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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 13 novembre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Solidarité avec le peuple philippin

2. Questions au Gouvernement

Aide médicale d’État

M. Dominique Tian

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Lutte contre le racisme

M. Bruno Le Roux

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Programme nucléaire iranien

M. Meyer Habib

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Lutte contre le racisme

Mme Barbara Pompili

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Rythmes scolaires

M. Patrice Verchère

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Sommet européen pour l’emploi des jeunes

M. Emeric Bréhier

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Politique du Gouvernement

M. Marc Dolez

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Rythmes scolaires

M. Charles-Ange Ginesy

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Plan de résistance économique

M. Arnaud Leroy

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Aides pour la Bretagne

M. Gilles Lurton

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Loi d’avenir agricole

M. Dominique Potier

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Budget des armées

M. Jacques Lamblin

M. Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants

Devoir de mémoire

Mme Paola Zanetti

M. Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants

Régularisations d’immigrants irréguliers

M. Didier Quentin

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Lutte contre le racisme

M. Olivier Falorni

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Marc Le Fur

3. Projet de loi de finances pour 2014

Seconde partie (suite)

Économie

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

M. Thomas Thévenoud, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Éric Woerth, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mme Monique Rabin, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Alain Fauré, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Éric Straumann, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Joël Giraud, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Jean Grellier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Damien Abad, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques

Mme Michèle Bonneton, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques

Mme Seybah Dagoma, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

M. Gaby Charroux

M. Philippe Kemel

Mme Sophie Dion

M. Thierry Benoit

M. Éric Alauzet

M. Joël Giraud

M. Arnaud Montebourg, ministre

Mme Fanny Dombre Coste

M. Arnaud Montebourg, ministre

Mission « Économie » (état B)

Amendement no 623

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Amendements nos 543 , 415

Compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux » (état D)

Compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » (état D)

Amendement no 848

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Solidarité avec le peuple philippin

M. le président. Mes chers collègues, un typhon dévastateur a frappé vendredi dernier les Philippines. En votre nom à tous, j’exprime notre émotion face à cette catastrophe et assure de notre entière solidarité le peuple philippin, représenté dans nos tribunes par Mme Maria Josefina Ceballos, consule générale des Philippines. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Aide médicale d’État

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Monsieur le Premier ministre, votre rythme est effréné : une mauvaise nouvelle tombe tous les jours pour le contribuable ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Hier, vous renonciez à l’application du jour de carence dans les fonctions publiques : cette mesure coûtera plusieurs centaines de millions d’euros aux finances publiques et plus de 100 millions d’euros à l’hôpital public.

Cet après-midi, nous examinerons en séance publique les dépenses de santé pour les étrangers en situation irrégulière (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.), lesquels bénéficient de l’aide médicale d’État qui leur assure la gratuité des soins. Le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait pris des mesures pour encadrer ce dispositif : chaque bénéficiaire majeur devait payer une franchise de 30 euros, et nous avions limité les soins à ce qui était médicalement justifié. Le gouvernement socialiste a fait table rase de ces mesures. Depuis, les chiffres ont explosé.

M. Alexis Bachelay. Mais non !

M. Dominique Tian. Je m’appuie sur le rapport de Claude Goasguen, qui fait état d’une augmentation de 26 % par rapport à la fin de l’année 2011, soit maintenant 264 000 bénéficiaires de l’AME sur notre territoire. Dans la loi de finances initiale pour 2013, cette dépense avait été estimée à 588 millions d’euros ; or Mme Touraine a annoncé que le Parlement allait devoir voter aujourd’hui une rallonge de 156 millions,…

Mme Catherine Vautrin. Eh oui !

M. Dominique Tian. …ce qui portera ce budget à 744 millions d’euros pour l’année 2013.

Monsieur le Premier ministre, par de telles mesures, vous encouragez évidemment l’immigration illégale et le tourisme médical. Vous favorisez aussi les filières. Comment expliquer à nos concitoyens cette inégalité entre un bénéficiaire de l’AME en situation irrégulière en France, pris en charge à 100 %, et un travailleur français ou européen aux revenus modestes, qui n’est pris en charge qu’à 70 % par la Sécurité sociale ?

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est injuste !

M. Jean-Claude Perez. Votre question n’est pas glorieuse !

M. Dominique Tian. Alors que la dette publique atteindra 2 000 milliards d’euros, soit 95 % du PIB, et que vous demandez des sacrifices à tous les contribuables, aux retraités, aux familles, aux entreprises, qu’avez-vous prévu pour mettre un terme aux abus manifestes de ce système ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Monsieur le député, je vous prie d’excuser Mme Touraine, retenue au Sénat par l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Effectivement, vous allez voter cet après-midi les crédits consacrés au financement de l’aide médicale d’État pour 2014. Effectivement, ces crédits sont en hausse de 17 millions d’euros par rapport à 2013, mais cette augmentation résulte, vous le savez, d’une hausse du nombre des bénéficiaires. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il a été répondu de manière transparente à toutes les questions de M. Claude Goasguen et des députés qui ont interrogé la ministre en commission élargie sur ce sujet.

M. Claude Goasguen. Pas du tout !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Nous n’avons rien à cacher, et nous ne cachons rien, contrairement au gouvernement précédent (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …qui avait caché les conclusions du rapport de l’IGAS et de l’IGF,…

Mme Valérie Boyer. N’importe quoi !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …lequel démontrait avec force que le droit de timbre instauré par le précédent gouvernement était porteur de risques sanitaires.

M. Bernard Accoyer. Vous n’avez pas répondu à toutes nos questions !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Oui, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, notre gouvernement a supprimé le droit de timbre de30 euros que vous aviez imposé. Nous l’avons fait pour des raisons de santé publique. Les professionnels de santé dans leur ensemble s’étaient violemment élevés contre cette mesure, car faire payer 30 euros aux plus démunis avant qu’ils puissent être soignés revenait à favoriser la propagation des maladies contagieuses (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. le président. Mes chers collègues, écoutez la réponse, s’il vous plaît !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …et à obliger les hôpitaux à traiter en urgence des cas graves que les médecins auraient pu soigner plus tôt.

M. Pierre Lellouche. N’importe quoi !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Oui, nous sommes responsables : les bénéficiaires de l’AME et les professionnels de santé qui les soignent font l’objet de contrôles approfondis.

Oui, nous sommes responsables :…

M. Alain Marty. Irresponsables !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …nous avons mis en place une réforme de la tarification des séjours hospitaliers, qui devrait générer près de 100 millions d’euros de recettes.

Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, face à votre démagogie électorale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), le Gouvernement a fait le choix du pragmatisme et de la santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Lutte contre le racisme

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Bruno Le Roux. Hier, la représentation nationale, l’opposition, la majorité, le Gouvernement, vous-même, monsieur le Premier ministre, ont su trouver les mots pour condamner les actes odieux qui salissent notre République. Et pourtant, hier, ce même jour, un hebdomadaire d’extrême droite a fait paraître une « une » visant, une fois encore, la garde des sceaux. Je veux condamner, avec solennité, ceux qui ont cru pouvoir publier ces lignes à caractère raciste, ces lignes qui suintent la haine de ceux qui ont toujours rejeté notre République, ces lignes qui suscitent notre dégoût. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR, sur de nombreux bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Je veux leur dire qu’ils ne sont pas, qu’ils n’ont jamais été, qu’ils ne seront jamais la France.

Je veux aussi, une fois encore, madame la garde des sceaux, vous dire le respect que nous avons pour votre engagement au service de la justice et de la République. Ce respect, il est bien sûr dû à la fonction que vous occupez. Il est aussi dû à la personnalité exceptionnelle que vous êtes, et que vous mettez au service de la France depuis tant d’années. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

Mais, au-delà, c’est à une tentative de déstabilisation de nos institutions et de notre démocratie que nous faisons face. Certains espèrent créer une crise politique pour attaquer le cœur de notre République. Ils veulent prospérer, curieux paradoxe, sur le dénigrement hystérique du pays qu’ils prétendent aimer. En s’attaquant à des élus, en s’attaquant à vous, ils ont franchi un cap dans la haine, qui appelle une réaction de tous les républicains.

Ce dont la France a besoin, c’est d’un rassemblement autour des valeurs de la République.

Ce dont la France a besoin, c’est de l’unité de la nation autour de débats républicains qui ne doivent rien céder aux extrémismes.

Monsieur le Premier ministre, vous savez que votre majorité ne cédera rien aux factieux. Vous avez saisi le procureur de la République, nous vous en donnons acte. Quelles suites entendez-vous donner à cette affaire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais dire ma solidarité totale, amicale et fraternelle à Christiane Taubira, ministre de la justice, garde des sceaux, (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR, et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI), qui est une grande ministre dont nous sommes tous fiers qu’elle représente le Gouvernement de la France. Quand on s’attaque à elle, c’est sûrement une blessure personnelle, mais c’est aussi une fonction que l’on attaque, et c’est la République que l’on abîme.

Vous en avez, ce matin encore, une preuve supplémentaire avec cette « une » lamentable d’un journal d’extrême droite. Une telle parution, mesdames et messieurs les députés, ce n’est pas de l’information, c’est une infraction et cette infraction appelle une sanction. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

M. Guy Geoffroy. Et la liberté de la presse ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il est de mon devoir de Premier ministre de saisir, comme l’article 40 du code de procédure pénale me le permet, le procureur de la République de Paris, comme vous venez de le rappeler, monsieur le président Le Roux. Il s’agit manifestement d’un fait susceptible d’être qualifié d’injure publique à caractère racial. Dans le même temps, une enquête judiciaire est en cours concernant les faits qui se sont déroulés à Angers et que chacun a en mémoire. C’est à la justice désormais de dire le droit, et elle le dira. Mais c’est à nous, mesdames et messieurs les députés, de rappeler à tous les Français que le racisme n’est pas une opinion, mais un délit puni par la loi de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

La loi s’applique à tous. Elle est la même pour tous, elle est la même partout. Le devoir du Gouvernement est d’être intransigeant en matière de respect des lois, partout sur le territoire de la République. Cela vaut pour les actes de délinquance, les dégradations de biens publics, les attaques contre les forces de l’ordre, mais également pour toutes les expressions à caractère raciste ou antisémite. Les auteurs de ces actes n’ont pas leur place dans les médias, mais devant les tribunaux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.) Je l’ai dit, je le répète et je le répéterai, la République, ce sont des valeurs, mais ce sont aussi des règles. C’est d’abord le respect des lois, donc l’application des lois par ceux qui les ont votées et par ceux qui sont chargés de les faire appliquer. C’est l’exemplarité qui s’applique à chacune et chacun d’entre nous. C’est ensuite l’ordre public (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), la protection de tous les citoyens, en particulier les plus fragiles. C’est donc ma première mission,…

M. Arnaud Robinet. Le chômage !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …celle de tout le Gouvernement. Ma première mission est de faire respecter la loi et, pour l’accomplir, ma main ne tremblera pas ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Programme nucléaire iranien

M. le président. La parole est à M. Meyer Habib, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Meyer Habib. Monsieur le Premier ministre, le groupe UDI condamne totalement les propos indignes de l’hebdomadaire Minute. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, SRC et RRDP,sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères. J’appartiens à l’opposition et mon groupe, l’UDI, s’oppose fermement à la politique économique, sociale et fiscale du Gouvernement. Mais quand il s’agit de politique étrangère, il n’y a plus d’opposition et il n’y a plus de majorité. Il y a simplement les intérêts de la nation.

Votre fermeté, monsieur le ministre, lors de la première phase des négociations sur l’Iran mérite donc d’être saluée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Elle fait honneur à la France (Mêmes mouvements), à la France de Jaurès, à la France de Clemenceau, à la France de Jean Moulin et du général de Gaulle, à cette France qui sait être intransigeante quand il s’agit de ses valeurs.

Grâce à vous, Genève, pour l’instant, ne s’est pas transformé en Munich. Contrairement à Daladier, vous avez, sous l’autorité du président de la République, choisi courageusement, de ne pas plier. Samedi soir, en formulant de façon très précise les conditions demandées aux Iraniens, vous avez fait avancer la cause de la paix.

Qui peut penser que c’est seulement la passion soudaine pour les isotopes anticancéreux qui pousse les Iraniens, au bord de l’asphyxie économique, à genoux, à continuer de faire tourner les 16 000 centrifugeuses qui enrichissent de l’uranium à 20 %, utilisable uniquement à des fins médicales ? Qui peut penser que les missiles balistiques à longue portée puissent servir à autre chose qu’à délivrer une charge nucléaire ?

Comment le monde pourrait-il laisser un régime négationniste, un régime qui tient à bout de bras le Hezbollah et la Syrie, un régime qui déclare ouvertement vouloir détruire Israël où vivent plus de 100 000 de nos compatriotes, se doter d’armes nucléaires ?

Fait rarissime, les grands États arabes et Israël sont unis contre la nucléarisation de l’Iran. Quel symbole ! Je rentre de ma circonscription d’Israël. Je sais que, soixante-dix ans après la Shoah, l’État juif n’acceptera jamais que l’Iran devienne une puissance nucléaire et menace son existence. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, merci beaucoup des propos que vous avez tenus et des références illustres que vous avez citées.

M. Franck Gilard. Daladier !

M. Laurent Fabius, ministre. Sur la question, extrêmement sérieuse, du nucléaire iranien, la France a pris depuis un certain temps déjà une position des plus nettes. Le nucléaire civil, oui ! La bombe atomique, non ! Cette position est partagée, ce qui n’est pas fréquent, par l’ensemble de la communauté internationale. Or, voici qu’à la suite de l’élection du nouveau président iranien, M. Rohani, on observe un changement de ton incontestable. Avec d’autres, nous souhaitons qu’il se traduise par un changement de fond, d’où la négociation de Genève.

Dans cette négociation, la France a défendu les positions qui sont celles de la solidité sur les questions techniques, mais qui ont une traduction politique très ferme. Il s’agit du réacteur d’Arak, de l’uranium à 20 % et de l’enrichissement. Nous allons poursuivre, mais je veux qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, monsieur le député : nous sommes pour la négociation, mais pour une négociation sur des bases solides. Je vois ici ou là que l’on opposerait fermeté et ouverture. C’est justement notre fermeté qui nous permet d’être ouverts. C’est parce que nous sommes ouverts que nous pourrons concrétiser cette fermeté. Nous ne servons aucun État en particulier. Nous servons la cause de la sécurité et de la paix. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC, UDIRRDP.)

Lutte contre le racisme

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le Premier ministre, il n’est pire atteinte à la République que ce racisme décomplexé qui s’étale aux unes nauséabondes de journaux sous couvert de refus du « politiquement correct ». (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes écologisteSRC.) Cette expression détestable a été inventée par la droite américaine pour discréditer les acquis du mouvement des droits civiques et justifier le racisme.

Ce racisme n’épargne rien ni personne : il s’abat sur des populations démunies, boucs émissaires des maux de notre société.

Pervertissant le débat démocratique, il vous prend aujourd’hui pour cible, madame la garde des sceaux, de manière veule et dégradante.

Ce racisme a des racines. Il progresse par la perversion des mots et la confusion des idées.

Lorsqu’on laisse se propager l’idée qu’il faudrait, par principe, hiérarchiser l’attention portée aux autres : « je préfère ma fille à ma sœur, ma sœur à ma cousine, ma cousine à ma voisine, ma voisine à une étrangère », c’est le proche et le prochain que l’on confond, c’est la fraternité que l’on nie. Or, la République, c’est la fraternité.

Lorsqu’on accrédite l’idée que des citoyens étant différents les uns des autres ils ne peuvent bénéficier des mêmes droits – que l’on parle des noirs et des blancs, des hommes et des femmes, ou des homosexuels et des hétérosexuels –, on feint de confondre l’égal et l’identique. Or, la République, c’est l’égalité.

Vous avez annoncé des poursuites contre les officines qui véhiculent des propos et des images racistes, monsieur le Premier ministre. Cette décision, que les écologistes soutiennent pleinement, recueille l’assentiment de nombreux républicains, comme l’a rappelé votre prédécesseur Alain Juppé ce matin.

Et vous en avez appelé au sursaut. Ce sursaut indispensable s’exprime déjà dans l’esprit de beaucoup de nos concitoyens qui nous regardent ou s’expriment sur les réseaux sociaux. La voix de ces femmes et de ces hommes, faisons-la résonner ici, ensemble : c’est la voix de la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP, et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Mesdames, messieurs les députés, le Premier ministre a pris une décision courageuse, celle d’appliquer l’article 40 du code de procédure pénale et de saisir le procureur de la République sur le fondement de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881.

C’est une grande et belle loi que cette loi de 1881 sur la liberté de la presse. D’ailleurs, avec Christiane Taubira, nous allons, au mois de janvier, défendre une loi sur la protection des sources des journalistes qui viendra renforcer ce socle qui a été donné, il y a maintenant plus de cent trente ans, à la liberté de la presse dans notre pays.

Mais la liberté de la presse, ce n’est pas l’injure. La liberté de la presse, ce n’est pas laisser dire n’importe quoi. Ce n’est pas sûrement pas laisser s’exprimer des propos racistes. L’incitation à la haine et à la discrimination raciales est inacceptable : ce n’est pas une opinion qui relève de la liberté d’expression, c’est tout simplement un délit. Et ce délit doit être condamné.

Nous continuerons à défendre ardemment la liberté de la presse. Des journalistes – encore tout récemment – sont tombés pour exercer cette belle et noble liberté, qui est indispensable au fonctionnement de toute société démocratique.

Mais nous ne confondons pas les journalistes avec ceux qui ne font que diffuser dans l’espace public, sur des papiers qui ressemblent à des torchons, des expressions qu’on aurait pensé de ne jamais pouvoir lire dans notre République, en 2013.

Le procureur de la République a ouvert une enquête, et cette enquête permettra de mettre fin à ce genre d’agissements. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Patrice Verchère, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Patrice Verchère. Monsieur le président, ma question, à laquelle j’associe mon collègue Bernard Gérard, s’adresse à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Il y a un an, j’interpellais le ministre de l’éducation nationale sur les conséquences de la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je pourrai reprendre mon intervention d’alors, puisqu’un an après, aucune réponse sérieuse n’a été apportée aux inquiétudes des maires, notamment ceux des communes rurales.

Il est vrai que ce sont des problématiques qui échappent totalement à M. Peillon, faute d’avoir jamais été élu maire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Les questions des maires à qui M. Peillon fait payer sa réforme sont pourtant simples : comment trouver des intervenants qualifiés aux horaires concernés ? Quelles activités proposer pour que cette période ne soit pas une simple garderie ? Quel financement pour cette décision unilatérale du Gouvernement ?

Le ministre tente de faire croire que les communes vont être aidées. Certes, une aide est bien envisagée et un fonds d’amorçage a été créé, mais celui-ci est d’ores et déjà insuffisant et l’aide prévue n’est pas pérenne, puisqu’elle est limitée à l’année de la mise en œuvre. Les élus locaux ne sont pas dupes de la manœuvre et se sentent méprisés par M. Peillon car, dans le même temps, le Gouvernement annonce une baisse sans précédent de leur dotation qui va sérieusement grever leur budget.

À l’heure où le Gouvernement est confronté au ras-le-bol fiscal des Français, le ministre ne laisse aux communes que le choix de l’impôt pour financer son projet.

M. Philippe Vitel. C’est scandaleux !

M. Patrice Verchère. Oui, cette réforme, avec beaucoup d’autres, cristallise les mécontentements. Hier, c’étaient les agents de la ville de Paris, aujourd’hui ce sont les parents d’élèves qui manifestent, et demain ce seront les enseignants.

M. Matthias Fekl. La question !

M. Patrice Verchère. Une commune rurale de ma circonscription a pris la décision, à l’unanimité de son conseil municipal, de ne pas mettre en place cette réforme à la rentrée prochaine. Dans le même temps, cinquante-cinq communes annoncent qu’elles n’appliqueront pas la réforme des rythmes scolaires en l’état, ce qui ne fait pas de ces maires des « petits délinquants civiques » comme l’a dit ce matin M. Peillon. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Ces contestations marquent le début d’une fronde, sans précédent, des élus locaux.



Alors, madame la ministre, à une semaine de l’ouverture du congrès des maires où le Président de la République vous envoie courageusement en première ligne avec le Premier ministre, allez-vous écouter les revendications des maires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)



M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale. (Huées sur les bancs des groupes UMP et UDI.Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste, dont plusieurs membres se lèvent, et sur les bancs du groupe RRDP.)

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, la réforme des rythmes scolaires s’applique d’ores et déjà dans 4 000 communes de France et vous me permettrez de saluer ces 4 000 élus, dont le président de l’association des maires ruraux de France, qui ont d’ores et déjà mis en place cette réforme. Vous me permettrez de saluer aussi tous les maires ruraux de petites communes du Gers, de l’Ariège, de la Lozère, qui ont réussi à offrir aux enfants de leurs communes cette réforme. (« Démission ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Peut-être y a-t-il cinquante élus récalcitrants, mais il y a en France 36 000 maires qui, eux, travaillent à donner le meilleur aux enfants de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ne montrez pas toujours ce qui marche mal !



Sur le fond, j’aimerais rappeler que l’Association des maires de France et différentes associations d’élus ont demandé, lors des très longues concertations qui ont eu lieu, y compris à l’Assemblée nationale et avec mon prédécesseur de l’ancienne majorité, un certain nombre d’éléments.



Il s’agit tout d’abord de la possibilité de changer les taux d’encadrement. C’est ce qu’a fait la Caisse nationale des allocations familiales, offrant en outre la possibilité de rendre les activités gratuites.



Il s’agit ensuite de la possibilité, pour la première fois dans notre pays, de voir des activités périéducatives financées par l’État. Un fond d’amorçage a été prévu, doté de 150 euros par enfant.



Il s’agit enfin de temps pour pouvoir appliquer cette réforme : le Président de la République a accordé un délai de deux ans.



Des milliers de maires sont au travail. Des milliers de maires ont déjà réussi. N’hésitez pas à vous joindre à eux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)



Sommet européen pour l’emploi des jeunes

M. le président. La parole est à M. Émeric Bréhier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Emeric Bréhier. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Guy Geoffroy. Et du chômage !

M. Emeric Bréhier. L’emploi des jeunes constitue la priorité majeure du Président de la République. La crise a entraîné un nouvel accroissement dramatique du taux de chômage des jeunes, qui atteint dans l’Union européenne près de 23,6 %, soit plus du double de celui des adultes. Quelque 7,5 millions d’Européens âgés de 15 à 24 ans sont sans emploi et ne suivent ni études, ni formation, et le président du Parlement européen affirme avec raison que nous sommes en train de créer une génération perdue.

Avec les emplois d’avenir et les contrats de génération, le Gouvernement agit d’ores et déjà au niveau national. Il restait à compléter ce dispositif et à soutenir l’emploi des jeunes au niveau européen. C’est chose faite depuis le Conseil européen du 8 février dernier, qui, grâce à l’opiniâtreté du Président de la République (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), a mobilisé une enveloppe de 6 milliards d’euros en faveur d’une « garantie jeunesse ». Celle-ci vise à permettre aux jeunes Européens originaires de régions économiquement défavorisées de bénéficier d’une offre d’emploi, de formation ou de stage.

Le sommet pour l’emploi qui s’est tenu hier à Paris a confirmé cet engagement fort avec le Fonds social européen et la Banque européenne d’investissement : ce sont au total près de 45 milliards d’euros qui seront investis au niveau européen en faveur de l’emploi.

M. Yves Censi. Cela existait déjà ! Il n’y a rien de neuf !

M. Emeric Bréhier. Monsieur le ministre, à quelle hauteur la France pourra-t-elle en bénéficier ? Quelles seront les régions plus particulièrement concernées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Allô ! Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Mesdames et messieurs les députés, hier, à l’invitation du Président de la République, se sont réunis tous les chefs d’État ou de gouvernement des vingt-huit pays de l’Union européenne, sur un thème devenu la priorité pour chacun d’eux : la lutte contre le chômage des jeunes.

Dans l’Union européenne, aujourd’hui, près d’un jeune de moins de 25 ans sur quatre est au chômage. C’est inacceptable, dans quelque pays, dans quelque région et même dans quelque quartier que ce soit, car chez nous aussi, dans certains quartiers, ce sont 40% à 50% des jeunes qui se trouvent aujourd’hui au chômage.

Nous avons, avec le Président de la République, réuni ces chefs d’État, non pas seulement pour affirmer cette priorité, mais pour prendre des mesures et décider ; et hier, en effet, les décisions ont été prises par l’ensemble de ces chefs d’État ou de gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mobiliser 6 milliards d’euros, plus les fonds sociaux européens, plus la Banque européenne d’investissement, non pas dans six ans mais pour tout de suite, pour appuyer dès le 1er janvier prochain les dispositifs existant dans chacun de nos pays, pour appuyer en France les emplois d’avenir qui marchent très bien, pour appuyer en France le contrat de génération qui certes démarre, mais qui accélère,…

M. Philippe Meunier. Il serait temps !

M. Michel Sapin, ministre. …pour appuyer en France cette politique qui devrait tous nous réunir, mesdames et messieurs les députés, car elle fait que depuis quatre à cinq mois, le chômage des jeunes en France baisse : voilà qui devrait être appuyé par tous ici !

Oui, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, hier, c’est l’Europe sociale qui est revenue au premier plan : la préoccupation, non pas seulement d’une économie qui marche mieux, non pas seulement d’une finance équilibrée, mais d’une société qui fonctionne mieux, en particulier dans la lutte contre le chômage des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Politique du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Monsieur le Premier ministre, au nom de notre groupe, je m’adresse à vous avec la gravité qu’impose la situation du pays. Aujourd’hui, la réalité économique dans toute sa brutalité, c’est d’abord la poursuite de l’hémorragie d’emplois industriels (« Eh oui ! » sur divers bancs du groupe UMP), au rythme effrayant de dix plans sociaux et mille chômeurs de plus par jour. C’est aussi la paupérisation accrue des ménages, comme s’en alarme le Secours catholique dans son rapport annuel. Face à l’exaspération, à la détresse ou à la colère de nos concitoyens, attendre un hypothétique retournement de conjoncture est aussi illusoire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) qu’imaginer un remaniement sans rompre avec une politique qui, faute de combattre la finance, mène inéluctablement à l’échec.

Pour répondre aux urgences du pays, il n’y a pas d’autre voie que d’ouvrir des perspectives de changement, à partir de trois convictions susceptibles, nous le croyons, de rassembler largement à gauche : premièrement, le problème de la France n’est pas le coût du travail, mais celui du capital ; deuxièmement, le problème des Français n’est pas le ras-le-bol fiscal, mais le pouvoir d’achat ; troisièmement, la priorité n’est pas la réduction des déficits, mais le financement de l’investissement.

Monsieur le Premier ministre, il n’y a pas de fatalité au cercle vicieux de l’austérité et du chômage de masse, à condition toutefois de résolument changer de cap. Ma question est donc celle que se posent beaucoup de Français qui ont assuré la victoire de la gauche en 2012 : le Gouvernement est-il prêt à prendre un autre chemin, celui de la justice fiscale et de l’arrêt des licenciements, celui de la relance sociale, industrielle et écologique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député, nous faisons face à une situation qui, dans tous les pays européens, est difficile ; et pourtant, nous prenons des mesures qui montrent, sur le plan macroéconomique, un certain nombre d’éléments positifs. Tous les instituts de conjoncture internationaux, nationaux et européens ont révisé à la hausse leurs perspectives de croissance pour cette année et l’année prochaine. Toutes les enquêtes d’organismes indépendants, notamment celles de l’INSEE, montrent que le moral de nos entreprises – à travers celui de leurs directions – s’améliore. Divers éléments macroéconomiques sont donc aujourd’hui bien plus positifs qu’hier.

Cela suffit-il ? La réponse est non. Je présenterai tout à l’heure, avec le soutien du Premier ministre, plusieurs mesures d’urgence exceptionnelles permettant de tenir en attendant la reprise de la croissance dans un certain nombre de plans sociaux importants où nous n’avons aucune raison de perdre des milliers d’emplois. En effet, le système bancaire, qui ne fait pas son travail et n’assume pas les risques, aujourd’hui ne finance pas des investissements que, pourtant, un grand nombre d’investisseurs sont prêts à faire sur le territoire français.

Nous prenons donc des mesures en cas de défaillance des marchés pour faire face à une situation difficile. Mais nous n’attendons pas la croissance (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) : nous y travaillons, et les coûts de production sont effectivement un problème. Il y a le coût du capital, et c’est pourquoi nous avons créé la Banque publique d’investissement ; il y a le coût de l’énergie, et c’est pourquoi nous défendons le nucléaire (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste) ;…

M. Guy Geoffroy. Bravo !

M. Arnaud Montebourg, ministre. …il y a aussi le coût du travail, c’est pourquoi nous avons fait le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Nous travaillons à défendre notre performance économique, et je suis certain qu’avec vous, nous réussirons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Charles-Ange Ginesy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Charles-Ange Ginesy. Monsieur le Premier ministre, les députés UMP veulent vous interpeller sur les rythmes scolaires. Nous attendons de votre part une explication précise, qui réponde exactement à nos interrogations légitimes. Surtout, ne nous servez pas une fois de plus votre rengaine sur la responsabilité du gouvernement précédent, puisqu’il s’agit uniquement de votre décision pleine et souveraine. Cela fait maintenant dix-huit mois que vous êtes au pouvoir, et toute référence à la période 2007-2012 frôle l’indécence et le déni de réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ma question a toute la légitimité d’une France qui conteste la réforme des rythmes scolaires. Les parents d’élèves sont contre, et boycottent aujourd’hui l’école avec une opération nationale « classes vides » ; les enseignants sont en grève ; les maires sont contre également, pour des raisons financières, humaines et techniques, comme l’a fort bien expliqué Patrice Verchère il y a quelques instants ; les animateurs dénoncent des manques de moyens ; les enfants sont pris en otage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)



M. Jean Glavany. De tels propos sont irresponsables !

M. Charles-Ange Ginesy. Quand une mobilisation chaque jour un peu plus forte se dresse, il est temps de se poser la question de la légitimité d’une réforme qui est loin d’être une réforme ambitieuse de l’école de la République, et qui s’ajoute au malaise sociétal profond que ressentent les Français.

Comme de nombreux maires, je refuse d’appliquer votre réforme en 2014 (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP – Huées sur les bancs du groupe SRC)

M. Michel Vergnier. Zéro !

M. Jean Glavany. Vous êtes un élu de la nation ! Vous ne pouvez pas refuser d’appliquer la loi !

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas une loi !

M. Charles-Ange Ginesy. …alors que d’autres, qui y avaient cru dès 2013, font marche arrière.

M. Peillon nous traite de « délinquants civiques ». Souvenez-vous plutôt des mots de Bertrand Delanoë, refusant d’appliquer la loi en 2008. « Accueillir les enfants dans une école, c’est sérieux et ne peut être fait sans personnel qualifié », disait-il.



M. Jean Glavany. Il faut que M. Ginesy se rappelle où nous sommes !

M. le président. Monsieur Glavany !

M. Charles-Ange Ginesy. Votre ministre nous a dit hier…

M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue.

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, je suis un peu troublé d’entendre dans cet hémicycle un député, qui participe à l’exercice de la souveraineté nationale, qui est chargé de voter la loi, déclaration publique et solennelle de la volonté générale sur un objet d’intérêt commun, déclarer qu’il n’appliquera pas la loi. (Les députés des groupes SRC, écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas une loi !

M. Vincent Peillon, ministre. Est-ce là l’exemple que vous donnez ? Est-ce de cela que le pays a besoin ? Ne vous souvenez-vous pas que c’est en 2008, c’est-à-dire sous la majorité précédente, que l’école primaire est passée à la semaine de quatre jours ? Nous avons besoin de nous unir pour permettre aux élèves de réussir. (Protestations continues sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, retrouvez votre calme !

M. Vincent Peillon, ministre. Vous devez mesurer qu’aujourd’hui 4 000 communes de France, qui méritent le respect, sont passées au nouveau rythme dans l’intérêt des élèves. Deux seulement ont reculé, l’une à ma demande, l’autre a suspendu l’application de cette réforme le temps de mieux mettre en œuvre les nouveaux rythmes.

Vous appelez aujourd’hui à la désobéissance civique…

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui !

M. Vincent Peillon, ministre. …alors même que des milliers de maires sont en train de préparer cette réforme avec les équipes éducatives, avec les associations, avec les parents. Il est temps que vous vous repreniez. L’intérêt général, le respect de la loi, la réussite du pays, la préparation de l’avenir valent mieux que vos petits jeux politiciens. Franchement, faites attention de ne pas scier vous-mêmes la branche sur laquelle vous êtes assis. Ici, nous devons respecter la démocratie. La démocratie, c’est aussi la loi. La loi, vous devez la respecter comme tout le monde ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

Plan de résistance économique

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Arnaud Leroy. Monsieur le président, je tiens à dire mon malaise quand j’entends un élu de la République dire dans cet hémicycle qu’il n’appliquera pas la loi !

Ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif.

Le réarmement industriel est une nécessité vitale, un besoin impérieux de notre pays. Vous avez lancé une coopération avec l’Espagne pour sauver FagorBrandt. Cette société, dont le carnet de commandes est plein, rencontre des problèmes de trésorerie. J’espère y voir l’embryon d’une politique européenne industrielle que nous appelons tous de nos vœux.

Avec l’appui du Premier ministre et de l’ensemble du Gouvernement, vous avez contribué à la mise en place de la BPI, au lancement du pacte de compétitivité, à l’instauration du CICE, et vous présentez aujourd’hui, en plus des trente-quatre plans de la filière industrielle, le « Plan de résistance économique ». Pour l’occasion, vous réactivez le Fonds de développement économique et social en le dotant de 300 millions d’euros. J’espère que les prochains mois seront un peu plus stables pour les PME et les ETI, qui font face à un vrai problème de trésorerie, à un problème d’impayés, auquel est dû un quart des défaillances d’entreprises. Cela doit être dit ici, afin que nous puissions nous doter d’outils afin de régler ces problèmes.

Monsieur le ministre, pouvez-nous nous préciser le calendrier de ce nouveau plan et ses effets attendus à court terme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député, face aux plans sociaux, aux défaillances industrielles qui ne sont pas liées à la santé des entreprises mais plutôt, comme d’ailleurs dans d’autres pays européens, au refus du système financier et bancaire de leur accorder un crédit, nous avons fait le choix, avec le Président de la République et sous l’arbitrage du Premier ministre, de nous substituer à la défaillance du marché bancaire, d’organiser en quelque sorte une nouvelle fonction qui a déjà existé dans les moments difficiles de notre économie, l’État se substituant au système bancaire.

La contrepartie de ces prêts que nous allons accorder, lorsqu’il a des perspectives de reprise, des investisseurs privés, un projet industriel, c’est que, naturellement, ils seront remboursés. Mais, surtout, le projet industriel, dans chacune de ces entreprises qui connaissent des difficultés, devra conduire à un rebond, à une relance, à un retour à meilleure fortune de ces entreprises. C’est ce que nous appelons des mesures de résistance économique, en attendant que l’économie européenne veuille bien reprendre un peu plus fortement qu’aujourd’hui.

Ces mesures seront d’application immédiate. Si votre assemblée veut bien les approuver cet après-midi : c’est-à-dire que, dans quinze jours, lorsque le budget sera définitivement adopté, nous aurons la possibilité d’intervenir dans l’ensemble de ces gros dossiers qui concernent des filières entières, des régions dangereusement menacées.

Quant aux petites entreprises, nous ne les oublions pas : la Banque publique d’investissement prend, pour 95 %, des décisions au plan local, pour des PME, des TPE. J’invite les chefs d’entreprise à aller rechercher le crédit à la Banque publique d’investissement. Pour les grosses entreprises, nous organisons la résistance au plus haut niveau. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Aides pour la Bretagne

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gilles Lurton. Un mot tout d’abord pour rappeler à M. le ministre de l’éducation nationale que les rythmes scolaires, à notre connaissance, n’ont pas fait l’objet d’une loi, mais d’un décret, qui n’a pas été débattu démocratiquement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mais ma question s’adresse à M. le Premier ministre.



Monsieur le Premier ministre, la France et la Bretagne grondent. À travers ces manifestations devenues quotidiennes, à travers aussi ces dégradations de biens publics que nous condamnons fermement, c’est un sentiment de détresse, un appel au secours, une profonde désespérance qui s’expriment.



Avec l’ensemble de mes collègues parlementaires, j’ai participé à la première consultation à la préfecture de région, pour soutenir un secteur agroalimentaire qui représente en Bretagne plus de 70 000 emplois.



Sans vouloir opposer les Français entre eux, nous ne pouvons que condamner cette manœuvre électorale qui vise à attribuer trois milliards d’euros à Marseille (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – et tant mieux pour les Marseillais – alors que pour la Bretagne, c’est 15 millions d’euros et un milliard de fonds européens. (Exclamations redoublées sur les bancs du groupe SRC.)



M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît ! Il y a trop de bruit !

M. Gilles Lurton. Nous connaissons les attentes de la Bretagne. Elles sont celles du pays tout entier : suppression définitive de l’écotaxe, lutte contre le dumping social à cause duquel nous ne serons jamais compétitifs si nous ne changeons pas nos règles.

C’est aussi en simplifiant les procédures que nous permettrons aux professionnels de vivre, décider et travailler en Bretagne.

M. Jean-Luc Laurent. Et en France !

M. Gilles Lurton. Vous-même l’avez dit, monsieur le Premier ministre, à Rennes : « La simplification administrative doit se déployer rapidement. » Mais, alors même que vous nous annoncez ce choc de simplification, les nouveaux arrêtés mis en consultation publique sur la modernisation des installations classées pour la protection de l’environnement annoncent, eux, un véritable choc de complexification. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Merci, mon cher collègue.

La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, vous avez indiqué un montant d’aides qui ne correspond pas du tout aux engagements pris, ni lors de la présentation du pacte d’avenir par le Premier ministre, ni dans le cadre du contrat entre l’État et la région Bretagne, dont la mise en œuvre va être accélérée.

Ces 15 millions d’euros ont été annoncés au moment de la crise de la volaille, pour apporter des aides immédiates en trésorerie et en investissement aux entreprises et aux producteurs qui connaissaient des difficultés, et nous continuons à discuter de leur mise en œuvre.

Au-delà de ces 15 millions, il avait été annoncé de manière claire – mais cela a été oublié – qu’un milliard d’euros était mobilisé, à la fois par la Banque publique d’investissement et dans le cadre du plan d’investissements d’avenir.

La réunion qui s’est tenue à Rennes vendredi dernier a permis de faire un tour de table avec l’ensemble des entreprises de l’industrie agroalimentaire bretonne. Au-delà de ce qui a déjà été alloué par la Banque publique d’investissement, c’est-à-dire plus de 500 millions d’euros, le constat a été fait que les investissements en faveur de la Bretagne seraient de l’ordre de 1,5 milliard, avec le soutien de la Banque publique d’investissement.

Il ne s’agit pas d’opposer ici, comme vous le faites, des régions ou des agglomérations. Il s’agit de trouver des solutions pour redresser à la fois un pays et des régions. Chacun doit être comptable de ses responsabilités et éviter de s’engager dans des débats qui renvoient plus aux arguments politiciens qu’à la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Loi d’avenir agricole

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Dominique Potier. Ma question s’adresse à Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture. Notre histoire agricole et rurale, celle de nos aînés, c’est la naissance des coopératives, des mutuelles, des syndicats. C’est cette incroyable épopée technique et humaine qui a façonné nos campagnes. C’est la contribution du rural au récit républicain de l’après-guerre.

Comment cet esprit-là peut-il nous éclairer aujourd’hui, soixante ans après la naissance de la politique agricole commune, quand sonne l’heure du bilan et celle des ruptures ? Avec moins de 500 000 agriculteurs, la France est à la croisée des chemins.

Monsieur le ministre, alors que vous avez présenté en conseil des ministres votre loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, nous avons cinq questions à examiner avec vous.

Voulons-nous rester un pays qui produit et qui transforme ses issues végétales des forêts et des champs ?

Voulons-nous que la biodiversité, la qualité de l’eau, soient d’abord le fruit de systèmes diversifiés, équilibrés, de polyculture et d’élevage ?

Voulons-nous diminuer notre dépendance aux protéines et améliorer notre bilan carbone ?

Mme Barbara Pompili. Oui !

M. Dominique Potier. Voulons-nous valoriser l’ensemble de nos terroirs, et pas seulement un arc portuaire ?

Voulons-nous un espace rural vivant, avec des services modernes et des chemins ouverts ?

Si nous répondons oui à ces cinq questions, faisons de l’installation le cœur de la loi d’avenir. Oui, le temps est venu d’innover et de coopérer : d’innover dans l’agro-écologie, de coopérer dans nos territoires, dans nos filières. Le temps est venu de tirer des conclusions de l’héritage que nous ont laissé ceux qui nous ont précédés, pour ouvrir les portes à l’installation.

Le temps est venu d’une relève, monsieur le Premier ministre,…

M. Yves Censi. La relève, c’est le remaniement !

M. Dominique Potier. … d’une relève pour cultiver les champs du futur. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Vous avez terminé, monsieur le député, en évoquant les « champs du futur » : pour une loi d’avenir, c’est une formule parfaitement appropriée. L’agriculture française est forte de sa diversité, je l’ai dit à plusieurs reprises. Elle a d’énormes potentialités et se trouve au cœur d’un débat stratégique qui doit nous amener à combiner performance économique et performance écologique.

Mais vous avez aussi prononcé des paroles fortes sur la question du renouvellement des agriculteurs, sur le choix, que nous devons faire, d’une agriculture avec des agriculteurs, avec des éleveurs, avec des paysans : c’est un choix majeur que nous devons faire, ici, pour la France, grand pays agricole.

M. Philippe Armand Martin. Baratin !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Et c’est vrai que la question de l’installation est au cœur de ce débat. Les Assises de l’installation, que nous avons organisées, nous ont amené à réfléchir à de nouvelles formules, reposant sur l’activité minimale d’assujettissement plutôt que la surface minimum d’installation. Il nous faut aussi réfléchir aux changements à apporter dans la gouvernance des SAFER, afin que le foncier soit accessible aux jeunes et pas uniquement destiné à l’agrandissement des exploitations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

C’est cela, préparer les champs du futur ; c’est cela, donner toutes leurs chances à nos agricultures de réussir en Europe et dans le monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)



Budget des armées

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Lamblin. Ma question concerne la défense nationale. Monsieur le Premier ministre, lorsque l’on examine comment, sous votre responsabilité, l’État s’acquitte de ses missions régaliennes, on peut faire le constat suivant.

En matière de sécurité, il n’y a pas de résultats, et ce n’est pas l’héritage qui est en cause. En matière de justice, les Français – et en particulier les policiers qui manifestent en ce moment – n’ont plus confiance, et ce n’est pas l’héritage qui est en cause. En matière d’éducation, d’école, les Français sont dans la rue. La désorganisation est totale, et ce n’est pas l’héritage qui est en cause. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Venons-en à la défense nationale. Notre armée obtient des résultats, elle inspire confiance aux Français, elle est organisée, et cela, c’est l’héritage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Et pourtant, comme tous les Français, avant même de penser à 2014, l’armée s’inquiète et se demande comment elle terminera 2013. En ce moment, 1,7 milliard d’euros de crédits de fonctionnement indispensables pour terminer l’année sont gelés, auxquels s’ajoutent 600 millions correspondant au surcoût des opérations extérieures, au Mali en particulier.

Depuis des semaines, perplexes, les états-majors s’interrogent : ces fonds seront-ils ou non débloqués ? Jusqu’à hier, de réponse, point ! Aujourd’hui, on nous apprend qu’une bonne partie de ces crédits s’évaporera. Le coup est rude pour nos militaires. Comment voulez-vous qu’ils gardent la foi…

M. Jean Glavany. L’armée est républicaine, pas catholique !

M. Jacques Lamblin. …si, le jour même où s’engage, ici, le débat sur la loi de programmation militaire, cédant à Bercy, vous considérez comme chiffon de papier votre engagement de sanctuariser la défense ?

Quel sera l’arbitrage du Président de la République ? Se reniera-t-il une nouvelle fois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des anciens combattants. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants. Je voudrais tout d’abord excuser M. le ministre de la défense, qui assiste aux obsèques du gendarme Cédric Zéwé, décédé le 7 novembre dernier lors d’un exercice dans le Var.

Comme vous le savez, monsieur le député, le Président de la République a pris l’engagement de sanctuariser notre effort de défense aussi bien cette année que pendant les années couvertes par la loi de programmation militaire 2014-2019, laquelle est en discussion devant vous et constitue l’expression la plus complète de la politique de défense définie par le Président de la République. Tous les programmes qui y sont inclus seront lancés, comme le projet qui vous est soumis l’indique.

S’agissant de la fin de gestion 2013, un accord équilibré a été trouvé entre le ministère du budget et celui de la défense. Il prévoit une dotation au titre des opérations extérieures pour compenser le coût de l’opération Serval, qui a fait l’unanimité, mais aussi la prise en charge par le budget de la défense de l’accroissement de dépenses salariales résultant principalement des dysfonctionnements du système Louvois et, enfin, une contribution du ministère de la défense à la réduction des dépenses publiques rendue indispensable pour garantir l’équilibre des comptes de l’État, comme cela a été exposé ce matin en conseil des ministres.

Pour nous, souveraineté financière et autonomie stratégique vont de pair.

S’agissant de la loi de programmation militaire, les ministres du budget et de la défense ont trouvé un accord pour garantir les investissements prévus pour les programmes d’armements devant être lancés en début de programmation. Le ministre de la défense aura l’occasion, cette après-midi même, de développer ce point devant la commission de la défense. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)

Devoir de mémoire

M. le président. La parole est à Mme Paola Zanetti, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Paola Zanetti. Ma question s’adresse à monsieur le ministre délégué en charge des anciens combattants.

Je ne reviendrai pas sur les agissements inacceptables de ceux qui sont venus troubler les cérémonies du 11 novembre. Pour autant, ces événements ne doivent pas venir cacher ou minorer le cycle mémoriel important qui s’ouvre devant nous et qui, pendant les quatre prochaines années, rassemblera toutes les générations de notre pays autour des valeurs qui fondent notre République.

Je veux bien sûr parler des commémorations du centenaire de la Grande Guerre et du soixante-dixième anniversaire de la Libération du territoire.

Ce temps de mémoire qu’a lancé la semaine dernière le Président de la République arrive, comme lui-même l’a dit dans son discours, « à un moment où la France s’interroge sur elle-même, sur sa place, sur son avenir, avec l’appréhension qui s’empare de toute grande nation confrontée à un changement du monde ». « Ce temps de mémoire, a-t-il ajouté, intervient également dans un contexte où l’idéal européen paraît s’épuiser, où la paix suscite l’indifférence tant elle s’est installée comme une évidence, alors même que sur notre continent montent les particularismes, les extrémismes et les nationalismes ».

Monsieur le Premier ministre, vous l’avez dit hier, ce fut un grand discours, courageux et lucide…

M. Franck Gilard. Vous êtes la seule à le penser et c’est là le problème !

Mme Paola Zanetti. …sur la période qui s’ouvre. La France ne peut oublier les huit millions de Français de l’époque qui ont été appelés sous les drapeaux.

Mais la France d’aujourd’hui a encore beaucoup à apprendre de la Grande Guerre, celle qui, comme le Président de la République l’a indiqué, « nous rappelle l’impérieuse nécessité de faire bloc…

M. Franck Gilard. Pas derrière vous, en tout cas !

Mme Paola Zanetti. … si nous voulons gagner les batailles, qui aujourd’hui ne sont plus militaires mais économiques et qui mettent en jeu notre Europe et notre place dans le monde. »

Parce que commémorer, c’est renouveler le patriotisme, celui qui unit et qui rassemble, on ne peut passer sous silence ces centaines de projets qui se construisent avec les associations, qu’elles soient patriotiques, culturelles ou sportives, mais aussi avec des jeunes, des élèves et des enseignants, autour de ce cycle mémoriel fort.

Permettez-moi ici de penser à l’initiative prise par le lycée des métiers Charles-Juily de Saint-Avold, dans la circonscription dont je suis l’élue, qui verra chaque action matérielle conduite pour célébrer le centenaire faire l’objet d’une épreuve au baccalauréat.

M. Franck Gilard. Vous espérez être réélue, mais ce sera difficile !

Mme Paola Zanetti. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire quelles grandes cérémonies nationales et internationales inaugureront ce cycle mémoriel de quatre ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des anciens combattants.

M. Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants. Madame la députée, votre question témoigne de l’intérêt que porte la représentation nationale aux commémorations du centenaire de la Grande Guerre et du soixante-dixième anniversaire de la Libération du territoire.

Ce cycle mémoriel est l’occasion d’une mobilisation exceptionnelle, et l’État est au rendez-vous. La semaine dernière, le Président de la République a lancé les manifestations du centenaire depuis le Palais de l’Élysée, dans un grand discours, salué par tous, où il exprime clairement son ambition : rassembler les Français autour de leur histoire commune – dont nous avons raison d’être fiers –, rendre hommage à tous ces soldats qui sacrifièrent leur jeunesse ou leur vie, quel que soit leur nom, leur origine ou leur confession, rappeler enfin le chemin parcouru pour la paix.

Vous m’interrogez sur les programmes à venir, qui sont riches et denses, comme vous venez de le rappeler.

M. Bernard Deflesselles. Et la retraite du combattant ?

M. Kader Arif, ministre délégué. Célébration de la Libération du territoire, d’abord, avec notamment deux grands rendez-vous internationaux : le 6 juin en Normandie, puis le 15 août en Provence, pour commémorer un débarquement parfois oublié. Hommage aux maquis, ensuite, et célébration de la libération des communes de France.

Pour le centenaire – mais vous le savez déjà – le 14 juillet 2014 sera fort d’une dimension internationale. Ce sont soixante-douze pays qui seront rassemblés sur les Champs-Élysées. Le 3 août, une grande manifestation associera les Présidents français et allemand pour célébrer la paix et l’amitié entre nos deux pays, ciment de la paix en Europe.

Le 11 novembre, enfin, le Président se rendra au sanctuaire de Notre-Dame-de-Lorette, sur les murs duquel seront inscrits les noms des 600 000 soldats tombés sur les champs de batailles du Nord et du Pas-de-Calais.

Face à ceux qui veulent nous diviser, ces commémorations diront que la France est forte lorsqu’elle est unie, qu’elle est forte lorsqu’elle est ferme sur ses valeurs, qu’elle est forte lorsqu’elle tient tête à l’intolérable, qu’elle est forte lorsqu’elle donne au monde une image d’elle-même à la hauteur de son histoire.

Je peux vous dire que j’ai eu honte et que j’ai ressenti de la colère lors de la cérémonie du 11 novembre, lorsque des sifflets imbéciles et intolérants sont venus salir la mémoire des soldats morts pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Régularisations d’immigrants irréguliers

M. le président. La parole est à M. Didier Quentin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Didier Quentin. Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur, qui n’est pas là. Lors de l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », le ministre a reconnu que les régularisations de sans-papiers avaient augmenté. Il a en effet déclaré qu’il y avait eu 10 000 régularisations supplémentaires de sans-papiers en 2013, par rapport à 2012, et ce sur les seuls critères de la circulaire du 28 novembre 2012.

En réalité, là où l’État avait un certain pouvoir discrétionnaire d’appréciation, le Gouvernement a offert de nouveaux droits aux clandestins,…

M. Jean-Paul Bacquet. Et voilà, c’est le même cirque qui recommence !

M. Didier Quentin. …qui ne se privent évidemment pas de les faire valoir. En outre, il nous a également été révélé que les naturalisations avaient augmenté de 18 % entre septembre 2012 et septembre 2013.

M. Alexis Bachelay. Tant mieux !

M. Didier Quentin. Nous autres, élus de l’UMP, considérons que la naturalisation doit être l’aboutissement d’un parcours d’assimilation réussi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), ainsi que Manuel Valls en est une brillante illustration, et non pas une prime à des droits. À moins que cette politique de naturalisations massive du gouvernement Ayrault ait un objectif inavouable, élargir son assise électorale,… (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Franck Gilard. Bien sûr !

M. Jean-Paul Bacquet. Propos inacceptables !

M. Didier Quentin. …car le Président de la République n’ose affronter l’opinion sur le vote des étrangers, pourtant promis par le candidat Hollande.

Demeure la question des expulsions d’illégaux, question fondamentale puisqu’elle concerne, par exemple, les clandestins qui réclament l’asile politique en France : ils sont 60 000 à le demander chaque année, et se le voient refuser à 80 %. Or les plus hautes inspections de l’État reconnaissent qu’ils se maintiennent pour la plupart sur notre territoire.

Nous entendons tous les paroles fortes du ministre de l’intérieur, mais où est la lutte déterminée, promise par le président Hollande, contre l’immigration illégale ?

M. Guy Geoffroy. Bravo !

M. Didier Quentin. Puisqu’il me reste quelques secondes, je tiens à rendre hommage à l’action des forces de l’ordre, et en particulier aux policiers, dont certains manifestent actuellement devant l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, vous voudrez bien excuser le ministre de l’intérieur, qui assiste en ce moment aux obsèques d’un militaire du GIGN, décédé en exercice la semaine dernière. La circulaire du 28 novembre 2012 constituait un engagement du président François Hollande, et son adoption était indispensable pour deux raisons : d’abord parce que, faute de directives claires, la régularisation était laissée à l’appréciation des préfets, ce qui causait des inégalités territoriales très fortes, et parfois des injustices,….

Mme Claude Greff. Les préfets sont intelligents !

M. Guy Geoffroy. Ce ne sont pas des crétins !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …mais aussi parce que certaines situations, notamment celles de parents d’enfants scolarisés ou de jeunes majeurs, étaient peu claires.

M. Franck Gilard. Et alors ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le ministre de l’intérieur a présenté le 15 novembre, devant la commission élargie de l’Assemblée nationale qui examinait le budget de la mission « Immigration, asile et intégration », un premier bilan des effets de cette circulaire. Comme toutes les circulaires de ce type, celle de 2006 notamment, elle a provoqué un surplus de demandes en préfecture dans les premiers mois de son entrée en vigueur, lequel a été géré avec professionnalisme par les préfectures. Cette augmentation est conjoncturelle et va entraîner en 2013 une augmentation temporaire des régularisations, estimées, en l’état actuel de nos outils statistiques, à quelque 10 000 régularisations supplémentaires sur l’ensemble de l’année 2013.

Dans leur très grande majorité – 81 % des cas – ces régularisations se feront pour motif familial.

M. Franck Gilard. Il faut arrêter cela !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Les premiers retours que nous avons montrent que les parents d’enfants scolarisés sont majoritaires au sein de ces régularisés pour motif familial.

M. Franck Gilard. Et alors ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il n’y a ni régularisation massive, ni affichage feint d’une fermeture totale, mais un traitement humain, égalitaire et républicain de situations difficiles.

M. Franck Gilard. Non, c’est une négation de la citoyenneté !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. La mobilisation des services préfectoraux pour ce travail supplémentaire doit être saluée, et devrait être saluée par tous les élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Lutte contre le racisme

M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Olivier Falorni. Monsieur le président, je ne veux pas seulement poser une question, mais pousser un cri, un cri de colère, un cri d’indignation, car trop, c’est trop !

M. Yves Fromion. En effet !

M. Olivier Falorni. Cette haine raciste, cette parole raciste totalement libérée ne sont pas supportables.

Madame la garde des sceaux, je tiens à vous dire, au nom du groupe RRDP, notre indignation face aux violences –oui, aux violences ! –que vous subissez ! Je veux vous dire notre soutien, notre amitié et notre affection. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR et sur quelques bancs des groupes UMP et UDI.)

Nous en avons assez de ces groupuscules qui se croient autorisés à souiller la mémoire de nos poilus le 11 novembre sur les Champs-Élysées. Eux qui se disent patriotes insultent ceux qui sont morts pour la patrie ! Eux qui avaient mis des bonnets rouges sont en réalité vert-de-gris, car ce sont les héritiers de ces collabos qui défilaient en 1943 sur les Champs-Élysées en uniforme allemand ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Et ceux qui écrivent dans Minute sont les héritiers de cette presse collabo et de Robert Brasillach, qui écrivait dans Je suis partout, avant la rafle du Vel d’Hiv, qu’il ne fallait surtout pas oublier les enfants !

Oui, les mots tuent, les mots sont des armes. Ils libèrent les réflexes criminels, comme celui qu’a subi notre collègue de Châteaurenard.

Mais le plus grave, c’est la libération de la parole raciste dans les médias traditionnels et sur les réseaux sociaux, toujours sous couvert d’anonymat. Non, la France n’est pas raciste, mais un certain nombre de Français le sont, le deviennent et le proclament.

Madame la ministre de la communication, les médias ont une lourde responsabilité. En démocratie, le racisme n’est pas une opinion, mais un gnon, un gnon aux valeurs de la République, un gnon à nos valeurs ! Alors oui, s’il le faut, nous rendrons coup pour coup, pour stopper cette cocotte-Minute de la haine. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, vous avez raison : ces paroles souillent finalement davantage ceux qui les profèrent, et qui récidivent, car « la bêtise insiste toujours », ainsi que l’écrivait Camus dans La Peste et c’est bien une nouvelle peste qui semble se répandre aujourd’hui.

Elle se répand à la fois par la voie des médias traditionnels, sur le papier, comme on l’a vu cette semaine avec cet hebdomadaire, et sur les réseaux sociaux. Je voudrais donc faire le point sur l’arsenal juridique qui existe pour lutter contre ces propos racistes.

S’agissant de la radio et la télévision, c’est le CSA qui intervient, et il le fait rapidement, en cas de dérive. L’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse punit tous ceux qui provoquent à la discrimination et à la haine raciales, ou à la violence envers une personne en raison de son origine ou de son appartenance. Cette loi s’applique à toutes les publications, qu’elles soient imprimées, audiovisuelles ou en ligne.

Des moyens spécifiques existent évidemment pour internet. Le site internet-signalement.gouv.fr permet de signaler des contenus illicites, et les juges peuvent prononcer des sentences contre leurs auteurs ou les hébergeurs qui n’auraient pas retiré promptement ces contenus après signalement. La loi met aussi à la charge des fournisseurs d’accès et des hébergeurs une obligation de concourir à la lutte contre l’incitation à la haine raciale, ainsi que d’avertir promptement les autorités publiques compétences de ces signalements et de rendre publics les moyens consacrés à la lutte contre ces activités illicites.

Vous le voyez : l’arsenal existe, et la mobilisation des pouvoirs publics est sans failles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président



M. le président. La séance est reprise.

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Projet de loi de finances pour 2014

Seconde partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2014 (no1395, 1428).

Économie

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’économie (n1428, annexes 19 à 22 ; avis n1430, tomes V à XI ; avis n1431, tome VI).

La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée des PME, de l’innovation et de l’économie numérique, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, la mission « Économie » est une excellente illustration de la méthode retenue par le Gouvernement pour la construction du projet de loi de finances pour 2014. Il concilie un effort sans précédent d’économies, pour le redressement de nos finances publiques, et la mise en œuvre résolue des priorités de la politique économique du Gouvernement. Cette méthode repose, d’une part, sur des hausses ciblées conçues pour appuyer nos priorités – l’emploi, la sécurité, l’éducation nationale, l’investissement –, et d’autre part, sur une recherche méthodique d’économies de dépenses différenciées, le tout dans un cadre budgétaire contraint. Je suis convaincu qu’il est possible de concilier les deux intelligemment, dans une démarche globale, à la fois stratégique et qualitative.

Avec une baisse de 4,1 % par rapport à 2013, hors charges de retraite et investissements d’avenir, soit 73 millions d’euros, la mission « Économie », dotée de 3,7 milliards d’euros en 2014, participera d’une manière exemplaire aux économies, au-delà même de la baisse moyenne de 2,6 % sur l’ensemble du périmètre de mon ministère.

Nous y parvenons par un effort résolu de modernisation et de productivité, tout en tenant compte de la situation particulière de chaque administration, et, s’agissant des interventions, par une priorisation et un ciblage très précis des dépenses au service de la compétitivité et de l’emploi.

Le programme 134, « Développement des entreprises et du tourisme », est emblématique de cette démarche. Il déploie des ressources supplémentaires pour la mise en œuvre de quatre de nos actions.

Tout d’abord, les effectifs de la DGCCRF seront en légère hausse, avec quinze emplois supplémentaires, pour améliorer le fonctionnement d’un réseau déconcentré qui avait été dangereusement fragilisé par la réorganisation de l’administration territoriale de l’État, engagée par le précédent gouvernement. Disons-le clairement, cette ReAT avait abîmé cette importante direction, à laquelle nous confions d’importantes missions nouvelles dans le cadre de la loi sur la consommation défendue par Benoît Hamon, ministre délégué auprès de mon ministère. L’enjeu est de préparer la bonne mise en œuvre de cette loi qui renforce les outils et les instruments juridiques de cette administration.

Les fonds de garantie gérés par Bpifrance seront renforcés de 25 millions d’euros, qui s’ajouteront aux 150 millions d’euros dont le versement est prévu en gestion 2013. Là encore, c’est le reflet de notre engagement déterminé en faveur d’une réorganisation en profondeur du financement de l’économie, qui est le carburant de la croissance. Nous mobilisons 50 millions d’euros pour le fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des emprunts toxiques, conformément au pacte de confiance et de responsabilité entre l’État et les collectivités territoriales.

Enfin, les moyens consacrés à UBIFRANCE et à l’Agence française des investissements internationaux, qui visent à soutenir les exportateurs et l’attractivité économique du territoire, sont préservés, au nom de la compétitivité de notre économie et de la croissance. Nous réfléchissons actuellement à une articulation plus efficace des actions de ces deux opérateurs, dans le cadre de la modernisation de l’action publique.

Dans le même temps, d’importantes économies sont réalisées sur ce programme, s’agissant notamment des subventions aux opérateurs, ou des taxes affectées, dont les plafonds sont réduits de 140 millions d’euros.

S’agissant du programme 220, consacré aux crédits de l’INSEE, un ajustement des crédits de fonctionnement en 2014 permettra de compenser les surcoûts liés au développement du centre statistique de Metz, où je me suis rendu il y a quelque temps.

La trajectoire de réduction d’effectifs a été allégée. Ce dossier délicat est issu d’une décision du gouvernement précédent, qui avait été prise suite à des restructurations militaires et qui n’avait pas été comprise, ni mise en œuvre dans de bonnes conditions. À vrai dire, elle n’avait pas vraiment été mise en œuvre. J’ai revu les contours et le calendrier du projet, avec une cible d’effectifs désormais limitée à 350 agents de l’INSEE, en tenant compte : des positions des acteurs locaux, à commencer par le maire de Metz ; des souhaits du personnel, car il fallait procéder uniquement sur la base du volontariat ; et des réalités du fonctionnement opérationnel de l’Institut. Je pense que nous avons su trouver un bon compromis, qui est désormais bien accepté, comme j’ai pu le constater sur place. L’opération a aussi vu son coût fortement revu à la baisse, et ses conditions de financement précisées.

Sur le programme 305, consacré essentiellement au fonctionnement de la direction générale du Trésor, les réductions d’effectifs sont modérées et tiennent compte de la réorganisation radicale du réseau international menée depuis cinq ans, avec le transfert à UBIFRANCE des activités d’appui direct aux entreprises. Avec Nicole Bricq, ma collègue ministre du commerce extérieur, nous souhaitons stabiliser et mobiliser ce réseau, essentiel pour Bercy, et auquel nous avons fixé des orientations stratégiques communes au cours de l’été.

C’est aussi sur ce programme que l’État compense le coût des missions d’intérêt général exercées pour son compte par la Banque de France, notamment en matière de surendettement. En 2014, la Banque de France consentira d’importants efforts de réduction de ses coûts et bénéficiera aussi des premiers effets des simplifications de procédure adoptées dans la loi bancaire, qui se traduira par une économie totale de 15 millions d’euros.

Par ailleurs, trois nouveaux programmes sont créés sur la mission « Économie » en 2014, pour porter certaines composantes du nouveau programme d’investissements d’avenir, le PIA, à hauteur de 1,7 milliard d’euros. Ces nouveaux programmes nous permettent de mettre en œuvre nos priorités dans les champs de l’industrie, de l’innovation et de l’économie numérique. Selon le mécanisme désormais classique pour le PIA, ces crédits seront versés en bloc en 2014 à un opérateur – Bpifrance ou, dans ce cas précis, la Caisse des dépôts et consignations –, qui le déposera lui-même auprès du Trésor. L’impact sur le déficit public en comptabilité nationale sera étalé dans le temps selon le rythme d’utilisation effective des crédits, donc des décaissements.

En complément, 1 milliard d’euros de prêts aux petites et moyennes entreprises dans le cadre du PIA seront aussi ouverts sur le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », dont l’examen est prévu lors du débat d’aujourd’hui. Il s’agit notamment de soutenir l’effort de robotisation, d’aider des projets de recherche à passer à la phase d’industrialisation, et de développer de nouveaux procédés contribuant à la transition énergétique.

Sur ce même compte, le Gouvernement propose aussi, par amendement – Arnaud Montebourg en parlait toute à l’heure lors des questions d’actualité –, de redonner une nouvelle dimension au Fonds de développement économique et social, le FDES. Cet amendement, qui vous sera présenté par le ministre du redressement productif, permettra d’apporter l’appui nécessaire à certaines PME ou ETI en difficulté sur notre territoire.

Vous voyez donc concrètement, mesdames et messieurs les députés, au travers de cette mission « Économie », comment le Gouvernement réconcilie le respect d’une trajectoire budgétaire particulièrement exigeante, la modernisation de l’administration – sans laquelle il n’est pas d’économie qui vaille – et la mise en œuvre de ses priorités de politiques économiques. Ces dernières sont mieux dotées, ce qui prouve que l’exercice peut être réussi. Cette démarche est la bonne, et elle doit nous rassembler. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Thévenoud, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour le développement des entreprises et les prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés.

M. Thomas Thévenoud, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie et des finances, monsieur le ministre du redressement productif, madame la ministre déléguée chargée des PME, de l’innovation et de l’économie numérique, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la crise a été longue : cinq années. Et pourtant, la petite flamme de la reprise est perceptible. Le bout du tunnel apparaît. J’en veux pour preuve deux premiers résultats qui se font sentir : pour la première fois depuis dix ans, les entreprises françaises ne perdent plus de parts de marché à l’international. Par ailleurs, depuis maintenant quatre mois, la courbe du chômage des jeunes s’est, pour la première fois, inversée.

Pour réussir, il faut de la persévérance, de la constance et de la volonté. Il faut donc poursuivre et amplifier nos efforts en faveur du retour de la compétitivité de notre économie. C’est le sens de cette mission budgétaire, au service du redressement de notre appareil productif.

Qu’est-ce que le redressement productif ? C’est d’abord une stratégie de résistance économique, c’est-à-dire le retour de l’État industriel.

La résistance économique, c’est la réponse que vous apportez aujourd’hui, monsieur le ministre, aux difficultés de trésorerie que connaissent un certain nombre d’entreprises de taille intermédiaire dans ce pays, en débloquant la somme de 300 millions d’euros dans le budget 2014 afin d’abonder un fonds de retournement qui leur est spécialement dédié.

Cette somme ne dégradera pas le déficit public, puisqu’il s’agit de prêts remboursables. Avec la création de ce fonds de retournement, le Gouvernement complète sa politique en faveur du redressement économique de la France.

La résistance économique, c’est également le CICE, qui doit permettre aux entreprises françaises de retrouver de l’air, de reconstituer leurs marges, et d’exporter à nouveau.

La résistance économique, ce sont les commissaires au redressement productif, qui, depuis leur création, ont accompagné plus de 1 075 de nos entreprises en difficulté et contribué à maintenir près de 140 000 emplois.

Mais le redressement de notre économie passe aussi par une politique offensive, qui accompagne l’innovation technologique à travers la création d’outils de financement et un programme d’investissement d’avenir.

La création de la Banque publique d’investissement dote enfin notre pays d’un investisseur de long terme, qui lui faisait défaut. Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé le 9 juillet dernier un programme d’investissement d’avenir s’élevant à 12 milliards d’euros. Il a vocation à déployer des actions dans différents domaines : recherche et universités, transition énergétique, rénovation thermique et ville de demain.

Dès cette année, la mission « Économie », dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur en tant que membre de la commission des finances, porte sur des actions qui soutiendront notre recherche et notre développement, à hauteur de plus de 1,7 milliards d’euros.

La compétitivité de notre pays ne passe pas uniquement par cela. Elle doit aussi passer par un approvisionnement énergétique sûr, le moins onéreux et le plus respectueux de l’environnement possible. Dans ce domaine comme dans d’autres, il ne faut pas hésiter à engager les débats qui s’imposent. La France ne peut pas être à l’écart de la grande révolution énergétique qui se profile.

Les champions français sont engagés, dans le monde entier, dans une démarche de transition énergétique. Il ne peut y avoir de débats interdits en la matière.

Enfin, le redressement de la compétitivité française passe par notre politique de change. Là aussi, il ne doit pas y avoir de débats interdits. Il n’y a pas de honte à utiliser la monnaie européenne unique que nous avons voulue, avec nos partenaires allemands, pour reconstituer notre compétitivité.

Le ministre du redressement productif a affirmé, en commission élargie, qu’une baisse de 10 % de notre monnaie pourrait entraîner la création 150 000 emplois dans notre pays, notamment dans le secteur industriel.

M. Éric Straumann, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il n’a pas dit comment ce serait possible.

M. Thomas Thévenoud, rapporteur spécial. Malheureusement, la symétrique est vraie. Il semble toutefois que, depuis l’arrivée au pouvoir de François Hollande, la réorientation de la politique européenne soit en marche et que la BCE ait revue sa politique de rachat de la dette.

Il faut aller plus loin et utiliser les armes d’aujourd’hui pour restaurer la compétitivité de la France dans la mondialisation.

Il faut aussi doper le budget européen en faveur de l’emploi. C’est ce qui a été fait hier. Là aussi, nous sommes dans l’actualité, comme pour le fonds de retournement de 300 millions que vous avez annoncé ce matin, monsieur le ministre, lors du conseil des ministres. C’est ce qui a été fait hier, disais-je, lors du sommet pour l’emploi des jeunes en Europe qui s’est tenu hier à l’Élysée : 45 milliards sur trois ans ont été annoncés, et les premiers versements auront lieu au début de l’année 2014.

Mes chers collègues, voilà des armes permettant de restaurer encore et toujours la compétitivité de notre économie. Le chemin que vous nous proposez, madame et messieurs les ministres, est un chemin d’efforts et de redressement. Ce budget en est une étape supplémentaire. C’est pourquoi nous le voterons avec volonté et détermination, car c’est la voie du redressement économique de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour le tourisme.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie et des finances, monsieur le ministre du redressement productif, madame la ministre déléguée chargée des PME, de l’innovation et de l’économie numérique, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je souhaite dire un mot sur les crédits du tourisme. Le tourisme représente un enjeu essentiel pour notre pays, personne n’en doute : il représente 40 milliards d’euros, et 83 millions de touristes. Cela concerne donc beaucoup de monde. La France est en effet la première destination touristique mondiale, mais ne se situe malheureusement qu’à la troisième place en termes de chiffre d’affaires. Nous devons donc rattraper notre retard sur les États-Unis et l’Espagne dans le domaine de la valorisation de la fréquentation touristique.

Nous faisons face à la concurrence d’autres marchés, parmi lesquels, évidemment, l’Asie, mais également l’Amérique latine et bien d’autres pays encore. Nous devons donc tenir notre rang.

Les enjeux du secteur du tourisme en matière d’économie et d’emplois sont grands – les chiffres sont très éloquents. C’est pourtant un tout petit budget, un « mini-budget », du moins du point de vue strictement budgétaire : c’est une action. Il s’agit donc en quelque sorte d’un déclassement, puisque c’était auparavant un programme.

Ce budget s’élève à 35 millions d’euros en autorisations d’engagement, et à 37,22 millions d’euros en crédits de paiement. Les montants sont donc très faibles. Le budget du tourisme participe à l’effort de rationalisation de la dépense publique. Pourquoi pas ? Tous les budgets doivent y participer, même si en l’occurrence, dans celui-ci, les montants sont modestes. Je n’y vois rien à redire.

L’essentiel de ce budget est concentré sur l’opérateur de l’État Atout France, qui représente 31 millions sur les 35 millions d’euros. Il ne reste donc pas grand-chose pour le reste.

Atout France cherche à multiplier par deux son budget, puisque plus de 30 millions d’euros proviennent de la vente de prestations diverses et variées à d’autres pays, d’autres opérateurs, ou à des entreprises privées françaises.

En Espagne, première destination touristique en Europe en termes de chiffre d’affaires, le budget de l’organisme chargé du tourisme est cinq fois supérieur au budget global d’Atout France. Je ne dis pas qu’il faut augmenter les crédits d’Atout France, mais il me semble qu’il faut davantage réfléchir à ses missions, aujourd’hui dispersées.

Atout France s’occupe aujourd’hui de campagnes de communication, de publication, organise des événements, tient des salons, mène des opérations commerciales, propose des formations, offre des prestations pour des opérateurs privés. Cet organisme travaille beaucoup sur internet, comme en atteste le lancement et la gestion d’un site internet grand public et d’une plateforme collaborative. Il essaie de rivaliser avec les grands opérateurs internet mais ne peut évidemment pas y arriver ; il a mis en place un moteur de suggestions de destinations touristiques ; il se charge de l’immatriculation des opérateurs de voyage, de l’immatriculation et du classement des hébergements touristiques. Bref, cela fait beaucoup de choses, et probablement trop. Il revient au ministère de discuter avec cet opérateur de l’État pour mieux cibler ses interventions en France.

Par ailleurs, nous ne devons pas considérer que ces 35 millions sont le seul effort public en faveur du tourisme. Il faut également compter les dépenses fiscales, qui sont importantes : 886 millions d’euros en 2014, soit presque 24 fois les crédits budgétaires de l’action « Tourisme ». C’est donc un point très important.

Rappelons que 91 % de ces dépenses fiscales passent par un taux réduit de TVA, appliqué aux hôtels, aux campings, etc. Or, à cet égard, j’ai reçu l’ensemble des acteurs du tourisme, qu’il s’agisse des campings, de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, du Syndicat national de la restauration thématique et commerciale, des groupements nationaux de chaînes hôtelières, des chaînes hôtelières elles-mêmes, de la restauration rapide, bref, tous ces acteurs qui forment le maillage de l’ensemble du territoire français. Je me suis aperçu de leur inquiétude extrêmement forte quant au relèvement du taux de TVA de 7 à 10 %. Cette inquiétude se diffuse partout en France, quelle que soit la nature de l’établissement, du plus modeste des campings au plus prestigieux des hôtels. Nous ne devons pas la balayer d’un revers de main, car il faut bien mesurer l’impact de cette mesure. J’avais posé cette question à la ministre du tourisme en commission élargie, sans obtenir de réponse. On doit mesurer l’impact d’une telle mesure sur un secteur économique aussi fort.

Au-delà de l’accompagnement de la mutation de la filière sur le plan numérique, nous constatons qu’il y a de plus en plus de réservations en ligne et que la masse fiscale nous échappe. J’ai mené avec M. Muet une mission sur l’optimisation fiscale, sujet connu et sur lequel l’État devra agir. On constate une évaporation des recettes fiscales, compte tenu de la localisation d’un certain nombre d’acteurs touristiques.

Je terminerai en évoquant deux points. Le premier est la réhabilitation de l’immobilier touristique. Nous devons aller plus loin dans le soutien à l’activité touristique, qui a besoin de la réhabilitation d’un immobilier souvent dégradé, datant des années 70. Je pense notamment à des stations de montagne ou de littoral. La Société centrale pour l’équipement du territoire, la SCET, qui est une filiale de la Caisse des dépôts, a été chargée en avril 2012 d’une mission. Je pense que le ministre doit conclure, et donner de vrais outils aux propriétaires d’immobilier touristique.

Le second point concerne la taxe de séjour. Elle est difficile à comprendre : c’est une taxe, mais on ne sait pas très bien qui la perçoit, entre les communes et les communautés de commune, et on ne comprend pas le rôle de la direction générale des finances publiques. Tout cela doit être plus intelligible. Cette taxe contribue beaucoup au financement des actions touristiques, mais les choses doivent être éclaircies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Rabin, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour le commerce extérieur.

Mme Monique Rabin, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, même si la situation du commerce extérieur français est loin d’être satisfaisante, nous pouvons cependant nous réjouir de l’amélioration de la tendance. Sur la période 2011-2014, le solde de notre balance commerciale devrait être ramené de 74 milliards d’euros, record absolu, à 53 milliards d’euros en 2014. Dans la suite du rapport Gallois, Mme Bricq et le Gouvernement ont engagé une politique très volontariste pour rassembler les énergies, moderniser l’action publique et rendre visible le savoir-faire français.

Cela s’est traduit par des mesures concrètes, que je vais très rapidement esquisser. J’évoquerai, premier point, l’organisation des acteurs du commerce extérieur derrière les régions confirmées comme chefs de file. Aujourd’hui, la BPI développe une activité export et s’appuie sur des chargés de missions internationaux, salariés d’UBIFRANCE, pour accompagner les entreprises. Mille entreprises de taille intermédiaire à fort potentiel font l’objet d’un traitement spécifique et d’un accompagnement personnalisé inscrits dans la durée. J’apporterai cependant un bémol sur la place des chambres de commerce et d’industrie, lesquelles ne souhaitent pas forcément limiter leur champ d’action sur les primo-exportateurs. Nous devrons réfléchir et avancer avec elles sur ce sujet.

Deuxième point, la modernisation de l’action publique : UBIFRANCE, dotée dans ce budget de 97,8 millions d’euros, se recentre sur un travail de détection plus que sur le financement de missions à l’étranger.

Troisième point, l’offensive commerciale : le ministère propose une offre commerciale associant quatre familles de produits et de services vers quarante-sept pays identifiés comme porteurs. Je dois dire que cette idée est bien comprise, comme j’ai pu le constater sur le terrain. Elle pousse les entreprises au dialogue et au partenariat.

Quatrième point : la promotion du savoir-faire français : nous savons que le Gouvernement a travaillé, d’une part, sur l’internationalisation des normes françaises, qui sont un véritable frein, parce que nous ne réussissons pas dans ce domaine et, d’autre part, sur la marque France. Nous sommes un pays d’ingénieurs, nous devons devenir un pays de commerçants.

L’autre volet est celui de l’attractivité, dont le budget est retracé sur les crédits de l’action 20 de la mission « Économie ». Il s’agit du financement de l’AFII – Agence française pour les investissements internationaux –, dont la mission d’accompagnement des entreprises étrangères investissant en France contribue à créer ou maintenir plus de 12 000 emplois par an. Les résultats de l’AFII n’ont pas faibli, en dépit de restrictions budgétaires, puisque, entre 2010 et 2015, la subvention versée par l’État diminue de 17 %, passant à un peu moins de 20 millions d’euros cette année.

Je veux d’ailleurs avoir un mot pour cette agence, dont le bilan est critiqué chaque année par des cabinets de consultants internationaux qui se gardent bien d’expliciter leurs méthodes statistiques et font abstraction des emplois maintenus.

Le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault est très engagé sur l’optimisation des moyens et j’espère que, dans la suite du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique du 17 juillet, nous pourrons très logiquement rapprocher ces opérateurs de l’État – UBIFRANCE et AFII –pour dépenser moins tout en renforçant l’efficience globale. En écoutant M. Woerth, je me disais que l’on pourrait peut-être associer Atout France à cette réflexion.

Le commerce extérieur exprime une situation économique globale, que la ministre a traduite en disant que le chiffre du commerce extérieur est, le plus souvent, « le juge de paix de nos faiblesses ». D’où cette question en guise de grande conclusion : comment notre économie se porte-t-elle et est-elle capable d’exporter ? Les projections du FMI jusqu’en 2018 sont meilleures que pour d’autres pays, dont le Royaume-Uni, et la croissance de la France, même si elle est faible, reste meilleure que celle des Pays-Bas. De même, le récent commentaire de M. Krugman, prix Nobel d’économie, sur l’État de la France devrait nous donner confiance : notre pays enregistre de meilleures performances de PIB que le Royaume-Uni et il en va de même pour la dette. L’action du Gouvernement depuis dix-huit mois est reconnue.

J’ai encore entendu Louis Gallois ce matin, lors d’une audition. L’économie française se relève. Puissent les médias entendre cela ! Mais la France est attaquée, plus sur le plan de l’idéologie que sur son économie. Les consultants internationaux à la pensée unique n’aiment pas notre modèle français. Je préfère, quant à moi, chers collègues, des hausses d’impôts pour ceux qui peuvent en payer et qui n’auront pas assez de leur vie pour dépenser leurs économies non productives. Je préfère la préservation de notre modèle social aux millions de travailleurs qui vivent en Allemagne sous le seuil de pauvreté.

La France est aussi attaquée de l’intérieur. En témoigne le climat actuel. Chers collègues, c’est d’union nationale que nous avons besoin, et pas de commentaires politiciens sur toutes les ondes. Chez nos amis allemands, l’équivalent du plan de François Hollande a été porté par deux Chanceliers différents sur l’échiquier politique et trois majorités successives ! Oui, il faut, pour cela, du temps long. Notre problème est un problème de moral et de confiance. Or je sais que ceux qui souffrent parce qu’ils sont au chômage ou parce que leur entreprise est en difficulté n’ont pas le temps d’attendre. Cependant, dès 2014 – n’est-ce pas, monsieur le ministre de l’économie ? –, nos concitoyens ressentiront l’amélioration de leur pouvoir d’achat.

Le commerce extérieur est donc le juge de paix de l’économie. Les indicateurs sont meilleurs pour elle, ils seront meilleurs pour lui. Le Gouvernement se donne les moyens. Une ministre de plein exercice fait preuve de beaucoup de volontarisme. Je vous invite à les suivre en votant ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fauré, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les statistiques et les études économiques, la stratégie économique et fiscale et les accords monétaires internationaux.

M. Alain Fauré, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le rapport que je présente porte sur le programme 220 relatif à l’INSEE et sur le programme 305 relatif à la Direction générale du Trésor.

L’INSEE verra, en 2013, son plafond d’emplois diminuer de quatre-vingt-dix ETP. Au cours des cinq dernières années, l’Institut a perdu 780 agents, ce qui représente une baisse moyenne de 2,5 % par an. Parallèlement, cette administration a réussi, au 1er janvier 2013, l’intégration dans ses cadres d’environ 900 enquêteurs qui n’avaient, jusqu’à présent, qu’un statut de vacataire.

Cette mesure constitue pour les intéressés une avancée sociale que je tiens à saluer. Mais, depuis plusieurs années, un autre grand chantier mobilise l’Institut : la création d’un pôle statistique à Metz. Il s’agissait, en 2008, de compenser le départ de plusieurs régiments de l’armée dans le cadre de la refonte de la carte militaire. Le gouvernement précédent avait donc annoncé le transfert à Metz de 625 emplois de l’INSEE. Cinq ans plus tard, devant le coût de l’entreprise et les difficultés de mise en œuvre, le projet a été revu à la baisse par l’actuel gouvernement et ne concernera plus que 400 agents dont 350 issus de l’INSEE.

Le coût du projet est donc en diminution, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Ainsi, les travaux à réaliser pour restaurer le bâtiment, lequel accueillera le centre statistique, s’établissent à 13,4 millions d’euros contre 34,3 millions d’euros dans le projet antérieur. Pour autant, le bilan total de cette opération reste élevé : 8,6 millions d’euros pour l’achat des locaux ; 13,4 millions d’euros pour leur transformation ; 8,3 millions d’euros pour la location d’un premier immeuble et l’achat de mobiliers, entre autres ; et 1,8 million d’euros pour la location pendant quatre ans d’un second immeuble. Mais le plus onéreux restera, sans conteste, le coût en effectifs.

En effet, devant le faible enthousiasme de ses personnels pour s’installer en Lorraine, le ministère de l’économie a autorisé l’Institut à recruter des agents en sureffectif. Certains d’entre eux doublonnent avec des personnels employés ailleurs, mais non volontaires pour être mutés. C’est ainsi que, dans une période particulièrement contrainte, l’INSEE a été autorisé à recruter un agent en surnombre pour deux agents employés à Metz, soit une soixantaine jusqu’en 2012. C’est en effet incroyable, mais cela est dû à une politique antérieure à 2012. En 2013, les agents en surnombre sont évalués à quatre-vingt-dix sur 180, soit un sur deux. Le ministère de l’économie autorise à certaines de ses administrations des largesses qu’il serait loin d’autoriser à d’autres !

Vous trouverez, dans mon rapport, une estimation du coût total de l’opération ainsi que du coût de chaque emploi que j’évalue à un minimum de 135 000 euros. Cependant, l’INSEE joue un rôle important dans notre pays en fournissant des données indispensables à la conduite de notre politique économique et sociale, entre autres.

Le second programme sur lequel je suis chargé de rapporter est le programme 305, qui intéresse principalement la Direction générale du Trésor. Comme les années précédentes, ce programme enregistrera une diminution d’une trentaine de ses agents, ce qui représente 1,7 % de ses effectifs. Ses crédits baisseront de 16 millions d’euros, principalement en raison de la réduction des sommes qui seront versées à la Banque de France.

En effet, le principal poste de dépenses du programme concerne les remboursements que le Trésor effectue à la Banque de France pour les services publics qu’elle rend à l’État. Ce montant, qui devrait être stabilisé à 317 millions d’euros sur la période 2013-2015, a été réduit à 302 millions pour 2014. Le Gouvernement anticipe, en effet, une diminution du coût de traitement des dossiers de surendettement en raison de gains de productivité. Le nombre de dossiers, ce dont on peut se réjouir, sera stabilisé aux alentours de 225 000 en 2014. Il faut savoir que le coût de traitement d’un dossier de surendettement, qui s’élevait à 922 euros en 2011, a été réduit à 873 euros en 2013, l’objectif poursuivi étant un abaissement à 836 euros en 2014.

Pour réduire le poids du surendettement dans notre pays, le Gouvernement a prévu, dans le projet de loi relatif à la consommation, la création d’un registre national des crédits aux particuliers, autrement dénommé « fichier positif ». Pourtant, nombre d’observateurs considèrent que ce fichier risque d’être inopérant en raison du refus de la CNIL d’autoriser la Banque de France à utiliser le code INSEE pour identifier les intéressés. Or, en raison des nombreuses homonymies, il semble que le taux d’erreurs enregistré lors d’essais soit important.

J’espère donc que le ministère des finances sera en mesure de garantir le caractère opérationnel de ce fichier dont le coût pourrait avoisiner les 50 millions d’euros, dont 20 millions sont destinés au développement du logiciel. La commission des finances a adopté les crédits des programmes 220, « Statistiques et études économiques » et 305, « Stratégie économique et fiscale », ainsi que les crédits du compte d’affectation spéciale « Accords monétaires internationaux ». Je vous invite, mes chers collègues, à la suivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Straumann, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le tourisme.

M. Éric Straumann, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre du redressement productif, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans son discours du 27 août dernier devant la conférence des ambassadeurs, le Président de la République a souhaité ériger le tourisme en « grande cause nationale » afin de faire en sorte que la France demeure la première destination touristique mondiale, ce qu’elle est effectivement en nombre de visiteurs étrangers, même si elle ne se situe qu’en troisième position pour ce qui concerne les recettes ainsi générées. Dans cette même perspective, le Premier ministre vient par ailleurs d’annoncer, la semaine dernière, le lancement des « Assises du tourisme ».

Au-delà de toutes les bonnes intentions ainsi proclamées, avons-nous vraiment les moyens de notre ambition ? Sur le plan budgétaire, la situation de nos comptes publics réduit indiscutablement les marges de manœuvre et le secteur du tourisme, qui résiste globalement mieux que d’autres à la crise, en supportera encore les conséquences en 2014, puisque ses crédits directs baisseront de plus de 20 % en autorisations d’engagement et de près de 4 % en crédits de paiement.

Cette baisse substantielle se justifie, pour partie, par des motifs structurels, par exemple l’absence de volet tourisme dans le cycle 2014-2020 des contrats de projet État-régions, mais je ne souhaite pas faire aveuglément grief au Gouvernement de cet état de fait. En effet, le tourisme français a surtout besoin de moyens ciblés et mobilisés à bon escient sur des actions mieux coordonnées entre les différents échelons d’intervention, du local à l’international.

Arrêtons-nous un instant sur la situation de l’opérateur Atout France dont le législateur a précisément fait, en 2009, le « bras armé » de l’État pour la mise en œuvre de la politique touristique, en partenariat avec l’ensemble des acteurs publics et privés s’agissant de la promotion, mais également de l’observation des marchés, de l’assistance au développement, de l’ingénierie, ou encore de l’amélioration de la qualité. Sa subvention, comme l’a évoqué mon collègue Éric Woerth, décroît d’année en année et ne s’élèvera plus qu’à 31 millions d’euros l’an prochain.

Lors de la commission élargie, la semaine dernière, Mme la ministre a tenu à couper court aux griefs formulés à l’encontre de l’agence. Mais là n’est pas la question : si tout le monde s’accorde en effet à reconnaître que l’agence joue un rôle clé avec des moyens relativement faibles, il n’en est pas moins certain que ces moyens ne pourront pas indéfiniment baisser. Ou alors, il faudra envisager de recentrer son action ou, le cas échéant, lui trouver de nouvelles sources de financement.

Dans le cadre de la réforme territoriale en cours de discussion, c’est le statu quo qui semble malheureusement prévaloir. Les Assises du tourisme ne pourront pas ne pas aborder ce point et tous ceux qui lui sont connexes, à savoir la refonte de la taxe de séjour, le choix en matière d’intercommunalité, la réglementation des offices de tourisme, le classement des communes touristiques, par exemple.

Cela étant, j’espère aussi que des premiers enseignements pourront être tirés des contrats de destination touristique qui viennent d’être conclus, je pense notamment à celui sur le tourisme d’affaires en Alsace. Nous signerons demain matin à Lille avec Mme la ministre du tourisme le contrat de destination Grande Guerre. La mobilisation autour de projets communs est assurément le meilleur moyen d’apprendre à tous ces acteurs à travailler ensemble efficacement.

Dans l’avis budgétaire que j’ai présenté au nom de la commission des affaires économiques, j’ai également souhaité aborder les nouveaux enjeux liés à la montée en puissance des technologies numériques, et notamment leur impact sur le modèle économique de l’hébergement touristique.

L’hôtellerie traditionnelle, en particulier, est aujourd’hui à un tournant. Elle est de plus en plus tributaire des centrales de réservation hôtelière sur internet, les fameuses OTA, les online travel agencies, qui prélèvent parfois de fortes commissions alors qu’elles échappent pour partie à l’impôt et imposent à leurs clients des clauses contractuelles très discutables. La régulation de telles pratiques suppose sans aucun doute une coordination au niveau européen et il serait bon que la France, en tant que leader en matière touristique, prenne des initiatives concrètes dans ce domaine.

Je souhaite aussi attirer votre attention sur la situation générale de l’hôtellerie française, qui doit affronter le poids des normes, les difficultés de recrutement, la concurrence d’offres alternatives et la difficile transmission des entreprises. Voilà encore un sujet de réflexion qui figurera, je l’espère, au programme des Assises du tourisme, qui devraient déboucher sur des propositions de modifications législatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le commerce extérieur.

M. Joël Giraud, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre du redressement productif, mes chers collègues, au début du quinquennat, l’objectif fixé par le Premier ministre pour le commerce extérieur était extrêmement ambitieux : rien moins que le retour à l’équilibre en 2017 de nos échanges commerciaux, hors énergie. Vu le déficit record que la France venait de connaître en 2011, 73 milliards d’euros, d’aucuns pouvaient même le trouver utopique.

Les chiffres de 2012, un déficit ramené à 67 milliards d’euros, et, plus encore, ceux qu’affichera l’année 2013, environ 60 milliards d’euros, montrent que notre pays, sur ce point, est plutôt sur la bonne voie. Il faudrait toutefois que l’amélioration s’amplifie nettement pour que l’objectif puisse être atteint, car notre commerce extérieur n’est pas redevenu subitement florissant. Son déficit demeure très élevé, et ses défauts majeurs perdurent, notamment le faible nombre d’entreprises exportatrices et l’extrême concentration des exportations, en volume, sur les plus grandes d’entre elles.

Reconnaissons tout de même que l’enrayement de notre déclin en la matière est le fruit d’une adaptation volontariste et concertée de notre système de soutien au commerce extérieur. Elle s’est poursuivie en 2013 : rôle de pilote dévolu aux régions ; réajustement des missions d’UBIFRANCE, l’opérateur plus particulièrement chargé de l’aide à l’exportation, notamment en fonction du volet international de la Banque publique d’investissement ; évaluation plus qualitative que quantitative de l’efficacité des activités de l’opérateur. Pour ma part, je considère qu’il est souhaitable qu’UBIFRANCE privilégie le ciblage et la personnalisation plutôt que le saupoudrage des aides en direction d’un trop grand nombre d’entreprises. La réflexion doit porter sur la manière de mettre le maximum de moyens là où les opportunités sont les plus fortes.

Cette rénovation du système d’aides pourrait connaître une nouvelle grande étape en 2014 si la fusion entre UBIFRANCE et l’Agence française pour les investissements internationaux était concrétisée, mais je ne vous cacherai pas mes réserves sur ce projet, notamment parce que les métiers de l’export et ceux de la promotion auprès des entreprises étrangères de l’attractivité du territoire français font appel à des compétences et à une culture spécifiques. Fusionner les deux entités est à mon avis plus risqué que de mutualiser un certain nombre d’activités des deux agences, ce qui me semble plutôt bénéfique. De très nombreuses réformes ont déjà impacté ces dernières années le réseau international de Bercy. Une réforme de plus ne peut-elle pas être une réforme de trop ? J’ai bien noté les arguments en faveur du rapprochement développés par Mme la ministre en commission élargie mais, si rapprocher est nécessaire, fusionner l’est-il vraiment ? Or adopter la bonne stratégie est d’autant plus nécessaire que les crédits prévus pour 2014 sont, plus encore que l’année dernière, soumis à la rigueur que la situation de notre économie impose. Les crédits d’UBIFRANCE et de l’AFII baissent en effet de 5 % environ.

Cette participation à l’effort budgétaire ne devrait pas trop affecter l’efficacité des activités des deux agences, grâce au réajustement de leur organisation et de leurs actions, ainsi que leur articulation avec les autres structures de soutien au commerce extérieur français. C’est pourquoi, en tant que rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, j’ai émis et confirme un avis favorable à l’adoption des crédits du commerce extérieur pour 2014.

Je souhaiterais cependant attirer votre attention sur certains sujets et, en premier lieu, les rapports entre les États-Unis et l’Europe et leur réciprocité après les révélations sur l’ampleur de l’espionnage nord-américain.

Mme Bricq nous a répondu que la Commission européenne n’avait pas encore engagé les négociations sur le grand marché transatlantique et que les données personnelles n’avaient jamais fait l’objet de négociations dans le cadre d’un accord de libre-échange. Je tiens cependant à ce que les discussions sur la protection des données progressent. Je note aussi que la France suit attentivement le projet de réforme et de règlement à ce sujet élaboré par Viviane Reding mais il convient avant tout, comme la ministre l’a souligné, de s’assurer que les principes définis dans l’accord Safe Harbor entre les États-Unis et l’Europe sont effectivement respectés.

Pour en rester à la politique communautaire, si controversée qu’elle alimente une certaine défiance vis-à-vis de l’Europe de la part d’une partie des peuples européens, je ne peux partager le point de vue sur le niveau de l’euro, qui serait trop élevé pour la compétitivité de notre industrie, de ceux qui souhaiteraient qu’une véritable politique monétaire soit menée. Je crois en effet que c’est un élément parmi d’autres, pas moins mais pas plus non plus. Et l’on peut s’interroger sur un tel écart dans l’importance donnée à cette question, sur le diagnostic, bien sûr, mais, surtout, et c’est de loin le plus important, sur la politique qu’il conviendrait de mener pour la traiter. J’appelle à plus de cohérence en la matière.

Enfin, j’ai été très heureux que, lors de son audition par les trois rapporteurs de l’Assemblée nationale puis par la commission élargie, la ministre ait manifesté un vif intérêt pour les coopérations décentralisées. Elles constituent en effet des structures originales d’aide à l’exportation. Je note aussi avec plaisir que leur développement est encouragé par le Gouvernement. Cela dit, bien plus que sur UBIFRANCE, les coopérations décentralisées prennent appui sur le réseau de correspondants de la diplomatie économique. Leur nombre se réduisant comme peau de chagrin, je souhaite que le Gouvernement s’engage sur un moratoire sur la baisse de leurs effectifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Grellier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l’industrie.

M. Jean Grellier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je l’ai indiqué lors de l’examen de la mission « Économie » en commission élargie, l’action n3 du programme 134 « Actions en faveur des entreprises industrielles » participe à l’objectif de réduction du déficit public. Il faut donc optimiser les dépenses d’intervention en sécurisant prioritairement le financement des centres techniques industriels, dont le rôle est prépondérant, surtout pour notre tissu de PME.

Dans ce cadre, il faut également conserver le principe des taxes affectées, qui privilégient une forme de mutualisation et de cogestion qui me paraissent très positives. Je suis donc surpris que, chaque année, il y ait des tentatives pour les déstabiliser alors qu’il serait au contraire intéressant de les sécuriser dans le temps, afin de pouvoir tracer des perspectives d’actions de moyen terme. De même, il est nécessaire de stabiliser le crédit d’impôt recherche, facteur d’attractivité pour notre secteur industriel.

Ce qui m’est cependant apparu le plus significatif dans ce projet de loi de finances pour 2014 et dans la thématique de l’industrie de la mission budgétaire « Économie », c’est la création du programme 405, intitulé « Projets industriels », qui est d’ores et déjà doté de 420 millions d’euros, en provenance essentiellement du programme d’investissements d’avenir.

Ce programme 405 « Projets industriels » s’appuie sur trois actions : un soutien financier à des projets industriels sélectionnés par appel d’offres sous forme de subventions, d’avances remboursables ou de prises de participation ; une garantie de prêts accordée par la BPI, surtout pour les projets les plus innovants ; une accélération de la robotisation des entreprises françaises, qui était, je le souligne, l’une des propositions de notre rapport sur le projet de loi de finances pour 2013.

Le développement de ce programme et l’attribution de sa capacité budgétaire pourront s’appuyer sur plusieurs démarches que vous avez initiées ou accompagnées, monsieur le ministre.

Il y a d’abord les treize et bientôt quatorze comités stratégiques de filière du Conseil national de l’industrie, dont j’ai auditionné les représentants à l’occasion de ce rapport. Je tiens à saluer, comme je l’ai fait en commission élargie, le fait que, depuis la fin de l’année 2012, vous ayez contractualisé avec la quasi-totalité de ces comités sur les grandes orientations qu’ils avaient développées, dans un dialogue social de qualité.

Il y a ensuite les trente-quatre grands projets industriels, en cohérence, vous l’avez rappelé, avec les orientations des comités stratégiques de filière, qui initient une nouvelle forme de coopération entre la puissance publique et l’initiative privée pour porter des projets qui permettront d’offrir à notre pays les plus grandes chances de se réindustrialiser, en accompagnant les mutations nécessaires.

Il y a, enfin, Innovation 2030, qui s’inscrit dans des perspectives de long terme d’anticipation des systèmes technologiques.

À travers ces trois démarches, vous avez doté la France d’une vraie politique industrielle, qui lui a manqué au cours des dernières années. Cette politique met également en œuvre les mesures du pacte de compétitivité pour l’emploi lancé il y a un an par le Gouvernement à la suite des propositions du rapport de Louis Gallois.

Par ailleurs, comme vous l’avez précisé lors de la commission élargie en réponse à ma question, vous avez la volonté, avec vos collègues du Gouvernement, d’orienter la formation de nos jeunes vers les métiers industriels. La notion de campus des métiers, initiée avec le ministre de l’éducation nationale, doit répondre à l’objectif de développer les filières techniques, à condition toutefois d’agir dès le collège sur l’orientation des élèves.

L’ensemble de cette action au profit de la réindustrialisation de notre pays doit aussi, comme vous l’avez précisé, trouver une dimension territoriale, en s’appuyant notamment sur les conseils régionaux et les commissaires au redressement productif que vous avez mis en place sous l’autorité des préfets de région.

Enfin, j’ai bien entendu votre réponse à la proposition que j’ai faite en commission élargie de créer des correspondants parlementaires pour chacun des comités stratégiques de filière du Conseil national de l’industrie. Je suis conscient qu’il ne faut pas alourdir les structures et les procédures mais, compte tenu de l’enjeu, pour relancer la production industrielle dans notre pays, la mobilisation doit être totale.

Je me permets donc d’insister pour que ma proposition soit de nouveau étudiée et qu’au-delà de ma seule désignation au sein du CNI pour représenter l’Assemblée nationale, des correspondants parlementaires pour chacun des comités stratégiques de filière, sous l’autorité du président de la commission des affaires économiques et du président de l’Assemblée nationale, puissent participer à la mobilisation qui sera indispensable pour faire gagner demain l’industrie de notre pays, au sein d’une Europe qui, elle, doit encore se doter d’une véritable politique industrielle.

Pour conclure, et en confirmant la position que j’ai exprimée en commission élargie, je donne un avis favorable aux crédits de la mission budgétaire « Industrie » et vous invite, mes chers collègues, à les voter, en saluant, monsieur le ministre, les nouvelles mesures dites de résistance économique que vous avez annoncées ce matin et que vous nous soumettrez tout à l’heure par amendement. Nous y serons favorables. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRCRRDP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les entreprises.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires économiques, je rapporte, avec Anne Grommerch, le budget consacré aux entreprises.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner lors de la commission élargie qui s’est tenue la semaine dernière, la hausse des crédits du programme n134 est en réalité principalement due à l’action n4, relative au difficilement compréhensible rapatriement des aides à la presse vers la mission « Économie ». On aurait voulu brouiller les cartes qu’on ne s’y serait pas pris autrement.

Quant aux deux principales actions spécifiquement tournées vers le soutien aux entreprises, elles connaissent, par contre, une baisse significative de, respectivement, 12,99 % et 8,34 %. Je ne peux que le regretter, d’autant que ces baisses affectent en priorité les acteurs économiques de proximité et que nos entreprises attendent plutôt un signal de soutien de la part des pouvoirs publics, alors qu’elles subissent depuis plusieurs années un net recul de leur compétitivité.

Si l’on examine l’évolution de la compétitivité de nos entreprises depuis le milieu des années 1990, on constate, en effet, qu’après avoir augmenté régulièrement jusqu’en 2001, elle a ensuite subi une baisse continue, déclenchée par la mise en place autoritaire et généralisée des 35 heures. Cet infléchissement n’a cessé depuis, aggravé, dans un premier temps, par la crise de 2008, qui a affecté l’ensemble de l’économie mondiale, puis par la politique que mène ce gouvernement.

Dans ce projet de budget pour 2014, et en dépit des cris d’alarme et des appels répétés des acteurs économiques, le matraquage fiscal se poursuit et même s’amplifie. Je pense à l’augmentation de la TVA pour les artisans, qui manifestaient hier. Je pense aux centres équestres, qui vont subir de plein fouet votre décision de faire passer la TVA à 20 %. Je pense aussi aux restaurateurs, ainsi qu’à l’ensemble des entreprises, qui vont voir l’impôt sur les sociétés atteindre les 35 %, l’un des taux les plus élevés au sein de l’Union européenne.

Dans ce contexte, je ne peux qu’inciter le Gouvernement à réagir fortement, de manière volontariste et appropriée.

Alors, que faut-il faire ? Plusieurs pistes peuvent évidemment être explorées mais je me contenterai de vous en suggérer deux. Première piste : la reconstitution du taux de marge de nos entreprises, qui n’est aujourd’hui que de 28 % environ, contre près de 35 % en Allemagne. Nous étions à 37 % en 2000 ; une perte, donc, de dix points, ce qui est considérable. Or, faute de marges suffisantes, nos entreprises n’investissent pas suffisamment, vous le savez très bien, monsieur le ministre, et ne peuvent pas rémunérer leur personnel comme elles le voudraient. Elles perdent peu à peu de la substance et donc du terrain et des clients. C’est, pour l’UMP, le sujet majeur des années à venir. D’où ma question : quelles décisions êtes-vous prêt à prendre, notamment en matière de baisse de la fiscalité et des prélèvements obligatoires, pour aider vraiment les entreprises françaises à reconstituer leurs marges, afin qu’elles retrouvent un sentier de croissance durable ?

Que l’on ne me réponde pas : « CICE » ! Quelle vaste blague ! Vous avez multiplié les prélèvements et vous en rendez une partie, et mal, aux entreprises par le biais de ce crédit d’impôt : c’est une supercherie et une usine à gaz, dont personne n’est dupe. Baissez les impôts et supprimez le CICE, ce sera beaucoup plus simple et vous verrez que les entreprises s’en porteront bien mieux.

La seconde piste que je souhaite brièvement évoquer concerne l’environnement normatif des entreprises. Alors que le Président de la République se fait le chantre d’un « choc de simplification » – la France est en effet très certainement en état de choc – que l’on voit contredit de manière quasi quotidienne, je souhaite que le Gouvernement accentue ses efforts en faveur de la simplification de la réglementation applicable aux entreprises.

Aujourd’hui, développer un projet industriel en France est un véritable parcours du combattant. Or, si l’on produisait en 355 jours ce que l’on fait en 365, ce qui ne demande pas des efforts considérables, on pourrait gagner trois points de croissance. C’est un sujet majeur dont il faut réellement se saisir et qui pourrait parfaitement être consensuel. Quelles actions concrètes et fortes le Gouvernement envisage-t-il donc de mettre en place dans les mois à venir en matière de simplification ?

Enfin, et ce sera ma troisième question, le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce voit de nouveau ses crédits baisser, pour s’établir cette année à seulement 20 millions d’euros, contre 38 millions il y a deux ans et 25 millions l’an dernier. Comment justifiez-vous cette baisse alors que, dans le même temps, vous dites vouloir dynamiser les centre-villes, maintenir le commerce de proximité en milieu rural et favoriser le tissu commercial dans notre pays ? Il est vrai que nous sommes habitués : avec vous, il y a d’un côté les discours et de l’autre les actes, bien loin des belles paroles dont vous nous rebattez les oreilles. Mais vous allez certainement nous expliquer, monsieur le ministre, où est la cohérence de votre action.

Comme vous vous en doutez, parce que les réponses que vous avez pu apporter à nos entreprises depuis un an et demi sont non seulement insuffisantes mais surtout contre-productives, je donnerai un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie » tels que présentés aujourd’hui, dans l’espoir que vous entendiez enfin les Français et les entreprises, et que vous changiez de politique au plus vite. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la consommation.

M. Damien Abad, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés à la concurrence et à la consommation au sein du programme 134 présentent des évolutions encore plus contrastées cette année que l’an dernier. En effet, si les moyens en personnel affectés à la DGCCRF via les actions 16, « Régulation concurrentielle des marchés », 17, « Protection économique du consommateur », et 18, « Sécurité du consommateur », sont en augmentation de quinze équivalents temps plein, ce qui permet de recréer un peu de cohérence avec l’augmentation continue de son périmètre d’action, il n’en va pas de même pour ce qui concerne les crédits de l’action 15 relative à la mise en œuvre du droit de la concurrence par l’Autorité de la concurrence.

Celle-ci connaît en effet une nouvelle diminution de ses effectifs, d’un ETP, et de ses crédits de fonctionnement, de 4,5 %. Cette mesure paraît particulièrement malvenue, s’agissant d’une autorité unanimement saluée pour la qualité et l’efficacité de son travail. Elle a notamment permis cette année d’obtenir des baisses de frais substantielles sur les cartes de crédit, et elle est seule compétente pour se pencher sur les sujets d’envergure nationale, avec l’indépendance nécessaire.

J’ajoute que l’Autorité est en quelque sorte victime de son succès puisque la loi sur la régulation économique outre-mer lui a confié de nouvelles missions, dont un pouvoir d’injonction structurelle en matière de grande distribution, sans pour autant lui donner les moyens de mener ces expertises outre-mer. Il est paradoxal que l’organisme chargé de la concurrence dans sa globalité soit proportionnellement moins bien doté que les régulateurs sectoriels.

Selon les informations que j’ai pu recueillir, l’enveloppe budgétaire consacrée aux subventions pour les associations de consommateurs diminue de nouveau cette année, de 5 % pour les associations bénéficiant de la reconnaissance spécifique et de 7 % pour les autres. Je m’interroge donc sur la capacité de ces associations réellement consuméristes à exercer l’ensemble de leurs missions de conseil et de service auprès des consommateurs – d’autant que leurs compétences vont être renforcées avec l’action de groupe inscrite dans le projet de loi « Consommation » –, tout en devant faire face à une diminution de leurs moyens. J’ajoute que je n’ai pu obtenir que les informations relatives au montant global de la subvention pour 2014, ainsi que la répartition des financements alloués pour 2012 !

Ma question sur les crédits relatifs à la consommation du programme 134 est la suivante. L’organisation de la DGCCRF a été considérablement modifiée par la réforme de l’administration territoriale de l’État. Il semble que l’éparpillement de ses agents entre les directions régionales et départementales ait abouti à une perte d’efficacité, notamment dans le recueil des indices des pratiques anticoncurrentielles. Quelles sont donc les mesures qu’envisage de prendre le Gouvernement dans le cadre du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique ?

Dans mon rapport, j’ai également souhaité approfondir le sujet de la protection du consommateur dans le cadre des jeux d’argent et de hasard en ligne. Nous en avons d’ailleurs discuté en commission élargie. Les jeux en ligne sont des activités présentant des risques particuliers, aussi bien pour les joueurs eux-mêmes, comme l’addiction et l’endettement, que pour l’ordre public – la corruption, le blanchiment d’argent et l’atteinte à l’intégrité des compétitions sportives.

La loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux en ligne a mis en place un ensemble de garde-fous qui a véritablement permis de lutter contre l’offre illégale. J’ajoute que l’action efficace de l’Autorité de régulation des jeux en ligne a permis la mise en œuvre rapide de la régulation de ce secteur. En outre, la coopération entre les autorités de régulation des jeux en lignes sur le plan européen a permis la mise en place de bonnes pratiques afin de rendre attractive l’offre légale et d’harmoniser la lutte contre l’offre illégale.

Le marché des jeux en ligne n’est pas un marché comme les autres, notamment en raison de sa nature par essence transfrontalière. En France, le montant des mises sur l’ensemble de l’offre régulée en ligne s’est élevé à près de 9,5 milliards d’euros en 2012. En outre, afin d’assurer la sincérité des compétitions sportives, la loi de 2010 a instauré un « droit au pari », une sorte de contrat entre l’organisateur d’événement et l’opérateur.

Comme vous le savez, dix articles concernant les jeux en lignes figurent dans le projet de loi sur la consommation que nous examinerons prochainement en deuxième lecture. Si certaines mesures vont dans le bon sens, je souhaite néanmoins évoquer plusieurs sujets qui ne figurent pas dans le texte. En ce qui concerne, tout d’abord, la détection des addictions, ne faut-il pas davantage responsabiliser les opérateurs par un nouveau cadre, qui serait fixé par l’ARJEL ?

Ensuite, les jeux d’adresse seront désormais interdits, mais l’offre illégale ne disparaîtra pas pour autant. En effet, une interdiction n’empêche pas l’offre illégale de prospérer. Aussi, ne vaudrait-il pas mieux intégrer une partie de ces jeux dans l’offre régulée ?

Le sujet de l’attractivité de l’offre régulée est bien sûr fondamental pour faire diminuer les jeux illégaux. Le cas du poker est particulièrement d’actualité puisqu’il semble que le manque de grands joueurs et de liquidités sur les tables conduise au départ des joueurs les plus importants. Peut-on envisager, comme le préconise l’ARJEL, en s’entourant des précautions nécessaires pour lutter contre le blanchiment, d’ouvrir ces tables aux joueurs espagnols, italiens et danois, qui ont le même cadre législatif que le nôtre ?

Se pose également la question du renouvellement de l’agrément. L’échéance des licences arrive à son terme en 2015. Les dossiers d’agrément sont très lourds à constituer. Ne faut-il pas simplifier la procédure de renouvellement pour les opérateurs déjà connus pour leurs bonnes pratiques ?

Enfin, il semblerait intéressant d’ouvrir le débat sur la possible fusion de l’ARJEL et de l’Agence française de lutte contre le dopage, pour améliorer encore l’intégrité du sport et garantir l’équilibre du marché des jeux en ligne.

Mme Sophie Dion. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, pour les communications électroniques et l’économie numérique.

Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le budget consacré aux communications électroniques et à l’économie numérique touche un secteur clé pour l’avenir de nos concitoyens et la croissance de nos économies, non seulement au plan national mais aussi à l’échelle européenne.

Le déploiement du très haut débit fixe, dans le cadre du plan très haut débit, offre de nouvelles perspectives aux territoires et à l’ensemble des acteurs économiques. L’accélération du déploiement de la 4G devrait permettre de créer de nouveaux services, de la valeur et de l’emploi dans le secteur des télécoms. Cet accroissement de la connectivité, à la fois fixe et mobile, et les nouveaux services et usages innovants liés, représentent également une chance de progrès social et de progrès économique.

Les crédits consacrés aux communications électroniques sont regroupés dans le programme 134. Le budget 2014 est marqué par un nouveau programme consacré à l’économie numérique, le programme 407. Concernant le budget alloué à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, on constate une quasi-stabilité du budget et le passage de 173 à 171 équivalents temps plein. Pour l’Agence nationale des fréquences, le budget baisse de 3 %, dans un contexte d’accroissement des missions, même s’il faut souligner l’affectation de quatre ETP supplémentaires.

L’exemple de la mission de protection de la réception de la télévision est à ce titre significatif, parmi les missions conduites par l’ANFR. Jusqu’à présent, ces crédits étaient prélevés sur le fonds d’accompagnement du numérique, qui arrivera à échéance le 31 décembre prochain. Le Gouvernement a indiqué, lors de l’examen en commission élargie la semaine dernière, je cite, « mener des travaux, en coordination avec le ministre du budget et l’ANFR, afin d’assurer la prolongation de ce dispositif en faisant notamment appel, pour 2014, au fonds de réserve de l’Agence ». Si cette solution permet effectivement de répondre à l’urgence, nous devrons travailler sur la pérennité pour les années à venir.

Je souhaite également, comme je l’ai fait en commission élargie, attirer votre attention sur une mission spécifique de l’Agence, qui me paraît essentielle : prévenir les brouillages de communication et garantir la qualité du service lors des grands événements internationaux tels que le Salon du Bourget, le Tour de France, ou d’autres grands événements sportifs, car ce sont aussi des vitrines de notre pays à l’international. Dès lors, sensibiliser les organisateurs de ces événements aux compétences reconnues de l’ANFR en la matière ainsi qu’aux risques encourus en cas de « panne de réseau » me semblerait très pertinent.

Je salue, enfin, la création du programme « Économie numérique ». Il conforte la place accordée au numérique au sein des priorités du Gouvernement, et c’est une très bonne chose. Ce programme a pour vocation d’accompagner le développement des usages et des technologies numériques, pour 350 millions, ainsi que de soutenir la mise en œuvre des quartiers numériques, pour 215 millions, quartiers numériques qui, je le répète, doivent de mon point de vue concilier à la fois pertinence économique, innovation et aménagement du territoire.

Je vous invite en conséquence, chers collègues, à voter ces crédits qui portent sur un secteur majeur de notre économie.

En complément de ces aspects budgétaires, je souhaite insister sur deux points. La 4G, tout d’abord, permettra le développement de nouveaux services et de nouveaux usages, des particuliers comme des entreprises. On observe depuis le printemps dernier une accélération nette des déploiements 4G, avec 11 345 sites autorisés au 1ernovembre. La 4G doit permettre – c’est un sujet que M. le ministre connaît bien – à l’ensemble de la filière numérique, opérateurs, équipementiers, fournisseurs de services, de recréer de la valeur. Il faut rester extrêmement attentif à l’évolution de ce secteur.

C’est un point sur lequel j’ai déjà insisté lors de la publication d’un récent rapport sur la régulation des télécommunications. Il est ainsi indispensable de veiller au maintien de l’équilibre entre l’intérêt du consommateur, la préservation de l’emploi et de l’innovation, l’aménagement du territoire, mais aussi des capacités d’investissement et de maintenance des réseaux existants.

L’autre point que je souhaite évoquer concerne l’affectation de la bande de fréquence de 700 mégahertz au secteur des télécoms, décidée par le Président de la République. C’est une excellente nouvelle compte tenu des évolutions annoncées du trafic mobile, puisqu’on prévoit une multiplication par 12 d’ici à 2018. Le Premier ministre fixera dans les semaines à venir les principales échéances de ce transfert d’affectation. Cela permettra à l’ensemble des acteurs, des télécoms et de l’audiovisuel, d’anticiper et d’établir leur stratégie dans un cadre stabilisé.

Encore une fois, chers collègues, je vous invite à voter ces crédits qui portent sur un secteur d’avenir majeur. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, pour les postes.

Mme Michèle Bonneton, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, La Poste est confrontée à de grands défis du fait de la baisse drastique du volume du courrier : alors qu’il s’élevait à 17,8 milliards d’objets en 2008, il devrait atteindre à peine 10 milliards d’objets en 2020. L’effort financier de l’État en faveur des postes ne reflète pas l’importance économique du secteur, qui représente 1 % du PIB et de la population active française. Pour l’essentiel, l’État compense, de manière partielle, les missions de service public confiées à La Poste par le législateur. Ces compensations ne sont pas toutes reportées au sein la mission « Économie » qui nous occupe aujourd’hui.

S’agissant de l’analyse budgétaire, je m’attacherai principalement à la compensation par l’État des surcoûts de la mission de transport de la presse, conformément aux accords Schwartz de 2008. Cette dotation, qui s’élève à 150 millions d’euros en PLF 2014, baisse de 70 millions d’euros par rapport à 2013. Certes, l’accord prévoyait une baisse tendancielle des aides de l’ordre de 17 millions d’euros ; mais le Gouvernement a aussi souhaité faire porter une partie du financement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi par La Poste, pour un montant de 50 millions d’euros.

Bien évidemment, l’effort demandé à La Poste s’inscrit dans le cadre d’une politique transversale, qui touche toutes les entreprises publiques bénéficiaires du CICE. À ce titre, rappelons qu’en 2014 le montant prévisionnel du CICE devrait s’élever à environ 300 millions d’euros de gain pour La Poste. La participation demandée à celle-ci est donc faible au regard du bénéfice qu’elle en retirera. Cela peut paraître légitime dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques. Néanmoins, il est surprenant que cette diminution de 50 millions d’euros ait été décidée quelques jours à peine après la signature du contrat d’entreprise, le 1er juillet 2013, qui prévoyait le maintien des compensations de l’État à hauteur de 200 millions d’euros. Par ailleurs, on peut s’interroger sur les conséquences de cette baisse s’agissant de l’acheminement de la presse en milieu rural.

Au-delà de l’analyse budgétaire, j’ai choisi de consacrer mon avis à trois thématiques : le nouveau contrat d’entreprise, qui fixe les objectifs de La Poste pour la période 2013-2017 ; les conditions de travail des postiers ; enfin, la présence territoriale de La Poste.

Le nouveau contrat d’entreprise est une occasion quelque peu manquée, même si de nouveaux objectifs sont fixés. Les trois autres missions de service public confiées à La Poste – aménagement du territoire, accessibilité bancaire, transport et distribution de la presse – font l’objet de contrats distincts, ayant leur propre chronologie. Il en ressort une stratégie peu lisible et il serait certainement pertinent d’harmoniser les échéances de ces contrats, à défaut de les regrouper dans un seul document stratégique.

S’agissant des conditions de travail des postiers, on impose un allongement des tournées aux facteurs, au motif que le volume du courrier diminue. Pourtant, la population périurbaine augmente, de même que le nombre de boîtes aux lettres en milieu rural. Qui plus est, près de 80 000 emplois, dont beaucoup d’emplois de facteurs, ont été supprimés en dix ans. Les syndicats évoquent « un plan social qui ne dit pas son nom ou une RGPP non assumée ». Depuis un an, des annonces ont été faites et un accord sur la qualité de vie au travail a été signé en janvier dernier. Pour les postiers, il est temps de mener une enquête approfondie sur l’état sanitaire de l’entreprise, car malgré les recommandations du rapport Kaspar, d’après les intéressés, le compte n’y est toujours pas.

S’agissant de la présence territoriale de La Poste, un nouveau contrat pour la période 2014-2016 est en cours de négociation et devrait être signé d’ici à la fin de l’année. Il s’agit d’une opportunité de renforcer l’intégration de La Poste dans les maisons de services au public, par exemple. Sous l’impulsion de Mme Cécile Duflot, le Gouvernement a décidé d’accroître le nombre de ces maisons afin d’atteindre le nombre de 1 000 en 2017, contre 320 aujourd’hui. Pour ce faire, le projet de loi dite Lebranchu II de mobilisation des régions pour la croissance, l’emploi et la promotion de l’égalité des territoires modernisera le cadre juridique des maisons de services au public afin de favoriser leur développement.

La Poste aurait tout intérêt à intégrer des dispositifs de mutualisation, notamment en milieu rural ou en ZUS. Pourtant, j’ai constaté qu’aujourd’hui La Poste a plutôt tendance à se replier sur son propre réseau : elle n’est membre que de dix des 320 maisons de services au public. Le Gouvernement devra l’accompagner dans cette évolution. M. Philippe Wahl l’a lui-même reconnu : « La Poste est une grande entreprise publique de services de proximité ». Il est indispensable de miser sur cette proximité afin d’assurer l’avenir de La Poste, au service des citoyens et dans le respect des postiers.

Je donne évidemment un avis favorable au vote des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Seybah Dagoma, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le commerce extérieur.

Mme Seybah Dagoma, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, après une décennie de dégradation quasi continue, le solde de notre commerce extérieur s’est amélioré en 2012 et cette amélioration devrait se poursuivre en 2013. Le déficit sur la balance des biens, qui était de 74 milliards d’euros en 2011, devrait se situer aux alentours de 60 milliards en 2013. L’objectif du Gouvernement, à savoir le retour à l’équilibre de la balance hors énergie, est en bonne voie d’être atteint à échéance 2017. Hors énergie, le déficit constaté au premier semestre 2013 est en effet en chute de 40 % par rapport au premier semestre 2012 et il ne représente plus que 5,6 milliards d’euros. L’amélioration que nous observons ne résulte pas de facteurs exogènes sur lesquels nous n’avons pas de prise, comme le prix du pétrole. Bien au contraire, elle a été obtenue malgré une augmentation de la facture énergétique et elle résulte essentiellement du dynamisme de nos exportations vers les pays émergents et vers l’Amérique du Nord. En 2012, nos exportations ont ainsi augmenté de 13,1 % vers l’Asie, de 11,5 % vers l’Amérique du Nord et de 8,5 % vers l’Amérique latine, tandis qu’elles stagnaient en Europe.

Ces résultats encourageants, nous les devons en grande partie à la mobilisation des acteurs et du Gouvernement. Le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi a donné clairement la priorité à la compétitivité, avec des mesures telles que le crédit d’impôt compétitivité emploi. Pour ce qui est de notre dispositif d’appui à l’export en particulier, il n’aura jamais été autant audité et réformé que depuis un an. Ce dispositif évolue clairement vers plus de professionnalisme, plus de coordination pour les entreprises, plus d’adaptation des prestations et des produits financiers offerts à leurs besoins. La création de la BPI, son rapprochement avec UBIFRANCE et la COFACE dans le cadre de Bpifrance Export, la réforme qui a été engagée des garanties COFACE et des prêts BPI, le projet d’accompagnement renforcé et durable à l’export de 1 000 PME de croissance et ETI, le projet « France International » sont autant de réformes fondamentales. Je voterai donc naturellement pour les crédits de la mission « Économie », qui ont reçu un avis favorable de la commission des affaires étrangères.

Toutefois, comme le rétablissement de notre équilibre extérieur est une priorité, je voudrais conclure en évoquant quelques pistes qui me paraissent devoir être étudiées pour poursuivre et amplifier la mobilisation. D’abord, il me semble qu’il y a un vrai manque de lisibilité du commerce extérieur dans le budget de l’État : il ne fait l’objet ni d’une mission, ni d’un programme, et les moyens budgétaires qui y concourent sont en fait répartis sur quatre missions et sur cinq programmes budgétaires. Cette situation n’est pas satisfaisante.

Parallèlement, le poids du ministère dans l’appareil d’État devrait être accru. Actuellement, le ministère n’a pas d’autorité, pas de tutelle ni de cotutelle sur des organismes tels que l’AFII, Atout France et les chambres de commerce et d’industrie, alors qu’il s’agit d’acteurs majeurs de l’internationalisation des entreprises et du rayonnement économique de notre pays. Ensuite, le niveau des moyens budgétaires consacrés au commerce extérieur me semble également insuffisant quand on le compare avec d’autres pays européens, alors même que, comme l’a relevé le rapport de MM. Bentajac et Desponts, le coût budgétaire net de l’appui au commerce extérieur de notre pays est quasiment nul, car les bénéfices reversés à l’État par la COFACE sur le régime d’assurance-crédit à l’export couvrent à peu près les dépenses faites, notamment par UBIFRANCE et l’AFII.

Je plaide donc pour une priorité budgétaire au commerce extérieur, qui permettrait de renforcer le déploiement de nos réseaux d’appui dans les pays émergents, notamment ceux de la seconde vague, qui viennent juste derrière les BRICS. À cet égard, je rappelle que les pays émergents représentent les deux tiers du potentiel mondial de croissance économique durant les cinq prochaines années, même s’ils pèsent encore bien peu dans notre commerce extérieur, toujours centré sur l’Europe. Aujourd’hui, vous le savez, UBIFRANCE n’est présent en direct que dans cinq pays d’Afrique subsaharienne et dans autant de pays d’Amérique latine. Quant à l’AFII, ses moyens ne lui permettent une présence directe que dans une douzaine de pays hors d’Europe occidentale. L’agence n’a donc pas de bureaux dans des pays aussi importants que le Mexique, l’Afrique du Sud ou l’Indonésie, par exemple.

La lisibilité du réseau d’appui au commerce extérieur doit par ailleurs continuer à être renforcée. C’est tout l’enjeu des travaux en cours et je m’en félicite

La mission que j’ai effectuée en Suède m’a permis de constater l’investissement massif que font les Suédois, depuis deux décennies, dans la valorisation de l’image internationale de leur pays. Ils y consacrent une dizaine de millions d’euros. Le site valorisant leur pays est traduit en anglais, en allemand, en espagnol, en russe et en arabe. Sommes-nous capables d’en faire autant ?

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Bien sûr !

Mme Seybah Dagoma, rapporteure pour avis. Dans notre pays, la « Marque France » qui va être lancée est une excellente initiative, mais là aussi, il est essentiel que l’on mette tous les moyens nécessaires à son déploiement.

Dernier point : la prise en compte du commerce en ligne. La vente en ligne est un excellent moyen d’exporter avec des frais d’appui et de prospection limités. Nous devons nous mobiliser pour son développement. Je rappelle que, en 2012, 14 % des entreprises françaises vendaient en ligne, contre 21 % des entreprises britanniques et 24 % des entreprises allemandes. Il nous faut donc faire mieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, en cette période où il est de bon ton de nous enfermer dans la spirale du « tout va mal », j’ai envie de saisir l’occasion qui m’est offerte pour rappeler que la lucidité et l’honnêteté consistent aussi à dire ce qui va bien. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Les choix éditoriaux qui consistent, heure après heure, à décliner en boucle les seules mauvaises nouvelles agacent et ne sont pas compris, notamment par nos entreprises qui se battent à l’exportation. Cela me rappelle l’attitude des médias à Moscou – vous y étiez comme moi, monsieur le ministre, avec le Premier ministre – qui n’ont posé que des questions de politique intérieure, dans le point de presse commun avec M. Medvedev, alors que des accords commerciaux importants étaient en train de se nouer.



M. Éric Straumann, rapporteur pour avis. Tout va bien à Moscou !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il ne s’agit pas de nier ou de cacher la colère, la détresse, ou les légitimes luttes sociales (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), mais l’entretien de la sinistrose, cette démoralisation permanente des troupes, et cette idée que la voie est sans issue nous coûtent cher. La BPI estime que cela coûte un point de PIB !

M. Damien Abad, rapporteur pour avis. C’est la présidence Hollande qui coûte cher !

M. Patrick Hetzel. Il faut changer de Président !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Il faut changer d’opposition !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Oui à la transparence, mais aussi à la responsabilité ! Il ne s’agit pas de mettre les mauvaises nouvelles sous le tapis, puisqu’elles existent, mais de retrouver dignité et fierté, comme cela se passe dans des pays voisins proches du nôtre, pour dire que le pire n’est pas la seule lumière qui doit clignoter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Voici quelques éléments, déjà présentés par mes collègues : la croissance va progresser de 0,4 % au quatrième trimestre ; le chômage des jeunes diminue ; nous ne perdons plus de parts de marché à l’export ; nous sommes le leader européen des jeux vidéo ; la France est le numéro un européen pour l’immobilier commercial ; elle fait partie des deux premiers pays créateurs d’entreprises dans le numérique ; elle est le numéro un du cinéma et au deuxième rang mondial pour l’exportation de films ;…



Mme Sophie Dion. Et le tourisme !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. …ce sont nos nanotechnologies, celles fabriquées dans ma commune par exemple, qui équipent l’ensemble des téléphones mobiles dans le monde entier ; nos industries aérospatiale et aéronautique font la course en tête.

M. Damien Abad, rapporteur pour avis. Et le nucléaire !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Arrêtez donc d’avoir honte, chers collègues !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Soyez fiers d’être Français !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Soyez fiers et dignes, vous aussi ! On ne sait jamais, si vous revenez au pouvoir, ce sera utile. Mais rien ne presse… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Écoutons attentivement le président Brottes, mes chers collègues !

M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis. Le président Brottes fait de la provocation !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous avons créé ou renforcé des outils performants : je pense en particulier au CICE, que l’on ne cite jamais assez, et aux avantages accordés aux entreprises innovantes. Où la recherche se fait, là naît l’innovation ; où l’innovation naît, là se dessinent les perspectives d’avenir. Ces instruments sont de très bons indicateurs de la santé de notre économie. La BPI, pourtant si jeune, est déjà riche de succès. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les projets existent, les entrepreneurs sont là et désormais les financements aussi. Des centaines d’exemples pourraient être cités, mais je n’en donnerai qu’un, celui de Supersonic Imagine, une jeune société française d’imagerie médicale qui, figurez-vous, a pu finaliser une levée de fonds de 28 millions d’euros. Oui, 28 millions d’euros ! Grâce à cette aide, cette entreprise va pouvoir accélérer la commercialisation de ses produits à l’international. La BPI produit et accompagne l’enthousiasme et elle est incarnée, sur les territoires, comme l’a souhaité le ministre, par des femmes et des hommes qui sont à l’écoute et extrêmement réactifs – qu’ils en soient remerciés.

M. Damien Abad, rapporteur pour avis. Cela change du Gouvernement !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous rencontrons malheureusement trop souvent, et pas seulement sur vos bancs, chers collègues de l’opposition, des porteurs de projets découragés – peut-être par vous, d’ailleurs. Soit parce qu’ils ne trouvent pas de financements, ce qui est de moins en moins vrai grâce à la BPI, soit à cause des lourdeurs administratives, qui ne sont pas seulement de notre fait – le choc de simplification est en marche –, soit enfin parce que le discours ambiant est profondément démotivant.

Or la France est un pays industriel d’expérience, nos écoles et nos talents sont reconnus. C’est un devoir national que de nous décomplexer,…

M. Damien Abad, rapporteur pour avis. C’est la gauche décomplexée !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. …à l’intérieur comme à l’export. Cela se sait à l’étranger : arrêtons donc de douter de nous-mêmes. Nous n’avons rien à gagner à parler seulement des trains qui arrivent en retard alors que la grande majorité d’entre eux arrivent à l’heure. Et lorsqu’un train s’arrête, eh bien d’autres doivent repartir.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis. Tout va très bien, madame la marquise !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. En tant que représentants du peuple, nous avons tous le devoir de ne pas dévaloriser les atouts et les talents de notre pays ! Nous ne sommes pas un pays à la traîne. Mais pour maintenir et même renforcer l’attractivité de la France, il faut être vigilant, et veiller à envoyer des signaux clairs en protégeant et en développant nos avantages compétitifs. Nous ne pouvons mener à la place des entrepreneurs leurs stratégies et leurs partenariats, mais ils savent que nous avons mis en place de nombreux dispositifs destinés à les accompagner, à les aider à investir et à innover. Il ne faut pas avoir peur d’exporter, et les entrepreneurs le savent, car l’exportation et l’innovation sont les deux actions motrices pour le futur de notre économie.

Monsieur le ministre, ce budget remplit clairement ces objectifs, et je vous en sais gré, qu’il s’agisse des projets industriels dans les filières stratégiques d’avenir ou des prêts pour l’industrialisation qui vont permettre à toutes les PME et même aux ETI industrielles de trouver la concrétisation de leurs projets, ou encore de l’accélération de la performance, avec le plan « France Robots Initiatives ».

Mais toutes ces avancées ne doivent pas nous faire oublier les autres combats que nous devons mener : je pense en particulier à nos électro-intensifs, et nous devrons profiter de la loi sur la transition énergétique pour trouver une solution leur permettant d’accroître leur compétitivité. Chers collègues, l’énergie doit rester un avantage concurrentiel de la France !

Mon plaidoyer ne relève pas de la méthode Coué, contrairement à ce que j’ai entendu à ma droite. Les entreprises et les entrepreneurs de France, comme l’ensemble de leurs salariés, peuvent compter sur la majorité présidentielle pour que le chantier d’avenir prioritaire soit celui de la confiance dans leurs projets et dans leur réussite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Michèle Bonneton, rapporteure pour avis et M. Joël Giraud, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Patrick Hetzel. Il est meilleur en commission !

M. le président. Nous en venons aux porte-parole des groupes.

La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gaby Charroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, la mission dont nous débattons cet après-midi a pour objectif l’examen des crédits consacrés au développement des entreprises et du tourisme, aux statistiques et études économiques, et à la stratégie économique et fiscale. Je limiterai mon intervention au développement des entreprises et aux moyens dévolus à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF.

S’agissant des crédits alloués au développement des entreprises, nous ne pouvons bien évidemment qu’être favorables aux programmes de simplification et de sécurisation de leurs démarches. Nos entreprises, notamment les TPE, les PME et les entreprises artisanales, souffrent trop du labyrinthe et de l’empilement administratifs. Nous nous interrogeons, par contre, sur l’efficacité de la Banque publique d’investissement. Les missions qui lui sont assignées sont nombreuses : soutien des entreprises de toute taille, soutien de l’innovation, financement de la transition écologique et énergétique, soutien de l’économie sociale et solidaire, et j’en passe, mais eu égard à la multiplicité de ses missions, les 43 milliards d’euros dont elle est dotée, qui sont certes importants, restent à nos yeux encore insuffisants, d’autant plus que nous pensons que la BPI doit être un outil majeur du redressement productif du pays. La commission d’enquête de notre assemblée sur la sidérurgie ouvre d’ailleurs des pistes en ce sens, pour permettre à l’État, à la France, grand pays industriel s’il en est, de mieux agir sur l’investissement et l’ambition industrielle des grands groupes en participant de façon significative au capital de ces sociétés.

Nous regrettons par ailleurs que, comme dans le cas du crédit d’impôt compétitivité, l’action de la BPI soit insuffisamment ciblée. Ce service public bancaire ne peut avoir pour seul objectif de corriger les défaillances du marché en réduisant le coût d’accès au capital. À cet égard, notre groupe se réjouit des moyens supplémentaires que vous allez proposer par voie d’amendement, monsieur le ministre, et qu’il approuvera bien évidemment, même si cela ne doit évidemment pas exonérer les banques de leur responsabilité. L’action d’un service public bancaire tel que la BPI devrait contribuer a une réorientation du crédit et à la réalisation d’objectifs sociaux et environnementaux en conditionnant l’accès au crédit à des engagements en termes de développement de l’emploi stable ou de transition écologique.

Cette dernière remarque m’invite à évoquer le déséquilibre entre les dépenses fiscales et les politiques de subventions : d’un côté, le projet de loi de finances pour 2014 propose une baisse de plus de 5 % par rapport à 2013 des crédits du programme « Développement des entreprises et du tourisme », et, de l’autre, consent un crédit d’impôt compétitivité sans ciblage, sans contrepartie, en confiant aux syndicats et aux personnels le soin de discuter avec les dirigeants de l’affectation de la ressource. Imaginer, ne serait-ce qu’un instant, que syndicats et personnels puissent obtenir que l’entreprise s’engage, par exemple, dans une politique salariale ambitieuse relève du vœu pieux.

Nous doutons, en outre, que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi aide véritablement les entreprises industrielles et exportatrices de notre pays. Les premières évaluations effectuées par le comité de suivi rattaché à M. le Premier ministre laissent parfois sceptiques.

Nous pouvons légitimement, et nous devrions le faire tous ensemble, nous demander s’il ne conviendrait pas d’inverser la logique actuelle : réduire le périmètre et le volume des dépenses fiscales, qui forment un mille-feuille à la cohérence et à l’efficacité discutables, pour privilégier des politiques de subventions et d’aides directes aux entreprises, ce qui permettrait non seulement de limiter les effets d’aubaine, mais aussi un pilotage plus rigoureux de la politique d’aide aux entreprises. De ce point de vue, nous regrettons la modestie des programmes d’investissement d’avenir, dont les crédits inscrits dans cette mission s’élèvent à environ 1,7 milliard d’euros – sous la forme de prêts ou de subventions et d’entrées au capital d’entreprises innovantes.

Je finirai en disant un mot de la DGCCRF. Les syndicats de cette administration ainsi que le Conseil national des associations familiales laïques s’accordent, comme vous le savez, pour soutenir l’exigence de redonner des moyens à la DGCCRF afin qu’elle soit en mesure de mieux défendre les consommateurs et de rééquilibrer les forces entre ceux-ci et les professionnels. Il nous semblerait utile que l’État prenne en compte les revendications des agents de la DGCCRF à la fois par la mise en œuvre d’une nouvelle réorganisation des services et par une augmentation notable des effectifs, fortement amputés par cinq ans de révision générale des politiques publiques. Dans le cas contraire, le projet de loi « Consommation » ne serait en partie qu’une coquille vide.

Partant de ces différentes constatations et parce qu’ils pensent qu’il peut encore être fait plus et mieux, les députés du Front de gauche voteront malheureusement contre les crédits de la présente mission.

M. Bruno Nestor Azerot. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Kemel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philippe Kemel. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, la mission « Économie » a fait l’objet de l’ensemble des rapports dont nous venons d’écouter les exposés. En tant que porte-parole du groupe SRC, j’indiquerai pourquoi celui-ci est favorable à l’ensemble de ces crédits.

On a déjà souligné combien la situation économique est difficile, et ce dans un contexte particulier, puisque sur l’ensemble de l’Europe, il n’y a pas de croissance : nous sommes véritablement en stagnation. Or on sait que notre contrat social reposait jusqu’ici sur une répartition de la croissance, et l’on voit aujourd’hui combien la société peut se bloquer lorsqu’il n’y en a pas. Tout l’objectif de la politique que vous menez avec l’ensemble du Gouvernement, monsieur le ministre, est de retrouver les moyens de la croissance.

Il y a une véritable cohérence dans ce qui est entrepris, et notamment au niveau de la politique industrielle. Celle-ci était inexistante de 2002 à 2012,…

M. Patrick Hetzel. Une telle remarque manquait au débat !

M. Philippe Kemel. …puisqu’elle n’était qu’impressionniste, sans gouvernance. On voit que c’est du fait de l’absence de cap bien précis que nous sommes aujourd’hui dans la difficulté, que des entreprises licencient, voire ferment. Je sais, monsieur le ministre, au vu de vos observations et de la manière dont vous accompagnez ces entreprises pour les sauver – vous avez déjà sauvé de nombreux emplois –, combien vous contribuez à ce qu’il n’y ait pas de catastrophes encore beaucoup plus graves. Vous l’avez rappelé : l’important, c’est la mobilisation des banques. Il faut que le système bancaire, quand il s’agit d’éteindre des incendies,…

M. Rémi Delatte. Le Gouvernement est en effet sur des charbons ardents !

M. Philippe Kemel. …soit au rendez-vous. Nous savons qu’il y a, là encore, beaucoup à faire.

Ce budget fonde les outils d’une véritable politique industrielle. Mon collègue Jean Grellier a rappelé que votre volonté est de structurer et de redresser l’industrie, et que la France se dote enfin des instruments nécessaires à l’élaboration d’une véritable politique industrielle. Oui, vous préparez l’avenir, monsieur le ministre,…

M. Rémi Delatte. Nous voilà rassurés !

M. Philippe Kemel. …notamment à travers les trente-quatre plans et des innovations en rupture avec ce qui se passait hier. Des innovations pour 2013, mais aussi pour 2030. Voilà un travail important qui est accompli.

M. Patrick Hetzel. La méthode Coué continue !

M. Philippe Kemel. Parmi les crédits inscrits à la mission « Économie », je retiens deux points.

Tout d’abord, s’agissant des actions en faveur des entreprises industrielles, j’insiste comme M. Grellier sur la nécessité d’assurer le financement des centres techniques industriels. Ce sont des outils déterminants pour les branches d’activité et pour les filières.

De même, j’ai relevé la création du programme 405, intitulé « Projets industriels ». Ce sont en effet des projets industriels qui seront porteurs d’avenir, dans le domaine de l’innovation et dans celui de l’économie numérique. Le programme « Économie numérique », créé cette année et doté de 565 millions d’euros, est consacré au soutien à l’innovation et au développement des usages, et marque la place que vous entendez donner à cette économie nouvelle. Elle doit se construire avec l’économie traditionnelle car c’est par leurs complémentarités qu’on renforcera profondément cette dernière.

J’insiste, comme Mme Erhel l’a fait avant moi, sur la question du financement de l’Agence nationale des fréquences : je souhaite que le Gouvernement puisse lui assurer les moyens nécessaires à l’exercice de sa mission.

Par ailleurs, Mme Dagoma a rappelé que c’est par l’exportation que nous nous redressons aujourd’hui et que c’est en suivant ce cap que l’on diminue en permanence le déficit de la balance commerciale.

M. Damien Abad, rapporteur pour avis et Mme Sophie Dion, M. Patrick Hetzel. C’est surréaliste !

M. Philippe Kemel. Les chiffres sont là, mes chers collègues ! Vous ne pouvez pas les nier, même si cela vous gêne. Admettez que les bonnes nouvelles arrivent et réjouissez-vous en pour la France. L’exportation permettra, en travaillant avec UBIFRANCE et l’AFII, de créer un véritable effet multiplicateur, non seulement pour les marchés extérieurs de nos entreprises mais aussi pour les investissements étrangers en France quand ceux-ci peuvent s’adosser sur des secteurs de l’économie nouvelle. Oui, l’effet multiplicateur peut alors jouer dans les deux sens.

Et puis il y a aussi, bien sûr, le travail mené sur le commerce et l’artisanat. S’agissant du FISAC, il y a eu énormément d’engagements du gouvernement précédent…

M. Régis Juanico. Seulement des promesses !

M. Philippe Kemel. …mais ils n’étaient pas financés. Il s’agit donc de les financer progressivement et d’orienter le FISAC vers une autre manière de faire, pour que le commerce indépendant soit, lui aussi, au rendez-vous des technologies nouvelles. Cela passera par l’appel à projets, toujours en lien avec les territoires et les chambres de commerce. Il y a là véritablement une possibilité de mieux développer ce secteur.

Enfin, il faut réparer ce qui a été maltraité.

M. Patrick Hetzel. Avec la boîte à outils ?

M. Philippe Kemel. Je pense notamment au soutien aux collectivités territoriales qui ont souscrit des emprunts structurés. Je ne reviendrai pas sur le dossier Dexia, mais c’est une véritable bombe dont vous avez allumé la mèche, mes chers collègues de l’UMP.

M. Éric Straumann, rapporteur pour avis. On pourrait aussi parler du Crédit Lyonnais !

M. Philippe Kemel. Du travail reste encore à faire. Mais le chemin est tracé, la perspective est forte : oui, nous réussirons cette belle politique de redressement industriel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Encore du positif à venir !

Mme Sophie Dion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique économique menée par le Gouvernement ne permettra ni de soutenir les acteurs économiques ni de renforcer la compétitivité de notre économie.

M. Damien Abad, rapporteur pour avis. Très juste !

Mme Sophie Dion. Vous n’écoutez pas l’agence Standard and Poors, qui dégrade la note de la France. Vous n’écoutez pas les réserves émises par l’Union européenne quant au respect des engagements de la France à réduire les déficits, à réformer en profondeur, à inverser la courbe du chômage. Vous n’écoutez pas les alertes de la Cour des comptes sur les effets négatifs qu’entraîne pour l’activité économique un taux de prélèvement obligatoire excessivement élevé : 46,5 % en 2014.

M. Patrick Hetzel. Elle a raison !

Mme Sophie Dion. Vous n’écoutez pas la désespérance des entrepreneurs. Vous n’écoutez pas la contestation populaire, due à une pression fiscale et sociale excessive : pas moins de 55 milliards d’euros d’augmentation depuis dix-huit mois. Votre gouvernement reste sourd au profond malaise qui étreint la société.

Vous entendez maintenir le cap d’une politique qui nous mène au déclin de la compétitivité de la France et à la destruction massive d’emplois.

Faut-il rappeler une fois encore, monsieur le ministre, que ce sont les entreprises qui créent l’emploi et que le matraquage fiscal empêche l’investissement, la création de richesse et, par conséquent, la création d’emplois ?

Au matraquage fiscal s’ajoute l’absence de prévisibilité fiscale. Nous sommes nombreux, au groupe UMP, à militer en faveur de l’instauration d’une règle d’or fiscale…

M. Thomas Thévenoud, rapporteur spécial. Vous en êtes encore là ?

Mme Sophie Dion. …qui rendrait obligatoire la stabilité de l’impôt pendant cinq ans, ainsi que la non-rétroactivité des dispositions fiscales.

Votre budget est malheureusement à l’image de votre politique, comme le démontrent trois exemples flagrants.

Premier exemple : le FISAC. Comment expliquez-vous que les crédits, directement destinés aux artisans, aux commerçants et pour l’attractivité économique des territoires, diminuent alors que ceux consacrés aux statistiques et aux études augmentent ?

M. Damien Abad, rapporteur pour avis. C’est la technocratie !

Mme Sophie Dion. Chacun comprendra que pendant que l’on fait des études, la France se vide de son sang industriel.

M. Julien Aubert. Très bien !

Mme Sophie Dion. Un redéploiement des crédits est absolument nécessaire pour maintenir les commerces de proximité dans nos territoires ruraux et de montagne. Le FISAC doit être doté de moyens supplémentaires et le groupe UMP vous proposera donc d’abonder ses crédits par un transfert de crédits du programme « Statistiques et études », à hauteur de 5 millions d’euros.

M. Thierry Benoit. Voilà !

Mme Sophie Dion. Deuxième exemple : le tourisme. C’est vrai, monsieur le président Brottes, qu’il y a une chose qui marche bien en France : le tourisme, secteur où nous sommes les premiers.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis. D’ailleurs, nous avons même un gouvernement de touristes !

Mme Sophie Dion. Sauf que nous sommes actuellement en train de ruiner ce que nous avons de meilleur. Si nous voulons demeurer la première destination touristique au monde, rester compétitifs, proposer une offre de qualité, préserver l’activité économique et la présence humaine dans nos territoires, il faut une politique nationale du tourisme ambitieuse.

M. Patrick Hetzel. Elle a raison !

Mme Sophie Dion. Je ne la trouve malheureusement ni dans votre politique ni dans votre budget. Tout au contraire ! Je souhaite notamment vous alerter sur les conséquences désastreuses qu’aura sur le tourisme de montagne la fixation du calendrier scolaire pour les années 2014 à 2017.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

Mme Sophie Dion. Un positionnement trop tardif des vacances de printemps, c’est un manque à gagner – et je pense que vous y serez sensible – de 80 à 100 millions d’euros de recettes fiscales, c’est une mise en péril de près de 9 000 emplois et de 120 000 emplois saisonniers.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est un vrai sujet !

M. Patrick Hetzel. M. Peillon n’y comprend rien !

Mme Sophie Dion. Depuis plus d’un an, nous ne cessons d’alerter votre gouvernement sur ce sujet et que nous n’avons ni la moindre écoute ni la moindre réponse.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais oui, bien sûr ! Et il faut dire que le Gouvernement, sous Sarkozy, était particulièrement à l’écoute !

Mme Sophie Dion. Troisième exemple : les investissements d’avenir. Comment expliquez-vous que votre gouvernement ne mobilise qu’une enveloppe de 12 milliards d’euros pour les investissements d’avenir alors que la précédente majorité y avait affecté 35 milliards d’euros ?

M. Thomas Thévenoud, rapporteur spécial. Parce qu’elle payait tout à crédit !

Mme Sophie Dion. Les moyens que vous consacrez aux investissements d’avenir seront-ils suffisants pour réussir la reconquête industrielle de notre territoire ? Nous en doutons.

Tout comme les TPE et PME à forte valeur ajoutée, par exemple celles du secteur du décolletage, déjà rendues exsangues par le poids des charges fiscales et sociales, nous attendons de la part de votre gouvernement un changement de politique passant par une diminution significative des dépenses publiques, une baisse des prélèvements fiscaux et sociaux, ainsi qu’une flexisécurité plus opérante.

En conclusion, on peut craindre que ces entreprises ne deviennent le symbole de l’échec de votre politique industrielle et, plus largement, de votre politique économique.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera pas les crédits de la mission « Économie ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Quel dommage !

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre, j’allais presque vous remercier d’être venu pour accepter nos doléances et nos revendications, même si votre fonction vous y oblige.

M. Julien Aubert. On veut tuer les entreprises !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Parole de connaisseur, monsieur Aubert !

M. Thierry Benoit. Comme beaucoup de Français, j’ai fait preuve de patience depuis dix-huit mois, mais par ma voix, le groupe UDI vient vous exprimer son mécontentement.

L’un des orateurs de la majorité nous a expliqué qu’il n’y a pas de croissance en Europe, ce qui m’étonne : le Président de la République, nouvellement élu, ne devait-il pas renégocier le pacte de stabilité européen puisqu’il considérait que son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, avait oublié le volet croissance ? Force est de constater que cela n’a pas été fait.

Vous êtes le ministre du redressement productif et, depuis quelques heures, vous voici ministre de la résistance économique, puisque vous allez présenter un plan de résistance économique.

S’il est un reproche que je ne peux pas vous faire, c’est de ne pas vous battre corps et âme…

M. Thomas Thévenoud, rapporteur spécial. Écoutez un peu : « corps et âme » !

M. Franck Riester. Point trop n’en faut !

M. Thierry Benoit. …pour le redressement productif de notre pays. Je ne doute pas des efforts que vous déployez, et qui sont réels.

M. Julien Aubert. C’est l’effet Bayrou ! C’était mieux avec Borloo ! (Rires.)

M. Thierry Benoit. Dans certains cas, ils portent leurs fruits, mais les orientations globales qui sont prises depuis dix-huit mois ne sont pas les bonnes.

Je voudrais évoquer ici quelques priorités correspondant aux attentes des entrepreneurs de France, qu’ils soient commerçants, artisans, patrons de PME ou de grandes entreprises. Elles pourraient se résumer en un triptyque.

Premier volet : ils demandent tous une simplification administrative et je m’étonne qu’aucune mesure concrète n’ait été prise depuis le « choc de simplification » annoncé par le Président de la République. Je me rendrai demain à la préfecture de Bretagne afin d’évoquer le pacte d’avenir pour la région et je souhaite que nous puissions travailler sur des mesures concrètes de simplification.

Leur deuxième demande concerne l’allégement des charges et de la fiscalité. Je suppose que le Gouvernement dont vous faites partie, monsieur le ministre, doit se mordre les doigts d’avoir démarré le quinquennat en brisant ce que son prédécesseur avait fait – la défiscalisation des heures supplémentaires (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – et surtout en stoppant le projet de TVA sociale qui avait été amorcé.

M. Julien Aubert. C’est votre péché originel !

M. Patrick Hetzel. C’est sûr !

M. Thierry Benoit. Si vous aviez les 15 milliards d’euros de recettes attendues, ils vous seraient précieux,…

M. Julien Aubert. C’était le glaive fiscal !

M. Thierry Benoit. …car vous ne disposez plus désormais d’aucune marge de manœuvre pour actionner le levier de la fiscalité.

La troisième demande des chefs d’entreprises, qu’ils soient artisans, commerçants, entrepreneurs du bâtiment, dirigeants de PME ou de grandes entreprises, concerne les distorsions de concurrence en Europe, nos principaux fournisseurs et clients étant européens. Notre gouvernement doit s’efforcer d’aplanir ces distorsions de concurrence, en travaillant notamment sur la directive relative aux travailleurs détachés.

S’agissant du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – un outil complexe mais autant s’en saisir, puisqu’il existe –, le groupe UDI propose deux ajustements : que la grande distribution ne puisse pas en bénéficier mais qu’ils soient étendus aux groupes coopératifs.

Par ailleurs, le secteur du bâtiment doit pouvoir bénéficier d’un taux réduit de TVA, non pas ad vitam æternam, mais pendant une période déterminée, dans le cadre d’un plan massif de soutien à la construction de logements et à cette filière.

Rappelons aussi que les crédits du FISAC ont diminué depuis trois ans, passant de 38 millions d’euros à 28 millions puis à 20 millions. Avant de faire de nouvelles propositions, l’État s’honorerait en respectant les promesses qui avaient été faites par l’ancien gouvernement.

M. Patrick Hetzel. Très bien !

M. Thierry Benoit. Dans ce paysage de crise, en France et en Europe, il y a quand même quelques lueurs d’espoir et d’optimisme, je suis d’accord sur ce point avec François Bottes, le président de la commission des affaires économiques. Il faut que nous soyons en mesure d’accompagner ceux qui ont des projets d’investissements dans nos territoires. Pour ma part, monsieur le ministre, je suis prêt à faire ce travail.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Thierry Benoit. Nous devons adapter nos outils car il n’est pas normal que, au bout d’un an, des chefs d’entreprise n’aient toujours pas de réponses à leurs questions. Je peux vous emmener dans ma région et vous en montrer des exemples tels que celui-ci : un projet d’investissement de 12 millions d’euros avec 75 emplois à la clef dans le secteur de l’agroalimentaire en Bretagne. Ce projet pourrait être éligible au pacte d’avenir pour la Bretagne mais, depuis un an, on tourne en boucle entre la région, le département, la BPI, la chambre de commerce, l’agence régionale de développement économique, l’agence départementale de développement économique. C’est un embrouillamini.

Mais je suis sûr, monsieur le ministre, de votre volonté d’apporter des réponses à ces questions de simplification administrative et d’adaptation de nos outils.

Voilà les propos que je souhaitais tenir avant de vous dire que le groupe UDI ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas bien !

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Monsieur le ministre, n’ayant pas eu la chance de vous interpeller l’autre jour car vous étiez pressé, je vais le faire aujourd’hui à travers un certain nombre de réflexions.

Avant de revenir plus précisément sur les investissements d’avenir qui marquent la mission « Économie » et constituent l’essentiel de mon intervention, je souhaite m’arrêter sur la question de la formation.

Même si ce n’est pas le cœur du sujet, vous avez abordé en commission la volonté du Gouvernement de mieux faire travailler ensemble le système éducatif et le système productif, ce qui permettra notamment de répondre aux problèmes de recrutement. Si cette question n’est pas le cœur de la mission que nous étudions, elle traduit néanmoins notre constante obsession commune, celle de l’emploi.

Dans cette bataille pour l’emploi, la formation revêt une importance cruciale. Un premier pas essentiel a été franchi avec la création du compte personnel de formation. Nous attendons néanmoins beaucoup des négociations en cours entre les partenaires sociaux sur ce sujet, ainsi que de la future loi sur la formation professionnelle.

Nous espérons que la réforme en cours portera une attention particulière aux moyens dont disposeront les régions pour mettre en œuvre leurs compétences en matière de formation ainsi qu’en matière d’apprentissage.

J’en viens à notre sujet principal : grâce à la création de trois nouveaux programmes au titre des investissements d’avenir, pour un montant de 1,675 milliard d’euros – le programme 405 consacré aux projets industriels, le programme 406 destiné à favoriser les innovations et le programme 407 relatif à l’économie numérique –, la mission « Économie » semble bien intégrer la création de la Banque publique d’investissement, avec une aide accrue en faveur des PME innovantes et à l’export. La BPI avait affiché son ambition en termes de contribution à la transition énergétique et écologique et au développement durable. Le groupe écologiste attend donc beaucoup de la montée en puissance de cette banque.

Cependant, en ce qui concerne les investissements d’avenir, le groupe écologiste s’interroge, pour commencer, sur leur impact sur le redressement des comptes publics, et donc sur la capacité de l’État à les maintenir dans la durée. Le précédent gouvernement, en 2012, avait annoncé 250 milliards d’euros d’investissements sur vingt ans : en définitive, seulement 35 milliards qui ont été débloqués, non sans fortement impacter nos comptes publics, puisque le déficit s’est aggravé de près de deux points. On nous annonce maintenant 12 milliards d’euros. Ma question est donc de savoir si ces 35 milliards, dont cinq ou six restent encore à débloquer, et ces 12 milliards d’euros n’obéreront pas nos capacités futures d’investissement.

Nous nous réjouissons par ailleurs de voir ces nouveaux crédits orientés vers l’innovation, la recherche et le développement, ainsi que vers le développement des PME, notamment grâce à la BPI, dont j’ai rappelé quelle responsabilité elle devait exercer dans la transition écologique. Le financement des smart grids, des outils de la ville intelligente et du Green IT permettra une modernisation durable de la France et la réduction des consommations d’énergie et de ressources. Il est aujourd’hui nécessaire que ces aides aux entreprises répondent réellement aux défis de la transition énergétique et écologique, que tout cela se concrétise.

Lors de la présentation des investissements d’avenir, le Premier ministre a annoncé que la moitié des investissements d’avenir seraient consacrés à la transition écologique. Le commissaire aux investissements d’avenir, Louis Gallois, lors d’un échange récent avec les parlementaires a précisé que les critères retenus en matière d’éco-conditionnalité permettraient soit d’exclure, soit de hiérarchiser, soit de bonifier les projets. Il est bon, c’est désormais incontournable, que l’ensemble des projets puissent être ainsi évalués, chacun avec ses spécificités et même si tous ceux retenus ne répondront pas à tous les critères ? Il s’agit en réalité d’installer une culture commune, partagée, de la transition écologique, pour mieux expliquer nos choix, même si certains peuvent se trouver en décalage avec ces enjeux.

La mission évoque à plusieurs reprises la volonté de créer de nouveaux champions dans les domaines innovants. L’innovation n’est pas seulement un moteur de la compétitivité : elle est l’une des conditions de la transition énergétique. Toutefois, les domaines d’action de ces nouveaux champions apparaissent plutôt classiques. Est-il envisagé, monsieur le ministre, d’orienter ces financements davantage vers l’économie circulaire et l’économie de la fonctionnalité, la réduction des impacts environnementaux et la création d’emplois durables et non délocalisables ?

Enfin, la présentation du programme 406, relatif à l’innovation, renvoie à une contradiction française : nos dépenses publiques de recherche et développement sont parmi les plus élevées de l’OCDE, alors que l’investissement privé en R et D est relativement faible, et ce malgré l’explosion du crédit d’impôt recherche. Ne faudrait-il pas le réformer pour éviter certaines utilisations abusives relevant carrément de l’optimisation fiscale ? Ne faudrait-il pas, au moins, supprimer le cumul du CIR et du CICE sur certaines dépenses ? La Cour des comptes estime par exemple que le recouvrement entre le CICE et le CIR concernerait entre 20 % et 15 % des dépenses de personnel déclarées au CIR.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. La mission « Économie » n’est pas une mission prioritaire alors même qu’elle revêt une importance particulière en cette période de crise économique. Lorsque l’on garde le même périmètre que l’année passée, on observe très clairement une baisse des crédits. En dépit de quelques astuces comptables, force est de constater que les crédits diminuent, notamment sur le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme ». (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Mais ne vous réjouissez pas trop vite, chers collègues de l’opposition !

Ainsi, on se demande bien ce que viennent faire dans cette mission, les 50 millions d’euros qui abondent le fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des emprunts devenus toxiques. S’agirait-il de gonfler les crédits ?

Cette baisse de moyens est bien évidemment regrettable au vu de l’impérieuse nécessité de créer de la croissance et donc des emplois. Les PME jouent un rôle-clé dans cette croissance, que ce soit dans l’industrie, le commerce, l’artisanat, les services ou le tourisme. Il peut donc paraître étonnant que les crédits qui concourent à leur soutien baissent.

Toutefois, il ne faudrait pas s’arrêter aux seuls moyens budgétaires. La politique du Gouvernement pour le développement des PME est un tout. Et ce tout englobe des dépenses fiscales en faveur des PME d’un montant bien supérieur aux dépenses budgétaires : le CICE est applicable dès cette année mais ses effets se feront réellement ressentir à partir de 2014. Il y a aussi la BPI dont le soutien aux PME excède de loin les seuls crédits de la mission « Économie ».

Par ailleurs, l’utilisation qui est faite de ces crédits et les modalités de leur redistribution sont au moins aussi importantes que leur niveau, et ce projet de budget montre que le Gouvernement souhaite aller plus loin dans l’évolution du soutien aux entreprises. Il est de moins en moins question de subventionner les activités des PME plutôt que de les inciter à croître. Le soutien de l’État ne saurait être indéfini pour telle ou telle entreprise. Il doit être limité dans la durée, avoir un objectif précis et reposer sur une aide technique réelle de l’État. Une logique de guichet ou d’appel à projets doit venir remplacer celle qui prévaut actuellement et qui conduit à soutenir les entreprises de façon aveugle et dispersée. Évidemment, cette logique pourrait encore être poussée beaucoup plus loin ; reste que des efforts sont réalisés et qu’ils doivent être soulignés.

C’est le cas du programme des investissements d’avenir, dont une partie des crédits, à hauteur de 1,7 milliards d’euros, viennent alimenter la mission « Économie ». Ce programme repose sur des demandes de financement liées à des projets précis. Ils concerneront aussi bien des projets industriels que des projets innovants. Néanmoins, sur les projets innovants, le premier programme des investissements d’avenir avait montré que la définition retenue de l’innovation était trop restrictive ; elle n’était pas favorable à la grande majorité des PME, car nombre de PME réalisent non pas nécessairement des innovations de rupture, mais des innovations incrémentales dans des produits ou des procédés, qui ne sont pas éligibles à ces aides. Le problème est connu ; il a de nouveau été soulevé lors de la création de la BPI mais, pour l’instant, nous n’avons rien vu venir. Est-il prévu qu’un programme vienne soutenir les innovations incrémentales des PME lorsque celles-ci sont ambitieuses ? Ce sera ma question essentielle.

Lors de l’examen du PLF pour l’année 2013, j’avais fait part, à cette même tribune, des grandes réserves que m’inspirait le programme 134. Je visais en particulier la baisse des crédits du FISAC, le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, qui a prouvé qu’il est efficace, dans les territoires ruraux notamment, lorsqu’il est géré dans le sens d’un vrai projet de cœur de ville ou de village, de reconquête du commerce de proximité en liaison avec les collectivités locales, départementales ou régionales, bref, lorsqu’il ne joue pas un rôle de guichet.

J’avais au demeurant déposé plusieurs amendements qui avaient recueilli, à défaut d’une majorité, un consensus qui transcendait les opinions partisanes. Vous comprendrez qu’en cette période d’examen du PLF pour l’année 2014 cette réserve est plus que levée. En effet, conformément aux attentes des parlementaires, des territoires et des commerçants, et après l’audit du contrôle général économique et financier qui a démontré que le gouvernement Fillon avait promis 100 millions d’euros sans aucune ressource disponible, ce qui a envoyé commerçants et collectivités dans le mur, un premier effort de 35 millions d’euros en 2013 et un second, du même montant, en 2014 permettra de résorber le stock ainsi créé de manière tout à fait irresponsable – il reste plus de 60 millions d’euros d’impayés –, avant que ne soient révisés les critères d’attribution dans le sens que j’indiquais à l’instant – une logique d’appel à projets plutôt qu’une logique de guichet.

Je tiens à remercier tout à la fois Sylvia Pinel, ministre du commerce, de l’artisanat et du tourisme, et Bernard Cazeneuve, ministre du budget, qui ont mis un terme à cette saga irresponsable. Vous comprendrez que, dans le contexte budgétaire actuel, un tel effort impose que le groupe RRDP vote ces crédits, et ce, bien sûr, sans aucune réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Arnaud Montebourg, ministre. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, je souhaiterais, le plus brièvement possible, répondre aux interventions durant cette discussion budgétaire.

Tout d’abord, je veux indiquer quelques éléments qui incitent à l’optimisme, car il y en a. Au-delà de nos débats, certes nécessaires, force est de relever des signes indéniables d’amélioration de la conjoncture macroéconomique, qui nous permettent d’espérer que notre façon d’agir est la bonne. Tous les instituts de conjoncture, qu’ils soient nationaux, européens ou internationaux, ont revu à la hausse leurs prévisions de croissance pour la France.

M. Patrick Hetzel. Pas Standard and Poor’s !

M. Arnaud Montebourg, ministre. C’est un point important, parce que la convergence est totale. Le FMI a relevé sa prévision de -0,2 % à +0,2 % ; l’OFCE a relevé sa prévision de -0,2 % à +0,2 %…

M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis. C’est formidable !

M. Arnaud Montebourg, ministre. L’INSEE a relevé sa prévision de -0,1 % à +0,2 % ; l’OCDE, enfin, a relevé sa prévision de -0,3 % à +0,3 %. Il est intéressant de noter cette convergence. Quelles que soient leur sensibilité, où qu’ils se trouvent, tous ces instituts considèrent que la France est sur le chemin de l’amélioration.

Je veux aussi vous rapporter des informations de terrain, qui d’ailleurs recoupent, mais pas toujours, celles que vous-mêmes, parlementaires, pouvez recueillir dans vos circonscriptions. Les enquêtes conjoncturelles, outil statistique régulier, puisqu’elles sont menées chaque mois, montrent une amélioration tendancielle du moral des chefs d’entreprise. Dans l’industrie, nous étions à 88 en avril, nous sommes à 98 en octobre. Dans les services, nous étions à 84 en juin, nous sommes à 93 en octobre.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis. Tout va bien !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Dans le bâtiment, nous étions à 91 en juillet, nous sommes à 94 en septembre.

Nous pourrions faire exactement les mêmes observations à propos des ménages. Nous avons donc des éléments d’amélioration.

M. Damien Abad, rapporteur pour avis. Pas du pouvoir d’achat !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Encourageons-les donc. Même si le pessimisme est généralement une attitude politique en soi, nous pouvons aussi décider de prêter attention à ces signes positifs.

M. Damien Abad, rapporteur pour avis. C’est la méthode Coué !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Notons également que, pour le quatrième mois consécutif, le chômage des jeunes a reculé – moins 0,5 %. C’est aussi une nouvelle positive dont nous devons nous enorgueillir collectivement, tant il est vrai que, sur quelque banc que vous siégez, mesdames et messieurs les députés, les difficultés, nous les affrontons ensemble…

M. Damien Abad, rapporteur pour avis. C’est sûr !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Et les résultats, nous les subirons ensemble. Il n’y a donc pas là matière à polémique, mais bien matière à se réjouir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Absolument !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Il n’est cependant absolument pas pensable, pour le Gouvernement, de nier les motifs d’inquiétude. Ceux-ci subsistent à côté des motifs d’optimisme et même coexistent avec eux. C’est une des raisons pour lesquelles je suis chargé, au nom du Gouvernement, sur arbitrage du Premier ministre, de prendre des mesures d’urgence pour faire face à un certain nombre de plans sociaux importants, car il est possible de trouver des solutions constructives, et, une fois encore, de le faire ensemble, parce que cela concerne des régions aux sensibilités politiques diverses ou pluralistes.

Je remercie Mmes et MM. les rapporteurs pour leur travail et pour leur appareil critique. Un ministère est un ensemble vaste sous autorité politique : il peut parfois se tromper. Il est donc bon qu’il entende la critique des parlementaires. Les apports des uns et des autres sont particulièrement précieux pour les décisions politiques qui relèvent d’un ministère comme le mien.

Qu’est-ce que le redressement productif ? Ce sont d’abord des efforts pour garder ce qu’on a. C’est aussi le plus possible d’intelligence pour rapatrier ce qui est parti. C’est enfin créer du travail pour créer ce qu’on n’a pas.

M. Patrick Hetzel. Avec une telle fiscalité, il y a peu de chances !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Les efforts pour garder ce qu’on a : c’est tout ce que nous faisons face aux plans sociaux. Ce sera l’objet des « mesures de résistance » – c’est ainsi que nous les appelons, car l’expression les décrit exactement. Elles font l’objet d’un amendement que nous soumettrons tout à l’heure à votre examen.

De l’intelligence pour rapatrier ce qu’on a perdu, ou qui est parti : chacun a une carte, une carte de la sinistralité, que les journaux s’emploient aujourd’hui à montrer. Moi, j’en ai une que je publierai bientôt : la carte des projets d’implantation en France, la carte des bonnes nouvelles.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Arnaud Montebourg, ministre. J’en ai une pour Le Figaro, une pour Valeurs actuelles, j’en ai une pour les marchands de pessimisme de tous les jours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. On vous l’expédiera, chers collègues !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Nous sommes partis de trente expériences d’entreprises qui ont décidé de refaire leurs calculs sur les coûts de production et de relocaliser en France. Parmi elles, des PME, des entreprises de taille intermédiaire, mais aussi de grands groupes, comme L’Oréal, Renault ou Toyota, qui ont pris la décision de rapatrier la production sur le sol national.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis. Ce n’est pas grâce à vous, ça !

M. Arnaud Montebourg, ministre. A partir de leur expérience, nous avons conçu un logiciel que nous avons appelé Colbert 2.0, qui a donné lieu à 12 000 visites en ligne et 400 expériences de calcul. Aujourd’hui, je peux vous annoncer que quarante entreprises ont fait le choix, en se fondant sur cette redistribution des cartes des coûts de production – coût du travail, coût du capital, coût de l’énergie – de travailler avec nos services pour relocaliser.

Ce sont des bonnes nouvelles, dont nous devrions nous réjouir. Cela veut dire que la France n’est pas condamnée. Si son économie souffre, elle n’en contient pas moins des germes d’espérance. Nous pouvons donc continuer à travailler ensemble au redressement productif.

Il a beaucoup été question dans vos interventions des trente-quatre plans industriels. Il est vrai que nous avons fait le choix de prolonger le grand emprunt et de l’affecter à nos points forts. Ces choix ont été validés par les filières industrielles : ce sont des projets qui viennent de la base, du terrain. Mais ils ont aussi été sélectionnés au regard des opportunités qu’offre la mondialisation, dans une logique mercantiliste. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis. Il y a deux ans vous nous parliez de démondialisation, et maintenant vous dites que la mondialisation offre des opportunités !

M. Arnaud Montebourg, ministre. J’assume ce terme : Colbert était mercantiliste, c’est-à-dire qu’il voulait vendre le plus cher possible au reste du monde le travail national. C’est exactement ce que nous voulons faire. Nous voulons gagner des parts de marché : voilà un langage que vous apprécierez, monsieur Fasquelle. Même si vous êtes professeur de droit, je crois que vous ne dédaignez pas l’économie et ses concepts ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis. Vous devriez écouter les professeurs d’économie !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Nous avons, c’est certain, encore beaucoup de travail. Nous avons accompli cette tâche et nous l’avons financée avec le programme d’investissements d’avenir. Pour pouvoir faire des comparaisons, il faut que chaque député ait en tête les ordres de grandeur. Ce sera ma conclusion, monsieur le président.

M. Patrick Hetzel. On attend la chute !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Nous investissons un peu moins de 4 milliards d’euros…

M. Damien Abad, rapporteur pour avis. À Marseille !

M. Arnaud Montebourg, ministre. …auxquels nous pouvons ajouter les dépenses fiscales, notamment la défiscalisation du crédit d’impôt recherche. Cela représente environ 6 milliards d’euros chaque année. Cet effort représente 0,2 % de notre richesse nationale, à comparer avec les 8 milliards investis par les Allemands dans l’innovation technologique, ce qui représente 0,3 % de leur richesse nationale. Les Américains y ont consacré 100 milliards de dollars, soit l’équivalent de 0,6 % de leur PIB. Les Japonais, eux, ont investi 1 % de leur PIB, ce qui représente beaucoup de millions de yens. Quant aux Chinois, ils ont investi 6 % de leur PIB, soit la modique somme de 469 milliards d’euros ! Vous voyez bien, au regard de ces investissements, que nous sommes dans la course technologique mondiale. Nous avons fait ce choix avec les filières industrielles, les partenaires sociaux, les pôles de compétitivité, et avec certains d’entre vous qui sont membres du Conseil national de l’industrie.

Un certain nombre de sujets ont été évoqués tout à l’heure. J’en dirai quelques mots. Il a été question des problèmes de fiscalité. (« Ah ! Enfin ! » sur les bancs du groupe UMP.)Le ministre du budget est plus à même que moi de vous répondre sur ce point. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Où est-il ? Pourquoi n’est-il pas ici ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. Il n’a pas esquivé ces questions au cours du débat budgétaire.

M. Damien Abad, rapporteur pour avis. C’est du matraquage fiscal !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Arrêtez un peu ! Monsieur le président, c’est insupportable ! On ne peut plus entendre le ministre, les députés de l’opposition ne cessent de hurler !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il a raison !

M. le président. Nous écoutons M. le ministre, monsieur Fasquelle.

M. Arnaud Montebourg, ministre. Je n’en ai plus pour longtemps.

Nous avons réalisé cette année, avec Bernard Cazeneuve, des efforts d’économies. Cet effort est considérable : il représente 15 milliards d’euros. 80 % des efforts prévus par la loi de finances consistent en des baisses de dépenses. Je suis sur ce banc depuis bientôt deux heures et j’ai pu constater qu’à chaque fois que nous présentons des mesures d’économies, l’opposition récrimine contre ces baisses de dépenses.

Plusieurs députés du groupe UMP. Contre les hausses d’impôts !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Pour prendre un exemple, nous sommes sensibles au FISAC : les rapporteurs de la majorité l’ont dit. Pour prendre un autre exemple, M. le président de la commission des affaires économiques et moi-même, ministre du redressement productif, comprenons parfaitement l’utilité des Centres industriels techniques.

M. Damien Abad, rapporteur pour avis. Nous aussi !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Ces dépenses ont pourtant diminué.

On a beaucoup glosé sur la question des chambres de commerce. Même le MEDEF soutient le Gouvernement sur la baisse des dépenses qui y sont liées, et voici que sur les bancs de l’opposition, on nous la reproche ! Le président de l’UMP, M. Jean-François Copé, soutient qu’il faudrait réduire la dépense publique de 10 %, c’est-à-dire de 130 milliards d’euros ; mais lorsque nous en présentons un début, avec un programme d’économies de l’ordre de 15 milliards d’euros, l’opposition les refuse et récrimine !

M. Patrick Hetzel. Mais nous faisons des propositions !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Il y a là une forme d’incohérence que je suis obligé de signaler à votre intelligence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. –Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Grellier. Eh oui ! La cohérence est de notre côté !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Cette remarque n’avait pas d’intention polémique. Je souhaite simplement que nous affrontions ensemble les difficultés qui se posent à nous dans cette période. Certes, nous devons être vigilants, mais nous pouvons garder espoir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Allons ! Pour une fois que nous avons un ministre qui répond aux députés, écoutez-le !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais ce n’est pas possible ! Ils ne sont que trois pelés et deux tondus, et pourtant ils font du bruit comme s’ils étaient deux cents !

M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis. C’est vous, monsieur Eckert, le matraqueur fiscal en chef !

M. le président. Nous en venons aux questions.

Je vous rappelle que la durée des questions comme des réponses est fixée à deux minutes.

Je ne suis saisi que d’une question, présentée par le groupe socialiste, républicain et citoyen.

La parole est à Mme Fanny Dombre Coste

Mme Fanny Dombre Coste. Dans un contexte international hautement concurrentiel, le manque cruel de stratégie économique des dix dernières années a conduit notre pays à connaître une désindustrialisation alarmante : l’industrie française a ainsi perdu plus de 750 000 emplois. Confrontés à cette situation sociale difficile, nous devons reconstruire une stratégie industrielle pour répondre au défi de l’emploi dès aujourd’hui. Il nous faut donner à notre pays les outils nécessaires pour être plus compétitif à l’avenir. Tel est le sens des mesures prises depuis dix-huit mois par le Gouvernement pour le redressement du pays : sérieux budgétaire, réduction de la dette, réformes structurelles, soutien des entreprises à travers la Banque publique d’investissement, le crédit d’impôt compétitivité emploi, le second plan d’investissements d’avenir, et plus récemment le choix stratégique de trente-quatre plans pour la nouvelle France industrielle. Il y a quelques jours, le Premier ministre a également annoncé un plan de soutien massif à l’innovation.

Résultat de ces choix positifs, les signes d’une reprise de l’activité économique sont encourageants. Cela se confirme pour le quatrième trimestre de cette année : M. le ministre vient de le rappeler avec force. Mais le redressement se fera en tournant résolument l’économie française vers l’avenir. Or l’avenir de la France se prépare en redonnant à notre appareil industriel les moyens de ses ambitions. Il faut donc investir massivement dans les programmes d’avenir en soutenant les plans les plus structurants pour les différentes filières, et en associant l’ensemble des acteurs de l’industrie. C’est ce que fait le Gouvernement au moyen du Conseil national de l’industrie. Il s’agit d’orienter l’action publique en collaboration avec le Commissariat général à la stratégie et à la prospective, pour agir au plus près des besoins des acteurs économiques, des territoires, selon les stratégies définies dans les trente-quatre nouveaux plans.

Il faut promouvoir l’innovation et la recherche, sans lesquels il ne peut y avoir de compétitivité. Il faut libérer les prêts pour l’industrialisation, car les entreprises industrielles font face à un tarissement du crédit préjudiciable à leur développement. Enfin, il convient de rattraper notre retard en Europe en matière de robotisation. Dans cette perspective, le financement des projets industriels est un enjeu majeur. Pourriez-vous, monsieur le ministre, détailler les éléments de votre politique en faveur de l’industrie française contenue dans ce projet de loi de finances ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Arnaud Montebourg, ministre. Madame la députée, vous avez constaté que les autorisations d’engagement du programme 405, dédié aux projets industriels, s’élèvent à 420 millions d’euros. La première action de ce programme concerne les projets industriels d’avenir. L’utilisation des crédits prendra des formes assez différenciées, au cas par cas : prise de participation, avance remboursable, prêt. Cela se fera dans le cadre d’appels à projets ou de procédures de gré à gré. C’est le carburant de la BPI, qui est la banque de la réindustrialisation de notre pays.

J’ai d’ailleurs donné des instructions au directeur général de la compétitivité, de l’industrie et des services pour réduire les délais à trois mois. Je dis cela à l’attention de M. Fasquelle, que je crois demandeur de simplification.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis. Oui, c’est vrai.

M. Arnaud Montebourg, ministre. Vous savez que le premier cercle doit d’abord se réunir chez nous. L’autre ministère donne ensuite son point de vue. Ensuite le Commissariat général à l’investissement peut prononcer son veto, après quoi il faut remonter au Premier ministre. Et peut-être qu’au bout de dix-huit, on se décidera à investir… Parce que nous ne sommes pas dans un cycle économique favorable, nous avons fait un effort. J’ai donc donné des instructions afin de diminuer la durée de l’instruction à trois mois en moyenne pour l’ensemble du dispositif. C’est une manière de répondre aux contraintes des cycles économiques, aux besoins de l’économie, et aux problèmes rencontrés par les acteurs de terrain. La BPI est donc l’interlocuteur des entreprises. Le ministère donne des avis, mais les choix se font sur le terrain, au contact du tissu économique.

La deuxième action concerne les prêts pour l’industrialisation. Grâce à l’effet de levier de la Banque publique d’investissement, on pourra distribuer 270 millions d’euros – autrement dit quasiment 300 millions, un tiers de milliard – de prêts non bonifiés en s’appuyant sur cette dotation budgétaire.

Enfin, la troisième action rassemble les crédits consacrés au rattrapage du retard en matière de robotisation. Nous avons 120 000 robots de moins que l’Allemagne, 50 000 de moins que l’Italie. Nous avons fait le choix de nous associer aux conseils régionaux. L’action de l’État, jointe à celle des régions, permettra de moderniser les PME et ETI implantées dans les territoires, qui souvent passent en dessous du radar des grandes procédures : il est donc important de les associer aux trente-quatre plans industriels dont je parlais tout à l’heure.

Les régions seront ainsi les pilotes de la modernisation de l’appareil productif. Nous travaillerons donc en leur délégant, en quelque sorte, une partie de la tâche : elles agiront à la fois pour nous et avec nous. Elles auront en contrepartie la charge de mobiliser les fonds européens de manière à multiplier par deux l’enveloppe. De cette manière, nous pourrons peut-être, dans un délai assez restreint, mettre plusieurs milliards d’euros à disposition des entreprises qui veulent améliorer leurs performances, leur compétitivité. Il s’agit là d’un plan important pour renforcer la compétitivité dans les mois et les années à venir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

Mission « Économie » (état B)

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Économie », inscrits à l’état B.

Sur ces crédits, je suis saisi de plusieurs amendements.

La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n623.

Mme Laure de La Raudière. L’État verse une subvention à La Poste pour assurer le transport de la presse. Il s’agit notamment d’assurer la diffusion de la presse spécialisée, qui n’a pour cela pas d’autre moyen que la distribution par voie postale. En 2013, le budget accordé par l’État à La Poste pour ce service était de 249 millions d’euros. Il s’agissait d’un programme de la mission « Médias » – ce qui explique que nous n’ayons pas l’habitude d’étudier ce sujet à la commission des affaires économiques. Or, je ne sais pour quelle raison, cette action a été intégrée dans la mission « Économie », à l’action 4 du programme 134, sous le nom « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l’information ». Mais, au passage, vous avez réduit ce budget de 100 millions d’euros : il est passé de 249 millions d’euros en 2013 à 150 millions pour 2014. Cette diminution ne tient pas compte des négociations qui se sont tenues avec l’ensemble des acteurs concernés en 2008 et qui ont abouti aux accords Schwartz.

L’accord de 2008, qui couvre la période 2009-2015, prévoyait une baisse des subventions allouées à La Poste pour assurer, à tarif préférentiel, la distribution de la presse spécialisée. La baisse prévue par cet accord pour l’année 2014 est de 50 millions d’euros, ce qui représente déjà un effort très important pour les acteurs concernés. Vous avez décidé de passer outre l’accord Schwartz et de diminuer ce budget de 100 millions d’euros. Vous allez mettre à genoux certains titres de la presse spécialisée alors que ce secteur fragile a réalisé des efforts de productivité et de modernisation. Il avait négocié une décroissance progressive de l’aide jusqu’en 2015. Je ne comprends donc pas cette baisse. C’est pourquoi je propose de réintégrer 50 millions d’euros au programme 134, pour respecter la logique des accords Schwartz. Pour cela, je suis obligée de proposer, en contrepartie, de retirer des crédits à des programmes contenant des actions très intéressantes : mais, vous le savez, c’est la règle en matière budgétaire.

Le Gouvernement a fait le choix de mettre la presse spécialisée à genoux.

M. le président. Veuillez conclure, madame la députée.

Mme Laure de La Raudière. Lors du débat en commission élargie, vous nous avez répondu que cette baisse de crédits n’est pas grave dans la mesure où les fonds obtenus par La Poste au titre du crédit d’impôt compétitivité emploi lui serviront à financer les tarifs préférentiels pour la distribution de la presse spécialisée. Mais nous n’avons aucune garantie là-dessus !

M. le président. Merci…

Mme Laure de La Raudière. La Poste a bénéficié du crédit d’impôt compétitivité emploi comme toutes les entreprises françaises, mais elle a vu par ailleurs ses impôts augmenter, comme toutes les entreprises françaises !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Vous êtes en pleine contradiction !

Mme Laure de La Raudière. Mais non !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Mais si : on va vous l’expliquer.

M. le président. La parole est à M. Alain Fauré, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Alain Fauré, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Chaque année à la même époque, au moment de l’examen du budget, on voit surgir les mêmes demandes : prendre de l’argent au budget de l’INSEE ou de la Direction générale du Trésor, par exemple, pour financer d’autres politiques, qui ne relèvent pas de ces budgets. Il faut savoir raison garder.

Cela dit, ma chère collègue, j’aimerais vous interpeller sur le point suivant : vous demandez 50 millions d’euros pour La Poste…

Mme Laure de La Raudière. Pas pour La Poste : pour la presse spécialisée !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. …et la presse spécialisée, vous avez raison.

Si l’on n’avait pas déplacé, il fut un temps, des services de l’INSEE à Metz, ce qui a coûté la bagatelle de 50 millions, peut-être aurait-on pu les consacrer à ce que vous demandez aujourd’hui. Mais, dans l’immédiat, je me vois dans l’obligation de refuser votre demande.

Mme Laure de La Raudière. Mais cette somme existait : elle faisait partie de la mission « Médias » !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Daniel Fasquelle. Répondez sur le fond, monsieur le ministre !

M. Arnaud Montebourg, ministre. En effet, madame de La Raudière, dans le cadre du projet de loi de finances en cours d’examen, le Gouvernement a décidé une baisse de 50 millions d’euros de la dotation de La Poste au titre de sa mission de transport et de distribution de la presse.

Mme Laure de La Raudière. Pas 50, 100 millions d’euros !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Mais je vous rassure : cette diminution de la dotation budgétaire de La Poste n’entraînera aucune modification des conditions de mise en œuvre de sa mission de transport et de distribution de la presse,…

M. Damien Abad. Ça, c’est ce que vous dites !

M. Arnaud Montebourg, ministre. …car nous avons pris cette décision en tirant les conséquences de l’apport financier dont bénéficiera La Poste à la suite des mesures que nous avons adoptées en faveur de la compétitivité.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Contradiction, chers collègues de l’opposition !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Nous avons du reste entendu force critiques au sujet du crédit d’impôt compétitivité emploi versé à La Poste : mais celle-ci n’en a bénéficié qu’en raison du nombre important de ses employés.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Contradiction !

M. Arnaud Montebourg, ministre. C’est pourquoi nous avons pris cette décision.

Mme Laure de La Raudière. Mais ce n’est pas le Gouvernement qui décide pour La Poste !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Néanmoins, nous sommes conscients des difficultés que rencontre le secteur de la presse. Le Président de la République a souhaité que la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, lance une procédure de médiation pour faciliter les discussions entre la presse et La Poste. Il a été proposé de rencontrer les représentants du monde de la presse à l’issue de ce travail, afin de définir les modalités d’une solution supportable par tous. Les problèmes de la presse sont très sérieux : nous en sommes conscients et nous les traiterons avec les représentants du secteur. C’est pourquoi je demande le rejet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur ce que vous venez de dire. Vos propos comportent une vraie contradiction : vous prétendez pour commencer que toutes les garanties sont prises pour que le même service continue d’être assuré par La Poste, de l’autre, vous annoncez qu’une médiation est en cours entre La Poste et les entreprises de presse.

En réalité, il s’agit aujourd’hui d’une réduction du financement de La Poste à hauteur de 100 millions d’euros,…

M. Damien Abad. Et sans aucune garantie !

M. Patrick Hetzel. …qui concerne plus particulièrement une catégorie de la presse spécialisée, dite « IGP » dans le jargon, autrement dit la presse spécialisée d’intérêt général et politique.

Confrontée à la réduction de son financement, La Poste est d’ores et déjà en train de prendre contact avec les entreprises de presse auxquelles elle demande évidemment d’augmenter significativement leur contribution à la diffusion de leurs supports. C’est un véritable problème ! Nous disposons aujourd’hui d’une presse spécialisée pouvant être diffusée à l’ensemble de nos concitoyens, où qu’ils se trouvent sur le territoire national : la réduction de ce financement est donc de nature à poser problème.

Monsieur le rapporteur, vous déploriez tout à l’heure que l’opposition soit hostile aux mesures que vous proposez. En fait, nous ne partageons pas les mêmes choix. Nous avons proposé un certain nombre de mesures visant à réduire les dépenses :…

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Non !

M. Patrick Hetzel. …vous ne pouvez donc pas nous accuser aujourd’hui de ne pas vouloir le faire. En réalité, nous défendons d’autres choix,…

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Lesquels, alors ? Expliquez-les concrètement !

M. Patrick Hetzel. ...en l’occurrence, ici, la presse spécialisée.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Je ne voudrais pas me faire enfumer par le talent oratoire de M. le ministre.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Quand même !

M. Régis Juanico. Restez correcte, ma chère collègue !

Mme Laure de La Raudière. Je vous poserai donc une question très simple, monsieur le ministre : vous avez affirmé tout à l’heure que la réduction du financement de La Poste n’emporterait pas de conséquence pour la presse spécialisée, et que l’entreprise s’était engagée à appliquer le tarif préférentiel prévu pour 2014 dans les accords Schwartz, autrement dit le tarif qui découlait d’une baisse de la subvention de 100 millions d’euros, comme le prévoit le projet de loi de finances, mais de 50 millions. Ainsi, La Poste ferait elle-même un effort particulier pour appliquer les tarifs préférentiels initialement prévus dans les accords Schwartz pour 2014. Je vous remercie de me dire simplement si c’est le cas ou non, monsieur le ministre.

M. Damien Abad. Au moins, c’est clair !

M. Patrick Hetzel. Quelle sera la réponse du ministre ?

M. le président. Nous allons passer au vote…

M. Damien Abad. Personne ne répond ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. J’essaie de comprendre nos collègues de l’opposition. MM. Fasquelle et Abad nous reprochaient tout à l’heure de verser trop d’argent à La Poste avec le CICE ; or Mme de La Raudière vient de nous accuser de ne pas donner assez d’argent à La Poste.

M. Daniel Fasquelle. Cela n’a rien à voir !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il se trouve que l’on donne beaucoup plus à La Poste dans le cadre du CICE qu’on ne réduit sa subvention au titre de la distribution de la presse. Voilà tout ce que je voulais dire : c’est mathématique, et je sais que Mme de La Raudière sait compter.

Mme Laure de La Raudière. Ce n’est absolument pas le débat ! J’avais interrogé le Gouvernement sur la garantie des tarifs préférentiels !

(L’amendement n623 n’est pas adopté.)

M. Patrick Hetzel. Bravo ! Les députés de la majorité n’aiment pas la liberté de la presse !

Mme Laure de La Raudière. Ils ne savent pas que 70 % des coûts de la presse syndicale correspondent aux tarifs de La Poste !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Allez… C’est bien, madame de La Raudière !

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion, pour soutenir l’amendement n543.

Mme Sophie Dion. Avec tous mes collègues du groupe UMP, je souhaite revenir sur le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, auquel le projet de loi de finances pour 2014 attribue une dotation de 20 millions d’euros, en baisse de 20 %.

Tout à l’heure, le ministre a déclaré qu’il était peut-être favorable à une augmentation du FISAC : je m’en réjouis. Quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, qui peut s’opposer à ce que nous aidions le commerce et l’artisanat ? Chacun sait aujourd’hui à quel point ces secteurs souffrent, à quel point les charges et les impôts mettent les commerçants et artisans dans une situation périlleuse : le moins que l’on puisse faire, c’est d’être sensibles à leur situation.

Mon amendement n543 vise en conséquence à revaloriser le FISAC à hauteur de 5 millions d’euros. Comme il fallait reprendre cette somme quelque part, nous l’avons prélevée sur le financement des études et des statistiques : nous proposons de redéployer ces crédits afin d’abonder le FISAC qui serait alors doté de 25 millions d’euros. L’ensemble de mes collègues du groupe UMP sont favorables à cette solution ; encore une fois, je rappelle que le ministre, tout à l’heure, a convenu de la possibilité d’une telle solution.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Madame Dion, je partage vos propos sur le FISAC,…

Mme Sophie Dion. Voilà !

M. Daniel Fasquelle. Tout de même !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. …qui constitue en effet un bon moyen de soutenir des actions de modernisation des commerces et de l’artisanat.

M. Daniel Fasquelle. Très bien !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Cela dit, ces dernières années, des subventions ont été accordées à des endroits où elles n’étaient pas forcément justifiées…

M. Daniel Fasquelle. Les commerçants seront ravis de l’apprendre !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. …ou ne correspondaient pas complètement aux objectifs du FISAC.

M. Daniel Fasquelle. Dans ce cas, c’est grave !

M. Damien Abad. À quelles villes faites-vous allusion ?

M. Daniel Fasquelle. Donnez-nous des exemples !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Par ailleurs, vous le savez, les commerces employant des salariés bénéficieront eux aussi du CICE qui les aidera à poursuivre leur modernisation, à améliorer leur aménagement ou à mener d’autres actions. Bien entendu, le CICE ne bénéficiera qu’aux entreprises employant des salariés. Mais il y a aussi les collectivités territoriales, qui aident les commerces et l’artisanat sur les territoires : leur action évidemment est importante.

Enfin, une chose me gêne dans votre amendement, madame Dion : son gage, les 5 millions d’euros seraient prélevés une fois de plus sur le financement des statistiques et études économiques. Mais savez-vous que ces dernières aident aussi les commerces, par le biais notamment de rapports de l’INSEE, à mettre en place des stratégies commerciales à l’échelle d’un territoire ? Il serait dommage de priver les entreprises de ces aides et de ces soutiens. Là encore, je me vois dans l’obligation de rejeter votre demande.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. Madame Dion, le Gouvernement a pris, à la fin de l’année 2012, deux engagements devant la représentation nationale concernant le FISAC. Nous devions d’abord dresser un état des lieux : c’est ce qui a été fait dans le cadre d’un audit mené par le contrôle général économique et financier, afin d’identifier la nature des engagements pris par nos prédécesseurs. Nous devions ensuite réformer le dispositif pour faire rentrer l’édredon dans la valise, comme on dit de façon triviale,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est très explicite !

M. Arnaud Montebourg, ministre. …puisque l’édredon ne rentre pas ! On a compté 1 700 dossiers acceptés, pour 100 millions d’euros, bien qu’aucune ressource ne soit disponible. Nous étions donc devant une impasse : des promesses ont été faites à des commerçants et artisans, qui se retrouvent sans réponse.

M. Christian Eckert, rapporteur général. En effet !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Une première décision a été prise par Mme la ministre Sylvia Pinel : réduire le besoin de financement par des mesures de gestion. Un premier effort sera réalisé à hauteur de 35 millions d’euros : il permettra de financer dès 2013 des dossiers prioritaires. Sur quels critères ces premiers dossiers ont-ils été choisis ? Nous avons d’abord privilégié les opérations à plus forte valeur ajoutée, puis les dossiers en faveur des territoires les plus fragiles – nous sommes quand même confrontés à un certain nombre de situations difficiles ! L’année prochaine, nous veillerons à ce que les 25 millions d’euros supplémentaires permettent de répondre à l’ensemble des dossiers sélectionnés dans le stock.

Néanmoins, si ces mesures permettront de régler le passé, elles n’organiseront pas l’avenir. Une réforme du FISAC sera donc décidée : elle n’autorisera plus le guichet ouvert…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà !

M. Arnaud Montebourg, ministre. …mais fonctionnera au contraire sur la base d’appels à projets, en fonction de critères déterminés, de sorte que nous puissions travailler en toute transparence.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et non à la tête du client !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Cela ne peut pas se faire à la tête du client, en fonction des amitiés ou des fidélités.

M. Guillaume Bachelay. Eh oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est ce que nous demandons !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Voilà, madame la députée, où nous en sommes. Cette réforme sera faite avec vous : Mme la ministre du commerce et de l’artisanat reviendra vers vous pour en décrire les termes. C’est l’une des raisons pour lesquelles je demande le rejet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Premièrement, M. le ministre a expliqué que les aides du FISAC seraient distribuées de manière discrétionnaire. En tout cas, sur le terrain – puisque vous y faites souvent référence –, dans ma circonscription, les entreprises soutenues par le FISAC en ont bénéficié de façon tout à fait légitime et justifiée. C’est un point qu’il faut rappeler ; d’ailleurs, monsieur le ministre, votre administration assure ces financements dans de très bonnes conditions.

Mon deuxième point est technique : M. le rapporteur nous a reproché de prélever ces 5 millions d’euros à un endroit où il ne faudrait pas les prendre. Techniquement, le Gouvernement peut parfaitement lever le gage : nous ne nous avez donc pas répondu sur le fond, monsieur le rapporteur.

M. Daniel Fasquelle. De toute façon, il ne répond jamais !

M. Patrick Hetzel. Je veux maintenant revenir sur un élément de fond : le FISAC constitue un instrument essentiel pour contribuer à l’aménagement du territoire et un soutien important à la ruralité.

M. Julien Aubert. Parfaitement !

M. Patrick Hetzel. Je sais bien que ce Gouvernement mène des attaques répétées contre la ruralité.

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Non, mais attendez…

M. Patrick Hetzel. On le voit avec la réforme des rythmes scolaires : M. Peillon se désintéresse de la ruralité. On le voit avec le découpage cantonal : de toute évidence, le Gouvernement privilégie les milieux urbains au détriment de la ruralité.

M. Daniel Fasquelle. La révolte gronde !

M. Damien Abad. Les campagnes grondent !

M. Patrick Hetzel. À travers le FISAC, nous voulons faire en sorte que la ruralité soit davantage prise en compte. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) De toute évidence, chers collègues de la majorité, vos vociférations montrent que vous avez un problème avec la ruralité.

M. Julien Aubert. En effet !

M. Patrick Hetzel. C’est peut-être parce que la ruralité ne vote pas comme vous le voudriez… (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Julien Aubert. Voilà l’ennemi !

M. Patrick Hetzel. Effectivement, c’est peut-être un sujet politique. Mais fondamentalement, dans la ruralité, il y a des Françaises et des Français extrêmement attachés au fait que les services puissent fonctionner normalement.

M. Thomas Thévenoud. Nous aussi ! Tout le monde !

M. Patrick Hetzel. Le FISAC permet de mettre en œuvre des politiques d’aménagement, avec du commerce de proximité.

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Nous le savons !

M. le président. Concluez, monsieur Hetzel.

M. Patrick Hetzel. En tout cas, nous continuerons à nous battre pour que les commerces de proximité puissent vivre dans notre pays.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Vous avez supprimé les subdivisions et les trésoreries, et vous vous permettez de nous donner des leçons de proximité ? Vous n’avez pas honte ?

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, nous ne pouvons pas nous satisfaire de vos réponses. Quant à vous, monsieur le rapporteur, vous avez affirmé qu’un certain nombre de villes n’auraient pas dû bénéficier du FISAC, et qu’il y a eu du clientélisme. Lesquelles ? Donnez-nous des noms de villes !

M. Daniel Fasquelle. Donnez-nous des exemples, monsieur le rapporteur ! Cela nous intéresse !

M. Damien Abad. Expliquez à la représentation nationale dans quels cas vous estimez que le FISAC n’avait pas lieu d’être ! Je veux bien croire que vous êtes sincère, mais alors dites-le très clairement !

M. Daniel Fasquelle. Faites-le savoir aux commerçants !

M. Damien Abad. Nous avons besoin d’avoir des informations noir sur blanc. Voilà la première incohérence.

Deuxième incohérence : vous ne cessez de répéter que la prochaine réforme du FISAC explique la diminution des crédits, que la majorité précédente n’a pas tenu ses promesses et que vous avez un stock à gérer. J’ai une seule question à vous poser : comment faites-vous pour gérer ce stock en diminuant les crédits affectés au FISAC ?

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. En appliquant les règles !

M. Damien Abad. Vous ne pourrez pas le faire ! Il ne faut pas masquer une réduction de crédits par une réforme.

Avec tout ce que vous faites subir aux entreprises artisanales, à nos commerces de proximité et aux territoires ruraux, le FISAC mettrait un peu de beurre dans les épinards et permettrait à tout le monde de faire face à vos mesures économiques et fiscales qui font bien du mal à cette France profonde !

M. Julien Aubert. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion.

Mme Sophie Dion. Monsieur le rapporteur, je n’ai pas très bien en quoi l’attribution des fonds FISAC poserait problème. Et si tel était le cas, il faudrait que vous vous expliquiez davantage. Pour notre part, avec mes collègues UMP, nous n’avons pas très bien compris. Et lorsque l’on porte des accusations, il faut les prouver, monsieur le rapporteur.

Ma deuxième remarque concerne le ministre. Nous avons la chance d’avoir un ministre qui répond à nos questions. Cela mérite d’être souligné car cela nous change par rapport aux pratiques habituelles. (Sourires.) Monsieur le ministre, je vous ai entendu dire que vous étiez favorable au FISAC ; les 5 millions d’euros dont nous avons besoin ne sont pas difficiles à trouver.

M. Damien Abad. En effet.

Mme Sophie Dion. Ils font partie du programme « Statistiques et études économiques ». Pendant que vous allez tuer le commerce, l’artisanat, vous allez faire des études ?

M. Daniel Fasquelle. Ils aiment les études…

Mme Sophie Dion. Ce n’est pas sérieux. Vous faites des études et pendant ce temps, on va fermer les commerces dans les territoires ruraux. Élue d’une circonscription de montagne et d’une circonscription rurale, je vous invite aller dans ce sens car il y va de l’intérêt général. Votre gouvernement se grandirait en suivant notre solution qui n’a rien de périlleux : c’est une bonne solution.

M. Daniel Fasquelle. Une solution raisonnable !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Arnaud Montebourg, ministre. Je souhaite lever tout malentendu. Je viens de vous annoncer qu’en plus de la subvention de base – 25 et 20 millions sur les deux années 2013 et 2014 –, nous allions remettre 60 millions d’euros. Mais peut-être me suis-je mal exprimé. C’est certainement de ma responsabilité.

M. Julien Aubert. Bravo !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Nous sommes attentifs à la ruralité, et je ne vois pas qu’il y ait ici des députés urbains qui mépriseraient des députés ruraux. Je vois une France composite…

M. Thierry Mandon. Très bien.

M. Arnaud Montebourg, ministre. Pendant quinze ans, j’ai été un élu rural et nous avons toujours apprécié l’utilité du FISAC.

M. Julien Aubert. Ils sont où, les 60 millions ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. Nous avons eu à gérer –et c’était le sens de ma remarque –1 700 dossiers avec zéro euro en caisse. Ce fonds a été coulé de cette manière. Il s’agit donc d’une reconstitution et je voudrais que vous nous en donniez acte.

M. Julien Aubert. Mais ils sont où, les 60 millions ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. Les choses sont claires. Je vous l’ai dit tout à l’heure et il me semble ne pas m’être mal exprimé à l’instant. C’est vous qui n’avez peut-être pas écouté. J’ai expliqué qu’il s’agissait de mesures de gestion.

(L’amendement n543 n’est pas adopté.)

M. Philippe Vigier. Ils sont contre la ruralité, nous sommes pour !

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n415.

M. Damien Abad. Nous aimerions tout de même savoir, monsieur le ministre, où sont budgétés les 60 millions d’euros. Telle est la question qui se pose. Je veux bien vous croire, mais il faudrait tout de même nous donner quelques précisions. C’est comme en amour, on a besoin de preuves ! (Sourires.) Nous avons besoin d’éléments concrets.

M. Arnaud Montebourg, ministre. C’est une mesure de gestion, de gestion du budget !

M. Damien Abad. Avec mon amendement, je m’inscris dans la continuité de vos propos. Vous défendez les CTI et vous êtes attaché à ces centres techniques industriels, avez-vous dit. Il en va de même pour nous. Nous proposons d’augmenter de 3 millions d’euros les crédits qui leur sont alloués pour permettre à la plasturgie, seule et unique filière en France à ne pas disposer d’un CTI – vous le savez puisque vous êtes venu sur place – de se développer. Il faut que tous les secteurs puissent bénéficier de centres techniques pour leur permettre l’accès l’innovation et à la compétitivité. J’espère que vous répondrez favorablement à cette demande et que vous puissiez donner des garanties quant à la création de ce CTI pour la plasturgie.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bonne idée.

M. Damien Abad. Cela devrait tous nous rassembler. Je tiens à dire – sous l’autorité du président des affaires économiques, que je remercie d’avoir permis l’audition de la fédération – qu’à l’unanimité de la commission, nous avons demandé la mise en place de ce CTI et que des budgets soient alloués à ce secteur.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ce dossier doit avancer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Mes chers collègues, vous n’avez cessé durant vos interventions de faire référence aux élus de la ruralité contre les autres. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est assez comique. Pour ma part, je suis élu de l’Ariège –156 000 habitants, 15 600 habitants dans la plus grande ville – et ma circonscription compte 189 communes avec une moyenne de 500 habitants.

M. Julien Aubert. Et alors ?

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Par ailleurs, mes chers collègues, je suis chef d’entreprise en exercice tout en étant député. Je ne le vis pas à travers les livres ou les « on m’a dit que, il n’y a qu’à, il faut qu’on… » Je le vis en me retroussant les manches tous les jours. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, seul le rapporteur a la parole.

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. L’objet de votre amendement, monsieur Abad, est de prendre 3 millions – c’est décidément une idée fixe – au budget que je défends. (Sourires.)

M. Damien Abad. C’est de la cohérence !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. L’intérêt général est bien mal dissimulé dans votre demande, mon cher collègue.

M. Philippe Vigier. Oh !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Laissons ces 3 millions à l’INSEE qui pourra aider cette Plastics Vallée à peut-être faire des recherches, sélectionner ses clients…

M. Damien Abad. C’est déjà fait !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. …et votre bassin d’emploi pourra développer sib activité dans la sérénité.

M. Damien Abad. Sur le fond, êtes-vous d’accord ?

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Je partage votre position sur le fond, mais vous n’allez pas chercher les 3 millions au bon endroit. C’est pourquoi je ne peux accepter votre demande.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. Le ministère dont j’ai la charge non seulement est conscient de l’utilité des CTI, mais il souhaite voir cette politique se développer : elle est positive, constructive, gérée par la profession et elle relève de la tradition participative sur laquelle nous nous appuyons dans le cadre de la politique du redressement productif. C’est très positif. Dans le cadre des arbitrages budgétaires, nous avons défendu la limitation du plafonnement sur les dotations ou les taxes affectées qui alimentent les CTI.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Absolument.

M. Arnaud Montebourg, ministre. Autrement dit, nous les avons préservées. Toutefois, s’il y a matière – et c’est le cas dans la plasturgie – à créer de nouveaux CTI, nous ne pouvons pas entrer dans la logique de la dotation budgétaire. Nous proposons – et c’est une réponse que je formule à l’intention des auteurs des amendements – que nous en parlions avec les filières, car il y a des filières qui proposent des taxes affectées, et d’autres qui préfèrent la dotation budgétaire. Plutôt que de faire du saupoudrage, du cas par cas, nous préférons avoir une vision d’ensemble de la politique. Je vous propose que nous confions à l’un des membres de la commission des affaires économiques, présidée par M. le président François Brottes, une mission à laquelle l’opposition sera associée pour définir la politique des CTI…

M. Julien Aubert. Très bien.

M. Arnaud Montebourg, ministre. …ce qui me permet de vous demander poliment et avec délicatesse de retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je veux vous remercier, monsieur le ministre, car les arbitrages n’étaient pas faciles. Certains rapports préconisaient purement et simplement de rompre avec les financements des CTI.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement.

M. Guillaume Bachelay. Rappel utile !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous avons fait en sorte que ces centres puissent continuer à permettre à nos PME de passer de nouveaux caps d’évolution technologique. Notre collègue Clotilde Valter est volontaire pour animer cette mission. Je me réjouis qu’elle puisse se mettre en place et je sais que M. Abad et certains de ses collègues pourront participer à ses travaux. Il y a un réel consensus autour de l’idée qu’aucune PME ne peut innover de façon performante sans les CTI, qui existent depuis plusieurs décennies.

M. Jean-Pierre Vigier. Voilà !

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Sans paillettes, sans feu d’artifice, ils réalisent semaine après semaine des prouesses remarquables en matière d’innovation technologique.

M. Thierry Benoit. C’est du concret !

M. le président. Pendant que M. Abad réfléchit au retrait de son amendement, la parole est à M. Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Nous avons un débat tout à fait intéressant sur les soutiens aux entreprises. Ce que vous ne comprenez pas, c’est que nous souhaitons maintenir ces crédits aux entreprises, car ils ont un effet de levier. Les entreprises créent des richesses. Quand on met de l’argent dans le FISAC, le CTI ou dans d’autres dispositifs, cet argent génère à son tour de l’argent, donc, des recettes supplémentaires pour l’État. Le point de divergence entre nous, c’est que nous souhaitons maintenir les dispositifs qui aident les entreprises et qui créent de la richesse. Mais vous, vous préférez sanctuariser des crédits destinés à des études ou à multiplier les emplois de fonctionnaires.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est petit !

M. Thomas Thévenoud. Vous avez déjà été meilleur !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Ridicule !

M. Daniel Fasquelle. C’est là une grande différence entre nous et elle est apparue clairement cet après-midi. Pour ce qui concerne les CTI, je vais laisser mon collègue Damien Abad répondre. Pour ma part, je considère que vous leur envoyez un mauvais signal : on va créer une commission, une étude de plus. Vous y associez l’opposition, et je vous en remercie ; évidemment, nous ferons ce travail avec vous. Mais pour ce qui est du FISAC, j’ai été très choqué par les propos du rapporteur, qui semble considérer qu’il y a des commerçants qui mériteraient d’être aidés et d’autres qui ne le mériteraient pas en fonction des majorités.

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Daniel Fasquelle. Les accusations que vous avez portées sont extrêmement graves et vous devriez les retirer.

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Je ne retire rien du tout !

M. Daniel Fasquelle. Oui, il y a des entreprises qui se battent. Oui, il y a des entreprises qui réussissent, mais c’est malgré vous et malgré la politique que vous menez. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Abad ?

M. Damien Abad. Nous partageons tous la même volonté et je remercie M. le ministre de son explication. Nous sommes tout à fait favorables à l’idée de repenser le financement des CTI, et à la mise en place de cette mission. Pour ce qui concerne la filière plasturgie, nous avons déjà procédé à une audition. L’idée est de commencer par une dotation qui pourrait se transformer en une taxe affectée à l’avenir, ce qui permettrait d’insuffler et de créer la dynamique. Pour faire la preuve que nous pouvons nous rassembler quand il le faut, je suis prêt à retirer mon amendement à la condition d’intégrer le CTI plasturgie dans le périmètre de la réforme du fonctionnement des CTI, notamment dans le montage financier et budgétaire applicable à l’ensemble des CTI.

M. Thomas Thévenoud. Encore une taxe nouvelle !

(L’amendement n415 est retiré.)

(Les crédits de la mission « Économie » sont adoptés.)

Compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux » (état D)

M. le président. J’appelle les crédits du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux », inscrits à l’état D.

(Les crédits du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux » sont adoptés.)

Compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » (état D)

M. le président. J’appelle maintenant les crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », inscrits à l’état D.

Sur ces crédits, je suis saisi d’un amendement n848 du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg, ministre. J’ai l’honneur, au nom du Gouvernement, de présenter un dispositif que nous avons qualifié de mesure de résistance économique. Il s’agit d’une réforme du fonds de développement économique et social, le FDES qui a été créé en 1948 et qui a servi dans toutes les circonstances exceptionnelles économiques de notre pays. Il a été l’un des outils d’intervention de l’État pendant le premier choc pétrolier, puis dans les crises qui se sont succédé au détriment de notre économie. Nous avons fait le choix de vous demander de nous autoriser à abonder ce fonds à hauteur de 300 millions d’euros de manière à relever sa dotation qui correspond pour l’heure à reliquat de 80 millions d’euros. Le FDES a été pour la dernière fois modernisé ou modifié dans ses usages, sa doctrine d’orientation en 2004. Il n’a pas été réformé depuis et les sommes qui figurent au FDES sont peu utilisées car la doctrine d’utilisation définie par la circulaire en vigueur rend ineffective toute utilisation de ces fonds.

En raison d’un grand nombre de plans sociaux, d’entreprises en difficulté dont la viabilité peut être retrouvée, la rentabilité et la vitalité renouvelées en présence de repreneurs, de projets industriels, d’investisseurs, la possibilité de trouver le financement dans le secteur privé est aujourd’hui inexistante. Il existe un certain nombre de possibilités de retournement qui, sur le papier, sont parfaitement acceptables : on peut trouver des repreneurs disposés à investir une partie de leur autofinancement, qui arrivent avec un projet industriel ; mais lorsqu’ils contactent les acteurs du secteur financier, ceux-ci leur répondent qu’ils ne veulent pas prendre de risques. La situation pour nous est très claire : puisque le marché et le système bancaire sont défaillants, nous sommes obligés d’intervenir.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement sollicite l’autorisation parlementaire de manière à mobiliser, à partir de cette ligne de crédits, les fonds du FDES sous forme non de subventions ou de participations au capital mais de prêts consentis à des investisseurs privés, des repreneurs, à travers le comité interministériel de restructuration industrielle. Le CIRI est très bon outil qui, depuis sa création en 1974, a fait ses preuves : nombre de ses secrétaires généraux ont d’ailleurs connu des destins illustres, comme M. Trichet ou M. Pébereau. Sur signature du Premier ministre, c’est le CIRI qui engagera les fonds du FDES afin d’accompagner et financer un projet de retournement industriel.

En vérité, ce fonds de résistance économique est un fonds de retournement public. L’État va devoir faire le travail que les banques aujourd’hui refusent de faire : emprunter sur les marchés financiers et reprêter pour financer des projets industriels de façon à sauver des entreprises.

Pour les entreprises de taille modeste, des dispositifs existent déjà : la BPI, les fonds de retournement. S’agissant des grandes entreprises dont certaines occupent le débat public – Kem One, Fagor-Brandt, et d’autres encore dont je ne citerai pas les noms car cela pourrait aggraver encore leur situation –, l’État entend mobiliser des fonds de prêts pour financer leur retournement, leur restructuration et leur redémarrage.

En l’absence de ces fonds, nous aurons des sinistres, et des sinistres injustifiés. Il y a eu des cas difficiles où nous avons dû chercher des repreneurs partout où nous le pouvions – nous avons même dû prendre l’avion avec le ministre des affaires étrangères, chacun s’en souvient. C’est le devoir d’un Gouvernement que de le faire, quelle que soit sa sensibilité.

Lorsqu’il n’y a pas de repreneur, c’est la faillite, c’est la liquidation. Mais lorsqu’il y a un repreneur et que des banquiers refusent de prêter de l’argent –« désolés, mais c’est trop risqué pour nous » –, pouvons-nous rester l’arme au pied ? Non. C’est pourquoi nous sollicitons l’autorisation de votre assemblée.

Nous voulons faire en sorte que la doctrine d’emploi du FDES, que nous allons baptiser « Fonds de résistance économique », soit tout à la fois libéralisée, soumise à la signature du Premier ministre – il ne s’agit pas de créer des cagnottes d’autant que l’argent rare et qu’il importe d’en faire un usage intelligent et modéré –, et placée sous le contrôle du Parlement : vous pourrez nous demander ce qui se passe pour tel ou tel dossier, comme c’est l’habitude.

Il s’agit donc d’intervenir en faveur du financement des restructurations dans la période difficile que nous traversons. J’ai obtenu à cet effet le renforcement des moyens humains accordés au CIRI et l’élargissement de ses missions aux procédures collectives. Vous savez que le comité intervient aujourd’hui pour les entreprises de plus de 400 salariés avant le dépôt de salariés. Nous souhaitons que son action, toujours pour le même type d’entreprises, soit étendue à toute la durée de la procédure collective afin d’accompagner les divers organes qui y prennent part.

Nous avons connu des déconvenues dernièrement dans certains dossiers de procédure collective. Je ne citerai aucun nom, chacun les a sans doute en tête : nous ne voulons pas connaître à nouveau ces problèmes.

L’administration d’un redressement ou d’une sauvegarde de justice appartient à tous : collectivités locales, territoires, syndicats, Gouvernement, parlementaires. Nous ne pouvons pas laisser les organes d’une procédure collective seuls. Nous avons besoin, pour les accompagner, d’un outil qui a déjà fait ses preuves en matière de restructuration : le CIRI.

La somme de 300 millions est certes importante, mais elle est nécessaire pour régler les gros dossiers qui sont aujourd’hui sur mon bureau. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, chacun comprendra, compte tenu de l’importance de l’amendement du Gouvernement, que je donne la parole à plusieurs orateurs des différents groupes, et en premier lieu au rapporteur général.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Effectivement, l’importance du crédit proposé pour alimenter le FDES justifie que le rapporteur général s’exprime. Je me réjouis donc de cette proposition.

Précisons que, dans la mesure où ce fonds destiné à octroyer des prêts, les crédits demandés n’aggravent pas le déficit au sens de Maastricht – les prêts ont en effet vocation à être remboursés, du moins dans l’idéal –, même si tout défaut de remboursement est susceptible de générer une dépense. En tant que rapporteur général appelé à donner l’avis de la commission sur un amendement visant à demander 300 millions de crédits, je me devais de vous donner cette première précision.

J’ai bien noté aussi, monsieur le ministre, que le fonctionnement de ce fonds sera revu, modernisé. Je souhaiterais qu’au moment opportun, vous puissiez nous en détailler les caractéristiques. À la lecture de certains documents, j’ai cru comprendre que cet outil serait réservé à des entreprises dites en retournement ou faisant face à une difficulté passagère ou une commande exceptionnelle entraînant un besoin de liquidité. J’ai cru également comprendre qu’il était destiné à des entreprises de taille plutôt moyenne, de plus de 400 salariés, et qu’il était impossible aux grands groupes d’y avoir accès. Entreprises liées, entreprises fiscalement constituées en groupe, des précisions seraient nécessaires pour que chaque parlementaire, face aux sollicitations qui risquent d’être nombreuses, soit parfaitement informé de la cible, de la taille des entreprises concernées et des conditions d’accès à ce fonds dont je soutiens bien sûr la création.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est une mesure extrêmement importante parce qu’elle est le signe d’un changement de culture : possibilité est donnée aux entreprises de rebondir et d’avoir droit à une deuxième chance.

Jusqu’à présent, trois jurisprudences terribles prévalaient. La première était celle de la terre brûlée : je m’en vais et je veux que personne ne reprenne mon site. Désormais, obligation est faite de se donner les moyens de trouver un repreneur.

La deuxième était celle de l’encre rouge : je suis entrepreneur, j’ai dû déposer mon bilan parce qu’un client m’a « planté », je suis définitivement rayé des cadres. Ce gouvernement a eu le courage de supprimer l’indicateur 040 de la Banque de France.

M. Daniel Fasquelle. Ça, c’est une bonne chose !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Désormais, un entrepreneur ayant subi une faillite dont il n’est pas à l’origine a le droit de rebondir.

La troisième était celle du soutien abusif, terme passe-partout qui empêchait de donner de l’argent à une entreprise en difficulté, même si elle trouvait un repreneur potentiel. Avec le fonds de retournement, sur lequel ont travaillé, outre le ministre du redressement productif, Henri Emmanuelli, porteur de cette préoccupation depuis longtemps, Thierry Mandon et Guillaume Bachelay parmi beaucoup d’autres, des solutions de financement dans ces moments-là sont proposées. La deuxième chance existe s’il y a de vrais projets.

La terre brûlée, la liste à l’encre rouge, l’interdiction du soutien abusif, tout cela est fini. Il y a un vrai changement de culture : désormais, il s’agit de soutenir des projets qui sont porteurs d’avenir, même au sein d’entreprises en difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. De nombreux orateurs ont demandé à s’exprimer.

La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je dois dire que je suis un peu surpris qu’une somme aussi importante soit mobilisée par voie d’amendement d’autant que ces 300 millions ne font en aucun cas l’objet d’une justification au premier euro comme l’exige la LOLF. Pourquoi 300 millions ? Pourquoi pas 200 millions ou 400 millions ?

J’en suis d’autant plus surpris – même si l’intention n’est pas critiquable – que dans les précédents débats, nous avons chichement discuté d’une augmentation de quelques millions d’euros du FISAC. J’aurais aimé que la même flexibilité vaille pour nos artisans et nos commerçants à l’heure où ceux-ci se mobilisent pour sauver leurs emplois.

Cela posé, j’aimerais vous faire part de mes interrogations. Vous faites là de la guérison, monsieur le ministre : vous venez en aide à des entreprises malades. On aurait pu espérer qu’entre prévention et guérison, votre démarche soit plus équilibrée.

En réalité, j’y vois un aveu de faiblesse. Vous nous dites que les banques refusant de faire leur travail, l’État doit s’y substituer. C’est un aveu de faiblesse du secteur bancaire : c’est à se demander pourquoi nous avons des banques si elles ne prennent pas de risques. C’est aussi un aveu de faiblesse de l’État qui va devoir assumer les compétences des banques.

Plusieurs questions se posent ici : les inspecteurs des finances et autres hauts fonctionnaires talentueux que compte l’administration des finances ont-ils exactement des compétences de banquiers ? À quel taux allez-vous prêter ?

Par ailleurs, M. le rapporteur général a soutenu que cette ouverture de crédits n’aurait pas d’impact puisque les sommes prêtées avaient vocation à être recouvrées. Permettez-moi d’être un peu dubitatif. Par définition, vous allez prêter à des entreprises en difficulté, ce qui implique un certain taux d’échec et donc une déperdition de valeur. Quel taux d’échec avez-vous prévu ? Sans oublier que vous n’avez pas les mêmes ratios prudentiels qu’une banque qui prête à un secteur risqué, mon collègue Daniel Fasquelle reviendra sur ce sujet.

Enfin, à quoi sert la BPI ?

M. le président. La parole est à M. Thierry Mandon.

M. Thierry Mandon. Ce fonds renvoie à trois sujets principaux.

Premièrement, son utilité. Personne ne semble contester la nécessité absolue d’accorder des moyens supplémentaires à l’État pour procéder à cette intervention, sans doute la plus difficile : le retournement, l’anticipation et l’accompagnement d’un reploiement des entreprises.

Deuxièmement, les moyens engagés : 300 millions, c’est une somme significative qui permettra dans les mois qui viennent d’intervenir pour régler certaines situations dont nous avons déjà connaissance ou que l’on voit se profiler.

Troisièmement, les modalités de l’intervention de l’État, qui est au cœur de mon propos.

L’intervention en prêt de l’État est-elle une intervention de l’État seul ou est-elle liée à un tour de table à la faveur duquel certains partenaires privés - banques, investisseurs privés –se mobiliseront du fait de l’engagement de l’État ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bonne question !

M. Philippe Vigier. En effet !

M. Thierry Mandon. Par ailleurs, peut-on imaginer ou pas que cette intervention de l’État passe par une caution partielle apportée aux dits investisseurs qui viendraient compléter le tour de table et rendraient plus facile une mobilisation significative de fonds ?

Quoi qu’il en soit, je me réjouis de cet amendement et des circonstances dans lesquelles il intervient : il est parfois nécessaire d’accélérer certains processus. J’aimerais toutefois savoir sous quelle forme les parlementaires, notamment les rapporteurs et les membres des commissions compétentes, pourraient être associés à la mise en œuvre concrète du dispositif.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Bien évidemment, il faut aider les entreprises en difficulté, mais le meilleur moyen de le faire serait de changer de politique : vous passez votre temps à réparer les dégâts que vous créez dans l’économie française.

M. Jean Grellier. Vous oubliez les dégâts laissés par dix ans de gestion de droite !

M. Daniel Fasquelle. C’est la raison pour laquelle nous déplorons que nous ayons à mettre en place ce type de dispositif. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Je sais que cette remarque n’est pas agréable à entendre mais c’est malheureusement ce que pensent les Français que vous devriez écouter, à défaut d’écouter l’opposition.

Vous nous aviez vendu la BPI en nous disant qu’elle allait régler tous les problèmes, aider les entreprises – peut-être pas les canards boiteux mais peut-être les entreprises en difficulté. À quoi sert la Banque publique d’investissement si nous sommes obligés ce soir de voter ce dispositif ? Voilà la question que je voulais vous poser.

M. Thomas Thévenoud. À réparer vos dégâts !

M. Guillaume Bachelay. Si vous aviez été présent pendant les débats, vous le sauriez !

M. Daniel Fasquelle. Ensuite, vous allez octroyer des prêts aux entreprises, monsieur Bachelay, mais vous n’avez jamais dit à quel taux ces prêts seraient consentis : s’agit-il des taux du marché ou bien de taux bonifiés ? Ce point me semble extrêmement important. Enfin, je suis tout fait sceptique concernant la compatibilité de votre dispositif avec le droit européen. Il existe en effet des règles interdisant les aides d’État : si le secteur privé n’y va pas, l’État ne peut pas s’y substituer.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Voilà une bonne remarque !

M. Daniel Fasquelle. Si l’État remplaçait le secteur privé défaillant, pour reprendre les termes de M. le ministre, votre intervention serait qualifiée d’aide d’État par Bruxelles.

Pour toutes ces raisons, nous sommes parfaitement sceptiques quant au dispositif que vous voulez mettre en place. Peut-être est-il possible de le faire évoluer en créant un tour de table avec un système de caution ; je souscris pleinement à cette idée. Mais aujourd’hui, nous sommes extrêmement réservés sur la compatibilité de votre dispositif avec les règles Bruxelles. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Bachelay.

M. Guillaume Bachelay. Cet amendement très important s’inscrit en réalité dans une stratégie globale en faveur de notre appareil productif. La stratégie vise à la reconquête d’une base productive, solide, performante, innovante, exportatrice et créatrice d’emplois. Nous sommes très nombreux ici à nous réjouir que, depuis dix-huit mois, les enjeux productifs en général et l’industrie en particulier aient retrouvé une centralité dans les politiques publiques, parce que nous savons le poids que l’industrie occupe dans les dépenses de recherche et développement, dans nos exportations, dans le financement de notre protection sociale, dans la création d’emplois et de richesses dans les territoires. Cet amendement s’inscrit dans cette stratégie globale.

Une stratégie globale est tout à la fois offensive et défensive. Les dispositions offensives, ce sont celles que nous avons évoquées tout à l’heure : ce sont le pacte de compétitivité, les trente-cinq mesures – la Banque publique d’investissement, le crédit d’impôt compétitivité emploi, mais aussi les trente-trois autres mesures –, les douze filières stratégiques nationales, les trente-quatre plans de reconquête industrielle,…

M. Daniel Fasquelle. Très bien ! Il faut que ça serve !

M. Guillaume Bachelay. …les innovations de rupture, les quarante mesures en faveur de la nouvelle donne de l’innovation,…

M. Daniel Fasquelle. C’est bien : vous avez appris votre catéchisme !

M. Guillaume Bachelay. …le nouveau programme d’investissement d’avenir dont la moitié sera consacrée à la transition écologique et énergétique, la modernisation de la doctrine de l’État actionnaire, les mesures de simplification, etc. Mais parallèlement, nous devons prendre des mesures d’urgence, des mesures de résistance, des mesures défensives. C’est le sens de cet amendement qui nous est proposé par le Gouvernement.

M. Daniel Fasquelle. Gardez ça pour vos meetings !

M. Guillaume Bachelay. Ce n’est évidemment pas un aveu de faiblesse de la puissance publique, mais au contraire un levier supplémentaire et volontaire pour préserver l’emploi et les savoir-faire industriels. Lorsque j’étais le rapporteur du projet de loi créant la Banque publique d’investissement, j’avais moi-même plaidé pour la nécessité d’un tel fonds, distinct de l’action de la Banque publique d’investissement et de sa doctrine.

M. Daniel Fasquelle. Vous êtes incroyable : vous vous croyez dans un meeting du parti socialiste !

M. Guillaume Bachelay. Récemment, nos collègues Castaner et Louwagie ont prôné la création rapide d’outils dédiés aux opérations de retournement : il s’agit d’aider des entreprises, et cela a une résonance dans un très grand nombre de territoires, où des entreprises de taille intermédiaire ou des PME ont des carnets de commandes et des perspectives de développement réels, mais rencontrent à un moment donné des difficultés financières. Il s’agit donc de les aider par des prêts, de les aider en cofinancement,…

M. Claude Goasguen. Vous n’avez qu’à nationaliser, c’est encore mieux !

M. Daniel Fasquelle. Vous dépensez de l’argent que vous n’avez pas !

M. Guillaume Bachelay. Il s’agit au fond de répondre par l’intervention de la puissance publique là où les banques et le marché ne répondent pas à ces impératifs d’intérêt général. Pour toutes ces raisons, nous soutenons avec force cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Thévenoud.

M. Thomas Thévenoud. C’est un excellent amendement, qui mériterait d’être voté à l’unanimité par la représentation nationale.

M. Christian Paul. Et des deux mains !

M. Thomas Thévenoud. L’ensemble des groupes parlementaires devraient en l’occurrence s’unir et se rassembler autour de cet objectif de redressement de nos entreprises.

M. Guillaume Bachelay. C’est l’intérêt général !

M. Thomas Thévenoud. Cet excellent amendement se justifie par la dureté, mais aussi par la durée de la crise : cinq ans, c’est long, c’est très long pour une entreprise ! Alors que nous voyons le bout du tunnel – nous avons indiqué un certain nombre d’indicateurs et précisé la situation sur ce point tout à l’heure, François Brottes ayant par exemple rappelé les parts de marché à l’international que les entreprises françaises sont en train de remporter –, certaines entreprises intermédiaires rencontrent des difficultés de trésorerie. Comment les aider pour qu’elles ne déposent pas les armes ? C’est là toute l’idée de la résistance économique ; et la résistance, ça s’organise.

Cette question, à laquelle Guillaume Bachelay faisait allusion à l’instant, a déjà été évoquée lors de la création de la Banque publique d’investissement : comment financer l’urgence des situations de trésorerie d’un certain nombre d’entreprises, qui n’étaient pas réglées par la BPI ? Cette mesure complète donc la politique générale de redressement industriel menée depuis dix-huit mois, car il y avait en l’occurrence un « trou dans la raquette ». Ce fonds de retournement est destiné à des entreprises dont on sait qu’elles sont viables, mais qui se trouvent momentanément, compte tenu de la durée de la crise, dans des difficultés de trésorerie. J’imagine donc que l’ensemble des parlementaires présents ce soir dans l’hémicycle voteront cet amendement très important pour le redressement industriel de la France, pour nos entreprises, pour les entreprises de notre pays.

M. Christian Paul. Même M. Jacob devrait le voter !

M. Christian Jacob. Faites une vraie réforme des retraites et baissez les cotisations : ce serait plus intelligent !

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre, cette proposition très importante traduit malheureusement la situation de crise dans laquelle se trouve le pays : 300 millions qui viennent abonder un fonds de 80 millions, soit 380 millions au total, cela représente un risque. Mais c’est un pari sur l’avenir, que le groupe UDI soutiendra malgré tout. (« Bravo ! » sur divers bancs du groupe SRC.)

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Enfin du positif !

M. Thierry Benoit. Je me tourne vers les collègues de l’UMP, car je suis convaincu malheureusement qu’ils ont eu à mobiliser dans leurs circonscriptions le comité interministériel de restructuration industrielle.

J’ai un exemple précis, dans la Manche, qui touche mon département d’Ille-et-Vilaine, sur lequel nous avons travaillé ensemble, monsieur le ministre, ainsi qu’avec le ministre Cazeneuve : ce fonds n’existait pas, mais nous avons eu la tentation de le mobiliser. Or aujourd’hui, ce fonds ne sera malheureusement mobilisé par la puissance publique que pour les cas difficiles, très difficiles et graves. Quand un dossier marche » tout seul, le pool bancaire privé vient abonder financièrement le projet ; c’est lorsque tout va mal que les entreprises se tournent vers les élus et la puissance publique. Votre amendement constitue donc la recherche d’une réponse ; je ne dis pas qu’il apporte la réponse, mais j’y vois au minimum la recherche d’une réponse.

Quelques questions se posent toutefois, monsieur le ministre. Tout d’abord, comment mobiliserez-vous le pool bancaire au tour de table ? J’imagine que l’État ne s’engagera pas seul dans chacun des dossiers. Sinon, dans la seule région de Bretagne, votre fonds de 380 millions va fondre comme neige au soleil en l’espace de quelques jours.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Thierry Benoit. M. le président Le Fur, également breton, a lui aussi dans son territoire bon nombre de projets à vous soumettre –malheureusement !

M. Julien Aubert. Il va voter l’amendement !

M. Christian Jacob. Remettez votre bonnet rouge, monsieur le président !

M. Thierry Benoit. Aussi, comment articuler le pool bancaire privé autour de ce fonds ?

Deuxième question : comment travaillez-vous avec les collectivités territoriales qui inévitablement seront sollicitées, notamment les régions ? Enfin, qui seront les interlocuteurs dans les territoires des dirigeants d’entreprises et des élus ? S’agira-t-il d’un interlocuteur unique ? De grâce, n’ajoutez pas de la complexité au dispositif actuel !

M. Thomas Thévenoud. Il va ramener le soleil en Bretagne !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Non, ce sera simple !

M. Christian Paul. Avant, il n’y avait rien du tout !

M. Thierry Benoit. Nous avons la BPI et les commissaires au redressement productif : tout cela est déjà d’une grande complexité et pour l’heure n’est pas opérationnel à 100 %. Voilà, monsieur le ministre, les trois questions que nous posons et les conditions du soutien du groupe UDI à votre proposition.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Le groupe RRDP soutiendra bien évidemment cet amendement. Je poserai simplement deux questions : la première porte sur le seuil. Ce fonds n’est accessible qu’aux entreprises de plus de 400 salariés, ce qui pose un léger problème parce que nombre de départements connaissent de véritables drames industriels. J’habite pour ma part un département dans lequel aucune entreprise ne compte plus de 400 salariés, et il n’existe dans ce créneau aucun outil de puissance publique pour aider les entreprises dans les situations que vous venez de décrire. J’aimerais donc que l’on examine dans quelles conditions ce fonds pourrait être accessible à d’autres types d’entreprises.

Ma deuxième remarque, faite si j’ai bonne mémoire par la CGPME, est la suivante : il faudrait que l’attribution de ce fonds soit liée à des conditions très strictes concernant la sous-traitance. Il ne faudrait pas en effet avoir de surprise avec des sous-traitances que je qualifierai d’exotiques, qui utiliseraient ce fonds certes pour s’en sortir, mais à quelles conditions vis-à-vis du marché des PME-PMI locales ?

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux.

M. Gaby Charroux. Voyez-vous, monsieur le ministre, le groupe GDR soutiendra votre amendement, résolument ! (« Très bien ! » sur divers bancs du groupe SRC.)Nous pensons en effet qu’il s’inscrit dans une stratégie pour faire plus et mieux encore, ainsi que je le souhaitais tout à l’heure dans mon intervention, pour la sauvegarde et le redressement de notre industrie. De plus, votre action suscite beaucoup d’espoir dans beaucoup de régions auprès des entreprises et de leurs salariés.

Permettez-moi un petit clin d’œil, monsieur le ministre : si toutes les créations ne peuvent pas être portées à votre crédit, alors disons à nos collègues de l’opposition que toutes les fermetures et tous les plans sociaux ne peuvent pas davantage être portés à votre débit ! Nous voterons donc cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. À mon tour de vous dire que nous soutiendrons cet amendement, monsieur le ministre, car il va selon nous dans le bon sens. J’ai connu deux krachs économiques très importants dans ma circonscription, et j’ai vu à quel point il était difficile de faire des bouclages financiers pour des reprises.

Néanmoins, et cela a été très bien dit par Thierry Benoit, se pose une vraie question : celle de la mobilisation des pools bancaires et des collectivités territoriales, que vous devez impérativement intégrer dans le montage. En effet, vous le savez, les régions ont créé des accords de partenariat, notamment avec la Banque publique d’investissement, et il me semble indispensable que les collectivités qui ont l’habitude de soutenir les entreprises dans le cadre du redressement et du retournement participent à ce tour de table ; cela me paraît essentiel.

M. Thierry Benoit. Tout à fait ! Il a raison !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’était la seule bonne question posée par M. Fasquelle !

M. Philippe Vigier. Deuxième point, monsieur le ministre, concernant la règle de minimis : j’imagine que vous avez pris l’attache de Bruxelles, puisque l’on sait très bien que les fonds privés n’entrent pas en ligne de compte dans le calcul du de minimis, car ils viennent en abondement. Ma question précise est donc la suivante : allez-vous mettre en place des taux particulièrement bonifiés, comme cela est pratiqué dans le cadre des plans de revitalisation ?

Je vous fais une dernière proposition. J’ai bien entendu que c’est le Premier ministre qui signera. Il est donc indispensable que l’on connaisse les critères de sélection des dossiers : il faut de la transparence concernant le montage.

M. Claude Goasguen. Il a raison !

M. Philippe Vigier. Vous le savez comme moi, car cela est piloté par votre ministère, il est à l’heure actuelle extrêmement difficile de monter un dossier d’aide à la réindustrialisation. Même en passant par les commissaires à la réindustrialisation, c’est un parcours qui dure au minimum neuf mois à une année. Comment allez-vous insuffler de la réactivité dans le système ? Si vous ne vous appuyez pas sur les forces locales, vous n’obtiendrez pas de résultats.

Dernier point, auquel mes collègues de l’UMP devraient être sensibles : il faudrait, me semble-t-il, puisque c’est une enveloppe financière importante avec une ambition partagée, que l’on puisse avoir un état des lieux extrêmement précis des entreprises, des soutiens apportés et des résultats obtenus en termes d’emplois.

Pour conclure, j’imagine que des exigences seront posées dans le cadre des plans qui seront montés et des entreprises qui bénéficieront de ces financements, de manière à assurer une pérennisation d’un certain nombre d’emplois dans les entreprises touchées.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy.

M. Arnaud Leroy. J’aimerais savoir comment vous réagirez, monsieur Fasquelle, quand les entrepreneurs de votre circonscription viendront vous demander si vous pouvez les appuyer auprès du ministre du redressement productif pour mobiliser des fonds ? Assumez votre position : vous êtes contre, votez contre, ne vous abstenez pas !

M. Christian Eckert, rapporteur général. On vous donne une aide, mais votre député a voté contre !

M. Arnaud Leroy. Vous parlez, vous parlez, vous parlez ! Je pense que M. Marc Le Fur est plutôt sensible à la question ; dans sa circonscription, il viendra certainement demander de l’aide à ce fonds de retournement ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)Laissez-moi parler, monsieur Fasquelle, s’il vous plaît !

M. le président. Je ne sais pas si on est au cœur du sujet, mais seul M. Leroy a la parole !

M. Arnaud Leroy. Je tenais à vous poser cette question ; peut-être aurez-vous l’occasion de répondre plus tard dans le débat.

Vous parlez de la référence au droit européen. Mais il faut savoir que l’eurocompatibilité se construit sur la base de discussions, de rapports de force, et je suis heureux de constater que ce gouvernement ne cède pas à la « bruxellose » : non, Bruxelles ne peut pas tout décider et n’a pas toujours raison !

M. Claude Goasguen. Allez donc sur les marchés internationaux !

M. Daniel Fasquelle. Sarkozy, lui, avait compris la situation !

M. Arnaud Leroy. Je prends un exemple concret, celui de la SNCM. Nous avons créé une commission d’enquête dans laquelle siège votre collègue Aubert. Une décision de la Commission avait autorisé la privatisation et le plan de refinancement ; Quelques années plus tard, un jugement est venu mettre à bas cette décision positive. Et il en a été de même pour France Télécom. Quinze ans après !

Je pense que nous pourrions parler d’une seule voix à l’échelon national pour avoir des éléments de sécurité juridique une fois que l’Union européenne a donné son aval sur un projet de recapitalisation, d’aide ou de prêt quand c’est nécessaire. Je vous invite simplement à ne pas baisser la garde et je serai ravi de voter cet amendement en faveur de nos entreprises et des territoires.

M. le président. Sur l’amendement n848, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Sophie Dion.

Mme Sophie Dion. Je veux saluer l’intention, tout à fait louable. Qui peut être contre le sauvetage d’une entreprise ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Sophie Dion. Personne, bien évidemment, et surtout pas nous. Toutefois, nous aurions préféré d’autres mesures, comme l’allégement de la fiscalité et la baisse des cotisations sociales. Mais ce n’est pas ce que vous souhaitez.

Je vais vous expliquer pourquoi le groupe UMP s’abstiendra sur cet amendement.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous êtes mal à l’aise ! Ce que vous faites, c’est de l’équilibrisme !

Mme Sophie Dion. En fait, nous posons beaucoup de questions sur le dispositif que vous comptez mettre en place sans obtenir beaucoup de réponses. Quel sera le rôle de la BPI ? Quelles entreprises vont pouvoir en bénéficier ? Je n’ai pas très bien compris si ce dispositif s’adressait aux entreprises in bonis ou aux entreprises en difficulté, les propos du rapporteur contredisant un peu ceux du ministre. Donc, pour le moment, ma perplexité demeure.

Par ailleurs, les fonds alloués sont à la fois importants et pas assez élevés compte tenu des difficultés qui existent.

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. C’est toujours mieux que rien !

Mme Sophie Dion. Enfin, j’ai peur que ce dispositif soit plus un effet d’annonce qu’une véritable réponse apportée à toutes nos entreprises.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je m’associe à la majorité qui se satisfait de cette proposition importante qui témoigne de notre réactivité, de notre capacité à réagir rapidement à une situation inédite, grave en prenant les mesures nécessaires. On évoque souvent la lourdeur de l’État ou de l’administration ; tel n’est pas le cas ici.

L’opposition adopte quant à elle un ton un peu grognon… Elle estime qu’il aurait fallu procéder différemment, et notamment faire du préventif. Là, nous sommes dans l’action, dans l’immédiateté, dans l’efficacité.

Monsieur le ministre, je serai moi aussi très attentif aux réponses que vous apporterez à nos questions, notamment sur le rôle de la BPI, des banques, sur le destin des plus petites entreprises, celles qui seront en dessous du seuil, sur le coût final, sachant que nous avons tous l’expérience, dans les collectivités, des avances remboursables. Le taux de retour devrait être élevé, pour le plus grand bien de nos finances publiques, dès lors que l’on choisira bien les entreprises : on ne prêtera sans doute pas à tout le monde, surtout lorsque des entreprises sont en fin de vie.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le ministre, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt l’ensemble des propos. Vous avez souligné, ainsi que différents orateurs, la nouvelle vision de l’économie que portait aujourd’hui le Gouvernement. On peut s’en réjouir et constater qu’il y a un vrai changement.

Je veux juste rappeler à M. Eckert que lorsque le Gouvernement a décidé, en 2009, de soutenir les banques françaises, qu’avons-nous entendu comme cris et hurlements dans cet hémicycle !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce n’était pas pareil !

Mme Marie-Christine Dalloz. Effectivement, ce n’est pas pareil : les banques soutenaient à la fois l’économie et l’épargne des particuliers !

Monsieur le ministre, nous sommes d’accord : il est nécessaire de faire quelque chose. Cela fait maintenant un an que vous nous vendez la BPI comme étant l’alpha et l’oméga de tout le financement de l’entreprise. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Vous avez mis en œuvre un dispositif qui devrait fonctionner. Or il s’avère qu’il a des trous, à la fois à l’allumage et en matière d’accompagnement des entreprises en difficulté.

Enfin, vous avez voulu séparer les activités bancaires, la régulation des activités bancaires. Résultat : aujourd’hui, les banques ne s’engagent plus et vous en portez la responsabilité dans un texte prétendument fondateur.

J’ai peur que ce dispositif ne soit que de l’affichage. Compte tenu du nombre d’entreprises qui ont actuellement des difficultés pour se financer, ce n’est pas avec 300 millions que l’on y parviendra. Je m’interroge sur les garanties que vous allez pouvoir assortir dans ce type d’intervention.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Trois cents millions d’euros, cela pourrait paraître insuffisant, madame Dalloz, mais c’est nettement plus que les 3 millions que vous me réclamiez tout à l’heure !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas le même dispositif : tout à l’heure, il s’agissait du FISAC !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Il faut garder raison, et aussi une certaine lisibilité dans nos échanges…

Trois cents millions d’euros pour soutenir des entreprises qui ont été des fleurons de la fabrication française dans le domaine de l’électricité, de l’éclairage, du meuble,…

M. Thierry Benoit. Pleyel ?

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. …et qui aujourd’hui ne sont plus suivies par des banques, je peux vous assurer qu’après cinq ans de crise cela représente une somme importante qui nous permettra de sauvegarder de belles unités, en région notamment.

À ceux qui trouvent que la BPI n’interviendrait pas assez rapidement, je demande de se rapprocher des BPI dans leur région.

M. Thierry Benoit. On l’a fait : ça ne marche pas !

M. Alain Fauré, rapporteur spécial. Dans la région Midi-Pyrénées, par exemple, la BPI est intervenue, et bien plus rapidement que ce que vous voulez faire croire, en soutien à des investissements pour lesquels les banques classiques ne suivaient pas.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Arnaud Montebourg, ministre. Monsieur le président, je voudrais répondre aux interrogations multiples qui ont surgi d’ailleurs de tous les bancs ; elles sont fort légitimes au demeurant, dans la mesure où il s’agit d’un processus innovant. Je répondrai le plus clairement possible à chacun des points afin que le compte rendu fasse foi.

Je veux dire à l’opposition que nous ne sollicitons pas une dotation budgétaire : nous vous demandons l’autorisation non seulement de pouvoir emprunter, mais également de pouvoir prêter. Dès lors que cette éventualité nous aura été offerte par le Parlement, cela nous permettra d’agir selon des modalités que nous fixerons au cas par cas, en fonction d’une doctrine générale qui sera écrite noir sur banc dans une circulaire signée du Premier ministre et des ministres concernés et que je transmettrai à la représentation nationale dès la semaine prochaine, au rapporteur général, aux présidents des commissions concernées, à charge pour eux d’en donner lecture ou connaissance à l’ensemble des parlementaires impliqués.

Nous souhaitons nous caler sur le mode de fonctionnement du Comité interministériel de restructuration industrielle. Le CIRI, qui existe depuis 1974, est exclusivement dédié aux entreprises de plus de 400 salariés. Toutes les entreprises de moins de 400 salariés sont traitées aujourd’hui – c’était le sens de la création des commissaires au redressement productif – sur le terrain, avec les acteurs bancaires, publics ou privés, banques publiques d’investissement, ou les acteurs financiers habituels : les fournisseurs, les créanciers, dans chacun de vos départements ou de vos régions.

Pour les gros dossiers, le CIRI est sollicité par des entreprises qui sont généralement ou toujours in bonis. L’originalité tient au fait que le CIRI va étendre sa compétence à des entreprises en difficulté. Certains dirigeants d’entreprise sollicitent le CIRI et demandent à retravailler le passif public avec leurs créanciers, leur banquier, leurs fournisseurs, pour parvenir à des solutions à l’amiable, secrètes, confidentielles, qui ne déstabilisent pas l’entreprise, ce qui peut être le cas quand un mandat ad hoc est demandé par le président du tribunal de commerce ou en cas de dépôt de bilan.

Notre stratégie consiste à ouvrir ces entreprises, qu’elles soient in bonis, c’est-à-dire en bonne santé mais avec des signes de fragilité, ou en difficulté.

On m’a demandé si les grands groupes étaient exclus du dispositif. Nous considérons que ces grands groupes ont d’ores et déjà accès aux marchés financiers. Ce n’est pas le cas des entreprises de taille intermédiaire qui comptent plusieurs milliers de salariés, connaissent une réussite extraordinaire mais qui sont seules car elles n’appartiennent pas à un groupe coté en bourse. En général, l’actionnariat est familial ; elles ne peuvent compter que sur l’autofinancement, les économies d’untel, le prêt entre entreprises parce qu’on est amis depuis des années. Cela pose des problèmes lorsque les ressources viennent à manquer.

Le CIRI opère toujours en mutualisant les ressources qui viennent à manquer en demandant des efforts à chacun des intervenants. C’est le cas des banquiers, des actionnaires, des fournisseurs, de l’État ou des organismes sociaux pour les passifs publics. MM. Mandon, Benoit et Favennec m’ont demandé si nous allions lier l’intervention par prêt de l’État à une intervention par soutien d’investisseurs privés ou de prêts privés. La réponse est positive : il y aura toujours une alliance entre le public et le privé et toujours un lien entre l’effort du banquier privé, de l’actionnaire privé, du fournisseur privé et de l’État. Il n’est pas question pour l’État d’intervenir seul. Nous considérons qu’il est de bonne politique d’unir les efforts pour retourner une entreprise. Cette règle sera fixée dans la circulaire. L’État ne peut pas être le sauveteur exclusif, solitaire, il ne peut pas prendre tous les risques tandis que le secteur bancaire est réfugié dans ses salons calfeutrés.

M. Thierry Benoit. Capitonnés !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Tout à fait ! Je reprends le terme à mon compte !

Le taux que nous allons décider sera négocié au cas par cas. Ce taux s’appuiera, bien évidemment, sur la réalité du marché et devra être de nature à permettre le redressement de l’entreprise, et certainement pas à la couler.

Des questions ont été posées sur Bruxelles. Nous sommes en relation avec Bruxelles, les informations ont été données par le secrétariat général aux affaires européennes et mon équipe est en relation avec les autorités compétences. Il est bien naturel de le faire, car s’il ne s’agit pas d’une aide d’État mais d’un prêt qui a vocation à être remboursé lorsque l’entreprise sera retournée, nous considérons toutefois qu’il est nécessaire que les autorités de Bruxelles aient connaissance de ce dispositif pour ne pas qu’elles le découvrent dans la presse. Cela procède de règles élémentaires de politesse et de courtoisie.

Des questions ont également été posées sur la nature des entreprises. Certaines sont structurantes pour une région ou pour une filière : il est donc nécessaire de provoquer un tour de table bancaire privé lorsque nous ne parvenons pas à l’avoir et d’organiser l’alliance entre le financement public et le financement privé.

Enfin, on m’a beaucoup demandé à quoi sert la BPI. Je vous rappelle que vous avez été dûment informés de la doctrine d’orientation de la BPI. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais cela a pris beaucoup de temps !

M. Arnaud Montebourg, ministre. La BPI ne fait pas de retournement direct. Étant l’un des tuteurs de la BPI, je connais parfaitement les conditions dans lesquelles nous avons fait le choix de positionner la BPI.

Du reste, certains d’entre vous s’en étaient inquiétés : « Attention, c’est un futur Crédit lyonnais ! » D’où la décision que nous avons prise avec la BPI : la Banque publique d’investissement n’interviendrait pas en direct dans le retournement. La BPI apporte des capitaux dans des fonds de retournement qui unifient capitaux privés et capitaux publics et mutualisent le risque sur plusieurs dossiers.

C’est la raison pour laquelle je suis en mesure de vous annoncer que, pour accompagner ces mesures de résistance économique – et cela ne nécessite pas votre autorisation, puisque vous l’avez donnée en approuvant sa création – que la BPI va placer 170 millions dans les fonds de retournement qui ont déjà dû faire face à plusieurs sinistres, afin de les recharger en capitaux, de manière à ce que capitaux privés et capitaux publics puissent être utilisés conjointement face aux situations de retournement.

Or cette décision intéresse des entreprises de moins de quatre cents salariés. Il n’est pas rare que mon cabinet téléphone à tel fonds de retournement pour lui suggérer d’intervenir dans tel dossier, dans tel département, afin de venir en aide à une entreprise de cent cinquante, deux cents ou trois cents salariés, qui ne relève pas du CIRI, mais de solutions de terrain imaginées par les acteurs, avec le préfet et le commissaire au redressement productif. Ce faisant, la BPI participe de façon complémentaire à l’effort national de résistance économique, parallèlement au dispositif que nous vous soumettons ce soir.

M. Alexis Bachelay. Très bien !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Ai-je traité toutes les questions qui m’ont été posées ?

M. Claude Goasguen. Non !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Pardonnez-moi ; j’en viens aux modalités d’intervention et aux questions de transparence. Le CIRI est effectivement sous mon autorité. C’est mon directeur adjoint qui fait fonctionner la mécanique et nous avons obtenu dernièrement quelques renforts. Mais les décisions du CIRI sont de nature interministérielle ; c’est la raison pour laquelle la décision appartiendra au Premier ministre.

Certaines entreprises in bonis ne souhaitent pas faire connaître les difficultés qu’elles traversent ; dans ce cas, nous respecterons les règles du secret et de la confidentialité. Mais pour les entreprises qui nous ont fait part elles-mêmes de leurs difficultés, nous avons le devoir d’informer la représentation nationale. Je ne vois aucun inconvénient à ce que, régulièrement, vous nous interrogiez sur les dossiers, les résultats, l’efficience des actions engagées. Cela fait partie du risque qu’il y a à s’engager pour défendre les entreprises.

J’aime cette expression que Joseph Stiglitz, prix Nobel, a eue voilà quinze jours : « Il faut absolument éviter de sombrer et de laisser détruire l’industrie, car la reconstruire coûte très cher. » Voilà pourquoi je ne souscris pas, et le Gouvernement pas davantage, à l’idéologie des « canards boiteux ». Qu’est-ce qu’un canard boiteux ? Qui a le droit de dire que le canard boiteux doit être abattu sur-le-champ en place de Grève ?

M. Dominique Tian. Le marché ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Arnaud Montebourg, ministre. S’il n’y a pas de repreneur, il en sera ainsi ; mais s’il y a des repreneurs ? Peut-on dire à un mal-portant en passe d’entrer à l’hôpital : « Vous resterez mourir sur le trottoir, parce que nous ne voulons pas porter atteinte aux bien-portants en vous secourant » ? Cette idée est stupide ! Voilà pourquoi le volontarisme, l’engagement industriel, la défense de notre outil industriel, de nos emplois et de nos territoires sont à l’ordre du jour avec cet amendement.

M. Daniel Fasquelle. Baratin !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Je voudrais remercier les groupes qui se sont exprimés en faveur de l’amendement : le groupe GDR, le groupe RRDP, le groupe écologiste, le groupe SRC et le groupe UDI. Je sollicite le soutien de l’UMP. J’ai compris que son abstention était une manière de ne pas dire « non ». J’y vois une forme de participation à l’unanimité et je vous en remercie chaleureusement. (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, RRDP et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Chapeau l’artiste ! Mais revenons maintenant à des points plus sérieux.

Mme Ségolène Neuville. Parce que ce n’était pas sérieux ?

M. Christian Jacob. Sur le plan économique, ces 300 millions, pourquoi n’allez-vous pas les chercher dans une diminution des dépenses publiques ? Vous en aviez l’occasion hier, dans cet hémicycle, en refusant la suppression du jour de carence dans la fonction publique : 300 millions, c’est le coût de cette journée. Vous les aviez, mais les voilà partis dans le tonneau des Danaïdes et vous allez être obligé d’aller les emprunter sur les marchés.

M. Thomas Thévenoud, rapporteur spécial. Mais il s’agit de prêt, pas de subventions !

M. Christian Jacob. Ensuite, Lorsqu’une entreprise fonctionne mal et n’arrive pas à accéder au marché bancaire – puisque c’est bien à ce type d’entreprises que vous avez décidé d’apporter votre aide – c’est dans la plupart des cas parce qu’elle est dans l’incapacité de dégager du cash flow et de l’autofinancement.

M. Guillaume Bachelay. Pas uniquement !

M. Christian Jacob. C’est toujours la raison majeure pour laquelle une banque refuse de prêter. Et pourquoi les entreprises sont-elles dans cette situation ? Peut-être est-ce parce qu’elles ont perdu des parts de marché, mais aussi à cause de l’augmentation du coût du travail que vous avez provoquée depuis dix-huit mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Car c’est bien cela, la réalité !

M. Thomas Thévenoud, rapporteur spécial. Prenez vos responsabilités ! Allez-vous voter l’amendement ?

M. Christian Jacob. Prenons des exemples concrets. Parlons de la réforme des retraites : premièrement, vous baissez les pensions des retraités ; deuxièmement, vous augmentez les cotisations. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Allons ! Écoutons le président Jacob, qui va conclure…

M. Christian Jacob. Supportez qu’on puisse avoir des arguments ! Je sais qu’ils vous font mal et vous gênent. Nous avons 0,15 % payés par les salariés et 0,15 % par les entreprises. Au total, l’augmentation des cotisations retraite représente 3 milliards d’euros.

M. Thomas Thévenoud, rapporteur spécial. Encore un effort ! Vous le votez ou pas ?

M. Christian Jacob. C’est cela, la réalité d’une entreprise. Et si nous étions plus nombreux dans cet hémicycle à avoir travaillé dans une entreprise, peut-être saurait-on mieux ces choses évidentes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En dix-huit mois, vous avez totalement plombé les entreprises en augmentant le coût du travail : 55 milliards d’impôts, dont la moitié sur les entreprises. Ne venez pas aujourd’hui faire miroiter un fonds de 300 millions pour lequel vous allez être obligés d’emprunter sur les marchés faute d’avoir été capables de diminuer la dépense publique !



Et pour ce qui est des conditions d’accès, vous avez été extrêmement flous. Nous aurions pu, en toute logique, être contre. Pour ma part, je suis contre le principe ; mais je préfère que nous en restions à l’abstention, parce que je veux bien vous donner ce gage. Reste que vous êtes dans un mauvais système. Vous avez plombé l’économie des entreprises depuis dix-huit mois. Vous avez alourdi le coût du travail et vous avez diminué le salaire net des salariés. Alors, ne venez pas faire miroiter ces 300 millions : cela n’a pas de sens au regard des plus de 20 milliards d’impôts supplémentaires que vous avez mis sur le dos des entreprises.



M. le président. Je mets aux voix l’amendement n848.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants83
Nombre de suffrages exprimés74
Majorité absolue38
Pour l’adoption71
contre3

(L’amendement n848 est adopté.)

(Les crédits du compte d’affectation spéciale « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », modifiés, sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à l’économie.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2014 :

Santé ; Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron