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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 25 novembre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Denis Baupin

1. Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014

Présentation

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Bérengère Poletti, suppléant M. Laurent Marcangeli, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales

Motion de rejet préalable

M. Jean-Pierre Door

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée

Mme Martine Carrillon-Couvreur

M. Denis Jacquat

Motion de renvoi en commission

M. Jean-Pierre Barbier

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée

M. Olivier Véran

M. Dominique Tian

Discussion générale

M. Jean-Marc Germain

Mme Bérengère Poletti

M. Arnaud Richard

M. Jean-Louis Roumegas

Mme Dominique Orliac

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Fanélie Carrey-Conte

M. Dominique Tian

M. Gérard Sebaoun

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Première partie

Article 1er

Article 2 et annexe A

Vote sur l’ensemble de la première partie

Deuxième partie

Article 3

M. Denis Jacquat

Amendement no 245

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Article 4

Amendement no 178 rectifié, 12, 13 et 179

Article 5

Article 6

Amendements nos 283 , 288

Article 7

Amendement no 284

Vote sur l’ensemble de la deuxième partie

Troisième partie

Article 8

M. Denis Jacquat

Amendements nos 82 , 132 , 150 , 2

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

Article 8 (suite)

Amendements nos 84 , 3 , 85

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

M. Jean-Marc Germain

Mme Danièle Hoffman-Rispal

Article 8 (suite)

Amendements nos 4, 86, 5 et 87 , 81 , 96 , 6, 91, 7 rectifié, 88 rectifié, 8 deuxième rectification et 89 rectifié , 80 , 9 et 90 , 10 , 92 , 93 , 292

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014

Nouvelle lecture

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 (nos 1552, 1564).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les députés, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, ainsi que M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, qui sont en ce moment même…

M. Jean-Pierre Door. Où ?

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. …auprès du Premier ministre…

M. Dominique Tian. Ah bon ?

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. …pour participer aux rencontres entre le Gouvernement et les organisations syndicales et patronales.

M. Dominique Tian. C’est plus important que d’être ici ?

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Le texte du projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui revient devant vous aujourd’hui est identique, monsieur Tian, a celui que vous avez adopté le 29 octobre dernier.

M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales. M. Tian n’a rien adopté, c’est bien le problème !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Je ne m’étendrai donc pas sur ses vertus. Vous êtes, mesdames et messieurs les députés, les mieux placés pour les connaître, puisque vous en êtes en grande partie les auteurs.

Je souhaite toutefois préciser certains points de la trajectoire de redressement que traduit ce PLFSS.

Ce projet de loi s’inscrit dans un double objectif : maintenir un haut niveau de protection sociale ; agir pour le redressement de nos comptes sociaux. Les mesures prises dès l’été 2012, puis, dans le PLFSS pour 2013, ont permis d’enclencher ce redressement.

Les choix effectués dans le cadre de ce PLFSS permettront de ramener dès l’an prochain le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, en deçà des 13 milliards d’euros.

Ce choix est courageux, parce qu’il engage des réformes de structure, parce qu’il vise à renforcer l’équité de notre système, parce que l’adaptation de ce dernier ne passera pas par des déremboursements à l’encontre des patients.

Notre pays traverse une période de crise et d’incertitudes. Il est donc indispensable, aujourd’hui plus que jamais, de renforcer les piliers de notre protection sociale. C’est le sens des réformes structurelles qui ont été déjà engagées par le Gouvernement : stratégie nationale de santé, politique familiale, retraites. Je ne reviendrai pas en détail sur celles-ci, qui ont été largement évoquées devant vous par Marisol Touraine.

Votre assemblée avait souhaité introduire des adaptations dans certaines de ces mesures. Elle a ainsi apporté, au cours de la première lecture, des modifications à certaines recettes de la Sécurité sociale : fiscalité des boissons énergisantes, fiscalité des contrats de complémentaire santé, affectation de la CASA.

Le Gouvernement a souhaité compléter ces adaptations lors de cette nouvelle lecture. Je tiens à évoquer les principales modifications qui seront proposées par Bernard Cazeneuve en complément de ces premières évolutions.

La première porte sur la mesure relative au calcul des prélèvements sociaux sur les produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu et assujettis en sortie. Cette mesure a fait l’objet de polémiques…

M. Jean-Pierre Door. De polémiques ?

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. …et le Gouvernement vous proposera un amendement permettant de l’aménager.

Il est toutefois nécessaire de rappeler quelle est la réalité de cette mesure. Il ne s’agit pas de l’instauration d’une nouvelle taxe ou d’un nouveau taux de prélèvement. Les revenus du capital sont soumis à des prélèvements sociaux dont le taux est passé, entre 2009 et 2012, de 11 % à 15,5 %. Ce dernier taux, qui ne résulte pas des décisions de cette majorité, s’applique déjà à la majorité des épargnants et à la plupart des revenus du capital : les intérêts des PEL de plus de dix ans ou ouverts depuis 2011, les plus-values, les dividendes, les revenus fonciers, les gains sur les contrats d’assurance vie en euros, les gains sur les contrats d’assurance vie exonérés d’impôt sur le revenu.

C’est par exception à cette règle qu’avait été instaurée la règle des « taux historiques », qui décompose le gain selon la date à laquelle il a été constitué, règle peu lisible qui conduit à des différences de traitement incompréhensibles entre les épargnants, qu’il s’agissait donc de réduire.

La mesure proposée dans le projet de loi initial a toutefois été mal comprise.

M. Sylvain Berrios. Elle était plutôt difficile à expliquer !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Afin de mettre fin à une polémique qui donnait lieu aux affirmations les plus infondées, Bernard Cazeneuve a annoncé qu’elle serait restreinte aux gains réalisés dans le cadre de l’assurance vie.

Contrairement aux autres produits d’épargne concernés, ceux-ci ne sont l’objet d’aucun plafonnement, ce qui donne lieu à une très forte concentration des encours. L’amendement que vous présentera Bernard Cazeneuve visera donc à poursuivre l’objectif d’égalité de traitement entre contribuables tout en le ciblant sur le produit spécifique qu’est l’assurance vie.

Par ailleurs, les artisans et commerçants rencontrent des difficultés spécifiques du fait des nombreuses évolutions récentes de leur environnement fiscal et social. C’est pourquoi nous vous proposerons un amendement spécifique, permettant de lisser les hausses de cotisations retraite pour ces derniers. Cette mesure temporaire ne remet pas en cause le déplafonnement partiel des cotisations retraite, qui est une mesure d’équité légitime. Au contraire, ce lissage permettra d’accompagner la hausse de taux déplafonnée.

À l’aune de ces évolutions, l’équilibre financier global de ce PLFSS sera préservé. Ces aménagements, bien entendu, ne dégraderont pas le déficit de la Sécurité sociale.

Au-delà des évolutions que je viens d’évoquer, le budget de la Sécurité sociale pour 2014 bénéficiera de la bonne maîtrise de la dépense résultant de la politique mise en œuvre par le Gouvernement. En effet, son pilotage prudent de l’ONDAM nous conduira à constater un niveau de dépenses 2013 inférieur de 150 millions à celui que nous avions proposé dans le texte initial. La sous-exécution de l’ONDAM pour les soins de ville, initialement prévue à un niveau de 500 millions par rapport au montant voté dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013, devrait donc s’établir à 650 millions. Cela nous conduit à réviser d’autant la trajectoire de l’ONDAM en 2013 et au-delà.

Cela est cohérent avec notre stratégie de finances publiques qui cherche à stabiliser en 2014 le taux de prélèvements obligatoires dans notre pays et fait reposer le rétablissement des comptes publics et de la Sécurité sociale sur une maîtrise résolue des dépenses sociales.

Au terme de ces diverses modifications, le solde 2014 de la Sécurité sociale restera au niveau fixé par le projet de loi initial, à moins 12,8 milliards pour le régime général et le FSV, en amélioration de 3,4 milliards par rapport à 2013.

Enfin, je souhaite revenir sur certains éléments clé des politiques que traduit ce projet de loi en matière d’assurance maladie.

Il s’agit, en premier lieu, de poursuivre le combat pour l’accès aux soins.

Je souhaite insister sur un point : l’assurance maladie est et doit rester le pilier fondamental de la prise en charge des dépenses de santé.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales. Tout à fait.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Depuis 2004, la part des dépenses prises en charge par l’assurance maladie diminue. Marisol Touraine a donc pris l’engagement d’enrayer cette tendance.

Cet objectif nécessite en particulier de permettre la réduction du reste à charge pour les patients en matière de frais d’optique. L’amendement du Gouvernement, que vous avez adopté, permettra ainsi d’encadrer les tarifs pratiqués à l’égard des bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé, l’ACS, comme c’est aujourd’hui le cas pour les bénéficiaires de la CMU-C.

Cet objectif d’accès aux soins rejoint pleinement les préoccupations de santé publique. J’évoquerai plus particulièrement l’accès à la contraception pour les jeunes femmes, avec le développement du tiers payant pour les actes associés à la prescription d’une contraception. Je sais les membres de la commission des affaires sociales particulièrement vigilants sur ce point.

Enfin, vous avez souhaité disposer d’un bilan annuel sur la part des dépenses prises en charge par l’assurance maladie. Cette disposition est pleinement cohérente avec les actions engagées dans le cadre de la stratégie nationale de santé.

En complément du socle fondamental que représente l’assurance maladie, ce PLFSS comprend des avancées importantes en vue de la généralisation de la complémentaire santé. Vous avez également souhaité compléter les dispositions prévues par ce projet de loi dans ce cadre.

Il s’agit tout d’abord de faciliter le recours à l’aide à la complémentaire santé, en prévoyant le renouvellement automatique du droit à l’ACS pour les bénéficiaires de l’ASPA. Il s’agit ensuite de soutenir l’amélioration de la qualité de l’ensemble des contrats de complémentaire santé. Là encore, vous aviez enrichi le texte en faisant le choix de soutenir le renforcement des exigences appliquées aux contrats responsables, et en différenciant plus fortement le taux de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance pesant sur les contrats responsables et sur les autres. Vous avez, enfin, adopté l’amendement du Gouvernement qui permettra de soutenir l’action des branches professionnelles, lorsque celles-ci souhaiteront se saisir de cet outil pour recommander des contrats de prévoyance, ou de santé, dans un cadre solidaire.

Ces piliers seront complétés par des actions spécifiques en faveur des plus fragiles. Car c’est précisément en situation d’incertitude que nous devons veiller aux plus fragiles. Nous avons dû faire des choix : ils sont tournés vers la consolidation des politiques engagées, ainsi que vers le respect des engagements pris par le Gouvernement en direction des personnes handicapées et des personnes âgées. Ainsi, le taux de progression de l’ONDAM médico-social est fixé à 3 %. Il continue de progresser plus fortement que les autres enveloppes, de ville et d’hôpital, mais contribue toutefois à l’effort d’économies demandé à tous, dans la mesure où les besoins sont encore très dynamiques. Un autre effort est réalisé via la mobilisation de 70 millions d’euros de réserves de la CNSA dans la construction de l’objectif général de dépenses pour les personnes âgées et handicapées.

Je ne détaillerai pas ces mesures, car vous les connaissez déjà, mais je souhaite cependant rappeler nos priorités, que sont l’accompagnement de l’évolution nécessaire de la masse salariale dans notre secteur, la mise en œuvre des engagements de créations de places dans le champ du handicap, l’amorçage du plan autisme et, dans le secteur des personnes âgées, la politique de médicalisation et la réouverture encadrée du tarif global.

Ce PLFSS marque également la confirmation de l’engagement qu’a pris le Gouvernement de lancer et de mener la réforme pour l’autonomie des âgés, tant attendue par nos concitoyens. J’ai eu l’occasion de préciser devant vous les trois volets de notre projet de loi : anticipation, adaptation et accompagnement. En outre, vous connaissez maintenant le calendrier ambitieux que nous nous sommes fixé pour que ce projet de loi d’orientation et de programmation soit soumis à votre vote avant la fin de l’année 2014.

Dans quelques jours, le 29 novembre, le Premier ministre lancera officiellement les travaux de concertation, à peine plus d’un mois après l’annonce de la loi. C’est dans ce contexte, mesdames et messieurs les députés, sans attendre la concrétisation de ces travaux et l’entrée en vigueur des premières mesures, que vous avez souhaité, avec l’accord du Gouvernement, permettre la mise en œuvre d’une politique de soutien aux personnes âgées dès 2014. Les 100 millions d’euros issus de la CASA que vous avez souhaité orienter cette année vers cet objectif permettront pleinement de soutenir la politique en faveur des personnes âgées, conformément à l’engagement pris dans cette assemblée. L’article 15 modifié du PLFSS pour 2014 s’est traduit par l’inscription de cette ressource dans le budget prévisionnel de la CNSA et il ne restait donc qu’à en préciser l’affectation.

Mme Martine Pinville, rapporteure et M. Christian Paul, rapporteur. Tout à fait !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. J’ai l’honneur de vous annoncer aujourd’hui l’utilisation qui sera faite de cette somme de 100 millions d’euros, préfigurant la réforme qui s’engage.

Tout d’abord, le Gouvernement reste mobilisé sur la priorité que constitue l’aide à domicile.

M. Christian Paul, rapporteur. Le Gouvernement a raison !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Rester à son domicile, aussi longtemps et dans les meilleures conditions possible, c’est le choix que privilégient 100 % des Français.

M. Jean-Pierre Barbier. Ce n’est pas vrai !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Or la situation des services d’aide à domicile est très critique, vous le savez. L’État s’est engagé, auprès de l’Association des départements de France et des représentants de ce secteur, dans un travail de longue haleine, dont l’ambition est la refondation de l’aide à domicile.

M. Christian Paul, rapporteur. Il faudra bien cela !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Cette refondation traduit à la fois la nécessaire évolution des missions et prestations assurées au domicile,…

Mme Martine Pinville, rapporteure. Tout à fait !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. … l’évolution des métiers et des compétences, mais aussi l’évolution du modèle de tarification de ces services, qui est devenu obsolète. Le projet de loi d’orientation et de programmation pour l’autonomie, particulièrement dans son volet « accompagnement », contribuera fortement à cette refondation. Toutefois, pour répondre aux situations critiques actuelles, notre gouvernement a décidé d’affecter 30 millions d’euros supplémentaires au fonds de restructuration de l’aide à domicile existant,…

M. Christian Paul, rapporteur. Très bien !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. … afin de créer une continuité entre restructuration et refondation. En effet, le premier bilan disponible de l’attribution des crédits de ce fonds de restructuration pour 2013 démontre l’impact positif d’une telle mesure : le fonds 2013 vient soutenir des services qui représentent plus de 52 800 emplois et un volume d’activité de 51,1 millions d’heures effectuées au service des publics fragiles.

La seconde mesure clé de l’affectation de la CASA pour cette année 2014 concerne l’appui à l’investissement, qui est indispensable dans un secteur caractérisé par des besoins importants de remise à niveau. L’article 47 du PLFSS pour 2014 intègre, enfin, l’affectation de 2 % de la contribution solidarité autonomie au financement du plan d’aide à l’investissement. En sus de cette disposition, notre gouvernement décide de mobiliser le solde des 100 millions d’euros de la CASA, soit 70 millions d’euros, au PAI pour le secteur des personnes âgées.

M. Christian Paul, rapporteur. Excellent !

Mme Bérengère Poletti. La CASA, ce sont 600 millions d’euros, pas 100 millions !

M. Christian Paul, rapporteur. Pas d’amnésie, madame Poletti ! De la mémoire et de la volonté !

M. Jean-Pierre Barbier. La volonté, c’est bien ce qui vous manque, monsieur Paul !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Tous les établissements du secteur des personnes âgées n’étaient pas concernés par cette aide, alors même que les besoins de rénovation dépassent le champ des structures médicalisées. Ainsi, il est décidé que cet appui bénéficiera également aux foyers logements, ce qui constitue une authentique avancée. En effet, l’habitat intermédiaire, comme on l’appelle, constitue une réponse adaptée aux besoins des personnes âgées. Les foyers logements contribuent activement à rompre l’isolement et à retarder la perte d’autonomie des âgés, car ceux-ci y trouvent un lieu de vie où l’accès aux services est facilité, un lieu de vie sociale, de partage et d’échange.

M. Jean-Pierre Barbier. C’est la méthode Coué !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Concernant les EHPAD, agir sur le reste à charge et limiter les ressauts de tarifs par le biais du PAI, cela contribue à réaliser notre objectif d’accessibilité de l’offre de soins et d’accompagnement en maison de retraite médicalisée.

Pour ce PLFSS, il s’agit aussi, et vous y avez été particulièrement sensibles, de transformer l’organisation du système de soins, dans le cadre de la « révolution du premier recours ». Ce projet de loi constitue une étape dans la mise en œuvre de cet objectif. Et c’est dans ce contexte que le rapporteur a souhaité favoriser l’expérimentation de nouveaux modes d’organisation, en instaurant un cadre général pour la mise en œuvre de ces expérimentations.

Il s’agit, enfin, de promouvoir une politique du médicament efficiente et favorable à l’innovation. Vous le savez, ce projet de loi comprend des dispositions importantes en matière de médicament : dispensation à l’unité, prise en charge des médicaments au-delà de l’autorisation temporaire d’utilisation et médicaments biosimilaires. Ces dispositions s’inscrivent dans une triple exigence : sécurité du patient, efficience et soutien à l’innovation. Il n’est pas envisageable de transiger avec la sécurité des Français. Cette exigence de sécurité sanitaire est notamment présente dans le cadre que met en place ce PLFSS pour les médicaments biosimilaires. Il est indispensable, aujourd’hui, d’établir un cadre juridique clair, tenant compte des spécificités des biosimilaires et permettant leur dispensation dans un cadre sécurisé.

Mesdames et messieurs les députés, avec ce PLFSS, nous poursuivons le redressement de nos comptes sociaux et la transformation de notre modèle de santé. Il s’inscrit pleinement dans l’action que nous avons engagée il y a dix-huit mois : cette constance dans nos choix est décisive pour retrouver le chemin du progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, vous avez adopté en première lecture le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui traduit notamment les ambitions du Gouvernement en matière de politique familiale.

Les ambitions du Gouvernement pour les familles, ce sont, je tiens à le rappeler, une action volontariste, la promotion de toutes les familles et le respect de leur diversité.

Vous connaissez les forces de notre politique familiale. Elle est enviée dans de nombreux pays, elle consacre une part importante du PIB à la politique de la petite enfance pour réduire les inégalités dès le plus jeune âge et investir dans l’avenir ; elle contribue au fort taux de natalité de la France et garantit un excellent taux d’activité des femmes, puisque 77 % des femmes entre 29 et 45 ans sont actives.

Vous connaissez les forces de notre politique familiale et vous avez accepté, en première lecture, de porter un regard lucide sur ses lacunes. C’est en étant lucides que nous pourrons assurer les conditions de la pérennité de notre politique familiale ; pour cela, il faut ne pas laisser le déficit se creuser, ne pas laisser le nombre d’enfants pauvres augmenter, ne pas laisser les inégalités en termes d’accueil du jeune enfant s’amplifier.

Si vous acceptez de confirmer votre vote, vous permettrez plus de justice – faut-il le répéter, un enfant issu d’une famille aisée bénéficie davantage de la politique familiale qu’un enfant de famille modeste. Vous permettrez de faire reculer la pauvreté des enfants, qui touche un enfant sur cinq dans notre pays. Vous permettrez l’adaptation de notre politique familiale aux évolutions des familles et de leurs aspirations. Elles sont aujourd’hui demandeuses de services de qualité pour accueillir leurs enfants et les accompagner dans leur fonction de parent. Vous contribuerez, enfin, à la lutte contre les inégalités territoriales, la répartition des services aux familles étant encore bien trop inégale sur notre territoire. Si vous acceptez de confirmer votre vote, vous favoriserez l’égalité entre les femmes et les hommes, en permettant une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale pour tous les parents.

Depuis l’été 2012, des actes forts ont été posés pour promouvoir les familles : la convention d’objectifs et de gestion a été signée entre l’État et la CNAF ; un budget sans précédent a été mobilisé pour les familles et la petite enfance au travers du Fonds national d’action sociale ; un objectif de 275 000 nouvelles solutions d’accueil en cinq ans a été fixé et des moyens ont été déployés pour développer les aides apportées aux parents.

Nous poursuivons notre action dans le PLFSS pour 2014 en renforçant la solidarité envers les familles modestes. La revalorisation de 50 % du complément familial concernera 1,5 million d’enfants, et celle de l’allocation de soutien familial concernera 3 millions de familles monoparentales. Il s’agit d’actions concrètes pour réduire la pauvreté des enfants, qui se concentre dans les familles monoparentales et les familles nombreuses.

Cette politique de justice et de développement des services aux familles justifie l’abaissement de l’avantage fiscal procuré par le quotient familial. Je rappelle que 88 % des ménages ne sont pas touchés par cette mesure.

Mesdames et messieurs les députés, nous sommes tous attachés aux atouts de notre politique familiale.

M. Sylvain Berrios. Certains plus que d’autres !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vous invite donc à lui donner les moyens de s’adapter aux réalités nouvelles, je vous invite à lui donner les moyens de ses ambitions de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après le rejet du PLFSS pour 2014 en première lecture par le Sénat, le 14 novembre dernier, et l’échec de la commission mixte paritaire, qui n’est pas parvenue, le 18 novembre, à trouver un consensus sur ce texte, l’Assemblée procède au réexamen, dans le cadre d’une nouvelle lecture, du projet de loi dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture.

Cela pourrait nous amener à considérer que le texte qui nous est aujourd’hui soumis ne comporte que des modifications marginales. Si tel est le cas pour la très grande majorité des articles de ce texte, pour lesquels seuls quelques ajustements rédactionnels sont proposés, il n’en va pas de même pour certaines autres dispositions. C’est précisément sur ces dernières que je souhaite m’arrêter pour évoquer, en particulier, les modifications proposées par la commission des affaires sociales qui s’est réunie la semaine dernière pour procéder à cet examen.

En premier lieu, l’article 8 tend à supprimer le calcul des taux historiques pour l’assujettissement aux prélèvements sociaux de certains produits de placement. L’Assemblée nationale a, certes, voté le principe de cette suppression en première lecture. Cependant, les débats que nous avons eus nous ont amenés à reconsidérer les choses pour les produits d’épargne populaire, qui auraient beaucoup pâti de cette mesure alors même qu’ils ne constituent pas la plus grande partie de la recette attendue à ce titre.

Le Gouvernement avait déjà présenté au Sénat un amendement visant à exclure les plans d’épargne logement, les comptes épargne logement, les plans d’épargne en actions et les produits tirés de l’épargne salariale des modifications de calcul proposées, afin de ne supprimer, in fine, les taux historiques que pour les contrats d’assurance vie. Mais le Sénat ayant rejeté cet article, cette modification bienvenue n’a pas pu prospérer. Je me réjouis donc que le Gouvernement reprenne devant notre Assemblée cette proposition, que notre commission des affaires sociales a d’ailleurs pu d’ores et déjà adopter la semaine dernière.

Je souhaiterais également dire un mot de l’article 15 bis, adopté par notre Assemblée à mon initiative, qui concerne la mise en place d’une taxe sur les boissons dites énergisantes. J’ai moi-même proposé à la commission une série d’ajustements destinés à conforter l’assise juridique de cette taxe. Parce que les autorités sanitaires mettent en cause les seuls effets néfastes sur la santé de la caféine contenue dans ces boissons, j’ai proposé de supprimer la référence alternative à la taurine, dont les effets négatifs sur la santé n’ont à ce jour pas été établis. La notion de « boissons dites énergisantes » a également été préférée à celle de « boissons énergisantes », cette dernière notion relevant en effet d’une allégation nutritionnelle au sens du droit commercial. Il s’agissait d’éviter que de telles boissons puissent s’exonérer de la taxe au motif que le fabricant prétendrait ne pas produire une telle boisson, mais simplement, par exemple, une boisson caféinée. Enfin, j’ai souhaité proposer à la commission de supprimer toute référence au sucre, dans le cadre de cette taxe. En effet, il s’agit de rendre cette taxe applicable à l’ensemble des boissons énergisantes, qu’elles soient ou non sucrées.

Je souhaite aussi évoquer la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, la TSCA, applicable aux complémentaires santé. Notre assemblée a voté en première lecture l’article 15 ter, qui relève de cinq points le taux de la TSCA applicable aux contrats complémentaires santé non responsables. Il s’agissait de creuser l’écart de taxation entre les contrats responsables et les autres, l’écart actuel n’étant que de deux points. Il sera désormais de sept points, et il faut s’en réjouir.

J’ai toutefois souhaité, dans le cadre de la nouvelle lecture, tenir compte de la situation particulière des contrats complémentaires qui prévoient le versement d’indemnités journalières en cas d’arrêt de travail. Ces contrats sont aujourd’hui considérés par la doctrine fiscale comme des contrats maladie, et non comme des contrats de prévoyance. Autrement dit, ils sont aujourd’hui soumis à la TSCA au taux de 7 % s’ils respectent les critères de solidarité, au taux de 9 % s’ils ne les respectent pas. Ces contrats n’ont pas, en effet, à respecter les critères de responsabilité, qui ne concernent que les remboursements de soins de santé. Le passage de la TSCA à 14 % pour les contrats non responsables aurait pu conduire à taxer ces contrats indemnités journalières à 14 % pour la totalité d’entre eux, solidaires ou non solidaires, dès lors que ces contrats ne renvoient pas aux critères de responsabilité. J’ai simplement souhaité proposer de cristalliser la doctrine fiscale, pour rappeler que ces contrats sont soumis à la TSCA au regard de leur respect du critère de solidarité. S’ils sont solidaires, ils resteront taxés à 7 % ; s’ils ne le sont pas, la taxation passera à 14 %. Il s’agit d’un point très technique, mais qu’il me semble néanmoins essentiel de préciser afin que les choses soient claires.

Avant de conclure, j’évoquerai rapidement la question de la lutte contre la fraude aux allocations logement via des sociétés écran. C’est l’objet de l’article 67 du PLFSS. J’ai proposé à la commission d’élargir le champ des SCI concernées. En effet, dans la rédaction actuelle, seules les SCI soumises à l’impôt sur le revenu auraient été concernées par l’impossibilité de bénéficier des allocations logement dès lors que le logement en question serait habité par un membre de la famille. Je souhaite que cela soit également le cas pour les SCI soumises à l’impôt sur les sociétés, car rien ne justifie que l’on réserve un traitement différent en la matière en fonction du régime fiscal applicable à la SCI. J’ai également souhaité pouvoir abaisser à 20 % le seuil de participation financière qui conduit à interdire le bénéfice des allocations logement, ce seuil correspondant au seuil retenu en droit commercial pour définir une influence notable sur la gestion financière d’une société.

À l’exception de ces quelques sujets d’importance, les ajustements que je propose ne sont que d’ordre rédactionnel ou de coordination.

Je souhaite donc que notre Assemblée puisse adopter le PLFSS pour 2014 moyennant ces modifications proposées par la commission des affaires sociales et par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie.

M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, cette seconde lecture est une confirmation et un approfondissement.

J’insisterai dans mon propos sur quelques points essentiels, fruits des travaux de notre commission.

Mais je veux d’emblée rappeler les trois grands enjeux de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour l’assurance maladie. Le premier est d’abord de rapprocher les recettes et les dépenses, et d’éviter le creusement des déficits, sans pour autant prôner le désengagement de la Sécurité sociale ou aggraver ce qui reste à la charge des patients. Ce n’est pas un exercice comptable, ce sont d’abord des choix politiques, que nous assumons.

Ensuite, et c’est le deuxième enjeu, il nous revient de traduire dans les actes, avec l’assurance maladie, des avancées qui relèvent de la science fondamentale, de la recherche ou des technologies. J’en donnerai quelques exemples.

Enfin, troisième enjeu, il y a dans ce PLFSS des décisions d’organisation qui concernent les soins, les métiers, les procédures. Ces décisions ont en commun deux objectifs : l’efficacité thérapeutique et la lutte contre les inégalités.

Voilà le trépied d’un bon PLFSS, comme celui que nous avons voulu construire ensemble, avec le Gouvernement.

J’en viens au contenu. Dans la perspective de la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé, notre assemblée a approuvé sans réserve les dispositions proposées par le Gouvernement pour garantir la pérennisation des nouveaux modes de rémunération de l’exercice pluriprofessionnel par la voie conventionnelle, pour renforcer le développement des coopérations entre professionnels de santé et pour créer des indemnités journalières pour les professionnelles de santé en cas d’arrêts de travail liés à la grossesse afin de rendre l’exercice libéral des professions médicales plus attractif pour les femmes.

Ainsi, l’Assemblée nationale a renforcé, sur la proposition de notre commission, les dispositions prévues en matière de premier recours en prévoyant à l’article 27 bis une équité de rémunération entre les professionnels libéraux et les centres de santé. Ces derniers occupent en effet une place indispensable dans l’offre de santé sur certains territoires. Ce principe a en outre été assorti d’un délai de neuf mois pour que soit négocié un nouvel accord entre l’assurance maladie et les centres de santé, le précédant datant de 2003.

S’agissant de la mise en place d’une médecine de parcours contribuant au décloisonnement de notre système de santé, l’Assemblée nationale a souhaité autoriser le Gouvernement à expérimenter plus largement dans ce domaine en adoptant, là encore à l’initiative de notre commission, un cadre général d’expérimentation qui figure à l’article 27 A. Ce cadre sera complété par deux amendements visant à définir plus précisément les dérogations tarifaires autorisées par ces expérimentations et à cibler leur champ essentiellement sur les maladies chroniques.

Toujours dans le cadre des parcours de soins, l’Assemblée nationale a également souhaité, en première lecture, d’une part, étendre le champ de l’expérimentation de la télémédecine et, d’autre part, prévoir la participation des pharmaciens d’officine à cette expérimentation. C’est une mesure prospective, mais qui peut être utile. L’Assemblée a également renforcé les dispositions relatives à l’expérimentation des parcours de soins des patients souffrant d’insuffisance rénale chronique en adoptant un amendement du Gouvernement visant à développer la dialyse à domicile. C’est extrêmement attendu dans le pays.

S’agissant des établissements de santé, la commission a approuvé les dispositions visant à introduire une première réforme de la tarification à l’activité. Il nous est très souvent demandé, notamment dans les hôpitaux, quand nous allons mettre fin aux excès de la TAA. Ce PLFSS prévoit un mécanisme de financement des activités isolées, qui étaient les plus directement touchées par la TAA, et un mécanisme de dégressivité tarifaire en cas de dérapage des volumes d’activités.

Ce texte marque aussi la volonté de réformer notre politique du médicament. Nous sommes persuadés qu’il est possible de réaliser des gains d’efficience tout en renforçant la sécurité des patients et l’accès au progrès thérapeutique. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans la discusssion des articles. Je me borne ici à citer la délivrance à l’unité des antibiotiques, la prescription des médicaments biosimilaires et la prise en charge des patients soignés au moyen des médicaments faisant l’objet d’une ATU – c’est l’article 39. Un dispositif visant à la transparence des remises accordées aux pharmacies sur les médicaments génériques, prévu à l’article 40, devrait également permettre de mieux négocier leurs prix.

Le présent projet de loi de financement introduit, enfin, des mesures importantes pour renforcer l’accessibilité aux soins. Le reste à charge des Français en matière de dépenses de soins a augmenté ces dix dernières années.

Le projet de loi poursuit d’abord la politique de généralisation de l’accès à une couverture complémentaire de qualité à laquelle s’était engagé le Président de la République. Cette politique a été inaugurée en 2013 avec la généralisation de la couverture collective des salariés. Il s’agit maintenant d’améliorer le rapport qualité prix des contrats d’aide à la complémentaire santé, mais aussi d’ouvrir l’accès pour les étudiants isolés et en situation précaire à la couverture maladie universelle complémentaire. Enfin, les avantages fiscaux seront recentrés sur des contrats solidaires et responsables redéfinis.

Puisqu’il me faut conclure, monsieur le président, je rappellerai simplement ce grand chantier de la législature qu’est la généralisation de la dispense d’avances de frais pour les dépenses de soins de ville – le tiers payant généralisé. Elle commencera en 2014.

Mes chers collègues, nous maintenons avec ce texte le cap fixé depuis le début de cette législature, celui de la sauvegarde financière et de la reconstruction de notre protection sociale. Mais nous faisons surtout la démonstration, cette année plus encore que l’année précédente, que les contraintes financières ne signifient ni renoncement, ni immobilisme. Le Gouvernement et l’assurance maladie disposent désormais des moyens d’agir. Nous vous assurons, mesdames les ministres, de notre vote, mais aussi de notre engagement à chaque étape. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social.

Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous nous réunissons aujourd’hui pour une nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Les deux articles consacrés au secteur médico-social ne doivent pas occulter l’effort consenti par le Gouvernement, cette année encore, en faveur de ce secteur. Je regrette d’autant plus le rejet par le Sénat de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale que les crédits du secteur médico-social sont au rendez-vous. Mon collègue Christian Paul vient de le dire, et je le rappelle : malgré le contexte difficile que nous connaissons,…

Mme Bérengère Poletti. La précédente majorité a connu le même contexte !

Mme Martine Pinville, rapporteure. …le taux de croissance de ce sous-objectif de l’ONDAM médico-social est maintenu à un haut niveau, de 3 %, soit une progression supérieure à celle de l’ONDAM.

Il faut dire que les besoins sont considérables. Ils résultent des profondes évolutions démographiques que nous connaissons, mais également du retard important pris par notre pays dans l’accompagnement de certains publics. La France sera inévitablement confrontée à un accroissement du besoin. Nous ne pouvons donc que nous réjouir des annonces faites au cours des discussions budgétaires par le Premier ministre, le Gouvernement et plus particulièrement Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Une loi d’orientation et de programmation sur l’adaptation de la société au vieillissement sera présentée en conseil des ministres très prochainement. Les ressources supplémentaires générées par la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, iront alimenter la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA. Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie vient de le dire : 30 millions d’euros seront affectés à l’aide à domicile, tandis que 70 millions d’euros viendront abonder le plan d’aide à l’investissement.

Ce budget du médico-social pour 2014, que je qualifierai de bon budget, avec près de 20 milliards d’euros, permettra d’ores et déjà un certain nombre de progrès. Je relève tout d’abord la poursuite des plans d’investissement. Initié pour accompagner la rénovation des établissements, le plan d’aide à l’investissement sera poursuivi nominalement. L’article 47 du projet de loi prévoit de déléguer aux agences régionales de santé, les ARS, la compétence de gestion de ces enveloppes. Il s’agit d’une avancée très positive qui assouplira le fonctionnement du dispositif.

S’agissant spécifiquement des personnes âgées dépendantes, je relève les progrès du plan de médicalisation des établissements. Si le développement de l’offre dans le cadre du plan solidarité grand âge se poursuit, je le répète, il faut aujourd’hui mettre l’accent sur les structures de répit, avec les places d’hébergement temporaire et les places d’accueil de jour. Je crois que nous partageons tous le sentiment qu’il faut envoyer des signaux positifs de compréhension et de soutien aux aidants, qui se sentent encore trop souvent délaissés par la collectivité. Ce souci doit être pris en compte dans les suites du plan Alzheimer, qu’il convient aujourd’hui d’élargir à l’ensemble des maladies neurodégénératives.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Très bien !

Mme Martine Pinville, rapporteure. S’agissant des personnes handicapées, j’ai constaté là encore la poursuite du programme de création de places, le nombre de celles réservées aux enfants handicapés augmentant d’une façon quasiment conforme aux ambitions initiales. Une attention particulière doit être accordée à la prise en charge du handicap psychique. Les efforts consentis par la collectivité ont donné des résultats mitigés. Notre société peut et doit mieux faire. De ce point de vue, je me réjouis de l’adoption et du début de la mise en œuvre du troisième plan autisme, couvrant la période 2013-2017. Toutefois, pour le handicap psychique comme pour les autres types de handicap, les pouvoirs publics se heurtent toujours à une difficulté marquée d’évaluation des besoins. Là encore, c’est à l’échelon local que nous pourrons trouver des réponses.

Au-delà de ce constat, plusieurs points ont particulièrement attiré mon attention. Sans revenir sur l’ensemble des points évoqués en première lecture, je rappellerai que la sous-consommation des crédits médico-sociaux décroît, et que les réserves de la CNSA sont donc de moins en moins abondées.

Par ailleurs, il me semble essentiel de poursuivre notre réflexion sur le fonctionnement du secteur, en insistant sur l’amélioration de l’offre – il faut pour cela faciliter les réponses aux appels à projets –, sur le gisement d’emplois que ce secteur représente dans l’ensemble du territoire, ainsi que sur la protection des personnes. Le secteur médico-social souffre d’une sous-dotation de l’offre, ce qui entretient parfois des situations inacceptables où les personnes dépendantes ne sont pas traitées comme il se doit : nous devons nous montrer implacables face à toute forme de mauvais traitement.

Enfin, dans la perspective du projet de loi d’orientation et de programmation, je crois indispensable de bien définir au niveau national, c’est-à-dire en associant pleinement le Parlement, ce que doit être l’articulation de l’offre au niveau des territoires. L’absence d’un guichet unique, où les personnes seraient accueillies physiquement, suivies personnellement et orientées, est à ce titre particulièrement préjudiciable.

Pour conclure, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires sociales et en tant que rapporteure pour le secteur médico-social, je vous demande d’adopter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Tian. Ah non !

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, suppléant M. Laurent Marcangeli, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Mme Bérengère Poletti, suppléant M. Laurent Marcangeli, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, pour la première fois à l’Assemblée nationale, l’examen du financement au PLFSS de la branche accidents du travail et maladies professionnelles a été confié à un rapporteur particulier, en l’occurrence M. Laurent Marcangeli, que je supplée aujourd’hui pour cette nouvelle lecture, et dont je veux saluer le travail.

M. Jean-Marc Germain. Où est-il ?

Mme Bérengère Poletti, rapporteur suppléante. Il est occupé, comme vous pouvez l’être également.

M. Jean-Marc Germain. Il est rapporteur, quand même !

M. Christian Paul, rapporteur. C’est du jamais vu !

Mme Bérengère Poletti, rapporteur suppléante. Je vous conseille de vous conduire parfaitement à l’avenir ! Parce que je ne vous louperai pas quand vous serez absents de l’Assemblée nationale !

M. Christian Paul, rapporteur. Vous nous menacez ?

M. Jean-Marc Germain. Je suis quand même très surpris de cette absence !

Mme Bérengère Poletti, rapporteur suppléante. En première lecture, le rapporteur vous avait alertés sur le risque de désengagement de l’État au regard de l’investissement des partenaires sociaux qui font vivre la branche AT-MP. Ils conduisent une politique ambitieuse de prévention des risques professionnels et ont fait le choix de donner la priorité à la réinsertion professionnelle. En effet, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale fait reposer sur la branche AT-MP des charges indues qui la privent de marges de manœuvre pour exercer son cœur de métier – prévenir, réparer et tarifer les risques professionnels – ainsi que pour approfondir les réformes en cours.

Comme l’an passé, l’État ne prévoit, dans la loi de finances, aucune dotation pour le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, alors que, jusqu’en 2012, il versait chaque année 47 millions d’euros. Dès lors, l’ensemble du financement public devra à nouveau provenir des seules dotations de la branche AT-MP votées en loi de financement de la Sécurité sociale, constituées de ressources prélevées exclusivement sur les employeurs. Il semble au demeurant que le Gouvernement envisage de renouveler l’opération jusqu’à la fin de la législature, ce qui ferait supporter par la branche une charge indue de 250 millions d’euros. Pourtant, la contribution annuelle de l’État, complémentaire de celle de la branche AT-MP, a été prévue par le législateur en 2001 lorsqu’il a créé le FIVA, afin de faire assumer à l’État sa part de responsabilité dans le drame de l’amiante.

En première lecture, le rapporteur avait déposé un amendement plaçant le Gouvernement devant ses responsabilités : il était proposé de diminuer le montant de la dotation au FIVA mise à la charge de la branche AT-MP à hauteur des crédits que le Gouvernement n’a pas fait figurer au projet de loi de finances. Afin de ne pas fragiliser le financement du fonds, il était proposé de compenser cette baisse par une affectation de taxe, mais le Gouvernement a donné un avis défavorable à cet amendement, qui a été rejeté. Le Gouvernement s’est donc bel et bien engagé dans la voie de la facilité…

M. Jean-Pierre Barbier. Eh oui !

Mme Bérengère Poletti, rapporteur suppléante. …consistant à puiser dans les excédents à venir de la branche AT-MP pour décharger l’État de ses devoirs. Pourtant, il est grand temps de congédier le soupçon d’un transfert de charges indues sur la branche AT-MP au motif qu’elle est financée exclusivement par les employeurs. Ce soupçon lancinant fragilise également la légitimité du versement de la branche à la CNAM au titre de la sous-déclaration et la sous-reconnaissance des AT-MP, ainsi que les préretraites amiante, trop souvent détournées de leur objet.

En outre, le compte de prévention de la pénibilité, qui vient d’être créé par le Parlement, constituera également une charge indue pour la branche AT-MP. Le Gouvernement n’a évoqué à aucun moment l’incidence de ce compte sur le fonctionnement des services de la branche AT-MP dans les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail. Auditionnée par la commission des affaires sociales, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé a reconnu, pour la première fois et uniquement en réponse à l’une des questions du rapporteur, que le compte de prévention de pénibilité aura bel et bien une incidence sur la branche. La ministre a annoncé pour 2014 un avenant à la prochaine convention d’objectifs et de gestion liant la branche AT-MP à la tutelle, qui doit couvrir la période 2014-2017. Cette méthode va fragiliser l’équilibre global de la convention et briser un lien de confiance avec l’État, qui s’était pourtant manifesté avec force dans le vote unanime, en 2009, de la précédente convention d’objectifs et de gestion.

En fragilisant le principe selon lequel la branche AT-MP, financée exclusivement par les employeurs, ne devrait supporter que les charges qui lui reviennent, vous mettez à mal, mesdames les ministres, la légitimité de notre système d’indemnisation forfaitaire mais automatique des AT-MP, qui dispense le salarié victime d’un sinistre de la lourdeur du contentieux.

C’est dans le but de consolider cet équilibre original que le rapporteur avait invité l’Assemblée à adopter une mesure de justice pour les entreprises, auxquelles il arrive parfois que les caisses imputent à tort des taux AT-MP trop élevés. Lorsque l’entreprise obtient une correction de ce taux devant le juge de la tarification, elle a droit au remboursement des montants trop-versés, mais les URSSAF doivent alors opposer la prescription triennale des remboursements d’indus, conformément à la distinction entre la tarification du risque et le paiement des cotisations : dès lors, certaines sommes indûment versées par l’entreprise ne sont jamais remboursées. Dans son dernier rapport annuel, la Cour de cassation a proposé d’interrompre le délai de prescription, afin que l’entreprise obtienne le remboursement de l’ensemble des cotisations acquittées à tort. Le rapporteur avait présenté un amendement en ce sens, qui a été adopté par la commission des affaires sociales ; malheureusement, à nouveau, le Gouvernement a donné en séance un avis défavorable. En outre, la règle de l’entonnoir qui encadre nos débats en nouvelle lecture ne nous permettra pas d’examiner à nouveau cet amendement.

Ce PLFSS présente donc bien le risque de l’abandon de la branche AT-MP. Cela est d’autant plus regrettable que la branche commence à peine à recueillir les fruits des réformes importantes engagées ces dernières armées afin de simplifier la tarification du risque aux entreprises et d’améliorer la politique de prévention. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la famille.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cette nouvelle lecture va me permettre de rappeler le sens du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014.

D’abord, ce projet de loi prévoit des économies afin de contribuer au redressement des comptes de la branche famille. Pour la première fois depuis 2007, les recettes nouvelles dépassent les dépenses nouvelles. Mais ce projet de loi n’est pas un simple catalogue de mesures visant à assurer la pérennité financière de la branche. En effet, ces mesures accentuent le caractère redistributif de la politique familiale au profit des familles les plus modestes et les plus précaires : elles réparent des injustices et adaptent notre système en fonction des nouveaux besoins de la population.

Enfin, ce projet s’inscrit dans le cadre plus large d’une cohérence politique. Comme je l’ai déjà dit lors des travaux de notre commission ou lors des séances publiques en première lecture, la politique familiale ne se résume pas aux seules allocations et prestations financières : elle doit intégrer tous les dispositifs qui favorisent la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle. C’est ainsi que la France a réussi à dynamiser sa démographie, et c’est pourquoi il existe bien, en matière de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, un modèle français observé avec intérêt par plusieurs pays, notamment par nos amis allemands.

La politique familiale passe donc aussi par la convention d’objectifs et de gestion qui lie la Caisse nationale des allocations familiales à l’État. Or la nouvelle convention permettra de mener une politique d’action sociale ambitieuse avec, notamment, la mise en œuvre du plan d’accueil de la petite enfance : 16 milliards d’euros y seront consacrés entre 2013 et 2017, contre 8,5 milliards d’euros dans le cadre de la précédente convention entre 2009 et 2012. Il faut encore ajouter le choix de renforcer la pré-scolarisation à l’école maternelle, ainsi que les activités périscolaires et de loisirs proposées du fait de la réforme des rythmes scolaires.

Je regrette que les débats du Sénat n’aient pas enrichi ce projet de loi, comme je regrette que l’opposition se soit contentée de caricaturer les mesures de ce PLFSS, pour faire croire à je ne sais quel abandon et renvoyer au cliché éculé d’une gauche qui serait contre « la » famille ; or ce projet de loi est positif pour « les » familles.

Outre des moyens financiers supplémentaires et un accent mis sur les services aux familles, il procède à une plus juste répartition de certaines allocations, afin de combattre les inégalités. Il demande des efforts raisonnables à des familles qui continueront par ailleurs à bénéficier d’avantages importants, conservant ainsi l’universalité de la politique familiale. Une modulation de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant est introduite avec un second plafond. La majoration du complément de libre choix d’activité est supprimée. En effet, cette majoration est aujourd’hui attribuée à des bénéficiaires qui ne perçoivent pas l’allocation de base de la PAJE parce qu’elle est soumise à un plafond de ressources. La suppression de la majoration remet donc la redistribution dans le bon sens. Ces mesures plus redistributives sont cohérentes avec l’augmentation prévue à l’article 55, de 50 % en cinq ans, du montant du complément familial pour 400 000 familles les plus pauvres.

Je termine en faisant remarquer que la seule mesure d’économie a été adoucie. En effet, l’article 59 gelait les paramètres de calcul des allocations de logement en 2014. Un amendement adopté par la commission des affaires sociales a permis d’appliquer cette revalorisation au 1er octobre 2014, ce qui limite son coût sans l’écarter.

Le présent projet de loi de financement contribue donc de façon déterminante à notre politique familiale. Ce PLFSS poursuit les efforts annoncés le 3 juin dernier à l’issue de la réunion du Haut conseil de la famille par le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault pour pérenniser le financement de la branche famille, rendre plus équitable le versement des allocations et développer les services aux familles.

Il est donc possible de mener des réformes sans qu’elles se traduisent forcément par une remise en cause des acquis. Il est possible de réformer pour adapter nos outils et notre système de solidarité en connaissant toujours mieux les familles qui vivent en France et en répondant à leurs besoins. Il est possible de construire le « nouveau modèle français », ici celui d’une politique familiale équilibrée, rénovée et juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous entamons cet après-midi la nouvelle lecture du PLFSS. De coup de théâtre en coup de théâtre, vous subissez le rejet du texte sur les retraites par le Sénat, celui de son article 4 par notre assemblée il y a quelques jours, et celui du PLFSS par le Sénat.

M. Christian Paul, rapporteur. Vous êtes amateur de boulevard !

M. Jean-Pierre Door. Pour le projet de loi sur les retraites, vous avez décidé de recourir au vote bloqué demain. Pour ceux qui, en campagne présidentielle, parlaient de démocratie et de justice, il y aurait beaucoup à dire. Pour le PLFSS, votre majorité de gauche a explosé en vol et votre projet de loi aussi.

Comme l’année dernière, c’est le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale que nous allons examiner en nouvelle lecture. Avant d’aborder cette discussion, il est toujours intéressant de se reporter aux débats antérieurs et, surtout, lorsque vous étiez dans l’opposition. Vous avez toujours tendance, dans vos présentations successives, hier comme aujourd’hui, à faire comme s’il s’agissait de vous référer à vos prédécesseurs. Or ce dont nous discutons, madame la ministre, ce sont les propositions du Gouvernement auquel vous appartenez et de lui seul.

Vous nous annonciez pour 2013 et pour 2014 le rétablissement des comptes. On constate qu’il n’en est rien et que vos promesses sont reportées en 2017. Mme Marisol Touraine, aujourd’hui ministre, nous critiquait en 2011, ici même, en déclarant : « Vous augmentez les prélèvements de façon systématique, les classes moyennes sont confrontées à des difficultés nouvelles, les catégories populaires sont souvent méprisées ». Vous critiquiez aussi les hypothèses de croissance, évaluées « trop largement ».

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vos références datent !

M. Jean-Pierre Door. Depuis quelques jours, on a appris la nouvelle dégradation de la note de la France par l’une des agences de notation. Comment ne pas en déduire que l’effort de redressement de nos finances sociales n’a pas été à la hauteur des promesses ?

M. Sylvain Berrios. Eh oui !

M. Jean-Pierre Door. Le premier président de la Cour des comptes rappelle que la spirale de la dette sociale est anormale et dangereuse car l’encours global atteindra, après 2013 et 2014, les 200 milliards d’euros.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cela ne date pas de l’année dernière !

M. Jean-Marc Germain. C’est votre bilan.

M. Sylvain Berrios. C’est votre responsabilité !

M. Jean-Pierre Door. Il dit aussi que le déficit des comptes sociaux constitue une anomalie particulière qui perdure en France alors que nos voisins européens, eux, ont résorbé le leur. Dans la zone euro, seules la Grèce et l’Espagne ont un déficit supérieur de leurs administrations sociales.

Ce PLFSS est assez creux, pauvre de mesures structurelles, mais riche en hausses de prélèvements et de taxes.

Vous nous présentez, madame la ministre, un PLFSS en trompe-l’œil et à mille lieues de ce que la France attend. Un ONDAM évalué à 180 milliards d’euros, en hausse de 2,4 %, construit sur une croissance du PIB rêvée à 0,9 % et une augmentation de la masse salariale évaluée entre 3 et 4 %.

Déjà l’an dernier, la réalité vous avait rattrapés, ce qui a expliqué, pour 2013, une dérive de plus d’1 milliard sur vos prévisions. En 2014, ce sera encore 13 milliards de déficit, dont 6,5 milliards pour la seule branche maladie. À l’heure où l’économie française traverse une période difficile, il faudrait tout au contraire encourager les PME et alléger leurs charges, car elles sont essentielles au soutien de la croissance et à la lutte contre le chômage, en favorisant les emplois.

Il n’est pas inintéressant de noter les observations de la DREES – la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques – publiées en octobre dernier et qui se réfèrent à l’année 2011, avant votre arrivée. Je les rappelle, madame la ministre : un affaiblissement de la dynamique des dépenses sociales, et une meilleure maîtrise des dépenses maladie, en augmentation de seulement 2,1 %. Nous vous faisons observer que la croissance de l’ONDAM à 2,7 % et même à ce jour à 2,4 %, est à notre sens un choix regrettable. Il eût été plus responsable de faire un autre choix. M. Migaud lui-même dit qu’il serait possible de faire mieux avec moins.

M. Sylvain Berrios. Mais oui !

M. Jean-Pierre Door. Augmenter les recettes par des taxations diverses ne fait pas une politique, et les Français attendent autre chose. Ils sont surtout surpris par un certain amateurisme. Souvenez-vous du rétropédalage incroyable du Gouvernement le week-end précédant le vote solennel en première lecture. Après avoir défendu, contre vents et marées, et contre son opposition, l’article 8 qui augmentait la taxation des contrats d’épargne logement, des plans d’épargne logement, des PEA, des assurances vie et de l’épargne salariale, il a annoncé qu’il ne maintiendrait de cette mesure que la disposition concernant les assurances vie, face à la grogne des Français.

M. Dominique Tian. Absolument !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le résultat est bon.

M. Jean-Pierre Door. Le rapporteur lui-même n’avait pas attendu la fin de la discussion pour critiquer dans la presse la mesure qu’il défendait quelques heures plus tôt ici même dans l’hémicycle !

Mme Bérengère Poletti et M. Denis Jacquat. Bec et ongles !

M. Jean-Pierre Door. Sans oublier, quelques jours auparavant, le recul sur l’excédent brut d’exploitation, face aux inquiétudes du monde de l’entreprise. C’est donc, madame la ministre, et je le répète, que le PLFSS que les députés de la majorité ont dû adopter était insincère. Il était en effet trop tard pour faire adopter un amendement de correction de l’article en question. Où sont donc passés les 600 millions attendus ?

M. Sylvain Berrios. Eh oui !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Nous vous répondrons.

M. Jean-Pierre Door. Pour comble, les membres de la commission des affaires sociales ont trouvé sur leurs tables une liasse de dix amendements du Gouvernement, mais sans en débattre, puisqu’ils n’ont été examinés que cet après-midi, dans la réunion que la commission a tenue au titre de l’article 88. C’est peu dire que cela est plus que critiquable et parfaitement incorrect vis-à-vis de votre opposition.

Et comme si cela ne suffisait pas, vous vous acharnez sur le monde du travail. Tout y passe, les artisans, les commerçants, les professions libérales avec la cotisation augmentée du régime social des indépendants, les exploitants agricoles dans une conjoncture pourtant difficile pour l’agriculture, les transfrontaliers avec le changement de leur système de protection sociale.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous n’avez rien fait en dix ans !

M. Jean-Pierre Door. Pourquoi toucher aussi au quotient familial, moduler la prestation d’accueil du jeune enfant, alors que la politique de la famille est un symbole fort de notre pays ?

M. Sylvain Berrios. Ils sont contre la famille.

M. Jean-Pierre Door. Pourquoi reporter de six mois la revalorisation des pensions de retraites, créant ainsi un trou dans leur pouvoir d’achat ? Vous êtes pris à votre piège, puisque vous allez demander un vote bloqué pour les retraites, ce qui montre finalement le peu d’intérêt que vous portez aux petits et moyens retraités de notre pays.

M. Sylvain Berrios. Eh oui.

M. Jean-Pierre Door. Venons-en un instant au sujet des complémentaires santé, véritable épine dans le pied du Gouvernement. En première lecture, le Gouvernement dépose dernière minute un amendement qui revient sur la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin dernier concernant les clauses de désignation, c’est-à-dire la possibilité pour les partenaires sociaux des branches professionnelles de désigner un organisme pour gérer les régimes de complémentaire santé qu’ils négocient. Bien sûr, comme tout un chacun, nous sommes favorables à la généralisation des complémentaires pour tous les salariés de notre pays, mais avec la liberté du choix des prestataires assurantiels, comme le souhaitait l’Autorité de la concurrence et comme nous l’avions déjà dit lors du débat sur la loi transposant l’Accord national interprofessionnel, en janvier dernier.

Statuant sur notre recours, le Conseil constitutionnel avait, le 13 juin, battu en brèche votre choix, purement idéologique. Il disait à peu près ceci : « On porte à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi de mutualisation des risques ». Vous contournez juridiquement cette décision en réintroduisant un mécanisme un peu transformé, dit de « recommandation ». Mais cette dernière va s’accompagner d’une sanction pécuniaire, à savoir un forfait social de 20 % au lieu de 8 % pour les entreprises qui choisiraient de ne pas la suivre.

M. Sylvain Berrios. C’est scandaleux !

M. Jean-Pierre Door. À notre sens, cela équivaut bien à une clause de désignation déguisée. Le Conseil constitutionnel, qui sera saisi, jugera. Vous vous prenez, mes chers collègues de la majorité, les pieds dans le tapis.

Madame la ministre, après votre rencontre avec le président de la Mutualité française, celui-ci ne déclarait-il pas à la presse : « Le fait d’avoir un opérateur unique sur un contrat unique dans toute la France a beaucoup plus tendance à entretenir l’inflation des dépenses de santé, qu’à permettre une mutualisation » ?

M. Sylvain Berrios. Les monopoles, ce n’est jamais bon.

M. Jean-Pierre Door. Et il poursuivait : « Les clauses de désignation sont sources de conflits d’intérêts pour les partenaires sociaux qui à la fois gèrent les institutions de prévoyance et établissent les désignations et les recommandations ».

Globalement, ce dispositif que vous maintenez va dans le mauvais sens pour l’avenir de la protection sociale, pour l’accès aux soins et pour les mutuelles. Le temps est loin où vous preniez fait et cause pour les mutuelles à propos de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance. Aujourd’hui, vous leur tournez le dos. Comprenne qui pourra !

Dans ce PLFSS, il y a une ambition de politique de santé qui se résume en un mot : c’est de l’enfumage, qui dissimule un détricotage des lois précédentes, comme celle de la loi HPST. Vous éprouvez un malaise profond en matière de politique de santé. Sur le fond, on retrouve la difficulté structurelle de la gauche française. Avec votre réforme de santé, qui n’en est pas une, vous ne concevez les choses qu’au travers du prisme de la dépense et le rejet latent du secteur privé, en l’occurrence l’abandon de la convergence tarifaire, qui met 37 % des établissements privés dans le rouge, et vous ouvrez aussi la voie à une étatisation rampante de la médecine libérale.

Regardez, mes chers collègues, ce qui se fait à côté de chez nous. Regardez le système de santé en Allemagne, au Royaume-Uni, ou même aux Pays-Bas, où la réforme de 2006 est très intéressante, mais déclencherait une allergie chez vous. Je ne m’attarderai pas sur ce sujet…

Après avoir dénoncé toutes les réformes des majorités précédentes, vous ne les remettez pas en cause, en y apportant seulement des aménagements qui ne sont pas du tout ambitieux. Le dossier de l’hôpital public est le parfait exemple où l’absence de restructuration est flagrante – si l’on excepte votre répulsion pour la T2A, qui pourtant existe dans tous les grands pays européens et que vous brûlez à petit feu.

Votre stratégie nationale de santé conforte simplement ce qui était dans les LFSS précédentes, par exemple les rémunérations au forfait, les parcours de soins, les maisons médicales pluridisciplinaires…

M. Christian Paul, rapporteur. Vous les aviez votées.

M. Jean-Pierre Door. …les pôles de santé, les maisons médicales de garde, la coordination, la télémédecine. Même le syndicat des généralistes parle ce week-end d’un « sentiment de répétition ».

Quant au secteur du médicament, autre cible habituelle, il subit un choc d’1 milliard d’euros de réductions. Et ce qui me gêne, c’est moins cette somme que le fait que vous ayez rompu le pacte de confiance signé en juillet au cours d’une réunion du Conseil stratégique des industries de santé. Vous faites porter à ce seul secteur la moitié des économies.

J’espère que vous écouterez toutes les parties responsables et compétentes et que vous ne persévérerez pas dans l’erreur stratégique de l’article 38 relatif aux médicaments biosimilaires. Même des amendements issus de la majorité ont été rejetés tout à l’heure lors de la réunion de la commission au titre de l’article 88. Je ne comprends pas.

À l’UMP, nous contestons certains articles qui font figure de cavaliers sociaux. Je pense notamment aux articles 27, 38, 39. Ils ne relèvent pas du tout d’une loi de financement de la Sécurité sociale mais d’une loi de santé publique. Je pense en particulier à la disposition concernant les boissons énergisantes. Vous êtes dans la confusion permanente.

Finalement, vous l’aurez compris, votre texte n’a recueilli aucun soutien : il fait pratiquement l’unanimité contre lui, qu’il s’agisse du MEDEF, bien entendu, de la Mutualité française, du Collectif interassociatif sur la santé ou de la majorité des syndicats de salariés. Tous vous donnent un carton rouge.

M. Denis Jacquat. Eh oui !

M. Jean-Pierre Door. Ce deuxième PLFSS de la législature, comme le premier, ne répond pas dans sa construction budgétaire au principe de sincérité, qui est pourtant le fondement principal des lois de finances et des lois de financement. Il ne propose pas d’autre réforme que le « toujours plus de taxes et d’impôts ». Il est, en outre, anticonstitutionnel dans certains de ses articles.

Avec ces deux budgets présentés par un gouvernement socialiste, ce sont deux années perdues. C’est pourquoi l’UMP demandera le rejet de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Ce PLFSS marque une réelle avancée, notamment dans la préservation de notre protection sociale. Il permet 3 milliards d’économies, sans déremboursements, sans recul des droits et des protections. C’est pourquoi le Gouvernement est bien évidemment défavorable à l’adoption de cette motion de rejet préalable.

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.

La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Après de longs débats, et dans un contexte financier contraint, ce PLFSS pour 2014 fixe un cap permettant de pérenniser notre système de solidarité. Il accompagne l’évolution des nouveaux besoins, comme l’ont très bien démontré les différents rapporteurs, et apporte des réponses fortes à des attentes dans plusieurs domaines : amorçage du plan autisme avec la mise en place et l’organisation de soutiens indispensables aux familles et aux jeunes ; lancement d’un projet ambitieux pour l’adaptation de notre société au vieillissement – dès 2014, 100 millions viendront soutenir cet engagement, préfiguration de la réforme si longtemps attendue ; soutien de l’aide à domicile et confirmation du soutien aux aidants ; soutien à l’innovation et à l’expérimentation.

Ce PLFSS comporte aussi des ambitions pour les familles. Il accentue le caractère redistributif en direction des familles modestes pour mieux répondre aux nouveaux besoins des familles.

En soutenant notre système de santé tout en l’ouvrant sur de nouveaux défis, ce PLFSS marque une volonté de redressement des comptes sociaux et de transformation de notre modèle social dans un souci de sauvegarde financière, et sans renoncements.

C’est pourquoi nous voterons contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Denis Jacquat. Comme d’habitude, Jean-Pierre Door a eu un langage de vérité : extrêmement précis. Il a parfaitement relaté la position de l’UMP mais aussi l’opinion d’une majorité chaque jour plus importante de nos concitoyens.

Comme l’année dernière, le PLFSS a été rejeté par le Sénat. C’est donc le texte issu de la première lecture à l’Assemblée nationale qui nous est soumis aujourd’hui.

La première lecture a été marquée, outre les efforts d’économies en trompe-l’œil et les nouvelles charges bien réelles pour les contribuables, …

M. Christian Paul, rapporteur. Ce ne serait pas votre explication de vote de l’année dernière ?

M. Denis Jacquat. Monsieur Paul, je suis très content que pour une fois, vous m’écoutiez !

Cette première lecture a donc été marquée, disais-je, par l’incroyable rétropédalage du Gouvernement lors du week-end précédant le vote solennel en première lecture : après avoir défendu son article 8 augmentant la taxation des PEL, des CEL, des PEA, des assurances vie et de l’épargne salariale, il a annoncé qu’il ne maintiendrait la disposition que pour les assurances vie, face à la grogne des Français.

Le rapporteur, Gérard Bapt, n’avait même pas attendu la fin de la discussion pour critiquer dans la presse la mesure qu’il avait pourtant défendue quelques heures plus tôt dans l’hémicycle.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Oh !

M. Denis Jacquat. C’est donc un PLFSS insincère – comme l’a parfaitement souligné Jean-Pierre Door – que les députés de la majorité ont dû adopter. Mais vous savez, chers collègues, les couleuvres, ça s’avale à tout âge.

Il était en effet trop tard pour faire adopter un amendement corrigeant l’article en question. Un amendement du Gouvernement devrait donc être déposé sur l’article 8 à la faveur de cette nouvelle lecture.

M. Christian Paul, rapporteur. De quoi vous plaignez-vous ?

M. Denis Jacquat. Comptez plutôt vos troupes, monsieur Paul, parce que, les fois précédentes, vous avez eu quelques problèmes ! Et depuis un certain temps, ça compte !Mais je tiens à vous préciser que nous n’avons pas cinquante députés cachés derrière le rideau parce que nous avons pour habitude de regarder les gens les yeux dans les yeux.

Le Gouvernement a déposé, en dernière minute, un amendement revenant sur la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin dernier sur les clauses de désignation, c’est-à-dire la possibilité pour les partenaires sociaux des branches professionnelles de désigner un organisme pour gérer les régimes de complémentaires santé qu’ils négocient. Le Conseil avait pourtant jugé que lesdites clauses portaient « à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi de mutualisation des risques ». Certes, le Gouvernement contourne juridiquement cette décision en réintroduisant un mécanisme un peu transformé dit de recommandation. Mais une « recommandation » avec sanction pécuniaire – forfait social de 20 % au lieu de 8 % – pour les entreprises qui choisiraient de ne pas la suivre, équivaut bien à une clause de désignation à peine déguisée.

Monsieur le président, pour toutes ces raisons, l’UMP demande fort logiquement que cette motion de rejet préalable soit adoptée, et surtout que tous les députés spécialistes du PLFSS ici présents saluent cette proposition extrêmement saine et salutaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous voici réunis au terme du processus législatif pour l’examen du premier budget de l’État, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui représente près de 500 milliards d’euros.

La Sécurité sociale, cette extraordinaire construction issue de l’après-guerre, dont nous sommes si fiers, nous en sommes aussi les héritiers, ce qui nous confère bien évidemment une responsabilité toute particulière.

M. Christian Paul, rapporteur. Celle aussi d’en être les garants pour l’avenir !

M. Jean-Pierre Barbier. Or aujourd’hui, sous le poids de déficits très importants au caractère structurel, d’une croissance atone qui offre peu de perspectives de recettes nouvelles, d’un chômage de masse et de finances publiques exsangues, alors que la société française s’est considérablement transformée depuis 1945, nous devons faire évoluer notre Sécurité sociale. C’est même une impérieuse nécessité : notre responsabilité vis-à-vis des générations futures.

Cette obligation s’impose d’autant plus fortement dans la période de crise économique et sociale que nous traversons, crise qui met en lumière de façon parfois cruelle les limites de notre système et les failles de notre modèle.

Notre Sécurité sociale est malade de ses déficits, malade de sa dette. Aujourd’hui, c’est la pérennité même de notre modèle qui est en jeu.

Quand vous étiez dans l’opposition, madame la ministre, je crois me souvenir que vous reprochiez au gouvernement d’alors ses « économies de bouts de chandelle » et « l’absence de réformes structurelles » en matière de Sécurité sociale. Ce même reproche peut vous être adressé aujourd’hui.

Votre PLFSS 2014 ressemble comme deux gouttes d’eau à celui de 2013 : aucune réforme de structure, seulement des prélèvements supplémentaires, avec à la marge des recettes de poche comme la taxe sur les boissons énergisantes et principalement des prélèvements massifs sur les médicaments. Nous sommes loin d’une grande ambition pour la Sécurité sociale.

À quoi a-t-on assisté durant ces dernières semaines ?

Premièrement, à des débats menés dans la confusion, en dépit du bon sens, dans le mépris des parlementaires. Le Gouvernement a présenté ce PLFSS à la commission des affaires sociales, sans le distribuer au préalable aux députés qui en sont membres. Une première ! Mme Lemorton, présidente de la commission, a regretté « les conditions dans lesquelles nous avons dû travailler » et s’est engagée – nous l’en remercions – à veiller à ce que « cette situation ne se reproduise pas l’année prochaine ». L’un des rapporteurs, M. Paul, a confessé : « Nos méthodes de travail peuvent être améliorées ».

M. Jean-Marc Germain. C’est bien la première fois qu’il se confesse ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Barbier. Ce n’est pas qu’elle « peuvent » être améliorées, cher collègue. Elles doivent l’être, ne serait-ce que pour une « meilleure hygiène démocratique », pour reprendre vos propres termes.

Deuxièmement, les délais pour déposer les amendements sont des plus contraints. On voudrait qu’il n’y en ait pas qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Je ne parle même pas de la pratique du Gouvernement qui consiste à présenter nuitamment, à la sauvette, des amendements. Ainsi à l’article 12 ter, le Gouvernement contourne, par un amendement, la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin dernier qui censurait les clauses de désignation. Où est le respect de nos institutions ?

Troisièmement, nous avons assisté sur l’article 8 à une volte-face à peine croyable du Gouvernement et de sa majorité, qui vise à augmenter les prélèvements sociaux sur les produits de placement. Le rapporteur n’a même pas attendu la fin de la discussion pour critiquer dans la presse une mesure qu’il avait pourtant défendue bec et ongles, quelques heures plus tôt, dans l’hémicycle.

M. Denis Jacquat. Nous sommes deux à le souligner !

M. Jean-Pierre Barbier. Ainsi le Gouvernement a entrepris dans la panique une manœuvre de rétropédalage dont il a le secret : désolé pour cette répétition, mais le rétropédalage, c’est votre spécialité.

M. Denis Jacquat. Il est vrai qu’il y a un spécialiste des pédalos à la tête de l’État !

M. Jean-Pierre Barbier. Finalement, c’est un budget insincère qui a été adopté.

Cet épisode prêterait à sourire si le sujet dont nous débattons n’était pas aussi sérieux. Les Français ont constaté, médusés, l’incohérence de la politique du Gouvernement et de sa majorité, l’absence de cap, le rafistolage, l’improvisation dans la conduite des affaires publiques.

Enfin, cerise sur le gâteau, nous avons assisté au rejet par le Sénat du PLFSS à la suite d’une demande de vote bloqué. Une tentative de passage en force tout bonnement sanctionnée et, pour la deuxième année consécutive, un Sénat qui rejette le PLFSS : c’est un revers sans appel !

François Hollande cohabite de plus en plus avec les Français. Le Gouvernement cohabite, lui, avec sa majorité – ou ce qu’il en reste.

Dans ces conditions, nous ne pouvons que demander le renvoi du PLFSS en commission.

Après la forme, venons-en aux raisons de fond.

La grande fragilité politique du Gouvernement à l’égard de sa majorité explique en grande partie l’absence d’ambition réformatrice du PLFSS. Mme la ministre a beau user de tous les habillages rhétoriques possibles, enrober ses présentations, embellir ses propositions, sa communication se fracasse sur la réalité du PLFSS.

Cette réalité quelle est-elle ?

C’est d’abord une politique qui n’est faite d’aucune réforme structurelle

C’est ensuite une politique qui poursuit le matraquage et l’oppression fiscale des Français. Peut-on parler de modération de la pression fiscale quand vous taxez : les retraités, en reportant de six mois la revalorisation des retraites ; les actifs, en augmentant la cotisation vieillesse ; les familles, en modulant la prestation d’accueil du jeune enfant en fonction des revenus et en abaissant le quotient familial ; les épargnants, en augmentant les prélèvements sociaux sur les produits d’épargne ?

Dans votre PLFSS, il n’y a aucune audace mais beaucoup de facilités et de dogmatisme.

Dans votre PLFSS, il n’y a pas de perspectives, pas de stratégie, pas d’ambition. Enfin, si, il y a une perspective : celle de la hausse continue des impôts et taxes. Pour 2014, ce sont plus de 2 milliards d’euros de hausse de prélèvements dans le PLFSS qui s’ajoutent aux 12 milliards d’euros prévus dans le projet de loi de finances ! La politique sociale du Gouvernement est une politique fiscale. Or, augmenter les recettes n’a jamais fait une politique. Vous alourdissez les charges des familles et vous accablez les créateurs d’emplois. Vous n’épargnez personne : professions libérales, exploitants agricoles, artisans, commerçants, travailleurs frontaliers. C’est de l’acharnement à l’égard du monde du travail ! Au moment où il faudrait encourager les acteurs économiques et alléger leurs charges, vous faites l’exact contraire. Votre politique coûtera cher à la France.

Dans votre PLFSS, il n’y a pas de stratégie. J’en veux pour preuve vos mesures à l’égard de l’industrie du médicament.

Cet été, conformément à l’engagement du Premier ministre, le Conseil stratégique des industries de santé, le CSIS, s’était fixé une ligne de conduite prometteuse, avec pas moins de 44 mesures stratégiques que, pour la plupart, nous partagions, pour une industrie responsable, innovante et compétitive contribuant au progrès thérapeutique, à la sécurité sanitaire, à l’économie nationale et à l’emploi en France.

Plusieurs propositions auraient pu faire l’objet de discussions parlementaires dans le cadre du PLFSS. Or ce n’est pas le cas. Au contraire, vous sabordez purement et simplement ce rapport. Votre seule stratégie pour l’industrie du médicament consiste à lui mettre un boulet au pied pour courir dans la compétition mondiale. Vous faites ainsi peser l’essentiel des mesures d’économies du PLFSS sur le médicament. Le médicament représente 15 % des dépenses de santé mais il participe à hauteur de 56 % aux économies, soit 960 millions d’euros. Vous oubliez que l’industrie pharmaceutique est une industrie phare pour la France, pourvoyeuse de richesse.

Quelques rappels sur l’industrie pharmaceutique : 50 milliards d’euros de chiffres d’affaires, 25 milliards d’euros d’exportations, plus de 100 000 emplois directs et 190 000 emplois induits, soit un total de près de 300 000 emplois pour l’ensemble de la chaîne du médicament, 224 usines du médicament, une industrie jeune où l’âge moyen est de quarante-deux ans et qui offre des emplois de plus en plus qualifiés, une industrie qui investit 12,5 % de son chiffre d’affaires dans la recherche et développement contre 3,2 % pour le reste de l’industrie.

Comme je le disais ici même le 22 octobre dernier, l’industrie pharmaceutique est plus que jamais la variable d’ajustement de l’assurance maladie. Votre discours repose sur une communication culpabilisatrice et stigmatisante des médicaments et de tous les acteurs de la chaîne, de l’industriel jusqu’au pharmacien d’officine.

Par dogmatisme, vous laissez prospérer l’idée que ce sont les industriels qui fixent le prix du médicament, vous passez sous silence, madame la ministre, le fait que les prix des médicaments remboursables sont soumis à une réglementation prévue par le code de la sécurité sociale. Les prix fabricants hors taxes sont fixés par convention, entre le laboratoire et le Comité économique des produits de santé et, à défaut, par arrêté ministériel, donc par vous-même, madame la ministre.

Par dogmatisme, vous oubliez de dire aux Français que le prix moyen du générique par unité est en France de 4 % inférieur au prix moyen européen, comme le révèle une étude de juin 2013.

Par dogmatisme, enfin, vous ne dites pas que nous assistons en France, depuis 2000, à une puissante convergence avec les autres pays européens en matière de consommation de médicaments. La France se situe depuis 2011-2012 dans la moyenne européenne. C’est une bonne chose.

Plutôt que d’organiser l’excellence de l’industrie pharmaceutique et de créer les conditions de son développement au service de notre indépendance sanitaire, vous préférez vendre aux Français la mesure de la vente des médicaments à l’unité. Cette mesure populiste et démagogique, disons-le, n’apportera rien. Nous sommes tout à fait conscients qu’il faut lutter contre le gaspillage. Mais l’expérimentation lancée par le Gouvernement pour la classe des antibiotiques a été décidée sans réelle concertation avec les professionnels concernés et soulève de nombreuses questions : qu’en est-il de l’information et de la traçabilité, de la responsabilité des pharmaciens, des économies potentielles, ainsi que des conséquences pour l’industrie pharmaceutique ? Cette mesure aurait mérité plus de réflexion, tout comme celle sur les biosimilaires, cette classe thérapeutique majeure qui mérite que l’on se pose exactement les mêmes questions.

Par vos mesures sur le médicament, madame la ministre, vous prenez la responsabilité de mettre la France en situation de dépendance. L’Agence du médicament estime à quarante-cinq le nombre de spécialités concernées par des ruptures de stock et dix-sept sont en passe de le devenir. Vos mesures ne feront qu’accentuer cette situation.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. N’importe quoi !

M. Jean-Pierre Barbier. Aujourd’hui, les importations de médicaments augmentent plus vite que les exportations.

J’ai la faiblesse de penser que le médicament n’est pas un produit classique. J’ai même la conviction qu’il nécessite une attention particulière des pouvoirs publics car il y va de la santé des Français. Alors, si j’aime le « made in France » pour les marinières, je l’aime aussi pour nos médicaments.

M. Jean-Pierre Door et M. Denis Jacquat. Très bien !

M. Jean-Pierre Barbier. Un sondage TNS Sofres réalisé cette année a fait ressortir que 80 % des Français jugent les entreprises de santé comme une priorité stratégique pour la France et 74 % jugent important de connaître le lieu de fabrication des médicaments. Il faut écouter tous les sondages, et pas seulement ceux qui vont dans votre sens.

Enfin, votre projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 ne permet de dégager aucune ambition réformatrice. Vous modifiez les règles de la tarification hospitalière, avec le financement dérogatoire des hôpitaux ayant une faible activité, mais ces mesures ne s’inscrivent dans aucune réflexion globale sur le système sanitaire français et cela risque de pénaliser les CHU.

Pourquoi ne pas engager une réflexion sur le fonctionnement de nos hôpitaux et poursuivre la réforme de la carte hospitalière ? Pourquoi ne pas engager aussi une réflexion sur les incitations à la recherche et à l’innovation en matière pharmaceutique ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous oubliez le crédit impôt recherche et le CICE !

M. Jean-Pierre Barbier. Pourquoi ne pas avoir travaillé sur la simplification des procédures d’accès au marché des produits de santé ? Pourquoi avoir reculé sur les incitations en faveur du développement de la production et de l’utilisation des produits dérivés du sang issus de dons éthiques ? Pourquoi… ? Pourquoi… ? Pourquoi… ? Tout simplement parce qu’il manque la volonté et la force de caractère pour engager les réformes structurantes, les seules susceptibles de pérenniser notre Sécurité sociale.

Vous me direz que cette attitude n’est pas récente. Mais, avec votre majorité, vous êtes la parfaite illustration d’une citation de Georges Clemenceau qui, en 1919, déclarait ceci : « Le mal dont nous souffrons est moins dans l’insuffisance des moyens d’action que dans la carence des caractères ».

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Voilà qui fait avancer le débat !

M. Jean-Pierre Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce deuxième PLFSS de la législature est à l’image de la politique menée par le Gouvernement : elle taxe, elle bricole, elle improvise.

Mme Martine Pinville, rapporteure. On a connu cela sous la précédente majorité !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Vous avez creusé les déficits !

M. Jean-Pierre Barbier. Ce PLFSS n’apporte aucun début de réforme structurelle. L’ambition reste cantonnée aux mots et les faits sont pauvres. La situation commande pourtant des mesures fortes, énergiques, à la hauteur des enjeux. Nous en sommes loin.

Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, sur le fond comme sur la forme, j’ai l’honneur de vous demander d’adopter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Bérengère Poletti. Excellente intervention !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Monsieur le député, vous nous reprochez des déficits que vous avez creusés puisqu’ils ont atteint 28 milliards d’euros en 2010.

M. Denis Jacquat. C’est vrai que nous avions beaucoup de défauts !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Les reconnaître est un pas !

Vous ne pouvez pas non plus nous reprocher l’absence de réformes structurelles alors que vous n’avez pas voté la réforme des retraites, la modernisation de la politique familiale ni l’engagement de la stratégie nationale de santé. J’avoue que vos propos excessifs m’inquiètent, monsieur Barbier.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai : je n’ai jamais vu un tel corporatisme !

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Olivier Véran, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Olivier Véran. Monsieur Barbier si vous êtes Isérois comme moi, nous avons manifestement quelques divergences de fond et de forme. Vous êtes dans votre rôle quand vous appelez à différer l’adoption d’un budget porté par la majorité.

M. Denis Jacquat. Nous sommes dans une opposition constructive !

M. Olivier Véran. Vous ne serez donc pas étonné que je sois dans le mien en appelant à rejeter votre motion de renvoi en commission.

Je veux rappeler que vous n’êtes que cinq députés du groupe UMP présents dans cet hémicycle pour cette nouvelle lecture du PLFSS !

M. Denis Jacquat. Peut-être, mais c’est la qualité qui compte ! (Sourires.) Rappelez-nous combien de députés du groupe SRC étaient présents pour voter la réforme sur les retraites !

M. Olivier Véran. Combien seriez-vous en commission ? Peut-être deux ou trois ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En tout cas, vous n’êtes pas suffisamment mobilisés pour faire évoluer ce texte dont nous avons déjà débattu pendant de nombreuses heures.

M. Jérôme Guedj. Les députés du groupe UMP sont piqués au vif !

M. le président. La parole est à M. Véran et à lui seul !

M. Olivier Véran. Vous dites ne pas avoir été écoutés. Certes, mais en tout cas on a entendu vos assauts répétés – oserai-je dire redondants ? – contre l’hôpital public, contre l’accès aux soins pour tous. On vous a entendus également répéter à l’envi les traditionnels clichés d’une gauche qui serait l’ennemie des professionnels de santé alors que vous savez très bien que ce n’est pas le cas.

Mme Bérengère Poletti. Si !

M. Olivier Véran. Nous avons une convergence d’intérêts : faire en sorte que notre système de santé s’améliore, soit performant pour tous les malades et que tous les professionnels de santé puissent s’épanouir.

Mes chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 est sérieux et cohérent. Il pose les bases de la stratégie nationale de santé, ouvre des droits nouveaux pour les plus fragiles et modernisera le système d’offre de soins. Il comprend un certain nombre d’avancées importantes, que nous aurions aimé que vous votiez avec nous. Du reste, je pense que vous aurez du mal à expliquer, dans vos circonscriptions, aux professionnels de santé et aux usagers du système de soins les raisons pour lesquelles vous n’avez pas voté tel ou tel article.

M. Denis Jacquat. Non, nous n’aurons aucune difficulté !

M. Olivier Véran. Vous ne voterez pas ce projet de loi, sans doute uniquement parce que les mesures qu’il comprend sont portées par la majorité.

En tout cas, vous l’aurez compris, le groupe socialiste, républicain et citoyen appelle à arrêter cette éternelle tentative qui est la vôtre de repousser le vote d’un beau budget de la Sécurité sociale pour 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Tian. Mes chers collègues de la majorité, si vous aviez écouté M. Door qui vous proposait d’adopter la motion de rejet préalable, nous ne serions pas en train de vous demander de renvoyer ce texte en commission !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Mais nous avons déjà beaucoup discuté en commission !

M. Dominique Tian. Vous ne pourrez pas y échapper, tant ce texte est mal né !

Madame la ministre, vous prévoyez un déficit supplémentaire de 13 milliards pour la branche maladie de la Sécurité sociale française alors que nos voisins Allemands sont en train de discuter d’une baisse des cotisations. Ce n’est donc pas, madame la ministre, un succès tout à fait considérable.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Les Allemands sont aussi en train de discuter de la création d’un salaire minimum !

M. Dominique Tian. On parle de l’Allemagne à longueur de journée, y compris le Président de la République. Or, là-bas, il y a des excédents alors qu’en France, il y a au minimum 13 milliards d’euros de déficit supplémentaire. Parler d’un grand succès me paraît donc quelque peu étonnant ! Cela seul justifierait un renvoi en commission.

Comme M. Barbier vient de le dire avec beaucoup de talent, ce texte est mal né, puisqu’il a même conduit à des fissures très importantes au sein de votre majorité. En commission, les amendements du Gouvernement ont été déposés directement sur nos tables. On a même cru un moment, madame la présidente Lemorton, que vous alliez démissionner.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je ne vous ferai pas ce plaisir !

M. Dominique Tian. Vous n’êtes pas allée au bout de votre logique. Mais vous avez encore trois ans pour le faire. Vous fûtes quasiment démissionnaire dans les faits, juste avant que M. Paul soit sur la même tendance, puisqu’il s’est énervé lui-même, parlant d’ « hygiène » en commission. J’ajoute que M. Bapt, après avoir défendu bec et ongles un certain nombre de prélèvements supplémentaires sur les PEL et PEA, a dû manger son chapeau à la demande de M. Le Guen, dont nous regrettons d’ailleurs l’absence aujourd’hui car il apporte au débat un certain nombre d’éléments. Du reste, il aurait pu défendre cette motion de renvoi en commission avec plus de talent que moi.

Ces fissures, on les retrouve au Sénat, puisqu’il a rejeté ce texte à l’unanimité.

Mme Bérengère Poletti. Eh oui !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pas à l’unanimité ! C’est le texte sur la réforme des retraites qui a été rejeté à l’unanimité !

M. Dominique Tian. Voilà, à l’évidence, une raison de renvoyer d’urgence ce texte en commission.

Mais il y a pire encore, depuis cet après-midi, puisque les rapporteurs ont présenté, en quelque sorte au nom du Gouvernement, quinze amendements supplémentaires lors de la réunion que la commission a tenue au titre de l’article 88 du règlement. On voit bien que le renvoi en commission s’impose. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

M. Denis Jacquat. Nouvelle erreur !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Marc Germain, pour le groupe SRC.

M. Jean-Marc Germain. Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous procédons à l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 en nouvelle lecture au moment même où, à quelques pas d’ici, à l’hôtel Matignon, s’engage une concertation importante pour notre pays. Nous sommes nombreux à dire depuis longtemps qu’il faut totalement repenser la fiscalité. C’est une banalité que de le souligner, mais au fil des ans, des sédimentations successives, l’impôt est devenu illisible : on ne sait plus qui paye quoi.

Nous avons eu raison de revenir sur l’harmonisation des prélèvements sociaux sur les PEL,…

Mme Bérengère Poletti. Il aurait fallu le faire en première lecture !

M. Jean-Marc Germain. …parce qu’elle crée beaucoup d’inquiétudes pour pas grand-chose.

Mais avouons qu’il est étrange que deux personnes qui vont, demain, liquider leur PEL avec un même montant d’intérêts capitalisés verseront des montants différents à la Sécurité sociale.

On ne sait pas plus qui doit payer quoi. Un commerçant de ma circonscription, partant en retraite, me racontait encore récemment comment les services des impôts lui avaient d’abord dit que ses plus-values très modestes ne donneraient pas lieu à impôt sur le revenu, avant de se raviser quelques jours plus tard parce que le commerçant avait cédé son commerce, non pas à un commerce d’habillement mais à un commerce de chaussures et parce qu’il était sous statut SARL-IS et pas SARL-IR.

La question qui se pose aujourd’hui n’est pas s’il faut plus ou moins d’impôts. Ceux qui prétendent que l’on pourrait baisser les impôts tout en maîtrisant l’endettement ne disent pas la vérité aux Français. Les impôts, nous les augmenterons le moins possible, juste ce qu’il faut pour casser la spirale de l’endettement. Et si un jour nous pouvons les baisser, nous les baisserons, et nous serons les premiers à nous en réjouir.

M. Dominique Tian. Ce n’est pas des impôts dont il est question dans ce texte mais des cotisations sociales !

M. Jean-Marc Germain. Mais pas à n’importe quel prix. Au prix d’une meilleure efficacité de la dépense publique, oui ! Au prix d’une réduction de la protection sociale, non ! C’est clair et net, pour nous.

L’impôt, ce sont les ressources qu’un peuple décide de mettre en commun pour agir en commun. C’est ce qui permet de bâtir un patrimoine à ceux qui n’en n’ont pas et qui ont peu d’espoir d’en avoir, parce que la vie ne les a pas favorisés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

L’impôt, ce sont les hôpitaux, les écoles, les ponts, les routes, les réseaux numériques, les transports en commun, mais aussi la possibilité d’avoir des fleurons industriels qui réussissent partout dans le monde…

M. Dominique Tian. Ce n’est pas de l’impôt qu’il s’agit dans le PLFSS !

M. Jean-Marc Germain. Les impôts, c’est la garantie, quels que soient les aléas de la vie, de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille, se soigner, d’avoir droit à une bonne retraite en pleine santé et sans pauvreté. Sans l’impôt, rien de cela n’existerait. Ce qui compte, ce n’est donc pas « plus ou moins d’impôts ? », c’est mieux d’impôts.

En première lecture, nous avions adopté, dans l’indifférence générale, un amendement qui fait aujourd’hui l’actualité. L’exposé sommaire de cet amendement, n371 rectifié, appelait à ce que « 2015 marque l’acte II de la réforme de la fiscalité de notre pays ».

Acte II, d’abord, parce que ceux qui prétendent que rien n’a été fait depuis dix-huit mois sont d’une absolue mauvaise foi. M. Tian s’en va, d’ailleurs, à ce moment de mon discours ! (Sourires.)

Mme Bérengère Poletti. Il est toujours là ! Monsieur Tian, restez, vous leur manquez ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Germain. Depuis juin 2012, de nombreuses dispositions ont été adoptées pour rendre notre système fiscal plus juste : alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail, rétablissement de l’impôt sur la fortune qui avait été réduit à la portion congrue, prélèvement sur les plus hauts revenus avec la nouvelle tranche à 45 % et la taxation à 75 % des revenus de plus d’1 million d’euros, réduction de nombreuses niches fiscales, lutte contre la fraude fiscale…

Acte II, ensuite, parce que si nous ne partons pas de rien, beaucoup reste à faire. Par ce même amendement, nous affirmons de trois principes : pérennité de notre système de protection sociale, performance économique, sociale et environnementale du prélèvement fiscalo-social, justice et progressivité des prélèvements fiscaux et sociaux.

Avec la remise à plat annoncée par le Premier ministre, nous avons été entendus au-delà de nos espérances. Des concertations avec les partenaires sociaux sont engagées et, en fin de semaine, ce sera aux groupes politiques d’être écoutés. Alors permettez-moi ici d’avancer, devant le président de notre groupe, quelques pistes.

Sur l’horizon, d’abord, je crois qu’il faut s’inscrire dans un temps long. Vouloir aller trop vite, c’est prendre le risque de tout bloquer. La fin du quinquennat, voire au-delà, me semble un bon horizon. Les entreprises, plus que de stabilité, ont besoin de lisibilité et de prévisibilité.

Sur le fond, je plaide pour mener à bien cinq chantiers : pour la simplicité, le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ; pour l’emploi, le transfert des cotisations patronales sur l’assiette de la valeur ajoutée ; pour le pouvoir d’achat et la justice, le transfert des cotisations salariales sur une CSG progressive ; pour l’efficacité économique, la fusion du crédit d’impôt compétitivité emploi et du crédit d’impôt recherche dans un grand CICER ; pour l’écologie, rendre la TVA éco-modulable.

Voilà, madame la ministre : nous voterons dans quelques heures ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Nous le ferons parce qu’il met en œuvre trois réformes en profondeur de la Sécurité sociale : la modernisation de la politique familiale, la stratégie nationale de santé et la loi sur les retraites. Trois réformes animées d’un même esprit qui se résume en trois mots : progrès, justice et sérieux.

Nous le ferons, désireux de nous engager pleinement auprès de vous, dès demain, dans ce grand travail sur la fiscalité qui s’engage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe UMP.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme chaque année, l’ampleur des crédits mobilisés pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale en fait un texte aux enjeux primordiaux, et tout particulièrement dans le contexte de crise que nous le connaissons. Nous allons discuter de plus de 346 milliards d’euros de dépenses.

Ce contexte difficile s’impose à nous depuis 2008-2009 et nous oblige à un grand sens des responsabilités, à une écoute scrupuleuse de ce que peuvent ressentir les Françaises et les Français.

Cette année, l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale a été particulièrement rocambolesque. Je ne m’étendrai pas sur l’absence de texte et le temps contraint, qui ont empêché de nombreux députés de s’exprimer lors de l’examen en commission des affaires sociales, ceci dénotant un véritable manque de respect pour la représentation nationale, d’ailleurs souligné par la présidente de la commission.

Permettez-moi tout d’abord de revenir sur l’épisode ubuesque auquel nous avons assisté lors de l’examen de l’article 8 et du vote en première lecture. En effet, quel triste spectacle que cet exercice de rétropédalage sur cet article 8, qui, je le rappelle, visait à augmenter la taxation des plans d’épargne logement, comptes épargne logement, plans d’épargne en actions, des assurances vie et de l’épargne salariale.

Après que les députés de l’opposition – c’est-à-dire nous – ont défendu dans l’hémicycle un amendement visant à supprimer cet article injuste, et un autre prévoyant une suppression partielle, pendant plus d’une heure, c’est plein de certitudes que vous avez rejeté en bloc nos avertissements, dédaignant nos arguments et proclamant des vérités, vos vérités, qui n’ont pas duré longtemps.

En quelques minutes, vos certitudes se sont envolées… Les députés socialistes se sont fait tirer les oreilles dans leur circonscription ! La discussion de l’article à peine terminée dans l’hémicycle, le rapporteur Gérard Bapt s’est empressé de réunir la presse pour critiquer la  mesure qu’il venait de défendre quelques minutes auparavant. Ahurissant !

Puis, c’est au tour des ministres Pierre Moscovici et Bernard Cazeneuve d’annoncer le renoncement à cette mesure par voie de presse… En moins de trois jours, tout le monde a pris la parole sur ce rétropédalage, essayant vainement de rassurer les Français, mais une fois de plus, en faisant preuve d’amateurisme et de cacophonie.

C’est donc une fois l’article voté par la majorité, et juste avant le vote solennel en première lecture, que le Gouvernement a annoncé qu’il allait reculer sur cet article : les PEA, les PEL et l’épargne salariale seront retirés de la mesure, qui ne concernera plus que les assurances vie.

Ce qui conduit à une situation absurde : la majorité socialiste a voté en définitive un texte caduc, dans lequel elle taxe l’épargne des Français tout en annonçant qu’elle ne le fera pas ! Du jamais vu !

Puis il y a eu le dépôt d’un amendement du Gouvernement, en dernière minute, en séance, revenant sur la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin dernier sur les clauses de désignation. Jugées comme « portant atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle », les clauses de désignation sont réintroduites sous le manteau, contournant juridiquement la décision du Conseil constitutionnel…

Enfin, une fois entre les mains des sénateurs, votre texte, comme l’année dernière, s’est trouvé rejeté complètement par le vote de la chambre haute... Et nous nous retrouvons aujourd’hui face au texte de l’Assemblée nationale, voté par elle le 29 octobre dernier. Votre texte est le même et nos grandes réserves sont bien évidemment toujours les mêmes.

Les prétentions d’économies sont toujours des mirages, puisque celles-ci ne sont toujours que de 3,5 milliards d’euros, lorsque la hausse tendancielle des dépenses est neutralisée.

Le Gouvernement affiche toujours une progression de l’ONDAM à 2,4 %, mais malheureusement les efforts demandés aux Français ne s’accompagnent pas des réformes de structure pourtant indispensables pour consolider dans le temps la maîtrise des dépenses de santé.

Tout le monde du travail en prend pour son grade : l’industrie pharmaceutique, les professionnels libéraux, les artisans, les commerçants… Les agriculteurs vont être les seuls à financer des mesures de revalorisation des retraites agricoles, quand le Président de la République promettait de les faire porter par la solidarité nationale.

Non seulement la cotisation vieillesse de base RSI sera déplafonnée – j’ai cru comprendre qu’il y aurait un aménagement, là encore –, mais les artisans, commerçants et petits patrons seront soumis à une nouvelle cotisation sur l’ensemble de leurs revenus d’activité. Le Gouvernement fait ainsi supporter la hausse de la cotisation vieillesse, décidée dans votre réforme des retraites, par cette nouvelle cotisation, la portant à 0,30 % en 2014.

Les retraités vont payer encore cette année la taxe que vous avez inventée l’année dernière, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, que vous avez vendue aux Français comme le témoignage de votre volonté d’agir sur la dépendance et d’aider les personnes âgées… Mais encore une fois, il s’agit d’un écran de fumée. Les dotations destinées aux personnes âgées se réduisent comme peau de chagrin, puisque la progression de l’ONDAM qui leur est alloué n’est que de 2,7 %.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous avez déposé un amendement pour la réduire à 2 %. Auriez-vous oublié ?

Mme Bérengère Poletti. Ce ne sont pas les 70 millions d’euros alloués à la CNSA par l’amendement du groupe socialiste – ni les 30 autres millions des PAI – sur les 600 millions d’euros récoltés par la CASA, qui vont changer quoi que ce soit. Le Sénat a voté la redotation complète de la CASA vers la CNSA. Puisse l’Assemblée nationale avoir la même sagesse. Nous sommes loin des ONDAM médico-sociaux de ces dix dernières années, qui s’étaient maintenus malgré un contexte difficile.

Mme Martine Pinville, rapporteure. C’est faux !

Mme Bérengère Poletti. Aujourd’hui, vous reprenez des crédits non consommés de la CNSA pour construire l’ONDAM de 2014. Vous êtes une fois encore en totale contradiction avec vos paroles passées et ce n’est pas la méthode Coué qui fait une bonne politique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

L’article 37 prévoit d’expérimenter la délivrance à l’unité des médicaments. C’est une mesure populaire, plutôt bien perçue par les Français, mais dont la mise en œuvre proposée par ce PLFSS, dans le meilleur des cas, ne permettra pas la bonne évaluation, et dans le pire des cas tuera dans l’œuf cette idée potentiellement porteuse d’économie. Les antibiotiques, qui ont été choisis pour mener cette expérimentation, ne constituent pas le meilleur choix pour obtenir une expérimentation probante. Nous aurons évidemment ensemble, à nouveau, une discussion sur cet article.

J’en viens à votre article 44 concernant la contraception pour les mineures. Je dois reconnaître, madame la ministre – Mme Touraine n’est pas là pour le moment – que vous tentez, je dis bien vous tentez, d’améliorer l’accès à la contraception pour les mineures. L’exercice a déjà été laborieux l’année dernière, mais au bout de la deuxième lecture, le texte permettait la délivrance, mais uniquement la délivrance du contraceptif, de manière anonyme et gratuite, aux mineures.

Je vous avais alors alertée pour que vous complétiez le dispositif par la prise en charge anonyme et gratuite du prescripteur et d’un éventuel examen biologique s’il s’avérait nécessaire.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mme Lemorton y est peut-être pour quelque chose !

Mme Bérengère Poletti. L’intérêt d’organiser l’accès facilité à la contraception pour les mineures est justement d’offrir une solution à celles qui cherchent à se protéger d’une grossesse malgré un environnement compliqué. Pour les autres mineures, l’environnement familial apporte la couverture nécessaire. Et justement, cet article 44 ne s’adresse pas aux publics qui en ont vraiment besoin. Pire, il risque de leur porter préjudice. Car, madame la ministre, vous m’avez répondu en première lecture, que l’acte était pris en charge sous le numéro d’assuré social des parents. Or, justement, ces assurés sociaux, les parents des mineures concernées, reçoivent les relevés de tous les actes de tous les ayant droits.

C’est la raison pour laquelle j’ai proposé à la commission de voter un amendement prévoyant que la prise en charge se fasse par l’assurance maladie, par le biais de la carte professionnelle des praticiens. Cet amendement a été voté à l’unanimité par les commissaires présents en commission, dans leur grande sagesse, mais, redoutant l’application de l’article 40 sur ledit amendement en séance, j’ai déposé un amendement de suppression de l’article 44, qui nous donnera l’occasion d’approfondir le sujet.

Pour conclure, le PLFSS pour 2014, comme le PLFSS pour 2013, utilise le levier fiscal et l’augmentation des taxes, voire le détournement de certaines recettes – je pense à la CASA – et renonce malheureusement trop souvent à des réformes courageuses pour rééquilibrer les comptes sociaux.

Depuis l’élection de M. Hollande et la nomination de M. Ayrault à Matignon, les Français ont bien analysé qu’ils avaient été bernés par les discours de la gauche.

M. Jean-Pierre Barbier. Eh oui !

Mme Bérengère Poletti. Tant de choses promises, tant de critiques émises, tant d’engagements pris la main sur le cœur, tant de belles paroles pour tant de déceptions aujourd’hui, tant de désillusion et tant de confiance perdue !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Il n’y en a pas tant !

Mme Bérengère Poletti. Le ras-le-bol fiscal ne va malheureusement pas se calmer avec l’annonce d’une réforme fiscale qui est loin de faire l’unanimité dans votre propre camp. Ce que les Français veulent, c’est une modération fiscale, une baisse des charges, mais ils ne veulent pas que leurs efforts soient gaspillés. Ils ne veulent surtout pas qu’on leur mente, comme le Président de la République qui promet une pause fiscale complètement à contre-courant des réalités du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, ou lorsqu’il promet l’inversion de la courbe du chômage…

Mme Martine Pinville, rapporteure. Cela n’a rien à voir avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean-Pierre Barbier. Si !

Mme Bérengère Poletti. … espérant que l’argent public et les emplois aidés lui donneront raison, alors même que les Français constatent, navrés, la fermeture de plusieurs entreprises. Puissiez-vous, mesdames les ministres, au fil de cette nouvelle lecture, être plus sages que lors de la première lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe UDI.

M. Arnaud Richard. Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, malgré la qualité de nos débats et l’adoption des quelques amendements du groupe UDI que vous avez retenus, madame la ministre, les critiques que nous avions émises en première lecture sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale demeurent malheureusement de mise et sont même plus d’actualité aujourd’hui qu’hier.

Encore une fois, sur ces thématiques qui touchent nombre de nos compatriotes, aux moments souvent les plus intimes, les plus décisifs ou les plus tragiques de leur vie, nous regrettons que le Gouvernement se soit contenté de reculer sur des mesures à l’évidence inappropriées.

Faute de travail et de débat préalables, ce texte s’est finalement inscrit dans la morne continuité à laquelle vous nous avez habitués, celle de l’alourdissement de la charge fiscale et de l’absence persistante de réformes structurantes de notre système de Sécurité sociale.

Pourtant, l’heure n’est plus aux simples rafistolages ou élagages : nous sommes au pied d’un mur tellement lézardé qu’il menace ruine, et nous n’avons pas d’autre choix, à notre sens, que de procéder à l’édification d’un nouveau projet de Sécurité sociale pour notre pays. Du reste, mes chers collègues, chaque PLFSS nous en donne l’occasion et, encore une fois, vous avez manqué cette occasion en passant à côté de ce rendez-vous pourtant fondamental pour les Français.

Alors comment ne pas s’inquiéter de ce que j’appellerai aimablement – nos collègues ont été un peu plus durs – des mouvements de balancier de la majorité et du Gouvernement ? Je citerai deux exemples : l’article 8, bien connu désormais, et la clause de désignation.

Je veux, bien entendu, parler de la disparition de la taxation des produits de placement. Cet article 8, on l’a dit, nivelait par le haut la taxation des placements de type PEA, PEL ou contrats d’assurance vie. Il abrogeait le calcul du taux d’origine pour que tous les placements ouverts depuis 1997 fassent l’objet d’un prélèvement social identique de 15,5 %. Dispositif rétroactif et inéquitable, totalement contraire à l’esprit des lois qui, au-delà de règles ponctuelles, porte un principe : celui de la sécurité juridique. Il était absolument indispensable de reculer ; finalement, le périmètre est réduit aux seuls contrats d’assurance vie multisupports. C’est encore trop : à notre sens, il fallait purement et simplement abandonner cette disposition !

Deuxième exemple de mouvement de balancier, pour être poli : le retour de la clause de désignation. Après une bataille parlementaire à laquelle nous étions nombreux ici à participer – la plupart des présents ce soir étaient intervenus sur l’article 1er de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, pour lequel vous avez subi la censure du Conseil constitutionnel le 13 juin dernier, ainsi que Bérengère Poletti l’a rappelé –, le Gouvernement s’entête.

Sans revenir sur les détails, disons simplement que ce qui est désormais appelé « recommandation » n’est rien d’autre qu’une désignation déguisée. La branche pourra ne recommander qu’un seul opérateur et, dans ce cas, on se doute bien que la plupart des entreprises, surtout les petites, suivront systématiquement cette recommandation. Les entreprises auront-elles d’ailleurs le choix ? Bien sûr que non puisque, si elles ne le font pas, elles seront fiscalement sanctionnées ! Le forfait social sur les cotisations de prévoyance passera de 8 à 20 % pour les entreprises de dix salariés et plus, et de 0 à 8 % pour les entreprises de moins de dix salariés.

Pardonnez-moi, madame la ministre, mais nous dépassons là le cap des jeux sémantiques pour atteindre la manipulation grossière, que nous condamnons bien sûr fermement.

Comment ne pas s’étonner encore de ces sortes de torsions que vous faites subir aux réalités, faute une fois encore d’une vision de long terme, globale et ambitieuse ? Je prendrai quelques exemples de ce qui devient une habitude de détournement de dispositifs nationaux.

Premier exemple, la taxation des boissons énergisantes, recalée l’année dernière par le Conseil constitutionnel : ce dispositif vise en réalité la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, loin d’un véritable projet de santé publique.

Deuxième exemple, le prélèvement de 200 millions d’euros sur le Fonds pour l’emploi hospitalier, le FEH, au profit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL. Or le FEH finance l’aménagement du temps de travail des agents hospitaliers : rien à voir avec les retraites ! Il s’agit donc d’une forme de hold-up purement comptable, au détriment de l’aménagement du temps de travail du personnel hospitalier.

Troisième exemple, la prorogation du mécanisme de confiscation de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, mécanisme que nous avions déjà combattu en 2012. Comme son nom l’indique, la CASA, créée l’année dernière, a pour vocation de financer l’autonomie ; or, dès sa naissance, la CASA a été détournée. Elle aurait dû être consacrée à compenser la prise en charge par les départements de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, d’autant plus que l’on sait que les conseils généraux ont depuis longtemps beaucoup de mal à y faire face. Au lieu de cela, cette compensation des départements pour leur prise en charge de l’APA, qui passe par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, a été amputée d’une fraction de CSG, à due concurrence du produit de la CASA au profit du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV !

Pour justifier cette situation, cette autre forme de hold-up, on allègue que la réforme de la dépendance est encore à venir, comme si aucun dispositif de prise en charge de la dépendance n’existait auparavant et comme si l’APA était correctement financée à ce jour ! Dès l’origine, ce système était inacceptable, alors même qu’il ne devait durer qu’une année. Le voici prorogé : c’est à notre sens inadmissible !

À l’horizon 2017, mes chers collègues, en tenant compte des déficits cumulés des branches santé et famille en 2012 et 2013, ce sont près de 44 milliards d’euros de déficit qui seront ainsi transférés, et ce grâce aux économies réalisées par la réforme des retraites.

Faut-il vous redire, à cette occasion, nos doutes sur les vertus de cette réforme des retraites ? Le compte n’y sera pas, et j’imagine qu’un certain nombre de nos collègues socialistes réfléchiront demain avant de voter une telle réforme !

Dans ces conditions, transférer les dettes des branches familles et santé à la caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, sans modifier ses paramètres de plafond et de calendrier, c’est un peu comme si la CADES passait du pain blanc au pain noir.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Que voulez-vous dire ? C’est une très bonne mesure !

M. Arnaud Richard. Et au-delà de la CADES, on le voit bien, ce sont encore des dettes que nous faisons porter à leur insu sur les épaules des générations futures.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mais nous n’avons touché à rien !

M. Arnaud Richard. Parlons en deux mots de déficit. Il n’y a pas de quoi pavoiser, monsieur Bapt : il passerait de 19 milliards d’euros en 2012 à 17 milliards d’euros en 2013.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il n’a rien compris !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous avez changé de position !

M. Arnaud Richard. Si, j’ai très compris, et je n’ai pas changé de position ! On est loin du niveau de 2008, quand le déficit, déjà inquiétant, s’élevait à 11,2 milliards d’euros. La vérité, c’est que l’abandon d’un calendrier précis de retour à l’équilibre est désormais sanctionné. Pourtant, le Gouvernement mise sur une reprise de la croissance de 0,9 % en 2014, et de 1,7 % en 2015. Ce n’est pas terrible, c’est vrai et vous en conviendrez. Et pourtant, c’est assez loin du compte ! J’aurai la pudeur de ne pas évoquer le retour très rapide, que vous envisagez, à un rythme de croissance moyen de la masse salariale qui était celui de la période de 1998 à 2007, soit 2,2 % en 2014, puis 3,5 % en 2015 et 4 % en 2016. Bref, vous vous inscrivez globalement dans l’effort de reflux des déficits sociaux engagé depuis 2011, mais en aménageant la réalité.

Un dernier mot sur les recettes, qui traduisent comme une sorte de fébrilité, un grand désordre et, au final, une confusion dont nous verrons certainement l’aboutissement demain avec le vote sur la réforme des retraites.

Un grand désordre, tout d’abord, quand vous créez une nouvelle cotisation vieillesse assise sur la totalité des revenus des indépendants, sur laquelle sera appliquée la hausse décidée par la réforme des retraites. Pour les artisans, les commerçants et les petits entrepreneurs, c’est une nouvelle cotisation de 0,10 % à laquelle sera appliquée la hausse de 0,15 % pour 2014, soit une cotisation totale de 0,25 % sur l’ensemble de leurs revenus. C’est à se demander si vous vous rendez compte de ce que vous faites !

L’année derrière, le Gouvernement avait déjà procédé à une augmentation des cotisations sociales du régime social des indépendants. Dans un contexte économique très difficile, vous auriez été mieux inspirés de soutenir les entrepreneurs, notamment dans le secteur des services à la personne, ce que nous vous avons souvent demandé ; malheureusement, vous faites le contraire.

Un grand désordre encore, ou une sorte de confusion, quand vous modifiez les conditions d’attribution de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE. Son montant sera divisé par deux pour 12 % des ménages éligibles à la PAJE, cette mesure s’ajoutant à la baisse du quotient familial et à la diminution du complément de libre choix d’activité. Vous fiscalisez donc la politique familiale, et vous agressez une nouvelle fois les classes moyennes.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mais non ! Seuls 12 % des ménages seront touchés : et ce ne sont pas les classes moyennes !

M. Arnaud Richard. Vous encouragez la dénatalité. C’est une faute lourde pour l’avenir de notre pays, monsieur Bapt !

Au regard de ces constats, vous vous en doutez bien, le groupe UDI, comme je crois le groupe UMP, votera contre ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Parlez donc pour votre groupe !

M. Arnaud Richard. …qui n’est pas une réforme structurelle et qui met gravement en péril tout notre système de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’UDI perd sa sérénité de jugement !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Faites-vous partie de l’UDI « Fraction Bayrou » ou « Fraction Borloo » ?

M. Arnaud Richard. J’appartiens à la « Fraction Bon Sens » !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je n’en suis pas certaine : les lendemains de mariage sont douloureux !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour le groupe écologiste.

M. Jean-Louis Roumegas. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la navette parlementaire fait à nouveau escale à l’Assemblée, après un passage au Sénat – passage infructueux. La partie des dépenses n’y a donc pas été examinée, et la CMP, elle-même infructueuse, nous renvoie au débat ici même.

Nous regrettons ces aléas de procédure car des apports écologistes, tels un amendement sur la promotion du covoiturage ou le renforcement de la maîtrise des retraites chapeau, que nous avions déjà proposés ici à l’Assemblée, avaient été adoptés au Sénat. Or ces progrès sont tombés à l’eau étant donné l’évolution de la procédure.

De même, l’ensemble des amendements que nous avions proposés en première lecture, visant à favoriser les changements de comportement, notamment en matière alimentaire, sont reportés puisqu’il nous est impossible, dans cette deuxième lecture, de défendre nos articles additionnels sur la partie recettes. Ce n’est donc pas de notre part un renoncement, mais simplement la procédure qui nous impose de laisser ces amendements de côté.

À l’inverse, nous accueillons avec soulagement le retrait de la taxation des PEL, des PEA et de l’épargne salariale, qui permettra de soulager les patrimoines moyens et modestes.

Pour garantir l’accès du plus grand nombre à une complémentaire, nous défendrons des amendements de garantie, tant sur la qualité de ces complémentaires que sur les publics concernés, en particulier les plus fragiles. Nous nous inspirerons en cela du rapport de notre collègue Aline Archimbaud, L’accès aux soins des plus démunis : 40 propositions pour un choc de solidarité.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Très bon rapport !

M. Jean-Louis Roumegas. Très bon rapport en effet, madame la présidente. Il s’inscrit dans la politique de prévention que nous souhaitons voir émerger.

De façon générale, nous soutenons cette logique fondée sur l’idée qu’en investissant dans l’accès aux soins, notamment pour les plus démunis, nous répondons bien sûr à un devoir de solidarité, mais nous soignons par la même occasion aussi les comptes publics.

Du reste, si l’on se réfère à l’étude du Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, le SGMAP, évaluant les gisements d’économies dits « moins de maladie », il apparaît qu’en diminuant le taux de renoncements aux soins, l’État augmente certes les dépenses en termes de consultations médicales, mais diminue par la même occasion fortement les coûts liés aux hospitalisations d’urgence et aux traitements lourds de certaines pathologies, qui eux coûtent des sommes beaucoup plus importantes.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Louis Roumegas. Concernant l’acquisition d’une complémentaire santé, nous sommes donc satisfaits de l’adoption de notre amendement visant à rendre obligatoire l’information des bénéficiaires de la date d’échéance du contrat, et ce au minimum un mois avant la fin du contrat : il s’agit en cela de conforter les bénéficiaires de l’aide pour une complémentaire santé, l’ACS, et de maintenir leur éligibilité.

Comme vous le savez, l’ACS souffre d’un déficit de notoriété et d’un non-recours avoisinant les 70 %, doublés d’un manque d’attractivité : outre le reste à charge qu’elle laisse subsister, le risque est élevé de devoir se contenter d’un contrat très souvent doté de garanties insuffisantes, se traduisant par un reste à charge sur les prestations elles-mêmes.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Voici M. Borloo ! Vous êtes désormais deux représentants de l’UDI !

M. Jean-Louis Roumegas. Si Mme la présidente de la commission veut bien me laisser m’exprimer… Nos concitoyens se perdent dans le maquis d’offres souvent opaques et très décevantes lorsqu’ils doivent y avoir recours. C’est un marché de 8 millions de personnes, où deux ou trois complémentaires santés sanctuarisées constitueraient un oligopole bénéficiant en plus d’un taux de taxe spéciale sur les conventions d’assurance, ou TSCA, inférieur de moitié à celui applicable aux autres contrats. Il y a là, je crois, un devoir de précaution.

Poussons la simplification administrative plus loin : plutôt que de demander aux candidats à la CMU-C ou à l’ACS de justifier de toutes leurs ressources sur douze mois glissants, ce qui peut demander jusqu’à cent pièces dans un dossier pour une personne qui cumule les temps partiels et les employeurs, nous proposons d’utiliser le revenu fiscal de référence, en prévoyant bien sûr un mécanisme de prise en considération de l’effet retard que cela pourrait engendrer en contrepartie.

Entre recommandation et désignation – je parle ici des clauses –, il convient de s’assurer de la prise en charge des soins des plus défavorisés et de maintenir globalement un système de protection dans l’esprit des pères fondateurs. La privatisation rampante n’est pas un bon signe. Le Gouvernement a fait un chèque de 20 milliards aux entreprises au travers du CICE ; il n’est pas inconvenant de leur demander un effort de 4 milliards pour l’extension de la complémentaire santé, d’autant que cet accord a reçu l’assentiment du patronat, en contrepartie d’une flexibilisation du marché du travail.

Nous réitérerons également nos amendements de défense de l’hôpital public, tels que ceux qui concernent l’abrogation de la convergence tarifaire public privé, l’éligibilité des établissements et services sociaux et médico-sociaux aux financements par les missions d’intérêt général, ou encore l’encadrement de l’activité libérale exercée au sein des établissements publics de santé.

Olivier Véran, lors des débats en première lecture, avait ardemment soutenu le principe de la gratuité du don du sang. Mme la ministre avait soulevé de potentielles contradictions avec les règles européennes en cours. Nous devons encourager cette exception vis-à-vis de l’Europe. Le débat est ouvert et mérite d’être soutenu, comme celui, qui représente un enjeu national et européen, sur les perturbateurs endocriniens disséminés dans notre environnement proche et quotidien et leur cortège funeste de pathologies chroniques. Il y a lieu d’avancer clairement et fermement sur ce sujet, qui lui aussi plombe notre déficit.

Sur l’article 39, qui concerne les autorisations temporaires d’utilisation, nous avions souhaité en commission que, pour des raisons de délais, car il s’agit de maladies extrêmement graves pour lesquelles il n’y a pas d’alternatives thérapeutiques, l’évaluation soit soumise non plus à la HAS mais à l’ANSM. Ce point avait recueilli un avis positif du rapporteur moyennant des corrections dans la rédaction, ce que nous avons fait eu égard à l’attente forte des associations de lutte contre le VIH et des patients en traitement lourd. Nous espérons, tout en craignant que ce ne soit pas le cas, que la parole du rapporteur sera respectée et que cet amendement sera adopté en séance tout à l’heure. Il est, je le répète, très attendu par les associations de lutte contre le VIH.

M. Christian Paul, rapporteur. Vous n’avez aucun exemple de parole non tenue !

M. Jean-Louis Roumegas. Nous verrons bien tout à l’heure.

Madame la ministre, vous réussissez à maintenir le bateau à flot, sans pour autant l’engager sur un cap plus prometteur. L’horizon d’une politique de prévention et de précaution sanitaire fondée sur la prise en compte de la santé environnementale nous semble encore hors de portée. C’est bien dommage quand on se remémore les coûts fastidieux de la réparation pour les victimes de l’amiante, pour ne citer qu’eux.

En tout état de cause, en période de crise, notre système de protection sociale doit être conforté et, en la matière, il ne saurait y avoir de première, de deuxième ou de troisième classe. Il doit y avoir égalité de droit et de traitement pour tous, et ce dans un esprit mutualiste et solidaire.

Enfin, nous nous réjouissons de l’annonce de la loi de santé publique pour le premier semestre 2014 par un courrier aux parlementaires.

M. Gérard Sebaoun. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe RRDP.

Mme Dominique Orliac. Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous voici amenés à débattre en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014, à la suite du rejet du texte au Sénat.

Comme je l’avais annoncé lors de la première lecture, après avoir connu un déficit abyssal mettant en péril l’ensemble de notre système de protection sociale, le financement de la Sécurité sociale pour 2014 constitue une nouvelle étape du rétablissement des comptes sociaux de la France, déjà amorcé l’année dernière.

Il y a environ un mois, un sondage IFOP pour Le Journal du Dimanche rapportait que plus de 86 % des Français, donc plus de huit Français sur dix, se déclaraient très ou plutôt inquiets de la capacité de la France à financer son système de Sécurité sociale. Il est donc urgent de réaffirmer que notre Sécurité sociale est bien un vecteur de cohésion sociale, et qu’il faut le préserver.

La Cour des comptes l’a rappelé dans son dernier rapport : « Préserver la Sécurité sociale, revenir rapidement à l’équilibre des comptes sociaux d’abord par un effort sur les dépenses, faire reculer la dette pour ne pas la faire porter par les générations futures est une priorité. Le réussir est à portée, en prenant appui sur les principes mêmes qui fondent notre modèle social : la responsabilité, la justice, la solidarité. »

Nous devons donc tenir cet engagement afin de permettre aux seniors, mais également aux jeunes, de continuer à bénéficier de notre Sécurité sociale en apportant des réformes structurelles de notre système afin de le rendre pérenne.

Le 8 février 2013, Jean-Marc Ayrault déclarait à Grenoble, lors de la présentation de la stratégie nationale de santé : « Il faut engager sans tarder une réforme de fond, une réforme structurelle de notre système de santé, et cela ne sera pas l’œuvre de quelques mois, mais des cinq ans, [… ] peut-être des dix ans à venir si nous voulons pleinement réussir. »

Les Radicaux de gauche ne peuvent qu’être d’accord avec les déclarations du Premier ministre, puisque nous appelons de nos vœux depuis très longtemps une réforme structurelle de notre Sécurité sociale et de notre système de santé, mais les chiffres parlent d’eux-mêmes. Finalement, très peu de réformes structurelles nous sont présentées dans ce PLFSS pour 2014. Je ne peux donc cacher ma déception alors que, lors de la discussion générale du PLFSS pour 2013, je tenais les propos suivants : « Il est compréhensible qu’en quelques mois, vous n’ayez pas pu engager toutes les réformes structurelles nécessaires, mais il est indispensable de sauvegarder notre système de santé. Ce texte n’est pas encore celui que nous souhaitions. Rendez-vous avec votre majorité en 2014 ». Et là, vous n’êtes pas au rendez-vous.

Si le Gouvernement fixe le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse à 12,8 milliards d’euros en 2014 contre 16,2 milliards d’euros en 2013, l’effort d’économies repose essentiellement sur la branche maladie, la plus déficitaire des quatre branches de la Sécurité sociale, tandis que 500 millions d’euros de réduction de frais de gestion des organismes de Sécurité sociale, 200 millions d’euros d’économies sur les dépenses de la branche famille et 2,5 milliards d’euros d’économies pour la branche santé viennent renforcer ce dispositif d’économies.

Parmi les mesures phares figurent les 800 millions d’euros de rentrées liées au décalage de six mois de l’actualisation des pensions de retraites, auquel le groupe RRDP s’était fortement opposé en première lecture du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, comme en nouvelle lecture la semaine dernière. Notre groupe ne manquera pas de le rappeler demain lors des explications de vote sur ce texte. Nous souhaitons qu’il puisse évoluer et que la justice puisse être au rendez-vous.

Alors, les PLFSS se suivent et se ressemblent : les économies massives se portent à nouveau pour 2014 sur le médicament, en plaçant l’industrie pharmaceutique en première position parmi les contributeurs aux économies de la branche maladie, alors que d’autres pistes auraient pu être trouvées.

Madame la ministre, votre projet comporte toutefois des points positifs. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je pense tout d’abord aux mesures concernant le renforcement de l’aide au sevrage tabagique. J’ai eu l’occasion d’en parler pendant les discussions du projet de loi de finances lors de l’examen de la mission « Santé », mais je profite de votre présence pour vous redire que la prévention du tabagisme est aussi importante que le sevrage.

Il est essentiel de réfléchir sérieusement à un programme ambitieux de prévention du tabagisme, notamment chez les plus jeunes, qui commencent à fumer de plus en plus tôt. Même si c’est une avancée très positive proposée dans votre PLFSS, nous aurions pu toutefois aller plus loin en envisageant le remboursement intégral de l’aide au sevrage tabagique, préconisé d’ailleurs par la Haute autorité de santé depuis 2005.

La prévention aurait des effets bénéfiques à long terme. La consommation de tabac est en effet responsable de nombreuses pathologies, dont la prise en charge n’est pas sans conséquences en termes humains comme pour les finances publiques.

Le groupe RRDP salue en outre les nouvelles mesures relatives à la contraception des mineures. Nous saluons l’application du tiers payant aux consultations et aux examens préalables à la prescription de la contraception chez les mineures de plus de quinze ans.

J’aimerais également saluer la promotion de l’e-santé et le déploiement de la télémédecine. La mise en place de cotations spécifiques est très attendue et des expérimentations préfigurant des actes de télémédecine sont prévues. L’amendement incluant la pharmacie d’officine est une réelle avancée.

Je tiens justement à rappeler le rôle important de santé publique que jouent les pharmacies d’officine par leur maillage du territoire, essentiellement en milieu rural. L’officine doit évoluer vers une véritable profession de santé et être un partenaire essentiel pour le parcours de soins, si, par contrat, on lui en donne les moyens, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui, la nouvelle rémunération à l’honoraire étant actuellement toujours bloquée.

Enfin, le financement plus facile des coopérations libérales, la généralisation des rémunérations des équipes pluriprofessionnelles et l’amélioration de la couverture maternité des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés seront donc des points clés concernant votre recentrage proposé sur les soins primaires. La réforme de la T2A annoncée de longue date, la fin du tout T2A, contribuera par l’évolution du financement des hôpitaux à la définition d’un véritable service public territorial de santé. Nos hôpitaux de proximité attendent avec impatience cette réforme.

J’aimerais revenir sur l’article 12 bis de ce PLFSS, qui prévoit l’ajout d’une troisième composante à la taxe sur les ventes en gros de médicaments, dont l’objet est d’imposer à un taux de 20 % les marges grossistes rétrocédées par les laboratoires pharmaceutiques aux officines en cas de ventes directes. Cette mesure, présentée comme une modernisation de la contribution, ne rapporte rien à l’assurance maladie. C’est en fait un transfert de charges au profit des grossistes répartiteurs et au détriment de la chaîne du médicament, qui est peu compatible avec un PLFSS.

Le dispositif compris dans l’article 12 bis est contraire aux engagements de l’État pris dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé en ce qu’il ajoute un élément de complexité à cette taxe et qu’il est de nature à accroître la charge fiscale des seules entreprises du secteur du médicament. Cette mesure va également surenchérir le coût des médicaments qui étaient en vente directe car les grossistes répartiteurs n’offriront pas de prix équivalents à ceux qui sont actuellement pratiqués. Cet amendement, passé en catimini en séance de nuit, n’avait d’ailleurs pas été vu en commission des affaires sociales, ce qui m’avait conduite à faire preuve de plus de vigilance.

Le vote de cet article aurait des conséquences lourdes pour l’économie déjà fragile des officines, qui font de nombreux achats directs. De plus, il va totalement sacrifier l’activité des dépositaires pharmaceutiques. En résumé, c’est un article qui favorise un seul acteur de distribution, touchant largement l’économie de la pharmacie d’officine, élément essentiel du parcours de soins, des dépositaires et des industriels français du médicament. Ce sont 1 200 emplois qui seraient susceptibles d’être supprimés…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cela veut dire qu’ils sont en dessous du SMIC !

Mme Dominique Orliac. … et, si les laboratoires renonçaient à la vente directe, cela entraînerait un manque de recettes de 14,9 millions d’euros pour l’État,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous dites n’importe quoi !

Mme Dominique Orliac. … alors que nous recherchons vraiment des recettes.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Arrêtez de répéter tout ce qu’on raconte !

Mme Dominique Orliac. Ne m’interpellez pas ainsi quand je suis à la tribune. Vous pourrez vous exprimer lors de la discussion des amendements. Il est extrêmement désagréable de vous entendre vociférer à votre banc.

Bref, ce texte devrait être l’occasion de clarifier les relations entre l’État, l’assurance maladie, les assurances et les complémentaires santé, les industriels de la santé, les professionnels de la santé prescripteurs et les usagers.

Pour conclure, madame la ministre, le groupe RRDP sera particulièrement attentif au débat qui va s’ouvrir et à la discussion des amendements, et suivra attentivement l’évolution des débats. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Applaudissements nourris sur les bancs de l’UMP !

Mme Bérengère Poletti. Nous applaudissons le courage !

M. Denis Jacquat. C’est constructif !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe GDR.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après le rejet par le Sénat de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014, certains ont reproché aux sénateurs Front de gauche et, avant eux, aux députés de notre groupe d’avoir mêlé leurs voix à celles de la droite pour voter contre ce texte.

M. Denis Jacquat. Il n’y a pas de honte à cela !

Mme Jacqueline Fraysse. Pourtant, ce qui est le plus étonnant, c’est plutôt que le gouvernement socialiste présente un texte inscrit à ce point dans la continuité de ceux votés sous la précédente majorité.

En nous opposant à un texte qui poursuit la maîtrise comptable des dépenses et tend à transférer des entreprises vers les ménages le financement de la protection sociale, c’est nous qui restons fidèles à nos convictions et à nos prises de position précédentes.

M. Denis Jacquat. Ça, c’est vrai !

Mme Jacqueline Fraysse. Sur le premier point, la maîtrise comptable des dépenses, il est symptomatique que le Gouvernement ait principalement mis en avant les économies qu’il entend réaliser par rapport à l’évolution tendancielle du budget de la Sécurité sociale. Et pour cause : c’est à cette condition que ce budget, avant même de recevoir l’aval du Parlement, a reçu celui de la Commission européenne.

Ainsi, concernant par exemple la branche maladie, je regrette amèrement que vous ne soyez revenus sur aucun des freins à l’accès aux soins votés sous la précédente majorité, que vous aviez pourtant vaillamment et justement combattus.

Mme Bérengère Poletti. Eh oui !

Mme Jacqueline Fraysse. Je constate également que, dans les faits, vous maintenez la convergence tarifaire entre les hôpitaux publics et les cliniques privées,…

Mme Bérengère Poletti. Eh oui !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Nous n’avons pas voulu vous faire de la peine, madame Poletti !

Mme Jacqueline Fraysse. … une convergence pourtant formellement supprimée l’an dernier – ce dont je me suis félicitée – et qui n’ose plus dire son nom mais qui réapparaît bel et bien dans les baisses différenciées des tarifs hospitaliers, toujours au détriment des hôpitaux publics. Plus généralement, c’est dans une situation de sous-financement chronique que vous maintenez les hôpitaux, puisque vous prévoyez cette année encore un objectif de dépenses largement inférieur à leur évolution obligatoire car liée au coût de la vie.

Une étude de l’INSEE montre pourtant que les services publics de santé, d’éducation et de logement contribuent deux fois plus que l’impôt sur le revenu à la réduction des inégalités. Concernant le service public de santé, cet effet redistributif est principalement dû au fait que les personnes aux revenus modestes fréquentent davantage les hôpitaux, dont les actes sont mieux remboursés. Fragiliser les hôpitaux publics, c’est donc entraver l’accès aux soins en général, et plus encore l’accès aux soins des personnes à faibles revenus, qui n’ont pas les moyens de se tourner vers les cliniques privées.

J’ai participé aux auditions de la mission sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie, dirigée par notre collègue Denys Robiliard. J’y ai appris que, dans certaines régions, il faut jusqu’à dix-huit mois pour obtenir un rendez-vous avec un pédopsychiatre public. Pensez-vous réellement qu’un enfant ou un adolescent en souffrance psychique puisse attendre un an et demi avant de consulter un spécialiste ?

Or le Gouvernement a annoncé sa volonté de poursuivre sa politique d’austérité et de la faire essentiellement reposer, l’année prochaine, sur la réduction des dépenses. Il y a donc tout lieu de craindre que les restrictions se poursuivent dans les établissements publics de soins.

Seconde source d’inquiétude, ce PLFSS entérine une nette modification du mode de financement de la protection sociale, qui repose de moins en moins sur les entreprises et de plus en plus sur l’impôt, donc sur les ménages. Une mission sur ce sujet a été confiée au Haut conseil du financement de la protection sociale. Or, à ce jour, aucune de ses conclusions ne nous a été transmise, alors que certaines semblent être mises en œuvre dans ce PLFSS. Nous souhaiterions que le Gouvernement tienne la représentation nationale informée du résultat des travaux sur cet important sujet.

Nous considérons en effet qu’une réforme du financement de la protection sociale est nécessaire, et nous ne manquons pas une occasion de faire des propositions en ce sens, mais nous pensons qu’une telle réforme, touchant à un véritable choix de société, ne peut se faire en catimini, par la méthode du salami, c’est-à-dire petite tranche par petite tranche. Une telle réforme nécessite au contraire un vaste débat public que, malheureusement, pas plus que vos prédécesseurs, vous ne semblez prêts à initier, ce qui est préoccupant. En lieu et place d’un tel débat, vous imposez, sans discussion aucune, ce dogme selon lequel il est urgent de baisser le niveau des prélèvements sociaux sur les entreprises.

Et peu importe que ce niveau ne cesse de baisser depuis vingt ans, à coup de très onéreuses exonérations de cotisations sociales sans aucune contrepartie ni aucun contrôle, de surcroît sans aucun résultat sur l’augmentation dramatique du nombre de chômeurs. Si les entreprises ont un problème, c’est d’abord avec le coût du capital, comme le montrent les nombreux exemples d’entreprises qui licencient bien qu’elles fassent des profits, et non pas avec le coût du travail, que vous mettez en avant pour masquer le vrai débat et que vous utilisez même pour justifier les 20 milliards de nouveaux cadeaux aux entreprises, avec le crédit d’impôt compétitivité emploi, ou pour les exonérer de tout effort supplémentaire de financement des retraites en compensant intégralement la hausse de la part patronale des cotisations vieillesse par une fiscalisation de la branche famille.

Autre signe de ce transfert du financement de la protection sociale des entreprises vers les ménages : le désengagement progressif de l’assurance maladie obligatoire, financée par les ménages et les employeurs, au profit des organismes d’assurance maladie complémentaire, financés par les seuls ménages. En première lecture, nous avons proposé que les projets de loi de financement de la Sécurité sociale mesurent plus finement ce désengagement pour les personnes qui ne sont pas en ALD, ce que vous avez malheureusement refusé, montrant par là que vous n’êtes pas très à l’aise sur cette question.

Ce n’est pas étonnant, puisque, loin de combattre ce phénomène, vous l’accompagnez en entérinant, avec la loi dite de sécurisation de l’emploi, ce rôle accru des complémentaires santé. Revenant sur une disposition de cette loi censurée par le Conseil constitutionnel, ce PLFSS propose de réintroduire une clause de désignation, requalifiée en « clause de recommandation ». Cette expression renvoie à la possibilité, dans un accord collectif de branche, de désigner, ou de recommander fortement, le choix d’un ou plusieurs organismes d’assurance maladie complémentaire, ce choix s’imposant aux entreprises et donc aux salariés de la branche.

Les défenseurs de cette clause mettent en avant la lutte contre la sélection des risques tirée vers le bas et le fait que ces clauses, négociées au niveau des branches, permettraient d’offrir aux salariés une assurance complémentaire moins onéreuse. Les opposants critiquent une protection sociale d’entreprise subventionnée par l’État qui va étouffer les mutuelles, et particulièrement les plus petites d’entre elles. C’est un débat particulièrement pervers, puisque nous avons à choisir entre deux solutions discutables, pour ne pas dire pire, en évacuant le vrai sujet, celui de la protection sociale de base.

Pour notre part, notre position est sans ambiguïté : nous défendons le principe d’une prise en charge maximale par l’assurance maladie obligatoire, universelle, équitable, et mieux gérée puisque ses frais de fonctionnement sont très inférieurs à ceux des assurances privées et même des mutuelles. Devant votre refus d’une telle prise en charge maximale, nous avons souhaité qu’à tout le moins l’assurance maladie obligatoire puisse également proposer une assurance maladie complémentaire, ce que le Gouvernement a également refusé.

Quant aux mutuelles, elles risquent effectivement de pâtir de cette clause de recommandation, tout comme elles pâtissent déjà de leur participation à l’UNOCAM, une participation dangereuse, qui les place sur le même plan que les assureurs privés.

Vous l’aurez compris, ce PLFSS ne trouve décidément guère grâce à nos yeux. Il faut dire que vous n’avez pas fait le moindre effort pour nous le rendre plus acceptable, puisque vous avez systématiquement rejeté tous nos amendements en première lecture, sans même remarquer que vous aviez déposé les mêmes, pour certains d’entre eux, lorsque vous étiez dans l’opposition.

M. Jean-Pierre Door. C’est bien de le rappeler !

Mme Jacqueline Fraysse. Encore une fois, ce n’est pas nous qui nous déjugeons !

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, la deuxième lecture de ce PLFSS est principalement marquée par la modification visant à exclure du champ de l’article 8 les plans épargne logement, les comptes épargne logement, les plans d’épargne salariale et les plans d’épargne en actions. Cet ajustement permettra de préserver les petits épargnants, et je tiens à souligner le travail constructif entre le Parlement et le Gouvernement qui a abouti à une adaptation du texte suite aux débats de la première lecture.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bien !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Avec cette modification de la fiscalité de l’épargne, il faut, je crois, mettre en parallèle l’annonce faite la semaine dernière par le Premier ministre d’une remise à plat de notre système fiscal. La première lecture du PLFSS a en effet été marquée par de nombreuses interventions portant sur ces questions de fiscalité, que ce soit avec le débat autour de l’instauration d’une CSG progressive ou les demandes de rapports sur les réformes du financement de la protection sociale envisageables, comme l’amendement de mon collègue Jean-Marc Germain, au-delà des réflexions en cours sur la branche famille.

Ce débat à venir annoncé par le Premier ministre, et qui a donc commencé, est à mon sens fondamental, car nous ne pouvons réformer le financement de la Sécurité sociale morceau par morceau : branche famille d’un côté, branche retraite de l’autre, financement de la dépendance demain… Il est au contraire primordial de reposer globalement la question du financement de la Sécurité sociale pour avoir une vision d’ensemble et aller au bout de sujets jusqu’à présent à chaque fois seulement esquissés.

Ce débat sera par ailleurs l’occasion de redéfinir les objectifs de notre système fiscal. À cet égard, la méthode annoncée d’un grand débat, notamment avec les partenaires sociaux, sans oublier bien sûr le rôle du Parlement, est la bonne. Elle permettra de reposer de manière saine les bases du consentement à l’impôt.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bien !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Car l’impôt est indispensable : il doit servir à financer notre modèle social, des services publics accessibles à tous et sur l’ensemble du territoire. Nous devons accepter et revendiquer un bon niveau de contribution commune, non pas uniquement pour combler les déficits, mais pour financer aussi des mesures de renforcement de notre cohésion sociale. Mais nous ne pouvons revendiquer l’impôt que dès lors qu’il est juste et que les plus aisés paient proportionnellement bien plus que les plus fragiles. C’est ce dernier point, la justice de notre système fiscal, qui devra, je crois, être le fil conducteur des réformes à mettre en œuvre, avec, par exemple, l’horizon à mon sens indispensable d’une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG avec prélèvement à la source.

Au-delà de cette question de la fiscalité, qui est d’actualité, l’examen en deuxième lecture de ce PLFSS doit également être à mon sens l’occasion de valoriser, de mieux faire connaître les mesures importantes de ce texte, qui marquent résolument l’engagement dans la stratégie nationale de santé.

À ce titre, je voudrais tout d’abord évoquer les mesures en direction de la santé des jeunes, en soulignant quelques avancées majeures : le triplement du forfait de prise en charge des traitements d’aide au sevrage tabagique, qui passera de 50 à 150 euros par an pour les jeunes de vingt à vingt-cinq ans ; la mise en œuvre du tiers payant pour les consultations et examens préalables à la contraception des mineures d’au moins quinze ans pour faciliter le recours à la contraception – nous devons poursuivre les discussions engagées en commission afin, comme l’ont évoqué le rapporteur et plusieurs parlementaires, dont Mme Poletti, de garantir l’anonymat, élément essentiel pour que les jeunes filles y aient véritablement recours –, enfin, l’ouverture de la CMU-C aux étudiants isolés et précaires.

Pour finir, l’autre série de mesures que je souhaite évoquer en lien avec la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé, ce sont celles qui favorisent l’exercice coordonné de la médecine. C’est là souvent une réponse à des difficultés d’accès aux soins, que ce soit dans les déserts médicaux ou pour les populations les plus précaires. C’est en ce sens qu’a été adopté le prolongement des expérimentations des nouveaux modes de rémunération jusqu’au 1er janvier 2015, ce qui permettra d’assurer la continuité des expérimentations en cours et d’aller vers la généralisation de la rémunération d’équipe. C’est en ce sens également qu’un amendement adopté en première lecture permettra de soutenir les centres de santé, par la réalisation de l’équité entre professionnels de santé libéraux et professionnels des centres de santé,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme Fanélie Carrey-Conte. … dans la lignée des recommandations du rapport de l’IGAS de juillet 2013.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bon rapport !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Sur ce dernier point, les centres de santé, je précise que le rapport de l’IGAS formule d’autres recommandations, dont la mise en œuvre revient, pour la moitié d’entre elles, à la CNAM. Il serait intéressant, à l’occasion de ce débat, que Mme la ministre nous précise la feuille de route qu’elle entend adresser à la CNAM pour mener à son terme la renégociation de l’accord national.

Voila donc quelques-unes des mesures de ce PLFSS qui illustrent en quoi ce texte est vecteur de progrès et d’amélioration dans l’accès aux soins, tout en nous plaçant dans une vision politique et prospective de notre stratégie nationale de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Voilà un avis objectif !

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous entamons une nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 puisque le texte a été encore une fois rejeté par le Sénat. Un groupe appartenant à la majorité au Sénat, le RDSE, s’est même majoritairement abstenu. C’est donc un problème de majorité, dont nous reparlerons dans quelques instants.

Ce texte serait peut-être même contesté par le Président de la République ou le Premier ministre, qui parlent de « pause fiscale ». Une telle pause fiscale ne se retrouve pas dans ce PLFSS. Par contre, vous renoncez, madame la ministre, aux réformes de structure, et nous restons avec nos 13 milliards de déficit annuel de la Sécurité sociale. Mais cela n’a pas l’air de vous perturber outre mesure.

Par l’article 8, vous aviez décidé de vous en prendre à l’épargne préférée des Français des classes moyennes et modestes, en prévoyant une uniformisation par le haut des taux de prélèvements sociaux, à 15,5 %, pour certains contrats d’assurance vie, plans d’épargne en actions, PEL et épargne salariale.

Devant la fronde des Français et de l’UMP, qui s’est beaucoup battue au Sénat et à l’Assemblée, votre propre majorité s’est fissurée. Jean-Marie Le Guen a quitté l’hémicycle pour critiquer sur son blog ce dispositif. Gérard Bapt, lui-même, très mal à l’aise,…

M. Denis Jacquat. Il était blême !

M. Dominique Tian. …pourtant rapporteur, demandait au Gouvernement de revenir sur ce dispositif qu’il avait lui-même voté le mercredi, en nous affrontant durement et en nous disant que nous avions tort, avant de dire exactement le contraire le week-end suivant. Le dimanche, finalement, le Gouvernement annonçait que seuls les contrats d’assurance vie multisupports, investis en actions et en obligations d’entreprises, se verraient appliquer ce taux de 15,5 %. Voilà un spectacle assez…

M. Denis Jacquat. Terrible !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Quel acteur, ce Denis Jacquat !

M. Dominique Tian. … affligeant, aussi bien sur un plan personnel, s’agissant de certains députés, mais surtout pour les contribuables auxquels on a promis une règle fiscale intangible. La question de rétroactivité est un vrai problème. C’est la confiance en l’impôt qui est gravement battue en brèche.

Le rendement initialement prévu était de 600 millions d’euros, mais il manque pour équilibrer ce budget, comme nous l’avons dit en commission, 200 millions d’euros de recettes que nous n’avons toujours pas trouvés. J’espère que nous obtiendrons une réponse à ce sujet ce soir.

Vous avez également récrit les dispositions sur les clauses de désignation, essayant de contourner ainsi la décision du Conseil constitutionnel, qui avait censuré cette possibilité de désignation par les branches professionnelles d’un organisme unique s’imposant aux entreprises et qui avait conclu à une atteinte disproportionnée portée à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle. L’avis de l’Autorité de la concurrence du 29 mars 2013 reprenait les mêmes arguments.

Comment expliquer, madame la ministre, l’acharnement du Gouvernement à réintroduire une disposition au bénéfice des seules institutions de prévoyance, qui pose de vrais soucis ?

M. Jean-Pierre Barbier. Invraisemblable !

M. Dominique Tian. Mais vous allez encore plus loin, au risque de vous faire censurer une nouvelle fois par le Conseil constitutionnel. Pour forcer la décision, vous augmentez le montant du forfait social sur les contributions des employeurs, lequel passerait de 8 % à 20 % pour les entreprises de plus de dix salariés, soit une hausse de 250 % ! Ce n’est plus de l’incitation, c’est une évidente discrimination fiscale, qui porte atteinte à la liberté contractuelle. Madame la ministre, les Français attendent des réformes structurelles ; malheureusement, aucune réforme n’est prévue. Vous avez mis un terme, l’an passé, à une réforme nécessaire, source d’économie : la convergence des tarifs entre établissements privés et publics. Cette année, vous reportez une nouvelle fois la facturation individuelle des séjours hospitaliers, au seul motif que certains établissements sont incapables d’adapter leur système d’information. Est-ce une raison bien sérieuse, madame la ministre ? Ce dispositif est appliqué par les cliniques privées depuis des années, sans que cela pose de problème. Vous pouvez donc demander à l’hôpital de faire les efforts nécessaires, surtout quand cela permettrait de réaliser des économies substantielles.

Vous avez continué à prélever sur l’industrie du médicament, ce qui a eu des conséquences sur les entreprises elles-mêmes. Ainsi, vingt-sept plans sociaux ont été annoncés en 2012 et d’autres sont déjà prévus en 2013. Désormais, même les plus grosses entreprises ont tendance à licencier ou à chercher à investir dans d’autres pays. Cette fiscalité finit par décourager les entreprises présentes en France.

Madame la ministre, vous ne recevez pas non plus les sages-femmes, qui sont dans un mouvement de grève quasi illimitée, alors qu’elles demandent à être entendues.

M. Gérard Sebaoun. C’est faux !

M. Dominique Tian. En tout cas, aucune solution tangible n’a été trouvée ! Je les ai reçues, il y a deux jours,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous, c’était il y a trois semaines !

M. Dominique Tian. …et elles se plaignaient du manque évident de concertation. Vous allez présenter en 2014 un texte pour lequel elles n’ont pas été consultées, pas plus que les ambulanciers et d’autres professions.

Les membres du groupe UMP voteront contre ce PLFSS, qui est extrêmement mauvais. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Barbier. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun, dernier orateur inscrit.

M. Gérard Sebaoun. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’attachement aux principes de 1945 qui fondent notre protection sociale est très largement partagé par les Français. C’est pourquoi notre système, s’il doit être régulièrement amélioré et contrôlé, ne saurait se réduire à une simple balance comptable. Sa fonction première est bien son rôle de protection pour chacune et chacun d’entre nous, à commencer par les plus vulnérables. En ces temps de crise, il faut redoubler de vigilance pour ne rien céder à ceux qui prônent une mise à la diète sévère du système, voire son démantèlement.

S’agissant des pistes pour améliorer la branche maladie qui garantit la couverture santé de nos concitoyens, si nous sommes souvent d’accord des deux côtés de l’hémicycle sur les diagnostics, nous le sommes beaucoup moins sur les actions à mettre en œuvre. À titre d’exemple, lors de la discussion du PLFSS pour 2013, nous avons rétabli la notion de service public hospitalier et mis fin à la convergence tarifaire, et la droite s’y est opposée. Cette année encore, l’article 33 nous divise, alors même que l’introduction d’un financement dérogatoire à la T2A sur certaines activités en zones isolées géographiquement et celle d’un mécanisme de dégressivité tarifaire pour lutter contre certains effets inflationnistes de cette même T2A auraient dû nous réunir.

Autre point de clivage sur lequel je veux centrer mon intervention : celui du tiers payant en médecine de ville. Le tiers payant fait partie des sujets qui ont, je crois, l’assentiment des Français et je me félicite que le Gouvernement ait décidé d’inscrire dans l’agenda des réformes à conduire l’objectif de sa généralisation en 2017.

M. Dominique Tian. Ça va tuer le système !

M. Gérard Sebaoun. Les opposants au tiers payant, dont j’espère qu’ils sont minoritaires, n’ont pas de mots assez durs pour le combattre. Ils fustigent pêle-mêle une proposition inacceptable, dogmatique, idéologique, et même annonciatrice – les mots sont un peu forts – de la mort de la médecine libérale !

M. Dominique Tian. Voilà !

M. Gérard Sebaoun. Bref, tout ce qui est excessif étant insignifiant, selon la célèbre phrase de Talleyrand que vous connaissez, il nous appartient de déconstruire sereinement ce discours, qui inquiète les patients à qui l’on promet une dégradation de leur prise en charge, mais également certains praticiens qui vivent déjà une activité compliquée, comme j’ai pu le constater récemment sur mon territoire. Il convient pour cela de rappeler quelques évidences. Il faut d’abord dire que la dépense de santé n’est pas une dépense ordinaire, car elle est socialisée pour une part, celle dont nous parlons, et mutualisée pour la part restante – c’est le chantier de la complémentaire pour tous ouvert par notre majorité dès cette année.

Il faut dire ensuite que le tiers payant est opérationnel depuis bien longtemps dans la quasi totalité des pays européens et dans les réseaux de soins américains. Il convient de rappeler, enfin, qu’en France il est de pratique courante dans les établissements de santé publics et privés conventionnés, dans les centres de santé, dans l’ensemble des pharmacies, dans la plupart des laboratoires biologiques médicaux et des cabinets de radiologie, et bien sûr chez les médecins libéraux généralistes ou spécialistes en secteur conventionné ou à honoraires libres, avec une prise en charge intégrale des accidents de travail, des maladies professionnelles, des ayants droits à la CMU-C ou à l’AME, ou même encore avec une dispense partielle, dans le cadre notamment d’accords locaux entre médecins généralistes et CPAM.

Alors pourquoi tant de passion autour de la généralisation d’une pratique utile aux Français et déjà bien ancrée dans leur quotidien ? Les opposants dénoncent sa complexité, une bureaucratie chronophage, le risque de retards de paiement des honoraires par les caisses, bref, un risque de perte financière. S’il y a des difficultés techniques ou pratiques, il appartiendra à la CNAM de les entendre pour les résoudre. Les opposants réfutent également le principe de la gratuité, qui serait selon eux inflationniste et déresponsabilisant pour les patients. À ces affirmations infondées, il convient d’opposer les études disponibles et la réalité des chiffres.

Je crois que l’une des clés de lecture de cette opposition se trouve dans une mauvaise interprétation des fondements de l’activité libérale, qui datent de la charte de 1927. Dans le cas du tiers payant, ni le secret médical, ni la liberté d’installation, pas davantage le choix du médecin par le patient ou la liberté thérapeutique du médecin ne sont remis en cause. Ce qui fait débat, le seul débat, c’est le dernier pilier, celui de l’entente directe pour les honoraires, c’est-à-dire le paiement à l’acte. C’est bien parce que la rémunération des professionnels est un élément important qu’elle ne doit plus être confondue avec un statut libéral mythique puisque, répétons-le, la dépense est socialisée.

Défendre le principe du paiement à l’acte peut s’entendre, mais il apparaît de plus en plus comme déconnecté, pour ne pas dire archaïque, au regard des véritables enjeux : celui de travailler, comme le font les syndicats représentatifs, avec les autorités de santé, avec les organismes obligatoires et complémentaires, à une meilleure organisation territoriale de la santé, au développement des parcours de soins, au travail collaboratif des équipes soignantes et à la régulation médicalisée pour des soins pertinents pour tous et au meilleur coût. Dans cette approche partenariale, que j’appelle de mes vœux, le tiers payant généralisé devra tout naturellement trouver sa place.(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Germain. C’était très clair !

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je voudrais rappeler une vérité sur le vote au Sénat. J’ai entendu au début de cette discussion que le texte y aurait été rejeté à l’unanimité. Vous devez confondre avec le texte sur les retraites, puisque j’ai les résultats sous les yeux : le groupe socialiste et les écologistes ont voté pour, les radicaux se sont abstenus, l’UMP, l’UDI et le Front de gauche ont voté contre, soit un résultat de 189 voix contre et de 139 voix pour. Donc, ne dites pas que le texte a été rejeté à l’unanimité !

M. Dominique Tian. C’était un grand succès ! Vous avez tout de même été battus !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Madame Poletti, je veux revenir sur votre proposition de gratuité et d’anonymat pour la contraception des mineures. Cela fait maintenant de nombreuses années que nous en discutons. Vous nous trouverez à vos côtés. en tout cas, nous sommes sur le bon chemin, me semble-t-il. Vous aviez écrit une partition, sous la précédente majorité, avec un rapport fort pertinent que le Gouvernement actuel avait commencé à mettre en musique. Mais il nous a semblé que cela n’allait pas assez loin ; c’est pourquoi je remercie la commission d’avoir voté à l’unanimité des dispositions permettant d’aller plus loin sur ces questions, notamment s’agissant de la première étape, celle que constitue le fait d’aller chez le médecin, s’agissant de ces jeunes filles mineures parfois en difficulté dans leur milieu familial. Nous verrons comment récrire ce texte et nous sommes décidés à interpeller le Gouvernement d’une même voix, madame Poletti, et je vous en remercie.

Madame Orliac, nous reviendrons sur l’article 12 bis avec de vrais chiffres reconnus par toutes et tous, dès lors que nous nous écouterons. Je pense que cet article, qui émanait d’un amendement du Gouvernement, a donné lieu, alors qu’il a déjà été voté cinq fois, à des réactions complètement disproportionnées et à des contre-vérités répétées à l’envi, ce qui ne suffit pas à en faire des vérités. J’essaierai de m’expliquer clairement. Je pense que ma collègue et rapporteure, Mme Pinville, a également étudié le sujet et qu’elle pourra apporter des chiffres en complément pour que l’on puisse savoir de quoi nous parlons.

Quant aux sages-femmes, monsieur Tian, vous les avez reçues avec beaucoup de retard puisque le groupe socialiste les a reçues il y a près de trois semaines.

M. Dominique Tian. Cela ne les a pas rassurées !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et le lendemain, elles étaient reçues par le ministère de la santé,…

M. Dominique Tian. Mais pas par la ministre !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …qui leur a donné un second rendez-vous. Vous ne pouvez donc pas dire qu’elles n’ont pas été reçues. Des tables rondes ont d’ailleurs lieu en ce moment. Et elles sont, ils sont en train de travailler – puisque dans les sages-femmes, il y a aussi des hommes.

Quant à l’industrie pharmaceutique et à tout ce qui est relatif au médicament, j’ai parfois l’impression – et je le dis avec humour – que cet hémicycle est devenu une officine ou une industrie pharmaceutique.

M. Dominique Tian. On n’est pas à Toulouse !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. La plupart des interventions de l’opposition, voire de groupes partenaires de la majorité, donnent l’impression que nous sommes en train de tuer l’industrie pharmaceutique. Je vous rappelle tout de même les dispositifs que ces industries elles-mêmes saluent : le crédit impôt recherche et le crédit impôt compétitivité emploi. Par exemple, Sanofi touchera 42 millions d’euros au titre du CICE. Vous ne pouvez donc pas dire que nous tuons l’industrie pharmaceutique.

M. Dominique Tian. En ce cas, pourquoi font-ils des plans sociaux ?

Première partie

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement, en commençant par les dispositions relatives à l’exercice 2012.

Article 1er

(L’article 1er est adopté.)

Article 2 et annexe A

(L’article 2 et l’annexe A sont adoptés.)

Vote sur l’ensemble de la première partie

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014.

(L’ensemble de la première partie du projet de loi est adopté.)

Deuxième partie

M. le président. Nous abordons maintenant la deuxième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives à l’année 2013.

Article 3

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, inscrit sur l’article.

M. Denis Jacquat. Le fonds pour l’emploi hospitalier, le FEH, alimenté par une contribution à la charge des établissements, est excédentaire. Je suis donc surpris que ce fonds ne reste pas dans les établissements, qui rencontrent beaucoup de problèmes et sont presque tous en déficit. On retrouve dans cette pratique, une vieille méthode du Gouvernement : celle des vases communicants. Il y a d’un côté des ressources, donc des excédents, de l’autre, des déficits. Alors que fait-on ? On prend les uns pour combler les autres, en laissant les problèmes non résolus.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n245, tendant à la suppression de l’article 3.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous persistons à demander la suppression de cet article, qui instaure le transfert de 200 millions d’euros du fonds pour l’emploi hospitalier vers la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL.

En première lecture, M. le rapporteur faisait valoir qu’il s’agissait d’une mesure de bonne gestion concernant deux organismes ayant les mêmes bénéficiaires, l’un, la CNRACL, étant structurellement déficitaire, l’autre, le FEH, étant structurellement excédentaire.

Mais il est faux de dire que ce sont les mêmes bénéficiaires car si la CNRACL est bien la Caisse de retraite des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, le fonds pour l’emploi hospitalier, lui, ne concerne que les agents hospitaliers. Je maintiens donc mon objection : ce n’est pas aux hôpitaux publics, qui sont déjà dans une situation financière extrêmement difficile, de financer la retraite des fonctionnaires des collectivités territoriales. C’est pourquoi nous avons déposé à nouveau un amendement de suppression de l’article 3.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission a repoussé cet amendement de suppression, comme elle l’avait fait en première lecture. Certes, Mme Fraysse a raison de dire que la CNRACL ne regroupe pas tout à fait le même public que le FEH, puisqu’il s’agit aussi des agents des collectivités locales. Il n’empêche que je maintiens que c’est une mesure de bonne gestion puisqu’il y a 233 millions de réserves accumulées dans ce fonds structurellement excédentaire et que, plutôt que de les laisser dormir, il vaut mieux en faire profiter l’ensemble de la fonction publique locale et hospitalière.

M. Denis Jacquat. C’est un hold-up !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. Denis Jacquat. Ça s’est bien passé à Matignon ?

M. Dominique Tian. Où en est la grande réforme fiscale ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Dans le cadre des débats parlementaires, je ne traite ici que des sujets dont je suis saisi.

Madame Fraysse, comme vous le savez, nous avons déjà examiné cette mesure lors de la première lecture. Elle consiste à reconstituer le fonds de roulement de la CNRACL en prévoyant le transfert d’une partie des excédents du fonds pour l’emploi hospitalier pour un montant de…

M. Dominique Tian. Moscovici est-il toujours au Gouvernement ?

Vous êtes très dissipés ce soir ; je n’aurais pas dû venir, cela vous met dans un état absolument incroyable. (Sourires.)

Ce fonds, créé par l’article 14 de la loi n94-628 du 25 juillet 1994, a pour objet la prise en charge des surcoûts financiers supportés par les établissements hospitaliers au titre du temps partiel et de la cessation anticipée d’activité, mais aussi de certaines formations et de l’aide à la mobilité, et du compte épargne-temps qu’ils accordent à leurs personnels titulaires et contractuels. Il est financé par une contribution de 1 % à la charge des employeurs hospitaliers, assise pour les fonctionnaires stagiaires et titulaires sur leur traitement indiciaire brut, pour les agents contractuels sur les rémunérations perçues. Le fonds pour l’emploi hospitalier a dégagé 35,8 millions d’euros de résultats en 2012 ; il est structurellement excédentaire puisque la contribution employeur est surcalibrée par rapport à ses besoins réels en termes de prestations ; son niveau de réserves s’est élevé à plus de 233 millions d’euros fin 2012 et devrait continuer à augmenter lors des prochains exercices selon les dernières prévisions de la Caisse des dépôts et consignations.



Le transfert, le reroutage que nous proposons est une disposition qui permettra d’alléger d’autant les besoins de trésorerie de la CNRACL au 31 décembre, une fois remboursés les prêts au titre de l’année 2013. C’est donc une mesure de bonne gestion, sans préjudice aucun pour l’emploi hospitalier au vu du niveau des réserves dont il est doté.



Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à cet amendement.



M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet argumentaire se tient. Mais comment se fait-il, alors que cet argent est là pour traiter du surcoût du temps partiel, de la mobilité ou encore du compte épargne-temps, tant de sujets de préoccupation dans les hôpitaux, qu’il ne soit pas utilisé et qu’il y ait autant d’excédent ? Il y a tout de même un problème. Les hôpitaux ont des budgets déficitaires et on sait bien que nombre de salariés ne sont pas rémunérés pour leurs heures supplémentaires… Et dans le même temps, on nous explique qu’il y a des fonds dont on n’a pas besoin et dont on peut donc se servir pour faire autre chose. Avouez tout de même que ce n’est pas très sérieux.

(L’amendement n245 n’est pas adopté.)

(L’article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements rédactionnels. Les amendements nos 178 rectifié et 179 sont présentés à titre personnel par M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie, les amendements nos 12 et 13 étant présentés au nom de la commission.

(Les amendements nos 178 rectifié, 12, 13 et 179, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 4, amendé, est adopté.)

Article 5

(L’article 5 est adopté.)

Article 6

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n283 rectifié.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Les dernières prévisions d’exécution de l’ONDAM montrent une diminution de 150 millions, sous l’objectif « soins de ville », par rapport à la version présentée dans le projet de loi initial. Je veux rappeler que le Gouvernement a une gestion extrêmement rigoureuse des dépenses d’assurance maladie, ce qui nous a conduits l’an dernier à exécuter l’ONDAM 1 milliard en dessous de l’objectif que s’était fixé le précédent gouvernement. Lorsque j’ai réuni avec Mme Touraine la commission des comptes sociaux, au mois de septembre, nous avions constaté 500 millions en dessous de l’objectif. Nous constatons aujourd’hui 150 millions de mieux. Cette révision à la baisse découle des éléments transmis par la Caisse nationale d’assurance maladie concernant les soins de ville. Les données relatives aux dates de soins montrent en effet une sous-consommation supplémentaire à hauteur de ce que j’ai indiqué, ce qui porte le total de l’économie sous la norme à 650 millions d’euros. Par conséquent, je vous propose, mesdames, messieurs les députés, de modifier les tableaux d’équilibre pour l’exercice 2013 afin de tenir compte de cette économie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement. Il s’agit d’un exercice de sincérité budgétaire pour lequel il faut saluer le Gouvernement. Cette modification se traduira aussi par un rebasage et par une révision des prévisions pour 2014.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Je voudrais dire à M. le ministre qu’il faudrait surtout féliciter les professionnels de santé puisqu’il s’agit d’une réduction des dépenses de soins de ville, ce qu’il vient de confirmer. Il faut se féliciter des excellentes prestations de nos professionnels de santé. C’est tout à leur honneur d’avoir réussi à bien maîtriser les dépenses de l’ONDAM.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le député, je m’associe à vos compliments. Mais il ne faudrait tout de même pas en venir à considérer qu’à chaque fois que les déficits ne diminuent pas autant qu’on l’aurait souhaité, ce serait la faute du Gouvernement, et que quand il y a une maîtrise des dépenses quelque peu spectaculaire, ce serait grâce aux autres.

M. Denis Jacquat. Exact !

(L’amendement n283 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n288.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il a le même objet que l’amendement précédent, mais cette fois-ci pour le régime général.

(L’amendement n288, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 6, amendé, est adopté.)

Article 7

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n284.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il s’agit ici, toujours pour la même raison, de réviser l’ONDAM lui-même, et ce pour l’année 2013.

(L’amendement n284, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 7, amendé, est adopté.)

Vote sur l’ensemble de la deuxième partie

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014.

(L’ensemble de la deuxième partie du projet de loi est adopté.)

Troisième partie

M. le président. Nous abordons maintenant la troisième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année 2014.

Article 8

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, inscrit sur l’article 8.

M. Denis Jacquat. Si les économies annoncées sont un trompe-l’œil, les augmentations de charges, elles, sont bien réelles. Mme Poletti et M. Tian vont en parler dans quelques instants. S’agissant de cet article, comme lors de la première lecture, nous demandons sa suppression. Celle-ci est d’autant plus nécessaire qu’après le rétropédalage effectué par le Gouvernement juste avant l’adoption du PLFSS en première lecture, il va soustraire de la mesure, suivant ce que lui avait suggéré un amendement de l’opposition, les PEL, les CEL, les PEA et l’épargne salariale. L’article 8 ne va donc plus concerner que les assurances vie, et pour un montant par conséquent bien moindre. Je le répète : il faut supprimer cet article.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 82, 132 et 150, tendant à la suppression de l’article 8.

La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n82.

M. Arnaud Richard. Il s’agit bien d’une opération de rétropédalage. La disposition proposée était annoncée comme une simple harmonisation des règles de prélèvement sur certains produits de placement en le fixant à 15,5 %, sachant que la taxation n’a cessé d’augmenter depuis 1996. Au-delà de la méthode dont on a beaucoup parlé, y compris la manière dont les choses se sont passées dans l’hémicycle, le Gouvernement rétropédalant le soir même après une brillante intervention de M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, c’est l’esprit même du dispositif, la rétroactivité, qui était tout à fait insupportable. Il est tout à fait raisonnable de la part du Gouvernement de revenir sur cette mesure qui était très mal perçue par les Français.

Mais reste la question que nous nous posons tous : où trouverez-vous, monsieur le ministre, la somme équivalente à votre rétropédalage ?

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement n132.

Mme Bérengère Poletti. L’avantage de cet article, c’est qu’il nous aura permis de vivre ici un épisode historique.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ah oui !

Mme Bérengère Poletti. Franchement, on n’avait jamais vu ça. Nous avions déjà déposé un amendement de suppression parce que nous considérions qu’il ne fallait pas taxer les ménages sur leur épargne, sur leurs économies, d’autant qu’il s’agit souvent de ménages modestes. Et puis nous avions défendu un amendement de suppression partielle dans lequel on vous demandait de ne surtout pas taxer les PEL, les CEL et les plans d’épargne en actions, parce qu’il faut encourager les Français à s’orienter vers ce genre d’épargne. On en discute longuement, échangeant arguments et contre-arguments, et à peine la discussion terminée, on apprend que le rapporteur lui-même va voir la presse en disant qu’il faut absolument revenir sur cette mesure. Bravo !Grâce à cet article, on a vu quelque chose d’incroyable et de cocasse, et on en reparlera encore très longtemps.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Oubliez-moi !

Mme Bérengère Poletti. Nous espérons réussir à vous convaincre de la même manière pour les articles suivants, monsieur le ministre, en développant nos arguments, et peut-être M. Bapt va-t-il recommencer, allant voir la presse et reconnaissant qu’au final, l’opposition avait raison.

Nous demandons, pour toutes ces raisons, une nouvelle fois la suppression de cet article qui taxe l’épargne des Français.

M. Jean-Marc Germain. C’est l’hôpital qui se moque de la charité ! Vous avez tous les ans accru la taxation de 1 % !

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n150.

M. Dominique Tian. Pour compléter les propos de Bérengère Poletti, je signale que les dissensions ne se sont pas manifestées qu’au sein du parti socialiste par les voix de M. Bapt, de M. Le Guen et autres, mais qu’elles se sont exprimées aussi chez les Radicaux de gauche par la voix de M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

Vous-même, monsieur le ministre, vous avez fait une déclaration un peu étrange le 26 octobre. Dans un article de presse, il est dit que le ministre du budget Bernard Cazeneuve a mis en garde les socialistes contre un risque d’inconstitutionnalité. On vous cite : « Nous avons à veiller à ce qui est proposé, donc retenu, ne soit pas de nature à remettre en cause l’équilibre global de la mesure. » Il faut vous comprendre. Vous ajoutiez : « Il y a des risques constitutionnels auxquels nous devons veiller, notamment le principe d’égalité. »

Ce n’était pas plus clair du côté des groupes socialiste ou radical de gauche que de celui du Gouvernement. Vous allez sans doute nous préciser ces risques d’inconstitutionnalité, monsieur le ministre. Sont-ils réels ? Sont-ils écartés ? Vont-ils revenir ? Qu’en penser ?

Avec le Conseil constitutionnel, une sorte de psychodrame se joue à l’occasion de ce PLFSS. Nous reviendrons ultérieurement sur la clause de désignation qui nous inquiète énormément : le Conseil constitutionnel a déjà déclaré cette mesure anticonstitutionnelle et vous allez la représenter. Mais commençons par le début : qu’en est-il de la constitutionnalité de ces taux de prélèvements qui ont agité le parti socialiste – et ce n’est sans doute pas fini ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ces amendements de suppression ont été repoussés à nouveau et à juste titre par la commission.

M. Dominique Tian. À quelle heure ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Madame Poletti, l’amendement de première lecture dont vous avez fait état ne concernait que les plans d’épargne logement.

Mme Bérengère Poletti M. Dominique Tian et M. Denis Jacquat. Et les PEA !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je vous avais expliqué que cet amendement étant inconstitutionnel, nous l’avions fort logiquement repoussé. Il aurait été injuste pour les autres titulaires de produits d’épargne de ne pas être concernés de la même façon.

M. Dominique Tian. C’est injuste de ne pas être taxé ! (Sourires.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Voilà pourquoi, dès le samedi suivant, M. le ministre, dans sa grande sagesse, soulevait ce problème d’inconstitutionnalité et, le dimanche, annonçait une mesure qui concernait non seulement les PEL et les CEL mais aussi les plans d’épargne en action et l’épargne salariale.

Mme Bérengère Poletti. Et l’assurance vie ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Voilà pourquoi je demande à mes collègues de la majorité de suivre cette demande de rejet de la commission.

Vous nous dites, madame Poletti, que nous ne vous écoutons pas. Mais le problème, c’est que vous votez contre tout ce que propose le Gouvernement ou cette majorité, ou vous déposez des amendements de suppression. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Si de temps en temps, vous étiez plus constructive,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Avez-vous un peu de mémoire, monsieur le rapporteur ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. …comme vous le fûtes à un moment concernant la contraception, et Mme la présidente l’a reconnu, vous seriez peut-être davantage écoutée.

Nous avons pratiqué ce que votre leader appelle la coproduction législative. Voilà ce qu’est une bonne coproduction législative, parce que le débat parlementaire ne s’arrête que lorsque la deuxième lecture est terminée à l’Assemblée nationale. Avis défavorable.

Mme Bérengère Poletti. Pipeau !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mesdames et messieurs les députés, ce débat appelle à la fois un peu moins de politique et un peu…

Mme Bérengère Poletti. Et un peu d’indulgence !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … plus de droit. Je m’explique. Si nous convoquons la politique, Bérengère Poletti, qui a une excellente mémoire, doit se souvenir qu’entre 2009 et 2012, les taux de prélèvement sur l’épargne sont passés de 11 % à 15,5 %.

M. Jean-Marc Germain. Elle a perdu la mémoire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En trois ans, vous avez prélevé 6 milliards d’euros sur l’épargne des Français…

M. Christian Paul, rapporteur. Et perdu la mémoire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … quels que soient les produits d’épargne. À l’époque, Mme la députée Bérengère Poletti avait déjà beaucoup de talent, mais je ne me souviens pas de l’avoir vue se lever dans l’hémicycle…

M. Christian Paul, rapporteur. Et pour cause !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … pour dire, loi de financement de la Sécurité sociale après loi de financement de la Sécurité sociale, son indignation en raison des prélèvements effectués à l’époque sur tous les Français sans distinction de revenu et sur tous les produits d’épargne. Ma remarque vaut pour le président du groupe UMP : entre 2009 et 2012, le taux de prélèvement est passé de 11 % à 15,5 %

Et, alors que nous proposons une harmonisation concernant tous les produits d’épargne, voilà que l’on convoque des concepts…

Mme Bérengère Poletti. Incroyable !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …aussi convenables et pondérés que « escroquerie politique », « hold-up sur les Français », prononcés par ceux-là mêmes qui, en l’espace de trois ans, ont fait 6 milliards d’euros de prélèvements sur l’épargne des Français.

Mme Bérengère Poletti. Vous avez fait trois fois plus en un an !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pourquoi proposons-nous une mesure d’harmonisation ? Parce que si nous voulons apporter de la lisibilité et faire en sorte que l’épargne des Français s’oriente vers le financement des entreprises et du logement – ce qui est l’objectif du Gouvernement –, il faut à la fois de la simplification et de la stabilité.

Vous tous qui connaissez parfaitement ces sujets, vous savez que sur un même produit d’épargne comme l’assurance vie, selon que les versements ont été effectués avant ou après 1997, il existe deux systèmes différents avec des prélèvements différents. Pourtant, il s’agit d’un même produit, détenu parfois par un même épargnant.

Mme Bérengère Poletti et M. Dominique Tian. C’est un contrat !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il en est de même pour les PEL, selon qu’ils ont plus ou moins de onze ans ou qu’ils ont été conclus à telle date plutôt qu’à telle autre.

Aux parlementaires du groupe UMP, qui ont produit des arguments dénués de sens en droit comme celui de la rétroactivité, je rappellerai qu’ils avaient décidé en 2006 – c’était certes il y a longtemps, mais sept ans, ce n’est tout de même pas une durée emphytéotique – de procéder à une modification très profonde des prélèvements sur les PEL.

Vous aviez fait en sorte que des PEL qui n’étaient pas du tout taxés au moment où ils avaient été conclus l’étaient massivement au moment de la sortie. Le Conseil constitutionnel avait eu à se prononcer sur la dimension rétroactive de cette mesure et il avait indiqué qu’elle ne l’était pas.

Rappelons que la mesure que nous prenons n’est en rien rétroactive puisqu’elle taxera les produits à leur sortie, à compter du moment où l’annonce en a été faite, ce qui est toujours le cas pour les modifications de fiscalité s’appliquant aux produits d’épargne.

C’est ce que l’on appelle la petite rétroactivité, qui vise à éviter que des annonces gouvernementales, quelles qu’elles soient, ne provoquent des transferts massifs de sommes d’un produit vers un autre, au risque de déstabiliser l’économie dans son ensemble.

Outre cette question de la rétroactivité, je veux traiter ici d’autres points juridiques, comme m’y invitent les députés Tian et Jacquat.

Pourquoi l’article 8 et les amendements que nous vous proposerons ne portent-ils pas atteinte aux situations acquises ou à une espérance légitime de gain ? Les profits déjà constatés au titre des périodes passées ne sont pas encore acquis par l’épargnant.

En effet, pour un contrat d’assurance vie multisupports, la plus-value demeure virtuelle et n’est pas définitive tant qu’elle n’a pas été retirée du plan ou du contrat. Elle demeure toujours dépendante des fluctuations du marché, en plus ou en moins. C’est précisément pour cela que ces produits ne sont pas prélevés au fil de l’eau, et ne sont que virtuels.

Précisons que les avantages fiscaux dont bénéficient ces produits, qui sont en pratique les plus importants, ne sont pas remis en cause par la mesure.

Quant au principe d’égalité, il a, en droit, un contenu extrêmement précis, sur lequel le Conseil constitutionnel a eu à s’exprimer à plusieurs reprises : des produits identiques doivent faire l’objet d’un traitement qui garantit l’égalité des épargnants face à ce produit.

M. Dominique Tian. C’est cela !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Or, grâce à la mesure que nous prenons, des épargnants vont désormais être traités de manière identique alors que ce n’était pas le cas jusqu’à présent. Cette mesure renforce donc le principe d’égalité des épargnants, et non l’inverse. Elle s’applique aux produits d’assurance vie qui ont une spécificité : ils sont inscrits dans une réforme globale de l’assurance vie, qui va trouver sa déclinaison pleine et entière dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.

Grâce à cette mesure nous simplifions et grâce aux mesures du projet de loi de finances rectificative nous mettons en perspective les produits d’assurance vie et leur fiscalité, en très étroite liaison avec à la fois les associations d’épargnants et le monde de l’assurance, pour faire en sorte que les fonds soient davantage orientés vers l’économie et le logement.

C’est précisément parce que je voulais, monsieur le député Tian, que ces précautions fussent prises au moment où nous réfléchissions, que j’ai exprimé ma préoccupation constitutionnelle. Et je constate que les amendements témoignent que le Parlement a entendu les préoccupations constitutionnelles du Gouvernement puisque, au regard de la rétroactivité, de la notion de situation acquise ou d’espérance légitime et du principe d’égalité, toutes les précautions ont été prises. Les amendements proposés les intègrent avec beaucoup de rigueur juridique.

Je ne suis donc pas favorable à ces amendements de suppression.

M. le président. Sur les amendements identiques nos 82, 132 et 150, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le président, je voudrais faire plusieurs observations.

Premièrement, monsieur le ministre, vous dites que ce n’est pas de la politique mais que ce sont des problèmes constitutionnels et juridiques. Non, c’est politique. C’est vous qui avez institué dans le PLFSS, lors de la première lecture, la taxation des PEL, des CEL, des PEA, et de l’épargne salariale.

Nous nous y sommes violemment – oui, violemment – opposés en commission. Le Gouvernement s’est alors retrouvé en situation de corner : que fallait-il faire ? En sortant de commission, M. Bapt lui-même s’est adressé à la presse pour annoncer une révision de ces mesures, parce qu’elles étaient dangereuses, idiotes, etc. M. Bapt y est allé en douce.

Pour notre part, au sortir de la commission, nous avons rédigé un amendement visant à supprimer la taxation sur les PEL, CEL et PEA…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Non, pas le PEA ! Ni l’épargne salariale !

M. Jean-Pierre Door. … sans modifier celle de l’assurance vie. Vous avez refusé cet amendement.

Deuxième observation. Monsieur Bapt, la situation est totalement ubuesque : alors que vous étiez en corner, vous avez posé dix amendements sur la table de la commission, la semaine dernière. Nous ne les avons pas étudiés, nous n’en avons pas débattu.

M. Christian Paul, rapporteur. C’est la procédure législative !

M. Jean-Pierre Door. Non, vous nous avez même dit de les emporter chez nous pour les analyser.

M. Christian Paul, rapporteur. Nous n’avons pas dit cela ! Vous pouvez le faire au bureau aussi !

M. Jean-Pierre Door. Ce n’est pas cela, le débat démocratique. En commission, nous aurions dû avoir en amont les dix amendements du Gouvernement. Nous sommes donc partis, et nous les retrouvons aujourd’hui en séance où le ministre nous impose une dizaine d’amendements.

Ces amendements, quand les avons-nous vus, monsieur le rapporteur ? Quand la commission s’est réunie en vertu de l’article 88, cet après-midi, en trois minutes. Vous vous êtes contenté de dire « accepté » pour chacun d’eux et nous n’en avons pas débattu.

L’opposition n’a donc pas débattu d’un sujet qu’elle a provoqué elle-même.

M. Christian Paul, rapporteur. C’est faux !

M. Jean-Pierre Door. C’est l’opposition qui vous a demandé de revenir sur ces taxations et de supprimer tout ce qui touchait le patrimoine des Français modestes et moyens.

M. le président. Merci, monsieur Door.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le président, je voudrais quand même ajouter que c’est une contestation très forte et redire à M. Bapt que je regrette qu’il ait perdu la mémoire. Nous ne faisons que demander des suppressions d’articles, selon lui. Je voudrais lui rappeler que par le passé, quand il était dans l’opposition, il n’arrêtait pas de demander des suppressions d’articles avec M. Paul…

Mme Bérengère Poletti. Exactement !

M. Jean-Pierre Door. …à chaque projet de loi présenté par le gouvernement de l’époque. Il faut avoir un peu de mémoire et se rappeler que chacun travaille comme il l’entend.

M. le président. Merci, monsieur Door.

M. Jean-Pierre Door. Pour conclure, je dirai qu’il faut impérativement remettre les choses à l’endroit. Et c’est l’opposition qui vous a poussé à modifier cette taxation.

M. Christian Paul, rapporteur. C’est votre storytelling !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Merci, monsieur le président, d’avoir la générosité de me donner un temps de parole.

Monsieur le ministre, dans la proposition initiale de l’article 8 du PLFSS, il y avait trois aspects : le principe de la fiscalité ; les taux, qui posaient problème ; et surtout, la notion de rétroactivité. Ces trois éléments ont provoqué une crispation importante des Françaises et des Français, d’autant qu’ils venaient s’ajouter au matraquage fiscal infligé depuis de deux ans.

Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé que la coproduction législative consistait en des propositions faites par les députés en accord avec le Gouvernement. La coproduction législative, monsieur le rapporteur, ce n’est pas le fait qu’une personne s’exprime, surtout quand elle ne les fait même pas au nom de son groupe. Or vous avez surpris tout le monde, dans votre groupe, en faisant vos propositions. C’est normalement l’ensemble d’un groupe politique qui fait des propositions au Gouvernement.

Et puis, monsieur le ministre, puisque vous rappelez certaines règles, je rappelle que, effectivement, l’assurance vie sera bien intégrée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Celui-ci comportera des exonérations au profit des fonds investis dans des industries françaises. C’est une orientation économique que vous donnez, effectivement, aux placements des Français. Mais votre argument fiscal, selon lequel, sur des produits similaires, il faut une lisibilité fiscale, ne tient plus. En effet, vous aurez des contrats d’assurance vie en euros, avec des montants garantis et des fonds constants, tandis que d’autres iront dans des fonds investis en actions. Or les fiscalités sont totalement différentes.

Je crois donc qu’il convient de supprimer cet article 8.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Reprenons tous ces éléments les uns après les autres.

Monsieur Door, lorsque je dis que c’est juridique et pas politique, c’est que je ne peux considérer, dès lors que vous avez prélevé 6 milliards d’euros en trois ans, qu’une mesure d’harmonisation vous offusque. Ou alors il s’agit de mauvaise foi caractérisée, mais je ne peux pas penser une minute que cette possibilité vous ait traversé l’esprit.

Vous avez prélevé 6 milliards d’euros en quelques mois sur les Français, avec Mme Dalloz, d’ailleurs, qui rit mais qui a contribué à cela de façon très volontariste à l’époque, je m’en souviens très bien. Elle a contribué à ce prélèvement, de même que Mme Poletti. Elle a fait preuve de beaucoup d’ardeur pour prélever ces 6 milliards. Le président Jacob, qui rigole, était même à la pointe de ce combat, pour le prélèvement de ces 6 milliards d’euros, à l’époque ; je m’en souviens très bien. Il a fait plusieurs interventions, dont les comptes rendus des séances témoignent, pour dire à quel point toutes ces mesures étaient pertinentes.

Mme Bérengère Poletti. Vous faites de l’histoire, mais nous parlons de l’avenir !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je ne peux donc pas considérer que votre indignation d’aujourd’hui soit autre chose qu’une forme d’égarement. La seule autre hypothèse serait celle de la mauvaise foi. J’écarte donc les considérations politiques, et m’en tiens aux considérations de droit.

Madame la députée Dalloz, les contrats en euros ne sont pas du tout concernés par cette mesure, puisqu’ils ne sont pas soumis au prélèvement de 15,5 %, ils sont prélevés au fil de l’eau. Ce que vous avez dit ne correspond donc pas à la réalité, et la mesure que nous prenons aujourd’hui conduira tous ceux qui bénéficient d’un contrat d’assurance vie – hors les contrats en euros, qui ne sont pas pénalisés aujourd’hui – à être taxés de la même manière, ce qui est une mesure d’harmonisation et de renforcement de l’égalité.

Deuxièmement, nous menons une réforme globale de l’assurance vie. Cette réforme poursuit des objectifs très simples : simplifier et harmoniser ; mettre en place, au terme d’une concertation étroite avec les épargnants, que j’ai reçus, à deux reprises, et avec le monde de l’assurance, un dispositif qui permette d’orienter les fonds de l’assurance vie vers des placements plus risqués, qui permettront de financer de façon plus facile à la fois le logement et les PME-PMI et ETI qui innovent. Il y a donc une cohérence dans tout cela, une cohérence qui s’inscrit dans un cadre juridique dont nous avons veillé – c’était le sens de mon interrogation lorsque Gérard Bapt s’est exprimé – à ce qu’il offre une sécurité juridique totale.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 82, 132 et 150.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants51
Nombre de suffrages exprimés51
Majorité absolue26
Pour l’adoption15
contre36

(Les amendements identiques nos 82, 132 et 150 ne sont pas adoptés.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Trente-six contre ? Il y a un problème, ils ne sont pas dix-huit !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2 et 84.

La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n2.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mesdames et messieurs les députés, par l’article 8, nous proposons de rétablir l’égalité de traitement entre contribuables, de mettre fin à l’application des taux historiques et d’assujettir tous les revenus du capital aux contributions et prélèvements sociaux selon les mêmes modalités, c’est-à-dire en les soumettant au taux global en vigueur au moment du fait générateur. La suppression des taux historiques est donc une mesure d’équité entre contribuables.

Le Gouvernement a entendu l’incompréhension suscitée par cette mesure, malheureusement alimentée par sa présentation biaisée et faussée de la part d’un certain nombre d’acteurs, notamment de l’opposition. Dès le 27 octobre dernier, j’ai annoncé un recentrage sur les seuls gains issus des contrats d’assurance vie exonérés d’impôts sur le revenu, c’est-à-dire des gains issus, notamment, de versements réalisés avant le 26 septembre 1997 sur des contrats multisupports. En effet, les placements sur l’assurance vie ne sont soumis à aucun plafonnement et sont concentrés sur les plus hauts revenus. De ce fait, l’inégalité résultant du régime des taux historiques peut avoir des effets importants, qu’il est essentiel de résorber. Ainsi, les gains issus des produits d’épargne populaire, tels que les plans d’épargne logement, les plans d’épargne en actions et les plans d’épargne salariale, seront préservés. La mesure permettra ainsi de rétablir l’égalité de traitement au sein de la catégorie des assurances vie à risques sans affecter les patrimoines moyens et modestes.

Les différents amendements qui vous sont présentés par le Gouvernement, les amendements nos 2, 3, 4 et 5, visent à atteindre les objectifs que je viens de rappeler. Chacun de ces amendements a pour objet de les décliner.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Ce n’est pas la première fois, monsieur le président, que j’ai l’occasion de faire cette remarque. Dans le vote par scrutin public sur les amendements de suppression, trente-six voix se sont exprimées contre. Or étaient présents au maximum quinze parlementaires dans les rangs de la majorité,…

M. Christian Paul, rapporteur. Non !

M. Christian Jacob. …et je sais qu’un certain nombre d’entre eux n’ont pas participé au vote. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Il sait tout !

M. Christian Jacob. Expliquez-nous donc comment deux fois quinze peuvent faire trente-six ! Il faut qu’on arrête ce genre de choses ! Souvenez-vous de ce qui s’est passé au moment du vote sur le mariage. Je l’ai signalé, cela n’est pas acceptable dans notre hémicycle. Monsieur le président, il n’est pas acceptable que des parlementaires pianotent de cette manière. Il y a quinze parlementaires de gauche en séance, et il y a trente-six voix ! Expliquez-moi comment cela se passe, comment on arrive à cela !

M. le président. Si vous le voulez, je tiens à votre disposition l’analyse du scrutin. Vous serez assez surpris de constater que certains membres de votre groupe ont voté contre les amendements de suppression. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Nous allons vérifier. Si c’est le cas, il n’y a pas de problème. Nous allons vérifier.

Article 8 (suite)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n84, de la commission des affaires sociales.

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’amendement n84, est le premier d’une série d’amendements de la commission qui sont identiques à ceux déposés par le Gouvernement à l’article 8.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Monsieur le ministre, le 26 octobre, je crois que le Premier ministre vous a en quelque sorte passé commande : Matignon vous a demandé si des améliorations étaient possibles pour stabiliser les règles en matière de fiscalité de l’épargne.

Je n’ai pas l’impression qu’avec le dépôt, au titre de l’article 88 du règlement de l’Assemblée nationale, de cet amendement n2 sur nos tables, tout à l’heure, à quinze heures, on stabilise quoi que ce soit. D’ailleurs, les professionnels de l’assurance et des banques et l’ensemble des fiscalistes nous disent qu’on n’a jamais vécu une période pareille d’instabilité, quelques semaines après les décisions prises.

Il y a quand même quinze millions de contrats d’assurance vie dans notre pays, et personne n’est capable d’indiquer à leurs titulaires comment cela va se passer en 2014, entre rétroactivité et changement de type de contrat. Qu’on le veuille ou non, en matière de fiscalité, c’est du jamais vu. Ce n’est pas acceptable. Il serait peut-être bon, et même urgent, de préciser à ces quinze millions de personnes et aux professionnels où on en est. J’ai reçu, nous avons tous reçu, des professionnels qui proposent ce type de contrats. Malheureusement, nous sommes dans une situation d’instabilité juridique qui n’est pas totalement éclaircie et, comme on le disait tout à l’heure, le fait de déposer des amendements extrêmement importants qui sont examinés par la commission dans le cadre de la procédure de l’article 88 pose évidemment problème.

Il faut aujourd’hui clarifier les choses car, je le dis sans esprit de polémique, on est dans une situation complètement inédite.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je veux juste vous faire remarquer, monsieur Tian, que, si les amendements du Gouvernement ont été déposés dans le cadre de la procédure de l’article 88, les amendements identiques de la commission ont été adoptés en réunion de commission. Le reproche que vous venez de faire à propos de la technicité de ces amendements est infondé. Ils ont été votés en commission et non pas dans le cadre de la procédure de l’article 88.

(Les amendements identiques nos 2 et 84 sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 3 et 85.

La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n3.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’ai défendu ensemble tous les amendements du Gouvernement, monsieur le président.

M. le président. Pardon, cela m’avait échappé.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n85 de la commission des affaires sociales.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Dans le même esprit, il est aussi défendu.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. J’aimerais savoir comment, sur le plan technique, le rapporteur justifie d’avoir déposé les mêmes amendements que le Gouvernement.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Le Gouvernement et la majorité ont les mêmes idées, c’est cohérent !

M. Arnaud Richard. Le Gouvernement est-il mal à l’aise et a-t-il peur que ses amendements ne soient pas adoptés ? C’est assez rare. Soit c’est le rapporteur qui assume ses positions, soit c’est le Gouvernement.

En outre, le ministre ne nous a pas expliqué une chose. Sur les 600 millions d’euros que devait procurer cet article dans sa rédaction initiale, il manque maintenant 200 millions. Où les trouve-t-il ?

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Monsieur Richard, les amendements de la commission sont, à l’origine, des amendements que j’ai déposés en tant que rapporteur, qu’elle a adoptés. Ils étaient conformes aux intentions manifestées par le Gouvernement. Celui-ci les a manifestées en les signifiant à Mme la présidente Lemorton, qui a déposé les amendements sur les tables de la commission. Si on avait attendu la séance pour voter ces amendements du Gouvernement, qui ne pouvait pas, lui, les déposer en commission, j’imagine quelles auraient été les protestations ! Vous devriez donc plutôt rendre hommage à la procédure suivie en nouvelle lecture, particulièrement vertueuse.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous posez, monsieur le député Richard, une question très légitime, et je peux y répondre. Comme vous l’avez remarqué, nous avons fait passer tout à l’heure une disposition qui gageait l’impact de la mesure sur les économies constatées sur l’ONDAM. J’avais indiqué que la modification par amendement de la mesure qui est l’objet de l’article 8 serait gagée par des économies. Celles-ci ont été constatées tout à l’heure ; c’est le gage de l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Je dirai simplement un mot à l’attention de M. Bapt. Je ne vous comprends pas ! Soyons sérieux : Mme la présidente de la commission nous a donné mercredi dernier, en commission, les dix amendements du Gouvernement – ce qui était très correct de sa part. Si ces amendements avaient effectivement été déposés en votre nom, monsieur le rapporteur, nous les aurions étudiés. Mais vous nous avez répondu : « nous ne les étudierons pas, puisque le Gouvernement les déposera la semaine prochaine, avant de les examiner dans l’hémicycle. »

M. Christian Paul, rapporteur. Mais non !

M. Jean-Pierre Door. Vous pouvez relire le compte rendu de la commission : vous n’étiez pas au courant de ces dix amendements.

M. Jean-Marc Germain. Ce sont les mêmes !

M. Jean-Pierre Door. C’est pour cela que vous nous avez renvoyé à l’examen des amendements du Gouvernement, qui a eu lieu aujourd’hui.

Il faut dire la vérité ! Ces amendements auraient dû être étudiés : ils ne l’ont pas été.

M. Dominique Tian. Très bien !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement. Après être intervenu tout à l’heure, j’ai vérifié le scrutin : un de nos collègues, Dominique Tian, s’est en effet trompé. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ah, M. Tian : cela ne nous étonne pas !

M. Christian Jacob. Cela étant, il n’empêche que le nombre de parlementaires de gauche présents dans l’hémicycle ne correspond pas au nombre de votes. Je demande que l’enregistrement vidéo de ce scrutin public soit visionné.

M. Christian Paul, rapporteur. Ça suffit !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Mais si, cela correspond !

M. Christian Jacob. Au minimum un ou deux députés de gauche ont pianoté sur plusieurs boîtiers. C’est la vérité ! Monsieur le président, je vous demande de signaler cet incident, car ce n’est pas acceptable.

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui ! Ce n’est pas cela, la démocratie !

M. Christian Jacob. Je n’irai pas plus loin ; je demande simplement que ce soit contrôlé, c’est tout. Et il n’y aura plus d’incident.

M. Christian Paul, rapporteur. Mais nous n’avons aucun intérêt à faire cela : nous sommes plus nombreux que vous en séance !

M. Christian Jacob. Alors pourquoi l’avez-vous fait ?

M. Christian Paul, rapporteur. Monsieur Jacob, ne vous prévalez pas de vos propres turpitudes et de celles de l’UDI !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Germain. Monsieur Jacob, quand on a, comme vous, commis une erreur, la moindre des choses…

M. Christian Jacob. Mais de quelle erreur parlez-vous ?

M. Jean-Marc Germain. … serait de faire amende honorable !

Je vais donner l’analyse du scrutin. Initialement, je n’avais pas prévu de le faire, parce que je crois que cela ne se fait pas. Il y avait 14 députés du groupe SRC dans l’hémicycle, et donc 28 voix contre. À ces voix s’ajoutent deux votes contre du groupe écologiste, deux votes contre du groupe RRDP, et deux vote contre du groupe GDR. M. Tian, qui a également voté contre, avait une procuration. Nous arrivons bien à 36 voix contre. Voilà.

Je vous rappelle que la semaine dernière, trois députés de l’UDI ont réussi à renverser le résultat d’un scrutin. Vous devriez donc faire profil bas, faire amende honorable, et laisser l’Assemblée nationale poursuivre tranquillement ses travaux.

M. Christian Jacob. Je demande simplement que l’on vérifie en visionnant l’enregistrement vidéo de la séance !

M. Christian Paul, rapporteur. C’est ridicule !

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour un rappel au règlement.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je pense, moi aussi, que nous devrions poursuivre nos travaux. Monsieur le président Jacob, j’étais vice-présidente de l’Assemblée nationale quand nous étions dans l’opposition. Il est fréquent qu’il y ait environ quatorze députés présents d’un côté, et huit, neuf ou dix de l’autre côté. Jamais, monsieur Jacob, jamais nous n’avons contesté un scrutin tenu dans de semblables circonstances – je pense que des députés comme Denis Jacquat et Dominique Tian s’en souviennent.

M. Dominique Tian. C’est vrai.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. La présidence ne doit jamais être mise en cause : les fonctionnaires de l’Assemblée l’assistent, et ils ne se trompent jamais !

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Christian Jacob. Cela n’a rien à voir avec la présidence : il s’agit d’un problème de vote électronique !

M. le président. Écoutez, monsieur Jacob…

M. Christian Jacob. Vous pouvez toujours refuser le contrôle !

M. le président. Je ne suis pas certain qu’il soit nécessaire de passer beaucoup de temps sur ce scrutin. Il n’y avait aucun suspense quant au résultat, je pense que tout le monde en convient. Je vous propose de poser la question à la Conférence des présidents. Mais nous n’allons pas remettre en question un vote…

M. Christian Jacob. Ce n’est pas ce que je demande : je demande qu’on visionne à nouveau l’enregistrement, c’est tout.

M. Pascal Popelin. Cette suspicion est insupportable !

M. le président. Le mieux est de transmettre cette question à la Conférence des présidents. Puisque vous me l’aviez demandé, j’ai compté le nombre de députés présents : cela correspond à l’analyse du scrutin. Je pense donc que l’enregistrement vidéo ne nous réserve aucune surprise.

Article 8 (suite)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Monsieur Door, je vous renvoie à la page 19 du rapport n1564, à laquelle figure le compte rendu de l’examen de ce texte en nouvelle lecture par notre commission. Figure, à cette page, la retranscription d’une de vos interventions, au cours de laquelle vous dites que dix amendements ont été déposés par le Gouvernement. Je les ai effectivement défendus. Par la suite, vous intervenez à nouveau – ces propos sont consignés à la page 21 du même rapport – et dites : « Lors de la séance publique, nous avions alerté le Gouvernement sur cet article. Aujourd’hui, monsieur le rapporteur, vous déposez des amendements qui ressemblent fortement à ceux que nous avions nous-mêmes déposés en première lecture ».

Cela prouve bien que vous aviez constaté, au cours de cette réunion de la commission des affaires sociales, que j’avais moi aussi déposé ces amendements ! Ne prétendez donc pas avoir été surpris par ces amendements : ils ont été discutés, défendus et votés en commission.

M. Jean-Pierre Door. Vous devriez continuer et lire la suite de mon intervention, lorsque je dis des amendements du Gouvernements qu’ils tombent du ciel !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je ne vais pas lire tout le compte rendu !

Ces dix amendements ont été déposés par le rapporteur, en commission. Le Gouvernement a informé la commission des affaires sociales du fait qu’il comptait déposer les mêmes amendements en séance. Il ne pouvait pas les déposer en commission. J’avais, pour ma part, déposé ces dix amendements en commission. Vous aviez donc tout loisir de les examiner, et d’en discuter – ce que vous avez d’ailleurs fait.

(Les amendements identiques nos 3 et 85 sont adoptés.)

M. le président. Les amendements identiques nos 4 et 86 ont déjà été présentés par le Gouvernement et M. le rapporteur, de même que les amendements identiques nos 5 et 87.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Nous ne faisons que répéter ce que Jean-Pierre Door a dit en commission, sans obtenir de réponse : il manque encore 200 millions d’euros ! Une mesure d’effacement concerne 400 millions d’euros : il manque encore 200 millions d’euros pour assurer l’équilibre des comptes. Nous ne comprenons pas où ils sont !

M. Christian Paul, rapporteur. Vous calculez comme vous votez, monsieur Tian : mal !

(Les amendements identiques nos 4 et 86 et les amendements identiques nos 5 et 87 sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n81.

M. Arnaud Richard. Défendu.

(L’amendement n81, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l’amendement n96.

Mme Dominique Orliac. Cet amendement permet de trouver un financement complémentaire pour pallier le déficit des régimes de retraites. Il serait pertinent de faire contribuer les revenus financiers qui ne sont pas réinvestis dans l’économie française alors même que leur accroissement est rendu possible grâce au travail des salariés.

Cette mesure permettrait non seulement de leur rendre une part de leur dû mais aussi de ne pas altérer le pouvoir d’achat des salariés. C’est d’autant plus nécessaire que, selon un rapport publié par l’INSEE en 2009 sur le partage de la valeur ajoutée, connu sous le nom de rapport Cotis, les revenus versés par les seules sociétés non financières aux propriétaires du capital et des terrains sont passés de 3 % à 8 % de leur valeur ajoutée brute entre 1982 et 2007, pour atteindre en 2009 76,6 milliards d’euros. Cette augmentation de 5 points représente sept à huit fois plus que le déficit de tous les régimes de retraite enregistré en 2008, année qui sert de référence aux travaux du Conseil d’orientation des retraites.

En fin de compte, d’après une étude publiée par l’INSEE en 2011, environ 230 milliards d’euros de dividendes ont été versés aux actionnaires des entreprises françaises en 2007, 2008 et 2009. Avec cette disposition, ce sont 19,32 milliards d’euros qui pourraient financer la branche vieillesse de l’assurance maladie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Son objet est de réduire le déficit de la branche vieillesse : cela ne concerne pas la CADES. Vous proposez de conforter les recettes de la CADES pour diminuer le déficit de la branche vieillesse : je crois que vous vous trompez de cible. C’est pourquoi la commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la députée, vous proposez, au moyen de cet amendement, d’assujettir les dividendes versés par les entreprises à une contribution au même taux que la cotisation d’assurance vieillesse patronale plafonnée, soit 8,40 %. Les dividendes perçus par les personnes physiques sont déjà soumis, outre leur imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu, aux prélèvements sociaux de 15,5 %, soit un taux bien supérieur à celui que vous proposez là.

Enfin, une contribution de 3 % sur les dividendes distribués par les sociétés a été créée, comme vous le savez, par la loi de finances rectificative de pour 2012. Des mesures très significatives en matière de fiscalité des dividendes existent donc déjà. C’est pourquoi je ne donnerai pas un avis favorable à cet amendement.

(L’amendement n81 n’est pas adopté.)

M. le président. Les amendements identiques nos 6 et 91 du Gouvernement et de la commission ont déjà été présentés, de même que les amendements nos 7 rectifié, 88 rectifié, 8 deuxième rectification et 89 rectifié, qui sont identiques deux à deux.

(Les amendements identiques nos 6 et 91, les amendements identiques nos 7 rectifié et 88 rectifié, et les amendements identiques nos 8 deuxième rectification et 89 rectifié sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n80.

M. Arnaud Richard. Le Gouvernement a donc fait le choix de revenir sur le régime dit des taux historiques pour la taxation de différents plans d’épargnes. À notre sens, cette mesure ne doit pas s’appliquer de manière rétroactive : l’épargne est un acte lié à la confiance que les particuliers et les ménages accordent aux règles fiscales en vigueur. Cette confiance nécessite de la stabilité, monsieur le ministre.

Vous présentez cette rétroactivité avec beaucoup d’habileté, monsieur le ministre, mais elle ne nous paraît pas supportable. Nous proposons donc que la mesure ne s’applique qu’aux opérations réalisées à compter du 1er janvier 2014.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Permettez-moi de vous faire observer que la décision d’appliquer le dispositif à la date de présentation du PLFSS, outre que c’est un procédé classique en matière budgétaire, est due au souhait d’éviter des comportements d’anticipation qui déstabiliseraient l’épargne. Au nom de la commission des affaires sociales, je propose donc à l’Assemblée de repousser cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je parlais tout à l’heure d’instabilité fiscale : vous avez balayé cette considération d’un revers de main, monsieur le ministre, avec l’humour et la technicité qui vous caractérisent. Mais en réalité, rejeter cet amendement de nos collègues de l’UDI est un aveu de faiblesse, monsieur le rapporteur ! En refusant cet amendement, vous avouez clairement que cette mesure aura un effet rétroactif très important. Or l’épargnant français n’est pas un puits sans fond que l’on peut taxer toujours plus ! La réaction naturelle des épargnants serait donc de recourir à d’autres supports d’épargne.

Vous pouvez bien présenter, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2013, des mesures visant à diriger l’assurance vie vers les entreprises innovantes ou industrielles françaises au moyen de nouveaux produits spécifiques. Il n’empêche que votre réponse à notre collègue Arnaud Richard montre que si votre mesure n’était pas rétroactive, elle déstabiliserait l’épargne des Français.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Eh oui, c’est bien pour cela qu’elle est rétroactive !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est l’aveu que cette mesure aura un impact réel sur l’épargne des Français.

(L’amendement n80 n’est pas adopté.)

M. le président. Les amendements identiques nos 9 et 90 ont déjà été présentés par le Gouvernement et la commission.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Lisez donc l’exposé sommaire de ces amendements, monsieur le ministre : c’est assez hallucinant. Aux termes de cet exposé sommaire, ces amendements « excluent du champ d’application de la mesure de suppression des taux historiques les PEL, PEA et l’épargne salariale, ce qui permettra de ne pas toucher les patrimoines moyens et modestes. »

Or seuls les gens qui ne paient pas d’impôts seront exonérés de cette mesure. Autrement dit, pour vous, les classes moyennes, ce sont les gens qui ne paient pas d’impôts. Mais je rappelle que 15 millions de personnes en France détiennent des contrats d’assurance vie. Sur ces 15 millions, certains paient des impôts, et d’autres n’en paient pas. Très souvent, ce sont des gens qui paient l’impôt, parce qu’ils ont souscrit des contrats d’assurance vie à une période de leur vie où ils voulaient transmettre un patrimoine à leurs enfants.

L’exposé sommaire de ces amendements est absolument hallucinant : nous aurions pu, à l’UMP, l’écrire pour vous montrer que cette mesure est absurde. Vous l’avez écrit vous-même : nous ne pouvons qu’être d’accord avec vous sur ce point. Mais mettez-vous d’accord avec ce que vous écrivez !

(Les amendements identiques nos 9 et 90 sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 10 et 92.

La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n10.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’amendement a déjà été présenté.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n92.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il a également été présenté.

(Les amendements identiques nos 10 et 92, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n93.

M. Jean-Marc Germain. M. Tian est notre meilleur allié !

M. Christian Paul, rapporteur. Il est dur dans ses propos, mais après, il vote avec nous !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il marque contre son camp ! C’est comme cela qu’on peut gagner au foot !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vous ai présenté, lors de la discussion sur les amendements du Gouvernement nos 2 à 5…

M. Christian Jacob. J’attends la vidéo avec impatience !

M. Christian Paul, rapporteur. On va vous les montrer !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’est une vidéo sur quoi, monsieur Jacob ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. On vous montrera également celle de la semaine dernière !

M. le président. Seul le ministre a la parole, pour présenter l’amendement n93.

M. Dominique Tian. Nous, nous respectons le ministre !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si vous avez tous décidé d’adhérer à un club de cinéma ou d’art et d’essai, c’est votre droit ! (Sourires.) Mais le sujet de ce soir, c’est le PLFSS.

Je suis obligé de revenir à des sujets très arides, alors même que je suis face à une assemblée de cinéphiles très distingués, toutes tendances politiques confondues d’ailleurs !

Je vous ai présenté – je suis désolé de l’aridité des sujets d’aujourd’hui – les amendements du Gouvernement nos 2 à 5, destinés à garantir le recentrage de la mesure de suppression des taux historiques sur les seuls gains exonérés d’impôts sur le revenu issus des contrats d’assurance vie.

Le présent amendement retranscrit cet objectif et en tire toutes les conséquences.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Favorable, puisque c’est un amendement de conséquence.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Certains membres du groupe socialiste ne semblent pas avoir compris ce que je voulais dire tout à l’heure, alors que c’était pourtant simple. Le Gouvernement a écrit qu’il allait protéger les patrimoines moyens et modestes, donc ceux qui ne paient pas d’impôts.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce n’est pas cela qui est écrit !

M. Dominique Tian. Je sais que M. Hollande considérait que la richesse commence à partir d’un revenu de 4 000 euros, mais le Gouvernement fait apparaître ici une nouvelle notion juridique, selon laquelle les gens des classes modestes ou moyennes sont ceux qui ne paient pas d’impôts.

M. Christian Paul, rapporteur. La bêtise le dispute à la mauvaise foi !

M. Dominique Tian. Dès lors, qui sont les riches ? Ne parlons même pas des super-riches ! Visiblement, vous avez décidé de protéger les « classes moyennes », mais vous considérez que ceux qui gagnent un peu plus et qui paient des impôts sont des riches.

Vous venez donc d’écrire juridiquement ce qu’est la notion de richesse pour le parti socialiste et le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le député, je ne souscris pas à votre raisonnement, pour une raison technique : tous ceux qui détiennent des produits d’épargnes sont taxés à leur sortie au taux de 15,5 %, y compris ceux qui ne sont pas imposables.

Il n’y a donc pas, d’un côté, des épargnants qui seraient exonérés de l’impôt sur le revenu, bien qu’ayant une épargne prélevée au taux de 15,5 % et, de l’autre, ceux qui ne le seraient pas !

Quelle que soit votre situation au regard de l’impôt sur le revenu, dès lors que vous disposez de produits d’épargne, vous êtes prélevés à leur sortie au taux de 15,5 %.

Par ailleurs, j’ai encore à l’oreille, monsieur Tian, vos déclarations selon lesquelles un certain nombre de détenteurs de PEL, de PEA, etc, étaient de petits épargnants ; ce n’est pas toujours le cas des détenteurs d’assurance vie puisque, comme vous le savez, 1 % des détenteurs de l’assurance vie détiennent entre 50 % et 60 % du total des encours.

Il n’y a donc aucune ambiguïté quant à la volonté du Gouvernement de faire de cette mesure une mesure d’harmonisation, et en aucun cas une mesure de pénalisation de ceux qui, quelle que soit leur situation au regard de l’impôt sur le revenu, seront, à la sortie, fiscalisés au titre des prélèvements sociaux au taux de 15,5 %, mais qui se sont constitué une petite épargne.

Pardonnez-moi, mais je ne souscris pas à votre raisonnement.

(L’amendement n93 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n292.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, sur cet amendement rédactionnel.

M. Denis Jacquat. C’est gentil de lui donner la parole, monsieur le président !

M. Dominique Tian. Monsieur le ministre, je relis l’exposé sommaire de l’amendement n93 : « les contrats d’assurance vie ne sont soumis à aucun plafonnement et leur encours est concentré sur les plus hauts patrimoines. »

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’est bien ce que je dis !

M. Dominique Tian. Donc toutes les classes moyennes sont épargnées par les nouvelles mesures, c’est cela ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Martine Pinville, rapporteure. Il y en a qui ne veulent vraiment pas entendre !

(L’amendement n292 est adopté.)

(L’article 8, amendé, est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron