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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 03 décembre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Enquête PISA

M. Jean-Louis Borloo

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Travail dominical

M. Christophe Cavard

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Réforme fiscale

M. Éric Woerth

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Enquête PISA

M. Vincent Feltesse

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Situation de l’emploi

M. Philippe Cochet

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Lutte contre le chômage

Mme Hélène Geoffroy

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Loi de programmation militaire

M. Yves Fromion

M. Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants

Travail dominical

M. Stéphane Travert

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme

Enquête PISA

M. François Vannson

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Discriminations dans l’accès aux soins funéraires

Mme Jeanine Dubié

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Charges pesant sur les exploitations agricoles

M. Philippe Armand Martin

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Société nationale Corse Méditerranée

M. Patrick Mennucci

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Avenir de l’entreprise Kem One

M. Gaby Charroux

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Travail dominical

Mme Marianne Dubois

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Violences faites aux femmes

Mme Edith Gueugneau

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

2. Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 (lecture définitive)

Explications de vote

M. Jean-Louis Touraine

Mme Bérengère Poletti

M. Arnaud Richard

M. Jean-Louis Roumegas

Mme Dominique Orliac

M. Jean-Jacques Candelier

Vote sur l’ensemble

3. Programmation militaire 2014 – 2019

Explications de vote

M. Stéphane Saint-André

Présidence de Mme Laurence Dumont

M. Jean-Jacques Candelier

M. Christophe Léonard

M. Philippe Meunier

M. Philippe Folliot

M. François de Rugy

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

4. Projet de loi de finances rectificative pour 2013

Présentation

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Motion de rejet préalable

M. Hervé Mariton

M. Pierre Moscovici, ministre

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Rappel au règlement

M. Hervé Mariton

Motion de rejet préalable (suite)

M. Pierre-Alain Muet

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Charles de Courson

M. Gérard Charasse

Motion de renvoi en commission

Mme Arlette Grosskost

M. Pierre Moscovici, ministre

M. Dominique Lefebvre

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Charles de Courson

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union des démocrates et indépendants. nos

Enquête PISA

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Borloo. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, chers collègues, nous souhaitons que le rapport PISA, révélé ce matin, ne soit pas l’enjeu de polémiques inutiles et stériles (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais l’objet d’un sursaut républicain face à un traumatisme qui nous atteint tous, comme ce fut le cas en 2001 en Allemagne.

C’est en effet un sursaut républicain qu’appelle ce rapport PISA. L’école, c’est la République. L’école, c’est aussi la sortie du déterminisme social. Lorsqu’un enfant ne trouve pas sa place à l’école, c’est le début de l’incompréhension, de la violence, voire d’une forme de racisme. Oui, mes chers collègues, l’école est aujourd’hui le résultat des dysfonctionnements de notre société, et nous ne pouvons laisser les enseignants seuls face à ce problème !

L’école a subi d’énormes traumatismes. L’urbanisation s’est accompagnée d’une ségrégation territoriale, culturelle, sociale et humaine. L’école doit être entièrement refondée.

Pour redresser l’école républicaine, il faut procéder à une analyse approfondie, qui peut être partagée. L’effondrement de l’école dû aux inégalités est inacceptable. Il existe des solutions : certaines associations, comme Coup de pouce clé, ont obtenu des résultats spectaculaires avec 80 000 enfants !

Ensemble, monsieur le ministre, faisons l’analyse réelle de la situation. Le groupe UDI a consacré sa réunion de ce matin à cette question et m’autorise à vous dire que, s’agissant d’une analyse partagée et d’un sursaut républicain, nous sommes prêts à l’union nationale autour de l’école de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDIsur plusieurs bancs des groupes SRCRRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Je vous prie, monsieur le président Borloo, de bien vouloir excuser le Premier ministre, retenu à Montpellier. Je vous remercie pour le ton que vous avez adopté et pour l’appel que vous lancez. Je considère en effet que, conformément à la priorité fixée par le Président de la République, nous devons mener ensemble, avec toute la nation, la refondation républicaine de l’école pour permettre à tous les élèves de France de réussir et pour réduire les inégalités qui déchirent notre tissu social, qui invalident notre tissu économique et qui provoquent des blessures civiques.

Cela suppose de conduire plusieurs actions résolues. Il faut tout d’abord être capable, comme l’a fait l’Allemagne que vous avez citée, d’accorder à l’école la priorité budgétaire en sanctuarisant ses crédits alors même que nous connaissons des difficultés. C’est ce que ce gouvernement et cette majorité sont parvenus à faire !

Il nous faut ensuite être capables de mener des réformes de structure profondes ; elles ont justement été saluées ce matin par l’OCDE. Il faut nous donner les moyens d’accorder la priorité à l’école primaire, avec de nouvelles méthodes d’enseignement et de nouveaux programmes, car il est nécessaire de changer les pratiques pédagogiques dans les classes. Il nous faut être capables de restaurer la formation initiale et continue des enseignants, car l’effet maître demeure le plus important (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP) : c’est ce que nous faisons avec les écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Il nous faut aussi être capables de faire évoluer notre collège, non pas pour abandonner un niveau d’exigences commun à tous les enfants, mais pour pouvoir différencier les pédagogies. Enfin, il faut insister tout particulièrement sur les endroits qui connaissent les difficultés sociales et scolaires les plus graves.

Ce que nous apprend l’OCDE, c’est que nous avons accepté trop d’injustices ! La refondation de l’école de la République, c’est l’excellence, et l’excellence, c’est la justice pour tous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

Travail dominical

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour le groupe écologiste.

M. Christophe Cavard. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail.

En période de crise, le débat sur le point de savoir si l’on doit ou non travailler le dimanche est à nouveau ouvert, orchestré par les grandes enseignes qui veulent ouvrir toujours plus, pour toujours plus de profit. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) On nous ressort encore une fois la même rengaine dépassée du « travailler plus pour gagner plus », pourtant battue en brèche en 2012.

Le rapport de M. Bailly confirme le fait que l’ouverture des magasins le dimanche ne sera pas systématique, et restera dérogatoire et encadrée par l’État. C’est une très bonne chose.

Notre rôle, c’est de défendre le vivre-mieux plutôt que le tout-consommation. Si nous ne sommes pas vigilants, la société de consommation continuera d’envahir les quelques moments dédiés à la vie sociale, familiale et aux loisirs qu’il nous reste. Je préfère que nos concitoyens puissent profiter de leur dimanche pour découvrir les paysages de leur région, plutôt que les zones commerciales uniformes de leur ville. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs des groupes SRC, UMP, UDI, RRDP et GDR.)

Je le dis très clairement : le travail du dimanche est symptomatique d’un modèle économique archaïque, à bout de souffle, que nous devons dépasser. En Italie, le patronat reconnaît lui-même que la déréglementation a provoqué la fermeture de commerces et la perte d’emplois.

M. Julien Aubert. C’est vrai !

M. Christophe Cavard. Si l’on écoutait les partisans de la déréglementation, on irait toujours plus loin ! Pourquoi ne pas, pendant que l’on y est, travailler la nuit ou faire des journées de douze heures ?

Que dire de la notion de volontariat, quand on sait que les employés concernés sont essentiellement des personnes touchant de petits salaires ! Nous défendons le fait qu’il ne puisse y avoir d’ouverture dérogatoire sans contreparties importantes pour les salariés. Qui connaît, mes chers collègues, quelqu’un qui sacrifierait volontairement des jours de repos hebdomadaires si on lui donnait par ailleurs les moyens de vivre correctement ?

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire les suites que vous donnerez au rapport de M. Bailly ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je vous remercie, monsieur le député, d’avoir posé cette question, qui est une question de société, pas simplement une question économique.

Voulons-nous conserver dans la société d’aujourd’hui, même dans un monde et dans une France qui évoluent, quelques repères simples qui nous permettent de nous rassembler ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Marc Le Fur. Un père et une mère !

M. le président. Un peu de silence, chers collègues ! Écoutons la réponse du ministre !

M. Michel Sapin, ministre. Le dimanche, jour de repos, fait partie de ces repères simples qui permettent à la société de s’organiser, qu’il s’agisse de la vie associative, sportive ou familiale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Le premier constat du rapport Bailly – que le Premier ministre avait demandé à cette personnalité d’écrire après avoir rencontré l’ensemble des acteurs – est simple : le dimanche n’est pas un jour comme les autres et ne doit pas être considéré comme tel. (Mêmes mouvements.)

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Michel Sapin, ministre. Aujourd’hui, certaines dérogations sont indispensables, car certaines activités doivent obligatoirement se poursuivre le dimanche. Le deuxième constat du rapport Bailly, c’est que ces dérogations sont accordées dans un désordre juridique total. D’un côté de la rue, on ouvre ; de l’autre, non ! C’est la législation adoptée ces derniers temps qui a créé ce désordre ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Ce n’est pas vrai !

M. Michel Sapin, ministre. Pour certains salariés, dans certaines entreprises, il y a une compensation, mais pour d’autres travaillant dans le même type d’entreprise, parfois sous la même enseigne, il n’y a aucune compensation. Il faut mettre fin à ce désordre. Voilà des propositions fort intéressantes faites par le rapport Bailly, sur lesquelles nous aurons, les uns et les autres, à réfléchir, à proposer et à décider. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Réforme fiscale

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Éric Woerth. Monsieur le Premier ministre, vous avez curieusement lancé un débat sur la remise à plat de la fiscalité, comme on lance une bouteille à la mer, autrement dit sans vraiment savoir où elle va aller…Vous tentez de faire passer la pilule du « ras-le-bol fiscal » que vous avez vous-même créé. Vous jouez au pompier pyromane : vous allumez le feu, puis vous essayez de l’éteindre.

À mon sens, vous commettez trois erreurs.

D’abord, vous vous trompez de sujet. La première question à se poser est celle de la dépense, pas celle des recettes. Jusqu’à présent, vous avez échangé des impôts bien réels contre des économies virtuelles. Vous devez d’abord baisser la dépense publique, puis entamer une baisse de l’imposition et des prélèvements obligatoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?

M. Éric Woerth. Ensuite, vous vous trompez de calendrier. Vous avez mis la France en ébullition ou en dépression – c’est selon. Vous devez donner de la stabilité à notre pays et recréer la confiance que vous avez fait disparaître. Vous allez créer, au contraire, de l’instabilité et ralentir la reprise économique.

Enfin, vous vous trompez de méthode. Ce ne sont pas, comme vous le croyez, les syndicats qui vous aideront à réformer le système fiscal français. Ce n’est pas leur rôle. C’est à la démocratie représentative de le faire.

Vous voulez fusionner la CSG avec l’impôt sur le revenu en faisant payer les classes moyennes. Où est l’urgence, monsieur le Premier ministre ? Il n’y en a aucune ! Cela ne changera rien à la compétitivité du pays ou au chômage.

Par ailleurs, je suis peut-être impertinent, mais avez-vous le poids politique pour faire tout cela ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Bercy et l’Élysée cachent assez bien leur enthousiasme, c’est le moins qu’on puisse dire !

La France a besoin d’un cap, d’une vision, elle a besoin que l’on donne un sens à son avenir. La France n’a pas besoin d’un débat dans lequel elle va s’enliser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur Woerth, je vous remercie de cette question qui va me permettre d’apporter, sur les sujets que vous avez évoqués, des précisions utiles.

D’abord, vous insistez sur la nécessité de maîtriser la dépense publique pour réussir la réforme fiscale. Vous avez raison de le dire et vous devriez vous réjouir que ce soit le sens de notre action. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Je vais citer quelques chiffres.

Entre 2007 et 2012, la dépense publique a augmenté de 170 milliards d’euros. Le taux de progression de la dépense publique entre 2002 et 2012 a été supérieur à 2 %. Dans le projet de loi de finances qui est soumis à la discussion du Parlement, l’augmentation de la dépense publique est de 0,4 % et les 15 milliards d’économies en dépenses que nous proposons n’ont rien de virtuel : 9 milliards sur l’État, 6 milliards sur la sphère sociale. Ils ont été reconnus, contrairement à ce que j’ai lu ce matin, par le truchement d’un député de l’opposition, comme parfaitement documentés…

M. Hervé Mariton. Non ! C’est faux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …par la Commission européenne, et j’aurai l’occasion d’y revenir tout à l’heure dans le débat sur la loi de finances rectificative. Par conséquent, monsieur Woerth, nous sommes bien engagés dans la réduction des dépenses publiques, alors qu’elles avaient, au cours des dix dernières années, tristement explosé.

Oui, il faut faire une réforme fiscale, tout simplement parce que le consentement à l’impôt et la simplification du paysage fiscal sont les conditions du redressement de notre pays.

Les principes, au nombre de quatre, sont simples : simplification du paysage fiscal dont les entreprises ont besoin, stabilisation pour qu’elles aient, lorsqu’elles investissent, la garantie des conditions dans lesquelles elles le feront, et durablement, stimulation de la croissance, parce que c’est la condition du rétablissement de nos comptes, et davantage de justice fiscale, parce que les Français en ont besoin – c’est la condition du consentement à l’impôt.

Voilà les principes, voilà la trajectoire. Cela nous conduit à faire diminuer les déficits qui avaient, au cours des dernières années, tragiquement augmenté. Nous allons réussir le pari de la modernisation de la fiscalité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Enquête PISA

M. le président. La parole est à M. Vincent Feltesse, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Vincent Feltesse. Ma question s’adresse à M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. « Regarder la France comme si on n’en était pas » : Fernand Braudel, dans son introduction à L’identité de la France, cite cette très belle phrase de Charles Péguy. Regardons ensemble la France, donc, comme si nous n’en étions pas. Nous voyons un pays, un territoire, une histoire, des populations, la République et en son sein l’école de la République. Elle a façonné les IIIe, IVe et VRépubliques !

M. Charles de La Verpillière. Baratin !

M. Vincent Feltesse. Toutes et tous, nous avons en tête des images mythiques de personnes géographiquement et socialement éloignées qui ont pu s’intégrer dans la République française.

Chaussons maintenant les lunettes du fameux rapport PISA. Nous les connaissons bien, car il s’agit du cinquième rapport du programme international pour le suivi des acquis des élèves. Au fil des cinq éditions de 2001, 2003, 2006, 2009 et 2012, notre pays semble reculer en matière éducative !

Un député du groupe UMP. Tout cela pour ne rien dire !

M. Vincent Feltesse. Notre école n’intègre plus ni ne prépare l’avenir.

M. Bernard Deflesselles. Que fait le Gouvernement ?

M. Vincent Feltesse. Dès lors, monsieur le ministre, ma question est simple. Pensez-vous que les efforts consentis depuis dix-huit mois pour la refondation de l’école soient suffisants ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Vincent Feltesse. Pensez-vous qu’il faille les intensifier ? Pensez-vous que, lors du prochain classement PISA, nous ne regarderons pas simplement la France, mais nous l’aurons redressée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Vous avez raison, monsieur le député, de me demander si la priorité accordée à l’école depuis dix-huit mois suffit. J’ai rappelé au président Borloo, voici un instant, la priorité donnée à l’école primaire, la remise en place de la formation des enseignants, les réseaux consacrés aux « décrocheurs », la mutation de notre système d’orientation, la réforme du temps scolaire saluée ce matin par l’OCDE, la charte de la laïcité, les mesures en faveur de la sécurité à l’école, la lutte contre le harcèlement, la promotion d’une égalité améliorée entre filles et garçons.

Tout cela est-il suffisant ? Non ! Il faut faire mieux, davantage et durablement ! C’est pourquoi nous allons maintenant lancer la deuxième phase de la refondation, et je serai heureux si tout le monde s’y associe. Je saisirai vendredi le Conseil supérieur des programmes afin de revoir ceux de l’école primaire pour les rendre plus adaptés et plus progressifs et ceux du collège pour individualiser les parcours des élèves, en conservant le collège unique mais en donnant davantage d’autonomie aux équipes pédagogiques. Nous avons en outre lancé le chantier, tant attendu depuis des années, du métier d’enseignant.

J’annoncerai le 12 décembre, à l’issue des négociations, que nous confortons les enseignants de France dans leur mission, la plus précieuse et la plus difficile, celle d’élever nos enfants. Le travail invisible sera enfin reconnu, des parcours de carrière seront constitués et les investissements particuliers seront enfin reconnus. Mais nous devons faire encore davantage pour l’éducation prioritaire des 20 % d’enfants en difficulté. Je vous ferai des propositions, mesdames et messieurs les députés. Si la nation se rassemble autour de son école, nous réussirons la refondation de l’école de la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Situation de l’emploi

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Cochet. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, mais il n’est pas là. Je poserai donc à M. Cazeneuve cette question simple : où sont les 15 milliards d’euros d’économies annoncés ? Face au drame national que représente le chômage, le Président de la République a déclaré récemment que « la baisse du chômage prendra tout le temps nécessaire ». Ce genre de déclaration, digne d’une « brève de comptoir » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), met en évidence l’échec cuisant de la politique menée.

M. Bernard Roman. C’est affligeant !

M. Philippe Cochet. Le Gouvernement finance actuellement des emplois dits d’avenir en siphonnant les crédits prévus pour l’apprentissage. Tel est exactement le tour de passe-passe par lequel on entend leurrer les Français sur l’évolution de la courbe du chômage, alors même que l’apprentissage est un passeport pour l’emploi durable. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Nos compatriotes ne sont pas dupes ! Ils savent bien que le chômage de longue durée et celui des seniors explosent, avec une progression comprise entre 10 et 15 % en un an. Ils savent que, depuis le début de l’année, 108 000 emplois ont été détruits. Ils peuvent constater chaque jour la défaillance de telle ou telle entreprise, de tel ou tel groupe.

Pour relancer notre pays et créer de vrais emplois, il faut au moins 1,5 % de croissance. Il faut arrêter le matraquage fiscal des particuliers et des entreprises et baisser massivement les charges. Il faut, c’est vrai, et je m’adresse là à l’ensemble du Gouvernement, du courage ! Dès lors, monsieur le Premier ministre, au lieu de cacher la vérité aux Français, quand allez-vous changer de politique ? Surtout, quand allez-vous devenir un vrai Premier ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Pourquoi ne pas commencer, monsieur le député, en reconnaissant un fait, celui de la baisse du chômage en France au mois d’octobre ? Pourquoi ne pas commencer par là ? Cela vous arracherait la bouche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pensez-vous qu’en disant cela vous auriez l’air de rendre hommage au Gouvernement ? Non, vous rendriez hommage aux Français, qui ont vu le chômage augmenter pendant cinq années consécutives ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Un million de chômeurs supplémentaires vous sont dus ! Avez-vous oublié ce million de chômeurs ? Et une croissance nulle ! Avez-vous oublié cette croissance de 0 % ? Commencez par là !

La baisse du chômage en France est une bonne nouvelle d’abord et avant tout pour la France et les Français ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Est-ce suffisant ? Vous citiez le Président de la République, selon lequel il s’agit d’un combat à livrer mois après mois. Oui, il s’agit d’un combat qui reste à livrer ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il fallait que la courbe s’inverse, elle s’est inversée ! Avant qu’elle ne décroisse, il faut que la tendance s’inverse ! C’est fait !

M. Philippe Meunier. C’est une plaisanterie !

M. Michel Sapin, ministre. Le combat continue, menez-le avec nous ! Au lieu de dire ce que vous dites des emplois d’avenir, promouvez-les ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Faites comme ceux d’entre vous qui en signent et offrent des solutions à des jeunes que vous aviez laissés sur le bord du chemin ! (Même mouvement.) Au lieu d’opposer les emplois d’avenir à l’apprentissage, vous devriez le promouvoir, comme nous ! Nous en faisons la promotion car il constitue une bonne solution pour beaucoup de jeunes. Il ne suffit pas de dire non, comme si vous aviez raison d’un simple geste ! Vous êtes dans le faux lorsque vous dites que nous ne promouvons pas l’apprentissage !

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Michel Sapin, ministre. L’apprentissage constitue une solution, les emplois d’avenir constituent une solution, les contrats de génération constituent une solution ! C’est pourquoi le chômage des jeunes baisse en France pour le sixième mois consécutif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Lutte contre le chômage

M. le président. La parole est à Mme Hélène Geoffroy, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Hélène Geoffroy. Monsieur le ministre du travail, la semaine dernière a été marquée par une excellente nouvelle pour la France et les Français. Après trente mois de hausse, la courbe du chômage a connu une baisse prometteuse qui, nous en sommes convaincus, en annonce de nombreuses autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Allons, mes chers collègues !

Mme Hélène Geoffroy. Chacun sur ces bancs devrait s’en réjouir. Ceux qui, jusqu’en 2012, n’ont jamais su prendre la mesure de l’ampleur de la crise, ceux qui, jusqu’en 2012, face à la poussée du chômage, ont mené une politique de l’emploi erratique fondée sur la suspicion, n’ont aucune leçon à donner.

Mes chers collègues, la conjugaison, depuis 2012, de politiques actives pour l’emploi et d’une action déterminée pour renforcer notre pacte productif porte ses fruits et permettra, nous le savons, d’inverser durablement la courbe du chômage. La courbe du chômage des jeunes, qui a enregistré sa sixième baisse mensuelle consécutive, est déjà engagée dans une belle dynamique de conquête.

La stratégie voulue par la gauche repose sur deux piliers complémentaires. Le premier, ce sont les politiques actives de l’emploi, car nous ne sommes plus dans la gestion chaotique des contrats aidés, mais bien dans la mise en œuvre d’outils efficaces pour le retour à l’emploi dans les secteurs marchand et non marchand, avec les contrats de génération, les emplois d’avenir – qui concerneront bientôt 100 000 jeunes –, les emplois francs et l’accord sur la sécurisation de l’emploi.

D’autre part, nous concentrons nos efforts sur la production, sur le pacte de compétitivité, sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, sur les 34 nouvelles filières industrielles, sur la Banque publique d’investissement et sur les investissements d’avenir.

Oui, monsieur le ministre, grâce à votre stratégie s’appuyant sur ces deux grands piliers, notre pays avance dans la bonne direction. Toutefois, il est évident qu’il doit poursuivre ses efforts pour sortir de la crise. Pouvez-vous nous dire quels enseignements doivent être tirés des chiffres du chômage publiés la semaine dernière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je vous remercie, madame la députée, de considérer qu’il vaut mieux reconnaître une bonne nouvelle pour ce qu’elle est, et s’en féliciter, plutôt que de la vilipender, comme d’autres préfèrent le faire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le chômage a reculé au mois d’octobre pour deux raisons. D’abord parce que nous soutenons l’activité économique, qui se trouve donc bien meilleure en cette fin d’année qu’elle ne l’était au début. La reprise étant encore insuffisante, nous devons poursuivre et amplifier notre effort, afin que la croissance économique et la création d’emplois dans les entreprises soient présentes tout au long de l’année 2014.



Le deuxième front sur lequel nous nous battons est celui des politiques actives de l’emploi, qui permettent d’apporter des solutions à certaines populations – jeunes, mais aussi moins jeunes – se trouvant complètement en dehors du marché du travail et disposant d’un accès à l’information insuffisant pour trouver des possibilités, et à qui nous offrons un vrai emploi et une vraie formation, c’est-à-dire une vraie solution d’avenir.



Un député du groupe UMP. C’est faux !

M. Michel Sapin, ministre. Cette bataille-là, elle est engagée, et nous allons continuer à la mener tout au long de l’année 2014 avec des moyens renforcés – ceux que votre assemblée a votés dans le budget pour 2014.

Est-ce suffisant ? Évidemment non : trois millions de chômeurs, c’est encore beaucoup trop. Il nous faut donc continuer et amplifier, inscrire dans la durée cette bataille contre le chômage, afin de le faire durablement reculer. C’est tout le sens de la bataille que nous menons, tout le sens de la nécessaire continuité dans l’action en faveur de l’activité économique et de l’emploi des jeunes – et des moins jeunes – se trouvant en difficulté.

M. Bernard Deflesselles. Quel baratin !

M. Michel Sapin, ministre. Oui, il y a trop de chômeurs de longue durée ! Oui, le chômage des plus âgés a augmenté, et à eux aussi nous devons apporter une réponse. À un beau problème, nous avons su apporter une belle solution avec ce recul du chômage qui appelle une amplification de notre effort, afin de faire reculer durablement le chômage en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Loi de programmation militaire

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Fromion. Avant de poser ma question, je veux faire remarquer à M. Sapin que les emplois d’avenir d’aujourd’hui sont les dettes de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Allons, mes chers collègues !

M. Yves Fromion. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, à qui je veux faire remarquer que le projet de loi de programmation militaire qu’il nous propose de voter aujourd’hui conduit au démembrement de notre outil de défense. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas un compromis responsable entre impératifs militaire et budgétaire. Ce sont vos choix politiques qui génèrent la contrainte budgétaire qui va peser sur notre défense. (Même mouvement.)

M. le président. Calmez-vous, mes chers collègues !

M. Yves Fromion. Vous avez décidé de créer 60 000 postes supplémentaires dans l’éducation en cinq ans et, dans le même temps, de sacrifier 24 000 postes supplémentaires dans nos armées. Voilà votre choix ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Votre loi de programmation militaire s’appuie sur un échafaudage budgétaire branlant, avec 6 milliards d’euros de recettes exceptionnelles incertaines, 3 milliards d’euros de reports de charges que vous avez laissés croître, une sous-évaluation du coût des opérations extérieures, et déjà 650 millions d’euros prélevés sur l’exercice 2013 !

À des menaces grandissantes, vous entendez répondre avec des moyens que vous réduisez comme on taille des bonsaïs ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La cohérence de notre défense repose sur l’adéquation entre des forces conventionnelles au niveau suffisant et notre dissuasion nucléaire. Or, vous remettez en cause cet équilibre fondateur.

Nos soldats sont des professionnels et, s’ils sont tenus à des obligations de résultat, vous êtes tenu, vis-à-vis d’eux, à une obligation de moyens. Force est de constater, à la lecture de cette loi de programmation militaire, que vous vous défaussez de cette obligation, manifestant ainsi une désinvolture condamnable.

Je vois également de la désinvolture dans votre refus de faire connaître vos projets en matière de dissolution d’unités, alors que vous vous êtes engagé, dans votre LPM, à la prévisibilité, à l’équité et à la transparence. (« Et Louvois ? » sur les bancs du groupe SRC.) À l’heure où nos forces armées vont être engagées en République Centrafricaine, ne convenait-il pas, monsieur le Premier ministre…

M. le président. C’est terminé, monsieur le député.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des anciens combattants.

M. Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants. Monsieur le député, je vous prie d’excuser l’absence de M. le ministre de la défense, qui s’est rendu ce matin à Varces, dans l’Isère, pour annoncer officiellement le remplacement à moyen terme du logiciel Louvois. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Il sera naturellement présent tout à l’heure pour le vote solennel de la loi de programmation militaire 2014-2019. Il ne manquera pas, à cette occasion, de se féliciter du travail accompli avec vous-même, monsieur le député, et avec l’ensemble de vos collègues, ainsi que de la qualité des débats qui ont porté sur le projet de loi de programmation militaire, un projet à la fois ambitieux, réaliste et équilibré. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Sylvain Berrios. C’est un renoncement !

M. Kader Arif, ministre délégué. Grâce au niveau de ressources défini par le Président de la République, il permettra à notre pays de rester l’un des rares dans le monde à pouvoir assumer simultanément les trois missions fondamentales que sont la protection du territoire et de la population – avec une dimension nouvelle, celle de la cyberdéfense –, la dissuasion nucléaire, qui sera modernisée, et l’intervention sur les théâtres extérieurs, pour des missions relevant aussi bien de la gestion de crise que de situations de guerre. Dans le même temps, nous sommes attachés à ce que notre pays continue à disposer de l’une des meilleures industries de défense du monde. Peu de pays peuvent se prévaloir d’un tel ensemble.

Le cadre que va constituer la loi de programmation militaire, très attendue par toute la communauté militaire et notre défense, va permettre d’adapter nos armées d’aujourd’hui aux menaces de demain, et fera de notre défense en 2019 la première armée d’Europe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Travail dominical

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Stéphane Travert. J’associe à ma question Olivier Faure et Cécile Untermaier. Monsieur le ministre du travail, la publication du rapport Bailly complète utilement le travail engagé par les parlementaires. Elle marque le coup d’envoi d’une remise à plat des règles concernant le travail dominical.

Ce rapport dresse un état des lieux approfondi qui, au terme d’une soixantaine d’auditions, pose un cadre fort et rappelle, s’il en était besoin, que le dimanche n’est pas un jour comme les autres.

Pour notre majorité, les choses sont claires : l’interdiction du travail dominical demeure la règle générale.

D’ailleurs, comme l’indique le rapport, études et sondages montrent que, pour la majorité des Français, l’on ne doit pas banaliser le travail dominical.

La loi Mallié de 2009 n’a en aucune façon rendu plus lisible la réglementation sur les ouvertures dominicales des commerces. Bien au contraire, elle a créé des frontières artificielles par la définition de périmètres d’usage de consommation exceptionnels, de zones touristiques et l’octroi de dérogations sectorielles. Elle est source d’inégalités injustifiables entre travailleurs du dimanche, tant du point de vue de leurs droits à un repos compensateur et à une revalorisation salariale, que sur la question même du volontariat.

La multiplication des contentieux et les nombreux régimes d’exception rendent nécessaire la clarification et la simplification de notre cadre juridique. L’autorisation du travail dominical doit donc s’accompagner d’aménagements, qui devront être précisés dans une loi examinée, selon toute vraisemblance, dans le courant de l’année 2014.

Le rapport Bailly formule plusieurs propositions, en particulier le passage de cinq à douze du nombre annuel de dimanches d’ouverture autorisés, la fin des dérogations par secteur d’activité, la remise à plat des zones commerciales et touristiques, dans le cadre du dialogue social et territorial et le renforcement des droits des salariés.

Monsieur le ministre, il est possible de concilier intérêt des consommateurs et droits des travailleurs. Aussi, pouvez-vous nous préciser comment le Gouvernement compte faire évoluer le cadre juridique du travail dominical ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député Stéphane Travert, vous avez raison d’évoquer cette question tant sous l’angle des salariés que sous celui de l’activité commerciale. Vous avez également raison de souligner que le principe fondamental est celui du repos dominical, qui permet de préserver notre modèle social.

M. Jacques Alain Bénisti. Parlez-nous plutôt d’emploi !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Vous avez salué la grande qualité du rapport de M. Jean-Paul Bailly, qui a mené un travail consciencieux, minutieux, sur un sujet complexe, et le Gouvernement tient à s’associer à cet hommage. Face au constat que vous avez décrit, une clarification s’impose, car la loi Mallié a empilé les législations et les réglementations, sans véritable cohérence. Elle a multiplié les dérogations sectorielles, qui ont été régulièrement pointées du doigt et ont donné lieu à une multiplication des contentieux.

Le Gouvernement souhaite maintenant, en travaillant étroitement avec les parlementaires et les partenaires sociaux, préciser un certain nombre de recommandations du rapport Bailly. En effet, la définition des périmètres des zones commerciales et des zones touristiques doit être affinée et approfondie. L’innovation principale de ce rapport consiste à placer au centre le dialogue social, le dialogue territorial, car il existe bien des spécificités en fonction des territoires et des modes de vie. Ce rapport tient également compte de la spécificité du petit commerce, en offrant la possibilité d’avoir des ouvertures ponctuelles pour répondre à des besoins occasionnels, au-delà des seules fêtes de fin d’année.

Vous le voyez, ce travail nous servira de base solide dans les échanges que nous aurons avec la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Enquête PISA

M. le président. La parole est à M. François Vannson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. François Vannson. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale. Comme viennent de le rappeler plusieurs collègues, l’OCDE vient de publier ce matin les résultats de l’enquête internationale PISA. Ce classement, publié tous les trois ans, était très attendu, car il permet de mesurer l’efficacité des systèmes éducatifs à partir des performances scolaires des élèves de quinze ans.

M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas brillant pour vous !

M. François Vannson. Pour la France, monsieur le ministre, le constat est sans appel : notre pays décroche dans la performance de ses élèves. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. C’est votre responsabilité !

M. François Vannson. Vous avez augmenté de 60 000 le nombre d’enseignants – je précise, s’il en est besoin, que nous respectons naturellement au plus haut point les enseignants – en misant sur la quantité sans vous préoccuper des méthodes d’enseignement. Et je ne parle pas de la suppression des internats d’excellence, des bourses au mérite ou encore des évaluations régulières des élèves, mis en place par la majorité précédente.

Force est de constater que la situation n’est pas bonne, puisque 20 % des élèves entrent en sixième sans savoir lire correctement.

M. Marcel Rogemont. La faute à qui ?

M. François Vannson. Mais plutôt que de verser dans la polémique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), essayons d’adopter ensemble une approche constructive sur ce sujet déterminant pour l’avenir de notre pays. En effet, il est primordial, si nous souhaitons avoir un système plus efficace et de qualité, de rendre notre école plus transparente, en évaluant individuellement les établissements en fonction de leurs méthodes d’enseignement et des résultats obtenus.

M. Marcel Rogemont. Vous avez exercé le pouvoir pendant dix ans !

M. François Vannson. La vertu de cette étude, c’est aussi de se pencher sur les pays qui occupent la tête de ce classement et sur les méthodes qu’ils ont adoptées. Ces pays ont tous misé sur la qualité de leur école en engageant la refondation profonde de leur système éducatif, grâce à une notation de leurs établissements et à l’utilisation de méthodes d’apprentissage efficaces.

Monsieur le ministre, ma question est simple : quand permettrez-vous à nos établissements scolaires de renouer avec une culture des résultats perçue de manière positive et de les accompagner dans la recherche et la mise en place de pédagogies efficaces ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Que ne l’avez-vous fait pendant dix ans !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, si vous considérez sérieusement qu’une étude qui porte sur la période allant de 2003 à mai 2012 est une source de préoccupation collective car elle marque une dégradation des performances de l’école française, essentiellement en mathématiques – là où nous étions pourtant excellents – et, plus grave encore, un accroissement des inégalités, alors vous devez en même temps prendre conscience, comme l’a fait ce matin l’OCDE, que la refondation de l’école de la République et les grandes réformes de structure que nous conduisons visent précisément au redressement de notre système éducatif. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. Ça n’a rien à voir avec les mathématiques !

M. Vincent Peillon, ministre. Je veux parler d’abord, bien entendu, d’un meilleur temps scolaire pour les élèves : pour apprendre à lire, écrire et compter, il faut, non pas réduire le temps scolaire, mais au contraire offrir un temps suffisant. Ensuite, il faut être capable de former les enseignants, tant en formation initiale qu’en formation continue, de réviser les programmes, d’entrer dans l’ère du numérique, d’accompagner et d’individualiser nos pratiques pédagogiques. C’est ce que nous avons mis en place depuis dix-huit mois. C’est ce que je m’engage à poursuivre dans la durée, davantage encore s’il le faut.

M. Jean Leonetti. Jusqu’aux européennes !

M. Vincent Peillon, ministre. Vous posez la question de l’autonomie des établissements. Je viens de vous annoncer, mais vous n’étiez peut-être pas attentif (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), que, pour la première fois, nous allons à la fois revoir le statut des enseignants, sur lequel vous avez échoué pendant dix ans, et accorder aux équipes pédagogiques dans les collèges davantage de moyens pour individualiser leurs enseignements. Tous ceux qui aiment l’école, tous ceux qui veulent son redressement, y compris ceux qui m’ont précédé, savent ce qu’il convient de faire, car les évaluations nous ont conduits non seulement à dresser le diagnostic mais aussi à déterminer la thérapeutique. Ce qu’il faut, maintenant, ce sont des femmes et des hommes de bonne volonté.

M. Philippe Meunier. Avec vous, c’est mal parti !

M. Vincent Peillon, ministre. Souhaitons que vous rejoigniez cet appel à l’union nationale : nous en avons besoin, mais tel n’était pas l’état d’esprit qui vous animait lorsque vous avez posé votre question. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discriminations dans l’accès aux soins funéraires

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Jeanine Dubié. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé.

Dimanche 1erdécembre, journée mondiale de lutte contre le sida, les jeunes radicaux de gauche et des associations ont publié dans la presse dominicale une tribune sur les discriminations insupportables à l’encontre des personnes séropositives jusque dans la mort.

En effet, en 2013, les soins funéraires demeurent refusés aux personnes séropositives au VIH ou aux hépatites B ou C, en vertu de la réglementation en vigueur depuis le 20 juillet 1998, qui interdit la pratique de soins de conservation sur les personnes atteintes de ces pathologies. Toutefois, aucun argument scientifique ne justifie une telle interdiction dès lors que la thanatopraxie s’exerce en respectant les précautions universelles de l’Organisation mondiale de la santé.

Un avis du Conseil national du sida, une promesse du précédent ministre de la santé, Xavier Bertrand, un rapport du Défenseur des droits et un avis du Haut Conseil de la santé publique vont tous dans le sens d’une abrogation de ces dispositions discriminantes. Parce que les personnes atteintes du VIH ou d’une hépatite doivent trop souvent faire face, de leur vivant, à une série de discriminations et à une forte stigmatisation, nous ne devons pas prolonger cette situation après leur décès.

Nous sommes toutes et tous, dans cette assemblée, concernés par la lutte contre les discriminations. Ma question est simple : madame la ministre, vous aviez annoncé aux associations en juillet 2012, lors de la Conférence internationale sur le sida, que cette décision relevait également du ministère de l’intérieur ; je voudrais savoir si le Gouvernement songe à abroger ces dispositions discriminatoires et à autoriser enfin les soins funéraires pour les personnes séropositives au VIH et aux hépatites et, si oui, dans quel délai. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs des groupes SRC, UDI, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Madame la députée, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Mme Marisol Touraine, retenue à Marseille par les treizièmes Rencontres de la Fédération de l’hospitalisation privée.

Vous le savez sans nul doute : après avoir été alerté sur les difficultés rencontrées par les familles lors du décès de personnes infectées par le VIH, le Conseil national du sida a publié en 2009 un avis sur les opérations funéraires et demandé l’annulation de l’interdiction de réaliser des soins de conservation sur le corps des personnes atteintes d’infections transmissibles, telles que le VIH et les hépatites.

En 2011, le même Conseil national du sida a réitéré sa position. Le Défenseur des droits, la même année, a demandé à son tour la levée de l’interdiction. Le Haut Conseil de la santé publique a été saisi en 2012. Cette année, un rapport a été demandé à l’Inspection générale des affaires sociales et à l’Inspection générale de l’administration. Il sera rendu public prochainement.

Sur la base de ce rapport, le Gouvernement étudiera toutes les recommandations et les conditions préalables posées pour lever l’interdiction afin de permettre la pratique de soins sur les corps des personnes malades décédées. Cela suppose en tout état de cause de mener une réflexion en concertation avec les professionnels afin de leur garantir de bonnes conditions de sécurité face aux risques infectieux et chimiques.

Dans le même temps, parce qu’il est très attaché à la lutte contre toute forme de discrimination, le Gouvernement souhaite que l’ensemble des familles frappées par un deuil puissent également bénéficier de prestations de qualité dans le respect de la dignité du défunt. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Charges pesant sur les exploitations agricoles

M. le président. La parole est à M. Philippe Armand Martin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Armand Martin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture.

Si je ne doute pas du potentiel économique de notre agriculture, je regrette en revanche que votre gouvernement ne prête pas plus d’attention à ce secteur d’activité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Au même titre que les entreprises en général, les exploitations agricoles croulent aujourd’hui sous les charges.

Les dispositions du projet de loi dit d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ne me rassurent pas : ce ne sont que contradictions entre vos souhaits et vos réalisations. Vous affirmez vouloir relever le défi de la compétitivité ; l’intention est belle, mais, dans les faits, vous menez une politique totalement contraire au but affiché. Agriculteurs, maraîchers, viticulteurs ploient sous les contraintes, les charges sociales, les taxes et les impôts nouveaux. Pas un jour ne passe sans que de nouvelles normes soient fixées ou que la fiscalité soit alourdie ! Les charges sociales pesant sur les contrats de travail saisonniers ont par exemple augmenté de 300 % dans certains cas.

Monsieur le ministre, il faudrait que vous nous expliquiez comment la compétitivité de l’agriculture française peut être renforcée alors que vous prévoyez dans le même temps l’augmentation de la TVA, l’assujettissement des non-salariés agricoles aux cotisations sociales, qui est une bombe à retardement, ainsi que la mise en œuvre d’une nouvelle taxe pour l’entretien des milieux aquatiques.

S’il y a un domaine dans lequel votre gouvernement excelle, c’est bien celui de la répression fiscale ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre, le monde de l’agriculture en a assez (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), et ce qu’il souhaite, c’est non pas une loi de plus, mais de la souplesse dans l’application des normes et des contrôles et un allégement de la fiscalité.

Monsieur le ministre, tournez-vous vers l’avenir et dites-nous quelles mesures vous allez mettre en œuvre pour relancer la compétitivité des exploitations agricoles. Et ne vous réfugiez pas derrière le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont les effets sur les exploitations agricoles sont insignifiants au regard des augmentations de charges ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, vous avez évoqué plusieurs sujets. Premièrement, une fiscalité particulièrement lourde pèserait sur l’agriculture. Cet élément est sans doute sorti de votre imagination, car aucune taxe supplémentaire n’a été décidée pour l’agriculture.

M. Bernard Accoyer. Et les retraites ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous avez mentionné en particulier les exonérations de cotisations sur le travail saisonnier qui, contrairement à ce que vous affirmez, ont été maintenues.

Deuxièmement, vous avez parlé de la TVA. Or les agriculteurs n’y sont pas assujettis, et n’auront donc pas à s’en acquitter.

Troisièmement, s’agissant des normes environnementales, l’arrêté qui avait été pris en février 2011 par le gouvernement précédent, votre gouvernement, à la suite d’une condamnation de l’Europe à l’encontre de la politique conduite en France, n’avait alors pas suscité beaucoup de réactions de votre part.

M. Bernard Roman. Voilà la vérité !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Et c’est le ministre de l’agriculture d’aujourd’hui qui est obligé de l’aménager pour permettre aux agriculteurs de continuer à développer leur activité économique tout en prenant en compte la dimension écologique.

L’avenir de l’agriculture, monsieur le député, dépend de la capacité que nous avons à aider l’ensemble des secteurs de l’agriculture française, en particulier l’élevage, pour faire en sorte que ce que nous produisons soit transformé en France pour être ensuite vendu et exporté.

M. Philippe Le Ray. Et la contribution climat-énergie ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. La France est un grand pays agricole, et c’est tout l’enjeu de la loi d’avenir, une loi que, j’en suis sûr, vous voterez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Société nationale Corse Méditerranée

M. le président. La parole est à M. Patrick Mennucci, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Patrick Mennucci. Je souhaite associer à cette question mes collègues Avi Assouly et Henri Jibrayel. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP, où l’on crie : « Et Guérini ! »)

M. le président. Mes chers collègues, écoutons la question au lieu de faire du brouhaha !

M. Patrick Mennucci. Samedi 23 novembre, M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche a déclaré que l’État ne laisserait pas faire quoi que ce soit qui conduirait à la disparition de la Société nationale Corse Méditerranée. Les Marseillais et les personnels de la SNCM ont salué cette position. Pourtant, malgré cette annonce, des rumeurs persistantes, distillées par un actionnaire privé, laissent entendre que notre compagnie pourrait être vendue à la découpe, seules les liaisons avec la Corse étant maintenues au titre de la continuité territoriale. Un tel scénario, s’il se confirmait, conduirait à la suppression de plus de 2 000 emplois à Marseille et en Corse, ce qui constituerait une catastrophe sociale pour une région et une ville déjà durement frappées.

La multiplicité des acteurs publics et privés intervenant aujourd’hui dans le dossier conduit à une pluralité d’expressions qui est source de confusion. Monsieur le ministre, l’État actionnaire doit désigner au plus vite un pilote unique. Il doit exiger que Veolia et la Caisse des dépôts et consignations assument leurs responsabilités.

La première mission de l’État est de sauvegarder les emplois et les actifs de la SNCM, dans l’intérêt non seulement de Marseille et de la Corse, mais de tout notre pays. Il est urgent de faire la lumière sur le rôle de l’actionnaire privé dans le management et sur l’exécution de la délégation de service public depuis la privatisation, mais aussi sur notre attitude devant les fumeuses amendes infligées par l’Europe, dernière élucubration en date des ultralibéraux de Bruxelles. Nous avons confiance en ce gouvernement ; c’est donc avec confiance que nous attendons votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, le Gouvernement suit avec une grande attention ce dossier depuis le début de cette législature.

M. Pierre Lellouche. Ben voyons !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Des étapes importantes ont d’ores et déjà été franchies. Un projet industriel a été validé fin juin et début septembre par le conseil de surveillance de l’entreprise. Il prévoit notamment de renouveler une partie de la flotte. Je sais par ailleurs que les négociations sociales avancent et que les salariés de la SNCM jouent le jeu pour redresser définitivement leur entreprise. Les actionnaires ont fait le nécessaire pour assurer le financement de l’exploitation durant l’année 2013 qui a été difficile pour l’entreprise.

La principale étape a été franchie le vendredi 6 septembre : la collectivité territoriale de Corse a décidé d’attribuer à la SNCM la délégation de service public pour la desserte de la Corse entre 2014 et 2023, ce qui donne une véritable perspective à l’entreprise et à ses salariés. Le contrat a été signé à la mi-septembre.

Depuis le 11 octobre, une procédure de conciliation a démarré pour trouver une solution au problème de trésorerie à court terme. Par ailleurs, Transdev et Veolia Environnement ont consenti une avance de trésorerie de 17 millions d’euros il y a deux semaines. De son côté, l’État actionnaire a accordé à la SNCM une avance de 10 millions d’euros ces derniers jours.

La Commission européenne a rendu une nouvelle décision concernant les conditions dans lesquelles la privatisation s’était déroulée en 2006, à la suite de l’annulation par le Tribunal de l’Union européenne, en septembre 2012, de sa précédente décision. Comme en ce qui concerne le service complémentaire, nous contestons cette position, contre laquelle nous avons d’ailleurs déposé un pourvoi.

Enfin, le Gouvernement a engagé un travail de fond avec l’ensemble des parties prenantes pour tenter de trouver dans les prochaines semaines une solution adaptée et définitive qui permette de sauvegarder le plus d’emplois possible et d’assurer la continuité territoriale entre le continent et la Corse. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)

Avenir de l’entreprise Kem One

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gaby Charroux. Ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif.

Monsieur le ministre, nous sommes engagés depuis des mois dans le sauvetage de la société Kem One, dont le pôle amont a été placé en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Lyon. Je voudrais souligner les efforts déployés par votre ministère et par vous-même pour sauver cette entreprise et les 1 700 emplois qui en dépendent, et cela en associant à chaque étape les parlementaires concernés.

Le 12 décembre, le tribunal de commerce aura à se prononcer sur l’avenir de la filière PVC, mise à mal par M. Gary Klesch sous le regard bienveillant du précédent gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

En désignant un repreneur, le tribunal va prendre une lourde responsabilité qui engage, certes, l’avenir du pôle vinylique, mais également celui de 20 000 emplois induits dans les bassins industriels concernés, tout particulièrement dans ma circonscription, avec les deux unités de Martigues-Lavéra et de Fos-sur-Mer, ainsi qu’en Rhône-Alpes et dans les Alpes-de-Haute-Provence.

Parmi les offres de reprise, le projet Phoenix offre des perspectives et des garanties industrielles et financières, tout en assurant un engagement fort de l’État et des opérateurs industriels, qui se retrouveraient dans une communauté d’intérêts et un actionnariat vertueux. L’interdépendance entre les différents acteurs industriels trouve dans ce projet une logique équitable. Le président de la région Rhône-Alpes semble d’ailleurs être du même avis que moi sur la pertinence de cette opération de reprise qui ouvre des potentialités majeures.

Vous savez l’intérêt que j’ai porté à votre annonce de fonds de retournement. Nous avons là une belle occasion d’en démontrer toute la pertinence au travers du soutien à ce projet dans lequel les salariés s’investissent pleinement.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, à moins de dix jours de la décision du tribunal, nous préciser quelle est l’opinion du gouvernement sur ce projet novateur et porteur d’avenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député, comme vous l’avez noté, le dossier Kem One nous tient à cœur. Nous le surveillons de très près avec le Président de la République et le Premier ministre. Nous avons tenu informés scrupuleusement – autant que le permettait la confidentialité requise pour certaines informations – les organisations syndicales et les élus. Notre stratégie n’a pas changé : il s’agit de conserver Kem One dans son intégrité, de refuser toute vente à la découpe, d’assurer une restructuration permettant la rentabilité du groupe sur la durée et de conserver les emplois.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons patiemment construit une solution avec l’ensemble des partenaires de la pétrochimie, car la défaillance de Kem One entraînerait une contamination de l’ensemble des partenaires, en amont et en aval, qu’il s’agisse des fournisseurs ou des clients de l’entreprise ; les uns comme les autres rencontreraient des difficultés.

Comme vous le savez, trois propositions sont sur la table : deux offres de reprise par des personnes extérieures et une offre portée par les salariés. Ces trois offres intéresseront le tribunal, de même d’ailleurs que le gouvernement, même si ce n’est pas lui qui choisit. Elles fournissent des éléments très utiles, peut-être même complémentaires, tant en matière de capitalisation que d’actionnariat ou de management. C’est au tribunal qu’il reviendra de construire, si c’est possible, l’alliance entre ces offres. En tout état de cause, le Gouvernement a manifesté sa disponibilité après que vous avez vous-mêmes approuvé le fonds de résistance économique qui vise à aider les entreprises, en l’occurrence à prêter, dans des conditions conformes aux règles européennes, des fonds permettant de consolider les conditions de reprise. En somme, les choses avancent bien, mais rien n’est encore tout à fait acquis. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Travail dominical

M. le président. La parole est à Mme Marianne Dubois, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marianne Dubois. Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Pierre Lellouche, s’adresse à M. le Premier ministre. Il ne faut toucher aux lois que « d’une main tremblante », nous enseigne Montesquieu. C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit des dérogations visant à permettre de travailler le dimanche.

Ce jour n’est pas tout à fait comme un autre. C’est un temps en famille, un temps de partage, de sociabilité, émaillé de nombreuses activités associatives, culturelles ou sportives. D’ailleurs, la loi de 2009 encadrait strictement les dérogations possibles et donnait un rôle important aux élus locaux dans la décision de demander ou non des dérogations.

Aujourd’hui, nous avons du mal à comprendre où vous voulez aller. Vous promettiez de clarifier les choses, mais après avoir reçu le rapport Bailly, vous embrouillez les esprits. D’un côté, vous annoncez un décret pour permettre aux enseignes de bricolage d’ouvrir, au même titre que d’autres surfaces commerciales. De l’autre, vous déclarez que la loi de « remise à plat » – c’est décidément la grande mode – ne prévoira pas de dérogations permanentes pour des secteurs comme le bricolage. Que faut-il donc comprendre ? De la même façon, vous dites ne pas vouloir banaliser le dimanche, et vous proposez de doubler les possibilités d’ouverture ce jour-là.

Si je suis aussi amère, c’est qu’à plusieurs reprises j’ai interpellé le Premier ministre et les membres du Gouvernement sur ce sujet, et montré les dérives existantes. Les premières victimes sont les bassins de vie ruraux proches de la région parisienne, tel le Pithiverais, celui-ci se transformant en aspirateurs à consommateurs les fins de semaine et certains jours fériés. Pourquoi accorder à ces agglomérations le droit de faire périr nos campagnes et nos commerces de proximité ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, Sylvia Pinel et moi-même avons déjà répondu à des questions semblables de la manière la plus claire possible. Je le redis, le dimanche n’est pas un jour comme les autres ; il doit donc être préservé pour ne pas être, du point de vue du travail, considéré comme un jour ordinaire. Il faut donc maintenir le principe du repos dominical. Constatons au moins que nous sommes en accord sur ce point. Je ne suis pas certain, d’ailleurs, que ce soit le cas dans vos rangs.

Mme Laure de La Raudière. Dans les vôtres non plus !

M. Michel Sapin, ministre. Certains de vos collègues, et ils sont nombreux, réclament une ouverture généralisée le dimanche : demandez à M. Chatel le sens de la proposition de loi qu’il est en train de préparer !

Pour notre part, nous ne voulons pas considérer le dimanche comme un jour comme les autres.

Une chose est sûre : pour mettre en place des dérogations, il ne faut surtout pas procéder comme vous l’avez fait, c’est-à-dire par un décret qui a progressivement été étendu à plusieurs secteurs, de sorte que le désordre économique et juridique est total aujourd’hui. Il existe des contentieux à n’en plus finir, plus personne ne comprend rien aux ouvertures, aux fermetures, et vous-mêmes peinez à distinguer parmi les décisions qui ont été prises par les gouvernements que vous souteniez.

Il faut donc mettre en place des dérogations simples. Le premier principe est de faire en sorte que les territoires eux-mêmes puissent prendre les décisions, le problème ne se pose pas de la même manière en région parisienne, à Pithiviers ou à Argenton-sur-Creuse. Par ailleurs, le dialogue social est nécessaire pour que la compensation accordée soit la même pour tous et le produit d’une négociation entre patronat et syndicats.

Tels sont les termes, simples, de la réforme à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Violences faites aux femmes

M. le président. La parole est à Mme Edith Gueugneau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Edith Gueugneau. Ma question s’adresse à Mme la ministre des droits des femmes. Lundi, à l’occasion de la journée internationale des violences faites aux femmes, je me trouvais à Paray-le-Monial, en Saône-et-Loire, pour une conférence sur les violences conjugales, avec l’ensemble des acteurs engagés sur le territoire. Nous mesurons tous le chemin qui reste à faire ; j’ai, pour ma part, profité de l’occasion pour souligner le chemin déjà parcouru.

Oui, depuis dix-huit mois, le Gouvernement a engagé une véritable politique en faveur des droits des femmes, faisant de la lutte contre les violences faites aux femmes une priorité. La création d’un ministère de plein exercice en est le symbole, le doublement du budget en est la réalité : 66 millions d’euros seront ainsi consacrés, au cours des trois prochaines années, à la lutte contre les violences faites aux femmes.

Votre projet de loi, madame la ministre, est le premier à aborder l’égalité entre les femmes et les hommes dans sa globalité. La lutte contre les violences faites aux femmes y trouve évidemment toute sa place. L’enjeu est de combattre les conséquences dramatiques de stéréotypes sexués, mais aussi de garantir la sécurité, à laquelle tout citoyen a droit, et la santé publique.

Les chiffres sont alarmants : une femme sur dix est victime de violences conjugales, 83 000 femmes se déclarent chaque année victimes de viol ou de tentatives de viol. La liste est aussi longue qu’effrayante.

Des réponses concrètes sont nécessaires. Elles figurent dans le nouveau plan triennal de lutte contre les violences faites aux femmes, que vous avez présenté le 22 novembre. En Saône-et-Loire, j’ai engagé un travail avec la coordinatrice nationale de la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences – la MIPROF – et les acteurs locaux, sur les violences faites aux femmes en milieu rural. Ce travail trouvera à s’enrichir avec les mesures proposées par ce plan de lutte. Pouvez-vous, madame la ministre, nous le présenter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement. Madame la députée, merci d’avoir rappelé cette cruelle réalité. Ce plan de lutte contre les violences faites aux femmes mobilise 66 millions d’euros, soit le double du plan précédent. Il prévoit la mise à disposition des victimes de la ligne téléphonique 3919, sept jours sur sept. On sait en effet que ces femmes prennent le téléphone pour tirer la première alarme.

Il prévoit aussi la construction, d’ici 2017, de 1 650 places d’hébergement supplémentaires. Malgré l’éviction du conjoint violent du domicile, il reste un certain nombre de demandes à satisfaire.

Dans les postes de police et de gendarmerie, des intervenants sociaux permettront d’apporter des réponses sociales aux victimes, ce qui est la meilleure façon de précipiter leur sortie du cycle des violences.

L’accompagnement sanitaire constitue un autre volet du plan. Nous mettons en place un protocole national et nous faisons des soins physiques et psychologiques qui sont prodigués aux femmes victimes de violences une priorité de santé publique. À l’attention des victimes de viol qui, trop souvent, ne peuvent apporter, dans la procédure judiciaire, les preuves des violences subies, nous proposons une réponse d’urgence, pour constater le plus tôt possible les violences et apporter les premiers soins.

Ce plan incite aussi à la dénonciation des violences. Il prend mieux en compte les mains courantes, devenues ces dernières années une bouteille à la mer, propose un suivi par le parquet ou par le poste de police où elles ont été déposées. Les victimes seront rappelées et il leur sera proposé un accompagnement. Enfin, ce plan prévoit une formation, ô combien nécessaire, pour les professionnels. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

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Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 (lecture définitive)

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014, que l’Assemblée a examiné hier soir en lecture définitive (nos 1593, 1594).

Explications de vote

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Louis Touraine. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le texte que nous nous apprêtons à adopter en lecture définitive est à la fois ambitieux et responsable. Responsable car soucieux des budgets et ambitieux car inspiré des idées nouvelles et de progrès. Je peux entendre que certains conservateurs ne soient pas convaincus de ces perspectives de justice sociale du XXIsiècle, comme les plus conservateurs des Républicains américains ne le sont pas par les arguments du président Obama.

Mais comment comprendre ceux qui dénoncent un manque d’ambition, quand le tournant de la santé publique et de nouvelles tarifications plus justes se mettent en place ?

Cette année encore, notre majorité poursuit l’engagement de redresser les comptes de la Sécurité sociale.

Contrairement à nos prédécesseurs, nous réalisons ce redressement sans aucun déremboursement, sans aucun recul de droits pour les patients, avec l’unique objectif de maintenir au plus haut le niveau de la protection sociale pour tous les Français.

Grâce à des efforts équitablement répartis, cette loi permettra de réduire de 3,4 milliards d’euros le déficit de la Sécurité sociale pour l’année 2014, rapprochant ainsi le solde de son niveau d’avant la crise.

C’est un pas considérable, qui nous permet de réaffirmer l’engagement d’un retour à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale à l’horizon 2017.

Je tiens à saluer l’attitude constructive du Gouvernement, qui a su entendre les inquiétudes que soulevait l’harmonisation de la fiscalité concernant les PEA et les PEL.

Je tiens aussi à saluer le travail du rapporteur Gérard Bapt qui, cette année encore, a réussi à conjuguer les enjeux de santé publique ou de prévention avec la recherche de financements nouveaux. La création d’une contribution sur les boissons énergisantes va dans ce sens.

Si nous faisons preuve d’une grande responsabilité dans l’équilibre général de ce PLFSS et dans les mesures d’économie qu’il comporte, nous n’avons pas limité son enjeu à une simple balance comptable.

Dans la droite ligne de la stratégie nationale de santé que Mme la ministre de la santé a annoncée, ce projet de loi de financement amorce les réformes de structures de notre système de santé. Il renforce la place de la médecine de proximité, il ouvre de nouvelles perspectives pour la télémédecine, il instaure une rémunération pour les équipes pluridisciplinaires, il renforce la coopération entre les professionnels de santé, il incite plus fortement à la chirurgie ambulatoire.

Nous en sommes convaincus : c’est par une plus grande efficience du système de soins que les dépenses de l’assurance maladie seront l’objet d’une maîtrise médicalisée.

L’année dernière, le PLFSS abrogeait la convergence tarifaire, cette année nous affirmons encore notre confiance dans l’hôpital public en contrôlant plus justement la tarification à l’activité.

Ce sont des mesures concrètes en faveur des hôpitaux qui seront prises dès l’année prochaine : instauration d’un financement plus favorable pour les activités réalisées dans les établissements isolés, dégressivité des tarifs en fonction du volume d’actes réalisés afin de lutter contre des effets inflationnistes, et, surtout, expérimentation d’une tarification au parcours de soins pour deux maladies : l’insuffisance rénale chronique et le traitement du cancer par radiothérapie, en attendant son extension à d’autres maladies chroniques.

Je m’étonne que peu aient souligné cette révolution pacifique et bénéfique, qui concernera, demain ou après-demain, la majorité des maladies chroniques, les affections de longue durée, la prise en charge des personnes âgées, c’est-à-dire la majorité des dépenses de santé.

Dans un souci de prévention et de santé publique, qui préfigure la grande loi de santé publique de 2014, il est prévu de tripler le forfait de prise en charge du sevrage tabagique pour les jeunes, lesquels continuent d’être les victimes malheureuses du grave fléau du tabac, responsable chaque année de la mort de 73 000 Français.

Je conclurai en soulignant combien le débat parlementaire a permis d’enrichir le texte. Au nom du groupe socialiste, je me félicite que nous ayons contribué à mettre en œuvre des mesures de justice sociale, notamment pour ceux qui, dans notre pays, sont les plus vulnérables : en affectant 100 millions d’euros issus de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie pour renforcer la politique en faveur des personnes âgées dépendantes, en élargissant l’accès à la couverture maladie universelle complémentaire, ou encore en augmentant de 10 % l’aide à la complémentaire santé pour les retraités modestes.

Il s’agit là d’une mesure particulièrement importante, dont plus d’un million de personnes bénéficieront l’année prochaine.

Madame et monsieur les ministres, tout au long de ces débats, vous avez pu mesure combien la volonté de mes collègues de s’atteler à une réforme en profondeur de notre système de santé était grande.

Dès l’année prochaine, la loi de santé publique nous permettra d’ouvrir des chantiers importants, qu’il s’agisse de notre politique de prévention et d’éducation à la santé, du traitement des maladies chroniques, de notre politique du médicament ou des nombreuses réformes attendues pour l’hôpital public.

Cette loi de santé publique, nous l’attendons désormais impatiemment, et c’est animé par cette volonté de long terme que le groupe socialiste votera ce projet de loi de financement de la loi Sécurité sociale de grande qualité, qui offre de belles perspectives dans le respect de la justice sociale à laquelle nos concitoyens sont légitimement attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors qu’en 2013, la dette notre pays se creuse de 5 500 euros à chaque seconde qui passe et que la dette sociale devrait bientôt atteindre les 200 milliards d’euros, ce PLFSS est complètement en dehors de l’objectif que le gouvernement aurait dû se fixer cette année encore. Pas de réforme structurelle en profondeur comme le recommandait pourtant la Cour des comptes. Depuis l’année dernière, vous supprimez la plupart des mesures de réforme que nous avions mises en place. À présent, votre prévision de déficit pour 2014 est de 13 milliards d’euros ! C’est votre responsabilité, c’est la conséquence des décisions de votre gouvernement.

Mais c’est vrai, c’est tellement plus facile d’augmenter les taxes, les impôts, et d’accabler les classes moyennes !

Ce PLFSS est marqué par deux caractéristiques.

La première est le mépris dont fait preuve le Gouvernement à l’endroit du Parlement et du Conseil constitutionnel. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Le projet de loi n’a été envoyé aux membres de la commission des affaires sociales qu’après l’audition du Gouvernement en commission – du jamais vu ! Même la présidente de la commission a réclamé que le Parlement soit davantage respecté.

Le temps de discussion, en outre, a été contraint. Recours au vote bloqué, volte-face du Gouvernement immédiatement après le vote d’un article sur la taxation de l’épargne des Français – leur plan d’épargne logement, leur compte d’épargne en action, leurs assurances vie – alors qu’en séance nous avions cherché à vous convaincre d’y renoncer, mesures décidées à la dernière minute sans évaluation préalable pour l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé – à seule fin de convaincre votre propre camp de voter le texte.

Enfin, le Conseil constitutionnel vous avait sanctionnés sur le dispositif très contesté des clauses de désignation qui mettent à mal la liberté contractuelle et la liberté d’entreprise. Le président de la commission des lois, M. Urvoas, pourtant proche de vous, a dit : « Je crains que le Conseil constitutionnel n’admette pas que la fiscalité dépende, non du contrat, mais du fait que des structures privées ont suggéré un choix sur des bases discrétionnaires. » (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Sachez, chers collègues, que des dizaines de milliers d’emplois sont menacés dans les mutuelles.

Ce texte se caractérise en outre par le contraste entre votre discours et la réalité.

Vous affichez des économies qui sont des mirages, puisqu’elles ne représentent que 3,5 milliards d’euros tandis que la hausse tendancielle des dépenses est simplement neutralisée. Vous prétendez faire des efforts budgétaires vis-à-vis des personnes âgées dépendantes, alors que vous avez, cette année, considérablement réduit les crédits qui leur sont alloués. La réalité est que vous ponctionnez cette année encore les retraités avec des impôts nouveaux et des taxes nouvelles. Sur les 640 millions d’euros pris aux retraités, la réattribution de 100 millions au secteur est un cautère sur une jambe de bois, d’autant que vous avez récupéré les crédits non consommés l’année dernière à la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie !

Vous prétendez avancer significativement sur la contraception des mineures et vous vous gargarisez des mesures proposées dans ce texte, alors que vous les contraignez à payer le ticket modérateur et que la mesure ne garantit pas l’anonymat. Vous vous servez de ce texte pour faire croire aux Français que vous vous préoccupez de leur santé en taxant les boissons énergisantes, mais votre unique objectif est, une fois de plus, de récupérer des recettes. Vous savez pourtant très bien qu’on n’a jamais résolu un problème de santé publique par une mesure d’ordre fiscal.

Vous avez contesté, aux côtés des communistes, les franchises médicales, mais vous vous gardez bien d’y apporter aujourd’hui la moindre modification. Les communistes ne s’y trompent pas : ils vous le reprochent et vous condamnent.

Vous dites aux Français que vous aimez les familles, mais vous vous attaquez, notamment avec ce texte, aux politiques qui les soutiennent. Vous transformez les politiques familiales en politiques sociales, au risque est grand de porter un coup à la natalité qui fait la fierté de notre pays.

Quels mensonges ! Quelle hypocrisie ! Quelle tromperie vis-à-vis des Français ! Mais il est vrai qu’avec la charge portée contre la France qui travaille, contre les familles, contre les épargnants, contre les retraités, contre l’industrie du médicament, la colère gronde dans les territoires et a fini par vous parvenir. Vous cherchez donc à cacher derrière des discours la triste réalité de ce PLFSS qui manque d’ambition et ne prépare pas l’avenir. Dans ces conditions, le groupe UMP votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Arnaud Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est parfois difficile d’expliquer le vote d’un groupe parlementaire en cinq minutes ; pour ce PLFSS, l’exercice sera assez facile.

Facile, d’abord, puisque que nous avons eu plusieurs occasions de donner notre opinion sur ce texte, étape après étape, et les étapes n’ont pas manqué : hier soir encore, nous avons eu une discussion générale. Mais ce sera également facile parce que la discussion parlementaire, monsieur le ministre, n’a pas permis de faire évoluer substantiellement ce texte, comme il eût été nécessaire de le faire. Nous voilà donc revenus, à quelques grossières erreurs près, au texte initial.

Sans revenir sur l’ensemble des dispositions de ce vaste texte, je dirai quelques mots de la méthode et du sens. Ce qui s’est passé pendant ces débats questionne beaucoup sur le rôle que vous souhaitez donner au Parlement et tout spécialement, une fois encore, sur la place que vous accordez à votre propre majorité parlementaire.

Vous avez terriblement maltraité le Parlement pendant cette discussion, et vous comprenez que, sur ces thématiques qui concernent tous nos compatriotes aux moments les plus intimes, les plus décisifs, parfois les plus tragiques de leur vie, il nous semble particulièrement choquant que les représentants du peuple que nous sommes soient mis à l’index sur ce texte, avec une pointe de mépris. Oui, à notre sens, vous avez méprisé la représentation nationale – je vois que vous opinez du chef, monsieur le ministre !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Allons donc !

M. Arnaud Richard. Vous l’avez fait d’emblée, monsieur le ministre, peut-être faute de travail en profondeur : comment ne pas rappeler en effet que ce texte, présenté en Conseil des ministres le 9 octobre, n’a été mis à la disposition des députés que quarante-huit heures plus tard ? C’était une première, monsieur le président de l’Assemblée nationale !

À ce dysfonctionnement majeur, d’ailleurs dénoncé par la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Lemorton, s’en sont ajoutés d’autres. La première lecture du texte au Sénat a quasiment été bâillonnée, interrompue par le recours au vote bloqué. Cette procédure brutale a eu notamment pour effet de supprimer tous les amendements adoptés par la Haute assemblée, y compris ceux de votre majorité. Revenu à l’Assemblée, le texte devait tout naturellement connaître le même sort en deuxième lecture : bis repetita placent. C’est tout naturellement ce qui aurait dû se produire si, dans un élan républicain, les sénateurs n’avaient redressé la tête en adoptant une motion de rejet préalable ; et c’était bien logique de leur part puisqu’au fond, il n’y avait pas lieu à débat faute de réelle possibilité d’amendement du texte.

Ce fut aussi la valse de toutes les confusions, que l’on a eu l’occasion d’évoquer à moult occasions. Je reviens sur l’usage que vous faites de la CASA, qui n’a jusque-là jamais répondu à sa vocation pourtant établie par vous-mêmes. Je passe sur la valse-hésitation de l’article 8 concernant les prélèvements sociaux sur les produits de placement. Je ne reviens pas sur le faux pas largement évoqué par mon collègue Vercamer de la clause de désignation, désormais intitulée clause de « recommandation », que le Conseil constitutionnel ne manquera pas à notre sens de sanctionner. Évoquerai-je ce moment où la santé foule aux pieds la politique familiale, lorsque l’article 56 modifie les conditions d’attribution de l’allocation de base de la PAJE ?

Et tout cela pour quoi ? Des résultats insuffisants pour faire face aux difficultés à venir, pour protéger durablement nos concitoyens face aux attentes des familles, aux attaques de la maladie, aux coups du sort ou à l’avancée inéluctable de l’âge.

Après cette valse à quatre temps, nous avons le sentiment, madame la présidente de la commission des affaires sociales, d’une confusion générale, comme si nous avions tourné en rond dans le sens inverse de celui du monde et des attentes de nos concitoyens. Au fond, vous restez arc-boutés sur les mêmes méthodes vexatoires de taxation, au prix d’une casse économique, sociale et même sociétale.

Oui, c’est insupportable alors qu’il y a tant à faire pour cette immense diversité constituée d’hommes et de femmes mais aussi d’opérateurs publics et privés de notre système de Sécurité sociale. Et c’est parce que les contraintes financières sont lourdes et les nécessités du temps incontournables, monsieur le ministre, qu’il fallait à notre sens s’armer de rigueur et d’ambition – qualités dont ce texte est malheureusement dépourvu.

Si vous sortiez de votre tour d’ivoire, mes chers collègues, si vous aviez accepté une discussion saine et ouverte avec l’ensemble de la représentation nationale, je dis bien l’ensemble de la représentation nationale, alors vous n’auriez fait qu’un choix : ce choix, c’est celui de l’édification d’un nouveau projet de Sécurité sociale pour nos compatriotes. Une fois encore, monsieur le ministre – mais je vois que cela vous fait sourire –, vous êtes passé à côté d’un rendez-vous fondamental avec les Français. Il est donc évident que le groupe UDI, dans ces conditions, votera contre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour le groupe écologiste.

M. Jean-Louis Roumegas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, la volonté affichée du Gouvernement en matière de maîtrise du déficit des comptes de la Sécurité sociale et de l’assurance maladie en particulier est salutaire : l’équilibre est indispensable. Mais nous sommes aussi et en même temps devant l’impérieuse nécessité de construire le cadre d’une politique de santé qui repose sur un nouveau paradigme.

Nous ne pouvons plus nous exonérer du réexamen ferme et collectif des causes de la dégradation des conditions sanitaires et de l’accès aux soins dans notre territoire, ni le repousser perpétuellement. Les maladies chroniques prolifèrent, la stabilité psychologique de nos concitoyens vacille, les inégalités se creusent, des pans entiers de notre population ont perdu confiance dans la capacité de nos gouvernements à garantir tout à la fois justice sociale, qualité de vie, rigueur et indépendance dans l’expertise de ce qui est proposé à la consommation quotidienne, dans l’alimentation, dans les soins, ou simplement dans l’air que nous respirons.

Comme le souligne le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, l’équilibre général de nos comptes ne sera possible que si de nouvelles recettes s’instaurent. Nous avions fait des propositions dans ce sens, souvent sans succès. Nos propositions visant à asseoir de nouvelles recettes sur des taxes comportementales ont été rejetées. De la même façon, nous n’avons pas été suivis sur la nécessité de limiter les retraites chapeaux.

Nous avons avancé pied à pied sur l’inclusion des populations les plus fragiles, guidés par la conviction que plus le taux de renoncement aux soins s’accroît, plus les dépenses à moyen et à long termes pour des consultations et des urgences se multiplient, creusant d’autant plus nos déficits publics.

Nous avons été entendus pour la revalorisation du minimum vieillesse, tant en avril qu’en octobre : ce n’est que justice. L’accès à la complémentaire santé, sous-utilisée à ce jour, sera conforté par un bonus de 50 euros. Nous veillerons à ce que ces contrats solidaires ne soient pas des contrats au rabais mais bien en phase avec les besoins des populations, avec un panier de soins de qualité.

Ce sont les petits pas qui font les longues marches : nous voulons voir aboutir complètement la fin de la convergence tarifaire. Le développement des maisons de santé est une bonne nouvelle, de même que le tiers-payant pour tous, dont nous attendons l’application.

J’exprimerai un regret pour tous ces malades atteints du VIH, confrontés à la dépendance et à de lourds traitements, qui souhaitent l’accès à des médicaments spécifiques relevant d’une autorisation temporaire dans des délais plus courts. La Journée mondiale contre le sida instaurée par l’OMS nous rappelle à nos engagements pour 2015 : l’« objectif zéro » – zéro contamination, zéro discrimination. Mais nous sommes loin de cet horizon, puisque chaque année nous détectons 6 000 nouvelles contaminations et qu’au même moment, sur le terrain, les associations de lutte ont vu leur budget fondre d’un tiers.

Au-delà, les écologistes rappellent que la politique du tout médicament n’est pas une fin en soi. Il serait temps de réexaminer les politiques tarifaires de remboursement. Ce n’est pas à l’industrie pharmaceutique de dessiner les contours de notre politique de santé. Les quarante-quatre propositions de travail actées avec les filières pharmaceutiques ne peuvent s’appuyer sur le maintien d’une situation de rente, sur les menaces de suppressions d’emplois ou les délocalisations.

En matière de santé environnementale, le Gouvernement tarde à prendre la mesure des urgences sanitaires ; il tarde à donner corps à une réelle politique de recherche sur les pollutions de tous ordres et à limiter l’exposition de nos concitoyens aux toxiques dans l’air que nous respirons, dans l’eau ou dans la chaîne alimentaire.

De manière générale, nous soutenons l’idée qu’en investissant dans la prévention primaire, nous répondrons à un devoir de solidarité tout en soignant les comptes publics. Ce PLFSS 2014 répond donc à l’impératif de solidarité et améliore l’accès aux soins des plus démunis dans un contexte pourtant lourd de contraintes budgétaires.

Toutefois, monsieur le ministre, nous attendons également la loi de santé publique annoncée pour le premier semestre 2014, dans laquelle nous souhaitons voir des avancées significatives en matière d’éducation à la santé et de politique de santé environnementale. Dans l’immédiat, et en attendant, nous soutenons votre PLFSS 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Dominique Orliac. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous nous apprêtons, enfin, à voter en lecture définitive ce PLFSS 2014. Pour commencer, je voudrais rappeler ici ma satisfaction concernant les dispositions introduites notamment dans les articles 45 et 51 lors de notre discussion en deuxième lecture et touchant au pouvoir d’achat des retraités les plus modestes. L’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, sera revalorisée deux fois en 2014 : une première fois au 1er avril comme cela était prévu par l’article 4 du projet de loi sur les retraites, une deuxième fois au 1er octobre, en même temps que l’ensemble des pensions. Cette double revalorisation permettra de porter le montant minimal de ressources garanties à nos concitoyens les plus âgés au-delà de 800 euros par mois. Elle simplifiera également leur situation puisque l’ensemble de leurs pensions de base seront revalorisées simultanément à compter du 1er octobre 2014. Cette mesure bénéficiera aux 550 000 bénéficiaires de l’ASPA.

Je veux également parler de l’aide à la complémentaire santé, l’ACS, pour les personnes âgées de 60 ans et plus, qui sera majorée de 10 %, soit une augmentation de l’ordre de 50 euros ; un amendement à l’article 45 du PLFSS a été présenté par le Gouvernement en ce sens. Il convient de rappeler que cette seconde mesure fait suite au relèvement de 8,3 % du plafond d’éligibilité à l’ACS et de la CMU-C décidé par le Gouvernement le 1er juillet dernier.

À la suite de ce relèvement, ce sont plus de 1,1 million de retraités modestes, dont les ressources sont inférieures à 967 euros par mois, qui seront éligibles à cette aide et pourront ainsi bénéficier de cette mesure qui leur permettra de mieux faire face à leurs frais de santé et améliorera leur pouvoir d’achat. C’est une mesure de long terme, qui bénéficiera également à l’ensemble des retraités actuels, ainsi qu’à ceux qui liquideront leur pension à l’avenir. Au-delà de la majoration de son montant, l’accès à l’ACS est par ailleurs renforcé par le PLFSS 2014 qui prévoit la mise en place d’appels d’offres par les mutuelles et une meilleure information sur le dispositif qui doit être envisagé. Ces deux mesures fortes en direction des retraités les plus fragiles sont plus que bienvenues. Notre groupe radical, républicain, démocrate et progressiste est très satisfait d’avoir été entendu sur cette revendication portée avec nos collègues du groupe écologiste.

En outre, les avancées concernant les soins primaires, avec le financement des coopérations libérales, la généralisation des rémunérations des équipes pluri-professionnelles et l’amélioration de la couverture des praticiens et auxiliaires médicaux, seront les bienvenues, comme j’ai pu le dire à plusieurs reprises lors de nos débats passés.

Nous sommes également satisfaits que ce texte renonce à la taxation accrue de plusieurs produits d’épargne, dont le PEA, le PEL et l’épargne salariale, contenue dans l’article 8. Comme ce fut le cas pour les retraités les plus modestes, cela n’était pas conforme à l’équité fiscale, car ces produits concernent souvent les classes moyennes, voire les catégories modestes. Par ailleurs, ce relèvement inopiné et son effet rétroactif auraient marqué une instabilité fiscale risquant d’être dissuasive à l’avenir pour les épargnants ; nous saluons donc cette avancée positive.

Il faudra réfléchir, pour le PLFSS 2015, à une véritable réforme structurelle. Le prochain PLFSS devra compter sur des réformes de fond et non sur des mesures conjoncturelles afin de pallier le déficit de la Sécurité sociale.

Les Français sont attachés à leur système de Sécurité sociale, qui fait partie de notre socle républicain. Le rendre pérenne et financièrement supportable pour tous, et notamment les jeunes générations, est un défi immense, mais nous avons bonne confiance en vos capacités pour trouver de nouvelles pistes sans forcément revenir sur des économies fondées sur l’industrie du médicament génératrice d’emplois avec la recherche.

Fidèle à la majorité gouvernementale, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera donc ce PLFSS 2014 en vous donnant rendez-vous l’an prochain, en espérant pour cette prochaine année que votre projet de loi de financement de la Sécurité sociale puisse aborder ces réformes structurelles importantes qui permettront de pérenniser notre Sécurité sociale pour les années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture nous dénoncions l’insuffisance de l’ONDAM pour 2014 et ses conséquences directes pour les établissements publics de santé confrontés à des difficultés financières majeures, dont nous sommes tous témoins dans nos circonscriptions.

Aujourd’hui, cet objectif de dépenses présente une baisse de 150 millions d’euros qui nous est présentée comme la preuve d’une politique de gestion rigoureuse des dépenses d’assurance maladie. On pourrait comprendre l’objectif comptable de maîtrise des dépenses qui anime le Gouvernement après des années d’une gestion calamiteuse pour la droite. Mais de la gestion rigoureuse à la politique de rigueur il n’y a qu’un pas, que vous avez allègrement franchi, non sans contradictions. Légère entorse à la rigueur budgétaire pour éviter une contestation de la réforme des retraites, vous sortez en catastrophe du chapeau une double revalorisation de l’ASPA. Sur le fond nous sommes, bien sûr, favorables à cette mesure, quoique nous eussions préféré qu’elle ne serve pas à convaincre la majorité de voter un texte antisocial.

Nous regrettons également que la rigueur vous contraigne à n’augmenter son montant que de quelques euros. Si chaque euro compte à ce niveau de revenus, ces revalorisations ne sortiront pas les bénéficiaires de la pauvreté dans laquelle ils se trouvent. Nous proposons qu’aucune retraite dans notre pays ne puisse être inférieure au SMIC.

Parallèlement, vous décidiez d’un coup de pouce de 50 euros au titre de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé pour les retraités. Or l’augmentation de cette aide pour l’acquisition d’une complémentaire santé est financée par le Fonds CMU-C, qui n’est lui-même abondé que par les organismes mutualistes. En résumé, cette deuxième mesure sera intégralement financée par les adhérents mutualistes, donc par les salariés et retraités.

Les revenus financiers, les capitaux dédiés à la spéculation et les rentes continuent, eux, de se voir épargner la moindre contribution significative au financement de la protection sociale.

Mais il y a de notre point de vue, dans ce texte et dans la réforme des retraites qui est liée, des actes plus préoccupants encore, qui ne relèvent pas de la rigueur comptable mais bien de l’austérité à tout prix, qui conduit à fragiliser la Sécurité sociale obligatoire. Ainsi, ce PLFSS donne un rôle et une place prépondérants aux organismes complémentaires dont les appétits s’aiguisent pour cannibaliser un marché de plus de 25 milliards d’euros. Vous avez ainsi réintroduit, en la rebaptisant, la clause de désignation prévue par l’ANI et le texte sur la sécurisation de l’emploi.

Sous prétexte de réduire le reste à charge supporté par nos concitoyens, vous incitez fiscalement les employeurs à souscrire des contrats d’assurance complémentaires pour leurs salariés et à opter pour ceux qui sont recommandés par la branche. Or ce mécanisme s’accompagne d’importantes exonérations de cotisations sociales, à hauteur de 2,5 milliards d’euros, qui manqueront à la protection sociale. Les salariés auront moins de chance, puisque les contributions patronales à ces mutuelles seront désormais réintégrées dans le revenu net imposable. Voilà pour le fond.

Sur la forme, nos inquiétudes ne sont pas moindres. Faut-il rappeler qu’en première lecture vous avez décidé de recourir au Sénat au vote bloqué et à une seconde délibération générale, récrivant l’ensemble du projet de loi, niant ainsi tout le travail accompli par la Haute assemblée ?

Procédant de même sur les retraites, vous avez demandé ici une seconde délibération et un vote bloqué sur l’article 4 du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, pourtant rejeté par deux fois par notre assemblée.

M. Christian Jacob. Scandaleux !

M. Jean-Jacques Candelier. Mais cette fois-ci, c’est contre votre propre majorité que vous avez utilisé cette procédure exceptionnelle, contraignant les députés à être avec ou contre vous.

Mme Bérengère Poletti. Quel manque de respect du Parlement !

M. Jean-Jacques Candelier. Le débat parlementaire a été malmené et nous ne pouvons que nous en émouvoir. Le débat démocratique ne peut, en aucun cas, être muselé faute de voir notre démocratie menacée. Sur des sujets aussi essentiels que notre protection sociale ou nos retraites, nous considérons ces artifices de procédure extrêmement inquiétants.

Les députés du Front de gauche voteront, bien entendu, contre ce PLFSS d’austérité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) qui fragilise un peu plus notre protection sociale. Notre vote est aussi la manifestation de notre défiance vis-à-vis d’un gouvernement qui est sourd aux attentes du peuple et irrespectueux du Parlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et UMP.) Comme le sont d’ailleurs les membres de l’UMP !

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants554
Nombre de suffrages exprimés549
Majorité absolue275
Pour l’adoption316
contre233

(Le projet de loi est adopté.) (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

3

Programmation militaire 2014 – 2019

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (nos 1473, 1551, 1531, 1537 et 1540).

Explications de vote

M. le président. La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Stéphane Saint-André. Monsieur le président, monsieur le ministre de la défense, mes chers collègues, guidée par deux impératifs que sont le maintien de l’effort consacré par la nation à sa défense, face à des risques et menaces persistants, et la prise en compte de l’objectif gouvernemental de redressement des finances publiques, cette loi de programmation militaire fixe notre stratégie et notre outil de défense à moyen et long terme.

Pour y parvenir, elle prévoit en premier lieu, et conformément aux orientations du Président de la République, un effort financier global très significatif pour notre défense puisque son budget, d’abord stabilisé à son niveau de 2013 jusqu’en 2016, sera légèrement augmenté à partir de 2017, ce à quoi s’ajouteront des ressources exceptionnelles dont la majoration de 500 millions d’euros, adoptée la semaine dernière, permettra aux engagements de dépenses, notamment sur les opérations d’armement, d’être honorés.

Avec ce texte, la France fait aussi le choix de maintenir un niveau d’ambition et de responsabilité élevé sur la scène internationale, tout en garantissant la protection de sa population.

D’une part, il donnera à notre pays la capacité d’assumer simultanément les trois missions fondamentales que sont la protection du territoire et de la population, la dissuasion nucléaire et l’intervention sur des théâtres extérieurs, tant en gestion de crise qu’en situation de guerre.

D’autre part, il permettra de conserver une industrie de défense de premier rang mondial, indispensable à notre autonomie stratégique et riche d’emplois, en consentant un effort important pour renouveler nos équipements et remédier aux lacunes de nos armées, par la livraison, notamment, de Rafale, d’hélicoptères Tigre, d’un sous-marin nucléaire d’attaque ou de missiles de croisière.

Même si, sur ces six années et en cohérence avec les objectifs d’économies fixés par le Livre blanc, 23 500 emplois seront supprimés, avec un large plan d’accompagnement, la France sera, en 2019, la première armée d’Europe.

Forte de cela, la nouvelle programmation militaire adapte notre défense à l’avenir et aux conflits de demain, en créant d’abord les conditions d’un effort important au profit de la recherche et de la technologie, grâce, en particulier, à un appui financier conséquent tourné vers les programmes d’études amont. Nos forces auront ainsi les moyens de se préparer aux nouvelles formes de conflits et de développer les équipements de haute technologie du futur, en confortant la priorité accordée au renseignement – par l’acquisition de satellites, ou de drones – et en améliorant les capacités qui conditionnent notre autonomie stratégique, que ce soit par projection aérienne, renouvellement de nos capacités navales ou de nos moyens blindés terrestres.

Le projet de loi traduit, par ailleurs, la nouvelle donne stratégique qu’est la cyberdéfense en prévoyant le renforcement des capacités d’action dans ce domaine. Ainsi, les moyens alloués à l’acquisition et au fonctionnement des équipements dédiés à la cybersécurité seront en forte hausse, tout comme les crédits consacrés à la recherche et au développement.

Et parce qu’il est sans cesse davantage nécessaire de se placer dans une perspective européenne de défense commune, la France demandera, lors du prochain Conseil européen de défense, l’extension du mécanisme européen Athena permettant le financement en commun d’une partie des dépenses relatives à des opérations militaires menées dans le cadre de l’Union européenne.

Le projet de loi de programmation militaire comporte également d’importantes mesures normatives pour adapter notre cadre juridique aux nouveaux défis de la défense, en conciliant tout d’abord le droit pénal aux spécificités de l’action de combat et en plaçant le renseignement dans un cadre de strict contrôle démocratique et juridique.

Le texte prévoit ainsi l’accroissement des prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement, avec une compétence de contrôle de l’activité gouvernementale et d’évaluation de la politique publique, ainsi qu’un pouvoir de vérification des fonds spéciaux pour les services spécialisés.

Le renseignement bénéficiera par ailleurs de la garantie d’une meilleure protection des agents et d’une meilleure exploitation du potentiel d’information et de géolocalisation.

Enfin, s’adapter aux nouveaux défis de défense, c’est aussi se protéger de la cybermenace. Dans cette optique, et pour répondre aux dangers que sont les attaques informatiques menaçant certaines entreprises stratégiques, le projet de loi de programmation militaire prévoit le renforcement de moyens avec, par exemple, le recrutement de spécialistes et de réservistes citoyens et la mise en place d’une chaîne opérationnelle de cyberdéfense.

Parce qu’il dessine un cadre d’action durable pour notre défense en donnant à la France les moyens de préserver sa souveraineté, avec la volonté d’une Europe de la défense à approfondir, et parce qu’il garantit la protection de nos intérêts, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera ce projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

(Mme Laurence Dumont remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 place nos armées sur le fil du rasoir. Il faut s’inquiéter de l’effondrement de la disponibilité des équipements et du temps d’entraînement dans les unités qui ne sont pas en opération.

La réduction du nombre de frégates, de patrouilleurs et d’avions de combat, la limitation du nombre de jours en mer des navires ou du temps d’entraînement des pilotes mettent en péril la protection de notre espace aérien et maritime.

L’équilibre budgétaire repose sur plusieurs paris risqués : pari du financement des équipements par la suppression de 23 500 postes avec cette fois-ci, nous l’espérons, une baisse de la masse salariale ; pari financier de recettes exceptionnelles à hauteur de plus de 6 milliards d’euros ; pari industriel de l’exportation du Rafale à partir de 2016…

M. Yves Fromion. Eh oui !

M. Jean-Jacques Candelier. …pari stratégique de la sanctuarisation de la dissuasion et, dans le même temps, multiplication des interventions extérieures.

Le texte comporte une clause de sauvegarde financière concernant les ressources exceptionnelles, qui prévoit une compensation intégrale en cas de non-réalisation afin de sécuriser la programmation financière.

M. Yves Fromion. On peut toujours rêver !

M. Jean-Jacques Candelier. Mais l’armée ne doit pas peser sur les autres missions de l’État. Par ailleurs, si l’exportation de 40 avions de chasse Rafale n’a pas lieu, ce sont près de 4 milliards que la France devra prendre en charge.

La MAP a remplacé la RGPP, mais les conséquences sont exactement les mêmes : 34 000 postes seront supprimés durant la période 2014-2019. Ces suppressions s’ajoutent aux 54 000 suppressions programmées sous la droite. On tente de nous rassurer en nous expliquant que l’essentiel de l’effort portera sur l’administration et le soutien. Cependant, l’état de nos forces opérationnelles dépend précisément de ces deux postes budgétaires.

Nous rejetons toute cession de participations dans les industries de défense, qui constitueraient, au nom de l’austérité, de nouveaux abandons de la maîtrise publique dans un secteur aussi déterminant pour la souveraineté nationale.

Par ailleurs, ce projet de loi met particulièrement l’accent sur les cyberattaques. Si le renforcement des moyens humains et matériels de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information est nécessaire, nous appelons à un moratoire sur tout nouveau régime d’exception en matière d’accès aux données des utilisateurs d’internet.

Ce projet de loi comporte certes quelques avancées, notamment le renforcement du contrôle parlementaire et des promesses d’amélioration du dialogue social.

M. Yves Fromion. En baisse !

M. Jean-Jacques Candelier. Nous verrons si le renforcement du dispositif d’indemnisation des victimes des essais nucléaires sera concluant. Nous en doutons, car la notion de risque négligeable figure toujours dans la loi.

Nous déplorons la logique de continuité alors qu’il faudrait une rupture dans nos choix stratégiques. Le Gouvernement affirme que notre défense et notre sécurité nationale ne se conçoivent pas en dehors du cadre de l’Alliance atlantique et de l’Union européenne. Nous pensons qu’il y a une contradiction majeure entre la volonté affichée d’autonomie et de réactivité de nos forces et l’inscription de notre stratégie au sein de l’OTAN et de l’Union européenne.

Nous contestons le choix de la sanctuarisation du nucléaire, qui représente une dépense de 3,4 milliards d’euros par an, soit 9,3 millions par jour.

Sur le terrain, on continue trop souvent à opérer avec des technologies d’ancienne génération et des véhicules datant des années 1970.

Cette loi de programmation militaire présente des risques sociaux importants, non seulement pour le ministère et ses personnels, mais aussi pour l’industrie de défense, avec des menaces sur l’emploi. Les externalisations vont continuer. Les services de maintenance industrielle sont clairement menacés.

Il faut une autre ambition pour notre armée, mission régalienne. Il faut réduire certaines sophistications excessives d’équipement, retisser le lien entre l’armée et la nation autour de la construction d’un outil de défense citoyen.

Nous proposons aussi la fermeture de nos bases militaires permanentes à l’étranger. Je vois que M. Fromion m’écoute…

M. Yves Fromion. Absolument !

M. Jean-Jacques Candelier. Merci, monsieur Fromion.

Les députés du Front de gauche, dans la continuité des critiques qu’ils ont opposées aux décisions prises en matière de défense sous la précédente législature, voteront contre ce projet de loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Léonard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Léonard. Madame la présidente, monsieur le ministre de la défense, mes chers collègues, le projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, sur lequel nous serons appelés à voter dans quelques instants, est ambitieux et réaliste.

Dans le contexte budgétaire serré qui est celui de la France, il fixe le cap à prendre et détermine le but à atteindre. Conformément aux réflexions issues du Livre blanc 2013 sur la défense et la sécurité nationale, le cap est fixé dans un contexte international sans cesse plus complexe, avec, d’un côté, l’injonction de redresser dans l’équité et la justice les comptes de la nation, et de l’autre, le devoir de corriger la trajectoire parfois incertaine de la précédente loi de programmation militaire, mais surtout avec la ferme volonté de doter notre pays d’un modèle d’armée cohérent et opérationnel.

Le but : réaliser ce qui sera en 2019, avec 187 000 militaires et 55 000 civils, la première armée d’Europe et maintenir notre industrie d’armement parmi les premières du monde, avec ses 165 000 emplois directs et indirects.

Comme tout projet humain, cette programmation peut paraître perfectible à certains, mais avec l’actualisation prévue avant la fin de l’année 2015 et le renforcement des droits du Parlement, dans le cadre notamment du débat annuel sur son exécution, les moyens d’évaluation nécessaires à un pilotage efficace sont prêts à l’emploi.

Savoir où l’on va est une chose, mais savoir d’où l’on vient n’est pas inutile quand il s’agit, sans esprit partisan et avec hauteur, de mesurer le travail accompli avec ce projet de loi de programmation militaire 2014-2019.

En effet, cette programmation s’est construite avec une dette publique française supérieure à 90 % de notre produit intérieur brut à la fin 2012, un report de charges de 3 milliards d’euros au terme de la précédente loi de programmation militaire, des militaires ayant le moral dans leurs Rangers du fait du logiciel de paie Louvois déployé à la hussarde en 2010 et responsable de milliers d’erreurs dans le versement de leurs soldes, une désorganisation chronique des bases de défense, aux conséquences néfastes pour la vie quotidienne de nos soldats et, enfin, un déclassement capacitaire dans le domaine des drones et des ravitailleurs en vol, comme l’ont montré nos dernières interventions en Libye et au Mali.

C’est pourquoi, avec un budget sanctuarisé à hauteur de 190 milliards d’euros courants jusqu’en 2019, soit 30 millions d’euros investis chaque année dans les études amont et la recherche technologique, avec 17 milliards d’euros annuels d’investissement militaires et 17 000 jeunes recrutés tous les ans, avec une armée dotée de 225 avions de chasse, quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, un porte-avions nucléaire, quinze frégates de premier rang, six sous-marins d’attaque,…

M. Yves Fromion. C’est nous, ça !

M. Christophe Léonard. … avec des capacités d’entrée en premier dans les trois milieux terrestre, aérien et maritime, sur des théâtres de guerre comme de gestion de crise, avec des forces spéciales renforcées qui passent de 3 000 à 4 000 hommes, comme en matière de cyberdéfense, avec le lancement de satellites d’écoute électromagnétique CERES, avec la livraison de drones MALE puis tactiques, et j’en oublie volontairement, peut-on sérieusement parler de déclassement stratégique ? La réponse est non.

À cet égard, j’ai entendu les remarques, sinon les remords, de quelques-uns sur l’Europe de la défense et sa tentation de la neutralité, la défaite de la politique devant la comptabilité ou encore sur le couard consensus qui nous conduirait à considérer avec pudeur que l’essentiel est préservé… Mais, chers collègues, je vous le dis, pour intéressantes que soient ces analyses, je m’étonne que des femmes et des hommes qui ont exercé les plus hautes responsabilités puissent nous les livrer dans une forme d’ingénuité bonhomme, sans parallèlement se remettre gravement en cause et en tirer les conclusions qui s’imposent.

Oui, la France est en crise et cette crise interroge notre modèle social ainsi que nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. À ce titre, la réforme fiscale portée par le Premier ministre est à la hauteur des enjeux, en ce qu’elle interroge les ressorts de chaque citoyen dans son appartenance à notre nation.

Mais ce projet de loi de programmation militaire 2014-2019 participe aussi de cette refondation de notre pacte républicain car il s’agit d’une loi de respect du Parlement et donc du peuple, puisqu’elle donne désormais la possibilité à la commission de la défense d’effectuer des contrôles sur pièce et sur place, c’est-à-dire de contrôler tant la mise en œuvre de la loi de programmation que sa sécurisation pour l’avenir.

C’est une loi de respect de nos soldats, puisqu’elle rénove le dispositif de dialogue social spécifique aux personnels du ministère de la défense et clarifie les conditions de port de l’insigne des blessés de guerre, à l’attention de nos soldats qui, au nom des valeurs de la France, risquent leur vie au service de la patrie.

C’est une loi de respect des territoires, puisqu’elle met en œuvre des critères transparents et républicains dans le cadre du processus de déflation des effectifs de nos armées, avec la prise en considération des caractéristiques socio-économiques des territoires, mais aussi la préservation du lien armée-nation à travers une présence géographique cohérente de nos forces.

C’est pour toutes ces raisons, chers collègues, que le groupe socialiste, républicain et citoyen appelle l’ensemble de la représentation nationale à faire bloc (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP) derrière nos armées et à voter pour ce projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Meunier. M. le ministre de la défense est un peu seul : je regrette l’absence de la commission et du rapporteur pour le vote de cette loi si importante pour les militaires et pour la nation.

Les lois de programmation militaire ont pour objet de protéger notre pays de toute attaque susceptible de mettre en cause notre liberté, notre culture et tout ce que les générations précédentes ont pu nous léguer par leur travail et leurs efforts.

Après avoir réussi à mettre à genoux le bloc communiste, l’heure n’étant plus à la confrontation massive mais à la professionnalisation, les précédentes lois de programmation militaire finalisaient ainsi cette véritable révolution que fut la fin du service militaire.

M. Jean-Luc Laurent. Une grave erreur !

M. Philippe Meunier. Cela s’est fait avec le concours de nos trois armées, qui ont su porter l’effort nécessaire. La présence opérationnelle de nos armées en Afghanistan et récemment au Mali a démontré le bien fondé du précédent Livre blanc et la réussite de la précédente loi de programmation militaire.

Monsieur le ministre, avec votre loi de programmation militaire, vous remettez en cause cette remise à niveau et les efforts portés par les différents gouvernements depuis 2002.

Dès 2014, la défense assumera ainsi 60 % des baisses d’effectifs de la fonction publique, contrairement à la promesse de François Hollande du 30 janvier dernier. Nos armées verront ainsi leurs effectifs diminuer de 33 500 hommes, alors que le contexte ne le justifie plus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Le Président de la République exige de nos armées l’impossible, mais cela ne l’empêche pas de recruter 60 000 fonctionnaires supplémentaires pour le compte de l’éducation nationale, alors que la Cour des comptes a démontré que « ce ministère ne souffre pas d’un nombre trop faible d’enseignants, mais d’une utilisation défaillante des moyens existants ». (Mêmes mouvements.)

Outre la suppression massive de leurs effectifs, nos armées seront également amputées de leurs capacités en matériel. L’armée de terre, qui passera de huit à sept brigades, ne verra pas arriver ses premiers véhicules du programme Scorpion avant 2019. Le nombre de nos chars lourds passera de 250 à 200 et leur rénovation, notamment pour améliorer leur capacité d’intervention en milieu urbain, ne sera pas lancée avant 2020.

Pour dire les choses simplement, monsieur le ministre, vous passez le bébé à vos successeurs et à la prochaine loi de programmation militaire 2020-2025 !

M. Jean-Paul Bacquet. Ne vous inquiétez pas, monsieur Meunier, ce n’est pas vous qui la ferez !

M. Philippe Meunier. L’armée de l’air passera quant à elle de 275 avions à 225, avec deux catégories de pilotes : des pilotes de premier rang, qui bénéficieront des qualifications nécessaires, et des pilotes de second rang, qui ne les auront plus, faute d’entraînement. Cela ne s’est jamais vu, dans aucune armée de l’air opérationnelle moderne et digne de ce nom. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Quant à nos avions ravitailleurs, vous attendez 2018 pour remplacer le premier de nos KC-135, alors que chacun sait que notre parc actuel de douze appareils ne sera plus opérationnel à cette date. Concrètement, cela signifie que notre armée de l’air devra se mettre sous la tutelle d’une puissance étrangère pour mener une opération à long rayon d’action. Cela n’est pas acceptable.

M. Jean-Luc Laurent. Qui a voulu le retour dans le commandement intégré de l’OTAN ?

M. Philippe Meunier. La baisse du nombre et le décalage des livraisons de nos patrouilleurs, de nos frégates et de nos sous-marins nucléaires d’attaque diminueront également la présence de notre marine pour défendre nos intérêts là où ils sont menacés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) D’autant plus que la forte réduction du nombre de missiles et de munitions qui lui seront livrés fait peser un risque grave sur ses capacités d’engagement dans la durée. Cela ne sert à rien de faire de grands colloques sur la « maritimisation » si la marine n’a plus les moyens d’assurer correctement sa mission.

Monsieur le ministre, votre programmation budgétaire n’est pas sanctuarisée. Les budgets 2014, 2015 et 2016 ne prendront pas en compte l’inflation. Nos armées perdront ainsi plus de 10 milliards d’euros de pouvoir d’achat.

Quant aux recettes exceptionnelles attendues, pour ne pas dire espérées, de 6,5 milliards d’euros pour boucler votre programmation, personne n’y croit.

Souhaitons pour l’intérêt national que votre pari risqué sur l’export soit tenu. Ce n’est malheureusement pas la décision de votre gouvernement d’amputer de 650 millions d’euros le budget 2013 de la défense dans le cadre du projet loi de finances rectificative qui accorde de la crédibilité au financement de votre loi de programmation militaire.

Décidément, de Lionel Jospin à François Hollande, la gauche se sert toujours de la défense nationale comme variable d’ajustement budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

Votre LPM impactera donc gravement nos capacités de défense. Elle est à l’image de la politique de ce gouvernement : elle affaiblit la France.

M. Nicolas Bays. Vous n’êtes pas crédible, cher collègue.

M. Philippe Meunier. Monsieur le ministre, ayez le courage de dire la vérité à nos compatriotes. Ne dissimulez pas les conséquences dramatiques de votre loi de programmation militaire sur nos capacités opérationnelles et sur notre tissu industriel. Arrêtez de dissimuler la liste des communes qui seront frappées, jusqu’en 2019, par les fermetures de bases que vous avez décidées et que vous cachez aux Français. Ayez le courage de dire la vérité à nos compatriotes sur le grand déclassement de nos armées qui s’ensuivra.

Dans un monde dangereux, où certains veulent nous imposer leurs diktats religieux ou politiques, notre devoir est de protéger les Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Au cours de nos débats, le Gouvernement n’a pas voulu entendre nos armées et n’a pas voulu améliorer cette loi de programmation militaire, rejetant nos amendements. Après les années calamiteuses de la gauche plurielle, il a fallu dix ans à Jacques Chirac et à Nicolas Sarkozy pour redonner à notre pays sa capacité d’intervenir sur les différents théâtres d’opérations extérieures. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

M. Nicolas Bays. Mensonges ! Et vos 35 000 suppressions de postes ? Et Louvois ? Tout cela n’est que foutaises !

M. Philippe Meunier. Malheureusement pour notre pays, François Hollande a fait le choix de plier devant les revendications de quelques-uns pour satisfaire son clientélisme électoral au détriment de nos capacités de défense. C’est la raison pour laquelle, en songeant à l’intérêt national, les députés du groupe UMP voteront contre votre loi de programmation militaire 2014-2019. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Folliot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les jours à venir, la France présentera au Conseil de sécurité des Nations Unies une proposition de résolution autorisant ses armées à utiliser la force afin de soutenir la mission internationale de soutien à la République centrafricaine.

Au début de l’année 2014, ce sont ainsi un millier de nos hommes qui se trouveront de nouveau en terrain dangereux, dans une région tourmentée, fidèles à leur vocation de soutien aux populations et d’incarnation de la grandeur de la France.

Nous tenons à leur rendre ici hommage, tout comme nous rendons hommage à nos hommes combattant encore au Mali, ainsi qu’aux sept militaires français qui y sont tombés pour assurer la sécurité des habitants et la nôtre.

Le groupe UDI soutient ces initiatives de la France et salue l’action, exemplaire et admirée, de nos militaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Nous avons toujours placé, aux côtés de l’Europe, les questions de défense et de sécurité au cœur de nos préoccupations. Nous savons que la mission des militaires n’est comparable à nulle autre, car au bout de l’engagement, il y a le sacrifice suprême, celui de la vie. Parce que nous mesurons pleinement la portée et les conséquences des décisions que nous avons à prendre, nous avons souhaité incarner une opposition constructive, en recherchant un consensus national sur notre politique de défense.

Force est cependant de constater que cette loi de programmation militaire issue du Livre blanc, qui engage pourtant la défense française pour les années 2014 à 2019, mais également au-delà, n’embrasse pas les questions les plus vitales et les plus essentielles auxquelles notre armée est confrontée.

M. Yves Fromion. Il a raison !

M. Philippe Folliot. Nous regrettons que ce texte, qui ne fait pas de la défense une priorité budgétaire, contrairement à l’éducation, la justice et la sécurité, se contente le plus souvent de manipuler les chiffres, sans prendre de décisions claires et ambitieuses.

M. Yves Fromion. Eh oui, c’est exact !

M. Philippe Folliot. Aucun choix réel et marquant n’a été fait sur des sujets clés tels que la dissuasion, notamment la deuxième composante aéroportée, la prévention des conflits, l’OTAN, l’Europe de la défense, ou encore les entreprises privées de sécurité et de défense.

De plus, l’importance stratégique de l’océan Indien et du Pacifique – qui regroupe 90 % de notre zone économique exclusive – n’est pas suffisamment prise en compte.

Nous sommes tous ici conscients des contraintes budgétaires très fortes qui pèsent sur le budget de la défense dans un contexte difficile de redressement des finances publiques. Un effort très important a d’ailleurs déjà été consenti par la défense, la part de celle-ci dans le PIB passant de 5 % dans les années 1960 à 1,5 % aujourd’hui, notre armée contribuant largement et plus qu’à proportion, depuis plusieurs années, à l’effort de réduction des déficits.

M. Yves Fromion. Eh oui !

M. Philippe Folliot. Mais ce que le Gouvernement demande aujourd’hui à nos armées, c’est de continuer à faire mieux avec moins, avec un budget tout juste maintenu à son niveau actuel.

De plus, les 6 milliards de recettes exceptionnelles et les exportations de Rafale sont aléatoires, sans compter les 3 milliards de report de charges. Ce sont là autant d’éléments particulièrement inquiétants.

En outre, au-delà des 45 000 suppressions de postes déjà effectuées, les 34 000 suppressions supplémentaires font que la seule défense supporte à elle seule 60 % des baisses d’effectifs de la fonction publique.

Nous soulignons quelques avancées positives dans la cyberdéfense, les moyens alloués au renseignement, la protection juridique du combattant, la rénovation du dialogue social mais, on le voit, l’incohérence entre ambitions stratégiques et contraintes budgétaires est flagrante et nous craignons que demain la France ne soit malheureusement plus capable de mener une intervention telle que l’opération Serval.

Le prochain Conseil européen, en décembre, placera à son ordre du jour la politique de sécurité et de défense commune. Il est aujourd’hui plus que temps que nous posions les pierres fondatrices d’une industrie européenne de défense, d’une politique de mutualisation des équipements et des moyens mais aussi et surtout d’un rapprochement sans précédent de nos centres de décision et de nos priorités géostratégiques avec, aussi et surtout, un budget dédié.

Nous nous réjouissons que l’une de nos propositions soulignant le rôle crucial de la France dans l’Europe de la défense et celui de l’Europe de la défense pour notre avenir ait été adoptée à l’unanimité. Cette proposition était avant tout un appel au Gouvernement à jouer le jeu européen. Nous attendons maintenant que les actes fassent écho aux promesses.

Avec cette LPM, nous n’avons pas vu la stratégie d’avenir que la France se devait de mettre en exergue. Nous appelons le Gouvernement à faire de la défense la priorité régalienne qu’elle devrait être et qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être.

M. Yves Fromion. Trop tard !

M. Philippe Folliot. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI votera contre ce projet de loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de la loi de programmation militaire pour les années 2014-2019 a donné lieu à de riches débats qui nous ont permis de confronter nos analyses, d’exposer nos divergences et de corréler nos propositions.

Au cours de ces débats, les références au général de Gaulle furent nombreuses. Parmi elles, j’en retiendrai une, monsieur le ministre, et c’est celle que vous avez faite. Reprenant un extrait de Vers l’armée de métier, vous avez déclaré : « Nous devons non pas conserver l’armée de nos habitudes mais construire l’armée de nos besoins. » Si je souscris pleinement à ce diagnostic, je ne partage pas, en revanche, vos préconisations pour y parvenir.

Pour les écologistes, ce texte manque d’ambition réformatrice. Je l’ai dit à plusieurs reprises : cette loi de programmation militaire entretient le mythe d’une puissance globale que la France n’est plus, si elle l’a été un jour.

M. Yves Fromion. Défaitiste !

M. François de Rugy. Cette lecture a semblé vous surprendre, monsieur le ministre. Et pourtant !

Une puissance globale a-t-elle, d’un côté, les avions de chasse les plus performants du monde sans disposer, de l’autre, d’aucun ravitailleur pour les alimenter ? Une puissance globale a-t-elle, d’une part, les ogives nucléaires les plus dévastatrices de la planète et, de l’autre, des véhicules de l’avant blindés vieux de quarante ans ? Une puissance globale doit-elle choisir, comme l’a dit le chef d’état-major de la marine, entre une intervention au Sahel et au Moyen-Orient ? De toute évidence, non.

Cette loi de programmation militaire constituait l’occasion idoine pour adapter notre outil de défense à nos priorités stratégiques. Nous redoutons que cette mission ne soit pas assurée.

Aujourd’hui, le cœur de notre action stratégique se joue au-delà de nos frontières. Ce texte aurait dû permettre de mieux articuler la force militaire et l’outil diplomatique, qui sont les deux faces d’une même médaille, afin de garantir la défense de nos ressortissants, de nos valeurs et de nos intérêts.

Cette loi de programmation militaire aurait également dû replacer le projet de défense européenne au cœur de notre stratégie. Au lieu de cela, cette question est abordée au détour de quelques articles alors qu’elle pourrait constituer, de l’avis de tous, une priorité pour notre outil de défense.

Pour les écologistes, la mise en interaction des ressources, des programmes et des intelligences serait un plus pour l’Europe mais aussi et surtout pour la France, dont la charge budgétaire pourrait aussi être allégée. L’Europe de la défense pourrait être le véritable levier de notre autonomie stratégique, à condition d’en faire l’axe fort de notre politique de défense.

Nous aurions souhaité que ce texte pose enfin la question d’un ajustement de notre outil de dissuasion nucléaire dans le but de réduire les impasses capacitaires dont souffrent nos armées.

Tout au long de nos échanges, j’ai eu l’occasion de vous exposer les propositions du groupe écologiste pour réformer notre outil militaire. Elles concernent donc la rationalisation et, à terme, pour nous, la disparition de notre force de dissuasion nucléaire au bénéfice de nos priorités opérationnelles. Elles concernent le format des armées et, même, la reconquête d’un équilibre entre les officiers supérieurs par rapport aux autres effectifs des armées.

Ces propositions, si elles sont peu relayées dans notre hémicycle, font l’objet de débats à l’extérieur de notre Assemblée comme en témoigne la tribune que j’ai publiée et cosignée avec l’ancien Premier ministre Michel Rocard (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Fromion. Publicité clandestine !

M. François de Rugy. La présidente de la commission de la défense, Patricia Adam, s’est dite prête à engager des initiatives pour rouvrir un débat sur la dissuasion nucléaire en commission de la défense.

M. Jean-Paul Bacquet. Non, pas question !

M. François de Rugy. Je tiens ici à saluer cette initiative et à lui réaffirmer notre disponibilité pour engager ce chantier.

Je constate avec satisfaction que la volonté de relancer ce débat au nom d’un double impératif – stratégique et démocratique – est de plus en plus partagée. J’en veux pour preuve les interventions dans les débats sur cette LPM de nos collègues Gwenegan Bui, socialiste, et Hervé Morin, UDI.

Ce texte comporte il est vrai quelques inflexions : les projets d’équipements, la réaffirmation de la priorité à l’entraînement et au renseignement, tout comme l’annonce par le ministre de l’abandon du logiciel de paie Louvois, qui était un véritable scandale hérité du précédent mandat.

Le système d’indemnisation de victimes des essais nucléaires a aussi progressé lors de l’examen de la loi au Sénat et vous y avez ajouté, monsieur le ministre, quelques dispositions. Il en faudra d’autres pour que le dispositif reconnaisse pleinement un droit à l’indemnisation de ces victimes qui, aujourd’hui, restent trop peu nombreuses à être reconnues.

Pour les écologistes, la programmation que vous proposez s’inscrit dans la continuité des précédentes lois de programmation militaire. C’est pourquoi nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants550
Nombre de suffrages exprimés543
Majorité absolue272
Pour l’adoption292
contre251

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Projet de loi de finances rectificative pour 2013

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2013 (nos 1547, 1590).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Philippe Vigier et M. Charles de Courson. Quel honneur ! Merci d’être là, monsieur le ministre !

M. Dominique Lefebvre. Merci à vous aussi d’être là, monsieur Vigier !

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé du budget, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi de finances rectificative pour 2013 porte une ambition claire, qui est de servir de catalyseur pour la croissance et la compétitivité, dans le prolongement de la politique économique que nous déployons résolument depuis maintenant dix-huit mois.

Ce projet vous est soumis dans un contexte particulier, que je voudrais rappeler brièvement, en préambule à nos échanges. Je soulignerai d’abord un développement majeur apparu depuis nos dernières rencontres : l’activité économique a changé de tendance, même si nous savons la fragilité de la reprise. Avant l’embellie observée au printemps, c’est-à-dire avant le rebond plus fort qu’anticipé au deuxième trimestre, la France était – et cela a duré plusieurs années – sur une tendance de stagnation et de croissance nulle, avec des répercussions sur le niveau du chômage. Depuis le printemps, nous sommes désormais sur une tendance de croissance positive. En octobre, nous avons même enregistré une baisse du nombre de chômeurs, pour la première fois depuis 30 mois…

M. Philippe Vigier. Ce n’est pas vrai !

M. Pierre Moscovici, ministre. …tandis que, comme l’a dit tout à l’heure Michel Sapin, l’inversion de la courbe du chômage des jeunes s’est enclenchée il y a six mois et a été confirmée depuis. L’INSEE et les organisations internationales – FMI, Commission européenne et OCDE – ont parallèlement revu leurs prévisions de croissance à la hausse. Entendons-nous bien, d’abord, sur le rythme de la croissance, qui est encore modéré, même si la hausse prévue est progressive, ensuite sur la tendance plus favorable de l’activité : celle-ci n’exclut pas des à-coups, un profil un peu heurté,…

M. Charles de Courson. Moins 0,1 % !

M. Pierre Moscovici, ministre. …ce qui n’est d’ailleurs pas une spécificité française, puisque c’est ainsi que la zone euro elle-même est en train de sortir de la récession et de connaître la reprise.

Le chiffre de la croissance a été légèrement négatif au troisième trimestre, mais ce chiffre isolé ne doit pas faire oublier la tendance générale dans laquelle il s’inscrit, et celle que nous suivons est positive. La Banque de France, comme l’INSEE, prévoit ainsi un net rebond de l’activité au quatrième trimestre, avec une hausse de 0,4 %. La trajectoire elle-même n’est donc pas remise en cause.

Il faut du temps pour qu’une amélioration de la conjoncture se traduise concrètement dans le quotidien des Français, mais cette embellie, dont nous devons nous satisfaire sur tous les bancs de cette assemblée, mesdames et messieurs les députés, n’est pas une vue de l’esprit. Notre scénario de reprise a été conforté par les instituts de conjoncture indépendants et les institutions internationales. Le Haut Conseil des finances publiques, que vous avez créé sur proposition du Gouvernement, et qui est en train de trouver toute sa place dans le paysage des institutions financières, après avoir jugé, au moment du projet de loi de finances, que nos prévisions de croissance étaient plausibles, les juge désormais réalistes. La Commission européenne a elle aussi validé sans réserve – j’y insiste – notre scénario, puisque ses dernières prévisions s’établissent à 0,2 % en 2013, 0,9 % en 2014 et 1,7 % en 2015, ce qui est pleinement en ligne avec nos propres prévisions.

J’ouvre ici une parenthèse pour dire que lors du dernier Eurogroupe auquel j’ai participé – et le Conseil Ecofin du 10 décembre, auquel je me rendrai, validera définitivement les rapports de la Commission –, la stratégie budgétaire et financière de la France a fait l’objet d’une approbation sans réserve. Les pays de la zone euro sont classés en quatre catégories : la France appartient à la deuxième, et on ne trouve guère, dans la première, que l’Allemagne, le Luxembourg et l’Autriche. Nous bénéficions d’une validation pleine et entière, avec des marges de manœuvre certes limitées, mais nous le savons, car nous avons justement fait le pari de la croissance.

Mesdames et messieurs les députés, ces premiers résultats montrent que la France est sur la voie du redressement, grâce à la politique que nous menons, mais aussi et surtout grâce au dynamisme des acteurs économiques. Mais notre tâche collective est de conforter et d’amplifier ce redressement, en restant résolument engagés dans la voie des réformes favorables à la croissance. Notre tâche n’est pas finie. L’embellie économique ne doit pas être une incitation à l’autosatisfaction, mais elle ne doit pas non plus être une occasion d’autodénigrement ou d’autoflagellation, comme certains semblent tentés de le faire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Des noms !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est un encouragement à poursuivre, avec la plus grande détermination, le travail de réforme en profondeur de nos structures économiques.

Poursuivre ces réformes pour soutenir la croissance, rétablir les équilibres financiers de la nation pour préparer l’avenir sans baisser le niveau de nos ambitions sociales, tel est le cap fixé par le Président de la République et le Gouvernement, tel est le cap qu’il faut tenir et que je veux réaffirmer ici. Je pense évidemment au cap des réformes économiques, mais aussi au cap du sérieux budgétaire. À cet égard, le projet de loi de finances rectificative conforte la prévision de déficit de 4,1 % du PIB pour 2013 – contre 4,8 % en 2012 – jugée plausible par le Haut Conseil des finances publiques. Cela représente une amélioration substantielle du déficit, alors que la croissance a été très inférieure à son potentiel ; elle a été rendue possible par un effort structurel sans précédent, de 1,7 point de PIB. Bernard Cazeneuve reviendra sans doute sur les ajustements de crédit de fin de gestion de ce projet de loi de finances rectificative, qui permettront de tenir nos objectifs de dépense, et donc de déficit public. Mais nous ne cessons de répéter, l’un comme l’autre, que la pente est claire et nette,…

M. Hervé Mariton. Elle est encore raide !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Moins que vous, monsieur Mariton !

M. Pierre Moscovici, ministre. …que nous avons trouvé des déficits supérieurs à 5 % du PIB, qui seraient encore à ce niveau si nous n’avions pas corrigé les imprévisions de la loi de finances initiale pour 2012. Avec nous, ces déficits ont baissé à 4,8 % en 2012 et sont maintenant à 4,1 %, le tout avec une croissance faible. Vous n’avez pas à vous vanter de ces chiffres, monsieur de Courson, d’autant plus qu’entre 2002 et 2012, le déficit structurel de la France est resté supérieur à 3,7 % et que les finances publiques dont nous avons hérité étaient au plus bas.

M. Philippe Vigier. Et nous, de quoi allons-nous hériter ? À quoi ressemblera notre futur héritage ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce que nous faisons, c’est un travail de redressement, par rapport à une situation que vous avez dégradée.

C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet de loi de finances rectificative : nous voulons faire de ce texte un outil de mobilisation pour la croissance, un catalyseur pour l’activité économique du pays, en tirant les conséquences de notre politique de compétitivité, dans la foulée du pacte pour la compétitivité, la croissance et l’emploi, et des Assises de l’entrepreneuriat.

Cette ambition se décline autour de trois axes majeurs. Tout d’abord, nous poursuivons avec ce texte l’effort de réorganisation du financement de notre économie, au travers d’une réforme de l’assurance vie et du capital-investissement d’entreprise. Le projet de loi de finances rectificative pour 2013 poursuit ensuite l’entreprise de rénovation de nos outils de soutien financier à l’export, lancée avec Nicole Bricq. Il comprend enfin un certain nombre de mesures de simplification. Je voudrais revenir rapidement sur ces points.

Depuis dix-huit mois, nous œuvrons pour que tous les besoins financiers des entreprises – trésorerie, fonds propres, dette – trouvent une réponse. Cela passe par une réforme des outils de soutien public au financement des entreprises, par un soutien spécifique à la trésorerie des entreprises, et surtout par des réformes réglementaires pour drainer l’épargne et l’investissement vers les PME et les ETI, puisque nous avons cette chance, en France, d’avoir une épargne abondante. Il s’agit de faire en sorte qu’elle bénéficie et profite à l’économie réelle.

Ces réformes ont déjà permis d’engranger des résultats positifs pour le financement des entreprises. Les PME, il faut le souligner, ont ainsi vu leur encours de crédit progresser de manière dynamique – de plus de 15 milliards d’euros, soit une augmentation de 12 % depuis fin 2008. Par ailleurs, les entreprises françaises se financent aujourd’hui à des taux historiquement bas : elles se financent en effet à un niveau comparable à celui des entreprises allemandes, et à peu près 100 points de base moins cher que la moyenne en zone euro. D’ailleurs les différentiels de taux entre la France et l’Allemagne, ce qu’on appelle les spreads, se sont réduits, et fortement, depuis mai 2012. Ces évolutions positives placent nos entreprises en position de profiter du redémarrage de l’économie européenne qui se profile, et la crédibilité de la politique budgétaire est une condition pour que nous puissions continuer à les placer dans cette situation favorable.

La réforme de l’assurance vie lancée par ce PLFR participe de cet effort, en ce qu’elle va permettre de drainer la première source d’épargne financière des ménages vers les placements les plus utiles aux entreprises, et en particulier vers l’investissement en actions dans les PME et les ETI. L’assurance vie, pour simplifier, ce sont plus de 1 400 milliards d’euros d’encours, massivement investis dans des titres obligataires, qui offrent actuellement un rendement plutôt limité, mais avec pour l’essentiel une garantie du capital investi à tout moment. S’il fallait résumer d’une phrase la situation de l’assurance vie aujourd’hui, je dirais qu’elle combine sécurité, faible rendement, et trop faible mobilisation en faveur du financement du tissu productif français.

La réforme que nous proposons conserve les points forts de l’assurance vie, à commencer par la sécurité, tout en la modifiant pour en faire davantage un levier pour le financement de nos entreprises. Elle fait émerger de nouveaux produits qui, tout en offrant une garantie à l’assuré, lui permettront d’envisager un meilleur rendement grâce à des investissements plus diversifiés, sans recherche de rendement budgétaire ou remise en cause du régime fiscal existant. Nous connaissons l’attachement des Français à l’assurance vie.

Concrètement, cette réforme reposera sur deux piliers : la création d’un nouveau produit « euro-croissance », qui était au cœur du rapport que nous avions demandé aux parlementaires Karine Berger et Dominique Lefebvre. Les fonds « euro-croissance » permettront à un assuré de bénéficier d’une garantie du capital s’il reste investi au moins huit ans, et pourront être souscrits dans des contrats multi-supports offrant beaucoup de souplesse. Ils constitueront, à moyen terme, un outil puissant de réallocation des actifs de l’assurance vie vers les investissements les plus utiles à notre économie.

Le second pilier de cette réforme est une réforme du régime fiscal de la transmission des contrats d’assurance vie, pour inciter les plus gros patrimoines à contribuer davantage au financement de certains pans de l’économie. La fiscalité applicable à la transmission des plus gros patrimoines sera augmentée, mais dans le même temps, les contrats respectant certains critères d’investissement bénéficieront d’un abattement d’assiette permettant de compenser cette hausse. Il s’agit donc d’une incitation à modifier les comportements. Les investissements visés sont le placement dans des actions de PME et d’ETI, dans le logement social et intermédiaire, et dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire, dont vous savez qu’elle est pour nous une priorité. Cette réforme a été longuement et mûrement préparée et débattue, dans une ambiance consensuelle, en respectant bien sûr les attentes des assurés et en s’efforçant de parvenir à une logique économique qui soit confortée.

À cette réforme de l’assurance vie s’ajoute une réforme du capital-investissement d’entreprise dont j’ai présenté les principes la semaine dernière. Son objectif est simple : développer l’industrie du financement de l’innovation en France, dans la foulée du plan innovation élaboré par Fleur Pellerin et Geneviève Fioraso. Le PLFR 2013 comprend donc des mesures fiscales incitant les entreprises à investir dans les PME innovantes, matérialisant ainsi l’un des engagements du Président de la République lors des Assises de l’entrepreneuriat. Concrètement, le nouveau dispositif permettra aux entreprises d’amortir sur cinq ans, et dans une certaine limite de leur actif, leur souscription minoritaire au capital de PME innovantes ou de fonds communs de placement majoritairement investis dans des PME innovantes. En quelque sorte, les plus grandes entreprises seront incitées à investir dans les plus petites, avec pour critère l’innovation. Nous savons tous que c’est par l’innovation et la compétitivité que la France tiendra son rang dans la mondialisation.

Cette mesure, ajoutée à la réforme de la fiscalité des plus-values mobilières et à la création d’un PEA PME, constituera un vecteur puissant de soutien à l’investissement dans les PME.

Le deuxième axe du PLFR 2013 est constitué de plusieurs mesures pour approfondir la rénovation de nos outils de soutien financier à l’export, engagée par Nicole Bricq. Il nous permettra notamment de nous aligner sur les meilleures pratiques de nos partenaires, pour aider nos entreprises à être compétitives face à leurs concurrents. Nous savons tous, en effet, que ces dispositifs de financement export font souvent la petite différence qui permet d’emporter de très gros contrats qui constituent un élément de rééquilibrage de notre balance commerciale et qui, surtout, permettent d’offrir à nos entreprises des débouchés et de créer des emplois. Nicole Bricq a déjà activement réformé nos outils, lors du PLFR 2012 et en mai dernier, avec la création du label « Bpifrance Export », qui a permis de rationaliser les dispositifs existants et d’en créer de nouveaux, comme le prêt de développement export, pour soutenir la trésorerie des entreprises exportatrices. Ces initiatives ont déjà porté leurs fruits. Elles ont permis d’abaisser le coût des financements exports pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, de démocratiser les financements exports au bénéfice des ETI et PME de croissance – car ce sont là les segments qu’il faut le plus soutenir dans notre économie –, et de mieux soutenir nos grands contrats, en particulier dans le secteur aéronautique, avec des mesures qui ont permis une amélioration équivalente à un gain de compétitivité prix d’environ 5 %.

Le PLFR 2013 prolonge cet effort de rénovation et de modernisation de grande ampleur, autour de trois dispositifs. Tout d’abord, en LFR pour 2012, nous avions mis en place une garantie de refinancement, pour diminuer le coût des crédits à l’exportation en facilitant l’accès à la liquidité auprès d’investisseurs privés. Ce mécanisme consiste à octroyer au refinanceur des crédits à l’exportation une garantie à 100 % couvrant le risque de non-paiement. En cela, il permet d’améliorer l’accès à la liquidité des établissements bancaires pour la mise en place de crédits exports et de diminuer, in fine, le coût de ces derniers. Cette année, nous vous proposons d’étendre le périmètre d’utilisation de cette garantie, dans le double objectif de continuer à améliorer le coût des crédits exports et de faciliter l’accès à la liquidité en euro et en dollar. Je pense que cette mesure recueillera l’assentiment général, tant elle est utile pour nos entreprises exportatrices.

Le PLFR 2013 améliore aussi le dispositif de couverture des chantiers navals dans la période de construction des bateaux. La construction navale est un secteur à la pointe de la technologie en France, qui a déjà remporté de très importants marchés. Je me souviens que nous nous battions, il y a un an, pour les chantiers navals de Saint-Nazaire. Aujourd’hui, ils sont repartis de l’avant. La construction navale a encore d’autres perspectives très importantes dans les temps qui viennent, mais je ne peux pas les présenter ici. Mais cela nécessite de mobiliser pour chaque projet des ressources bancaires importantes sur des périodes longues. Des dispositifs comparables existent dans d’autres pays européens, avec lesquels nos chantiers sont en concurrence. En quelque sorte, le PLFR vous propose une remise à niveau qui constituera, faites-moi confiance, le coup de pouce indispensable pour l’obtention de très importants marchés pour nos chantiers navals et pour consolider nos emplois et permettre des exportations très importantes.

Enfin, le PLFR 2013 permettra à l’État de se substituer aux assureurs crédits privés en cas de défaillance de marché sur certains pays, là où ce n’est pas possible aujourd’hui. Dans certains cas, tels que les crises économiques ou certains événements politiques, nos entreprises sont confrontées à l’impossibilité de trouver une couverture auprès des assureurs crédit privés pour leurs opérations d’exportation de court terme, avec des effets négatifs sur la capacité des exportateurs français à s’imposer sur les marchés internationaux. Si vous en décidez ainsi, le PLFR 2013 nous permettra d’intervenir lorsqu’une telle carence de marché sera constatée. Là aussi, ce sera une forte incitation à aller de l’avant.

Tout cela va permettre de soutenir nos entreprises à l’export, objectif que poursuit la ministre du commerce extérieur et auquel j’entends contribuer à la place qui est la mienne, en tant que responsable des réformes du financement de notre économie. Je signale d’ailleurs la tenue d’une grande conférence économique entre la France et l’Afrique à Bercy, demain, avec plus de 500 entreprises et une cinquantaine de chefs d’État et de ministres présents à Paris pour le sommet de l’Élysée. Elle sera conclue par plusieurs chefs d’État africains et par le Président de la République. Tout cela va également permettre de catalyser les opportunités d’investissements et d’exportation pour nos entreprises sur le continent africain. Nous devons considérer ce continent comme une formidable opportunité pour l’économie française, et nous devons nous inscrire dans les perspectives d’avenir qui s’ouvrent sur ce continent ami où la France est présente et où elle doit passer d’une logique de rente à une logique d’offensive, d’une logique de stock à une logique de flux, pour être conquérante.

Troisième axe, enfin : le PLFR 2013 poursuit le choc de simplification voulu par le Président de la République. À travers plusieurs dispositions spécifiques, nous simplifions les règles et surtout les relations avec l’administration, pour les entreprises comme pour les particuliers. Il est ainsi prévu de simplifier les obligations déclaratives à l’impôt sur le revenu en généralisant les cas de dispense de justificatifs, d’étendre le recours obligatoire au télépaiement de la taxe sur les salaires, ou de légaliser le principe de gratuité des prélèvements opérés à l’initiative de l’administration fiscale pour le paiement des impôts. Cette dimension de la simplification des relations entre l’administration et les administrés contribuables et la création d’une relation de confiance entre l’administration et les entreprises est décisive pour l’attractivité du pays et fait partie des priorités que nous voulons mettre en œuvre avec Bernard Cazeneuve. Je suis persuadé qu’il y a là une révolution – encore silencieuse – qui est en train de se mettre en œuvre. Elle ne vise pas Bercy, mais elle part de Bercy.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, les grandes lignes du texte que nous vous présentons aujourd’hui. Bernard Cazeneuve reviendra sur les dimensions budgétaires avec le talent que nous lui connaissons. L’enjeu de ce PLFR, c’est d’abord, répétons-le, la poursuite d’un agenda pour la croissance. Les finances publiques ou la réduction des déficits sont des enjeux majeurs. Le redressement des finances publiques est une absolue nécessité, le désendettement est lui aussi vital. Mais le redressement des finances publiques n’est pas une finalité en soi. Il est indissociable du redressement productif, il est une condition de la croissance. Il doit être accompagné par des dispositions fiscales et financières qui permettent d’aller dans ce sens.

Nous visons donc la poursuite d’un agenda pour la croissance avec un rythme maintenu, et même accéléré, et une ambition qui s’accroît. Il est très important que, tous ensemble, nous fassions passer ce message à nos concitoyens : oui, la France est sortie de la récession ; oui, la France est sur la voie de la reprise ; oui, la croissance est en train de s’amorcer et oui, nous devons faire en sorte qu’elle soit de plus en plus forte. Mais cette embellie économique est une percée que nous devons consolider. Pour cela, il faut garder un cap, en restant collectivement vigilants et mobiliser, dans une volonté progressiste de réforme de l’économie française. Ce sont les ambitions portées par ce texte, et je pense qu’il mérite d’être approuvé par la majorité et d’être discuté sur tous les bancs dans un esprit constructif, car c’est de l’économie française, de son avenir et de sa force qu’il s’agit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, monsieur le ministre, le collectif de fin d’année est un exercice toujours assez convenu mais extrêmement utile. Il permet de mesurer le décalage qui existe entre les objectifs qui avaient été fixés en loi de finances initiale, et les résultats que l’on obtient en fin de gestion. Pierre Moscovici a dressé un large tableau des sujets qui sont traités par la loi de finances rectificative, et dans un souci de complémentarité avec lui, je vais essayer d’être bref en abordant quelques sujets plus budgétaires, qui me permettront d’apporter des réponses à certains propos qui ont pu être tenus au cours des derniers jours par un certain nombre de représentants de l’opposition concernant l’évolution de nos comptes publics, de nos déficits et la manière dont la dépense est tenue. Ainsi, à l’heure d’aborder la discussion générale et les amendements, il ne demeurera aucune ambiguïté entre nous sur les réalités que nous observons ensemble.

J’apporte d’autant plus volontiers ces éléments d’éclaircissement que je sais l’intérêt que vous portez tous à ces questions. C’est un vrai plaisir de les évoquer avec vous, de partager avec vous à ce sujet, dans l’amitié et la chaleur de cet hémicycle – chaleur dont témoigne la très belle couleur du gilet que porte M. Mariton, dont je le félicite. (Rires.)

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Et ma cravate, monsieur le ministre ? N’est-elle pas belle également ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La cravate de M. le rapporteur général est au moins aussi lumineuse. (Sourires.)

M. Hervé Mariton. La France est sauvée !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je donnerai d’abord des éléments concernant la dépense. La dépense est tenue. Ce projet de loi de finances rectificative permet de documenter et de confirmer que la norme de dépense de l’État est strictement respectée. Les bons résultats en matière de réduction des déficits publics ont été permis par une stricte maîtrise des dépenses publiques. Pierre Moscovici et moi-même vous l’avions déjà indiqué au moment de la présentation du projet de loi de finances initiale pour 2014. L’objet de ce PLFR est bien d’opérer les mouvements de crédits nécessaires pour financer les besoins impératifs, tout en veillant au respect du total de dépenses autorisé par le Parlement. Je m’empresse de dire, pour tranquilliser chacun, que les ouvertures de crédits n’affectent en rien l’équilibre budgétaire, car elles sont entièrement compensées au sein de l’enveloppe « zéro valeur » par des annulations équivalentes portant, à hauteur de 90 %, sur des crédits dont vous avez pu constater qu’ils ont été mis en réserve.

Nous réalisons en effet 3,2 milliards d’euros d’annulations de crédits pour couvrir les ouvertures de crédits auxquelles nous procédons. Je rappellerai, par souci de précision, quelles sont les ouvertures de crédits auxquelles nous procédons : il s’agit, pour 1,1 milliard d’euros, des surcoûts liés au prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, et, pour 600 millions d’euros, des surcoûts liés aux opérations militaires extérieures. Il me faut aussi rappeler que 300 millions d’euros de crédits ont été ouverts pour financer nos priorités : l’emploi et la lutte contre la pauvreté, et plus particulièrement le volet consacré à l’hébergement d’urgence. Plusieurs autres dépassements ont été enregistrés, qui représentent 800 millions d’euros. Ils correspondent, pour une moitié, à des dépenses salariales, et pour l’autre moitié, aux aides personnelles au logement, compte tenu d’une conjoncture moins bonne que prévu. Il faut évoquer également l’aide médicale d’État, sur laquelle certains d’entre vous ne manqueront pas de revenir. Elle aussi a augmenté, pour des raisons qui tiennent au fait que le forfait imposé par la précédente majorité aux bénéficiaires de l’AME a conduit un certain nombre de ressortissants de pays étrangers à ne pas en bénéficier assez tôt. Or plus on attend avant de se faire soigner, plus les soins coûtent cher : c’est vrai pour tout le monde, quelles que soient son origine et sa provenance.

Ces annulations conduisent à revoir à la baisse les dépenses des ministères de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. Pour faire face à ces dépassements – au surcoût du prélèvement sur recettes au bénéfice de l’Union européenne et aux mesures de lutte contre la grande pauvreté de 2013 –, nous avons pris, dès le début de l’année, un certain nombre de mesures de précaution. Nous avons mis en place un surgel de crédits de 2 milliards d’euros, portant ainsi la réserve initiale hors masse salariale de 6 milliards d’euros à près de 8 milliards d’euros. À la différence des années passées, mais comme l’année dernière à compter du mois de mai, aucun dégel de crédits n’a été autorisé durant l’année avant que nous ayons stabilisé notre fin de gestion. Nous voulons ainsi réaliser une gestion exemplaire : seuls les crédits strictement nécessaires et urgents ont été dégelés. Ainsi, au 31 octobre, la réserve s’élevait à 7,4 milliards d’euros, en baisse de 500 millions d’euros uniquement par rapport à la réserve initiale.

La mise en place de cette réserve supplémentaire et l’absence de dégel sur la réserve initiale ont été un signal déterminant pour tous les gestionnaires, afin d’assurer un pilotage exemplaire de leurs crédits, permettant de programmer ab initio leurs dépenses sur la seule enveloppe dont ils étaient certains de disposer, tout en réservant les crédits permettant le financement, au cours de l’exécution budgétaire, des aléas et des priorités. Les aléas et les priorités ont ainsi été financés sur les programmes budgétaires, et, le cas échéant, au-delà. C’est ainsi, mesdames et messieurs les députés, que grâce à une gestion exemplaire, nous pouvons vous présenter un projet de loi de finances rectificative qui respecte rigoureusement la norme de dépense.

Je souligne que les résultats sont aussi au rendez-vous pour ce qui concerne le reste de la dépense que nous pilotons. En effet, au moment du dépôt du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, nous avions revu à la baisse de 500 millions d’euros l’enveloppe de dépenses d’assurance maladie 2013. Au cours des débats, nous avons durci cet objectif de 150 millions d’euros, parce que nous avons constaté des économies supplémentaires – qui, une fois encore, témoignent de notre capacité à tenir la dépense. Au total, nous aurons réalisé en 2013 près de 700 millions d’euros d’économies par un effort de maîtrise des dépenses d’assurance maladie. Dans ce domaine, vous vous souvenez que nous avons déjà réalisé, en 2012, près de 1 milliard d’euros d’économies.

Voilà pour ce qui concerne la maîtrise de la dépense publique. Je dirai à présent quelques mots de la réduction continue des déficits. Il y a comme un bruit de fond, comme une rengaine maintes fois reprises : pour certains, lorsque les déficits diminuent moins vite qu’ils ne le souhaitent, c’est comme s’ils augmentaient ! Mais un déficit qui diminue moins vite n’augmente pas pour autant : il continue à diminuer. Pour vous en convaincre, je voudrais vous donner quelques chiffres. Selon les prévisions présentées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, la croissance devrait s’établir à 0,1 % et le déficit public à 4,1 % du PIB en 2013. Le déficit diminuerait ainsi de 0,7 point de PIB par rapport à 2012. J’ajoute que le Haut Conseil des finances publiques, saisi sur le projet de loi de finances rectificative, a de nouveau indiqué que la prévision de croissance retenue pour 2013 était réaliste, et la prévision de déficit public, plausible.

Je tiens à rappeler que, contrairement à ce qui a été dit ici ou là – et plutôt là qu’ici, d’ailleurs –, on n’observe pas une dégradation, mais au contraire une réduction continue des déficits publics depuis que nous sommes aux responsabilités. Je vous donne les chiffres, qui sont incontestables : le déficit public était de 5,3 % du PIB en 2011, de 4,8 % en 2012, et de 4,1 % en 2013. Le projet de loi de finances pour 2014 que nous avons présenté au Parlement fixe un objectif de déficit de 3,6 % du PIB. La réduction de 0,7 point de PIB du déficit nominal en 2013 est le résultat d’un effort structurel très important, que le Haut Conseil des finances publiques a qualifié d’historique. Puisque le manque de dynamisme de l’activité économique a affecté le déficit à hauteur de 1 % du PIB, cet effort structurel représente 1,7 % du PIB.

La prévision de croissance pour 2013 étant très inférieure à notre potentiel de croissance – qui se situe, comme vous le savez, à 1,4 % du PIB –, le solde conjoncturel se dégrade mécaniquement de 0,6 point en 2013 par rapport à 2012. En outre, pour des raisons tenant notamment à l’absence prolongée de croissance dans notre économie, les élasticités sont très inférieures à l’unité. Cela affecte le rendement des recettes publiques à hauteur de 0,4 point de PIB : la dégradation du solde budgétaire liée à la conjoncture s’établit donc à un point de PIB.

Pour être tout à fait complet, j’évoquerai aussi, au-delà du déficit nominal, le déficit structurel. En 2011, le déficit structurel était de 5,1 % du PIB ; il sera en 2013 de 2,6 % et de 1,7 % en 2014. La prévision de solde budgétaire pour 2013 est également maintenue au niveau prévu dans le cadre du PLF pour 2014. Ce solde devrait s’établir, en déficit, à hauteur de 71,9 milliards d’euros, soit une amélioration de plus de 15 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2012, compte tenu de l’important ajustement opéré en 2013.

Face à la dégradation de l’activité économique en Europe, nous avons pris le parti – nous l’assumons – de ne pas présenter de collectif budgétaire anticipé, bien que l’opposition nous y eût fortement incité. Cela aurait eu pour effet d’augmenter la fiscalité, d’accélérer le rythme des efforts. Cet ajustement à marche forcée aurait eu des effets récessifs majeurs.

Permettez-moi de m’arrêter un instant pour apporter des précisions sur nos prévisions de recettes. C’est un sujet important : il ne faut pas l’éluder. J’insiste sur le fait que les recettes fiscales sont globalement stables par rapport aux prévisions qui vous ont été présentées en septembre dernier. J’ai entendu dire qu’entre la présentation à la commission des finances du projet de loi de finances pour 2014 et la présentation du projet de loi de finances rectificative pour 2013, des événements étaient intervenus qui avaient conduit le niveau de nos recettes à se dégrader. Ce n’est pas exact. Il y a effectivement un écart entre les recettes attendues par le projet de loi de finances initiale pour 2013 et les recettes effectivement constatées au terme de l’exercice. Il n’y a cependant pas de décalage entre les chiffres que nous avons présentés dans le cadre du projet de finances pour 2014 et ceux que nous présentons dans le projet de loi de finances rectificative pour 2013.

Le décalage entre les recettes prévues par le projet de loi de finances initiale pour 2013 et par le projet de loi de finances rectificative est de l’ordre de 11 milliards d’euros. Je précise que je n’ai jamais donné d’autre chiffre que celui-ci. J’ai indiqué, en faisant référence aux élasticités, que les recettes de certains impôts pourraient ne pas être à la hauteur de ce que nous escomptions. Nous avons donné ce chiffre de 11 milliards d’euros à la commission des finances comme un élément de réflexion, dès la présentation du projet de loi de finances pour 2014. Nous l’avons donné par souci de transparence, car nous considérons que la seule réalité qui vaille en matière budgétaire est la réalité des chiffres. Nous devons assumer cette réalité et la présenter de manière rigoureuse, car c’est à partir d’elle que les débats les plus intéressants peuvent se dérouler.

M. le président de la commission des finances nous a alertés à propos de la prévision de recettes pour l’impôt sur le revenu. Cette prévision est en effet revue à la baisse de 3,1 milliards d’euros par rapport au projet de loi de finances initiale pour 2013. Je vais vous expliquer très précisément les raisons de cette révision à la baisse, par souci de transparence et de rigueur devant votre assemblée. La baisse de recettes s’explique à hauteur de 1,6 milliard d’euros par des effets conjoncturels : la révision de l’environnement économique 2012 se répercute mécaniquement, car l’impôt sur le revenu – comme vous le savez – est assis sur les revenus de l’année précédente. Nous avons intégré cet élément dans le programme de stabilité.

Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue l’instauration du prélèvement forfaitaire obligatoire, dont un certain niveau de rendement était attendu. Ce rendement sera bien constaté, mais il ne sera pas concentré sur l’exercice 2013. Une partie sera imputée sur l’exercice 2013, à hauteur de 3,6 milliards d’euros, et à hauteur de 1 milliard d’euros sur l’exercice 2014. Le produit de ce prélèvement forfaitaire obligatoire sera bien perçu, mais le système d’acompte qui régit son paiement conduit à ce décalage. Le rendement de l’impôt lui-même n’est pas en cause : ce décalage s’explique par les modalités de son versement.

Tels sont les éléments que je souhaitais vous donner concernant, d’une part, la maîtrise de la dépense publique, d’autre part, l’évolution de nos déficits, et enfin l’évolution des rentrées fiscales. Je le redis à la représentation nationale : lorsque nous débattons, lorsque nous nous confrontons, il est important de partir d’hypothèses incontestables. Il est important que nous partagions cette approche.

Je n’aborderai qu’un dernier point, pour ne pas être trop long : les 15 milliards d’euros d’économies présentées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014. Certains ont jugé intéressant de contester ce montant, en s’appuyant sur les commentaires de la Commission européenne. Ce faisant, ils lui ont fait dire des choses qu’elle ne dit pas vraiment ! Certaines déclarations ont été faites, notamment dans un journal du matin. Elles me paraissent très éloignées de la réalité, ce qui justifie que je profite de cette intervention pour vous donner, en séance, des réponses précises sur ce point. D’abord, que dit la Commission européenne sur ces 15 milliards d’euros d’économies ? Elle dit qu’une partie n’est pas encore documentée, ce qui est vrai et ce que nous assumons parfaitement.

M. Alain Chrétien. Quelle partie ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous verrez que cette partie est très résiduelle : contrairement à ce que j’ai entendu, elle ne représente pas la moitié du montant des économies que nous nous sommes engagés à faire. Nous sommes en effet en train de dialoguer avec les partenaires sociaux pour documenter des économies relatives à l’UNEDIC. Vous savez que la convention est en cours de renégociation. On ne peut pas à la fois souhaiter que ces allocations soient mieux gérées et que des économies soient réalisés – sans remettre en cause le principe de solidarité qui préside à leur versement – et regretter que nous le fassions dans ce budget !

Il en est de même pour les conventions d’objectifs et de gestion des caisses de Sécurité sociale, pour lesquelles une économie de 500 millions d’euros est attendue.

La Commission indique que 800 millions d’économies ne sont pas encore documentés, soit. Mais 800 millions rapportés à 15 milliards, il ne me semble pas que cela représente la moitié des économies que nous constaterons, j’en suis convaincu, après que le processus de dialogue social aura abouti : nous avons déjà pu constater sur d’autres dossiers, qui n’étaient pas des plus faciles, que les partenaires sociaux ont conscience de leur responsabilité dans les équilibres des comptes des dispositifs qu’ils gèrent. Le processus aboutira, j’ai toute confiance là-dessus. Et les économies non documentées aux yeux de la Commission ne représentent, je le redis, que 800 millions sur un total de 15 milliards.

La Commission émettrait ensuite un doute sur l’évolution de l’investissement local dans notre prévision. Je veux rappeler notre raisonnement, car il faut être précis. Vous le savez, 2014 est une année électorale ; or il est de tradition dans ces périodes que l’investissement baisse fortement : on ne connaît pas d’année préélectorale municipale qui ne voie une baisse de l’investissement. C’est systématique. Il s’agit là d’une hypothèse purement technique, qui s’appuie sur des phénomènes connus et réitérés – vous le savez parfaitement, vous qui êtes élus municipaux pour un certain nombre d’entre vous, même si ce n’est plus pour très longtemps. (Sourires.)

M. Alain Chrétien. Pas si sûr !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je voulais vérifier si vous suiviez… (Sourires.)

Ces deux points conduisent la Commission à retenir une prévision de dépenses publiques inférieure de 0,1 point de PIB à la nôtre, soit 2 milliards d’euros, dont une moitié est liée à des économies non encore documentées pour les raisons que je viens de vous expliquer, et l’autre moitié à une hypothèse technique sur l’investissement local. Autrement dit, en dehors de ces deux éléments que je viens d’expliquer, nos hypothèses économiques sont pleinement confortées par la Commission européenne.

Quant au montant d’économies que cela représente, la Commission, tout comme le Gouvernement, raisonne – j’insiste sur ce point – par rapport à une évolution tendancielle des dépenses. Ce point que vous avez tant contesté est donc validé par la Commission européenne comme par la Cour des comptes.

À cet égard, je voudrais m’adresser au président de la commission des finances dont je salue et connais l’honnêteté intellectuelle…

M. Alain Fauré. Pas toujours !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Non, je l’ai toujours reconnue.

M. Jean-Pierre Vigier. C’est un progrès !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Toutes les économies réalisées par les pays de l’Union européenne, y compris par notre pays, au cours des dernières années, l’ont toujours été par rapport au tendantiel d’augmentation de la dépense. Du reste, monsieur le président Carrez, si tel n’était pas le cas, je ne vois pas comment la Commission européenne pourrait valider notre trajectoire budgétaire…

M. Pierre-Alain Muet. Absolument !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …qui représente un effort structurel très significatif, qui repose à hauteur 80 % sur des économies. Si ces économies n’étaient pas là comme certains s’emploient à le laisser penser, je ne vois pas comment notre trajectoire budgétaire pourrait être validée par la Commission. Je peux accepter, monsieur le président de la commission des finances, mesdames et messieurs les députés, que, au motif de l’alternance, l’on change complètement les critères de mesure des efforts accomplis par notre pays. Mais dans ce cas, je proposerai des choses concrètes : premièrement, qu’un travail s’engage – je vous l’ai dit hier à l’occasion de la rencontre avec le Premier ministre – entre nous et que celui-ci soit validé par le Haut conseil des finances publiques.

Deuxièmement, monsieur le président Carrez, je proposerai que toutes les économies réalisées par les précédents gouvernements au cours des précédents quinquennats soient réévaluées à l’aune de l’instrument de mesure dont nous nous serons désormais dotés.

M. Pierre-Alain Muet. Absolument ! Ce serait intéressant !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je comprends que rien ne s’est passé avant 2012, mais si nous voulons faire un travail très sérieux sur les finances publiques, il faudra tout de même regarder quelles sont les tendances dans le temps long de l’histoire budgétaire, et les apprécier à l’aune des mêmes instruments. Et je ne suis pas certain que ceux qui ont proposé que l’on change le thermomètre se satisferont alors des résultats de température qu’ils obtiendront avec celui-là même qu’ils auront appelé de leurs vœux !

M. Pierre-Alain Muet. Eh oui !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Cela étant, dans la mesure où il s’agit d’un sujet récurrent, où il faut en permanence évaluer et trouver des réponses, je propose de nous livrer à ce travail.

Enfin, je voudrais insister sur un point : l’évolution tendantielle, autrement dit la croissance potentielle. Nous l’estimons à 1,5 %. La Commission européenne l’estime à 1 % et l’INSEE entre 1,2 et 1,9 %. La Commission a retenu, on le voit bien, une hypothèse particulièrement pessimiste. C’est cette hypothèse technique qui explique l’écart entre nos appréciations du niveau d’économies ; mais la Commission, et c’est bien le plus important, ne remet pas en cause nos économies et a jugé notre budget parfaitement conforme à nos engagements. Et cela, dans le fond, vous ne le supportez pas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de Courson. Ah !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Voilà pourquoi, sur cette question des déficits, des économies, de la pression fiscale, le Gouvernement est disposé à engager un travail méthodologique avec la commission des finances, à le faire valider par le Haut conseil, et à réexaminer à l’aune de cet instrument la totalité des trajectoires budgétaires de notre pays depuis vingt ans. Et pour que les débats entre nous soient rigoureux et honnêtes, je propose que cette opération s’engage dans les meilleurs délais afin que, dès la fin du premier semestre 2014, nous puissions rendre compte devant la commission des finances, devant la presse et devant la représentation nationale des résultats obtenus à l’aune de ce travail commun que nous aurons mené ensemble.

M. Alain Chrétien. Quelle ambition !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La démocratie y gagnera en transparence ; et peut-être nos débats, sait-on jamais, y gagneront-ils en bonne foi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Chrétien. Une ambition de titan !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, chers collègues, beaucoup de choses ont été dites ; c’est pourquoi je resterai bref sur la partie macroéconomique.

Monsieur le président Carrez, vous devez être satisfait. Enfin, vous l’avez, votre loi de finances rectificative ! (Sourires.)

M. Alain Chrétien. Il avait raison !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous l’aviez réclamée à cor et à cri ; vous l’avez obtenue. Cela étant, je ne sais pas si vous êtes déçu ou rassuré…

M. Jean-Louis Dumont. Rasséréné !

M. Christian Eckert, rapporteur général. À l’aune des chiffres qui viennent d’être égrenés par les ministres, je vous sens rassuré. Premièrement, le ministre chargé du budget vient de le rappeler, la dépense publique est tenue. Vous n’avez cessé de prédire, mes chers collègues qui siégez sur le côté droit de l’hémicycle, des dérapages des dépenses publiques, des dépassements, des explosions, des déficits qui se creusaient. Eh bien non.

Mme Marie-Christine Dalloz. Tout va bien !

M. Christian Eckert, rapporteur général. La norme « zéro valeur » est respectée ; le déficit global est conforme à la prévision : il sera de 4,1 points de PIB.

M. Éric Woerth. Quelle prévision ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous aviez laissé un pays avec un déficit public de l’ordre de 110 milliards d’euros ; le voilà ramené à 82 milliards d’euros en 2013 – on aurait préféré zéro – et il sera ramené à 72 milliards d’euros en 2014…

M. Dominique Lefebvre. Ça baisse !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …parce que nous avons décidé de conduire avec vigueur et rigueur une politique de réduction des déficits.

Vous pouvez toujours parler des prévisions, de la croissance potentielle, du point de référence : doit-on se baser sur la loi de finances initiale, sur la loi de programmation pluriannuelle, sur la révision effectuée au moment de la LFI 2014, sur le tendantiel ? Reste que la dépense publique est tenue et que la réduction des déficits se poursuit. Vous aviez laissé plus de 110 milliards d’euros de déficits publics, nous en serons l’année prochaine à 72 milliards d’euros. Je vous sens rassurés. Cette loi de finances rectificative est bienvenue.

M. Alain Chrétien. Cela me rend perplexe.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Un mot maintenant sur les recettes. Là encore, monsieur le président de la commission, mes chers collègues du côté droit de l’hémicycle, vous allez nous répéter que les recettes ne rentrent pas,…

Mme Arlette Grosskost. En effet.

M. Christian Eckert, rapporteur général. …que les hauts taux tuent les totaux et autres formules diverses et variées. Eh bien banco ! Le Premier ministre vous propose de remettre à plat la fiscalité dans toutes ses composantes, notamment la fiscalité des entreprises – car, vous l’avez noté et c’est vrai, il y a une chute des recettes de l’impôt sur les sociétés.

Mme Arlette Grosskost. Pas uniquement.

M. Alain Chrétien. Tout de même ! Vous l’admettez !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cette chute est due à des phénomènes conjoncturels, c’est vrai, mais elle tient aussi à la structure de cet impôt, à une assiette dont je ne sais si elle est trouée ou ébréchée ; toujours est-il qu’il va nous falloir revoir tout cela. C’est le travail auquel le Premier ministre nous appelle. Vous l’avez rencontré, vous avez votre part à prendre dans ce travail. Je souhaite que nous puissions le mener en toute sérénité, avec calme et esprit constructif.

M. Christophe Léonard. Très bien.

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’en viens aux mesures contenues dans ce projet de loi de finances rectificative. Commençons par les mesures relatives à l’assurance vie – d’autres les ont déjà évoquées. Nous avons la volonté de réorienter l’épargne vers des fonds propres des PME, en nous inscrivant dans des réformes entamées depuis le début de la législature qui visent à mettre la finance au service de l’économie réelle. Il y a eu la loi bancaire, la banque publique d’investissement ; nous avons maintenant un outil nouveau, élargi, dynamique afin d’utiliser au mieux cette chance qu’a notre pays : une épargne abondante. Il faut savoir inciter : c’est pourquoi les dispositions qui sont prises dans ce projet de loi sont incitatives, à défaut d’être coercitives.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pas sûr !

M. Alain Chrétien. La coercition, c’est la prochaine étape !

M. Christian Eckert, rapporteur général. N’ayez pas peur, mes chers collègues.

Nous avons apporté en commission quelques améliorations, en adoptant notamment un amendement abaissant significativement le seuil d’assujettissement au taux le plus élevé pour éviter un trop fort effet d’aubaine au profit des contrats d’assurance vie d’un montant proche de 1 million d’euros, qu’il fallait corriger. Nous avons également proposé un amendement visant à la création, sur le modèle du fichier FICOBA pour ce qui concerne les comptes bancaires, d’un fichier FICOVIE : il s’agit de prévoir une obligation pour les entreprises d’assurance de déclarer à l’administration fiscale les contrats ouverts dans leurs livres. Cela facilitera la lutte contre la fraude fiscale. Enfin, nous avons adopté un amendement visant à lutter contre une disposition d’optimisation fiscale en régulant les contrats dits à bénéfices différés. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Indépendamment de l’assurance vie, notre commission a adopté un amendement sur les livrets d’épargne populaire, à l’initiative de notre collègue Christine Pires-Beaune et relayée par votre serviteur, visant à mettre fin à une disposition quelque peu anormale qui assujettissait le droit à ouvrir un livret d’épargne populaire à un seuil d’impôt, ce qui est assez curieux dans notre législation, et à s’adosser au revenu fiscal de référence. Nous reviendrons ainsi à une disposition plus traditionnelle et moins sujette aux variations des taux d’imposition.

En matière d’imposition sur les entreprises, vous avez, à juste titre, rappelé la possibilité pour les entreprises d’investir dans les PME en amortissant le montant de leurs investissements dans le sens d’une recommandation issue des assises de l’entreprenariat. Notre commission a également adopté un amendement très important précisant les modalités de prise en compte des crédits d’impôt en matière de calcul de la participation afin de protéger les droits des salariés. En effet, par un arrêt du début de cette année, le Conseil d’État a invalidé le mode de calcul du montant de la participation des salariés pour une question de forme. Il était utile et nécessaire, car cela porte sur des sommes non négligeables, de corriger ce dispositif.

Nous avons également adopté plusieurs amendements relatifs à l’exit tax. Rappelons-en le mécanisme : il s’agit de prendre en compte le montant des avoirs qu’une personne qui s’expatrie transfère à l’étranger et de prévoir le rattrapage des plus-values puisque la tentation est parfois forte d’aller les réaliser dans des pays où la fiscalité est parfois plus – pour ne pas dire trop – complaisante. Nous avons ainsi abaissé le seuil d’imposition de 1,3 million à 800 000 euros et porté de huit à quinze ans la durée de domiciliation donnant droit à dégrèvement ou à restitution.

Ce projet de loi de finances rectificative contient une disposition importante : la prise en charge par l’État des frais financiers de portage supportés par EDF au titre de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, pour un montant de 600 millions d’euros, ce qui n’a rien d’anodin. Notre commission vous propose de revaloriser les seuils d’exonération des entreprises fortes consommatrices et d’indexer le plafond de la CSPE non plus sur l’inflation mais sur l’évolution de la CSPE elle-même afin d’éviter le transfert d’une part trop importante de la contribution des entreprises vers les ménages.

Enfin, nous avons pris acte de la volonté de l’État de reprendre la dette résiduelle de l’Établissement public de financement et de restructuration à hauteur de 4,5 milliards d’euros. Cette reprise résulte de l’absence de dotation en capital de l’EPFR depuis 2006 – M. de Courson connaît bien cette affaire. Il fallait solder cette dette héritée du passé au sens large. Cette décision est guidée par la volonté de protéger les intérêts financiers de l’État et de profiter des taux d’intérêt historiquement bas qui prévalent aujourd’hui, situation favorable qui risque de ne pas perdurer.

Mes chers collègues, je suis resté très technique ; les ministres ont été très politiques. Je me suis permis de rassurer le président de la commission des finances et je suis sûr qu’il va s’empresser dire à cette même tribune que j’y suis parvenu.

Je remercie le Gouvernement de la qualité du travail qui a été le nôtre ces derniers jours. J’aimerais toutefois lui indiquer que la transmission de ses amendements dans des délais un peu plus larges aurait permis qu’ils soient examinés dans des conditions un peu plus confortables pour le rapporteur général et les membres de notre commission.

M. Philippe Vigier. En effet !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Malheureusement, on a connu bien pire !

Mme Marie-Christine Dalloz. Oh !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Le président de la commission et nos collègues de droite étant désormais rassurés quant à la bonne tenue de la dépense publique et à la réduction des déficits publics, …

M. Philippe Vigier. C’est à nous de vous le dire !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …je vous invite, mes chers collègues, à adopter le présent projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Enfin la vérité !

M. Philippe Vigier. Il n’a pas l’air rassuré par M. Eckert !

M. Charles de Courson. En effet, il n’est pas rassuré du tout : voyez sa mine ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, enfin un collectif !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous voyez qu’il est content !

M. Christophe Léonard. Quelle délivrance !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Enfin, nous allons pouvoir, ensemble, faire la lumière sur l’exécution des comptes de 2013.

M. Hervé Mariton. Un mois plus tard, c’était trop tard !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mais je vous pose une question, messieurs les ministres : auriez-vous pu éviter ce collectif de fin d’année ? À l’évidence non, parce que le déficit – vous ne l’avez pas rappelé – a augmenté de 10 milliards d’euros par rapport aux prévisions…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et par rapport à ce que vous faisiez ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ce qui veut dire qu’il va falloir emprunter 10 milliards d’euros de plus.

Ce collectif, monsieur le rapporteur général, ne me rassure pas. Je voudrais, sans esprit polémique, …

M. Christophe Léonard. Ce n’est pas le genre de la maison !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …en me fondant sur votre rapport, très complet et précis, vous faire part de deux inquiétudes principales qui portent sur les deux grandes faiblesses de ce projet de loi de finances rectificative.

Premièrement, monsieur le ministre du budget, les efforts de maîtrise des dépenses sont à l’évidence très insuffisants.

Deuxièmement, les recettes fiscales, que nous espérions tous, ne sont pas au rendez-vous.

Mme Arlette Grosskost. Absolument !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ce qui est grave, c’est qu’au-delà des effets de la révision à la baisse du taux de croissance, nous avons le sentiment que le rendement de nos recettes se heurte à une sorte de plafond de verre du fait de cette atmosphère générale de saturation fiscale que nous connaissons actuellement.

Commençons par les dépenses car, au-delà de la remise à plat de la fiscalité, leur maîtrise est une priorité absolue.

Vous êtes, monsieur le ministre, confronté à une situation complètement paradoxale : vous vous êtes montré très satisfait du fait que la dépense exécutée en 2013 va être maintenue dans les limites de l’enveloppe votée en loi de finances initiale. Je ne peux que vous en donner crédit car c’est parfaitement exact : elle sera même légèrement inférieure, de l’ordre d’1 milliard d’euros.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il est comme ma femme : il n’en en a jamais assez ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mais ce que vous n’avez pas dit, c’est que la dépense exécutée en 2013 – dont nous connaissons presque le montant exact à travers ce collectif – sera supérieure de 2,4 milliards par rapport à la dépense exécutée en 2012.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous oubliez le problème du prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Or moi, monsieur le ministre, je me fie d’abord à mon bon sens paysan – et chacun d’entre nous a un peu de ce bon sens paysan en lui-même. Les économies ne se calculent pas par rapport à un solde structurel, elles ne se calculent pas par rapport à une croissance potentielle – à laquelle nous ne comprenons rien, n’est-ce pas M. Sansu, car c’est beaucoup trop subtil ; non, les économies, c’est dépenser 100 une année et seulement 98 l’année suivante. Et je suis totalement d’accord avec vous, monsieur le ministre : il faut que nous arrêtions, et je suis prêt à y travailler, de raisonner de façon artificielle par rapport à une évolution tendancielle.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’est bien de le reconnaître !

M. Christophe Léonard. Où sont les désaccords alors ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous avez aussi raison de rappeler que cela a toujours été la norme générale en Europe. Mais pourquoi en a-t-il été ainsi ? Parce que l’évolution nominale du PIB était rapide. Malheureusement, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Avec une inflation à 0,8 %- 0,9 % et une croissance, hélas ! proche de zéro, il faut désormais nous astreindre à raisonner comme le paysan de base.

M. Nicolas Sansu. Cul-terreux ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Une économie doit être une économie réellement et non une économie calculée par rapport à une tendance. Quand on dépense 100 et que l’année suivante on dépense 102, la dépense a augmenté de 2 : il n’y a pas d’autre vérité que celle-là ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Que s’est-il passé en 2013 ? Tout d’abord, et c’est assez unique, il y a eu des économies de constat.

Mme Marie-Christine Dalloz. Virtuelles !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Pas virtuelles, madame Dalloz : ce sont des économies réellement constatées, mais le Gouvernement n’y est pour rien.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous avez pourtant dit que tout allait exploser à notre arrivée !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ainsi, les intérêts de la dette auront coûté 1,9 milliard de moins que prévu et les pensions 1,2 milliard de moins ; autrement dit, nous partons avec plus de 3 milliards d’euros d’économies immédiates. On pourrait se dire qu’on va en garder un peu : mais pas du tout, elles sont absorbées ! Il est vrai, monsieur le rapport général, que certaines des dépenses peuvent être considérées comme exceptionnelles, je pense notamment à l’augmentation du prélèvement en faveur de l’Union européenne. Mais des dépenses exceptionnelles, il y en a tous les ans.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Sauf que celle-là, vous la connaissez !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et ce qui est très grave, c’est que le dérapage de certaines dépenses a pris de telles proportions que vous êtes obligés d’annuler définitivement des crédits, par milliards d’euros, sur la recherche, sur les transports, sur les commandes aux industries d’armement.

M. Yves Censi. Incroyable !

M. Charles de Courson. Affreux !

M. Alain Fauré. La faute à qui ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous rendez-vous compte, mes chers collègues, que 440 millions d’annulations de crédits ont frappé les infrastructures de transport : 178 millions au détriment de RFF et 188 millions au détriment de l’Agence de financement des infrastructures de transport ? Est-ce raisonnable alors que nous savons que l’année prochaine, il n’y aura pas d’écotaxe ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous êtes pour l’écotaxe, vous ? Dites-le !

M. Alain Fauré. Allez chercher M. Le Fur, il va vous expliquer !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Pourquoi annuler 440 millions destinés aux investissements dans les infrastructures de transport ? Tout simplement pour compenser un dérapage de même montant des dépenses relatives à l’aide médicale d’État, à l’allocation temporaire d’accueil et aux centres d’hébergement d’urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous voyons bien que la modernisation de l’action publique n’est pas suffisante. Monsieur le ministre, il faut absolument que vous assigniez à cette politique des objectifs comptables et financiers. Tant que la MAP sera un exercice un peu éthéré, sans objectifs précisément chiffrés, nous ne parviendrons pas à réaliser les économies dont vous parlez. Comment pouvons-nous croire aux 9 milliards d’économies sur le budget de l’État – je ne parle pas des 15 milliards annoncés –, alors que les dépenses ont augmenté en 2013 par rapport à 2012 ? Ces économies que vous visez, il faut les identifier, les documenter à travers des procédures de modernisation de l’action publique beaucoup plus exigeantes. Sachez, monsieur le ministre, que je suis prêt, avec tous mes collègues de la commission des finances, à vous aider dans cette mission.



M. Alain Fauré. Alors votez ce projet de loi de finances rectificative !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Quelques mots, plus rapides, sur les recettes.

Il manque 11 milliards. Selon le Gouvernement, cela tiendrait pour l’essentiel à des raisons conjoncturelles. Mais je vous invite à lire le rapport du rapporteur général. Cette explication conjoncturelle suscite le doute et M. le rapporteur général exprime un certain scepticisme à l’égard de l’impôt sur les sociétés. L’objectif des 60 milliards d’économies était lié, rappelle-t-il, à près de 10 milliards de rendement de mesures nouvelles. Et il est le premier à souligner que ces mesures nouvelles ne sont pas au rendez-vous et qu’il faudra peut-être procéder à un ajustement structurel.

Plusieurs orateurs du groupe UMP. Eh oui !

M. Christian Eckert. Dites-moi à quelle page de mon rapport vous vous référez. Je n’ai jamais rien dit de tel !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos propos sur l’impôt sur le revenu. Vous m’avez un peu rassuré après m’avoir inquiété en commission des finances en fournissant une explication portant sur les bénéfices non commerciaux et les bénéfices industriels et commerciaux ; heureusement, vous ne l’avez pas reprise aujourd’hui.

Nous nous demandons s’il ne faut pas voir à travers le moindre rendement de la TVA – baisse de 5,6 milliards –, de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur les revenus, une modification du comportement des contribuables.

Mme Arlette Grosskost. Forcément !

M. Alain Fauré. Vous les y incitez à longueur de journée !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. On peut penser à des comportements passifs d’évitement de l’impôt qui consistent à travailler moins, à ne pas investir, à différer des décisions économiques ou alors à des comportements actifs qui consistent soit à basculer vers le travail au noir – nous le voyons à travers l’évolution du produit des emplois familiaux, voire de la TVA – soit carrément à quitter le territoire national, qu’il s’agisse d’entreprises ou de particuliers.

Mme la présidente. Je vous prie de conclure, monsieur le président de la commission.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je vous remercie de votre indulgence, madame la présidente. J’en viens à ma conclusion.

Plutôt que de s’en tenir à une attitude purement répressive au nom de la lutte contre l’optimisation fiscale – je vous renvoie aux nombreux amendements sur ce sujet –, …

M. Pierre-Alain Muet. Vous n’avez pas voté contre, je crois !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …ne vaudrait-il mieux pas insister sur la nécessité d’une baisse générale de la pression fiscale ?

J’adhère tout à fait à l’ensemble des mesures judicieuses qui, dans ce collectif, visent à inciter les exportations. Hélas, ne sont-elles pas contrecarrées par ce que votre majorité a voté il y a une quinzaine de jours au prétexte de lutter contre l’optimisation fiscale ? Nous aurons ce débat lors de la deuxième lecture du projet de loi de finances pour 2014.

Enfin, monsieur le ministre, nous sommes prêts à discuter dans les meilleures conditions mais, pour que la discussion ait lieu, encor faudrait-il que vous acceptiez de répondre à mes courriers ! Voilà des mois que je m’efforce de vous demander des renseignements qui permettent de mieux cerner le comportement des contribuables.

M. Christophe Léonard. Mettez un timbre ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je vous ai interrogé sur l’ISF, sur l’exit tax – évoquée par M. le rapporteur général – ou encore sur l’impôt sur le revenu ; je vous ai récemment demandé quelle était la ventilation de la CSG par décille de revenu, pour envisager quels résultats produirait sa progressivité. Je vous ai également demandé un rapport en vue de pouvoir créer un observatoire des délocalisations. À ce jour, nous n’avons aucun de ces éléments. En somme, nous sommes tout à fait disposés à accomplir un travail constructif avec vous, mais il faut absolument que vous répondiez aux demandes de renseignements que vous a formulées ces derniers mois le président de la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour commencer, je pourrais – et je le ferai brièvement – mentionner plusieurs dispositions contenues dans ce projet de loi de finances rectificative sur lesquelles le Gouvernement doit nous apporter des éclaircissements avant que nous n’avancions davantage. Je pourrais aussi, et je le ferai, aborder plusieurs débats généraux d’orientation des finances publiques qui ont également leur place à ce moment important de l’examen du collectif budgétaire.

Toutefois, messieurs les ministres, je consacrerai l’essentiel de mon intervention à vous proposer que nous conduisions une analyse sereine – vous l’avez d’ailleurs suggéré : chiche ! – de certaines appréciations formulées dans le cadre des procédures de préparation des textes budgétaires, au sujet desquelles nous avons manifestement du mal à lire et à comprendre la même chose.

Tout d’abord, monsieur le ministre chargé du budget, ni vous ni M. le ministre de l’économie n’avez abordé les dispositions dont la presse s’est fait l’écho ces derniers jours et qui ne sont pas sans importance : elles sont arrivées masquées dans le projet de loi de finances rectificative, sous couvert de modernisation et de mise en conformité communautaire. Je veux naturellement parler des dispositions prévues à l’article 13 sur les conditions d’importation en France de produits de tabac.

Je comprends qu’il y a sur ce sujet une évolution majeure. Peut-être s’agit-il seulement d’une mise en conformité communautaire ; je ne porte pas d’appréciation. Cependant, il eût été convenable que le Gouvernement nous expliquât plus clairement de quoi il s’agit, même si tout cela est dans le texte.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Oui !

M. Hervé Mariton. Convenez que les explications fournies portaient la marque d’une certaine pudeur, monsieur le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Certainement pas !

M. Hervé Mariton. Si : j’ai lu votre rapport, qui explique avec quelque pudeur – mais à raison – qu’au fond, il est regrettable que des dispositions législatives dont l’impact, que l’on s’en réjouisse ou qu’on le regrette, est si important pour le grand public soient présentées aussi discrètement par le Gouvernement. Pour ma part, je ne porte pas une haute appréciation sur des mouvements d’’importation de cigarettes et de cigares provenant de nos voisins communautaires.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il ne s’agit que d’une mise en conformité.

M. Hervé Mariton. J’en viens au deuxième point. Je vous avais interrogé en commission, monsieur le ministre chargé du budget, sur la réforme de la taxe d’apprentissage, mais le Gouvernement n’avait pas vraiment répondu. J’avais notamment mis l’accent sur le véritable problème lié au fait que, demain, les entreprises seront moins libres d’affecter cette taxe qui constitue une ressource pour un certain nombre d’établissements d’enseignement.

Mme Arlette Grosskost. Exact !

M. Hervé Mariton. Cela, comme vous le savez, va à l’encontre de l’autonomie de l’enseignement – même si cette notion vous déplaît – et en particulier de certaines écoles, grandes écoles et voies d’enseignement supérieur qui bénéficieront désormais moins de cette taxe d’apprentissage dans le libre arbitrage qu’en font les entreprises, lesquelles seront contraintes davantage.

Par esprit de construction, le groupe UMP préfère la liberté à la contrainte. En l’occurrence, la contrainte imposée aux entreprises et à l’offre d’enseignement, notamment supérieur, est une évolution que nous réprouvons.

Toujours à propos de l’article 13, monsieur le ministre, je tiens à vous alerter sur le fait que vous nous présentez un article « de modernisation ». Nous sommes tout à fait prêts à vous accompagner sur le chemin de la modernisation et de la simplification, dont vous avez assez bien parlé dans votre intervention. Toutefois, il ne faudrait pas que sous ce prétexte se cachent des mesures autrement plus redoutables tramées à l’encontre des Français. Nous entendons ce vous dites et ce que dit le Premier ministre, et nous observons les débats qui parcourent le groupe socialiste : sans doute la simplification que vous avez à l’esprit consiste-t-elle à instaurer la retenue à la source. Nous aurons ce débat dans les mois qui viennent, si vous acceptez de l’aborder devant le Parlement. Cependant, monsieur le ministre, vous savez bien qu’il n’y a pas tant là matière à simplification, puisque celle-ci a déjà été faite grâce à la télédéclaration et au préremplissage des déclarations d’impôt sur le revenu. Hélas, dans votre vision de la politique fiscale, la retenue à la source serait certainement un anesthésiant. Au contraire d’une anesthésie fiscale, les Français ont besoin de redressement !

Permettez-moi ensuite de consacrer quelques instants, dans le droit fil de ce que vient d’évoquer très bien M. le président de la commission, à l’évolution d’un certain nombre de dépenses dans ce projet de loi de finances rectificative. Oui, la France et les Français profitent des taux d’intérêt qu’acquitte aujourd’hui notre pays. Il en résulte une moindre charge de la dette pour 1,9 milliard d’euros dans l’exécution de la loi de finances pour 2013, telle qu’elle se dessine dans ce collectif. De même, l’État aura moins de pensions à payer.

Il s’agit de deux postes de dépense qui échappent au périmètre de la norme « zéro valeur ». Dans la conjoncture fiscale actuelle, que le président de la commission a rappelée, trop d’impôt tue l’impôt. Cela étant dit, nous sommes favorables au principe selon lequel tout surcroît de recettes ne doit pas être affecté à des dépenses supplémentaires, mais à la réduction du déficit. Dans le même esprit, je vous fais la proposition suivante, monsieur le ministre, sur laquelle nous devrions pouvoir tomber d’accord : toute évolution favorable des dépenses hors de la norme « zéro valeur » doit être intégralement consacrée à la réduction du déficit.

Cette espèce de fongibilité que vous mettez en œuvre entre les dépenses qui relèvent de la norme « zéro valeur » et celles qui y échappent revient en réalité à jouer avec la norme elle-même. Je vous renouvelle donc ma proposition pour que toute réduction des dépenses concernant les postes hors norme « zéro valeur » soit entièrement répercutée sur la réduction du déficit : en l’occurrence, il s’agit d’un montant de 3,1 milliards d’euros ! Autrement, je le répète, on ne fait que jouer avec la norme.

Je consacrerai l’essentiel de mon propos à la lecture partagée que nous pouvons avoir de ce que la Commission européenne nous écrit. Les conclusions de l’étude PISA ont été rendues publiques aujourd’hui même. M. le rapporteur général déplorera comme nous qu’elles révèlent une baisse du niveau des élèves français en mathématiques. Peut-être pourrions-nous au moins préserver le niveau de lecture.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il faut demander à M. Chatel !

M. Hervé Mariton. Nous aurions tort de prétendre que tout dans l’avis émis le 15 novembre 2013 par la Commission sur le projet de plan budgétaire de la France était uniformément mauvais ; si la Commission condamnait par là le budget de la France, nous dirions qu’elle se trompe. Au contraire, comme le disait M. Moscovici en réponse à une question que je lui posais la semaine dernière et comme vous le redites aujourd’hui, vous prétendez que la Commission adresse un satisfecit complet à la France. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous infliger la lecture de plusieurs passages importants de l’avis de la Commission, que vous connaissez et dont il serait convenable que vous rendiez compte dans son intégralité à la représentation nationale et aux Français.

Mme Marie-Christine Dalloz. Tout à fait !

M. Hervé Mariton. Je cite la fin de cet avis important : « Compte tenu des risques qui pèsent sur les prévisions d’amélioration du solde structurel en 2013 et en 2014 et de l’écart important attendu par rapport à l’objectif de 2015, la France devrait exécuter rigoureusement le budget 2014 et prendre un ensemble significatif de mesures pour 2015, en plus de celles déjà prévues, afin de parvenir aux améliorations du solde structurel recommandées par le Conseil. En outre, toutes recettes imprévues devraient être affectées à la réduction du déficit. Enfin, les autorités sont invitées à accélérer la mise en œuvre de la recommandation budgétaire émise dans le contexte du semestre européen ».

Mme Arlette Grosskost. Disons plutôt qu’elles sont intimées !

M. Hervé Mariton. Les choses sont dites aimablement, de manière pour le moins stimulante. (Sourires.)

Citons cet autre passage, à la page 6 de l’avis de la Commission : « L’examen en cours des dépenses publiques n’a donné que peu de résultats pour le moment et on ne sait pas encore dans quelle mesure il se traduira par d’importantes économies ».

Voilà quelques phrases qui devraient conduire l’ensemble de la représentation nationale – car le pays tout entier est concerné – mais surtout le Gouvernement à rendre compte de sa relation avec la Commission avec davantage d’humilité.

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est un professionnel de l’humilité qui parle !

M. Alain Fauré. Oui, en matière d’humilité, Mariton s’y connaît !

M. Hervé Mariton. Je cite un troisième passage : « En outre, les décisions prises récemment par le Gouvernement dans le domaine fiscal semblent aller à l’encontre de la recommandation du Conseil du 9 juillet 2013 et jettent le doute sur la stratégie du Gouvernement ». Si l’avis de la Commission, comme vous le prétendez, est un blanc-seing pour le Gouvernement, on aurait pu s’attendre à des mots plus aimables !

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

M. Yves Censi. Nous avons dépassé le stade du doute !

M. Hervé Mariton. Sans abuser de votre patience, je reprends, sans le modifier d’aucune manière, un dernier passage de l’avis de la Commission. Le projet de plan budgétaire de la France, écrit-elle, « vise une réduction des dépenses budgétaires représentant 80 % de l’effort d’ajustement total (mesuré à l’aune de l’amélioration du solde structurel), tandis que la Commission prévoit que les économies en représenteront moins de la moitié ».

Lorsque je vous interroge, monsieur le ministre, sur la réponse que vous pouvez apporter à ce constat de la Commission, il ne s’agit pas d’une interpellation indigne ou injustifiée ; il ne s’agit pas même de mon imagination ou d’un quelconque talent d’analyse. Je ne fais ici preuve d’aucune originalité : je me contente de lire un avis public de la Commission, sur lequel le Gouvernement pourrait rendre compte à la représentation nationale. Je n’en dis pas moins, je n’en dis pas plus. Nous ne prétendons pas que la Commission ait censuré : ce n’est pas son rôle, et d’ailleurs ce n’est pas ce qu’elle dit. Des efforts ont-ils été faits en termes de rétablissement des équilibres ? Sans doute, parce que le matraquage fiscal auquel vous vous livrez, quand bien même il a atteint ses limites en termes de rendement – le président de la commission l’a très bien développé –, a permis de résorber un certain nombre d’écarts.

La Commission reconnaît qu’un chemin est accompli, mais elle pose un certain nombre de questions sévères : je vous renvoie aux passages que j’ai lu, ce sont les mots exacts de la Commission, parfaitement explicites, semble-t-il. Cela étant, vous pouvez qualifier cette interpellation comme vous voulez, mais elle existe.

Plutôt que de se livrer à un jeu de rôles ou à un dialogue de sourds, plutôt que de dire « Passez votre chemin ! », le Gouvernement pourrait répondre à ces interpellations.

Messieurs les ministres, il me reste près d’un quart d’heure pour défendre cette motion. Je me demande, au fond, s’il faut employer ce temps à répéter pendant quinze minutes, ce que sont les interpellations de la Commission …

M. Alain Fauré. Non ! Vous pouvez arrêter !

Plusieurs députés du groupe SRC. On devrait pouvoir s’en passer !

M. Hervé Mariton. …à moins que, dans un moment de sagesse et de correction démocratique, le Gouvernement décide de répondre précisément aux quatre passages non tronqués et non modifiés, que j’ai lus de l’avis de la Commission du 15 novembre. Je vous propose de vous céder les quinze minutes qui me restent. Plutôt que de répéter ce que chacun, ici, a parfaitement entendu et compris, je vous laisse ce temps pour répondre à ce que la Commission a dit sévèrement – c’est ce que nous pensons – ou du moins explicitement…

M. Yves Censi. Chiche, monsieur le ministre !

M. Hervé Mariton. …et rende compte à la représentation nationale sur les quatre points précis que j’ai relevés. Car il n’est pas convenable pour la démocratie que seule la Commission nous alerte, pas plus qu’il n’est convenable pour la démocratie que le Gouvernement n’en rende pas compte devant la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. À toutes fins utiles, monsieur le député, je vous rappelle que le Gouvernement dispose du temps de parole qu’il souhaite.

M. Yves Censi. C’était une simple proposition…

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre. Je vais donner quelques éléments de réponse à M. Mariton, que je trouve effectivement bien placé pour parler d’humilité.

En tant que ministre de l’économie et des finances, j’ai passé beaucoup de temps à discuter avec la Commission européenne de notre situation budgétaire. Nos services s’y sont employés avec force, et au premier chef la direction générale du Trésor. Les échanges ont été, depuis le premier jour, extrêmement constructifs.

J’aimerais que l’opposition, puisque vous m’appelez à une certaine forme d’objectivité, sache le reconnaître et examine les choses pour ce qu’elles sont. Ce que je déplore, c’est que l’on cherche, fût-ce de façon subreptice, polie ou faussement courtoise, à jeter l’opprobre sur son propre pays, alors qu’en l’occurrence, le travail a été fait sérieusement.

M. Yves Censi. Ce sont les choix politiques que nous critiquons, pas le pays !

M. Pierre Moscovici, ministre. Dès le lendemain, j’y insiste, de la présentation du projet de loi de finances en Conseil des ministres, je me suis rendu à Bruxelles pour jouer totalement le jeu de la procédure que nous avons adoptée, les uns et les autres, avec les traités successifs, à commencer par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Immédiatement, le commissaire européen Olli Rehn s’est dit satisfait, d’abord de la diligence du Gouvernement français, puis de la qualité de la présentation de notre budget et de l’ambition de nos réformes.

Le résultat final – là encore, il faut être extrêmement objectif – c’est que les avis de la Commission sur les différents plans budgétaires nationaux ont été publiés il y a deux semaines. Ils ont été examinés dans un premier Eurogroupe, puis en Eurogroupe et Conseil ECOFIN il y a un peu plus d’une semaine et ils seront définitivement validés mardi lors du Conseil ECOFIN. Cela étant, nous en connaissons d’ores et déjà, pour l’essentiel, les conclusions, même si cette séance de mardi sera très importante pour ce qui concerne d’autres sujets, à commencer par l’union bancaire.

Comme je le disais tout à l’heure dans mon intervention, il y a quatre catégories de pays dans la zone euro. Vient d’abord la catégorie que l’on appelle « compliant », c’est-à-dire en règle, sans aucune remarque, qui comprend deux pays : l’Estonie et l’Allemagne.

M. Hervé Mariton. Vous ne répondez pas à ma question !

M. Pierre Moscovici, ministre. Si, je vous réponds ! Car ce que l’on appelle le benchmark, le classement des pays en fonction de la qualité de leur budget, est très important. Vous êtes bien placé pour le savoir, si vous avez un tant soit peu d’objectivité.

Vient ensuite une deuxième catégorie, que l’on appelle compliant but without any margin for possible slippage, je vais traduire par « conforme, sans marge de manœuvre ». Bernard Cazeneuve a fort bien expliqué ce que cela signifiait en réalité et que si des ajustements supplémentaires étaient nécessaires, nous les ferions par des économies. Dans cette catégorie, figurent trois pays : la France, les Pays-Bas et la Slovénie.

En dessous vient une troisième catégorie, celle des pays dits broadly compliant, c’est-à-dire à peu près conformes. Ce sont la Belgique, l’Autriche, la Slovaquie. Vous noterez que, parmi ces pays, il y a un pays avec un triple A, l’Autriche.

Arrivent enfin les pays classés avec des risques de non-conformité : l’Espagne, l’Italie dont la situation budgétaire et économique est plus mauvaise que la nôtre, le Luxembourg qui a, lui aussi, conservé son triple A, Malte et la Finlande – pays, là encore, dont la dette est tout à fait estimée par les marchés et par les agences de notation.

Cela signifie que si nous avons le souci d’examiner les choses objectivement, comme l’a fait la Commission européenne, la France est tout à fait en haut de l’échelle. Elle l’est pour la qualité de la présentation de son budget et pour le sérieux de sa trajectoire. Partir de ce constat…

M. Hervé Mariton. Vous ne répondez toujours pas à ma question !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est ma réponse, monsieur Mariton, et c’est un point important.

M. Hervé Mariton. Ce serait bien de répondre aux questions !

M. Pierre Moscovici, ministre. Vous n’êtes pas mon professeur et je ne suis pas votre élève. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Censi. Vous êtes responsable !

Mme la présidente. Chers collègues, laissez répondre le ministre !

M. Pierre Moscovici, ministre. Effectivement, monsieur Censi, et c’est précisément parce que je suis responsable que je vous réponds ainsi. Je pense que la majorité, ici, peut s’enorgueillir que le travail du Gouvernement ait été validé comme étant absolument conforme aux engagements que nous avons pris envers la Commission européenne. Et cette trajectoire a été appréciée par la Commission qui l’a jugée à un meilleur niveau que celle de nombreux autres pays que vous aimez nous citer en exemple. C’est ma réponse, ferme et justifiée.

Pour le reste, vous avez posé d’autres questions auxquelles Bernard Cazeneuve a déjà en grande partie répondu dans son intervention.

S’agissant de nos 15 milliards d’économies, ce que dit la Commission européenne – je répète les propos du ministre chargé du budget –, c’est qu’une partie n’est pas encore documentée. C’est vrai et nous l’assumons parfaitement, pour les raisons expliquées par Bernard Cazeneuve. Nous sommes en train de dialoguer avec les partenaires sociaux pour documenter 0, 3 milliard d’euros d’économies de l’UNEDIC ; la convention est en cours de renégociation.

De même, les conventions d’objectifs et de gestion des caisses de Sécurité sociale sont elles aussi en cours de négociation, et les économies attendues se chiffrent à 0,5 milliard. Là encore, monsieur Mariton, votre propos contenait une insinuation doucereuse que je ne peux laisser passer.

Il n’est pas exact que la Commission européenne remette en cause les 15 milliards d’économies que nous sommes en train de faire. Ce qu’elle dit, c’est que 0,8 milliard d’euros ne sont pas encore documentés. Ils le seront évidemment au terme des renégociations qui sont en cours. Il me semble, si l’on est de bonne foi et précis, que cela ne représente pas – loin de là ! – la moitié de nos économies. Nous assumons ce fait, dans la mesure où nous laissons la place à la concertation et au dialogue.

La Commission émet ensuite un doute sur l’évolution de l’investissement local dans notre prévision. Comme l’a expliqué Bernard Cazeneuve, 2014 est une année électorale ; traditionnellement, l’investissement baisse fortement ces années-là. Notre hypothèse est donc technique. Ces deux points conduisent la Commission à avoir une prévision de dépenses publiques différente de la nôtre de 1,01 point de PIB, soit 2 milliards, dont la moitié est liée à des économies non encore documentées pour les raisons que je viens de vous expliquer, l’autre moitié relevant d’une hypothèse technique sur l’investissement local.

Au-delà de la réponse politique que j’ai pu faire, je réponds de manière technique : notre prévision de dépenses est confortée dans son ensemble par la Commission européenne. Pourquoi, avec je ne sais quel plaisir pervers, vouloir jeter le doute sur des prévisions correctement évaluées et confortées ?

M. Yves Censi. Vive la démocratie !

M. Hervé Mariton. On n’est pas à Kiev ici !

M. Pierre Moscovici, ministre. Quant au montant d’économies que cela représente – là encore, je fais mienne la réponse du ministre délégué – la Commission, comme le Gouvernement, raisonne en termes d’écarts et d’évolution tendancielle des dépenses. C’est le débat que nous avons eu avec Gilles Carrez : ce que vous avez tant contesté, est validé. Cette évolution, c’est la croissance potentielle, que nous estimons à 1,5%. La Commission européenne l’évalue, elle, autour de 1%. C’est un vieux débat. L’INSEE, pour sa part, estime la croissance potentielle entre 1,2 et 1,9%. Il s’agit donc d’une hypothèse pessimiste de la Commission, que nous discutons.

En attendant, c’est ainsi, et il en a toujours été ainsi, que cette comptabilisation s’est faite ici : il n’y a pas une règle quand la droite est aux responsabilités et une autre règle quand c’est la gauche qui y accède. Et il en est ainsi dans tous les pays de l’Union européenne.

Nous ne devons pas, pour le plaisir de certaines démonstrations, casser le thermomètre. Nous devons en rester à des évaluations et à des règles constantes et nous situer par rapport à ces règles. En agissant de cette façon, nous parviendrons a à démontrer aisément que le quantum d’économies proposé par ce gouvernement depuis qu’il est aux responsabilités, et notamment dans le PLF pour 2014, est sans commune mesure avec ce que vous avez fait auparavant, ce qui réduit d’autant la porté des leçons que vous croyez devoir nous donner !

M. Hervé Mariton. On ne donne pas de leçons, on pose des questions !

M. Pierre Moscovici, ministre. Au final, monsieur Mariton, ayant répondu à vos questions, que j’ai pris comme des leçons…

M. Hervé Mariton. Vous êtes un peu susceptible, monsieur le ministre !

Mme la présidente. Monsieur Mariton, je vous en prie !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je répète que la Commission européenne a approuvé et conforté notre stratégie ; elle a appelé notre attention sur un certain nombre de points précis, que nous ne contestons pas, mais qui n’ont absolument pas l’ampleur que vous souhaitez leur donner.

M. Hervé Mariton. Je n’ai rien inventé ! J’ai fait des citations…

M. Pierre Moscovici, ministre. Enfin, la France se situe en haut des classements pour la qualité de son travail budgétaire. Nous devrions simplement nous en réjouir collectivement, sans aucun esprit polémique. Vous devriez rendre hommage aux services du ministère des finances (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas sur eux que porte la critique !

M. Pierre Moscovici, ministre. …que vous connaissez bien, et qui ont fait ce travail extrêmement approfondi et de manière méritoire, en lien avec la Direction générale ECFIN. Vous pourriez aussi reconnaître que ce travail a été conduit proprement par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Bien entendu, je fais mienne l’intégralité de la réponse très précise de Pierre Moscovici. Je voudrais seulement apporter deux éléments complémentaires.

D’abord, monsieur Mariton, nous sommes dans l’exercice du semestre européen. Dans cet exercice, la Commission et les différents pays, lorsqu’ils présentent leur budget, discutent ensemble. Dans ce dialogue entre notre pays et la Commission européenne, vous considérez que chaque alinéa de ce que nous proposons est à remettre en cause et que chaque alinéa de commentaire de la Commission européenne est à prendre pour argent comptant. C’est un biais, une tournure d’esprit, une manière de présenter les choses dont je vois bien quel objectif elle poursuit, mais ce n’est pas cela, le semestre européen !

Le semestre européen, ce sont des pays qui présentent des hypothèses qu’ils défendent. La Commission les commente, et Pierre Moscovici a rappelé ce qui a été son engagement personnel. Il faut le saluer pour que ce dialogue soit le plus juste possible, ce dialogue qui a tout de même permis, au titre de ce processus itératif, à la Commission de reconnaître la validité de notre trajectoire globale. Par conséquent, dès lors qu’on est dans ce dialogue, il faut, comme l’a fait Pierre Moscovici à l’instant, bien identifier les sujets sur lesquels porte le débat, de manière à éviter toute ambiguïté ; et, bien entendu, il nous faut répondre précisément à vos questions.

Le débat porte sur trois sujets. Le premier est celui des économies que nous attendons et qui, si elles sont dans la norme de dépense, ne dépendent pas exclusivement de notre volonté, mais résultent de négociations en cours entre les partenaires sociaux.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les économies ne dépendent pas que des partenaires sociaux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Allons, madame Dalloz, détendez-vous un peu et ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit… Vous-même, lors des derniers débats, aviez exprimé l’idée selon laquelle il faudrait, dans un certain nombre de domaines où la dynamique paritaire est à l’œuvre, que le Gouvernement affirme la nécessité de faire des économies. Vous n’aviez pas tort de penser cela, mais quand je dis la même chose, ne venez justement pas m’en faire grief ! Ce que nous disons, c’est qu’il n’est pas anormal d’espérer des économies et de les inscrire dans notre stratégie de finances publiques, dès lors que nous avons constaté, lors de précédentes discussions sur les conventions d’objectifs et de gestion des caisses de Sécurité sociale, que des économies, bien réelles et même mesurables, pouvaient effectivement résulter de la numérisation et de la dématérialisation – et qu’il est fort probable que les négociations en cours, notamment celles avec l’UNEDIC, permettent d’en découvrir d’autres.

La Commission européenne a raison de souligner que les négociations comportent toujours une part d’aléa et que, dès lors, il ne suffit pas d’inscrire les économies dans la trajectoire qu’il trace : le moment venu, il faudra les constater – ce que nous avons bien l’intention de faire. Sur 15 milliards d’euros, les économies dont il est question représentent environ 300 millions d’euros – plus 500 millions d’euros sur les conventions d’objectifs et de gestion, ce qui fait donc, au total, 800 millions d’euros sur 15 milliards.

Le deuxième sujet est celui de l’investissement des collectivités locales. En nous basant sur ce que nous avons observé au cours de tous les derniers scrutins municipaux, nous pensons pouvoir retenir l’hypothèse d’un ralentissement de l’investissement durant l’année qui précède les élections municipales. Sur ce point, nous avons un désaccord technique avec la Commission. Donnons-nous rendez-vous dans quelques mois afin, je n’en doute pas, de constater que l’hypothèse que nous privilégions est la bonne.

Le troisième sujet, évoqué par Pierre Moscovici, a trait à l’évolution de notre croissance. Sur ce point, je veux rappeler des chiffres qui nous concernent tous. Nous nous fondons sur une hypothèse de croissance potentielle de 1,5 %, tandis que la Commission retient une hypothèse de 1 % ; l’INSEE pour sa part préfère évoquer une fourchette de 1,2 % à 1.9 % ; quant à la majorité, elle s’était basée sur une hypothèse de croissance de 1,6 % quand elle a présenté son dernier programme de stabilité devant la commission des finances, juste avant l’alternance. C’est cela même qui explique la différence entre notre analyse et celle de la Commission.

Puisque vous me demandez des réponses précises, je vous les donne, et elles pourraient d’ailleurs justifier que nous engagions, sur leur base, un débat technique et apaisé. En revanche, je vous le dis franchement : il me paraît inutilement polémique de faire autant de mousse sur une question de cette nature.

Je terminerai par un dernier argument, sous la forme d’une question à votre intention : la dépense publique a augmenté de 1,7 % par an en moyenne au cours du dernier quinquennat, c’est-à-dire lorsque vous étiez aux responsabilités – ces chiffres sont vérifiables et, en tout état de cause, je parle sous le contrôle du président de la commission des finances. Dans le projet de budget que nous présentons pour 2014, la dépense augmente de 0,4 %.

M. Yves Censi. Vous savez pourquoi !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous parlons de la variation pour une année, monsieur Censi !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je ne fais que rappeler ce qu’a été l’augmentation moyenne de la dépense publique au cours du dernier quinquennat, monsieur Censi : 1,7 % par an, à comparer avec le 0,4 % dans notre budget. Si vous estimez qu’avec 0,4 % d’augmentation de la dépense, il n’y a pas d’économie, monsieur Mariton, j’aimerais beaucoup que vous m’expliquiez comment il a pu y en avoir avec 1,7 % d’augmentation. Si vous êtes en mesure de le faire sur-le-champ, cela m’intéresse beaucoup ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Mon rappel au règlement porte sur le déroulement de nos débats, madame la présidente. M. le ministre de l’économie et des finances a donné tout à l’heure des explications qui, si elles ne sauraient nous convaincre sur le fond, n’appelaient pas d’observations particulières de notre part sur la forme. En revanche, monsieur Cazeneuve, il n’est pas convenable de terminer comme vous l’avez fait, en vous cachant derrière vos services. Nous n’avons jamais mis en cause, de quelque manière que ce soit, la qualité des services du ministère de l’économie et des finances.

M. Charles de Courson. Ils ont beaucoup de mérite !

M. Hervé Mariton. Lorsque nous critiquons votre stratégie ou l’absence de réponse de votre part aux observations de la Commission, nos critiques ne sont évidemment pas dirigées contre les services de votre ministère. Sans vouloir par trop y mettre une emphase qui serait injustifiée dans ce contexte, disons que votre attitude ne nous paraît pas digne du débat : un ministre ne se cache pas derrière ses services…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Hervé Mariton. …et le fait que vous les ayez mentionnés à la fin de votre intervention était tout à fait déplacé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vos services n’étaient aucunement mis en cause. Je tenais à rappeler ce que doit être ce débat : un échange entre la représentation nationale et des membres responsables du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Fauré. Pour raconter de telles histoires, il faut vraiment n’avoir rien à dire !

Motion de rejet préalable (suite)

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.

M. Pierre-Alain Muet. Les chiffres donnés par M. le ministre ne laissent subsister aucun doute sur ce que sera notre vote sur cette motion de rejet préalable. Alors que l’opposition nous reproche de ne pas réduire les dépenses – qui ne sont pourtant en augmentation que de 0,4 % pour 2014 et pour l’ensemble des administrations publiques –, M. Cazeneuve vient de rappeler qu’elle-même les avait augmentées de 1,7 % par an pendant cinq ans. Ce que ce collectif budgétaire fait clairement apparaître, c’est que la règle de dépense est tenue. S’il y a des aléas favorables, comme le reconnaît M. Carrez, il en est d’autres qui ne le sont pas ; or, tenir une règle, c’est faire l’équilibre entre les aléas positifs et les aléas négatifs.

Mieux, notre déficit se réduit en une période où la croissance européenne est nulle, voire négative, depuis deux ans et demi – la croissance de la France étant quant à elle quasi nulle. Le déficit nominal se réduit – 5,3 % du PIB en 2011, 4,8 % en 2012 et 4,1 % en 2013 –, mais il faut souligner que, pour la première fois depuis six ans, notre déficit structurel passe sous la barre des 3 %. Quand vous critiquez notre politique, n’oubliez pas, mes chers collègues, que durant cinq ans, vous avez maintenu un déficit structurel, autrement dit hors crise, compris entre 3,5 % et 5 % du PIB.

M. Patrick Lemasle. Ils le savent bien !

M. Pierre-Alain Muet. Pour notre part, nous venons de le ramener à 2,6 % !

M. Carrez, qui a prononcé le réquisitoire de l’UMP contre la politique du Gouvernement…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Non !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est un peu excessif !

M. Pierre-Alain Muet. …nous a inventé une nouvelle courbe de Laffer. Une récession se traduit forcément par des pertes de recettes, à la fois en raison de l’assiette qui croît moins vite – phénomène caractéristique d’une récession – et, en particulier pour l’impôt sur les sociétés, d’une élasticité plus faible : quand les profits sont nuls ou négatifs, aucun impôt n’est prélevé. En réalité, il n’y a donc rien d’anormal à la situation décrite par M. Carrez ; et, contrairement à ce qu’affirme le président de la commission des finances, nous n’avons jamais rajouté d’austérité à la récession. Ce collectif intervient au bon moment, c’est-à-dire en fin d’année, pour constater que les objectifs ont été tenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe UMP.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur Muet, le président de la commission des finances n’a jamais lancé une charge contre le Gouvernement : il a simplement fait part de son ressenti, avec toute l’objectivité et surtout la compétence qu’on lui reconnaît depuis des années dans le domaine des finances publiques, et qui justifient le respect que nous lui témoignons. (« C’est vrai ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Gilles Carrez dénonce deux faiblesses de votre budget. La première réside dans une maîtrise insuffisante de la dépense publique…

M. Alain Fauré. C’est toujours mieux que ce que vous faisiez !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est une réalité que chacun peut constater, puisqu’il y a 10 milliards de dépenses publiques supplémentaires par rapport à la loi initiale. La deuxième tient au fait que certaines recettes fiscales ne sont pas au rendez-vous : vous n’aimez pas qu’on vous le fasse remarquer, mais c’est pourtant la réalité en cette fin d’année 2013. M. le ministre de l’économie parlait lui-même, devant les chefs d’entreprise, de « matraquage fiscal » : nous en voyons aujourd’hui le résultat.

En défendant brillamment la motion de rejet préalable déposée par notre groupe, M. Mariton a fait état du rapport de la Commission européenne du 15 novembre dernier. Sur aucun des quatre points évoqués, M. le ministre des finances ne nous a convaincus. Premièrement, la Commission européenne évoque la nécessité de mettre en œuvre une certaine rigueur budgétaire – nous n’avons obtenu aucune réponse sur ce point. Deuxièmement, pour ce qui est des économies insuffisantes sur les dépenses publiques, vous nous répondez en évoquant la modernisation de l’action publique ; certes, vous avez créé un secrétaire général à la modernisation de l’action publique – le SGMAP –, mais on n’en voit toujours pas les résultats : la réforme de la décentralisation n’apportera donc pas les réductions de dépenses attendues.

Nous n’avons pas davantage obtenu de réponse satisfaisante sur le troisième point – la stratégie du Gouvernement en matière de fiscalité – ni sur le quatrième, à savoir ce delta entre l’effort d’ajustement de l’État, que vous annoncez, et l’estimation, moitié moindre, qu’en fait la Commission européenne. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera pour la motion de rejet défendue par Hervé Mariton. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Lemasle. Quel scoop !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDI.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, pouvons-nous un instant regarder les chiffres dans toute leur brutalité ? Le Gouvernement affirme tenir les dépenses. Pourtant, à la lecture du rapport de notre bien-aimé rapporteur général, il apparaît que l’on passe, en exécution révisée 2013 – nous ne parlons pas de prévisions, mais bien de réalisé – de 375,9 milliards d’euros à 378,3 milliards d’euros : il s’agit donc bien d’une augmentation de 2,4 milliards d’euros, même hors mesures exceptionnelles.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Eh oui, 2,4 milliards d’euros ! Ce n’est pas rien !

M. Charles de Courson. Mais le pire, mes chers collègues, c’est quand on compare les prévisions et les réalisations de l’ensemble des dépenses publiques, à savoir l’État, la Sécurité sociale et les collectivités territoriales – je vous renvoie à la page 16 du rapport de M. Eckert. Alors que la loi de programmation prévoyait 56,3 % de dépenses publiques consolidées pour 2013, le programme de stabilité prévoyait 56,9 %, et nous atteignons finalement 57,1 % en exécution : il y a bel et bien un dérapage de 0,8 point, soit 16 milliards d’euros – et au minimum de 0,2 point si l’on prend pour référence le programme de stabilité.

Quand on nous dit que ce phénomène est dû à une moindre croissance économique, rappelons que le groupe UDI n’a cessé de répéter que les prévisions initialement retenues étaient tout à fait déraisonnables : en réalité, nous sommes quasiment à zéro de croissance en 2013. Quant à l’autre explication, selon laquelle le dérapage serait dû à des dépenses exceptionnelles, elle est tout simplement nulle et non avenue. À la page 11 du rapport de M. Eckert, chacun peut voir que les dépenses exceptionnelles se sont élevées à 9,1 milliards d’euros en exécution 2012, et à 9,9 milliards d’euros en exécution 2013. En fait de mesures exceptionnelles, il s’agit de mesures permanentes, d’un montant compris entre 9 et 10 milliards d’euros.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.

M. Charles de Courson. Le deuxième point, encore plus grave, est celui des recettes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Fauré. Cela fait deux minutes ! Il faut lui couper le micro !

M. Yves Censi. Vous feriez mieux d’écouter ce qu’il dit ! Ça, ce n’est pas du baratin !

M. Thomas Thévenoud. Posez votre missel, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Sur les recettes, on attend toujours l’explication de l’incroyable chute de l’impôt sur les sociétés et de la TVA. Monsieur le ministre, ne venez pas nous parler d’élasticité quand nous sommes confrontés à un véritable affaissement !

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

M. Charles de Courson. Pas du tout, je continue mon explication, madame la présidente ! (Rires et exclamations.) Le vrai problème…

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe RRDP.

M. Charles de Courson. Vous avez tort de faire cela, madame la présidente ! Cela ne vous avancera à rien !

Mme la présidente. Vous avez parlé trois minutes, monsieur le député, ce qui est déjà trop, d’autant que je vous avais prévenu.

Vous avez la parole, monsieur Charasse.

M. Gérard Charasse. Après avoir entendu les explications précises et détaillées de M. le ministre des finances et de M. le ministre du budget, le groupe RRDP ne votera pas la motion de rejet préalable (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, à propos de ce projet de loi de finances rectificative, vous indiquez vous livrer à un exercice qui se veut traditionnel, pour proposer – comme cela se fait habituellement, il est vrai – une série d’ouvertures et d’annulations de crédits, destinées à assurer la fin de la gestion de l’exercice 2013. Vous y ajoutez, par ailleurs, une série de mesures, que je qualifierais, pour certaines, d’intéressantes et, quant aux autres, d’un peu particulières.

Le vocable « traditionnel » est une fois de plus détourné de son sens, car la véritable tradition est celle qui consiste à utiliser le projet de loi de finances rectificative non seulement pour clore un exercice, mais aussi, et surtout, pour rectifier la loi de finances de l’année en cours, afin de l’adapter aux dernières données conjoncturelles. Usuellement, les projets de loi de finances rectificative s’inscrivent dans un esprit de bonne gestion, de transparence et plus encore d’honnêteté vis-à-vis du citoyen, qui entend ainsi être mis au courant, par ce biais, des nouvelles orientations de la politique économique et budgétaire.

Force est de constater que ce n’est pas là votre priorité, puisque, jusqu’à présent, aucune loi de finances rectificative ne nous avait été présentée en 2013 – cela a été dit et répété, mais j’y insiste – contrairement, d’ailleurs, à la pratique des mandats précédents et nonobstant le fait que les résultats économiques auraient dû vous y conduire.

Vous confirmez par là même l’opacité de votre gestion, qui se cache trop souvent derrière les lunettes aveuglantes de l’idéologie.

Pourtant, il est impératif qu’une politique fiscale fasse l’objet d’un pacte de confiance entre le Gouvernement et les citoyens, car le consentement à l’impôt est un pilier essentiel de la démocratie représentative. Or, nous nous en éloignons de plus en plus ; le constat est accablant : il y a toujours plus de prélèvements obligatoires, qui atteignent désormais 46,6 % du PIB. Certes, nous y avons pris notre part, mais le « toujours plus » fait déborder le vase. François Hollande déclarait en septembre 2010, je le cite, qu’« au dessus de 45 %, le caractère insupportable de l’impôt peut se poser. », mais ses propos et surtout ses actes varient : à présent, il est aux manettes et donne dans le tous azimuts.

Oui, les citoyens prennent dramatiquement conscience que votre gouvernement inscrit non seulement notre pays parmi les champions des prélèvements obligatoires, mais fait délibérément le choix d’une politique chaotique, à rebours des stratégies d’allégement poursuivies dans les autres pays de l’Union européenne.

Les contribuables, mus par le bon sens, ne sont pas les seuls à vous interpeller. Nous parlions tout à l’heure du verdict bruxellois sur la politique budgétaire, mais j’y insiste : la Commission européenne a fait preuve de retenue à l’égard de la France, tout en dénonçant l’absence de marges en cas de dérapage. Si elle vous a intimé de faire des efforts supplémentaires d’ici 2015, c’est, tout simplement, pour freiner le galop vers une dette à 100 % du PIB.

Or, actuellement, rien ne nous permet d’espérer une croissance nouvelle dynamique, qui saurait éventuellement et partiellement vous éviter une nécessaire et profonde remise en cause. À ce jour, vous avez sous-évalué les aléas, comme le confirme le Haut conseil des finances publiques…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ça, ce n’est pas vrai !

Mme Arlette Grosskost. Mais si, monsieur Eckert !

…qui, enfonçant le clou, souligne les incertitudes des prévisions à ce stade de l’année. La baisse des recettes constatée aujourd’hui en est la triste illustration : les dépenses de consommation chutent et les recettes de TVA sont très éloignées de vos prévisions. Il en est de même pour les rentrées d’impôts directs, ce qui s’explique par le comportement des contribuables, qui adaptent leur stratégie face à une fiscalité confiscatoire. De surcroît, 10 à 15 % d’entre eux, surpris par la charge des nouveaux impôts, demandent un échéancier, voire une baisse de ces derniers, ce qui est une preuve supplémentaire de trop-plein.

Vous avez souvent reproché au gouvernement précédent de réagir dans l’émotionnel, voire dans l’excitation. Mais en la matière, vous êtes devenus des maîtres : j’en veux pour preuve les annonces fracassantes et au pas de charge qu’a faites le Premier ministre pour calmer le climat insurrectionnel en France. M. Ayrault défraye pour le moins la chronique et prend à rebours ses propres troupes en annonçant, à grand renfort de publicité, la mise à plat de la fiscalité à prélèvements obligatoires constants : il s’agit donc toujours d’une fiscalité maximum, mais qui cible, cette fois-ci, les classes intermédiaires, qui verront leur pouvoir d’achat largement amputé.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est n’importe quoi ! Vous êtes bien la seule à connaître par avance les résultats de cette politique !

Mme Arlette Grosskost. Selon un sondage IFOP, 50 % des Français pensent qu’ils seront davantage taxés après la remise à plat de la fiscalité : ils sont devenus méfiants, et à juste titre. Je fais mien ce mot d’un éditorialiste : « la manœuvre saugrenue est en train de transformer la France en pétaudière. » Cette mise à plat se traduira de surcroît par des impôts administratifs supplémentaires pour les entreprises, qui, pour la perception de l’impôt, devraient se substituer de facto, pour partie, à l’administration fiscale. En clair, il y aura de plus en plus de paperasse pour les créateurs de richesses, et nous aurons de moins en moins de crédibilité aux yeux des institutions internationales.

Cette mise à plat sera-t-elle vraiment utile aux entreprises, qui, en raison du cumul des charges fiscales et sociales et des taxes diverses qu’elles supportent, se trouvent en tête du championnat européen des prélèvements ? Je rappelle qu’en France, leur taux d’imposition est de 64,7 %, alors que la moyenne mondiale s’élève à 43 % et la moyenne européenne à 41 %.

Ce n’est pas tant l’impôt sur le résultat commercial qui pèse sur les entreprises, mais le flot de charges sociales déversé. La France peut se vanter d’avoir l’un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés d’Europe en la matière – seule l’Italie fait pire –, largement devant la Suède, qui offre pourtant un système social très protecteur.

C’est pourquoi nous avions adopté la TVA compétitivité, qui avait pour objectif de soulager les entreprises en matière de charges sociales : cela apparaissait comme une urgence pour redonner du souffle à l’emploi. Je le rappelle, cette mesure aurait fait bénéficier les entreprises d’une exonération totale des charges familiales patronales sur les salaires compris entre 1,6 et 2,1 SMIC. À l’époque, vous dénonciez ce dispositif, en le qualifiant d’injuste, car la hausse touchait tous les consommateurs. Mais aujourd’hui, vous faites pire : vous augmentez non seulement le taux normal de TVA, mais aussi le taux intermédiaire, qui touche de nombreux secteurs économiques non délocalisables, sans baisser les charges supportées par les entreprises. Je rappelle aussi que la baisse annoncée du taux de TVA sur les biens et services de première nécessité de 5,5 à 5 %, censée faire passer la pilule, a été annulée.

Vous vous amusiez de la « TVA Sarkozy » : je dénonce les « TVA Hollande », que je qualifie, comme l’avait si bien fait, lors du précédent quinquennat, M. Sapin, de « TVA antisociale ».

Est-ce un hasard si cette prétendue révolution fiscale est annoncée quelques jours après la dégradation de la note de la France par Standard and Poor’s, et dans la prolongation du rapport de l’OCDE sur les tares de la France en matière de compétitivité ? Permettez-moi d’en douter !

Est-ce là votre dernier atout, votre dernière carte ? Pourtant, cette initiative est loin de faire l’unanimité à gauche et encore moins parmi vos alliés, notamment les Verts, qui parlent de faillite politique et de dix-huit mois d’erreurs et de stupidité. M. Placé vise-t-il particulièrement le projet de loi de finances pour 2014, qui sera certainement, une fois de plus, rejeté au Sénat ? Il est vrai qu’il nous fait atteindre le summum des prélèvements ; de surcroît, sans être, loin s’en faut, à la hauteur des enjeux d’une véritable baisse des dépenses, il s’est contenté du renversement d’une évolution tendancielle : on joue toujours sur les mots.

Vous êtes en permanence dans la communication brouillonne, dans l’inventaire à la Prévert d’annonces qui se chevauchent et se concurrencent, avec pour seule conséquence, le sentiment de saturation des acteurs de la croissance. Ceux-ci perdent bien plus que le fil, ils perdent espoir, car aucun sens ne peut être trouvé dans une politique compulsive et dans un marketing de l’urgence.

Pendant ce temps, les vraies réformes se font attendre, celles qui sauraient modifier notre État-providence par trop généreux, qui devient de plus en plus un obstacle à l’emploi. Exit les leviers d’une réelle baisse des charges, au profit du saupoudrage et de l’efficacité toute relative et déjà contestée du CICE, ce fameux dispositif qui profitera bien moins aux entreprises exportatrices qu’aux groupes de distribution et de services, non soumis à la concurrence internationale. D’ailleurs, l’annonce du CICE n’a pas fait vraiment mouche, puisque l’industrie française anticipe une nouvelle baisse de l’investissement, qui est pourtant la clé d’une reprise de la croissance. Pour investir, l’industrie a besoin d’un agenda visible de mise en œuvre des réformes : or, elle doute. De plus, certaines PME nous ont fait savoir que quelques-uns de leurs donneurs d’ordres les obligeaient à répercuter le gain tiré du CICE sur leurs marges.

Les professionnels du terrain font remonter des informations toujours plus inquiétantes. Les investisseurs et les entreprises étrangères quittent peu à peu le pays. Alors que, dans le contexte mondialisé actuel, chacun y va de ses avantages comparatifs pour attirer les investissements et, ainsi, dynamiser son économie nationale, vous restez spectateur de l’énergie retrouvée par nos voisins, au motif d’un égalitarisme forcé par l’impôt et du refus d’accomplir des économies par une réduction significative des dépenses.

Cessez d’avoir cette vision égocentrée de l’économie – on parlait tout à l’heure de benchmarking –, comparez-vous vis à-vis de l’extérieur, découvrez les bonnes pratiques de nos voisins. Ainsi, nous sommes en droit de nous interroger sur le taux de marge des entreprises françaises, inférieur de 10 points à celui des entreprises allemandes.

Mais revenons-en au collectif budgétaire 2013, qui représente, à tout le moins, un condensé d’optimisme : tout va bien dans le meilleur des mondes ! Et pourtant, quid des11 milliards d’euros de recettes fiscales manquantes ? Vous nous avez déjà apporté un début de réponse. Les incohérences s’accumulent.

M. Dominique Baert. Oui, à droite !

Mme Arlette Grosskost. Il n’y a pas de véritable travail de fond : on évite les bonnes questions, pour juxtaposer des mesures qualifiées d’ambitieuses, quand bien même elles ne sont que le reflet, parfois trop servile, d’une politique clientéliste. Il en est ainsi de la création d’un statut d’amorçage applicable aux sociétés coopératives et participatives, qui va de pair avec cette proposition de loi absurde relative à la reprise de sites. On revient à cette vielle lune du parti socialiste : les coopératives. Idée fulgurante, s’il en fut, et pourtant la majorité ces sociétés ont été vouées à un destin funeste.

M. Jean-Paul Dupré. Ce n’est pas vrai !

Mme Arlette Grosskost. Si, cher collègue !

Quant à la principale mesure du texte, à savoir la réforme de l’assurance-vie au service du financement de l’économie, nous pourrions saluer cette mesure destinée à améliorer le financement des entreprises.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Eh bien alors, lâchez-vous ! (Sourires.)

Mme Arlette Grosskost. Le fléchage de l’épargne des Français vers l’investissement en actions des PME et des ETI est un bon dispositif. Inciter les placements à long terme et les rendre plus audacieux est une mesure qui semble effectivement réfléchie. Mais le diable se cache dans les détails : pourquoi ce dispositif devrait-il servir aussi à financer le logement social et à assurer les financements solidaires ? Il existe déjà bien des dispositifs pour ce faire, et celui qui nous est proposé procède d’un empilement supplémentaire, sans évaluation de son efficience. Les PME et les ETI ont suffisamment de besoins auxquels la BPI ne peut faire face, pour que le fléchage desdits montants leur soit entièrement dédié.

Je relève, concernant les contrats de transmission, que les possibilités d’investissement dans des sociétés non cotées, donnant droit à des avantages fiscaux, existent déjà : citons les FIP et les FCPI – qui confèrent un avantage au regard, soit de l’impôt sur le revenu, soit de l’impôt sur la fortune, soit, encore, de chacun de ces deux impôts –, l’enveloppe fiscale du PEA et le nouveau PEA-PME. Le contrat transmission ne risque-t-il pas de cannibaliser des flux déjà destinés au non coté dans des formules existantes ?

M. Dominique Baert. Mais non !

Mme Arlette Grosskost. Les contrats « euro-croissance » soulèvent également des interrogations quant à leur attractivité. Je pense à la prise de risque qui sera supérieure pour une perspective de super performance du fonds euros faible.

A contrario, je salue l’amendement adopté en commission qui met en place le fichier centralisant les contrats d’assurance-vie à l’image du FICOBA, le fichier national des comptes bancaires et assimilés. Cette mesure facilitera de toute évidence certaines successions. À partir de là, il serait peut-être opportun d’élargir cette consultation directe, non seulement aux contrats d’assurance, mais aussi dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial dont sont chargés les notaires dans l’exercice de leur mandat ou lorsqu’ils sont commis judiciairement ; c’est important et j’y insiste.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce sera dans la proposition de loi ! Vous pourrez déposer un amendement !

Mme Arlette Grosskost. À la hâte, vous ajoutez un amortissement fiscal de cinq ans des investissements réalisés par les entreprises dans les PME européennes innovantes. Là encore, l’idée apparaît séduisante,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Impeccable !

Mme Arlette Grosskost. …mais pourquoi soumettre cet investissement à l’obligation de labellisation par Bpifrance de l’entreprise bénéficiaire ? Vous mettez une fois de plus des barrières et des limites, au motif de ne pas faire totalement confiance aux entrepreneurs. De surcroît, vous limitez le montant investi, qui ne saurait dépasser 1 % du total du bilan du groupe et 20 % du capital. Ce pas en avant est donc immédiatement freiné et restera par là même une mesure à la marge.

Par ailleurs, est-il raisonnable d’imposer un tel dispositif avant que la Commission européenne ne se prononce sur sa validité ? Rien ne nous autorise à croire en effet que ce dispositif sera accepté au motif qu’il pourrait s’agir d’une aide d’État.

Les articles 10 et suivants, qui contiennent des mesures de simplification, sont de bon augure.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ils vont tout voter !

Mme Arlette Grosskost. Toutefois, on procède par touches et il aurait été préférable de mettre véritablement à plat toutes les mesures de simplification et de recouvrement, tant pour les particuliers que pour les entreprises, dans une loi spécialement dédiée. Il est vrai qu’un vaste chantier doit s’ouvrir prochainement à cette fin.

Un autre exemple pourrait poser problème : la taxation des recettes publicitaires sur les services de télévision de rattrapage inscrite à l’article 16 ne remet-elle pas en cause la gratuité de ces programmes ? Le dispositif ne semble pas abouti ; France Télévisions n’a notamment pas le même régime de recettes publicitaires que les chaînes privées. Une autre solution ne serait-elle pas envisageable ?

De plus, je souhaiterais savoir comment vous comptez taxer les ventes et locations de vidéogrammes distribués en France par des entreprises européennes. La tentation ne serait-elle pas forte de tout simplement s’établir hors Union européenne tout en diffusant en France ? Les possibilités de contourner la loi, en particulier la loi fiscale, ne manquent pas s’agissant d’Internet : en la matière, le législateur aura toujours un train de retard. Il ne peut que suivre les mises à jour imposées par ce monde à part entière.

Au travers de l’article 19, vous souhaitez supprimer les peines planchers en matière douanière. L’objectif est « d’assurer une meilleure personnalisation des peines en laissant le juge libre de descendre aussi bas qu’il l’entend dans la mansuétude, sans être tenu de motiver sa décision ». Voilà un message pour le moins particulier à l’adresse des fraudeurs.

Sur le durcissement de l’exit tax, il y a lieu de s’interroger quant au message délivré et quant à sa finalité. Certes, la taxe vise les candidats au départ à l’étranger, qui sont légion ces jours-ci. Mais nous avons aussi besoin d’investisseurs hors de France, qui auraient la bonne idée de venir s’établir en France. Pensez-vous que ce signal viendra les y encourager ?

Sur un autre thème, la formation et l’apprentissage, vous proposez, d’une part, la fusion de la contribution au développement de l’apprentissage et de la taxe d’apprentissage et, d’autre part, l’affectation directe du produit de l’actuelle contribution supplémentaire à l’apprentissage au financement des centres de formation d’apprentis. Dans le projet de loi de finances pour 2014, les dispositions sur l’apprentissage ont été revues dans un sens très défavorable aux PME. En effet, je rappelle que vous supprimez l’indemnité compensatoire de formation pour les entreprises de plus de dix salariés et divisez de moitié celle qui sera accordée à ces petites entreprises. Votre objectif d’atteindre 500 000 apprentis est louable, mais les moyens utilisés pour y parvenir sont discutables.

Vous disséminez des dispositifs au gré des lois de finances alors que la jeunesse attend des signes forts. Ce qui est indiscutable, c’est que votre projet présente des contours flous et nécessite une discussion sérieuse. Il y va de l’avenir de nos jeunes, qui, souvent peu qualifiés, s’enfoncent dans le chômage et ne reprennent leur souffle qu’à coups d’emplois aidés. Nous devons tout mettre en œuvre pour qu’ils accèdent à de véritables emplois en favorisant les formations, au lieu de les bloquer en multipliant les emplois précaires, qui n’offrent qu’un avenir fermé.

Concernant la filière bois, la création d’un fonds stratégique de la forêt et du bois et d’un compte d’investissement forestier et d’assurance sont louables mais je m’interroge sur le véhicule législatif choisi, car ce sujet mérite un vrai débat de fond, tant la filière est prometteuse. Nos forêts, sous-exploitées, constituent une filière dont la structuration amont de récolte nécessite une véritable mobilisation afin que soit maintenue la surface d’espaces boisés nécessaire à la préservation de la biodiversité et à la régulation du climat.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous pourriez être centriste, madame Grosskost ; n’est-ce pas vrai, monsieur de Courson ?

Mme Arlette Grosskost. Cette loi de finances rectificative est un texte fourre-tout dont certaines dispositions nécessiteraient d’être justifiées sur le plan budgétaire. C’est un amalgame de mesures sans véritable fil conducteur qui viennent s’ajouter à des dispositions déjà complexes et parfois alambiquées. C’est précisément le contraire de la simplification que vous revendiquez pourtant mettre en œuvre. Nous sommes loin de la voie qui conviendrait et qui consisterait à remettre les choses en perspective et à redonner du sens au PLFR. Nous sommes loin de la stabilité fiscale et de la non-rétroactivité, qui est pourtant réclamée par tous, entreprises et particuliers.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Pourquoi cela ? Il n’y a aucune mesure fiscale là-dedans !

Mme Arlette Grosskost. Force est de constater que l’impact sur les finances publiques de tout ce qui ressort de ce PLFR est, une fois de plus, aléatoire et nécessiterait des approfondissements. À votre critique récurrente, et pour le moins éculée, du laisser-aller budgétaire de ces dix dernières années, nous ne pouvons que vous opposer le caractère flou et non abouti de ce PLFR. Il ne dessine aucune ligne de force véritable pour retrouver le chemin d’une embellie économique, seul scénario qui permettrait d’inverser réellement la courbe du chômage structurel.

M’appuyant sur tous les arguments qui précèdent, je vous demande, chers collègues, de bien vouloir voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de Courson. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre. Je répondrai en quelques mots à l’interpellation courtoise de Mme Grosskost.

J’aimerais également apporter trois petites précisions ; pour le reste, madame, je vous renvoie aux explications que j’ai données en répondant à la motion précédente.

Premièrement, vous avez fait référence à l’agence de notation financière Standard and Poor’s et à un rapport de l’OCDE. J’ai évidemment le plus grand respect pour les institutions internationales et le dialogue que nous établissons avec les agences de notation est parfois constructif. Cela étant dit, et j’ai déjà eu l’occasion d’exprimer ma pensée sur le sujet, les éléments objectifs qui ont été pris en compte auraient pu, auraient dû aboutir à une notation rigoureusement inverse. Certaines des critiques qui ont été portées étaient excessives ; je les ai d’ailleurs jugées non fondées. Du reste, la dégradation de la note de la France n’a eu aucun effet sur le niveau des taux d’intérêt : elle n’a même pas représenté un ou deux points de base. Je ne vois pas meilleure preuve du fait que la crédibilité de la politique française l’a emporté. Les investisseurs continuent donc de faire confiance à la France,…

Mme Arlette Grosskost. Heureusement !

M. Pierre Moscovici, ministre. …et vous pouvez vous en réjouir avec nous.

Mme Arlette Grosskost. Absolument !

M. Pierre Moscovici, ministre. Connaissant votre esprit patriote, je n’en doute pas, madame Grosskost !

Deuxièmement, s’agissant de la remise à plat de la fiscalité, Bernard Cazeneuve en a développé les objectifs et les principes lors des questions d’actualité. Il s’agit en effet de rendre l’impôt plus lisible, pour que son utilité soit mieux comprise et pour que le consentement de nos concitoyens à l’impôt soit renforcé. La simplification doit notamment concerner les relations entre l’administration fiscale et les contribuables, au premier rang desquels les entreprises. Je tiens à répéter ici que la construction d’une vraie relation de confiance doit s’établir d’un côté comme de l’autre, tant pour les entreprises que pour l’administration. Quand j’ai évoqué l’administration tout à l’heure, c’était non pas pour vous reprocher de la critiquer, mais pour vous demander de la féliciter parfois, car elle le mérite. Ce que nous souhaitons faire ici, c’est améliorer cette relation de confiance.

Cette remise à plat répond à une exigence de justice, qui est évidemment fondamentale dans notre système fiscal. Elle doit également permettre de consolider, de conforter la compétitivité de l’économie française, en garantissant aux entreprises les conditions dans lesquelles elles pourront investir.

Enfin, vous avez cru bon de vous livrer à une critique, que l’on retrouve ici ou là, du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. À cet égard, je voudrais simplement rappeler ce qu’on dit trop peu souvent : ce crédit d’impôt doit permettre d’agir, comme son nom l’indique, tant sur la compétitivité que sur l’emploi. Il vise donc tout à la fois l’industrie et les services, les bas salaires et les salaires plus élevés. Il s’adresse non seulement au secteur de l’industrie, subventionné par le dispositif à hauteur de deux fois son poids dans le PIB, mais aussi à l’ensemble de l’économie. Du reste, vous le savez bien, car les chefs d’entreprises installées dans vos circonscriptions doivent vous le dire, du moins c’est ce qu’ils nous expliquent à chaque fois que les ministres de ce gouvernement se déplacent sur un territoire. Des demandes de préfinancement importantes ont d’ores et déjà été adressées à la Banque publique d’investissement, Bpifrance, qui a versé plus d’1 milliard d’euros aux entreprises. Certains avaient retenu le chiffre de 400 000 millions d’euros – François Fillon, me semble-t-il, qui a confondu un point d’étape avec la réalité d’ensemble.

Ce dispositif qui se traduira sans aucun doute par une baisse du coût du travail appréciée et demandée par les entreprises ne produira pleinement ses effets qu’en 2014. Il n’y a pas de mystère là-dessus : une évaluation sera faite ; elle est d’ailleurs prévue par la loi et confiée au Commissariat général à la stratégie et à la prospective. Les premiers rapports publiés sur le sujet ont montré que les entreprises s’appropriaient le CICE. C’est donc une bonne mesure favorable à la compétitivité des entreprises mais qui doit encore recevoir l’approbation de tous.

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe SRC.

M. Dominique Lefebvre. Le groupe SRC votera contre cette motion de rejet en commission. Depuis le début de la soirée, l’opposition donne dans le paradoxe : alors qu’elle réclame à cor et à cri depuis le printemps dernier une loi de finances rectificative, elle demande aujourd’hui que celle que nous présentons soit renvoyée d’urgence sans être discutée !

Chère collègue Arlette Grosskost, je n’ai pas trouvé dans votre propos matière à réponse, puisque celui-ci ne comporte aucun élément justifiant le renvoi en commission du présent texte.

Mme Arlette Grosskost. Son flou !

M. Dominique Lefebvre. Au demeurant, vous avez vous-même indiqué qu’il comprenait des mesures intéressantes.

Mme Arlette Grosskost. Oui, mais il est flou !

M. Dominique Lefebvre. Dans ce cas, le mieux serait tout de même d’en débattre. Nous avons discuté de ces dispositions durant une journée entière en commission, et ce de manière intéressante, me semble-t-il.

L’intérêt de ces exercices pour l’opposition est bien de profiter du temps de parole qui lui est imparti pour exposer un certain nombre d’arguments. J’ai néanmoins relevé de très nombreuses inexactitudes dans vos propos : vous avez parlé d’une baisse des recettes alors que celles-ci progressent de plus de 1 milliard d’euros ; vous avez affirmé que le taux de prélèvements obligatoires était de 46,6 % alors qu’il n’est que de 46 % ; vous avez mis en cause la transparence du projet de loi alors même que les tableaux présentés dans les premiers articles fournissent les premiers éléments d’une exécution transparente et sont, comme cela a été indiqué lors du débat sur la précédente motion, conformes aux objectifs que nous avions fixés – je n’y reviendrai donc pas.

Pour conclure, ce texte n’est pas un amas de mesures fourre-tout, comme pouvaient l’être les DDOEF dans le temps. Il y a une cohérence entre les mesures de ce projet de loi de finances rectificative concernant le financement de l’économie. C’est parce que celui-ci n’attend pas qu’il faut en délibérer dès maintenant.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe UMP.

Mme Marie-Christine Dalloz. Arlette Grosskost, dans la défense de la motion de renvoi en commission, a axé son propos sur l’économie. Elle a tout fait raison : s’il y a aujourd’hui un enjeu national, c’est bien l’emploi. Or celui-ci est nécessairement lié aux perspectives économiques.

M. le ministre nous répond que le CICE est destiné aux entreprises et aux services. Nous avions bien compris que les services en bénéficiaient…

M. Alain Chrétien. La Poste, par exemple !

Mme Marie-Christine Dalloz. La Poste en effet, mais également la grande distribution. Or les coopératives agricoles, notamment celles qui fabriquent du fromage – j’en connais un certain nombre – n’en bénéficient pas actuellement, alors même qu’il y a de l’emploi local en jeu. Ces activités ne sont-elles pas, selon vous, soumises à la concurrence ?

M. Lefebvre a parlé de cohérence. Le crédit d’impôt compétitivité emploi a été voté l’année dernière, dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2013, mais les décrets d’application ne sont sortis que fin octobre dernier, ou courant novembre. Où est la cohérence ? Où est l’urgence qu’il y avait, selon vous, à soutenir l’économie ?

En ce qui concerne la réponse de M. le ministre sur l’agence Standard and Poor’s, Arlette Grosskost a bien fait d’insister sur la perte du triple A. M. Moscovici a, dans la même phrase, appelé au respect des institutions internationales et déclaré que les critiques de l’agence avaient été excessives et non fondées : on ne peut pas tout à la fois affirmer que l’on respecte les institutions internationales et soutenir qu’elles se sont trompées. Fort heureusement pour notre pays – et nous pouvons nous retrouver sur ce point –, la perte du tripe A n’a pas eu d’effet sur les taux. Mais je n’ose imaginer, alors que nous allons emprunter 180 milliards d’euros l’an prochain, ce qui fera de nous le premier emprunteur en euros au monde, les effets que pourrait avoir une évolution, si légère fût-elle.

Pour toutes ces raisons et parce que nous ne partageons pas votre optimisme un peu exagéré, nous appelons à voter contre cette motion… (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert, M. Christian Eckert et rapporteur général. Lapsus révélateur !

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous appelons, voulais-je dire, à voter pour cette motion, c’est-à-dire pour le renvoi en commission de ce projet de loi de finances rectificative.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Je vais enfin pouvoir achever mon intervention de tout à l’heure qui a été interrompue.

M. Dominique Lefebvre. Vous n’avez que deux minutes !

M. Jean Launay. Et ce n’est pas la même motion !

M. Charles de Courson. J’ai parlé, monsieur le rapporteur général, des dépenses qui dérapent, mais il me reste à évoquer maintenant les recettes qui s’effondrent.

M. Thomas Thévenoud. Posez votre missel, mon cher collègue !

M. Charles de Courson. Ce n’est pas un missel, monsieur Thévenoud, mais l’œuvre de notre rapporteur général, où il est très bien expliqué que la question de fond est de savoir si cette chute est conjoncturelle ou structurelle.

Lorsqu’on lit avec attention les pages 18, 19 et 20 du rapport, on s’aperçoit que le rapporteur général est prudent dans sa réponse. Selon le Gouvernement, la chute du produit de la taxe sur la valeur ajoutée est conjoncturelle. On nous explique – tenez-vous bien – qu’elle serait liée à une évolution de la structure de la consommation, laquelle se répartirait différemment entre les trois principaux taux de TVA. Mais cela ne colle pas : tout le monde parle d’un développement du travail au noir et de toutes les formes de troc. Le phénomène s’accentuera d’ailleurs certainement en 2014. Je pense donc que cette baisse est tout à fait structurelle et non pas conjoncturelle.

Mme Arlette Grosskost. Bien sûr !

M. Charles de Courson. Sur l’IS, le rapporteur général est, là encore, d’une prudence extrême. « Toutefois, dans l’hypothèse où le rendement des mesures nouvelles serait inférieur à la prévision, il faudrait alors revoir à la baisse l’effort structurel en recettes donc le niveau structurel des recettes publiques, ce qui impliquerait de revoir à la hausse le déficit structurel. » Effectivement, mes chers collègues, car l’assiette de l’impôt sur le revenu s’évade vers l’étranger.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Pourquoi ne lisez-vous pas aussi la phrase suivante ?

M. Charles de Courson. Nous avons tous des contacts dans les différents groupes ; il nous est donc très facile de vérifier que l’on délocalise bel et bien. La raison en est simple : quand vous gérez un groupe implanté là où le taux de l’impôt sur les sociétés est le plus élevé d’Europe, il est naturel d’essayer de localiser les bénéfices là où il est le moins élevé. Là encore, monsieur le rapporteur général, messieurs les ministres, la diminution des recettes est donc structurelle.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur de Courson !

M. Patrick Lemasle. C’est bien là son problème : il ne sait pas conclure !

M. François Rochebloine. Écoutez-le, ce qu’il dit est important !

M. Charles de Courson. J’en viens, et c’est mon dernier point – fondamental – aux cotisations sociales. Pourquoi augmentent-elles beaucoup moins vite qu’un PIB qui est pourtant quasiment stagnant en volume ?

Avez-vous observé, mes chers collègues, le partage de la valeur ajoutée et son évolution sur les trois dernières années ? Jamais les marges des entreprises n’ont été aussi faibles. Pour que le produit augmente, il faut faire croître de nouveau la part des bénéfices dans la valeur ajoutée.

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

M. Charles de Courson. Au vu de la situation actuelle, l’élasticité des cotisations sociales par rapport PIB sera très faible. Tout cela est donc structurel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2013.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron