliards sur les Français. Ainsi, quand vous prélevez 6 milliards sur les épargnants français, c’est très bien, mais quand nous prélevons 600 millions, c’est très mal !

M. Julien Aubert. Vous avez tout compris !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous prétendez par ailleurs que les produits d’épargne qui seront taxés au terme de la mesure proposée le seront rétroactivement. Mais pour tous ceux qui avaient conclu des contrats avec des taux de prélèvement de 11 % et qui ont dû payer ensuite, quand vous êtes arrivés au pouvoir, des taux de prélèvements de 15%, n’était-ce pas rétroactif ? Ils se sont pourtant levés un matin en s’apercevant que les taux de prélèvements sociaux avaient augmenté sans que vous ne leur ayez demandé leur avis ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Nous l’avons dénoncé en son temps !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Faut-il rappeler en outre qu’avec votre augmentation des taux sur tous les produits d’épargne sans distinction, les produits des Français les plus modestes étant également touchés ?

M. Éric Straumann. Sauf les livrets !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez augmenté les prélèvements sociaux de 50 % en l’espace de quatre ans sans distinguer les produits d’épargne auxquels les Français avaient souscrit !

Mme Véronique Louwagie. Il y avait une crise !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. On ne vous a pas entendus alors sur ce point, mesdames, messieurs les députés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Bien sûr, vous ne voulez pas que l’on en parle ! Quand on vous le rappelle que vous avez prélevé 6 milliards, cela ne vous plaît absolument pas,…

M. Christian Paul, rapporteur. C’est extraordinaire ! C’est le poids du remords !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et quand on vous explique que ce que l’on fait, nous, est cohérent, vous vous ne voulez rien entendre ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Oh !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous voulez un beau débat, mesdames, messieurs les députés. On vous l’offre ! Ce que je dis, monsieur le président Accoyer, est précis : vous avez, ou plutôt tous vos amis – car étant au perchoir, vous étiez obligé d’être neutre – ont augmenté les prélèvements sociaux sur les produits d’épargne de 50 %.

Vous avez prélevé, en quatre ans, 6 milliards, et je ne me souviens pas d’interview dans Les Échos rapportant que vous vous soyez, à quelque moment, indigné.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est immoral !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. D’ailleurs l’indignation de M. Accoyer est une espèce de remords pour les tous moments où il aurait s’indigner et où il ne l’a pas fait ! C’est ainsi que je le comprends ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) 

S’agissant de la rétroactivité, les concepts juridiques ont une signification, un sens et un contenu et doivent nous appeler à être précis. Qu’appelle-t-on une mesure rétroactive ? En droit, une mesure est rétroactive lorsqu’elle s’applique aux opérations engagées, déjà réalisées. Si nous décidions aujourd’hui d’appliquer, pour des opérations déjà réalisées, c’est-à-dire des ventes de contrats d’assurance-vie déjà engagées, un taux nouveau voté par le Parlement, ce serait, au sens juridique rigoureux du terme, une opération rétroactive.

Ce n’est pas ce que nous faisons.

Plusieurs députés du groupe UMP. Si !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Absolument pas ! Le nouveau taux s’appliquera au rachat de contrats d’assurance-vie et de produits d’épargne intervenus après que le taux aura voté.

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’est ce qui se produira très concrètement.

Je voudrais insister également sur un point extrêmement important. Aujourd’hui, la situation en termes de prélèvements sociaux sur les produits d’épargne est totalement illisible. En effet, lorsque vous procédez à une vente d’actions et que vous réalisez une plus-value, le taux de 15,5 % s’applique. Si la même action, dans le cadre d’un PEA, est vendue, les prélèvements sociaux s’appliquent à partir de la reconstitution des taux historiques. Est-ce logique et cohérent ? Est-ce lisible ? Cela procède-t-il de la volonté de simplification de la fiscalité de l’épargne que, par ailleurs sur ces bancs, vous appelez en permanence de vos vœux ?

Je développerai, enfin, l’argument essentiel. Vous vous inquiétez, et nous pourrions nous inquiéter avec vous, de la conséquence de telle ou telle mesure fiscale sur le financement des entreprises et du logement. Sur ce point figurent dans le projet de loi de finances pour 2014plusieurs dispositions qui doivent être appréciées au regard de celles que nous vous proposons aujourd’hui.

En effet, si vous examinez la totalité des mesures prises par le Gouvernement sur l’épargne orientée vers les entreprises, vous vous apercevrez, et je suis convaincu que vous ne pourrez que le reconnaître parce que je vous crois scrupuleusement honnêtes intellectuellement, que le nouveau régime proposé pour les plus-values mobilières, lequel s’adresse non aux spéculateurs, mais à ceux qui acceptent d’investir dans les PME-PMI et ETI innovantes donc de prendre des risques, est beaucoup plus favorable que celui qui existait lorsque vous étiez aux responsabilités.

Lorsque nous mettons en place pour ceux qui investissent dans des entreprises innovantes un dispositif d’exonération de cotisations sociales beaucoup moins dégressif et beaucoup moins désavantageux que celui que vous avez mis en place lorsque vous êtes revenus sur le dispositif d’exonération des jeunes entreprises innovantes, que faisons-nous, si ce n’est encourager le financement des entreprises ?

Lorsque nous décidons d’augmenter le plafond des PEA de 132 000 à 152 000 euros et de créer un nouveau compartiment PEA à 75 000 euros, que faisons-nous, si ce n’est encourager l’investissement dans les PME et PMI innovantes ?

M. Bernard Accoyer. C’est paradoxal : vous augmentez les prélèvements !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Donc, ce n’est pas en examinant une mesure par le petit bout de la lorgnette que l’on qualifie une politique, mais en ayant une approche spectrale de toutes les mesures prises par un gouvernement…

M. Julien Aubert. Ectoplasmique !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …en faveur des PME-PMI qui permet d’avoir alors une vision juste de l’action d’un gouvernement. Or cette approche, vous ne voulez pas l’avoir, mesdames, messieurs les députés ! Pourquoi ? Parce qu’elle serait une terrible condamnation de votre politique, que nous corrigeons, et qu’elle mettrait en évidence ce que vous avez fait en matière fiscale ! Ainsi, là où nous prélevons 600 millions d’euros pour clarifier,…

M. Julien Aubert. C’est cher payer la simplification !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …pour simplifier, pour apporter de la justice et pour financer notre système de protection sociale, vous l’avez fait, pendant quatre ans, en prélevant en toute injustice plus de 5 milliards d’euros sur les Français, puisque vous avez fait passer le taux de prélèvement sur les produits d’épargne de 11 % à celui de 15,5 % ! Telle est la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements identiques, nos 2, 22, 165, 248, 595 et 821.

La parole est à M. Gilbert Collard, pour soutenir l’amendement n2.

M. Gilbert Collard. J’interviens afin d’obtenir la suppression de l’article 8, car s’il est voté, ce sont les petits épargnants qui disparaîtront. M. Lambert, qui était un grand professeur de droit, avait pour habitude de dire que, plus on défend un texte, moins il est défendable. À lire cet article 8, il semble ne viser qu’à accroître les contributions et prélèvements sociaux sur les revenus de l’épargne en supprimant purement et simplement le régime des taux historiques généralement plus favorable à l’épargnant.

Ce manquement – j’allais dire une fois de plus – à la parole de l’État est très éloigné de l’objectif dit d’équité fiscale invoqué dans l’exposé des motifs. Il est tout de même assez aberrant, quels que soient les arguments déployés, de décourager des épargnants, donc le moteur de l’investissement, tout en prônant une reprise économique par la relance de l’offre et de l’investissement de compétitivité. C’est, en réalité, 600 millions d’euros que vous prenez à long terme dans la poche de nos épargnants.

L’article 8 dont je demande la suppression avec d’autres, parce que je ne suis pas le seul, annonce – je sais que cela va vous déplaire – la Saint-Barthélemy de nos épargnants et de nos retraités qu’exigera, demain, bien évidemment, le Fonds monétaire international devant lequel nous serons tous à genoux !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n22.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention. Vous avez rappelé l’accélération de la convergence entre les revenus du travail et les revenus du patrimoine, donc acte : vous m’accorderez en effet que cela avait été lancé sous la précédente majorité. En revanche, si vous avez raison s’agissant de la définition purement juridique du mot « rétroactivité », plus rien ne va concernant la prétendue pause fiscale ! Celle-ci est décidément définitivement enterrée, non pas simplement pour 2014, mais pour 2015, 2016 et 2017.

Avec ce que vous prévoyez, c’est du pouvoir d’achat que vous ôterez de la poche des Françaises et des Français les plus modestes. Quand on possède un PEA, un PEL ou un contrat d’assurance-vie, est-on obligatoirement très riche ? Je vous interroge.

J’ai bien écouté également ce qu’a dit notre collègue Terrasse, selon lequel il était normal que les revenus du patrimoine soient taxés. Expliquez-moi alors où se trouve la cohérence lorsque l’on sait que la taxe à 75 % créée la semaine dernière ne touche pas les revenus du patrimoine, mais uniquement ceux du travail ! La cohérence est quelque peu limitée !

Je vous renvoie, enfin, mes chers collègues, à une déclaration de François Hollande, lorsque les avoirs des Chypriotes ont été menacés. Alors qu’il n’était pas encore Président de la République, il disait, le 26 mars 2012, que, lui Président, il défendrait les dépôts des Chypriotes. Je lui demande, à mon tour, que, lui Président, défende les intérêts des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n165.

M. Dominique Tian. Comme cela a été excellemment précisé par un certain nombre de nos collègues – et comme cela va continuer de l’être ! –, cet article 8 doit être supprimé. Entre les PEA, les PEL et les contrats d’assurance-vie, ce sont 20 millions de contrats qui seront ainsi concernés. Ce ne sont pas les riches qui seront davantage taxés. C’est la France profonde, la France rurale, la France qui travaille, la France qui tente de s’élever, ce sont les Français qui participent à l’économie de leur pays et qui veulent laisser quelque argent à leurs successeurs. C’est exactement tout ce que les socialistes détestent : ceux qui ont un peu d’argent et qui ont travaillé toute leur vie pour se constituer un petit capital.

C’est très difficile à accepter et c’est contraire aux engagements du Premier ministre et du Président de la République. Mais tout le monde a compris qu’il y avait un reniement par jour, comme l’a souligné le président Accoyer. Ce sont en effet 600 millions de plus qu’il faudra payer alors que nous sommes déjà quasiment recordman du monde des prélèvements !

Je n’ose penser à ce que sera le PLFSS de l’année prochaine, parce qu’il conviendra encore de trouver des recettes supplémentaires. Les épargnants doivent donc savoir qu’ils ne doivent plus épargner, mais consommer le plus possible ou quitter la France. Des statistiques ne font-elles d’ailleurs pas apparaître que 35 000 foyers fiscaux soumis à l’impôt sur le revenu ont quitté la France il y a deux ans, chiffre qui, je le pense, va exploser ? Vous allez faire de notre pays un endroit touristique où les gens viendront du monde entier pour bronzer, mais où il n’y aura plus ni industrie ni épargnant, avec en outre une crise du logement qui s’annonce !

Mme Sylviane Bulteau. Ce sont des procès d’intention !

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n248.

M. Julien Aubert. Vous aimez l’archéologie, monsieur le ministre. En 1997, quel était le taux des prélèvements sociaux ? Il était de 3,9 %. À combien s’élevait-il en 2002 lorsque la gauche a quitté le pouvoir ? Il était de 10 %. Vous l’avez donc augmenté de 150 % dans le même laps de temps. On peut voir une remarquable continuité idéologique dans votre manière d’appréhender l’impôt ou, puisque vous avez critiqué l’action du précédent Président, une absence de rupture avec ce que nous avons fait. Vous nous avez, en effet, reproché d’avoir fait la même chose dans des proportions d’ailelurs bien moindres que ce qui s’est passé lorsque Lionel Jospin était Premier ministre.

Vous appliquez, en fait, la fameuse définition de François Hollande selon laquelle quiconque gagne plus de 4 000 euros par mois est riche – comme vous allez toucher 99 % des Français, je crains que le seuil n’explose !

Quant à la définition de la rétroactivité fiscale que vous avez donnée, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est assez précise : il faut un motif d’intérêt général suffisant.

Celui que vous nous donnez, c’est celui de la simplification – en prenant au passage 600 millions d’euros ! Il y a pourtant une autre manière de simplifier. Arrêtons d’augmenter les taux tous les deux ans et nous n’aurons pas besoin d’appliquer la méthode des taux historiques !

Au départ, ce n’était pas taxé. Ensuite, on a augmenté le taux au fur et à mesure. Aujourd’hui, c’est la double peine : comme c’est devenu très compliqué, on va harmoniser par le haut et taxer encore plus les Français !

Contrairement à ce que vous pouvez dire, cette épargne doit servir, pour celui ou celle qui économise, aux dix-huit ans du fils ou de la fille, à sa retraite ou encore à son premier logement. Est-ce vraiment la cible d’un gouvernement élu sur le concept de la justice fiscale et qui promettait de faire payer les riches ? Je ne crois pas.

Arrêtez donc de vous cacher derrière votre petit doigt ! En réalité, cette opération, c’est casser la tirelire, c’est braquer le cochonou. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement n595.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le ministre, je me demande si vous avez bien conscience des conséquences que peuvent avoir vos paroles sur les Français. En gros,  vous feriez ce que vous faites uniquement parce que nous, nous l’avons fait.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Non !

Mme Bérengère Poletti. Ainsi, nous n’aurions pas le droit d’émettre des critiques au motif que l’ancienne majorité a procédé à certaines augmentations. Mais, si elle a pris de telles décisions, ce n’est pas parce que vous l’aviez fait avant, c’est en raison de la gravité de la crise économique. Les Français qui vous regardent se demandent pourquoi les socialistes qui rouspétaient quand l’ancien gouvernement augmentait la fiscalité ne disent maintenant plus rien. Il faut faire très attention à l’image que l’on donne aux Français, toujours argumenter sur le fond et arrêter d’avancer de tels arguments !

L’article 8, qui concerne 20 millions de Français, porte sur 600 millions d’euros. C’est énorme, et les Français peuvent se sentir trahis devant une telle pression fiscale – au contraire de la prétendue pause fiscale, comme disait mon collègue tout à l’heure. Ils se sentent trahis parce qu’on leur dit sans cesse que l’on va arrêter d’augmenter les impôts alors que l’on continue à les augmenter et ils sentent trahis parce que l’on instaure une certaine rétroactivité. Nous parlons pourtant là de l’épargne de petits épargnants, des gens qui mettent de côté pour acheter un logement, de gens auxquels on a avancé un argument fiscal pour qu’ils soutiennent les entreprises et aient une meilleure connaissance du monde économique, de gens qui veulent transmettre à leurs enfants un petit patrimoine.

Cet article est donc très grave, et j’en demande avec mes collègues la suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il faut tout de même être précis quand on évoque des chiffres.

Madame Poletti, je n’ai jamais donné comme argument que, sous prétexte que le précédent gouvernement avait beaucoup augmenté la fiscalité, nous étions autorisés à le faire.

M. Bernard Accoyer. C’est ce que nous avons compris !

M. Julien Aubert. Vous vous êtes mal exprimé !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mon argument, c’est que, lorsque l’on a autant augmenté les prélèvements sociaux,…

M. Pascal Terrasse. On est modeste !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …on n’a aucune légitimité pour donner des leçons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. C’est un relookage de vos arguments !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je suis désolé de constater que, compte tenu de l’importance des déficits auxquels nous sommes confrontés, de l’obligation dans laquelle nous sommes de redresser une situation que nous n’avons pas créée, mais que nous avons trouvée, nous ne puissions pas avoir sur ces sujets des échanges plus équilibrés et moins politiciens.

Monsieur Aubert, vous parlez des taux d’augmentation des prélèvements sociaux mais je vais vous donner les chiffres parce que, sur de tels sujets, il faut les donner tous et établir la responsabilité qui revient à chacun. Alain Juppé, avant la dissolution, a augmenté les prélèvements sociaux de 3,9 %. Sous le gouvernement de Lionel Jospin, ils ont augmenté de 6,1 % et, sous le gouvernement précédent, de 5,5 %. Il y a donc eu 9,4 points d’augmentation sous les gouvernements de droite et 6,1 points sous les gouvernements de gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Julien Aubert. Et l’augmentation annuelle ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce sont les chiffres !

M. Jean-Frédéric Poisson. Sur quelle durée ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je donne des chiffres bruts, monsieur Poisson.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas sérieux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si nous prenons ces mesures, madame Poletti, ce n’est pas du tout parce que nous avons une appétence particulière pour l’impôt, c’est parce que nous sommes confrontés à des déficits sociaux qui ont pris une dimension abyssale. Contrairement à ce que disait M. Accoyer, si nous n’avions rien fait lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, le déficit 2012 des comptes sociaux aurait été supérieur à 20 milliards.

M. Julien Aubert. Supprimez l’AME !

M. Jean-Frédéric Poisson. Les 600 millions !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’est parce que nous avons pris des dispositions dans une loi de finances rectificative, dont des mesures de prélèvement, que nous avons réussi à rectifier la trajectoire de dérapage des comptes sociaux et, depuis que nous sommes aux responsabilités, qu’il s’agisse du régime général ou du FSV, les déficits diminuent. Nous en étions à plus de 20 milliards. Nous avons réussi en 2012 à ramener le chiffre à 17,5. Nous serons à 16,2 en 2013 et à 12,8 en 2014 et, si nous poursuivons cette trajectoire, nous aurons divisé par quatre en cinq ans le déficit des comptes sociaux.

M. Julien Aubert. Et multiplié par trois le nombre d’émigrés fiscaux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Quand on a laissé de tels déficits, mesdames, messieurs de l’opposition, et qu’on est face à une majorité qui s’emploie à rétablir la trajectoire des comptes sociaux de manière à en réduire les déficits, comme en témoigne ce que nous faisons sur la maladie, à la fois par des économies et par des prélèvements, que nous assumons, on ne donne pas de leçons !

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous avons tout de même le droit d’argumenter !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pas de raconter des bobards !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier, pour soutenir l’amendement n424.

M. Jean-Pierre Barbier. Chacun voit le monde à son image, et loin de moi l’idée de donner des leçons. Je ne participais pas aux débats précédemment mais on voyait bien, en regardant les échanges les années précédentes alors que la situation était difficile, qu’il y avait des débats politiciens : les rôles étaient simplement renversés.

M. Pascal Terrasse. Exercez votre droit d’inventaire ! Dites que pendant dix ans vous n’avez rien fait !

M. Julien Aubert. Quand vous aurez fait votre inventaire des années Mitterrand, on fera celui de Sarkozy !

M. Jean-Pierre Barbier. Chers collègues de la majorité, le capital ne tombe pas du ciel, il se constitue grâce à des revenus qui ont déjà été imposés – vous me semblez l’oublier ! Cet argent est investi pour l’économie. Des épargnants ont investi dans des PEA, ont perdu de l’argent, en ont regagné un peu. Alors qu’ils ont ainsi participé à l’économie, aujourd’hui ils sont bien mal récompensés.

Monsieur le ministre, vous nous expliquez que vous avez une politique fiscale lisible parce que vous alignez des taux. C’est un peu le même principe que pour la TVA : les taux, parce que c’est joli, bien lisible, sont de 5, 10, 20 % – vous auriez d’ailleurs pu tout autant les fixer à 5, 15, 25 parce que c’était peut-être encore plus lisible !

Vraiment, je ne crois pas que la lisibilité d’une politique fiscale repose sur les taux choisis.

Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo !

M. Jean-Pierre Barbier. La lisibilité d’une politique fiscale, c’est la stabilité pour que les entreprises, les épargnants et tous les Français puissent avoir confiance.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n821.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le ministre, vous avez interrompu la présentation des amendements de suppression et apporté des éléments qui font débat. Nous sommes d’accord avec vous sur le fait que nous devrions parler sur le fond, faire des propositions, mais nous discutons article par article, ce qui ne vous donne pas à vous, qui êtes un éminent spécialiste des questions budgétaires, une vision de ce qu’il y a dans le reste du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or il n’y a aucune réforme de structure. Il y a au contraire un abandon des réformes de structure qui oblige le Gouvernement à rechercher des recettes supplémentaires de tous côtés et à taxer tout ce qui bouge. C’est cela le problème. Puisque vous êtes venu parler de finances sociales, je ne voudrais pas vous rappeler l’anti-réforme des retraites que le Gouvernement vient de conduire. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) On cherchait 20 milliards pour 2020 et le texte en apporte 7, sans parler du coût de l’usine à gaz de la pénibilité

Vous nous demandez de la logique mais, lorsque vous étiez dans l’opposition, vous dénonciez, à juste titre, la hausse des prélèvements et, aujourd’hui, vous venez nous en proposer un nouveau de 600 millions d’euros.

Vous dénonciez, à juste titre, la rétroactivité, et l’on pourrait citer à l’envi toutes les déclarations de plusieurs de ceux qui sont dans cet hémicycle et, aujourd’hui, vous la soutenez. À l’époque, il avait été proposé une règle d’or qui revenait sur la rétroactivité. Vous l’avez refusée.

Vous soutenez l’augmentation du plafond des PEA, et vous avez raison, mais, de l’autre main, vous les surtaxez.

En dépit de vos arguments, de vos habiletés, c’est tout de même la politique du sapeur Camember. D’un côté, on incite à maîtriser la dépense, à investir et, de l’autre, on dissuade les petits épargnants à se tourner vers l’économie. Tout cela est une mauvaise politique. C’est pour cette raison que nous demandons la suppression de l’article 8.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bravo !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le débat a eu lieu. Je rappelle donc simplement que la commission a repoussé ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. J’ai écouté M. le ministre, qui nous a fait une démonstration très acrobatique.

M. Jean-Marc Germain. Implacable !

Plusieurs députés du groupe SRC. Excellente !

M. Jean-Pierre Door. Il nous a un peu noyés en tenant de rappeler à la fois le passé et le présent immédiat.

Monsieur le ministre, vous allez chercher 600 millions, quand la protection sociale représente des centaines de milliards d’euros. C’est une très mauvaise image que l’on va donner aux petits épargnant que nous sommes tous et que les Français sont majoritairement.

Au-delà des plans d’épargne en actions, cela concerne surtout les plans d’épargne logement et les comptes d’épargne logement qu’un grand nombre d’entre vous, mes chers collègues, ont ouverts et ouvriront, pour vous-mêmes ou pour vos enfants, pour acheter un appartement ou un studio, faire des travaux, rénover ou améliorer, tout cela afin de constituer ce qu’on peut appeler un tout petit patrimoine familial. Or ces placements privilégiés des familles, vous les pénalisez.

Je me demande vraiment, monsieur le ministre, si les Français continueront demain à investir dans ces plans d’épargne logement et contrats d’épargne logement. Je n’en suis pas certain avec cette mauvaise image que l’on donne.

J’ai entendu ce matin, et je ne vais pas vous l’apprendre, que les fonds placés sur le livret A avaient diminué cette année de plus d’un milliard d’euros, ce qui veut dire que des Français ont aussi abandonné le livret A ces derniers mois parce qu’ils ont été inquiets de son rendement.

Il faut revenir à la raison et soit supprimer l’article soit l’amender pour qu’il ne concerne pas les contrats d’épargne logement et les plans d’épargne logement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. C’est un débat important parce qu’il rappelle la vérité, et sur ce plan la démonstration du ministre est éclatante. Vous avez créé, chers collègues, ces prélèvements sociaux. Vous les avez augmentés de 9 % et nous de 6 %. Aujourd’hui, vous le dénoncez : on voit où est l’incohérence.

Deuxièmement, cela a également été dit, nous n’augmentons pas les prélèvements pour le plaisir mais pour rétablir les comptes sociaux que vous avez laissés en déficit. Ainsi que je le disais hier, c’est en quelque sorte notre croix ! Chaque fois que nous vous succédons, nous trouvons des montagnes de dettes à la Sécurité sociale, et il nous revient de les réduire.

M. Bernard Accoyer. Donnez-nous le détail de la réforme des retraites !

M. Jean-Marc Germain. Pour nous, la Sécurité sociale doit être à l’équilibre, faute de quoi l’on assisterait à une remise en cause la protection sociale.

N’êtes-vous pas d’ailleurs quelque peu à court d’arguments – je n’avais en effet jamais entendu M. Accoyer avoir une intervention aussi sage –…

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous ne le connaissez pas !

M. Jean-Marc Germain. …pour en arriver à agiter la peur de l’exil fiscal ?

M. Bernard Accoyer. Je n’en ai pas parlé !

M. Jean-Marc Germain. Je soulignais juste la gêne manifeste de votre intervention : alors que vous êtes habituellement beaucoup plus vaillant, là, nous avons nous avons senti que vous étiez à court d’arguments.

M. Bernard Accoyer. Parlez donc du fond !

M. Jean-Marc Germain. L’exil fiscal, que l’un de vos collègues a évoqué, est une question importante. Selon l’étude que vous avez mentionnée, le maximum a été atteint en 2011 ; or qui était Président de la République en 2011 ? Ce n’était pas François Hollande, mais Nicolas Sarkozy !

En outre, pour en revenir au fond, cette étude souligne également que ce phénomène n’est en rien un exode, mais une mobilité internationale qui concerne à 80 % des personnes gagnant moins de 39 000 euros par an ! Ramenons donc les choses à leur juste proportion !

Par ailleurs, pour notre part, nous défendons et nous assumons l’équité fiscale. Nous ne réclamons pas que les épargnants payent plus que les autres : nous disons simplement que les revenus du capital doivent supporter les mêmes contributions que les revenus du travail, les mêmes contributions à la Sécurité sociale, les mêmes contributions au fonctionnement de l’État. Vous le savez, 30 % des Français ne possèdent aucune épargne : il n’y a aucune raison que ces 30 % payent plus que les autres !

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais ils ne payent pas plus que les autres !

M. Jean-Marc Germain. Je répondrai à M. Tian, même s’il est parti, que je n’accepte pas que l’on dise que deux France coexistent : il n’y a pas d’un côté une France qui travaille, et de l’autre une France qui ne travaillerait pas !

M. Julien Aubert. Si ! Justement !

M. Jean-Marc Germain. Il n’y a pas une France qui voudrait s’élever, et une France qui ne le voudrait pas ! Ce faux procès est insupportable !

M. Julien Aubert. Allez vous balader en France, vous verrez !

M. Jean-Marc Germain. C’est pour cela que vous avez été sanctionnés en 2012 ! Nous, nous défendons une France qui se serre les coudes, qui se retrousse les manches, qui contribue au redressement du pays et qui le fait dans la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est bien tenté !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Je voudrais dire à notre collègue Germain qu’il n’a pas dû peser beaucoup dans les arbitrages ! La taxe à 75 % ne touche pas les revenus du patrimoine, mais les revenus du travail : cela montre bien que c’est injuste !

Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, comme d’habitude, surtout ces derniers jours : nous avons l’occasion de passer de longues heures ensemble dans l’hémicycle. Vous avez un talent formidable…

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ah ?

M. Philippe Vigier. …pour nous raconter des histoires formidables. Mais nous ne devons pas regarder la même France. Or les prélèvements obligatoires, dans la France dans laquelle nous vivons, sont au maximum ; c’est une France dans laquelle les déficits publics atteignent les niveaux que l’on sait. Vous aviez prévu, monsieur le ministre, une trajectoire de redressement des finances publiques tablant sur un déficit à 3 % du PIB en 2013 : où en sommes-nous aujourd’hui ?

Mme Valérie Rabault. Il s’agit du déficit structurel, monsieur Vigier !

M. Philippe Vigier. Vous avez eu raison de dire, monsieur le ministre, que les déficits étaient importants. Pourquoi alors avoir laissé passer la réforme des retraites, dont on sait qu’elle sanctuarise et grave dans le marbre 14 milliards d’euros de déficit supplémentaires ?

J’avais proposé par amendement à la loi de financement des retraites que les stock-options et les retraites chapeau, qui en dessous de 300 000 euros échappent à la CSG et à la CRDS, soient taxées. Or cela a été repoussé d’un revers de main par le Gouvernement. Pourquoi avez-vous refusé les recettes que je vous proposais ? J’y vois une certaine incohérence.

Monsieur Germain, nous aussi, nous défendons les classes moyennes, qui attendent toujours le doublement du plafond du Livret A, pour vous rappeler quelques souvenirs de l’été dernier : on ne l’a jamais vu arriver ! Ce n’est pas grave : encore une promesse non tenue !

M. Régis Juanico. Nous l’avons augmenté de moitié !

M. Philippe Vigier. La moitié, vous le reconnaissez vous-même, monsieur Juanico : vous n’avez donc pas tenu votre parole ! Voilà ce que nous vous reprochons !

Certes, les impôts avaient beaucoup augmenté auparavant : je ne peux pas le nier, c’est la vérité.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Enfin !

M. Philippe Vigier. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, a parlé de ras-le-bol fiscal : accompagnons tous ce ras-le-bol fiscal par une pause fiscale ! Malheureusement, elle n’est pas au rendez-vous, au contraire : c’est une véritable purge fiscale !

M. Bernard Accoyer. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pour clore ce chapitre, je suis bien entendu contre tous ces amendements ; mais je voudrais simplement rappeler ce que sont nos intentions.

D’abord, monsieur Vigier, je ne sais pas si nous visitons la France, mais vous, vous visitez les salades niçoises avec un talent incommensurable ! La taxe à 75 % n’est pas payée par les contribuables mais par les entreprises. Ce ne sont pas les contribuables personnes physiques qui payent cette taxe, mais les contribuables entreprises !

M. Philippe Vigier. C’est une promesse de campagne non tenue, vous le savez bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. De plus, l’assiette de cette taxe intègre les revenus du capital. Par conséquent, monsieur Vigier, vous racontez des carabistouilles ! En réalité, les 75 % sont payés par les entreprises et non les personnes physiques, et l’assiette de cette taxe inclut les revenus du capital.

Deuxième point : la mesure que nous prenons est une mesure d’équité, car il n’est pas normal que lorsque l’on détient directement des actions et qu’on les vend, on soit taxé à 15,5 %, et que lorsqu’on les détient dans le cadre d’un PEA, on ne le soit pas.

Le principe d’égalité, cela existe ; le principe d’équité, cela existe ; et le principe de simplification de nos impôts, cela existe !

Troisième point : je demande aux parlementaires de l’opposition de faire preuve dans nos débats d’un peu de pondération et de modération.

Mme Bérengère Poletti. Dites-le à votre majorité ! Dites-le à M. Germain !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Chacun connaît en effet la stratification des impôts et la responsabilité dans l’augmentation de la pression fiscale. Certains l’ont fait parce qu’ils avaient fait beaucoup de cadeaux qu’ils ne pouvaient en réalité payer, et qu’ils ont financés à la fin du quinquennat par une augmentation massive de la pression fiscale ;…

M. Julien Aubert. Voilà des propos tout à fait pondérés !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …d’autres ont été obligés de le faire lorsqu’ils sont arrivés en situation de responsabilité en découvrant sur le métier des dettes abyssales !

Pour conclure, monsieur Vigier, concernant l’augmentation de la pression fiscale, quand on présente un budget dans lequel cette augmentation passe de 0,5 à 0,15 – vous ne pouvez pas le nier : c’est la réalité ! –, et même à 0,05 si l’on neutralise les effets de la lutte contre la fraude fiscale – c’est-à-dire les impôts qu’on va chercher chez ceux qui ont oublié de les payer afin que ceux qui les payent déjà n’en payent pas plus –, c’est à une vraie baisse du niveau de la pression fiscale à laquelle on assiste. Comment appeler cela autrement ?

L’an prochain et chaque année jusqu’à la fin du quinquennat, nous ajusterons tous les budgets exclusivement par des économies en dépenses. Voilà la trajectoire des finances publiques dans laquelle nous sommes engagés. Ne pas le reconnaître tout en convoquant systématiquement le poujadisme fiscal, c’est une manière de compromettre dans ce pays le consentement à l’impôt, qui est consubstantiel à la république puisqu’il finance les services publics ainsi que la protection sociale à laquelle les Français tiennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul, rapporteur. Très bien !

(Les amendements de suppression nos 2, 22, 165, 248, 424, 595 et 821 ne sont pas adoptés.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n812.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la présidente, m’autorisez-vous à présenter en même temps les amendements n817 et 818 ?

Mme la présidente. Avec grand plaisir, monsieur le ministre !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ces amendements de coordination visent à tirer les conséquences de la réforme sur certaines règles.

L’amendement n812 concerne les règles de restitution en cas de trop versés qui s’appliquent aux contrats d’assurance vie multisupports ayant déjà fait l’objet de prélèvements au fil de l’eau sur leur compartiment en euros. L’amendement précise que le dispositif historique ne s’applique plus aux moins-values éventuelles constatées lors du rachat, ce qui jouera ici dans un sens favorable aux épargnants.

L’amendement n817 vise à permettre aux établissements financiers de prélever de manière globale tous les prélèvements sociaux, ce qui est désormais possible car leur assiette est unifiée. Cette règle de gestion plus simple permettrait une meilleure lisibilité pour les épargnants.

Quant à l’amendement n818, il aligne la date de versement de l’acompte d’impôt sur le revenu dû sur les intérêts des PEL de plus de douze ans sur la date unique d’acompte des prélèvements sociaux afin d’harmoniser la gestion des prélèvements.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ces amendements qui n’ont pas été examinés en commission sont de nature essentiellement technique.

Le premier vise à tenir compte de la situation particulière des contrats d’assurance vie multisupports. Le deuxième tend à globaliser le paiement des prélèvements sociaux par les établissements payeurs qui n’ont donc plus besoin de faire la distinction entre les cinq différents prélèvements dès lors que l’article les aligne sur la même assiette. Il s’agit d’une mesure de simplification. Enfin, le troisième vise à aligner la date de versement de l’acompte d’impôt sur le revenu dû sur les intérêts des PEL de plus de douze ans sur la date désormais unique d’acompte des prélèvements sociaux, toujours dans un objectif de simplification.

À titre personnel, je suis favorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Je suis contre ces amendements qui s’inscrivent dans le cadre de l’augmentation de 600 millions d’euros sur des produits d’épargne populaire qui sont de surcroît utiles pour l’économie, comme l’a dit le Premier ministre ainsi que d’éminents collègues du groupe socialiste. Je citerai notamment Mme Valérie Rabault, rapporteure pour avis, qui donnait son avis sur l’article 8 en ces termes : « Je regrette que cette mesure soit appliquée uniformément à tous les types de produits alors même que certains d’entre eux constituent la base d’une épargne pour les ménages les moins aisés ». Et M. Grandguillaume, qui est, je crois, un éminent membre du groupe SRC ajoutait : « Le fait que cette mesure entre en vigueur de manière rétroactive à la date du 28 septembre 2013 peut poser problème à des entrepreneurs, alors qu’ils ne font par exemple que vendre des actions de leur PEA pour réinvestir dans une autre société ».

Vous voyez donc bien, monsieur le ministre, que ces mesures sont défavorables puisque même votre majorité le dit. En réalité, en cherchant, par une multiplicité de dispositions, à limiter les déficits, vous prenez des mesures défavorables à l’économie, défavorables aux épargnants. Voilà pourquoi nous voterons contre ces trois amendements du Gouvernement. J’ajoute qu’il est bien normal, si le compte est déficitaire, que le Gouvernement ne prévoie pas de prélever sur un déficit, parce que c’est de cela aussi qu’il s’agit.

Madame la présidente, présenter en séance publique des amendements de cette portée, qui sont techniques et compliqués, est d’ailleurs une mauvaise manière de travailler…

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Bernard Accoyer. …et je vous demande de le faire savoir à M. le président de l’Assemblée nationale. Nous n’avons pas tous la capacité – en tout cas c’est mon cas – de comprendre les subtilités de l’administration de Bercy.

(Les amendements nos 812, 817 et 818 sont successivement adoptés.)

Mme la présidente. Sur l’article 8, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n296.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n296, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n612.

M. Jean-Pierre Door. J’ai déjà abordé cette question, mais une piqûre de rappel est souvent nécessaire. Nous souhaitons en effet alléger la fiscalité de l’épargne sur le logement qui permet d’inciter les ménages à préparer l’investissement pour eux-mêmes ou pour leurs enfants ou leurs petits enfants. Les produits d’épargne que sont les CEL et les PEL concernent des familles modestes, pas des familles ayant un patrimoine élevé. Nous estimons que le Gouvernement ne considère plus comme prioritaire ce type d’épargne. Aussi, nous lui demandons de retirer les PEL et les CEL du dispositif de l’article 8 qui va augmenter la taxation de ces produits de placements privilégiés pour de nombreuses familles.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable. Le présent amendement vise à accroître encore le différentiel non justifié de traitement entre les différents produits de placements. Vous acceptez que le principe de l’assujettissement aux prélèvements sociaux au taux actualisé sur la totalité des produits s’applique aux PEA et à l’assurance vie, mais pas aux PEL et au CEL. Dès lors, vous créez une distorsion encore plus forte que celle qui existait auparavant entre produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu pour les uns et des produits soumis à l’impôt sur le revenu pour les autres. Une telle sélectivité serait incompréhensible. L’article 8 propose au contraire une harmonisation de l’ensemble des modalités de prélèvements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Les PEL ne correspondent qu’à hauteur de 5 % du rendement,…

M. Bernard Accoyer M. Jean-Pierre Door et Mme Bérengère Poletti. Raison de plus !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …avec un impact individuel très limité. Les gains sur un PEL sont limités. Les gains concernés par la mesure sont uniquement ceux qui sont taxés au dixième anniversaire du plan, et au-delà du dixième anniversaire les intérêts sont taxés au fil de l’eau. Ainsi, en 2014, seuls les intérêts sur les PEL ouverts en 2004 seront concernés, et ils le seront pour cette seule année. Pour un PEL, l’impact est au minimum de 23 euros et au maximum de 135 euros et cet impact n’est subi qu’une année et une fois pour toutes.

Contrairement à ce que j’ai entendu dire tout à l’heure, ceux qui ont constitué une épargne en vue d’acquérir un logement sont très peu concernés par cette mesure.

M. Jean-Pierre Door. Ils n’en prendront plus !

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le ministre, en commission nous avons tous été bien conscients que ce nouveau prélèvement sur le PEL et le CEL ne rapportera que très peu.

Je suis d’ailleurs étonné par votre argument, monsieur Bapt, car c’est vous-même qui nous aviez suggéré, en commission, de déposer un amendement en séance publique…

M. Jean-Pierre Door. Tout à fait !

Mme Bérengère Poletti. …pour extraire de la mesure les PEL et les CEL qui sont des épargnes très populaires.

Ces produits d’épargne s’adressent à des catégories moyennes qui font l’effort de mettre un peu d’argent de côté en vue d’investir dans la pierre, devenir propriétaire de leur maison.

M. Jean-Pierre Door. Ou faire des travaux de rénovation !

Mme Bérengère Poletti. Extraire les PEL et les CEL de cette nouvelle taxe serait bienvenu et très apprécié par les Français.

(L’amendement n612 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n576.

M. Arnaud Richard. Il est défendu.

(L’amendement n576, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n811.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Cet amendement vise à tenir compte des contraintes de gestion des établissements financiers qui sont chargés de prélever les contributions sociales et qui devront effectuer les travaux informatiques pour appliquer les nouvelles règles. Au terme d’une concertation avec les professionnels, il est proposé un régime transitoire jusqu’au 30 avril 2014. Avant cette date, les établissements appliqueront les règles actuelles à titre provisoire, mais ce prélèvement opéré par les établissements ne sera qu’un acompte. Une régularisation sera effectuée par voie de rôle en 2015 pour prélever la différence entre l’application des nouvelles règles et ce que les établissements auront précompté. Après cette date, le prélèvement sera intégralement effectué à la source selon les nouvelles règles. Cette adaptation des règles de collecte sera donc neutre pour les épargnants.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement.

M. Bernard Accoyer. C’est la preuve d’une totale improvisation !

M. Gérard Bapt, rapporteur. À titre personnel, j’y suis favorable. Il s’agit d’un amendement essentiellement technique destiné à aménager les règles applicables aux prélèvements sociaux pour les placements clôturés entre le 26 septembre 2013, date d’entrée en vigueur du nouveau dispositif, ce qu’un des intervenants nous a reproché tout à l’heure,….

M. Jean-Pierre Barbier. Ce n’est pas de la rétroactivité !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …et le 30 avril 2014. Il est indispensable de laisser aux établissements payeurs qui assurent le prélèvement à la source le temps de s’adapter aux nouvelles règles.

Madame Poletti, vous venez de dire que je vous avais conseillé…

Mme Bérengère Poletti. Suggéré !

M. Gérard Bapt, rapporteur. ...de déposer un amendement visant à extraire les PEL et les CEL de la taxe.

En fait, alors que vous défendiez en commission un amendement de suppression de l’article 8, vous m’aviez demandé pourquoi ne pas supprimer le PEL de l’article 8. Je vous avais répondu : « Libre à vous de déposer un amendement en ce sens ».

M. Jean-Pierre Door. C’était un bon conseil !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous l’avez fait, ce qui était votre liberté, mais cela ne veut pas dire que j’approuve votre démarche.

(L’amendement n811 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n297.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n297, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n319.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement vise à permettre que les dispositions prévues à l’article 8 soient applicables aux seuls contrats et produits conclus à partir du 1er janvier 2014.

Monsieur le ministre, vous avez déroulé habilement vos arguments au regard des augmentations des taux de CSG qui ont été établies les années précédentes. Vous avez fait une analogie entre ce que vous proposez à l’article 8 et les augmentations des taux de CSG dont vous avez retourné une quote-part de la responsabilité à l’ancienne majorité. Votre analyse ne me paraît pas pertinente. Nous savons que les taux de la fiscalité des contributions sociales, tant au niveau de l’impôt sur le revenu que de l’impôt sur les sociétés, sont revus et arrêtés chaque année. Effectivement, dès lors qu’ils sont arrêtés, ils s’appliquent sur les revenus de l’année en cours ou qui suit. C’est l’objet même des lois de finances et des lois de finances rectificatives. Comparer l’article 8 à la fixation chaque année des nouveaux taux ne me paraît pas du tout pertinent. D’ailleurs, vous avez souligné, à juste titre, que les taux des prélèvements sociaux et fiscaux n’étaient pas modifiés. En revanche, à travers l’article 8 vous proposez de modifier les modalités particulières des PEA, des PEL et des assurances vie.

Vous avez par ailleurs comparé ces contrats et les placements de nature un peu plus classique. Vous placez en fait ces contrats particuliers qui sont conçus avec des conditions propres, justifiées par la nature même du contrat, au même niveau que les autres contrats de placement. C’est méconnaître les particularités de ces contrats que les Français retiennent justement à ce titre, sachant que les revenus de ces contrats sont perçus chaque année le plus souvent au 31 décembre sans que les prélèvements fiscaux soient pris en compte.

Vous avez également évoqué la simplification. Je crois que sur ce point, nous vous rejoignons.

Si nous voulons en tout cas véhiculer un bon message, il serait judicieux de donner un avis favorable à cet amendement, qui permettrait de ne prendre en compte que les contrats conclus à compter du 1er janvier 2014. Ce serait un message de confiance à destination des Français.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis très défavorable, parce que si nous suivions Mme Louwagie, les contrats conclus jusqu’au 31 décembre de cette année resteraient sous les anciennes modalités de prélèvement.

Mme Véronique Louwagie. Tout à fait !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Seuls ceux qui seraient conclus à partir du 1er janvier 2014 seraient soumis à l’article 8. Bien entendu, il y aurait une évasion fantastique, puisque d’ici au 31 décembre, beaucoup d’épargnants voudraient profiter des anciens taux et il faudrait attendre 2020 ou 2025 pour voir s’appliquer l’article 8. Cet amendement doit être repoussé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Je ne me lasse pas d’entendre le ministre nous expliquer ce qu’est la rétroactivité. Nous sommes le 23 octobre. Nous examinons un texte qui devrait être approuvé d’ici un mois ou deux. Or, ce texte s’appliquera à partir du 26 septembre 2013, c’est-à-dire il y a un mois. Si ce n’est pas de la rétroactivité, alors qu’est-ce que c’est ? (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)



Ce qui est proposé dans cet amendement est honnête : il s’agit de dire que les choses se passaient d’une certaine manière et qu’à partir de maintenant ce sera autrement : ça, c’est lisible et c’est crédible.





Vous avez des épargnants qui ont signé un contrat. En procédant ainsi, vous ne leur permettez pas de sortir du contrat aux conditions qu’ils avaient approuvées en signant. La valeur d’une signature dans notre pays, c’est encore quelque chose d’important. Je crois que si on veut restaurer la confiance dans ce pays, il faut que les gens puissent avoir confiance en la signature d’un contrat.





Expliquez-moi une nouvelle fois que cette loi n’est pas rétroactive, mais honnêtement, monsieur le ministre, à ce niveau de la discussion, je suis loin d’être convaincu.



Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Dans le passé, à chaque fois que le législateur a augmenté les taux de prélèvement applicables aux produits de placement, il a cherché à éviter l’effet rétroactif. Cependant, il est clair que l’utilisation des taux historiques pour certains plans ou contrats n’est pas totalement équitable et peut se révéler source de complexité pour les établissements financiers, que ce soit dans l’administration, le recouvrement ou le contrôle.

À la rigueur, on peut imaginer qu’il soit compréhensible de mettre à mal les taux historiques, mais sans remettre en cause l’effet recherché par cette mesure, il est proposé par Mme Louwagie, comme l’avait proposé M. Fromantin, que cette mesure ne s’applique qu’à partir du 1er janvier 2014. Ce serait de nature à atténuer le fort impact de cette mesure dans un contexte où la stabilité des dispositifs fiscaux fait l’objet d’une demande de plus en plus pressante des acteurs économiques et dont le caractère légitime ne paraît pas contestable.

(L’amendement n319 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8, tel qu’il a été amendé.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants86
Nombre de suffrages exprimés86
Majorité absolue44
Pour l’adoption64
contre22

(L’article 8, amendé, est adopté.)

Article 9

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je ne formulerai que quelques mots sur cet article qui tend à réintégrer dans l’assiette des prélèvements sociaux la part des dividendes excédant 10 % du capital social quand ils sont perçus par l’exploitant agricole ou sa famille.

Cette mesure qui vise à élargir l’assiette des prélèvements sociaux va dans le bon sens, compte tenu de l’essor de la forme sociétaire des exploitations : nous le soutiendrons donc.

Pour autant, il est dommage que ne soient pas mis à contribution tous ceux qui prospèrent de l’activité agricole. Je pense aux banques et notamment au Crédit agricole, ainsi qu’aux entreprises de l’agroalimentaire et de la grande distribution.

Il est évident que les agriculteurs ne peuvent pas financer seuls leur régime de retraite et il est indispensable, là encore, de réfléchir à l’élargissement de l’assiette au delà du monde agricole.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Cet article illustre le non-respect de sa parole par le candidat Hollande. En effet, celui-ci avait promis, pendant la campagne électorale, une revalorisation des retraites agricoles qui se ferait à travers la solidarité nationale. On s’aperçoit, avec cet article 9, que c’est tout à fait le contraire qui se produit. Dans la loi portant réforme des retraites, aux articles 20 et 22, le Gouvernement a décidé que ce seraient les agriculteurs et non la solidarité nationale qui paieraient – excusez du peu ! – les 300 millions que coûte la mesure de revalorisation dont les modalités de financement sont inscrites dans cet article.

Il s’agit de prélever 10 % des dividendes, pour ceux qui ont des excédents, dans les sociétés d’exploitants agricoles. On taxe donc l’entreprise agricole comme on va augmenter par décret les cotisations ou piller les réserves des caisses excédentaires, à hauteur de 500 millions pour ce qui est de la Mutualité sociale agricole.

C’est méconnaître la situation de l’agriculture française, qui était il n’y a pas si longtemps la première d’Europe mais qui ne l’est plus ; c’est méconnaître l’état dans lequel se trouvent nos compatriotes exploitants agricoles qui sont souvent dans la désespérance, écrasés par une montée des charges et du prix des matières premières à laquelle ils ne peuvent pas faire face, lourdement endettés et qui ne connaissent pas les 35 heures ni les facilités que d’autres peuvent connaître.

Cette mesure est donc la trahison de la parole donnée. En plus, elle vient aggraver la situation de l’agriculture française, qui devrait au contraire exiger que nous nous retrouvions tous pour essayer de la redresser, en pensant à ces femmes et à ces hommes qui travaillent dur pour nourrir notre pays, pour équilibrer leurs comptes tout en apportant une contribution essentielle à la balance commerciale française.

M. Jean-Pierre Door. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Cette discussion me rappelle celle que nous avions eue en examinant le projet de loi de financement de l’année passée, au sujet du RSI. Finalement, le dispositif qui est proposé pour les exploitants agricoles l’a été pour les artisans, commerçants et industriels.

Il me paraît important de rappeler la manière dont les formes sociétaires permettent aujourd’hui de distinguer deux natures de revenus qui sont complètement différentes : les revenus du travail, qui sont soumis aux cotisations sociales, et ceux du capital qui, eux, n’y sont pas soumis du tout.

S’agissant des dividendes, je voudrais d’abord évoquer la situation des investisseurs : aujourd’hui, certains financent l’acquisition de leurs parts sociales au moyen des produits qu’ils en tirent, c’est-à-dire au moyen des dividendes. C’est dire qu’une telle disposition va mettre en difficulté ces investisseurs qui ont fait un plan de financement et qui, avec les dividendes perçus, peuvent rembourser leurs emprunts. C’est donc mettre en difficulté des personnes qui se sont engagées, qui ont investi dans leur outil de travail.

On ne peut par ailleurs méconnaître la situation du monde agricole aujourd’hui. Nous avons tous évoqué d’ailleurs la situation du secteur agroalimentaire, qui résulte d’un malaise dans le monde agricole et d’un grand nombre de difficultés.

On vient donner un coup supplémentaire au monde agricole. En ce moment, augmenter les prélèvements sociaux dans le domaine de l’agriculture ne me paraît pas du tout judicieux.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Je veux d’abord remercier le ministre délégué au budget : nous venons de passer de longues heures sur le projet de loi de finances et je le remercie d’être ici pour participer à cette discussion.

Je voudrais revenir sur un sujet que nous avons déjà évoqué longuement, l’imposition des Français de l’étranger sur les revenus locatifs fonciers et les plus-values immobilières. Aujourd’hui est engagée, vous le savez, une procédure d’infraction contre notre pays. C’est un sujet technique sur lequel je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez réagir.

Sur la question de l’égalité de traitement entre les redevables, il se trouve que la jurisprudence, depuis un arrêt du 15 février 2000, a précisé que la règle de l’unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale vise à supprimer les inégalités de traitement qui seraient les conséquences du cumul partiel ou total des législations applicables. De même, s’agissant des prélèvements sociaux sur les revenus du capital non contributifs qui n’ouvriraient pas droit à des prestations sociales, le lien ne saurait être rompu par le choix des modalités concrètes de l’affectation des sommes en vue du financement du régime de sécurité sociale français. Ces Français ne bénéficient pas des prestations sociales françaises.

Pas de double imposition grâce aux conventions internationales : c’est l’argument qui a été avancé par le Gouvernement. Je veux dire que c’est au contraire une difficulté, puisque, vous le savez, les conventions fiscales sont diverses et qu’il est indispensable que soit clarifiée la situation.

Vous le voyez, monsieur le ministre, ces sujets sont très techniques. Un certain nombre de Français sont victimes d’une injustice criante et je souhaite que nous puissions avancer, dans l’intérêt et de la France –pour éviter qu’elle se retrouve condamnée – et de nos compatriotes à l’étranger.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. La loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a créé de nouveaux droits qui ont été salués par les agriculteurs, car ils étaient attendus depuis plusieurs années. C’est la garantie d’une pension minimale de 75 % du Smic pour une carrière complète, c’est l’attribution de droits aux conjoints et aides familiaux au titre des années antérieures à la création du régime complémentaire, c’est la suppression de la condition de durée pour bénéficier de la pension minimale, c’est l’extension du dispositif de droits combinés avec réversion des régimes complémentaires obligatoires… Ces mesures de justice bénéficient à l’ensemble des non-salariés agricoles.

Il apparaît donc logique de modifier les dispositifs fiscaux, afin de financer ces mesures en faisant évoluer l’assiette sociale des cotisations agricoles, la prise en compte des revenus de l’ensemble de la famille et l’intégration des dividendes pour le calcul des cotisations. C’est une mesure de justice.

Le fait d’être enregistré comme associé participant ou non-participant aux travaux a une incidence sur l’assiette des cotisations sociales. Cette dissociation ne se justifie par aucune réalité sociale et n’a pas à être maintenue au sein d’un même foyer fiscal.

C’est une mesure de solidarité au sein de la profession qui contribuera à garantir les retraites des non salariés agricoles, déjà financées par la solidarité nationale. Elle améliore notamment la situation des femmes ou des conjointes puisque celles-ci représentent 72 % de ses bénéficiaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Monsieur le ministre, nous venons de voir qu’à l’article 8 vous avez tordu le cou à ce principe habituellement respecté qu’est la non-rétroactivité des mesures fiscales et voilà qu’à l’article 9 vous vous en prenez à ce que la décision que vous vous apprêtez à voter pouvait contenir de justice. Mieux encore : vous proposez cette modification des règles du jeu au nom de la justice !

En gros, vous assurez qu’il est normal de cotiser sur l’ensemble des revenus, un peu comme tout le monde. Soit, mais il serait dès lors normal que les agriculteurs bénéficient d’un niveau de retraite équivalent à celui des autres.

Or, même avec ce que contient le projet de loi fort improprement appelé « projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites », le très modeste progrès que vous consentez en faveur de certaines retraites agricoles est sans commune mesure avec la taxation supplémentaire que vous allez mettre en place sur les professionnels en exercice.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Oh la la !

M. Jacques Lamblin. Je vous rappelle tout de même qu’il faudrait se poser la question du « pourquoi ? ». Pourquoi les agriculteurs se sont-ils donc progressivement acheminés vers cette forme d’exercice ? Tout simplement parce qu’ils ont dû s’adapter à la dure réalité des temps.

Je vous rappelle qu’ils travaillent au minimum deux fois plus que la moyenne des Français…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Pas ceux qui sont concernés par cette mesure.

M. Jacques Lamblin. …en heure de présence, surtout les éleveurs. Je vous rappelle qu’ils se suicident trois ou quatre fois plus que la moyenne des Français. Je vous rappelle, enfin, qu’ils traversent souvent des difficultés considérables, en particulier les éleveurs, en particulier en ce moment.

Le cadeau de bienvenue que vous leur adressez en guise de vœu pour 2014 sera l’augmentation considérable de leurs cotisations sociales pour un nombre très important d’entre eux…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mais non, mais non !

M. Jacques Lamblin. …dont je répète qu’ils ont dû évoluer vers ce mode d’exploitation pour faire face à la dureté des temps.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je ne porterai pas un jugement sur l’opportunité juridique, réglementaire ou fiscale de la rectification du mode de taxation mais il me semble qu’il n’est pas opportun de s’en prendre ainsi, même indirectement et peut-être pour de bonnes raisons, aux revenus des exploitations agricoles. Le contexte est en effet extrêmement difficile…

M. Bernard Accoyer. Tout à fait.

M. Julien Aubert. …car, comme nous pouvons le constater en Bretagne,…

M. Bernard Accoyer. Et dans les Alpes !

M. Julien Aubert. …nous ressentons les premières secousses d’une crise très profonde de notre agriculture, crise qui ne demande d’ailleurs qu’à s’exprimer dans le reste du pays. En tant que député du Vaucluse, je sais combien la situation est catastrophique dans certaines filières.

Par conséquent, sur le plan de l’opportunité, c’est une très grave erreur d’envoyer un tel signal.

Là encore, on fait porter le poids du redressement des comptes sur les catégories les plus touchées, les plus faibles, les plus exposées, les plus fragilisées psychologiquement. Or, c’est l’inverse des raisons pour lesquelles vous avez été portés au pouvoir.

Je vous donne quasiment un conseil d’ami (Sourires). Les solutions doivent être trouvées à travers des mesures structurelles courageuses, …

M. Bernard Accoyer. Il a raison.

M. Julien Aubert. …ce qui nous permettrait d’avoir un vrai débat de fond sur ce qu’il faut faire, et non en raclant les fonds de tiroirs. Cette année, ce sont les agriculteurs, mais l’année prochaine ? Les artisans, les petits commerçants, les travailleurs indépendants ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. J’ai l’impression que, dans cet article, on prend aux uns pour donner aux autres. Vous écrivez d’ailleurs dans l’étude d’impact que l’existence de certaines réserves de gestion de la MSA étant à présent inutiles, il est désormais possible de les mobiliser.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Eh bien oui !

M. Jean-Pierre Door. En fait, vous mobilisez les réserves pour tendre vers la revalorisation des retraites.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Oui.

M. Jean-Pierre Door. Or, rien n’est fait. On ne sait pas du tout si une telle revalorisation aura lieu.

M. Bernard Accoyer. Nous ne savons pas ce qu’ils font des prélèvements !

M. Jean-Pierre Door. Cela figure peut-être dans le projet de loi sur les retraites, mais nous ne savons pas trop ce que vous faites.

En même temps, vous taxez, puisque vous prenez 10 % pour alimenter le PLFSS d’environ 300 millions.

Nous verrons tout à l’heure que vous pénalisez les professions libérales, les artisans et les commerçants avec le RSI et, là, vous manipulez la MSA. Je ne suis pas certain que les représentants du monde agricole soient entièrement satisfaits par un article dont nous demandons la suppression.

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 23, 223, 228, 247, 293 et 596 visant à supprimer cet article.

La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n23.

M. Arnaud Richard. Au-delà de la hausse des prélèvements sociaux opérée sur les travailleurs indépendants agricoles exerçant dans le cadre sociétaire, je reviens comme mes collègues sur cette « recette de poche » de 160 millions issue des excédents de la MSA.

Pourquoi n’êtes-vous pas allé plus loin, les réserves s’élevant à environ 410 millions ? Comment, après cette « recette de poche » qui ne durera qu’une année, envisagez-vous de financer l’an prochain la hausse des retraites complémentaires agricoles, ce qui est certes louable et que nous voulons tous ?

Cet amendement vise à supprimer cet article.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n223.

Mme Véronique Louwagie. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n228.

M. Dominique Tian. Je ne suis pas spécialiste du monde agricole…

M. Julien Aubert. Cela ne se voit pas ! (Sourires)

M. Dominique Tian. … mais je suis tout de même choqué par la trahison des promesses du candidat Hollande (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous ne l’avez pas soutenu !

M. Dominique Tian. Il est vrai que le candidat Hollande avait promis une revalorisation des retraites agricoles via la solidarité nationale et la baisse du nombre des pensionnés. Cette question générale ne peut donc qu’intéresser un député de la nation.

Les mesures de revalorisation sont bien inscrites dans la loi portant réforme des retraites mais, en revanche, le Gouvernement ne respecte pas la promesse du Président de la République puisque ce sont les agriculteurs et non la solidarité nationale qui paieront les 300 millions que coûtent les mesures de revalorisation dont les modalités de financement sont inscrites dans ce texte.

C’est pourquoi je propose de supprimer cet article.

Une promesse électorale avait été faite et ce n’est pas aux agriculteurs, une fois encore, de payer.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n247.

M. Julien Aubert. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n293.

M. Bernard Accoyer. Je souhaite revenir sur le caractère indécent de ce prélèvement effectué sur l’agriculture française (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ah la la !

M. Bernard Accoyer. …sur les agriculteurs, sur les exploitants, que ce soient des éleveurs, des poly-cultivateurs ou des agriculteurs travaillant dans d’autres filières, ovines ou autres.

Nous devrions tous nous retrouver, madame et monsieur les ministres, pour constater combien l’agriculture française souffre avec une réforme de la politique agricole commune qui a été particulièrement mal négociée par le Gouvernement, un ministre de l’agriculture dont chacun sait qu’il est plus intéressé par la politique politicienne que par la défense des filières de production (Protestations sur les bancs du groupe SRC)…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pas vous !

M. Gérard Sebaoun. Mais enfin ! ?

M. Bernard Accoyer. … – les représentants du monde agricole ne cessent de le répéter –, avec des alliés de la majorité, les écologistes, qui traitent les agriculteurs de pollueurs à longueur de journée alors que vous devriez défendre avec nous le travail de toute une année, de toute une vie, avec des écologistes qui s’en prennent aussi à la production,… (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

Mme Sylviane Bulteau. Ce sont des procès d’intention !

M. Bernard Accoyer. …qui sont les ennemis de la production alors que nous vivons précisément d’elle. Nous ne comprenons pas pourquoi vous avez instauré un financement qui s’en prend aux agriculteurs alors que le Président de la République lui-même, alors candidat, avait promis que ces hausses – lesquelles ne sont pas encore concrétisées – seraient financées par la solidarité nationale.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement n596.

Mme Bérengère Poletti. Je souhaite également parler en faveur des agriculteurs.

Nous savons tous ici combien leur vie est difficile. Il est vrai que si vous prévoyez une petite revalorisation de leur retraite, ce sont eux qui vont la payer puisque vous proposez une fois encore une nouvelle déclinaison de votre sempiternelle recette « impôts et taxes ».

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

Mme Bérengère Poletti. En l’occurrence, vous allez piller les réserves des caisses excédentaires de la MSA.

Nous proposons donc de supprimer cet article.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’objet de cet article, au contraire, est d’honorer la promesse qui avait été faite par le candidat François Hollande de revaloriser les petites retraites agricoles.

M. Bernard Accoyer. Il trahit sa promesse !

M. Dominique Tian. Traîtrise ! Parjure !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Comment ? En étendant l’assiette d’un prélèvement qui sera destiné à la retraite complémentaire. L’étude d’impact rappelle, s’agissant de cette assiette, que le montant des bénéfices revenant aux associés non participant aux travaux – il n’est donc pas question du pauvre agriculteur derrière sa charrue – s’est élevé en 2011 à 1,770 milliard. Ils participeront à hauteur de 180 millions à la revalorisation des petites retraites agricoles et aux mesures qui ont été très bien présentées par notre collègue Le Houerou.

M. Bernard Accoyer. Ils investiront à l’étranger, en Bulgarie, en Roumanie, en Europe de l’est…

M. Gérard Bapt, rapporteur. La seconde mesure consiste en un prélèvement sur des réserves actuellement conservées par la MSA à hauteur de 160 millions sur des réserves d’environ 320 millions et qui n’ont plus de raison d’être. Pourquoi ? Parce que la gestion des branches agricoles est désormais assurée non pas à partir de ces cotisations mais directement par l’attribution de crédits de gestion venant des différentes branches. Pourquoi laisser des réserves qui n’ont plus aucun objet et ne pas en faire bénéficier les anciens salariés agricoles qui ont de toutes petites retraites ?

La commission a repoussé ces amendements au nom de la justice et afin qu’y contribuent ceux qui sont concernés par l’extension de l’assiette de prélèvements.

M. Dominique Tian. Il n’y a plus rien dans l’assiette ! (Sourires)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Avis défavorable (Murmures sur les bancs du groupe UMP),…

M. Julien Aubert. Il n’y a jamais de suspense !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et je voudrais expliquer pourquoi en quelques mots.

M. Dominique Tian. C’est de notre faute ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Tout d’abord, cela a été rappelé par M. Bapt à l’instant, parce que cet article finance des mesures d’amélioration des retraites agricoles. Je n’épiloguerai donc pas davantage sur ce point.

Cette mesure rétablit l’égalité devant les charges sociales dans toutes les exploitations agricoles, qu’elles soient en faire-valoir direct ou sous forme sociétaire, en élargissant un dispositif mis en place par la précédente majorité pour les professions libérales et étendu au RSI.

Je rappelle au président Accoyer et à la plupart des orateurs qui se sont exprimés que la mesure que nous mettons en œuvre pour les professions agricoles correspond exactement à celle que vous avez mise en place en 2009 pour les professions libérales imposées à l’impôt sur les sociétés. Mais, encore une fois, vous ne devez pas vous en souvenir.

M. Bernard Accoyer. Madame la présidente, je vais être obligé de répondre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. À l’époque, vous aviez considéré qu’il s’agissait d’une mesure de progrès. Parmi les professions libérales soumises à l’IS, toutes ne sont d’ailleurs pas en bonne santé mais vous aviez alors un coefficient émotionnel beaucoup moins important que celui dont vous témoignez ce soir.

M. Bernard Accoyer. Et vous, vous protestiez !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce sont des gens sensibles…

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Comme quoi, l’opposition entraîne tout de même l’éveil des sentiments, c’est la bonne nouvelle de la soirée ! Vous n’en faisiez pas preuve alors. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)



Au-delà de la nécessité de financer les mesures de retraites, la situation financière délicate du régime des non salariés agricoles doit inciter à réduire les dispositifs dérogatoires permettant d’exclure des sommes de l’assiette sociale.

Enfin, je souhaite apporter deux petits éléments de réponse au président Accoyer car je voudrais être bien sûr qu’il parle de la même chose que nous. Monsieur Accoyer, on ne prélève pas 10 % des dividendes, contrairement à ce que vous avez dit. On réintègre dans l’assiette des cotisations sociales la part des dividendes dépassant 10 % du capital de l’exploitation, ce qui est très différent.

Vous nous reprochez par ailleurs, avec d’autres, de ne pas faire appel à la solidarité nationale pour financer les retraites agricoles. Mais les réserves de la MSA sont mobilisées pour financer les mesures sur les retraites agricoles ! Or, ces réserves sont constituées par la solidarité nationale, qui chaque année soutient le régime agricole, par une subvention d’équilibre du régime général des recettes fiscales affectée à la MSA.

Si je vous comprends bien, il faudrait donc recourir davantage à la solidarité nationale pour financer la mesure que nous proposons, c’est-à-dire faire davantage de prélèvements, ce qui est contradictoire avec ce que vous dites par ailleurs.

M. Julien Aubert. Vous simplifiez ! Vous schématisez ! Vous caricaturez !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je ne vois donc pas bien la cohérence de tout cela. Pour rassurer tout à fait Bernard Accoyer sur l’opportunité de ce que nous faisons et l’inopportunité de ce qu’il propose, je signalerai que la mesure que nous proposons concerne 26 000 sociétés sur 500 000 exploitants.

M. Julien Aubert. Mais les petits ruisseaux font les grandes rivières…

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Cette mesure, je le répète, étend aux exploitants agricoles un dispositif que vous avez vous-mêmes introduit en 2009 pour les professions libérales.

Enfin, monsieur Lefebvre, même si le sujet que vous avez évoqué, n’a pas de lien avec le sujet que nous traitons, sachez que nous avons répondu tout à l’heure à une question de l’un de vos collègues sur les prélèvements sociaux résultant des plus-values immobilières des non-résidents. Ce sujet, dont vous m’avez saisi dans le cadre du PLF, a fait l’objet d’une réponse extrêmement précise de ma part, que j’ai signée aujourd’hui et qui devrait bientôt vous parvenir. Si vous souhaitez poursuivre cet échange, je suis prêt à vous recevoir à Bercy quand vous le souhaitez.

M. Frédéric Lefebvre. Je vous en remercie.

M. Jean-Marc Germain. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais d’abord revenir sur les arguments du rapporteur. Celui-ci a indiqué que ces nouveaux prélèvements étaient destinés à financer les mesures sur les retraites qui viennent d’être prises. Je crois qu’il ne s’agit pas du tout de cela. L’article 9 met en place un certain nombre de prélèvements nouveaux, avec de nouvelles procédures, qui s’inscrivent certes dans le cadre de la protection sociale de la MSA, mais qui ne sont pas précisément destinés à financer les retraites agricoles.

M. Gérard Bapt. Mais si ! Cela ira à la RCO !

Mme Véronique Louwagie. Nous sommes toujours dans une logique de solidarité nationale.

Je voudrais réagir, ensuite, aux propos de M. le ministre sur la question du faire-valoir direct. Je ne suis pas du tout certaine que les dispositions introduites à l’article 9 régleront la situation du faire-valoir direct, qui de toute façon se trouve géré de manière complètement différente, selon qu’on a une forme sociétaire ou une entreprise individuelle. La situation du fermage ou du faire-valoir direct n’est aucunement concernée par un tel dispositif.

Je reviendrai enfin sur le nombre de sociétés concernées : 26 000 ! Si, au sein de ces 26 000 sociétés, un certain nombre d’actionnaires ou d’associés ont souscrit des emprunts pour acquérir leurs actions ou leurs parts et ont prévu de les financer avec les dividendes, nous allons vraiment les mettre en difficulté. Et mettre 26 000 sociétés en difficulté, c’est énorme !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Quelle extrapolation !

(Les amendements identiques nos 23, 223, 228, 247, 293, 596 ne sont pas adoptés.)

M. Patrick Hetzel. Madame la présidente, j’avais levé la main pour intervenir !

Mme la présidente. Monsieur Hetzel, ce n’est pas parce que les gens lèvent la main que je leur donne la parole. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Door. Madame la présidente, je souhaite en appeler au règlement !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Jusqu’à présent, c’est-à-dire dix-neuf heures quarante-cinq, tout allait très bien. Vous donniez la parole à tout le monde. Pourquoi donc la refusez-vous maintenant à un collègue qui souhaite intervenir ? Ce n’est pas bien.

M. Jean-Marc Germain. Il pourra intervenir à l’occasion d’un autre amendement !

M. Jean-Pierre Door. Je vous demande, madame la présidente, de nous accorder une suspension de séance de trois minutes.

Mme la présidente. Elle est de droit, puisqu’elle est demandée par un député qui est porteur de la délégation de son président de groupe. En raison de l’heure, elle ira cependant au-delà des trois minutes requises…

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance



de l’Assemblée nationale



Nicolas Véron

------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation------------------