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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 26 novembre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Hommage à Lucien Neuwirth

M. le président

2. Questions au Gouvernement

Réforme fiscale

M. Christian Jacob

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Pouvoir d’achat des retraités modestes

Mme Martine Pinville

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Pouvoir d’achat des retraités modestes

Mme Dominique Orliac

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Réforme des retraites

M. Patrice Carvalho

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Enjeux de la régionalisation

M. Paul Molac

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique

Réforme des retraites

M. Alain Chrétien

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

République centrafricaine

M. Philippe Folliot

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Loi de programmation militaire

M. Philippe Vitel

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Négociations internationales avec l’Iran

M. Pierre-Yves Le Borgn’

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Négociations internationales avec l’Iran

M. Pierre Lellouche

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Politique économique de l’Allemagne

M. Jean-Luc Laurent

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Violence et harcèlement en milieu scolaire

M. Hervé Gaymard

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Arrestation de l’auteur présumé de tirs au fusil dans les locaux d’une banque, d’un journal et d’une chaîne de télévision

M. Jacques Bompard

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Conférence de Varsovie

M. Bertrand Pancher

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Statut des sages-femmes

M. Dominique Dord

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Exonération fiscale des dons en nature

M. Guy Delcourt

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Suspension et reprise de la séance

3. Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014

Explications de vote

Mme Martine Pinville

M. Jean-Pierre Door

M. Charles de Courson

M. Jean-Louis Roumegas

Mme Dominique Orliac

Mme Jacqueline Fraysse

Vote sur l’ensemble

4. Avenir et justice du système de retraites (nouvelle lecture)

Explications de vote

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. André Chassaigne

M. Christian Paul

M. Denis Jacquat

M. Philippe Vigier

Mme Véronique Massonneau

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

5. Programmation militaire 2014-2019

Présentation

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Mme Patricia Adam, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées

M. Gwenegan Bui, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

M. Jean Launay, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Patrice Verchère, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères

6. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Hommage à Lucien Neuwirth

M. le président. Mes chers collègues, avec Lucien Neuwirth, c’est une figure parlementaire éminente qui nous a quittés la nuit dernière. Grand résistant, ancien questeur de notre assemblée, il a donné son nom à un texte doublement précurseur, parce qu’il s’agissait d’une proposition de loi et parce qu’il a ouvert aux femmes le droit à la contraception.

À sa famille, et en particulier à son épouse, Sophie Huet, présidente de l’association des journalistes parlementaires, je présente en votre nom les condoléances de l’Assemblée nationale.

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Réforme fiscale

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, vous m’avez invité lundi prochain à Matignon. J’y serai (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et j’ai bien compris que vous attendiez des propositions, mais depuis dix-huit mois, vous menez une politique fiscale asphyxiante et injuste : asphyxiante parce que vous avez écrasé notre économie avec 50 milliards d’impôts nouveaux, injuste car elle frappe sans retenue tous les Français alors que vous aviez annoncé ici même que 90 % d’entre eux seraient épargnés par votre matraquage fiscal.

Dans ces conditions, vous comprendrez que les Français soient inquiets de votre annonce du grand soir fiscal avec la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, comme si d’ailleurs un Premier ministre crédité de 20 % de bonnes opinions pouvait porter une réforme d’une telle ampleur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Sur la forme, vous avez préparé cette réforme en catimini. Votre ministre de l’économie et des finances n’en a été informé que par la presse. On nous dit même que vous avez court-circuité le Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Sur le fond, le groupe UMP ne peut pas cautionner un projet fiscal qui ne s’attaque pas prioritairement à la baisse de la dépense publique (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP), de la même façon qu’il ne cautionnera pas un projet fiscal qui vise à augmenter massivement les impôts pour les classes moyennes, les Français qui travaillent, les retraités, ou encore qui sacrifie le quotient familial sur l’autel de votre idéologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, les Français ne sont pas dupes de la manœuvre de celui qui va augmenter la TVA dans un mois. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Votre objectif était de passer les fêtes de Noël à Matignon, en cherchant désespérément à vous remettre en selle. La réalité politique, c’est que vous avez simplement différé votre chute. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je comprends votre embarras, monsieur Jacob. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Vous avez accepté de répondre à mon invitation. Vous viendrez peut-être avec une délégation de votre groupe, des députés et des sénateurs… c’est vous qui déciderez, et vous serez les bienvenus. Je recevrai tous les groupes parlementaires, de la majorité comme de l’opposition.

M. Jean-François Copé. Après les syndicats !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Et je peux vous dire que la situation sera intéressante ! En effet, vous n’aurez pas seulement à poser des questions : ce que j’attends de vous, et c’est le sens de ma démarche, c’est que vous apportiez aussi des réponses sur ce grand chantier que j’ai lancé de la mise à plat de notre système fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce sera un grand moment de clarification.

Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’ai commencé à consulter les partenaires sociaux, les représentants du patronat comme ceux des salariés. C’est, du point de vue démocratique, un moment extrêmement apprécié, mais il n’aura de sens que s’il est complété par la consultation et la contribution des groupes parlementaires, de la majorité comme de l’opposition, je le répète.

Vous m’interrogez sur le niveau de la fiscalité. Vous êtes bien placé pour en parler : sous la majorité précédente, l’ancien président s’était engagé à une baisse de 4 points des prélèvements obligatoires et ils ont augmenté de 1,5 point ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.– Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous voyez, vous aurez certainement un espace de clarification.

Quant à nous, je me suis engagé à stabiliser les prélèvements obligatoires, et nous y sommes quasiment. Nous avons même l’objectif de les faire baisser d’ici à la fin du quinquennat.

Monsieur le président Jacob, vous demandez des baisses d’impôts, mais quand vous votez des amendements, il s’agit d’augmenter la dépense. Où est donc la cohérence ? (Applaudissements sur le banc du groupe SRC.) Que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, et encore en ce moment sur le projet de loi de finances, vous avez voté, avec, j’en suis désolé pour eux, les sénateurs communistes, 13 milliards d’augmentation des dépenses. Où est votre cohérence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes RRDP et écologiste.)

Il ne suffit pas de demander des baisses de dépenses, il faut dire lesquelles, combien et comment ! Voilà la réponse que j’attends et que, je n’en doute pas, vous m’apporterez lorsque nous nous rencontrerons lundi prochain. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Pouvoir d’achat des retraités modestes

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Martine Pinville. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et j’y associe mon collègue Christophe Sirugue et tous les commissaires socialistes aux affaires sociales.

Madame la ministre, la réforme des retraites examinée la semaine dernière, que nous allons voter à l’issue de cette séance de questions, est une réforme de progrès, nous l’avons dit.

C’est une réforme qui pérennise notre système de retraite par répartition. Sans réforme, le déficit prévisionnel pour 2020 aurait atteint 20 milliards d’euros.

Un député du groupe UMP. Et avec la réforme ?

Mme Martine Pinville. C’est une réforme de justice, qui réduit les inégalités, inégalités entre les femmes et les hommes, inégalités liées à l’exercice de tâches pénibles, inégalités touchant les victimes de la précarité.

C’est une réforme d’équilibre, sollicitant des efforts des cotisants, entreprises et salariés, comme des bénéficiaires. C’est la clé de la solidarité intergénérationnelle.

Les députés de tous les groupes de notre majorité ont souhaité qu’un effort soit fait en direction des retraités modestes. Le Gouvernement a entendu notre appel et a pris deux décisions majeures pour soutenir le pouvoir d’achat des retraités les moins fortunés. D’une part, le minimum vieillesse sera revalorisé à deux reprises en 2014, une première fois le 1er avril, une seconde fois le 1er octobre. C’est une bonne nouvelle pour les 600 000 allocataires du minimum vieillesse.

M. Lionnel Luca. Quel scandale !

Mme Martine Pinville. D’autre part, l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé sera également revalorisée, de 50 euros.

Ces deux mesures fortes vont dans le bon sens. Elles contribuent encore à renforcer le caractère profondément juste de la réforme des retraites engagée par la gauche, en lien avec les partenaires sociaux.

M. Lionnel Luca. Une honte !

Mme Martine Pinville. Madame la ministre, pouvez-vous nous rappeler les objectifs du Gouvernement en matière de retraite ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Vous avez raison, madame la députée, vous aurez dans quelques instants l’occasion de voter une réforme des retraites permettant de consolider l’avenir des régimes de retraite en faisant preuve de responsabilité financière, tout en comportant des avancées sociales majeures en direction des femmes, des jeunes et de celles et ceux qui ont connu des carrières pénibles.

Si un effort est demandé à l’ensemble de notre pays, à l’ensemble des catégories sociales, le Gouvernement a été sensible aux préoccupations portées par l’ensemble des groupes de la majorité gouvernementale concernant les retraités les plus modestes, et je salue votre engagement et celui de Christophe Sirugue pour qu’il soit tenu compte de ces préoccupations.

J’ai annoncé hier deux mesures en direction des retraités les plus modestes, qui n’auront pas à contribuer à l’effort demandé. D’abord, ceux qui bénéficient de l’allocation de solidarité pour les personnes âgées pourront l’année prochaine compter sur une double revalorisation de leur pension. Il n’y aura plus de pension d’un montant inférieur à 800 euros par mois. C’est une grande avancée due à notre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et sur quelques bancs du groupe écologiste.) Par ailleurs, l’aide accordée aux bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé ayant une retraite inférieure à 970 euros passera de 500 à 550 euros, ce qui représente une avancée significative.

Grâce à vous, le Gouvernement a avancé vers une réforme de justice et de responsabilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

Pouvoir d’achat des retraités modestes

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Dominique Orliac. Monsieur le Premier ministre, courageusement, vous avez décidé d’engager une réforme garantissant l’avenir et la justice du système de retraite, considérant que la réforme votée par l’UMP en 2010 était insuffisante. Pour financer cette réforme, vous avez souhaité que les entreprises, les actifs et les retraités contribuent, et proposé un compte « pénibilité » pour prendre en considération les salariés qui, durant leur carrière, ont subi des contraintes professionnelles physiques importantes.

Mais il y a dans ce projet de loi un article, l’article 4, qui reporte du 1er avril au 1er octobre la date de revalorisation des retraites, et sur lequel nous avons émis les plus fortes réserves car, si le groupe RRDP est conscient que le projet de loi vise un certain équilibre et poursuit un objectif de justice, nous ne souhaitons pas une mesure qui affecte le pouvoir d’achat des retraités français, notamment des plus modestes.

La revalorisation avait déjà été décalée de trois mois dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009, avant de l’être à nouveau de six mois, soit un décalage total de neuf mois en l’espace de cinq ans. Si ce report peut sembler anodin, il ne l’est pas pour nos concitoyens, puisqu’il correspond dans les faits à une désindexation temporaire des pensions par rapport à l’inflation. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Or nous croyons en la relance de la croissance par la consommation, donc par le maintien du pouvoir d’achat.

Ce sont aujourd’hui environ 10 % des retraités qui vivent sous le seuil de pauvreté, soit près de 1,6 million de personnes. Il y a des retraités qui souffrent au quotidien et qui s’enfoncent dans la précarité.

M. Julien Aubert. Vous allez voter contre le projet de loi, alors ?

Mme Dominique Orliac. Cette situation n’est pas acceptable et il nous incombe d’accorder une attention prioritaire aux plus défavorisés, aux plus vulnérables. Les députés radicaux de gauche et apparentés ont eu l’occasion de vous le dire à maintes reprises, lors des débats parlementaires. Monsieur le Premier ministre, quelles propositions le Gouvernement entend-il faire pour améliorer le pouvoir d’achat des retraités qui perçoivent une faible retraite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée, je veux vous remercier pour l’engagement fort que vous avez marqué tout au long du débat sur l’avenir et la justice de notre système de retraite. Le Gouvernement sait pouvoir compter sur votre soutien et celui de votre groupe pour améliorer constamment la situation des retraités modestes, comme de l’ensemble des Français les plus modestes.

Vous avez à votre tour rappelé la volonté du Gouvernement d’entendre les préoccupations des groupes parlementaires de la majorité gouvernementale pour que les retraités les plus modestes soient soutenus et accompagnés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est ainsi que, comme je l’ai annoncé hier, le minimum vieillesse – l’allocation de solidarité aux personnes âgées – sera revalorisé à deux reprises l’année prochaine, le 1er avril et le 1er octobre, et l’aide à la complémentaire santé, destinée aux retraités ayant un revenu inférieur au seuil de pauvreté, sera portée de 500 à 550 euros.

Je rappelle, madame la députée, que le projet de loi sur lequel vous allez vous prononcer dans un instant comporte d’autres mesures en faveur des Français modestes et de la revalorisation des petites pensions. Les petites pensions agricoles seront revalorisées. Les pensions de réversion augmenteront. Le seuil de ressources pour le versement du minimum contributif sera porté au niveau du SMIC net.

M. Philippe Meunier. Baratin !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous avons la volonté de favoriser le pouvoir d’achat de nos concitoyens, tout en permettant à l’ensemble de notre pays et aux plus jeunes des Français de compter sur un régime de retraite solide et fort, à la fois responsable et juste. Je vous remercie de la contribution que vous y apportez. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Réforme des retraites

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le Premier ministre, mercredi dernier, l’Assemblée nationale a supprimé, par un vote majoritaire, l’une des dispositions les plus régressives de votre projet de loi de réforme des retraites. Il s’agit de la mesure qui vise à reporter du 1er avril au 1er octobre la revalorisation annuelle des retraites, et dont la conséquence serait une nouvelle amputation du pouvoir d’achat des retraités.

Vous avez prévu qu’en soient dispensées les personnes percevant le minimum vieillesse – 787 euros par mois actuellement – et vous venez d’annoncer, dans la nuit, des mesures compensatoires qui ne changeront rien sur le fond : cela veut toujours dire qu’un retraité touchant un peu plus de 800 euros mensuels, donc sous le seuil de pauvreté, sera mis à contribution et perdra 144 euros de revenus par an.

Un député du groupe UMP. C’est énorme !

M. Patrice Carvalho. Comment un gouvernement qui se réclame de la gauche peut-il proposer une disposition aussi inique ? Elle consiste à faire les poches des retraités…

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Patrice Carvalho. …pour récupérer 1,9 milliard d’euros, quand en même temps le patronat bénéficie de 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales par an, sans contrepartie.

L’amendement des députés du Front de gauche, des écologistes et des radicaux ne demande pourtant pas la lune. Il tend simplement à exclure du report les retraités dont les revenus sont inférieurs au minimum contributif, soit 1 028 euros.

Déjà, en première lecture, la mesure avait été repoussée, et le Gouvernement avait eu recours à une seconde délibération. Ce que vous envisagez cette fois-ci est pire, puisque vous utiliserez tout à l’heure le vote bloqué (Huées sur les bancs des groupes UMP et UDI), imposant ainsi par la force ce que les députés ont rejeté. Cela témoigne d’un profond mépris pour le Parlement.

Nous sommes la représentation nationale et nous nous sommes majoritairement prononcés contre votre mesure injuste. Je vous demande, monsieur le Premier ministre, de respecter nos décisions et d’appliquer l’amendement que nous avons voté. Vous vous faites le champion des consultations : faites-vous le champion de la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, oui, le Gouvernement a engagé une réforme des retraites qui comporte des mesures de justice importantes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons lancé le travail d’élaboration de cette réforme, nous avons donné le temps à la concertation, au débat, à la discussion et à l’échange.

M. Julien Aubert. Baratin !

Mme Marisol Touraine, ministre. Dans cet hémicycle même, à deux reprises, nous avons pu discuter des points qui nous rapprochent comme de ceux qui nous séparent.

M. Philippe Meunier. Bla bla bla !

Mme Marisol Touraine, ministre. Lorsque cette loi aura été votée, des millions de femmes et d’hommes verront prise en considération la pénibilité de leur travail, ce qui, jusqu’à maintenant, n’était pas possible. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Lorsque cette loi aura été votée, des femmes pourront compter sur une prise en charge de l’intégralité de leurs trimestres de congé maternité, alors que, jusqu’à maintenant, ce n’était pas le cas. Cette loi permettra également à des étudiants de voir comptabilisées leurs périodes de stage, à des apprentis de voir comptabilisées l’ensemble de leurs périodes d’études. (Mêmes mouvements.)

M. Julien Aubert. Ben voyons !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement, sans jamais ignorer l’exigence de responsabilité car il ne peut pas y avoir de justice sans responsabilité financière et sans engagement pour l’avenir, a fait le choix, pour les jeunes générations, de conforter notre système de retraite par répartition,…

M. Philippe Armand Martin. C’est faux !

Mme Marisol Touraine, ministre. …de faire avancer des droits nouveaux et de permettre aux hommes et aux femmes de ce pays de croire à nouveau au pacte social républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Enjeux de la régionalisation

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.

M. Paul Molac. Monsieur le Premier ministre, la crise que traverse actuellement la Bretagne est d’abord sociale. Elle s’explique en partie par les stratégies hasardeuses de certaines entreprises agroalimentaires ainsi que par la pression exercée par la grande distribution. Mais ces difficultés s’expliquent aussi par la montée d’un sentiment de relégation territoriale et sociale, tout particulièrement à l’ouest de la Bretagne, mais aussi dans de nombreux territoires ruraux dans toute la France. C’est pourquoi la maxime « vivre, décider et travailler au pays » fait consensus en Bretagne, et bien au-delà. Seules les régions chargées de l’aménagement équilibré du territoire sont à même de faire échec à ce sentiment de relégation. Le développement des métropoles doit se faire dans le cadre des schémas régionaux d’aménagement du territoire.

La région Bretagne, mais pas seulement, n’a eu de cesse de réclamer davantage de moyens d’action politiques et budgétaires. Elle n’est d’ailleurs pas spécialement avantagée, puisqu’elle est avant-dernière en termes de dotations de l’État par habitant : 116 euros contre140 en moyenne. Mais plus que de dotations, c’est bel et bien d’un réel pouvoir politique et budgétaire dont nous avons besoin pour libérer les énergies du territoire. Aujourd’hui, l’autonomie fiscale des régions est très faible : elle représente environ 12 % de leurs budgets.

Monsieur le Premier ministre, pour remédier à cette crise bretonne, vous avez annoncé un pacte d’avenir qui doit être signé dans les prochains jours. La question institutionnelle ne pourra pas en être absente. La région Bretagne a voté en mars 2013 une contribution sur le nouvel acte de décentralisation, afin de demander une véritable régionalisation avec la possibilité d’associer transfert de compétences et délégation d’un pouvoir réglementaire, comme l’avait promis le Président de la République dans son discours de campagne de Dijon. Monsieur le Premier ministre, serez-vous en mesure de répondre favorablement à la demande de la Bretagne et des régions, alors que les métropoles seront sanctuarisées ? Ce qui est possible pour Lyon doit l’être pour la Bretagne et les régions de France qui en font la demande. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le député, je vous confirme que grâce à la concertation menée par Stéphane Le Foll et Guillaume Garot à Bruxelles, une filière agricole et 2 500 emplois ont été sauvés, avec l’aide des parlementaires de Bretagne : voilà, pour une fois, une excellente nouvelle (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC), d’autant que le risque était connu depuis sept ans.

Votre question comporte trois volets. S’agissant du pacte d’avenir, la concertation est largement ouverte, en particulier à l’ensemble des conseillers régionaux de Bretagne, des parlementaires et des élus, ainsi que des corps intermédiaires, comme le Premier ministre y tenait. Beaucoup de propositions ont été faites qui, à mon sens, devraient être reprises par Jean-Marc Ayrault – vous en savez d’ailleurs autant que moi à ce sujet.

Sur la question institutionnelle et le pouvoir des régions, que vous souhaitez plus important, je vous rappelle que la Bretagne avait fait la demande de l’expérimentation. Or il est inscrit dans la Constitution que, dans le cas où un transfert de compétence à une région se révèle concluant, cette compétence doit être transférée à l’ensemble des régions de France. C’est pourquoi nous avons choisi la délégation de compétences, seul choix envisageable si nous ne voulons pas rendre les régions dépendantes les unes des autres.

Enfin, la possibilité de s’associer à d’autres régions est possible dans notre droit. Après la conférence territoriale de l’action publique, la Bretagne pourra, avec l’ensemble des départements et des agglomérations, porter un certain nombre de questions institutionnelles. Quant aux langues, le président de la République s’est engagé à une ratification ici-même, si des groupes parlementaires, dont l’UMP, acceptent enfin de nous rejoindre sur cette demande de révision constitutionnelle. Les portes sont ouvertes et nous verrons ce qui se passera au moment de la discussion de la loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Réforme des retraites

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Chrétien. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, dans quelques instants, vous allez imposer à l’Assemblée nationale un bricolage démagogique sur les retraites des Français. Plutôt que d’envisager de manière globale et pérenne un nouveau système unifié qui mettrait les Français à égalité, vous avez simplement augmenté les cotisations et baissé les pensions.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Alain Chrétien. Il y aura une augmentation de 0,3 % pour les salariés du privé, 2,7 milliards d’euros d’impôts supplémentaires pour les entreprises…mais les retraites, elles, n’augmenteront pas comme prévu au 1er avril mais au 1er octobre, fragilisant ainsi encore plus le pouvoir d’achat des retraités. La voilà, votre pseudo-réforme des retraites ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Quant aux droits nouveaux que vous prétendez instaurer, ils ne sont même pas financés. C’est ça, la gauche ! Ce projet accouche dans la douleur, y compris dans vos propres rangs. Vous en êtes réduits à imposer un vote bloqué à l’Assemblée nationale, car vous n’êtes même pas sûrs de votre propre majorité. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Enfin, le rapport du Conseil d’orientation des retraites vous accable en dénonçant les déséquilibres du financement des retraites.

Décidément, ce gouvernement n’a aucun courage : rien sur les polypensionnés, mise sous tutelle des caisses des professions libérales, silence assourdissant sur la convergence public-privé…(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) La politique, c’est aussi le courage : de la politique, vous en faites, mais du courage, vous n’en avez pas ! Ma question est donc simple : quand vous déciderez-vous à mener une véritable réforme des retraites à la hauteur des enjeux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, la mauvaise foi ne fait pas une politique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous qui donnez, à longueur de discours, des leçons de courage, le seul courage que vous ayez eu aura été de faire peser votre réforme sur les épaules des plus fragiles et des plus faibles, de ceux qui ont commencé à travailler jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le seul courage que vous ayez eu aura été de refuser toute prise en compte de la pénibilité,…

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas vrai !

Mme Marisol Touraine, ministre. …contrairement à ce que les Français, les organisations syndicales et la gauche vous demandaient. (Mêmes mouvements.) Le seul courage que vous ayez eu aura été de nous transmettre un déficit abyssal…

M. Philippe Cochet. C’est faux !

Mme Marisol Touraine, ministre. …alors que vous aviez promis de rééquilibrer les comptes de la Sécurité sociale et de l’assurance vieillesse. (Mêmes mouvements.)

Monsieur le député, je ne reprendrai pas toutes vos inexactitudes et toutes vos approximations, car s’il fallait les additionner, il y aurait de quoi confectionner des colliers de perles pour l’ensemble de cet hémicycle. Nous avons, nous, la volonté d’engager une réforme durable qui permette la prise en compte de la diversité des situations professionnelles. Et nous le faisons ! Nous assumons les efforts à demander aux Français, qui commenceront l’année prochaine, avec l’allongement de la durée de cotisation.



M. Patrice Verchère. Les Français n’en peuvent plus de vous !

Mme Marisol Touraine, ministre. Mais pour nous, et contrairement à vous, une réforme des retraites ne peut pas se limiter à un alignement de chiffres qui, en général, ne tombent pas juste. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons mis en place une réforme de justice, mais pour vous, monsieur le député, la justice n’a jamais fait une politique et le courage a toujours consisté à soutenir les puissants et à accabler les faibles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

République centrafricaine

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre de la défense, la République centrafricaine compte parmi les pays les plus pauvres au monde. En proie à une guerre civile plus ou moins larvée depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies, elle s’enfonce chaque jour un peu plus dans le chaos. L’État central n’existe plus. Des pans entiers du pays, notamment le nord-est, dans la région de Birao, dite « zone des trois frontières », échappent à tout contrôle des autorités de Bangui depuis une dizaine d’années. Cette région est devenue une zone grise où prospèrent des bandes armées autour du Selaka, avec pillages, exactions et viols en tous genres.

Le spectre du génocide interethnique et religieux n’est pas loin.

Comme elle l’a fait dans le nord du Mali, la France ne pouvait rester insensible à l’émergence d’une telle zone de non-droit et au triste sort des populations civiles. L’UDI soutient l’initiative de la France d’augmenter, pour atteindre le millier, notre contingent de 450 hommes sur place, actuellement les parachutistes du 8e RPIMA de Castres, régiment que vous avez du reste visité il y a quelques jours.

Toutefois, nous nous interrogeons sur le cadre juridique de cette intervention, notamment sur la résolution des Nations unies nous y autorisant et sur la capacité des forces africaines à se déployer rapidement et efficacement sur le théâtre, surtout lorsqu’on voit les difficultés de la MINUSMA au Mali.

Nous nous demandons également ce que va faire l’Europe et quelle est la nature des contacts pris avec nos alliés pour qu’ils puissent nous soutenir – militairement, logistiquement ou financièrement – dans cette opération.

Le jour même où l’Assemblée nationale engage le débat sur une loi de programmation militaire lourde d’incertitudes, cela démontre plus que jamais que la défense doit être une priorité politique et budgétaire pour le pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, tout d’abord, je vous remercie beaucoup pour la description que vous avez faite de la situation, effectivement dramatique, en République centrafricaine, et pour le soutien de votre groupe. Vous posez deux questions précises.

Tout d’abord, dans quel cadre juridique l’action de la France va-t-elle se situer ? Ce sera dans le cadre d’une résolution des Nations unies qui devrait intervenir la semaine prochaine, au titre du chapitre VII. Vous savez tous ici ce dont il s’agit : un mandat sera donné à la fois aux forces africaines de la MISCA et à la France. Il y a unanimité au Conseil de sécurité sur ce sujet.

Deuxièmement, vous m’avez demandé quels contacts sont pris avec nos partenaires européens. Je suis en train d’y travailler, car plus il y aura de soutien européen sous forme militaire, logistique ou financière, et plus ce soutien interviendra rapidement, plus nous serons en capacité d’agir.

J’ajoute que, dès lors que la résolution des Nations unies sera adoptée et que le Gouvernement aura pris sa décision, le Parlement, selon les textes qui nous régissent, sera naturellement consulté.

Pour conclure, que visons-nous dans cette opération ? Tout d’abord, venir en aide face à une situation humanitaire réellement abominable ; ensuite, rétablir la sécurité dans un pays en train d’imploser ; troisièmement, permettre une transition politique – car les autorités sont transitoires – ; quatrièmement, le moment venu, rendre possible le redémarrage du développement économique.

La France est fidèle à sa mission. Elle apporte son soutien aux Africains. Elle respecte la légalité internationale. Elle travaille pour la paix. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

Loi de programmation militaire

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Vitel. Ma question s’adresse à M. le ministre de la défense.

Monsieur le ministre, à l’heure où nous allons débattre de la loi de programmation militaire, permettez-moi de rendre hommage à nos valeureux soldats qui interviennent avec un énorme courage et un professionnalisme reconnu de tous sur les théâtres de crise les plus périlleux (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, SRC et UDI), hier en Géorgie, en Afghanistan, en Côte d’Ivoire, en Libye, aujourd’hui au Mali, demain probablement en République centrafricaine. Ils honorent notre patrie et notre drapeau bleu-blanc-rouge, et doivent pouvoir compter en toutes circonstances sur notre total soutien.

Aussi, monsieur le ministre, nos inquiétudes sont-elles à la hauteur de la fierté qui est la nôtre de les voir effectuer aussi brillamment les difficiles missions qui leur sont confiées. Dans un monde qui se réarme face à des menaces de plus en plus violentes et imprévisibles, nous avons la crainte que cette loi de programmation n’entraîne un déclassement de nos armées et une perte d’influence de notre pays. À l’évidence, nous n’aurons plus, à terme, de capacité à « entrer en premier » comme nous l’avons fait au Mali, ou à mener une coalition comme nous l’avons fait en Libye, du fait d’une réduction majeure du format de nos forces, de l’étalement et du report de trop nombreux programmes d’armement. À l’évidence aussi, notre industrie de défense en souffrira, et certains experts envisagent la perte de 10 000 à 15 000 emplois d’ici 2020.

Monsieur le ministre, ceux qui étaient présents en 2002 dans cet hémicycle ont le sinistre souvenir du niveau de dégradation dans lequel nous avions retrouvé nos forces armées à notre retour au pouvoir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est quasiment une année de budget d’équipement qui avait disparu en cinq ans de gestion de la gauche, au profit des 35 heures et des emplois jeunes. (Mêmes mouvements.)

Monsieur le ministre, sans aucun esprit polémique (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC), êtes-vous en capacité aujourd’hui d’affirmer solennellement à la représentation nationale que l’histoire ne se répétera pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, vous avez engagé de manière quelque peu polémique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) le débat sur la loi de programmation militaire 2014-2019 qui va s’ouvrir tout à l’heure dans cet hémicycle. Je veux vous rassurer.

Tout d’abord, j’ai constaté qu’au Sénat, après un long débat très positif, il y a eu un vote assez significatif en faveur de cette loi. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Ensuite, je puis vous affirmer que, de par cette loi de programmation militaire, la France conservera sa capacité d’agir dans les trois missions majeures que sont la protection de notre territoire – avec une dimension nouvelle, celle de la cyberdéfense –, une dissuasion modernisée – ultime sécurité de notre pays – et, enfin, les interventions extérieures en situation de crise ou de coercition.

Monsieur le député, lorsque je fais l’évaluation de ce que sera notre défense en 2019, je peux vous dire, mais vous le savez, qu’en nombre de soldats la France restera la première armée d’Europe (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. … et gardera la capacité d’« entrer en premier ».

J’espère vous avoir rassuré. En tout cas, je vous remercie de l’éloge et de l’hommage que vous avez rendu à nos forces. Cet hommage est partagé à l’extérieur, car nos voisins savent bien qu’en 2019 nous serons toujours la première armée d’Europe. Je vous le dis avec solennité puisque vous me le demandez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.)

Négociations internationales avec l’Iran

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Le Borgn’, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Monsieur le ministre des affaires étrangères, un compromis historique a été signé entre l’Iran et les cinq membres du Conseil de sécurité des Nations unies plus l’Allemagne.

Cet accord intérimaire, d’une durée de six mois, prévoit l’arrêt par l’Iran de toute activité d’enrichissement d’uranium à plus de 5 % et la neutralisation des 410 kilogrammes d’uranium enrichis à 20 % déjà en sa possession.

L’Iran s’engage à ne pas construire de nouvelles centrifugeuses et à interrompre les travaux conduisant à la mise en fonctionnement du réacteur d’Arak qui pourrait produire du plutonium enrichi utilisable à des fins militaires.

L’accord prévoit aussi l’accès quotidien des sites iraniens aux experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique. En retour, les 5+1 s’engagent à un allègement des sanctions à hauteur de 5,1 milliards d’euros.

La volonté, mais aussi la fermeté de la France, ont payé dans cette négociation. Ce compromis fait place en effet à la question des stocks d’uranium enrichi et du site d’Arak.

Pareille étape ne pouvait être imaginée sans que toutes les garanties ne soient préalablement obtenues de la part de l’Iran. Il importe désormais de parvenir à un accord final qui permette à l’Iran, s’il le souhaite, de conduire un programme nucléaire civil mais l’empêche en tout état de cause de se doter de la bombe atomique.

La diplomatie a triomphé et porte à terme la perspective prometteuse pour le Proche et le Moyen-Orient du retour de l’Iran, ce grand pays, au cœur du concert des nations. Tout doit être fait pour saisir cette chance pour la paix et le développement.

Quels sont selon vous, monsieur le ministre, les éléments essentiels de l’accord final encore à négocier entre l’Iran et les 5+1 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député Le Borgn’, il y a quinze jours, deux d’entre vous m’avaient interrogé sur le nucléaire iranien à un moment où nous n’avions pas encore pu conclure la négociation. Pour résumer la position de la France, je vous avais dit que nous étions fermes mais pas fermés.

Aujourd’hui, vous me demandez de qualifier l’accord intérimaire qui a été conclu. Je dirais qu’il y a des avancées, mais que nous devons rester vigilants. Les avancées, que vous avez rappelées, concernent aussi bien l’engagement de l’Iran de ne pas recourir à l’arme atomique, ce qui est décisif, que les stocks à 20 %, l’enrichissement à 5 % ou le réacteur d’Arak. Tous ces éléments, largement inconnus de nos concitoyens il y a quelques semaines, sont désormais compris par chacun.

En même temps, il faut rester vigilant parce que ce n’est qu’une partie du sujet, parce qu’il reste à se mettre d’accord sur la forme définitive et parce que l’Agence internationale à l’énergie atomique doit contrôler tout cela. La vigilance doit s’exercer du côté iranien également, sur le caractère effectif de la levée partielle des sanctions.

À ce stade, je me garderai bien de prononcer un jugement définitif. Je dirai simplement que l’attitude de la France a été toujours la même : fermeté et vigilance. C’est ce qui se retrouve dans cet accord intérimaire. Nous allons continuer dans le même sens.

Ayant entendu les réactions sur tous les bancs, je crois pouvoir dire que vous êtes quasiment unanimes…

M. Claude Goasguen. Non !

M. Laurent Fabius, ministre. …sauf peut-être certains qui s’exprimeront, à reconnaître que la France, en cette occurrence, a travaillé pour la paix. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Négociations internationales avec l’Iran

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Lellouche. Monsieur le ministre des affaires étrangères, il y a quinze jours, je vous avais en effet interrogé sur la négociation de Genève. Vous étiez alors sur une ligne de grande fermeté et l’UMP vous avait apporté son soutien tout en s’inquiétant d’ailleurs de la capacité de la diplomatie française à tenir le cap (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), malgré l’empressement de certains, je pense aux États-Unis, à signer au plus vite.

Ce week-end, l’accord transitoire a été signé et il appelle de notre part certaines réserves. On apprend d’abord qu’une négociation secrète a eu lieu depuis des mois directement entre Iraniens et Américains, véritable camouflet, un de plus, à la diplomatie française et européenne. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Quant au fond, si l’accord consacre en effet certaines avancées, je pense au renoncement à la filière du plutonium et à l’accroissement des inspections de l’AIEA, il n’en reste pas moins que l’Iran atteint la totalité de ses objectifs.

Objectif numéro un : la reconnaissance d’un droit à l’enrichissement, certes encadré, mais qui n’existe pas dans le traité de non-prolifération. Objectif numéro deux : l’Iran conserve la moitié de son stock d’uranium très enrichi, l’intégralité de ses centrales d’enrichissement et le réacteur plutonigène d’Arak.

M. Claude Goasguen. Bien sûr !

M. Pierre Lellouche. Objectif numéro trois : les 1 800 centrifugeuses restent en l’état et aucune d’entre elles ne sera détruite.

Autrement dit, il s’agit d’un accord de gel, mais en aucun cas d’un accord de désarmement. Dans ces conditions, on peut comprendre que certains soient inquiets, pas seulement en Israël mais aussi en Arabie Saoudite, dans les Émirats, en Turquie et ailleurs. En effet, l’Iran garde intacte sa capacité de passer à l’arme nucléaire à tout moment, comme jadis la Corée du Nord dans un accord du même genre signé avec les États-Unis.

Alors oui, monsieur le ministre, nous vous appelons à la plus grande vigilance. Nous aimerions connaître les tenants de cette vigilance pour maintenant et dans six mois et votre capacité à tenir les sanctions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur Lellouche, je vous entends avec plaisir, comme il y a quinze jours. J’ai parlé d’avancées, mais aussi de vigilance. Ne cherchons pas de fausses querelles là où elles n’existent pas.

M. Henri Emmanuelli. Où sont les gaullistes ?

M. Laurent Fabius, ministre. Cet accord est intérimaire. Il faudra le compléter, le renforcer. Nous allons bien sûr, dans les semaines et les mois à venir, élaborer et décider, je l’espère ensemble.

Nous avons reçu un camouflet, dites-vous, parce qu’il y avait eu des négociations secrètes. Non, monsieur Lellouche et vous connaissez suffisamment la diplomatie pour savoir ce qu’il en est. Les Américains nous ont dit, il n’y a pas de secret sur ce point au niveau des responsables, qu’ils discutaient avec les Iraniens. Parallèlement, nous conduisions la discussion avec le 5+1. Cela nous a paru tout à fait pertinent.

Lorsque les Américains et les Iraniens sont revenus, théoriquement avec une solution, la France a dit que cela ne lui convenait pas, parce qu’il manquait des éléments. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Et cette fermeté a payé.

M. Henri Emmanuelli. Et voilà !

M. Daniel Fasquelle. Non !

M. Laurent Fabius, ministre. Pour le reste, j’ai vu comme vous les réactions de chacun. Nous avons le plus grand respect pour elles, mais en même temps, nous travaillons par rapport à l’objectif de la paix et de la sécurité.

Vous avez cité les réactions d’Israël. Les dirigeants d’Israël m’ont appelé et m’ont dit que, bien sûr, ils ne pouvaient être d’accord avec ce qui est proposé, d’autant que, la semaine dernière encore, le guide iranien a tenu des propos totalement inacceptables à l’égard d’Israël. Mais ils ont ajouté qu’ils étaient reconnaissants à la France de la position de fermeté qu’elle a prise.

M. Claude Goasguen. Enfin, monsieur Fabius, ce n’est pas vrai !

M. Laurent Fabius, ministre. Il en est de même d’une façon plus positive pour l’Arabie Saoudite et d’autres pays du Golfe.

Monsieur Lellouche, nous ne travaillons pas par rapport à certain pays en particulier, même si nous avons de l’amitié pour lui : nous œuvrons pour la sécurité et pour la paix, comme je pense que vous le faites. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Politique économique de l’Allemagne

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Luc Laurent. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, les cartes sont redistribuées en Europe. Ce qu’on appelait le miracle allemand, le modèle allemand, cette politique prétendument vertueuse et solidaire dont toute l’Europe devait s’inspirer, apparaît sous un jour nouveau. Les choix de l’Allemagne sont sous le feu d’une double critique. D’abord, le Trésor américain a rappelé leur danger pour l’économie mondiale. Ensuite, la Commission européenne, dans un accès de lucidité, vient de demander l’ouverture d’une enquête sur les excédents allemands qui déstabilisent l’euro bien plus que les errements grecs de naguère.

Les excédents commerciaux allemands sont certes le fruit d’un solide et séculaire modèle économique et social, mais ils résultent aussi d’une politique de déflation compétitive agressive, dépressive, solitaire et non-coopérative. Cette politique révèle les défauts originels de la monnaie unique, conduit l’Europe dans une impasse économique et nous pousse vers la déflation. L’Allemagne n’a pas à s’excuser d’avoir des entreprises performantes quand le patronat français choisit plutôt le créneau de la jacquerie (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais, par le dialogue et dans l’intérêt de tous – d’abord dans le sien –, l’Allemagne doit réévaluer son modèle et les politiques d’austérité qu’elle impose aux autres.

Les Allemands ont voté en septembre. L’accord de coalition prévoit la création d’un salaire minimum, ce qui témoigne d’une prise de conscience que le rapport de force électoral a facilitée.

Monsieur le Premier ministre, les députés du MRC sont partisans d’une réorientation en profondeur de la construction européenne et demandent qu’on mette fin à l’indifférence au taux de change d’un euro trop fort et trop cher. Monsieur le Premier ministre, comment envisagez-vous le dialogue franco-allemand au cours de cette année 2014 qui sera décisive pour l’Europe ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le député, vous avez raison de dire que nous entrons, que nous devons entrer dans une nouvelle étape. Le Président de la République, dès sa prise de fonctions, le 15 mai 2012, a immédiatement agi pour la réorientation de l’Europe dans le sens de la croissance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Myard. Eh bien, c’est raté !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous avons réussi, ensemble, à stabiliser la zone euro. Je vous rappelle qu’il y a un peu plus d’un an on se demandait même si l’euro allait survivre ! Nous sommes maintenant entrés dans une nouvelle phase, avec de nouvelles perspectives de croissance, pour la France et pour l’Europe, mais il faut aller plus loin.

Effectivement, nous avons, au lendemain des élections allemandes, l’occasion d’une vraie discussion, pas seulement avec l’Allemagne mais aussi avec l’Allemagne, sur la réorientation de l’Europe. Ce qui se passe en ce moment est une chance à saisir. Le Président de la République, lors de sa dernière conférence de presse, a fait, vous vous en souvenez, toute une série de propositions sur l’avenir de la zone euro : accélération de l’union bancaire, qu’il faut absolument réussir, meilleure coordination des politiques économiques, volonté de créer une Communauté européenne de l’énergie.

M. Philippe Cochet. Ça a marqué les esprits !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Voilà un cadre, voilà une base, mais il faut passer, évidemment, à l’étape que vous évoquez. La Commission européenne a donné un avis sur les politiques économiques de tous les gouvernements. C’est utile, et il faut en effet éviter les distorsions de compétitivité. Vous avez salué les efforts faits, et nous n’allons pas nous plaindre que l’industrie allemande soit vigoureuse, qu’elle soit compétitive, qu’elle soit exportatrice, mais il faut aussi davantage d’harmonisation, en particulier sur le plan social. Même si nous sommes un marché unique, même si nous appartenons à la même zone monétaire, il ne faut plus de ces distorsions de concurrence qui s’apparentent, de la part de certains pays, à du dumping social.

Nous ne pouvons que saluer comme un signe positif ce qui se prépare dans le cadre des négociations en vue de la formation d’un gouvernement de grande coalition en Allemagne, autour de la mise en place d’un salaire minimum. En effet, quand certaines de nos activités économiques, je pense à l’agroalimentaire mais aussi à d’autres secteurs, sont en compétition avec des entreprises qui rémunèrent l’heure de travail à trois ou quatre euros, comment voulez-vous que nous soyons compétitifs ? Nous avons nos propres efforts à faire, et c’est ce que nous avons engagé avec le pacte de compétitivité, mais nous ne pouvons pas accepter cette situation sur le plan social.

L’Europe, ce n’est pas seulement la coordination des politiques budgétaires, c’est aussi la coordination des politiques d’investissement, c’est aussi la coordination des politiques sociales, non pas vers le bas mais vers le haut. Si un SMIC est instauré en Allemagne, alors il faut pousser plus loin, pour obtenir un SMIC européen. Il faut également demander la renégociation de la directive « travailleurs détachés », et Michel Sapin, lors de la prochaine réunion du conseil des ministres du travail, n’acceptera pas une modification au rabais. L’harmonisation sociale par le haut est une nécessité, pas seulement pour les droits des travailleurs, d’abord pour les droits des travailleurs, mais aussi pour la croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Dupont-Aignan. Des paroles, toujours des paroles !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Et je me réjouis, mesdames et messieurs les députés, qu’il soit prévu, dans la négociation de la grande coalition, qui peut préfigurer d’autres initiatives à l’échelle de toute la zone euro, que la politique s’oriente vers davantage d’investissement, notamment dans l’éducation, notamment dans la recherche, notamment dans les infrastructures.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Bla bla !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C’est ainsi que les excédents allemands seront utiles à l’Allemagne et aussi à toute l’Europe. Quand chacun investit davantage dans son pays, c’est toute l’Europe qui en profite. La réorientation de l’Europe est en marche, pour la croissance, pour l’emploi, pour la cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Violence et harcèlement en milieu scolaire

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Gaymard. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

Quand on est harcelé, physiquement, verbalement ou psychologiquement, le premier refuge, bien souvent, c’est le silence, le regard que l’on baisse, la mésestime de soi, parfois même le déni de l’agression. Cette profonde souffrance, qui, le plus souvent, reste muette, peut conduire à des troubles graves de la personnalité, à des addictions, à la désocialisation. Elle peut parfois même pousser au suicide. Nous avons toutes et tous des prénoms de collégiennes ou de collégiens qui nous hantent.

Nous ne pouvons, monsieur le ministre, mes chers collègues, rester indifférents à l’explosion de la violence en milieu scolaire – racket, vols, harcèlement –, alors même que l’école devrait être sanctuarisée.

Monsieur le ministre, votre prédécesseur, Luc Chatel, avait pris une initiative contre le harcèlement à l’école, initiative que vous prolongez aujourd’hui. Que comptez-vous faire pour améliorer la prévention et la prise en charge, pour mieux former les membres de la communauté éducative et les parents, et, enfin, peut-être surtout, pour lutter contre le harcèlement sur les réseaux sociaux, dont on dit qu’ils ont concerné, au moins une fois, 40 % des collégiennes et des collégiens ? (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. En effet, monsieur le député, la question de la violence à l’école, de façon générale, celle du harcèlement, plus spécifiquement, doivent mobiliser toute notre énergie. En particulier, une récente étude récemment consacrée à la question de la cyber-violence a montré que 40 % des enfants – je vous rappelle qu’il y a 12 millions d’élèves – ont été victimes, au moins une fois, d’une violence sur la toile, et que 7 % d’entre eux considéraient avoir été victimes de harcèlement, c’est-à-dire de violences répétées.

Les états généraux de la violence avaient été conduits par mon prédécesseur Luc Chatel, avec le soutien du professeur Debarbieux à qui j’ai demandé de rejoindre l’éducation nationale en créant, cela n’avait jamais été fait, une délégation à la prévention et à la lutte contre les violences, afin de reconnaître ce phénomène dans l’éducation nationale. Nous avons créé, vous le savez, un nouveau métier, celui d’auxiliaire de prévention et de sécurité. Nous avons multiplié les postes pour améliorer la vie scolaire. Nous avons mis en place des formations spécifiques pour accompagner les enseignants et les chefs d’établissement, y compris dans les situations de crise paroxystique.

Aujourd’hui, passé le moment, tout à fait important, où nous devons briser la loi du silence, ce qui avait été fait avec ces états généraux, il faut doter la communauté des outils permettant de lutter contre ces phénomènes. C’est ce que j’ai annoncé aujourd’hui. Un certain nombre d’outils sont mis à la disposition des équipes éducatives, qui leur permettent non seulement de mieux déceler ces cas - car il n’y a rien de pire que de ne pas les voir, de ne pas les entendre - mais aussi, en même temps, de se mobiliser pour accompagner les élèves et les parents qui se trouvent dans ces situations. Ces outils, qui sont de multiple nature, permettront, je l’espère, de répondre à beaucoup de situations de détresse.

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. L’objectif qui doit être le nôtre, c’est de permettre la réussite de tous les élèves. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Arrestation de l’auteur présumé de tirs au fusil dans les locaux d’une banque, d’un journal et d’une chaîne de télévision

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, au titre des députés non inscrits.

M. Jacques Bompard. Monsieur le ministre de l’intérieur, il y a quelques jours, la classe politique et médiatique s’enfiévrait parce qu’un individu tirait sur un photographe du journal Libération. Blesser un boulanger pour 100 euros, tuer une vieille dame pour un bijou, poignarder un adolescent pour un simple regard, cela n’émeut guère le pouvoir. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Il est vrai qu’à cette aune, vos services devraient se fendre de mille communiqués par jour. Mais qu’un individu s’en prenne à un journal de la gauche radicale, et voilà la liberté en danger (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), la République outragée ! On ne parle plus des vrais problèmes du pays ! (Mêmes mouvements.)

M. Jean Launay. C’est minable !

M. le président. Allons, allons, mes chers collègues, le Gouvernement va répondre à M. Bompard.

M. Jacques Bompard. Avant son arrestation, le tireur était présenté comme un homme de type européen, de la même manière que Mohamed Merah fut décrit comme un homme blond aux yeux bleus. (Mêmes mouvements.) Tous les membres du système médiatico-politique de gauche battaient impatiemment des mains en attendant ce qui aurait été, pour eux, un véritable cadeau de Noël : un tireur d’extrême-droite dont le père serait un élu UMP, la mère une militante du Front national, et dont le frère aurait fait partie du service d’ordre de la Manif pour tous ! (Exclamations persistantes sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Henri Emmanuelli. Minable !

Plusieurs députés du groupe SRC. Mais c’est dingue ! C’est du délire !

M. Jacques Bompard. Hélas pour la gauche, le tireur se prénomme Abdelhakim, et ses références idéologiques comme son passé militant le placent à l’extrême-gauche. (Mêmes mouvements.) Cette extrême-gauche, dont la violence est passée sous silence en permanence, est d’autant plus diverse dans son expression qu’elle jouit d’une impunité quasi totale : agression de manifestants de la Manif pour tous, fichage de militants de droite, dénonciation auprès de leurs employeurs, appels au meurtre…Il y aurait un véritable livre noir des violences d’extrême-gauche à écrire. Vous y trouveriez votre nom, monsieur le ministre, car pour ces militants d’extrême-gauche, vous êtes un fasciste et un raciste ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Veuillez conclure.

M. Jacques Bompard. Ces mouvances anarchistes représentent un danger pour la sécurité publique, et pour la République elle-même. (Huées sur les bancs du groupe SRC.) Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour…

M. le président. Merci, monsieur Bompard.

Mme Laurence Dumont. Deux minutes de Bompard, c’est déjà trop !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député,…

M. Jean-Jacques Candelier. Sinistre député !

M. Henri Emmanuelli. Il ne mérite pas de l’être !

M. Manuel Valls, ministre. …il n’y a rien de pire que l’amalgame. Face à une situation difficile pour notre pays, il n’y a rien de pire que ces mélanges qui visent à dresser une nouvelle fois les Français les uns contre les autres, comme vous l’avez fait dans votre question. La République est là pour rassembler et pour apaiser.

M. Jean-Luc Laurent. Voilà ! C’est cela, la République !

M. Manuel Valls, ministre. L’État, et plus particulièrement les forces de police et la justice, s’emploie à poursuivre, interpeller et condamner ceux qui s’en prennent à la République. La semaine dernière, un homme s’en est pris à la presse, en tirant sur un jeune assistant photographe. Il s’en est pris aussi à la Société générale. Quelques jours auparavant, il avait failli commettre l’irréparable dans les locaux de BFM. Peu importent ses origines : la République condamne ceux qui s’en prennent, d’une manière ou d’une autre, à nos institutions, aux lieux de culte et aux personnes ! (Vifs applaudissements sur tous les bancs.)

La République, monsieur Bompard, doit être forte.



M. Jean-Luc Laurent. Inflexible !

M. Manuel Valls, ministre. Elle doit se mobiliser contre ceux qui, comme vous, tiennent un discours de division et de haine. Il faut lutter contre ceux qui attaquent les institutions de la République. (Nouveaux applaudissements.) Vous trouverez toujours face à vous le Gouvernement, le ministre de l’intérieur et, j’en suis convaincu, tous les républicains, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, pour dire que votre discours, votre attitude, vos amalgames, vos insinuations n’ont pas lieu d’être dans un grand pays, dans une grande démocratie comme la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR, RRDP, UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

J’aurais préféré vous entendre plus tôt condamner l’antisémitisme, les actes anti-musulmans, l’homophobie et les attaques dirigées contre une ministre de la République. Là, vous auriez été crédible ! Malheureusement, vous ne l’êtes pas, et depuis très longtemps. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent vivement.– Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Conférence de Varsovie

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le Premier ministre, la dix-neuvième conférence internationale sur le réchauffement climatique a abouti à un flop. Après Copenhague, la plus grande réunion de chefs d’États et de gouvernement de tous les temps, puis la conférence internationale de Doha, la rencontre de Varsovie se fixait deux objectifs clairs pour limiter la hausse de la température de notre planète à deux degrés : d’abord, définir une feuille de route précise pour aboutir a un accord international général en 2015, et ensuite définir le contenu de l’enveloppe de 100 milliards d’euros pour les pays qui en ont besoin, afin de réparer les dégâts environnementaux.

On attendait de la conférence de Varsovie qu’elle débouche sur un accord sur le recensement des engagements des principaux pays de la planète. Nous n’avons pu obtenir qu’une vague remise de contributions pour début 2015, pour les pays qui le peuvent. L’échec général se profile !

Il est vital que la communauté internationale se ressaisisse. Il est indispensable que l’Union européenne, première puissance économique mondiale, se donne les moyens d’entraîner la plupart des pays de notre planète. La France, qui accueillera la conférence internationale de Paris en 2015, est face à une responsabilité historique. Saura-t-elle entraîner l’Europe pour que l’Europe entraîne le monde ?

Comme nous l’avons fait avec succès lors de la présidence française de l’Union européenne en 2008, en définissant l’objectif « trois fois vingt », nous devons continuer à donner l’exemple en prenant des engagements ambitieux pour 2030. Il s’agit notamment de l’objectif de réduction de 30 % des gaz à effet de serre.

Nous devons enfin commencer à réguler les échanges au niveau des frontières européennes. La mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe est le seul moyen d’orienter de façon vertueuse les échanges, pour faire entendre raison à ceux qui inondent nos marchés au détriment de la planète et pillent nos emplois.

Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : avez-vous, au fond de vous, conscience des enjeux…

M. le président. Merci, monsieur le député.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, je vous remercie de votre question. M. Philippe Martin, M. le ministre chargé du développement et moi étions à Varsovie, et avons participé à cette conférence. Il est vrai que l’on peut être déçu par ses résultats, par comparaison avec l’idéal que nous poursuivons. Mais nous pensons tous trois qu’un certain nombre de choses ont été acquises à Varsovie, même si c’est trop peu, je vous le concède. Il s’agit d’abord des contributions que les différents pays devront rendre début 2015. Il s’agit également des progrès qui ont été réalisés au sujet du fonds d’adaptation, de la compensation des dommages, et des forêts. Mais je suis tout à fait d’accord avec vous, ce n’est pas suffisant.

Comme vous l’avez souligné, la France va recevoir, à son tour, l’ensemble des pays du monde. Nous devrons accomplir, mesdames et messieurs les députés, une tâche extraordinairement difficile et importante : essayer de bâtir un accord universel qui permette de bloquer le réchauffement climatique, de limiter la hausse des températures à deux degrés. Bien sûr, il nous faudra entraîner l’Europe, mais cela ne suffira pas. Les difficultés qui se présentent à la France ne sont pas liées à l’Europe, mais aux divergences qui existent entre l’Europe et un certain nombre d’autres pays. Vous connaissez ces problèmes : il s’agit d’un certain nombre de pays en développement, et de pays qui sont menacés par la montée des eaux. Nous devrons donc tous nous mobiliser.

Mesdames et messieurs les députés, mes collègues et moi comptons sur vous tous pour faire en sorte que la France accueille la grande conférence sur le climat de 2015 dans des conditions exemplaires. Nous ne pouvons pas échouer, car ce sont les conditions même de la survie de l’humanité qui sont en cause. Cela se jouera à Paris, en décembre 2015. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Statut des sages-femmes

M. le président. La parole est à M. Dominique Dord, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Dord. Ma question s’adresse à Mme Marisol Touraine. Madame la ministre, les vingt mille sages-femmes de France ne vont pas bien, et leur malaise ne date pas d’hier. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Alexis Bachelay. Il fallait le rappeler !

M. Dominique Dord. Au fond, ces sages-femmes exercent depuis longtemps une responsabilité médicale, mais nous ne leur reconnaissons pas de statut médical. C’est en cela, d’ailleurs, que leur grève ne ressemble pas aux autres : elles demandent, non pas des avantages nouveaux, mais simplement la reconnaissance des responsabilités qu’elles exercent effectivement.

Si les sages-femmes d’aujourd’hui – femmes ou hommes – continuent naturellement à accompagner nos compatriotes pendant les longues heures d’accouchement, leur humanité s’appuie sur un capital de compétences et de connaissances techniques et scientifiques qui ne leur est pas reconnu.

À l’hôpital, par exemple, malgré le soutien des obstétriciens, les sages-femmes ne font pas partie du personnel médical. Pourtant, la Cour des comptes a demandé que soit revalorisé leur statut, et chacun d’entre nous voit le nombre de gynécologues-obstétriciens diminuer gravement et les sages-femmes devenir, de plus en plus, le premier recours des femmes de France.

Madame la ministre, la cause des sages-femmes est juste, vous le savez. Nous pensons qu’aujourd’hui, peut-être, l’ensemble des éléments est enfin réuni pour qu’on leur donne satisfaction. La France a besoin de ces sages-femmes, et les sages-femmes de France ont besoin de nous. Reconnaissons-leur un statut médical dans l’intérêt de notre pays. « Le changement, c’est maintenant », madame la ministre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Oui, monsieur le député, les sages-femmes sont mobilisées, et je vous remercie d’avoir relevé que leurs demandes sont anciennes.

M. Alain Gest. Ce n’est pas la peine d’en rajouter !

Mme Marisol Touraine, ministre. Elles souhaitent accéder à davantage de reconnaissance, et demandent que la spécificité médicale de leur profession soit mieux identifiée, mieux connue, et mieux reconnue. J’ai eu l’occasion de rencontrer des sages-femmes à de nombreuses reprises dans des maternités, et j’ai eu des échanges avec leurs représentantes au niveau national, qu’il s’agisse des organisations professionnelles ou des organisations syndicales représentatives.

Leurs demandes tournent autour de quatre points : elles veulent d’abord être reconnues comme praticien médical de premier recours, lorsqu’elles sont libérales. Je les ai rassurées en leur disant qu’elles étaient des interlocutrices incontournables de l’élaboration de la stratégie nationale de santé, qui va élaborer les parcours de santé en médecine ambulatoire.

Elles veulent ensuite que leur formation soit mieux identifiée et mieux reconnue. Avec Geneviève Fioraso, nous avons mis en place, la semaine dernière, un groupe de travail sur ce sujet.

Elles veulent également – et c’est le point sans doute le plus difficile, vous l’avez dit – que leur statut à l’hôpital prenne mieux en compte la spécificité médicale de leur activité. Je l’ai dit et le redis devant la représentation nationale : je suis ouverte à l’examen de toutes les options envisageables, qu’il s’agisse de la création d’une filière maïeutique au sein de la fonction publique hospitalière ou de celle d’un statut propre en dehors de la fonction publique hospitalière. Il faut y travailler, afin de bien peser les conséquences pour les sages-femmes elles-mêmes de chacune de ces deux options.

Enfin, elles demandent une revalorisation salariale, et la négociation sur ce sujet est en cours. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Exonération fiscale des dons en nature

M. le président. La parole est à M. Guy Delcourt, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Guy Delcourt. Cette dernière question sera la première au cœur des Français, et s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

Alors que les Restos du cœur lancent cette semaine leur 29e campagne hivernale, ils affichent, comme l’ensemble des associations caritatives poursuivant les mêmes buts, une recrudescence du nombre des bénéficiaires.

Ce constat n’est ni une surprise, ni une fatalité. Je tiens d’ailleurs à rappeler ici la mobilisation pleine et entière du Gouvernement pour remettre notre pays sur les rails de la croissance et de l’emploi pérenne, qui sont les clés de la lutte contre la précarité.

M. Philippe Meunier. N’importe quoi !

M. Guy Delcourt. C’est vous qui avez fait n’importe quoi pendant des années !

La mise en œuvre de cette politique de long terme ne peut pour autant se faire sans gérer l’urgence sociale, en particulier celle de l’accès à l’alimentation, à laquelle est confrontée une partie trop importante de nos concitoyens.

Hier lundi, le président des Restos du cœur, Olivier Berthe, a lancé un appel à défiscalisation des dons en nature, notamment des dons agricoles, pour faire face à la baisse des fonds européens d’aide aux plus démunis, fonds dont vous avez défendu avec vigueur, monsieur le ministre, le maintien.

Confirmant ainsi l’engagement pris par le Premier ministre dès le mois de septembre, votre réponse à cet appel ne s’est pas fait attendre – et elle était attendue par les Français –, puisque vous annonciez quelques heures plus tard la préparation d’une circulaire, en coopération avec vos collègues de Bercy, visant à élargir à la filière agricole, agriculteurs, collecteurs et transformateurs, le dispositif de la loi « Coluche ».

Monsieur le ministre, après la réactivité dont vous avez fait preuve sur ce sujet, pourriez-vous confirmer à la représentation nationale toute la détermination du Gouvernement en faveur des Français les plus démunis, et ce afin de conforter les associations et nos concitoyens, qui vous écoutent cet après-midi ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDPGDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, je voudrais d’abord rappeler que ce débat sur les dons pour les associations caritatives s’inscrit dans le débat plus large sur le programme européen d’aide aux plus démunis.

L’année 2013 aurait pu marquer la fin d’un programme européen lancé de longue date, et je peux témoigner ici de l’engagement de la France, du Gouvernement et du Président de la République dans le cadre du débat budgétaire, pour défendre la ligne budgétaire qui s’appelle désormais « Fonds européen d’aide aux plus démunis », et qui est dotée de 3,5 d’euros. Cette bataille, la France l’a menée et l’a gagnée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ce budget permettra de financer les associations caritatives à hauteur de 71 millions d’euros, soit à peu près l’équivalent de ce qu’elles touchaient jusqu’ici du budget européen.

Mais, vous l’avez rappelé, la crise et les difficultés rencontrées aujourd’hui par nos concitoyens font que de plus en plus de monde s’adresse aux associations caritatives pour accéder à l’alimentation. Il faut donc également répondre à ces besoins croissants.

C’est pourquoi, et je le dis ici devant l’Assemblée nationale, conformément à l’engagement de M. Lemétayer, qui avait été le premier à souhaiter mettre en place ce système de dons agricoles, le Premier ministre a confirmé cet engagement cette année au Salon des productions animales, en rendant hommage à la mémoire de Jean-Michel Lemétayer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Conformément à cet engagement, j’ai annoncé hier l’exonération de 60 % de tous les dons alimentaires aux associations caritatives, afin de donner corps à un droit essentiel : l’accès à l’alimentation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDPGDR.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

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Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 (nos 1552, 1564).

Explications de vote

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Martine Pinville. Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, il y a un an, la loi de finances rectificative d’août 2012 et la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 répondaient à l’urgence d’endiguer la dérive des déficits qui menaçait la pérennité de notre système de protection sociale. En effet, il me paraît important de donner de la lisibilité à l’effort de redressement que nous avons entrepris et de replacer chacun devant ses responsabilités.

Quand nous sommes arrivés – dois-je le rappeler ? – le déficit avoisinait les 21 milliards d’euros. Depuis, dans ce contexte que nous connaissons tous, le Gouvernement est parvenu à l’atténuer, ce qu’il convient de saluer. Cette année, le déficit, moindre que prévu, devrait s’élever à 16 milliards d’euros et sa décrue programmée devrait le ramener à un niveau proche de ce qu’il était avant la crise de 2008. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 poursuit cette œuvre de redressement sur la base de réformes structurelles visant à moderniser notre système de protection sociale et s’inscrivant dans une stratégie de relance de la croissance et de l’emploi.

Après avoir engagé, cette année, la réforme des branches vieillesse et famille, le Gouvernement nous propose de concentrer nos efforts de redressement en 2014 sur la branche maladie. Ses comptes sont, en effet, fortement dégradés. Cela explique qu’un effort conséquent ait été engagé la concernant. Le Gouvernement entend maîtriser les dépenses de santé en maintenant, notamment, leur progression à hauteur de 2,4 %. Des pratiques nouvelles telles que la délivrance des médicaments à l’unité, l’expérimentation de la tarification au parcours ou le renforcement de l’aide au sevrage tabagique pour les jeunes sont ainsi encouragées.

Oui, et nous l’assumons, nous voulons rétablir les comptes de la Sécurité sociale ; mais nous voulons aussi nous engager dans la voie du progrès social. Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale est ainsi bien en cohérence avec les réformes menées parallèlement ou à venir, à savoir : la réforme de notre système de retraites pour en garantir l’avenir et la justice, la réforme de la politique familiale, la mise en place d’une politique de prévention pour retarder la perte d’autonomie, la prochaine loi de programmation pour l’adaptation de la société au vieillissement, enfin, la future loi de santé publique préfigurée par la Stratégie nationale de santé.

Le progrès social est d’ores et déjà en marche. C’est la compensation par le régime de retraite des inégalités de carrières, la prise en compte de la pénibilité pour les ouvriers. C’est, pour les femmes dans les familles le développement massif des modes de garde. C’est une amélioration de l’accès aux soins de tous avec la généralisation du tiers payant et des complémentaires santé collectives. C’est également la décision de revaloriser de 50 euros l’aide à la complémentaire santé que peuvent toucher les personnes qui perçoivent de petites retraites.

C’est la revalorisation du minimum vieillesse au 1er avril et au 1er octobre 2014. Ainsi, grâce à l’ensemble des réformes visant toutes les branches de la Sécurité sociale et à une réforme du financement sur la durée du quinquennat, la réduction du déficit devrait se poursuivre et les comptes du régime général se rapprocher de l’équilibre en 2017. C’est pourquoi, dans cet esprit de responsabilité, et afin de préserver et d’améliorer notre système de protection sociale, le groupe socialiste, républicain et citoyen votera avec conviction ce projet de loi de financement de la Sécurité social ambitieux et courageux dans ses choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, après un échec cuisant au Sénat puis en commission mixte paritaire, le copier-coller du PLFSS a été examiné en nouvelle lecture. On efface tout et on recommence !

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Jean-Pierre Door. Nous avons disposé d’une nuit pour débattre en vitesse de plus de 65 articles.

On a inventé une taxe, un décret, un impôt, sans anticiper ni analyser les conséquences à moyen et à long terme. Les mesures s’enchaînent, toutes perçues comme décourageantes et inquiétantes. Avec ce PLFSS, vous infligez un matraquage fiscal, votre seul pouvoir étant de taxer toujours plus.

M. Gérald Darmanin. Eh oui !

M. Jean-Pierre Door. Je pense aux nouvelles cotisations pour les indépendants – artisans, commerçants, professions libérales –, sans oublier le régime des exploitants agricoles, au report de six mois de la revalorisation des pensions, à la pénalisation des familles, qui voient le quotient familial réduit et la PAJE attaquée, au hold-up sur le régime social des transfrontaliers, et à l’attaque de front contre les industries du médicament, pour 1 milliard d’euros, en contradiction avec les décisions du comité stratégique des industries de santé, rompant le pacte de confiance signé en juillet.

Vous vouliez taxer le patrimoine des petits épargnants : l’UMP est fière de vous avoir fait reculer sur ce funeste projet qui pénalisait les CEL, les PEL, les PEA et l’épargne salariale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Quant à la généralisation des complémentaires santé, qui aurait pu être consensuelle, madame la ministre, vous signez le retour scandaleux des clauses de désignation du prestataire. Vous les masquez du vocable de « recommandation », avec toutefois une sanction pécuniaire du forfait social, espérant probablement les bonnes grâces du Conseil constitutionnel, qui a sorti le carton rouge à votre encontre au mois de juin.

M. Gérald Darmanin. Incroyable !

M. Jean-Pierre Door. Le président de la commission des lois, fort de ses compétences et lucide, a rappelé cette nuit par amendement le risque d’inconstitutionnalité que vous couriez. Le président de la mutualité française vous a condamnée fermement par voie de presse, déclarant que 2014 était « une année perdue pour la Sécu » et qu’il existait un risque de conflit d’intérêts.

Où sont les réformes structurelles dont le pays a besoin, en particulier celle de l’hôpital et de l’organisation des soins ? Nulle part, sinon dans l’enfumage créé par les propositions, les articles, qui rappellent les décisions de vos prédécesseurs – qu’il s’agisse des modes de rémunération, des réseaux de soins, des maisons de santé, des maisons médicales de garde, de la coordination des soins, de la télémédecine.

En revanche, vous passez à la trappe la tarification à l’activité et la convergence public-privé. Il faut dire que ces mesures faisaient l’objet de vieilles querelles, orchestrées par le parti socialiste.

Cette nouvelle version du PLFSS, comme l’initiale, est en trompe-l’œil. Vous êtes dans le déni de la réalité : le déficit se creuse, atteignant les 13 milliards d’euros, la dette sociale approche les 200 milliards, l’ensemble des prestations représente plus de 34 % du PIB. Pourtant, le président de la Cour des comptes vous rappelle que l’on peut faire mieux avec moins.

Après la non-réforme des retraites, sanctionnée également au Sénat, l’abandon du jour de carence, le soutien idéologique à l’aide médicale d’État, l’absence des réformes indispensables, le divorce est consommé entre votre majorité et les Français, et au sein même de la gauche.

Votre projet est injuste : il comporte une avalanche de taxes et stigmatise ceux qui entreprennent dans ce pays. Il est irresponsable : l’intérêt collectif serait de réformer en profondeur. Il est insincère : les propositions budgétaires sont un pari sur le seul destin de la France. Il est anticonstitutionnel, comme nous le répétons depuis le vote de la loi sur l’ANI. Vous l’aurez compris, l’UMP ne votera certainement pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, les mots « Sécurité sociale » doivent encore faire honneur à la République. Dans cette période où les difficultés des Français se multiplient et où l’argent public se raréfie, ce budget – près de 450 milliards d’euros – impose au législateur une attention scrupuleuse, une rigueur bienveillante et une exigence sans faille.

Si les mots doivent avoir un sens dans l’action publique et si le législateur doit peser de tout son poids dans la vie institutionnelle, c’est bien sur ce vaste sujet, qui s’immisce dans toutes les cellules vivantes du corps social français.

La précision est le minimum que l’on doive aux Français : alors que vous vous congratulez de la baisse du déficit de la Sécurité sociale, je vous suggère de souligner modestement son léger infléchissement. La modestie est d’autant plus de rigueur qu’il y a loin de la coupe aux lèvres ! Réduire les déficits n’est pas votre signature spécifique, et il y a fort à parier que vous ne serez pas ceux qui inverseront la courbe de la dette sociale !

Pourtant, cette dette est un cancer qui, sans bruit ni relâche, mine l’avenir des jeunes Français et anémie le destin de notre communauté nationale. Votre projet, madame la ministre, ne pèsera pas sur cet enjeu fondamental : nous en sommes profondément déçus, mais pas étonnés. Car ce texte, malheureusement, illustre une nouvelle fois l’amateurisme de ce gouvernement. À ce niveau de la responsabilité publique, il n’y a rien qui prête à sourire : les choix que vous a dictés cet amateurisme contredisent l’esprit même de nos institutions.

Vous jouez avec le feu, madame la ministre, alors que partout, les douleurs des brûlures sociales parcourent l’épiderme de notre pays. Tels des amateurs devant un jeu complexe, vous ne mesurez pas toutes les conséquences de vos actes. D’ailleurs, les sénateurs ne s’y sont pas trompés en rejetant ce texte sans l’ombre d’une hésitation. Quelle image nos compatriotes peuvent-ils donc retenir d’une majorité qui se délite autour du texte le plus fondamental qui soit pour le quotidien de chacun ?

Admettez que cet amateurisme porte des conséquences particulières, quand vous décidez de faire de ce PLFSS une voiture-balai des décisions sanctionnées par le Conseil constitutionnel ! Je pense bien évidemment à la réintroduction dans la loi du concept liberticide de clauses de désignation, d’autant plus scandaleuse que vous tentez de la masquer par un voile sémantique, montrant non seulement votre indifférence aux décisions du Conseil constitutionnel, mais votre mépris à l’égard de la représentation nationale.

Votre choix de taxer certains produits d’épargne est autre exemple de cet amateurisme. Madame la ministre, vous avez obligé votre majorité parlementaire à voter un texte comportant des mesures flagrantes de spoliation des Français ! Cela nous a donné à nouveau l’occasion d’assister à un cafouillage monumental, à un couac ridicule, illustration d’une façon indigne de gérer l’État, qui nous inquiète de plus en plus. Pourtant, le rapporteur vous avait alertée sur le risque d’une telle taxation. Vous devriez écouter les rapporteurs, y compris ceux issus de votre majorité ! Mais le mal était fait, et il a fallu corriger le tir. Vous auriez gagné du temps et évité le ridicule si, d’emblée, vous nous aviez écoutés !

J’ajoute, sans vouloir vous accabler davantage, madame la ministre, que, non contente de jouer avec notre ordonnancement institutionnel, vous jouez aussi avec la santé des Français !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Oh non !

M. Charles de Courson. Vous autorisez la vente au détail de médicaments ainsi que la distribution de médicaments biosimilaires, quand nombre d’études alertent sur de possibles risques sanitaires. Vous oubliez toute mesure en faveur de la dépendance, préférant siphonner les fonds de la Contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie – la CASA. Vous attaquez les familles en modifiant les conditions d’attribution de la PAJE, mais aussi, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, en imposant les majorations pour enfants et en réduisant le plafond du quotient familial.

Parce que vous mélangez tout, parce que vous introduisez de la confusion là où il faudrait de la transparence, parce que vous ne montrez aucune cohérence lorsque nous avons besoin d’un cap, parce que vous mettez les Français en danger, le groupe UDI, conscient de ses responsabilités, votera contre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour le groupe écologiste.

M. Jean-Louis Roumegas. Monsieur le président, madame la ministre, nous arrivons au terme d’une longue séquence pendant laquelle nous avons pu mesurer l’engagement de l’État à maintenir un système de protection sociale de qualité, tout en redressant les comptes publics laissés trop longtemps en déshérence. Il nous appartient désormais de construire le cadre d’une politique de santé qui repose sur un nouveau modèle.

Nous avons avancé pied à pied sur l’inclusion des populations les plus fragiles : nous sommes convaincus que lorsque le taux de renoncement aux soins s’accroît, les dépenses à moyen et à long terme pour les consultations et les urgences se multiplient, ce qui creuse d’autant nos comptes publics. Nous avons été entendus sur la question des retraités les plus pauvres : leur retraite de base bénéficie d’une revalorisation, tant en avril qu’en octobre, ce qui n’est que justice.

Nous saluons aussi le coup de pouce de 50 euros qui porte à 550 euros l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS, pour les personnes de plus de 60 ans. Nous faisons le pari audacieux que cette aide, sous-utilisée à ce jour, puisque 30 % seulement des personnes concernées en font la demande, deviendra un droit plein et entier. Cela suppose que l’information sur cet accès soit plus large. Nous veillerons à ce que ces contrats solidaires ne soient pas des contrats au rabais, mais qu’ils soient en phase avec les besoins des populations et offrent un panier de soins de qualité.

La simplification administrative, tant attendue par nos concitoyens, passe par moins de démarches et de justificatifs à fournir. L’automaticité de l’accès à l’ACS pour les personnes relevant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, est un bon signe. Nous aurions aimé qu’elle concerne également les bénéficiaires de la CMU.

Nous sommes satisfaits de l’adoption d’une autre de nos propositions, qui vise à rendre obligatoire l’information des bénéficiaires de complémentaires de l’arrivée à échéance du contrat, au minimum un mois avant. Ces petits pas font les longues marches : nous voulons voir aboutir la fin de la convergence tarifaire, le développement des maisons de santé, le tiers payant pour tous.

Il nous reste un regret : c’est que les malades atteints du VIH, confrontés à la dépendance et à de lourds traitements, ne puissent avoir accès dans des délais plus courts aux médicaments spécifiques relevant d’une autorisation temporaire. L’Agence nationale de sécurité du médicament, l’ANSM, pourtant volontaire, n’a pas encore reçu la mission d’accompagner rapidement les mises sur le marché. Il faudra y revenir, les associations de malades du VIH méritent que nous les soutenions.

La politique du tout médicament n’est pas une fin en soi pour les écologistes, pas plus que le médicament n’est une marchandise comme les autres. Il serait temps de réexaminer les politiques tarifaires de remboursement, car ce n’est pas à l’industrie pharmaceutique de dessiner les contours de notre politique de santé. Nous devons poursuivre le débat, sans tabou. Soucieux de bonne gestion et de l’intérêt général, nous ne pouvons accepter que l’industrie pharmaceutique exerce un chantage à l’emploi et qu’elle nie l’expertise des citoyens usagers, lesquels, rappelons-le, ne sont pas des cobayes.

Pour terminer, un mot sur la santé-environnement, évacuée de la Conférence environnementale de cette année. Le Gouvernement tarde à prendre la mesure de cette urgence sanitaire et à se donner les moyens d’une réelle politique de santé environnementale, qui développerait la recherche sur les pollutions et interviendrait sur le terrain pour limiter l’exposition des citoyens aux pollutions de l’air, de l’eau et des aliments. De manière générale, nous soutenons l’idée qu’en investissant dans la prévention, nous répondons à un devoir de solidarité et nous soignons les comptes publics.

Ce PLFSS 2014 répond à l’impératif de solidarité en améliorant l’accès aux soins. Nous le soutenons, mais nous attendons, dans la loi de santé publique, annoncée pour le premier semestre 2014, des avancées significatives en matière d’éducation à la santé et de politique de santé environnementale. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Dominique Orliac. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, un regret tout d’abord : ce PLFSS contient des mesures qui ne vont pas dans le sens des réformes structurelles que nous appelons de nos vœux depuis de très longues années.

Je le redis : pour pallier le déficit de la Sécurité sociale, il faut des réformes de fond et non des mesures conjoncturelles. Mais nous retrouvons les mêmes politiques d’ajustements, le même refus des réformes structurelles, le même recours à de nouveaux prélèvements sur toutes les catégories de populations, que nous dénoncions lors des discussions du PLFSS 2013.

S’agissant du médicament, nous sommes partisans d’une industrie française performante, qui s’appuie sur notre marché intérieur, qui crée des emplois, qui stimule la recherche, en liaison avec la recherche publique, qui favorise l’obtention de brevets, brevets que nous perdons d’années en années, et qui exporte davantage.

Lors du Comité stratégique des industries de santé de juillet, le Premier ministre a rappelé l’importance des industries de santé dans la lutte contre le chômage et insisté sur la nécessité d’une adéquation entre les politiques publiques et les politiques industrielles : nous adhérons à ces propos.

Le Gouvernement prévoit de réaliser la plus grande part des économies, près d’un milliard d’euros, sur les médicaments. Ce choix ne peut que décourager les entreprises innovantes, créatrices d’emplois dans la recherche et le développement, d’investir dans notre pays. Nous ne pouvons que le déplorer.

Pour nous, radicaux de gauche, une politique de santé ne se limite pas à la gestion des crises sanitaires et à la surveillance des dépenses en ajoutant taxes sur taxes, notamment, pour la deuxième année consécutive, concernant l’industrie pharmaceutique. Nous devons faire preuve de courage afin de nous diriger vers une refondation nouvelle puisque les paramètres classiques de la santé ont changé.

Quant à la vente du médicament à l’unité, s’il faut évidemment lutter contre le gaspillage et l’automédication, l’expérimentation lancée par le Gouvernement soulève des questions relatives à l’information et à la traçabilité, à la responsabilité des pharmaciens, aux économies potentielles ou encore aux conséquences pour l’activité de l’industrie pharmaceutique. La vente du médicament à l’unité ne répond pas à la fin du gaspillage même si elle peut séduire. Les études sont là pour montrer qu’ailleurs, à l’étranger, où elle est pratiquée, il n’y a pas moins de gaspillage puisque la cause n’est pas le boîtage en lui-même mais bel et bien l’arrêt des traitements en cours ou les prescriptions inadaptées.

Nous ne pouvons soutenir par ailleurs l’article 12 bis taxe la vente directe du médicament du laboratoire à l’officine, donnant un monopole aux grossistes répartiteurs. Il en est de même pour l’article 38 dont la rédaction compliquée témoigne de la difficulté à vouloir réglementer des domaines émergents, en l’occurrence les biosimilaires.

Des avancées concernant les soins primaires avec le financement des coopérations libérales, la généralisation des rémunérations des équipes pluriprofessionnelles et l’amélioration de la couverture des praticiens et auxiliaires médicaux sont à l’ordre du jour.

Nous sommes satisfaits que ce texte, en deuxième lecture, comporte un article amendé par nos soins concernant l’expérimentation de télémédecine pour les pharmaciens. Nous nous réjouissons par ailleurs de la réforme de la T2A avec un mécanisme de dégressivité tarifaire que nos hôpitaux de proximité attendent avec impatience.

Nous avons rappelé le rôle important de santé publique et de premier recours qui est celui de la pharmacie d’officine, grâce au maillage territorial qu’elle assure. L’officine doit évoluer vers une véritable profession de santé et devenir un partenaire essentiel dans le parcours de soins. Il faut, madame la ministre, mettre en place la nouvelle rémunération à l’honoraire votée il y a deux ans.

Nous sommes également satisfaits que cette seconde version ne prévoie plus de taxer encore davantage plusieurs produits d’épargne, dont le PEA, le PEL et l’épargne salariale, comme le prévoyait l’article 8. Cette disposition n’était pas conforme à l’équité fiscale, car ces produits concernent souvent les classes moyennes, voire des catégories modestes.

Par ailleurs, ce relèvement inopiné et son effet rétroactif auraient marqué une instabilité fiscale risquant de dissuader à l’avenir les épargnants. Nous saluons donc cette avancée positive.

De surcroît, nous sommes extrêmement satisfaits que, suite aux interventions répétées de notre groupe concernant le pouvoir d’achat des retraités les plus modestes, vous ayez introduit dans le PLFSS 2014 deux mesures fortes en faveur des retraités les plus fragiles. Je veux bien sûr parler ici de l’allocation de solidarité aux personnes âgées qui sera revalorisée deux fois en 2014, une première fois au 1er avril comme cela était prévu par l’article 4, une deuxième fois au 1er octobre, en même temps que l’ensemble des pensions. Elle permettra de porter le montant minimal de ressources garanties à nos concitoyens les plus âgés au-delà de 800 euros par mois.

Je parle ensuite de l’aide à la complémentaire santé, l’ACS, pour les personnes âgées de 60 ans et plus, qui sera majorée de 10 %, soit une augmentation de cinquante euros.

Fidèle à la majorité gouvernementale, le groupe RRDP votera donc en deuxième lecture ce PLFSS 2014. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. Après le rejet par le Sénat, pourtant majoritairement à gauche, de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014, nous aurions pu espérer une approche plus en cohérence avec les promesses du candidat Hollande. Il n’en a rien été.

Ce PLFSS ne rompt pas avec la politique d’austérité conduite par le Gouvernement, une politique dont même les économistes les plus orthodoxes de la Commission européenne commencent à pointer les effets négatifs.

Certes, ce texte contient quelques mesures positives, comme la remise en cause de la tarification à l’activité dans certains établissements de santé, l’expérimentation des parcours de soins, le petit coup de pouce de dernière minute de cinquante euros par an en faveur de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé pour les personnes de plus de 60 ans, ou encore la promesse, formulée hier soir tard dans la nuit, d’une revalorisation du minimum vieillesse.

Mais ces quelques éléments censés donner une caution de gauche à ce PLFSS ne suffisent pas, loin s’en faut, à en modifier la tonalité générale, qui reste celle d’une austérité assumée.

Les hôpitaux publics en sont les premières victimes. Force est de constater que pour ce gouvernement, comme pour les précédents, les hôpitaux publics sont moins le lieu où tous, même les plus modestes, peuvent accéder à une médecine de qualité, qu’un mammouth qu’il faut impérativement dégraisser, quelles qu’en soient les conséquences.

C’est ainsi que vous avez maintenu une convergence tarifaire qui ne dit plus son nom mais qui, par le biais d’une baisse différentielle des tarifs, a déjà coûté cette année 300 millions d’euros aux hôpitaux publics. Et pour l’année 2014, ce sont encore 440 millions d’économies qui sont programmées sur le dos de ces mêmes hôpitaux.

Comment s’étonner alors, dans un tel contexte d’austérité, que vous n’ayez pas engagé un processus de reconquête de l’assurance maladie en revenant, pour commencer, sur les mesures injustes votées depuis dix ans et qui, à coups de franchises, de déremboursements, de forfaits médicaux, ont considérablement restreint l’accès aux soins pour tous et particulièrement pour les plus modestes.

À défaut, c’est la place accordée aux organismes d’assurance complémentaire que vous développez, jusqu’à en faire le second étage, privé celui-là, de la protection sociale, la Sécurité sociale n’étant plus que le plancher d’un système alors qu’elle devrait en être le pilier.

L’autre aspect préoccupant de ce PLFSS concerne le financement.

Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie a posé les termes du problème en écrivant dans son rapport de 2012 qu’aucun retour à l’équilibre ne serait possible sans une part de recettes nouvelles. Or, il n’y a aucune recette nouvelle sérieuse dans ce PLFSS.

Seront-elles dans la grande réforme fiscale annoncée par le Premier ministre ? On peut en douter, quand on voit que, juste après avoir annoncé cette réforme censée rétablir plus de justice, d’équité et de lisibilité dans la fiscalité, le Premier ministre réaffirme son intention de maintenir l’augmentation de la TVA, l’impôt le plus injuste et le plus anti-redistributif qui soit puisque le même taux s’applique à tous, quels que soient leurs revenus.

Lors de l’examen de ce PLFSS, nous avons formulé des propositions de financement de nature à générer des ressources nouvelles tout en incitant les entreprises à investir et à créer des emplois.

Elles auraient au moins dû permettre d’initier un débat que vous avez sans cesse refusé, y compris sur les amendements qui – à la suite des recommandations du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, selon lesquelles il faut élargir l’assiette des prélèvements – visaient simplement à mettre à contribution les revenus des placements financiers, au même niveau que les revenus du travail, les salaires.

Ces amendements auraient pourtant permis de tirer vers le haut un PLFSS qui reste enfermé dans la voie tracée de l’austérité et des reculs sociaux. Ils auraient pu commencer à réconcilier le peuple de gauche avec la majorité qu’il a contribué à faire élire.

Hélas, c’est encore une occasion manquée.

Il est évident que, sans aucune avancée significative de votre part, les députés du Front de gauche maintiendront leur vote contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants561
Nombre de suffrages exprimés560
Majorité absolue281
Pour l’adoption318
contre242
4

Avenir et justice du système de retraites (nouvelle lecture)

Vote solennel

Explications de vote

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Madame la ministre, votre projet de loi sur les retraites comporte plusieurs aspects positifs : la méthode de dialogue avec les partenaires sociaux, la Conférence sociale, qui a préludé à cette réforme ; le maintien de l’âge légal de départ à la retraite ; la création d’un compte de prévention de la pénibilité lié aux conditions de travail ; des mesures en faveur des femmes, avec notamment la validation de tous les trimestres de congé maternité ; enfin des droits accrus pour les jeunes, concernant la prise en compte des périodes d’apprentissage ou d’études supérieures.

Une disposition, cependant, nous posait problème : l’article 4 qui reporte du 1eravril au 1eroctobre la revalorisation des pensions des retraités à la seule exception des bénéficiaires du minimum vieillesse.

L’Assemblée nationale a voté en première, puis en deuxième lecture, la suppression de cet article. Notre groupe, pour modifier au moins partiellement cet article, avait déposé jeudi dernier un amendement auquel ont bien voulu s’associer les groupes écologiste et GDR, proposant que tous les retraités vivant sous le seuil de pauvreté soient exemptés de ce report de revalorisation.

Au vu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui peut d’ailleurs s’interpréter de différentes manières, le Gouvernement a estimé ne pouvoir retenir cet amendement et a maintenu l’article 4 dans sa rédaction initiale, quitte à recourir au vote bloqué, ce qui est regrettable.

Toutefois, la situation d’ensemble a changé.

M. Marc Dolez. Ah bon ?

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Hier soir, au cours d’une rencontre à Matignon avec le Premier ministre, à laquelle vous participiez, madame la ministre, nous avons obtenu deux mesures nouvelles qui compensent nettement et au-delà le report de la revalorisation des pensions.

D’une part, les retraités situés sous le seuil de pauvreté percevront à nouveau une somme d’un montant strictement équivalent, cinquante euros, à celle résultant de ce report de la revalorisation de leurs pensions. En effet, l’aide à la complémentaire santé sera augmentée de 10 % et passera ainsi à 550 euros. Comme convenu, cette majoration a d’ores et déjà été votée hier en séance de nuit par la voie d’un amendement gouvernemental au projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Cette mesure facilitera l’accès à un contrat d’assurance complémentaire santé, facteur essentiel de l’accès aux soins pour les personnes à faibles moyens qui renoncent parfois à se soigner ou diffèrent leurs soins.

D’autre part, le Premier ministre a pris un second engagement : le minimum vieillesse, qui s’appelle à présent ASPA – allocation de solidarité aux personnes âgées, dont bénéficient les personnes disposant de très faibles ressources –, sera doublement revalorisé en 2014.

Ces deux mesures améliorent donc à la fois le pouvoir d’achat des personnes âgées et leur accès aux soins.

Du fait de ces engagements nouveaux pris hier soir par le Premier ministre, notre groupe, dans sa quasi-totalité, votera ce projet de loi, qui, désormais, porte une attention accrue aux plus démunis, aux plus vulnérables.

Notre objectif commun est clair : bâtir une société plus humaine et plus juste, en nous rappelant toujours que la République, c’est d’abord la solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. « Comment accepter que sur un sujet essentiel, qui engage le pacte social et républicain, on refuse aux élus de la nation le temps nécessaire au débat ? Le recours au vote bloqué déshonore et discrédite le Gouvernement et le Président ». (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Bernard Accoyer. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Ceci est une citation : c’est en ces termes que le parti socialiste dénonçait le recours au vote bloqué en 2010 sur la réforme des retraites. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Après un vote en première lecture à l’Assemblée nationale, lors duquel la réforme des retraites a été adoptée par une majorité toute relative, après son rejet par le Sénat et l’échec de la commission mixte paritaire, puis après un second rejet de l’article 4, vous avez choisi de passer en force.

Chacun a compris que le Gouvernement voulait écarter le débat : en effet, plus on débat et plus la vérité devient une évidence. Et cette vérité est sans appel : votre projet est profondément injuste et antisocial ! Ce n’est pas une réforme sociale, mais une réforme pour satisfaire aux exigences de la Commission européenne et des marchés financiers.

Pour nous convaincre, pour vous convaincre de vos choix guidés par votre obsession austéritaire, vous usez d’arguments qui tordent la vérité : sur la démographie, sur les femmes, sur les petites retraites, sur la préservation de la nature de notre système de retraite, sur l’innocuité de la réforme pour les jeunes ou encore sur l’efficacité financière de votre texte. Tout a été mis en œuvre pour que le débat n’ait pas lieu et que puissent, ainsi, être mis en exergue ces petits arrangements avec la vérité.

Mme Martine Pinville. Quel sens de la nuance !

M. André Chassaigne. Vous avez préféré la concertation à la négociation, dévoilé votre texte en pleine session extraordinaire, choisi la procédure accélérée et même tenté d’imposer le temps programmé pour museler la représentation nationale.

M. Patrick Hetzel. Bravo !

M. André Chassaigne. Le vote bloqué, enfin, sur ce funeste article 4, ne laisse pas d’autre choix à votre majorité que d’entériner dans un seul vote l’ensemble du texte et cet article, qui baissera le niveau de vie des retraités les plus modestes.

M. Maurice Leroy. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Face à la montée de la contestation sur cette réforme, face aux réticences de votre propre majorité à voter un article 4 aussi régressif, vous avez choisi la voie de l’autoritarisme.

M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

M. André Chassaigne. Oui, mes chers collègues, notre démocratie est aujourd’hui en berne !

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. Que de grands mots !

M. André Chassaigne. Pour tenter de désamorcer la fronde qui agitait votre propre majorité sur l’article 4, vous avez, in extremis, présenté au milieu de la nuit dernière deux mesures dérisoires : la revalorisation du minimum vieillesse à hauteur de 13 euros, et celle de l’aide à la complémentaire santé uniquement pour les assurés de plus de 60 ans. Hélas, ces promesses ne changent rien sur le fond, rien ! Laisser croire le contraire est une tromperie politique, voire une forme de mépris pour les retraités qui survivent avec 800 euros par mois ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, UMP et UDI.)

Comment osez-vous parler de justice et d’équité ? L’équité n’a pas vocation à s’appliquer qu’entre les pauvres ! Or, dans ce texte, si l’on excepte le volet non rétroactif sur la pénibilité, les efforts demandés reposent sur les travailleurs, sur le travail, sur les jeunes, sur les retraités. Les modestes doivent se serrer la ceinture, quand les amis du Cercle de l’industrie et du MEDEF sont épargnés !

Vous avez délibérément choisi de n’agir que sur les leviers les plus injustes pour les assurés. Pourtant, plusieurs dizaines de milliards d’euros de recettes auraient été dégagées par l’élargissement de l’assiette des cotisations sociales aux revenus financiers, par la modulation de ces cotisations en fonction du comportement des entreprises, par la résorption rapide des inégalités salariales et professionnelles entre femmes et hommes. Autant de propositions portées par les députés du Front de gauche que vous avez balayées avec mépris !

En définitive, l’Histoire retiendra que ce gouvernement a entériné et prolongé toutes les régressions sociales imposées par la droite depuis plus de vingt ans, de l’allongement automatique de la durée de cotisation à la désindexation des pensions, en passant par le report de l’âge légal de départ. Une triste première pour un gouvernement de gauche !

M. Jean-Paul Bacquet. L’Histoire retiendra surtout que le stalinisme a fait faillite…

M. André Chassaigne. L’Histoire retiendra que votre réforme a pour effet de repousser de fait au-delà de 66 ans l’âge moyen effectif de départ à la retraite. L’Histoire retiendra que vous avez ponctionné plusieurs milliards dans les poches des retraités et que vous avez dispensé les entreprises du même effort. Fidèles à la défense des conquêtes sociales du Conseil national de la Résistance, fidèles aux avancées poussées par la gauche tout entière dans son histoire, nous voterons contre ce texte !

M. Jean-Paul Bacquet. Avec la droite !

M. André Chassaigne. Nous continuerons à le dénoncer et à le combattre jusqu’à son vote ultime. Nous osons en effet croire que, d’ici là, dans un sursaut salvateur, les députés élus par le peuple de gauche prendront la décision qui s’impose : le rejet pur et simple de ce projet de loi en rupture avec le progrès social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christian Paul. Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, chers collègues, oui, il fallait sécuriser le système de retraites, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qu’il était en danger, avec en embuscade des dérives insupportables, à commencer par le risque d’effondrement du système par répartition. Oui, il fallait le rendre plus juste, parce que le principe de justice avait été largement oublié dans les réformes précédentes. Oui, il fallait démontrer, avec la réforme des retraites comme avec le budget de la Sécurité sociale que nous venons d’adopter, que malgré la crise et l’étau des contraintes, nous ne renonçons pas au progrès !

M. Marcel Rogemont. Excellent !

M. Christian Paul. Oui, le débat a été vif, comme il se doit, mais je le dis à l’opposition : vous n’êtes pas parvenus à faire de ce débat sur les retraites un sujet d’affrontement national.

M. Yves Albarello. Faux !

M. Christian Paul. C’est vrai, le système de retraites ne saurait à lui tout seul faire triompher l’égalité et permettre aux retraités de gagner en bien-être. Aussi, madame la ministre, nous saluons la confirmation par votre gouvernement, par notre gouvernement, d’un projet de loi qui sera présenté dès le début 2014 en conseil des ministres, et qui aura pour objectif de favoriser l’autonomie et d’accompagner le vieillissement des Français. Avec la présente loi et avec celle qui vient, la France tirera enfin toutes les conséquences de la révolution de l’âge, l’une des transformations les plus profondes de notre société.

Si elle ne garantissait pas le financement du régime général, la réforme des retraites serait une impasse. Au contraire, les ressources nécessaires sont ici enfin réunies. De même, cette réforme serait aussi une occasion manquée si elle ne partait pas concrètement des réalités de la vie au travail.

Avec ce texte, nous avons fait le choix de nouveaux progrès. Nous avons fait le choix d’amortir et de compenser les chocs des carrières les plus heurtées. Nous décidons d’apporter des améliorations à la situation des salariés les plus précaires – ceux dont on ne parlait pas assez souvent dans cet hémicycle. Oui, les salariés plus précaires, chers collègues, et en particulier les salariés à temps partiel, qui sont souvent des femmes.

Oui, nous décidons avec cette loi de personnaliser le système de retraites, pour mieux répondre aux attentes et aux carrières professionnelles réelles de chacun.

C’est très loin de l’individualisme, votre religion, qui préfère l’assurance privée comme modèle… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Denis Jacquat. Menteur ! C’est faux !

M. Christian Paul. …et l’individualisation médicalisée comme remède aux incapacités : quelle différence avec la reconnaissance de la pénibilité ! (« C’est incroyable ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Il y aura donc dans cette loi des droits nouveaux. Ce sont autant d’avancées irréversibles qui marqueront l’histoire sociale de notre pays, d’abord pour la prise en compte de la pénibilité, qui est la marque originale de cette loi pour 20 % des salariés français…



M. François Sauvadet. La marque de cette loi, c’est l’injustice !

M. Christian Paul. …et pour la cause des femmes, que les retraites ont souvent oubliées, pour la jeunesse qui, pendant dix ans, a été sacrifiée à chaque étape, du CPE jusqu’à la dernière loi sur les retraites, mais aussi pour les personnes en situation de handicap, à qui nous devons une vraie reconnaissance, et enfin pour prolonger l’effort voulu par le gouvernement de Lionel Jospin en faveur des retraites agricoles.

Oui, nous allons réaffirmer par cette loi que notre société tient debout par la solidarité. Et nous nous réjouissons que, jusqu’à la dernière heure de ce débat, madame la ministre, nous ayons pu trouver avec le Gouvernement et avec l’ensemble des groupes de la majorité, des réponses concrètes pour améliorer la situation des retraités les plus pauvres… (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. François Sauvadet. Est-ce pour cela qu’il y a un vote bloqué ?

M. Christian Paul. …qu’il s’agisse de la double revalorisation du minimum vieillesse ou de celle de l’aide à l’accès aux complémentaires santé pour les retraités. C’était le souhait du groupe SRC, dans le prolongement des travaux de notre collègue Christophe Sirugue sur la précarité, et c’était le souhait de toute la majorité.

Alors oui, notre groupe votera ce texte…

Mme Jacqueline Fraysse. C’est dommage !

M. Christian Paul. …parce qu’il ne se résume pas à une réforme structurelle au sens où l’entendent ceux qui maintiennent sur le salariat des pressions sans contrepartie. Nous bâtissons un nouveau contrat social, un pacte républicain à l’image de tous ceux qui, en 1910, en 1945, en 1981, ont marqué le XXsiècle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) ’est bien dans la lignée de ces lois sociales que nous allons voter une réforme de progrès.

À cet instant, je pense et nous pensons, monsieur Chassaigne, aux millions de Français, aux millions de salariés, de femmes et d’hommes qui, dans les prochaines décennies, partiront à la retraite un an, souvent deux ans plus tôt, et même parfois davantage, parce qu’ils auront travaillé plus durement. Si vous hésitez encore, pensez à eux. Pour les députés du groupe SRC, le choix est fait : nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Germain. Très bien !

M. le président. Sur l’ensemble de ce projet de loi, le scrutin public est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Fromion. Ah, enfin un peu de vérité dans ce débat !

M. Denis Jacquat. Depuis le début de l’examen de ce texte, madame la ministre, vous ne cessez de vous féliciter de votre méthode. Grâce à vous, on réintroduirait de la douceur dans le processus de la réforme des retraites.

M. Michel Issindou, rapporteur. C’est vrai !

M. Denis Jacquat. Grâce à vous, on mettrait un point final à la « brutalité » du Gouvernement précédent.

M. Jean-Marc Germain. Excellent !

M. Denis Jacquat. Mes chers collègues, goûtons-nous vraiment à la douceur de ce débat, alors que nous nous apprêtons à nous prononcer solennellement sur ce texte avec un vote bloqué à la clef ?

Malgré tous vos efforts, madame la ministre, vous échouez sur toute la ligne. Premier point : consulter plutôt que négocier. Je rappelle simplement qu’en 2010, ce n’est pas un tour de table des partenaires sociaux qui avait été effectué, mais une négociation.

M. Michel Issindou, rapporteur. Quel culot !

M. Denis Jacquat. À cette époque, naturellement, la négociation s’imposait car de vrais choix étaient proposés au Parlement, des choix difficiles et courageux.

M. Guy Teissier. Très bien !

M. Denis Jacquat. Deuxième point : évacuer les sujets qui fâchent. C’est le Président de la République lui-même qui le dit dans un entretien accordé au journal Le Monde daté du 29 août 2013. À la question « pourquoi ne réformez-vous pas les régimes spéciaux ? », il répond que « ce serait le risque d’avoir beaucoup de monde dans la rue ». Consciencieusement, madame la ministre, vous avez donc évacué du débat la question de la convergence entre les retraites du privé et les retraites du public.

Or, malgré ce que vous voulez faire croire, les retraites du public ne sont pas financées. Sur les 21 milliards de déficit anticipés par le COR, 7 milliards manquent pour financer les retraites des agents de l’État. Le rapport du COR sur les retraites des fonctionnaires, qui sort aujourd’hui, accroît encore nos inquiétudes. Il est trop facile de taxer l’UMP de « fonctionnaire-bashing » sans prendre vos responsabilités. Vos responsabilités consistent à sécuriser les retraites du public, et aussi à entendre les aspirations de tous les Français à plus d’équité.

Cela nous amène au troisième point : faire voter des dispositifs non financés. Madame la ministre, votre dispositif « pénibilité » n’est pas financé et vous le savez. C’est écrit noir sur blanc dans votre étude d’impact. À l’horizon 2040, le coût du compte pénibilité s’élève à 2,7 milliards d’euros, pour un rendement estimé de la double cotisation des employeurs de seulement 800 millions d’euros. Les députés de l’opposition, madame la ministre, sont en droit de demander si c’est l’État qui prendra en charge le montant restant de 1,9 milliard.

Le résultat de cette méthode, c’est que votre manque de courage hypothèque notre système par répartition tout en frappant de plein fouet les plus modestes. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Venons-en au fameux article 4 de ce texte. Vous sous-indexez les retraites et reportez la revalorisation des pensions au 1eroctobre pour une moindre dépense en 2020 de près de deux milliards d’euros. Gouvernement de gauche, vous faites reposer sur les retraités, à hauteur de 3,4 milliards, le financement de votre prétendue réforme.

Le gouvernement précédent a toujours défendu le pouvoir d’achat des retraités et des petites retraites. Il vous semblait peut-être brutal. En réalité, il était juste. Si les petits retraités ont encore aujourd’hui une pension décente, c’est grâce aux réformes effectuées par des gouvernements de droite. N’oublions pas que l’ASPA – l’allocation de solidarité aux personnes âgées – a été revalorisée de 25 % lors de la législature précédente ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Denis Jacquat. Madame la ministre, vous pensez avoir gagné parce que le vent de la révolte ne se cristallise pas sur votre texte. Mais les retraités ne sont pas dupes, ils savent le sort que vous leur faites. Et les parlementaires sont là pour vous le rappeler.

Par deux fois, dans cet hémicycle, cinq groupes sur six se sont opposés à cet article. Et quand, pour la deuxième fois, le Gouvernement a voulu recourir à une deuxième délibération, il a craint un nouveau revers et annoncé un vote bloqué. Vous liez les mains de votre propre majorité. Vous acculez vos alliés. Vous employez la manière forte sur un texte qui concerne, par définition, tous les Français. Où est le respect du Parlement dont ce gouvernement se targue depuis le début de la législature ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Les masques tombent. Il fallait s’y attendre : vous ne négociez pas, parce que vous n’avez aucune marge de manœuvre. Vous en êtes réduite à faire des annonces à une heure du matin à l’Assemblée, le jour du vote, pour calmer les esprits.

Madame la ministre, nous y voyons clair. Cette réforme n’était pas préparée. Cette réforme est mal ficelée. Cette réforme est une tromperie. Vous trompez les Français, en leur faisant croire que c’est la « der des ders ». Nous savons tous que le compte n’y est pas et que ce n’est pas en fixant dans la loi une hausse de la durée d’assurance que les compteurs du déficit vont s’arrêter. En revanche, c’est la dernière fois que vous pourrez ponctionner aussi lourdement les retraités et les salariés. Vous n’avez plus d’air sous le pied.

L’avenir de nos retraites est un sujet grave : les Français méritent la vérité. Cette vérité, c’est que votre réforme ne règle en aucun cas l’avenir du système de retraites et que nous pouvons prendre date pour une prochaine réforme dans les trois ans à venir.

C’est pourquoi, madame la ministre, le groupe UMP votera contre le texte et, par voie de conséquence, contre l’amendement du Gouvernement rétablissant l’article 4. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Christian Paul. Le dieu Shiva !

M. Pascal Terrasse. Un député qui a trop de voix !

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Assemblée nationale est aujourd’hui amenée à se prononcer une deuxième fois sur le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

Nous vous avions avertis en première lecture : en renonçant à apporter une réponse ambitieuse aux défis auxquels est confronté notre système de retraites, vous preniez le risque de provoquer une crise de confiance en notre système de retraites par répartition.

Vous avez d’ores et déjà franchi une première étape dans cette crise de confiance puisque vous avez réussi l’exploit de fédérer vos alliés comme votre opposition contre ce projet de loi injuste, qui ne garantira en rien l’avenir de notre système de retraites. En première lecture, vous avez ainsi été contraints de l’adopter, privés du soutien de vos alliés. Vous avez ensuite été amenés à le rejeter vous-mêmes au Sénat.

Le chemin de croix se poursuit aujourd’hui : vous êtes maintenant obligés de vous réfugier derrière l’article 44 de la Constitution pour forcer notre assemblée à se prononcer par un seul vote sur l’ensemble de ce projet de loi et sur son article 4, que le Parlement a par trois fois combattu et rejeté. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Issindou, rapporteur. Il y a eu de la triche !

M. Philippe Vigier. Ce bâillon procédural dissimule mal votre fébrilité et l’incompréhension des vôtres, auxquels vous voulez à nouveau tordre le bras.

Ils savent que votre intransigeance est coupable. Ils portent en eux l’intime conviction que la baisse des pensions, qui frappera de plein fouet les retraités les plus pauvres, et la hausse des cotisations jusqu’en 2017, qui pèsera sur le pouvoir d’achat et la compétitivité, ne sont ni justes ni efficaces. Ils savent que seul compte le sursaut de cinq des six groupes parlementaires qui ont refusé que les retraités modestes voient les droits qu’ils ont acquis au prix d’une vie de travail vous servir de variable d’ajustement budgétaire.

Madame la ministre, vous avez, hier soir, accepté dans l’urgence des mesures de compensation utiles, mais insuffisantes, proposées par notre collègue Véronique Massonneau, qui a été courageuse depuis le début de ce texte et constante dans ses positions.

M. Michel Issindou, rapporteur. Et honnête !

M. Philippe Vigier. Il n’aura échappé à personne que vous vous êtes opposée par deux fois à ces mesures et que vous pensez, avec ce geste de dernière minute, recoller les morceaux d’une majorité profondément divisée – l’intervention d’André Chassaigne était forte à ce propos.

Pour notre groupe, votre réconciliation avec une partie de votre majorité sur le dos des retraités n’est pas acceptable : non, la revalorisation de 50 euros de l’aide pour une complémentaire santé ne permettra pas de compenser la baisse moyenne de 144 euros par an des pensions de retraites que vous vous apprêtez à entériner.

Mme Karine Berger. On l’appelle Shiva !

M. Philippe Vigier. Non, la revalorisation du minimum vieillesse ne suffira pas : ceux qui ont à peine plus que le minimum vieillesse, dont vous allez taxer les pensions, les considérez-vous comme des nantis, madame la ministre ? Est-on riche quand on touche le minimum contributif ?

Le 2 septembre dernier, vous déclariez pourtant, madame la ministre : « Il n’a jamais été question de mettre à contribution les plus petites retraites. Le Premier ministre l’a toujours dit et je le répète : les petites pensions seront préservées ».

Vous pouviez faire d’autres choix. Pourquoi avoir balayé d’un revers de main la proposition du groupe UDI d’alourdir la taxation des retraites chapeaux et des parachutes dorés ? Cette proposition, par trois fois étudiée en commission, n’a même pas été examinée dans cet hémicycle, comme si un coup de baguette magique l’avait fait disparaître.

Pourquoi avoir regardé avec tant de mépris notre proposition d’instaurer une règle de confiance qui aurait permis de graver dans le marbre de la loi un taux de cotisation maximal pour protéger le pouvoir d’achat et la compétitivité de nos entreprises, ainsi qu’un taux de remplacement minimal, afin que le travail de toute une vie soit reconnu, et un montant de pension de retraite minimal garantissant une retraite digne pour chaque Française et chaque Français ?

L’addition d’impôts et la multiplication des taxes ne font pas une réforme. Vous auriez dû avoir le courage de prendre des mesures fortes qui permettraient d’assurer les Français et les Françaises, en particulier les plus jeunes, de la viabilité de notre système de retraites. Ce manque de courage a un prix, que vous demandez aux générations futures de payer : ce sont 13,4 milliards de déficits que vous laissez derrière vous, ce qui fait de ce projet de loi la motion de synthèse du parti socialiste la plus chère de l’histoire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. S’il vous plaît, chers collègues, laissez finir M. Vigier !

M. Philippe Vigier. Le groupe UDI votera donc contre ce projet de loi, car il ne garantit ni l’avenir ni la justice du système de retraites. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP. - « Tricheur ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste étant majoritaire à lui seul dans notre assemblée, nous aurions pu nous attendre à ce que l’examen de ce projet de loi, en seconde lecture, ne relève que d’une formalité.

Le texte sur lequel nous devons nous prononcer aujourd’hui ne comporte en effet pas de différences majeures avec celui que le seul groupe socialiste avait adopté en première lecture. On y retrouve les quelques avancées que les écologistes avaient saluées par rapport à la réforme du gouvernement précédent : le compte personnel de prévention de la pénibilité, la mise en place d’un dispositif qui permettra à l’avenir de protéger et proposer un parcours aux personnes exposées, la prise en compte effective de l’apprentissage et des mesures en faveur des régimes agricoles.

Cela étant, comme en première lecture, demeurent certains dispositifs qui nous paraissent particulièrement injustes, voire contre-productifs. L’allongement de la durée de cotisation nous inquiète, pour le montant des retraites, en particulier celles des femmes et des précaires, et pour le chômage. Cette mesure nous semble même inefficace dans un objectif comptable.

Comme en première lecture, sur le financement des retraites, les écologistes déplorent que le Gouvernement ait fait le choix de le faire supporter uniquement par les actifs, les retraités, et maintenant, les jeunes.

Oui, nous nous attendions à une discussion sans enjeu, dans la mesure où vous aviez annoncé que le Gouvernement ne bougerait pas sur la question du financement des retraites. C’était sans compter sur le fait que le report de revalorisation des pensions du 1eravril au 1er octobre, supprimé en première lecture, puis rétabli par voie d’amendement, serait de nouveau supprimé en deuxième lecture.

Avouez que si la thèse d’une erreur technique éveille le soupçon, lorsqu’elle se répète, elle vient le confirmer. Et ce qui s’est confirmé dans la nuit de mercredi dernier, c’est que le doute sur le mode de financement choisi va bien au-delà des rangs des groupes radical, communiste ou écologiste. Ce doute, sinon cette opposition, s’exprime également au sein du groupe majoritaire.

Jeudi dernier, dans un esprit constructif, pour faire avancer le texte et protéger les plus faibles des retraités, les groupes GDR, RRDP et écologiste avaient décidé de déposer le même sous-amendement visant à exclure du dispositif les retraités bénéficiaires du minimum contributif. La réponse du Gouvernement a été de couper court à toute discussion et de contraindre aujourd’hui l’Assemblée à un vote bloqué.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est scandaleux !

Mme Véronique Massonneau. À un problème politique, vous avez tenté d’apporter une réponse procédurière. Notre groupe a très peu goûté cette pratique et, face à notre détermination, le Gouvernement a enfin décidé de prêter une oreille attentive à la situation de précarité de certains retraités, que nous dénoncions. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Le Gouvernement est acculé !

Mme Véronique Massonneau. Ainsi, hier, madame la ministre, vous avez annoncé deux mesures pour préserver le niveau de vie des retraités précaires, comme nous le demandions.

La première a été adoptée la nuit dernière lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale : un million de nos concitoyens pourraient bénéficier de l’augmentation de 10 % de l’aide à la complémentaire santé pour les personnes de plus de soixante ans. Cela compensera en partie la perte de pouvoir d’achat due au report de revalorisation des retraites prévu par l’article 4, pour les retraités aux pensions les plus modestes non bénéficiaires du minimum vieillesse. Quant au minimum vieillesse lui-même, nous avons noté qu’il serait doublement revalorisé, une fois au 1eravril et une seconde fois au 1er octobre.

Ces deux dispositifs s’adressent aux retraités les plus défavorisés. Ce sont des mesures utiles qui font écho à une situation déjà précaire de certains retraités. Des mesures de compensation qui permettront le maintien de leur pouvoir d’achat.

M. Sylvain Berrios. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour un maroquin !

Mme Véronique Massonneau. C’est la voix de ces retraités que nous avons portée. C’est sur leur situation que nous avons voulu vous alerter, madame la ministre. Mieux vaut tard que jamais : même si votre écoute fut tardive, même si vous auriez pu éviter dès jeudi dernier à notre majorité le risque d’une crise, au moins les mesures que vous avez annoncées permettront-elles de protéger les plus défavorisés. Il s’agit là de ce qui est le plus important.

C’est donc avec le sentiment du devoir accompli (Vives exclamations et rires sur les bancs des groupes UMP et UDI)…

M. le président. Un peu de calme, s’il vous plaît !

Mme Véronique Massonneau. …mais pas avec la satisfaction d’une réforme réussie, que mes collègues écologistes et moi-même nous prononcerons dans quelques minutes sur votre réforme. Comme en première lecture, parce que nous ne voulons ni nous opposer aux progrès qu’elle contient, ni valider les modes de financement qu’elle impose, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants561
Nombre de suffrages exprimés534
Majorité absolue268
Pour l’adoption291
contre243

(Le projet de loi est adopté.) (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante, sous la présidence de M. Christophe Sirugue.)

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président



M. le président. La séance est reprise.

5

Programmation militaire 2014-2019

Discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (nos 1473, 1551, 1540, 1537, 1531).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le rythme des crises internationales au cours des dernières années, comme l’ont encore démontré les derniers mois voire les derniers jours, nous impose des obligations pour la sécurité de la France et de l’Europe. Il s’agit dorénavant d’une donnée permanente de notre défense. Il nous appartient d’en tirer les conséquences, tant à court terme grâce aux enseignements des crises récentes que j’évoquerai au cours du débat, qu’à long terme. Tel est l’objet de la loi de programmation militaire que j’ai l’honneur de présenter devant vous ce soir.

La croyance en la fin de l’histoire et en l’improbabilité de la guerre a caractérisé un bref moment de l’après-guerre froide. Elle a fait son temps. En 2013, notre pays évolue dans un environnement stratégique toujours plus complexe et incertain au sein duquel la place et le rôle du monde occidental sont remis en cause. Si les conflits changent de visage, ils n’autorisent pour autant aucun relâchement de la politique de sécurité et de défense, comme l’a rappelé le Président de la République chaque fois qu’il s’est exprimé en qualité de chef des armées. Les conflits et les crises nous concernent au premier chef. Certes, la France et l’Europe sont des espaces pacifiés, mais notre situation privilégiée ne doit pas nous amener à ignorer la réalité du monde qui nous entoure. S’il n’existe plus de menaces à nos frontières, chacun ici sait qu’il n’existe pas non plus de frontières aux menaces. Tel est le revers, désormais bien identifié, de la mondialisation.

La France, conformément à la tradition constante de la VRépublique, n’a jamais cessé d’être vigilante. Elle a pris ses responsabilités chaque fois que cela s’est avéré nécessaire. Elle les a prises au Mali, où nous sommes engagés depuis le 11 janvier dernier dans le cadre d’une lutte déterminée contre les groupes djihadistes. Elle les a prises en Syrie. D’autres enjeux se dessinent, en République Centrafricaine, au Proche-Orient et au Moyen-Orient ainsi que dans les espaces maritimes menacés par la piraterie. Comment assurer à long terme les capacités militaires nous permettant d’être demain comme aujourd’hui à la hauteur des intérêts de sécurité de la France comme de ses responsabilités internationales ? Tel est l’objet de cette loi, qui prolonge le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale dont il a été débattu ici même le 29 mai dernier.

En 2013, cette question majeure se pose à nous avec une gravité particulière. En effet, alors même que les menaces pesant sur notre sécurité collective évoluent rapidement vers une diversification des risques d’atteinte à la nation, notre souveraineté financière a été mise en péril. En raison des crises économiques qui se sont succédé depuis 2008 et de la pression croissante d’une dette publique qui atteint des niveaux que nous n’avions jamais connus, la tension sur le budget de l’État et les finances de la nation est devenue extrême. Il est clair qu’il s’agit aussi là d’un enjeu de souveraineté. La combinaison de l’impératif militaire et de l’impératif budgétaire a suscité beaucoup de commentaires.

Pourtant, c’est du moins ma conviction et celle du Gouvernement, une telle articulation doit être assumée avec responsabilité. Sans contrôle de la dette publique, comment garder la maîtrise de nos choix stratégiques ? En arrêtant les grandes orientations du renouvellement de notre politique de défense, le Président de la République a fait un double choix, celui de notre autonomie stratégique et celui de notre souveraineté financière. L’une ne va pas sans l’autre. Afin de réaliser des économies faciles, nous aurions pu occulter tout un pan de risques découlant de notre environnement stratégique, ou prononcer des renoncements spectaculaires à certaines de nos responsabilités hors du territoire, comme certains nous y incitaient. Telle n’est pas notre conception de la préparation de l’avenir de la défense de la France.

Au contraire, nous nous en sommes tenus à un principe de strict réalisme pour la description des menaces comme pour la définition des moyens d’y faire face. Le premier pilier de la programmation que nous vous proposons, c’est le maintien d’un effort de défense significatif. Notre budget se maintiendra d’abord à son niveau actuel, c’est-à-dire 31,4 milliards d’euros courants, pendant trois ans. Dans un deuxième temps, entre 2016 et 2019, le budget augmentera progressivement pour atteindre 32,5 milliards d’euros courants. Les crédits budgétaires progresseront en valeur dès 2016 puis en volume à compter de 2018.

Les ressources programmées sur la période 2014-2019 totalisent ainsi 190 milliards d’euros courants, voire davantage si nous appliquons certaines dispositions de la loi, sur lesquelles je reviendrai.

M. Yves Fromion. Ben voyons !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cet arbitrage représente une décision politique forte. Sans prétendre atteindre les niveaux de la programmation 2009-2014, qui, en raison de la crise, sont vite devenus irréalistes, il nous donne néanmoins les moyens de nos ambitions, loin du prétendu déclassement stratégique évoqué par certains.

Je souhaite le souligner ici : peu de pays occidentaux soutiennent un tel effort en faveur de leur défense. Puis-je rappeler, en effet, que la plupart des pays européens verront, sur la même période, leur budget de défense baisser en valeur, de façon souvent très significative, y compris chez nos plus proches partenaires ? C’est le cas notamment du Royaume-Uni pour 2014 et 2015.

Pour garantir à la défense ce niveau de financement, les ressources budgétaires sont complétées par des ressources exceptionnelles, à hauteur de 6,1 milliards d’euros sur la période 2014-2019, c’est-à-dire un peu plus de 3 % des ressources totales.

Dans ce domaine, notre engagement est aussi celui de la transparence. C’est pourquoi, cette fois-ci, les origines des ressources exceptionnelles figurent de manière explicite dans le rapport annexé au projet de loi. Je les rappelle brièvement : il s’agit d’abord de l’intégralité du produit des cessions d’emprises immobilières du ministère de la défense.

M. Jean-François Lamour. Il ne représente que 200 millions !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il s’agit également d’un nouveau programme d’investissements d’avenir, financé par le produit de cessions de participations d’entreprises publiques, au profit de l’excellence technologique des industries de défense ; du produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences comprise entre 694 MHz et 790 MHz ; enfin, des redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquences déjà réalisées lors de la précédente programmation.

Pour répondre aux préoccupations exprimées par tous les rapporteurs – notamment M. Launay, au nom de la commission des finances, que je remercie – une clause de sauvegarde particulièrement contraignante et exigeante vient compléter cet énoncé dans le dispositif même de la loi. Elle permettra, le cas échéant, de mobiliser d’autres ressources, en particulier des cessions d’actifs, si le produit de celles que je viens d’évoquer s’avérait insuffisant. En sens inverse, si ce produit excède les 6,1 milliards prévus, la défense pourra en bénéficier à hauteur de 0,9 milliard d’euros supplémentaires.

M. Jean-François Lamour. Ça ne tient pas !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Enfin, comme je l’avais indiqué à la commission de la défense lors de la séance qu’elle a consacrée à l’examen du projet de loi, et comme nous en avons informé depuis vos différents rapporteurs, le Gouvernement vous présente un ensemble formé de quatre amendements complémentaires, destiné à sécuriser l’entrée en programmation dans le domaine des investissements. Il ajoute au montant des ressources exceptionnelles, à la suite d’un accord passé entre mon ministère et celui du budget, une ressource de 500 millions d’euros permettant, autant que nécessaire, de financer sans heurt et quelles que soient les difficultés de la fin de la gestion de l’année 2013, l’intégralité – je dis bien : l’intégralité – des programmes de la première période, en particulier les nouveaux programmes.

Notre démarche, je l’ai dit, consiste à garantir à notre défense un niveau de ressources qui soit, comme l’ont souligné les rapporteurs de la commission de la défense – Mme la présidente Adam et Mme Gosselin-Fleury – à la fois ambitieux et réaliste. Ambitieux, par la trajectoire que le Président de la République a arrêtée et que je viens de décrire. Réaliste, parce que ce niveau de ressources est compatible avec la loi de programmation des finances publiques…

M. Jean-François Lamour. Non !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …et parce que les ressources extrabudgétaires ont été définies conformément aux engagements politiques inscrits dans le projet de loi soumis à votre examen. De surcroît, la représentation nationale pourra contrôler l’application de ce texte en usant de pouvoirs que le Gouvernement a accepté de renforcer de manière extrêmement sensible.

M. Jean Launay, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est vrai !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. La nouvelle stratégie militaire, exposée par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, concourt, quant à elle, de manière décisive, à employer les ressources que je viens de vous exposer.

Cette stratégie clarifie d’abord les trois missions fondamentales qui sont celles de nos armées : protéger le territoire et la population, assurer la dissuasion nucléaire, et intervenir à l’extérieur du territoire national, que ce soit en gestion de crise ou en situation de guerre.

Sur la base de ces trois missions et des scénarios d’engagement les plus probables pour les quinze ans qui viennent, nous avons défini les contrats opérationnels que le chef de l’État et le Gouvernement assignent à nos forces. La programmation en matière de finances mais aussi d’effectifs en découle directement.

Concernant, d’abord, la protection permanente du territoire et de la population, outre les moyens classiques de surveillance aérienne et maritime, les contrats opérationnels prévoient une mobilisation des forces terrestres jusqu’à 10 000 hommes, en renfort des forces de sécurité intérieure. Ces contrats sont inchangés par rapport au précédent Livre blanc. Nous y avons cependant ajouté une dimension nouvelle, indispensable compte tenu du niveau actuel de la menace : la posture de cyberdéfense, qui est désormais partie intégrante de la protection du territoire et de la population et qui est appelée à jouer un rôle croissant dans notre sécurité nationale.

En matière d’interventions extérieures, nos forces devront pouvoir constituer en permanence un élément d’intervention d’urgence de 5 000 hommes, incluant une force interarmées de réaction immédiate de 2 300 hommes, déployables en sept jours. Pour les missions de gestion de crises internationales, nous prévoyons, en outre, de pouvoir engager jusqu’à 7 000 hommes supplémentaires – cet effectif étant renouvelable – répartis éventuellement sur trois théâtres extérieurs, ainsi que des unités navales dont un groupe « bâtiment de projection et de commandement » et une douzaine d’avions de combat. Pour les opérations de guerre et de coercition majeure, nos armées vont conserver la capacité d’entrée en premier dans les trois milieux – terrestre, naval et aérien – avec les moyens de commandement correspondants ; nous pourrons à ce titre projeter des forces spéciales significatives et jusqu’à deux brigades interarmes, représentant environ 15 000 hommes des forces terrestres, ainsi que 45 avions de combat et un groupe aéronaval.

S’agissant de la mission de dissuasion, nous maintiendrons les deux composantes, sous-marine et aéroportée. Nous poursuivrons le programme de simulation et la modernisation de nos forces, dans le respect du principe de stricte suffisance. Je sais que certains professent l’idée bien arrêtée de supprimer la force de dissuasion ou l’une de ses composantes, mais je constate, pour ma part, que les arsenaux nucléaires continuent de croître dans un certain nombre de pays : c’est le cas, de façon manifeste, en Asie ; leur modernisation est aussi le maître mot de la stratégie militaire de la Russie ; par ailleurs, la modernisation de l’arsenal américain fait partie des programmes de l’administration du président Obama. Je remarque encore que les risques de prolifération d’armes de destruction massive dans plusieurs régions du monde sont une réalité, la crise syrienne est là pour le rappeler. J’observe enfin que notre stratégie forme un tout cohérent : il est absurde d’opposer les forces conventionnelles et les forces nucléaires, car, dans notre stratégie, elles s’épaulent les unes les autres ; c’est l’une des clés de la capacité de la France à disposer d’une véritable autonomie pour conserver en toutes circonstances la maîtrise de sa propre sécurité.

Le Livre blanc l’a donc confirmé, notre capacité nucléaire continuera d’être adaptée à notre environnement stratégique. Elle présentera, sans aucun doute, un visage différent de celui qu’elle avait hier, puisque nous avons supprimé la composante sol-sol – constituée des missiles stratégiques du plateau d’Albion et des missiles de courte portée –, considérablement réduit de notre propre chef le nombre de nos vecteurs et de nos têtes, fermé nos installations de production de matières fissiles et démantelé nos sites d’essais nucléaires.

Mais, tant qu’il existe des armes nucléaires dans le monde, tant que demeurent les risques d’un chantage exercé par d’autres puissances contre nos intérêts vitaux, la dissuasion reste l’une des garanties fondamentales de notre liberté d’appréciation, de décision et d’action.

M. Yves Fromion. Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. C’est un fait que certains peuvent déplorer, mais qu’il est difficile de nier.

Dans ces conditions, nous pensons qu’il n’est envisageable ni de renoncer à cette capacité, ni de diminuer les options que l’existence des deux composantes offre au chef de l’État, chef des armées. Voilà le choix que nous défendons, dans le débat qu’appelle de ses vœux, notamment, M. Gwenegan Bui, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

Protéger le territoire, assurer la dissuasion nucléaire, intervenir à l’extérieur du territoire national, pour des missions de guerre ou de gestion de crise : peu de nations dans le monde ont la capacité d’assurer simultanément ces trois missions, en engageant de tels moyens matériels et humains. Peu, de la même façon, sont en mesure de faire reposer leur force militaire sur une industrie figurant parmi les premières au monde. C’est le cas de la France, et notre démarche vise à consolider cet ensemble. Je vois, dans ce projet, une réelle continuité avec les engagements pris de manière constante sous la VRépublique.

En 2019, si nous suivons cette trajectoire, non seulement nous maintiendrons nos capacités militaires effectives parmi les premières au monde, mais nous serons au premier rang stratégique en Europe.

Je tiens à le rappeler ici : les équipements et les programmes de modernisation sont au cœur de cette loi, de même que le maintien de la qualité exceptionnelle, partout reconnue, des hommes et des femmes qui servent nos armées. Les effectifs militaires prévus par cette loi placeront la France, en 2019, au premier rang européen, avec 187 000 militaires sur les 242 000 hommes et femmes que comptera alors la mission « Défense ». À cette même date, il y aura, selon les données disponibles à ce jour, un peu moins de 185 000 militaires en Allemagne et à peu près 145 000 militaires au Royaume-Uni, pour ne citer que ces exemples.

Voilà la réalité du texte que j’ai l’honneur de défendre devant vous et de la politique de défense que nous conduirons demain, grâce à vous, mesdames, messieurs les députés.

Cette autonomie stratégique fonde une capacité d’initiative sur laquelle le Président de la République n’a cessé d’insister et qui est la marque de son projet pour nos armées et notre stratégie de défense et de sécurité. Elle est également source, pour notre pays, de nouvelles responsabilités, que nous exercerons.

Être autonome, d’ailleurs, cela ne veut pas dire être seul : aussi notre stratégie intègre-t-elle également la mobilisation de nos alliances.

Il y a d’abord l’Europe, à laquelle ce projet de loi de programmation militaire s’attache, en cohérence avec les orientations prises par François Hollande dès le début de son mandat. Je souhaite y insister devant vous, à quelques jours du Conseil européen qui sera consacré, pour la première fois depuis cinq ans, grâce, notamment, à l’effort de mobilisation de la France, à la politique de défense. L’enjeu sera de donner une impulsion à la fois politique et pragmatique dans les domaines opérationnels, capacitaires et industriels de la sécurité commune.

Conformément à ma vision de l’Europe de la défense, nous avançons maintenant sur des pistes concrètes : l’adoption d’une stratégie européenne de sûreté maritime, dont les points d’application seront la corne de l’Afrique, le golfe de Guinée et la Méditerranée ; l’engagement accru de l’Union européenne au Sahel – au Mali mais aussi à l’échelle de la région –, l’accent étant placé sur le contrôle des frontières, à commencer par les frontières libyennes ; les progrès accomplis dans la mise en place d’une flotte européenne de ravitailleurs en vol et l’élargissement du commandement européen pour le transport aérien militaire, dit EATC ; le lancement d’une première étape en vue d’une solution européenne pour la prochaine génération de drones de surveillance, post 2020 ; et, au plan industriel, la mise en place d’un mécanisme d’incitation fiscale pour encourager les projets d’équipement en coopération.

Après le dernier conseil des ministres de la défense, il y a quelques jours, toutes ces avancées ont vocation à être approuvées et approfondies au niveau des chefs d’État, en décembre.

Vous aurez d’ailleurs observé que, dans ce projet de loi de programmation, nous avons conservé de manière systématique tous les programmes d’équipement menés en coopération européenne : frégates multimissions, Airbus A 400 M, hélicoptères NH 90 et TIGRE, système multinational d’imagerie spatiale pour la surveillance, système sol-air de moyenne portée terrestre. Et nous prévoyons d’en lancer d’autres : le missile antinavire léger et le système de lutte anti-mines du futur.

La mutualisation européenne est aussi un leitmotiv de la présente loi. Nous en parlerons également au Conseil européen de décembre, spécialement pour des capacités militaires clés comme le transport aérien, le ravitaillement en vol, l’action aéronavale, l’espace militaire, la logistique ou la formation.

Il y a ensuite l’alliance atlantique, et nous voyons la pleine participation de la France dans les structures de commandement comme le complément naturel de notre démarche européenne. Ce sera précisément l’occasion de développer notre vision et notre place, celle des Européens au sein de l’alliance. Comme l’a souligné le rapport de M. Hubert Védrine, qui a fait l’objet d’un large accord, nous devons développer sans complexe une présence active à tous les niveaux de l’Organisation atlantique et nous appuyer sur celle-ci pour la coopération de défense transatlantique.

Il y a enfin tous les partenariats stratégiques que la France noue à travers le monde, avec des interlocuteurs historiques mais aussi avec des puissances nouvelles de premier rang. Nous devons pouvoir aussi appuyer sur eux notre stratégie de défense.

Pour développer cette stratégie dans un cadre financier que nous avons ajusté au mieux, nous avons marqué un certain nombre de priorités, à commencer par la préparation opérationnelle et l’équipement des forces armées.

Priorité est donnée tout d’abord à l’entraînement et à l’activité de nos forces. À dire vrai, ils conditionnent la valeur de nos soldats au combat, laquelle a été illustrée par chacune des interventions dans les crises qui ont eu lieu ces derniers mois. Sans préparation opérationnelle efficace et suffisante, il n’y a pas de capacité militaire à la hauteur ni d’armée professionnelle crédible. Or, depuis 2010, à l’exception des opérations extérieures, un fléchissement préoccupant de l’activité opérationnelle a été constaté et je me suis personnellement engagé sur ce dossier très difficile.

La présente programmation vise à maîtriser puis à inverser cette évolution, en maintenant d’abord puis en redressant peu à peu le niveau de la préparation opérationnelle. Ainsi, les crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels progressent en moyenne de 4,3 % par an en valeur, pour s’établir à un montant annuel moyen de 3,4 milliards en euros courants sur la période, contre 2,9 milliards d’euros en 2013.

Notre préoccupation, ce n’est pas d’avoir une grande armée sur le papier mais de pouvoir disposer, chaque fois que nous devons les engager, de soldats bien entraînés et bien équipés. C’est la priorité qui justifie toutes les autres.

La priorité est ensuite donnée aux équipements. Là encore, je veux souligner l’effort important qui sera réalisé, puisque nous prévoyons que les crédits d’équipement augmenteront régulièrement au cours de la période 2014-2019. En 2013, 16 milliards d’euros ont été consacrés aux équipements. L’effort s’élèvera à 17,1 milliards d’euros en moyenne annuelle sur l’ensemble de la période, pour atteindre 18,2 milliards d’euros en 2019. Malgré la contrainte qui pèse sur le budget et en raison de l’impératif du renouvellement de nombre de nos équipements, qui vieillissent, les grands programmes déjà lancés seront tous maintenus et une vingtaine de nouveaux programmes seront lancés.

À cela s’ajoutent les précautions que nous avons prises en ce qui concerne le financement de l’entrée en programmation, que je vous ai présentées tout à l’heure. Dans ces conditions, je peux vous annoncer ce soir que le lancement, dès l’année 2013, de plusieurs nouveaux programmes marquant le début de notre programmation est bel et bien assuré, comme je m’y étais engagé devant la commission.

Seront ainsi lancés dès la fin de l’année 2013 les programmes suivants : le missile moyenne portée, le MMP, qui prendra la succession des missiles Milan et qui est essentiel à la fois pour l’armée de terre et pour notre industrie missilière ; les travaux du nouveau standard du Rafale, qui permettront d’en améliorer les capacités, en y intégrant notamment le missile Meteor et un pod de désignation laser de nouvelle génération, lequel sera d’ailleurs lancé dans quelques jours ; le missile anti-navire léger ou ANL, que nous mènerons en coopération avec nos partenaires britanniques ; les nouveaux radars du système de commandement et de conduite des opérations aériennes ou SCCOA, programme conduit par Thalès, pour protéger le territoire national ; les bâtiments multi-missions destinés à l’outre-mer. Tous ces contrats seront lancés conformément au calendrier prévu.

En outre, sur l’ensemble de la période couverte par la loi de programmation militaire, un grand nombre d’équipements seront livrés. Parmi ceux-ci, en application du principe de différenciation, certains illustrent plus particulièrement notre capacité à prendre part à un conflit majeur : les prochains Rafale, bien sûr, un sous-marin Barracuda, cinq nouvelles frégates de premier rang multi-missions FREMM, seize hélicoptères Tigre. Le porte-avions Charles de Gaulle, qui va connaître un arrêt technique majeur, concourt également à cette capacité d’entrée en premier. Quant aux chars Leclerc, leur rénovation sera elle aussi programmée au cours de cette période.

D’autres livraisons viendront plus directement conforter nos capacités de gestion de crise. Je pense aux drones de surveillance – drones tactiques et drones de moyenne altitude et longue endurance ou MALE –, au programme Scorpion pour l’armée de terre, qui débutera l’an prochain, aux hélicoptères NH90 tant pour l’armée de terre que pour la marine, ou à nos capacités logistiques avec les bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers. À ces livraisons, il faut ajouter les rénovations des Mirage 2000, des frégates La Fayette et des Atlantique 2. Parmi ces équipements, bien sûr, un certain nombre sera polyvalent. Nous recevrons ainsi sur cette période les satellites du programme MUSIS ou multinational space-based system, cent cinquante MMP, les premiers avions ravitailleurs MRTT ou multirole tranport tanker et quinze Airbus A 400 M.

Contrairement à ce que j’ai pu entendre ici ou là, nous avons fait des choix. Notre objectif est de préparer nos armées à mener les guerres de demain et à faire face aux menaces du futur.

Nous avons donc d’abord choisi d’écarter les scénarios de rupture dans nos capacités militaires et industrielles. Nous maintenons ainsi les neuf secteurs de compétence majeurs de l’industrie de défense : l’aéronautique de combat, les missiles, l’aéronautique de transport, les hélicoptères, les sous-marins, les navires armés de surface, l’armement terrestre, le renseignement et la surveillance, les communications et les réseaux. Qui serait prêt d’ailleurs à sacrifier l’un d’entre eux, alors que leur existence est l’une des clés de notre autonomie stratégique ?

Nous avons fait un deuxième choix : mettre en œuvre des principes de mutualisation et de différenciation pour l’ensemble de ce nouveau modèle d’armée. Ces principes constituent un tournant et devraient permettre d’optimiser nos moyens.

J’ajoute un troisième choix, qui me tient particulièrement à cœur et qui concourt directement à la préparation de l’avenir : la poursuite, voire le renforcement d’un effort substantiel en recherche et technologie. C’est un objectif majeur de ce projet de loi : les crédits consacrés aux études amont sont ainsi en hausse par rapport à la période précédente et s’élèvent à plus de 730 millions d’euros en moyenne annuelle pour la période 2014-2019. Pour citer un exemple parmi d’autres, il est prévu un financement de plus de 700 millions d’euros pour le projet du futur drone de combat ou UCAV, unmanned combat aerial vehicle.

Cet effort accompli pour les équipements, qu’il s’agisse de la préservation des livraisons, du lancement de nouveaux programmes ou de l’engagement de nouvelles recherches, bénéficiera non seulement à nos forces mais aussi directement à nos industries de défense. Ces dernières, je l’ai dit, sont au cœur de l’autonomie stratégique que nous préconisons. Avec 4 000 entreprises, dont une majorité de PME et d’ETI, avec 165 000 emplois directs, hautement qualifiés et donc peu délocalisables, avec un chiffre d’affaires global d’environ 15 milliards d’euros réalisé pour 30 à 40 % à l’exportation, elles sont aussi un extraordinaire moteur pour notre économie et un formidable levier pour l’emploi et la compétitivité.

À cet égard, je voudrais rappeler certaines des inflexions majeures et marquantes attachées à ce projet, dans la droite ligne des annonces du Livre blanc approuvé par le Président de la République : l’amplification de l’effort en matière de renseignement – j’y reviendrai – et la réalisation de programmes d’équipement trop souvent retardés dans ce domaine ; l’adaptation au combat moderne, avec un effort particulier en faveur des forces spéciales, en effectifs, équipements, organisation interarmées et capacités aéromobiles, ainsi que des moyens interarmées de ciblage précis ; le développement de la cyberdéfense, que j’ai déjà évoqué ; le lancement effectif de l’acquisition des ravitailleurs en vol. Mesdames, messieurs les députés, tel est dans ses grandes lignes le renouvellement de la politique de défense que nous proposons pour les six ans à venir, renouvellement qui s’insère dans la perspective à quinze ans tracée par le Livre blanc.

Cependant, au-delà de ce renouvellement, le caractère fondamental de ce texte repose sur sa dimension normative, qui nous a beaucoup mobilisés, tant au ministère qu’au sein des commissions, et qui constitue l’autre volet de cette préparation de l’avenir.

En cohérence avec l’effort concernant nos capacités d’action, il pose en effet un cadre législatif dans trois domaines majeurs pour nos armées et, au-delà, pour la sécurité nationale : le renseignement, la cyberdéfense et les droits des personnels. Chacun de ces trois axes imprime une marque particulière au présent projet de loi.

Je commence par le renseignement, pièce essentielle de notre autonomie stratégique. Le projet de loi définit un équilibre politique clair entre, d’une part, l’accroissement des moyens techniques, humains et juridiques des services, et, d’autre part, le renforcement légitime, souhaité par le Gouvernement comme par vos commissions, du contrôle parlementaire de cette activité. Permettez-moi de saluer le fait que les différentes avancées issues de l’examen du texte par le Sénat aient été confortées par le travail mené dans cette enceinte, aussi bien par la commission de la défense que par la commission des lois, en particulier son président M. Jean-Jacques Urvoas et son rapporteur M. Patrice Verchère.

Concernant les moyens, et alors que des retards ont été accumulés ces dernières années en matière d’équipement, l’effort sera amplifié, et réparti selon quatre priorités : l’imagerie – satellites CSO ou composante spatiale optique du programme MUSIS, drones MALE, avions intelligence, surveillance, reconnaissance ou ISR légers –, le renseignement d’origine électromagnétique – système d’écoute CERES à trois satellites, charges utiles pour les aéronefs et pour les drones –, les moyens techniques mutualisés d’interception et la création nette de postes au profit de la direction centrale du renseignement intérieur, de la direction générale de la sécurité extérieure et de la direction du renseignement militaire.

Le cadre normatif s’adapte aussi pour offrir de nouvelles possibilités aux services, pour améliorer leurs moyens dans leurs missions de lutte contre les réseaux terroristes, les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation ou l’espionnage ; nous aurons l’occasion d’en débattre lors de la discussion des amendements.

Permettez-moi à cet égard de souligner que le Gouvernement veille scrupuleusement au maintien de l’équilibre, fondamental dans nos démocraties, entre les moyens investis pour garantir la sécurité et le souci de préserver les libertés publiques et la vie privée. Plusieurs dispositions portent la marque de cette orientation.

De plus, en contrepartie de l’effort d’augmentation des moyens, le projet de loi organise un net renforcement du contrôle des services de renseignement. À la suite du précédent Livre blanc, qui a conforté le rôle du coordonnateur national du renseignement placé auprès du Président de la République, il prévoit en effet la mise en place d’une fonction d’inspection des services de renseignement qui pourra être actionnée par le Premier ministre et les ministres en charge du renseignement.

Surtout, instruits par les premières années d’expérience de la délégation parlementaire au renseignement, nous avons inséré dans ce projet de loi des dispositions qui entérinent un saut qualitatif important des compétences de contrôle de l’activité gouvernementale exercées par cette délégation. Elle se voit pour la première fois reconnaître explicitement cette fonction de contrôle, dans un cadre respectueux des prérogatives du pouvoir exécutif tel que le trace le Conseil constitutionnel. Bénéficiant de la protection qu’offre l’habilitation au secret de la défense nationale, la délégation aura la capacité de connaître l’ensemble de la dépense publique dans ce domaine sensible. Elle intégrera en son sein une formation spécialisée pour le contrôle des fonds spéciaux, qui se substituera à l’actuelle commission de vérification. Elle aura par ailleurs connaissance des principaux documents d’orientation gouvernant l’activité des services. Elle pourra régulièrement dialoguer avec les directeurs des services sur la mise en œuvre de leur mission.

J’en viens au deuxième axe d’efforts dans cet aspect normatif auquel il est consacré des développements majeurs dans le texte : la cyberdéfense. Alors que la vulnérabilité de l’appareil d’État et des entreprises croît au même rythme que la dépendance de la nation aux systèmes d’information, le cyberespace est devenu un champ de confrontation à part entière. C’est donc un enjeu absolument stratégique, dont nous devons nous saisir. Ce sera pour moi, n’en doutez pas, une priorité de premier rang, car nous n’en sommes qu’au début en la matière.

Ce projet de loi en tire toutes les conséquences en adaptant notre droit, pour la première fois dans un tel cadre, aux nouveaux défis que nous posent les cyber-menaces. Il établit ainsi la compétence du Gouvernement pour imposer des règles aux opérateurs, en explicitant, dans le code de la défense, les responsabilités du Premier ministre et les moyens de ses services en matière de sécurité et de défense des systèmes d’information stratégiques. Il autorise explicitement et pour la première fois, en des termes qui ont été validés par le Conseil d’État, la neutralisation de systèmes attaquant nos infrastructures numériques.

Au-delà de ces évolutions normatives, le projet prévoit le développement de nos capacités militaires et non militaires, défensives mais aussi offensives, notamment par la mise en place d’une chaîne opérationnelle, centralisée au niveau du centre de planification et de conduite des opérations ou CPCO de l’état-major des armées, ainsi qu’un renforcement des moyens humains. Plusieurs centaines de spécialistes seront ainsi recrutés. Un effort financier significatif, enfin, permettra l’acquisition de nouveaux équipements ainsi que la réalisation d’études amont.

Le troisième axe d’efforts porte sur le dialogue social et la concertation militaire. Il s’est vu substantiellement renforcé par les travaux de la présidente de la commission de la défense, Mme Patricia Adam, et de la corapporteure, Mme Geneviève Gosselin-Fleury. L’initiative des rapporteures, à laquelle je souscris totalement, consacre en premier lieu une avancée importante pour le dialogue social bénéficiant aux personnels civils. Elle élargit en effet le périmètre des compétences du comité technique ministériel aux questions d’organisation et de fonctionnement, en abolissant une interdiction de principe propre au secteur de la défense qui figurait dans la loi de 1984. Elle respecte, pour autant, la spécificité de la défense en écartant de ce périmètre le domaine des organisations strictement militaires pour des raisons tenant aux prérogatives et au commandement opérationnels que chacun comprend bien.

Nous venons en outre de lancer à la demande du Président de la République un chantier important : la rénovation de la concertation militaire. J’ai saisi l’ensemble des chefs militaires et acteurs du dialogue dans les armées pour que des propositions soient faites lors de la quatre-vingt-dixième session du Conseil supérieur de la fonction militaire qui se tiendra le mois prochain.

Le rapport annexé à la loi conforte cette démarche et propose quelques pistes en préconisant par exemple d’étudier la mise en place d’instances de dialogue militaire complémentaires au niveau des autorités d’emploi. En sus des instances existantes, CFM et CSFM, qui ont pour vocation éminente d’examiner les sujets statutaires, ces instances nouvelles offriraient un échelon pertinent et rapproché pour aborder les questions d’organisation et de fonctionnement des services qui les emploient.

Priorités opérationnelles, capacitaires, industrielles et sociales ; adaptation de notre environnement juridique. Pour concrétiser ces orientations, tout en assumant la gamme de ses missions, le ministère de la défense doit par ailleurs consentir des économies sur le fonctionnement et sur la masse salariale. Ce sont ces économies qui garantissent l’équilibre global de la programmation militaire.

Dans un contexte marqué par plusieurs déflations successives depuis 1995, je n’ai jamais caché, ni ici, ni au Sénat, ni en commission, qu’une nouvelle diminution serait difficile à réaliser, qu’elle appellerait de notre part des efforts d’accompagnement, d’analyse et d’explications, tout particulièrement auprès des personnels. Nous nous y sommes donc préparés.

Au titre de la présente loi de programmation militaire, 23 500 emplois seront supprimés, en plus des 10 500 qui étaient déjà inscrits dans la loi précédente.

Ces déflations sont certainement difficiles à réaliser. Je comprends le trouble qui peut gagner en particulier la communauté militaire, par ailleurs sollicitée sur de nombreux théâtres d’opérations. Mais qu’en est-il vraiment ?

J’observe tout d’abord, s’agissant des effectifs strictement opérationnels, que la réorganisation des armées, aussi difficile soit-elle, est en cohérence avec les choix opérationnels que nous avons effectués. Je pense en particulier aux nouveaux contrats opérationnels des armées, précisés dans le Livre blanc et que reprend la présente loi. J’entends dire qu’il faudrait en rester aux contrats opérationnels du précédent Livre blanc. Mais le chef d’état-major des armées lui-même les jugeait irréalistes dès le début de l’année 2011, pour les raisons que j’ai précédemment indiquées. Et je rappelle ce qu’il en est du positionnement en Europe des effectifs militaires de la France aux termes de la présente loi.

Les effectifs proprement opérationnels ne devront pas représenter plus du tiers des déflations, et nous poursuivrons résolument l’effort de recrutement conduit chaque année par nos armées. Je rappelle qu’il représente de l’ordre de 17 000 jeunes chaque année. Il doit se poursuivre car nous avons besoin d’une armée jeune, c’est pour nous un impératif.

Dans leur grande majorité, les diminutions d’effectifs reposeront sur un effort important touchant l’administration au sens large et l’environnement des forces : il s’agit de réduire les coûts de fonctionnement et d’alléger une structure qui demeure encore, dans bien des domaines, complexe et non optimisée par rapport à nos besoins.

La réorganisation qu’impliquent ces diminutions d’effectifs reposera donc sur quelques principes simples, ainsi qu’un dispositif de grande ampleur que je suivrai personnellement. La priorité sera donnée, je l’ai dit, aux forces opérationnelles, pour leur garantir la capacité de remplir leurs missions. Le personnel bénéficiera des dispositions d’accompagnement social qui devront permettre aux départs, lorsqu’ils sont nécessaires, de se dérouler dans les meilleures conditions. C’est l’objet des mesures qui figurent dans le projet de loi, telles que les pécules ou la promotion fonctionnelle.

Au total, c’est un plan d’accompagnement de près d’un milliard d’euros qui est prévu au titre des outils financiers d’incitation à la mobilité et au départ.

Concernant les restructurations liées à ces déflations, mon objectif est de préserver au maximum les liens qui unissent les armées et les territoires. Mais ma démarche est aussi, pour les rares sites qui seront amenés à fermer, de permettre une transition dans les meilleures conditions possibles. Pour ce faire, un accompagnement économique est inscrit dans le projet de loi, qui tire les enseignements des précédentes restructurations. Désormais, contre la dérive de l’éparpillement, les actions de l’État seront davantage concentrées, avec 150 millions d’euros au total pour les territoires les plus affectés.

Dans un ministère dont la solidité doit être à toute épreuve, je sais que de telles évolutions, qui visent précisément à asseoir notre politique de défense sur des bases plus solides, peuvent néanmoins générer des inquiétudes et des fragilités transitoires. Ce sera pour moi une vigilance de tous les instants.

Ce projet de loi de programmation militaire répond aussi à cette interrogation, légitime, en défendant la singularité du soldat aujourd’hui. Il le fait en mettant en place, comme l’avait souhaité le Président de la République, des outils juridiques simples, qui permettent d’éviter une judiciarisation inutile de l’action des militaires, en particulier ceux qui sont engagés en opération extérieure. C’était un engagement attendu du Président de la République après plusieurs affaires que vous connaissez et qui pouvaient donner le sentiment d’une remise en cause du cœur du métier militaire et de l’acte d’engagement comme de l’acte de commandement.

L’objectif ici n’est pas de consacrer une quelconque immunité pénale au profit des militaires, encore moins de priver les familles de leurs droits d’accès à l’information, à la justice ou à la réparation. Ces droits, et notamment celui d’être dûment informé des circonstances dans lesquelles leurs proches ont pu être touchés, seront scrupuleusement respectés, voire accrus par les dispositions d’accompagnement que prennent le ministère et les armées.

Il s’agit en revanche de faire prendre en compte, par le droit pénal, la réalité de ce qu’est un conflit armé, dans lequel nos militaires sont prêts à donner leur vie comme d’ailleurs à infliger la mort. Il s’agit d’inscrire dans notre droit, tant au plan des procédures que sur le fond de la qualification des actes, les spécificités de situations d’action au combat, alors que nos sociétés voient le recours juridictionnel se développer si fortement.

Ces propositions ont été préparées en bonne intelligence avec les services de mon ministère et les services de la garde des sceaux, auxquels je veux ici rendre hommage. Je veux aussi saluer le travail de la commission de la défense. Le texte qu’elle a approuvé peut constituer la base d’un consensus politique autour de cet enjeu majeur. Je forme en tout cas le vœu que ces propositions recueillent un large soutien de la représentation nationale.

Mesdames et messieurs les députés, ce dernier enjeu le rappelle, le métier des armes est beaucoup plus qu’un métier. L’importance du texte qui vous est soumis aujourd’hui s’enracine aussi dans l’engagement de nos soldats, qui peut aller jusqu’à la mort. Sept d’entre eux ont été tués depuis le début de l’opération Serval. Ils combattaient des groupes djihadistes, dans le nord du Mali. Je me dois de leur rendre hommage, de nouveau, devant vous.

Cette lutte sans répit se poursuit au Mali, mais aussi dans le nord du Niger, le nord du Tchad, aux frontières algériennes et libyennes, et, au-delà, dans tout l’arc d’action de ces groupes djihadistes, depuis le Sénégal jusqu’à la Somalie.

La réussite de cette action de longue haleine se joue en partie aujourd’hui. Les moyens de renseignement, de projection, de frappe et de forces spéciales, mais aussi le soutien aux capacités d’intervention de nos partenaires, tout cela se trouve dans ce projet de loi de programmation militaire.

Si la communauté internationale le décide, nous nous apprêtons également à engager nos forces en République Centrafricaine. Dans ce pays ravagé depuis trop d’années par des coups d’États et des conflits, le chaos s’est aujourd’hui installé. La situation, tous les observateurs le soulignent, menace de dégénérer rapidement tandis que la dimension confessionnelle du conflit s’aggrave. Ce pays se trouve au confluent de la crise sahélienne, de celle de l’Afrique de l’Est et de celle de l’Afrique centrale et des grands lacs. Chacune d’entre elles trouve dans cette zone incontrôlée de l’Afrique un terreau favorable pour se développer, propice aux réseaux et aux trafiquants divers. Le terrorisme peut s’y installer et prendre de l’ampleur.

C’est pourquoi la communauté internationale doit aider les États africains à se protéger. Le Conseil de sécurité, à l’initiative de la France, s’est saisi de la question par sa résolution 2121. La France s’apprête donc à aider nos partenaires africains qui se mobilisent sur le terrain. Elle agira en appui et en accompagnement opérationnel de la force africaine qui monte en puissance dans le cadre que fixera le Conseil de sécurité, début décembre, par une nouvelle résolution.

Ce développement illustre notre conception de la sécurité en Afrique. Les pays africains doivent assurer eux-mêmes leur propre sécurité, mais nous ne pouvons les laisser seuls face aux risques et aux menaces qui, à terme plus ou moins rapproché, nous concerneraient directement. Nous pouvons jouer un rôle d’appui et d’accompagnement. C’est tout l’enjeu du sommet que la France organisera à la fin de l’année sur la paix et la sécurité en Afrique.

Mesdames et messieurs les députés, un texte de loi tel que celui-ci est par définition perfectible, et je sais gré à la commission de la défense de l’Assemblée nationale, spécialement ses rapporteures, d’avoir contribué à l’améliorer de façon significative, tout comme je remercie les commissions des lois et des finances du concours décisif qu’elles ont apporté dans ce débat. Soyez en tous remerciés.

Grâce à ces travaux, nous avons défini ensemble un projet équilibré. En confirmant ses choix en matière de défense, le Président de la République a souligné qu’il y avait là un effort que la nation consentait, non pas pour les armées en elles-mêmes, mais pour sa propre sécurité. Aujourd’hui, j’ai toute confiance dans la représentation nationale pour confirmer cette ambition dans l’intérêt de la France et le respect de celles et ceux qui la servent avec courage, professionnalisme et dévouement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, présidente et rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Mme Patricia Adam, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au fil du temps, la loi de programmation militaire est devenue une vraie boussole en matière de questions de défense, tant au sein du ministère de la défense qu’au sein de nos deux chambres. Cette tendance s’est accrue il y a cinq ans lorsque la loi de programmation, en plus des dépenses d’investissement du titre V, a fixé le plafond ministériel d’emplois pour la période considérée. Ainsi, la loi de programmation est devenue la matérialisation de l’intention politique d’un gouvernement en matière de ressources consacrées à la défense.

Cette intention est d’ailleurs précisée de façon détaillée par le rapport annexé qui fait la synthèse des moyens mis en œuvre par le Gouvernement pour traduire concrètement les objectifs stratégiques définis au sein du Livre blanc. De plus, le Gouvernement profite de l’examen de la loi de programmation militaire pour régler un certain nombre de questions en suspens qui nécessitent de recourir à la loi. Au total, la loi de programmation est donc, sous diverses formes et à divers titres, une occasion pour le Parlement de traiter de la défense nationale de la façon la plus globale et la plus étendue.

C’est la raison pour laquelle, afin de préparer au mieux l’examen de ce projet de loi, la commission de la défense a procédé à plus de trente auditions, complétées par une vingtaine d’auditions des deux rapporteures. Je remercie à cette occasion mes collègues commissaires pour leur abnégation, ainsi que nos rapporteurs spéciaux.

La commission de la défense a donc abordé l’avenir immédiat de notre défense sous nombre d’angles différents que le ministre vient de rappeler. Il me semble indispensable d’y revenir et d’en commenter quelques-uns.

L’inscription dans la loi de la mission de contrôle de l’action du Gouvernement en matière de renseignement est une authentique avancée démocratique, il faut le souligner.

Je signale aussi que, pour la première fois, la commission a auditionné l’ensemble des responsables des services de renseignement spécialisés, en février de cette année. Cela s’est très bien passé et le contact entre les membres de la commission et ces services a été particulièrement enrichissant pour tous.

D’autres thèmes ont été abordés et ont généré des débats à la tonalité plus contrastée.

Le premier thème est le déclassement stratégique de la France. Sans surprise, il a été lancé par certains collègues de l’opposition, et même repris cet après-midi lors des questions au Gouvernement. Je ne crois pas que la question du rang de la France soit réductible au montant de la programmation militaire. Elle la dépasse très largement. Le projet européen est justement la tentative de construire une grandeur, en tout cas une puissance politique qui ne soit pas corrélée avec une politique et des moyens de défense.

Je ne dis pas que c’est réaliste ni que c’est un succès, c’est affaire d’appréciation individuelle, mais nos amis allemands nous démontrent tous les jours qu’on peut être un pays puissant sans être une grande puissance militaire. La Chine, voire la Russie ont connu des périodes de faiblesse militaire. Personne n’a jamais pensé réduire l’importance de ces pays à cette faiblesse militaire momentanée. Le débat est donc légitime, mais les conclusions ne sont pas simples, d’autant moins que, dans cet espace européen, la France continue à faire figure non pas de bon élève, mais de l’un des meilleurs élèves et de première armée en Europe. Le rang de la France sur la scène stratégique, ce n’est pas seulement le montant de la loi de programmation, c’est aussi la dissuasion, la capacité d’intervention, une diplomatie de classe mondiale, le siège au Conseil de sécurité de l’ONU. Sur de tels sujets, évitons, s’il vous plaît, le simplisme.

Le deuxième thème que je souhaite évoquer est justement la dissuasion. J’ai bien remarqué que le débat sur les crédits de la mission « Défense » pour 2014 avait donné lieu à des échanges. M. de Rugy est revenu sur la question des moyens de la dissuasion en commission. Il me semble qu’en réalité, c’est l’utilité même de la dissuasion qu’il remet en cause, et il n’y a là rien de choquant. Il est normal qu’il soit imprégné de ce pacifisme qui caractérise sa famille de pensée.

M. Philippe Folliot. L’angélisme !

Mme Patricia Adam, rapporteure. Pour autant, je ne partage pas sa vision du monde. Je crois, comme le général de Gaulle, que la question qui se pose à nous est celle de l’indépendance politique, ce qu’on appelle l’autonomie stratégique. Je veux, en miroir, répondre à M. Grouard que ce qui fait le rang de la France, c’est un grand nombre de choses, parmi lesquelles la dissuasion, qui donnent à notre pays la capacité de répondre seul à une menace vitale, menace vitale que, dès lors, nous pouvons définir nous-mêmes.

La liberté de manœuvre de la France, c’est la combinaison de la dissuasion classique, c’est-à-dire la projection de forces, et de la dissuasion nucléaire. Le monde n’a pas tant changé en mieux qu’on puisse considérer que l’homme ou les États soient subitement devenus pacifistes, malheureusement. En tant que responsable politique, je ne saurais pas justifier devant mes concitoyens l’abandon de l’arme ultime qu’est l’arme thermonucléaire. Je constate que, depuis que notre pays dispose de cette arme, il n’a plus connu de grande guerre ou de pertes massives. Je ne crois pas au hasard.

La condition de la dissuasion, c’est la crédibilité. Sans crédibilité, on peut être attaqué. On peut alors devoir envisager de frapper. Pour éviter de devoir frapper, il faut dissuader. C’est là qu’il faut être crédible. Cette crédibilité, c’est la combinaison de la crédibilité interne de chaque composante et des deux composantes ensemble. Chacune a des caractéristiques propres et répond à des missions de dissuasion distinctes. Par exemple, on peut agir avec les forces aériennes stratégiques en scénarisant une montée en puissance graduée. On ne peut le faire avec les sous-marins lanceurs d’engins. Il n’y a donc pas, pour la France, de dissuasion à une seule composante. D’autres ont fait des choix différents, mais la Grande-Bretagne n’est pas la France, comme le démontre sa vision du rapport aux États-Unis, notoirement différente de la nôtre.

Enfin, toujours sur cette question de la dissuasion, je veux écarter un argument entendu en commission et repris peut-être un peu vite au sein d’une autre commission. Le Président de la République n’a pas fermé le débat sur la dissuasion au sein des travaux du Livre blanc. Il a pris une décision, sa décision, en application de prérogatives que lui confère l’article 15 de la Constitution. Il n’y a pas de tabou pour autant. Le débat a lieu, il a même lieu depuis le début des années soixante. Là non plus, on ne fait rien avancer à coup de simplifications abusives. Je prendrai d’ailleurs des initiatives, que je proposerai au bureau, afin que la commission de la défense nationale soit au cœur de ce débat.

Autre question longuement abordée en commission : les suppressions de postes au sein du ministère de la défense. L’opposition en déplore le trop grand nombre, après en avoir décidé bien plus. Certains souhaitent qu’on supprime plus d’emplois d’officiers. La vérité est sans doute au centre de gravité de cet hémicycle.

Il s’agit naturellement d’une question sensible, légitimement sensible, dirai-je même, d’autant plus que le ministère de la défense ne cesse de supprimer des emplois depuis la décision de professionnalisation prise en 1996.

M. François André. Eh oui !

Mme Patricia Adam, rapporteure. Dès lors, chaque nouvelle diminution est plus difficile que la précédente, et je crois fermement que, de la même façon que le budget de la défense ne doit plus diminuer, il faudra en finir avec les réductions d’effectifs.

Plusieurs députés du groupe UMP. Quand ?

Mme Patricia Adam, rapporteure. Ce sera à nous d’y répondre.

Alors pourquoi un nouveau train de mesures ? Tout simplement parce que cela est rendu nécessaire par la situation budgétaire dans laquelle se trouvent l’État et le ministère de la défense. La loi de programmation, déclinant le Livre blanc, propose un équilibre entre recettes de l’État, désendettement et dépenses de défense. Je témoigne ici, et M. Guilloteau pourrait en faire autant, que la question la plus difficile que la commission du Livre blanc ait eu à trancher est celle de l’équilibre entre les contraintes budgétaires de l’État et la nécessité de maintenir un outil de défense performant. C’était déjà le cas pour le précédent Livre blanc, M. Teissier peut en témoigner.

Il nous a été donné d’entendre l’analyse des hauts fonctionnaires en charge du suivi des questions budgétaires de l’État. Ces mêmes hauts fonctionnaires, à d’autres postes et sous d’autres majorités, faisaient le constat que l’État était en faillite et ont plaidé pour des solutions simples : le budget de la défense à 1 % du PIB. Ce faisant, ils ont joué leur rôle et je n’ai rien à y redire, mais ne fuyons pas le vrai débat : l’état des finances publiques est une vulnérabilité stratégique. L’arrogance des agences de notation le démontre tous les jours, notre pays peut être mis sous pression par des opérateurs économiques étrangers aux motivations quelquefois incertaines.

C’est donc tirer contre son camp que de plaider pour une augmentation impossible du budget de la défense et de refuser des mesures indispensables. C’est du courage et de la fermeté que la situation exige des responsables politiques, et vous en avez, monsieur le ministre. Pour ma part, je ne fuirai pas mes responsabilités et je vous sais gré de ne pas avoir occulté ce qu’il y a d’ingrat dans les décisions à prendre. Je ne veux pas d’un pays dans lequel nous aurions 40 000 militaires et civils de la défense en plus, l’arme au pied, sans les moyens d’exercer aucune activité.

Plusieurs députés du groupe SRC. Bien sûr !

Mme Patricia Adam, rapporteure. J’ajoute que c’est notamment l’évolution non maîtrisée des dépenses de rémunération les années précédentes qui rend ce choix nécessaire. Donc là non plus, n’ouvrons pas de mauvais débats de diversion.

Un débat connexe a été ouvert en commission, celui sur le dépyramidage. Il me semble d’ailleurs qu’il faut plutôt parler de repyramidage puisqu’il s’agirait de passer d’un cylindre à une pyramide dont la pente est le sujet de discussion. Là aussi, il nous faut éviter les mauvais débats. Pourquoi le pourcentage d’officiers a-t-il augmenté ces dernières années ? Tout simplement parce que, lorsqu’on décide de supprimer 54 000 postes d’un trait de plume au titre de la RGPP, la seule façon de remplir l’objectif politique assigné est de ne pas renouveler les contrats d’engagement qui arrivent à échéance. Or tous les militaires du rang et les jeunes sous-officiers servent en vertu d’un contrat. À l’inverse, la grande majorité des officiers sert sous statut, et il n’est pas possible de faire partir un officier qui ne le souhaite pas. Il y a donc un effet mécanique. Ce n’est pas le haut de la pyramide qui a crû, c’est la base qui a été rabotée.

Prenons un exemple. L’armée de terre a le taux d’encadrement officier le plus bas du ministère. Elle va néanmoins supporter le gros des diminutions d’effectifs à venir car c’est elle qui dispose encore, et c’est bien normal, des effectifs les plus importants. Ces diminutions toucheront très majoritairement les premiers grades de la hiérarchie militaire générale. À l’issue, il n’y aura pourtant pas d’officier en plus dans l’armée de terre. Je remarque incidemment que les deux composantes les plus encadrées du ministère de la défense sont la DGA et le service de santé. Monsieur de Rugy, tant qu’il y aura des ingénieurs militaires au sein du ministère, ils seront officiers, ainsi que les médecins. Est-ce choquant ? Je ne le crois pas. Je rends plutôt hommage aux efforts consentis par tout le personnel. En outre, j’ai d’ores et déjà informé le bureau de la commission de la défense de mon souhait de travailler sur les questions du personnel du ministère de la défense. Nous pourrions lancer bientôt une mission sur les questions de formation.

Toujours d’agissant du personnel, je suis désormais convaincue qu’il ne pourra être traité demain comme il l’était hier. Geneviève Gosselin-Fleury y reviendra mais j’en dis néanmoins un mot. Tout le monde sait que la discipline est la première force des armées. C’est en tout cas le règlement de discipline générale de 1933 qui l’affirme. Personne ici ne croit qu’un texte réglementaire puisse résister indéfiniment à l’épreuve du temps. D’ailleurs, le règlement de 1933 dura trente-trois ans puis fut remplacé, en 1966. À nous aussi, il appartient de tenir compte de la marche du monde. Il n’y a plus d’ennemi aux frontières et, surtout, les armées ont été professionnalisées il y a quinze ans. Le personnel du ministère de la défense, civil et militaire, a, sans sourciller, encaissé un train ininterrompu de mesures difficiles depuis lors. Il a incontestablement fait la démonstration de sa loyauté, de son esprit de responsabilité et de sa maturité. Cela doit être pris en compte par le commandement.

J’en appelle donc à une rénovation de la concertation au sein de ce ministère, comme le souhaitent d’ailleurs le Premier ministre et le Président de la République. Les droits des militaires sont garantis par la hiérarchie, ceux des civils sont limités par la loi de 1984. Sans remettre en cause les motifs qui fondent ces particularismes, il convient néanmoins d’adapter les modes de concertation afin de mieux répondre aux besoins et aux intérêts du ministère. Ceux qui vont au feu ont le droit de donner leur avis sur les questions statutaires, ceux qui servent comme personnel civil au sein de la défense doivent pouvoir évoquer les questions d’organisation au sein des instances compétentes. On n’a jamais été déçu lorsque l’on a fait confiance au personnel de ce ministère, alors poursuivons.

Le dernier sujet que je souhaite aborder est l’introduction de la justice de droit commun dans les opérations militaires – j’ai failli parler d’immixtion. La commission a considéré comme justifiées les deux modifications de procédure pénales introduites par le projet de loi. Je rappelle qu’il s’agit de présumer que la mort en opérations militaires n’est pas de cause inconnue et de n’engager d’éventuelles investigations qu’à l’initiative du parquet pour les faits commis par un militaire dans l’accomplissement de sa mission hors du territoire national.

Il ne s’agit en aucun cas pour nous d’offrir une impunité aux militaires. En revanche, il s’agit de réaffirmer une évidence : le militaire en opérations n’est pas un civil. Sa mission est particulière. Il tire sur ordre, il court le risque d’être tué et il a le droit de tuer. C’est cette nature particulière et unique de la mission du soldat qui justifie l’existence d’un statut général des militaires particulier, dérogatoire à celui de la fonction publique. C’est cette nature particulière qui rend le militaire vulnérable en cas d’application du code de procédure pénale. Il convenait d’y mettre bon ordre. C’est fait, et je remercie l’ensemble des membres de la commission. C’est aussi une marque de confiance de la République à l’endroit de ses soldats.

Tels sont les points que je voulais aborder, je vais laisser Geneviève Gosselin-Fleury présenter les autres aspects de ce projet de loi de programmation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées. Ce projet de loi de programmation militaire pour la période 2014-2019 est la traduction du Livre blanc de 2013 sur la défense et la sécurité nationale, qui redéfinit les missions de nos armées et en redessine les contours.

En dépit du contexte budgétaire très contraint, orienté vers un redressement nécessaire des finances publiques, le Président de la République a décidé de bâtir un nouveau modèle d’armée préservant notre souveraineté et notre autonomie stratégique. La construction budgétaire présentée par ce projet de loi de programmation militaire est donc certes sous contrainte, mais ne manque pas pour autant d’ambition. Le Gouvernement a fait le choix de garantir à la défense française un niveau de ressource préservé correspondant à 11,3 % du budget annuel de l’État, en parfaite cohérence avec les orientations fixées par le Livre blanc.

Cette architecture financière, calculée au plus juste, repose sur la nécessité, entre autres, de maîtriser la masse salariale du ministère de la défense, ce qui n’a pas été fait lors de la précédente programmation, loin de là. En effet, la programmation 2009-2014 reposait sur la réalisation de substantielles économies faites sur le soutien des forces et les ressources humaines, notamment par le biais de la suppression de 54 000 postes. Or la Cour des comptes, dans son bilan à mi-parcours de cette LPM, a soulevé un véritable paradoxe. Malgré cette réduction drastique des effectifs, elle a constaté une très forte croissance de la masse salariale : 1 milliard d’euros entre 2008 et 2011.

Un autre rapport publié par cette même Cour des comptes, le 11 octobre dernier, sur la rémunération des militaires, a également mis en avant la faible maîtrise de la gestion de leur rémunération et la sous-estimation du plan d’amélioration de leur condition.

Ajoutons à cela que les insuffisances de financement du titre II ont entraîné des prélèvements sur les budgets d’équipement au profit des dépenses de fonctionnement. La sous-dotation budgétaire pour l’équipement des forces nous a menés, pour certains programmes, presque au bord de la rupture capacitaire. Pour éloigner cette menace, vous avez dû, monsieur le ministre, prendre la décision de commander le matériel nécessaire au bon déroulement de nos opérations ; je pense bien entendu aux drones de surveillance ou encore aux outils de ravitaillement en vol.

Les suppressions de postes n’ont donc jusqu’à présent pas produit les effets escomptés. En outre, les déflations ont parfois été conduites de manière aveugle, ne suivant qu’une logique comptable. Le « désastre Louvois » en est une parfaite illustration. Rappelons qu’avant le déploiement du logiciel Louvois, la solde des militaires était traitée par des systèmes dédiés par armée et par service. L’écosystème interarmées Louvois a donc été conçu de manière que les informations relatives à la gestion des ressources humaines soient automatiquement transmises à un calculateur. Face à la contrainte des réductions d’effectifs, les postes des personnes qualifiées dans la gestion de la solde ont été supprimés avant même le basculement sur Louvois. De sorte que lorsque, monsieur le ministre, vous avez été informé de l’ampleur des erreurs commises par ce logiciel, il n’y avait plus assez de personnel compétent pour faire face aux difficultés et problèmes que de nombreuses familles de militaires rencontraient.

Pour tenter de résoudre ces multiples dysfonctionnements et atténuer les effets les plus graves de cette crise, vous avez mis en place un dispositif d’urgence. C’est afin d’éviter que de telles situations ne se reproduisent que les déflations prévues pour cette nouvelle loi de programmation devront être ciblées. En effet, le projet de LPM 2014-2019, comme nous l’avons dit, repose notamment sur une maîtrise de la masse salariale du ministère de la défense, qui suppose un nouvel effort de déflation, de dépyramidage mais aussi de civilianisation du personnel. La manœuvre des ressources humaines est donc aussi complexe qu’essentielle.

Pour mener dans les meilleures conditions possibles cette programmation militaire, les gestionnaires des ressources humaines disposeront d’outils nouveaux. Le projet de LPM prévoit la mise en place de diverses mesures permettant de gérer et planifier les déflations dans les meilleures conditions possibles. Divers outils incitatifs aux départs seront proposés par le renforcement de l’aide à la reconversion pour les personnels militaires ou bien les aides financières d’incitation au départ.

La programmation militaire qui s’achève a conduit à un repyramidage des effectifs du ministère de la défense puisqu’elle prévoyait une déflation globale non répartie par catégorie d’emplois. Alors qu’en 2008, les officiers représentaient 15,5 % des effectifs, leur proportion a augmenté pour atteindre 16,75 %. Le texte que nous étudions aujourd’hui propose une inversion de la trajectoire, en posant un objectif raisonnable de dépyramidage faisant passer le pourcentage d’officiers à 16 % en 2019. Même si ces chiffres peuvent paraître modérés, il s’agit d’un effort significatif à la fois pour les civils et les militaires. C’est pour cela que, suivant l’avis de vos rapporteures, la commission de la défense a rejeté les amendements tendant à augmenter les objectifs de dépyramidage.

En ce qui concerne la civilianisation, le Livre blanc de 2013 énonce clairement la volonté du Président de la République de recentrer le personnel militaire sur la fonction opérationnelle et de confier plus largement les postes administratifs et de soutien au personnel civil. En application de ces lignes directrices, le ministère de la défense a engagé des travaux d’analyse afin de déterminer les fonctions qui pourraient être exclusivement exercées par le personnel civil, tout en respectant les exigences posées par le contrat opérationnel. Les études sur les référentiels des effectifs en organisation permettront de définir un ratio entre le personnel civil et le personnel militaire.

Cette ambitieuse loi de programmation militaire ne pourra être menée à bien sans une forte mobilisation du personnel du ministère de la défense. Cette mobilisation passe nécessairement par une réforme de la chaîne des ressources humaines et un effort de revitalisation du dialogue social.

À ce sujet, le projet de LPM prévoit de renforcer la nouvelle gouvernance de la direction des ressources humaines. Lors de la précédente loi de programmation militaire, le basculement sur Louvois ainsi que la création des bases de défense et des centres ministériels de gestion ont contribué à une perte de proximité dans le traitement quotidien des questions relatives aux ressources humaines. C’est pour cette raison que nous avons décidé d’introduire, au rapport annexé, un amendement visant à maintenir un réseau territorial de compétence de ressources humaines de proximité. Il s’agit de faire en sorte que les personnels du ministère de la défense, qu’ils soient civils ou militaires, ne se sentent pas délaissés par leur institution. Encore une fois, les dysfonctionnements du logiciel Louvois ont montré l’importance d’une gestion des ressources humaines au plus près du personnel, accessible et capable de répondre rapidement aux questions et aux attentes.

Cette réforme de la gouvernance est en effet un gage d’efficacité, mais qui doit être complétée par de nouvelles mesures permettant une réelle adhésion du personnel de la défense. C’est pour cela qu’en accord avec le Gouvernement, nous proposons d’intégrer à cette loi de programmation des mesures entièrement consacrées à la revitalisation du dialogue social au sein du ministère. Nous avons adopté en commission plusieurs amendements allant en ce sens.

Le système du dialogue social au ministère a été organisé de manière dérogatoire au droit commun. Dans les forces armées, le dialogue social est organisé au sein du Conseil supérieur de la fonction militaire et des conseils de la fonction militaire. Le ministère de la défense a mis en place récemment avec le CSFM un groupe de travail afin d’améliorer le dialogue social dans les forces armées, qui doit déboucher prochainement sur des avancées concrètes en matière de concertation, de représentation et d’expression du personnel militaire du ministère.

Dans un souci d’équité, il nous a semblé légitime que soit approfondi en parallèle le dialogue avec le personnel civil du ministère de la défense. L’article 15 de la loi n84-16 du 11 janvier 1984 dispose que « les comités techniques établis dans les services du ministère de la défense, ou du ministère de l’intérieur pour la gendarmerie nationale, employant des personnels civils ne sont pas consultés sur les questions relatives à l’organisation et au fonctionnement des services ». Cette restriction mérite d’être assouplie : elle ne correspond plus à l’état des relations sociales dans la société française et au sein du ministère.

En outre, l’instauration d’un dialogue social approfondi permettra de faciliter l’acceptation et donc la mise en œuvre de cette nouvelle loi de programmation. Le nouvel article 28 ter B propose ainsi de limiter cette restriction aux seuls organismes militaires à vocation opérationnelle, dont la liste sera fixée par un décret en Conseil d’État.

Un autre amendement, proposé par vos rapporteures, prévoit de créer dans le rapport annexé une section consacrée au dialogue social pour le personnel civil et militaire. Pour les militaires, il est prévu, suivant les orientations définies par la concertation engagée au ministère de la défense, d’assurer une meilleure représentativité des membres des instances des conseils de la fonction militaire et un meilleur suivi de leurs travaux.

Ce projet de loi de programmation militaire met ainsi en avant l’attachement des députés à la gestion des ressources humaines au sein du ministère de la défense. Certes, l’équilibre économique sur lequel repose ce projet ne nous laisse pas d’autre choix que d’actionner le levier entraînant une contraction mesurée de la masse salariale. Néanmoins, le Gouvernement comme les parlementaires mettront tout en œuvre pour que cette programmation se passe dans les meilleures conditions possibles et de la manière la plus respectueuse du personnel de la défense.

Nous savons parfaitement que les précédentes réformes, et en particulier la création des bases de défense, ont constitué un choc culturel pour les personnels militaires et civils des armées. Le principe de l’embasement n’est pas remis en cause, il s’inscrit dans la restructuration de la chaîne de soutien qui été mise en place à partir de 2011. Cette nouvelle réorganisation est en passe d’être intégrée par les personnels.

Ce sont les restrictions budgétaires qui ont certainement eu les conséquences les plus graves. En effet, on a pu parler d’une véritable paupérisation de ces bases de défense, contraignant leurs commandants à faire des choix drastiques dans les dépenses du quotidien. Ce qu’il faut bien souligner, c’est que cette disette budgétaire, imposée par la précédente majorité, a fortement impacté le moral des armées. Un récent rapport du contrôle général des armées estime à 770 millions d’euros le niveau minimal des crédits nécessaires à un fonctionnement correct des bases de défense. Or, dans la précédente LPM, ce niveau n’a jamais été atteint. Les marges de manœuvres budgétaires des chefs de groupement de soutien des bases de défense ont été très limitées et bien souvent, les gestionnaires ont été contraints de rogner sur les dépenses d’entretien des infrastructures.

Monsieur le ministre, lors de votre déplacement au 4e régiment étranger de Castelnaudary, le 25 octobre dernier, vous avez annoncé un plan d’amélioration exceptionnel des conditions de vie et de travail dans les bases de défense, doté de 30 millions d’euros. Ce plan très attendu par le personnel a pour objectif de répondre de manière concrète et rapide aux attentes exprimées sur le terrain et permettra aux bases de défense de retrouver des conditions de fonctionnement dignes.

Voilà les différents points sur lesquels il me paraissait important de revenir avant de débuter l’examen de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gwenegan Bui, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Gwenegan Bui, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. En vertu d’une tradition désormais bien établie, la commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis du projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019.

C’est un moment important de la République : le vote de son budget pluriannuel de défense. Ce n’est pas un débat anodin, loin de là. C’est une stratégie, des hommes, des femmes et des moyens matériels pour y répondre, et ce pour les cinq prochaines années, ce qui est important pour donner la perspective à nos armées. C’est aussi un débat qui incarne la volonté de protéger les intérêts vitaux et stratégiques de la France. Voilà ce qui nous est proposé dans le débat ce soir.

Avant toute chose, la plus-value de la commission des affaires étrangères est de passer la LPM au tamis, si vous me passez l’expression, des enjeux internationaux et des engagements de la France. Il me semble donc utile de revenir sur le contexte stratégique au regard duquel ont été élaborés le Livre blanc et donc le projet de loi que nous examinons, contexte qui justifie de ne pas baisser la garde.

Parmi les différents points évoqués dans mon avis, je souhaite en rappeler un qui constitue un sujet de préoccupation majeur : la combinaison de l’impact de la crise financière sur les budgets militaires en Europe avec un pivot américain bien réel. Ce pivot conduit les États-Unis à redimensionner à la baisse leurs moyens militaires présents en Europe et à renforcer leurs capacités dans le Pacifique, dans une optique de containment chinois. La certitude d’une intervention américaine en Europe, ou dans sa périphérie, comme l’a montré l’épisode syrien, n’est plus aujourd’hui acquise, tout simplement faute de matériel et de militaires sur le territoire européen.

Il y a là une invitation faite aux États européens à assumer leur propre défense qui ne trouve, malheureusement, en ce moment, que trop peu d’écho. Les contraintes budgétaires actuelles conduisent au repli sur soi et empêchent l’Europe de la défense d’avancer. Pour certains États, les questions de défense ne sont pas clairement une priorité. D’autres restent fondamentalement attachés à l’OTAN et demeurent extrêmement réticents à toute projection des forces en dehors du territoire européen. Ils espèrent, sans le dire ouvertement, pouvoir continuer à bénéficier du bouclier américain à peu de frais. Il y a aussi une forme de fatigue expéditionnaire après une décennie 2000 marquée par des engagements longs et douloureux en Afghanistan ou en Irak, qui ont épuisé les hommes, les budgets et les opinions publiques.

Cette situation est d’autant plus dommageable que la France n’est pas la seule en Europe à avoir conscience des risques. Nous avons des partenaires qui veulent aller de l’avant. N’attendons donc pas l’impossible unanimité européenne pour avancer ! Je tiens par exemple à citer le cas de la Pologne, qui est aujourd’hui l’un des seuls pays européens à maintenir un effort conséquent en matière de défense. Il est également l’un des États les plus engagés dans le développement de la PSDC. C’est un partenaire majeur avec lequel nous devons travailler.

M. Jean Launay, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est vrai ! Nous le ferons.

M. Gwenegan Bui, rapporteur pour avis. La Pologne apprécie notre volontarisme, comme récemment au cours d’un exercice militaire sur le sol polonais et dans les pays baltes : la France y a envoyé 1 200 militaires, contre à peine une compagnie pour les États-Unis et aucun soldat pour l’Allemagne. Ce type d’initiative doit être salué, conforté et avoir une soutenabilité dans la durée, afin de démontrer notre plus grande implication dans la sécurité collective à l’est et au nord de l’Europe. Nous devons être une sorte de pivot, à notre niveau, vers des États demandeurs de plus de coopération européenne et sortant du champ de nos partenaires habituels. Mais l’Europe de la défense est un sujet qui trouvera bien évidemment toute sa place lors du Conseil européen de décembre sur lequel la présidente de la commission des Affaires étrangères entend revenir dans son intervention.

Pour ce qui est du projet de loi de programmation militaire en tant que tel, je ne vais pas revenir sur ses détails précis. Mmes Adam et Gosselin-Fleury en ont parfaitement rappelé le contenu et les enjeux. Toutefois, je tiens à saluer son ambition louable de ne pas obérer l’avenir. Ce texte maintient un effort de défense significatif, alors même que nous connaissons tous les contraintes qui pèsent sur les finances publiques. Il prévoit le maintien des crédits de la mission défense à 31,4 milliards d’euros pour les années 2014, 2015 et 2016. Les ressources disponibles devraient ensuite augmenter pour atteindre 32,5 milliards en 2019, le terme de la LPM. C’est un véritable défi collectif qui est devant nous. Les crédits sont stabilisés en valeur sur les trois premières années de la programmation. Nos armées contribueront donc à hauteur de l’inflation au redressement des finances publiques de notre pays, dont la dégradation est aussi un enjeu de souveraineté important.

En ces temps budgétaires difficiles, il affiche la volonté de conserver l’ensemble des capacités aujourd’hui détenues par nos armées : aucun abandon de compétence, aucun renoncement. C’est crucial. Même si les efforts demandés sont lourds en termes de réduction d’effectifs en particulier, nos ambitions sont intactes et il n’a pas été fait le choix d’un déclassement, comme certains ont pu le prétendre. Ce concept est en effet totalement récusé par l’ensemble des acteurs, militaires et experts, que j’ai pu auditionner.

M. Yves Fromion. Eh bien !

M. Gwenegan Bui, rapporteur pour avis. Bien sûr, cela n’est pas acquis. Il conviendra de veiller au respect de la trajectoire financière de la LPM, à l’euro près. Monsieur le ministre, vous pourrez compter sur l’appui des parlementaires pour cette vigilance. Dans le cas contraire, il faudra s’attendre à de sérieuses difficultés avec le risque, pour le coup, de décrocher réellement et rapidement, à l’image, par exemple, des Pays-Bas. C’est un cas fréquemment cité par mes interlocuteurs au cours des auditions que j’ai menées dans le cadre de la rédaction de mon avis. Les Pays-Bas ont tout fait pour conserver à tout prix leur triple A, allant jusqu’à sacrifier leur outil de défense. Pour la première fois en quatre cents ans, la marine néerlandaise ne patrouillera pas dans les Antilles.

Par ailleurs ce souci de ne pas obérer l’avenir passe aussi par un effort important sur les études en amont, avec in fine la volonté de préserver notre outil industriel, et sur la préparation opérationnelle. Le projet de loi fixe des normes semblables à celles de la LPM 2009-2014. Il prévoit qu’elles soient atteintes à partir de 2016, au fur et à mesure de la réalisation du nouveau modèle d’armée, avec une attention soutenue en faveur de ce secteur. De même, le projet de loi entend combler trois lacunes que connaissent depuis longtemps nos armées et qui ont été particulièrement criantes en Libye comme au Mali. Il s’agit, vous le savez, de la question des drones, du ravitaillement en vol et du transport.

Le projet de loi confirme l’acquisition de douze drones Reaper. D’aucuns pourront critiquer l’achat sur étagère de matériel américain. Notre pays, il est vrai, ne manque pas de talents industriels ou technologiques. Mais en quinze ans, qu’avons-nous fait ? Avons-nous réussi à combler notre lacune capacitaire ? Non, rien que des conflits, des blocages et des discussions sans fin ! Il a fallu prendre une décision et M. le ministre a décidé de combler cette lacune sérieusement handicapante pour nos armées en achetant ce matériel. Nous saluons ce choix. Il en va de même dans le domaine du ravitaillement en vol, avec la réalisation tant attendue du programme MRTT. Enfin, en matière de transport aérien stratégique, la confirmation et la sécurisation du programme A400M doivent être également saluées. La LPM contribuera à mettre fin à ces lacunes. C’est une bonne chose pour la France et pour nos soldats.

Bien évidemment, je suis loin de minimiser les difficultés qui pèsent sur les missions que nos soldats doivent assumer et personne, dans cet hémicycle, ne le fait. L’une d’elles me tient cependant particulièrement à cœur : il s’agit de la capacité de la marine nationale à continuer à assurer, dans le temps, ses missions de souveraineté. Pour mémoire, notre zone économique exclusive représente 11 millions de km2. On peut légitimement craindre que, dans ce domaine, la diminution constante des moyens, ces dernières années, ne fragilise quelque peu la capacité de la France à préserver sa souveraineté sur les espaces en sa possession. Mais on peut craindre aussi qu’elle ne réduise qu’à peu de choses sa capacité à intervenir en cas de crise éloignée de la métropole. L’exemple du Pacifique me paraît, à cet égard, particulièrement éclairant.

La Chine, le Japon et la Corée du Sud font partie des dix pays dont les dépenses militaires sont les plus importantes. Les sources de conflit sont multiples dans ce secteur : les Kouriles, les Spratleys, les Paracels ou les Senkaku. Le risque de conflits interétatiques y est relativement élevé et les événements des jours derniers viennent renforcer notre inquiétude. La France aurait beaucoup à perdre si un conflit éclatait dans cette région, relativement à ses alliances, bien sûr, mais aussi à son économie puisque un quart du commerce international transite par cette zone. Un blocage nous poserait de graves difficultés et nos moyens dans la région, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, seraient bien faibles, en tonnage, en nombre et en temps de réponse. Il serait paradoxal que notre pays, alors même qu’il a la chance d’être présent sur tous les océans, ne puisse se reposer que sur des unités basées en métropole avec les délais que cela suppose – plus de trente jours. Beaucoup de questions restent en suspens. Nous devons être vigilants et exercer une amicale pression pour que les futurs arbitrages, monsieur le ministre, ne soient pas une nouvelle fois défavorables dans ce secteur tout particulièrement.

Il m’a aussi semblé intéressant de me livrer à un exercice prospectif, comme nous l’avons fait au sein de la commission des affaires étrangères, en m’intéressant à la prochaine programmation, celle qui couvrira la période post-2020 – car les choix de 2020 se préparent en ce moment. D’ores et déjà, deux thèmes seront au cœur des débats et doivent être discutés sans tarder pour mieux préparer cette échéance. Le premier, qui a été développé par le ministre, est la cyberdéfense. Certes, le sujet était déjà présent dans le Livre blanc de 2008 et il occupe une place importante dans celui de 2013. L’actualité est brûlante en la matière, mais, dans ce domaine, nous ne sommes qu’au début de l’histoire militaire. Le projet de loi contient plusieurs articles visant à adapter le droit aux nouveaux défis. Il prévoit aussi un effort remarqué et important dans le développement de capacités militaires dans ce domaine : c’est très positif. Mais la matière est en évolution constante et de nouvelles interrogations se font jour, lesquelles occuperont une place croissante à l’avenir, comme celle de la définition d’un cadre pour nos capacités de cyberdéfense offensives. Il reste en particulier à identifier ou à définir une véritable doctrine française d’emploi de ces capacités, comme le cadre d’actions collectives ou non, ainsi que le contrôle parlementaire de ce type d’actions.

Un second thème, plus sensible, est à mon sens à approfondir d’ici à 2020 : celui de la dissuasion nucléaire. Levons d’emblée toute ambiguïté : je suis favorable à la préservation de notre dissuasion nucléaire, avec ses deux composantes. Mais ce préalable posé, je ne reste pas sourd aux nombreuses questions qui se posent dans le pays, qu’a relevées également la présidente de la commission de la défense. La dissuasion est-elle utile ? Quelle utilité, en effet, peut avoir la dissuasion dans un monde multipolaire ? Cette question peut légitimement se poser aujourd’hui, lorsque l’on sait que l’arme nucléaire est une arme de guerre froide, conçue par des États pour paralyser d’autres États. Que faire face aux menaces asymétriques ? De même, comment articuler la dissuasion et le développement de moyens de défense antimissiles ?

Par ailleurs, la dissuasion est-elle soutenable financièrement ? Les crédits qui lui sont dédiés sont importants. Dans le projet de loi de finances pour 2014, ils s’élèvent à 3,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3,5 milliards en crédits de paiement au total, en incluant les crédits de tous les programmes de la mission « Défense ». Ces dépenses sont lourdes. Dans une situation budgétaire tendue comme aujourd’hui, elles peuvent légitimement susciter un débat et nombreux sont ceux qui voient là une solution pour améliorer le sort des unités conventionnelles. Ce débat existe hors des armées comme dans les armées.

On peut également s’interroger sur la nécessité de disposer de deux composantes. Certains plaident, par exemple, pour un abandon de la composante aérienne. S’appuyant sur des précédents historiques, ils arguent notamment de sa vulnérabilité, sans pour autant voir son intérêt en appui de la manœuvre diplomatique ou dans le cas où notre pays devrait donner un ultime avertissement. La question du risque d’isolement de notre pays en Europe doit être également posée. Même si l’attachement britannique à la dissuasion a été confirmé encore récemment par le Premier ministre David Cameron, la décision définitive de poursuivre le programme nucléaire n’est pas encore prise et devrait intervenir en 2016, après les élections législatives prévues en 2015. De surcroît, je tiens à rappeler que la base des SNLE britanniques est située à Faslane, en Écosse. C’est là un élément à prendre en compte à quelques mois du référendum sur l’indépendance de cette dernière, prévu en septembre 2014.

Or l’ensemble des questions que je viens d’évoquer ne font quasiment pas l’objet de débats aujourd’hui en France, contrairement à ce qui peut se passer, par exemple, au Royaume-Uni ou aux États-Unis. La Chambre des Communes a ainsi longuement discuté, l’été dernier, des alternatives possibles au missile Trident. En 2006, le gouvernement britannique a publié un Livre blanc sur la dissuasion, qui a été actualisé en 2012 et devrait faire prochainement l’objet de nouveaux développements. Aux États-Unis, la Nuclear Posture Review assure la même fonction. La dernière a été publiée en avril 2010, après celles de 1994 et de 2002. Elle découle d’une réflexion globale, impliquant toutes les parties prenantes, et vise à fixer la stratégie nucléaire américaine pour les cinq à dix années à venir. Sur la forme, c’est un travail de concertation, à tous les niveaux, sur une thématique sensible. Sur le fond, la Nuclear Posture Review fixe les orientations à donner pour que l’arsenal nucléaire américain réponde plus efficacement aux menaces actuelles.

Dans notre pays, trop souvent selon moi, la prééminence exclusive du chef de l’État, la confidentialité de nombreuses informations et la nécessaire incertitude qui entourent la dissuasion conduisent certains à considérer, à tort, que cette dernière ne doit et ne peut être débattue. On se retranche derrière l’évidence d’un dogme établi et l’on recourt parfois à l’invective pour décrédibiliser ses interlocuteurs. Il ne faut pas avoir peur de débattre de la dissuasion. Pas du quotidien bien évidemment, des itinéraires des patrouilles du SNLE ou des performances exactes des missiles ASMP emportés par les Rafale ! Mais notre stratégie peut et doit faire l’objet de débats publics sur sa pertinence, sa crédibilité et son évolution. Si l’on souhaite renouveler le consensus national sur les forces nucléaires, il doit reposer sur des arguments solides qui ne pourront convaincre qu’à l’issue d’un débat où toutes les positions auront pu s’exprimer et où chacun aura pu montrer la valeur de ses arguments. Rien ne serait pire que de disposer d’armes nucléaires sans savoir pourquoi, en maniant des concepts erronés.

Qui plus est, le débat doit également servir à anticiper. Pensons par exemple à l’échec du tir d’un missile M51, en mai dernier, au large du Finistère : une grande partie de la presse s’est alors étonnée du coût de la dissuasion ! Il faut anticiper également les échéances puisque notre pays va devoir, dans les années qui viennent, prendre des décisions lourdes pour poursuivre la modernisation et le renouvellement de notre outil de dissuasion. Je songe notamment au lancement de la troisième génération des SNLE dont les études préalables ont déjà commencé. Comme je l’ai souligné préalablement, dans un contexte budgétaire contraint, le coût de cet effort de renouvellement risque d’être moins accepté que par le passé, rendant plus que nécessaire la tenue d’un débat avant que nous ayons à discuter de la prochaine loi de programmation militaire.

Je sais, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas opposé à une telle démarche, comme vous avez pu m’en faire part le 2 octobre dernier en commission, lorsque vous m’avez répondu que prendre l’initiative d’une réflexion sur la nature de la dissuasion dans un environnement de prolifération et dans un contexte d’après-guerre froide ne vous dérangeait pas. C’est pour cela que je souhaite que le Parlement se saisisse, dans les modalités que nous trouverons les plus adéquates, et comme vient également de le proposer la présidente Patricia Adam, du débat sur ce sujet d’importance nationale, qui a des implications militaires, diplomatiques, financières, économiques et environnementales. Nous devons débattre, sans quoi il risquerait d’être trop tard.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Jean Launay, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote d’une loi de programmation militaire est de première importance pour nos armées et pour notre nation, puisqu’elle définit le cadre de référence pour construire un modèle d’armée cohérent dans la durée et adapté aux problématiques du monde contemporain. À la suite du Sénat, qui a adopté le texte le 21 octobre dernier, notre assemblée va se prononcer sur la programmation militaire pour les six prochaines années. Bien que seules les lois de finances votées dans un cadre annuel aient vocation à déterminer les ressources et les dépenses qui seront effectivement engagées, la loi de programmation constitue une référence de première importance au moment du vote des budgets successifs. En effet, la LPM détermine une trajectoire financière dont le respect permettra à nos armées de mener à bien les opérations d’investissement et de modernisation essentielles pour atteindre les objectifs stratégiques définis par le Livre blanc. Je résumerai en trois points ces objectifs.

En premier lieu, il fallait définir une trajectoire qui concilie souveraineté budgétaire et souveraineté stratégique. Les objectifs fixés par la précédente LPM, établie avant la crise, n’étaient plus tenables et n’étaient d’ailleurs pas tenus. Pour les années 2009 à 2013, elle prévoyait une ressource de 161,9 milliards d’euros, mais le ministère de la défense n’a bénéficié que de 157,1 milliards, en retrait de 4,8 milliards par rapport à la programmation initiale, soit le prix de quarante-huit avions de chasse de type Rafale… Il fallait donc revenir à une trajectoire plus réaliste.

En deuxième lieu, il était nécessaire de moderniser notre outil de défense en tenant compte de l’évolution du contexte international et des menaces qui pèsent sur notre pays. Trois grands principes ont été retenus : autonomie stratégique, différenciation des forces, mutualisation des forces. Ils guident les investissements nécessaires prévus par la LPM sans oublier – mais vous l’avez vous-même souligné, monsieur le ministre – l’effort en matière de recherche et de technologie.

Enfin, le troisième axe stratégique retenu par le Livre blanc est la priorité accordée au maintien de l’activité opérationnelle. Ce concept recouvre essentiellement l’entraînement des forces, mais aussi la disponibilité des matériels que nos soldats sont amenés à utiliser. Or cette disponibilité des équipements n’a pas cessé de décliner au cours des dernières années, notamment en raison du coût de la sophistication croissante des matériels. C’est pourquoi, sur la période 2014-2019, l’augmentation annuelle moyenne des crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels sera de 4,3 %, s’établissant ainsi, sur l’ensemble de la période, à un niveau annuel moyen de 3,4 milliards d’euros courants. Cette hausse des crédits permettra donc d’accompagner la hausse des coûts de maintenance liée à l’arrivée de matériels de nouvelle génération du type Tigre, NH90 ou Rafale. Elle permettra aussi de faire face à la nécessité de prolonger la vie de certains matériels – les Atlantique 2 par exemple.

J’en viens maintenant, monsieur le ministre, au cœur de mon propos, c’est-à-dire à l’analyse de la trajectoire financière telle qu’elle est prévue par la loi de programmation militaire.

Selon l’article 3, les ressources programmées au profit de la mission « Défense » s’élèveront à 190 milliards d’euros courants, soit 179,2 milliards d’euros constants sur l’ensemble de la période 2014-2019. Durant les trois premières années, le montant total des ressources de la mission « Défense » sera ainsi préservé en valeur au niveau de la loi de finances initiale pour 2013. À partir de 2017, il est prévu un renforcement progressif des crédits budgétaires de la mission, qui atteindront 32,51 milliards d’euros en 2019. Au total, entre 2014 et 2019, les crédits de la mission « Défense » progresseront donc de 3,6 %. Le maintien, puis l’augmentation, des crédits de la défense correspondent à la double volonté du Président de la République et du Gouvernement de maintenir l’ensemble du spectre des missions actuellement confiées à nos armées et de préserver notre base industrielle et technologique de défense, qui représente près de 165 000 emplois directs et indirects. À ce titre, il est important de souligner qu’aucun des grands programmes d’armement n’est remis en cause ou abandonné, même si le ministère de la défense a entrepris de renégocier certains contrats afin d’étaler dans le temps les livraisons – c’est notamment le cas des sous-marins type Barracuda et des hélicoptères NH90.

Les dépenses d’équipement seront en moyenne de 17,2 milliards d’euros par an, avec une accélération progressive sur la période de programmation, puisque 16,5 milliards d’euros d’investissement sont prévus en 2014, mais 18,2 milliards en 2019. Au total, 102 milliards d’euros seront consacrés à l’équipement de 2014 à 2019.

Un tel effort d’investissement donne du sens au principe de mutualisation au niveau européen, et la programmation confirme la poursuite des grands programmes conduits en coopération. C’est un sujet sur lequel j’ai travaillé l’an dernier, dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle, avec mes collègues François Cornut-Gentille et Jean-Jacques Bridey.

Enfin, pour préparer l’avenir et les équipements du futur, le secteur des études amont sera renforcé et bénéficiera annuellement d’une dotation moyenne de 730 millions d’euros, soit une hausse de 10 % par rapport à la période couverte par la précédente LPM.

Cette programmation est donc ambitieuse, mais elle me semble à la fois réaliste et nécessaire. Le « budgétaire » que je suis partage avec vous, monsieur le ministre, le souci de la voir respectée dans la durée. Certains points méritent à ce titre une attention particulière : la perception des ressources exceptionnelles, le financement des opérations extérieures, la maîtrise de la masse salariale et le respect des hypothèses d’exportations.

S’agissant des recettes exceptionnelles, 6,1 milliards d’euros sont programmés. Cela représente une somme importante, notamment pour les premières années de la programmation puisque 1,77 milliard d’euros sont prévus en 2014 et en 2015, puis 1,25 milliard en 2016. Ces ressources déclinent ensuite entre 2017 et 2019 pour n’atteindre cette année-là que 150 millions d’euros. Ces ressources exceptionnelles seront notamment constituées – je vous sais gré d’avoir rappelé votre souci de la transparence à ce sujet – de l’intégralité du produit de cession d’emprises immobilières utilisées par le ministère de la défense pour au moins 660 millions sur la période 2014-2016, des redevances versées par les opérateurs privés – au titre des cessions de fréquences déjà réalisées lors de la précédente LPM – pour 200 millions et d’un nouveau programme d’investissements d’avenir – le PIA – au bénéfice de l’excellence technologique des industries de défense pour 1,5 milliard – les crédits étant déjà prévus dans le projet de loi de finances pour 2014. Ces ressources que je viens de présenter seront perçues de manière certaine par le ministère pour un montant total de 2,38 milliards. Il reste donc à trouver 3,72 milliards pour atteindre les 6,1 milliards d’euros.

Des ressources exceptionnelles supplémentaires seront en majeure partie issues du produit de la mise aux enchères des fréquences comprises 694 mégahertz et 790 mégahertz, que l’on appelle communément « la bande des 700 ». Il s’agit du premier point de vigilance que je voudrais souligner, car si le montant anticipé n’apparaît pas exagéré du fait que les fréquences basses sont très demandées par les opérateurs, le calendrier est plus incertain puisqu’il doit y avoir une négociation européenne à la fin de l’année 2015, connue sous le nom de « deuxième dividende numérique », sur l’harmonisation des fréquences en Europe. Or les opérateurs ne se mobiliseront certainement pas avant cette date pour acheter les fréquences. En raison du système des vases communicants qui prévoit le remplacement progressif des ressources exceptionnelles par des crédits budgétaires, cela peut poser un problème, non quant au montant des ressources, mais quant à leur calendrier de perception.

Pour parer à toute éventualité, deux clauses de sauvegarde ont donc été introduites par rapport à la rédaction initiale de l’article 3 de la LPM : en premier lieu, d’autres ressources exceptionnelles issues de cessions éventuelles de participations au sein d’entreprises publiques pourront être mobilisées en cas de décalage ou d’insuffisance des recettes effectivement perçues ; et puis si ces autres recettes exceptionnelles n’étaient pas au rendez-vous, des crédits interministériels seraient mobilisés.

Je constate, et je m’en réjouis, qu’un amendement gouvernemental précisera que le montant des recettes exceptionnelles pourra être augmenté de 500 millions d’euros en 2014 afin de sécuriser la programmation des opérations d’armement jusqu’à la première actualisation de la programmation en 2015 si la soutenabilité financière de la trajectoire des opérations d’investissements programmée par la présente loi apparaissait compromise.

La nouvelle version du texte paraît donc de nature à garantir que les équilibres financiers sur lesquels repose la LPM ne seront pas remis en cause. C’est pourquoi je suis favorable à l’article 3 modifié par l’amendement du Gouvernement.

Cela étant, je présenterai pour ma part un amendement visant à ce que l’utilisation des recettes exceptionnelles soit détaillée au niveau des actions et des sous-actions des programmes concernés dans le rapport annuel d’exécution transmis par le Gouvernement au Parlement. Nous saurons ainsi de manière précise à quoi ces recettes ont pu servir au ministère de la défense, et nous aurons ainsi l’assurance qu’il ne s’agit pas de « monnaie de singe » comme certains l’ont craint.

Le deuxième point de vigilance concerne les opérations extérieures. L’article 3 bis de la LPM prévoit en effet une diminution de l’enveloppe annuelle, qui passe de 630 millions d’euros à 450 millions à partir de 2014. Cette réduction des crédits consacrés aux OPEX peut, a priori, apparaître problématique, étant donné que l’enveloppe est systématiquement dépassée. Mais, à y regarder de plus près, cette rédaction est favorable au ministère de la défense, car l’article prévoit que les surcoûts nets « non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures font l’objet d’un financement interministériel ». On me dira que c’était déjà une pratique ; ce sera désormais une obligation, puisque la pratique va être transcrite dans la loi.

Le dispositif financier des OPEX repose sur la distinction entre les missions extérieures traditionnellement confiées au ministère de la défense – présence au Liban ou en Côte d’Ivoire par exemple –, dont le coût devra être couvert par la dotation de 450 millions d’euros, et les missions exceptionnelles décidées par le pouvoir politique – intervention en Mali ou en Libye –, dont le surcoût relèvera de la mobilisation de crédits interministériels pour ne pas affecter les crédits propres du ministère de la défense. Alors que le Gouvernement vient d’annoncer le déploiement de 1 000 hommes supplémentaires en RCA, je suis convaincu que cette clause s’appliquera et que cela permettra d’éviter de grever le budget du ministère. Je suis donc favorable à la rédaction actuelle de l’article 3 bis, mais il faudra bien sûr, là aussi, être vigilant pour que cette clause de sauvegarde soit bien appliquée.

La troisième condition nécessaire à une réalisation de la trajectoire financière conforme aux prévisions réside dans la maîtrise de la masse salariale, et c’est l’objet de l’article 4. Sous la précédente loi de programmation, on a constaté, mes collègues l’ont rappelé, que le coût de la masse salariale n’a cessé de progresser malgré les réductions d’effectifs. C’est pourquoi le projet de loi prévoit 23 500 réductions de postes supplémentaires par rapport à la précédente programmation, mais accorde aussi une attention accrue à la problématique du repyramidage afin de contenir l’évolution des effectifs d’officiers. Ainsi, dès 2015, on devrait assister à une réduction des dépenses de titre 2 après des décennies d’augmentation constante : d’un montant annuel moyen de 11 milliards d’euros en 2013 et en 2014, celles-ci devraient approcher les 10,2 milliards en 2019. Vous avez à juste titre souligné, monsieur le ministre, que ces réductions d’effectifs cibleront en priorité les fonctions soutien par rapport aux unités opérationnelles, selon un rapport de deux tiers pour un tiers. Je crois nécessaire de rappeler que l’armée française, avec un effectif de 242 279 personnes en 2019, restera la plus grande armée d’Europe.

Le quatrième et dernier point de vigilance concerne les exportations. On a constaté, sous la précédente LPM, que l’absence d’exportation de certains matériels, je pense notamment aux avions Rafale, avait engendré des mouvements de crédits très importants au détriment d’autres programmes d’équipement en raison des contrats de livraison liant l’État aux industriels concernés. Dans la présente LPM, l’hypothèse est faite que les exportations prendront le relais des commandes d’État. À titre d’exemple, à partir de 2017, l’État n’achèterait plus de Rafale. Ce scénario est plausible compte tenu des informations que vous donnez régulièrement, monsieur le ministre. La France est ainsi engagée avec l’Inde dans des négociations exclusives portant sur la vente de 126 avions Rafale, dont dix-huit seront construits en France ainsi que les kits de livraison des autres appareils, ce qui est de nature à changer la donne s’agissant des contrats liant l’État à Dassault.

C’est pourquoi l’un des objets de la clause de rendez-vous de 2015, inscrite au troisième alinéa de l’article 4 bis de la LPM, est de faire un point d’avancement sur les hypothèses d’exportation, ce qui permettra de renégocier des contrats, le cas échéant.

Je suis favorable à cet article mais je vous présenterai un autre amendement visant à mieux informer le Parlement dans ce domaine de la connaissance des exportations d’armement de la France.

Afin de mieux anticiper les résultats en la matière, je proposerai donc que le rapport sur les exportations soit fourni en même temps que les documents annexés à la loi de règlement, c’est-à-dire au plus tard à la date du 1er juin. Nous veillerons également au bien-fondé des contrats liant l’État aux industriels.

Enfin, je voudrais mentionner un dernier élément qui ne relève pas directement de la LPM mais dont l’enjeu est fondamental : le report de charges cumulé qui atteint près de 3 milliards d’euros, dont 2 milliards pour le seul programme 146 consacré à l’équipement des forces.

Il me semble essentiel que les gels et surgels, qui ont bloqué une partie importante des crédits du ministère de la défense – jusqu’à 20 % des crédits de l’armée de terre par exemple – soient enfin levés pour ne pas aggraver cette problématique.

À cet égard, je vous avoue mon inquiétude lorsque j’ai appris que le ministère allait devoir trouver 500 millions d’euros supplémentaires d’économies sur les crédits mis en réserve, afin de contribuer à l’économie générale de 3 milliards d’euros prévus par la loi de finances rectificative.

Les amendements déposés par le Gouvernement, que j’ai mentionnés, nous rassurent : ils prévoient 500 millions d’euros supplémentaires au titre des recettes exceptionnelles. Il nous faudra bien sûr être vigilants, comme pour l’ensemble des recettes exceptionnelles, et nous assurer que la mobilisation et l’inscription de ces crédits seront exécutées en temps et en heure.

Ce dernier point mis à part, je voudrais souligner que cette loi repose sur un mécanisme simple : si le ministère de la défense parvient à mener à bien les réformes qu’il doit conduire, alors il disposera de crédits suffisants ; inversement, si des dérapages sont constatés, il se trouvera en situation d’autoassurance.

Par contre, s’il doit faire face à des aléas qui ne dépendent pas de sa volonté, comme les interventions extérieures ou la non-perception des ressources exceptionnelles au moment voulu, des clauses de sauvegarde prévoient la mise en œuvre d’un financement interministériel, afin que le budget propre de la défense ne soit pas excessivement mis à contribution.

Ce mécanisme d’équilibre ainsi que le caractère réaliste des prévisions inscrites dans le texte me permettent donc de donner un avis favorable sur ce projet de loi de programmation, tout en recommandant une vigilance particulière sur les quatre points que j’ai mentionnés.

Les efforts consentis pour le budget de la défense sont donc importants alors même que le contexte budgétaire est contraint et que nous pouvons observer des coupes chez tous nos voisins, y compris outre-Atlantique.

Je considère donc que cette LPM, si elle est respectée – et nous ferons tout avec vous, monsieur le ministre, pour qu’elle le soit – permettra de préserver notre capacité globale d’action et de conserver le consensus politique observé depuis des années pour le maintien d’un outil de défense moderne et puissant, loin de l’idée insidieuse de déclassement que certains voudraient voir prospérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Verchère, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Patrice Verchère, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’exprime ici au nom de la commission des lois, saisie pour avis des articles 4 ter à 22 du projet de loi de programmation militaire.

Je souligne donc que mon propos vise à rendre compte des travaux, consensuels, de la commission des lois sur ces articles, puisque les amendements ont été adoptés à l’unanimité de la commission ; il en a été de même pour l’avis positif sur ces vingt-quatre articles, lui aussi unanime. Mais je précise qu’à titre personnel j’approuve les positions de mon groupe sur les articles 1er à 4, à propos desquels je nourris de vives inquiétudes.

Les vingt-quatre articles dont la commission des lois s’est saisie pour avis correspondent à l’ensemble des dispositions relatives au renseignement, au contrôle parlementaire et au cadre juridique dans lequel nos services agissent, auxquelles s’ajoute l’article 22 portant sur la protection fonctionnelle des ayants droit des militaires décédés en opérations et de certains personnels civils.

Depuis la création, en 2007, de la délégation parlementaire au renseignement, les pouvoirs publics ont mené une réflexion sur le rôle et les moyens de nos services de renseignement.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 avait érigé la problématique « connaissance et anticipation » en fonction stratégique, ce qui traduisait la reconnaissance de l’importance du renseignement pour notre sécurité nationale. Ce même Livre blanc constatait : « Les activités de renseignement ne disposent pas aujourd’hui d’un cadre juridique clair et suffisant. Cette lacune doit être comblée. »

Je suis convaincu que le législateur, avec ce projet de loi de programmation militaire, a une chance historique de consolider la légitimité de nos services de renseignement, notamment en renforçant le contrôle parlementaire, ainsi que les moyens juridiques dont ils disposent.

La commission des lois a largement pris sa part de la réflexion sur le cadre juridique de nos services de renseignement. Dans le cadre de l’examen de la présente loi de programmation, elle a entendu le coordonnateur national du renseignement et le directeur central du renseignement intérieur. J’ai également entendu les responsables de tous les services de la communauté du renseignement ainsi que le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale.

Par ailleurs, la commission des lois a créé, dès le début de la législature, une mission d’information sur l’évaluation du cadre juridique applicable aux services de renseignement, dont les travaux ont duré neuf mois, sous l’égide du président Jean-Jacques Urvoas.

En tant que vice-président et co-rapporteur de cette mission d’information, je me réjouis que plusieurs des préconisations avancées dans le rapport d’information trouvent une traduction législative dans le présent projet de loi.

Il en est ainsi du renforcement des prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement, du rapprochement de cette dernière avec la commission de vérification des fonds spéciaux et des différents outils juridiques qu’il entend mettre à la disposition des agents des services de renseignement, tant pour faciliter leurs missions – avec, par exemple, un accès élargi aux fichiers – que pour les protéger juridiquement, notamment par le renforcement de la préservation de leur anonymat dans le cadre des procédures judiciaires.

Les amendements adoptés par la commission des lois, lors de sa réunion du 6 novembre dernier, ont pour finalité de consolider et d’adapter le contrôle parlementaire et de renforcer le rôle du Premier ministre comme interlocuteur naturel de la délégation parlementaire au renseignement.

Ils ont été, pour la plupart, adoptés par la commission de la défense, où j’ai eu l’honneur de les défendre, et figurent donc dans le texte dont nous discutons ce soir.

J’en viens précisément aux vingt-quatre articles que la commission des lois a examinés.

Les articles 4 ter à 4 sexies contiennent des dispositions relatives au contrôle parlementaire de l’exécution de la loi de programmation. Ils ont été introduits dans le texte à l’initiative de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

Dans mon rapport écrit, je me suis interrogé sur l’article 4 ter, qui confie aux membres des commissions parlementaires compétentes des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place dans l’application des lois de finances mettant en œuvre la programmation militaire.

Si je comprends parfaitement les intentions des deux commissions de la défense, il m’a semblé que ce dispositif mentionnant les rapporteurs budgétaires créait une ambiguïté quant à la nature du contrôle ainsi créé.

S’agit-il de doter les commissions de la défense de pouvoirs en matière d’application de la loi de programmation, ce qui est tout à fait légitime, ou bien de pouvoirs en matière d’exécution des lois de finances, et plus précisément des crédits de la mission « Défense » ?

Dans sa décision du 25 juin 2009 portant sur une résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel a précisé que l’article 57 de la LOLF avait entendu exclure du champ de compétence d’autres organes que la commission des finances, en ce qui concerne « le suivi et le contrôle de l’exécution des lois de finances » ainsi que « l’évaluation de toute question relative aux finances publiques ».

J’appelle donc l’attention de nos collègues de la commission de la défense sur ce point. Il convient que la rédaction retenue soit la plus adaptée possible.

À l’article 4 quinquies, le Sénat propose que les communications que la Cour des comptes remet aux ministres soient transmises non seulement à la commission des finances, mais également, dans son champ de compétences, à la commission de la défense.

Comme il n’existe aucune raison de réserver un sort particulier à cette commission, la commission des lois a proposé d’étendre le dispositif pour que les communications de la Cour des comptes soient transmises à toutes les commissions permanentes, dans leurs champs de compétences respectifs.

La commission de la défense ayant adopté cet amendement, ce dispositif figure à l’alinéa 2 de l’article 4 quinquies.

L’article 5 vise à renforcer les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement. Celle-ci se verrait reconnaître la mission générale de « contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement en matière de renseignement » et d’évaluation de la politique publique en ce domaine.

La commission des lois a adopté plusieurs amendements ayant pour objectif de créer une cohérence et, donc, de lever toute ambiguïté quant à la présentation des missions de la délégation parlementaire au renseignement et à la nature des informations dont elle dispose.

Par un amendement qu’a également adopté la commission de la défense, elle a réécrit intégralement le I de l’article 6 nonies de l’ordonnance du 17 décembre 1958. Il s’agit, dans le texte dont nous discutons aujourd’hui, des alinéas 3 à 10 de l’article 5.

Il vous est ainsi proposé que la délégation se voie communiquer « des éléments d’information » issus du plan national d’orientation du renseignement plutôt que le plan lui-même, afin d’éviter qu’un autre document ne soit élaboré dans le seul but que certaines informations ne soient pas communiquées aux parlementaires.

Par ailleurs, il vous est proposé que la délégation puisse solliciter la communication de tout ou partie des rapports de l’inspection des services de renseignement, ainsi que des rapports des services d’inspection générale des ministères portant sur les services de renseignement qui relèvent de leur compétence.

Cette rédaction me paraît plus opportune que celle retenue par le Sénat, qui prévoit la transmission systématique des rapports d’inspection. En effet, une telle transmission pourrait être interprétée comme constituant une injonction au Gouvernement, ce que la Constitution ne permet pas.

En outre, il ne semble pas opportun que la délégation se voie communiquer des rapports portant sur le détail de l’organisation des services, même si le contenu de certains de ces rapports peut lui être précieux.

Dans l’amendement de la commission des lois, nous avions prévu que ces documents seraient transmis par le Premier ministre. Par un sous-amendement auquel je me suis finalement rallié, la commission de la défense a supprimé cette mention, afin de permettre au coordonnateur national du renseignement d’assurer cette transmission. Au passage, je rappelle que, dans notre rapport d’information, nous préconisons que ce dernier soit un collaborateur, non seulement du Président de la République, mais aussi du Premier ministre.

S’agissant de la composition de la délégation, la commission des lois avait souhaité que les présidents des commissions chargées de la sécurité intérieure – c’est-à-dire les commissions des lois – et de la défense ne soient plus membres de droit. Ils auraient pu naturellement être désignés par le président de l’assemblée concernée, si ce dernier le souhaitait. L’objectif poursuivi était d’ouvrir la délégation aux parlementaires intéressés par cette thématique.

La commission de la défense n’a pas retenu cet amendement, ce que je regrette. C’est d’ailleurs l’un des deux seuls points de divergence réelle entre nos deux commissions sur ces vingt-quatre articles.

Bien que je puisse comprendre la position de la commission de la défense, je pense que celle de la commission des lois est également défendable. C’est pourquoi, j’ai déposé, avec Jean-Jacques Urvoas, l’amendement n133 tendant à réintroduire dans le II de l’article 6 nonies de l’ordonnance la composition de la délégation.

Je suis un peu surpris que Mmes les rapporteures de la commission de la défense aient déposé un amendement semblable portant sur le I de ce même article, alors que toute la logique de la réflexion conduite par la commission des lois est bien de regrouper les dispositions de cette nature dans le II.

Par ailleurs, nous avons également redéposé un amendement reprenant une autre partie de celui qui a été rejeté par la commission de la défense. Cet amendement n134, que je défendrai avec Jean-Jacques Urvoas, prévoit que les membres de la délégation parlementaire désignent chaque année leur président.

Actuellement, le président est alternativement le président de la commission de la défense ou le président de la commission des lois de chacune des deux assemblées.

Si les présidents de ces commissions devaient, comme le prévoit le texte adopté par la commission de la défense, demeurer membres de droit de la délégation parlementaire au renseignement, il importe alors de prévoir qu’ils n’occuperont pas nécessairement la présidence de la délégation. Il s’agit, notamment, de tenir compte de la charge que représentent leurs fonctions.

Bien évidemment, un président de commission, membre de droit de la délégation, pourra être désigné président s’il le souhaite et si les membres de la délégation l’approuvent.

S’agissant des prérogatives de la délégation parlementaire, le Sénat avait prévu qu’elle puisse entendre les agents des services de renseignement. Ce point a d’ailleurs suscité un long débat au Sénat.

La commission des lois a proposé, d’ailleurs à l’instar d’un sous-amendement du Gouvernement rejeté par le Sénat, que les directeurs puissent se faire accompagner, pour ces auditions, de collaborateurs de leur choix, mais en précisant que ce choix est guidé par l’ordre du jour de la délégation.

Cette rédaction, retenue par la commission de la défense à l’alinéa 12, permettra à la délégation de disposer de l’information la plus complète possible, le responsable du service demeurant son interlocuteur naturel. Avec la rédaction ainsi proposée, la responsabilité du chef de service est consacrée ainsi que le pouvoir d’évocation de la délégation, par le biais de la communication de son ordre du jour.

La commission des lois proposait enfin que les observations et recommandations de la délégation adressées au Président de la République et au Premier ministre soient également « adressées » au président de chaque assemblée. En effet, le texte en vigueur, sur lequel la commission de la défense ne souhaite pas revenir, ne prévoit qu’une simple « transmission » à leur égard. Il me semble pourtant paradoxal que la vocation d’un organe parlementaire soit d’informer, par priorité, l’exécutif.

À l’article 6, il est prévu de faire de la commission de vérification des fonds spéciaux une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement. Ses quatre membres seront donc, par ailleurs, membres de la délégation. La commission des lois a proposé de préciser que le choix des membres de la commission de vérification doit respecter le pluralisme. Cette formule nous a paru plus adaptée que celle retenue par le Sénat qui reposait sur une parité entre majorité et opposition ; en effet, si la notion d’opposition est définie juridiquement, tel n’est pas le cas de la majorité qui peut, au cours d’une législature, être assez fluctuante. La commission de la défense a retenu la rédaction proposée par la commission des lois, qui figure à l’alinéa 3 de l’article 6. Par ailleurs, pour souligner que la commission de vérification conservera ses spécificités et son identité, la commission des lois a tenu à préciser que le poste de président de cette commission sera maintenu et que son titulaire sera choisi chaque année.

La commission des lois a également précisé que le rapport de la commission de vérification sera remis au Premier ministre, et non pas à chacun des ministres concernés. Dans la même logique, ce dispositif conforte la place du Premier ministre comme interlocuteur naturel des instances parlementaires en charge du renseignement. Il prévoit également, comme c’est le cas aujourd’hui, l’information des présidents et rapporteurs généraux des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances. Dans la rédaction de la commission des lois, le Président de la République et le Premier ministre sont mentionnés ensuite, car il pouvait, de nouveau, paraître paradoxal que la vocation d’un organe parlementaire soit d’informer en priorité l’exécutif.

L’ensemble de ces modifications a été adopté et figure dans le texte qui nous est soumis.

L’article 7 permet l’audition d’agents des services de renseignement en dehors des tribunaux et des locaux des services enquêteurs afin de préserver leur anonymat.

Les articles 8 et 9 étendent les possibilités, pour les agents de renseignement, de consulter des fichiers administratifs.

Avec l’article 10, il est proposé de créer un PNR – passenger name record – français, dans l’attente de la publication d’une directive européenne. Ce fichier serait placé sous la responsabilité des ministres chargés de l’intérieur, de la défense, des transports et des douanes. Il serait mis en œuvre, comme le prévoirait la directive, par une unité d’information composée de membres des services de la douane, de la police et de la gendarmerie. La commission des lois vous propose, par un amendement que la commission de la défense a intégré au texte en discussion, de garantir que les données sensibles soient exclues des données transmises. Il s’agit des données à caractère personnel susceptibles de révéler l’origine ethnique d’une personne, ses convictions religieuses ou philosophiques, ses opinions politiques, son appartenance à un syndicat ou les données qui concernent la santé ou la vie sexuelle de l’intéressé.

Les articles 11 et 12 permettent l’accès des services du ministère de la défense aux fichiers de police judiciaire dans le cadre des enquêtes administratives ou d’interventions.

L’article 13 est un article extrêmement important. Il clarifie le cadre juridique relatif à la géolocalisation en temps réel. La commission des lois du Sénat a, en effet, estimé que la géolocalisation en temps réel d’une personne semblait plus proche, en termes d’atteinte aux libertés, de l’interception d’une communication que du simple recueil de données de connexion. Elle a également observé que le fait que la géolocalisation soit insérée dans l’article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques la cantonnait à un usage antiterroriste, alors même que les services de renseignement pourraient en avoir besoin pour les finalités beaucoup plus larges prévues par le dispositif issu de la loi du 10 juillet 1991. Elle a donc opéré la fusion des dispositifs de recueil des données de connexion, sur le modèle applicable aux interceptions de sécurité.

Avec le président Urvoas, j’ai proposé à la commission des lois d’aller jusqu’au bout de cette logique. En effet, le texte issu des travaux du Sénat prévoit que la géolocalisation soit une mesure d’une durée de dix jours renouvelable. La commission des lois a adopté un amendement qui aligne cette durée sur celle des interceptions de sécurité, soit quatre mois. Cet amendement n’a malheureusement pas été retenu par la commission de la défense – c’est là notre deuxième et dernière divergence réelle –, qui a préféré retenir une durée de trente jours.

J’ai bien compris la volonté de la commission de la défense, mais j’observe que, dans un arrêt « Uzun contre Allemagne » de 2010, la Cour européenne des droits de l’homme estime, dans son considérant 52, que la géolocalisation se distingue des autres moyens « visuels ou acoustiques » de surveillance qui sont, eux, « davantage susceptibles de porter atteinte au droit d’une personne au respect de sa vie privée ». Autrement dit, du point de vue de la Cour européenne, la géolocalisation est moins intrusive dans la vie privée que l’enregistrement sonore d’une conversation ! C’est ce constat qui avait conduit la commission des lois à aligner la durée applicable à la géolocalisation sur celle applicable aux interceptions de sécurité.

Les articles 14, 15, 16, 16 bis et 16 ter comportent des dispositions relatives à la protection des infrastructures vitales contre la cybermenace. Ils n’appellent pas de remarques particulières de la part de la commission des lois.

Les articles 17 à 21 comportent des dispositions relatives au traitement pénal des affaires militaires. L’article 17, soulignons-le, instaure une présomption simple, selon laquelle la mort violente d’un militaire au cours d’une action de combat lors d’une opération militaire est présumée ne pas avoir une cause inconnue ou suspecte. L’officier de police judiciaire des forces armées ne pourra donc ouvrir d’enquête sur les recherches de cause de la mort que s’il apporte des éléments selon lesquels les circonstances de la mort sont inconnues ou suspectes.

Enfin, l’article 22 propose une extension de la protection fonctionnelle aux ayants droit des militaires décédés en opérations et à certains personnels civils.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a décidé, à l’unanimité de donner un avis favorable à l’adoption des articles 4 ter à 22 du projet de loi de programmation militaire. Je forme donc le vœu que ces articles soient adoptés consensuellement, et cela même si les autres articles du texte posent question quant à la future capacité militaire de notre pays dans un monde de plus en plus dangereux et incertain. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP, SRC et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de programmation militaire que nous examinons aujourd’hui était attendu, dans la foulée du nouveau livre blanc qui dote notre pays d’une vision à long terme adaptée aux évolutions récentes du contexte stratégique et économique, ainsi qu’à des objectifs de défense et de sécurité nationale renouvelés. On ne peut que se réjouir que la France entende maintenir dans le temps, en dépit des contraintes budgétaires, l’effort qu’elle consacre à sa défense. Notre pays conservera un modèle d’armée efficient, qui permet de protéger la France et les Français. Ainsi, nous maintiendrons une force de dissuasion crédible et nous demeurerons capables d’intervenir sur un théâtre extérieur, comme nous l’avons remarquablement fait au Mali.

Comme l’a rappelé Gwenegan Bui, notre pays n’entend abandonner aucune des compétences qu’il détient aujourd’hui. D’ailleurs, monsieur le ministre, vous avez déclaré récemment, lors du débat qui s’est tenu en commission élargie sur les crédits de la défense, que « nous aurons, en 2019, la première armée européenne ». Cet effort doit être salué. Il démarque la France de nombre de ses alliés qui, eux, ont choisi de perdre certaines de leurs capacités. Je pense au Royaume-Uni, dont la Strategic Defence and Security Review de 2010, l’équivalent du Livre blanc, a entériné une diminution de 7,7 % du budget militaire. Celle-ci a été obtenue au prix de réductions drastiques d’effectifs et de coupes capacitaires importantes, qui contribuent à éloigner le Royaume-Uni du modèle expéditionnaire pur pour favoriser une approche centrée sur la prévention, la stabilisation et le développement.

Cette évocation de notre partenaire britannique me conduit tout naturellement à évoquer un sujet qui m’est cher, et qui fera l’objet d’un rapport d’information que je présenterai demain devant mes collègues de la commission des affaires étrangères : l’Europe de la défense. Je tiens en effet à saluer l’engagement européen du Gouvernement, en particulier du ministre de la défense Jean-Yves Le Drian, qui se traduit par des initiatives concrètes nouvelles et indispensables. Prenons, par exemple, le cas du ravitaillement en vol. Au moment même où a enfin été prise la décision de lancer le programme MRTT – multi-role transport tanker, avion multirôles de ravitaillement en vol et de transport. Au début du mois d’octobre, la France a proposé quatre volets de coopération dans ce domaine, dont, notamment, l’emploi mutualisé des aéronefs, sur le modèle de l’EATC, le commandement européen du transport aérien. La base d’Istres pourrait être mise à la disposition de cette plateforme multinationale.

Jusqu’à maintenant, la France avait transféré le contrôle opérationnel d’une grande partie de sa flotte d’avions de transport, mais elle avait conservé le contrôle de sa flotte d’avions ravitailleurs en raison d’une mission bien connue, spécifiquement nationale, liée à la dissuasion. En proposant une mutualisation pour ce type d’appareils, la France a fait preuve, à votre initiative, monsieur le ministre, d’une réelle volonté de faire progresser l’Europe de la défense, et je vous en remercie.

On pense aussi, outre le ravitaillement, aux drones. Le Gouvernement a décidé l’achat de drones américains pour combler en urgence une lacune capacitaire que ses prédécesseurs avaient laissé s’aggraver. Parallèlement, le Gouvernement a décidé de capitaliser sur cette décision au niveau européen, en lançant, le 19 novembre dernier, avec six autres États, une initiative en faveur de drones MALE – ce qui signifie : moyenne altitude, longue endurance.

L’objectif de ce club sera d’échanger des informations ainsi que d’identifier et de faciliter la coopération entre les États membres qui utilisent actuellement ce type de drones ou envisagent de le faire, notamment dans les domaines de l’entraînement, de la maintenance, de la certification et de la logistique. Cette initiative pose également les bases du développement d’un drone MALE européen de nouvelle génération à l’horizon 2020, sous l’égide de l’Agence européenne de la défense. C’est, je crois, une avancée qui mérite d’être soulignée.

Il est vrai que notre pays a une responsabilité particulière s’agissant de l’avenir de l’Europe de la défense ; elle doit l’assumer en étant une force de proposition, mais aussi en étant à l’écoute de ses partenaires. Les initiatives qui ont été prises jusqu’à ce jour vont dans ce sens et doivent être saluées.

En tout état de cause, cet effort en faveur de l’Europe de défense doit être poursuivi et nous savons tous que le Conseil européen des 19 et 20 décembre prochains, vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, constituera un moment de vérité. Nous savons que ce Conseil traitera des trois volets que vous avez mentionnés : la visibilité et l’impact de la politique de sécurité et de défense commune, le développement des capacités et le renforcement de l’industrie de défense européenne, volet évidemment extrêmement important. Pour chacun de ces domaines, la France, seule ou avec ses partenaires, notamment l’Allemagne, a fait des propositions appréciées. Il faut maintenant émettre le vœu que ce Conseil élève le niveau d’ambition et de volonté politique pour que l’Union européenne avance dans ce domaine. Sans projets, l’Europe de la défense n’aura pas le souffle nécessaire pour progresser et les déclarations, toutes ambitieuses qu’elles soient, ne seront pas suivies d’effets. Nous retomberons alors dans des logiques nationales mortifères pour l’Union dans son ensemble.

Pour ma part, il me semble que le Conseil européen de décembre ne sera un succès que s’il prend des décisions concrètes sur les priorités que nous avons évoquées et s’il propose en outre une vision politique à moyen et à long terme, avec une feuille de route suffisamment ambitieuse pour les années à venir. Ce Conseil européen devrait, me semble-t-il, marquer un nouveau départ, après l’élan qui avait été insufflé à la fin des années 1990 et qui, malheureusement, était retombé, pour toutes sortes de raisons, dans le courant des années 200. L’important, je crois, sera de ne pas laisser retomber la dynamique après le mois de décembre.

Il me semble qu’un élément, notamment, devrait constituer un pan important de cette feuille de route que j’appelle de mes vœux : l’élaboration d’une nouvelle stratégie européenne de sécurité. Autant je comprends qu’il ne faille pas mettre ce sujet à l’ordre du jour du Conseil européen, autant je crois nécessaire et indispensable, vraiment, de se fixer cet objectif pour les années qui viennent. Élaborée en 2003 sous l’autorité de Javier Solana et actualisée en 2008, l’actuelle stratégie européenne de sécurité est, à ce jour, le seul texte de référence sur le rôle de l’Union européenne dans le monde et sur une conception commune des menaces, mais le monde a changé, profondément, depuis une dizaine d’années. Identifier les menaces qui concernent l’Europe et les intérêts que l’Union européenne entend défendre, par elle-même ou en coordination avec l’Alliance atlantique, et définir des intérêts communs de sécurité et des priorités stratégiques serait un exercice utile.

L’opération Serval illustre parfaitement cette problématique. Pour de nombreux États européens, il n’allait pas de soi d’intervenir dans la zone sahélienne, alors même que la menace terroriste concernait toute l’Europe et pas seulement la France ; c’est mieux compris maintenant, mais je crois que nous aurions intérêt à essayer d’amener nos partenaires à anticiper avec nous ce type de menaces. Il est évident, dès lors, que l’Europe ne pourra se faire tant que les nations qui la composent n’auront pas une vision partagée des menaces et qu’elles partiront du principe que chacune doit se dédier à telle ou telle zone géographique ou que chacune peut conduire une politique radicalement distincte. Je crois donc que la définition d’une stratégie européenne est un impératif.

Bien sûr, dans le cadre actuel, il est peu réaliste d’espérer aboutir à un consensus à vingt-huit sur ces questions, mais cela devrait rester une ambition à terme. D’ici à 2015, il devrait être possible, avec la nouvelle Commission européenne, qui sera mise en place l’année prochaine, de définir une stratégie européenne, et il serait utile que le Conseil européen demande une nouvelle stratégie de sécurité adaptée au monde de 2014-2015, comprenant, entre autres, une analyse du contexte stratégique et des intérêts européens, mais aussi une réflexion sur les priorités stratégiques.

C’est cela que je voulais mettre en avant, même si d’autres éléments de cette feuille de route mériteraient d’être explicités. Je terminerai mon intervention en disant que rien ne se fera si la France n’est pas à l’initiative avec une ambition politique de haut niveau, tout en étant, bien sûr, à l’écoute de nos partenaires.

Monsieur le ministre, vous avez donné l’exemple : les initiatives que j’ai évoquées le montrent, mais aussi le fait que vous ayez souhaité inscrire la réflexion européenne dans le cadre du « Triangle de Weimar ». Je crois que c’est extrêmement important. Nous avons des partenaires dans toutes les aires géographiques de l’Union européenne. Ils ont la volonté d’avancer, bien qu’ils n’aient pas les mêmes ambitions ni les mêmes intérêts que nous. Nous devons encourager tous ceux qui veulent avancer dans ce domaine, aussi bien les Britanniques que les Allemands ou les Polonais.

Je vous remercie encore une fois, monsieur le ministre, d’être très allant sur cet important sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

6

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi de programmation militaire.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron