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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 16 décembre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Marc Le Fur

1. Missions de l’Établissement national des produits agricoles et de la pêche maritime

Présentation

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Mme Clotilde Valter, rapporteure de la commission des affaires économiques

Discussion générale

M. Damien Abad

M. Jean-Paul Tuaiva

M. Hervé Pellois

Mme Gisèle Biémouret

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée

Discussion des articles

Article 1er

Mme Brigitte Bourguignon

Article 2

Mme Brigitte Bourguignon

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

2. Consommation

Rappel au règlement

M. Gilles Lurton

Discussion des articles (suite)

Article 17 quater B

M. Gilles Lurton

M. Dino Cinieri

M. Damien Abad

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

M. Damien Abad

M. Benoît Hamon, ministre délégué

Amendement no 72

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques

Article 17 quater

M. Damien Abad

M. Dino Cinieri

M. Philippe Folliot

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Amendements nos 533 , 540 , 548 , 541 , 542 , 389 , 543 , 544 , 545

Article 18 D

Amendement no 119

Article 18

Amendements nos 157 , 365 , 364 , 399 , 161 , 282

Article 18 bis

Article 19

Article 19 bis A

Amendement no 459 rectifié

Article 19 ter

Amendements nos 266 , 366 , 415

Article 19 quinquies

Article 19 septies

Article 19 octies A

Amendements nos 164 , 267

Article 19 octies

Amendements nos 526 rectifié , 546 (sous-amendement)

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à 16 heures.)

1

Missions de l’Établissement national des produits agricoles et de la pêche maritime

Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux missions de l’Établissement national des produits agricoles et de la pêche maritime (nos 1416, 1476).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, l’aide alimentaire est un enjeu majeur pour nos politiques de solidarité : trois millions de personnes en France n’ont pas les moyens de se nourrir décemment ; trois millions de personnes dans notre pays recourent à l’aide alimentaire. FranceAgriMer est l’un des acteurs majeurs qui rend cette solidarité possible. Dans un environnement européen en forte évolution, il nous faut donc aujourd’hui consolider sa position.

Une grande partie de l’argent consacré à l’aide alimentaire vient de l’Union européenne, jusqu’à présent à travers le Programme européen d’aide aux plus démunis. Mais c’en est fini du PEAD. Ce programme a été fortement remis en cause par certains de nos partenaires européens, et cela a été acté par le gouvernement précédent. Il a fallu une détermination sans faille pour que la disparition de ce programme ne signifie pas purement et simplement la disparition de l’aide alimentaire.

Nous avons obtenu la création d’un fonds européen d’aide aux plus démunis, le FEAD, et nous avons obtenu qu’il soit doté de 3,5 milliards d’euros, ce qui correspond au niveau des années antérieures. Ce résultat a été obtenu à l’arraché, de haute lutte,…

Mme Clotilde Valter, rapporteure de la commission des affaires économiques et M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Bravo !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. …contre l’avis initial de certains pays formant une minorité de blocage, avec le soutien de l’ensemble des parlementaires, avec l’appui du Parlement européen et avec la mobilisation des associations. Le FEAD est désormais adossé au Fonds social européen et non plus à la politique agricole commune. C’est ce changement qui nous conduit à repositionner les statuts de FranceAgriMer.

En modifiant les statuts de FranceAgriMer, cette proposition de loi permettra à cet établissement public de jouer pleinement son rôle d’organisme intermédiaire dans le nouveau dispositif du FEAD. La direction générale de la cohésion sociale, avec l’appui technique de la direction générale de l’alimentation, jouera le rôle d’autorité de gestion. Ainsi, l’expérience et la technicité de FranceAgriMer continueront d’être mises à profit et le lien fondamental entre agriculture et alimentation sera maintenu. Ces dispositions doivent impérativement être intégrées à la loi avant le 1er janvier 2014 et avant l’entrée en vigueur du programme opérationnel 2014-2020 que la France, comme chacun des États membres, doit rédiger afin de pouvoir bénéficier du FEAD.

Le second article de cette proposition de loi vise à permettre à FranceAgriMer de représenter de la meilleure manière qui soit les couleurs de France à l’exposition universelle de Milan en 2015 en assurant la gestion administrative et financière du projet. Cette exposition a pour thème « Nourrir la planète, énergie pour la vie ». Il est indispensable que la France, grande puissance agricole, assure sa présence dans les meilleures conditions possibles. Elle mettra alors en avant la sécurité alimentaire et ses capacités mondialement reconnues en matière de production et de garantie de la qualité.

Le pavillon de notre pays, une halle sur le modèle Baltard de 1800 mètres carrés, est un projet aussi beau que massif. Cette réalisation est estimée à 20 millions d’euros. Au regard des délais et de la complexité du cahier des charges, il est indispensable de permettre à FranceAgriMer en toute sécurité juridique de passer un marché de conception-réalisation élargi. Cette procédure est rendue possible par l’article 18 de la loi relative à la maîtrise d’ouvrage, mais cette exception à la séparation entre concepteur et réalisateur est très strictement encadrée par la jurisprudence.

Afin d’éviter tout risque juridique qui compromettrait la présence de la France à l’exposition universelle de Milan, il convient donc de passer par la loi. Cette bataille symbolique pour la représentation de la France à l’exposition universelle est aussi évidemment une bataille politique relative à la place de notre pays dans le domaine agricole.

Pour les raisons que je viens de vous exposer, le Gouvernement émet un avis très favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Clotilde Valter, rapporteure de la commission des affaires économiques.

Mme Clotilde Valter, rapporteure de la commission des affaires économiques. Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi relative aux missions de FranceAgriMer, dont les deux dispositions expriment une volonté politique forte. La première vise à assurer la continuité de la distribution de l’aide alimentaire aux trois millions de personnes qui y ont recours dans notre pays, en permettant à FranceAgriMer de prendre sa part dans la gestion du nouveau Fonds européen d’aide aux personnes les plus démunies et ce dès le début du programme, soit début 2014. La seconde vise à valoriser notre puissance agricole, nos industries agroalimentaires et notre gastronomie dans les meilleures conditions lors de l’exposition universelle de 2015 à Milan, dont le thème est « Nourrir la planète, énergie pour la vie », en permettant à FranceAgriMer d’assurer la gestion administrative et financière de la représentation de la France. Le Sénat a adopté cette proposition de loi à l’unanimité le 9 octobre dernier.

Il s’agit donc tout d’abord d’assurer la continuité de la distribution de l’aide alimentaire aux plus démunis. Le Programme européen d’aide aux plus démunis, dont la suppression avait été décidée pour la fin 2013, a été préservé, je tiens à le rappeler, grâce à l’action de la France.

Ce programme européen a été mis en place en 1987 pour fournir aux associations caritatives des denrées alimentaires à partir des surplus provenant des stocks excédentaires de produits agricoles. Progressivement, l’approvisionnement a été complété par des achats sur les marchés qui représentent aujourd’hui 90 % du programme. Dix-huit millions de personnes ont bénéficié de ce programme en 2010, dans dix-neuf États, pour un montant de 500 millions d’euros.

Chaque année, l’Union européenne attribue à chaque État un budget au titre du PEAD, pour acheter des produits de base. C’était 70 millions d’euros pour la France en 2012. FranceAgriMer, gestionnaire du programme, organise les appels d’offres ainsi que l’acheminement des denrées et les contrôles liés à cette aide. Quatre associations caritatives ont été agréées par le ministère de l’agriculture – la Fédération française des banques alimentaires, les Restos du cœur, le Secours populaire français et la Croix-Rouge française – et trois autres devraient l’être dans les mois qui viennent.

Cette action a été remise en cause au cours des dernières années. D’abord, une minorité de blocage d’États membres s’est constituée, lesquels considéraient qu’il s’agissait d’un programme social et non agricole. Ensuite, un arrêt du Tribunal de l’Union européenne rendu le 13 avril 2011 a confirmé que l’achat de produits sur le marché constituait une exception à la règle, qui était celle des stocks. À l’occasion de négociations, il avait donc été décidé d’un compromis visant à maintenir le programme pour 2012 et 2013, et à supprimer le PEAD à partir de 2014.

Mais la France s’est battue et le dispositif a finalement été préservé grâce à la détermination du Gouvernement. Lors du sommet européen du 8 février 2013, une solution a été trouvée et une enveloppe de 2,5 milliards d’euros a été affectée à l’aide alimentaire. Par la suite, après avoir réussi à maintenir ce fonds, le Président de la République a négocié un supplément de 1 milliard d’euros, portant ainsi les crédits à 3,5 milliards, ce qui devrait permettre à la France de continuer à bénéficier, au cours des années qui viennent, de la même enveloppe d’environ 70 millions d’euros.

Enfin, madame la ministre, vous avez, avec le ministre du budget Bernard Cazeneuve, annoncé la semaine dernière un abondement de 7,6 millions d’euros pour que les crédits affectés à l’aide alimentaire soient maintenus à l’euro près.

Le nouveau FEAD ne sera plus rattaché à la PAC, mais à la politique de cohésion. Son périmètre, plus large, lui permettra de fournir des produits de première nécessité autres qu’alimentaires. Le dispositif financier a changé : au lieu de recevoir des fonds, les États avancent la trésorerie. Un programme opérationnel devra être présenté. Les États membres devront assurer le cofinancement de 15 % des dépenses engagées. La direction générale de la cohésion sociale sera désignée comme autorité de gestion auprès de la Commission.

La mise en œuvre de ce dispositif nécessite une modification des missions de FranceAgriMer par la loi : l’établissement est aujourd’hui soumis au principe de spécialité et il est nécessaire de modifier ses statuts pour lui permettre de continuer à gérer ce fonds européen.

L’autre aspect de la proposition concerne la valorisation de notre puissance agricole. L’exposition universelle de Milan qui se tiendra du 1er mai au 31 octobre 2015 sera l’occasion de promouvoir notre puissance agricole et le patrimoine alimentaire français grâce à la création d’un pavillon destiné à accueillir le public. Je rappelle que 10 millions de personnes ont été accueillies à Shanghai. Alain Berger a été nommé commissaire de cette exposition. Un budget de 20 millions d’euros a été dégagé pour en assurer le financement. FranceAgriMer a toute légitimité pour assurer la gestion administrative et financière de cette exposition universelle.

Les expositions précédentes ont été portées par des outils variés, comme UBIFRANCE, société anonyme à capitaux publics. Dans le cas de Milan, la mission de FranceAgriMer lui donne la légitimité d’exercer cette fonction. Mais il est nécessaire de sécuriser le marché de conception-réalisation du pavillon français. Les textes prévoient en effet une séparation stricte entre la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage, avec la nécessité de passer deux marchés distincts.

L’article 18 de la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique et l’article 69 du code des marchés publics permettent de confier par un même marché de conception-réalisation une mission portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux, « lorsque des motifs techniques ou d’engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage ». Ces conditions sont ici remplies car le cahier des charges italien impose de lourdes contraintes en termes de développement durable, exigeant notamment que le bâtiment soit démontable.

Autoriser par la loi FranceAgriMer à recourir à un tel marché ne répond pas à un souci de sécuriser juridiquement la procédure, puisqu’il existe de solides justifications, mais au souci d’éviter un recours contentieux qui empêcherait par sa seule existence la présence de la France à Milan en 2015.

Cette proposition de loi est importante : importante pour la solidarité, car elle assure le maintien de l’aide alimentaire pour 3 millions de personnes dans notre pays,…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Clotilde Valter, rapporteure. …importante pour notre économie, car elle contribue à valoriser à Milan notre puissance agricole, et importante surtout car elle démontre que lorsque la France se bat pour défendre en Europe des valeurs, des positions fortes, elle réussit à convaincre ses partenaires. Ainsi les a-t-elle convaincus de maintenir le Fonds européen d’aide aux plus démunis, qui devait disparaître, comme plus récemment elle a réussi à faire évoluer le régime des travailleurs détachés. Ce sont de belles victoires politiques pour la France, et aussi de belles victoires qui font avancer l’Europe que nous voulons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Cette proposition de loi, dont le groupe UMP approuve pleinement les objectifs, vise à répondre à une double urgence : fixer le cadre juridique adéquat pour permettre à FranceAgriMer de continuer à assurer la gestion du Programme européen d’aide aux plus démunis, qui deviendra, au 1er janvier 2014, le Fonds européen d’aide aux plus démunis ; lui confier le pilotage administratif et financier du pavillon français à l’exposition universelle de Milan en 2015, dont le thème sera « Nourrir la planète, énergie pour la vie ».

Avant toute chose, au nom du groupe UMP, je tiens à saluer l’action de FranceAgriMer, établissement public né de la fusion des anciens offices agricoles dans le cadre de la RGPP. Tout le monde s’accorde à reconnaître aujourd’hui l’expertise en matière agricole et alimentaire qu’il a développée ainsi que la qualité de ses plus de 1 200 agents, répartis sur l’ensemble du territoire. C’est pourquoi nous pensons que le choix de FranceAgriMer pour assurer ses deux missions est un bon choix.

En tant qu’ancien député européen ayant suivi de près en 2011 et 2012 le débat sur l’avenir du PEAD, je voudrais concentrer l’essentiel de mon propos sur l’article 1er. Le PEAD, né en 1987 sous l’impulsion de Jacques Delors, a été depuis l’origine adossé à la PAC puisqu’il s’agissait de fournir aux associations caritatives des denrées alimentaires à partir des surplus provenant des stocks excédentaires d’intervention de l’Europe.

Avec la réforme de la PAC en 1992, davantage réorientée vers les marchés, les stocks d’intervention se sont réduits jusqu’à quasiment disparaître depuis 2008. Le PEAD ne pouvant plus fonctionner sur les seuls surplus agricoles, il a été décidé d’autoriser l’approvisionnement par des achats sur les marchés, qui représentent désormais 90 % du programme. Le PEAD est monté en charge progressivement, passant de 100 millions d’euros par an à ses débuts à près de 500 millions par an, dont 70 à 90 millions pour la France, selon les années.

La Commission européenne estime qu’en 2010, 18 millions de personnes, dont 4 millions en France, ont ainsi pu bénéficier de ce programme qui est devenu une source majeure d’approvisionnement en denrées pour les associations caritatives. Désignées par l’État, elles sont en France au nombre de quatre : la Croix-Rouge, la Banque alimentaire, Les Restos du cœur et le Secours populaire, dont je tiens ici à saluer l’action.

Le problème est que ce programme a été perçu par un certain nombre d’États membres, l’Allemagne et la Suède en tête, comme ayant une vocation plus sociale qu’agricole et donc n’étant pas conforme au droit européen. Un arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 avril 2011 est venu confirmer cette lecture. La Commission européenne en a immédiatement tiré les conséquences en proposant de ramener l’enveloppe allouée au PEAD de 500 millions d’euros par an environ à seulement 113 millions d’euros, faisant peser un risque majeur sur la survie du système.

La France, avec quelques autres États membres de l’Union européenne, a donc cherché à pallier ce désengagement en brisant cette minorité de blocage. Un compromis politique a pu être passé en novembre 2011 avec l’Allemagne afin de prolonger le PEAD de deux ans, avec toujours la même enveloppe de 500 millions par an. Je veux saluer ici le volontarisme et la détermination de l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy et de l’ancien ministre des affaires agricoles Bruno Le Maire, qui ont œuvré pour sauver le PEAD, comme d’ailleurs je tiens à saluer l’action du présent gouvernement qui a œuvré pour que le PEAD nouvelle version puisse être intégré dans les nouvelles perspectives financières 2014-2020.

Je dois dire que je regrette les propos tenus lors de l’examen de cette proposition de loi au Sénat par Stéphane Le Foll comme par vous ici même, madame la ministre, à l’instant : vous avez préféré la polémique au consensus en prétextant que la contrepartie du compromis était l’abandon pur et simple du programme. En disant cela, vous mentez aux Français. Le compromis répondait à une situation d’urgence. Pour la période 2014-2020, nous n’avions pas dit que le Programme était remis en cause, nous avions demandé à la Commission européenne et au Parlement européen de réfléchir ensemble à une nouvelle base juridique. Et c’est ce qui a donné lieu à la proposition de la Commission de créer le FEAD.

M. Dino Cinieri. Très juste !

M. Damien Abad. Alors pourquoi transformer un consensus politique en polémique stérile ? Pourquoi masquer la vérité quand elle saute aux yeux ? Pourquoi faire d’une victoire collective un succès personnel ? Vous prétendez, madame la rapporteure, que nous avons acté la remise en cause du système. C’est un mensonge. Vous prétendez encore que c’est le Président de la République, et lui seul, qui aurait permis une revalorisation à hauteur de 3,5 milliards d’euros, contre les 2,5 milliards initialement prévus par la Commission. Mais c’est faire fi du travail du Parlement européen qui, dans sa très grande majorité, a validé ces crédits, et ce grâce en particulier à un socialiste, Martin Schulz, et un membre du Parti populaire européen, Alain Lamassoure.

Je ne comprends pas pourquoi vous faites cette présentation erronée alors qu’il existe un consensus politique. Vous savez très bien, les associations caritatives savent très bien que droite, centre et gauche ont œuvré ensemble en France non seulement pour préserver le PEAD, mais aussi pour le pérenniser. Et vous savez pertinemment que sans le compromis de 2011, il n’y aurait pas eu d’accord en 2013.

De la même manière que nous ne devons pas tromper les Français sur le sauvetage du PEAD, nous nous devons aussi de leur dire toute la vérité sur l’avenir du FEAD.

Pour nous comme pour vous, chers collègues, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale fait partie des objectifs transversaux de l’Union européenne, définis à l’article 9 du traité de fonctionnement de l’Union européenne. L’Europe a en effet pour mission de renforcer sa cohésion économique, sociale et territoriale, comme le prévoit l’article 174 de ce même traité. L’aide alimentaire trouve ainsi tout à fait sa place au sein de la politique de cohésion.

Même si la somme globale reste inchangée, environ 500 millions par an, la dotation européenne annuelle de la France va diminuer, pour deux raisons : d’une part, davantage d’États membres se partageront ce montant global ; d’autre part, la France devra cofinancer à hauteur de 15 % les crédits européens consacrés à l’aide alimentaire, ce qui implique d’ailleurs que le programme national d’aide aux démunis soit bien articulé avec le FEAD. C’est important pour tous les produits non couverts par le FEAD, tels que la viande, le poisson ou les fruits et légumes.

Ainsi, la France recevra 67,2 millions d’euros en 2014, auxquels il faut enlever 3,8 millions d’euros d’assujettissement à la TVA des achats de denrées alimentaires, contre 71 millions d’euros en 2013. Le Gouvernement s’est engagé à compenser cette diminution à l’euro près. C’est une bonne chose. Pouvez-vous le confirmer dès à présent à la représentation nationale, madame la ministre ?

Enfin, les missions de ce fonds seront élargies à l’aide aux vêtements et à la mise en œuvre de mesures d’insertion sociale.

L’article 2 vise à confier à FranceAgriMer le pilotage du pavillon français lors de l’exposition qui aura lieu à Milan sur le thème de l’alimentation. Même si nous avons quelques réserves juridiques sur le montage proposé, nous approuvons ce qui est en fait une validation législative préventive du choix de la procédure de conception-réalisation.

En dernier lieu, je souhaiterais alerter l’Assemblée sur la question de la recevabilité financière d’une initiative parlementaire portant sur l’élargissement des missions d’un établissement public, qui est soumise à l’article 40 de la Constitution. Car c’est au nom de cet article 40 que, lors de l’examen en commission des affaires économiques du projet de loi sur l’agriculture, bon nombre d’amendements, issus de tous les bancs, ont été déclarés irrecevables par les services de l’Assemblée, au motif qu’élargir les missions d’un établissement public aggrave une charge publique. Je citerai, à titre d’exemple, les amendements qui visent à étendre le droit de préemption des SAFER. Il faudra nous interroger sur les divergences qui existent dans l’interprétation de cette règle constitutionnelle et sur sa compatibilité avec le renforcement des droits du Parlement.

En conclusion, je dirai que nous avons ensemble le devoir de poursuivre les actions initiées par Coluche. Nous avons ensemble le devoir d’œuvrer pour que la France reste en pointe dans le combat pour le maintien de l’aide alimentaire européenne. C’est dans cet esprit que nous prendrons nos responsabilités en votant cette proposition, même si elle est soutenue par une collègue socialiste.

Mme Brigitte Bourguignon. Ce n’est pas une honte !

M. Damien Abad. Mais vous, lorsque l’UMP dépose une proposition de loi qui fait consensus, vous la rejetez automatiquement !

Nous prenons donc nos responsabilités, car nous estimons que l’enjeu de l’aide aux démunis dépasse largement la contingence des étiquettes partisanes et que l’Europe doit garder chevillé au cœur le triptyque « Pain, paix, liberté » sur lequel elle s’est construite. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. Sans intervenir sur le fond, monsieur Abad, je prends note de votre remarque sur l’article 40, que je relayerai auprès du Bureau. C’est l’éternelle question des différences d’interprétation entre les deux chambres : le Sénat se montre beaucoup plus laxiste que nous ne le sommes, ce qui crée de fait un problème pour notre assemblée.

La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Paul Tuaiva. Nous sommes réunis aujourd’hui pour l’examen de cette proposition de loi essentiellement technique, qui vise à faire évoluer les missions de l’Établissement national des produits agricoles et de la pêche maritime, autrement appelé FranceAgriMer. Son objet est effectivement de confier à l’organisme deux nouvelles tâches, totalement déconnectées entre elles, mais toutes deux nécessaires et revêtant le même caractère d’urgence.

Son article 1er lui permettra de reprendre la gestion du Fonds européen d’aide aux plus démunis, appelé à se substituer à l’actuel Programme européen d’aide aux plus démunis à compter du début de l’année 2014.

Au titre de son action dans la mise en œuvre de la PAC, FranceAgriMer gère déjà ce programme en organisant des appels d’offres et en acheminant l’aide auprès d’associations caritatives aussi essentielles que les Restos du cœur, la Fédération française des banques alimentaires, le Secours populaire et la Croix-Rouge française. Cet article 1er assure donc la continuité de l’action de la France dans le domaine de l’aide alimentaire et le groupe UDI y apporte naturellement tout son soutien.

Nous le savions, pour beaucoup de pays européens, comme l’Allemagne, le PEAD ne devait plus être considéré comme un programme relevant de la politique agricole mais du seul champ social, de la compétence des États membres. Nous avions été unanimes sur ces bancs à nous inquiéter de la proposition initiale inscrite dans le budget européen pour 2012, qui prévoyait une diminution de près de 400 millions d’euros des aides attribuées aux États membres au titre de cette aide alimentaire.

Dans ce domaine, nous tenons à saluer l’implication constante de la France pour le maintien de cette aide rendue indispensable en période de crise, qui touche en premier lieu les plus démunis de nos compatriotes. Le gouvernement précédent avait permis de sauver le programme pour deux années supplémentaires, et ses efforts ont été poursuivis par le gouvernement actuel, puisque l’Union européenne continuera à contribuer au financement de l’aide alimentaire à travers sa politique de cohésion, ce qui implique la création du FEAD à compter de 2014.

On notera que ce fonds aura un champ d’action plus large puisque, au-delà des denrées alimentaires, il fournira aussi des biens de consommation, des vêtements entre autres, et permettra de financer des activités d’insertion sociale en lien avec les biens distribués. On peut toutefois se demander quelles seront les conséquences organisationnelles et structurelles de cette extension, et si cela aura une influence sur les autres associations fournissant déjà ce type de biens.

Il est par ailleurs prévu d’élargir la liste des associations agréées. Le Gouvernement peut-il nous éclairer sur les critères de sélection et les conséquences sur le montant des aides attribuées aux quatre associations actuelles ?

Nous tenons également, en marge de l’examen de ce texte, à pointer la complexité de la procédure actuelle qui prévoit que les États devront avancer les fonds avant que l’Union européenne ne les rembourse sur facture. Nous souhaiterions qu’une réflexion s’engage au niveau européen pour pallier ces difficultés de gestion administrative et technique qui nuisent à l’efficacité du programme.

J’en viens maintenant à l’article 2 de la proposition de loi et aux dispositions concernant l’exposition universelle de Milan, qui aura lieu du 1er mai au 31 octobre 2015. Au regard du thème de cette exposition, des délais et des contraintes qui pèsent sur son organisation, FranceAgriMer semble naturellement désigné pour passer le marché de conception-réalisation élargi à l’exploitation ou à la maintenance du pavillon français. Il aura donc en charge le portage de la présence française, sous l’autorité du commissaire général M. Berger.

Nous comprenons cette nécessité de sécuriser cette procédure de marché public, d’autant plus qu’il nous faudra être en mesure de présenter notre projet pour validation en juin 2014, pour une livraison du pavillon au 1er janvier 2015. Nous nous interrogeons néanmoins sur la procédure choisie, qui consiste à introduire dans la loi une disposition relevant du règlement : attention à ne pas créer un précédent qui risquerait de complexifier et de déstabiliser l’environnement juridique des marchés publics !

S’agissant de notre présence à Milan, le groupe UDI considère que notre pays a un grand rôle à y jouer. La France est en effet toujours très attendue. Les chiffres de Shanghai l’ont montré : le pavillon français a été le plus visité, avec plus de 10 millions de visiteurs. Nous devons faire de ce nouveau pavillon la vitrine de l’excellence française et de sa réalisation industrielle dans le domaine agricole et agroalimentaire.

Ce genre d’événement est une chance pour notre pays car, au-delà même du pavillon, qui est déjà une belle opération de construction, c’est tout un mini-village français qui est créé, avec tout ce que cela implique. D’après les premiers chiffres, le budget public prévu pour financer la présence française à Milan serait de 20 millions d’euros. Nous souhaitons que l’importance de cette somme soit à la hauteur de l’ambition que nous portons pour la France à cette occasion.

Le thème de l’année 2015, « Nourrir la planète », doit permettre de mettre en valeur la production agricole et agroalimentaire nationale, ainsi que notre gastronomie. Nous sommes probablement le pays doté des meilleurs savoir-faire dès lors qu’il est question de nourrir l’humanité. C’est notre culture, le fruit de notre histoire ! Ces savoir-faire sont reconnus dans le monde entier, et il nous revient de les démontrer de nouveau en Italie. Je souhaite, au nom du groupe UDI, que soit également fait toute sa place à l’apport de l’outre-mer, qui contribue à cette excellence du point de vue tant agricole que gastronomique – et bien évidemment du point de vue de l’accueil polynésien !

Ajoutons à cela le très bon niveau des travaux engagés en matière de qualité de l’alimentation, qu’il s’agisse de rechercher une meilleure qualité des produits ou de rechercher des dispositifs garantissant cette qualité, et ce afin de témoigner en permanence de l’excellence en matière de nourriture des hommes. Portons aussi le message d’un pays soucieux de garantir la durabilité de ses modes de production agricole. La France doit être en pointe dans ce domaine, et c’est cette vision que nous défendons dans le cadre de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture.

Il nous faudra conjuguer notre statut d’exportateur avec la mission, bien entendu, d’assurer et d’accompagner le développement de la production sur tous les continents. Je pense non seulement aux agriculteurs, le thème de l’exposition les plaçant sur le devant de la scène, mais aussi à tous les autres acteurs du secteur agroalimentaire. Tous sont concernés et doivent être associés de manière dynamique et intelligente à cette exposition majeure. De notre point de vue, le rassemblement de Milan n’est pas simplement une vitrine de la France destinée au monde : c’est aussi un lieu de rencontre entre acteurs français de la chaîne agroalimentaire.

En conclusion, le groupe UDI se félicite du climat consensuel qui a prévalu pour l’examen de ce texte tant au Sénat que dans notre Assemblée, et apportera naturellement son soutien à l’évolution nécessaire et urgente des missions de FranceAgriMer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Pellois.

M. Hervé Pellois. L’exposition universelle 2015 de Milan constitue un rendez-vous incontournable, auquel la France se prépare depuis déjà plusieurs mois. Véritable vitrine du savoir-faire et de la valorisation de nos fleurons nationaux, son thème « Nourrir la planète, énergie pour la vie » dédiera à la France un rôle pivot.

La France est, en effet, le premier pays agricole de l’Union européenne. La somme des secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de l’agroalimentaire et de l’industrie du bois représente plus de 1,8 million de personnes, employés ou employeurs, générant 4,5 % du PIB national. Nos industries agroalimentaires comptent 13 500 entreprises, représentant 147 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 415 000 salariés. C’est le premier secteur industriel national.

L’agriculture alimente l’industrie et l’industrie enrichit l’agriculture. Ainsi, la France se situe au quatrième rang mondial des pays exportateurs de produits alimentaires. Ces échanges internationaux constituent le socle du défi du XXIsiècle, à savoir nourrir le monde. La planète comptera plus de 9 milliards d’habitants en 2050. L’enjeu est bien d’anticiper la capacité des agricultures à satisfaire les besoins alimentaires d’une population en croissance. Pour y répondre, nous devons nous appuyer sur une diversité et une complémentarité des formes d’agriculture.

Dans ce contexte, la France a souhaité organiser son intervention à Milan autour de quatre axes. Le premier est de contribuer à l’autosuffisance alimentaire mondiale par la mise en valeur du potentiel agricole et scientifique de la France. Le deuxième est de produire plus et produire mieux, par l’intégration du développement durable ; l’agroécologie, défendue par le ministre Stéphane Le Foll dans son projet de loi d’avenir, y aura toute sa place. Le troisième est de s’impliquer pour que tous les peuples accèdent à l’alimentation, par la coopération et le transfert de technologies. Le dernier est de mettre en évidence le savoir-faire de la France en matière de sécurité alimentaire.

Ce projet est donc important pour le rayonnement international de la France sur le thème de l’alimentation, cher à notre histoire et à notre culture. Ce projet est également important car, avec 12 milliards d’excédents, le secteur d’activité agricole et agroalimentaire est vital pour la balance commerciale de notre pays.

Le thème choisi a tout naturellement conduit à confier le pilotage administratif de l’exposition à FranceAgriMer, déjà chargée par la loi d’encourager l’organisation de la mise en marché au niveau international des produits agricoles et alimentaires et de contribuer à des actions de coopération internationale.

En 2012, l’établissement a versé 553,6 millions d’euros d’aides, dont 433,2 millions provenaient de fonds européens. FranceAgriMer reçoit aussi des crédits nationaux d’aides aux filières ou de gestion de crise et en assure la distribution en concertation avec la profession agricole. Plus largement, l’établissement est engagé dans un plan de soutien à l’exportation par le biais des filières, l’apport des spécialistes des filières étant indispensable pour mener à bien ces actions.

FranceAgriMer aura pour tâche principale, sous l’autorité du commissaire général de l’exposition Alain Berger, de faire construire le pavillon français dans un délai extrêmement contraint puisqu’il doit être livré avant fin 2014, comme l’a rappelé Mme la ministre. Le budget estimé pour notre participation s’établit à 20 millions d’euros, dont plus des deux tiers devraient servir à la construction du pavillon. À titre de comparaison, je me permets de rappeler que le budget prévu pour l’exposition universelle de Shanghai en 2010 était de 50 millions. Dans un contexte où les ressources financières s’amenuisent, ce budget doit néanmoins permettre à la France d’assumer un bilan, une présence à la hauteur de ses ambitions. Il repose sur un financement public, mais des financements complémentaires pourront par ailleurs être sollicités notamment auprès des interprofessions, des entreprises et des collectivités territoriales.

Lors de l’exposition universelle de Shanghai, le pavillon français a été le plus visité, avec 10 millions de visiteurs sur les six mois de l’événement. Les organisateurs de Milan 2015 tablent sur 7 millions de visiteurs ; à nous de leur en donner les moyens. Cette proposition de loi, portée par nos collègues et amies les sénatrices Renée Nicoux et Bernadette Bourzai, vise entre autres à sécuriser juridiquement l’action de FranceAgriMer pour cet événement, comme nous l’a brillamment expliqué notre rapporteure Clotilde Valter.

Après un Sénat unanime, c’est une Assemblée unanime qui est appelée à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. Après de longs mois d’âpres négociations, le principe de l’aide alimentaire européenne a fini par être sauvé. Les obstacles étaient majeurs mais la ténacité des socialistes français et européens, appuyés par l’action déterminante du gouvernement français et du Président de la République, a permis cette victoire de l’expression de la solidarité européenne.

Pour autant, le combat n’est pas terminé car, si l’enveloppe budgétaire pour les sept prochaines années est d’un montant équivalent à la période 2007-2013, le FEAD aura une portée beaucoup plus large. Désormais il intervient dans l’ensemble des États membres et non plus dans les dix-neuf du PEAD. Il concernera autant l’assistance matérielle pour les personnes en situation d’extrême pauvreté que l’aide alimentaire, point d’entrée de tout parcours d’inclusion sociale.

Du coup, la dotation de chaque pays sera diminuée mécaniquement. En outre, les achats de denrées alimentaires, dont les prix subissent une forte hausse, seront assujettis au paiement de la TVA, ce qui n’était pas le cas avec le PEAD. Tous ces éléments ont réduit fortement le montant réel de la dotation. Or, les premiers chiffres de fréquentation des associations distribuant l’aide alimentaire montrent une augmentation importante des demandes pour cette campagne d’hiver. C’est pourquoi je salue le geste du Gouvernement, qui a fait voter en fin de semaine dernière un abondement exceptionnel de 7,6 millions d’euros.

Un autre point éveille cependant mon inquiétude, madame la ministre, et vous allez peut-être pouvoir nous rassurer : il s’agit du financement des épiceries sociales. En effet, une difficulté apparaît avec l’inscription dans le nouveau règlement européen, à l’article 21, du principe de gratuité des denrées distribuées. Je sais que la France était contre ce point, mais relativement isolée : il n’a donc pas pu être remis en cause.

Dès lors, les épiceries sociales ne pourraient plus prétendre au financement européen et seraient donc en péril. Or c’est un modèle pertinent, qui garantit la dignité des personnes qui les fréquentent et qui, par l’argent dégagé, finance des actions d’insertion. Pouvez-vous nous indiquer si cette question a été prise en compte dans l’abondement exceptionnel voté la semaine dernière ou si une autre solution est envisagée ?

Nous le savons, le Gouvernement n’aurait pas les moyens de mettre en place un système public d’aide alimentaire. C’est pourquoi nous devons remercier les associations pour leur travail essentiel et saluer le dévouement sans relâche des bénévoles d’un dispositif pourtant plein de paradoxes : une organisation bénévole qui doit fonctionner de manière professionnelle avec une approche entreprenariale pour répondre au mieux à la diversité des personnes touchées par la pauvreté.

Il est donc de la responsabilité de l’État d’épauler le travail des associations, pas uniquement en termes financiers, mais en recherchant également des améliorations à apporter aux nouvelles formes d’organisations possibles et aux filières d’approvisionnement. Le Gouvernement a lancé plusieurs initiatives en ce sens, d’abord en proposant un plan de lutte contre le gaspillage, puis en permettant prochainement la défiscalisation des dons en nature agricoles.

Une logique d’innovation, de mutualisation de bonnes pratiques et des moyens doit présider à l’avenir du dispositif français. C’est le cas de l’expérimentation que nous allons mener dans le département du Gers.

Un des amendements défendus par les socialistes européens portait sur l’approvisionnement alimentaire organisé en priorité avec des produits locaux et régionaux. Or l’approvisionnement direct auprès des exploitations agricoles est une pratique encore très marginale malgré des besoins immenses en produits frais.

L’incapacité actuelle de l’aide alimentaire à répondre aux besoins nutritionnels des populations en situation de précarité est donc largement responsable d’inégalités croissantes de santé constatées en France, même si les résultats de la récente étude Abena montrent une évolution positive.

Il est donc nécessaire de faire évoluer l’aide alimentaire vers un rôle d’acteur économique d’une production locale, comme le fait dans la région Midi-Pyrénées le projet de solidarité locale Uniterres porté par l’ANDES.

Le droit à l’alimentation doit s’inscrire dans une véritable dynamique de droit commun. Dans notre pays, où les valeurs de la table font partie de notre exception culturelle, il est peut-être temps d’inscrire de manière solennelle ce droit reconnu à l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 mais pas encore dans notre Constitution. Car de l’alimentation et de la table découlent avant tout du lien familial, du lien social, de l’insertion et de la dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je ne retiendrai de ce débat que l’unanimité constructive au service de l’aide alimentaire. Je laisserai le soin à ceux qui veulent polémiquer de le faire seuls.

Permettez-moi tout d’abord d’apporter une précision. Les crédits affectés à l’aide alimentaire vont être abondés sur le programme 304 de 8,2 millions d’euros et non de 7,6 millions. Nous les avons recalculés pour remplir nos engagements et répondre à l’euro près au manquement qui risquait de résulter du paiement de la TVA.

Monsieur Tuaiva, le FEAD permet de financer une assistance technique aux associations pour la mise en place nationale du nouveau système, par l’intermédiaire de la direction générale de la cohésion sociale. Elles seront donc accompagnées. Le programme opérationnel que nous allons présenter devant l’Union européenne a bien sûr été élaboré en lien avec les associations, notamment pour identifier les obstacles de gestion qu’elles pourront rencontrer. Vous avez cité les quatre associations qui sont têtes de réseau. Elles seules émargent au FEAD. Les autres reçoivent des crédits nationaux, pris sur le programme 304.

Madame Biémouret, vous vous interrogez sur le devenir des épiceries sociales. FranceAgriMer passera très prochainement un appel d’offres pour assurer l’approvisionnement des quatre grandes associations d’aide alimentaire qui n’ont pas opté pour le modèle des épiceries sociales, la Croix-Rouge française, les Restos du cœur, la Fédération des banques alimentaires et le Secours populaire. Ce premier appel d’offres est d’un montant strictement identique à celui des années précédentes, et ce grâce à la mobilisation du Gouvernement, je vous remercie, madame la députée, de l’avoir rappelé.

La fourniture des épiceries sociales sera donc assurée par les crédits nationaux. FranceAgriMer passera un deuxième appel d’offres, en particulier pour les épiceries qui continuent à être fournies par le réseau des banques alimentaires. Pour le réseau des épiceries qui souhaitent gérer leur appel d’offres ou qui collaborent avec les grandes enseignes, comme l’ANDES que je connais bien et qui est très efficace, les conditions de leur financement sont encore en cours d’ajustement. Évidemment, leur financement se fera sur les crédits nationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, inscrite sur l’article 1er.

Mme Brigitte Bourguignon. Avec la fin du PEAD et la mise en place du FEAD, il était nécessaire de modifier le cadre juridique de FranceAgriMer dans le code rural et de la pêche maritime afin qu’il puisse être désigné comme opérateur intermédiaire pour la gestion du Fonds.

L’article 1er permet donc d’assurer la continuité de l’État et de lancer rapidement les appels d’offres pour l’année 2014, afin d’éviter les ruptures d’approvisionnement des associations distributrices. Il y a urgence.

En tant que fondatrice des Paniers de la mer, qui fournissent le poisson frais à l’aide alimentaire en France, j’ai eu l’occasion de travailler avec FranceAgriMer et je sais combien son action est importante en matière d’achat de produits frais. Je sais aussi combien les besoins sont immenses : tous les retours que nous avons des associations montrent une hausse importante des demandes, avec un public toujours plus large. Il y a notamment une grande crainte sur l’approvisionnement pour le premier semestre 2014 d’un certain nombre de produits, surtout le lait et l’alimentation des bébés.

Je terminerai en remarquant que le nouveau fonds induit de nouvelles charges ou de nouvelles incertitudes, que ce soit pour la prise en compte de la TVA, la question posée à juste titre des financements des épiceries sociales, la prise en compte des crédits d’assistance technique, ou les coûts de logistique qui vont croissant. Je pense qu’il faudra donc rester très attentifs sur les ajustements financiers qui s’avéreront probablement encore nécessaires lors de la répartition finale des crédits dans le financement de l’aide alimentaire mis en place conjointement avec le FEAD. Nous le devons aux associations qui se battent sur le terrain jour après jour.

(L’article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, inscrite sur l’article.

Mme Brigitte Bourguignon. Comme cela a été rappelé au cours de la discussion générale, l’article 2 vise à donner des moyens de pilotage à FranceAgriMer pour effectuer les opérations nécessaires pour assurer la présence française à l’exposition universelle de Milan en 2015, notamment pour pouvoir passer les marchés publics nécessaires à la réalisation du pavillon français. Or nous sommes à J - 500 et le temps passe, puisque la construction de ce pavillon, modèle architectural démontable remontable, principalement composé de matériaux en bois dans un souci de développement durable, doit être impérativement construit d’ici à la fin de l’année 2014.

(L’article 2 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de permettre que l’aide alimentaire ne prenne aucun retard dans notre pays.

Madame Bourguignon, je vous précise que FranceAgriMer est en train de voir s’il peut anticiper les appels d’offres sur certains produits qui risquent de manquer dès le début du mois de janvier. Il s’agit du lait, de l’huile et du beurre. Là aussi, nous essayons d’être très réactifs.

Je vous remercie encore pour ce vote unanime en faveur des associations et des personnes bénéficiaires. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Consommation

Deuxième lecture (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la consommation (nos 1357, 1574).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de trois heures vingt-cinq pour le groupe SRC, dont 44 amendements restent en discussion, de trois heures quarante et une pour le groupe UMP dont 155 amendements restent en discussion, d’une heure dix-huit pour le groupe UDI dont 22 amendements restent en discussion, de vingt-huit minutes pour le groupe écologiste dont 5 amendements restent en discussion, de trente-trois minutes pour le groupe RRDP dont 21 amendements restent en discussion, de cinquante minutes pour le groupe GDR dont 6 amendements restent en discussion et de vingt minutes pour les non-inscrits.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour un rappel au règlement.

M. Gilles Lurton. Je souhaite faire un rappel au règlement sur la base de l’article 58 alinéa 1 de notre Règlement pour protester contre l’organisation de nos travaux. Mardi dernier, la séance s’est interrompue normalement, vers vingt heures quinze, alors que nous venions de terminer l’examen de l’article 17 quater A et que nous allions passer à l’article 17 quater B. Bon nombre de mes collègues auraient souhaité s’exprimer sur cet article 17 quater B. Malheureusement, le Gouvernement a alors décidé d’interrompre la discussion pour passer à un autre projet dès vingt et une heures trente, et ils n’ont pu être présents cet après-midi.

M. le président. Vos remarques ont été notées.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Mardi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’article 17 quater B.

Article 17 quater B

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. L’article 17 quater B vise à autoriser la vente en grande surface de tests de grossesse. Je ne suis pas, pour ma part, favorable à une telle décision pour des produits de consommation qui relèvent de la santé publique et donc du 8° de l’article L. 4211-1 du code de la santé publique.

Permettre l’achat en grande surface des tests de grossesse contribuera de mon point de vue à la banalisation de ces tests et enverra un signal négatif de déresponsabilisation aux individus, notamment aux plus jeunes, quant aux conséquences des rapports sexuels non ou mal protégés.

Les femmes ne pourront plus bénéficier, lors de la délivrance du test, des conseils d’un professionnel de santé, dispensés dans le respect, la confidentialité et l’intérêt de chaque individu. Les pharmaciens ont un rôle éducatif et dispensent une véritable information médicale. À l’inverse, le supermarché est un lieu beaucoup plus banal où on ne peut pas bénéficier des mêmes informations.

Nous savons que de nombreuses femmes ayant fait le test reviennent dans leur pharmacie pour en demander l’interprétation, ou pour recevoir des conseils et un soutien : désarroi après un énième test négatif en cas de désir de grossesse ou, à l’inverse, après un test positif en cas de grossesse non désirée, en particulier chez les jeunes femmes, en quête de renseignements qu’une grande surface ne pourra en aucune façon leur fournir après la vente du test.

Je ne comprends pas que cette disposition n’ait pas été soumise à la commission des affaires sociales. Mme Lemorton s’en est d’ailleurs étonnée la semaine dernière. Les pharmaciens n’ont même pas été entendus ni consultés à ce sujet.

Au lieu d’être introduite par un simple amendement du Sénat, cette disposition relevant de la santé publique aurait mérité d’être débattue de manière beaucoup plus approfondie.

Enfin, je dois souligner l’absence de Mme la ministre des affaires sociales alors que nous traitons d’un sujet de santé publique au détour d’un texte sur la consommation.

M. Dino Cinieri. Eh oui ! C’est inacceptable.

M. Gilles Lurton. Il est anormal de traiter ces questions alors que la ministre n’est pas présente dans l’hémicycle.

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. L’insertion de cet article dans un projet de loi sur la consommation est assez surprenante et j’espère que nos collègues membres de la commission des affaires sociales vont prendre part au débat.

Il aurait été judicieux d’examiner la question des tests de grossesse en commission des affaires sociales et de l’inscrire dans le cadre d’une réflexion plus générale sur la lutte à mener contre les diagnostics tardifs de grossesse. En effet, comme vous l’avez reconnu devant les sénateurs, monsieur le ministre, la part des femmes ayant déclaré leur grossesse après le premier trimestre est passée 4,9 à 7,8 % entre 2003 et 2010.

Les pharmaciens sont opposés à la libéralisation de la vente des tests de grossesse, au nom de leur capacité d’écoute et de conseil. Je précise tout de suite que les tests représentent une part infinitésimale du chiffre d’affaires des pharmacies : 0,03 %. Il ne s’agit donc pas de défendre une profession.

En commission, monsieur le ministre, vous avez évoqué le cas des femmes jeunes et défavorisées qui n’osent pas aller acheter un test en pharmacie. Or, ce sont ces personnes qui ont le plus besoin de conseil et elles n’en trouveront aucun en grande surface. La réponse, s’agissant de l’anonymat, vous l’avez donnée en autorisant la distribution de tests de grossesse dans les plannings familiaux, voire dans les infirmeries des lycées.

Il y a 23 000 pharmacies dans notre pays. A priori, la discrétion et l’accessibilité sont assurées, ou alors nous devons vendre en supermarché tous les produits et médicaments qu’il est gênant d’acheter !

J’ajoute qu’avec une trentaine de marques sur le marché, l’intensité concurrentielle a fortement augmenté, entraînant une baisse des prix.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Monsieur le ministre, j’aurais pu faire un autre rappel au règlement pour répéter ce que nous nous étions dit lorsque nous nous étions quittés la semaine dernière, à savoir que nous souhaitions, pour un débat qui relève de la santé publique, voir Mme la ministre de la santé au banc du Gouvernement. Nous notons un progrès et je salue la présence de Mme Bertinotti, en la remerciant d’être là, mais c’est insuffisant.

Nous notons par ailleurs l’absence de la présidente de la commission des affaires sociales Mme Lemorton. Compte tenu de ce qu’elle peut apporter au débat et de ce qu’elle a déjà dit la dernière fois, il est important pour nous que Mme Lemorton puisse venir très rapidement au banc des commissions. Sinon, nous ne pourrons pas continuer à examiner des articles qui relèvent de la santé publique. Ce n’est pas le président Brottes qui va me contredire, lui qui était un fervent défenseur de la santé pendant l’examen de la loi Lefebvre.

Qu’il s’agisse de l’optique ou des tests de grossesse, il est essentiel que nous puissions discuter avec la présidente de la commission des affaires sociales et avec la ministre de la santé. Il ne s’agit pas que de consommation, que d’un sujet purement économique. Je veux bien ne pas bloquer les débats, je veux bien qu’on avance, mais il faut nous donner un certain nombre de gages. Aujourd’hui, monsieur le ministre, le compte n’y est pas. Nous attendons donc, très concrètement, que Mme Lemorton puisse venir au banc, à défaut de Mme Marisol Touraine.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je voudrais remercier M. Abad de m’avoir remercié… Il a bien compris que j’avais beaucoup insisté pour que Mme Lemorton soit présente en séance la semaine dernière. J’ai été parmi ceux qui ont insisté pour qu’elle puisse s’exprimer sur le sujet, sachant qu’elle ne pourrait être présente ce lundi. Elle l’a fait avec sa fougue et sa sincérité. Elle n’a pas mâché ses mots et je pense que Mme la présidente de la commission des affaires sociales s’est exprimée dans cet hémicycle comme vous l’aviez souhaité.

Mme Marisol Touraine, qui est aujourd’hui au Sénat, ne peut absolument pas être présente. Mme Bertinotti est là en ses lieu et place. Votre exigence, là encore, a été entendue. Il était effectivement important que le ministère de la santé soit représenté, même si M. Hamon, comme il l’a dit l’autre jour, s’exprimait au nom de l’ensemble du Gouvernement. Mais sur un sujet aussi particulier, qui fait un peu polémique, reconnaissons-le, il est important d’entendre la voix spécifique de la santé.

Monsieur le président, j’ai donc tout fait pour que M. Abad soit satisfait et je ne doute pas qu’il le soit.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Je ne dirai pas mieux que M. le président de la commission.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. J’entends bien ce que vous dites, monsieur le président de la commission…

M. Christophe Caresche. Arguties !

M. Damien Abad. Monsieur Caresche, je ne voudrais pas vous faire l’offense de ressortir les débats pendant lesquels, étant dans l’opposition, vous demandiez au ministre de la santé de venir quand nous examinions un texte sur la consommation !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il ne venait pas !

M. Damien Abad. Il faut un peu de continuité dans les idées. Je préfère la réponse de M. Brottes.

Je note tout de même avec gourmandise que Mme Lemorton était inscrite, aujourd’hui, sur les articles : pour quelqu’un qui avait prévu de ne pas venir, c’est tout de même un peu paradoxal. Est-ce que cela veut dire qu’on lui a demandé de garder le silence ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Dans ce cas, nous en prendrons acte. En tout état de cause, c’est vous qui avez décidé d’examiner ce texte ce lundi. Je vous rappelle les faits : nous avons arrêté mardi pour reprendre le soir, et vous avez décidé de reprendre finalement ce lundi. On aurait pu espérer que la date choisie convienne à Mme Touraine et à Mme Lemorton ! Je note que vous fixez une date qui ne convient ni à la présidente de la commission des affaires sociales, ni à la ministre. Est-ce un problème de communication au sein du Gouvernement ou, encore une fois, une preuve de son amateurisme ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Vous reprenez les débats en fanfare, monsieur Abad !

S’agissant des problèmes de communication, je vous rappelle simplement que l’ancien secrétaire d’État à la consommation de Nicolas Sarkozy votera le texte que je soumets à l’Assemblée nationale aujourd’hui.

M. Damien Abad. C’est le seul parmi les membres de l’opposition.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Mais il est sans doute le meilleur expert, puisqu’il était en charge de ces questions-là pour Nicolas Sarkozy !

M. Damien Abad. Êtes-vous devenu sarkozyste et libéral ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Commencez donc par améliorer la communication au sein du groupe UMP, cela pourra peut-être vous aider.

M. Damien Abad. Et la présidente de la commission des affaires sociales ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. En outre, le Gouvernement répond à votre sollicitation, monsieur Abad. Le ministère de la santé est représenté, en l’occurrence par Mme la ministre déléguée chargée du pôle social, Dominique Bertinotti, qui porte la parole de Mme Touraine et pourra donc vous la délivrer à haute voix de manière à ce qu’elle soit claire à vos oreilles.

Mme Lemorton, quant à elle, s’est également exprimée. Elle a même assez secoué le représentant du Gouvernement que je suis en exposant ses préoccupations. Elle a pris la parole sur ce sujet lors de la dernière séance car, si vous avez de la mémoire, vous vous souviendrez qu’elle n’a guère parlé des produits nettoyants des verres correcteurs, le sujet du moment, mais essentiellement des tests de grossesse, parce qu’elle savait que cette discussion serait reportée.

Le Gouvernement a donc voulu faire en sorte que, pour éclairer la représentation nationale, le ministère de la santé soit représenté et puisse répondre à toutes vos interrogations, par la voix de Mme Bertinotti. Recommencer nos débats en nous faisant le procès de ne pas avoir Mme Touraine parmi nous…

M. Damien Abad. Il ne fallait pas les recommencer aujourd’hui !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …lors qu’elle défend au Sénat le texte sur les retraites, ce n’est pas très franc-jeu de votre part.

M. le président. Nous en venons aux amendements. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n72.

Pardon, je vois que Mme la ministre déléguée chargée de la famille demande la parole.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Je ne suis pas Marisol Touraine, c’est vrai. Je ne peux pas vous dire le contraire.

M. Philippe Folliot. C’est aussi bien !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est gentil. Je vais tout de même essayer de m’exprimer sur le fond et de vous dire quelle est la position exacte de Mme la ministre de la santé et des affaires sociales sur cet article 17 quater B.

M. le président. Nous avions commencé la discussion des amendements, madame la ministre. Je préfère que l’amendement de suppression soit présenté. Vous aurez alors l’occasion de répondre, sinon, tel que c’est parti, on n’y arrivera pas. Je vous redonnerai la parole immédiatement après, mais il y a un ordre à respecter.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Comme vous voulez.

M. le président. Je prie les collaborateurs de la ministre d’éviter toute remarque et toute manifestation. Autrement, ils peuvent toujours s’éloigner de l’hémicycle.

Vous avez la parole, monsieur Lurton, pour présenter votre amendement n72.

M. Gilles Lurton. Cet amendement a été déposé par Jean-Pierre Barbier et cosigné par un certain nombre d’entre nous. En tant que membre de la commission des affaires sociales je regrette une fois encore que la mesure que vous proposez n’ait pas été examinée en commission alors qu’elle concerne la santé publique et relève du code de la santé publique.

Permettre l’achat de tests de grossesse en grande surface contribuera à banaliser cet acte et enverra un signal négatif de déresponsabilisation aux individus, notamment aux plus jeunes, quant aux conséquences de rapports sexuels peu ou mal protégés.

En outre, je l’ai dit, les femmes ne pourront plus bénéficier du conseil d’un pharmacien, alors que c’est l’une des missions de ces professionnels, ni obtenir les renseignements dont elles ont besoin pour ce type de produits. De notre point de vue, ce n’est pas du tout anodin.

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission.

M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques. Très brièvement, car le fond de notre discussion ne gagnera pas à la prolongation d’un débat sur la forme.

M. Damien Abad. Ce n’est pas un débat formel.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Vous en conviendrez, monsieur Abad, nos regards et nos propos se sont croisés au début de la semaine dernière. Comme beaucoup ici, dont vous, me semble-t-il, j’étais favorable à ce que nous débattions toute la nuit. Mais on ne peut pas regretter que les débats soient interrompus puis regretter qu’ils reprennent une semaine plus tard.

M. Damien Abad. Ce n’est pas nous qui présidions !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. La cohérence, on doit être sûr d’en faire preuve avant d’accuser ses contradicteurs d’en manquer. J’appelle donc à ce que vous fassiez preuve de cohérence, monsieur Abad, de même que l’ensemble de l’opposition, et ce pour une raison simple. Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, déclarait en effet très clairement, comme c’est consigné au Journal officiel, page 1886, en réponse à une question posée par un sénateur le 18 octobre 2007, qu’elle était elle-même favorable à la fin du monopole des pharmacies dans la distribution des tests de grossesse que nous proposons dans cet article. Il en était de même pour M. Xavier Bertrand, alors ministre des affaires sociales.

Il n’est donc pas possible d’être favorable à une mesure lorsque l’on est dans la majorité et défavorable lorsque l’on est dans l’opposition, à moins de faire preuve d’une forme d’opportunisme.

Les arguments ont été posés et défendus, y compris par Mme Lemorton, qui est défavorable à cette mesure. Nous assumons son point de vue mais nous n’allons pas pour autant, quant à nous, vous faire un procès en incohérence.

Le débat de fond existe, porté par le Gouvernement, dont la majorité soutient la proposition fondamentale, ce que nous assumons pleinement. D’ailleurs, compte tenu des déclarations, notamment, des dirigeants du planning familial, nous seulement nous l’assumons mais nous en sommes fiers. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement de suppression et donc sur l’ensemble de l’article si elle le souhaite.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Si vous me donnez quelques instants, je me propose de revenir sur le fond.

Cet article résulte en effet de l’adoption d’un amendement présenté par le groupe socialiste au Sénat sur lequel le Gouvernement a émis un avis favorable. Il s’agit de « déspécialiser » la vente des auto-tests de grossesse et d’ovulation, c’est-à-dire de mettre fin au monopole des pharmaciens. Ce débat est ancien. La ministre des affaires sociales et de la santé que je représente ce soir est favorable à l’adoption de cet article pour trois raisons.

Tout d’abord, il ne s’agit pas de juger de la sexualité des Français. Cet article doit faciliter l’accès aux tests, sans opposer, en aucune façon, les pharmaciens aux grandes surfaces. Des signes très positifs et très nets ont été donnés quant au renforcement du rôle des pharmaciens. Il serait donc très maladroit de vouloir opposer les uns et les autres car personne ne remet fondamentalement en cause leur mission concernant ces produits ou d’autres.

En outre, cette mesure ne remet pas en cause les exigences de sécurité du produit. La réglementation communautaire les a dotés d’un régime juridique parfaitement défini. Pour être commercialisés, les tests de grossesse doivent obtenir une certification attestant leur performance et leur conformité aux exigences de sécurité posées par la réglementation européenne. Je le répète : la vente dans les grandes surfaces ne se traduit pas par une dégradation des exigences de qualité et de sécurité applicables à ces produits. Par ailleurs, la personne qui souhaite continuer à les acheter en pharmacie conservera cette possibilité.

Le sujet qui nous occupe est donc celui de l’accessibilité des tests. Cet article permet de l’élargir en proposant finalement des points de vente supplémentaires, de même que des amplitudes horaires différentes de celles des pharmacies. Une offre plus étendue permettra d’inciter les jeunes femmes à s’informer de leur état au plus tôt et à adopter dans les meilleurs délais toute décision ou comportement adaptés.

Enfin, nous tenons également compte du souci d’anonymat des jeunes filles et des femmes en leur permettant, si elles le souhaitent, de procéder à cet achat plus anonymement. Sans entrer dans une bataille d’arguments déjà livrée – on peut être anonyme chez le pharmacien et reconnue par la caissière d’une grande surface – la vente dans des établissements de grande distribution favorise la discrétion sans remettre en cause la sécurité des produits et des femmes qui les utiliseront.

Vous comprenez bien que, pour toutes ces raisons, nous sommes favorables à cette disposition, qui a également reçu le soutien de la secrétaire générale du planning familial.

Je ne peux que m’associer aux propos de la ministre des affaires sociales et de la santé en rappelant combien le droit des femmes à disposer librement de leur corps est primordial. C’est la première pierre posée dans le combat pour l’égalité dans la sexualité et je ne vois donc pas de raison objective d’interdire la vente de ces tests dans les grandes surfaces.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je crois que nous sommes confrontés à deux débats : sur la forme et sur le fond.

M. Damien Abad. Eh oui !

M. Philippe Folliot. Je ne reviendrai pas sur les questions de forme, même s’il paraît un peu surprenant d’utiliser, je pèse mes mots, un cavalier législatif dans un texte sur la consommation pour aborder la libre vente d’un produit qui, tout de même, concerne la santé. Un test de grossesse, en effet n’est pas un produit banal. Mais, dans l’absolu, peu importe.

Sur le fond, j’entends les propos de Mme la ministre, notamment sa conclusion sur la liberté pour les femmes de disposer de leur corps. Sur ce plan-là, tout le monde ne peut qu’être d’accord.

Pour autant, étendre la commercialisation de ces tests un petit peu partout sera-t-il forcément un progrès ? Faire valoir des plages horaires plus larges et un nombre de points de vente plus important ne me semble pas recevable. S’il existe dans notre pays un réseau présent partout dans le domaine de la santé, ce qui est loin d’être le cas pour tous les professionnels de santé, c’est bien celui des pharmacies. Des pharmacies, il y en a dans les centres-villes, en périphérie, dans les quartiers, dans les zones périurbaines, dans les villes moyennes et dans les zones rurales, même les plus reculées. Cela ne constitue donc pas un bon argument.

Derrière cette mesure, je vois plutôt le lobby des grandes surfaces qui, une fois de plus, essaie de faire en sorte, d’abord de façon marginale, petit bout par petit bout, de détricoter le maillage territorial de la vente en pharmacie. C’est surtout cela qui me gêne. Demain nous savons que d’autres éléments subiront les mêmes pressions et à force de les ajouter les uns aux autres et de les banaliser, nous fragiliserons de fait notre réseau de pharmacie.

Nous endosserions alors collectivement une responsabilité bien lourde car, in fine, ce sont nos concitoyens, notamment les plus fragiles, qui ont des difficultés pour se déplacer, qui vivent en milieu rural reculé, qui seront un peu pénalisés et ne pourront se rendre dans les grandes surfaces alors que notre réseau de pharmacie sera quelque peu mis à mal. Je ne dis pas que cette mesure particulière le mettra à mal, mais la succession d’un certain nombre d’orientations qui vont toutes dans le même sens est assurément préjudiciable pour la santé.

Le groupe UDI est donc favorable à cet amendement de suppression.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Madame la ministre, je vous remercie de nous avoir présenté l’argumentation de Mme Touraine. Nous avons une divergence fondamentale que M. Folliot a très bien exprimée, je n’y reviens pas.

Nous aurions également aimé connaître la position de Mme la ministre sur l’article précédent concernant les produits de nettoyage de lentilles de contact, car ils ne sont pas anodins. Il existe en effet différents produits en fonction du type de lentilles portées. Je répète ce que nous avons dit la semaine dernière : autoriser leur vente en grande surface constitue un grand risque.

Je suis désolé, monsieur le rapporteur, mais je vais tout de même revenir sur la question de la forme, car je ne suis pas du tout d’accord avec ce que vous venez de dire. La discussion du projet de loi sur la consommation a été interrompue à vingt heures quinze mardi dernier…

M. Dino Cinieri. C’est vrai, il a raison.

M. Gilles Lurton. …parce que le Gouvernement avait décidé de modifier l’ordre du jour. Nous étions prêts, quant à nous, à discuter toute la nuit s’il l’avait fallu. Or, le Gouvernement a décidé de modifier l’ordre du jour de l’Assemblée nationale…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Vous avez raison.

M. Gilles Lurton. …et de débattre dès vingt et une heures trente du texte relatif aux métropoles.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est exact.

M. Gilles Lurton. Cela nous a empêchés de poursuivre les débats alors que nous étions entre deux articles sensiblement identiques sur le fond, même si ce ne sont pas les mêmes produits qui étaient en cause. Je vous assure que bon nombre de mes collègues regrettent de ne pouvoir être présents aujourd’hui pour discuter de ce problème.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Monsieur le rapporteur, dans la lignée de ce que vient de dire M. Lurton, je vous ferai remarquer que c’est vous qui avez décidé de suspendre le débat mardi, et que lundi soir nous avons débattu jusqu’à deux heures trente du matin. Regardez les choses en face, admettez qu’il n’y a eu ni obstruction, ni volonté de modifier l’ordre du jour de la part de l’opposition. C’est vous qui avez saucissonné le texte, si bien que nous avons parlé des produits d’entretien des lentilles la semaine dernière, que nous parlons à présent des tests de grossesse et que nous aborderons tout à l’heure d’autres problèmes relatifs aux lunettes. Je sais que c’est souvent le lot des textes sur la consommation, mais c’est bien dommage. En tout cas, vous devriez faire preuve d’un peu d’humilité, car ce n’est pas notre faute, ni notre responsabilité.

Sur le fond maintenant, je ne suis pas opposé, à titre personnel, à la vente de tests de grossesse dans les hypermarchés, mais j’entends ce que disent mes collègues et les craintes qu’ils expriment. Or, Mme Lemorton était d’accord avec eux la semaine dernière pour dire qu’on n’achète pas un test de grossesse comme on achète du chocolat. Pour le bon déroulement de nos débats, et j’insiste car c’est vous qui avez la maîtrise de l’ordre du jour, j’aurais vivement souhaité que Mme Lemorton s’exprime devant la représentation nationale, d’autant que la commission des affaires sociales va se saisir dès mercredi d’un nouveau texte lié aux sujets que nous allons aborder aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je voudrais dire un mot sur la méthode, même si j’ai aussi un avis sur le fond. Je ne voudrais pas que l’on reproche au Gouvernement d’avoir tout fait pour que le débat n’ait pas lieu mardi soir. Si l’ordre du jour a été modifié, c’est parce qu’il fallait procéder dans la semaine à l’examen en deuxième lecture du texte relatif à la modernisation de l’action publique territoriale et à l’affirmation des métropoles, et qu’il y avait un délai à respecter pour l’examen du projet de loi de finances rectificative.

M. Damien Abad. Mais cela, on le savait à l’avance !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Le Gouvernement s’est rendu compte que nous ne pourrions pas tout faire si nous n’examinions pas le texte sur les métropoles le mardi soir. C’est la seule et unique raison qui a conduit au report du texte. Nous nous sommes tous trouvés, vous comme moi, un peu désappointés face à ce changement de l’ordre du jour. Vous avez tout à fait raison de le dénoncer, mais il n’y a pas eu, de la part du Gouvernement, la volonté de reporter l’examen du texte à la date d’aujourd’hui. Il n’y a eu aucun calcul de ce genre.

M. Damien Abad. L’avenir nous le dira !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je voudrais revenir sur un problème de fond. Pourquoi le Gouvernement s’engage-t-il sur la question des tests de grossesse et non sur d’autres produits dont la distribution relève aujourd’hui du monopole des officines de pharmacie, comme les huiles essentielles, les pansements ou la vitamine C par exemple ? Parce que les personnes qui achètent un test de grossesse souhaitent souvent rester anonymes. Parce que même si nous savons que la plupart des pharmaciens respectent le secret professionnel, un certain nombre de jeunes femmes ont aujourd’hui le sentiment que le simple fait d’acheter un test dans la pharmacie de leur village ou de leur quartier les expose au risque de voir le pharmacien révéler leur grossesse.

M. Dino Cinieri. Non !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur Cinieri, je ne suis absolument pas en train de dire que cela se produit souvent : il s’agit de ce que ressentent ces jeunes femmes. Certaines d’entre elles renoncent à faire un test de grossesse parce qu’elles ont peur de ne pas rester anonymes, de bonne foi ou de mauvaise foi, légitimement ou illégitimement. Même si nous savons que la plupart des professionnels ne diront rien et que cela n’arrivera que dans une infime minorité des cas, et sans doute plus par étourderie ou par maladresse, ce ressenti justifie que nous permettions à ces jeunes femmes d’accéder plus facilement à des tests de grossesse, avec des informations renforcées. Le Gouvernement a la volonté de faire baisser le prix des tests de grossesse, mais aussi et surtout d’en rendre l’accès plus facile à ces jeunes femmes, afin de leur éviter une grossesse non désirée.

Pour répondre aux arguments relatifs au réseau des pharmacies, je rappellerai que les tests de grossesse pèsent pour 0,03 % dans leur chiffre d’affaires.

M. Damien Abad. Nous sommes d’accord ! Ce n’est pas cela que nous contestons !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas là d’un enjeu financier. On ne s’attaque pas au bilan des officines de pharmacie. Je vous rappelle par ailleurs qu’on peut déjà acheter les tests de grossesse par internet. Faut-il laisser les choses évoluer sans s’en occuper ou ne convient-il pas plutôt de poser des règles, lorsque certains comportements paraissent devoir être encadrés ?

Le Gouvernement va se prononcer par arrêté sur l’amélioration des informations figurant à la fois sur la notice et sur l’emballage des tests et sur le devoir de consulter pour les jeunes femmes qui ne sont pas capables d’en interpréter le résultat. Avec cette mesure donc, nous permettons à ces jeunes femmes d’éviter une grossesse non désirée, et parfois même l’avortement. Il s’agit d’une mesure de bon sens, qui permettra à des jeunes femmes d’acheter des tests auxquels elles n’ont pas accès aujourd’hui, non pas à cause des pharmaciens, je le répète, mais parce qu’elles redoutent de franchir la porte des pharmacies.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Je voudrais revenir sur ces questions, que j’ai déjà abordées en commission. S’agissant d’abord de l’anonymat, pour en avoir discuté depuis une semaine notamment avec des jeunes femmes et des adolescentes, il me semble que le problème sera partiellement réglé si l’on rend possible l’achat de tests de grossesse ailleurs qu’en pharmacie. Je suis issue d’un territoire rural, et même très rural, où lorsque vous entrez à la pharmacie, vous connaissez tout le monde.

M. Damien Abad. Au supermarché aussi !

Mme Frédérique Massat. C’est bien normal pour des gens qui vivent dans des villages ou des petites communes – la plus grande, dans l’Ariège, compte 12 000 habitants ! Le fait de pouvoir acheter le test en grande surface – car si nous n’avons pas d’hypermarchés, nous avons tout de même des grandes surfaces – permettrait tout de même de préserver une certaine confidentialité. Pour les personnes concernées, en effet, le passage à l’acte d’achat peut être compliqué quand il se fait à la vue de tous, et cela peut les conduire à renoncer.

Je souhaiterais revenir à mon tour sur la situation des pharmacies en milieu rural. Il est vrai que des pharmacies situées en zone rurale, en zone très rurale ou en zone de montagne peuvent rencontrer des difficultés.

M. Damien Abad. Bientôt il n’y en aura plus ! Vous tuez le commerce de proximité !

Mme Frédérique Massat. Mais la situation des pharmacies ne se réglera pas par le monopole des tests de grossesse !

M. Damien Abad. Nous sommes d’accord !

Mme Frédérique Massat. Aujourd’hui, avec le Pacte territoire santé, le Gouvernement examine un certain nombre de pistes pour accompagner les pharmacies rurales et très rurales : il s’agirait de leur confier des missions ou des services complémentaires qui pourraient être rémunérés et qui permettraient de conforter le réseau des pharmacies rurales sur nos territoires. Mais je partage l’avis du ministre : ce n’est pas le chiffre d’affaires dû aux tests de grossesse qui permettra le maintien de ces pharmacies. L’accompagnement du Gouvernement sera beaucoup plus efficace et pertinent.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre, je ne partage en aucun cas votre point de vue sur la question de l’anonymat, et ce pour deux raisons. La première, c’est que les pharmaciens sont soumis, par serment, à un devoir de confidentialité. Et il en va de même de toutes celles et de tous ceux qui travaillent dans une officine, ce qui n’est pas le cas d’une caissière de supermarché ou d’hypermarché.

Deuxièmement, l’argument consistant à dire que l’on connaît tout le monde lorsqu’on se rend dans une pharmacie en milieu rural est juste. Mais croyez-vous que dans le petit supermarché, à la supérette de Lacaune-Les-Bains par exemple, pour ne parler que de celle-ci, tout le monde ne se connaît pas ?

M. Damien Abad. Eh oui !

Mme Frédérique Massat. Désormais on aura le choix entre les deux !

M. Philippe Folliot. Croyez-vous que lorsque les produits défilent sur le tapis à la caisse, tout le monde ne peut pas les voir ? Votre argument n’est pas du tout recevable.

Je vous accorde, monsieur le ministre, que les tests de grossesse ont une importance marginale, quasi nulle, en termes de chiffre d’affaires. Mais vous donnez un signal négatif. Le réseau de pharmacies dans notre pays, notamment en milieu rural, est particulièrement fragilisé en ce moment. Certaines officines sont dans une situation économique et financière particulièrement tendue…

M. Damien Abad. À cause de ce gouvernement !

Mme Frédérique Massat. Ce n’est pas nouveau !

M. Philippe Folliot. …et vous donnez un signal négatif supplémentaire au réseau des pharmacies.

Par ailleurs, vous avez donné, monsieur le ministre, un argument qui m’interpelle, et sur lequel j’aimerais que vous précisiez votre pensée : vous avez dit que l’objectif de cette mesure était de faire baisser le coût de ces tests. Pourquoi pas, mais dans quelles proportions ? À partir de quand ? Avez-vous des certitudes, ou n’est-ce qu’un souhait ? Il s’agit là d’un sujet important. Vous dites vouloir faire en sorte que ces tests soient disponibles partout. C’est pour ainsi dire un objectif social, puisqu’il s’agit de les rendre accessibles à tout un chacun plus facilement. Il faudrait apporter des précisions sur ce sujet.

En tout état de cause, l’argument de l’anonymat ne tient pas. Peut-être la situation est-elle différente dans les grandes villes, puisque personne, caissière comprise, ne vous connaît au supermarché. Mais vous pouvez aussi vous rendre dans une pharmacie en dehors de votre quartier : votre anonymat y sera doublement garanti, d’abord parce qu’on ne vous connaît pas, ensuite parce que votre interlocuteur est soumis à des règles professionnelles qui l’obligent au secret. Cela mérite d’être souligné.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. La manière dont le débat s’engage sur cette question est étrange. Il ne s’agit pas d’opposer les pharmaciens aux grandes surfaces ! Ce n’est pas le problème. Je me permets d’ailleurs de souligner que les pharmaciens sont appelés à jouer un rôle éminent dans le cadre de la stratégie nationale de santé et qu’ils ont une mission en tant qu’acteurs de santé. Vous savez bien que c’est dans le cadre de cette stratégie que la rémunération des pharmaciens va évoluer. Par ailleurs, la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés et deux syndicats de pharmaciens sont parvenus à un accord qui devrait permettre de déboucher cette semaine sur un avenant à la convention. C’est là une étape importante pour la pharmacie française, que le Gouvernement entend saluer comme telle.

Personne ne remet en cause le rôle des pharmacies dans la dispensation et la sécurisation de la dispensation des médicaments. Il s’agit, en l’occurrence, d’élargir la possibilité d’acheter un test de grossesse. Celles qui voudront continuer à l’acheter en pharmacie pourront le faire, mais il en est d’autres qui ne vont pas à la pharmacie, et le but est de capter ce public. Il ne s’agit pas seulement d’une histoire de confidentialité : c’est aussi une question de regard. Vous n’avez pas forcément envie d’affronter le regard de votre pharmacien de quartier ou de village lorsque vous achetez un test de grossesse pour vérifier si vous êtes, ou non, enceinte.

M. Philippe Folliot. Et le regard de la caissière ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est une affaire de femme, je suis désolée d’avoir à le dire. Il ne s’agit pas seulement d’une question d’anonymat au sens strict. Il y a aussi ce regard, que vous supportez, ou que vous ne supportez pas, que vous pouvez percevoir comme une forme d’ingérence dans votre vie personnelle.

Nous donnons donc la possibilité aux femmes de choisir entre la pharmacie ou un réseau de grande distribution. Il ne faut pas aller au-delà. Félicitons-nous au contraire que plus de femmes aient la possibilité d’acheter ces tests de grossesse dans les conditions qu’elles choisissent.

(L’amendement n72 n’est pas adopté.)

(L’article 17 quater B est adopté.)

Article 17 quater

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Par cet article, le Gouvernement entend s’attaquer à la rente des opticiens. Dans sa chronique économique ce matin, Nicolas Bouzou disait que c’était peut-être le texte le plus libéral que ce Gouvernement ait jamais porté en deux ans. Ce qui ne manque pas de saveur lorsque l’on sait qui le porte !

Sur la forme, nous regrettons encore une fois que cette disposition ait été introduite par des amendements déposés au Sénat et ne soit débattue qu’en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, d’autant que ce débat va avoir lieu dans le cadre d’un projet de loi fourre-tout sur la consommation, alors même qu’il avait été juré qu’on ne se consacrerait qu’aux questions de consommation. Certains des amendements que nous allons étudier ont pour objet d’autoriser un investisseur à s’installer comme opticien à condition d’embaucher un salarié diplômé d’optique, ou à faire figurer sur l’ordonnance l’écart pupillaire du patient en plus des corrections nécessaires pour améliorer sa vue. D’autres mettent enfin un terme à l’exclusivité des pharmacies pour la vente des produits d’entretien de lentilles.

Nous reviendrons sur ces différents amendements en temps utile. Pour l’instant, je veux vous dire que cet article est mal ficelé, qu’il nous semble précipité. Ainsi, il n’y a pas d’étude d’impact sur la mesure. J’ai vu mentionner dans la presse le chiffre d’un milliard d’euros de réduction de prix, et donc de gain de pouvoir d’achat pour les Français. Je veux bien le croire, mais il faudrait que l’on nous explique sur quelles études se base cette estimation, et surtout quelles seront les conséquences, en termes d’emplois par exemple, pour la filière en tant que telle.

Et les conséquences de cette mesure n’affecteront pas que les opticiens. Nous pouvons nous retrouver sur le fait que les lunettes sont trop chères en France, je vous rejoins sur ce point. Simplement, il faut s’assurer que le remède ne sera pas pire que le mal. Derrière les opticiens, il y a les fabricants de lunettes. Et si l’on favorise la vente de lunettes en ligne, ce seront les lunettes fabriquées en Chine qui seront vendues, pas des lunettes françaises.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Pas du tout !

M. Damien Abad. Alors j’aimerais bien savoir quel pourcentage de lunettes vendues sur internet sont fabriquées en France, et quelle est la part de marché des fabricants français. Beaucoup d’interrogations subsistent.

Nous ne refusons pas le débat sur ce sujet, nous reconnaissons qu’il existe des voies d’amélioration. Mais nous pensons qu’aujourd’hui, tel que votre texte est conçu, avec les amendements que vous proposez, tout se fait dans la précipitation et dans l’urgence, sans avis éclairé ni réelle étude d’impact non seulement sur l’emploi, mais aussi sur la santé. Car la priorité pour nous est avant tout celle de la santé du patient, et notamment sa santé visuelle. Et je suis sûr qu’il en va de même pour vous. Et il est tout de même paradoxal de vouloir faire de l’achat de lunettes une question commerciale alors que c’est avant tout une question de santé publique. Il nous faut chercher ensemble des voies d’amélioration sur cet article 17 quater qui ne me semble pas correspondre à la réalité, et dont les remèdes pourraient être pires que le mal.

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Monsieur le ministre, en permettant la vente des verres correcteurs et des lentilles sur internet, vous allez créer une santé visuelle à deux vitesses. Ceux qui le voudront pourront acheter des verres low cost sur internet et se retrouveront avec des dispositifs mal adaptés, car prendre les mesures sur une photo n’a rien d’idéal. Ceux qui feront le choix, et parfois le sacrifice financier, d’aller chez un opticien paieront peut-être un peu plus cher, mais les lunettes ne sont pas un objet de consommation ordinaire, on n’en achète pas tous les ans !

Il serait plus raisonnable que la vente par internet soit pour le moins adossée à des magasins. Ainsi, les mesures seraient réellement prises sur les clients, au moins pour la primo délivrance. Au risque de me répéter, je voudrais vraiment entendre Mme Touraine sur ce sujet.

Vous prétendez que cette mesure entraînera des économies pour le consommateur. Admettons, mais avez-vous évalué l’impact de cette mesure sur la profession d’opticien ? Combien d’emplois sont-ils menacés ? Comment allez-vous garantir au consommateur que les dispositifs achetés sur internet sont conformes ? Lorsque l’on connaît les trafics de médicaments sur internet, il y a lieu d’être inquiet.

Enfin, je trouve assez dérangeant de se pencher ce lundi sur la libéralisation de la vente des lunettes et lentilles, et dans trois jours sur un numerus clausus que les socialistes veulent imposer à la profession des opticiens lunetiers. Avouez que cela ressemble à de l’acharnement !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Oh !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Il s’agit d’un sujet important. Il m’inspire une réflexion : j’ai en mémoire les débats que nous avions il y a trois ans au sein de cet hémicycle sur un texte qui n’a rien à voir a priori avec celui-ci, mais qui s’y rapporte à certains égards. Il s’agit du texte autorisant les jeux en ligne. La majorité et l’opposition n’étaient pas les mêmes, et j’avais pris la parole à l’époque pour dire tous les risques que ce texte de généralisation pouvait receler, notamment au regard du fait qu’une société créée ex nihilo pouvait se lancer dans les jeux en ligne. Il ne me paraissait pas normal de ne pas réserver cette pratique aux casinos, qui sont formés, ont les autorisations et un certain nombre d’obligations notamment concernant les phénomènes addictifs au jeu.

L’opposition de l’époque, socialiste, m’avait dit partager complètement ces arguments, car le commerce en ligne devait être une continuité du commerce traditionnel et classique. Et aujourd’hui, quelle n’est pas notre surprise de voir que ce texte va offrir un certain nombre de possibilités à l’e-commerce, mais sans les mêmes garanties que celles qui existent dans le réseau classique des lunetiers opticiens !

Ces derniers se trouvent dans une situation assez complexe, entre le développement d’un réseau de commercialisation lié au système mutualiste, qui capte un certain nombre d’achats, et d’un autre côté un certain nombre de mesures telles que celle-ci, qui pourront avoir des conséquences sur leur activité.

Deux actes doivent être distingués : le primo achat de lunettes et de lentilles et le renouvellement – et encore la vue n’est-elle pas forcément stable, elle évolue. Connaissant les difficultés qui existent par ailleurs du fait du faible nombre de médecins oculistes dans notre pays, un certain nombre d’actes qui étaient de leur ressort pourraient peut-être, un jour, pour des raisons de santé publique, être réalisés par des professionnels dûment formés tels que les lunetiers opticiens.

Cela nous ramène au sujet du maillage territorial, qui m’est cher. Bien sûr, les grands magasins de lunetiers opticiens des centres-villes et de certains quartiers dynamiques n’auront pas trop à souffrir, et encore, mais ceux qui se trouvent au cœur de notre milieu rural pourraient rapidement se trouver en situation délicate.

Nous sommes ici face à nos contradictions, car ce qui est vrai dans ce cas vaut aussi pour le réseau des libraires et bien d’autres. Le développement de l’e-commerce est un fait de société, mais certains produits ne sont pas banalisables comme d’autres. Tout ce qui a trait à l’optique est tout de même très important.

Monsieur le ministre, vous avez certainement une très bonne vue, mais je crois qu’il est essentiel de tenir compte de la spécificité de ce produit. Comme l’a dit Damien Abad tout à l’heure, le fait de se diriger tout le temps vers une libéralisation à tous crins, à tout niveau, est choquant et surprenant, surtout venant de vous, monsieur le ministre.

M. Christophe Caresche. Et de vous donc !

M. Philippe Folliot. La Constitution prévoit qu’avant de voter un texte, il faut une étude d’impact. Et nous n’en avons pas, nous ne connaissons pas les conséquences que cette mesure pourrait avoir sur le réseau des lunetiers opticiens, mais aussi et surtout toute la filière qu’il y a derrière. Car si l’objectif était de faire en sorte que tout ce qui est fabriqué en France puisse sortir gagnant de cela, nous pourrions en discuter. Mais nous savons toutes et tous au sein de cette Assemblée que c’est le contraire qui risque de se passer, qu’il y aura immanquablement une progression des importations qui fragilisera d’autant nos industriels, qu’ils soient fabricants de verre, de lunettes, de lentilles ou de tous les produits qui les accompagnent. Cela mérite notre attention et c’est pourquoi j’aimerais que le ministre nous précise quelque peu les conséquences que cette mesure pourrait avoir.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Sur cette question, Mme la ministre de la santé souhaite apporter un certain nombre de précisions. Tout d’abord, elle m’a chargée de signifier qu’elle est favorable à l’adoption de cet article, sous réserve de certaines modifications qui font l’objet d’amendements proposés par le rapporteur et auxquels le Gouvernement est favorable.

Je voudrais expliquer cette position. Tout d’abord, il convient d’organiser la vente en ligne de verres correcteurs et de lentilles oculaires de contact correctrices. Il s’agit d’une contrainte imposée par le droit communautaire, puisque la France se doit de transposer des textes dans ce domaine. Mais il s’agit aussi d’encadrer des pratiques qui contribueront à faire baisser le prix des produits d’optiques et qui devront également offrir toutes les garanties sanitaires et de qualité de service.

Plusieurs amendements du rapporteur répondent à ce double objectif en cohérence avec l’article 4 du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne relatives à la santé qui est en cours d’examen.

Par exemple, l’information et le conseil aux patients seront assurés par un professionnel de santé qualifié : c’est l’objet de l’amendement n543 du rapporteur.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. L’excellent M. Hammadi !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Mais le développement de la vente sera aussi favorisé, du fait, par exemple, de la mention systématique de l’écart pupillaire sur l’ordonnance : c’est l’objet de l’amendement n548 de Frédérique Massat.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. L’excellente Mme Massat !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Deuxième point : au-delà de la vente en ligne, les conditions de délivrance des verres et des lentilles doivent être également précisées, afin de permettre une prise en charge médicalisée des soins sans créer d’obstacles réglementaires inutiles quant à l’accès à ces soins. Là aussi, les amendements déposés par le rapporteur permettent de trouver un équilibre entre ces deux impératifs. Par exemple, en cas de forte correction, la délivrance de verres sera soumise à une prise de mesures : c’est l’objet de l’amendement n542.

M. Damien Abad. Vive la simplification administrative !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il faudrait savoir ce que vous voulez, monsieur Abad !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les conditions de délivrance de lentilles seront précisées par décret dans le cas d’une primo-prescription, comme le prévoit l’amendement n540 du rapporteur. Le travail du rapporteur permet ainsi de finaliser des avancées contenues dans l’amendement du sénateur Fauconnier.

Troisième point : certaines dispositions de l’article 17 quater doivent être supprimées. C’est pourquoi je suis favorable aux amendements du rapporteur allant dans ce sens. La durée pendant laquelle les opticiens lunetiers peuvent adapter une prescription de verres correcteurs doit demeurer fixée à trois ans…

M. Damien Abad. Voilà !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …tant que l’impact sanitaire d’un rallongement éventuel de cette durée n’a pas été expertisé.

Quatrième point : l’examen de l’article 17 quater est l’occasion de rappeler que le Gouvernement a engagé, dès la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014, un plan d’action en vue de réduire le reste à charge et de favoriser l’accès aux soins. Une de ses mesures, par exemple, est la fixation d’un prix plafond pour les prestations d’optique délivrées aux bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 modifie également le cahier des charges des contrats dits « responsables et solidaires » ; pour l’optique, ces contrats devront prévoir un niveau minimal de prise en charge au-delà du tarif de la Sécurité sociale, ainsi qu’un plafond de prise en charge afin de ne pas solvabiliser les pratiques tarifaires excessives.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Bravo !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Si je me permets d’apporter toutes ces précisions, c’est parce que nous savons aujourd’hui qu’une partie de nos concitoyens ont véritablement besoin de lunettes mais n’ont pas accès à ce produit pour des raisons financières. Nous ne pouvons pas rester inactifs quand nous nous apercevons qu’un certain nombre de nos concitoyens renoncent à des soins pour des raisons uniquement financières.

M. Damien Abad. Dans ce cas, organisez une meilleure couverture sociale !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je ne doute pas que l’examen, cette semaine, de la proposition de loi relative aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes d’assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé, constituera une formidable opportunité pour atteindre tous ces objectifs.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 17 quater.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n533.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je ne ferai qu’un commentaire général sur cette question ; je n’y reviendrai pas par la suite,…

M. Damien Abad. Dommage !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. …car nous avons déjà eu cet échange à plusieurs reprises, notamment en commission.

M. Damien Abad. Non, nous n’avons eu qu’un seul échange !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Monsieur Abad, un échange peut être composé de plusieurs discussions non conclusives. La preuve : nous discutons encore de cette question dans cet hémicycle !

M. Damien Abad. Vous avez l’habitude d’être précis, monsieur le rapporteur !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il existe deux manières de construire le libéralisme au détriment du consommateur. La première manière est la loi de la jungle : les plus gros mangent les plus petits, il n’y a aucune régulation. La seconde est le monopole excessif, qui défend la rente au profit d’une minorité et au détriment, là encore, du consommateur.

M. Christophe Caresche. Très bien !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Or le consommateur est un citoyen,…

M. Damien Abad. Le producteur aussi !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. …auquel il faut que vous expliquiez plusieurs choses. Pourquoi la dépense moyenne en lunettes par habitant et par an est-elle, dans notre pays, de 88 euros alors qu’elle s’élève à 54 euros en Allemagne et de 36 euros en Italie ?

Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !

M. Damien Abad. Cela n’a rien à voir !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. À ce citoyen, il vous faut expliquer pourquoi, après les études et enquêtes des associations de consommateurs et le rapport de la Cour des comptes sur ce sujet, nous en sommes encore à faire croire que les débats de la représentation nationale opposent les partisans des opticiens à leurs opposants, ou les opticiens aux consommateurs.

M. Damien Abad et M. Dino Cinieri. C’est vous qui les opposez !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. En aucun cas nous ne le faisons.

Aujourd’hui, en France, la structure du marché de l’optique est avant tout remise en cause au quotidien par cette rente. En douze ans, le nombre de points de vente dans le domaine de l’optique a augmenté de près de 50 %,…

M. Benoît Hamon, ministre délégué. De 47 %.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. …alors que les besoins n’ont augmenté que de 17 %. Comme l’a très bien dit Mme la ministre Bertinotti, l’écart entre ces deux taux est finalement assuré par des complémentaires dont le financement s’apparente quelque fois à un subventionnement de cette rente. C’est pourquoi l’action du Gouvernement ne porte pas seulement sur l’ouverture du marché.

Aujourd’hui, il est possible d’acheter des lunettes sur internet, mais en dehors de tout parcours de soins et de tout cadre : c’est aussi l’objet de cet amendement du rapporteur. Aucun site internet ne pourra vendre de lunettes s’il n’est pas agréé par la Sécurité sociale, c’est-à-dire si ses services, y compris dans les points de vente, n’ont pas la compétence prévue par le code de la santé.

Nous nous attaquons à la rente.

M. Damien Abad. Vous devriez aussi vous attaquer aux impôts !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Au regard de notre structure d’âge et de l’évolution des pratiques, je pense que nous n’assisterons pas à une réduction du marché, mais à une évolution structurelle de celui-ci. Notre objectif est que la vente en ligne occupe demain 5 à 10 % du marché.

Nous sommes déterminés à agir, compte tenu de la réalité vécue par nos citoyens. N’oublions pas que, parmi les 4,5 millions de Français n’ayant pas accès à des complémentaires, 3 millions de nos compatriotes abandonnent leurs dépenses d’optique, tant le coût des lunettes est prohibitif au regard de la situation dans les autres pays de l’Union européenne de taille comparable.

M. Damien Abad. Vous n’allez rien résoudre !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je donnerai donc un avis favorable à l’ensemble des amendements déposés par les députés de la majorité, notamment à celui que soutient Frédérique Massat. En revanche, je serai défavorable à l’ensemble des amendements de l’opposition,…

M. Damien Abad. Quel sectarisme !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ne me dites pas que vous ne vous y attendiez pas, monsieur Abad !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. …dont les députés défendent aujourd’hui le contraire de ce qu’ils soutenaient lorsqu’ils étaient au pouvoir.

M. Philippe Folliot. Et vice versa !

M. Damien Abad. Et vous, lorsque vous étiez dans l’opposition, vous étiez défavorables aux mesures que vous proposez aujourd’hui !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Mes chers collègues, je vous renvoie à l’article 2 du projet de loi Lefebvre.

Mme Laure de La Raudière. Les députés de l’ancienne majorité n’y étaient pas tous favorables !

M. le président. Le Gouvernement a déjà donné un avis favorable à l’amendement n533.

La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Dans une vie antérieure, j’ai exercé dans le domaine de l’optique et de la lunetterie. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Le projet de la majorité me fait peur, pour plusieurs raisons.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. La peur est mauvaise conseillère !

M. François Vannson. Au niveau technique, ce texte autorise la vente en ligne : demain, nous pourrons commander nos lunettes par internet.

M. Benoît Hamon, ministre délégué et Mme Frédérique Massat. C’est déjà possible aujourd’hui !

M. François Vannson. Vous prétendez que ce n’est pas grave, car c’est l’ophtalmologiste qui mesurera l’écart pupillaire. La mesure de cet écart est certes importante pour un bon équipement, mais elle n’est pas suffisante pour un bon centrage du verre, notamment dans le cas de verres progressifs, qui ne font pas uniquement l’objet d’un centrage axial, mais également d’un centrage en hauteur.

M. Christophe Caresche. J’y vois plus clair ! (Sourires.)

M. François Vannson. Je ne vois pas comment nous pourrons procéder, par internet, à un centrage correct répondant aux critères de la santé publique. Adressez-vous à n’importe quel opticien : il vous répondra très clairement sur le sujet.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Comment font les Allemands ? Et les Italiens, est-ce qu’ils ne voient plus rien ? Et les Espagnols, sont-ils myopes ?

M. François Vannson. Cela vous amuse, monsieur le ministre, mais j’ai un peu de pratique dans ce domaine d’activité ! La monture doit s’adapter à la morphologie du visage du client – pour un opticien, je ne parle pas de patient, mais de client. Il faut donc prendre en compte la morphologie nasale et la taille de la monture ; ce n’est qu’après avoir mesuré l’écart pupillaire et déterminé la taille de la monture qu’il est possible de définir le diamètre du verre. Ainsi, pour un myope par exemple, la monture doit être plus petite pour que l’équipement soit cohérent, faute de quoi le client devrait porter des verres dont l’épaisseur serait insupportable ; il en est de même pour les hypermétropes.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Là, on n’y voit plus rien ! (Sourires.)

M. François Vannson. Techniquement, votre projet ne tient pas la route, et cela me fait peur.

M. Damien Abad. Votre projet est une illusion d’optique ! (Sourires.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Techniquement, le projet de loi ne changera rien !

M. François Vannson. Non, monsieur Brottes ! Un opticien exerce son métier de façon professionnelle et conseille son client. Votre projet posera donc un problème de qualité tout à fait clair.

Ensuite, monsieur le rapporteur, vous avez parlé du nombre croissant de points de vente. Soyons clairs : si l’offre augmente, alors les lois du marché s’appliqueront fatalement, et nous observerons une régulation naturelle.

M. Damien Abad. C’est le principe de la main invisible !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Mais non ! On restreint le nombre de distributeurs de montures et verres !

M. François Vannson. Techniquement, ce projet est donc incohérent et gravissime pour la santé publique. Madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je vous demande d’accorder une considération attentive aux amendements que je défendrai avec mon collègue Cinieri.

M. Dino Cinieri. Très bien !

M. Damien Abad. Écoutez les Français !

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Mon intervention sera assez rapide, car les débats ont déjà eu lieu – en tout cas, ils sont menés de manière très approfondie dans la presse.

M. Damien Abad. Dans la presse, peut-être, mais pas ici !

M. Christophe Caresche. Nous n’attendions pas forcément l’opposition dans cette posture. Il est très difficile de défendre l’indéfendable ! Comme l’a dit le rapporteur, la situation française est tout à fait exceptionnelle comparée à celle des autres pays européens. Comment allez-vous expliquer aux Français qu’ils doivent payer leurs lunettes deux ou trois fois le prix moyen pratiqué dans les autres pays européens ? C’est incompréhensible !

M. François Vannson. C’est totalement faux !

M. Christophe Caresche. Je vous renvoie à la presse de ces derniers jours : ont été publiés des éléments tout à fait probants en la matière.

M. Dino Cinieri. C’est faux !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est la Cour des comptes qui le dit, monsieur Cinieri !

M. Christophe Caresche. La position de l’opposition est d’autant plus indéfendable que la menace d’un certain nombre de recours pèse sur la France, devant une situation extrêmement choquante et contraire à certaines règles.

Personne, ici, ne veut la mort des opticiens.

M. Damien Abad. Avec ce texte, vous allez la provoquer !

M. François Vannson. C’est le bourreau qui plaint sa victime !

M. Christophe Caresche. Mais au vu des gisements d’économies et de pouvoir d’achat que la mesure que nous allons adopter va générer pour les Français, tout le monde peut comprendre – y compris les opticiens – que le système doit évoluer. Pour ma part, je ne crois pas que cette mesure mette en péril la profession des opticiens.

M. Dino Cinieri. Vous allez bien voir !

M. Christophe Caresche. Comme souvent en pareille situation, ils s’adapteront…

M. Dino Cinieri. Ils n’auront plus les moyens de s’adapter !

M. Christophe Caresche. …et chercheront d’autres moyens de vendre leurs produits. Je suis convaincu que cette mesure aura un effet extrêmement bénéfique. Le gain est évalué à plus d’un milliard d’euros : ce n’est pas rien pour le pouvoir d’achat des Français et pour la Sécurité sociale !

Pour toutes ces raisons, je pense que le projet soutenu par le Gouvernement et la majorité est un bon projet, et qu’il faut le voter.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. En quelques mots, je veux tordre le cou à quelques idées reçues sur l’optique. Le panier moyen des achats de produits d’optique, dont l’opposition prétend qu’il est faux, a été calculé et comparé à celui des autres pays européens par la Cour des comptes. Une monture avec des verres de lunettes coûte en moyenne 470 euros – elle est plus chère s’il s’agit de verres progressifs, et moins chère s’il s’agit de verres correcteurs. Le panier moyen est de 88 euros par an et par habitant en France ; il est inférieur dans les autres pays européens, et atteint même un montant légèrement supérieur à 35 euros en Italie.

Dans l’enquête menée par la Commission européenne sur la satisfaction des Européens à l’égard de leurs équipements, la France arrive au seizième rang – nul doute que le prix participe de cette insatisfaction. Alors que l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni et l’Allemagne sont moins chers que la France, c’est le moins cher des quatre, soit l’Italie, qui arrive en premier. Je ne crois pas que l’équipement sur internet provoque aujourd’hui des problèmes de santé visuelle, ni suscite de l’insatisfaction.

M. François Vannson. Vous verrez !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. De fait, une logique de marché interviendra, conduisant à la baisse des prix ; mais ils ne baisseront pas seulement sur internet, ils baisseront également dans les magasins d’optique. Monsieur Abad, lorsque la concurrence permet de remettre en cause ce qui m’apparaît comme une situation de rente,…

M. Christophe Caresche. Très bien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. … j’y suis favorable ; quand elle remet en cause des services d’intérêt général et l’égalité des territoires, je n’y suis pas favorable.

Mme Laure de La Raudière. D’accord.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je n’ai pas une approche religieuse et idéologique de la concurrence, comme semble l’être la vôtre, mais une approche pragmatique.

M. Damien Abad. C’est du Sarkozy !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Sauf que l’on aurait bien aimé découvrir cet aspect-là du sarkozysme ! Quand il s’agissait de s’attaquer aux monopoles, il n’y avait plus de Nicolas Sarkozy ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous écoutons le ministre, mes chers collègues !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Non seulement la vente sur internet conduira à payer moins cher ses lunettes, mais les prix baisseront également chez les opticiens.

M. Damien Abad. Et les fabricants ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. En raison de données objectives – le vieillissement de la population ou l’usage des tablettes et des ordinateurs –, ce marché dispose d’un vrai potentiel de croissance. Les emplois ne sont donc pas menacés. Aux Castrais qui trouvent leurs lunettes trop chères, monsieur Folliot, nous allons permettre d’en acheter de bien moins chères.

M. Damien Abad. D’où viendront ces lunettes ? Où seront-elles fabriquées ?

M. François Vannson. En Chine !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous permettrons également aux Castrais qui ne s’équipent pas, parce qu’ils n’en ont pas les moyens et qu’ils ne disposent pas d’une complémentaire santé, à l’image des trois millions de Français dans ce cas, d’avoir des lunettes. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous choisissons une mesure permettant un accès plus large à des lunettes, et à des prix moindres.

Enfin, le commerce par internet des lunettes existe déjà.

M. Damien Abad. Vous le renforcez !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Et il n’est pas réglementé. Nous réglementons un commerce qui ne l’était pas encore aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas une loi de déréglementation, mais bien de réglementation du marché de l’optique…

M. Damien Abad. Avez-vous demandé leur avis aux fabricants de lunettes ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …que nous accompagnons de deux mesures importantes rappelées par Mme Bertinotti au nom de Mme Touraine. Nous maintenons l’obligation de renouveler tous les trois ans l’ordonnance qui redonnera, dans le parcours de santé, tout leur rôle aux ophtalmologistes. Je vous ai écoutés à l’UMP, comme j’ai écouté les commentaires venus de tous les groupes sur cette question, alors qu’initialement je souhaitais faire passer de trois à cinq ans la durée de validité de l’ordonnance. De surcroît, j’ai également respecté la volonté, exprimée sur plusieurs bancs, de maintenir l’obligation de prescription pour les lentilles de contact.

M. Damien Abad. Très bien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous sanctuarisons le parcours de santé, mais sanctuariser ce parcours ne signifie pas qu’il ne faille pas faire en sorte que demain les lunettes soient moins chères. Je reprends l’argument de M. Hammadi, auquel personne ne répond sur vos bancs : depuis 2000, le nombre de points de vente a augmenté de 47 %, alors que la demande n’a augmenté que de 13 %. Incontestablement, la concurrence à laquelle se livrent les complémentaires santé a fait augmenter, pour tous, les prix du marché.

M. Christophe Caresche. Il y a eu un effet rente !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous avons clairement fait le choix et de la santé publique, et de la réduction du prix pour augmenter le pouvoir d’achat ; vous faites exactement le contraire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Cherki. Oui aux monopoles publics, non aux oligarchies privées ! Relisez Karl Marx !

M. Damien Abad. Nous y revoilà !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre, je vous rassure, les Castrais n’ont pas la vue plus basse qu’ailleurs. Au regard de vos propos et de ceux du rapporteur, il me semble que certains points méritent réflexion. Tout d’abord, ce terme de « rente » est choquant et peu adapté.

M. Dino Cinieri. C’est scandaleux !

M. Christophe Caresche. Mais pas du tout !

M. Pascal Cherki. C’est un terme économique !

M. Philippe Folliot. Vous stigmatisez une profession ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous pouvez vous rattraper comme vous le souhaitez, mais on ne peut pas dire cela.

Deuxièmement, l’application de cette mesure va accentuer les disparités entre professionnels. Pour ceux qui sont sur les Champs-Élysées, elle ne changera quasiment rien.

M. Damien Abad. Exactement ! Ce seront les petits qui seront touchés, comme d’habitude !

M. Philippe Folliot. Par contre, les opticiens-lunetiers, peut-être pas ceux de Castres, mais à Lacaune, à Alban ou à Brassac, pour ne citer qu’eux, vont disparaître dans les mois qui viennent. Conséquence ? Les habitants de Lacaune devront faire quatre-vingts kilomètres pour aller à Albi ou soixante kilomètres pour aller à Castres, afin de changer leurs lunettes. Quant à ceux qui ont une connexion internet, ce qui est loin d’être le cas de tous, ils seront incités à passer commande par ce biais. Soit, si c’est ce que vous souhaitez, mais ce modèle n’est assurément pas celui que nous voulons. Je regrette que vous preniez une mesure qui s’appliquera uniformément,…

M. Damien Abad. Comme les trente-cinq heures !

M. Philippe Folliot. …aussi bien pour les grands magasins d’opticiens-lunetiers des centres-villes et des grandes agglomérations que pour les plus fragiles d’entre eux, implantés en secteur rural, qui devront en payer les conséquences, même si vous essayez de les cacher.

Troisièmement, vous évoquez la logique du marché, et je vous entends bien. Toutefois, vos propos, monsieur le ministre, concernant la régulation d’une activité qui se fait sur internet, sont, mot pour mot, ceux que tenait votre prédécesseur au sujet de la légalisation des jeux en ligne.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Mais cela n’a rien à voir ! Les jeux en ligne servaient notamment au blanchiment !

M. Philippe Folliot. Lui aussi disait que les jeux en ligne existant déjà, il fallait les légaliser. L’opposition de l’époque, monsieur le ministre, c’est-à-dire vos amis politiques, critiquaient vertement ce texte. Je crains que nous ne nous trouvions dans un cadre analogue.

Quatrièmement, vous annoncez des chiffres, monsieur le ministre. Mais notre collègue François Vannson, qui est un grand professionnel du secteur de l’optique-lunetterie,…

M. Christophe Caresche. Précisément, c’est bien le problème !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Ceci expliquant cela…

M. Philippe Folliot. …a également donné un certain nombre de chiffres. Il est important que nous obtenions de nouvelles précisions afin de pouvoir disposer d’éléments et d’arguments réels. De plus, pour les plus fragiles et les plus démunis, qui ont besoin d’une correction de la vue, se pose aussi le problème de l’accès aux lunettes en dehors des cadres et des schémas traditionnels.

Enfin, puisque vous citiez Castres, tout à l’heure, monsieur le ministre, sachez qu’il y a dans cette ville le lycée Anne Veaute, qui propose une filière optique-lunetterie. Allez-vous rencontrer le ministre de l’éducation nationale pour lui demander de fermer cette filière ou tout au moins d’en limiter l’accès par un numerus clausus ?

M. Christophe Caresche. Nous allons au contraire développer le marché !

M. Philippe Folliot. Ne me dites pas que vous allez développer le marché par le biais d’internet ! Vous savez très bien comment cela fonctionne ! Internet a détruit des emplois dans de nombreux secteurs.

M. François Vannson. Bien sûr !

M. Philippe Folliot. Ce texte ne sera pas sans conséquences sur la formation et il ne faut pas les négliger. Des jeunes ont choisi cette filière, parce qu’on leur a dit qu’il y avait des perspectives de croissance et de développement.

M. Damien Abad. Ce sera un vaste plan social !

M. Philippe Folliot. Or, ils risquent de se retrouver demain face à un retournement de situation et de conjoncture, en possession d’un diplôme qui ne correspondra plus aux besoins du marché. Il était important de le signaler.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Je me réjouis que les échanges et les discussions en commission n’aient pas été inutiles, puisqu’ils vous ont conduits, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, à une position beaucoup moins tranchée. Dans l’exposé des motifs de vos amendements, je vois que vous reconnaissez « la nécessité d’une expertise préalable et d’une concertation avec les professionnels de santé afin de contrôler les éventuels risques sanitaires » qui pourraient découler de votre mesure. Je vous remercie : vous avez fait preuve d’une belle évolution par rapport au texte initial. J’ai bien noté, monsieur le ministre, que vous avez renoncé à faire passer le délai de validité des ordonnances de trois à cinq ans et que vous avez maintenu l’exigence de la prescription médicale pour les lentilles. Je voudrais dire une nouvelle fois que les lunettes et les lentilles sont des dispositifs médicaux.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ce sont les opticiens qui ont voulu en faire un accessoire de mode !

Mme Jeanine Dubié. On ne porte pas des lunettes ou des lentilles par plaisir ou pour faire beau, mais parce que nous en avons besoin. S’il n’y avait pas ces dispositifs médicaux, beaucoup d’entre nous seraient en situation de handicap – je le serais en tout cas.

M. Christophe Caresche. Nous n’allons pas interdire les lunettes !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ce sont trois millions de personnes qui n’en portent pas, parce qu’elles sont trop chères !

Mme Jeanine Dubié. Je serais incapable de lire, par exemple, et incapable de me déplacer. Il ne faut donc jamais perdre de vue que nous ne débattons pas, strictement, d’un objet de consommation courante. Je regrette, monsieur le ministre, que ce soit par la loi du marché que vous souhaitiez faire baisser les prix. On aurait également pu imaginer d’améliorer le remboursement de la Sécurité sociale et de contrôler le prix des dispositifs en fixant des tarifs plafonds.

M. Damien Abad. C’est un problème de couverture sociale !

Mme Jeanine Dubié. Dans un tel cas, la Sécurité sociale offrirait un meilleur remboursement, et partant, il y aurait moins de gens laissés sur le carreau et on ne transférerait pas les dépenses sur les mutuelles ou sur le portefeuille des Français.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Monsieur Hamon, je crains que votre texte ne crée, sans vouloir faire de jeu de mots, une nouvelle illusion d’optique quant au pouvoir d’achat des Français.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Vous l’avez déjà dit la semaine dernière !

M. Damien Abad. Les faits nous donneront raison ! Tout d’abord, je voudrais aborder le problème de la cohérence de votre texte avec celui que la commission des affaires sociales examinera mercredi, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la santé. Il existe donc deux textes pour un même objectif, dont toutefois les rédactions diffèrent juridiquement – ou tout au moins différaient avant la présentation des amendements du Gouvernement et du rapporteur.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Ah !

M. Christophe Caresche. C’est faux !

M. Damien Abad. Monsieur Caresche, les faits le prouvent et vous le savez comme moi. Prenons quelques exemples. Dans le projet de loi relatif à la consommation, le vendeur doit mettre à disposition du patient un opticien-lunetier, quand, dans le projet de loi sur la santé, est évoqué un professionnel de santé qualifié. De même, cette fois en ce qui concerne la sanction, dans le projet de loi relatif à la consommation, la méconnaissance des règles est sanctionnée par une amende de 10 000 euros, mais dans le projet de loi sur la santé, on renvoie à un article du code de la santé qui prévoit une amende de 3 750 euros. Où est la cohérence entre les membres du Gouvernement ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. C’est faux !

M. Damien Abad. Malgré la présence de Mme Bertinotti, je ne peux que regretter que l’on traite des questions de santé publique dans le cadre d’une loi sur la consommation.

Il faudrait au moins éviter des incohérences rédactionnelles entre deux textes présentés la même semaine par deux ministres différents.

Deuxième point : vous dites, monsieur le ministre, que la vente en ligne va créer, comme par magie, une baisse des prix. Je veux bien le croire, et nous pouvons partager le constat que les lunettes sont trop chères en France. Mais nous sommes en désaccord sur les remèdes parce que je vous rappelle qu’aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, pays où a été développée la vente en ligne, celle-ci ne représente que 3 % du marché. Quand elle atteindra seulement 3 % ou 5 % du marché en France, je ne sais pas comment vous parviendrez à rendre un milliard d’euros aux Français.

Par ailleurs, vous parlez toujours des opticiens-lunetiers, oubliant qu’il y a aussi des fabricants. C’est le député d’Oyonnax qui vous le dit : la lunette a été inventée dans cette ville, et on y produit encore de la lunette française. Celles que je porte sont des lunettes made in France que je n’ai pas achetées en ligne parce qu’il y en a très peu de disponibles par internet, vous le savez comme moi.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ce n’est pas vrai.

M. Damien Abad. Vous savez aussi que nombre de producteurs français ont aujourd’hui besoin d’être protégés.

On aurait pu approfondir un tel sujet, mais le temps manque parce qu’il faut clore ce texte aujourd’hui.

Un autre point, monsieur le ministre : il n’y a pas d’étude d’impact. Prouvez-moi le contraire. D’où sortez-vous ce milliard d’euros ? Y aura-t-il, oui ou non, un jour une étude d’impact ? Je voudrais bien croire que les achats en ligne vont entraîner une baisse des prix, mais encore faudrait-il que vous fassiez une étude d’impact, et qu’on se donne rendez-vous dans un an.

M. Christophe Caresche. Il y aura un impact, vous verrez ! Faites-nous confiance !

M. Damien Abad. Je souligne qu’il ne s’agit pas ici de défendre une rente. Je vous rappelle que les opticiens sont diplômés, qu’il s’agit d’une profession qualifiée…

M. Dino Cinieri. Bien sûr !

M. Damien Abad. …et qu’ils méritent tout de même une autre considération que celle que leur a jusqu’à maintenant manifesté ce gouvernement – même si on peut dénoncer certaines dérives ici ou là.

Et puis quand on veut libéraliser un secteur, il faut regarder l’impact en termes d’emplois, l’impact sur la filière. À cet égard, là aussi, on avance à vue, on ne sait pas où l’on va. Les amendements que vous défendez témoignent de la précipitation du Gouvernement. Je voudrais comprendre pourquoi vous allez si vite et pourquoi vous mettez ce débat après la lecture au Sénat. Est-ce parce que votre projet de loi était si pauvre qu’il fallait l’enrichir d’autres dispositions, ou parce qu’il y a de tels désaccords que le Gouvernement préfère passer par le ministère de l’économie et des finances que par le ministère des affaires sociales et de la santé ? Il faut à un moment donné clarifier les positions car on n’y comprend plus rien, et c’est bien dommage.

Il y a certainement des évolutions nécessaires sur le marché de l’optique. Ainsi, je salue le fait que vous soyez revenu à trois ans pour la validité des prescriptions médicales. Vous nous avez écoutés, c’est un bon point et il faut continuer dans ce sens. Mais on en viendra tout à l’heure à l’amendement de Mme Massat sur l’écart pupillaire et on va bien voir les difficultés techniques et matérielles que cela pose pour les ventes en ligne.

Je dis par conséquent ceci : attention, il y a certes des rentes de situation, et certainement des efforts à faire pour diminuer le prix de la lunette, mais il y a aussi une filière, avec encore des fabricants de lunettes dans notre pays, des opticiens-lunetiers qui ne roulent pas sur l’or, notamment en milieu rural, et avant tout des enjeux de santé publique, de santé visuelle, des enjeux qui méritent mieux qu’un article ainsi discuté dans le cadre d’un projet de loi sur la consommation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Vannson, puis à Mme de La Raudière et à M. le président Brottes. Ensuite, nous passerons au vote.

M. François Vannson. Monsieur le ministre, votre intervention suscite de ma part quelques remarques.

Tout d’abord, lorsque vous prenez l’exemple italien, savez-vous que la TVA est dans ce pays de 8 % alors qu’elle est chez nous de 19,6 % ? Cela fausse évidemment le prix. J’ajoute qu’à produit comparable et hors taxe, les fabrications françaises sont plutôt moins onéreuses qu’à l’étranger, toute la profession vous le dira.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Pas la Cour des comptes !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il vaut mieux croire la Cour des comptes que le texto que vous êtes en train de lire, mon cher collègue !

M. François Vannson. Je vous dis ce qu’il en est. En plus, les lunettes n’étant pas remboursées par la Sécurité sociale en Italie, les Italiens utilisent plutôt des produits bas de gamme. Mais si on compare des produits strictement semblables au niveau de la qualité technique, notamment s’agissant des verres progressifs et des forts indices, leurs produits sont plus chers. Il serait tout de même complètement irresponsable de tuer la technologie et les innovations. Je puis vous assurer que quand un fort myope porte un verre plus mince que ce qu’il aurait porté il y a trente ans, il en est très heureux. Il en va de même pour les verres progressifs : les courbures ont été particulièrement améliorées ces dernières années, ce qui offre plus de confort à l’hypermétrope.

J’ai rencontré des spécialistes qui travaillent dans les mutuelles, et il est important de signaler que celles-ci s’inquiètent de la qualité des prestations qui seront rendues demain par internet.

Comparons donc ce qui est comparable. Je ne peux pas accepter, sachant notamment la différence de TVA, qu’on s’appuie sur un faux argument pour essayer de faire passer des dispositions qui, in fine, seront préjudiciables à la profession et aussi bien sûr au client.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Je voudrais rebondir sur une remarque de M. le rapporteur, quand il a dit que l’ensemble des députés de l’opposition soutenait, il y a dix-huit mois, cette mesure, présentée alors dans le projet de loi Lefebvre.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Relisez les comptes-rendus !

Mme Laure de La Raudière. Je m’inscris en faux puisqu’une grande partie des députés de mon groupe la dénonçait déjà. Je me souviens l’avoir pour ma part soutenue, et des débats à n’en plus finir avec M. Brottes, qui me disait : « Ce n’est pas possible de mesurer l’écart pupillaire à distance », et moi de lui répondre : « Si, monsieur Brottes, avec une webcam, c’est possible aujourd’hui car les logiciels de morphologie sont extrêmement performants, et les recherches de l’INRIA en ce domaine sont reconnues dans le monde entier. Il faut donc évoluer. » Je le disais aussi aux députés de l’actuelle majorité, qui tous soutiennent maintenant cette mesure alors qu’il n’y a même pas dix-huit mois, ils hurlaient que nous mettions à mal la santé publique. Par conséquent, monsieur le rapporteur, modérez vos propos : pas d’arrogance. Nous avons, nous aussi, le droit de faire évoluer nos positions, mais je trouve que la majorité évolue vraiment très rapidement sur un tel sujet.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Mme de La Raudière a eu raison de rappeler les positions que j’ai prises à l’époque… et que j’assume totalement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cela montre que les questions de santé sont souvent traitées dans les textes sur la consommation et que ce n’est pas propre à cette majorité ; je le dis à l’opposition d’aujourd’hui qui faisait la même chose hier lorsqu’elle était majorité. Ne désespérez donc pas que, parfois, quelques-unes de vos bonnes idées soient reprises.

Nous avons eu en commission un débat sur lequel j’aimerais que Mme Bertinotti s’exprime tout à l’heure, après le vote des amendements : je veux parler du rôle des ophtalmologistes, et du fait, qui nous préoccupe les uns et les autres, qu’il faut attendre des mois et des mois avant d’obtenir un rendez-vous. Nous nous sommes demandés s’il ne fallait pas débloquer le numerus clausus.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. En effet.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Comme je m’y étais engagé en commission, j’ai posé la question à Mme la ministre de la santé. Il m’a été répondu que l’on travaillait déjà sur la profession d’orthoptiste, ce qui rendra service pour les diagnostics réguliers. Je souhaite, madame la ministre, que l’on redéfinisse la position de ce métier dans la filière. C’est un point très important parce que dans cette affaire où tous les débats se mélangent, plusieurs sujets émergent, qu’il faut distinguer.

Le premier sujet, c’est le diagnostic. Je veux bien admettre qu’on puisse mesurer l’écart oculaire par internet, mais c’est impossible pour le reste et il faut donc maintenir un diagnostic à visage humain, avec quelqu’un en face de soi qui prend un certain nombre de mesures et explique clairement dans quelle situation on se trouve. Je n’ai de leçons à recevoir ni des myopes, ni des astigmates, ni des presbytes car je crois conjuguer la totalité de leurs caractéristiques (Sourires). Par conséquent je sais de quoi je parle.

M. François Vannson. Pas de leçons à recevoir non plus des opticiens, semble-t-il !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas seulement en mesurant mon écart oculaire que l’on va me dire de quoi j’ai besoin. Il est fondamental que le diagnostic soit effectué régulièrement par des professionnels. Nous nous sommes tous émus du délai de cinq ans pour la validité de la prescription, et le Gouvernement est revenu à trois ans. Je pense qu’il faut s’en féliciter car même un délai de trois ans, selon l’âge qu’on a atteint, peut être excessif pour réviser la copie – si tant est qu’on arrive encore à la lire. Le présent débat ne remet pas en cause la question du diagnostic. Celui-ci est au contraire renforcé. N’ayons donc pas un faux débat sur ce point.

Le deuxième sujet est celui des verres, l’élément des lunettes le plus onéreux, et plus ils sont compliqués – les progressifs, les correcteurs de certaines difficultés –, plus ils sont chers. Il faut dire qu’il y a dans certains cas une situation de quasi-monopole. Vous pouvez multiplier le nombre d’opticiens, s’il n’y a qu’un fournisseur de verres, le problème sera toujours là. Il faut se pencher sur cette question. Sinon, cela va finir par coûter extrêmement cher de faire corriger sa vue. C’est pourquoi bon nombre de gens font déjà l’impasse,…

M. Christophe Caresche. Exactement !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. … ce qui est extrêmement dangereux et pour leur santé, et pour la santé des autres s’ils conduisent.

Le troisième sujet, ce sont les montures. J’ai une monture française.

M. Damien Abad. Le ministre aussi ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Elle vient de la zone d’Oyonnax, monsieur Abad. S’agissant des montures, on a le choix, et on l’a plus encore quand on peut faire deux choses qui ne peuvent pas être faites par internet, et c’est pourquoi je pense que les opticiens ne vont pas disparaître du jour au lendemain : savoir si la monture est adaptée aux verres qu’on va porter, et si elle est adaptée à notre visage. Certes, madame de La Raudière, on peut essayer de se faire une idée sur internet, mais c’est mieux devant une glace avec la monture sur le nez. Ce n’est pas parce que ce gouvernement a la volonté de réguler l’offre sur internet, qui existe déjà, que cela va rendre plus difficile l’accès de nos concitoyens aux opticiens. Par ailleurs, il y a quelques rentes de situation – pardon d’employer ce mot, monsieur Folliot, peut-être que cela n’existe pas à Castres… J’habite une toute petite commune de 8 700 habitants avec deux opticiens, et un nouvel arrivant est en train de racheter le pas-de-porte d’un marchand de légumes pour 360 000 euros… S’il achète à ce prix-là le ticket d’entrée, dans une petite commune de province, il doit avoir l’espérance que les affaires vont encore bien se porter.

L’ensemble de la question a plusieurs aspects : premièrement, bon nombre de nos concitoyens ne peuvent pas accéder aux lunettes ; deuxièmement, celles-ci sont aussi un objet de confort et d’esthétique, ceux dont le pouvoir d’achat le permet pouvant en changer plusieurs fois dans la semaine. On ne peut donc pas dire que cet article vise à faire disparaître la profession d’opticien. Gardons-nous d’amalgamer la question du diagnostic, la question des verres, celle de la monture, celle de l’adaptation de la monture aux verres et aussi de l’adaptation de la monture au visage. Il faut les aborder indépendamment les unes des autres. Elles sont traitées par les amendements du rapporteur. J’aimerais qu’après le vote, Mme la ministre me réponde aussi sur la question des orthoptistes.

M. le président. L’amendement n540 de la commission a été présenté, et le Gouvernement a exprimé un avis favorable.

(L’amendement n540 est adopté et l’amendement n3 tombe.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat, pour soutenir l’amendement n548.

Mme Frédérique Massat. Cet amendement apporte une sécurité par rapport à la vente en ligne.

M. Damien Abad. Non, vous ouvrez les vannes !

Mme Frédérique Massat. La vente en ligne existe. En cet instant même, vous pouvez aller sur internet et commander des lunettes, et les prises de mesure seront faites de façon un peu artisanale à l’aide de webcams et de photos que vous devez transmettre au site internet pour le calcul avec la correction de l’ordonnance.

Revenons sur le projet de loi Lefebvre dont je partageais l’intention, pensant qu’il fallait explorer d’autres voies, notamment l’outil internet, que le contact physique avec l’opticien pour faire des lunettes. Certaines mesures adoptées au cours de la navette de ce projet de loi, qui n’a pas pu aller à son terme, avaient pour ambition commune de permettre aux gens de passer par Internet pour commander leurs lunettes.

Mon amendement propose de mentionner la valeur de l’écart pupillaire du patient dans les prescriptions médicales de verres correcteurs, afin de sécuriser le dispositif. Cela améliore la santé publique, au regard de tous les éléments qui ont été donnés : près de trois millions de nos compatriotes n’ont pas de lunettes alors qu’ils en auraient besoin, parce qu’ils ne peuvent pas y avoir accès en raison de leur prix beaucoup trop élevé.

Rappelons que 47 millions d’euros sont dépensés chaque année pour l’achat de lunettes, un montant supérieur de 55 % à celui observé dans le reste de l’Europe. La plupart des assurances complémentaires critiquent, de longue date, un marché opaque, aux prix trop élevés, où la concurrence ne joue pas car la plupart des opticiens alignent leurs tarifs sur des garanties offertes par les mutuelles.

En fonction de votre mutuelle et de ce qu’elle peut vous offrir comme garantie, on est au taquet, ce qui induit des prix et des remboursements assez importants pour ceux qui le peuvent.

Cet amendement permettra de faciliter et de sécuriser l’accès à la vente en ligne qui est déjà autorisée – à cet égard, il n’y a donc aucun changement dans la réglementation. Cet accès amélioré pour nos concitoyens ne remet pas en cause le monopole par les opticiens, mais certains exercent en ligne, d’autres en magasin.

Grâce à cet amendement, lors de l’achat en ligne, le patient aura la certitude que le calcul de l’écart pupillaire sera effectué par un professionnel et qu’il le sera physiquement, puisque cela sera indiqué dans la prescription de l’ophtalmologiste.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Avis évidemment favorable à cet amendement de Mme Massat qui est extrêmement important : il est la clef permettant de sécuriser l’accès à des lunettes de qualité via internet et de réglementer de facto ce marché.

Nous nous attendons à ce que l’augmentation de ce commerce par internet produise pour un milliard d’euros – au minimum, selon un scénario conservateur – de transfert de pouvoir d’achat pour les consommateurs. Heureusement, à Bercy, nous savons modéliser des scénarios économiques.

Monsieur Vannson, vous avez pris l’exemple de l’Italie, mais trouvez-moi pour le Royaume-Uni, l’Espagne ou l’Allemagne…

M. François Vannson. C’est pareil !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …les mêmes arguments, qui ne tiennent d’ailleurs pas. Selon vous, la seule différence de taux de TVA explique que le panier moyen soit de 88 euros en France et de 36 euros en Italie. Ce n’est évidemment explicable pas par la TVA, donc votre argument tombe déjà.

En outre, je sais que les lunettes coûtent en moyenne 470 euros en France et 250 euros en Allemagne, les mêmes, et je ne crois pas qu’elles soient de travers sur le nez des Allemands. Expliquez-moi que les Allemands sont moins bien conseillés, qu’ils bénéficient d’un moins bon service…

Actuellement, les remboursements de la Sécurité sociale se situent entre 4 euros et 40 euros. Il faut donc une bonne complémentaire santé pour pouvoir s’équiper en lunettes. Or 3 millions de Français sont handicapés, comme vous l’avez dit, madame Dubié, parce qu’ils n’ont pas de lunettes, incapables qu’ils sont de les payer en l’absence de complémentaire.

Si vous pensez qu’il faut augmenter les remboursements de la Sécurité sociale, vous nous proposez donc de créer une cotisation optique, patronale ou salariale. Moi aussi je suis favorable à l’augmentation des remboursements, mais je pense que le chemin le plus rapide est encore de baisser le prix des lunettes.

Sur internet, il y aura moins de lunettes fabriquées en France, dites-vous. Faux ! Actuellement, ce sont les sites Internet qui valorisent le plus les produits fabriqués en France.

J’entends rappeler qu’il s’agit d’un produit de santé et d’un dispositif médical. C’est vrai. Mais qui a voulu faire de la lunette un accessoire de mode, et qui a fait des campagnes commerciales sur ce thème, sinon les réseaux d’opticiens eux-mêmes ?

M. Christophe Caresche. En plus !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est effectivement un dispositif médical, un équipement qui permet de ne pas être handicapé en matière de santé visuelle, mais aussi quelque chose que l’on veut pouvoir faire correspondre à son style, son tempérament. C’est aussi sur ce critère que l’on s’équipe en lunettes.

Cela étant, je répète que cette mesure vise à faire baisser les prix pour tout le monde et, ainsi, à faire en sorte que chacun puisse porter des lunettes en cas de besoin, qu’il ait ou non une bonne complémentaire.

M. le président. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Monsieur le ministre, je suis navré, mais ce que j’ai dit sera inscrit au compte rendu et fera référence, au moins à l’endroit de la profession que je connais.

M. Christophe Caresche. On ne défend pas une profession mais l’intérêt général !

M. François Vannson. Le premier problème est que vous ne comparez pas les mêmes choses. Si l’on veut comparer les prix, il faut comparer les mêmes produits. Dans les autres pays auxquels vous avez fait référence, il ne s’agit pas des mêmes produits, des mêmes verres. Comparez ce qui est comparable.

Et puis, de grâce, laissons le client acheter un produit à plus forte valeur ajoutée s’il en a envie ! Nous sommes dans une démocratie, dans un pays de liberté. Il est, bien sûr, tout à fait normal que les plus défavorisés soient équipés. D’ailleurs, ils le sont car la profession fait aussi beaucoup d’efforts pour que les gens modestes puissent avoir accès à des corrections de qualité.

Venons-en à l’amendement. Madame, je suis désolé, mais je suis le seul à avoir monté des verres de lunettes, donc je sais de quoi je parle (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C’est la vérité !

Vous considérez que la prise de l’écart pupillaire est l’alpha et l’oméga de l’optique. Certes, la prise d’un écart pupillaire est importante. Mais, tout d’abord, avez-vous demandé aux ophtalmologistes s’ils sont prêts à le faire ? Je puis vous assurer que tous ne sont pas prêts à le faire.

Ensuite, l’écart pupillaire n’est pas une mesure suffisante pour faire un verre progressif, il faut aussi calculer la hauteur.

M. Damien Abad. Eh oui !

M. François Vannson. Je le répète aussi, on adapte la prise de mesure en fonction de l’équipement que l’on va vendre. Finalement, là, cela ne sert strictement à rien : c’est un effet d’optique vu par le prisme de la majorité actuelle.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Madame Massat, au moins assumez votre amendement !

Mme Frédérique Massat. Je l’assume totalement !

M. Damien Abad. Ne nous dites pas que, grâce à cet amendement, vous allez sécuriser le dispositif : vous ouvrez les vannes !

M. François Vannson. Les opticiens sont des professionnels !

M. Damien Abad. Nous avons le droit d’avoir des opinions différentes : vous en défendez une et moi une autre. Mais il faut assumer son opinion et vous ne pouvez pas prétendre que votre amendement vise à sécuriser le dispositif. Quel dispositif ?

Mme Frédérique Massat. De vente en ligne !

M. Damien Abad. Mais alors, à quel prix ? Au prix d’une ouverture et de la levée de verrous de la vente en ligne. Vous savez très bien que l’un des principaux obstacles à la vente en ligne, l’un des principaux verrous qu’il fallait ôter, était précisément que les ophtalmologistes puissent prescrire l’écart pupillaire.

Et d’ailleurs M. le ministre de la consommation dit que son objectif est de faire baisser les prix. Si tel est l’objectif, cela veut bien dire que l’on va ouvrir les vannes de la vente en ligne !

Ne dites pas tout et son contraire. Assumez le fait que votre amendement n’est pas destiné à sécuriser un dispositif, mais à favoriser les achats en ligne de lunettes, quelle que soit leur provenance. Assumez cela et ne dites pas dans l’exposé des motifs de votre amendement et sa défense que vous voulez sécuriser un dispositif.

Enfin, monsieur le président Brottes, je suis d’accord avec vous sur la question du numerus clausus. Vous avez raison, là est le vrai enjeu. C’est pourquoi j’étais très remonté contre l’idée de porter de trois ans à cinq ans la validité d’une ordonnance. En commission des affaires économiques, le ministre le justifiait en disant que l’on n’est plus capable de trouver des ophtalmologistes dans notre pays. C’est mettre un couvercle sur un vrai problème.

Le vrai problème, c’est qu’il faut valoriser cette profession et faire en sorte que l’on n’attende plus des mois, voire une année entière, avant d’avoir un rendez-vous chez l’ophtalmologiste, ce qui est scandaleux. Il y a là un vrai enjeu.

Avec cette loi, vous passez à côté des vrais enjeux, vous faites de l’affichage, du superflu alors que le sujet aurait mérité un véritable débat. Pourquoi n’en avons-nous pas débattu lors de l’examen de la loi de financement de la Sécurité sociale ? Pourquoi ne pas en débattre dans le cadre d’une loi de santé publique ? Pourquoi ne pas le faire en commission des affaires sociales, avec éventuellement un avis de la commission des affaires économiques ?

Pourquoi vouloir passer en force sur un vrai sujet de santé publique qui concerne tous les Français et qui mériterait plus de temps et d’attention que celui que nous lui consacrons ce soir, à la va-vite ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Il a été posé une question sur le numerus clausus et sur le métier d’orthoptiste. Je vous renvoie au pacte territoire-santé dont l’engagement n8 vise à précisément à revaloriser le métier d’orthoptiste.

Il s’agit en particulier de faciliter le transfert d’activité entre orthoptiste et ophtalmologiste, sur la base d’un protocole qui a été validé par la Haute autorité de santé. Ce transfert permet aux ophtalmologistes de se décharger de certaines tâches qui contribuent à allonger les délais de rendez-vous dans les cas où une consultation est indispensable.

Deuxième remarque : la progression du nombre d’internes en ophtalmologie est l’une des plus fortes, comparée à celle d’autres spécialités.

(L’amendement n548 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, rapporteur, pour soutenir l’amendement n541.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il est défendu.

(L’amendement n541, accepté par le Gouvernement, est adopté et les amendements nos 4, 247, 384, 15, 6, 338, 433, 14, 193, 246, 387 tombent.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n542 de la commission.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Cet amendement a pour objet de supprimer l’exigence d’une prise de mesure pour la délivrance de verres multifocaux, ces verres que l’on connaît habituellement sous l’appellation de verres progressifs. Cela s’inscrit dans le cadre de notre débat, et je l’ai évoqué précédemment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Favorable.

M. le président. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. J’ai du mal à vous suivre. D’un côté, on demande, par le biais d’un amendement, que les ophtalmologues prennent l’écart pupillaire. De l’autre, on nous dit qu’il faut supprimer les mesures. C’est quand même assez incohérent. On ne peut pas vouloir tout et son contraire.

Je reviens sur la question des orthoptistes. Ils sont encore moins nombreux que les opticiens, et ce ne sont pas des opticiens.

Ce qui m’a vraiment contrarié, dans ces débats, c’est que ce qui nous est proposé aujourd’hui le soit sans qu’il y ait eu de concertation avec la profession. Concrètement, jamais celle-ci n’a été reçue par le ministère. J’ai le sentiment que l’on méprise la profession des opticiens. Franchement, les prises de mesures, c’est le b.a.-ba de notre métier.

Vraiment, on est en dehors de la réalité, ça me désole.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. On ne peut pas prétendre débattre dans cet hémicycle en se contentant de dire qu’on est opticien, qu’on connaît bien les yeux des gens et que ce qui se dit ici n’est pas sérieux. Il y a eu trois auditions, avec l’ensemble des professionnels du secteur ! Je vous renvoie d’ailleurs à notre rapport, qui y fait référence de manière très précise et argumentée ; tous les propos prononcés lors des auditions y sont repris. Je tiens à rappeler ce contexte, même si, évidemment, j’entends et je respecte vos arguments.

Respectons aussi la manière dont le débat a été mené. Les propositions faites ne sont pas l’aboutissement d’une succession de coups de menton. Un débat s’est tenu en commission, il y a eu des auditions, nous avons eu des retours par rapport à ce qui avait pu être dit ; Mme Dubié l’a très justement rappelé. Cela fut notamment le cas pour la question des trois ou des cinq ans. Le débat est donc mature, il aboutit de manière saine, avec une attention constamment accordée au fond. Ne dévions donc pas.

M. le président. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Tout de même, monsieur le rapporteur, pendant ces auditions, la profession n’a fait que défendre le point de vue que je défends présentement. Il y a peut-être eu des auditions, mais on ne peut pas prétendre que la profession a été entendue, et, en tout cas, écoutée.

(L’amendement n542 est adopté et l’amendement n432 tombe.)

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n389.

Mme Jeanine Dubié. Il est défendu.

(L’amendement n389, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n543 de la commission.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je me bornerai à saisir l’occasion de répondre à M. Vannson. Au cours des auditions de la profession, nous avons entendu, cher collègue, les deux points de vue, pas seulement celui que vous défendez ici.

L’amendement est défendu.

(L’amendement n543, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’amendement n5 tombe.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l’amendement n544.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Comme on revient à la question des prescriptions, des ordonnances et des mesures d’adaptation, j’ai une question sur la distinction entre lentilles de contacts et verres correcteurs. Dans vos amendements, conservez-vous, monsieur le rapporteur, cette distinction lorsqu’il s’agit de l’exigence d’une prescription médicale ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Pardonnez-moi, cher collègue, mais vous êtes un tout petit peu à contretemps, puisque votre question concerne l’amendement précédent, qui procédait à l’harmonisation du code de la santé publique, pour répondre aux exigences d’harmonisation au niveau européen ; Mme la ministre a évoqué la question. L’harmonisation est totale, je l’ai dit précédemment.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Ma question est la suivante, monsieur le rapporteur : au regard de l’exigence d’une prescription médicale, maintenez-vous la distinction entre lentilles de contact et verres correcteurs ? Ou bien les lentilles de contact elles-mêmes sont-elles aussi soumises à une prescription médicale ? C’était l’objet de mon amendement n247, mais il est tombé. Je voulais donc savoir si votre amendement couvrait cela.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Oui, monsieur Abad. C’est d’ailleurs pour cela qu’est prévu un décret, qui concernera l’ensemble des mesures, notamment celles qui visent les verres multifocaux. Je ne crois effectivement pas que l’ensemble des détails nécessaires à des mesures aussi complexes soit du ressort de la loi. Les professionnels de l’optique assis derrière vous pourront d’ailleurs vous le confirmer. (Sourires.)

(L’amendement n544 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, rapporteur, pour soutenir l’amendement n545.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Défendu.

(L’amendement n545, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’amendement n7 tombe.)

(L’article 17 quater, amendé, est adopté.)

Article 18 D

M. le président. La parole est à M. Frédéric Barbier, pour soutenir l’amendement n119.

M. Frédéric Barbier. Cet amendement porte sur les plans conventionnels de redressement. Il a pour objet de prévoir une entrée en vigueur immédiate – sous réserve des délais techniques inhérents à la mise en œuvre d’une telle mesure – de la réduction à sept ans de la durée des mesures de traitement des situations de surendettement. Il prévoit en outre, à l’image de ce qui avait été prévu dans la loi dite Borloo de 2003 créant la procédure de rétablissement personnel, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport faisant le bilan de la réforme, en lien avec les autres mesures de prévention du surendettement mises en place récemment ou qui le seront dans un proche avenir, et envisageant des dispositions législatives supplémentaires. Afin d’encadrer plus précisément le contenu de ce rapport, le présent amendement précise que doit être examinée la pertinence d’une réduction supplémentaire de la durée des mesures de traitement, en lien ou non avec une refonte plus globale de la procédure de traitement du surendettement. Il précise également que toutes les parties prenantes – pouvoirs publics, associations, établissements de crédit, autres créanciers tels que bailleurs, fournisseurs d’énergie, opérateurs de téléphonie, etc. – doivent être associées à la réflexion.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est un amendement important, et je veux saluer là le rôle joué par M. Potier et le groupe socialiste. Je ne reviens pas sur les arguments développés par M. Barbier, mais nous avions trouvé un équilibre au Sénat, et cette proposition de réduction de huit à sept ans, moratoire compris, de la durée des plans de désendettement le complète. C’est une mesure qui nous permet aujourd’hui, à la fois, d’améliorer les conditions dans lesquelles on sort les familles du surendettement et les conditions de leur meilleur accompagnement possible par celles et ceux qui concourent à les faire sortir de cette situation difficile.

Voilà pourquoi le Gouvernement, après le rapporteur, émet un avis favorable.

(L’amendement n119 est adopté.)

(L’article 18 D, amendé, est adopté.)

Article 18

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 157 et 365.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n157.

M. Dino Cinieri. La rédaction actuelle de l’article 18 exclut le cas d’un emprunteur souscrivant un crédit en direct sur internet, situation qui est pourtant celle d’un nombre croissant de personnes en situation de fragilité qui ne souhaitent pas se trouver face à un vendeur. Cet amendement a donc pour objet d’étendre l’obligation de proposer une alternative au crédit renouvelable aux établissements de crédit, et ce quel que soit le canal de vente, car le consommateur doit toujours pouvoir choisir entre un crédit renouvelable et un crédit amortissable.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n365.

Mme Jeanine Dubié. Nous avons déjà eu ce débat en commission, mais nous souhaitions insister. Il s’agit, effectivement, de favoriser la distribution d’un crédit responsable et de permettre à chaque consommateur de choisir en connaissance de cause le type de crédit adapté à ses besoins de financement et à sa situation financière, quel que soit le lieu de commercialisation de ce crédit. Cette mesure irait dans le sens de la lutte contre le surendettement en évitant au maximum la souscription de crédits renouvelables qui, on le sait, expliquent souvent une part des difficultés rencontrées par les ménages surendettés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Défavorable.

Le terme d’offre se réfère, dans la loi, à quelque chose d’assez précis. Une offre de crédit est aujourd’hui définie par un certain nombre de documents, un certain nombre de pages, et nous avions vu en première lecture, en séance, comment une fiche pourrait permettre des comparaisons utiles et efficaces. C’était d’ailleurs l’objet d’un amendement que j’avais déposé et que nous avions examiné. Nous nous en tenons donc à l’idée d’une proposition.

Mme Jeanine Dubié. Ce n’est pas l’objet de l’amendement n365 !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous nous étions déjà expliqués en commission avec M. Cinieri et Mme Dubié. J’ajouterai simplement que les contrats représentent déjà entre trente et soixante pages. Doubler l’offre est donc assez compliqué pour les enseignes et implique des charges importantes.

Surtout, on ne souscrit pas un crédit de la même manière quand on va dans un établissement bancaire que quand on va dans une grande surface ou dans tel ou tel magasin. Dans un magasin, on est dans une situation de faiblesse beaucoup plus grande que quand on va chez son banquier. C’est pourquoi nous n’avons pas voulu donner un avis favorable. Nous maintenons la position qui était la nôtre en commission.

En matière de crédit, je reste assez attaché à l’équilibre auquel nous sommes parvenus au Sénat, et dont nous avons déjà discuté en commission des affaires économiques. Le Gouvernement ne souhaite pas le modifier en profondeur.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Le groupe UDI soutient ces deux amendements qui nous paraissent aller dans le bon sens. Il est nécessaire d’apporter des éléments de nature à équilibrer une relation qui n’est pas équilibrée, la relation qui existe entre le consommateur et la grande surface qui émet cette offre de crédit renouvelable.

Je comprends, monsieur le ministre, ce que vous dites à propos de la complexification qui résulterait de leur adoption. Cependant, au-delà du détail des clauses, des documents synthétiques seraient de nature à bien souligner les éléments importants et à permettre un jugement plus équilibré, puisque chacun sait toute la nocivité de ces crédits renouvelables. C’est effectivement un cercle sans fin dans lequel certains de nos concitoyens sombrent, avec toutes les conséquences que nous savons.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Je remercie M. le ministre et M. le rapporteur pour les précisions qu’ils ont donné sur l’amendement n364, que je n’ai pas encore présenté, et je reviens à l’amendement n365, dont l’objet est d’étendre l’obligation de proposer une alternative au crédit renouvelable aux établissements de crédit, et ce quel que soit le canal de vente. En effet, la rédaction actuelle de l’article 18 exclut le cas d’un emprunteur souscrivant un crédit en direct sur internet, situation qui est celle d’un nombre croissant de personnes fragilisées, qui ne souhaitent pas se trouver face à un vendeur.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Madame Dubié, j’entends bien vos arguments. Cependant, l’importance et la spécificité du terme « offre » me conduisent à donner un avis défavorable à cet amendement. Cet argument justifie aussi mon opposition à l’amendement n364 que nous examinerons ensuite : je ne le répéterai donc pas. L’avis de la commission est tout simplement défavorable : si j’évoque cet argument, c’est parce que vous l’avez vous-même évoqué.

Il est important de comprendre une deuxième chose. Les comptes rendus des débats sur la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite loi Lagarde, témoignent que nous avons toujours abordé cette question dans l’idée d’éviter les pratiques qui incitent au crédit en faisant de ces crédits une sorte de condition préalable à l’achat. Or ce n’est pas le cas de tous les canaux de vente : le cas du réseau bancaire a par exemple été évoqué. En effet, quand on va dans une banque, le produit que l’on achète est en général un crédit. Dans ce cas, le crédit n’est pas une condition sine qua non permettant l’acquisition pulsionnelle d’un objet sur un site de vente. Il s’agit d’une démarche réfléchie, d’un acte d’achat programmé : ce n’est pas une situation identique à l’achat d’un objet quelconque.

Votre amendement vise à obliger les établissements ou intermédiaires de crédit à proposer une offre alternative au crédit renouvelable, quel que soit le canal de vente. Cela pose donc le problème que je viens de décrire de façon plus explicite, ce qui, une fois de plus, justifie l’avis défavorable que la commission a donné à votre amendement.

(Les amendements identiques nos 157 et 365 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n364.

Mme Jeanine Dubié. Je serai brève. Il s’agit de remplacer le terme « proposition » par le terme « offre ». Il ne faut pas que la simplification se fasse au détriment de l’information du consommateur, qui doit pouvoir comparer correctement les deux types de crédit. Il faut que les deux branches de l’alternative présentée au client soient de même nature, pour que celui-ci les examine sur le même plan, et fasse ainsi un choix éclairé. De cette manière, le client pourra faire le choix le plus adapté à sa situation.

Cela dit, j’ai bien compris la réponse de M. le rapporteur et de M. le ministre.

M. le président. M. le rapporteur a déjà dit, par anticipation, que l’avis de la commission était défavorable.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. J’ajoute que la fiche de comparaison permet d’avancer dans le sens que vous évoquez.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. Madame Dubié, maintenez-vous cet amendement ? Le retirez-vous ?

Mme Jeanine Dubié. Je le maintiens. En effet, il propose de rétablir la rédaction qui a été adoptée au Sénat.

(L’amendement n364 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, rapporteur, pour soutenir l’amendement n399.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Défendu.

(L’amendement n399, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 161 et 282.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n161.

M. Dino Cinieri. Cet amendement vise à interdire le démarchage et les sollicitations en matière de crédit à la consommation, y compris lorsqu’elles proviennent d’un professionnel dont la personne visée est déjà cliente.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n282.

M. Damien Abad. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Ce débat a déjà largement eu lieu en commission. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Même avis.

(Les amendements identiques nos 161 et 282 ne sont pas adoptés.)

Article 18 bis

M. le président. La commission a maintenu la suppression de l’article 18 bis.

Article 19

(L’article 19 est adopté.)

Article 19 bis A

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n459 rectifié, tendant à rétablir l’article 19 bis A, supprimé par le Sénat.

Mme Isabelle Attard. Nous proposons de rétablir cet article, dans une rédaction qui vise à introduire dans le code monétaire et financier la phrase suivante : « Nuls frais ne peuvent être perçus sur la provision d’un compte considéré comme inactif ». On constate régulièrement que certains établissements prélèvent des frais alors même qu’aucune opération n’a été effectuée sur un compte. Pourtant les comptes de ce type ne représentent pas un coût pour la banque, ou alors un coût très marginal. En revanche, les dépôts font partie de l’actif de la banque. Puisque dans notre pays, les comptes ne sont pas rémunérés, il nous paraîtrait donc logique de supprimer ces frais prélevés sur des comptes qui ne génèrent plus – ou peu – de coûts. Le refus de cet amendement nous laisse très perplexes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Si mes souvenirs sont bons, cet amendement a déjà été déposé en première lecture. Nous avons aussi eu cette discussion en commission, où notre collègue Michèle Bonneton avait défendu cet amendement. Deux initiatives ont permis de prendre à bras-le-corps ce sujet. Il y a eu un rapport de la Cour des comptes, clair, exhaustif et précis, dénonçant ce qui est, aujourd’hui, un véritable scandale. Et, suite au débat sur la réforme bancaire, une autre initiative a été prise ici même. M. le rapporteur général du budget, Christian Eckert, a en effet déposé une proposition de loi relative aux comptes bancaires inactifs.

Dès la première lecture, nous avons échangé des arguments avec lui à ce sujet. Nous pensons que cette proposition de loi doit suivre son chemin de manière autonome.

M. Damien Abad. Dans ce cas, pourquoi ne faites-vous pas la même chose pour les questions relatives à la santé ? Pourquoi ne pas faire la même chose pour la question des lunettes ? Ce n’est pas logique !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Les arguments avancés par M. le rapporteur m’étonnent. Tout à l’heure, nous avons abordé un certain nombre de sujets qui auraient très bien pu figurer dans des textes relatifs à la santé publique – je n’y reviens pas : il s’agissait des tests de grossesse et des produits d’optique. Vous nous disiez alors que l’on peut tout à fait aborder ces sujets dans ce projet de loi. À présent que notre collègue propose, au nom du groupe écologiste, un amendement fort judicieux – que nous soutenons, du reste –, vous répondez qu’il n’a pas sa place dans ce projet de loi. Pourquoi ce qui était vrai tout à l’heure ne l’est plus à présent ?

M. Damien Abad. Eh oui ! Ce n’est pas cohérent !

M. Philippe Folliot. Pourquoi attendre, monsieur le rapporteur ? Vous êtes visiblement d’accord avec cet amendement, puisque vous dites qu’il va dans le bon sens. Pourquoi repousser à demain des mesures qui paraissent positives ?

Madame Attard, chère collègue, j’espère que vous maintiendrez cet amendement. Si tel est le cas, sachez que le groupe UDI vous apporte son soutien.

M. Dino Cinieri. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras : je maintiens cet amendement !

(L’amendement n459 rectifié n’est pas adopté.)

(L’article 19 bis A demeure supprimé.)

Article 19 ter

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 266, 366 et 415.

La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n266.

M. Damien Abad. Cet amendement tend à interdire la liaison entre les cartes de fidélité et les cartes de crédit renouvelable. La déliaison des cartes de fidélité et des cartes de crédit renouvelable est unanimement demandée par les associations de consommateurs. La Cour des comptes a pointé du doigt à plusieurs reprises les « cartes confuses » et demande encore une fois, dans son rapport annuel paru en février 2013, de « découpler les cartes de crédit des cartes de fidélité en magasin, de sorte qu’un crédit à la consommation ne soit plus contracté à l’insu du débiteur. » Il s’agit donc ici de mettre un terme à la liaison entre avantages commerciaux, carte de paiement et crédits renouvelables.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n366.

Mme Jeanine Dubié. Il s’agit, là aussi, d’un débat que nous avons déjà eu. Je suis bien consciente que des progrès notables ont été réalisés au Sénat sur ce sujet. Il n’en reste pas moins que le besoin de crédit et la fidélité à une enseigne sont deux choses indépendantes. Leur liaison nous paraît devoir être supprimée. En effet, ce débat n’est pas nouveau. Distribuer des crédits renouvelables via des cartes de fidélité offrant divers avantages comme des promotions ou des facilités de paiement ne nous paraît pas responsable. Je crois que si nous voulons vraiment protéger les consommateurs, nous devons aller plus loin que le Sénat et mettre fin à cette liaison dangereuse entre carte de fidélité et carte de crédit renouvelable.

D’ailleurs, monsieur le ministre, c’est exactement ce que vous aviez répondu le 28 novembre 2012 à une question de Mme Pires Beaune sur la lutte contre le surendettement. Vous avez dit, dans cet hémicycle, que le projet de loi sur la consommation « demandera la déliaison entre les cartes de fidélité et les cartes de crédit. ». C’était il y a un an. Je regrette sincèrement que vous ne soyez pas allé au bout de votre intention. Je trouve cela dommage.

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n415.

M. Dino Cinieri. L’objectif de cet amendement est d’interdire la liaison des cartes de fidélité ou de débit et des cartes de crédit renouvelable. La Cour des comptes a pointé du doigt à plusieurs reprises les « cartes confuses » et demande encore une fois, dans son rapport annuel paru en février 2013, de « découpler les cartes de crédit des cartes de fidélité en magasin, de sorte qu’un crédit à la consommation ne soit plus contracté à l’insu du débiteur. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Cette revendication, cette exigence, a été défendue pendant très longtemps du côté gauche de cet hémicycle : disons-le ! Pourquoi le nier ? Pendant très longtemps, l’idée de la déliaison des cartes a été défendue par la gauche. Les comptes rendus des débats sont là pour nous le rappeler : la mémoire écrite de notre Assemblée est infaillible. C’est donc un fait incontestable.

Mais, entre-temps, des mesures ont été prises dans le cadre de la loi Lagarde ; et d’autres dispositions figurent dans le présent projet de loi. Il s’agit notamment des dispositions qui concernent l’acte positif d’achat, lorsqu’il s’agit de payer à crédit et non pas au comptant. Ce projet de loi prévoit aussi que l’utilisation de la carte de crédit adossée à une fidélité ne doit pas offrir d’avantage supplémentaire par rapport à l’utilisation d’une simple carte de fidélité. D’autres dispositions encore ont été apportées par le Sénat. De cette manière, si la déliaison n’est pas structurelle, elle est effective en termes d’avantages comparatifs. Il est incontestable que l’usage des cartes associant un programme de fidélité à un crédit renouvelable a donné lieu à beaucoup de confusions et de dérives, ce qui justifiait notre position passée. Je dis : notre position passée ; en effet, aujourd’hui, je suis défavorable à cette déliaison stricte, comme je l’ai dit en commission.

Ces cartes ont sans doute accéléré le surendettement de nombreux ménages, mais depuis 2010 la donne a beaucoup changé, notamment grâce à la transposition d’une directive sur les contrats de crédit aux consommateurs. J’ai cité la loi Lagarde à juste titre : je voudrais rappeler les règles précises qu’elle introduit, sur l’application desquelles nous avons déjà des éléments, notamment grâce au Comité consultatif du secteur financier.

Tout d’abord, le client ne bénéficie pas d’avantages différents selon qu’il paye à crédit ou au comptant avec sa carte de fidélité : c’est ce que je disais à l’instant. L’article 19 ter renforce encore cet aspect en visant les « avantages de toute nature » – souvenez-vous des débats que nous avons eus en première lecture sur ce point.

De plus, par défaut, le paiement se fait au comptant, c’est-à-dire que si le client veut payer à crédit, il doit accomplir un acte positif lorsqu’il est à la caisse. Plus personne ne peut payer à crédit sans s’en rendre compte : c’est une évolution majeure par rapport à l’état de fait qui justifiait notre position passée. L’étude du CCSF sur l’impact de l’entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, étude publiée en septembre 2012 et que je citais à l’instant, évalue à 1,2 milliard d’euros la hausse des paiements au comptant entraînée par l’application de ces mesures !

Enfin, lorsqu’un prêteur accorde un crédit renouvelable, il a l’obligation d’effectuer une étude de solvabilité, avant l’octroi du crédit, en dialoguant avec le client. Il doit vérifier des informations liées notamment à la solvabilité du client, et consulter le FICP.

Ce que je veux dire par là, c’est que nous avions raison, les années passées, de demander la déliaison. Mais, vu ce que nous défendons aujourd’hui, et ce que nous avons défendu au Sénat en première lecture – notamment l’interdiction de réserver un avantage « de toute nature » à l’utilisation de la fonction « crédit » –, et au regard de l’évaluation de la loi Lagarde par le CCSF, je pense que nous devons en rester là. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vous remercie, madame Dubié, pour votre question qui me donne l’occasion de préciser à nouveau tout ce que propose ce projet de loi en matière d’encadrement du crédit.

J’ai effectivement pris position en faveur de la déliaison des cartes de fidélité et des cartes de crédit. Réjouissons-nous de l’orientation d’ores et déjà prise par la plupart des grandes enseignes : seule une carte de fidélité sur sept est aujourd’hui associée à une carte de crédit. Il y a donc déjà un mouvement tout à fait significatif de remise en cause de ce principe des cartes « confuses ».

Par ailleurs, je voudrais insister, au-delà de ce qu’a évoqué le rapporteur, sur ce qui est, à mes yeux, le principal argument. Outre la réduction du « délai Chatel », l’amélioration considérable de l’offre alternative à un crédit renouvelable, l’obligation de proposer aussi un programme de fidélité sans crédit lorsqu’on en propose un qui est associé à une carte de crédit, la disposition nouvelle qui permettra d’atteindre votre objectif – tout à fait louable –, c’est la création du registre national des crédits aux particuliers.

En effet, un vendeur voulant délivrer une carte de fidélité associée à une carte de crédit sera obligé de vérifier, là encore, la solvabilité du bénéficiaire. Cela fait disparaître le risque que des personnes vulnérables soient tentées de disposer d’une réserve d’argent, puisque la délivrance de la carte est soumise à l’accord préalable du vendeur, après consultation du registre national des crédits aux particuliers.

Ainsi, lorsque j’ai répondu à Mme Pires Beaune que j’étais favorable à cette déliaison, j’ai exprimé des exigences qui me semblent aujourd’hui complètement satisfaites par le travail que nous avons accompli, à l’Assemblée comme au Sénat, pour encadrer les conditions de distribution du crédit à la consommation.

Je rappelle que le Gouvernement voulait éviter en toutes circonstances que des personnes vulnérables ne soient tentées de souscrire au fameux « crédit de trop ». Le projet de loi atteint donc un équilibre sur ce point.

Pour autant, nous ne souhaitons pas tarir complètement le crédit à la consommation, qui est un moyen très familier, voire indispensable, à nos compatriotes, et qui reste un élément fort de la consommation, donc du soutien à la croissance et à l’emploi.

En conséquence, je répète que je suis défavorable à ces amendements, puisque l’équilibre trouvé par le Gouvernement me semble satisfaire leurs exigences.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. J’ai bien entendu les explications du rapporteur et de M. le ministre. Je dirai simplement que cette déliaison, si elle avait été proposée par le projet de loi, et si cet amendement était adopté, était une mesure préventive qui aurait sûrement coûté bien moins cher que le dispositif de registre national des crédits aux particuliers.

(Les amendements identiques nos 266, 366 et 415 ne sont pas adoptés.)

(L’article 19 ter est adopté.)

Article 19 quinquies

(L’article 19 quinquies est adopté.)

Article 19 septies

(L’article 19 septies est adopté.)

Article 19 octies A

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 164 et 267.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n164.

M. Dino Cinieri. Afin de simplifier la vie de nos concitoyens, cet amendement propose d’instaurer un service simple de transfert des opérations vers le nouveau compte bancaire, inspiré du service de suivi du courrier de La Poste, et proposé à un tarif non dissuasif.

Les banques françaises ont certes pris l’engagement de mettre en place à partir de novembre 2009 un service d’aide à la mobilité bancaire. Néanmoins, s’il existe en principe, ce service n’est pas suffisamment développé dans les agences.

M. le président. L’amendement n267 est également défendu. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Nous avons déjà débattu de ce sujet lors de la première lecture. La commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. M. Cinieri sait que nous avons mis en place un service gratuit d’aide à la mobilité bancaire et que nous ouvrons un débat sur la portabilité du numéro de compte. Honnêtement, cela faisait très longtemps que nous n’avions pas autant amélioré la fluidité du marché bancaire. Cela a été rendu possible grâce à l’action du Gouvernement, et notamment aux propositions formulées par le député Laurent Grandguillaume, soutenues par le groupe socialiste.

Il me semble que ce service gratuit d’aide à la mobilité constitue déjà une mesure importante, et que la réflexion ouverte sur la portabilité du numéro de compte nourrit des espérances, mais aussi des inquiétudes qui justifient une expertise. Ainsi, vous ne m’en voudrez pas, monsieur Cinieri, mais je resterai cohérent avec ce que j’ai dit en commission : l’avis du Gouvernement est conforme à celui du rapporteur, c’est-à-dire défavorable.

(Les amendements identiques nos 164 et 267 ne sont pas adoptés.)

(L’article 19 octies A est adopté.)

Article 19 octies

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n526 rectifié qui fait l’objet d’un sous-amendement n546.

La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Permettez-moi de consacrer un petit peu de temps à cet amendement n526 rectifié, car il vise à réformer l’assurance emprunteur et pourrait, s’il était adopté aujourd’hui, entraîner une évolution importante en la matière.

Le Gouvernement s’était beaucoup entendu reprocher de laisser le choix de la date de résiliation des assurances multirisque habitation et automobile, et de remettre en cause un modèle économique en s’attaquant au marché des assurances, sans aller au bout de cette démarche en traitant le dossier de l’assurance emprunteur.

En réalité, nous ne voulions pas agir sans disposer de l’expertise indispensable à la mise en œuvre d’une réforme qui soit soutenable et ne mette pas en cause la mutualisation des risques, s’agissant notamment de l’assurance emprunteur.

Nos réflexions sont aujourd’hui arrivées à maturité et je souhaite ainsi commenter les dispositions proposées par cet amendement n526 rectifié.

Il s’agit d’un enjeu important pour nos concitoyens, puisque plus de huit millions de ménages ont un emprunt immobilier en cours. L’assurance emprunteur, si elle bénéficie d’une attention parfois moins grande de la part de l’emprunteur que le taux de son crédit, représente néanmoins une part substantielle du coût total du crédit : entre 10 % et 20 % en moyenne et jusqu’à un tiers.

Le Gouvernement s’était engagé en première lecture à vous remettre un rapport sur la question de l’assurance emprunteur et la part de l’assurance emprunteur dans le coût global du crédit immobilier. L’objectif de ce rapport était d’examiner l’impact et les moyens d’une éventuelle généralisation de la substitution d’assurance emprunteur au cours de la vie du prêt et d’évaluer les effets potentiels pour l’ensemble des assurés.

Pierre Moscovici et moi-même avons confié une mission à l’inspection générale des finances, l’IGF, sur ce sujet. Nous avons rendu publiques les conclusions de cette mission, il y a maintenant une dizaine de jours.

Le rapport de l’IGF confirme que le marché de l’assurance emprunteur est caractérisé par un niveau de rémunération de l’assureur et du distributeur, le plus souvent le banquier, très important.

Qu’il s’agisse des contrats distribués par les banques ou des contrats dits alternatifs proposés par des assureurs, la rémunération du distributeur et de l’assureur représente – j’insiste sur ce point – plus de 50 % du montant des primes versées par l’emprunteur. C’est là, à nos yeux, le signe d’une concurrence insuffisante.

Par ailleurs, l’inspection générale des finances met en évidence une segmentation plus importante de la tarification des contrats alternatifs par rapport aux contrats proposés par les établissements bancaires. Si les contrats bancaires voient leur tarification augmenter en fonction de l’âge de l’assuré, celle-ci ne dépend pas de la catégorie socio-professionnelle de l’emprunteur ou du fait qu’il soit fumeur ou non.

Les contrats alternatifs présentent, quant à eux, une segmentation plus importante en fonction de l’âge, de la catégorie socio-professionnelle, du fait que l’emprunteur soit fumeur, ou d’autres critères encore.

Un jeune cadre non-fumeur bénéficiera par exemple en moyenne d’un tarif plus faible auprès d’un assureur alternatif. Au contraire, un emprunteur plus âgé, surtout s’il est ouvrier, bénéficiera en moyenne d’un tarif plus avantageux en adhérant à un contrat bancaire.

Ainsi, s’il est nécessaire d’introduire plus de concurrence sur ce marché pour faire baisser les tarifs, un alignement du marché sur la segmentation pratiquée par les assureurs alternatifs, telle qu’elle résulterait de la mise en œuvre d’un droit de substitution tout au long du prêt, n’est pas souhaitable car cela se ferait au détriment des plus âgés et des moins aisés et pourrait même conduire à exclure les profils les plus risqués de l’accès au crédit.

Il y a donc un équilibre à trouver. C’est l’objet de l’amendement du Gouvernement. L’IGF propose d’introduire un droit de substitution pour l’emprunteur d’un contrat d’assurance par un autre contrat présentant des garanties équivalentes. Ce droit de substitution s’étendrait sur une période de trois mois à compter de la signature de l’achat du bien immobilier.

Une telle fenêtre de substitution sera, selon l’IGF, de nature à exercer une pression concurrentielle à la baisse sur les tarifs, sans pour autant conduire à une démutualisation excessive qui nuirait aux emprunteurs les plus fragiles.

Le principe d’une fenêtre de substitution limitée dans le temps nous semble, à Pierre Moscovici et à moi-même, la solution à adopter. Il s’agit ainsi de tenir compte des difficultés que peut rencontrer l’emprunteur lorsqu’il négocie son prêt pour, dans le même temps, négocier son assurance.

En effet, lorsqu’il négocie son prêt, l’emprunteur se concentre sur le montant du capital emprunté et sur le taux appliqué, non sur le montant de l’assurance. Nous avons donc voulu que l’emprunteur puisse disposer d’une fenêtre de substitution lui permettant de substituer à l’assurance emprunteur, qui n’a pas véritablement été négociée, une nouvelle assurance, choisie plus librement une fois le prêt signé.

Nous proposons que la durée de cette fenêtre ne soit pas trop courte – à cet égard, nous jugeons insuffisante la durée de trois mois proposée par l’IGF. Nous proposons une durée de douze mois afin de faire réellement jouer la concurrence et baisser le coût de l’assurance emprunteur qui, je le rappelle, peut représenter jusqu’à un tiers du coût du crédit. Il s’agit donc d’une mesure extrêmement importante.

Le Gouvernement a également souhaité, à travers cet amendement, reconnaître que, s’il existe un droit de résiliation applicable au contrat d’assurance emprunteur au-delà de la période de douze mois, le fait d’accepter ou non la substitution du contrat d’assurance par un contrat présentant des garanties équivalentes relève quant à lui de la liberté contractuelle entre le prêteur et l’emprunteur.

C’est donc au contrat de prêt d’indiquer si cette faculté de substitution existe en cas de résiliation du contrat d’assurance et d’en préciser les modalités. Il s’agit ainsi de clarifier un point sur lequel les interprétations des acteurs du marché ont beaucoup divergé ces dernières années.

Enfin, cet amendement introduit des avancées très substantielles pour les emprunteurs : les garanties et surtout la tarification des contrats ne pourront pas évoluer au cours du contrat sans l’accord de l’emprunteur. Par ailleurs, l’assureur ne pourra résilier le contrat pour cause d’aggravation du risque, notamment d’aggravation de l’état de santé.

Il s’agit là de mesures protectrices du consommateur, de nature à assurer que l’augmentation de la concurrence générée par le nouveau droit de substitution ne se fasse pas au détriment des plus fragiles.

Vous l’aurez compris, cette fenêtre va permettre à l’emprunteur de véritablement évaluer le coût réel de l’assurance à laquelle il est obligé de souscrire, et qui est une vraie protection pour le consommateur, puisqu’elle permettra d’éviter, dans le cas d’une défaillance ou d’un décès de l’emprunteur, que se reporte sur son épouse ou son époux les charges de cet emprunt.

Cette fenêtre de substitution fera baisser le coût de l’assurance en permettant au consommateur de faire jouer la concurrence entre un assureur alternatif et la banque auprès de laquelle il a souscrit le prêt immobilier. Comme vous le savez, le secteur bancaire est réservé sur cette mesure, mais celui des assurances y est plutôt favorable.

Pour autant, nous ne voulions pas que la remise en cause du modèle existant, induite par cette fenêtre, se fasse au détriment de la mutualisation des risques et aboutisse à l’exclusion des populations les plus fragiles du bénéfice de ces assurances.

Nous avons atteint un équilibre. Il s’agit d’une mesure importante qui, je l’espère, sera soutenue par l’ensemble de la représentation nationale car elle améliorera le pouvoir d’achat des Français.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir le sous-amendement n546, à l’amendement n526 rectifié.

M. Lionel Tardy. Ce sujet de l’assurance emprunteur fait le buzz dans les médias. On aurait souhaité qu’il en aille de même de la loi de programmation militaire, mais les médias ont leurs sujets…

Vous l’aurez bien compris, Catherine Vautrin, Damien Abad et moi-même sommes gênés par le délai de douze mois proposé par cet amendement. Vous l’avez fort bien dit, monsieur le ministre, le rapport « Assurance-emprunteur » de l’inspection générale des finances, publié le 29 novembre dernier, recommande d’autoriser l’assuré à résilier son contrat d’assurance dans les trois mois de la souscription pour y substituer un autre contrat présentant des garanties équivalentes.

Ne suivant pas cette préconisation équilibrée, l’amendement gouvernemental fixe, au contraire, un délai de douze mois qui conduirait techniquement – et c’est sur ce point que nous ne sommes pas d’accord – à une moindre mutualisation des contrats-groupe emprunteur au détriment, en définitive, des assurés présentant les risques les moins favorables pour des motifs d’âge, d’état de santé ou d’appartenance aux catégories socioprofessionnelles les plus modestes.

C’est pourquoi le souci de l’intérêt général conduit à remplacer, dans le texte de l’amendement, un délai de douze mois par un délai de six mois. Une fois l’emprunt accordé, reconnaissons, honnêtement, que ce délai de six mois est largement suffisant pour régler le problème d’assurance emprunteur. Le rapport sur l’assurance emprunteur préconise, pour les mêmes raisons, un délai de trois mois. Entre trois et douze mois, il nous semble, de ce côté de l’hémicycle, qu’un délai de six mois est un bon compromis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et sur le sous-amendement ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je tiens, tout d’abord, à saluer le travail collectivement mené sur ce sujet en commission puis en séance lors de la première lecture. Je rappellerai que, lorsque nous avons examiné le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, mes collègues Régis Juanico, Thomas Thévenoud, Laurent Grandguillaume et moi avons interpellé M. le ministre Pierre Moscovici. Nous nous sommes félicités que l’engagement du ministre de remettre un rapport au Parlement avant la fin de l’année ait été tenu. Lorsque l’on est nouveau parlementaire, on pense, en effet, que promettre un rapport est une manière de faire retirer un amendement, mais que le lendemain n’est pas, pour autant, porteur d’acte.

Eh bien, voilà : avant même le 31 décembre, un acte est posé dans le domaine de l’assurance emprunteur dont on sait que les spécificités, en termes de modèle économique, sont particulières et lourdes de sens, pour ne pas dire « lourdes de fond » si l’on considère la masse financière ! Il y a, là, un premier pas qui va plus loin que ce qui est préconisé dans le rapport de l’IGF. Je pense que, dans les années à venir, nous serons amenés à aller encore au-delà, lorsque l’on sait ce que représente ce poste de dépenses pour les ménages qui accèdent à la propriété.

Ce premier pas est d’importance, mais nous devrons mesurer ses résultats avec objectivité. Il nous reviendra ainsi de veiller avec soin aux effets de structures évoqués par l’opposition et de faire preuve d’une grande vigilance face à une « homogénéisation par le bas » du profil des emprunteurs. La position du Gouvernement est offensive. L’engagement pris ici voici plusieurs mois maintenant, suffisamment équilibré à mon sens, est ainsi tenu.

Je suis donc favorable à cet amendement et défavorable au sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. M. Tardy propose de passer le délai à six mois.

M. Lionel Tardy. C’est largement suffisant ! On a le temps de discuter en six mois !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est largement suffisant pour l’UMP, mais pas pour les Français !

M. Lionel Tardy. Si !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Que recherchons-nous ? Pendant la période qui suit la signature du prêt, il y a l’acquisition du nouveau logement, le déménagement, la réalisation de travaux. Ce n’est donc pas le moment où l’on est le plus concentré sur l’assurance emprunteur. De surcroît, pour que le coût de cette assurance baisse, puisque tel est notre objectif, les Français doivent pouvoir faire jouer la concurrence, donc être démarchés par leurs assureurs qui leur proposeront des offres alternatives à celle de leur banque.

Or les acteurs qui veulent se positionner sur le marché de l’assurance emprunteur doivent, pour faire des offres, savoir qui, dans leur portefeuille clients, a changé d’adresse, ce qui suppose de disposer d’un délai suffisant. C’est la raison pour laquelle nous avons jugé que ce délai, qu’il soit de trois ou six mois, était insuffisant. Puisque vous partagez notre objectif et considérant la réalité de ce marché aujourd’hui, vous devriez aisément vous rallier aux arguments du Gouvernement, donc à l’idée d’ouvrir une fenêtre de substitution d’un an.

Le but, grâce à cette mesure d’importance que veulent prendre le Gouvernement et sa majorité, est de réduire l’assurance emprunteur, donc de redonner du pouvoir d’achat. Nous le permettrons très efficacement, grâce à cet amendement qui propose d’agir sur l’assurance emprunteur, comme nos compatriotes l’ont demandé. Je suis, en conséquence, défavorable au sous-amendement, qui en réduit la portée.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Il existe deux leviers pour permettre aux Français de gagner du pouvoir d’achat : le délai permettant davantage de concurrence, et je suis d’accord avec vous sur ce point, et la mutualisation des contrats. Vous choisissez de n’agir que sur la concurrence. Nous verrons quel en sera le résultat. L’avenir nous l’apprendra. Nous n’avons pas la même vision. Nous considérons, pour notre part, que le délai de six mois proposé par notre sous-amendement aurait permis d’optimiser la mutualisation au niveau des assureurs tout en maintenant une certaine concurrence pour nos concitoyens.

(Le sous-amendement n546 n’est pas adopté.)

(L’amendement n526 rectifié est adopté, les amendements nos 388 rectifié, 423 et 425 tombent et l’article est ainsi rédigé.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la consommation.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron