Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 14 novembre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Marc Le Fur

1. Projet de loi de finances pour 2014

Seconde partie (suite)

Conseil et contrôle de l’État, pouvoirs publics, direction de l’action du Gouvernement, publications officielles et information administrative.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

M. Philippe Vigier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mme Marie-Christine Dalloz, suppléant M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Gaby Charroux

Mme Marie-Françoise Bechtel

M. Hervé Mariton

M. Charles de Courson

M. Éric Alauzet

M. Joël Giraud

M. Alain Vidalies, ministre délégué

Mme Marie-Françoise Bechtel

M. Alain Vidalies, ministre délégué

Mission « Direction de l’action du Gouvernement » (état B)

Amendement no 256

Budget annexe « Publications officielles et information administrative » (état C)

Amendement no 853

Suspension et reprise de la séance

Articles non rattachés

Article 53

Amendements nos 736 , 768

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Amendements nos 811 rectifié , 738 , 767 , 739 et 740

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Article 54

M. Lionel Tardy

Amendement no 690

Après l’article 54

Amendements nos 597 , 598 , 226 , 227 , 651 rectifié , 13 , 14 , 15 , 16 , 418 , 465

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Projet de loi de finances pour 2014

Seconde partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2014 (nos 1395, 1 428).

Conseil et contrôle de l’État, pouvoirs publics, direction de l’action du Gouvernement, publications officielles et information administrative.

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs au conseil et au contrôle de l’État, aux pouvoirs publics, à la direction de l’action du Gouvernement et au budget annexe relatif aux publications officielles et à l’information administrative (n1428, annexes VII, 12 et 36).

La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé du budget, madame et monsieur les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, il revient au ministre chargé des relations avec le Parlement de défendre devant vous quatre missions budgétaires : « Direction de l’action du Gouvernement », « Conseil et contrôle de l’État », « Pouvoirs publics » et le budget annexe « Publications officielles et information administrative ». Elles ont été examinées en commission élargie le 25 octobre dernier et je ne doute pas que les rapporteurs, qui prendront la parole après moi, en évoqueront les travaux. Je me félicite de l’état d’esprit dans lequel ils se sont déroulés, loin de l’approche polémique qui animait certains rapporteurs l’année dernière. Les échanges ont été nourris et les questions des rapporteurs pertinentes. Votre serviteur s’est efforcé d’y apporter des réponses aussi précises que possible. Ce fut, je crois, un intéressant exercice de contrôle parlementaire, conformément à la vocation des commissions élargies.

Nous voici maintenant à l’heure de la séance publique et du vote : vous ne serez pas surpris que le Gouvernement que je représente vous demande d’adopter les crédits des missions tels qu’ils figurent dans le projet de loi de finances.

Vous le savez, la mission « Direction de l’action du Gouvernement » regroupe désormais quatre programmes aux vocations très différentes. Les crédits de paiement de la mission augmentent en structure courante de 11 % entre 2013 et le projet de loi de finances pour 2014.

Une telle évolution s’explique essentiellement par le nouveau programme 401 relatif à la transition numérique de l’État et à la création de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Ce programme mis à part, les crédits de la mission diminuent en structure constante de plus de 2 %. Les services du Premier ministre contribuent donc à la réduction des déficits et à la diminution des dépenses de fonctionnement de l’État.

Le programme 401 est doté de 150 millions d’euros en 2014 et s’inscrit dans le cadre des programmes d’investissement d’avenir. Les crédits seront versés à la Caisse des dépôts et consignations afin de moderniser nos infrastructures. Leur potentiel de retour sur investissement pour l’administration est élevé.

La mission comprend aussi le Secrétariat général à la modernisation de l’action publique, dont la création procède d’un amendement que vous avez voté l’an dernier. Il reprend les attributions de l’ancienne direction générale de la modernisation de l’État et de la direction interministérielle des systèmes d’information et de communication. Depuis sa création, le SGMAP a déjà produit de nombreux résultats. Les trois comités interministériels de modernisation de l’action publique qui se sont réunis ont pris plus de 120 décisions, qui constituent autant de preuves de la capacité d’adaptation des services publics français et de la volonté du Gouvernement de construire un nouveau modèle français alliant solidarité et compétitivité.

Les autorités administratives indépendantes qui relèvent du programme « Protection des droits et libertés » participent pleinement à l’indispensable effort de rétablissement de nos finances publiques. Il faut souligner l’ouverture de crédits permettant la mise en place de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, à laquelle la majorité et le Gouvernement sont très attachés. Vingt équivalents temps plein et 500 000 euros de crédits de fonctionnement sont prévus dans le PLF 2014. Elle disposera ainsi, j’y serai particulièrement attentif, de tous les moyens nécessaires à la conduite de ses missions, grâce auxquelles la France est dans le peloton de tête des démocraties occidentales en matière de transparence de la vie publique.

Les crédits demandés pour la mission « Conseil et contrôle de l’État » s’élèvent à 644,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 630,5 millions en crédits de paiement. La principale nouveauté est la création d’un programme spécifique pour le Haut conseil des finances publiques. Seules les juridictions administratives voient leurs crédits de paiement augmenter, de 7,5 millions d’euros. Une telle augmentation, conforme à la loi de programmation des finances publiques, est indispensable pour consolider l’assainissement de la situation des tribunaux et des cours administratives d’appel et ramener en 2015 les délais de jugement devant la Cour nationale du droit d’asile à six mois.

J’en viens à la mission « Pouvoirs publics ». Vous le savez, il est d’usage que le Gouvernement se contente de prendre acte du montant des crédits demandés pour les pouvoirs publics, séparation des pouvoirs oblige. Cela vaut pour les assemblées parlementaires comme pour les deux hautes juridictions que sont le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République.

La présidence de la République s’est engagée depuis le début du mandat, conformément aux efforts de redressement des comptes publics demandés à l’ensemble du secteur public, dans une trajectoire volontariste de réduction des dépenses. Celle-ci a été mise en œuvre dès le début du quinquennat. En 2012, 6 millions d’euros ont été rendus à l’État. En 2013, les crédits ont baissé de cinq millions et la Présidence rendra encore 2,25 millions d’euros en fin d’exercice. Fin 2013, l’économie réalisée par la présidence de la République s’élèvera donc à 11,65 millions d’euros, soit plus de 10 % de la dotation du projet de loi de finances initial pour 2012. Le chef de l’État s’est fixé comme objectif de limiter la dotation à 100 millions d’euros en 2015. Un tel objectif constitue un nouvel engagement fort en faveur de la politique de réduction significative des dépenses initiée dès le début de sa présidence. Si M. le rapporteur spécial est assurément plus subtil que son prédécesseur…

M. Charles de Courson. Il faut le dire !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …il n’en tente pas moins de réécrire l’histoire, fût-ce avec élégance. Selon lui en effet, tous ces efforts étaient en germe lors du mandat précédent et, au fond, le Président élu en mai 2012 s’est contenté de poursuivre les efforts entrepris par son prédécesseur !

M. Philippe Vigier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est vrai ! C’est le changement dans la continuité !

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est évident !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Certes, lors du mandat de M. Sarkozy, la présidence de la République a fait des efforts en termes de contrôle des comptes et d’optimisation des dépenses.

M. Charles de Courson. C’est bien de le reconnaître !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Mais en matière de niveau des dépenses, prétendre que des efforts ont été réalisés relève selon moi d’une réécriture de l’histoire.

Soyons précis. Si l’on avait maintenu en 2013 les dépenses inscrites dans le budget de l’année 2011, sans les modifications décidées après l’élection présidentielle de 2012, il conviendrait d’ajouter aux dépenses prévues, comme chacun pourra le vérifier, 1,4 million d’euros pour les sondages de l’Élysée.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. De sondages, il n’est en effet plus guère besoin !

M. Philippe Vigier, rapporteur spécial. L’actualité parle d’elle-même chaque matin !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il faudrait aussi ajouter 1,7 million d’euros pour les déplacements officiels, 0,9 million d’euros pour la sécurité privée et 0,4 million d’euros pour le fonctionnement du site internet de l’Élysée. Les seules dépenses de fonctionnement et de déplacement seraient donc en progression de 4,7 millions d’euros, ce qui aurait porté la dotation de la présidence de la République à 106,4 millions d’euros au lieu des 101,7 millions d’euros demandés aujourd’hui. Ainsi, conformément au vote des Français, un changement structurel a bien eu lieu, dans ce domaine comme dans bien d’autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de la commission des finances pour le conseil et le contrôle de l’État.

M. Philippe Vigier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la rapporteure, mes chers collègues, les crédits demandés pour la mission « Conseil et contrôle de l’État » en 2014 s’élèvent à un peu plus de 644 millions d’euros en autorisations d’engagement et un peu plus de 626 millions d’euros en crédits de paiement. De tels crédits ne sont pas exorbitants au regard de l’ampleur et de l’importance des responsabilités assumées par les juridictions administratives et financières : garantir l’équilibre entre prérogatives de puissance publique et droits citoyens d’une part, évaluer les politiques publiques d’autre part.

Je me suis astreint, en qualité de rapporteur, à explorer les possibles pistes d’économies budgétaires. Je dois néanmoins constater qu’en matière de financement du Conseil d’État, de la Cour des comptes et du Haut conseil des finances publiques, les marges de manœuvre sont extrêmement restreintes. Je tiens en revanche à souligner la nécessité de placer le Conseil économique social et environnemental, exempté de régulation budgétaire, sous le régime budgétaire et comptable de droit commun.

Le programme 165 est le plus important de la mission. Il concerne, en effet, cinquante et une juridictions administratives : le Conseil d’État, huit cours administratives d’appel et quarante-deux tribunaux administratifs ainsi que la Cour nationale du droit d’asile. Le contentieux fiscal, le contentieux des étrangers et le contentieux de la fonction publique ont considérablement augmenté, de plus de 46 %, au cours des cinq dernières années. Cette progression fulgurante soulève nécessairement la question des moyens accordés au juge administratif ainsi que celle des délais du contentieux. Des efforts considérables ont pourtant été réalisés en matière de délais au cours des dernières années.

En contenant les dépenses de personnel et en stabilisant leurs budgets en 2014, les juridictions administratives réalisent un tour de force budgétaire mais se trouvent confrontées à un engorgement susceptible de nuire à la qualité des décisions de justice. La Cour nationale du droit d’asile, en particulier, est sous pression. Elle a connu en 2012, pour la quatrième année consécutive, une explosion du nombre de recours de 13,7 %, soit plus de 36 000 recours enregistrés, 4 500 de plus qu’en 2011.

L’actualité récente, que chacun a en mémoire, nous a démontré une nouvelle fois que les procédures de demandes doivent être simplifiées et accélérées pour éviter que la justice administrative ne se transforme en une machine à fabriquer des drames humains.

La Cour des comptes et les autres juridictions financières montrent l’exemple par une baisse de 1,8 % des autorisations d’engagement et de 1 % des crédits de paiements en 2014. Chacun peut méditer la façon dont est gérée la Cour des comptes, dont le travail considérable et de grande qualité est respecté sur tous les bancs, d’autant plus que la Cour, comme chacun sait, est de plus en plus sollicitée.

Je me permets toutefois de faire deux propositions, auxquelles vous avez été sensible lors de l’examen des crédits en commission élargie, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, et qui pourraient donc être examinées avec bienveillance par le Gouvernement. La Cour de discipline budgétaire et financière connaît un accroissement de son activité. Je préconise donc d’en finir avec le rapporteur unique et de placer chaque enquête sous le signe de la mutualisation. Cela permettrait un travail collégial, gage d’une efficacité et d’une pertinence accrues. Je propose également le rattachement du programme 340 « Haut conseil des Finances Publiques » au programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières », auquel l’une de nos collègues s’est opposée en commission élargie. Procédons à une simplification : pourquoi maintenir deux programmes pour une seule et même autorité ?

M. Philippe Vigier, rapporteur spécial. Le Gouvernement serait bien inspiré de procéder à une telle simplification, afin que l’on puisse supprimer des charges administratives inutiles.

En ce qui concerne le Conseil économique, social et environnemental, je serai plus critique : les dépenses de fonctionnement, qui représentent 12,6 % du total des dépenses, augmentent de 11,5 %, soit 500 000 euros, par rapport à 2013, pour s’établir à 4,87 millions d’euros – nous avons eu hier des discussions passionnées au sujet du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce : nul doute que 500 000 euros permettraient au FISAC de subventionner bon nombre de projets.

Le financement de la caisse des retraites des conseillers demeure mon sujet de préoccupation majeur. Certes, des efforts ont été engagés, mais est-il acceptable que la subvention d’équilibre reste à un tel niveau, s’établissant pour 2014 à 4,9 millions d’euros ? J’ajoute qu’il est essentiel que le Conseil économique, social et environnemental s’affirme enfin comme la « Maison des citoyens », je l’avais dit en commission. À ce titre, j’estime que la pétition sur le « mariage pour tous », qui a regroupé un peu plus de 500 000 signataires, a été l’occasion manquée d’une autosaisine, qui aurait constitué une avancée positive et un gage de crédibilité pour une institution à qui sont alloués des moyens de fonctionnement et qui a, à mes yeux, un rôle fondamental pour aider le Parlement et le Gouvernement.

Pour conclure, je donnerai un avis favorable à l’adoption de cette mission en appelant néanmoins à des efforts d’une ampleur nouvelle en ce qui concerne le Conseil économique, social et environnemental.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale et M. Charles de Courson. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, suppléant M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les pouvoirs publics. Merci d’avoir cette délicatesse, ma chère collègue.

Mme Marie-Christine Dalloz, suppléant M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il m’incombe en effet de suppléer notre collègue Le Fur, tâche d’autant plus redoutable qu’il est bien présent puisqu’il préside notre séance ! (Sourires.)

La mission « Pouvoirs publics » rassemble les dotations consacrées aux pouvoirs publics constitutionnels qui disposent, en vertu de l’autonomie financière, de la faculté de déterminer eux-mêmes les crédits nécessaires à leur fonctionnement. Dans le climat général de défiance entre nos concitoyens et le monde politique, ces crédits suscitent à l’évidence une suspicion de gabegie de l’argent public et de dissimulation. Pourtant cette suspicion n’est pas – ou n’est plus – fondée. En effet, les pouvoirs publics se sont orientés dans une double démarche : d’une part, la transparence de leur gestion et de leurs comptes, d’autre part, la maîtrise de leurs dépenses.

Pour ce qui est de la transparence, il est clair que l’évolution la plus remarquable de ces dernières années concerne la présidence de la République, une évolution initiée sous l’impulsion du précédent Président, M. Nicolas Sarkozy, comme M. le ministre l’a fait remarquer. Le rapport de notre collègue Le Fur récapitule les mesures adoptées sous le mandat précédent, dont l’objet et les résultats ont été salués par la Cour des comptes, qui pour la première fois dans l’histoire de la République, a pu se pencher sur les comptes de la Présidence. L’impartialité a conduit le rapporteur spécial à reconnaître que le nouveau Président et ses équipes poursuivent cet effort.

Il mentionne également, dans son rapport, les efforts de transparence des assemblées parlementaires, en particulier de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, notre Assemblée publie sur son site internet le rapport de gestion des questeurs ainsi que le rapport de la commission spéciale chargée de vérifier et d’apurer les comptes. Toutes les données chiffrées – exécution budgétaire, compte de résultats ou bilan – sont donc désormais sur la place publique. Dans le même esprit, les deux assemblées ont décidé de confier à la Cour des comptes le soin de certifier leurs comptes à partir de l’exercice 2013.

La deuxième évolution que l’on peut observer en parallèle est celle d’un souci réaffirmé de bonne gestion et de maîtrise des dépenses. On ne peut, bien sûr, affirmer que toutes les marges de progression aient été explorées et qu’il soit impossible de faire mieux. Cependant, il faut reconnaître que l’effort réalisé est réel. La meilleure preuve est que, tant pour la présidence de la République que pour les assemblées parlementaires ou le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République, la dotation demandée à l’État pour 2014 est inférieure à celle votée pour 2010 – pour les deux assemblées, elle est même inférieure au montant de 2008.

On peut regretter que les deux chaînes parlementaires se distinguent de ce mouvement général, puisque les dotations qui leur sont consacrées ont augmenté, entre 2010 et 2014, de 13,8 %. À cet égard, notre collègue Le Fur souligne ce qu’il appelle le « paradoxe » de notre chaîne parlementaire. Cette année, LCP-AN a connu des succès d’audience grâce à la retransmission intégrale des débats sur le projet de loi sur le mariage pour tous ou des auditions de la commission d’enquête Cahuzac, c’est-à-dire à l’occasion de la diffusion d’images que notre assemblée met gratuitement à la disposition de la chaîne, sans valeur ajoutée particulière de celle-ci.

Je reviens à la présidence de la République, pour saluer la pratique, engagée en 2011, de reversement au budget de l’État d’une partie des sommes non dépensées. Cela a commencé avec Nicolas Sarkozy en 2011, avec un reversement de 2,2 millions d’euros, et s’est poursuivi par François Hollande en 2012, avec une restitution de 6 millions d’euros, puis 2,25 millions d’euros prévus dans le collectif budgétaire que nous discuterons dans quelques semaines. J’observe, en outre, que le budget de l’Élysée est stabilisé, puisque son augmentation en 2014 n’est que de 0,01 %. Ce résultat est atteint grâce à ce que je considère être un pari audacieux de réduction des dépenses de déplacement – moins 12 %, soit 2,2 millions d’euros de réduction. Il nous faudra attendre l’exécution 2014 pour savoir si ce pari est tenu. De façon plus anecdotique, le rapporteur spécial considère que la décision qui vient d’être annoncée au sujet du fort de Brégançon est une bonne solution, qui a le mérite de ne pas obérer l’avenir.

Marc Le Fur mentionne dans son rapport que cinq personnes rémunérées sur les crédits de la présidence sont mises à la disposition de la compagne du Président de la République. S’il ne s’agit pas de contester cette situation qui peut être vue comme une tradition d’usage, établie de longue date, il importe néanmoins qu’il y ait une cohérence entre le statut public du couple présidentiel, qui engage des crédits publics, et son statut privé. Nous ne doutons pas que le couple présidentiel respecte les dispositions de l’article 885 E du code général des impôts, qui prévoit que les concubins établissent une déclaration commune pour l’ISF. Encore faudrait-il que ceci soit confirmé. La question est légitime : la cohérence exige que le statut public du couple formé par le Président et sa compagne soit assorti du statut fiscal correspondant.

Qu’il nous soit permis de nous étonner que la déclaration de situation patrimoniale du Président de la République ne mentionne aucunement cette situation de famille, pourtant de notoriété publique.

En ce qui concerne notre assemblée, Marc Le Fur rappelle que, après avoir été réduite de 3 % en loi de finances initiale pour 2012, la dotation est figée au montant de 517,9 millions d’euros depuis lors, le président Bartolone ayant annoncé qu’il en serait ainsi jusqu’à la fin de la législature. Outre le gel de sa dotation, l’Assemblée nationale présente un budget en croissance zéro ; dont vous trouverez le détail dans le rapport.

Il me faut maintenant conclure. Je le ferai en vous indiquant que, conformément à l’avis favorable du rapporteur spécial, la commission des finances a adopté les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

M. le président. Je vous donne à nouveau la parole, madame Dalloz, mais cette fois en tant que rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la direction de l’action du Gouvernement et pour le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits correspondant à la mission « Direction de l’action du Gouvernement » et au budget annexe « Publications officielles et information administrative » sont annoncés cette année en réduction de 20 millions d’euros pour les services du Premier ministre. Toutefois, il ne m’a pas été possible d’obtenir des précisions sur leur ventilation exacte, et je m’interroge sur le caractère réaliste de cette orientation.

La conduite du projet de « Centre de Gouvernement » sur le site Ségur-Fontenoy me laisse toujours perplexe. Le sénateur Philippe Dominati, dans son rapport, s’étonne notamment du montage juridique et financier atypique choisi pour cette opération : un partenariat public-privé entre l’État et la SOVAFIM, société qui a l’État pour unique actionnaire. Le coût estimé du projet est supérieur de 30 % à celui d’une simple maîtrise d’ouvrage publique. Le rapporteur observe qu’il est difficile de déterminer la réalité des coûts : les loyers sont fixés en fonction non pas de la valeur du marché, mais de l’équilibre de l’opération. Il est, dès lors, impossible de savoir si les coûts vont déraper.

Sur ces points, le Gouvernement met en cause la précédente majorité et invoque une supposée décision prise le 13 mars 2012 sur le montage de l’opération. Selon les éléments écrits qui m’ont été transmis, c’est bien à la suite de la réunion interministérielle du 6 novembre 2012 que le cabinet du Premier ministre a fait part de son accord pour l’engagement de l’État avec la SOVAFIM, sur un bail ferme de douze années à compter de la livraison – la réunion interministérielle du 16 mars 2012 ayant seulement servi à préciser certains éléments du projet. La réponse apportée par le Gouvernement lors de la commission élargie n’est donc pas satisfaisante.

La conduite de la politique de lutte contre la drogue suscite également des interrogations. La mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie – la MILDT – est censée animer cette politique et coordonner les différents champs de l’intervention publique en matière de lutte contre les drogues. Depuis 2011, elle tente d’élaborer une stratégie actualisée, mais le nouveau plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives n’a enfin été validé que le 13 septembre 2013. Une si longue attente est-elle raisonnable ? Le budget d’intervention de la MILDT dépend pratiquement pour moitié d’un fonds de concours qui apporte un financement très irrégulier d’une année à l’autre : est-ce pertinent ? Je m’étonne également de l’ampleur des dépenses correspondant aux formations, colloques et séminaires. À l’heure où le Gouvernement veut ouvrir des « salles de shoot », ne conviendrait-il pas de renforcer plutôt les moyens opérationnels de lutte contre la drogue ?

Le positionnement du Secrétariat général de la mer – le SGMer – semble problématique. Il serait bon de s’interroger sur sa coordination avec d’autres instances : le ministre chargé de la mer, le Conseil national de la mer et des littoraux, les structures dédiées au développement durable et à l’aménagement du territoire, le ministre de l’intérieur et le ministre de la défense. Vous avez répondu, monsieur le ministre que les conclusions de l’évaluation de la politique maritime devaient être attendues alors que, justement, la synthèse du CIMAP sur l’évaluation de la politique maritime, publiée le 17 juillet 2013, ne mentionne à aucun moment le SGMer. Le Gouvernement ne pourrait-il pas nous transmettre des informations à jour ?

Par ailleurs, pourquoi ne pas supprimer certains organismes consultatifs parmi les 32 relevant du périmètre budgétaire du Premier ministre ? Le CIMAP du 2 avril 2013 a énuméré 101 commissions consultatives ayant été supprimées, mais aucune ne relève du budget du Premier ministre. Quatre des 32 instances ont été supprimées depuis avril 2013, mais une seule véritable suppression est intervenue : celle du comité stratégique pour le numérique. À rebours, la commission interministérielle des données d’origine spatiale a été instituée par le décret du 19 juillet. Par ailleurs, vous n’avez annoncé aucune nouvelle suppression en commission élargie. Pourquoi ne pas donner l’exemple sur le budget du Premier ministre ?

Je souhaite la fusion de l’Institut des hautes études de défense nationale – l’IHEDN – et de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice – l’INHESJ –, deux instituts intervenant conjointement sur la sécurité intérieure et la défense nationale, pour un coût global de 17 millions d’euros. Or, la sécurité intérieure et la sécurité extérieure de la France font l’objet d’une approche stratégique intégrée dans les deux derniers Livres blancs sur la défense et la sécurité nationale. Dans ce contexte, n’aurait-on pas intérêt à fusionner les deux instituts afin qu’ils développent une réflexion sur des problématiques communes de défense et de sécurité nationale ? Il en résulterait des économies sur les fonctions support, sans perdre en qualité des formations.

Enfin, je m’interroge sur l’intérêt d’augmenter les crédits de rémunérations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, alors qu’il ne consomme pas ces crédits de titre 2 depuis l’origine. Pourquoi augmenter ces dotations de titre 2 de plus de 200 000 euros, alors que les crédits non consommés ont atteint 665 137 euros en 2012 ? Je demande simplement une juste adéquation aux besoins.

Voici quelques réflexions sur un périmètre budgétaire des plus composites. La commission des finances a adopté le budget de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », mais, je vous invite à rejeter ces crédits, compte tenu notamment des réponses très lacunaires du Gouvernement en commission élargie.

M. Philippe Vigier, rapporteur spécial et M. Charles de Courson. Très bien !

M. le président. Nous en venons aux porte-parole des groupes.

La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gaby Charroux. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, chers collègues, je me contenterai, si vous le voulez bien, de quelques brèves remarques sur l’ensemble des programmes soumis à notre examen.

Indiquons tout d’abord que la mission « Conseil et contrôle de l’État » voit cette année l’avènement d’une nouvelle institution, le Haut conseil des finances publiques. Ce Haut conseil représente, certes, une dépense modique par rapport aux autres crédits – 800 000 € –, mais il risque de devenir socialement très coûteux. N’oublions pas, en effet, que cette institution découle de la ratification par la France du traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, que nous avons, mes collègues du groupe GDR et moi-même, rejeté il y a un an. En effet, ce traité enferme les pays européens dans un carcan budgétaire, en ne leur laissant pas d’autre choix que de mener en permanence des politiques d’austérité qui sont contraires à la croissance et au bonheur des peuples. Le Gouvernement et le Parlement sont en effet tenus de se plier aux avis émis par ce qu’il convient de considérer comme un nouveau bras armé de la Commission européenne.

Autant dire que l’existence même d’une telle instance pose question, non seulement au plan du respect des principes démocratiques mais également, et surtout, me semble-t-il, de la souveraineté budgétaire du Parlement. Comment accepter que les ministres de la République soient tenus d’obéir aux injonctions d’un tel organe, comme le prévoit la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ? Il est légitime de s’interroger sur la pertinence et la compatibilité de ces injonctions avec l’exercice de la démocratie et le pilotage économique d’un pays qui souffre de l’accroissement des inégalités, étant donné, de surcroît, la difficulté qui existe désormais pour envisager une politique de relance. Ces 800 000 euros pourraient être considérés comme une forme de contre-investissement, puisque l’État financera une institution chargée de restreindre son périmètre d’intervention et d’atténuer son rôle.

Les moyens des autres budgets de cette mission sont stables. Je ne m’y attarderai pas, sinon pour souligner que toutes les créations de postes sont, une fois encore, scrupuleusement compensées par des baisses de crédits. Nous ne sortons pas de la logique qui consiste à prétendre faire plus avec moins, principe qui rencontre des limites évidentes, en particulier en matière de justice administrative.

Le budget du programme 165 « Conseil d’État et autres juridictions administratives » souffre, à nos yeux, d’un manque d’ambition : il ne traduit pas de projet d’avenir visant l’amélioration de ces juridictions, pourtant engorgées, et les objectifs de maîtrise des délais de jugement sont également insuffisants. N’oublions pas que, derrière ces chiffres, derrière ces délais, qui augmentent ou qui stagnent, il y a des femmes et des hommes justiciables qui ont des droits, notamment celui d’être jugé dans des conditions décentes, ce qui n’est souvent pas possible au regard de la charge de travail très lourde pesant sur les magistrats administratifs. Les syndicats de magistrats administratifs ont ainsi souligné que, dans une optique de réduction à tout prix des délais, l’augmentation du nombre de dossiers se traduit mécaniquement par une diminution de la qualité des décisions. De fait, la diminution des délais n’a jamais été compensée par une augmentation équivalente des personnels. Il nous faut prendre acte que l’amélioration des délais dans les trois degrés de juridiction ne pourra se faire à moyens constants.

Le budget du programme 126 « Conseil économique, social et environnemental » n’évolue pas mais s’élève tout de même à près de 42 millions d’euros en 2012. Nous regrettons, pour notre part, le sous-emploi de cette belle institution, qui n’a été saisie, me semble-t-il, que vingt fois, en deux années, par le Gouvernement, et la sous-estimation permanente du rôle qui pourrait et devrait être le sien. Nous souhaitons que le Gouvernement perçoive ce conseil comme une institution fiable. Nous formons le vœu qu’il joue un rôle accru au sein de notre architecture institutionnelle. On ne peut continuer de s’en tenir à la définition de missions floues, telles que l’éclairage des décideurs politiques et la pédagogie politique.

Enfin, la Cour des comptes, institution centrale en ces temps de crise où la gestion des deniers publics est au centre de l’attention politique, se voit dotée d’un budget en légère diminution. La Cour perd en particulier un million d’euros en dotation de personnel.

Dans ce contexte, et dans la mesure où les crédits de ces contre-pouvoirs de la République – entendez cette expression comme la reconnaissance d’une richesse – s’inscrivent dans une logique globale d’austérité budgétaire, où la logique comptable prime trop systématiquement sur la réponse aux besoins, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine se contenteront de s’abstenir.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame et monsieur les rapporteurs, la mission « Direction de l’action du Gouvernement » contribue nettement à l’effort de réduction des dépenses publiques, ce qu’il convient de saluer : ses crédits diminuent en effet de 1,9 %, hors création du programme nouveau « Transition numérique de l’État et modernisation de l’action publique ». Cette baisse s’applique aux investissements – par exemple aux projets interministériels concourant à la défense et à la sécurité nationale – mais, surtout, aux crédits de fonctionnement : je pense aux moyens mutualisés des administrations déconcentrées, au service d’information du Gouvernement – il faut saluer la modestie des crédits qui lui sont attribués, dans le cadre de l’effort que j’ai déjà signalé – et à la stratégie et prospective. Sur ce dernier sujet, on pourrait certes se demander s’il est judicieux de limiter le budget du Commissariat général à la stratégie et à la prospective, qui s’est substitué au Centre d’analyse stratégique. Cela étant, on voit, à la lecture des documents budgétaires, que le CAS n’avait pas consommé tous ses crédits en 2012. En outre, je constate que le CGSP sera déchargé de l’évaluation des politiques publiques, qui faisaient parfois l’objet d’études du CAS. En effet, en toute logique, cette évaluation des politiques publiques reviendra au Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, nouvellement créé.

Quant aux crédits affectés aux autorités administratives indépendantes, dans le cadre du programme 308 « Protection des droits et libertés », ils demeurent globalement stables. Toutefois, ce maintien masque en réalité un effort de réduction de la dépense, dans la mesure où, comme cela a déjà été souligné, une nouvelle autorité indépendante rejoindra le périmètre du programme 308 en 2014 : je veux parler de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Il est d’ailleurs difficile, à ce jour – les services chargés d’évaluer le budget ont certainement dû à se heurter à cette difficulté – de juger de l’adéquation de la dotation à l’exercice de ses missions. En 2015, en revanche, le budget du Conseil supérieur de l’audiovisuel devrait, me semble-t-il, sortir de ce périmètre, une fois adoptée la loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel public ; peut-être le ministre souhaitera-t-il nous le confirmer.

En tout état de cause, la diminution des crédits n’affecte pas la nécessaire poursuite de la modernisation des politiques publiques, ce qui est à mes yeux essentiel. En effet, en premier lieu, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information monte en puissance. En deuxième lieu, le rattachement de la modernisation des politiques publiques au Premier ministre, via le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, que je viens d’évoquer, est une excellente décision : en effet, dans la mesure où le Premier ministre est le chef de l’administration, en vertu de l’article 21 de la Constitution, il est normal qu’il concentre sous son autorité le pilotage et la modernisation des politiques publiques dans tous ses aspects. À cet égard, le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique constitue une importante innovation, dans la mesure où, on le sait, il regroupera deux services essentiels : la direction interministérielle des systèmes d’information et de communication et le réseau interministériel de l’État, créé en 2011. La modernisation de l’État est une politique trop importante pour que l’on s’abstienne de la saluer tout particulièrement ici.

Je ferai également une observation, que je relaierai par une ou deux questions, sur les autorités administratives indépendantes. Dans ce budget comme dans les précédents, l’on observe que ces autorités font un appel variable mais certain à des contractuels. C’est parfois tout à fait légitime, s’agissant par exemple de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, lorsque des missions techniques ou spécialisées, le cas échéant de courte durée, ne peuvent être assurées que par des personnes ayant une compétence particulière. Toutefois, dans les AAI chargées d’une mission pérenne, qui constituent en réalité des démembrements de l’État, il conviendrait peut-être de s’interroger sur la sécurisation de l’emploi, dans l’intérêt des personnels.

Je m’interroge également sur la répartition des emplois entre les différentes autorités administratives indépendantes. Ainsi, le Défenseur des droits dispose de 227 emplois à temps plein, pour mener à bien, certes, les missions des quatre autorités distinctes qu’il a remplacées. A contrario, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, institution très utile, ne dispose que de vingt-sept équivalents temps plein. Ces moyens sont-ils à la mesure des tâches qu’il doit accomplir ? Je rappelle qu’il est susceptible de visiter pas moins de 5 000 lieux. Enfin, est-il indispensable que des emplois à temps plein soient mis à la disposition d’instances telles que la Commission nationale consultative des droits de l’homme ou le Comité national d’éthique, qui exercent avant tout une autorité morale et jouent un rôle tout à fait différent de celui des autorités qui exercent des fonctions de gestion ?

Au bénéfice de ces remarques, monsieur le président, messieurs les ministres, je terminerai en soulignant que ce budget est stabilisé et mérite l’approbation, en raison des efforts réfléchis qu’il engage et au regard des justifications figurant dans les documents budgétaires qui nous sont présentés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je me livrerai à un certain nombre d’observations sur des questions qui nous ont été posées.

Notre collègue vient d’aborder la question de la modernisation des politiques publiques, sur laquelle nous avons une opinion différente. Nous avions lancé une alerte, il y a quelques mois, en soulignant que le fait de confier la modernisation des politiques publiques au Premier ministre entraînait un risque important que les choses ne se fassent pas et ne se passent pas. La réalité, la structure et l’histoire de l’administration française, les exemples tirés du passé, montrent que, lorsque Bercy est fermement engagé dans un programme de modernisation des politiques publiques et de l’action publique, les choses peuvent se passer : plus exactement, elles ne se passent pas toujours, mais une impulsion est parfois donnée. Lorsque le sujet est dilué à d’autres niveaux d’administration et de responsabilités, la probabilité d’action concrète et de retombées opérationnelles est considérablement diminuée. C’est donc un mauvais choix que vous avez fait.

Cela étant, nous attendons toujours un bilan substantiel de la modernisation des politiques publiques, une justification des efforts faits ou, plus exactement, de leur absence : on parle de choc de simplification, mais la réalité est qu’à mesure que les textes sont adoptés par votre majorité, par exemple dans les domaines du logement ou de l’urbanisme, on va très largement à rebours de ce que ce principe exigerait.

Il serait également souhaitable que le Gouvernement nous rende compte, s’agissant de la modernisation des politiques publiques et du choc de simplification, des efforts qui sont ou non menés à Bruxelles, pour que ce choc se traduise dans la réalité des faits. Nous évoquions la semaine dernière, à l’occasion de l’examen du budget de l’écologie, le fait qu’un certain nombre de contraintes émanent aujourd’hui de Bruxelles : ce n’est pas faux, ce n’est pas une fausse excuse mais une vraie justification de la part du Gouvernement. Mais, une fois ce constat dressé, quels efforts faites-vous pour que l’évolution du cadre juridique européen permette une réelle modernisation de la politique publique de notre pays et un choc de simplification effectif ?

S’agissant de la prospective, que vous avez évoquée, chère collègue, l’évolution du CAS peut être une bonne chose. Je figurais antérieurement parmi les représentants de l’Assemblée nationale à son comité d’orientation, mais je n’ai aucune information quant à l’évolution du rôle du Parlement vis-à-vis de la structure nouvellement créée. Le Parlement y est-il associé de la même manière ? Ses représentants sont-ils les mêmes ? Sans doute les services de l’Assemblée nationale pourraient-ils nous renseigner. Il ne me semble d’ailleurs pas très heureux que l’on soit privé d’informations en la matière : lorsqu’une structure est transformée, il n’est pas totalement accessoire de préciser quelle est l’évolution de l’association du Parlement à ses travaux.

D’autres instances, d’une nature différente, exercent un rôle tout à la fois de prospective, de concertation et d’association des acteurs, à quoi l’ancien Conseil d’analyse stratégique pouvait également s’employer : je veux parler du Conseil économique, social et environnemental. C’est une structure que nous sommes nombreux à mettre en cause, depuis de nombreuses années. Il est très regrettable, à mesure que les réflexions sont engagées sur l’évolution et la modernisation de nos institutions, que nous ne regardions pas d’un peu plus près quelle est la valeur ajoutée de cette institution. Est-elle encore justifiée dans notre architecture institutionnelle ? Je suis de ceux qui ne le croient pas, et je pense que l’on pourrait avoir, sur ce terrain, une plume moins hésitante qu’elle l’a été ces dernières années et qu’elle l’est encore. Pour parler clairement : je suis favorable à la suppression du Conseil économique, social et environnemental, dont la valeur ajoutée pour nos institutions ne me semble pas significative aujourd’hui.

M. Henri Emmanuelli. Oh, le vilain !

M. Hervé Mariton. S’agissant des autorités administratives indépendantes, certaines d’entre elles sont dans le champ des budgets que nous examinons aujourd’hui et d’autres ne le sont pas ; il y a là un problème de transparence et de lisibilité auquel le Gouvernement et sans doute également le Parlement pourraient travailler. Je veux simplement dire au Gouvernement que, pour nous, les autorités indépendantes, qu’elles soient ou non dans le champ budgétaire des missions examinées ce matin, sont importantes pour mettre en œuvre une action publique moderne.

À cet égard, la diminution du rôle de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires que vous envisagez dans le cadre de la réforme du système ferroviaire est une très mauvaise chose, un très mauvais service que vous rendez à l’économie de notre pays. Je plaide pour que ce gouvernement, que cette majorité entendent que les autorités indépendantes peuvent être un vrai facteur de progrès pour l’économie, les relations entre les acteurs économiques et les relations avec les citoyens. Cessez de vous en méfier ! L’évolution de la gouvernance ferroviaire que vous nous soumettez n’est pas bonne : la diminution de responsabilité de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires que vous proposez est un très mauvais service rendu au système ferroviaire français et, plus largement, à l’ensemble des Français.

Enfin, je souhaiterais faire une observation au sujet du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, qui ressortit au champ budgétaire de ce matin. Le Gouvernement fait le choix, quand il est face à des autorités ou à des comités dont l’avis lui paraît pouvoir être gênant, soit d’en modifier les responsabilités – je viens d’évoquer le cas de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires – soit tout simplement d’en changer la composition. Honnêtement, changer de manière arbitraire et injustifiable la composition du Comité consultatif national d’éthique avant d’avoir à recueillir ses avis est un acte qui ne grandit pas beaucoup le Gouvernement, à plus forte raison compte tenu des enjeux soulevés par ces questions.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale et M. Philippe Vigier, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui appelés à voter les crédits de trois missions du projet de loi de finances pour 2014 – « Conseil et contrôle de l’État », « Pouvoirs publics », et « Direction de l’action du Gouvernement » – missions qui concourent à l’effectivité, au bon fonctionnement et au contrôle de l’action de l’État.

J’évoquerai en premier lieu la mission « Conseil et contrôle de l’État », dont mon collègue Philippe Vigier est le rapporteur spécial.

S’agissant du programme 165, qui concerne, outre le Conseil d’État, huit cours d’appel, quarante-deux tribunaux administratifs et la Cour nationale du droit d’asile, nous notons que les juridictions administratives participent, avec une baisse des crédits et une hausse de seulement 25 équivalents temps plein, à la maîtrise des dépenses publiques.

Cependant, alors qu’on assiste à une explosion des contentieux – 6 % de hausse selon la tendance annuelle, 12 % de hausse constatée en 2012 –, en particulier pour la fonction publique et le droit des étrangers, on peut s’interroger sur la capacité de ce budget à répondre à ce défi important sans que les délais de jugement s’en trouvent allongés. En effet, avec une hausse de 46 % de ces contentieux en cinq ans, le système est véritablement au bord de l’engorgement. Pour remédier à cette situation, il devient urgent de simplifier les procédures, particulièrement en matière de droit d’asile.

M. Philippe Vigier, rapporteur spécial. Très bien !

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, la vraie question est de savoir si le Conseil d’État et les autres juridictions administratives peuvent continuer à augmenter leur productivité sans que les procédures soient simplifiées, car il y a une limite à la productivité des magistrats.

Le programme 164 concerne la Cour des comptes et les autres juridictions financières, qui participent également à l’effort de maîtrise des dépenses publiques – elles se doivent d’être exemplaires – avec une baisse de 1,8 % des autorisations d’engagement et de 1 % des crédits de paiement en 2014.

En outre, la mission est marquée cette année par la création, concomitamment à l’instauration du nouvel organisme indépendant qu’est le Haut conseil des finances publiques, d’un nouveau programme financé par le redéploiement d’une partie des crédits des juridictions financières, en particulier de la Cour des comptes.

M. Philippe Vigier, rapporteur spécial. Absolument !

M. Charles de Courson. Sur ce point, le groupe UDI s’associe à la proposition du rapporteur de rattacher ce nouveau programme au programme 164, dans un esprit de simplification.

M. Philippe Vigier, rapporteur spécial. Très bien !

M. Charles de Courson. Enfin, le programme « Conseil économique, social et environnemental », dont les dépenses de fonctionnement augmentent de 11,5 % par rapport à 2013, ce qui a été souligné par beaucoup d’intervenants et par le rapporteur spécial, doit impérativement poursuivre les efforts qu’il a commencé d’entreprendre pour limiter ses dépenses et combler le déficit de sa caisse de retraite ainsi que pour accroître sa visibilité. La seule solution est de continuer de réduire les prestations de retraite, qui étaient extrêmement favorables et qui ne sont pas encore financées par des taux qui, bien qu’en augmentation progressive, ne sont pas encore à parité avec ceux des autres régimes, monsieur le ministre. Je sais que le président du Conseil, Jean-Paul Delevoye, a commencé à réformer tout cela, mais il faut accélérer le train : on ne peut pas, dans une situation aussi dégradée de nos finances publiques, accepter une hausse de 11,5 % du budget du Conseil économique, social et environnemental.

Suivant l’avis favorable du rapporteur spécial, les députés du groupe UDI voteront pour cette mission.

Concernant la mission « Pouvoirs publics », la stabilisation des crédits alloués à l’Assemblée nationale ainsi qu’au Sénat et au Conseil constitutionnel, tout comme la réduction de ceux de la présidence de la République et de la Cour de justice de la République, s’inscrit dans une certaine continuité en poursuivant une démarche de transparence de la gestion des pouvoirs publics et de maîtrise des dépenses publiques allouées à ces derniers.

Toutefois, monsieur le ministre, on peut regretter cette mauvaise coutume républicaine qui est de maintenir le budget des deux assemblées. Nous devons être exemplaires !

Mme Monique Rabin. Mais pas démagogues !

M. Charles de Courson. Mais ce n’est pas être démagogue, ma chère collègue. Savez-vous qu’au Sénat, du fait des excédents de crédits de fonctionnement qui ont été accumulés, on pourrait supprimer la dotation pendant deux ans ?

Mme Monique Rabin. Oui !

M. Charles de Courson. M. le président Henri Emmanuelli le sait,…

M. Henri Emmanuelli. Le président a rendu la réserve !

M. Charles de Courson. …puisqu’à l’époque où il était président de la commission des finances, il a rendu la réserve. Ma chère collègue, j’ose à peine rappeler à combien d’années cela remonte ; M. Emmanuelli s’en souvient sans doute, je dirais que c’était il y a plus de vingt-cinq ans.

M. Henri Emmanuelli. Oh ! Seulement vingt et un !

Mme Monique Rabin. C’était en 1982 !

M. Charles de Courson. Monsieur le président, pourquoi ne réduit-on pas le budget de l’Assemblée et du Sénat au moins à hauteur des efforts qui sont exigés des ministères, c’est-à-dire entre 1,5 % et 2 % ? C’est parfaitement possible, monsieur le ministre. Pourquoi faire perdurer cette tradition républicaine qui consiste à ce que, systématiquement, le Gouvernement inscrive en dotation un montant strictement égal à celui qui est demandé par les questures ? C’est une mauvaise tradition républicaine.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas une tradition !

M. Charles de Courson. Mais si !

M. Henri Emmanuelli. C’est une garantie !

M. le président. Veuillez écouter M. de Courson, chers collègues !

M. Charles de Courson. Le Sénat ne rencontre pour sa part aucun problème de fonctionnement. Pourquoi ne pas réduire le budget, monsieur le ministre ? Pourquoi n’appelez-vous pas le président du Sénat pour lui demander de reverser une partie des excédents, comme cela a été fait par l’Assemblée nationale il y a de nombreuses années du temps du président Emmanuelli ?

Mme Monique Rabin. On lui rend hommage ! Très bien !

M. Charles de Courson. Cela serait à mes yeux le signe que tout le monde fait des efforts pour redresser les finances publiques.

J’en terminerai par la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Au vu des objectifs assignés à la mission, les programmes sont censés, eux aussi, contribuer à l’effort de maîtrise des dépenses publiques : les dépenses de fonctionnement devraient baisser de plus de 20 millions d’euros par rapport à 2013 et les services du Premier ministre et leurs opérateurs devraient réduire leurs effectifs de 40 ETP en 2014. On peut néanmoins s’interroger sur le caractère réaliste de ce budget, d’autant que la mise en place de la nouvelle Haute autorité pour la transparence de la vie publique nécessitera l’ouverture de 1,4 million d’euros en autorisations d’engagement et de 0,5 million d’euros en crédits de paiement.

Pour conclure, le groupe UDI accueille positivement une partie des éléments présentés dans chacune des missions soumises à son examen, mais il regrette que ce budget n’aille pas plus loin ; il aurait souhaité une réduction, même symbolique – entre 1 % et 2 % – du budget des assemblées. En conséquence, les députés du groupe UDI s’abstiendront sur les missions « Pouvoirs publics » et « Direction de l’action du Gouvernement ».

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, il me revient de suppléer mon collègue Paul Molac.

Les budgets des trois missions sur lesquelles nous avons à nous prononcer aujourd’hui permettent de préserver les éléments essentiels de soutien à l’action du contrôle de l’État tout en poursuivant l’effort de transparence effectué autour des crédits des pouvoirs publics.

Premièrement, la mission « Conseil et contrôle de l’État » voit ses crédits se stabiliser par rapport à 2013, après une nette augmentation l’année dernière. Toutefois, nous avons ajouté cette année à cette mission un quatrième programme, relatif au Haut conseil des finances publiques, ce qui peut nous faire considérer que la stabilisation des crédits n’en est pas réellement une.

Je tiens tout d’abord à vous rappeler que les délais de traitement des affaires des juridictions administratives restent trop longs : 12 % des affaires des tribunaux administratifs et 6 % des affaires au Conseil d’État sont enregistrées depuis plus de deux ans. Notons toutefois que ces ratios ont baissé. Les délais moyens pour les affaires ordinaires sont d’un an et cinq mois en Conseil d’État, un an et dix mois en tribunal administratif.

S’agissant de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, qui statue sur les refus opposés par l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, elle est confrontée à une hausse régulière des contentieux : plus 16,5 % en 2011 et plus 14 % en 2012. Le délai moyen, en baisse régulière quant à lui, est de huit mois aujourd’hui contre quinze en 2009. La suractivité de la CNDA pose néanmoins question. Elle est due au taux élevé de refus de l’OFPRA sur les demandes d’asile : 87 %. Comme 80 % des refusés font appel de cette décision devant la CNDA, celle-ci se trouve surchargée. Une réforme du droit d’asile a été annoncée, elle sera importante pour désengorger cette institution judiciaire et nous serons attentifs aux conclusions de la mission de réflexion confiée aux parlementaires Valérie Létard et Jean-Louis Touraine sur les procédures et le rôle de la Cour nationale du droit d’asile.

Quant au Conseil économique, social et environnemental, qui, je le rappelle, n’a pas vocation à se prononcer sur des pétitions à vocation sociétale, nous saluons la volonté du président Delevoye de le redynamiser. Il a en effet été trop peu actif au cours des années précédentes : treize avis ont été produits en 2010, dix-sept en 2012 et vingt-cinq en 2013. Au vu de cette activité, cette instance, à laquelle nous sommes attachés, reste coûteuse : 40 millions d’euros lui sont alloués pour 2014, dont 12 millions d’euros pour l’indemnité de ses 233 membres. Nous pouvons d’ailleurs légitimement nous poser des questions quant à l’utilité du maintien du pouvoir discrétionnaire laissé au Gouvernement pour la nomination de ces membres.

À propos de la Cour des comptes, dont le travail est salué sur tous les bancs de cette assemblée, et dont les effectifs sont bien inférieurs à ceux des juridictions analogues britannique et allemande, il est légitime de poser la question d’une augmentation de moyens en personnel, même si la période y est peu favorable.

J’en viens à la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Nous regrettons qu’aucun détail ne soit fourni pour les crédits affectés aux anciens Premiers ministres, qui bénéficient d’un service de chauffeur avec voiture de fonction, d’un agent de secrétariat et d’un agent de sécurité à la personne. À l’aune des recherches de notre collègue René Dosière parues dans un livre dont il est l’auteur, nous notons par ailleurs que, contrairement à ceux des anciens Premiers ministres, qui sont fixés par la loi, les avantages des anciens Présidents de la République, bien que beaucoup plus importants, reposent seulement sur un courrier du 8 janvier 1985 qui n’a fait l’objet d’aucun véritable débat législatif.

Nous sommes préoccupés par les moyens mis à disposition du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Même si son budget se voit octroyer une augmentation de 300 000 euros pour atteindre plus de 4 millions d’euros, nous ne pouvons qu’être surpris de savoir que celui-ci ne dispose que de vingt-sept emplois à temps plein alors qu’il existe 5 000 lieux susceptibles d’être visités. Les photos choquantes prises en décembre 2012 dans la prison des Baumettes par un journaliste qui avait accompagné un contrôleur témoignent de l’importance du travail en faveur de la dignité humaine et du soutien qu’il faut lui apporter.

Par ailleurs, nous nous interrogeons toujours sur la dilution de plusieurs autorités indépendantes au sein du Défenseur des droits.

S’agissant enfin de la troisième mission que nous examinons aujourd’hui, la mission « Pouvoirs publics », nous nous réjouissons de la stabilité ou de la légère baisse des différents budgets alloués à l’Élysée et aux deux chambres. L’effort de transparence engagé depuis quelques années par les pouvoirs publics, quelle que soit la majorité au pouvoir, est à saluer, notamment au sein de notre institution. Le budget de l’Assemblée nationale est ainsi bien détaillé et, qui plus est, consultable sur internet, procédure que pourraient reprendre à leur compte les autres institutions. Concernant l’Élysée, nous saluons l’effort consenti par le Président Hollande concernant le train de vie du chef de l’État et le budget alloué aux sondages, qui était anormalement élevé sous le précédent quinquennat.

Enfin, nous nous attarderons un peu sur la Chaîne parlementaire et Public Sénat. Si la fusion est une problématique complexe, il serait peut-être utile d’améliorer les liens et la mutualisation entre les deux chaînes et les deux rédactions. Cela n’aurait à notre sens que des bénéfices en termes de coûts, coûts qui augmentent par ailleurs, et en termes d’utilité pour les citoyens. Il est regrettable que certains débats importants qui se sont déroulés cette année dans cet hémicycle n’aient été que trop peu relayés sur les chaînes parlementaires, alors mêmes qu’ils passionnaient de nombreux citoyens.

Nous considérons donc, en tenant compte des nouveaux chantiers à explorer que je viens d’évoquer devant vous, que les budgets alloués aux pouvoirs publics et à leurs contrôles vont dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle nous les voterons.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame, monsieur les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, nous examinons ce matin trois missions budgétaires – « Conseil et contrôle de l’État », « Pouvoirs publics » et « Direction de l’action du Gouvernement » – qui assurent le bon fonctionnement des plus hautes instances de l’État. Nous pouvons saluer le travail réalisé par les trois rapporteurs spéciaux issus de l’opposition.

Les crédits alloués à ces trois missions sont stables. C’est particulièrement vrai pour la mission « Pouvoirs publics » qui regroupe notamment les crédits de la présidence de la République ainsi que ceux de l’Assemblée nationale et du Sénat. C’est bien normal : comment pourrait-on demander des efforts aux Français, diminuer les crédits des ministères non prioritaires, continuer à ne pas revaloriser le point d’indice dans la fonction publique si les plus hautes instances de l’État ne montraient pas l’exemple ? Comme le souligne avec objectivité le rapporteur spécial Marc Le Fur, l’effort consenti est réel et fait consensus, bien loin des polémiques habituelles.

Au sein de ces trois missions, il est toutefois un domaine où nous ne pouvons que saluer une hausse des crédits – l’on pourrait même considérer qu’elle est insuffisante. Je veux parler de la sécurité des systèmes informatiques de nos administrations, dont les crédits sont inscrits à l’action 2 du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental ».

Les écoutes de la NSA ont montré la vulnérabilité des systèmes informatiques et de tous les moyens de communication de l’État. La souveraineté nationale est en jeu. Il est indispensable qu’une réponse soit apportée à cet affront et à cette menace. Bien entendu, tout doit être fait au niveau international, non seulement pour que des explications soient données, mais aussi pour que des pratiques vertueuses s’installent. Ces initiatives internationales ne doivent cependant pas être isolées ; il faut qu’elles soient complétées par un programme ambitieux visant à mieux protéger nos systèmes d’information. Or ce n’est pas tout à fait ce qui est proposé dans le projet de loi de finances.

Certes, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information voit ses moyens augmenter. Cette hausse de crédits est avant tout matérialisée par la création de soixante-cinq emplois, ce qui est un effort certain quand on connaît les réductions de crédits dans d’autres secteurs. Toutefois, au vu des défaillances constatées, ces moyens seront-ils suffisants ? En se référant au budget de l’ANSSI, on constate que l’État consacre environ 20 millions d’euros à la sécurité des systèmes d’information. Cela paraissait déjà peu ; les écoutes de la NSA ont clairement montré que c’est trop peu. Le Gouvernement entend donner une priorité au numérique. La ministre déléguée à l’économie numérique incarne d’ailleurs cette volonté. Force est pourtant de constater que les moyens dédiés à la protection numérique sont insuffisants.

Les écoutes de la NSA soulèvent une question beaucoup plus large, celle des libertés individuelles. Vous savez que les radicaux de gauche sont particulièrement vigilants à ce que les droits et les libertés de chacun soient pleinement respectés. Or, à la suite de la révélation des pratiques des services de renseignement américains, un certain nombre de parlementaires ont considéré qu’après tout ce n’est rien, que tout cela se savait, que c’est bien normal – bref, que notre seule faute est de ne pas dédier autant de moyens que les autres pays au renseignement.

On peut comprendre pourquoi la réaction de Paris est plus timorée que celle de Berlin, mais, sans tomber dans l’angélisme, on peut tout de même s’étonner que le scandale des écoutes ne se soit pas traduit par une réelle volonté politique de protéger les libertés individuelles sur internet. Les données personnelles et les conversations privées de nos concitoyens sont directement transmises par les géants de l’internet à la NSA et rien n’est prévu ni même essayé pour chercher à y mettre fin !

Le numérique est une chance, mais son développement s’accompagne de risques que nous avons le devoir de dissiper. Il faut lutter contre l’intrusion dans la vie privée et la marchandisation des données personnelles.

À cet égard, la Commission nationale de l’informatique et des libertés est plus que jamais indispensable. Ses crédits sont inscrits au programme 308 « Protection des droits et libertés ». En 2014, le plafond d’emplois augmente de sept équivalents temps plein travaillés pour 175 existants. Croit-on vraiment que cela soit suffisant ? Certes, les crédits de la CNIL ont fortement augmenté ces dernières années et ils continueront de croître cette année, passant de 17,5 à 17,9 millions d’euros, soit une augmentation de 2,4 %, mais cette évolution des moyens est-elle bien proportionnelle à l’utilisation de l’informatique et d’internet ?

Pour conclure, nous comprenons les efforts réalisés par le Gouvernement pour stabiliser les crédits des trois missions que nous examinons aujourd’hui et nous les voterons, mais les risques que fait peser le numérique sur nos libertés et sur la souveraineté de la France ne sauraient se satisfaire de demi-mesures ou d’une demi-augmentation de crédits. Il faut mener dans ce domaine une politique volontariste pour protéger l’État, mais aussi les libertés de chacun.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Plusieurs orateurs ont évoqué la situation des juridictions administratives et plus particulièrement, car il faut la distinguer, celle de la Cour nationale du droit d’asile.

S’agissant des juridictions administratives, je ne peux pas laisser dire que l’amélioration du fonctionnement ne résulte que d’un gain constant de productivité. En effet, il faut souligner, malgré les contraintes budgétaires actuelles, des créations d’emplois : trente-cinq équivalents temps pleins, y compris pour la Cour nationale du droit d’asile. Il y a donc à la fois des gains de productivité et des moyens nouveaux. À cela s’ajoutent des évolutions en matière de procédure. De fait, il ne vous a pas échappé que, au mois d’août 2013, le Gouvernement a pris un décret important qui permet d’éviter des délais trop longs pour un certain nombre de procédures. Je ne crois pas que l’on puisse dire que l’engorgement des tribunaux a des conséquences sur la qualité des décisions rendues. Les données publiées dans le rapport s’agissant du nombre de décisions prises par le Conseil d’État et la Cour de cassation ne révèlent pas de difficultés particulières en la matière.

Nombre d’entre vous ont souligné les difficultés rencontrées par la Cour nationale du droit d’asile. Le Gouvernement ne peut que partager ce constat. Le nombre de recours augmente chaque année. Or la réponse réside non pas dans la poursuite de l’augmentation des moyens ou dans une diminution des droits des demandeurs, mais dans une réforme de la procédure pour les demandes de droit d’asile.

Vous le savez, le ministre de l’intérieur a confié une mission à deux parlementaires, Mme Létard et M. Touraine. Il s’est engagé, dès que le résultat en sera connu, à réformer le droit d’asile. Il y a là une nécessité, car la situation actuelle n’est satisfaisante ni pour les parlementaires – je le conçois très bien –, ni pour le Gouvernement, lequel partage votre point de vue, ni, surtout, pour ceux qui formulent les recours. En effet, les délais s’allongent, quand bien même – vous l’avez sans doute observé – nos efforts ont déjà permis de les raccourcir. Le Gouvernement s’est d’ailleurs engagé, avant même la réforme de la procédure, à les ramener à six mois.

Vous avez été nombreux à évoquer la situation du Conseil économique, social et environnemental. Force est de constater que des efforts ont été faits par le président Delevoye depuis son arrivée, pour les crédits de fonctionnement comme pour le système de retraites. Si l’on peut considérer qu’ils ne sont pas suffisants, force est tout de même de constater que M. Delevoye a pris les choses en main. Le Gouvernement, pour sa part, a pris acte de l’ajustement opéré, y compris sur la question du taux de cotisation.

Je voudrais tout de même rappeler à ceux qui s’enthousiasment aujourd’hui pour le contrôle des crédits de fonctionnement du CESE qu’ils l’étaient beaucoup moins il y a quelques années, voire il y a quelques mois seulement. En effet, une partie des difficultés provient d’un élément qui, à mon sens, n’est pas suffisamment relevé. Au moment de la réforme du CESE, l’ancienne majorité avait prévu la possibilité de recruter soixante-douze personnes…

M. Charles de Courson. Hélas !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …dites « personnalités associées ». Selon les textes, ces personnes peuvent être recrutées en fonction des travaux du CESE et de leurs compétences. Il est précisé que, pour aucune d’entre elles, la mission ne peut excéder deux ans. Or, en avril 2012, vous avez recruté les soixante-douze personnes, d’un seul coup et toutes pour deux ans !

Mme Monique Rabin et Mme Marie-Françoise Bechtel. Eh oui !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Si vous cherchez des sources d’économies pour le CESE, il y a là une piste toute trouvée. De ce point de vue, il vaut mieux commencer par regarder objectivement ce qui a été fait quelques semaines seulement avant le changement de majorité.

En ce qui concerne, monsieur de Courson, les assemblées parlementaires et ce que le Gouvernement pourrait dire sur leur budget, les choses ne sont pas aussi simples que vous le prétendez – M. Emmanuelli vous a d’ailleurs répondu. Ce n’est pas seulement une question de volonté politique ; c’est aussi, évidemment, une garantie démocratique. Il n’en demeure pas moins, vous avez raison, que c’était un geste fort de la part d’Henri Emmanuelli – je veux le rappeler à mon tour et pas seulement par solidarité landaise (Sourires) – de rendre une partie des excédents au budget de l’État. C’était il y a longtemps, mais c’était exemplaire.

M. Charles de Courson. Demandez au Sénat de le faire lui aussi !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Aujourd’hui, la position du Gouvernement est de respecter le principe d’autonomie qui est une garantie démocratique. Cela n’exclut pas, évidemment, que les débats qui ont été évoqués et les exemples cités puissent servir pour demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous en arrivons à une question du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.

Mme Marie-Françoise Bechtel. J’ai en réalité quatre questions, dont deux sont très ponctuelles.

Premièrement, est-il prévu, dans les années à venir et compte tenu du contexte international actuel qui vient d’être très bien évoqué par M. Giraud, de continuer à renforcer l’ANSSI ? Des moyens supplémentaires ont été mis, mais s’est-on assuré que nous ferons les bons choix en la matière ? On sait que, notamment en matière de protection de la vie privée, les choix ne sont pas si faciles et que le stockage des données au niveau national n’est pas une bonne réponse.

Deuxièmement, le ministre confirme-t-il qu’en 2015, après le vote de la loi sur l’indépendance de l’audiovisuel, le budget du CSA deviendra autonome et donc détaché du programme que nous examinons ce matin ?

Troisièmement, selon quelle méthode les équivalents temps plein sont-ils répartis entre les différentes autorités administratives indépendantes ? Comment justifier en particulier – un autre orateur a souligné ce point – l’importance des emplois dévolus au défenseur des droits, même s’il est vrai qu’il regroupe trois autorités administratives indépendantes qui lui préexistaient, en comparaison de la faiblesse des emplois dévolus au contrôleur général des lieux de privation de liberté ? Certes, celui-ci ne consomme pas tous les crédits qui lui sont affectés, mais ce sont là deux questions distinctes : il a besoin d’emplois pour assurer les 5 000 visites potentielles qu’il pourrait faire, même s’il est évident qu’il ne peut toutes les effectuer – si ma mémoire est bonne, il en accomplit 140 à 150 par an, mais elles sont approfondies et leurs résultats sont tout à fait remarquables.

Ma dernière question prolonge la précédente : pour les autorités administratives indépendantes, tient-on assez compte, dans la répartition des moyens, de la différence de nature qui existe entre elles ? Certaines gèrent des dispositifs assez lourds – la CNIL, par exemple –, alors que d’autres sont des autorités collégiales dont la vocation est purement morale – tels la CNCDH et le Comité national d’éthique – et qui donnent des avis, sans gérer quoi que ce soit. On pourrait donc se demander si les emplois dévolus à certaines ne sont pas un peu trop nombreux. Ne pourraient-elles recourir davantage au bénévolat des universitaires et de chercheurs ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

Je suis convaincu que deux minutes ne lui suffiront pas vu l’ampleur des questions… (Sourires.)

M. Alain Vidalies, ministre délégué. L’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information a été créée en 2009 pour faire face aux nouvelles menaces liées à l’usage généralisé des technologies de l’information et de la communication, ainsi qu’à l’utilisation croissante des réseaux dans le fonctionnement de la société.

Le Livre blanc de 2013 sur la défense et la sécurité nationale a confirmé la nécessité d’un renforcement de la sécurité des systèmes d’information de l’État. Le projet de loi de programmation militaire prévoit, dans son rapport annexé, que les moyens dévolus à la cyberdéfense feront l’objet d’un renforcement significatif et que l’ANSSI comptera 500 agents en 2015. Le présent projet de loi de finances intègre la poursuite de la montée en puissance de l’ANSSI, avec la création de 65 nouveaux emplois en 2014. Les effectifs de l’Agence devraient, à ce rythme, atteindre environ 500 agents fin 2015, soit un niveau comparable à celui des agences équivalentes en Allemagne et au Royaume-Uni.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a été créé en 2009, avec 18 emplois, dont 14 contrôleurs. En 2010, deux postes de chargés d’enquête ont été ouverts afin de répondre aux saisines par courrier. En 2011, une nouvelle équipe composée de 4 contrôleurs a été formée, permettant de maintenir le niveau annuel de 150 visites, malgré l’allongement de celles-ci. En 2012, trois postes de chargés d’enquête sont venus renforcer le pôle de réponse aux saisines avant qu’un chargé d’enquête, en 2013, complète l’effectif des services administratifs. Ces postes devraient permettre de prendre en compte l’augmentation considérable des saisines, ainsi que leur complexité. L’objectif est de répondre à l’ensemble des saisines dans un délai de soixante jours.

S’agissant du budget du CSA, un amendement, adopté dans le cadre du débat à l’Assemblée nationale sur le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel, a modifié le statut du CSA et en a fait une autorité publique indépendante. Ce changement de statut a été entériné par le Sénat le 2 octobre. Le statut d’API rapprochera le cadre juridique et comptable applicable au CSA de celui qui s’applique aux établissements publics, sans toutefois lui conférer le statut d’opérateur. Ainsi, le Conseil percevra une subvention de l’État et disposera d’une comptabilité indépendante de celle de l’État.

La disparité des effectifs composant les différentes autorités administratives s’explique par la nature des missions effectuées par chacune de ces entités. Le plafond d’emplois de chaque autorité fait l’objet d’un ajustement annuel en fonction de l’évolution des missions.

Le Défenseur des droits voit ses effectifs augmenter de 9 ETP par rapport à 2013. Cette évolution s’explique par la réduction d’un ETP, conformément au schéma d’emplois arbitré, et le transfert de 10 ETP en provenance des quatre différents programmes, des emplois qui étaient des mises à disposition contre remboursement. Le transfert permet d’imputer les emplois à la structure bénéficiaire.

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel voit ses effectifs diminuer de 7 ETP par rapport à 2013, suite, notamment, au déploiement de la TNT.

Les effectifs de la Commission nationale de l’informatique et des libertés sont en hausse de 7 ETP, au regard des nouvelles missions qui lui ont été confiées et de la nécessité de renforcer son expertise dans les domaines technologiques et juridiques.

Les effectifs des autres autorités administratives indépendantes, hors Haute autorité pour la transparence de la vie publique, restent stables en ETP en 2013 et 2014, conformément à la programmation pluriannuelle.

M. le président. Nous avons terminé les questions.

Mission « Conseil et contrôle de l’État » (état B)

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », inscrits à l’état B.

(Les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État » sont adoptés.)

Mission « Pouvoirs publics » (état B)

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Pouvoirs publics », inscrits à l’état B.

(Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » sont adoptés.)

Mission « Direction de l’action du Gouvernement » (état B)

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », inscrits à l’état B.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n256.

M. Lionel Tardy. Avec cet amendement d’appel, je reviens sur un point que j’avais soulevé en commission élargie. Vous le savez, je partage l’objectif du Gouvernement de faire le tri parmi les « comités Théodule ». Je me réjouis que le mouvement qui a conduit, depuis octobre 2012, à la suppression d’une centaine de commissions consultatives se poursuive, avec des conséquences très bénéfiques en matière de simplification et de budget. Cet amendement propose de réaffecter les économies qui découlent de ces suppressions à la modernisation de l’action publique.

Certains des comités qui ont été supprimés n’avaient aucun coût, selon le jaune budgétaire, tandis que d’autres coûtaient plusieurs milliers d’euros. Si l’on considère un coût moyen d’environ 2 500 euros, l’économie pourrait être de 250 000 euros. Monsieur le ministre, pourriez-vous préciser le montant global de ces économies et leur affectation ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. La commission n’a pas examiné cet amendement, qui propose de réduire de 250 000 euros les 10,3 millions de crédits de rémunération des commissions rattachées aux services centraux. Celles-ci sont diverses, puisque l’on y trouve le Secrétariat général de la mer, dont le positionnement semble mal défini et peu clair, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, l’Académie du renseignement, la Commission supérieure de codification et les commissions consultatives.

Monsieur le ministre, j’aimerais que vous indiquiez la répartition de ces dotations entre les différentes instances. Selon votre réponse, j’émettrai, à titre personnel, un avis favorable ou de sagesse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Monsieur le député, 99 commissions, instances consultatives ou délibératives ont été récemment supprimées, dont quatre entrent dans le périmètre du Premier ministre, notamment le Comité stratégique pour le numérique. Les économies réalisées grâce à leur suppression portent sur l’ensemble du budget de l’État, et pas uniquement sur le programme 129. Votre amendement étant en grande partie satisfait, je vous demande de le retirer, à défaut de quoi j’en demanderai le rejet.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. J’entends la réponse du ministre, mais on ne compte, parmi les instances supprimées, qu’une seule qui soit rattachée directement au Premier ministre ; les trois autres n’entrent pas dans le périmètre, au sens strict, du budget du Premier ministre. Compte tenu des éléments de réponse qui viennent d’être fournis, je suis très favorable, à titre personnel, à cet amendement.

(L’amendement n256 n’est pas adopté.)

(Les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » sont adoptés.)

Budget annexe « Publications officielles et information administrative » (état C)

M. le président. J’appelle les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative », inscrits à l’état C.

La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n853.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Cet amendement technique vise à minorer de 2,89 millions d’euros en crédits de paiement, hors titre II, les crédits du programme 624 « Pilotage et activités de développement des publications », sur lesquels sont inscrits les moyens de la direction de l’infirmation légale et administrative – la DILA – au sein du budget annexe « Publications officielles et information administrative.

Cette mesure résulte du transfert des projets d’administration électronique du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique – le SGMAP – à la DILA, prévu au projet de loi de finances pour 2014.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Pour davantage de clarté et de lisibilité, il nous faudrait une organisation quelque peu cohérente. L’an dernier, sur ce même budget, le Gouvernement avait déposé un amendement en pleine nuit ; cette année, vous déposez un amendement le matin même de la séance. Ce n’est pas une façon de travailler !

Si j’ai bien compris, ces 2,89 millions d’euros, qui avaient été affectés à la DILA, seront décaissés début 2014 et payés sur le budget SGMAP. À titre personnel, je n’y suis pas opposée. Mais admettons tout de même que, pour la forme, il conviendrait de pouvoir étudier les amendements au préalable !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Dont acte sur la procédure. Le montant dont il est demandé la minoration correspond aux restes à payer en 2014 des marchés qui continueront, au cours de cet exercice budgétaire, d’être couverts financièrement par les crédits du SGMAP au sein du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental ».

Ce dispositif permet d’éviter une double saisie des marchés et des engagements juridiques dans deux systèmes d’information différents. Cette mesure de réduction des crédits est aussi une mesure de simplification, liée au transfert des missions que vous venez d’évoquer.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Soyons précis, monsieur le ministre : il s’agit bien d’une réduction de crédits sur le budget de la DILA, mais en aucun cas d’une réduction de crédits dans la masse, puisque ce sont des reports de dépenses qui sont engagées et qui seront budgétées sur le budget du SGMAP. Nous sommes bien d’accord : il ne s’agit pas d’une diminution du déficit !

(L’amendement n853 est adopté.)

(Les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative », modifiés, sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs au conseil et contrôle de l’État, aux pouvoirs publics, à la direction de l’action du Gouvernement et au budget annexe relatif aux publications officielles et à l’information administrative.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Articles non rattachés

M. le président. Nous en venons à l’examen des articles non rattachés à des missions.

Article 53

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 736 et 768, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n736.

M. Hervé Mariton. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n768.

M. Jean-Christophe Fromantin. Cet amendement vise à aller au bout de la logique des dispositions que vous avez prises sur le PEA-PME afin d’en assouplir les conditions d’éligibilité. Il s’agit ainsi d’inclure les obligations convertibles en actions – OCA – et les obligations à bons de souscription d’actions – OBSA – dans les supports d’investissement éligibles au PEA-PME.

Ces deux outils d’obligations convertibles ne sont pas des mécaniques financières ou fiscales, mais des outils de renforcement des fonds propres extrêmement utiles aux PME, aux entreprises de taille intermédiaire – ETI –, aux entrepreneurs parce qu’elles présentent plusieurs avantages, notamment celui de la souplesse. Les entrepreneurs peuvent ainsi transformer les obligations en dettes ou, sur la base du pacte d’actionnaire qu’ils ont avec les investisseurs, en actions. Ces dispositifs très pratiques permettent bien souvent à l’entrepreneur d’éviter la dilution, en faisant lever ou non les options de transformation en actions.

Ce sont là de véritables outils de renforcement des fonds propres qui permettent de financer les entreprises et leur développement. Il serait intéressant de pouvoir aller au bout de la logique en adoptant cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Avis défavorable à cet amendement qui vise à inclure les obligations convertibles en actions et les obligations assorties de bons de souscription parmi les investissements. Tout d’abord, cet amendement est partiellement satisfait puisque l’article propose, uniquement il est vrai, en cas d’investissement intermédié, que le capital des fonds de placement et des OPCVM ouvrant droit au PEA-PME, puisse être investi à seulement 50 % en actions contre 75 % dans le cadre du PEA classique. Le reste peut donc être investi à 50 % dans des titres de toute nature.

Aller plus loin présenterait ensuite trois inconvénients principaux. Le PEA est un investissement d’action qui vise à améliorer le financement en fonds propres, rendant possible sans limite les investissements en obligations. Cet amendement serait un simple outil de placement donnant droit à une exonération totale au bout de cinq ans.

L’on peut par ailleurs déplorer, déjà aujourd’hui, un certain nombre d’abus sur les PEA en raison de la prise en compte de titres hybrides comme les actions assorties d’un bon de souscription d’actions qui se négocient à des prix fort bas et peuvent donner lieu à des plus-values très importantes qui seraient ainsi totalement exonérées.

De surcroît, votre amendement représente un coût budgétaire potentiellement important puisque le régime d’imposition des intérêts est le seul à être « barèmisé » sans abattement. L’avantage serait donc encore plus important qu’au titre de la détention d’actions.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Je comprends parfaitement l’objectif de cet amendement destiné à améliorer les conditions de financement des entreprises. Je partage l’avis du rapporteur général et j’ajouterai que nous devons prendre garde que les actions ne soient évincées au profit d’obligations dont le rendement serait garanti. Je vous suggère par conséquent, Monsieur Fromantin, de retirer votre amendement mais je propose que nous poursuivions ensemble la réflexion à ce sujet, le Gouvernement souhaitant, tout comme vous, améliorer les conditions de financement des entreprises. Des précautions s’imposent mais nous pourrions prendre le temps de la réflexion.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je comprends mal les arguments du rapporteur général qui s’appuie sur l’éligibilité au PEA-PME des obligations convertibles en actions comme des bons de souscription d’actions dans le cadre d’une intermédiation, pour en refuser le principe dans l’investissement direct. Vous acceptez d’un côté ce que vous refusez de l’autre, ce qui n’est pas très logique. Alors qu’en général, l’on essaie de plutôt favoriser l’investissement direct, vous n’acceptez au contraire le dispositif qu’au travers de l’intermédiation, ce qui est regrettable.

Par ailleurs, vous ne soulevez pas un problème qui se pose très fréquemment dans les PME ou les plus grosses entreprises, celui de la détention du pouvoir. Souvent, des chefs d’entreprise, majoritaires au sein de leur entreprise, ne souhaitent pas l’augmentation de capital qui leur ferait perdre la majorité. Ils acceptent en revanche un système d’obligations convertibles en actions qui diffère le moment de la dilution. Si l’on essaie de comprendre la psychologie des entrepreneurs des moyennes et des moyennes-grosses entreprises, ces systèmes d’obligations convertibles correspondent bien, au contraire, à la mentalité d’une partie d’entre eux.

Quant à vos trois autres arguments, ils sont tout à fait réfutables. Les critiques que vous portez aujourd’hui existent sur ces produits qui ne sont pas spécifiquement attribués aux PME. Vous formulez des critiques générales. Or, vous n’avez pas proposé, monsieur le rapporteur général, de modifier le régime fiscal des obligations convertibles en actions ni celui des bons de souscription. Votre argumentaire présente des faiblesses alors que l’amendement de M. Fromantin, dont je suis co-signataire, a le mérite d’une cohérence globale.

Pour ce qui est du risque d’explosion, je n’y crois absolument pas ! Nous avons déjà du mal à attirer l’épargne de nos concitoyens vers les moyennes entreprises et il n’y a donc pas à craindre le moindre risque de dérive.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Quelques mots sur cet article 53, avec retard puisqu’il faut jongler entre la séance publique et la commission des affaires économiques où l’on examine en ce moment le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion sociale.

Grâce à la création du PEA-PME, nous détenons enfin une mesure favorable aux entreprises, ce qui mérite d’être souligné, même si elle pose quelques problèmes, notamment de seuil en raison du critère de taille retenu. Cette mesure va cependant dans le bon sens. J’aimerais toutefois souligner une nouvelle fois le manque de cohérence budgétaire du Gouvernement. D’un côté vous créez ce PEA-PME, de l’autre, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, vous taxez massivement et rétroactivement les gains de PEA.

Même si cette mesure sera supprimée, si j’ai bien compris, avouez que votre logique est difficile à comprendre. Il manque à ce budget une vision globale, ce que je déplore. Il présente un certain nombre d’incohérences, comme le relèvement de la TVA dans les transports publics alors qu’elle baisse pour les tickets de cinéma.

Souvenons-nous par ailleurs que la version initiale comprenait la création de ce PEA et une taxation totalement absurde sur l’excédent brut d’exploitation. Au lieu de souffler le chaud et le froid, il faudrait peut-être faire preuve de cohérence, en ne réduisant pas ce PEA-PME à une pierre apportée à l’édifice mais en l’accompagnant d’une réelle volonté de soutenir les entreprises.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. Je regrette que l’on se situe toujours d’un point de vue fiscal en envisageant systématiquement le pire. Il serait temps, pour des mesures de ce type, de se placer dans la peau de celui qui entreprend. M. de Courson a raison, un entrepreneur, aujourd’hui, préfère fonctionner avec des quasi-fonds propres sur des obligations convertibles plutôt qu’être directement en actions car cela lui offre une porte de sortie qui peut lui éviter la dilution et le statut minoritaire.

Si l’on se met à la place d’un acteur des finances publiques, je comprends vos arguments mais si l’on se met au contraire dans la peau d’un entrepreneur, ce qui est tout de même l’esprit du texte et répond aux besoins de notre pays, ils sont difficilement recevables car nous devons tout mettre en œuvre pour accompagner, stimuler, aider les entrepreneurs.

Une solution aurait pu être de sous-amender mon amendement pour que les obligations convertibles entrent dans le champ des éligibilités au PEA-PME. Je maintiens mon amendement car il est important de faire entendre, dans un tel texte, la voix des entrepreneurs, pour poursuivre la logique du PEA-PME qui est une bonne mesure.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est bien.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous dites que nous autorisons l’accès au PEA-PME uniquement dans le cadre de l’intermédiation : oui parce qu’en l’espèce, les évaluations sont meilleures et ne donnent pas lieu aux dérives et aux excès que nous avons pu constater. Vous ne l’avez d’ailleurs pas nié.

Nous devons prendre cette précaution car une ouverture trop large ferait courir un risque budgétaire. Nous sommes toujours sur cette ligne de crête entre l’ouverture, que tout le monde salue, mais aussi la nécessité de préserver les équilibres budgétaires. Le dispositif est mesuré, calibré, professionnalisé et permet d’éviter les dérives.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur Fromantin, je voudrais compléter la réponse du rapporteur général. Tout d’abord, nous n’avons pas d’un côté une approche « finances publiques » et de l’autre une approche « économique », intégrant les préoccupations de celui qui investit ou du chef d’entreprises qui a besoin de fonds propres pour développer son entreprise. La preuve en est que nous avons inscrit dans le projet de loi de finances pour 2014 et dans l’ensemble des textes budgétaires dont nous avons à débattre un ensemble de mesures très ambitieuses en faveur du financement des entreprises, qu’il s’agisse de l’augmentation du plafond du PEA, de la création d’un nouveau compartiment pour le PEA de 75 000 euros, de la réforme extrêmement ambitieuse des plus-values mobilières qui nous permet de disposer d’un système beaucoup plus avantageux que celui qui prévalait avant le changement de gouvernement en 2012, du nouveau régime relatif aux jeunes entreprises innovantes avec la remise en cause du dispositif de dégressivité des cotisations sociales qui avait obéré la dynamique des jeunes entreprises, de la mise en place du crédit d’impôts Innovation qui complète le crédit d’impôt Recherche, de notre volonté de réviser le dispositif d’amortissement pour les entreprises qui investissent dans la robotisation car il y a, de ce point de vue, un décalage de compétitivité entre la France et d’autres pays européens, notamment l’Allemagne.

Toutes ces mesures témoignent de l’attention particulière que nous avons portée au développement des moyens de financement des PME, PMI, ETI et de l’ensemble des entreprises qui peuvent, en France, dans des filières d’excellence, contribuer à des dynamiques d’innovation. C’était le premier point.

Deuxième point : nous souhaitons poursuivre la réflexion avec vous, car notre préoccupation n’est pas budgétaire ; elle concerne l’efficacité. En effet, que choisiront les investisseurs entre une obligation d’ETI et une action de PME, la première étant moins risquée ? Nous voulons faire en sorte que les PME et les PMI qui innovent, qui prennent des risques et qui ont besoin d’être financées ne se trouvent pas évincées parce que les investisseurs peuvent souscrire un autre produit garantissant un rendement plus sûr.

Ainsi, monsieur de Courson, il n’existe pas de risque de dérive et nous ne visons que l’efficacité du financement des entreprises. C’est pourquoi je vous propose de retirer ces amendements pour les raisons suivantes : d’une part, nous faisons déjà beaucoup pour le financement des entreprises ; ensuite, nous sommes attachés à mettre en place des dispositifs efficaces et opérationnels ; enfin, nous sommes favorables à la poursuite de la discussion.

(Les amendements nos 736 et 768, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement n811 rectifié.

M. Laurent Grandguillaume. Cet amendement vise à rendre éligible au PEA-PME les parts de fonds communs de placement à risques, ou FCPR, au même titre que les actions, dans le cadre de notre objectif de redressement économique et pour faciliter la vie des entreprises.

En l’état de la rédaction du texte, les FCPR doivent, pour être éligibles, cumuler leurs propres contraintes d’investissement avec celles du PEA-PME. Or, ces dernières ne sont pas toujours compatibles avec les FCPR existants. Par exemple, les obligations convertibles sont considérées comme des titres de capital par les FCPR alors qu’elles sont considérées comme des titres de dette dans l’actuelle rédaction du PEA-PME. Les FCPR qui répondraient aux critères du PEA-PME risqueraient d’être de trop petite taille, car seuls les souscripteurs de PEA-PME y investiront, ce qui ne leur permettra par d’atteindre la taille critique. Cet amendement vise précisément à résoudre ce problème.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous partageons la préoccupation de M. Grandguillaume, à ceci près que son amendement étend l’accès des PEA-PME non seulement aux FCPR et aux FPCI, mais aussi aux sociétés de capital-risque, ce qui ne semble pas souhaitable. Puisqu’il serait difficile de le sous-amender sur le champ, peut-être le Gouvernement pourrait-il le reprendre en deuxième lecture, après en avoir restreint le champ d’application ? Telle est en tout état de cause l’analyse qu’en a fait la commission des finances, réunie ce matin au titre de l’article 88 du règlement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y aura donc une deuxième lecture ? (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il va de soi que le Gouvernement est tout à fait prêt à donner suite à la proposition de M. le rapporteur général faisant écho à l’amendement de M. Grandguillaume. Je rejoins pleinement l’argumentation du rapporteur général, et vous l’avez d’ailleurs dit vous-même, monsieur le député : pour être éligibles au PEA-PME, les parts de FCPR doivent cumuler leurs propres contraintes avec celles du PEA-PME, ce qui peut sembler excessif, voire impossible. Cependant, votre amendement rendrait également éligibles au PEA-PME des sociétés qui ne sont aucunement investies en actions, ce qui entrerait en contradiction avec l’objet même de ces plans d’épargne.

Cela étant dit, je comprends votre préoccupation. La rédaction de votre amendement demande à être affinée, et je propose que nous poursuivions ensemble ce travail commun à un stade ultérieur de la discussion budgétaire ; en attendant, je suggère le retrait de l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume.

M. Laurent Grandguillaume. J’accepte de retirer cet amendement à la condition que nous y travaillions de nouveau : je serai tenace et veillerai à ce qu’il aboutisse.

Mme Marie-Christine Dalloz. Quelle preuve d’autorité !

(L’amendement n811 rectifié est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 738, 767, 739 et 740, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n738.

M. Hervé Mariton. Cet amendement vise à rendre éligibles au financement par un PEA-PME les titres émis par des entreprises cotées sur EnterNext.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n767.

M. Jean-Christophe Fromantin. Cet amendement vise à nouveau à assouplir les conditions d’éligibilité au PEA-PME en n’exigeant des entreprises qu’elles ne remplissent que deux des trois critères imposés –effectifs de 5 000 personnes, capitalisation de 2 milliards et chiffre d’affaires de 1,5 milliard.

Cette mesure d’assouplissement est fondamentale, tant les modèles économiques varient profondément selon les entreprises et les secteurs, qu’il s’agisse des transports, de la sous-traitance, des loisirs, des services informatiques ou encore de la distribution. Or, la combinaison des trois critères prive de facto de nombreuses entreprises de la facilité de financement que représente le PEA-PME. En ne retenant que deux des trois critères, les entreprises pourront en profiter davantage.

Au fond, nous partageons tous la même préoccupation : que les entreprises puissent accroître leurs marges pour innover, pour se développer et pour anticiper les éventuelles difficultés qui seraient liées au marché mondial. Puisque nous sommes d’accord sur le fait qu’il faut aider les entreprises en accroissant leur capitalisation et en renforçant leurs capacités de développement et d’investissement, nous ne saurions dès lors nous satisfaire d’un système de critérisation trop fermé. En effet, les critères retenus sont ceux de l’INSEE ; ils sont donc davantage de nature statistique que de nature économique. Au contraire, il faut ouvrir le jeu afin d’y intégrer des entreprises qui participent à la création d’emplois et au développement de la France. De nombreux secteurs, évoqués ces derniers temps dans la presse, sont exclus du mécanisme en raison de leur fonctionnement économique : les transports, l’agro-alimentaire, la distribution, les équipementiers ou encore les loisirs sont tous concernés. Il est donc important d’assouplir les critères d’éligibilité tels qu’ils sont actuellement prévus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Avis défavorable. L’amendement n738 vise à élargir le champ des entreprises éligibles en proposant une solution certes innovante, mais je suggère que l’on s’en tienne aux critères définis par l’INSEE – et ce d’autant que la rédaction de l’amendement est ainsi formulée qu’elle restreint en réalité l’éligibilité puisque l’oubli d’un mot conduit à ajouter un critère supplémentaire. La commission est également défavorable à l’amendement n767, pour les mêmes raisons.

M. le président. Deux autres amendements étaient inscrits en discussion commune, les amendements nos 739 et 740 et de M. Mariton. Je considère qu’ils ont été défendus et que l’avis de la commission est identique.

Quel est l’avis du Gouvernement sur ces quatre amendements ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le cumul des trois critères conduit à écarter certains types d’entreprises en raison de leurs caractéristiques économiques, qui ne dépendent pas d’un choix, mais de la nature de l’activité, selon par exemple qu’elle est plus ou moins capitalistique. C’est le développement des entreprises qui importe. Ne retenir que deux des trois critères permet de rendre éligibles de nombreuses entreprises qui, au total, représentent une capitalisation boursière de 25 milliards d’euros et 580 000 salariés – c’est donc loin d’être négligeable !

Par ces critères, le Gouvernement veut encourager le développement des grosses PME. Toutefois, monsieur le rapporteur général, les critères de l’INSEE ne sont pas des critères économiques et sont même tout à fait arbitraires ! Pourquoi en effet fixer le seuil de l’effectif à 5 000 salariés plutôt qu’à un millier de plus ou de moins ? Une plus grande souplesse est indispensable.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Vous avez, monsieur le président, considéré que les amendements n739 et 740 étaient défendus et, en effet, le débat est le même. L’économie d’aujourd’hui nous conduit à envisager la définition d’une entreprise de taille intermédiaire de diverses manières. Le cumul des critères permet certainement de restreindre le champ du dispositif plutôt pertinent que le Gouvernement a à l’esprit. Cela étant, si l’enjeu est de répondre aux besoins de l’économie et de permettre au dispositif de se déployer dans toute sa cohérence et son intelligence, il n’y a dès lors aucune raison de s’enfermer dans le cumul des trois critères. Vous pourriez craindre que le résultat dépasse l’ambition affichée ; si deux des trois critères sont remplis, je ne crois pas que ce sera le cas.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je vous rappelle l’objet de l’article : il s’agit de relever le plafond du PEA classique, qui passe de 132 000 à 150 000 euros, et de prévoir un élargissement supplémentaire pour une certaine catégorie d’entreprises. Or, sur ce point, l’élargissement de l’accès au PEA créerait naturellement un effet d’éviction qui nous empêcherait de cibler les plus petites des entreprises, puisque c’est le but. Le dispositif que nous souhaitons est simple : le plafond de 150 000 euros s’applique à toutes les entreprises et un surplus en titres est prévu pour les plus petites d’entre elles, les moyennes et les ETI. Si l’on appliquait ce surplus à l’ensemble des entreprises ou si l’on élargissait – parfois beaucoup – le champ d’éligibilité conformément à l’objectif de ces amendements, l’effet recherché qui consiste à favoriser le financement en fonds propres des plus petites entreprises ne pourrait plus être atteint.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je partage pleinement le point de vue de M. le rapporteur général. Aujourd’hui, les PEA sont ouverts à toutes les entreprises. La question s’est donc posée de savoir comment faire bénéficier particulièrement les petites et moyennes entreprises de ce dispositif ? L’élargissement des critères risque de nous faire subir la critique de l’éviction telle que la subit aujourd’hui le PEA de droit commun. Pour ma part, j’aurais plutôt déposé des amendements allant dans le sens de la restriction des critères !

Mme Marie-Christine Dalloz. Oui, il faut plutôt les durcir !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je saisis cette occasion pour rappeler au Gouvernement, qui en est bien conscient, à quel point nous devons être attentifs aux montages d’optimisation qui utilisent le PEA-PME pour le secteur non coté.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bien sûr !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. J’ai eu connaissance de dossiers de PEA dans lesquels sont logées des plus-values complètement artificielles pour des montants colossaux ! Il faudra donc veiller à mettre en place un dispositif efficace de lutte contre ce type d’optimisation car, à l’heure actuelle, nous ne traitons pas la question des plus-values : il existe en effet depuis 1998 un plafonnement sur les produits, mais pas sur les plus-values. Peut-être M. de Courson se souvient-il de la longue discussion que nous avions eue à ce sujet voici quelques années, lors du dépôt par M. Jean Arthuis d’un amendement en commission mixte paritaire. Il faut de nouveau envisager comment résoudre ce problème.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je serai bref, car le rapporteur général et le président de la commission des finances viennent d’évoquer très précisément les sujets qui préoccupent le Gouvernement. Le rapporteur général m’a d’ailleurs saisi, il y a quelques jours, d’un courrier destiné à poser les problèmes d’optimisation que vient d’évoquer le président Carrez. Je veux dire la totale disponibilité du Gouvernement pour y réfléchir très rapidement afin de pouvoir les évoquer à l’occasion du collectif qui viendra en discussion dans quelques jours devant notre assemblée.

J’irai dans le sens du rapporteur général : nous avons aujourd’hui, à travers le PEA, qui est ouvert aux grandes entreprises, et le PEA-PME avec son compartiment de 75 000 euros que nous avons créé, une palette d’instruments très diversifiés permettant de répondre à bon nombre de préoccupations pour ce qui est du financement de l’économie.

Je comprends les interrogations d’Hervé Mariton et de Charles de Courson concernant la nécessité de toujours faire plus pour assurer le financement de l’économie dans des conditions optimales. Mais je crois qu’à travers les outils dont nous nous sommes dotés, sous réserve que nous traitions la question de l’optimisation que vous venez d’évoquer, nous serons en situation de présenter à ceux qui veulent investir, aux PME-PMI, aux ETI, ainsi qu’aux grandes entreprises, des conditions de financement exceptionnelles et modernisées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. L’esprit de cet amendement était de mettre de la cohérence et de ne pas privilégier un secteur plutôt qu’un autre.

Vous comprenez bien que la construction même de cette critérisation va faire que les entreprises, dans le domaine de la technologie, par exemple, seront avantagées puisqu’elles ont un besoin capitalistique fort, mais peu de main-d’œuvre, par rapport aux entreprises de l’agroalimentaire, aux équipementiers automobiles ou aux grandes entreprises de loisirs, qui ont à la fois besoin de main-d’œuvre et d’un renforcement de leurs fonds propres.

L’objectif de cet amendement est d’appeler votre attention, chers collègues, sur une iniquité : les critères sont les mêmes pour tout le monde, alors que les modèles économiques ne sont pas les mêmes. En France, il est nécessaire de renforcer des filières en extrême difficulté, comme les équipementiers automobiles dont l’histoire et l’héritage en termes d’emplois sont fondamentaux, comme les entreprises du secteur agroalimentaire – je ne vous rappelle pas l’actualité concernant ce secteur ! –, ou encore comme les entreprises de loisirs, eu égard à nos territoires et à leurs atouts dans ce domaine.

Pour ma part, c’est l’iniquité que provoque le maintien des trois critères qui m’interpelle davantage que les arguments concernant les PME, les ETI etc. Si l’on considère que les ETI sont stratégiques, l’équité voudrait que l’on retienne deux critères sur trois, faute de quoi vous allez retirer de cette disposition des entreprises dont nous avons besoin aujourd’hui pour maintenir le développement économique et l’emploi.

(Les amendement no738, 767, 739 et 740, successivement mis aux voix, de sont pas adoptés.)

(L’article 53 est adopté.)

Article 54

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, inscrit sur l’article 54.

M. Lionel Tardy. La remise du rapport de la Cour des comptes sur le crédit d’impôt recherche a suscité beaucoup de réactions.

Le chiffre choc de 2,7 milliards d’euros de dépenses prévues, contre 5 milliards d’euros réellement consommés pour environ 18 000 bénéficiaires a, bien sûr, retenu toute notre attention lors de l’audition du président de la troisième chambre de la Cour des comptes, le 11 septembre, en commission des finances.

Pour ma part, je suis étonné qu’aucune évaluation n’ait eu lieu depuis 2008. Quoi qu’il en soit, la modification du CIR proposée ici est bénéfique, mais à la marge. Il y a de quoi améliorer le dispositif, et c’est ce que je proposerai à travers mes amendements que nous examinerons après cet article.

Cependant il faut le faire en gardant à l’esprit plusieurs éléments. Le CIR ne doit pas être source de fantasmes. L’optimisation fiscale que certains voient à travers lui – cela a été le cas lors des débats en commission des finances – doit être relativisée. Cette accusation est exagérée. Plusieurs associations de conseil sont en train de mettre en place une charte de déontologie et c’est une bonne chose.

Il y a bien un risque d’optimisation et il faut, dans ce cas, renforcer les contrôles… Cela a été fait, mais surtout dans les PME ! C’est un comble, car elles n’ont souvent pas les ressources internes et sont dans l’incertitude lorsqu’elles demandent un remboursement au titre du CIR… Pourtant, ce sont elles qui sont stigmatisées par les contrôles… Allez comprendre !

On est loin de la fraude généralisée au CIR. Ce n’est pas par ce biais qu’il faut envisager sa modification. En revanche, il faut améliorer le dispositif et le rendre plus attractif pour les PME et plus lisible.

M. le président. La parole est de nouveau à M. Lionel Tardy, cette fois pour soutenir l’amendement n690.

M. Lionel Tardy. Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faut réformer le CIR. Mais au-delà de la modification à la marge effectuée dans cet article – et qui a du sens, je le répète –, il serait opportun que le Gouvernement effectue cette réforme lors du prochain projet de loi de finance au plus tard. En effet, les acteurs bénéficiaires ou souhaitant bénéficier du CIR nous alertent sur plusieurs problèmes.

D’abord, la complexité du dispositif. C’est cette complexité qui constitue un frein pour les PME et qu’il faut lever. Force est de constater que les PME ont du mal à exploiter les possibilités que leur offre le CIR, contrairement aux grands groupes. C’est un point sur lequel il faut absolument travailler, car le CIR joue bien son rôle, il n’y a pas de doute à ce propos. C’est un outil efficace, alors, autant qu’il bénéficie à tous ceux qui en ont besoin, petites et moyennes entreprises comprises.

Certes, il coûte cher, mais si l’on rapporte ce chiffre au taux de financement des PME, c’est un outil crucial pour elles. Les ruptures innovantes viennent généralement des TPE et des PME, ne l’oublions pas.

Ensuite, il faut à tout prix stabiliser le dispositif, qui change de nouveau cette année. Une fois une réforme de fond effectuée à coût constant si ce n’est en baisse, le régime du CIR ne doit plus évoluer, pour éviter la situation d’incertitude qui règne aujourd’hui.

Je crois que le Gouvernement est conscient de cette nécessité. Je n’ai pas l’habitude de demander des rapports, mais j’espère que le Gouvernement, à l’issue de notre débat sur le CIR, sera incité à formuler des propositions, en concertation avec les acteurs du CIR, pour contribuer à son amélioration.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Défavorable.

Un rapport de plus ! Je n’ai pas fait le compte, mais dans la liasse d’amendements que nous allons examiner, on doit demander au moins une vingtaine de rapports !

La commission des finances a l’habitude de travailler et le Gouvernement joue la transparence en répondant à toutes les interrogations, qu’elles viennent du rapporteur général, du président ou des membres de la commission des finances.

Par ailleurs, fantasmes ou pas, notre position est claire sur le CIR : à ce stade, votre rapporteur général n’entend pas en modifier les règles d’application. Beaucoup d’arguments plaident en ce sens. Nous avons déjà eu ce débat il y a quelques jours dans cet hémicycle, et la position du rapporteur général n’a pas changé.

Je comprends l’esprit de votre amendement, monsieur Tardy, mais il n’y a pas de remise en cause du CIR. Voilà pourquoi je suis défavorable à votre demande d’un nouveau rapport.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Nous n’allons pas reprendre tous les débats. Toutefois, je crois comprendre qu’il y a une évolution de tonalité chez la majorité et le Gouvernement.

Dans la première partie du PLF, nous avons tout de même entendu, si ce n’est le rapporteur général – je lui en donne acte –, en tout cas un grand nombre de parlementaires de la majorité et le Gouvernement mettre en cause, en des termes assez inquiétants, l’avenir du CIR. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Damien Abad. C’est vrai !

Mme Valérie Rabault. Pas du tout !

M. Hervé Mariton. Rappelez-vous les propos que vous avez tenus dans la première partie, qui étaient extrêmement inquiétants et en contradiction avec l’engagement pris par le Gouvernement, après le rapport Gallois, d’assurer la stabilité de ce dispositif.

Sans vouloir allonger le débat, j’ai constaté dans la presse que, depuis, la majorité avait veillé à nous rassurer. Le Gouvernement peut-il profiter de la discussion de cet article pour nous dire ce qu’il en est ? Car en première partie, nous avons entendu le ministre évoquer la possibilité de remettre en débat, dans les mois qui viennent, des pans importants du crédit impôt recherche. Depuis, il me semble que les choses ont été corrigées et vont dans le bon sens. Le ministre peut-il le confirmer et nous rassurer ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. M. Mariton a déployé, dans la première partie, beaucoup d’énergie pour me faire dire des choses que je ne voulais pas dire sur le CIR et que je n’ai pas dites ! Ce que j’ai dit concernant le CIR, c’est que le Gouvernement, soucieux de stabilisation, ce dont les entreprises ont besoin, et du respect du pacte qu’il a scellé avec elles à travers le pacte de compétitivité…

M. Hervé Mariton. Voilà d’heureuses précisions !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je les avais déjà données en première lecture, monsieur Mariton…

M. Hervé Mariton. C’est mieux dit aujourd’hui ! (Sourires.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Non, j’avais employé les mêmes termes et le compte rendu en fait foi.

Vous vous entêtez à vouloir nous faire dire des choses que nous n’avons pas envie de dire. Par conséquent, vous posez, avec beaucoup de persévérance, des questions que vous nous avez déjà posées, en espérant ne pas avoir la même réponse. Pourtant, monsieur Mariton, je vous apporte la même réponse !

M. Hervé Mariton. Non, ce n’est pas la même réponse, et je vous en remercie !

(L’amendement n690 n’est pas adopté.)

(L’article 54 est adopté.)

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 54.

Après l’article 54

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 54.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n597.

M. Charles de Courson. Cet amendement a pour but de lutter contre la fraude.

La location de véhicules entre particuliers est un phénomène qui se développe en France, souvent via des réseaux internet. Je rappelle que la personne qui se livre à cette activité, même occasionnellement, est passible de l’impôt sur le revenu au titre des BIC – les bénéfices industriels et commerciaux. Encore faudrait-il que l’administration fiscale puisse accéder à ces échanges.

Notre amendement a pour objet de lutter contre la fraude, mais aussi de rétablir des règles normales de concurrence entre les réseaux officiels de location de véhicules et ces formes, qui se développent, de location privée ; nous voulons donner à l’administration fiscale les outils pour rétablir l’égalité entre tous.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Nous avons eu le débat en commission, monsieur le député. Nous avons considéré que vous souleviez un problème qu’il faudra traiter dans un avenir assez proche, mais il me semble que l’amendement que vous proposez, je crois que vous en êtes convenu, n’est pas très opérationnel et pose encore pas mal de problèmes au regard des qualifications. En outre, vous faites payer un impôt par celui qui est, en fait, l’intermédiaire, non le bénéficiaire. Tout cela pose des problèmes peut-être même plus que techniques.

Je serais heureux d’entendre l’avis du Gouvernement sur ce sujet, mais l’amendement tel qu’il est rédigé ne peut, à ce stade, que recevoir un avis défavorable s’il était maintenu, même si, je le confirme, il y a là une question à travailler.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur de Courson, vous proposez que les revenus tirés de la location d’un véhicule personnel par un particulier soient qualifiés de bénéfices industriels et commerciaux. Vous voulez contraindre les entreprises ou les sites internet à fournir tous les éléments utiles à l’administration et les rendre solidairement responsables du paiement des impôts, et ce afin de lutter contre la fraude.

Si je comprends parfaitement l’objet de cet amendement, je n’y suis pas pour autant favorable, pour des raisons que je vais expliquer rapidement.

Comme vous le rappelez vous-même dans votre exposé des motifs, la jurisprudence et la doctrine fiscale permettent d’ores et déjà de taxer en tant que BIC les revenus d’activités commerciales exercées à titre habituel, telle que la location de biens meubles. Les locations de véhicules sont naturellement concernées.

Dans tous les cas, l’appréciation du caractère habituel est effectuée, vous le savez, au cas par cas, ce qui permet d’appliquer avec discernement – c’est toujours mieux – la loi fiscale.

Il n’en irait pas de même si nous devions suivre les propositions de votre amendement, puisque ce serait qualifier de BIC les revenus tirés de locations purement occasionnelles, rémunérées par la seule participation à des frais, ce qui, compte tenu de la possibilité de déduire des charges, aboutit à un bénéfice net nul.

Par ailleurs, l’administration fiscale dispose déjà d’un droit de communication, auprès notamment des opérateurs de communication électronique et des sites de vente de biens ou de services en ligne. Vous le savez, les données qui peuvent être communiquées aux services fiscaux portent sur l’identité du vendeur, la nature des biens ou des services vendus, la date et le montant de ces ventes ou prestations. Je souligne en outre que le dispositif en vigueur concerne tout type de vente de biens ou de services, alors que la mesure que vous proposez, et dont, encore une fois, je comprends le sens, ne concerne qu’un seul et unique type de prestation. Pour l’ensemble de ces raisons, je suggère que l’on s’en tienne aux principes actuellement applicables.

Je vous propose donc de retirer votre amendement, sans quoi je serai obligé de lui donner un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Le sujet est en réalité bien plus vaste que ne l’a dit M. de Courson, puisqu’il ne concerne pas seulement les voitures, mais aussi les logements. Je ne parle pas des logements loués à l’année, mais de ces logements occupés par leur propriétaire – comme les voitures sont utilisées par leur propriétaire – et qui sont loués occasionnellement, pour le temps d’une journée, d’un week-end ou d’une semaine, souvent via internet.

Le problème est donc bien plus large, et il correspond à une tendance qui se développe de façon exponentielle, notamment chez les jeunes, mais pas seulement, puisque 48 % de la population disent utiliser ces systèmes de consommation collaborative, comme on les appelle, et 32 % disent vouloir s’y mettre – soit 80 % au total ! Nous avons devant nous un phénomène colossal, bien plus large que ne l’a dit M. de Courson, qu’il faudra examiner avec attention.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je suis conscient des imperfections que présente mon amendement, que le rapporteur général a pointées. Mais le but de cet amendement était de poser un problème, que notre collègue Éric Alauzet vient d’ailleurs de bien résumer : sans parler forcément d’économie souterraine, il faut reconnaître qu’il existe des formes d’économie qui échappent au champ de l’impôt. L’augmentation de la pression fiscale – notamment l’augmentation du taux de TVA au 1er janvier – va encore accentuer et accélérer le phénomène. Ce que j’espérais donc, monsieur le ministre, c’est que vous nous exposiez ce que vous entendez faire pour essayer, au moins, de redresser une partie de cette situation.

J’ai pris l’exemple des locations de véhicules, mais il est vrai que les mêmes problèmes se posent pour le logement et dans beaucoup d’autres domaines. Quelle est la politique du Gouvernement à l’égard de ces formes d’économie qui se développent et qui échappent totalement à l’impôt ? Je suis tout à fait prêt à retirer cet amendement, mais j’aimerais que vous me répondiez et que vous esquissiez des perspectives. Ce que je souhaite, c’est ouvrir un débat, le rapporteur général lui-même l’a bien dit.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Notre collègue Éric Alauzet l’a dit justement : il y a là un phénomène de société intéressant et fécond. Mais le risque existe aussi d’un certain nombre de dérives. Quelques années en amont, ces phénomènes étaient encore assez marginaux et très militants. Je ne suis pas sûr que le fonctionnement des monnaies locales, des systèmes d’échange local et de certaines formes de troc ait toujours été bien appréhendé d’un point de vue fiscal, mais ce n’était pas grave tant que ces phénomènes restaient marginaux. À présent qu’ils se développent, tantôt par choix idéologique – cela peut arriver –, tantôt parce qu’ils correspondent – et les deux ne vont pas nécessairement de pair – à certaines évolutions de la société, notamment pour les véhicules et certaines formes d’hébergement, de quelle manière votre ministère prend-il en compte ces sujets ? Peut-être ne s’est-il pas encore penché sur la question, qui n’est pas simple, mais, comme l’a très bien dit Charles de Courson, le danger est réel de voir se développer une économie grise et, avec elle, des inégalités.

On pourrait se dire que, compte tenu du niveau de la fiscalité en France, le développement de l’économie grise est inévitable. Pour notre part, nous ne nous résignons pas à cette évolution d’un cœur trop léger. Pour autant, dès lors qu’elle entre manifestement en résonance avec certaines évolutions de la société, nous ne voulons pas non plus l’empêcher. Si nous voulons que ces échanges de pair à pair puissent avoir lieu, parce qu’ils répondent à une pulsion de la société et témoignent d’une certaine intelligence des choses, nous ne voulons pas qu’ils soient synonymes de récusation absolue de toute régulation sociale et de toute fiscalité. Nous demandons donc une régulation, mais une régulation intelligente, car nous ne pouvons pas faire comme s’il s’agissait d’entreprises ordinaires, ce qui n’est manifestement pas le cas. Le sujet n’est pas simple et nécessite un peu d’imagination. Comment, monsieur le ministre, avancez-vous sur ce terrain ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je remercie M. de Courson et M. Mariton pour cette question, qui nous préoccupe également, et je voudrais leur apporter une réponse qui soit la plus précise possible. Il existe, d’abord, des activités qui peuvent se développer par internet ou par tout autre truchement, et qui, par leur construction même, ont vocation à échapper à l’impôt : cela s’appelle de la fraude. La fraude est chassée par notre ministère, mais également par ceux de la justice et de l’intérieur, avec lesquels nous coopérons de manière d’autant plus étroite que le projet de loi de lutte contre la fraude fiscale, qui a été adopté par votre assemblée, renforce les liens et les articulations entre ces trois ministères. Ce que vous évoquez relève donc de la stratégie globale que nous avons engagée et qui porte ses fruits, de lutte contre la fraude fiscale des particuliers et des entreprises.

Un certain nombre de dispositifs de veille et d’intervention sont mobilisés par l’administration fiscale pour lutter contre cette fraude, que vous pointez dans votre amendement et dans vos propos. Ces dispositifs sont naturellement très respectueux de la totalité des règles relatives aux libertés publiques, auxquelles nous nous conformons scrupuleusement dans la mobilisation des moyens de lutte contre la fraude. Cela étant dit, je ne souhaite pas, pour des raisons que vous comprendrez aisément, indiquer les moyens que nous mobilisons pour lutter contre ce type de fraude, car en exposant publiquement nos modalités d’intervention, nous donnerions à ceux qui fraudent la possibilité d’échapper aux contrôles auxquels nous procédons.

En revanche, puisque vous êtes des parlementaires auxquels je dois préciser les choses, je suis tout à fait prêt à vous recevoir, en présence des services compétents, pour vous exposer le panel des travaux que nous conduisons et des interventions que nous menons pour mettre fin à ces procédés que vous pointez, qui contreviennent au droit et qui correspondent à autant de préoccupations du Gouvernement.

M. le président. Monsieur de Courson, l’amendement n597 est-il retiré ?

M. Charles de Courson. Il est retiré, monsieur le président.

(L’amendement n597 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n598.

M. Charles de Courson. Vous vous souvenez, mes chers collègues, que nous avions adopté un abattement de 50 % de la valeur locative sur les équipements des établissements industriels. Or, il se trouve que le dispositif, tel que nous l’avons rédigé, exclut les matériels acquis dans le cadre de réseaux de récupération de biogaz acquis et fabriqués depuis le 1er janvier 2011. Il est donc proposé d’ajouter ces matériels à la liste, afin notamment de favoriser l’essor de la production de biogaz, qui a bien du mal à se développer en France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement, puisque l’article 39 AB du code général des impôts prévoit un amortissement exceptionnel sur douze mois de certains matériels destinés à économiser l’énergie et les équipements de production d’énergies renouvelables. Pour être éligibles à ce régime, les biens doivent avoir été acquis avant le 1er janvier 2011, or l’amendement prévoit une exception à cette date butoir et tend donc à pérenniser un amortissement exceptionnel, ce qui n’est pas l’intention du Gouvernement. Il s’agit d’une niche éteinte et qui a vocation à le rester.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Monsieur de Courson, l’amendement n598 est-il retiré ?

M. Charles de Courson. Il l’est, monsieur le président.

(L’amendement n598 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n226.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, dans le cadre des Jeunes entreprises innovantes, chaque euro investi dans un projet de recherche éligible au crédit d’impôt recherche se voit retenu pour le double de son montant pour le calcul de CIR remboursé aux entreprises. Cet effort important consenti par la communauté pousse les entreprises à collaborer avec la recherche publique, établissant ainsi les passerelles scientifiques et techniques dont notre pays a besoin.

Mais dans le cas des JEI, l’incitation faite à la collaboration public-privé ne s’applique plus, en raison des difficultés d’interprétation de ce dispositif de la part des services fiscaux, qui ne prennent en compte que la nature des dépenses, non leur montant.

Nous proposons donc un amendement de clarification pour les JEI, dont le rôle n’est plus à démontrer en matière de recherche publique, en particulier avec la recherche universitaire. Il s’agit de confirmer et de rétablir l’esprit initial du législateur, en clarifiant le dispositif selon lequel, pour être qualifiée de JEI, l’entreprise doit réaliser, au titre de l’exercice, des dépenses de recherche représentant au moins 15 % des charges fiscalement déductibles au titre de ce même exercice.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet amendement, qui porte sur une question bien connue, a déjà été examiné les années précédentes. Pour bénéficier du statut de JEI, il faut que les dépenses de recherche s’élèvent à 15 %, mais prises à hauteur de leur coût réel. Vous faites l’amalgame avec les dépenses au titre du CIR, pour lesquelles un certain nombre de dépenses sont prises à hauteur de 200 % de leur montant. Certains se sont prévalus d’une interprétation du ministère de la recherche mais, en matière fiscale, c’est la doctrine du ministère du budget qui prévaut. Jamais il n’a été question d’appliquer des multiplicateurs aux dépenses de recherche, fussent-elles, dans d’autres domaines fiscaux, prises en compte à 200 %. Avis défavorable à cet amendement, qui a été traité et retraité, et qui serait maltraité s’il était maintenu. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Comme c’est beau !

M. Régis Juanico. On dirait du Raymond Devos !

(L’amendement n226, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n227.

Mme Laure de La Raudière. Cet amendement est identique au précédent, si ce n’est qu’il repousse la date d’application du dispositif au 1erjanvier 2015. Je sens qu’il va subir le même traitement que l’autre…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ce n’est pas sûr !

Mme Laure de La Raudière. …mais je permets tout de même d’appeler l’attention de mes collègues et de M. le ministre sur un sentiment que partagent aussi bien les dirigeants de jeunes entreprises innovantes que ceux de PME bénéficiant du crédit d’impôt recherche : lorsqu’ils sont éligibles à ce dispositif et qu’ils en bénéficient, ils ont automatiquement un contrôle fiscal dans les trois ans qui suivent.

M. Lionel Tardy. Tout à fait !

M. Henri Emmanuelli. C’est faux !

Mme Laure de La Raudière. L’État exerce un contrôle et une pression sur les PME innovantes, en particulier sur celles du secteur du numérique, qui ont parfois des difficultés à mettre en évidence leur activité de recherche, alors qu’elles en ont une, parce que la recherche en informatique est parfois plus difficile à qualifier que la recherche en biologie, par exemple, ou que la recherche dans le secteur industriel.

J’appelle vraiment votre attention sur ce sujet, car il s’agit d’un secteur qui est en croissance en France, un secteur où se jouent les enjeux de demain. J’ai envie que notre pays soit leader dans ce domaine, et que l’on ne voie pas les dirigeants de PME ou de start-up se délocaliser à Berlin, à Londres ou aux États-Unis pour développer leur savoir-faire, parce qu’ils ont l’impression d’être victimes en France d’une véritable chasse aux sorcières.

M. Henri Emmanuelli. C’est n’importe quoi et vous devriez avoir honte de véhiculer de telles assertions !

Mme Laure de La Raudière. Monsieur Emmanuelli, vous n’avez pas la parole ! Votre attitude est scandaleuse !

M. Régis Juanico. Oh, baissez d’un ton !

M. le président. Nous écoutons Mme de La Raudière et nul ne doit avoir honte des propos qu’il tient.

M. Henri Emmanuelli. C’est lamentable ! Vous êtes une irresponsable !

Mme Laure de La Raudière. C’est vous qui êtes irresponsable : c’est l’avenir du pays qui se joue !

M. Henri Emmanuelli. Vous avez vraiment fait toutes les poubelles !

Mme Laure de La Raudière. C’est lamentable !

M. le président. Monsieur Emmanuelli, je vous en prie ! Nous avons bien commencé la matinée et nous allons essayer de continuer de la même manière. Chacun peut s’exprimer dans cette enceinte, fort heureusement !

Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Madame de La Raudière, je vous remercie pour votre exposé. Je ne ferai pas de mauvais jeu de mots sur le traitement que je souhaite lui infliger, avec le respect que je vous dois.

Vous proposez de reporter d’un an l’application d’un amendement similaire qui a été défendu par notre collègue Lionel Tardy et je vous ferai donc la même réponse.

Sur la deuxième partie de votre intervention, dont je peux comprendre le sens, je vous répéterai, comme cela a été dit tout à l’heure, que le CIR ne fait pas actuellement l’objet d’une remise en cause.

M. Christian Eckert, rapporteur général. La confiance que l’on peut avoir dans le crédit impôt recherche, qui représente un atout important pour notre pays, passe effectivement par le contrôle que les dépenses qui sont comptabilisées par les entreprises au titre de la recherche soient bien validées comme telles. Il n’y a pas de poursuites particulières sur ce point.

Mme Laure de La Raudière. C’est pourtant ce que l’on constate !

M. Christian Eckert, rapporteur général. S’agissant de toute façon de questions d’ordre réglementaire et relevant de l’organisation de l’administration, je laisserai bien entendu le soin au ministre de préciser les choses, mais le législateur n’a pas l’intention de susciter un contrôle particulier sur les entreprises, qu’il s’agisse de jeunes entreprises innovantes ou de celles demandant à bénéficier du CIR.

Avis défavorable à cet amendement, pour les raisons qui nous ont amenés à repousser l’amendement précédent.

M. Henri Emmanuelli. En plus, elle est contente d’elle !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la députée, je voudrais vous donner un ensemble d’arguments pour que vous puissiez faire connaître à ceux, très minoritaires, qui viennent vous solliciter dans les termes que vous avez indiqués, toutes les raisons qu’ils ont de ne pas faire ce qu’ils se proposent de faire, c’est à dire partir – si tant est que cela soit vrai.

Nous avons adopté plusieurs dispositions dans le projet de loi de finances pour 2014. Il a été décidé d’un nouveau régime des plus-values immobilières, bien plus avantageux pour ceux qui investissent dans les PME-PMI et qui prennent des risques que celui qui existait lorsque vous étiez aux responsabilités. Ce nouveau dispositif a été arrêté au terme des assises de l’entrepreneuriat organisées par la ministre Fleur Pellerin. Elles ont réuni autour de la table l’ensemble des acteurs du secteur des PME, PMI et ETI afin de trouver un dispositif qui stabilise la fiscalité pour ceux qui investissent dans les PME, PMI et ETI innovantes.

Comme vous le savez, le nouveau dispositif de plus-values de valeurs mobilières fait l’objet d’un consensus fort. Nous avons modifié le dispositif relatif aux jeunes entreprises innovantes. Je rappelle que la majorité précédente avait décidé de revoir la dégressivité des cotisations applicable à ces jeunes entreprises innovantes. Au terme des assises de l’entrepreneuriat, nous avons adopté un dispositif beaucoup plus favorable que celui qui existait auparavant pour les jeunes entreprises innovantes, en revenant sur les modalités de dégressivité des cotisations qui avaient été décidées par la précédente majorité.

Mme Laure de La Raudière. Non ! Cela a été fait en loi de finances !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous avons retenu un dispositif qui favorise, par la prise en compte des amortissements, l’investissement dans les PME-PMI qui procèdent à des innovations en termes de robotisation, parce que nous avions des retards majeurs face à l’Allemagne.

Nous allons présenter dans le projet de loi de finances rectificative un dispositif de capital-investissement d’entreprise, ou corporate venture, qui permettra aux grandes entreprises d’intervenir dans les PME-PMI en disposant d’un régime d’amortissement favorable.

Nous avons décidé de créer un nouveau compartiment PEA-PME de 75 000 euros.S’agissant du PEA classique, le plafond en a été augmenté afin d’ouvrir un panel de financement aux entreprises qui ont des difficultés pour augmenter leurs fonds propres dont elles ne bénéficiaient pas jusqu’à présent.

Compte tenu de ce que nous faisons, je pense que nous pouvons, ensemble, par-delà ce qui nous sépare, envoyer des signaux positifs à ceux qui investissent, qui créent de la richesse, qui développe de l’activité. Parce que comme vous l’avez dit, madame la députée, il y va de l’intérêt national. Avis défavorable.

M. Henri Emmanuelli. Très bien !

(L’amendement n227 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n651 rectifié.

M. Damien Abad. Il s’agit d’un amendement de notre collègue Jean-Pierre Gorges…

Mme Laure de La Raudière. Et de Laure de La Raudière !

M. Damien Abad. …ainsi que de Laure de La Raudière, et d’autres collègues. L’idée est de rapprocher le statut de l’auto-entrepreneur et des artisans. Sur ce sujet, vous avez tout raté.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Oh ! Quelle amnésie !

M. Damien Abad. Vous avez voulu opposer les artisans aux auto-entrepreneurs en prétendant ainsi récupérer les artisans. Aujourd’hui, au vu des critiques adressées à votre politique fiscale, vous les avez également perdus. En fait, les auto-entrepreneurs sont aussi des artisans.

M. Régis Juanico. Ah bon ?

M. Damien Abad. Eh oui, et vous savez qu’il y a aussi beaucoup de retraités, d’étudiants et d’activités de complément.

M. Régis Juanico. Allez le dire à la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment !

M. Damien Abad. Je connais très bien la CAPEB, puisque le président national est issu de mon département, cher collègue. Contrairement à vous, ils évitent les discours caricaturaux, et ils pensent aussi que ceux qui créent des entreprises n’ont pas à être opposés les uns aux autres, mais qu’il faut au contraire une politique convergente.

M. Régis Juanico. Ce n’est pas ce qu’ils nous disent !

M. Damien Abad. Nous vous proposons de faire converger les statuts des auto-entrepreneurs et des artisans, non pas dans le sens de la complexification, mais vers la simplification. Vous savez que le régime d’auto-entrepreneur est caractérisé par la facilité de la création d’entreprise, une comptabilité simplifiée, et un régime de cotisations avantageux.

Notre volonté est d’harmoniser par le haut, c’est-à-dire faciliter et simplifier le statut des artisans plutôt que de faire l’inverse, c’est-à-dire complexifier et casser un régime qui marche, celui des auto-entrepreneurs. Si le régime des auto-entrepreneurs pose effectivement une difficulté dans le secteur du bâtiment qu’il convient de résoudre, on ne sait plus ce que le Gouvernement veut faire de ce régime. Il faut des clarifications, et cet amendement vous propose d’harmoniser ces régimes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mes chers collègues, je souhaite vous appeler à un peu de responsabilité. Cet amendement, vous l’indiquez vous-mêmes dans l’exposé sommaire, aurait un coût estimé à 2,5 milliards d’euros en année pleine. Ce n’est pas le rapporteur général qui fait cette évaluation, c’est vous-même qui l’écrivez. Est-il sérieux, alors que vous nous avez laissé des déficits abyssaux, de proposer ici un amendement dont le coût pour les finances publiques est de 2,5 milliards d’euros ?

M. Damien Abad. Dans trois ans !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Sur le fond, le régime des auto-entrepreneurs, que vous avez inventé, crée une concurrence que tous les artisans, notamment la CAPEB et l’UPA, dénoncent. Nous tentons donc de corriger ces distorsions de concurrence. Mais prétendre que toutes les nouvelles entreprises, pendant trois ans, vont bénéficier sans plafonnement du régime fiscal particulièrement avantageux que vous avez mis en place, c’est irresponsable budgétairement, et même économiquement.

Pour finir, je tiens à rappeler que des travaux sont actuellement menés à ce propos. L’inspection générale de l’administration travaille sur le sujet des auto-entrepreneurs. Il me semble que notre collègue Laurent Grandguillaume mène également un travail et des propositions seront faites, si ce n’est pour rapprocher, au moins pour éviter que les dispositifs de l’auto-entreprise et de l’artisanat ne se trouvent en concurrence déloyale, car c’est le cas aujourd’hui, nous l’entendons tous dans nos circonscriptions.

Je vous invite donc à retirer cet amendement. Un coût de 2,5 milliards, sans qu’il ne soit fixé de limite ou de plafond, je ne vais pas répéter les termes que j’ai employés, mais cela ne ferait pas de bien au solde budgétaire. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des arguments qui viennent d’être développés par le rapporteur général en réponse à l’amendement présenté par le député Abad et ses collègues. Lorsque l’on est soucieux de sérieux budgétaire – et on peut l’être au-delà de ce qui nous sépare dans cet hémicycle –et que ce sérieux budgétaire est d’autant plus accentué et déterminé que l’on se trouve maintenant dans l’opposition, et que l’on n’a pas été aussi sérieux lorsque l’on était dans la majorité, on peut s’abstenir de présenter des amendements à 2 milliards. Il faut pouvoir financer des amendements à 2 milliards, et je pense que personne, sur ces bancs, ne sait comment le faire. C’est un argument assez simple, mais je pense qu’il peut nous rassembler très largement.

Par ailleurs, monsieur Abad, vous évoquez le président de la CAPEB. Je l’ai reçu à plusieurs reprises au cours des derniers jours, car nous menons un travail en commun. Lorsque les représentants des artisans viennent à notre rencontre, ils nous disent plusieurs choses. Et comme le compte rendu de nos débats est publié, ils pourront vérifier l’adéquation entre ce que je rapporte et la réalité.

Ils nous disent tout d’abord que le statut des auto-entrepreneurs, tel qu’il a été développé, popularisé et mis en œuvre, pose un problème de concurrence avec les entreprises artisanales.

M. Lionel Tardy. C’était dans un autre contexte !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mais je ne suis pas ici pour soulever des arguments de politique politicienne, je vous rapporte les propos qu’ils me tiennent. Ils nous disent que cela leur pose un problème. C’était déjà le cas précédemment, et c’est aujourd’hui le cas de façon significative. Cela nous incite, de façon pragmatique, à chercher à régler cette question.

Ensuite, ils nous disent qu’ils souhaitent voir le Gouvernement accompagner leur action par des mesures concrètes. Il y en a de nombreuses dans le projet de loi de finances pour 2014, telles que le taux réduit de TVA sur le logement social et les petites réparations qui représente une dépense fiscale de 500 millions d’euros ; ou le taux réduit de TVA sur la rénovation thermique, sur lequel ils souhaitent bénéficier de notre concours. Ce taux réduit de TVA étant instauré pour favoriser la rénovation thermique, respecter nos objectifs au titre du plan climat et relancer l’activité des artisans, je leur ai indiqué que nous étions prêts à travailler sur ce sujet. Et lorsque nous travaillons avec les artisans pour bonifier, améliorer et rendre plus dynamique une disposition gouvernementale ce n’est pas, contrairement à ce que j’ai pu lire ce matin, un recul. C’est une volonté de travailler avec les acteurs économiques pour faire en sorte que l’économie redémarre.

Enfin, ils nous disent qu’ils veulent une stabilisation du dispositif fiscal et moins d’impôts par papier, c’est-à-dire une simplification. C’est précisément ce que nous sommes en train d’engager, en étroite liaison avec le Parlement, puisque vous savez que M. Grandguillaume s’est vu confier une mission à cet effet. Nous attendons beaucoup de cette mission, et nous avons d’ores et déjà pris des dispositions de simplification. Nous profiterons des conclusions de cette mission pour aller au-delà.

Voilà très concrètement et précisément ce que nous faisons. Pour conclure, monsieur Abad, je souhaiterais que nous nous fixions deux objectifs. Ce sont des objectifs de bon sens, et dans le contexte, des objectifs républicains.

Premièrement, essayons de ne pas présenter des amendements dont on sait qu’ils sont insusceptibles d’être financés. Ils peuvent faire plaisir à ceux qui nous regardent, mais ils n’ont aucune possibilité d’être adoptés à aucun moment : je rappelle qu’il s’agit d’une dépense fiscale de 2 milliards d’euros !

Deuxièmement, essayons de faire en sorte, si cela est possible, de ne pas créer de polémiques sur tous les sujets.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le ministre, il faut considérer cet amendement comme un amendement d’appel. Pour sa rédaction, nous n’avons pas eu l’aide de l’ensemble des services de Bercy. Le statut d’auto-entrepreneur a été plébiscité depuis sa création car il a apporté deux choses essentielles : la simplicité de création d’une entreprise, qui est une attente très forte ; et un paiement au mois le mois des charges sociales en fonction du chiffre d’affaires. Les Français sont très attachés à ce point, et c’est l’une des raisons pour lesquelles ce statut fonctionne si bien.

Nous aimerions aussi que l’impôt sur le revenu soit calculé de façon simplifiée en fonction du chiffre d’affaires. Plutôt que de supprimer ou limiter ces principes pour l’auto-entrepreneur, essayons de garder le statut de l’auto-entrepreneur tel qu’il existe et appliquons-le aux autres secteurs et aux autres entreprises qui auraient les mêmes seuils que le statut d’auto-entrepreneur.

Je suis d’accord que ce n’est pas ce qui figure dans l’amendement. Je l’ai rédigé avec Jean-Pierre Gorges, et je n’avais pas forcément tous les moyens nécessaires pour bien le faire, mais c’est le message que nous voulons faire passer au Gouvernement aujourd’hui, dans le cadre des projets de modification du statut d’auto-entrepreneur.

Pour vous montrer que nous sommes de bonne composition, je vous propose, si Damien Abad en est d’accord, de retirer cet amendement. Mais les Français sont attachés au statut d’auto-entrepreneur…

M. Henri Emmanuelli. Oh oui, beaucoup !

Mme Carole Delga. Surtout les artisans !

Mme Laure de La Raudière. …parce que c’est une innovation économique et sociale majeure. On a dit aux Français qu’il était simple de créer son entreprise et de se prendre en charge, et nous les avons encouragés à le faire. Cela, nous y tenons énormément.

M. Henri Emmanuelli. Chez moi, on n’est pas attaché à cela !

Mme Laure de La Raudière. Mais je m’en fiche, monsieur Emmanuelli, puisqu’on l’est dans le reste de la France !

M. Henri Emmanuelli. Vous représentez pourtant la nation dans son ensemble !

M. le président. Monsieur Emmanuelli, vous n’avez pas la parole. La parole est à M. Damien Abad.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, je suis à vos ordres !

M. le président. Je ne vous en demande pas tant, monsieur Emmanuelli ! (Sourires.)

M. Damien Abad. Monsieur le ministre, nous n’avons pas de leçons d’opposition à recevoir.

Il s’agit d’un amendement d’appel qui pose une vraie question, celle de la manière dont le Gouvernement a traité l’auto-entreprenariat en France. Monsieur le ministre, vous avez traité ce sujet de manière idéologique et non pragmatique : de ce fait, on ne sait plus où on en est aujourd’hui, et la réforme mise sur le tapis par Mme Pinel ne correspond à rien ! Vous le savez, beaucoup d’auto-entrepreneurs ont un chiffre d’affaires supérieur au plafond que vous proposez. Se pose aussi la question du contrôle fiscal, car de nombreux auto-entrepreneurs déclareront un chiffre d’affaires juste en dessous du plafond que vous allez instaurer, afin d’échapper aux mesures que vous voulez leur appliquer.

Effectivement, nous allons retirer cet amendement. Cependant, je veux préciser que le coût de 2,5 milliards d’euros ne serait pas généré au bout d’une année mais de trois.

Par ailleurs, le crédit d’impôt compétitivité emploi représente un volume financier considérable. Nous avons aussi beaucoup donné à La Poste ! Nous pourrions discuter des aides publiques données à l’entreprise par ce Gouvernement, ainsi que de la politique économique menée par ce dernier.

M. Jean-Pierre Maggi. Nous pourrions également discuter du CICE !

M. Damien Abad. Contrairement à ce que vous pouvez penser, chers collègues de la majorité, nous faisons preuve de responsabilité.

M. Henri Emmanuelli. Ah oui !

M. Damien Abad. Il y a un vrai sujet. J’entends bien ce que disent la CAPEB et l’ensemble des artisans de France sur les difficultés du secteur du bâtiment. Mais alors, allez jusqu’au bout de leurs revendications ! Sortez le bâtiment du dispositif de l’auto-entreprenariat !

M. Henri Emmanuelli. Déposez un amendement ! Qu’est-ce que vous attendez ?

M. Damien Abad. Vous ne pouvez pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Vous ne pouvez pas supprimer un régime parce qu’il existe un problème dans un secteur spécifique. Ce n’est pas le régime qui pose problème, mais l’existence d’un certain nombre de situations de concurrence déloyale dans un secteur particulier, celui du bâtiment.

M. Henri Emmanuelli. Sous-amendez !

M. Damien Abad. Pourquoi vouloir tout casser alors qu’un seul secteur pose problème ? Si vous voulez vraiment répondre aux revendications de la CAPEB – ce qui semble être votre intention –, il faut exclure le secteur du bâtiment du régime de l’auto-entreprenariat et non supprimer le régime en tant que tel.

M. Jean-Pierre Dufau. C’est vous qui avez inclus ce secteur dans ce régime !

M. Damien Abad. C’est une possibilité : à vous d’en prendre la responsabilité !

Enfin, monsieur le ministre, vous avez évoqué le taux de TVA applicable aux travaux de rénovation thermique. Mais vous avez peut-être entendu, comme moi, ce que disent tous les jours les artisans à propos du relèvement du taux de TVA dans le secteur du bâtiment. Si la politique fiscale était attractive pour les artisans, cela se saurait !

M. le président. Merci de conclure, monsieur Abad.

M. Damien Abad. Si la politique fiscale était attractive pour les auto-entrepreneurs, cela se saurait aussi ! L’amendement n651 rectifié est donc un amendement d’appel visant à vous demander de ne pas opposer les artisans aux auto-entrepreneurs : ce sont tous des créateurs de richesse, et il en manque beaucoup dans ce pays !

(L’amendement n651 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n13.

M. Lionel Tardy. Je défendrai en effet cet excellent amendement déposé par notre président de séance et beaucoup de mes collègues, dont Damien Abad.

Le I de l’article 72 D du code général des impôts, issu d’un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances rectificative pour 2012, permet simplement d’affecter la déduction pour aléas – la DPA – en cas d’acquisition de fourrages dans les six mois qui précèdent ou suivent la reconnaissance du caractère de calamité agricole. Cette disposition n’a qu’une vocation curative, et en aucun cas préventive. De plus, une telle mesure cumulée aux aspects systémiques d’un aléa climatique, comme la sécheresse en 2003 et en 2011, est de nature inflationniste sur le prix des fourrages car elle incitera à concentrer les achats sur les périodes de crises. Il est donc proposé d’utiliser la déduction pour investissement – la DPI – pour financer les stocks de fourrages.

M. Henri Emmanuelli. Ah oui, c’est une idée, ça !

M. Lionel Tardy. Toutefois, pour éviter les abus, le montant de ces stocks ne devra pas excéder un plafond proportionnel au cheptel détenu et fixé par décret. Par ailleurs, il ne pourra faire l’objet d’une reconstitution qu’en cas de calamité déclarée.

M. Henri Emmanuelli. De mieux en mieux ! Ce n’est pas sérieux, monsieur Le Fur ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Plusieurs amendements ont été déposés au sujet des DPI et DPA, qui sont toujours des questions compliquées. Normalement, les DPI concernent l’investissement : considère-t-on que l’acquisition et la production de stocks de produits ou animaux dont le cycle de rotation est supérieur à un an sont des investissements ?

Mme Carole Delga et M. Henri Emmanuelli. Non !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Franchement, je crois que ce n’est pas le cas !

M. le président. En l’espèce, nous parlons de la DPA, monsieur le rapporteur général.

M. Lionel Tardy. En effet, nous parlons de la DPA ! La DPI, c’est après !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je crains que l’amendement n13 ne prévoie l’extension de la DPI à l’acquisition et à la production de stocks de fourrages, monsieur le président.

M. Henri Emmanuelli. Enfin, monsieur le président… Vous ne savez plus ce que vous écrivez !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je ne crois pas que considérer les stocks de produits ou animaux dont le cycle est supérieur à un an comme un investissement soit de bon aloi. Par ailleurs, cette mesure serait coûteuse.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas sérieux !

M. Christian Eckert, rapporteur général. D’un point de vue plus technique, la rédaction de cet amendement est assez peu compréhensible, même si j’en ai compris l’intention.

De plus, un amendement du Gouvernement adopté l’année dernière a déjà rendu possible l’utilisation de la déduction pour aléas – cette fois, nous parlons bien de la DPA, monsieur le président – pour l’acquisition de fourrages, mais uniquement en cas de calamité agricole. Il n’y a donc pas lieu de retenir cet amendement : avis défavorable.

(L’amendement n13, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n14.

M. Lionel Tardy. Cet amendement propose de pouvoir utiliser la DPI de manière limitée pour certains investissements vertueux. Il s’agit d’encourager la mise aux normes des bâtiments d’élevage, les dispositifs économes en produits phytosanitaires ou les installations destinées à économiser l’énergie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’amendement est connu : avis défavorable.

(L’amendement n14, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n15.

M. Lionel Tardy. Il est défendu.

M. Charles de Courson. Avec passion ! (Sourires.)

(L’amendement n15, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n16.

M. Lionel Tardy. Le montant global de 27 000 euros prévu à la fin du premier alinéa de l’article 72 D ter du code général des impôts est trop faible eu égard aux plafonds cumulés actuels de la DPI et de la DPA : nous proposons donc de l’augmenter.

(L’amendement n16, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 418 et 465.

La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n418.

M. Denis Baupin. Plusieurs amendements identiques ont été déposés par des représentants de plusieurs groupes, même si certains de nos collègues n’ont pu être présents ce matin pour les défendre.

Ces amendements font suite à des discussions que nous avons déjà eues lors de l’examen du précédent PLF. Face aux problèmes de mobilité de nos concitoyens et aux enjeux climatiques et de consommation énergétique, ils visent à favoriser les mobilités douces et prévoient donc la mise en place de soutiens à ces dernières, notamment aux déplacements à vélo.

Il existe aujourd’hui des dispositions fiscales octroyant des aides aux salariés qui se déplacent en voiture, qui peuvent bénéficier d’une indemnité kilométrique pouvant atteindre 200 euros par an. En revanche, s’ils font le choix d’un déplacement à vélo, aucune aide ni aucun dispositif ne permet de les soutenir. Il est donc proposé d’adopter une mesure mise en place depuis quinze ans en Belgique, qui fonctionne très bien et a encouragé les déplacements à vélo : il s’agit de la création d’une indemnité kilométrique.

En l’occurrence, le présent amendement vise à soutenir les entreprises qui décideraient d’adopter ce dispositif, qui resterait facultatif dans le cadre des plans de déplacement des entreprises ou des administrations, par le biais d’une réduction d’impôt sur les sociétés, sur le même modèle que ce qui existe déjà concernant les véhicules automobiles.

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour soutenir l’amendement n465.

M. Jacques Krabal. Je veux ajouter quelques précisions complémentaires sur l’expérience intéressante menée en Belgique depuis 1999. Grâce à ce dispositif, le vélo est devenu l’un des outils clés du report modal de la voiture vers les transports publics, dans un rayon de cinq voire dix kilomètres autour des gares. Une telle mesure a transformé complètement les déplacements domicile-travail, en encourageant l’utilisation non seulement du vélo, mais également des transports publics dès lors que ces derniers sont adaptés au transport des vélos. L’adoption de cet amendement serait donc de bon ton au moment où nous parlons tous de volonté de changer les habitudes en matière de transport.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous avons déjà passé beaucoup de temps, l’an dernier, à examiner ces amendements sur les vélos.

M. Denis Baupin. Et ils reviendront, encore et encore !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce sont des marronniers !

M. Charles de Courson. Vous pédalez, monsieur Baupin ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Monsieur Baupin, je ne vous ai pas interrompu pendant que vous présentiez votre amendement.

Ces deux amendements identiques proposent de créer, au profit des entreprises redevables de l’impôt sur les sociétés, une réduction d’impôt égale à leur participation au versement d’indemnités kilométriques aux salariés au titre de leurs trajets domicile-travail effectués à vélo. Cette réduction serait plafonnée à 200 euros par salarié. Une telle mesure pourrait engendrer des problèmes de contrôle.

Mme Marie-Christine Dalloz. En effet !

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’année dernière, il avait aussi été imaginé la création d’une réduction d’impôt pour l’achat par les entreprises d’une flotte de vélos.

Des incertitudes pèsent sur la mise en œuvre, les effets et le coût de cet amendement, sans parler des questions d’égalité ou d’inégalité en fonction de l’existence ou non de zones de déplacement agréables pour les vélos, connues sous le nom de pistes cyclables. La situation est différente dans les villes et dans nos belles campagnes.

Quel serait donc le coût de cette mesure ? Pourquoi exclure les entreprises non redevables de l’impôt sur les sociétés, comme le prévoient ces amendements ? Plus fondamentalement, faut-il toujours apporter une réponse fiscale aux questions environnementales ?

Je demande donc le retrait ou, à défaut, le rejet de ces amendements. J’aurai l’occasion de m’exprimer davantage sur ce sujet, qui ne manquera pas de revenir dès aujourd’hui et probablement – puisque vous le dites, monsieur Baupin – les années suivantes. En tout cas, pour l’instant, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Monsieur Baupin, retirez-vous votre amendement ?

M. Denis Baupin. Bien sûr que non, monsieur le président. Cet amendement a également été déposé par des collègues des groupes SRC, UMP et RRDP qui partagent mon point de vue.

Je souhaite répondre aux arguments du rapporteur général : si nous défendons ces amendements, c’est bien pour avoir ce dialogue ! Je suis surpris que M. Eckert ait évoqué les différences en termes d’existence de réseaux cyclables à proximité des lieux de travail pour affirmer que cette mesure serait discriminatoire. Se pose-t-on la même question pour les salariés se déplaçant en voiture ? Suggérez-vous donc, monsieur le rapporteur général, que l’indemnité kilométrique existant pour l’automobile soit modifiée en fonction de la présence, à proximité du domicile du salarié, d’autoroutes, de routes à grande circulation, d’embouteillages ?

M. Jean-Pierre Dufau. Cela n’a rien à voir !

M. Denis Baupin. Je ne vois pas très bien pourquoi ces arguments ne pourraient pas être appliquées aux déplacements automobiles, à moins que vous ne suggériez, monsieur le rapporteur général, de supprimer l’indemnité kilométrique pour l’automobile, puisque vous ne souhaitez pas créer de discriminations ! Dans ce cas, je pourrais vous suivre, au moins dans la cohérence du raisonnement qui consisterait à ne vouloir favoriser aucun mode de déplacement.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, vous avez prétendu ne pas connaître le coût de cette mesure. Je suggère au ministre du budget de s’adresser à son collègue en charge des transports…

M. Henri Emmanuelli et M. Jean-Pierre Dufau. Et que fait-on pour les patins à roulettes ? (Sourires.)

M. Denis Baupin. Mes chers collègues, nous avons écouté d’autres discussions qui ne nous intéressaient pas forcément autant que celle-ci. Les amendements déposés par des collègues de tous les groupes – je le rappelle – méritent autant de respect que ceux qui ont été examinés précédemment, qui ne me paraissaient pas tous aussi intéressants. Mais chacun a son point de vue : je me permets donc de poursuivre, et de continuer à défendre mon opinion.

S’agissant donc du coût de ces amendements, une étude a été réalisée par le ministère des transports. J’ai demandé au ministre des transports si elle pouvait être rendue publique, ce qui nous permettrait d’avoir plus de précisions sur cette mesure et répondrait peut-être aux interrogations du rapporteur général. Cela nous éviterait de nous entendre répondre, à chaque fois, que l’on ne connaît pas le coût de ces amendements ! L’étude du ministère des transports devrait nous permettre de connaître le coût de cette disposition pour la collectivité, de même que ses avantages en termes d’emploi, de santé publique, d’environnement et d’économies d’énergie.

Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.

(Les amendements identiques nos 418 et 465 ne sont pas adoptés.)

M. Denis Baupin. C’était serré !

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2014 : suite de l’examen des articles non rattachés.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron