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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 17 décembre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Place des femmes dans la politique d’aide au développement

Mme Nicole Ameline

M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement

Accord sur la formation professionnelle

Mme Luce Pane

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Intégration et laïcité

M. Meyer Habib

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Fin de vie

Mme Véronique Massonneau

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Rythmes scolaires

Mme Carole Delga

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Politique européenne de défense

M. Axel Poniatowski

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Fin de vie

M. Olivier Falorni

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Intervention militaire en République centrafricaine

M. Alain Marty

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Union bancaire

M. Franck Montaugé

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Pouvoir d’achat et impôts

Mme Jacqueline Fraysse

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Jour de carence dans la fonction publique

Mme Arlette Grosskost

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique

Taxe sur les salaires dans le secteur associatif

Mme Marie-Lou Marcel

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

SNCM

M. Dominique Tian

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Aide au développement

M. Jean-René Marsac

M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement

Redécoupage cantonal

M. Guillaume Chevrollier

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

2. Fixation de l’ordre du jour

Mme la présidente

3. Égalité des territoires

M. Alain Calmette

M. Olivier Marleix

M. Yannick Favennec

M. Jean-Jacques Candelier

M. Thierry Braillard

Mme Laurence Abeille

Mme Carole Delga

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Jean-Louis Bricout

Mme Brigitte Bourguignon

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

Vote sur la proposition de résolution

Suspension et reprise de la séance

4. Projet de loi de finances rectificative pour 2013

Présentation

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Discussion générale

M. Pierre-Alain Muet

M. Hervé Mariton

M. Charles de Courson

M. Éric Alauzet

M. Thierry Braillard

M. Nicolas Sansu

Mme Marie-Christine Dalloz

Mme Marion Maréchal-Le Pen

M. Christophe Castaner

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Place des femmes dans la politique d’aide au développement

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Nicole Ameline. Monsieur le ministre des affaires étrangères, notre vision des droits de l’homme est un élément constitutif de l’autorité politique de la France dans le monde. Or, de Kaboul à Kinshasa, les femmes sont aujourd’hui les premières victimes des souffrances, des violences et des conflits. Pis encore, le constat va s’aggravant, car des régressions très importantes se dessinent : en Afghanistan, par exemple, un retour à la lapidation semble possible. Face à ce constat, nous avons deux réponses : le droit international et l’aide au développement. S’agissant du droit international, nous fêtons aujourd’hui le trentième anniversaire de la ratification par la France de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Ma question est simple. La France est-elle déterminée à renforcer l’intégration, dans l’aide publique au développement, des droits fondamentaux des femmes, qui sont non négociables et qui appartiennent à ce socle universel adopté par 187 pays ? En d’autres termes, la France est-elle prête à renforcer la conditionnalité de l’aide publique au développement pour assurer le respect effectif des droits des femmes dans le monde ? (Brouhaha)

Je crains que ces droits n’intéressent pas tout le monde…

Je voudrais également vous demander si la France, comme nous l’espérons tous et comme l’espèrent les associations engagées sur ce terrain, est prête à soutenir la décision concernant l’objectif d’égalité hommes-femmes dans le cadre de l’agenda post-2015, soit dans la nouvelle programmation des objectifs de développement. C’est un point crucial pour les femmes dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du développement.

M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement. Madame la députée, nous allons essayer de montrer ensemble que ce sujet intéresse et passionne toute la représentation nationale.

Je vous remercie pour votre question qui dépasse largement les clivages politiques. Vous le savez, nous avons entrepris depuis plusieurs mois une refondation de notre politique de développement et nous avons également modifié, dans ce cadre, ce que le précédent gouvernement avait lancé : la stratégie « Genre ». Nous nous sommes fixé un objectif ambitieux, que nous pouvons partager sur l’ensemble de ces bancs, puisque 50 % des projets que nous finançons, par le biais de notre aide publique au développement, devront permettre de réduire les inégalités entre les filles et les garçons à l’école et celles entre les hommes et les femmes, de manière plus générale, via la formation professionnelle et l’avancée des services publics.

Or aucun indicateur n’existait jusqu’à présent et nous sommes donc incapables de dire aujourd’hui – c’est là malheureusement l’héritage du passé – comment nous participons à la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes dans notre aide publique au développement. Nous mettons actuellement en place des indicateurs et, en 2017, 50 % des projets devront contribuer à cette égalité. Avec Laurent Fabius et Najat Vallaud-Belkacem, nous partageons l’ambition de faire de la France un pays leader sur ce sujet. Vous pouvez vraiment compter sur nous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Accord sur la formation professionnelle

M. le président. La parole est à Mme Luce Pane, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Luce Pane. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

La majorité de gauche, issue des urnes, a placé le dialogue social au cœur d’une démarche volontariste en faveur de notre modèle social. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Progrès social et efficacité économique sont indissociables. C’est pourquoi les pouvoirs publics ont engagé de grands chantiers de négociation sociale, en lien avec les syndicats et les représentants du patronat : sécurisation de l’emploi, réforme des retraites, emplois d’avenir et contrats de génération sont les fruits de cette méthode empreinte de dialogue.

Une nouvelle avancée a été obtenue grâce à l’accord très large qui s’est formé le 14 décembre dernier sur la formation professionnelle. Les partenaires sociaux ont en effet scellé un accord qui profitera à l’ensemble des travailleurs en France : création d’un compte personnel de formation portable, renforcement des moyens pour la formation des chômeurs, réforme du financement de la formation professionnelle. Notre appareil productif en sera plus compétitif, et les droits des salariés renforcés. Unanimement saluée, cette vraie réforme confirme notre volonté et celle du Président de la République, François Hollande, de placer l’emploi au cœur de nos priorités.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quel est le calendrier du Gouvernement pour traduire dans la loi le contenu de cet accord historique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, nous le disons les uns et les autres depuis des années et des années : la question de la formation est décisive. Elle est d’abord décisive pour lutter contre le chômage : il y a trop de chômeurs en mal de formation, alors qu’il y a trop d’emplois vacants auxquels ils pourraient apporter leur force de travail et leur intelligence.

Un député du groupe UMP. Jusque-là, il a raison !

M. Michel Sapin, ministre. Nous le disons les uns et les autres : il faut changer profondément la formation professionnelle française. Les partenaires sociaux, patrons et syndicats ensemble, ont réussi à faire par le dialogue, et non par la confrontation, ce que nous réclamions les uns et les autres. C’est le dialogue qui a permis d’apporter une véritable révolution dans le domaine de la formation professionnelle. Oui, le Gouvernement et sa majorité ont raison de faire confiance au dialogue social pour apporter des réponses profondes et durables aux grands problèmes de notre société.

En quelques mots, pourquoi cette réforme va-t-elle permettre d’apporter à la fois des réponses immédiates et des réponses à terme ?

Tout d’abord, il y aura plus d’argent pour former les chômeurs, qui sont justement ceux qui bénéficiaient jusqu’ici le moins de la formation, alors que ce sont eux qui en ont le plus besoin.

Deuxièmement, il sera mis en place un compte personnel de formation. Chacun d’entre nous, chacun de ceux qui nous écoutent portera avec lui, du début jusqu’à la fin de sa carrière, des droits à la formation, non pas en tant que jeune, chômeur ou salarié, mais en tant que personne.

Voilà les deux éléments les plus importants de la réforme.

Oui, il y a urgence à agir ! Les partenaires sociaux ont pris leurs responsabilités. Le Gouvernement et la majorité vont prendre les leurs : le 22 janvier prochain, je présenterai en conseil des ministres un projet de loi portant sur ce sujet, et le Parlement en sera saisi dans les jours qui suivront. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Intégration et laïcité

M. le président. La parole est à M. Meyer Habib, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Meyer Habib. Ma question s’adresse au Premier ministre. Cinq rapports visant à refonder notre politique d’intégration ont été publiés sur le site internet de Matignon, et il en a fait l’éloge. Ces rapports proposent de créer d’une « cour des comptes de l’égalité », de bannir le terme d’intégration, d’autoriser, prenant le contre-pied de la conception française de la laïcité, le port du voile et des signes religieux distinctifs à l’école (Exclamations sur divers bancs), et de revoir les cours d’histoire donnés à nos enfants. Il s’agit là, en toute simplicité, de casser le pacte républicain. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) Il s’agit de cliver, de diviser les Français, de souligner ce qui les oppose plutôt que ce qui les rassemble. Il s’agit de favoriser la montée des communautarismes.

Or la France est une grande et vieille nation, une nation ouverte, accueillante et tolérante, faite d’un peuple de sangs mêlés, qui a un héritage commun, et qui, surtout, porte, au-delà de toutes les différences, un destin commun. La République repose sur des principes sur lesquelles on ne peut jamais transiger, ceux de Jaurès, ceux de Jules Ferry ; ils sont toujours d’actualité. En publiant sur le site de Matignon ces rapports dont il connaissait les conclusions, le Premier ministre tourne le dos à ces principes. Nous pouvons légitimement nous interroger sur les conditions de publication et les contenus de ces rapports.

Un député du groupe UMP. C’est honteux !

M. Meyer Habib. S’agit-il une nouvelle fois de l’expression d’un amateurisme et d’une désinvolture coupable ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ou est-il en train de nous révéler le visage d’une gauche qui aurait abandonné ses valeurs ? Ou bien, ce qui serait pire encore, y a-t-il derrière cela un calcul électoral cynique ? (« Oui ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Après l’affaire Leonarda, nous retrouvons à nouveau les contradictions du Premier ministre sur le sujet compliqué de l’intégration. Dans le contexte tendu dans lequel il a mis la France, nous le conjurons solennellement de retirer ces rapports du site de l’Hôtel Matignon et de clarifier sa position sur l’intégration. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.)



M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Il n’est pas de tradition de réagir ainsi lorsque le président donne la parole, mes chers collègues.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, il y a dans votre question des éléments que je partage avec vous, et je vous remercie d’avoir tenu sur la France de belles paroles rappelant son histoire et sur l’idée, qui est nôtre, de la communauté républicaine, préservant la liberté de conscience et permettant à chacun, à partir de valeurs communes, dont celle de la laïcité, de vivre en paix et en sécurité. Je tiens à vous rassurer : ces valeurs sont celles du Gouvernement de la majorité. Nous avons voté avec vous la loi de 2004, j’ai élaboré la charte de la laïcité, et il y aura bientôt l’enseignement de la morale laïque. Vous avez aussi cité Jaurès. Je rappelle qu’il appartient d’abord au patrimoine de la gauche (Exclamations sur les bancs du groupe UDI) et qu’il porte des valeurs intangibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Et puis il y a une seconde partie dans votre question : c’est celle qui voudrait dresser les Français contre les autres. Vous me permettrez donc de préciser quelle est la position du Gouvernement.



Nous ne reviendrons pas sur la loi de 2004 qui nous a tous rassemblés et qui a, depuis, porté ses fruits. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Nous voulons, nous, une laïcité qui élève chacun, rassemble et permet la paix, et qui n’est dirigée contre aucun de nos concitoyens. (Mêmes mouvements.)



Nous voulons aussi, car c’est nécessaire, refonder une politique d’intégration abandonnée pendant dix ans. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Dans les évaluations, même internationales, l’intégration se révèle en panne. Nous voulons rassembler tous les citoyens français, tous les enfants de France autour de nos valeurs : celles de la République démocratique, sociale, indivisible et laïque, valeurs que nous partageons avec vous. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.)



M. Rudy Salles. Zéro !

Fin de vie

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.

Mme Véronique Massonneau. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, le Comité consultatif national d’éthique avait demandé à une conférence citoyenne de réfléchir sur la fin de vie. Hier, celle-ci a rendu les conclusions de ses travaux. Ses préconisations laissent entrevoir un espoir pour toutes celles et tous ceux qui sont atteints de pathologie incurable, qui souffrent, qui ont choisi leur fin de vie et auxquels la loi actuelle dénie leur liberté.

Cela rejoint toutes les études d’opinion qui indiquent que les Françaises et les Français sont, dans leur immense majorité, favorables à l’inscription de leur ultime liberté dans la loi.

Ce rapport ne devrait donc pas constituer un événement. Pourtant c’en est un, car pour la première fois, en ne plaçant pas au centre de la loi le médecin mais le patient, les questions du suicide médicalement assisté et de l’euthanasie ne sont plus taboues.

C’est un grand progrès par rapport à la mission Sicard d’il y a tout juste un an. C’est un grand progrès par rapport aux avis précédents du Comité national d’éthique. On ne peut plus dire que la loi actuelle suffirait ou qu’elle serait méconnue ou mal appliquée.

Notre vie nous appartient-elle pleinement ? C’est à cette question qu’il nous faut apporter une réponse.

Développons les soins palliatifs, renforçons les directives anticipées, légalisons le suicide médicalement assisté, abordons sans faux-semblant la question de l’euthanasie. Ainsi et ainsi seulement, nous apporterons des réponses adaptées à toutes les fins de vie.

Nous faisons partie d’une majorité qui s’est engagée à mettre en œuvre une évolution législative profonde sur ces questions. C’était l’engagement n21 du Président de la République. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, à quelle échéance et selon quelles modalités vous entendez faire en sorte que cet engagement soit respecté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée Véronique Massonneau, vous avez raison de souligner que la fin de vie est une question difficile, parfois douloureuse, qui amène chacun d’entre nous à s’interroger sur les conditions dans lesquelles il entend vivre cette ultime période.

C’est pour cette raison que le Président de la République a souhaité qu’un grand débat public puisse intervenir. Le rapport Sicard, il y a un an, a posé dans des termes très remarquables les éléments du débat et permis d’engager la réflexion.

Le Comité consultatif national d’éthique a souhaité la réunion d’une conférence des citoyens qui vient de rendre son avis. Celui-ci montre que la société souhaite pouvoir réfléchir et apporter ses réponses à cette situation.

Dans cette perspective, dans les prochaines semaines, le Gouvernement va consulter l’ensemble des acteurs concernés et les grandes familles de pensée afin de préparer le texte de loi que le Président de la République a annoncé.

Il s’agit de faire en sorte que, sans crispation, avec la sérénité que requiert un débat d’une telle importance, nous puissions ensemble aller de l’avant. Le statu quo n’est pas tenable mais il ne s’agit pas de créer des oppositions de principe sur une question aussi importante que celle-là. Nous devons espérer dépasser les clivages partisans. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. Christian Jacob. Eh bien, nous sommes bien avancés avec ça !

Rythmes scolaires

M. le président. La parole est à Mme Carole Delga, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Carole Delga. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, avec la refonte des rythmes éducatifs et le retour de la semaine de quatre jours et demi à l’école, vous avez engagé une réforme indispensable pour la réussite de tous les élèves.

Alors même que la question de l’aménagement du temps scolaire avait commencé à être réfléchie par l’ancienne majorité, quelques voix se font aujourd’hui entendre pour tenter de discréditer cette avancée majeure pour l’excellence de notre système éducatif.

M. Frédéric Reiss. On verra…

Mme Carole Delga. Même s’ils tentent de tordre la réalité, leur démagogie ne prend pas car les faits sont là : la réforme des rythmes scolaires est en marche et elle marche bien. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Dans mon département de Haute-Garonne, nous comptons un taux élevé de communes qui ont adopté la réforme dès la rentrée 2013 puisque près des trois quarts des élèves sont concernés. Il s’agit pourtant d’un territoire en partie rural et montagneux, ce qui démonte la présupposée difficulté des petites communes à engager cette réforme.

D’ailleurs, la commune dont je suis maire, Martres-Tolosane, qui compte 2 300 habitants, en est un exemple. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Rien ne justifie de crier comme cela !

Mme Carole Delga. Nous accueillons actuellement 240 élèves de la maternelle au CM2, répartis en quinze classes dont une classe pour l’inclusion scolaire.

Après une période de consultation avec les enseignants et les parents d’élèves, nous avons fait le choix d’allonger la pause méridienne. Les élèves se voient ainsi proposer des activités de détente après le repas et, quand ils reviennent, ils sont beaucoup plus calmes et disposés à apprendre. Augmenter de la sorte leur capacité de concentration pendant la classe a un impact favorable sur la réussite des élèves.

Il ne s’agit pas d’un exemple isolé.

M. Frédéric Reiss. Il y a aussi des exemples opposés !

Mme Carole Delga. La communauté de communes voisine, celle des Terres d’Aurignac, qui compte dix-neuf communes et 5 000 habitants, a aussi adopté la semaine de quatre jours et demi.

Monsieur le ministre, à la lumière de ces quelques exemples, pouvez-vous nous faire un point d’étape sur la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires éducatifs dans les écoles de France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. La refondation de l’école de la République suppose de partager des valeurs et de les porter haut, de refuser tout prosélytisme et de donner les meilleures conditions d’enseignement à tous les enfants de France.

Cela passe par une révision des programmes, absolument nécessaire afin de mieux les adapter aux rythmes de progression, par la formation des enseignants qui avait été supprimée,…

M. Philippe Meunier. Vous n’y croyez même plus vous-même !

M. Vincent Peillon, ministre. …par la création de postes dans tous les départements pour mieux assurer les remplacements et améliorer les taux d’encadrement, par la création du service public du numérique éducatif et par un meilleur temps scolaire pour tous les enfants de France. (« Raté ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Cette grande réforme, je souhaite qu’elle puisse se mettre en œuvre avec le concours de tous : enseignants, collectivités locales, parents. J’ai été heureux de voir que l’Académie de médecine s’était à nouveau exprimée au cours des trois derniers jours, disant que pour bien apprendre, il faut avoir du bon temps scolaire.

Cinq matinées, c’est mieux que quatre pour apprendre à lire, écrire et compter. C’est meilleur surtout pour ceux qui ont le plus besoin de l’école parce qu’ils n’ont que l’école pour réussir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Gérard Charasse. Très bien !

M. Vincent Peillon, ministre. C’est en même temps utile parce que trop d’enfants sont abandonnés à la rue, ne sont pas accueillis dans des structures collectives. Avec cette réforme, nous allons prendre en charge l’éducation de quatre fois plus de petits enfants français en leur offrant de la culture, du sport, des activités scientifiques (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je demande à tous, au-delà des polémiques stériles, de réussir cette réforme. Ce sera l’occasion pour la France de montrer qu’elle peut renouer avec son avenir, l’espérance, l’intérêt général, le meilleur de sa tradition républicaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)



Politique européenne de défense

M. le président. La parole est à M. Axel Poniatowski, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Axel Poniatowski. Monsieur le ministre de la défense, dans quelques jours se tiendra à Bruxelles un Conseil européen consacré à la défense. À l’heure où la France s’engage seule, et pour la deuxième fois en quelques mois, dans une opération militaire en Afrique, ce conseil tombe à point nommé, car, tant sur la forme que sur les conditions d’engagement des troupes françaises, un certain nombre de questions restent sans réponse. Certes, certains pays nous apportent une petite aide logistique, notamment en matière de transport, mais la réalité, la vraie, c’est que les soldats français sont bien seuls au front.

Dans ce contexte, la question de la politique européenne de défense se pose de manière aiguë, d’autant plus aiguë que les pays membres de l’Union européenne ne cessent, tous, de réduire leurs budgets de défense. En moins de dix ans, de 2006 à 2014, ils les auront diminués d’un tiers ! Vous-même, avec la loi de programmation militaire, engagez la France sur le même chemin des coupes budgétaires puisque, de 1,5 % de notre PIB aujourd’hui, hors pensions, le budget de la défense tombera à 1,3 % du PIB en 2019.

Au regard de tous ces éléments, monsieur le ministre, comment comptez-vous peser au sein du Conseil européen de jeudi et de vendredi afin d’enclencher, enfin, la création d’une politique européenne de défense digne de ce nom et afin, aussi, que la France puisse être efficacement accompagnée dans ses opérations extérieures ?

Le Président de la République a évoqué la création d’un fonds européen de défense. Au-delà de la réticence de nos partenaires, attention à ne pas faire des forces françaises les mercenaires de l’Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. La conclusion était lamentable !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, merci de cette question. Vous avez raison de souligner l’importance de ce Conseil européen consacré aux questions de défense. C’est la première fois depuis cinq ans, et cette initiative est due, en partie, au Président de la République. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Michèle Bonneton et M. Gérard Charasse. Bravo !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il est souhaitable, et ce serait peut-être la première des décisions à prendre à la fin de cette semaine, que le Conseil européen puisse aborder annuellement les questions de défense.

Cela étant, la France aborde ce Conseil européen avec une attitude pragmatique et concrète. Nous voulons qu’il en sorte des avancées pratiques identifiables, à la fois dans le domaine opérationnel, dans le domaine capacitaire et dans le domaine industriel.

Les ministres de la défense qui se sont réunis à la fin du mois de novembre dernier ont pu adopter une posture commune, qui permettra, dans ces trois domaines, de faire des pas significatifs vers l’Europe de la défense, ne serait-ce que par la définition d’une stratégie de la sécurité maritime en Europe, et ne serait-ce que parce que le Conseil européen devrait définir une politique pour le Sahel qui permette de sécuriser les frontières, poreuses, des différents États de la région.

Dans le domaine capacitaire, je vous donne rendez-vous à la fin de ce Conseil européen, mais tout me donne à penser qu’il y aura des avancées significatives, tant sur le ravitaillement en vol que sur le transport tactique et stratégique et sur les drones.

Enfin, dans le domaine industriel, tout laisse également penser qu’il y aura, en application du rapport Barnier, des avancées concernant le transfert aux PME des technologies de défense et l’accès des industries de défense aux crédits de la recherche et de l’innovation.

S’agissant, enfin, des aspects financiers, nous souhaitons que le mécanisme Athena, par les facilités de paiement qu’il comporte, permette à l’avenir une vraie solidarité financière. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Fin de vie

M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Olivier Falorni. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé.

« Hurler l’horreur de cette situation. Crier l’insupportable et le dénoncer. Ne plus laisser faire ça. » Ces mots ne sont pas les miens, ce sont ceux de notre collègue écologiste du conseil régional Nord-Pas-de-Calais, Sandrine Rousseau, évoquant l’interminable agonie de sa maman.

Ces mots, je les fais miens aujourd’hui, ces mots qui tentent de dire l’indicible, c’est-à-dire la souffrance absolue d’un être cher qui n’en peut plus de ne pas partir. Ce drame, cette impuissance, je l’ai vécue moi aussi, comme Sandrine, comme beaucoup de Françaises et de Français qui nous regardent.

Il se trouve que ces deux femmes, nos deux mères, s’étaient liées d’amitié dans le combat face à la maladie, qu’elles avaient affrontée main dans la main avec une force de vie incroyable, mais le cancer a pris le dessus, pour l’une comme pour l’autre. Condamnées sans espoir de rémission, elles n’aspiraient plus qu’à une seule chose : mourir dans la dignité, comme elles avaient vécu leur vie.

Mes chers collègues, si j’ai décidé moi aussi de briser l’omertà de cette douleur intime, c’est que je considère qu’il en est désormais de mon devoir, non pas de fils mais de législateur, car il faut une loi, madame la ministre. On ne peut plus accepter la violence inouïe d’agonies interminables que même les soins palliatifs et le dévouement des soignants ne peuvent plus apaiser. La médecine est capable de prononcer la vie de façon artificielle, elle doit pouvoir l’abréger quand c’est la volonté de la personne.

Madame la ministre, la dignité est un droit, elle exige une loi, ici et maintenant. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste, sur plusieurs bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, vous évoquez une situation douloureuse, très douloureuse, celle que vous avez connue, celle qu’a connue votre mère, celle que beaucoup d’entre nous ont connue ou connaîtront, et qui est le sentiment d’impuissance face à la douleur, face à la souffrance, au moment où un proche doit affronter la fin de sa vie. Ce débat doit nous amener à nous interroger sur la manière d’entendre la demande et les souhaits des malades.

Le rapport Sicard, il y a un an, posait ce constat terrible : on meurt mal en France.

M. Nicolas Dhuicq. On ne vit pas très bien non plus ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Silence !

Mme Marisol Touraine, ministre. On meurt mal en France parce que nous avons eu tendance à médicaliser la fin de la vie. Alors que 70 % de nos concitoyens disent qu’ils souhaiteraient terminer leurs jours chez eux, à domicile,…

M. François Rochebloine. Mais c’est possible !

Mme Marisol Touraine, ministre. …ils doivent aller à l’hôpital. Constat douloureux car nous ne sommes pas certains que les droits des malades sont entendus jusqu’au bout de la vie. Constat douloureux encore parce que l’accompagnement des malades n’est pas toujours réalisé dans les conditions souhaitées, notamment à domicile. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

C’est pour ces raisons que le Président de la République souhaite que le Gouvernement se saisisse des conclusions des rapports qui ont été rendus. (Mêmes mouvements.) Le Gouvernement va engager des consultations dans la perspective d’une loi à venir, et nous avons le devoir de réfléchir ensemble, de manière apaisée, à ces questions difficiles, par-delà les différences qui peuvent nous opposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Intervention militaire en République centrafricaine

M. le président. La parole est à M. Alain Marty, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Marty. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Comme chacun de nous, je m’associe à l’hommage rendu hier aux Invalides à nos deux soldats tués en Centrafrique. Je rappelle que le groupe UMP apporte son soutien à nos forces armées, qui sont engagées dans une mission difficile.

Monsieur le Premier ministre, vous nous avez expliqué, à propos de l’intervention au Mali, qu’il fallait agir vite et fort pour éviter que les colonnes djihadistes venues du Nord n’atteignent Bamako, où nous aurions eu du mal à les réduire. En Centrafrique, vous avez laissé les colonnes de l’alliance de milices connue sous le nom de Séléka entrer dans Bangui. Les services de renseignements n’ont pas manqué de vous indiquer que cette alliance comprend des éléments islamistes venus du Soudan et de la Somalie.

Dans un cas, nous avons réagi rapidement. Dans l’autre, le Président de la République a déclaré : « si nous sommes présents, ce n’est en aucune façon pour intervenir dans les affaires intérieures d’un pays, en l’occurrence la Centrafrique. Ce temps-là est terminé. » Je ne souhaite pas que vous me répondiez en justifiant notre engagement au regard des violences, des meurtres, des pillages et des déplacements de la population.

M. Henri Emmanuelli. On répond comme on peut !

M. Alain Marty. Nous sommes d’accord avec vous sur ces points.

Je vous pose donc quelques questions précises. Pourquoi apportons-nous des réponses différentes à des situations identiques ? Combien de temps pensez-vous maintenir nos forces en Centrafrique ? Le délai de six mois ne sera pas tenu ! Combien coûte cette opération ? Sollicitez-vous un soutien financier de l’Europe ? Enfin, pensez-vous que les propos du Président de la République aient été imprudents, et qu’ils aient pu encourager la rébellion Séléka et son cortège de violences ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, vous avez posé plusieurs questions précises. J’y répondrai le plus précisément possible. D’abord, la situation au Mali et la situation en Centrafrique n’ont rien de commun. Vous n’avez été très cohérent sur ce point. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Lellouche. C’est vous qui parlez de cohérence, monsieur Fabius ?

M. le président. C’est un sujet important : écoutez la réponse de M. le ministre !

M. Laurent Fabius, ministre. Vous l’avez dit : au Mali, il s’agissait d’empêcher des attaques terroristes. Dès que l’autorisation nous a été donnée par les Nations unies, nous avons agi. En Centrafrique, il s’agit de mener une action à la fois humanitaire et sécuritaire, et de soutenir la transition démocratique.

M. Philippe Meunier. Et la Syrie ?

M. Laurent Fabius, ministre. Dès que nous avons eu l’autorisation des Nations unies, nous avons agi, car une chose est essentielle pour nous : agir à chaque fois au secours des Africains, mais dans le cadre de la légalité internationale. C’est ce que nous avons fait à la fois au Mali et en Centrafrique. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. La Syrie !

M. Philippe Meunier. Deux poids, deux mesures !

M. Laurent Fabius, ministre. Deuxièmement, vous avez posé la question de l’Europe. (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît !

M. Laurent Fabius, ministre. Je serai très précis sur ce point, car cette question est importante. Monsieur le député, nous avons bien évidemment demandé le soutien de l’Europe. Il était possible, en théorie, d’activer ce que l’on appelle les groupes tactiques. Actuellement, le leader de ces groupes tactiques, pour les six mois à venir, est la Grande-Bretagne, qui n’a pas souhaité les activer.

Mme Claude Greff. On est bien seuls !

M. Laurent Fabius, ministre. D’autre part, l’Europe apporte un soutien financier aux Africains. En ce qui concerne la logistique – vous l’avez souligné – l’Europe et les différents pays d’Europe sont également présents. Je crois pouvoir affirmer, compte tenu des démarches effectuées par la France, que nous aurons bientôt des troupes au sol apportées par nos collègues européens. Je tiens à le souligner, car c’est l’une des premières fois que cela se produit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre Lellouche et Mme Claude Greff. Combien ça coûte ?

M. Laurent Fabius, ministre. Enfin, vous ne pouvez pas dire qu’il y avait urgence, ce qui est vrai, et en même temps regretter que l’on n’ait pas attendu les Européens pour agir ! Malheureusement, il n’y a pas d’Europe de la défense. Nous sommes les premiers à le regretter. C’est la raison pour laquelle…

M. le président. Merci, monsieur le ministre !

Union bancaire

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, à partir de demain, les ministres de l’économie et des finances de l’Union européenne se retrouveront à Bruxelles pour tenter de finaliser un accord sur la question de l’union bancaire. Derrière cette locution se cache une avancée considérable pour les peuples d’Europe, une avancée que la France promeut inlassablement depuis l’élection de François Hollande.

De quoi s’agit-il ? Tout d’abord, d’instaurer une régulation permettant d’empêcher le retour des crises financières qui déstabilisent les États et l’économie réelle. Ensuite, de placer le plus grand nombre possible d’établissements bancaires de la zone euro sous supervision de la Banque centrale européenne, donc sous une surveillance unique permettant de prévenir les prises de position inconsidérées et les dérives spéculatives. Au total, l’intégration européenne doit considérablement progresser avec l’instauration de cette union bancaire, qui contribuera à rééquilibrer les rapports de force entre économie réelle et économie financière. Les députés de la majorité y sont très attachés.

Chers collègues, les enjeux sont colossaux, et nous savons que les négociations entre les vingt-huit État membres sont difficiles. La France est à l’initiative ; sur ce dossier, comme sur celui des travailleurs détachés, celui de la sauvegarde de la PAC et tant d’autres, nous voulons convaincre nos partenaires de l’Union de la nécessité de construire une Europe plus soucieuse des peuples. La régulation financière européenne viendra aussi utilement compléter les dispositifs appliqués à l’échelle française dans le cadre de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rappeler la position de la France sur ce dossier majeur pour la réorientation européenne voulue par le Président de la République ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député Franck Montauge, l’union bancaire est un chantier en effet très complexe, mais absolument décisif : il donne tout son sens à l’union monétaire. Je rappellerai d’où vient cette préoccupation. La crise de 2008 a été avant tout une crise financière, une crise liée à la dérégulation financière et bancaire. La réponse à cette dérégulation réside donc dans la construction de cette union bancaire.

De quoi s’agit-il ? Cette union bancaire a trois dimensions. Premièrement, la supervision : il s’agit d’évaluer l’état des banques, et si nécessaire, d’intervenir, par exemple en les recapitalisant via le Mécanisme européen de stabilité. Deuxième dimension, à laquelle la France est très attachée : la garantie des dépôts. Il s’agit de faire en sorte que les dépôts soient protégés, dans la limite de 100 000 euros. Une directive est en cours de préparation à ce sujet. Enfin, la troisième dimension fait actuellement l’objet de discussions : il s’agit de la résolution. Je serai ce soir, demain, et peut-être jusqu’à tard dans la nuit, à Bruxelles pour discuter de cela au conseil Ecofin. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Allons, allons, il n’y a aucune raison de s’énerver !

M. Pierre Moscovici, ministre. Que se passe-t-il quand une banque fait faillite ? Jusqu’à présent, c’étaient plutôt les contribuables qui étaient appelés pour combler les faillites. Désormais, grâce à l’union bancaire, ce seront les banques elles-mêmes : qui faute, paye ! Nous allons créer un mécanisme de résolution unique, un fonds de résolution unique, alimentés par les banques. Ce sera une percée tout à fait décisive, qui permettra de mettre derrière nous la fragilité financière, qui mettra fin à la fragmentation financière en Europe, qui protégera d’abord les déposants, puis les contribuables, puis les finances publiques. Nous pourrons dire que sous l’impulsion du Président de la République, l’Europe aura changé d’orientation. L’union monétaire sera complétée par une véritable régulation financière et bancaire. C’est un dossier d’une importance décisive, sur lequel la France est tout à fait à l’initiative !

M. Guy Geoffroy. Quel succès !

Pouvoir d’achat et impôts

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances. Tous les indicateurs montrent un développement de la pauvreté dans notre pays, une situation que ne va pas améliorer votre refus de tout « coup de pouce » au SMIC.

En France, aujourd’hui, une personne sur deux perçoit moins de 1 600 euros par mois, mais cela ne vous empêche pas de décider d’augmenter la TVA au 1erjanvier prochain, l’impôt le plus injuste qui soit et que d’ailleurs nous combattions ensemble lorsque vous étiez dans l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

De plus, le maintien pour 2013 du gel du barème de l’impôt sur les revenus, qui se traduira mécaniquement par une hausse de son montant en septembre prochain, aura pour conséquence de rendre imposables sur le revenu près d’un million de contribuables supplémentaires.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Philippe Cochet. C’est ça, la gauche !

Mme Jacqueline Fraysse. En cette période de fin d’année, j’ai rencontré beaucoup de personnes âgées, qui sont venues me dire les conséquences en cascade qu’a entraînées cette modification de leur statut fiscal. Elles ont notamment perdu le bénéfice de l’exonération de la contribution à l’audiovisuel public ainsi que de différentes contributions sociales, comme la CSG ou la CRDS.

Vous venez de décider enfin de mettre fin au gel du barème de l’impôt pour l’année prochaine, mais ceux qui sont devenus imposables sur leurs revenus perçus en 2012 et en 2013 le resteront.

M. Philippe Cochet. À part ça, tout va bien !

Mme Jacqueline Fraysse. Le Premier ministre a annoncé une « remise à plat » de notre fiscalité, sans en préciser ni le contenu, ni le calendrier. Pourtant, certains ne peuvent plus attendre.

Ma question est donc la suivante : que comptez-vous faire pour que les personnes dont les ressources sont inférieures au revenu médian, soit 1 600 euros par mois, ne soient pas imposées plus fortement qu’auparavant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la députée, je voudrais d’abord vous rappeler la situation dans laquelle se trouvait la France en mai 2012, situation dont les Français continuent à payer le prix. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP.)

L’ardoise est bien présente, et elle est constituée de déficits massifs, d’un endettement du pays important, d’un chômage qui atteint des niveaux beaucoup trop élevés, notamment chez les jeunes. Cela exigeait un travail de redressement des finances publiques et du tissu productif. Ce redressement, la majorité est en train de le conduire.



M. Philippe Cochet. Personne ne vous croit !

M. Pierre Moscovici, ministre. Il passe effectivement par une politique de sérieux budgétaire maîtrisé, qui accompagne une politique de croissance, et qui fixe des priorités : l’éducation, l’emploi, la sécurité et la justice. C’est le bon cap pour permettre au pays de sortir de l’ornière dans laquelle la droite l’avait laissé.

Le pouvoir d’achat est une préoccupation que nous partageons. (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Cochet. Et la pause fiscale ?

M. le président. S’il vous plaît !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je voudrais vous rappeler que c’est cette majorité qui a augmenté de 25 % l’allocation de rentrée scolaire. C’est cette majorité qui a permis à ceux qui avaient commencé à travailler tôt de partir à la retraite à soixante ans. C’est cette majorité qui a, d’emblée, donné un coup de pouce au SMIC. C’est cette majorité qui agit sur les dépenses contraintes – le gaz, l’électricité. À cet égard, vous savez que la hausse de l’électricité sera maîtrisée dans les années qui viennent. C’est cette majorité qui met fin au gel du barème décidé par la droite.

Dans ce contexte, madame, vous devriez d’abord reconnaître les avancées et le changement intervenu en matière d’emploi, de croissance, et de pouvoir d’achat. Quant à la remise à plat de la fiscalité, soyez certaine que le Premier ministre a dans l’esprit de la mettre au service de la justice et du pouvoir d’achat. Cette préoccupation tiendra une place importante dans nos travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Jour de carence dans la fonction publique

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Arlette Grosskost. Monsieur le président, ma question s’adresse à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Nous entendons de façon récurrente le Gouvernement appeler les citoyens à participer à l’effort collectif du redressement des comptes publics. Selon ses affirmations péremptoires, il rétablirait la justice et l’équité.

Pourtant, madame la ministre, dans le projet de loi de finances pour 2014, vous supprimez le jour de carence des fonctionnaires, mis en place par le précédent Gouvernement. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Il visait à lutter contre l’absentéisme, à contenir la progression des indemnités journalières et surtout à réduire les disparités avec les entreprises privées – y compris les très petites entreprises, les artisans, les commerçants et les professions libérales –, où il y a trois jours de carence. Cette mesure a prouvé son efficacité : une baisse moyenne de 40 % du nombre d’arrêts maladie d’une journée.

En réalité, vous entendez donner satisfaction aux syndicats de fonctionnaires, qui jugeaient cette mesure vexatoire, et il en coûtera rien de moins que 160 millions d’euros dans le prochain budget !

Est-ce là votre conception de la justice et de la solidarité que de creuser le fossé entre le public et le privé, le fossé entre ces salariés du privé, qui vivent de plus en plus dans l’angoisse quotidienne de perdre leur travail et de ne plus pouvoir en retrouver, et ces salariés du public qui, quoi qu’il arrive, atteindront l’âge de la retraite, lequel, de surcroît, reste anticipé pour nombre d’entre eux ? Nous sommes là dans l’indécence totale, à seule fin de satisfaire à un clientélisme ciblé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Non, toutes les entreprises ne souscrivent pas à des assurances complémentaires, car cela représente une surcharge certaine, et l’argument est d’autant plus incompréhensible que le projet de loi de finances soumet à l’impôt sur le revenu les cotisations complémentaires prises en charge par les employeurs.

Vous justifiez notamment votre décision par le gel, depuis 2010, du point d’indice des fonctionnaires. Est-ce un motif suffisant, alors que le secteur privé, avec son chômage partiel, ses licenciements, ses modérations salariales négociées, n’a pu, dans sa majorité, empêcher la baisse du pouvoir d’achat de ses salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Madame la députée, il est vrai que la participation des fonctionnaires à la solidarité se traduit par le gel, depuis quatre ans maintenant, de leur point d’indice. Ils ont aussi, je vous le rappelle, été appelés à cotiser pour ceux qui sont en fin de droits dans le privé – on oublie toujours de le mentionner.

S’agissant du jour de carence, vous faites référence à une enquête qui vient d’être publiée par des assureurs. Lesdits assureurs ont pris pour base de travail, je le souligne, les salariés assurés, car, à l’annonce de l’instauration du jour de carence, un certain nombre de collectivités territoriales ont commencé à négocier sa couverture avec des assureurs.

Quant au secteur privé, il ne reste heureusement plus que 23 % de ses salariés qui ont à subir le jour de carence. Au demeurant, les contrats collectifs proposés par les assureurs en question couvrent à 100 % les trois jours de carence, au prix d’une importante cotisation des employeurs, proportion qui tombe à 47 % environ pour les salariés des petites entreprises.

Vous souhaitez que 100 % des fonctionnaires se voient retenir leur jour de carence, contre seulement 23 % des salariés du privé. Ce ne serait pas juste.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas vrai !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Enfin, et surtout, je voudrais vous faire observer une chose : ces assureurs étaient enchantés de l’instauration du jour de carence, car cela leur ouvrait un marché extraordinaire. Pour 8 à 12 euros par salarié et par mois, ils proposaient en effet aux maires et aux présidents de collectivités territoriales de couvrir ce jour de carence. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. Travaillez donc avec les assureurs !

M. Hervé Mariton. Vous mélangez tout !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’admets que l’on puisse être à la recherche de nouveaux marchés, mais je préfère la solidarité au marché. Si les assureurs devaient couvrir, madame la députée, le jour de carence dans le public comme dans le privé, cela coûterait bien plus de 160 millions d’euros ! D’accord pour le marché, mais la solidarité d’abord ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Taxe sur les salaires dans le secteur associatif

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marie-Lou Marcel. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Le secteur associatif est une richesse considérable pour la France. C’est un pilier du lien social dans nos territoires, créatif et porteur d’emplois. Treize millions de nos concitoyens sont membres d’une association et contribuent à la vitalité sportive, culturelle, citoyenne, sociale, éducative, environnementale et économique de notre pays.

En outre, le secteur associatif emploie 1,8 million de salariés répartis dans 165 000 associations. Notre majorité, qui a placé l’emploi au cœur de son action, entend encourager l’emploi associatif. Pour cette raison, à compter du 1er janvier 2014, l’abattement portant sur la taxe sur les salaires versés par les associations sera porté de 6 000 à 20 000 euros. Ces 14 000 euros supplémentaires leur permettront de disposer de nouvelles marges de manœuvre financières pour procéder à de nouvelles embauches ou conduire de nouveaux projets.

Grâce à cette mesure, ce sont 70 % des associations qui seront, ainsi, purement et simplement exonérées de taxe sur les salaires. Chers collègues, cet effort de 314 millions d’euros pour les finances publiques complète notre stratégie pour l’emploi avec le CICE, les contrats de génération, les emplois d’avenir et la nouvelle politique industrielle. Comme l’a montré un récent rapport parlementaire, le secteur non lucratif est, lui aussi, mobilisé pour mener la bataille de l’emploi.

C’est en direction de ce monde associatif qui fait la richesse de notre pays que le Gouvernement vient d’adresser un signal fort. Aussi, pouvez-vous nous dire, Monsieur le ministre, quels effets aura la baisse de la taxe sur les salaires pour l’emploi dans le secteur associatif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Madame la députée Maire-Lou Marcel, vous m’interrogez sur la fiscalité des associations et, plus généralement, sur celle des acteurs privés non lucratifs, sujets sur lesquels quatre de vos collègues – Laurent Grandguillaume, Régis Juanico, Jérôme Guedj et Yves Blein – viennent de rendre un rapport important au Premier ministre. On compte, en France, environ 170 000 associations employeurs, lesquelles emploient à peu près 1,9 million de personnes. Nombre d’entre elles sont extrêmement actives sur des marchés très concurrentiels dans les domaines de la santé, du médico-social, du tourisme, de la culture et du recyclage.

Elles sont alors face, car telle est la réalité de cette concurrence, à des entreprises commerciales, donc des acteurs privés lucratifs, qui, bénéficient du CICE puisqu’elles paient l’impôt sur les sociétés, ce qui crée un avantage comparatif favorable aux entreprises classiques et défavorable aux acteurs privés non lucratifs. Il convenait donc de trouver des solutions pour lutter contre cette distorsion de concurrence qui amène aujourd’hui à ce que, sur certains marchés, des entreprises commerciales soient plus subventionnées que des acteurs privés non lucratifs.

La réponse du Gouvernement est double. Il prend d’abord acte, dans le cadre de la remise à plat de la fiscalité, des propositions des quatre parlementaires qui figurent dans le rapport qu’ils ont remis au Premier ministre. Il a également voulu aller plus loin. Ainsi, l’abattement de la taxe sur les salaires voté dès l’année dernière passe de 6 000 à 20 000 euros pour toutes les associations françaises employeurs. Les associations qui emploient jusqu’à quinze salariés ne paieront donc plus de taxe sur les salaires.

Cela représente l’équivalent d’une aide de 14 000 euros pour toutes ces associations qui souffrent de la baisse des subventions. Nous avons, dans la loi relative à l’économie sociale et solidaire, sécurisé la subvention et permis, par cette mesure qui représente un effort de 314 millions d’euros, à 70 % des associations employeurs françaises, de ne plus payer la taxe sur les salaires. C’est donc grâce à la majorité de gauche qu’un tel résultat est atteint ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

SNCM

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Tian. Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur l’avenir de la Société nationale maritime Corse Méditerranée. Nous craignons tous un possible dépôt de bilan de la SNCM qui pourrait entraîner plus de 2 000 licenciements à Marseille et en Corse. Jean-Claude Gaudin vient de vous écrire pour vous rappeler les engagements que vous avez pris, au nom de l’État, lors de votre tournée électorale marseillaise.

Alors que la situation est de plus en plus dramatique et que l’on parle d’une possible cessation d’activités avant la fin du mois de décembre, c’est un silence assourdissant de la part du Gouvernement. Je vais donc vous rappeler, monsieur le Premier ministre ainsi qu’à M. Cuvillier, ministre des transports, l’agenda de cette semaine.

Jeudi 19 décembre, donc dans deux jours, les syndicats se prononceront sur le plan de restructuration qui prévoit 415 suppressions de postes par départs volontaires ou non-remplacements. Le même jour, la collectivité corse se prononcera sur les nouvelles obligations de service public dans le cadre de la continuité territoriale, ce qui donne lieu à deux préavis de grève reconductibles déposés à partir du 1er janvier. Vendredi, enfin, se réunira le conseil d’administration qui pourrait conduire au dépôt de bilan de cette société.

Monsieur le Premier ministre, devant une situation d’une telle complexité et s’agissant tout de même de plus de 2 000 emplois et de la desserte de la Corse, comment justifiez-vous que l’État reste muet et inerte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député Dominique Tian, je veux, tout d’abord, excuser Frédéric Cuvillier qui assiste actuellement au Conseil des ministres européens de la pêche. Le Gouvernement suit avec une grande attention ce dossier.

M. Bernard Deflesselles. Nous sommes vraiment rassurés !

M. Philippe Martin, ministre. Un projet industriel a été validé, cet été, par le conseil de surveillance de l’entreprise qui prévoit, notamment, de renouveler une partie de la flotte des navires. Les négociations sociales avancent et les salariés de la SNCM jouent le jeu. Ils se prononceront, comme vous l’avez précisé, par référendum le 19 décembre prochain. Les actionnaires de la SNCM ont fait le nécessaire pour assurer le financement de l’exploitation pendant cette année 2013, laquelle a été difficile pour l’entreprise.

Le principal obstacle a été franchi en septembre, puisque la collectivité territoriale de Corse a décidé d’attribuer la délégation de service public – DSP – à la SNCM et à la CMN, la Compagnie méridionale de navigation, entre 2014 et 2023, ce qui donne une véritable perspective pour l’entreprise et ses salariés. Depuis le 11 octobre, une procédure amiable de conciliation a démarré pour trouver une solution aux problèmes de trésorerie à court terme. Par ailleurs, Veolia Transdev et Veolia Environnement ont fait une avance de trésorerie de 17 millions d’euros, il y a quelques semaines.

De son côté, l’État actionnaire a également fait une nouvelle avance de 10 millions d’euros à la SNCM. La Commission européenne critique les conditions de privatisation en 2006 et lui demande de rembourser des aides qu’elle considère illégales. Nous contestons cette décision et nous avons engagé tous les recours possibles devant la Cour de justice.

Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement n’est pas muet. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il est, au contraire, déterminé à trouver une solution permettant de sauvegarder l’emploi, d’assurer la continuité territoriale entre le continent et la Corse et de garantir un avenir à cette compagnie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aide au développement

M. le président. La parole est à M. Jean-René Marsac, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-René Marsac. Ma question s’adresse à M. Pascal Canfin, ministre chargé du développement.

Monsieur le ministre, vous avez présenté mercredi dernier en conseil des ministres un projet de loi d’orientation et de programmation relatif à la politique de développement et de solidarité internationale. C’est le tout premier projet de loi dans ce domaine. Il est issu d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs, à travers les Assises du développement conclues par le Président de la République le 1er mars et le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, présidé par le Premier ministre le 31 juillet, et qui ne s’était pas réuni depuis 2009.

Ces éléments traduisent l’engagement du Gouvernement dans la rénovation de la politique du développement et de la coopération.

Ce sera une politique plus transparente. Grâce à cette loi, le Parlement pourra débattre non seulement du budget, mais aussi des orientations et des priorités de la politique du développement. Il évaluera l’impact de notre aide au développement en examinant un rapport que le Gouvernement transmettra tous les deux ans. La société civile sera, elle aussi, associée aux décisions par l’intermédiaire du Conseil national du développement et de la solidarité internationale qui vient d’être créé.

Le Sommet pour la paix et la sécurité en Afrique, qui s’est tenu à l’Élysée les 6 et 7 décembre, a été l’occasion de rappeler les priorités de notre politique de soutien au développement de l’Afrique, et en particulier à celui des seize pays dits prioritaires, qui comptent parmi les plus pauvres. Vous soulignez que 50 % des dons leur seront réservés. Comment proposez-vous d’améliorer l’efficacité de cette politique de dons ? Quelle politique d’annulation ou de réduction des dettes comptez-vous mettre en œuvre pour leur permettre de sortir du surendettement ?

Notre budget d’aide au développement est lui-même touché par les difficultés budgétaires que nous connaissons, et pourtant il nous faut garder le cap vers l’objectif de 0,7 % du produit national brut. Quelles perspectives nouvelles se dégagent pour le financement de cette politique ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du développement.

M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement. Vous avez raison, monsieur le député, ce projet de loi était un engagement du Président de la République, et cet engagement est aujourd’hui tenu. C’est le premier, dans toute l’histoire de la République, à être consacré à ce sujet qui était auparavant le monopole de l’exécutif, et qui sera désormais l’objet d’un contrôle démocratique du Parlement. Nous en débattrons à partir du mois de janvier, et vous pourrez ainsi voter sur les finalités et sur les modalités de notre politique de développement. C’est une profonde avancée démocratique, qui nous fera progresser sur tous les fronts : transparence, redevabilité, évaluation, qualité, efficacité.

Cette loi aussi un symbole fort qui, comme l’expliquait le Premier ministre il y a quelques jours ici lors du débat sur la Centrafrique, tourne la page de la Françafrique. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Quand nous soulignons le fait que nous tournons enfin la page de la Françafrique, il y a bizarrement des critiques sur les bancs de la droite. Peut-être êtes-vous nostalgiques (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP) de la période où Robert Bourgi circulait dans les couloirs de l’Élysée, où Claude Guéant était secrétaire général de l’Élysée, avec tous ses réseaux ? (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes écologiste et SRC.)

Ce combat pour la transparence, ce combat pour les nouvelles relations avec l’Afrique, c’est un combat de la gauche depuis trente ans. Cette loi, nous pouvons la dédier à Stéphane Hessel et à Jean-Pierre Cot. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes écologiste et SRC.)

Redécoupage cantonal

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guillaume Chevrollier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Alors que la France voit son chômage augmenter de 1 000 chômeurs par jour, que fait votre gouvernement ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Rien !

M. Guillaume Chevrollier. Alors que des PME et TPE déposent leur bilan chaque jour, que fait votre gouvernement ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Rien !

M. Guillaume Chevrollier. Votre gouvernement juge prioritaire de modifier les modes de scrutin de presque toutes nos élections. Après les municipales, les sénatoriales, vous vous êtes attaqués aux cantonales en introduisant un concept inédit et improbable, le binôme paritaire, binôme qui sera source de conflits et d’incohérences, binôme qui va augmenter le nombre d’élus alors que la priorité est à la baisse de la dépense publique,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Guillaume Chevrollier. …binôme qui va imposer un redécoupage des cantons, dont le nombre sera divisé par deux, au détriment des territoires ruraux.

Cette ruralité qui représente 80 % du territoire national sera gravement pénalisée. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Ce redécoupage donne l’occasion à votre ministre de l’intérieur de faire une grande opération de charcutage électoral.

De nombreux députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Guillaume Chevrollier. On le voit dans tous les départements. Dans la Mayenne, par exemple, des intercommunalités seront scindées, et Laval, ville préfecture, est privilégiée au détriment des cantons ruraux.

Alors, monsieur le Premier ministre, occupez-vous de l’emploi du pouvoir d’achat, de la sécurité des Français, et stoppez votre ministre de l’intérieur dans son travail de tripatouillage électoral ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, l’Assemblée nationale a voté en lecture définitive une loi qui s’impose à tous, qui est désormais une loi de la République, et qui prévoit tout simplement de mettre en œuvre les principes émis par le Conseil constitutionnel concernant l’équilibre démographique. Tout redécoupage, notamment celui qu’aurait entraîné l’application de la loi instituant le conseiller territorial, aurait dû respecter les mêmes principes. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais non !

M. Yves Censi. C’est faux !

M. Manuel Valls, ministre. Le second élément qui va s’imposer, celui qu’au fond vous n’acceptez pas, c’est la parité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) La proportion de femmes dans nos départements passera ainsi de 13,5 % à 50 %. Comme vous êtes, à juste titre, contre le scrutin de liste, il n’y avait pas d’autre solution que le scrutin binominal.

En tenant compte de ces principes, un redécoupage se met en œuvre, dans la concertation (« Non ! » sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI), avec, bien sûr des désaccords, parce que c’est difficile, et le Conseil d’État l’examine, décret après décret.

Il se trouve que j’étais ce matin à Reims, où l’on m’expliquait que la ville était à cheval sur quatre des cinq circonscriptions du département. Je me suis dit que c’était exactement ce qu’il ne fallait pas faire. On a tripatouillé et charcuté pour les circonscriptions législatives. Nous, nous en tenons à des principes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Philippe Meunier. Fossoyeur !

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente



Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Fixation de l’ordre du jour

Mme la présidente. La Conférence des présidents, réunie ce matin, a inscrit à l’ordre du jour de la semaine de l’Assemblée du 20 janvier 2014 les textes suivants :

Projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes ;

Lecture définitive des projets de loi organique et ordinaire interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de parlementaire et de représentant au Parlement européen ;

Proposition de loi relative aux moniteurs de ski ;

Proposition de loi constitutionnelle visant à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

3

Égalité des territoires

Discussion d’une proposition de résolution

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Bruno Le Roux et de plusieurs de ses collègues pour la promotion d’une politique d’égalité des territoires (n1588).

La parole est à M. Alain Calmette.

M. Alain Calmette. Madame la présidente, madame la ministre de l’égalité des territoires et du logement, mes chers collègues, je suis très heureux que notre assemblée puisse se saisir, durant quelques dizaines de minutes, du thème de l’égalité des territoires en général et de celui de la ruralité en particulier.

La création d’un ministère de l’égalité des territoires et la création prochaine du commissariat général à l’égalité des territoires regroupant en son sein à la fois les problématiques urbaines et rurales traduisent la volonté gouvernementale de ne pas opposer ville et campagne mais, au contraire, de privilégier leur complémentarité pour favoriser la cohésion territoriale de notre pays.

Néanmoins, dans le cadre de cette démarche globale, on est obligé de spécialiser les discours et les textes, afin de mieux appréhender les spécificités des situations difficiles des territoires en souffrance, que ce soient les zones urbaines délaissées, les territoires périurbains non maîtrisés ou les espaces ruraux isolés.

Cette proposition de résolution insiste sur ces derniers, dans le contexte d’une actualité législative très tournée vers la ville. Nous avons en effet voté, le 27 novembre, la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine et, aujourd’hui même, une CMP se réunit pour examiner le projet de loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles, que notre assemblée a voté jeudi dernier.

La fracture territoriale s’est accentuée ces dernières années, notamment sous les effets de la crise. Certes, les territoires sont inégaux par nature mais, lorsque cette inégalité géographique se traduit par des inégalités de destin entre citoyens du fait du territoire de naissance ou de résidence, cela devient une problématique d’égalité républicaine.

Cette situation n’est pas acceptable, d’autant que la fracture territoriale s’aggrave, non plus entre les régions elles-mêmes mais, plus récemment, à des échelles plus fines, au niveau infra-régional. On entend souvent, sur les bancs de l’UMP, des députés dénoncer, notamment lors des questions au Gouvernement, un gouvernement qui abandonnerait la ruralité,…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Totalement !

M. Yannick Favennec. Ils ont raison !

M. Alain Calmette. …en prenant comme exemples le nouveau découpage électoral – nous l’avons encore entendu il y a quelques instants – ou la réforme des rythmes scolaires. Si le découpage résulte d’une nécessaire égalité démographique des cantons et du nécessaire respect de la parité, les difficultés d’application de la réforme des rythmes scolaires sont davantage le révélateur d’une situation dégradée que la véritable cause du problème.

En réalité, ces dix dernières années ont été marquées par une conception libérale de l’aménagement du territoire très préjudiciable au monde rural. Elle s’est traduite, tout d’abord, par la compétition entre les territoires, avec les procédures d’appels à projets et les résultats que l’on connaît aujourd’hui, à savoir une concentration des moyens sur les territoires capables d’y répondre, c’est-à-dire ceux disposant d’une forte ingénierie et de capacités de financement. Elle s’est traduite ensuite, et dans le même temps – ce n’est pas si vieux –, par une RGPP aveugle : certains territoires ont subi des retraits massifs décidés par plusieurs administrations centrales étanches entre elles, ignorant les conséquences transversales catastrophiques de tels cumuls.

Les effets de cette politique organisant la compétition entre les territoires, tout en réduisant, parfois massivement, la présence des services publics, ont suscité, chez les populations concernées, un sentiment très fort d’oubli, de relégation, voire d’abandon, synonyme de décrochage irréversible.

Si l’affirmation et le développement des métropoles sont une évidente nécessité, pour permettre à celles-ci de trouver leur force dans l’échange avec leurs alter ego européens et mondiaux, ce scénario de l’entraînement n’est pas acceptable car il conduirait à cacher, derrière une performance collective nationale, des disparités territoriales très aggravées et préjudiciables à la cohésion nationale. Il faut donc trouver un autre chemin pour l’équilibre territorial en repensant les outils traditionnels, en commençant par la péréquation et le zonage.

En matière de péréquation, de multiples rapports, notamment parlementaires, insistent sur la complexité et, surtout, les limites des politiques de péréquation verticale et sur la nécessité de renforcer considérablement la péréquation horizontale, outil de solidarité entre territoires.

En matière de zonage, les espaces ruraux isolés, au même titre que les territoires périurbains délaissés, doivent pouvoir faire l’objet de politiques différenciées. Compte tenu du contexte budgétaire, il conviendrait de repenser les zonages en vue d’une plus grande efficacité, en concentrant les moyens sur les territoires les plus fragiles, en voie de décrochage territorial.

La vie quotidienne en milieu rural pourrait également être améliorée grâce à une procédure d’adaptabilité des normes, qui permette de rendre celles-ci plus compatibles et surtout mieux proportionnées aux possibilités des territoires concernés. Toutefois, la recherche de l’égalité des territoires ne peut plus être l’apanage de l’État. Depuis la décentralisation, les collectivités territoriales sont les principaux acteurs du développement des territoires.

M. Olivier Marleix. Que font les régions ?

M. Alain Calmette. Les intercommunalités, qui désormais couvrent l’ensemble du territoire, doivent passer à la vitesse supérieure, se structurer autour de projets et surtout s’organiser à une échelle pertinente pour prendre toute leur place dans les négociations avec les autres niveaux de collectivité et les grands partenaires institutionnels et privés. Les pôles territoriaux d’équilibre, introduits par le projet de loi sur l’affirmation des métropoles, sont une réponse adaptée à cette nécessité.

L’ambition portée par cette proposition de résolution tient en une phrase : « Traiter les liens autant que les lieux ».

Une politique des lieux doit non seulement favoriser une géographie prioritaire resserrée pour éviter tout saupoudrage, mais aussi évoluer dans sa conception même, pour donner la priorité aux bourgs et petites villes qui ont un fort potentiel de maillage en matière de services et d’aménités de proximité. La revitalisation de ces pôles de proximité est primordiale si l’on veut garantir l’égalité des territoires. Pour ce faire, le premier enjeu est de sortir du cloisonnement des politiques sectorielles de droit commun pour adopter une approche territoriale intégrée.

Cette politique transversale, plus géographique que thématique, pourrait être complétée par des contrats de revitalisation des bourgs. L’État et les grands opérateurs s’engageraient à y maintenir les services publics de base : gendarmerie, police, justice, école, Poste, santé, numérique… Ces contrats de revitalisation permettraient plus largement la mise en œuvre d’une véritable politique de renouvellement urbain afin de rendre à nouveau les centres anciens de ces bourgs attractifs pour les jeunes ménages, les seniors, mais aussi les artisans et commerçants. Il est à noter, à ce propos, que la DATAR a repéré 1 200 pôles de proximité dans notre pays, soit un nombre équivalent à celui des quartiers éligibles à la politique de la ville ces dernières années.

Par ailleurs, une politique des liens consisterait à rendre systématique la coopération entre les territoires et à inciter au partage des stratégies de développement et d’aménagement portées aux différents niveaux de collectivité. Le Gouvernement a proposé un cadre de négociation, les conférences territoriales de l’action publique, pouvant déboucher sur des conventions portant sur une très grande variété de politiques : énergie, tourisme, déchets, gestion de l’eau… Ces conventions pourraient permettre d’expérimenter des coopérations ville-campagne débouchant sur des actions concrètes de réciprocité territoriale, tout en reconnaissant les spécificités du monde rural, notamment sa faible densité, sa vocation agricole et productive, ses enjeux paysagers et environnementaux. La capacité à construire des accords stratégiques entre territoires, sous le pilotage de l’État, sera l’un des moteurs de l’égalité des territoires.

Chers collègues, faire émerger des lieux de vie de proximité et encourager la coopération entre territoires : c’est bien en tenant les deux bouts de la chaîne que la politique d’égalité des territoires permettra de répondre réellement au sentiment d’abandon des populations des territoires les plus fragiles et de rétablir la place de tous les territoires dans le projet républicain.

C’est donc à une vision moderne de la ruralité que nous vous invitons. Une conception non pas frileuse, repliée sur elle-même, voire nostalgique ou passéiste, mais une conception ouverte, contractuelle, fondée sur la conviction que les espaces ruraux peuvent être un atout pour la performance collective de notre pays, pour peu qu’on leur permette de tirer profit de toutes leurs potentialités, de celles des hommes et des femmes qui y vivent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de résolution du groupe socialiste pour la promotion d’une politique d’égalité des territoires. Cette proposition de résolution fait écho à la promesse n28 du candidat François Hollande, qui s’engageait à « lutter contre la fracture territoriale » ; dix-neuf mois après le début du mandat du Président de la République, alors que nous en sommes déjà au tiers, vous nous proposez d’adopter une résolution, texte qui, dans notre hiérarchie des normes, a à peu près la force juridique d’une lettre au Père Noël.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Excellent !

M. Yannick Favennec. Très bien !

M. Olivier Marleix. On pourrait observer que c’est de saison, mais, alors que la France est en crise, que les Français continuent depuis dix-huit mois de s’enfoncer dans le chômage, que des centaines d’entreprises sont, à l’heure où nous parlons, dans les pires difficultés économiques, et alors que les Français des territoires ruraux sont probablement ceux qui souffrent le plus, parce qu’ils n’en peuvent plus de payer toujours plus et de n’être jamais bénéficiaires, ou si peu, de la redistribution, eh bien, vous, vous inscrivez à l’ordre du jour du Parlement – avec, on peut le voir, un réel succès dans les rangs des députés socialistes, présents en masse –…

Mme Brigitte Bourguignon. Et les vôtres ?

M. Olivier Marleix. …la lettre des Bisounours au Père Noël. Dans le même temps, on n’a toujours pas obtenu l’inscription d’un débat sur la réforme de la PAC, qui concerne un million d’agriculteurs dans notre pays.

M. Yannick Favennec. Très bien !

M. Olivier Marleix. La seule façon de considérer que notre débat ait quelque utilité, ce serait d’y voir un appel un peu désespéré de la majorité au Gouvernement pour qu’il respecte enfin, avant que ce douloureux mandat ne s’achève, sa promesse de faire un peu en faveur de l’égalité des territoires.

L’aménagement du territoire aurait pu être, je le crois sincèrement, madame la ministre, un sujet de consensus national, comme il l’a longtemps été par le passé. Car la situation actuelle est le fruit d’une grande politique largement partagée et utile à la France : la politique d’aménagement du territoire inventée par Olivier Guichard dans les années soixante, qui consistait à répondre au diagnostic posé quelques années plus tôt par Jean-François Gravier dans son célèbre ouvrage, Paris et le désert français.

Cette politique a permis, en mobilisant d’énormes moyens publics en infrastructures de transports – autoroutes, TGV, plus récemment tramways – ainsi qu’en équipements publics, l’émergence de grandes capitales régionales, de sorte qu’aujourd’hui Marseille, Lyon, Lille, Toulouse, Bordeaux, Nantes et quelques autres sont de grandes métropoles attractives à l’échelle européenne. Personne ne doit regretter cet effort national.

Mais aujourd’hui, force est de constater que cette politique doit être rééquilibrée et que ce qui a fait défaut, c’est l’équilibre à l’intérieur des régions. Cela aurait dû être le rôle des conseils régionaux, qui ont reçu cette compétence d’aménagement du territoire de la première loi de décentralisation en 1982. Il n’existe malheureusement pas d’analyse de la répartition des crédits d’intervention des conseils régionaux sur leurs territoires, mais il y a tout lieu de penser que ces crédits suivent en grande partie ceux de l’État au sein des CPER – les contrats de plan État-région – qui vont, aux deux tiers, au seul département chef-lieu de région.

Le texte de la résolution évoque la « compétition entre les territoires » qu’aurait organisée le précédent gouvernement ! À l’échelle internationale, oui, il y a compétition entre les territoires et il faut nous battre ; mais est-il normal que les conseils régionaux eux-mêmes consacrent tant de moyens au développement de leurs pôles urbains et si peu à celui des territoires ruraux, au détriment de leur mission d’aménagement du territoire de la région ? Pour ma part, je ne le crois pas, et je pense qu’il y aurait là matière à réfléchir – réflexion qui pourrait être largement partagée sur les bancs de cette assemblée –, en vue de l’élaboration des prochains contrats de plan État-région ou des documents d’orientation, à la répartition des fonds européens, qui doit se faire avec plus de justice et d’égalité à l’intérieur des régions.

L’aménagement du territoire aurait pu rester aussi un sujet de consensus, car les acteurs publics, tous, sans exception, ont été pris de court par un phénomène qui aurait dû conduire à une remise à plat complète de notre politique d’aménagement du territoire : celui de la mobilité des personnes, influencée notamment par l’héliotropisme.

Ce phénomène, qui voit le département de l’Hérault gagner 12 000 habitants par an depuis vingt ans ou la communauté urbaine de Toulouse accueillir plus de 20 000 habitants nouveaux chaque année – presque 2 000 par mois –, doit appeler une réponse forte de la part de ceux qui prétendent faire de l’aménagement du territoire. L’État ne peut pas se contenter d’accompagner ce déménagement du territoire.

J’ai dit, madame la ministre, que ces sujets auraient pu être consensuels, mais ils ne le sont pas, parce qu’à défaut de répondre à ce besoin urgent d’une politique de rééquilibrage en faveur du monde rural, le Gouvernement s’est contenté de voir dans l’égalité des territoires un slogan électoral.

En 2011, le groupe socialiste, déjà riche d’initiatives, son président Jean-Marc Ayrault en tête, soumettait à l’Assemblée nationale une proposition de loi pour l’instauration d’un « bouclier rural au service des territoires d’avenir ».

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Du pipeau !

M. Olivier Marleix. Beaucoup de grands mots, pour un objectif simple : gagner le Sénat. Vous y êtes parvenus, et on connaît la suite…

Qu’est devenu, depuis, le bouclier rural de M. Ayrault ? Rien, évidemment, comme beaucoup de vos promesses de campagne !

Mes chers collègues, votre proposition de résolution ne peut s’empêcher de présenter la question de l’aménagement du territoire de façon caricaturale, l’État étant accusé d’avoir, ces vingt dernières années, « organisé la mise en retrait des territoires ». Mme Voynet, ministre de l’aménagement du territoire de Lionel Jospin pendant quatre ans, appréciera !

Pardon de sourire en relevant que pas une seule fois, dans les six pages que compte l’exposé des motifs de cette proposition de résolution, vous n’évoquez le rôle des régions, auxquelles l’État a transféré l’aménagement du territoire en 1982 ! Souvenez-vous des lois de décentralisation et, vous qui dirigez presque toutes les régions depuis douze ans, assumez vos responsabilités !

Vous oubliez aussi, évidemment – on n’en attendait pas moins de votre part – ce qui a été fait sous le précédent quinquennat : la création, en 2005, des pôles d’excellence rurale, qui ont permis de mobiliser, au bénéfice exclusif des territoires ruraux, 1,5 milliard d’euros au profit de 651 projets mêlant initiatives publiques et privées ;…

M. Yannick Favennec. Une excellente mesure !

M. Olivier Marleix. …les zones de revitalisation rurale, qui ont permis d’encourager la création d’activité par des exonérations fiscales et sociales à hauteur de plus de 500 millions d’euros par an – que vous avez décidé de réduire, mettant ainsi de nombreux organismes en difficulté – ; les maisons de santé, que Mme Touraine n’hésite pas à reprendre aujourd’hui à son compte.

Vous passez aussi sous silence les 2 milliards d’euros du grand emprunt pour le développement du très haut débit et de la fibre optique, dont un milliard d’euros sont réservés aux zones peu denses qui commencent à être déployées dans notre pays.

Vous oubliez enfin une politique volontariste en matière d’infrastructures de transports – lignes à grande vitesse ou infrastructures autoroutières –, alors même que le Gouvernement a abandonné tant de projets : je pense au projet POLT – Paris Orléans Limoges Toulouse –, par exemple, qui permettrait à notre collègue Calmette d’éviter huit heures et demie de train de nuit pour rejoindre sa bonne ville d’Aurillac,…

Mme Carole Delga. Et la suppression des TGI ?

M. Olivier Marleix. …ou à l’autoroute A154, dans mon département d’Eure-et-Loir, condamnant ces régions à l’éloignement des grands axes, et donc, au déclin par rapport aux territoires mieux desservis.

Madame la ministre, quel est le bilan de votre majorité au bout de dix-huit mois ? Depuis votre arrivée au pouvoir, vous n’avez mis en place aucun moyen nouveau pour apaiser le mal-être des territoires ruraux. Vous l’avez même aggravé.

Vous l’avez aggravé en réduisant drastiquement les moyens de l’aménagement du territoire, notamment ceux du FNADT qui, hors contrat de plan État-région, baissent de 20 % cette année, après une baisse de 17 % l’an dernier. C’est, parmi toutes les politiques publiques, celle qui subit probablement la plus forte baisse cette année. L’aménagement du territoire est une politique sacrifiée.

M. Yannick Favennec. Il a raison !

M. Olivier Marleix. Moins 20 %, madame la ministre : vous pouvez relire vos fiches.

L’inégalité entre les territoires s’est aggravée en matière de téléphonie mobile.

M. Yannick Favennec. C’est vrai !

M. Olivier Marleix. Les opérateurs – y compris l’opérateur historique, dont l’État est actionnaire à hauteur de 27 % – se livrent une concurrence effrénée sur le terrain de la 4G au bénéfice de quelques territoires urbains privilégiés, alors que, dans le même temps, le passage à la 3G a entraîné une dégradation technique de la couverture mobile dans la plupart des territoires ruraux, dont chacun d’entre nous est témoin dans sa circonscription.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Oui, c’est une catastrophe !

M. Olivier Marleix. En matière d’infrastructures de transports, qui sont la matrice de toute politique d’aménagement du territoire parce qu’elles déterminent la localisation de l’activité économique, le rapport de notre collègue Duron a ruiné les espoirs de nombreux territoires en actant le désengagement de l’État, parfois pour la simple et pitoyable raison qu’un accord électoral a été conclu entre le PS et le petit groupe politique que vous représentez, madame la ministre, et qui a interdit de prononcer le mot : « concession ». Mais s’il n’y a ni concessions ni écotaxe poids lourd, je ne vois pas comment nous pourrons financer à l’avenir des infrastructures de transports dans notre pays. Madame la ministre, j’attends votre réponse.

Vous avez également abandonné toute ambition de péréquation entre les régions,…

Mme Carole Delga. C’est faux ! Elle a été augmentée l’année dernière !

M. Olivier Marleix. …alors qu’une péréquation existe entre communes et entre départements. Sans doute est-ce trop demander aux régions que de mieux partager entre elles. En tout état de cause, vous avez abandonné toute ambition en la matière.

Enfin, madame la ministre, nos concitoyens des territoires ruraux découvrent en ce moment avec stupéfaction le mépris du Gouvernement à leur égard, avec les projets de redécoupage des cantons : il faut parfois quatre, cinq ou six de nos actuels cantons ruraux pour faire à l’avenir un seul canton. C’est évidemment la représentation politique de ces territoires qui est étouffée puisqu’en la matière, la seule égalité qu’a souhaité reconnaître le Gouvernement, c’est celle de la démographie, tandis que celle de l’égalité des territoires a été délibérément écartée. C’est pourtant votre raison d’être au sein de ce gouvernement.

La conséquence, nous la connaissons déjà, c’est la suppression de services publics en milieu rural, qui se prépare – je pense notamment aux trésoreries et aux gendarmeries.

Certes, le malaise des territoires ruraux existait déjà, hier – je ne cherche pas à le nier –, mais, aujourd’hui, à cause de votre matraquage fiscal, auquel ils n’échappent évidemment pas, ce malaise se mue en colère.

Les territoires ruraux paient toujours plus mais ne bénéficient jamais de la redistribution, ils n’ont jamais de retour. Ils paient pour le trou de la Sécu, mais ils n’ont pas d’hôpitaux, tout juste des médecins. Ils paient pour le système éducatif, alors qu’il y a de moins en moins de classes…

Mme Carole Delga. C’est faux !

M. Olivier Marleix. …et que l’université est souvent un horizon très éloigné. Ils paient pour une politique culturelle à laquelle ils n’ont pas accès parce qu’elle est devenue presque exclusivement urbaine. Ils paient pour le déficit des régimes spéciaux, notamment celui de la SNCF, alors que les trains ne s’arrêtent plus chez eux depuis longtemps. Il est plus que temps, mes chers collègues, de prendre de bonnes résolutions. Je vous rappelle qu’il ne vous reste plus que quarante mois pour les mettre en œuvre !

M. Yannick Favennec. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Mes chers collègues du groupe socialiste, nous sommes réunis pour examiner une proposition de résolution que vous avez déposée et dont l’objet est de promouvoir une politique d’égalité des territoires. Quel culot de présenter un texte qui met en lumière votre absence de politique dans ce domaine ! S’agit-il d’une soudaine prise de conscience ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Sûrement pas !

M. Yannick Favennec. D’une révélation tardive à l’approche des fêtes ? Le groupe socialiste est-il en train de se rendre compte des dégâts qu’il a provoqués sur le terrain, à tel point qu’il lui faudrait rappeler le Gouvernement à la notion d’égalité territoriale ?

Mme Brigitte Bourguignon. Non, il essaie de réparer !

M. Yannick Favennec. Quel est l’objectif poursuivi par cette proposition de résolution dont la portée est purement symbolique ? S’agit-il d’envoyer un signal de détresse au Gouvernement ? Tels des pompiers pyromanes, vous semblez vouloir vous racheter grâce à ce texte rempli de bonnes intentions. Eh bien, ne comptez pas sur les députés du groupe UDI pour vous donner l’absolution !

Car rarement les territoires de France n’auront été aussi malmenés que depuis votre arrivée au pouvoir.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Absolument !

M. Yannick Favennec. À vous lire, vous semblez découvrir cette France périphérique, cette France d’« à côté » – comme la qualifie souvent mon collègue François Sauvadet – dont des pans entiers sont aujourd’hui menacés de désertification.

Pourtant, nous n’avons cessé de rappeler que l’aménagement du territoire sera l’un des principaux défis que notre pays devra relever dans les années à venir. La France est un pays qui a une diversité de paysages, de situations, de vies, qui sont autant de traits de son identité, qui doivent être préservés et valorisés. Mais depuis quelques mois, je suis inquiet pour cette France abandonnée qui ne demande jamais rien, mais qui manifeste aujourd’hui une exaspération porteuse de risques pour la cohésion nationale.

La première réponse à apporter à cette colère, c’est évidemment la recherche de l’égalité territoriale. Mais dans ce domaine, l’État est aux abonnés absents depuis dix-huit mois. Il suffit de dresser le bilan de son action pour se rendre compte de la supercherie, de la provocation, que constitue ce texte.

D’abord, une réforme de la décentralisation menée sans la moindre cohérence : on commence par une réforme des métropoles, puis on passe aux régions, et enfin, on s’intéresse aux solidarités territoriales !

Cette réforme des métropoles est, du reste, lourde de menaces pour l’avenir de ces territoires. En effet, dès lors qu’elles pourront acquérir les compétences du conseil général, quelle sera la marge de manœuvre du département : répartir de faibles ressources entre des territoires ruraux confrontés aux mêmes difficultés ? Qui, demain, assurera cette solidarité territoriale quand vous aurez transformé les départements en vastes communautés de communes rurales sans moyens ?

Ensuite, une réduction historique des dotations aux collectivités, celles-là mêmes qui assurent encore la solidarité territoriale, alors qu’elles doivent faire face à une hausse constante de leurs charges : hausse du RSA, mineurs isolés, rythmes scolaires, jour de carence…

Que dire enfin des attaques répétées contre la ruralité, avec les incertitudes qui pèsent toujours sur le nouveau zonage des zones de revitalisation rurale ? de la disparition de l’ATESAT – l’assistance technique fournie par l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire ? du récent découpage des zonages des aides à finalité régionale ? Et j’en passe !

On le voit bien, le Gouvernement fait le choix de fonder le développement du pays sur le fait urbain. En disant cela, je n’oppose pas villes et campagnes, car nous avons besoin de grands pôles d’attractivité qui structurent l’activité économique dans nos territoires. Si nous combattons cette vision métropolitaine de notre pays, c’est parce qu’elle nie l’essence même de ce qu’est aujourd’hui la France. Cette vision, elle trouve sa traduction la plus violente dans le redécoupage en cours des cartes cantonales de nos départements ; je l’ai encore vérifié hier dans mon département de la Mayenne.

Mes chers collègues, je rappelle que ce redécoupage procède d’une loi qui a été rejetée trois fois par le Sénat, et qui n’a été adoptée ici qu’avec les voix du seul parti socialiste ! Au-delà du désordre territorial qu’elle provoquera dans nos territoires, avec l’instauration d’un binôme unique au monde, je tiens à alerter solennellement nos compatriotes sur ses conséquences quant au maintien de nos services publics de proximité.

M. Camille de Rocca Serra. Il a raison !

M. Yannick Favennec. En prétextant un rééquilibrage démographique des cantons, le Gouvernement s’adonne en réalité au plus grand charcutage jamais réalisé dans notre pays. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Carole Delga. Il y a des précédents, tout de même !

M. Yannick Favennec. Plus de la moitié des nouvelles cartes sont aujourd’hui parvenues aux conseils généraux, et le résultat est éloquent ! Une prime sans précédent est donnée aux agglomérations qui verront le nombre de leurs représentants multiplié par deux ou par trois. À l’inverse, c’est la fin de la représentation politique des territoires ruraux, qui perdront toute maîtrise de la politique de solidarité territoriale menée par nos départements.

Le découpage est fait en dehors de toute logique territoriale : les intercommunalités, les bassins de vie ne sont pas respectés ! Seul importe le fait de garantir l’élection des élus de gauche : les territoires favorables à la droite sont regroupés, tandis que ceux favorables à la gauche se retrouvent moins peuplés que la moyenne départementale.

Mme Carole Delga. C’est faux !

M. Yannick Favennec. Mais le plus inquiétant, c’est que Manuel Valls a péché par honnêteté – si j’ose dire ! – lors d’une séance au Sénat, en déclarant que « la nouvelle carte cantonale serait utilisée pour repenser l’organisation de l’État ».

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est inquiétant !

M. Yannick Favennec. Son intention est claire : avec le regroupement des cantons ruraux, des centaines de communes perdront leur qualité de chef-lieu du jour au lendemain. Or, ces derniers abritent toujours des services publics qui assurent un lien de proximité entre l’État et l’ensemble des habitants de nos territoires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

C’est donc une véritable bombe à retardement qui attend nos services publics en milieu rural : la gendarmerie, l’école, les centres d’incendie et de secours, les bureaux de poste, la perception et l’ensemble des services publics cantonaux… S’ils disparaissent, c’est le développement et l’attractivité de ces territoires qui seront également condamnés.

Mme Carole Delga. C’est votre bilan !

M. Yannick Favennec. Où sont passés les engagements pris par le Président de la République à Dijon, lorsqu’il parlait d’un pacte d’avenir avec les collectivités ? Comment peut-on faire confiance à une majorité qui a modifié la quasi totalité des modes de scrutin en moins d’un an – municipales, départementales, régionales, sénatoriales – pour favoriser la gauche, au détriment de toute logique d’aménagement du territoire ?

La proposition de résolution enchaîne les contrevérités et les prophéties auto-réalisatrices. On y explique d’emblée que la lutte contre la fracture territoriale a atteint son paroxysme historique lors de l’instauration d’un ministre en charge de l’égalité territoriale. Mais nous ne vous avons jamais entendu, madame la ministre, parler d’autre chose que du logement, soit dit sans vouloir vous faire injure ! Où étiez-vous lors de l’examen des textes qui ont mis à mal l’égalité territoriale dont vous êtes garante ? Êtes-vous consultée sur les cartes départementales qui sont en train de défigurer le visage de la France ?

Vous expliquez que les inégalités territoriales se mesurent désormais à l’échelle des bassins de vie et des intercommunalités. Vous avez raison, mais vous n’en faites aucun cas dans le redécoupage des cantons ! Tout ce que vous dénoncez – concentration des financements sur quelques pôles comme la compétition entre territoires et le retrait de l’État des enjeux de solidarité territoriale – précisément les lignes directrices de votre action depuis dix-huit mois ! Votre texte comporte tous les ingrédients de l’écran de fumée, soit une violente charge contre vos prédécesseurs, une absence totale d’autocritique et un catalogue de vœux pieux alors que les Français attendent désespérément des actes !

M. Olivier Marleix. Absolument !

M. Yannick Favennec. Il faut définir un contrat de service au public à l’échelle des bassins de vie et mettre en œuvre une sorte de « pack » territorial, prenant en compte toutes les étapes de la vie des habitants, de la petite enfance aux lieux de formation et d’apprentissage en passant par les écoles et les collèges, et qui engagerait tous les partenaires des services au public. Cela nécessite un effort fiscal adapté aux réalités territoriales. On ne peut demander davantage aux contribuables, car les territoires dont nous parlons sont moins peuplés. Il faut donc une politique de péréquation efficiente. La question des services doit aussi être liée au développement économique, ce qui implique la poursuite des investissements d’avenir, en matière de couverture numérique du territoire en particulier. Plusieurs départements ont tenté une expérimentation du pacte territorial, mais l’État ne joue pas le jeu, faute de vision interministérielle de l’aménagement du territoire.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Excellent !

M. Yannick Favennec. Chaque ministère joue sa partition et, in fine, le maillage territorial est la principale victime. Comme vous l’aurez compris, madame la ministre, tout cela appelle un nouvel acte de décentralisation, car la solidarité territoriale que vous entendez promouvoir ne se paie pas de mots et d’incantations mais d’actes. La proposition de résolution a été déposée quelques jours après le congrès des maires et quelques semaines avant les élections municipales, comme par hasard.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Comme par hasard !

M. Yannick Favennec. Elle cherche à nous faire croire à un revirement de politique dans un domaine, celui de l’aménagement du territoire, que vous avez sacrifié depuis dix-huit mois. Le groupe UDI ne se joindra pas au vote de cette opération de diversion.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Heureusement !

M. Yannick Favennec. Si nous partageons évidemment les objectifs affichés par la proposition de résolution, nous appelons le Gouvernement à les mettre en œuvre au lieu de philosopher sur la réforme de la décentralisation idéale.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Très bien !

M. Alain Marleix. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, la proposition de résolution pour la promotion d’une politique d’égalité des territoires issue du groupe socialiste est un chef-d’œuvre en trompe-l’œil.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Parfaitement !

M. Jean-Jacques Candelier. Je parlerai de vous ensuite. (Sourires.)

Qu’on en juge : on lit dans l’exposé des motifs que « les approches managériales et comptables qui ont prévalu sous les précédents gouvernements ont exacerbé les situations de décrochage des territoires les plus meurtris ». Nous partageons le constat, mais en l’étendant à la politique menée actuellement ! En effet, le Gouvernement a maintenu et accentué de telles approches managériales et comptables. D’une part, la RGPP a été transformée en MAP – Modernisation de l’action publique –, qui poursuit exactement les mêmes objectifs de suppression de moyens financiers et humains des administrations.

D’autre part, une saignée budgétaire sans précédent est imposée aux collectivités territoriales. On me permettra de citer un article récemment publié dans Le Monde : « La RGPP mise en œuvre sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy puis la modernisation de l’action publique lancée par l’actuel gouvernement atteignent leurs limites, tant en termes de rendement que de méthodologie. "On a rogné sur tout ce qu’on pouvait ou presque", reconnaît-on à Matignon. "Plus le temps passe, plus la dette publique augmente, plus on est obligés d’afficher des réductions de dépenses publiques importantes." »

Si Matignon admet mener une politique identique à celle de la droite, pourquoi prétendre aujourd’hui dans une proposition de résolution avoir rompu avec la logique ultralibérale ? Je cite à nouveau l’article : « La remise à plat de la fiscalité annoncée par Jean-Marc Ayrault augure d’un serrage de vis sans précédent des collectivités territoriales, bien au-delà de la simple diminution des dotations de fonctionnement de 1,5 milliard d’euros par an pendant trois ans ». Nous savons que la saignée des dépenses publiques atteindra soixante milliards d’euros à la fin du quinquennat.

Ainsi, en matière d’approche comptable exacerbant « les situations de décrochage des territoires les plus meurtris », le Gouvernement obtient une excellente note !

La proposition de résolution s’en prend ensuite à « la dérive des politiques publiques menées depuis vingt ans ». De quoi s’agit-il ? « Une doctrine libérale a été mise en œuvre, qui se caractérise par trois traits principaux : la concentration des financements sur quelques pôles en présupposant leur capacité d’entraînement pour le reste du territoire, la compétition entre les territoires comme moteur de la compétitivité nationale et le retrait de l’État des enjeux de solidarité territoriale ».

Il y a là une description exacte du funeste projet de loi d’affirmation des métropoles que les députés du Front de gauche ont encore combattu la semaine dernière et qui n’est rien d’autre qu’une mise en concurrence des territoires accentuant la cassure entre zones urbaines et rurales, aggravant les disparités territoriales et marquant l’avènement d’une République à la carte, illisible et inégalitaire. L’évaporation des communes et des départements dans l’intercommunalité forcée et les métropoles participe de ce funeste dessein qui provoquera l’assèchement de nos territoires, l’étouffement de la démocratie locale et une re-centralisation brutale et autoritaire du pouvoir de décision.

Dans le projet de loi sur les métropoles, rien n’est prévu pour réduire les fractures terribles qui se creusent dans les grandes concentrations urbaines, rien n’est prévu pour désenclaver les territoires sinistrés, rien pour casser les ghettos, rien pour dynamiser les zones rurales, rien pour préserver tel quartier ou tel bord de mer ! Bref, tous les objectifs que vous prétendez, par le biais de la présente résolution, assigner à une politique des territoires, le Gouvernement et la majorité les oublient dès qu’il s’agit de voter les budgets et la loi ! La droite, du reste, n’a aucune leçon à donner en la matière. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) En effet, elle pratiquait exactement la même politique lorsqu’elle était aux affaires, soit tout de même pendant dix ans.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Venant d’un communiste…

M. Yannick Favennec. Cela ne nous fera pas changer d’avis !

M. Jean-Jacques Candelier. Je poursuis la lecture du texte qui nous réunit aujourd’hui. Il est écrit que « l’État a encouragé la mise en compétition des territoires entre eux avec les résultats que l’on connaît aujourd’hui, c’est-à-dire une concentration des moyens financiers pour ceux d’entre eux disposant déjà d’une forte ingénierie de projet et de capacités de financement ». Faut-il rappeler que l’article 61 de la loi ALUR, examinée ce jour en commission des affaires économiques en vue de sa seconde lecture, retire le bénéfice de l’ingénierie juridique et technique des services déconcentrés de l’État à toutes les intercommunalités qui comptent entre 10 000 et 20 000 habitants ?

Elles devront désormais financer sur leurs fonds propres tout un pan de leur activité urbanistique et administrative. Il s’agit d’un désengagement en bonne et due forme, comme à la belle époque du sarkozysme. L’objectif de « développement de l’ingénierie territoriale », inscrit dans l’article unique de la présente résolution, est donc déjà foulé aux pieds par un texte de loi, bien réel lui.

Poursuivons. On lit ensuite que « la géographie prioritaire doit être resserrée pour éviter tout saupoudrage ». Il s’agit d’une allusion au projet de loi pour la ville et la cohésion urbaine présenté par M. le ministre François Lamy. Ce qui n’est pas précisé, c’est que la refonte de la géographie prioritaire a malheureusement lieu dans le cadre de l’austérité. La réforme se traduit en effet par la sortie de très nombreux quartiers des dispositifs de politique de la ville : il y aura 1 300 quartiers prioritaires au lieu des 2 500 contrats urbains de cohésion sociale actuels. Ainsi, le nombre de quartiers bénéficiaires des dispositifs d’aide et de financement est divisé par deux ! La liste des quartiers sortants n’a pas été communiquée lors des débats, même si certains élus socialistes semblent en avoir déjà connaissance.

M. Yannick Favennec. Ce n’est pas le sujet !

M. Jean-Jacques Candelier. Le projet de loi sur la ville s’appuie donc sur le droit commun, pourtant malmené en période d’austérité budgétaire. En 2012 déjà, le rapport de la Cour des comptes dénonçait « une faible mobilisation du droit commun ». La baisse historique des dépenses publiques de dix milliards d’euros prévue par le projet de loi de finances fait de la mise à contribution du droit commun une coquille vide. S’il ne faut retenir qu’un exemple, les policiers de Seine-Saint-Denis qui partiront à la fin de l’année ne seront pas tous remplacés, selon Le Parisien. C’est inadmissible au regard de la situation du département ! Cela préfigure la métropole du Grand Paris.

En effet, en Île-de-France, la police est d’ores et déjà métropolisée. Il en résulte que Paris a gagné cette année 300 policiers alors que la Seine-Saint-Denis en a perdu 70. Par ailleurs, j’attends toujours une réponse au sujet des renforts en effectifs de policiers pour le département du Nord, madame la ministre. Est-ce bien la « promotion de l’égalité des territoires » que le groupe socialiste appelle de ses vœux ? Si le budget du ministère de l’intérieur, pourtant épargné par les coupes budgétaires, comporte de telles inégalités, qu’en sera-t-il des autres services publics ? Par ailleurs, tous les élus connaissent l’amoindrissement des services dans les villes et les quartiers, sous forme de fermeture de CAF, de centres de Sécurité sociale ou de bureaux de poste.

Rien de tout cela n’empêche la proposition de résolution d’afficher en dépit du bon sens le vœu pieux selon lequel « l’État et les grands opérateurs s’engageront à y maintenir les services publics de base ». Décidément, les principes énumérés dans la résolution sont en contradiction avec la politique territoriale. On perçoit bien la stratégie, qui consiste à mettre en exergue des résolutions non contraignantes et sans valeur juridique afin de masquer les renoncements accumulés par les projets de lois qui se succèdent à une cadence infernale et donner le change. Les députés du Front de gauche ne sont pas dupes d’un tel double langage qui prive la proposition de résolution de toute portée. Nous voulons réellement l’égalité des territoires, c’est pourquoi nous nous abstiendrons de voter le texte.

Mme Brigitte Bourguignon. Comme d’habitude !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, l’une des décisions du Gouvernement prises le 17 juillet dernier et visant à simplifier l’arsenal administratif et réglementaire est passée un peu inaperçue, celle qui a entériné la création, au début de l’année 2014, du Commissariat général à l’égalité des territoires. Regroupant la DATAR, créée il y a cinquante ans, la jeune Agence nationale de la cohésion sociale et de l’égalité des chances et le comité interministériel des villes, il constituera un instrument de justice territoriale et de lutte contre les fractures spatiales. Cet outil, parmi tant d’autres, permettra d’apprécier et combattre La crise qui vient, la nouvelle fracture territoriale, selon le titre d’un excellent ouvrage de l’économiste Laurent Davezies paru il y a quelques mois et dont je recommande la lecture.

L’auteur y estime que « la crise a fait exploser plusieurs formes d’inégalités territoriales » et « a véritablement fracturé le pays ». Il existe ainsi aujourd’hui plusieurs France. La France cumulativement productive, marchande et dynamique est celle des grands centres urbains, que nous appellerons bientôt métropoles une fois définitivement voté le texte relatif à la loi de modernisation de l’action publique territoriale et des métropoles, ce qui sera fait demain.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Quelle perte de temps !

M. Thierry Braillard. C’est là que réside 36 % de la population et que seront forgés les nouveaux atouts de la compétitivité. Il existe aussi une France qui vit d’une combinaison de tourisme, de retraites et de salaires publics et une autre, constituée par les bassins industriels, que Laurent Davezies caractérise comme « déprimés ». Il existe enfin une France en difficulté, faite de territoires tellement frappés par le déclin industriel qu’ils dépendent essentiellement de l’injection de revenus sociaux. Cette France-là s’est totalement paupérisée et représente plus de 10 % de notre population.

Laurent Davezies conclut que « la fracture territoriale menace aujourd’hui de devenir un gouffre » et que « le redressement productif de la France, dans un contexte de croissance molle et avec une dette publique écrasante, apparaît aujourd’hui comme la seule voie permettant le maintien du modèle social français ». Aussi la proposition de résolution déposée par le groupe socialiste relative à la promotion d’une politique d’égalité des territoires pose-t-elle très correctement le débat essentiel, qu’elle résume ainsi : « traiter les liens autant que les lieux ».

En ce qui concerne les liens, vous défendez la coopération systématique des territoires et le partage des stratégies de développement et d’aménagement à tous les niveaux de collectivité, grâce à l’outil que sera la conférence territoriale de l’action publique.

En ce qui concerne les lieux, vous proposez la mise en œuvre d’une géographie prioritaire resserrée au service d’une double priorité. La première consiste en un soutien plus puissant aux quartiers dits « fragiles ». À ce propos, nous estimons que le projet de loi de François Lamy, dont nous ne faisons la même lecture que certains de nos collègues, va dans le bons sens, car il définit un critère simple unique pour le fléchage des aides : le revenu moyen des citoyens.

Mais il faut aussi mieux aider les bourgs et les petites villes des espaces périurbains et ruraux qui ont, comme le rappelle la proposition de résolution, « un fort potentiel de maillage en matière de services et d’aménités de proximité ». La défense des services publics dans ces bourgs et villages est une action que nous jugeons prépondérante. C’est pourquoi je ne vous étonnerai pas en vous annonçant que les députés radicaux de gauche et apparentés voteront cette excellente proposition de résolution de nos collègues socialistes…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Une proposition de résolution, ça ne sert à rien !

M. Thierry Braillard. …qui a vocation à fixer un cap, en reprenant une idée-force défendue lors de la dernière élection présidentielle par notre candidat, François Hollande.

Je tiens cependant à faire deux observations sur ce texte qui ne pourront, me semble-t-il, que l’agrémenter.

M. Yannick Favennec. Ah !

M. Thierry Braillard. Dans la volonté qui est la nôtre d’éviter de trop grandes distorsions entre les territoires, il ne faut pas minimiser l’importance de l’Europe, avec la mise en œuvre des fonds européens, et le rôle primordial accordé aux régions en la matière.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier et M. Yannick Favennec. Ça, c’est sûr !

M. Thierry Braillard. Ces fonds doivent être davantage encore mis au service du développement local.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Si seulement !

M. Thierry Braillard. Le transfert de l’autorité de gestion d’une partie des fonds européens aux régions nous ramène inlassablement, même en rappelant la nécessité du cadre national, au débat sur l’inégalité de celles-ci et de leur dynamisme, qui ne peut être partout le même, compte tenu de leurs différences en matière de population ou de territoire. C’est un débat que les radicaux de gauche ont souvent lancé – la semaine dernière, encore, lors de l’examen du projet de loi relatif aux métropoles –, afin de faciliter les projets de regroupement ou de fusion. Il nous semble en effet qu’aujourd’hui, les régions sont trop inégales en France.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ça, c’est sûr !

M. Thierry Braillard. Il suffit, pour s’en convaincre, de comparer la région Basse-Normandie à la région Rhône-Alpes, qui possède la superficie de la Suisse et la population du Danemark. C’est donc un débat auquel nous ne pourrons échapper dans les prochaines années.

Nous devons également tenir compte des contrats de plan État-région. Rappelons que lors de l’application des CPER pour la période 2007 à 2013, les engagements des régions se sont élevés à 15 milliards d’euros, alors que ceux de l’État étaient de 12,7 milliards d’euros et ceux des autres partenaires d’un peu plus d’un milliard d’euros. Qui en a bénéficié ? Les universités et la recherche, les transports ferroviaires du quotidien, la formation et l’aménagement du territoire ont été les priorités des choix effectués en commun.

Pour l’avenir, le budget contraint des régions risque de freiner cette dynamique contractuelle et il nous appartient d’être vigilants sur ce point, notamment dans le choix des priorités d’intervention.

Mes chers collègues, nous avons entamé l’acte III de la décentralisation avec le texte relatif aux métropoles et, au printemps, nous discuterons certainement du texte relatif aux régions, un texte très important. La politique d’égalité des territoires s’est substituée à la politique d’aménagement du territoire. La sémantique a parfois valeur de symbole.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Quel symbole !

M. Thierry Braillard. Il ne faut cependant pas qu’au nom de l’égalité, on tombe dans l’égalitarisme et qu’on annihile parfois des objectifs de croissance et de compétitivité poursuivis par les métropoles.

M. Yannick Favennec. Cela ne risque pas !

M. Thierry Braillard. Si l’on prend l’exemple du très haut débit, le plan Sarkozy – j’allais m’adresser à M. Marleix, mais je constate qu’alors qu’il s’est plaint de l’absence de certains députés, il est lui-même déjà parti…

M. Yannick Favennec. Il va revenir ! Ce n’est pas gentil de dire cela !

M. Thierry Braillard. Ce n’est peut-être pas gentil, mais il a dit la même chose au sujet d’autres collègues !

Le plan Sarkozy, disais-je, avec ses deux milliards d’euros, était très nettement insuffisant et faisait la part belle – trop belle – aux opérateurs privés intéressés par un seul objectif : la rentabilité ! Sous l’impulsion de Fleur Pellerin, le plan très haut débit est en marche sur l’ensemble du territoire. Pour autant, il ne faut pas empêcher Mme Aubry de faire en sorte que la métropole lilloise soit entièrement couverte en très haut débit dès 2020, même si la région Nord-Pas-de-Calais n’aura peut-être pas pu couvrir l’intégralité de son territoire durant la même période. L’idée première qui engage tous les responsables politiques, c’est bien d’arriver à trouver de la complémentarité sans y voir de la concurrence.

Pour conclure, les radicaux de gauche et apparentés pensent que la promotion d’une politique d’égalité des territoires passe par la modernisation de politiques publiques territoriales encore mieux coordonnées. Nous ne pensons pas qu’il faille enlever une feuille au fameux mille-feuille. Si j’ai eu l’occasion de rappeler l’intérêt de la région, il faut aussi rappeler que dans beaucoup de départements, notamment à dominante rurale, le conseil général a un rôle majeur, notamment pour trouver une meilleure homogénéité des territoires le composant.

M. Yannick Favennec. Ah oui, alors !

M. Thierry Braillard. C’est aussi à partir des départements qu’il nous faudra avancer vers une péréquation plus efficiente encore. C’est le défi qui sous-tend cette proposition de résolution : trouver un juste équilibre. Comme le président Édouard Herriot le disait souvent, il est plus facile de proclamer l’égalité que de la réaliser. À notre majorité de démontrer sa détermination par des discours, mais également par des actes ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Yannick Favennec. Eh bien, il y a du travail !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la notion d’égalité des territoires ayant fait l’objet de longs débats en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de notre assemblée, et j’ai eu plusieurs fois l’occasion de m’exprimer sur ce sujet qui me tient particulièrement à cœur. Je me réjouis donc que notre assemblée examine aujourd’hui une proposition de résolution « pour la promotion d’une politique d’égalité des territoires ». Si l’égalité est une valeur centrale de notre pacte républicain, l’idée d’égalité des territoires est plus difficile à saisir et donc à intégrer dans l’élaboration des politiques publiques.

Qu’entend-on réellement par « égalité des territoires » ? S’agit-il d’assurer un développement identique à tous les territoires, ou d’offrir à tous les habitants, quel que soit le territoire où ils vivent, les mêmes opportunités ? Je pense que ce dernier objectif est celui à atteindre. La question de l’égalité des territoires est avant tout une question d’égalité entre les citoyens, cette égalité qui permet que chacun, quel que soit son milieu géographique ou social, puisse bénéficier des mêmes opportunités. Mais il ne faut pas faire assigner à la politique d’égalité des territoires la mission plus large d’assurer l’égalité entre les citoyens. Certes, il faut des services publics, des bureaux de poste dans tel ou tel quartier, des écoles dans les territoires ruraux qui en manquent, mais ce n’est pas seulement en agissant dans ce domaine que l’on résoudra la question des inégalités entre les citoyens.

Le rapport remis à la ministre de l’égalité des territoires en février dernier permet de mieux appréhender cette notion complexe d’égalité des territoires. Son auteur, Éloi Laurent, parle d’inégalités « plurielles ». Les inégalités sont en effet multiples : un territoire peut se trouver dans une situation défavorable dans tel domaine, mais pas dans tel autre. Par exemple, un territoire enclavé peut être prospère économiquement alors qu’à l’inverse, un territoire bénéficiant de bonnes infrastructures de transport peut être économiquement fragile. Si les inégalités sont plurielles, et que les critères à prendre en compte sont donc multiples, de très nombreux territoires pourraient entrer dans le champ d’action du futur Commissariat général à l’égalité des territoires : certains pour inégalités économiques, d’autres pour inégalités environnementales, d’autres pour inégalités sanitaires, d’autres encore pour des raisons d’infrastructures – notamment de transport ou de déploiement du numérique. Le risque pourrait alors être celui d’un saupoudrage de l’action publique.

Et pourtant, tout l’intérêt du rapport d’Éloi Laurent est justement d’intégrer de nouveaux critères souvent laissés de côté. Je pense notamment aux critères environnementaux : habiter dans un territoire pollué – au bord d’un axe routier ou d’un complexe industriel polluant par exemple – crée une situation d’inégalité chez les personnes qui y résident et qui peuvent, à juste titre, se sentir comme relégués dans des territoires de seconde zone. Je pense également et plus globalement aux critères de qualité de vie : un territoire moins riche peut être un territoire où le mieux-vivre est supérieur.

Résorber ces inégalités multiples est donc compliqué : sur quel critère doit-on particulièrement insister ? L’économie ? L’accès à l’éducation et à la culture ? Les transports en commun ? Le cadre de vie et l’environnement ? Tous sont à prendre en compte, et l’idée, évoquée dans la proposition de résolution, de mettre au point des indicateurs synthétiques de développement humain, est une bonne solution. Pour autant, cet indicateur ne doit pas laisser de côté certains critères. Éloi Laurent évoque également, dans son rapport, un indicateur composite pour les territoires qui agrégerait plusieurs indicateurs, sur le modèle de l’Indice de développement humain – l’IDH. Certes, il n’est pas simple d’agréger le taux de particules fines avec la qualité de l’eau, l’offre culturelle, l’offre de transports en commun ou le taux de chômage, mais le défi que cela représente est passionnant.

Une fois la question des critères définis et les territoires ciblés, l’action publique doit permettre de résorber les inégalités. Cette proposition de résolution aurait pu aller plus loin et rappeler que, puisque les inégalités sont plurielles, le développement économique, aussi soutenable soit-il, n’est pas l’unique solution. Les politiques visant à favoriser le cadre de vie ou l’offre de services publics et de transport sont tout autant essentielles, pas uniquement dans une logique de développement économique, mais pour améliorer le quotidien des habitants. Nous achevons justement l’examen de la loi sur l’affirmation des métropoles. Renforcer les métropoles, cela signifie concentrer l’activité dans certaines zones pour en faire des pôles économiques de rayonnement international – mais n’est-ce pas au détriment du reste du territoire ? On recrée ainsi une diagonale du vide. N’est-ce pas contradictoire avec l’idée d’égalité des territoires ?

La France souffre d’une crise de concentration : la crise du logement que nous connaissons dans les grandes villes est avant tout le signe de cette crise, toutes les activités s’agrégeant dans certains territoires, laissant d’autres territoires immenses à l’abandon. En concentrant l’activité dans certains pôles, on ne contribue pas à développer durablement et harmonieusement l’ensemble du territoire. La proposition de résolution évoque, à juste titre, la fermeture de nombreux services publics. Ces fermetures sont justement liées à la concentration de l’activité et des habitants dans certains pôles, entraînant la déprise d’autres territoires. Ces fermetures ont été nombreuses et aveugles sous la précédente législature, notamment dans des petites villes et des bourgs qui sont au centre d’un bassin de vie beaucoup plus important. Pendant des années, l’État n’a pas aménagé le territoire, mais a déménagé du territoire ! Le service public ne doit pas répondre à la seule logique comptable. Avant de fermer un hôpital en zone rurale ou en proche banlieue, il faut moins s’intéresser au taux de remplissage qu’au besoin des habitants.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Bien sûr, c’est toujours l’héritage !

M. Yannick Favennec. Ouvrez un peu les yeux !

Mme Laurence Abeille. La proposition de résolution rappelle à juste titre le manque de clairvoyance du gouvernement précédent lorsque la DATAR a été rebaptisée DIACT – Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires – et que la compétition entre les territoires est devenue le fondement de notre politique. Mais s’il y a des gagnants dans cette compétition, il y a inévitablement des perdants, c’est-à-dire des territoires à l’abandon. Pour ma part, je crois à la complémentarité, à la coopération et à la solidarité entre territoires.

M. Olivier Marleix. Bla-bla-bla !

Mme Laurence Abeille. La crise actuelle – économique, sociale et écologique – exacerbe le repli sur soi et sur son territoire. Cette crise porte un coup à l’idée de solidarité, selon une logique qui voudrait que ceux qui souffrent sont responsables de leur sort. Ce repli territorial est certes moins visible dans un État très centralisé comme la France, mais il est puissant dans certains États fédéraux, notamment en Espagne, ou en Italie en particulier, où le régionalisme s’accentue. En France, les territoires riches acceptent encore, tant bien que mal, d’aider les territoires les plus fragiles. Il est donc essentiel d’assurer une réelle péréquation entre les territoires.

Si la solidarité territoriale résiste en métropole, elle semble cependant s’éroder pour les territoires les plus éloignés, les territoires ultramarins notamment, qui ne sont curieusement pas mentionnés dans la proposition qui nous est soumise aujourd’hui.

M. Yannick Favennec. Exact !

Mme Laurence Abeille. Et pourtant, si les politiques d’égalité des territoires se traduisent par l’application de règles différentes là où les situations sont différentes, les politiques menées outre-mer depuis des années pourraient nous servir de modèle.

Le dernier point que je souhaite évoquer est celui de l’échelle pertinente pour agir. L’action publique peut en effet s’organiser à plusieurs échelles : au niveau d’une région, pour assurer le développement économique ; au niveau d’un département, par exemple pour le désenclaver ; au niveau d’une ville, par exemple pour assurer la pérennité d’un hôpital et donc combattre les inégalités territoriales de santé ; au niveau d’un quartier, notamment en milieu urbain où l’enclavement peut se constituer sur une distance très courte ; voire, pourquoi pas, au niveau d’une rue – si l’environnement est un critère à prendre en compte, vivre aux abords d’un boulevard bruyant et pollué peut créer une rupture territoriale. Définir la bonne échelle dépend surtout des critères sur lesquels le CGET agira.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ce n’est pas gagné !

Mme Laurence Abeille. Les inégalités sont multiples, les territoires sont divers, les leviers d’action sont donc extrêmement nombreux. À cet égard, la tenue prochaine d’un comité interministériel à l’égalité des territoires, comme le demande la proposition de résolution, est essentielle. Ce comité interministériel devra permettre de définir clairement les objectifs à assigner à la mission d’égalité des territoires et les critères qui composent ces inégalités « plurielles ». Le groupe écologiste votera pour cette proposition de résolution. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Carole Delga.

Mme Carole Delga. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre pays est traversé par de multiples fractures. Si elles ne sont certes pas nouvelles, certaines d’entre elles se sont particulièrement creusées au cours des dernières années.

M. Yannick Favennec. Surtout depuis dix-huit mois !

Mme Carole Delga. Aujourd’hui, le constat est là : qu’elles soient économiques, sociales, culturelles ou territoriales, ces fractures forment autant de fissures dans cet édifice commun qu’est la République.

Parmi ces fractures, les plus visibles sont évidemment les inégalités sociales, directement liées au revenu des habitants. Avec la crise qui frappe le pays, le nombre de chômeurs et de personnes en situation de précarité a fortement augmenté.

Cette situation ne vient pas de nulle part.

M. Jean-Luc Laurent. En effet !

Mme Carole Delga. Elle est la conséquence directe des politiques menées par l’ancienne majorité, qui ont consisté à privilégier un petit nombre de nantis au détriment de l’intérêt général.

M. Olivier Marleix. Et Mme Voynet ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ça commence !

Mme Carole Delga. Et ce n’est pas fini, monsieur Morel-A-L’Huissier !

C’est pourquoi notre majorité est pleinement engagée dans une bataille sur le front de l’emploi, en posant les bases du retour d’une croissance durable et en rétablissant des mécanismes de redistribution en faveur des plus modestes.

M. Jean-Luc Laurent. Exactement !

Mme Carole Delga. Cette attention particulière portée aux inégalités économiques et sociales, si elle est pleinement légitime, ne doit pas, pour autant, nous détourner d’un autre aspect de la crise du vivre ensemble qui touche actuellement le pays : je veux parler des inégalités territoriales.

Il ne s’agit pas ici d’opposer tels ou tels territoires, l’urbain au rural. Par cette proposition de résolution, nous nous proposons de démontrer en quoi la cohésion sociale recouvre nécessairement une dimension territoriale…

M. Jean-Luc Laurent. Exact !

Mme Carole Delga. …ou, pour le dire autrement, comment une politique en faveur de l’égalité est nécessairement tenue de prendre appui sur le rapport des citoyens à leur lieu de vie.

L’on constate en effet aujourd’hui que le sentiment de justice sociale, et par là même la confiance dans les pouvoirs publics, varie en fonction du type de territoire. Nous n’avons pas le même rapport à l’État, et à la personne publique en général, selon que l’on vit dans un quartier sensible, au cœur d’une métropole, dans une zone périurbaine, dans un espace rural ou dans une zone de montagne.

Si ce décalage n’est peut-être pas nouveau, il a pris en tout cas une dimension nouvelle ces dernières années, car il a été instrumentalisé à des fins idéologiques sous le coup des politiques libérales. En effet, le sentiment de vivre ensemble a été largement mis à mal par l’introduction d’un dogme de la mise en compétition des territoires, présenté comme le parangon de la modernité. La promotion de la concurrence entre les territoires a été véhiculée par la mise en œuvre de réformes successives des services publics portant toutes le label « RGPP ».

Je peux vous parler de ces réformes en connaissance de cause, car elles ont directement affecté ma circonscription : suppression des tribunaux de grande instance, gel des dotations aux hôpitaux locaux, empêchant tout dynamisme en faveur des maisons de santé pluridisciplinaires, fermeture d’écoles…

Plusieurs députés du groupe UMP. Quand allez-vous les rouvrir ?

Mme Carole Delga. …et donc de commerces de proximité.

Nous avons rouvert certains de ces services publics, revoyez vos fondamentaux !

On a parlé du très haut débit mais, lors du précédent quinquennat, il n’était pas financé : le Fonds d’aménagement numérique du territoire était vide. Il y avait des mots, mais maintenant nous sommes dans les actes.

Toutes ces réformes se sont traduites par des fermetures de services essentiels, ce qui est dangereux à une époque où le paysage politique est balayé par les vents mauvais du populisme et du repli sur soi.

C’est avec cette logique qu’il est proposé aujourd’hui de rompre, en lui substituant une véritable ambition pour l’égalité des territoires. Il ne s’agit pas de changer les mots, il s’agit de changer de méthode. C’est la première fois que nous avons un ministère consacré à l’égalité des territoires, ce qui atteste une nouvelle ambition pour la République – une nouvelle ambition qui dénonce la bataille de tous contre tous qui aboutit à laisser derrière nous des territoires meurtris et délaissés.

M. Olivier Marleix. Combien de cantons ont été supprimés dans votre circonscription ?

M. Alain Calmette. Ce n’est pas le sujet !

Mme Carole Delga. Dans ma circonscription, on ne supprime pas de cantons ; en revanche, on réintroduit un tribunal de grande instance et on rouvre des écoles : telle est la réalité.

Mme la présidente. Monsieur Marleix, veuillez laisser l’oratrice s’exprimer.

Mme Carole Delga. Ne confondez pas le redécoupage, voire le tripatouillage, et la construction d’un avenir pour les citoyens du Comminges.

Cette nouvelle ambition prendra la forme d’un Commissariat général à l’égalité des territoires. Elle refuse de laisser croire que notre seule richesse est produite dans les grands centres urbains : elle veut au contraire donner à chacun les moyens de se développer selon ses spécificités et atouts propres.

S’agissant de la péréquation fiscale, dont il est également question ici, le Fonds national de péréquation des ressources a été considérablement augmenté, à hauteur de 210 millions, pour atteindre 570 millions.

S’agissant des fonds de péréquation pour les régions, je vous invite à vous reporter au projet de loi de finances 2013 : des amendements du groupe socialiste ont permis d’accroître la péréquation entre les régions.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier et M. Yannick Favennec. Et le FISAC ?

Mme Carole Delga. Le FISAC est maintenu, la dotation d’équipement des territoires ruraux n’est pas diminuée.

Cette nouvelle ambition tend à redonner à chaque citoyen le sentiment d’appartenance à un destin commun, au-delà des différences inhérentes à son lieu de vie.

Oui, nous redonnons la priorité à l’école. Oui, nous instituons plus de maîtres que de classes. Oui, nous souhaitons développer les maisons de services à la population. C’est l’élan que nous voulons donner sur l’ensemble du territoire, aussi bien dans le Nord-Pas-de-Calais que dans l’Aubrac, cher à certains (Sourires). Pour y parvenir et transformer l’essai, il faudra donner corps à cette nouvelle vision, à l’occasion des futures réformes. Je souhaite que chaque texte contribue à cet objectif.

Nous serons attachés à une logique de contractualisation entre les collectivités, à un volet territorial dans les contrats de plan, au Haut conseil des territoires et aux conférences territoriales d’action publique.

Madame la ministre, je sais que vous partagez ces ambitions.

M. Yannick Favennec. C’est un scoop !

Mme Carole Delga. Nous pouvons compter sur votre soutien précieux, nous savons que vous défendez cette politique. Vous avez d’ailleurs été tout récemment à l’initiative des politiques de centres-bourgs – sujet que vous développerez certainement –, qui est un dispositif essentiel pour le maillage territorial. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Mes chers collègues du groupe socialiste, à la lecture de la proposition de résolution que vous nous présentez, je suis tenté de dire que vous ne manquez décidément pas de souffle !

M. Jean-Luc Laurent. Et vous, de culot !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Votre initiative est l’exemple même de la duplicité en politique. Vous détenez tous les pouvoirs et, depuis dix-huit mois, vous n’avez pris aucune mesure en faveur du monde rural.

M. Yannick Favennec. Il a raison !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Pire, vous avez abîmé les territoires ruraux.

M. Yannick Favennec. C’est la réalité !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. L’exaspération est à son comble : même les préfets, à vos ordres, vous l’ont dit dans les notes qu’ils vous adressent chaque semaine et que Le Figaro (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) a rendues publiques.

Quand je dis duplicité, je pèse mes mots, car vous n’en êtes pas à votre coup d’essai. Sans m’appesantir sur une proposition de loi qui avait été présentée, en son temps, par Augustin Bonrepaux, ni sur un projet récent de résolution – pour ce que cela sert ! –, défendue au Sénat par Jacques Mézard, je m’attarderai plus volontiers, à l’instar d’Olivier Marleix, sur la fameuse proposition de loi portant sur le bouclier rural, présentée en février 2011, entre les deux tours des élections cantonales.

M. Yannick Favennec et M. Olivier Marleix. Comme par hasard !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. En effet !

Ce n’était qu’un blog de bonnes intentions alimenté par des élus socialistes. La même procédure est utilisée aujourd’hui : curieusement, le texte en discussion est présenté à quelques encablures des élections municipales.

M. Yannick Favennec. Ce n’est pas non plus un hasard !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Soyons clairs : par ce stratagème, vous tentez désespérément de reprendre la main et de voler au secours d’un gouvernement qui a montré une totale incapacité, depuis dix-huit mois, à proposer la moindre mesure concrète en matière d’aménagement du territoire.

Cette proposition de résolution est donc non seulement une énième manœuvre de diversion, mais encore l’aveu d’un échec sans appel. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Elle est aussi l’illustration d’une méconnaissance totale de la réalité des territoires. Vous développez à l’envi un discours sur l’égalité des territoires. Mais les territoires et les acteurs qui les animent n’ont pas besoin d’égalité : ils ont besoin d’être considérés pour ce qu’ils sont, dans leur diversité, dans leurs forces et dans leurs faiblesses.

M. Yannick Favennec. Très bien !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. À ce titre, ils doivent être accompagnés par une politique nationale d’aménagement du territoire digne de ce nom. Ils ont besoin d’équité, car les territoires ruraux ne peuvent être traités de la même manière que les espaces urbains ou périurbains. Ils ont besoin que les normes, toujours plus nombreuses, contraignantes et illisibles, puissent être simplifiées et adaptées aux réalités des territoires.

À deux reprises, en octobre 2012 et en février 2013, j’ai défendu dans cette enceinte une proposition de loi sur le principe d’adaptabilité des normes, pour permettre aux territoires ruraux de se libérer du carcan qui les asphyxie. Le Gouvernement l’a brutalement rejetée, à l’instar du groupe socialiste.

Mme Escoffier m’avait promis à l’époque la constitution d’un groupe de travail : j’attends toujours.

Lorsqu’elle était dans l’opposition, la gauche n’avait pas de mots assez durs pour fustiger la politique menée avant 2012 par l’exécutif, accusé d’être le fossoyeur des services publics locaux. Mais, depuis le mois de mai 2012, qu’a donc fait le « gouvernement de l’égalité des territoires » ?

M. Olivier Marleix. Rien !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Madame Carole Delga, a-t-il créé ou recréé des perceptions ? Aucune. A-t-il remis en chantier la carte judiciaire ? Pas le moins du monde.

Mme Carole Delga. Il a rouvert trois tribunaux de grande instance !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est le fait du Conseil d’État et non du Gouvernement.

A-t-il rouvert des hôpitaux de proximité ou des services de proximité ? Aucun. Pire, il met en danger la clinique de Marvejols, dans mon département.

En revanche, les mesures qui portent atteinte à l’équilibre des territoires, et plus particulièrement des territoires ruraux, ont été légion : suppression de l’assistance technique fournie par l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire,…

M. Olivier Marleix. Eh oui !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. …réforme des rythmes scolaires sans distinction entre communes urbaines et communes rurales,…

M. Olivier Marleix. Eh oui !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. …diminution drastique des dotations aux collectivités locales – ce sont des réalités, monsieur Calmette –, gel du Fonds de compensation de la TVA, suppression brutale de l’exonération des charges patronales dans les zones de revitalisation rurale.

Mme Carole Delga. C’est faux !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Où était le groupe socialiste lors de l’examen de l’article 78 du projet de loi de finances pour 2014 ? Carole Delga, vous aviez signé mon amendement : personne n’était présent pour le défendre, en dehors de moi-même et de quelques députés. Cet article frappe en effet de plein fouet les associations gestionnaires de maisons de retraite et de centres d’accueil pour personnes handicapées.

Je poursuis l’énumération : suppression programmée – il faut le dire – de cinquante sous-préfectures, disparition de la moitié des chefs-lieux de cantons, véritables pôles d’équilibre des territoires ruraux,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. …restriction des crédits affectés au FISAC en faveur du commerce et de l’artisanat, et la liste n’est pas close.

Sur le plan de la gouvernance, le tableau est aussi sombre : un ministère de l’égalité des territoires, auquel est rattaché un ministre délégué à la ville, mais rien pour la ruralité, c’est-à-dire pour 80 % du territoire et 11 millions d’habitants.

M. Olivier Marleix. L’égalité n’est pas la même pour tout le monde !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Un comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire, véritable serpent de mer, initialement programmé, madame Delga, pour le mois de juillet, a été reporté à plusieurs reprises, sans qu’on sache aujourd’hui à quelle date il se réunira enfin et sur quelles propositions il se prononcera ; une DATAR inexistante : je n’y insisterai pas car j’ai suffisamment parlé de ce machin administratif qui ne sert strictement à rien.

M. Yannick Favennec. Il a raison !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Cela reste vrai même avec ETD ; on pourrait d’ailleurs s’interroger sur la relation juridique et financière unissant ETD à la DATAR.

La politique d’aménagement du territoire est aujourd’hui totalement inexistante : je l’avais à ce point prévu que j’ai accepté une mission sur la fracture territoriale et les services publics, à vos côtés, madame la ministre, avec Mme Carole Delga. L’objectif était de susciter des idées : peine perdue, le rapport est, semble-t-il, enterré, comme la politique des territoires ruraux. C’était pourtant, dans une certaine mesure, une forme d’ouverture d’esprit de la part d’un député UMP que d’accepter une mission gouvernementale.

Votre proposition de résolution forme un galimatias de truismes, d’intentions ; vous y enfoncez des portes ouvertes : elle dénote un véritable mépris pour les territoires ruraux.

M. Yannick Favennec. Eh oui !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je ne m’associerai pas à votre basse manœuvre politicienne. Arrêtez de faire de la communication, cessez cet artifice : les territoires ruraux attendent des actes et non pas des paroles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « Pour la promotion d’une politique d’égalité des territoires » : tel est le titre de cette proposition de résolution, qui rappelle que l’égalité des territoires repose sur un fondement juridique – le principe d’égalité entre les collectivités territoriales –, qui figure depuis dix ans dans la Constitution.

Telle est donc l’ambition de cette proposition de résolution, brillamment défendue à l’instant par Alain Calmette et sur laquelle nous travaillons depuis maintenant plus d’un an. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Travaillez, travaillez, labourez le territoire !

M. Jean-Louis Bricout. C’est une belle ambition, qui s’inscrit dans un contexte et un calendrier particuliers, que je souhaite rappeler, non sans vous avoir fait une confidence. Lorsque j’ai été élu député, j’ai été surpris de constater combien il nous fallait, à nous, issus de territoires quelque peu reculés, porter une voix plus forte que celle d’autres collègues, pour espérer, peut-être, nous faire entendre.

M. Olivier Marleix. Ça, c’est vrai !

M. Jean-Louis Bricout. Sans crainte, j’ai donc, dès le début de mon mandat, porté la parole de la ruralité, pour dire en tout premier lieu que celle-ci n’est pas uniforme mais bien plurielle.

M. Yannick Favennec. Jusque-là, on est d’accord !

M. Jean-Louis Bricout. Elle nécessite, à ce titre, une palette de solutions et des réponses coordonnées.

Aujourd’hui, je constate, non sans une certaine satisfaction, que nous arrivons à mettre en lumière les difficultés mais aussi les atouts de nos territoires, dont je suis convaincu qu’ils nous aideront à surmonter la crise et ses obstacles.

Le calendrier et le contexte sont particuliers, disais-je, puisque nous avons examiné la semaine dernière le projet de loi d’affirmation des métropoles, preuve, s’il en fallait une, que c’est notre majorité qui a su inscrire à l’ordre du jour l’organisation territoriale de notre pays, à rebours, d’ailleurs, des choix néfastes opérés auparavant.

En effet, comment concevoir une meilleure attractivité de nos territoires si nous ne les pensons pas ensemble ? C’est ce que nous faisons, convaincus que les territoires ruraux ont tout intérêt à s’inscrire dans une dynamique forte impulsée par les futures métropoles et que les territoires ruraux, à leur tour, permettront aux métropoles de rayonner plus encore.

Si j’interviens aujourd’hui, c’est pour mettre en lumière la situation des villes bourgs-centres, que je connais bien en ma qualité de maire de la ville de Bohain-en-Vermandois, qui compte 6 000 habitants.

En préambule, il faut souligner la différence fondamentale existant entre la sociologie des villes bourgs-centres et celle des petites villes résidentielles situées en périphérie des grandes villes.

Dans les bourgs-centres, les populations sont souvent désœuvrées et font le choix d’y habiter de façon plus subie, du fait de contraintes économiques, souvent liées à un prix de l’immobilier inabordable dans les grandes villes.

Ces populations se contentent aussi d’un premier niveau de service du fait des difficultés de mobilité qu’elles rencontrent parfois et de leur précarité.

Autour de ces petites villes bourgs-centres, la ruralité est plus profonde et la résidence encore plus subie. La population est quelquefois plus âgée, donc plus dépendante en termes d’accès aux soins et aux services, commodités qui ne sont pas forcément publiques. Le sentiment d’abandon est prégnant.

S’agissant des communes périphériques des grandes villes, la population y est plutôt résidentielle. La problématique est bien différente, si tant est qu’il y en ait une.

C’est d’ailleurs une question que l’on peut se poser : les habitants s’installent dans les villages situés en périphérie pour pouvoir profiter de plus de tranquillité et d’espace tout en continuant à accéder aux services de la grande ville la plus proche. Ils sont beaucoup moins confrontés à des problèmes de mobilité et ne sont pas du tout en situation de décrochage social.

Ces différences de situation sur le terrain s’accompagnent parfois d’incohérences en termes budgétaires. Pour répondre aux besoins forts des villes bourgs-centres, nous devons faire beaucoup alors que les moyens sont inadéquats. Je m’appuierai à nouveau sur un exemple tiré de ma circonscription : une petite ville située à la périphérie d’une grande ville et à quinze kilomètres de la ville bourg-centre dont je suis le maire compte 500 habitants de moins que celle-ci. Elle bénéficie pourtant d’un budget de fonctionnement de 8 millions d’euros alors que, pour ma part, je dispose de 6 millions d’euros pour administrer ma ville, avec des charges de centralité importantes. L’écart de ressources entre les deux villes est donc de 2 millions d’euros ; voilà qui est assez parlant, me semble-t-il.

Face au constat d’un décrochage social dans les villes bourgs-centres, je souscris pleinement aux nouvelles orientations présentées par le Premier ministre. Lors de son intervention au quatre-vingt-seizième congrès des maires et des présidents de communautés, celui-ci a annoncé un dispositif de « contrats de bourgs », se plaçant ainsi dans la droite ligne de l’engagement pris par le Président de la République sur la réduction de la fracture territoriale.

Dans la proposition de résolution dont nous débattons, nous souhaitons ardemment « le retour à une approche contractuelle des politiques d’aménagement du territoire à travers la création de nouveaux types de contrats territoriaux », au premier rang desquels les contrats de revitalisation des bourgs.

Une fois n’est pas coutume : élus locaux, Gouvernement et Parlement avanceront côte à côte. Voilà qui apparaît comme un impératif, car il n’est plus possible de reculer ou de s’enfermer dans des logiques de compétitivité.

Éloi Laurent, dans son excellent rapport intitulé « Vers l’égalité des territoires » et regroupant diverses contributions de chercheurs, a montré combien la revitalisation des bourgs-centres était nécessaire. Les bourgs et petites villes centres jouent un rôle non négligeable dans l’organisation des bassins de vie.

Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue !

M. Jean-Louis Bricout. Je vais tâcher d’abréger mon propos.

Ils irriguent et organisent la présence des services publics et permettent le maintien d’une attractivité économique. Ce dont souffrent d’abord nos concitoyens, c’est de l’éloignement de ces pôles, éloignement qui génère des inégalités sociales fortes. Pouvons-nous imaginer que ces pôles disparaissent ? Pour ma part, je ne le peux pas.

Sachons nous souvenir de l’envie d’agir qui émane du terrain, intégrons-la dans notre logiciel commun de conception et d’évaluation des politiques publiques à l’échelle du territoire. C’est certain, l’aménagement du territoire requiert de ceux qui mettent en œuvre l’action politique une certaine idée de la rigueur, de l’exigence mais aussi de la justice. Voilà une belle et importante mission ; soyons fiers d’y contribuer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon.

Mme Brigitte Bourguignon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous, élus de territoires ruraux, territoires dont vous n’avez pas le monopole de la représentation, chers collègues de l’opposition, avons choisi de promouvoir au travers de cette proposition de résolution une vision dynamique de l’égalité des territoires.

Nous voulons signifier que la dévitalisation de nos territoires n’est pas une fatalité ; elle n’est que la conséquence de l’application pendant les dix ans qui ont précédé notre arrivée aux responsabilités d’une politique de soumission au dogme selon lequel le marché serait plus efficace que la régulation des pouvoirs publics.

Je ne reviendrai pas sur le résultat d’une telle politique car tout a été dit : le constat est celui de l’oubli et de la relégation. Certains territoires sont devenus presque invisibles et cumulent des inégalités en matière d’éducation, de santé, d’emploi, de pauvreté et de sécurité.

Pour enrayer ce déclin territorial, les services publics de l’État sont l’un des principaux leviers permettant d’assurer l’égalité et la solidarité des territoires. Ils sont l’un des éléments constitutifs de notre pacte républicain. S’ils venaient à faillir, c’est l’ensemble de notre contrat social qui serait durablement affaibli.

Les territoires ruraux ont le droit de prétendre à des services publics de qualité. Or les interventions des organismes sociaux, tout comme celles des administrations publiques, sont encore trop cloisonnées. Les politiques de renforcement des méthodes d’action existantes n’ont qu’un effet modéré sur les territoires. Il faut repenser notre modèle d’aménagement du territoire.

L’avenir de la ruralité passera par la transversalité, la stratégie de coopération avec une politique de zonage permettant des politiques sociales et économiques différenciées en fonction de la fragilité des territoires, le tout porté par une intercommunalité de projets ; traiter les liens, traiter les lieux.

Les administrations locales de l’État doivent prendre toute leur place dans cette orientation et agir comme des garants apportant soutiens et conseils aux acteurs dans les territoires.

Je prendrai pour exemple les politiques sociales de lutte contre la pauvreté en milieu rural. Il y a encore peu de données exploitables sur ce sujet, en particulier pour les zones rurales isolées. Combler ce manque fait d’ailleurs partie des objectifs de la mission confiée par le Premier ministre à François Chérèque pour le suivi du plan national de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, une mission dont l’intéressé rendra les conclusions en janvier prochain.

La situation des territoires ruraux diffère selon leur degré d’enclavement, la densité et la nature de leur tissu économique ou le dynamisme de leur population. Les quelques données dont nous disposons – issues notamment du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur la pauvreté en milieu rural, publié en 2009 et dont les conclusions ont été renforcées par de récentes études, notamment la contribution de Marianne Berthod-Wurmser au Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale – démontrent que le monde rural est devenu un espace vers lequel migrent les populations les moins favorisées des villes qui sont poussées par le coût du logement et la rareté du logement social et croient qu’elles amélioreront ainsi leur qualité de vie. Or le piège de la ruralité se referme sur ces dernières et renforce les difficultés déjà présentes sur le territoire : obstacles liés aux transports, absence ou difficulté d’accès à l’emploi et à la formation, déficience des services publics sociaux et médicaux. La boucle est bouclée.

Cette difficulté d’accès aux services sociaux et médicaux représente un vrai problème pour nos territoires. Le taux de non-recours est particulièrement important, au point que la part des prestations sociales dans les revenus des ruraux en situation de pauvreté est inférieure à celle des urbains.

L’amélioration de la coordination des acteurs sur les territoires passe nécessairement par un décloisonnement entre politique sociale et politique de santé, assorti d’un financement réel et effectif. Nous pouvons mettre en place tous les programmes régionaux d’accès à la prévention et aux soins – les PRAPS – que nous souhaitons : si ces programmes ne sont pas financés, ils ne serviront à rien.

La situation est grave. Nous avons besoin d’une approche transversale au niveau national, d’un cadre cohérent et durable ; nous avons besoin de l’État, de plus de maisons de services publics, de ressources coordonnées mieux réparties sur l’ensemble du territoire pour assurer la cohésion sociale ; traiter les liens, traiter les lieux.

Nous savons que le Gouvernement est conscient de nos difficultés. L’existence même de votre ministère, madame la ministre, le prouve et constitue à nos yeux une avancée. Nous sommes rassurés par les premières mesures du pacte rural annoncé le 19 novembre dernier. Nous espérons que nos propositions seront entendues et intégrées dans le futur projet de loi relatif à l’égalité des territoires.

La ruralité n’est pas une charge. Elle a su démontrer sa capacité à faire face avec peu malgré les difficultés de ces dernières années. Elle est porteuse d’innovation, donc d’espoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, pour qu’aucun doute ne persiste, je tiens à affirmer clairement que la proposition de résolution qui nous réunit aujourd’hui est, quoi qu’en disent certains d’entre vous, d’une importance capitale.

Il n’est pas anodin, en effet, que la représentation nationale donne force et vigueur à l’idée d’égalité des territoires pour que celle-ci se décline en termes de politiques publiques innovantes.

La résolution proposée est une exhortation à agir. Je partage l’impatience que vous avez clairement exprimée, monsieur Calmette. Je mêle mes mots aux vôtres pour dire que la cote d’alerte est dépassée. Chacun doit bien comprendre que les fractures territoriales qui minent notre pays menacent notre cohésion sociale.

C’est bien la question de l’unité de notre pays qui est posée : les inégalités nous divisent et les injustices nous fragmentent. La géographie des exclusions, du chômage, de la désindustrialisation, des inégalités sociales de santé, pour ne citer que quelques aspects de la fracture territoriale, est une géographie du péril qui monte. La question sociale s’inscrit dans la question spatiale.

En ce sens, le projet d’égalité des territoires est né d’abord d’une volonté d’apaisement des tensions qui traversent notre corps social. C’est en montrant que nous agissons pour tous que nous arrimerons chacun à l’idée nationale. À l’heure où, partout en Europe, le national-populisme se renforce, je veux rappeler que notre pays est loin d’être immunisé contre la possibilité d’une contagion de l’esprit de sécession. Combattre la montée des frustrations et la tentation du repli par une politique d’égalité des territoires est donc une question politique majeure.

On sait bien que la belle question de l’égalité est un objet de querelle permanente depuis que notre pays a épousé les idéaux républicains. Et je veux croire que l’histoire de notre nation est celle d’une nation citoyenne qui, sans réserve, a choisi l’extension permanente du domaine de l’égalité pour garantir les libertés et faire advenir la fraternité.

La proposition de résolution en discussion s’inscrit dans cette histoire, en remettant sur l’établi la notion d’égalité pour mieux la faire entrer dans les faits. J’entends assumer pleinement notre mission commune : remettre en marche la fabrique de l’égalité, pour protéger les territoires et abolir les pesanteurs de l’ordre social qui voudrait que la naissance détermine la destinée tout entière.

M. Jean-Luc Laurent. Comme c’est agréable à entendre !

Mme Cécile Duflot, ministre. Le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité que la direction soit claire : nous devons tourner le dos à des décennies de laisser-faire. C’est la politique que je mène au nom du Gouvernement depuis mon arrivée au ministère de l’égalité des territoires et du logement.

Votre proposition de résolution est une excellente occasion de dresser, ensemble, un premier bilan de cet ambitieux projet politique qu’est l’égalité des territoires. À cet égard, je regrette que M. Favennec, qui n’a pas souhaité rester dans l’hémicycle pour entendre ma réponse, ait concentré une grande partie de son intervention sur les redécoupages cantonaux.

M. Jean-Luc Laurent. Bien sûr, c’est ridicule !

Mme Cécile Duflot, ministre. Je pense que les habitants de notre pays se soucient d’enjeux bien plus décisifs.

M. Olivier Marleix. C’est la voix des ruraux qu’il a fait entendre !

Mme Cécile Duflot, ministre. En effet, notre action se déploie autour de plusieurs axes. Le principe cardinal de notre politique, c’est de renouer avec la nécessaire solidarité entre les territoires et de mettre en œuvre une politique d’égalité entre tous les territoires, urbains comme ruraux, sans jamais opposer les uns aux autres.

M. Olivier Marleix. Encore faut-il qu’ils soient représentés !

Mme Cécile Duflot, ministre. À nos yeux, la péréquation constitue le socle de la solidarité entre les territoires. J’ai noté avec attention que certains d’entre vous ont souligné l’importance de la péréquation pour mener une politique d’égalité des territoires. Je ne peux qu’abonder en ce sens. Le Gouvernement a décidé d’engager un chantier sur cette question, conscient que nous devions tendre vers une plus grande justice territoriale. Ma collègue Marylise Lebranchu l’a d’ailleurs rappelé dans le cadre de la discussion sur le projet de loi de finances pour 2014 : ce chantier associera les parlementaires et élus locaux dès le début de l’année prochaine.

Cela me donne l’occasion de faire le lien avec la question sous-jacente des zonages à vocation économique à destination des territoires ruraux, en particulier des zones de revitalisation rurale. Votre assemblée a décidé la création d’une mission parlementaire confiée à Jean-Pierre Vigier et à vous, monsieur Alain Calmette. Le Gouvernement y réfléchit également. Je souhaite vivement que ces deux exercices puissent s’articuler efficacement, pour dégager un consensus sur une évolution de ce zonage qui permette d’en maximiser l’impact pour les territoires ruraux en difficulté.

L’égalité des territoires commande en second lieu de saisir que les impératifs de la transition écologique sont aussi l’occasion d’une nouvelle manière d’aborder la question des richesses.

J’ai noté avec attention ce que vous affirmez dans votre proposition de résolution : « Nous avons l’occasion d’ouvrir une autre période, celle du développement soutenable, contribuant au bien-être des habitants de ce pays, à l’évolution progressive du mode de production des richesses collectives, à l’instauration d’un nouveau rapport à la nature. » Comme vous pouvez l’imaginer, je souscris pleinement à cette ambition.

La transition écologique nous donne en effet l’occasion d’agir pour que les territoires en déprise reprennent pied, mais aussi pour encourager le dynamisme des territoires les plus privilégiés vers un modèle vertueux. Il nous faut pour cela créer de nouveaux indicateurs de richesse, plus larges et plus denses que la seule mesure par le PIB, pour comprendre et piloter le projet politique de l’égalité des territoires. Je suis heureuse de constater que ce sujet absolument majeur est mis en avant dans la résolution dont nous discutons aujourd’hui. Vous pouvez compter sur moi pour porter ce sujet de première importance au sein du concert interministériel.

Ces bases étant posées, notamment grâce au rapport coordonné par Éloi Laurent que Laurence Abeille et Jean-Louis Bricout ont évoqué dans leurs interventions, se présente la question du pilotage de notre combat pour l’égalité des territoires. J’ai souhaité que notre pays se dote d’un outil efficace et j’ai initié pour cela la création d’un commissariat général à l’égalité des territoires, qui verra le jour avant la fin du premier trimestre de l’année 2014.

Une nouvelle fois, je rejoins le sens de votre proposition de résolution. La vocation de ce futur CGET sera de renouer avec une ambition de solidarité entre les territoires en devenant l’outil unique de l’État. Au plus proche du terrain et en relation étroite avec les collectivités territoriales et les préfets de région et de département, cette nouvelle entité, issue du regroupement de la DATAR, du SG CIV et de l’ACSE, devra rompre avec l’approche sectorielle qui nous mine toujours et renouer avec une pensée complexe et globale qui seule permet de transformer le réel.

Cette pensée du complexe doit irriguer jusqu’au plus haut sommet de l’État. Vous soulignez à juste titre tout l’intérêt de la tenue prochaine d’un comité interministériel à l’égalité des territoires. Je souhaite, alors que la création du CGET incarne – M. Braillard l’a souligné – la nouvelle vision de ce gouvernement en matière de justice et de développement territorial, que ce CIET soit un moment fort de la cristallisation d’une nouvelle approche territoriale pour notre pays. Une réunion de ce comité pendant l’été 2014 serait une occasion idéale pour marquer la conclusion des contrats de plan État-région ; je vous invite à vous saisir de cette perspective pour donner force et vigueur à votre volonté de voir l’égalité des territoires prendre pleinement son envol.

À ce stade, je veux également insister sur la nouvelle question rurale. En effet, il faut le dire avec force, le monde rural n’est pas une réalité de carte postale, ni même un objet muséifié, issu d’un passé révolu. Il se trouve à mes yeux au cœur de la république des territoires solidaires que j’entends défendre.

Une tendance récurrente dans le débat public – certains d’entre vous s’en sont d’ailleurs fait l’écho – consiste à opposer les espaces urbains, à l’heure des grandes métropoles, et les territoires ruraux, condamnés à devenir de simples espaces récréatifs, inscrits dans une sorte d’économie de seconde division. Je récuse fermement cette approche.

M. Olivier Marleix. C’est pourtant la réalité que créent les régions !

Mme Cécile Duflot, ministre. Comme vous le préconisez dans l’exposé des motifs de votre proposition de résolution, une attention particulière doit être donnée « aux bourgs et petites villes des espaces périurbains et ruraux » qui sont une richesse pour la France et ont vocation à rester vivants. Je connais les difficultés particulières auxquelles sont parfois confrontés les territoires ruraux et périurbains : dévitalisation des centres-bourgs, abandon des services publics, exode des jeunes, isolement des personnes âgées, ou encore perte de lien social. Cela dit, je refuse définitivement de céder au pessimisme ; ces territoires sont aussi – et continueront à être – de véritables fers de lance de l’innovation dans notre pays.

C’est pour répondre aux difficultés, mais aussi parce qu’il croit au potentiel de ce tissu de petites villes et de bourgs pour le développement de notre pays que le Premier ministre a annoncé, le 19 novembre dernier, devant le quatre-vingt-seizième congrès des maires, une politique dédiée aux territoires ruraux. Elle repose sur deux piliers essentiels.

Le premier est le renforcement de l’accès aux services au public. À cet égard, je veux particulièrement remercier Carole Delga. Avec M. Morel-A-L’Huissier qui, malheureusement, n’est plus parmi nous, elle m’a rendu un rapport extrêmement intéressant sur les services publics en milieu rural et l’accès à ces services dans les territoires fragiles. Je suis dubitative – pour utiliser un adjectif poli – quant à la conclusion qu’en a tirée M. Morel-A-L’Huissier. En effet, les cinq préconisations les plus importantes de ce rapport ont toutes été retenues.

L’adoption de schémas départementaux d’accès aux services publics figurera dans le deuxième volet de la loi de décentralisation. J’ai d’ores déjà indiqué aux présidents de conseil général qui le souhaiteraient que nous pourrions mettre en place ces schémas sans attendre la loi, en lien avec les préfets de département et sous l’impulsion du ministère de l’égalité des territoires.

En ce qui concerne les maisons de service public, la stratégie du ministère consiste, comme vous le savez, non seulement à pérenniser ces espaces, mais à en créer 1 000 supplémentaires ; nous menons donc une politique volontariste pour relancer ce dispositif.

Le fonds national de développement des maisons de services aux citoyens est prévu par la loi. Il sera créé en 2014 ; les opérateurs concernés se sont engagés et nous avançons de manière extrêmement active.

La création d’un métier d’agent d’accueil du public dans les maisons de services aux citoyens est elle aussi une question essentielle ; je reprends pleinement cette proposition.

Je sais que les rapports restent souvent lettre morte, relégués dans des tiroirs ou dans des placards. Celui-ci sera mis en œuvre très rapidement ; je vous remercie beaucoup pour votre travail. Je regrette une fois encore que M. Morel-A-L’Huissier n’assume pas le fait que nous reprenions à notre compte vos propositions – ce qui ne nous empêchera pas de le faire.

La mutualisation et le développement des services publics sont l’enjeu capital de demain pour renouer avec une présence de proximité des services. Nous allons, je le répète, mettre en place un réseau de 1 000 maisons de services au public supplémentaires d’ici à 2017, financées pour moitié par l’État et par les opérateurs ; leur budget de fonctionnement est lui aussi d’ores et déjà pérennisé.

M. Jean-Paul Chanteguet. Très bien !

Mme Cécile Duflot, ministre. L’élaboration des premiers schémas d’implantation, sous l’égide du préfet et du président du conseil général, commencera dès le début de l’année prochaine dans des départements volontaires, sans attendre que soit voté le projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et de promotion de l’égalité des territoires.

Je veux également aborder la question de l’accompagnement des bourgs, second pilier de notre politique annoncée par le Premier ministre devant les maires réunis.

Dans certains territoires, l’exode rural et le développement de lotissements pavillonnaires en périphérie ont désagrégé nos centres-bourgs. Les conséquences sur la perte de lien social et la qualité de vie sont très importantes.

Le programme qui sera lancé en 2014 aura pour objectif d’accompagner les collectivités dans la mise en place d’un projet transversal qui ne sera pas consommateur d’espaces agricoles et naturels et qui intégrera toutes les dimensions de la revitalisation : commerces, services publics, aménagements urbains, réhabilitation des logements privés, rénovation et création de logements sociaux, rénovation du patrimoine ; 15 millions d’euros seront affectés par le FNADT pour aider à la mise en œuvre de ces projets complexes. Une enveloppe spécifique d’aides à la pierre leur sera également consacrée au titre du ministère du logement. Je suis navrée, monsieur Marleix, mais on ne peut pas dire n’importe quoi : en 2013, le FNADT était doté de 48,3 millions d’euros, contre 59,2 millions d’euros dans le PLF pour 2014. Vous ne pouvez donc pas dire, à moins de mentir, que les dotations du FNADT ont diminué. C’est tout simplement contraire à la réalité dont témoignent les chiffres votés dans le cadre du projet de loi de finances. Ce sont d’ailleurs là des montants nécessaires, notamment – nous l’avons dit – pour lancer ce projet volontariste en faveur des bourgs.

Il est de la responsabilité de l’État de se tenir aux côtés des territoires qui doivent faire face à des difficultés majeures. C’est bien l’ambition de ce dispositif qui répond à une attente forte des élus et des citoyens, lesquels réclament avec raison de bénéficier de l’attention et du soutien de l’État. C’est dans ce cadre que se déploie – à cet égard, monsieur Candelier, vous avez raison – une réforme de l’intervention de l’État au titre du droit des sols et de l’appui aux collectivités locales. Nous allons créer un nouveau service d’aide aux collectivités locales qui se substituera à celui qui existe aujourd’hui, lequel avait été créé avant 1983, c’est-à-dire à une époque où les transferts de compétences n’avaient pas encore eu lieu.

Permettez-moi encore un mot – et ce sera là ma conclusion provisoire. L’égalité des territoires doit se fonder sur un renouveau citoyen, sur un nouveau souffle démocratique. Je veux parler, vous l’aurez compris, de participation citoyenne. Celle-ci ne verra jamais le jour si nous restons les bras ballants face à la désaffection et au retrait sans cesse grandissants – notamment de la part des jeunes et des plus précaires – du jeu politique. La décentralisation et la modernisation des outils de l’État ne peuvent plus se faire sans une réflexion parallèle visant à redonner la parole à la société civile, en encourageant un empowerment à la française.

Nous pouvons nous appuyer sur des outils existants pour mettre en marche cette réinvention de la démocratie. Les contrats de plan peuvent être des leviers pour démultiplier les projets d’initiative citoyenne. Bien sûr, chaque région s’en saisira différemment, mais je souhaite que cette possibilité soit exploitée au maximum.

Sur l’ensemble des points abordés dans mon intervention, je souhaitais échanger avec vous et répondre à vos interventions. Je juge réellement admirable que les parlementaires se saisissent d’une question essentielle pour l’avenir de notre pays et dont la portée est globale. Vous avez voulu signifier par là que votre attention et votre mobilisation ne connaîtraient pas de répit. Je souhaite que vous soyez toujours les plus zélés défenseurs de l’égalité des territoires. En effet, c’est bien connu, l’égalité n’a jamais trop d’avocats. Votre résolution constitue ainsi un nécessaire plaidoyer pour que, au-delà des mots, notre action commune fasse prendre un cours nouveau à nos territoires.

M. Olivier Marleix. Soyez contents, le Père Noël vous a bien entendus !

Mme Cécile Duflot, ministre. Merci de l’avoir portée ; elle appelle en retour, de la part du Gouvernement tout entier et de ma personne en particulier, une vigilance et une détermination totales. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Vote sur la proposition de résolution

Mme la présidente. Je mets aux voix la proposition de résolution.

(La proposition de résolution est adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Projet de loi de finances rectificative pour 2013

Nouvelle lecture

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2013 (nos 1640, 1652).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, le collectif de fin d’année est, vous le savez, un exercice traditionnel qui nous a déjà rassemblés à plusieurs reprises. Pour ce Gouvernement, il traduit, comme il s’y est engagé, le strict respect en exécution budgétaire des dépenses initialement autorisées par le Parlement. C’est un objectif central de notre politique budgétaire car nous voulons que le redressement des comptes soit une réalité. Nous nous attachons ainsi inlassablement à maîtriser la dépense publique, ce qui nous permet de réduire de manière significative et régulière le déficit public depuis notre arrivée aux responsabilités.

Semaines après semaines, nous faisons ce travail et je soulignerai deux points en introduction à ce débat : le respect strict de l’autorisation de dépense votée par le Parlement et, plus généralement, la maîtrise de la dépense ainsi que son corollaire, la réduction continue des déficits.

S’agissant du volet budgétaire, la dépense est tenue. Ce projet de loi de finances rectificative permet de confirmer et de documenter le strict respect de la dépense de l’État. L’ensemble des mouvements de crédits que nous vous présentons à travers le projet de loi et le décret d’avance permet un respect complet de la norme de dépense.

Les bons résultats en matière de réduction des déficits publics qu’il m’appartient de vous présenter aujourd’hui sont permis par une rigoureuse maîtrise des dépenses publiques, cela a déjà été indiqué lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014. Tel est bien l’objet de ce projet de loi de finances rectificative : opérer les mouvements de crédits nécessaires pour financer les besoins impératifs, tout en veillant au strict respect du total des dépenses autorisées par le Parlement.

Les ouvertures de crédits n’affectent en rien l’équilibre budgétaire, car elles sont entièrement compensées, au sein de l’enveloppe « zéro valeur », par des annulations équivalentes portant, à hauteur de 90 %, sur des crédits mis en réserve.

Nous réalisons 3,2 milliards d’euros d’annulations de crédits pour couvrir les ouvertures de crédits auxquelles nous procédons – les surcoûts liés au prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne à hauteur d’un peu plus d’un milliard d’euros, le surcoût des opérations militaires extérieures à hauteur de 600 millions, nos priorités que constituent l’emploi et la lutte contre la pauvreté avec l’hébergement d’urgence, pour un total de 300 millions, plusieurs dépassements à hauteur de 800 millions, une moitié sur la masse salariale et l’autre sur les aides personnelles au logement, compte tenu d’une conjoncture moins bonne que prévu, et l’aide médicale d’État.

Ces annulations conduisent à revoir à la baisse les dépenses des ministères de 1,1 milliard par rapport à la loi de finances initiale pour 2013.

Pour faire face à ces dépassements, liés au surcoût du budget européen mais également aux annonces nouvelles de janvier 2013 en matière de lutte contre la pauvreté, nous avons pris, dès le début d’année, des mesures de précaution. Ainsi, avec un « surgel » de crédits de 2 milliards d’euros, nous portons la réserve initiale hors masse salariale d’environ 6 milliards à près de 8 milliards d’euros.

À la différence des années passées, mais comme l’année dernière à compter du mois de mai, aucun « dégel » de crédits n’a été autorisé durant l’année avant que nous n’ayons stabilisé notre fin de gestion. C’est là une gestion exemplaire à laquelle nous nous tenons : seuls les crédits strictement nécessaires et urgents ont été dégelés.

Ainsi, au 31 octobre, la réserve s’élevait à 7,4 milliards d’euros, en baisse uniquement de 500 millions par rapport à la réserve initiale. L’instauration de cette réserve supplémentaire et l’absence de dégel sur la réserve initiale ont été un signal déterminant auprès de tous les gestionnaires afin d’assurer un pilotage exemplaire de leurs crédits, permettant de programmer ab initio leurs dépenses sur la seule enveloppe dont ils étaient certains de disposer, tout en réservant les crédits destinés au financement en gestion des aléas et des priorités, sur leur programme budgétaire et, le cas échéant, au-delà.

C’est ainsi, mesdames et messieurs les députés, grâce à une gestion rigoureuse, que nous sommes en mesure de vous présenter un projet de loi de finances rectificative qui respecte la norme de dépense.

Sur le reste de la dépense que nous pilotons, les résultats sont là aussi au rendez-vous.

En effet, au moment du dépôt du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, nous avions revu à la baisse de 500 millions l’ONDAM 2013. Nous avons durci cet objectif de 150 millions durant les débats et c’est, au total, près de 700 millions de moins que l’objectif initialement voté.

J’en viens au deuxième point sur lequel je voudrais insister, la réduction continue des déficits. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer à ce sujet à plusieurs reprises, à l’occasion du projet de loi de finances pour 2014 ou du projet de loi de finances rectificative pour 2013.

Ce dernier confirme en effet les prévisions déjà présentées dans le cadre de la reprévision 2013 associée au projet de loi de finances 2014 : une croissance de 0,1 % et un déficit public pour 2013 de 4,1 % du PIB, en réduction de 0,7 point de PIB par rapport à 2012.

De surcroît, le Haut conseil des finances publiques, saisi sur le projet de loi de finances rectificative, a de nouveau indiqué que la prévision de croissance retenue pour 2013 était réaliste et la prévision de déficit public plausible.

Rappelons que, contrairement à ce que certains prétendent, il n’y a pas de dégradation des déficits publics, mais, au contraire, une réduction continue de ces déficits depuis mai 2012. Je vais une nouvelle fois vous indiquer la séquence des chiffres : 5,3 % des déficits publics en 2011, 4,8 % en 2012, 4,1 % en 2013, et l’objectif reste bien entendu de 3,6 % pour 2014.

S’agissant de 2013, la réduction du déficit nominal à hauteur de 0,7 point de PIB est le résultat d’un effort structurel historique – 1,7 point de PIB –, alors que l’activité économique, encore peu dynamique, affecte le déficit à hauteur d’un point de PIB.

Je pourrais évoquer aussi le déficit structurel qui s’élevait en 2011 à 5,1 %, en 2013 à 2,6 % et qui sera de 1,7 % en 2014.

La prévision de solde budgétaire 2013 est également maintenue au niveau prévu pour 2013 dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, à moins 71,9 milliards, soit une amélioration de plus de 15 milliards par rapport à l’exécution 2012, compte tenu de l’important ajustement opéré en 2013.

Face à la dégradation de l’activité économique en Europe, nous avons pris le parti, que nous assumons, de ne pas présenter de collectif budgétaire anticipé, comme nous exhortait à le faire l’opposition, ce qui aurait eu pour effet d’augmenter les impôts, de durcir le rythme des efforts, d’accomplir un ajustement à marche forcée, avec des effets récessifs majeurs.

Arrêtons-nous un instant sur les prévisions de recettes car je souhaite insister sur un point : les recettes fiscales sont globalement stables par rapport aux chiffres qui vous ont été présentés en septembre dernier.

Si des mouvements de très faible ampleur ont été constatés, ils sont sans effet sur le niveau total des recettes. Elles sont donc, comme indiqué lors du projet de loi de finances pour 2014, en baisse de 11 milliards par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. Certains parlementaires tentent d’effrayer à partir de ce résultat mais il n’est rien d’autre que le corollaire d’une croissance moins élevée que prévu au moment de la loi de finances initiale pour 2013. Alors que nous avions prévu une croissance de 0,8 %, elle s’élèvera à 0,1 %, voilà tout. Et il n’y a pas lieu de revoir davantage les recettes comme certains amendements de l’opposition le suggèrent.

Je voudrais dire un mot de l’exit tax et du rapport que nous avons communiqué au Parlement.

La commission des finances, par la voix de son Président, m’a saisi d’une demande de transmission d’un rapport concernant l’exit tax, demande réaffirmée lors de la première lecture de ce collectif budgétaire. Vous connaissez bien la conception que je me fais des rapports entre le Gouvernement et le Parlement, monsieur le président de la commission des finances. Dans le cadre de mes responsabilités, je mets un point d’honneur à faire toute la transparence sur l’action de l’exécutif, incluant en l’espèce l’évolution des départs à l’étranger et des retours en France des contribuables français.

M. Jean Launay. Cela marche dans les deux sens.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vous annonce donc que j’ai adressé aux présidents et rapporteurs généraux des commissions de finances de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport relatif à l’évolution des départs pour l’étranger et des retours en France des contribuables et du nombre de résidents fiscaux, rapport qui fait la synthèse des travaux conduits par les services fiscaux de l’État.

L’étude de ce rapport, notamment des données fiscales et non fiscales qui ont fait l’objet d’une attention méticuleuse de la part de mes services, ne permet pas d’accréditer la thèse d’un exil fiscal massif.

M. Régis Juanico. Eh oui….

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ainsi, le nombre de Français inscrits au registre mondial des Français établis hors de France a augmenté de 1,1 % en 2012, ce qui est bien inférieur à la hausse de 2011 – 6 % – et à l’accroissement naturel de la communauté française à l’étranger – 4 %. Inversement, l’évolution du nombre de résidents et de non-résidents fiscaux en France, connue jusqu’en 2011, permet de vérifier que le nombre de non-résidents est stable depuis 2007 et représente environ 0,5 % de la population totale des redevables de l’impôt sur le revenu.

En matière fiscale, le rapport dresse le bilan des départs pour l’étranger et des retours en France des redevables de l’ISF qui ont eu lieu en 2011. Ce bilan confirme la stabilité du nombre de départs entre 2007 et 2011 – de l’ordre de 500 par an sur un périmètre comparable durant toute la période des redevables dont le patrimoine est supérieur à 1,3 million d’euros – et des retours des contribuables, essentiellement en provenance du Royaume-Uni, des États-Unis, de Belgique et de Suisse, qui concernent 109 redevables, ce qui est comparable au chiffre de 2010 – 129.

Naturellement, ces données doivent être lues avec discernement : aucune statistique ne fonde jamais une politique. Pour autant, elles portent un coup sérieux aux discours alarmistes, parfois idéologiques, que l’on entend à ce propos. Je souhaite ainsi continuer à transmettre tous les éléments que le Parlement est légitime à connaître sur ces sujets pour lesquels nous avons parfois eu à établir des statistiques fiables.

Pour ce qui est du financement de l’économie, en particulier de la réforme de l’assurance-vie, outre la clôture de l’exercice budgétaire 2013, ce projet de loi de finances rectificative poursuit les réformes qui consistent à moderniser les outils de financement de l’économie et à rendre notre État plus véloce dans la mondialisation.

La réforme de l’assurance-vie repose ainsi sur deux piliers, à commencer par la création d’un nouveau produit « euro-croissance ». Ces fonds « euro-croissance » permettront à un assuré de bénéficier d’une garantie du capital s’il reste investi au moins huit ans et pourront être souscrits dans des contrats multi-supports offrant beaucoup de souplesse. Ils constitueront, à moyen terme, un outil puissant de réallocation des actifs de l’assurance-vie vers les investissements les plus utiles à notre économie.

Le second pilier est une réforme du régime fiscal de la transmission des contrats d’assurance-vie, pour inciter les plus gros patrimoines à contribuer davantage au financement de certains pans de l’économie. La fiscalité applicable à la transmission des plus gros patrimoines sera augmentée – le taux du barème applicable aux grosses successions sera revu à la hausse, passant de 25 à 31,25 % pour la tranche supérieure à 700 000 d’euros par bénéficiaire, selon le nouveau seuil que vous avez fait adopter en première lecture à l’Assemblée nationale, à l’initiative du rapporteur général.

Dans le même temps, toutefois, les contrats respectant certains critères d’investissement bénéficieront d’un abattement d’assiette permettant de compenser cette hausse. Il s’agit donc bien, mesdames et messieurs les députés, d’une incitation à modifier les comportements. Les investissements visés sont les placements effectués dans des actions de PME et d’ETI, dans le logement social et intermédiaire, et dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire, dont vous savez qu’elles sont pour nous une priorité.

Je voudrais enfin dire quelques mots du choc de simplification souhaité par le Président de la République, auquel le Gouvernement travaille avec beaucoup d’attention. Le projet de loi de finances rectificative contribue pleinement à l’effort de simplification qui mobilise l’ensemble de l’appareil d’État et qui, à cet effet, a toute sa place dans les textes financiers. L’enjeu est connu de vous, mesdames et messieurs les députés : il s’agit de simplifier les règles et, surtout, les relations avec l’administration, pour les entreprises comme pour les particuliers. Il est ainsi prévu de simplifier les obligations déclaratives à l’impôt sur le revenu en généralisant les cas de dispense de justificatifs, d’étendre le recours obligatoire au télépaiement de la taxe sur les salaires et de légaliser le principe de gratuité des prélèvements opérés à l’initiative de l’administration fiscale pour le paiement des impôts. Cette dimension de la simplification des relations entre l’administration et les administrés contribuables ainsi que la création d’une relation de confiance entre l’administration et les entreprises sont décisives pour l’attractivité de notre pays et font partie des priorités que nous avons engagées avec le ministre de l’économie et des finances, M. Pierre Moscovici.

M. Charles de Courson. Il y a beaucoup à faire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En conclusion, mesdames et messieurs les députés, j’aimerais vous dire que ce projet de loi de finances rectificative illustre la détermination du Gouvernement à maîtriser la dépense publique. Elle se manifeste par un schéma de fin de gestion qui prévoit un effort substantiel sur les budgets des ministères, dont les dépenses sont revues à la baisse de 1,1 milliard d’euros par rapport à la budgétisation initiale.

J’attendais ce moment de la présentation du collectif budgétaire qui me permet de faire valoir devant la représentation nationale la bonne tenue des finances publiques. Durant des semaines, il a été exigé un collectif budgétaire anticipé, sous prétexte que nous avions revu nos objectifs de déficits au terme de l’année 2013, en raison de la conjoncture, et maintenu notre rythme d’ajustement indépendamment de l’évolution de la dégradation économique qui frappait l’Europe. J’avais alors précisé que les textes budgétaires, en premier lieu la LOLF, ne prévoyaient pas que le Gouvernement présentât un collectif en raison de moindres recettes, mais que je viendrais autant que nécessaire dresser devant votre commission l’état précis du solde budgétaire. Je me suis mis, dès ma nomination, à la disposition de la commission des finances pour rendre compte à tout moment de l’évolution de l’exécution du budget 2013, de sorte que la transparence que vous êtes en mesure d’exiger soit une réalité.

À l’heure de la présentation de ce collectif, force est de constater que les économies ont été tenues, comme l’effort structurel. Ce collectif budgétaire démontre ainsi que le Gouvernement, soutenu par sa majorité, a respecté les engagements qu’ils avaient tous deux pris devant vous, et que l’on s’est parfois fourvoyé à remettre en cause en cherchant à semer le trouble. Dans les années qui viennent, nous poursuivrons notre ajustement exclusivement par des économies en dépenses : c’est notre engagement devant les Français. Ce collectif budgétaire plaide en notre faveur et démontre, s’il en était besoin, que nous sommes capables de tenir cet engagement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, nous nous réunissons aujourd’hui pour examiner en nouvelle lecture l’unique projet de loi de finances rectificative pour 2013, après la nouvelle lecture, la semaine dernière, du projet de loi de finances.

Initialement, le projet de loi de finances rectificative pour 2013 comportait 34 articles, y compris l’article liminaire. À l’issue de la première lecture par l’Assemblée nationale, le 10 décembre dernier, les députés ont modifié 23 articles. En outre, les 34 articles initiaux ont été complétés par 59 articles additionnels. Le texte adopté par l’Assemblée et transmis au Sénat comprenait donc 93 articles.

Le Sénat a pour sa part rejeté l’ensemble du texte le 13 décembre dernier. Il avait adopté un nombre significatif d’amendements importants, contre l’avis du Gouvernement, voire contre celui de la commission des finances. Il avait en particulier rejeté l’article d’équilibre et refusé, coMme l’y autorise son règlement – qui diffère de celui de l’Assemblée nationale – une seconde délibération que le Gouvernement lui demandait.

Las, le 16 décembre dernier, la commission mixte paritaire a constaté qu’elle ne pouvait parvenir à un accord sur l’ensemble des dispositions restant en discussion.

M. Christophe Castaner. Ce n’est pas faute d’avoir essayé !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Elle a donc conclu à l’échec de ses travaux. Cette conclusion était inévitable dès lors que les votes ayant conduit au rejet du texte au Sénat ne présentaient pas d’objectifs communs, mais s’inscrivaient dans des logiques politiques différentes, voire opposées.

M. Philippe Vigier. Oh là là !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cela nous vaut donc le plaisir d’examiner en nouvelle lecture ce projet de loi de finances rectificative pour 2013.

Je voudrais tout d’abord rappeler quels ont été les amendements principaux qui ont été adoptés en première lecture. Sous l’impulsion de la commission des finances, le travail de l’Assemblée s’est organisé autour de deux axes. Le premier concernait la lutte contre l’optimisation, la fraude et l’évasion fiscales, au moyen notamment de l’adoption de plusieurs amendements.

Tout d’abord, le dispositif dit d’exit tax, dont la description figure dans le rapport que vient d’évoquer M. le ministre, a été complété avec un abaissement à 800 000 euros du seuil commandant le déclenchement de la taxation, et l’élargissement des actifs pris en compte dans l’assiette. Ensuite, une taxation a été prévue sur la revente de fréquences hertziennes acquises gratuitement, reprenant ainsi un dispositif à nouveau adopté au Sénat à l’initiative de notre collègue David Assouline ; notez que cette taxe, hélas, ne s’appliquera que pour l’avenir. Un autre amendement concernant le PEA-PME, qui sera probablement rectifié en seconde lecture, concerne les plus-values des valeurs mobilières. Enfin, il a été décidé une obligation de déclaration à l’administration fiscale des contrats d’assurance-vie, qui devrait permettre la création d’un fichier dit FICOVI recensant l’ensemble de ces contrats, à la grande joie de notre collègue Sandrine Mazetier, (Sourires.)

M. Charles de Courson. Madame Mazetier, c’est Big Brother !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …et permettant de faciliter la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, mais aussi de mieux traiter la question des contrats d’assurance-vie en déshérence, qui fait subitement – et heureusement – l’objet d’une attention particulière de la part de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Le deuxième axe était consacré au renforcement de la redistributivité du système fiscal, par le biais, là encore, de plusieurs amendements, portant notamment sur la taxation des transmissions de montants supérieurs à un million d’euros et réalisées dans le cadre de certains contrats d’assurance-vie ; l’accès aux livrets d’épargne populaire a été élargi avec la prise en compte du revenu fiscal de référence pour déterminer la possibilité, pour un épargnant modeste, de bénéficier de cet avantage réglementé ; la modalité de recouvrement de la taxe sur les « micrologements » a été simplifiée afin d’en améliorer l’efficacité ; enfin, les modalités de calcul de la réserve de participation ont été précisées afin de mieux protéger les droits des salariés dans les entreprises qui bénéficient d’un crédit d’impôt, hors crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Je ne peux par ailleurs que relever l’ajout de très nombreux articles additionnels issus d’amendements déposés parfois tardivement par le Gouvernement…

M. Philippe Vigier. Il est bon de le reconnaître, car c’est vrai !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …ne laissant pas toujours le temps nécessaire, même si nous l’avons pris depuis, pour analyser les dispositifs concernés. Je prendrai pour exemple l’article 37, qui prévoit le transfert à l’Agence nationale de gestion des droits des mineurs de l’action sanitaire et sociale de la Caisse de Sécurité sociale des mines, et la validation législative du décret opérant ce transfert, que le Conseil d’État avait partiellement annulé.

En nouvelle lecture, notre commission vous présentera quelques modestes propositions. Je veux parler de la réduction du seuil de revenu fiscal de référence ouvrant accès au livret d’épargne populaire, de façon à éviter d’accroître trop fortement le nombre de ménages susceptibles d’en bénéficier. Je veux aussi parler de l’ouverture du bénéfice de l’avantage fiscal du compte d’investissement forestier et d’assurance, le CIFA, aux groupements forestiers, qui sont des acteurs importants et reconnus de la gestion des bois et forêts. Citons également le plafonnement de l’indexation du plafond de la contribution au service public de l’électricité par site de consommation à hauteur de 5 % par an pour les entreprises électro-intensives, afin de ne pas trop peser sur leurs coûts de production sans pour autant revenir sur le souhait d’un partage plus équitable de la charge du service public de l’électricité – vous avez reconnu là l’article 26. Évoquons aussi la demande de dépôt d’un rapport au Parlement évaluant annuellement le dispositif de soutien aux exportations des entreprises grâce à la nouvelle garantie accordée par l’État à la COFACE pour les opérations de réassurance-crédit de court terme. Enfin, nous présenterons quelques modestes amendements inspirés de divers amendements rédactionnels et de coordination, notamment proposés par la commission des Finances du Sénat.

D’autres amendements ont été déposés après la réunion de la Commission qui a eu lieu hier après-midi, et nous aurons l’occasion d’y revenir dans la discussion des articles.

M. le ministre l’a dit, et je le confirme : ce projet de loi de finances rectificative prévoit les mesures permettant de tenir, en exécution, la dépense de l’État. Il prévoit également plusieurs mesures fiscales au bénéfice du financement de l’économie, de la lutte contre l’optimisation fiscale et du renforcement de la redistributivité du système fiscal.

C’est pourquoi, chers collègues, je vous invite par avance à approuver, après les compléments et les débats à venir, que nous rendrons comme toujours fructueux, ce projet de loi de finances rectificative ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, voici un collectif budgétaire qui arrive en son temps, c’est-à-dire en fin d’année. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est vrai que quinze jours plus tard, c’était trop tard !

M. Pierre-Alain Muet. Le Gouvernement a eu raison de ne pas présenter d’autre collectif budgétaire entre-temps. En effet, présenter un collectif budgétaire à chaque fois que la croissance se révèle moins forte que prévue, c’est ajouter de l’austérité à la récession. Présenter un collectif budgétaire en cours d’année, c’est finalement ne pas respecter le vote initial du Parlement sur le projet de loi de finances.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est vrai.

M. Pierre-Alain Muet. En respectant strictement les mesures adoptées, c’est-à-dire l’effort structurel, on respecte au contraire le vote du Parlement !

Cette année 2013 est d’abord marquée par une réduction forte du déficit dans un contexte de croissance extrêmement faible, puisque l’Europe est en récession depuis deux ans et que notre pays connaissait, au moins jusqu’à la mi-2013, une croissance quasi nulle depuis deux ans également. Or, le déficit nominal est passé de 4,8 % du PIB en 2012 à 4,1 % en 2013, soit une baisse de 0,7 point qui correspond à un effort structurel historique – l’adjectif a été employé par la Cour des comptes – de 1,7 point moyennant, naturellement, une dégradation conjoncturelle du déficit d’un point.

Cette réduction du déficit résulte pour la première fois depuis cinq ans en un solde structurel inférieur à 3 %, puisqu’il est de 2,6 % !

M. Régis Juanico. Très bien !

M. Pierre-Alain Muet. Pendant les cinq années de la précédente mandature, ce solde structurel était compris entre 3,5 et 5 %. C’est d’ailleurs l’ampleur de ce déficit structurel qui a expliqué l’explosion de la dette française. Cette réduction du déficit se fait, comme l’a rappelé M. le ministre, dans un strict respect de l’objectif et de la norme de dépenses, en ne s’appuyant pas sur un rabot uniforme, comme le gouvernement précédent, mais sur une politique sélective des dépenses privilégiant l’éducation, l’enseignement supérieur, la recherche et l’emploi.

Enfin, ce collectif budgétaire s’inscrit dans une reprise de l’activité économique en Europe commencée il y a près de trois trimestres. Le taux de croissance annuel moyen dans notre pays est de l’ordre de 1 %, avec des hauts et des bas, comme c’est le cas en période de reprise. L’Europe connaît une reprise lente et toute la politique du Gouvernement – aussi bien dans le budget voté pour 2013 que dans ce collectif budgétaire et dans le budget que nous voterons dans quelques jours pour 2014 – consiste à permettre cette reprise de la croissance, en s’appuyant sur un objectif majeur : l’inversion de la courbe du chômage.

C’est au chômage que je consacrerai ce qu’il me reste de temps de parole. De fait, face à la situation actuelle, deux attitudes étaient possibles. La première aurait été d’attendre que la croissance soit suffisante pour réduire spontanément le chômage : on sait qu’il faut plus de 1 % de croissance pour que les créations d’emploi contribuent à la réduction du chômage. La seconde, choisie par ce gouvernement, consiste à anticiper l’inversion de la courbe du chômage, par le biais d’une politique active concentrée sur l’emploi. Cette politique est parfaitement adaptée à la conjoncture.

Après deux années de récession européenne, la France, comme la plupart des pays européens, voit sa demande, et partant sa production, très éloignée de la production potentielle. Les entreprises expliquent en effet qu’à plus de 50 %, c’est la contrainte de demande qui limite la production, même si elles rencontrent aussi des problèmes d’offre. Par conséquent, le redémarrage – comme toujours en récession – se fait par la reprise de la demande. En soutenant la politique de l’emploi, en créant les emplois d’avenir et en mettant l’accent sur les emplois aidés dans le secteur non marchand, non seulement nous donnons des emplois à des jeunes qui en attendaient depuis longtemps – cela fait presque cinq mois que la courbe du chômage des jeunes s’est inversée –, mais nous donnons aussi du revenu. Ce sont là les meilleures façons de permettre à la demande de repartir et à la croissance de revenir.

Cette politique, inscrite dans le projet de loi de finances rectificative, comme dans les budgets pour 2013 et pour 2014, illustre parfaitement ce que sont les deux piliers de la politique du Gouvernement : le redressement et la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il n’y a rien à dire de plus ! On pourrait arrêter là la discussion générale !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Cette nouvelle discussion sur le collectif budgétaire est l’occasion, monsieur le ministre, de vous rappeler à quelques réalités quant à l’exécution budgétaire et à des dépenses, qui, d’exécution à exécution, sont en hausse entre 2012 et 2013.

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. Hervé Mariton. La réalité, quand bien même vous voulez la nier, c’est qu’elles passent de 375 à 378 milliards d’euros. Les recettes fiscales sont en hausse, parce que vous avez voulu des augmentations d’impôts, même si, la matière se dérobant, au lieu des 30 milliards d’euros d’augmentation de recettes fiscales que vous aviez souhaités, vous n’en percevrez que 19, car 11 milliards de recettes font défaut.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Trente milliards, maintenant ! On en gagne dix à chaque fois ! Le magicien des chiffres !

M. Patrick Hetzel. Trop d’impôt tue l’impôt !

M. Hervé Mariton. Rien ici de quelque vertu fiscale dont vous auriez voulu faire profiter les Français, c’est en réalité votre propre politique qui vous échappe. Monsieur le ministre, la réalité, c’est aussi un solde budgétaire régulièrement détérioré…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Parole d’expert !

M. Hervé Mariton. …au fil des prévisions budgétaires.

Au-delà de ces observations, je veux, monsieur le ministre, vous faire part de quelques interrogations très concrètes et précises eu égard aux perspectives de débats que nous avons eus ici. Vous nous avez entretenus longuement, car nous vous avions interrogé, sur l’équitaxe. Des jours ont passé depuis notre débat et les rencontres prévues à Bruxelles ont peut-être eu lieu. Le Gouvernement peut-il nous rendre compte de ce qu’il a fait ou non, obtenu ou non, pour éviter d’aggraver la situation de ce secteur du sport, des loisirs et de l’économie, et nous éclairer à ce sujet ?

J’ai également une autre question, car vous n’aviez pas répondu à celle du président de la commission. Dans le collectif budgétaire, vous supprimez des sommes importantes relatives aux crédits d’infrastructures – en particulier au financement de l’AFIT – avant même de pouvoir constater ce que vous avez provoqué : l’échec de la taxe poids lourds. Je comprends, monsieur le ministre, que vous disiez aujourd’hui qu’il n’y aura, pour 2014, aucune compensation d’aucune sorte à la perte de financement provoquée par l’inapplication de l’écotaxe. On pourrait comprendre que vous cherchez par là à maîtriser la dépense, ce que vous ne faites pas tout à fait au collectif 2013 ; espérons donc que vous fassiez mieux en 2014. Toutefois, vous pourriez proposer des économies dans certains domaines et débloquer…

M. Patrick Hetzel. Il débloque tout court !

M. Hervé Mariton. …la politique de financement des infrastructures. Quelles sont vos orientations pour 2014 ? Confirmez-vous qu’il n’y aura aucun crédit budgétaire supplémentaire pour compenser la disparition de la taxe poids lourds et, du coup, un budget restreint pour la politique d’infrastructures, comme il est décidé dans ce collectif ? Décidément, 2014 sera une année de marasme absolu !

Qui plus est, monsieur le ministre, ce collectif nous oblige à vous poser quelques questions relatives à vos équilibres politiques. Même si je ne boude pas mon plaisir de reprendre le débat, le rapporteur général l’a dit en termes élégants : cette nouvelle lecture est la conséquence de votre échec au Sénat. Nous savons comme vous que le Gouvernement n’y dispose pas d’une majorité. Toutefois, la question se pose aussi de vos équilibres dans cet hémicycle. Nous avons entendu le rapporteur général, nos collègues socialistes qui ne manquent pas d’initiative à l’occasion des différents textes budgétaires et, à l’instant, l’orateur du groupe socialiste, mais quelle est votre politique économique ? Au fil des discussions budgétaires, bon nombre d’interlocuteurs de la vie économique de notre pays constatent soit que vous n’avez pas de politique économique, soit que vous en avez deux de sens contraire, l’une qui cogne sur les entreprises – l’an dernier, à la même époque, vous avez augmenté leur fiscalité – l’autre qui cherche à alléger, laborieusement, les prélèvements, avec la mise en place du CICE.

M. Patrick Hetzel. Une usine à gaz !

M. Hervé Mariton. Un certain nombre de dispositions – souvent, reconnaissons-le à votre décharge, par voie d’amendements de la majorité – ont contribué à jeter beaucoup de doutes, d’interrogations et de scepticisme dans le monde économique.

M. Patrick Hetzel. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Hervé Mariton. Clairement, le Gouvernement et la majorité ne semblent pas « aimables », pour le dire en français, à l’égard du monde de l’entreprise. Le Gouvernement a-t-il l’intention, en accumulant des initiatives, certes d’origine parlementaire, mais validées par l’exécutif, de poursuivre longuement une politique anti-entreprise ?

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député !

M. Hervé Mariton. À quel moment ces signaux s’éteindront-ils ? À quel moment notre pays pourra-t-il bénéficier de la politique économique qu’il mérite ? (Applaudissements sur quelques bancs.)

M. Philippe Vigier. Applaudissements nourris…

Mme Brigitte Bourguignon. Plus que les bancs !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Voilà des mois que la représentation nationale attendait ce collectif budgétaire : il est né, le divin enfant !

M. Patrick Hetzel. Voilà six mois qu’on le réclamait !

M. Charles de Courson. Celui-ci s’inscrit malheureusement dans la continuité de la politique budgétaire, injuste socialement et économiquement inadaptée,…

M. Patrick Hetzel. Et insincère !

M. Charles de Courson. …que le Gouvernement mène depuis son arrivée au pouvoir. Pas de changement de cap, ni de décision courageuse en matière de réforme structurelle : ce texte se contente d’entériner les mauvais choix du Gouvernement et de sa majorité, sans nous offrir la moindre perspective rassurante pour la fin de l’année 2013 ni, surtout, pour 2014. Les dépenses augmentent, tout comme les impôts des ménages et des entreprises, le travail et l’investissement sont découragés, l’épargne est fragilisée et le sentiment de désespoir n’a jamais été aussi fort dans notre pays.

Tout d’abord, la dépense publique continue d’augmenter. Pour 2013, vous aviez annoncé 10 milliards d’euros d’économies sur les dépenses publiques. Entre nous soit dit, on n’a pas trouvé plus de 6 ou 7 milliards d’euros, en comptant large. Or, de 56,6 % du PIB en 2012,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’était plus !

M. Charles de Courson. …le taux des dépenses publiques consolidées de l’État, de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales est passé à 57,1 %, soit une augmentation de 0,5 point de PIB et de 10 milliards d’euros. La dépense publique consolidée augmente donc plus vite que la richesse nationale.

À la lecture du rapport du rapporteur général, il apparaît que l’on passe, pour le seul budget de l’État, en exécution révisée 2013, de 375,9 milliards d’euros en 2012 à 378,3 milliards d’euros en 2013 : il s’agit bien d’une augmentation de 2,4 milliards d’euros, même hors mesures exceptionnelles. Et la réalité des chiffres est encore plus brutale quand on compare les prévisions et les réalisations de l’ensemble des dépenses publiques, à savoir l’État, la Sécurité sociale et les collectivités territoriales.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous ne manquez pas d’air !

M. Patrick Hetzel. Vous non plus !

M. Charles de Courson. Alors que la loi de programmation, monsieur le rapporteur général, prévoyait 56,3 % de dépenses publiques consolidées pour 2013, le programme de stabilité en prévoyait 56,9 %, et nous atteignons in fine 57,1 % en exécution : le dérapage est de 0,8 point, soit 16 milliards d’euros. Ce sont les chiffres de votre rapport, monsieur le rapporteur général.

Quand on nous dit que ce phénomène est dû à une moindre croissance économique, rappelons que le groupe UDI n’a cessé de répéter, lors du projet de loi de finances pour 2013, que les prévisions initialement retenues étaient tout à fait déraisonnables. En réalité, nous sommes quasiment à zéro de croissance en 2013 – 0,1 % représente en effet plus que la marge d’incertitude dans le calcul du PIB. Quant à l’autre explication, selon laquelle le dérapage serait dû à des dépenses exceptionnelles, elle est tout simplement nulle et non avenue. Le rapport de M. Eckert précise que les dépenses exceptionnelles se sont élevées à 9,1 milliards d’euros en exécution 2012 et à 9,9 milliards en exécution 2013. Ce ne sont pourtant pas ces 0,8 milliards supplémentaires qui justifient le dérapage. En fait de mesures exceptionnelles, il s’agit de mesures permanentes, d’un montant compris entre 9 et 10 milliards.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est n’importe quoi !

M. Charles de Courson. De plus, nous ne pouvons que constater l’explosion des dépenses dites « de guichet », en particulier dans le domaine social : le dépassement de plus de 300 millions d’euros pour la seule mission « Immigration »,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ça fait bien ! Ça fait généreux !

M. Charles de Courson. …certes, ça n’est pas nouveau – notamment au titre de l’aide médicale d’État, de l’hébergement d’urgence, de l’allocation temporaire d’attente ou des opérations extérieures, comme nous l’avions dit dès le projet de loi de finances initiale Pour compenser ces dépassements, le Gouvernement procède à des annulations de crédits très importantes, mais essentiellement sur les dépenses d’investissement. Il ne restait déjà plus qu’une vingtaine de milliards d’euros d’investissement sur un budget de 370 milliards d’euros, et vous continuez à les réduire : 650 millions d’euros en moins pour l’équipement des forces armées ou 440 millions d’euros en moins pour les infrastructures de transports, pour ne citer que quelques exemples. Cela n’est pas sérieux ! Il n’y a déjà presque plus d’investissement dans le budget de l’État, et l’on continue de le réduire.

En définitive, nous assistons à la poursuite de la hausse des dépenses publiques. Rappelons qu’en 2013, le Gouvernement frôle la médaille d’or de l’OCDE des dépenses publiques ! Pour le moment, monsieur le ministre, on ne vous a remis que la médaille d’argent, mais je ne désespère que l’opposition vous remette un jour la médaille d’or. La Cour des comptes a par ailleurs indiqué que l’efficience de ses dépenses place la France très loin de ce deuxième rang. Selon la Cour des comptes, d’importantes sources d’économies peuvent être mobilisées sans dégrader la qualité des services publics ni diminuer l’ampleur de la redistribution. Il est temps d’agir !

Le deuxième point, tout aussi grave, que je voudrais développer concerne les recettes : la moins-value de 10,8 milliards d’euros en 2013 est inquiétante. Selon le rapporteur général, la chute atteint 5,6 milliards d’euros pour la TVA, 3,8 milliards d’euros pour l’impôt sur les sociétés et 3,1 milliards d’euros pour l’impôt sur le revenu. On attend encore l’explication de cette considérable chute du produit de ces impôts, qui nous semble être structurelle. Selon le Gouvernement, la raison en serait conjoncturelle, mais je vais vous démontrer le contraire, hélas. On nous explique en effet que la chute du produit de la TVA serait liée – tenez-vous bien, mes chers collègues ! – à une évolution de la structure de la consommation. En d’autres termes, il existe une déformation par rapport aux taux existants qui entraîne une baisse mécanique. Ceci n’est absolument pas établi !

La vraie explication n’est pas à chercher dans une déformation de la consommation au regard des taux. C’est beaucoup plus grave : elle est à chercher dans plusieurs phénomènes nouveaux. Ainsi, de nouvelles formes d’échanges s’organisent un peu partout dans la société française. Prenons l’exemple des locations de particulier à particulier – j’avais déposé un amendement à ce sujet, qui, hélas, a été repoussé – : il peut s’agir de locations de logement ou de véhicule, et elles échappent totalement à la TVA. Autres exemples : le développement du troc et celui d’une nouvelle forme de monnaie qui échappent, eux aussi, complètement à la taxation. Par ailleurs, il y a la remontée du travail au noir ; on le voit notamment dans les services à la personne et aux familles. Ces phénomènes vont s’accentuer en 2014…

M. Patrick Hetzel. Hélas !

M. Charles de Courson. …alors qu’une étude récente de la Commission européenne évalue le manque à gagner de la France à 32 milliards d’euros pour la seule TVA ! La diminution des recettes sur cette taxe est donc structurelle.

S’agissant de l’IS, le rapporteur général est, là encore, d’une prudence extrême, ce que je ne lui reprocherai pas : « Toutefois, dans l’hypothèse où le rendement des mesures nouvelles serait inférieur à la prévision, il faudrait alors revoir à la baisse l’effort structurel en recettes, donc le niveau structurel des recettes publiques, ce qui impliquerait de revoir à la hausse le déficit structurel », dites-vous, monsieur le rapporteur général. Vous avez en effet raison, mais derrière cette hypothèse, c’est l’assiette de l’impôt sur les sociétés qui est en train de s’effondrer.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ça, c’est votre interprétation !

M. Charles de Courson. La raison en est assez simple : quand vous gérez un groupe implanté dans le monde entier, allez-vous, monsieur le rapporteur général, localiser vos bénéfices dans les pays à fort taux d’IS ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je ne gère pas de groupe !

M. Charles de Courson. Mais il faut avoir des amis partout pour comprendre ce qui se passe.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Les gestionnaires des groupes ne regardent pas que les taux : ils regardent l’assiette ! Ce ne sont pas des gogols !

M. Charles de Courson. Tout à fait exact, monsieur le rapporteur général, mais je rappelle que le taux de l’IS sur les groupes de plus de 250 millions de chiffre d’affaires atteint 38 %, soit le taux le plus élevé des pays de l’Union.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous ne voyez que les taux ! Ne soyez pas stupide et réducteur ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vigier. Oh !

M. Charles de Courson. Le taux moyen est de 21 %, soit quinze points d’écart avec notre pays, sachant que le taux le plus faible est de 12,5 %, en Irlande.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Parlez de l’assiette !

M. Charles de Courson. Même si on tient compte de l’assiette, un taux élevé vide l’impôt puisqu’il incite à faire de l’optimisation fiscale.

M. Patrick Hetzel. Exactement !

M. Charles de Courson. Si vous aviez été directeur financier d’une grande entreprise, avec des implantations un peu partout, vous sauriez ce qu’est l’optimisation fiscale. Là encore, la diminution des recettes de l’impôt sur les sociétés est structurelle. Vous vous battez contre des moulins à vent.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est vous qui avez laissé filer l’optimisation fiscale !

Mme la présidente. Seul l’orateur a la parole.

M. Philippe Vigier. Il l’interrompt tout le temps, madame la présidente !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je n’interromps pas, je nourris sa réflexion ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Tant que vous n’aurez pas baissé le taux de l’IS, vous n’arriverez pas à reprendre de l’assiette. Monsieur le rapporteur général, nous vous donnons rendez-vous en 2014 et vous verrez si c’est vous ou nous, hélas, qui avons raison.

Le taux de prélèvements obligatoires est passé de 45 % en 2012 à 46 % en 2013, et s’élèvera à 46,1 % en 2014. Il continue à augmenter. Vous êtes ainsi, monsieur le ministre, médaille d’argent des pays de l’OCDE, et ne tarderez pas à devenir médaille d’or d’ici deux à trois ans au plus tard.

Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, nous commençons donc à voir les effets catastrophiques de votre politique fiscale. Vous entraînez le pays dans une spirale dangereuse : l’augmentation massive des impôts, qui mine la compétitivité et le pouvoir d’achat, détruit les emplois, amoindrit les rentrées fiscales et pèse sur l’effort de réduction des déficits publics.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le député.

M. Charles de Courson. Pour conclure,…

Mme la présidente. En quinze secondes !

M. Charles de Courson. …vous ne vous étonnerez pas, monsieur le ministre, que le groupe UDI, qui reste déterminé à appuyer le Gouvernement dès lors que ses efforts porteraient sur un allégement de la charge fiscale et surtout sur une diminution des dépenses, votera contre le projet de loi de finances rectificative puisque vous suivez les deux voies inverses. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, chers collègues, même si le projet de loi de finances rectificative peut apparaître comme un simple ajustement budgétaire et une série de décisions techniques, il convient de s’assurer qu’il reste bien en cohérence avec la politique générale du Gouvernement, notamment quant aux questions cruciales de l’activité économique et de l’emploi, de la justice fiscale et de la restauration des comptes publics.

C’est en effet le cas des dispositions qui renforcent le soutien de l’État aux petites et moyennes entreprises, avec les mesures exceptionnelles en faveur des PME innovantes. Les écologistes se félicitent tout particulièrement de deux mesures : la première est la réorientation d’une partie de la collecte des assurances-vie vers des investissements productifs, à savoir les PME, mais aussi le logement ou encore l’économie sociale et solidaire, cette réorientation permettant un meilleur financement d’activités qui recèlent un meilleur contenu en emploi et qui répondent mieux à la demande sociale ; la seconde porte sur la reprise d’entreprise par les salariés, notamment à travers la création de SCOP. Ce dernier dispositif vient compléter les dispositions du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, et traduit concrètement l’idée que l’on peut entreprendre autrement. Pour un élu qui vient de Besançon et de la Franche-Comté, qui sait combien les coopératives et les fruitières peuvent jouer un rôle décisif dans l’économie locale…

M. Charles de Courson. Tout à fait !

M. Éric Alauzet. …et, depuis l’affaire Lip, l’intérêt à offrir un débouché à la volonté des salariés de faire vivre une entreprise, il faut saluer ce dispositif qui, d’une certaine manière, concrétise une l’utopie. C’est une possibilité supplémentaire de sauver des entreprises et des emplois.

Cohérence également avec la politique générale du Gouvernement quand celui-ci et la majorité poursuivent leur travail de lutte contre la fraude en proposant un aménagement de l’exit tax, aménagement renforcé par l’adoption, en première lecture, de l’amendement du rapporteur général baissant le seuil d’imposition de l’exit tax. La fraude constitue un véritable fléau. Si elle n’est pas toujours de nature fiscale – la nouvelle affaire de la viande de cheval le montre –, elle est en revanche toujours liée à des profits privés coûteux pour la collectivité. Aussi, la fraude pose véritablement la question des moyens humains et techniques dont nous devons nous doter, ce qui n’est pas chose facile en période de réduction de la dépense publique. Pourtant, il s’agit non seulement d’actions régaliennes mais aussi d’un véritable investissement. On sait, par exemple, qu’un inspecteur ou un contrôleur des impôts produit plusieurs centaines de milliers d’euros de recettes supplémentaires par an avec le contrôle fiscal.

En revanche, notre groupe regrette la confusion introduite par le Gouvernement à l’article 25 prévoyant l’instauration d’une contribution au profit de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs. En pleine réflexion sur la transition énergétique et quelques mois avant des décisions qui devraient notamment préciser les besoins nécessaires à la gestion des déchets nucléaires dans le cadre d’une politique énergétique comprenant une réduction de la part de l’énergie nucléaire, il n’était pas urgent de faire voter cet article. Nous avons demandé en première lecture le report de l’application de cet article à 2015. Nous regrettons que cela n’ait pas été retenu.

Bien entendu, on ne peut évoquer une loi de finances, même rectificative, sans traiter de l’impôt, d’autant que nous sommes à la veille d’une remise à plat fiscale et d’une réforme que nous espérons d’ampleur. L’objectif prioritaire de la réforme doit être de renforcer la justice fiscale et d’expliquer la nécessité d’un effort collectif. Si le consentement à l’impôt est aujourd’hui mis à mal, ce n’est pas seulement parce qu’il serait trop élevé. L’histoire a ainsi montré à plusieurs reprises que certaines périodes imposent des efforts inhabituels, mais il est alors déterminant que le contribuable soit convaincu que l’effort est nécessaire et équitable, donc que chacun se retrousse les manches et contribue à proportion de ses moyens.

Mme Sophie Rohfritsch. Ce sont toujours les mêmes !

M. Éric Alauzet. Contrairement à ce qu’assène l’opposition, et que le contribuable aime à entendre, je ne crois pas que trop d’impôt tue l’impôt.

M. Charles de Courson. Pour vous, c’est même tout le contraire !

M. Éric Alauzet. Je crois, au contraire, qu’un impôt juste, et justifié par des services publics de qualité et une sécurité sociale, est nécessaire dans une société fondée sur l’égalité et la fraternité.

M. Charles de Courson. C’est un problème de niveau !

M. Patrick Hetzel. Le ministre qui a parlé de pause fiscale n’est pas là…

M. Éric Alauzet. Ce projet de loi montre qu’encore plus en temps de crise, la solidarité nationale est un filet de sécurité indispensable pour nombre de nos concitoyens. Nous devons assumer collectivement cette solidarité et nous détourner de la stigmatisation des bénéficiaires au motif qu’une minorité abuse du système. Qui nous fera croire que cinq millions de Français se satisfont des allocations-chômage ou du temps partiel non choisi pour survivre ? Même si un million d’entre eux abusent du système – ce qui reste d’ailleurs à vérifier –, quatre millions de personnes dépendent réellement de ces aides. La fraude sociale que certains mettent si souvent en avant, si elle existe bel et bien, ne vient pas toujours de là où l’on croit : sur les 155 millions d’euros de fraude détectés en 2010, près de la moitié était le fait des établissements de santé, 25 % des professionnels de santé et 15 % des transporteurs alors que la fraude imputable aux assurés se montait à 17 millions d’euros, soit 12 % du total. De quoi modérer les propos. Je ne veux minimiser aucune fraude, seulement alerter contre les discours qui nous égarent.

Nous devons donc assumer les abondements supplémentaires qu’apporte le projet de loi de finances rectificative, qu’il s’agisse des adultes handicapés, pour 230 millions d’euros, des personnes ayant des revenus modérés afin qu’elles puissent se loger, pour 268 millions d’euros au titre de l’APL, de nos concitoyens cherchant un emploi, avec 25 millions d’euros de plus pour les allocations et au titre de la politique de lutte contre le chômage, enfin, pour celles et ceux qui aujourd’hui sont sans logement, il est prévu 100 millions supplémentaires au titre de l’hébergement d’urgence. Il faut espérer que les prévisions du dernier PLF ne nous conduiront pas à renouveler le même exercice en PLFR 2014. Je le dis parce que c’était le cas lors du PLFR 2012. À la droite de cette assemblée, il est de bon ton de fustiger les dépenses sociales, oubliant un peu vite qu’aujourd’hui, 8,7 millions de nos concitoyens vivent dans la pauvreté, que 140 000 d’entre eux n’ont pas de domicile et sont à la rue. Oui, il est nécessaire de mettre en œuvre les sécurités permettant à chacun de vivre dignement.

Une telle priorité reste compatible avec l’objectif tout aussi impérieux de réduire la dette et les déficits. Sans cette action, c’est notre économie et notre système social mêmes qui seraient mis en grave danger.

La question consiste bien à choisir les économies. Les écologistes l’affirment clairement : non, ce n’est pas dans des dépenses de subsistance qu’il faut rogner ; regardons plutôt du côté des niches fiscales néfastes à l’environnement, du côté de l’efficience des aides aux grandes entreprises, comme le crédit impôt recherche, et recentrons le CICE ou, à défaut, trouvons les recettes équivalentes du côté des entreprises non soumises à la compétition internationale. Les pistes ne manquent pas, vous le voyez, et nous avons d’autres choix que d’annuler des crédits au sein du budget de l’environnement ou de l’aide publique au développement.

Évidemment, la question de l’efficience des dépenses, quelles qu’elles soient, doit être posée constamment, comme celle de l’efficacité des prélèvements, plus encore au vu des estimations défavorables sur les rentrées fiscales 2013. Celles-ci soulèvent en effet des inquiétudes puisque la recette est en baisse de plus de 11 milliards d’euros par rapport aux prévisions initiales : moins 5,6 milliards d’euros pour les recettes de TVA, moins 3,1 milliards d’euros pour l’impôt sur le revenu et moins 3,8 milliards d’euros pour l’impôt sur les sociétés. Cette diminution est due en grande partie, vous l’indiquez, monsieur le ministre, à un ralentissement de l’activité économique, mais aussi à un recul de l’investissement et à une moindre consommation. Mais il ne faut pas négliger les pertes liées aux fraudes, que certains discours semblent malheureusement justifier au risque de mettre à mal tout esprit civique et républicain. Quoi qu’il en soit, ces moindres recettes rendent encore plus impérieuse la refonte de notre système fiscal.

Mais il est tout aussi essentiel, par un meilleur recouvrement de l’impôt, par la lutte contre la fraude et par l’investissement dans l’économie réelle et l’emploi, de permettre à chacun de vivre mieux, comme de permettre une rentrée optimale des recettes fiscale finançant notre sécurité sociale.

Je préciserai notre vote lors à l’issue du débat sur les amendements.

M. Jean Launay. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois de plus, nous sommes amenés à examiner un projet de loi de finances en deuxième lecture après un rejet par le Sénat. Le texte sur lequel nous nous prononçons est donc celui que nous avons adopté la semaine dernière. Par conséquent, les changements apportés depuis sont pour le moins minimes.

Néanmoins, monsieur le ministre, les députés radicaux de gauche et apparentés vous apportent et vous apporteront leur entier soutien.

Le travail législatif qui a été réalisé en première lecture a permis, en effet, d’affiner plusieurs dispositions, en particulier celles relatives aux nouveaux contrats d’assurance-vie et aux conditions de leur transfert. Trop souvent, les nouvelles mesures inscrites dans les projets de loi sont discutées dans la précipitation. Ce n’est pas le cas de l’évolution des contrats d’assurance-vie, qui a donné lieu à un réel travail en amont dans notre assemblée.

Les contrats euro-croissance favoriseront l’investissement dans les produits en unités de compte. Les montants investis dans les PME et l’économie sociale et solidaire bénéficieront d’un abattement fiscal non négligeable.

Nous saluons également l’augmentation du plafond de revenu donnant accès au livret d’épargne populaire. Pour y avoir droit, les ménages devaient payer moins de 769 euros d’impôts sur le revenu ; ce sera désormais 800 euros.

Par ailleurs, les grandes entreprises sont incitées à investir dans les PME innovantes au moyen d’un amortissement exceptionnel ; les garanties apportées aux entreprises exportatrices et aux chantiers navals sont étendues ; la reprise d’entreprises par les salariés au moyen de SCOP est encouragée.

Enfin, quelques mesures de simplification sont proposées. On est loin de tout ce qui reste à faire, notamment en termes de dématérialisation des démarches administratives, mais cela va dans la bonne direction.

Voilà pour les dispositions de ce projet de loi de finances rectificative. Vous me permettrez cependant, monsieur le ministre, d’évoquer deux amendements au projet de loi de finances pour 2014 qui me tiennent à cœur – vous me voyez venir – et que notre collègue Annick Girardin a défendus avec brio.

Ces deux amendements portaient sur l’article 9, c’est-à-dire celui instaurant la taxe à 75 %.

Le premier amendement, adopté dans un premier temps, visait à ce que les clubs sportifs qui participent aux compétitions françaises acquittent également cette taxe, ceci afin de préserver – vous l’avez rappelé parce que cela vous tient aussi à cœur – l’équité entre les compétiteurs, qui est un principe fondamental du sport.

Même si une solution venait à être trouvée entre l’AS Monaco – club qui était particulièrement visé – et la Ligue nationale de football, la compensation financière sera versée à la Ligue et non à l’État. Or c’est à l’État que doit revenir le produit de cette taxe. Par exemple, les recettes fiscales engendrées, qui s’élèvent à plusieurs millions d’euros, pourraient alimenter le Centre national pour le développement du sport qui promeut le sport pour le plus grand nombre et qui est en déficit.

Vous avez fait part, monsieur le ministre, de votre souhait de trouver une solution. Il serait bon que des propositions concrètes soient présentées très rapidement car la taxe, elle, s’appliquera dans deux semaines.

Notre amendement, adopté jeudi soir, a fait l’objet d’une seconde délibération vendredi après-midi, à la demande du Gouvernement. Le recours à une seconde délibération est contestable, surtout lorsque l’amendement en question a été adopté à l’unanimité en première délibération.

Votre argument, monsieur le ministre, reposait sur le risque d’inconstitutionnalité que faisait supporter cet amendement à l’ensemble de l’article 9, tout en reconnaissant néanmoins les faiblesses juridiques de cette taxe de 75 %.

L’une de ses faiblesses est la rétroactivité. Or, l’amendement que nous proposions visait à appliquer cette taxe non pas dès 2013 mais à partir de 2014, une fois la loi promulguée. Vous l’avez rejeté alors qu’il aurait consolidé le dispositif : d’une part, il aurait sécurisé juridiquement l’article ; d’autre part, même si elle est validée par le Conseil constitutionnel, la « petite rétroactivité » en matière fiscale doit être maniée avec parcimonie.

Alors que le débat autour de la fiscalité s’est crispé dans notre pays, il faut cesser d’adopter continuellement des dispositifs rétroactifs. Ce qui est permis par notre Constitution n’est pas nécessairement juste ; ce qui est juridiquement valide n’est pas nécessairement accepté.

C’est un débat important, et les radicaux de gauche plaident en faveur d’une plus grande sécurité fiscale afin d’éviter aux sociétés, qui mettent en place un budget prévisionnel, de se voir imposer, au sens propre comme au sens figuré, une nouvelle taxation sans avoir pu l’anticiper.

En rejetant nos deux amendements, vous avez affaibli la taxe à 75 %, tant dans ses bases juridiques que dans son acceptation.

Je conclurai sur le solde budgétaire tel qu’il ressort de ce collectif.

En 2013, la dynamique de réduction des déficits a été renforcée ainsi que tous les indicateurs le montrent. Le déficit public continue de baisser : il est passé de 5,3 % en 2011 à 4,9 % en 2012, et il devrait être de 4,1 % à la fin de l’année. Incontestablement, nous sommes sur le bon chemin.

J’écoutais mon collègue de Courson citer des chiffres et estimer que nous étions sur le mauvais chemin. Si, pour lui, le bon chemin était celui emprunté par M. Sarkozy quand il augmentait les déficits,…

M. Charles de Courson. Vous ne m’avez pas écouté depuis quinze ans !

M. Thierry Braillard. …les radicaux de gauche préfèrent, quant à eux, être sur le chemin de la réduction des déficits, emprunté par le Gouvernement avec M. le ministre.

M. Patrick Hetzel. Il plaisante !

Ce n’est pas une plaisanterie, c’est la réalité.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il a raison !

M. Thierry Braillard. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et, en dehors de tous les effets de manche, le déficit public baisse depuis que nous sommes au pouvoir.

M. Patrick Hetzel. C’est faux !

M. Thierry Braillard. Malgré une forte baisse des recettes fiscales dues à une moindre croissance, cet objectif de réduction du déficit sera atteint grâce à une maîtrise des dépenses de l’État. Même en tenant compte des dépenses exceptionnelles, elles seraient inférieures de plus d’un milliard d’euros à ce qui était prévu par le projet de loi de finances de 2013.

M. Charles de Courson. Mais non !

M. Thierry Braillard. Le budget de l’État a été strictement contrôlé. Le solde budgétaire serait de 72 milliards d’euros en 2013. C’est beaucoup moins que les 87 milliards de 2012, mais plus que les 62 milliards prévus en loi de finances initiale.

Les objectifs assignés ne pourront toutefois être pleinement atteints, et ce n’est pas dû à l’évolution des dépenses de l’État : ce qui a manqué en 2013, ce sont les recettes fiscales.

Les moins-values de recettes, de 11 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, sont source de questionnements. Contrairement à l’opposition, nous ne croyons pas que l’augmentation des prélèvements obligatoires « tue » l’impôt. Les phénomènes économiques sont complexes, et c’est faire preuve de beaucoup de candeur que de croire en de tels adages.

Quand on est dans l’opposition, il est facile de dire à la tribune que l’impôt tue l’impôt, alors que plus de quarante nouveaux impôts ont été créés entre 2007 et 2012. Comme le disait Valéry Giscard d’Estaing, ancien Président de la République, nous sommes entrés dans des temps sans mémoire.

Mme Sandrine Mazetier. Très juste !

M. Thierry Braillard. Le principal facteur est connu : le manque de croissance. Initialement prévue à 0,8 %, elle devrait finalement atteindre 0,1 % ou 0,2 % après avoir été nulle en 2012. C’est évidemment peu, trop peu. Cela confirme que la croissance est désormais l’enjeu absolu, avant même la maîtrise des finances publiques.

Pour la relancer, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi a été la mesure phare du Gouvernement. À cela devrait s’ajouter une remise à plat de la fiscalité, que notre groupe a souhaitée et réclamée à de nombreuses reprises.

Depuis un an, la stratégie de croissance semble principalement fondée sur la fiscalité, ce qui est évidemment utile, mais est-ce suffisant ? La France connaît un grand nombre d’obstacles et de rigidités qui ne sauront être résolues de cette manière. Le débat fiscal ne doit pas évincer les enjeux majeurs, à savoir la croissance et l’emploi.

Déjà, on voit que les effets du CICE sur l’emploi donnent lieu à controverse. Tant le Haut Conseil des finances publiques que la Commission européenne considèrent que le Gouvernement les surestime.

D’ailleurs, n’observe-t-on pas une certaine contradiction sur la question du coût du travail ? Les mêmes qui poussent la France à diminuer ce coût pour favoriser l’emploi prévoient, une fois de telles dispositions prises, que leurs effets sur l’emploi seront modestes. C’est tout à fait paradoxal.

Je conclurai en disant que la baisse du déficit public, priorité de 2013, a été réelle, et que le collectif budgétaire permet de la consolider. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera donc pour son adoption.

Cela étant, c’est la croissance qui a manqué, et la priorité pour 2014 devra donc être la reprise économique. La « remise à plat » de la fiscalité est indispensable, mais elle ne doit pas évincer les enjeux majeurs que sont la croissance et l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, nous entamons l’examen en nouvelle lecture de ce projet de loi de finances rectificative qui, dans l’attente de la « remise à plat » de la fiscalité, ne propose pas de mesures visant réellement à relancer l’activité et l’emploi et à retrouver la croissance.

Ce texte confirme, jusque dans la réforme de l’assurance-vie, le parti pris quelque peu hasardeux d’une politique beaucoup trop tournée vers l’offre.

Le ministre du travail a ainsi confirmé hier que le SMIC serait augmenté de 1,1 % au titre de la hausse légale, mais qu’il n’y aurait aucun coup de pouce supplémentaire.

Le Gouvernement se laisse bercer par la rengaine du groupe d’experts sur le SMIC, qui a pointé du doigt « le risque qu’une hausse du salaire minimal ne se traduise in fine par une baisse de l’emploi et de la compétitivité des entreprises » et a fait valoir que le SMIC en France était « aujourd’hui très nettement au-dessus des niveaux constatés dans les autres pays de l’OCDE. »

Les économistes du groupe d’experts reprennent directement le refrain patronal. D’un côté, la conjoncture ne serait pas favorable, la croissance serait trop faible. De l’autre, les salariés payés au SMIC seraient des privilégiés face à leurs concurrents du monde entier.

Cette obsession de la baisse du coût du travail est dangereuse. La stagnation des salaires étouffe l’économie. Cette tendance se vérifie dans tous les pays qui font le choix de l’austérité et du gel des salaires. Tous, sans exception, voient leurs perspectives de croissance et de développement s’assombrir. Il est donc temps de changer de logique.

L’absence de coup de pouce au SMIC est d’autant plus grave que les salariés devront faire face, à compter de janvier, à la hausse du prix de l’électricité et à celle de la TVA, décidée pour financer le CICE, ce crédit d’impôt qui n’est ni conditionné ni sectorisé.

Cette situation tranche avec les mesures que vous proposez en matière d’assurance-vie. Avant toute chose, rappelons que, pour 90 % des 17 millions de souscripteurs de contrats d’assurance-vie, le montant épargné cumulé est inférieur à 50 000 euros, tandis que les 10 % restants ne possèdent pas moins de 64,8 % de l’encours, soit plus de 880 milliards d’euros et près de 530 000 euros par détenteur, le centile le plus riche disposant même, en moyenne, de deux millions d’euros !

Les mesures proposées à l’article 7 bénéficieront aux plus importants détenteurs de contrats, c’est-à-dire à ces fameux 10 % dont la Cour des comptes a pu estimer le nombre à quelque 1,7 million. Eux seuls sont, en réalité, directement intéressés au changement de support proposé.

Le but avoué de la réforme est de permettre aux entreprises de renforcer leurs fonds propres, et la plupart des autres mesures que vous nous proposez, qu’il s’agisse de l’amortissement exceptionnel pour favoriser les investissements des entreprises ou des mesures de soutien à l’exportation, vont d’ailleurs dans le même sens.

Il y aurait cependant au moins deux autres manières, plus vertueuses à notre sens, d’aider les entreprises à renforcer leurs fonds propres.

La première serait de les inciter à réinvestir la plus grande partie de leurs résultats en vue d’autofinancer leur développement. C’est le sens de notre proposition de modulation de l’impôt sur les sociétés.

La seconde serait de leur permettre d’obtenir des banques des conditions de financement plus favorables. Cela supposerait de responsabiliser davantage les établissements de crédit, mais aussi de donner plus de poids à la Banque publique d’investissement.

Pour ce faire, nous pourrions, d’une part, renforcer l’affectation de l’encours de l’épargne défiscalisée – livret A, livret de développement durable – à la BPI et, d’autre part, chercher à remplacer une partie de la dépense fiscale en faveur des entreprises par des bonifications de prêts bancaires. Nous sommes convaincus que l’effet de levier et l’efficacité de l’allocation de l’argent public s’en trouveraient renforcés.

S’agissant toujours des fonds propres des entreprises, pourrons-nous enfin passer encore longtemps sous silence le fait que la part des bénéfices versés directement sous forme de dividendes et d’intérêts bancaires n’a cessé d’augmenter ces dernières années ? En prélevant entre 80 % et 90 % de la trésorerie des entreprises, intérêts et dividendes privent nos entreprises de leur capacité d’autofinancement, augmentant leur dépendance à l’égard des banques et des marchés financiers au détriment de l’emploi et des salaires.

Si nous avons soutenu la création de la Banque publique d’investissement et souligné la nécessité d’une vraie séparation des activités bancaires, restée malheureusement lettre morte, force est de constater que vous avez pris fait et cause pour une politique de l’offre doublée d’une politique d’austérité : plus d’argent pour les entreprises et les détenteurs de patrimoine, moins d’argent pour la justice sociale et les services publics, le tout sous prétexte de réduction des déficits publics et sous les injonctions de la Commission européenne.

Le présent texte témoigne d’ailleurs que l’austérité est bien là. Alors que l’économie française a connu une croissance nulle entre 2009 et 2013, le déficit budgétaire est passé, au cours de la même période, de 7,6 % à quelque 4 % du PIB. Cette austérité n’est pas sans conséquences sur la croissance et l’emploi, et nous aurions pu arriver au même chiffre, monsieur le ministre, en supprimant certains privilèges et niches fiscales.

Les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques ont cherché à mesurer l’impact de cette politique dans une étude très récente. Il résulte de cette étude très récente que l’effet cumulé des mesures d’austérité prises concomitamment en France et chez nos voisins européens a coûté très cher à notre économie : de 0,8 point de PIB en 2010 à 2,2 points en 2013.

En d’autres termes, si vous ne vous étiez engagés, depuis la signature du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, dans une course folle à l’ajustement budgétaire, la croissance française aurait pu être, en 2013, de l’ordre de 2,2 % à 2,5 % au lieu d’être nulle ou à peine positive, comme elle l’aura été cette année. La situation de l’emploi ne serait pas la même aujourd’hui !

Une politique de restriction budgétaire ne peut que contribuer à entretenir la crise, et pourtant vous restez convaincus de la nécessité de poursuivre dans cette voie. Après le prélèvement supplémentaire de 12,5 milliards d’euros sur les ménages pour compenser l’allégement de 11 milliards d’euros de l’imposition des entreprises, le mot d’ordre est désormais de s’attaquer aux dépenses publiques. Avec les 60 milliards d’euros d’économies supplémentaires annoncées d’ici à 2017, le risque est d’aggraver encore la situation économique de notre pays et d’affecter la vie quotidienne de millions de nos concitoyens, en réduisant le périmètre et l’efficacité des services publics, en rognant peu à peu les droits sociaux, et en pénalisant l’investissement local, comme s’en inquiètent les maires de France.

Les experts du Fonds monétaire international expliquent sans relâche – même eux ! – qu’une rigueur budgétaire consistant à baisser les dépenses emporte des effets plus désastreux encore sur l’activité que la hausse des prélèvements obligatoires. Il faut aujourd’hui tourner le dos à une austérité synonyme de régression économique et sociale, pour promouvoir une dépense intelligente et un impôt à la fois plus juste et plus efficace. Il ne faut pas forcément plus d’impôt, il faut faire « mieux d’impôt » ; il ne faut pas forcément dépenser plus, il faut mieux dépenser.

Je veux à ce titre évoquer un secteur que vous connaissez bien, monsieur le ministre, puisque nous en avons parlé ensemble. C’est celui du logement, auquel la puissance publique consacre 40 milliards d’euros, soit 2 % du PIB, un montant très important, pour une efficacité, disons, plus que moyenne. On voit d’ailleurs que le nombre de mises en chantier n’a jamais été aussi faible. Une trop large part de ces 40 milliards est affectée au financement de défiscalisations qui accroissent le patrimoine de ceux qui en ont déjà un. Vous le voyez, il y a sans doute des marges pour mieux maîtriser la dépense publique et faire de la dépense sociale pour les plus fragiles.

II est indispensable de réunir les élus, les syndicats, les associations, les acteurs de la vie économique et les citoyens afin de bâtir une grande réforme fiscale de gauche qui fasse vivre notre pacte républicain et les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Le texte que vous nous présentez ce soir en deuxième lecture ne porte malheureusement pas trace de la volonté d’engager ce changement de cap en faveur de l’emploi, de l’investissement productif et de la redistribution des richesses. Vous comprendrez que nous ne puissions l’approuver, dès lors qu’il est aussi manifestement en décalage avec les attentes légitimes de nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous nous retrouvons en nouvelle lecture de ce projet de loi de finances rectificative pour l’année 2013 après son rejet par le Sénat.

Quelles en sont les principales mesures ? Vous êtes contraints d’ouvrir 3,2 milliards d’euros de crédits supplémentaires. Citons les principales actions que vous devez ainsi doter : les opérations extérieures, bien sûr, et l’on sait pourquoi ; la masse salariale de l’État, pour 400 millions d’euros ; la politique de l’emploi ; l’hébergement d’urgence ; les aides au logement. Vous devez aussi faire face à la dérive des dépenses de l’aide médicale d’État, qui augmentent de 156 millions d’euros ; il est dommage que vous n’ayez pas entendu nos alertes sur ce sujet. Vous les compensez par des annulations de crédits, dont 650 millions d’euros destinés à la défense, en totale contradiction avec la loi de programmation militaire.

Vous créez deux nouveaux produits d’assurance-vie, avec le contrat « euro-croissance » d’une part, pour le financement direct des PME, et un contrat « vie-génération » d’autre part, orienté vers les plus gros contrats, dont un tiers des actifs seront fléchés vers les secteurs du logement social, de l’économie sociale et solidaire et les actions de PME-PMI.

Vous m’autoriserez à revenir sur deux sujets qui ont nourri le débat en première lecture.

Le premier est l’« équitaxe », sujet galopant si l’on peut dire. (Sourires.) En effet, le 1er janvier 2014, le taux de TVA pour les centres équestres va passer de 7 % à 20 %. Vous évoquez, monsieur le ministre, des négociations en cours avec la Commission européenne pour 2015 ; nous réclamions le maintien d’un taux réduit de TVA afin de ne pas mettre en péril cette filière d’une part et surtout d’envoyer un message de détermination et de fermeté à Bruxelles d’autre part pour appuyer vos négociations. Enfin, pourquoi ne pas opter pour le taux intermédiaire dès le 1er juillet 2014 ? Cela aurait été plus cohérent.

Deuxième sujet, la réforme de la taxe d’apprentissage est l’objet de l’article 27. Nous sommes loin, très loin de la réforme de la formation professionnelle que vous annoncez. En revanche, vous procédez par petites touches, dans différents textes, sans vision d’ensemble, ni affichage clair des objectifs visés. En réalité, l’article 27 renforce le pouvoir des régions, exclusivement le leur – si ce n’est pas politique… –, au détriment de la liberté des entreprises ; votre libéralisme a des bornes très étroites. Décidément, vous avez un réel problème avec l’apprentissage ! C’est le deuxième texte de loi de finances où nous écornons l’apprentissage.

M. Patrick Hetzel. Hélas !

Mme Marie-Christine Dalloz. Avant de terminer, je veux revenir sur le déficit public et les corrections successives que vous avez apportées à son montant. Le déficit voté en loi de finances pour l’année 2013 s’élevait à 61,5 milliards d’euros. D’après le programme de stabilité, il s’élevait à 68,3 milliards d’euros. Et voici que vous inscrivez, dans le projet de loi de finances pour l’année 2014, le montant de 71,9 milliards d’euros au titre du déficit pour l’année 2013.

Trois éléments expliquent cette correction, à votre sens ; la hausse du prélèvement européen pour 1,8 milliard d’euros et la baisse de la charge de la dette pour 1,9 milliard d’euros, mais ces deux éléments se compensent d’eux-mêmes, et la révision à la baisse des recettes fiscales nettes, à hauteur de 10,8 milliards d’euros. Monsieur le ministre, en commission des finances, lors de la présentation de ce collectif, vous aviez refusé de chiffrer cette baisse de recettes fiscales. Vous avez admis depuis lors qu’il y avait un manque à gagner de 5,5 milliards d’euros. C’est un premier pas, qui pourrait en partie expliquer votre refus d’un ajustement nécessaire par un collectif budgétaire au cours de l’année 2013 : vous cachez des choses. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Terminons par l’avis rendu le 15 novembre dernier par la Commission européenne, qui a émis quelques réserves sur le projet de loi de plan budgétaire de la France. J’en citerai trois passages qui ne me paraissent pas adresser un satisfecit complet à votre gestion. Premièrement, « la France devrait exécuter rigoureusement le budget 2014 et prendre un ensemble significatif de mesures pour 2015, en plus de celles déjà prévues ». Deuxièmement : « L’examen en cours des dépenses publiques n’a donné que peu de résultats pour le moment, et on ne sait pas encore dans quelle mesure il se traduira par d’importantes économies. » Troisièmement, et toutes ces citations sont littérales : « les décisions prises récemment par le Gouvernement [… ] jettent le doute sur la stratégie du Gouvernement ».

Il ne suffit pas de marteler que tout est validé et que le sérieux de la trajectoire est démontré, comme M. Moscovici le fait régulièrement. Encore faut-il retrouver dans l’avis de la Commission des propos conformes à ces annonces.

Ce collectif budgétaire ne me semble donc pas sincère.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Monsieur le ministre, chers collègues, un élément frappant, s’agissant des grandes masses du budget 2013, est la mauvaise rentrée des recettes fiscales, en baisse très significative : de 11,2 milliards d’euros sur l’année 2013, pour atteindre un montant de 288 milliards. Autrement dit, entre ce que prévoyait le Gouvernement il y a un an et la réalité d’aujourd’hui, il y a une différence de plus de 11 milliards –dans le mauvais sens.

Cette fois, il n’est pas possible d’incriminer la faiblesse de la croissance, car elle était anticipée. Il faut trouver ailleurs les raisons : c’est l’augmentation de la dépense publique et son corollaire, l’augmentation des impôts. Les dépenses publiques dépassent désormais 57 % du PIB, preuve que seul le rythme de progression de ces dépenses a été ralenti et qu’elles progressent toujours. Or, pour les financer, la gauche a poursuivi la hausse de la fiscalité. Engagée en 2012 et continuée cette année, cette hausse frappe tous azimuts : la politique familiale, l’assurance-vie, les classes moyennes en général.

Mais, ce faisant, elle a sapé les assiettes fiscales. Elle favorise l’économie parallèle, le travail au noir, les délocalisations et les schémas d’optimisation fiscale en tous genres. Cela se retrouve à un moment ou à un autre dans nos comptes publics. N’en déplaise à M. Eckert et aux esprits forts, ces rentrées fiscales en berne illustrent le principe, énoncé simplement et démontré par la courbe de Laffer : « Trop d’impôt tue l’impôt. » Certains impôts et taxes sont clairement entrés dans une phase de rendements décroissants, ce qui devrait inciter à une politique fiscale toute autre que celle du matraquage.

Face à cette valse de milliards, que représentent quelques millions pour de bons amis ? J’avoue que le gouvernement de la République socialiste s’est surpassé en faisant adopter en douce un amendement qui prélève quatre millions d’euros d’argent des contribuables pour renflouer une nouvelle fois le moribond journal L’Humanité. Cette mesure est parfaitement scandaleuse, clientéliste et économiquement stupide. Il faut quand même rappeler ce qu’est L’Humanité : un titre intimement lié au parti communiste, qui a successivement soutenu Staline, Mao, Pol Pot, la répression menée par les dictatures communistes de l’Est pendant quarante-cinq ans, les attentats du FLN et j’en passe.

Indépendamment de cela, L’Humanité est un journal structurellement déficitaire, qui ne vit que grâce à des abondantes subventions publiques, au point d’être la publication la plus aidée de France, au-delà même de cet abandon de créance. L’exposé sommaire de l’amendement était à proprement parler surréaliste : « La Société nouvelle du journal L’Humanité ne peut faire face au remboursement de sa dette [… ], parce que ses résultats financiers sont très faibles et qu’elle ne possède plus d’actifs. Par conséquent, il est nécessaire d’abandonner cette créance détenue par l’État sur cette société. » Voilà le texte du gouvernement de la République. Au moins, les choses sont claires !

Qu’en pensent les ménages en surendettement ou tous ceux qui peinent à financer leur maison, leur santé, leurs études ? Qu’en pensent les artisans et les petits patrons étranglés par le fisc ou l’URSSAF ? Peuvent-ils venir trouver M. Cazeneuve pour lui expliquer qu’ils sont insolvables et que la seule solution est qu’il leur remette leur dette ? J’avoue avoir du mal à saisir comment, autrement qu’en temps de débâcle, un gouvernement peut mettre aussi peu de scrupules à se servir dans la caisse au profit de ses amis.

Ensuite, j’évoquerai la reprise de dette qui solde le désastre du Crédit lyonnais : 4,5 milliards d’euros, c’est ce qu’il faut à nouveau débourser, vingt ans après la quasi-faillite de la banque alors publique. Le coût total du sauvetage dépasse les 20 milliards d’euros pour le contribuable, sans que l’on sache exactement le chiffrer. Merci aux dirigeants de l’époque, qui auront inventé la banque-industrie, investi à tort et à travers dans les studios de cinéma aux côtés d’hommes d’affaires véreux, pour finir au tribunal, il est vrai bien clément à leur égard. Le Lyonnais est l’exemple même de la gestion désastreuse d’une grande entreprise publique par les hauts fonctionnaires, comme de la totale impunité de ces derniers. Son président, Jean-Yves Haberer, inspecteur général des finances, était l’ancien directeur du trésor. Il a écopé en appel d’un euro de dommages et intérêts dans cette affaire !

La liste des ardoises laissées aux contribuables ou aux actionnaires par les inspecteurs des finances en place est longue : François Heilbronner au GAN, pour 8 milliards d’euros de pertes ; Michel Bon à France Telecom ; Pierre Bilger à Alstom ; Jean-Marie Messier chez Vivendi, pour 20 milliards d’euros de pertes également… Lorsque l’on voit les chiffres des finances publiques, on ne peut que faire le parallèle : ce sont les mêmes élites, la même classe politique qui ont envoyé le pays et les générations futures dans le mur de la dette et de l’austérité. Et je ne parle pas des nouveaux 8 milliards de garantie accordés à l’UNEDIC, qui reportent sur l’État et les contribuables les difficultés de nos systèmes sociaux.

Disons un mot, pour conclure, de la nouvelle dérive du coût de l’aide médicale d’État, mesure symbolique, qui représente une nouvelle rallonge de 156 millions d’euros, en plus des 588 millions déjà engagés pour la gratuité totale des soins pour les clandestins. Avec 264 000 bénéficiaires, soit 10 000 de plus que ce qui était estimé, ce que nous redoutions se révèle vrai : le dispositif s’emballe et son coût progresse à un rythme exponentiel. Des 600 millions prévus pour 2014, à combien finirons-nous après les signaux désastreux que vous avez envoyés cette année ? Dépénalisation du séjour irrégulier, inapplication des décisions d’expulsion, accroissement des régularisations, régularisation des prostitués clandestines, affaire Leonarda Ne vous étonnez pas, après cela, que nos comptes dérapent ! Les Français et les étrangers en situation régulière apprécieront, eux qui se serrent la ceinture !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Castaner.

M. Christophe Castaner. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est difficile d’entendre la représentante du Front national nous donner une leçon d’économie et de fiscalité, quand on se rappelle les mesures du programme économique du FN : sortie de l’Union européenne, suppression progressive de l’impôt sur le revenu, détaxation rapide de l’épargne populaire, suppression de l’ISF, abaissement du taux de l’impôt sur les sociétés à 10 % pour les PME, taxation des mouvements spéculatifs de capitaux, suppression des droits de donation et succession au sein de la famille quels que soient les montants, suppression de la CSG et de la CRDS, prélèvements obligatoires plafonnés à 35 % du PIB, spécialisation des impôts locaux… Bref, on rase gratis !

Le discours antifiscal du FN n’est évidemment pas nouveau ; chacun le connaît. Il s’appuie sur un individualisme populiste et évite sciemment les questions de fond. Rappelons, au-delà des mises en cause personnelles que nous venons d’entendre, que les enjeux fiscaux tournent autour de deux questions : le niveau et la structure des ressources publiques. La première est aussi celle du niveau général de l’action publique et de protection sociale, de la place des services publics, auxquels les Français sont très attachés et qu’il faut bien financer. Et, à écouter la représentante du Front national, on voit bien, une nouvelle fois, qu’au fond, pour ce parti, la question de savoir qui paie ne se pose pas : l’essentiel est de savoir sur quel fondement on agit, et peu importe ce que l’on dit.

Le FN ne répond pas à ces questions concrètes. C’est d’autant plus surprenant pour qui se souvient des propos tenus par Marine Le Pen lorsqu’elle était candidate à la présidence de la République. Elle annonçait alors 97 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, et évoquait 240 milliards d’euros de recettes nouvelles, dont on ne sait pas où elle comptait les trouver : cherchez l’erreur !

Mesdames et messieurs les députés, je crois que nous devons rester concentrés sur le contenu de ce projet de loi de finances rectificative, dont les députés de l’opposition nous ont dit qu’il était très attendu ! Je voudrais dire à MM. Mariton et de Courson que le fait de réclamer quelque chose n’en fait pas pour autant une évidence, et permet encore moins d’obtenir des résultats. Souvenez-vous : vous ne cessiez de réclamer l’emploi, et vous avez eu un million de chômeurs de plus ! Vous ne cessiez de réclamer le désendettement, et vous avez doublé la dette de ce pays en cinq ans !

Mme Marie-Christine Dalloz. Et vous, ce n’est pas pareil ? Quelle différence avec vous ?

M. Christophe Castaner. Cessez donc de revendiquer ! Vous avez eu raison, madame Dalloz, de parler de la fiscalité des activités équestres. Vous nous avez reproché d’être en train de négocier. Pourtant, sur ce sujet, nous sommes en cours de négociation, alors que vous aviez obtenu une condamnation !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous allez tuer cette filière !

M. Christophe Castaner. Il faut rappeler que ce projet de loi de finances rectificative confirme nos engagements. Premièrement, la France s’oriente vers la croissance de manière volontaire. Deuxièmement, nos engagements en matière de déficit sont respectés : c’est particulièrement important. Nous avançons par le dialogue et la concertation, comme l’a montré, il y a quelques jours, l’accord national sur la formation professionnelle. Nous construisons ainsi le nouveau modèle social français. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

J’évoquerai plusieurs mesures. J’aborderai d’abord les mesures prévues à l’article 7 du projet, en tant que rapporteur spécial des crédits relatifs au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle. La rente était fiscalement favorisée : il était donc préférable de placer l’argent plutôt que de se risquer à l’investir. L’article 7 envoie un signal fort aux entreprises qui ont besoin de financements. Contrairement à ce que certains voudraient faire croire, il ne s’agit pas de déstabiliser les particuliers ou de mettre à mal les précaires : il s’agit d’alourdir la fiscalité sur la transmission des gros contrats d’assurance-vie.

Pour bien montrer que nous ne nous trompons pas de cible, je me félicite sincèrement de l’adoption, en commission, d’un amendement signé par nombre de mes collègues, notamment Christian Eckert et Valérie Rabault, qui tend à revenir sur la réduction de 20 % de la majoration de la rente mutualiste du combattant, car ses bénéficiaires ne sont pas des privilégiés.

La différenciation de la fiscalité entre la rente et le risque était depuis longtemps réclamée. Elle est nécessaire et se trouve aujourd’hui mise en œuvre. Je ne reviendrai pas sur certaines mesures dont le bien-fondé est évident, comme l’amendement adopté relatif à l’exit tax. Outre ces mesures de soutien à l’investissement, le PLFR encourage la croissance des PME au moyen d’un amortissement exceptionnel de leurs investissements. Chacun sait que l’innovation est un facteur de développement économique majeur, et nous devons investir sur les marchés porteurs d’avenir.

Pour conclure mon propos, je tiens à répéter que ce budget est tout entier tourné vers l’emploi et le développement de nos entreprises. Le projet de loi de finances rectificative le confirme, et je ne reviendrai pas sur les mesures de simplification et d’harmonisation de la perception des taxes, qui s’inscrivent dans la démarche de remise à plat de la fiscalité.

Je salue l’excellent travail de mes collègues, et particulièrement de notre rapporteur général, qui a su, avec beaucoup de pertinence, dans un climat de bonne intelligence, et malgré une charge de travail titanesque, faire évoluer le PFLR dans le bon sens. Même si nous savons qu’il n’a pas toujours été facile de convaincre avec le Gouvernement, celui-ci, de son côté, le Gouvernement a su entendre le rapporteur général et le Parlement.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je profite de la conclusion de cette discussion générale pour remercier l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés pour apporter leur éclairage, leur contribution à notre débat, qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition. Je remercie particulièrement le rapporteur général Christian Eckert qui a accompagné le Gouvernement tout au long des débats sur le projet de loi de finances pour 2014, mais aussi sur ce projet de loi de finances rectificative pour 2013. Il a proposé de nombreux amendements grâce auxquels ces textes sont sortis meilleurs de la discussion qu’ils n’y étaient entrés. Le travail de rapporteur général est aride et difficile. Aussi vous dis-je encore une fois, monsieur le rapporteur général, ma gratitude pour votre implication et pour la qualité des relations que vous avez su nouer avec le Gouvernement.

Vous avez insisté au cours de votre intervention, ainsi que M. Alauzet et M. Muet, sur la nécessité de combattre résolument la fraude fiscale, et M. Sansu a plaidé de son côté pour un renforcement des moyens de lutte contre les fraudeurs. Le Gouvernement est déterminé à agir en la matière : près de soixante mesures ont été prises à cet effet depuis le début du quinquennat, auxquelles s’ajoute l’ensemble des dispositions prises dans le cadre du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale que j’ai présenté avec Christiane Taubira. Ces mesures sont si diverses que je ne puis les rappeler toutes, et me bornerai à décrire l’esprit et le contenu des principales.

Nous avons décidé de lutter contre le transfert de bénéfices à l’étranger, ainsi que contre la déduction préalable des intérêts d’emprunts en France. Ces procédés d’optimisation fiscale sont à l’origine de pertes significatives de recettes fiscales pour notre pays, alors même que les Français sont mis à contribution.

Comme vous le savez tous, nous avons publié une circulaire appelant les fraudeurs à régulariser leur situation. Cette circulaire rencontre un grand succès : plus de 9 500 personnes ont déposé des dossiers pour mettre leur situation en conformité avec le droit. Maintenant que ces dossiers sont complets, nous allons percevoir des montants importants, et je confirme à la représentation nationale que j’ai bon espoir de tenir l’objectif, jamais atteint à ce jour sur une année, de récupérer un milliard d’euros sur les personnes physiques fraudeuses en 2014.

Je pourrais évoquer également la création du parquet financier, le renforcement des peines pour ceux qui utilisent des trusts et pour toutes les opérations de blanchiment de fraude fiscale. Bref, nous avons considérablement renforcé notre arsenal juridique, et nous continuerons de le faire tout au long du quinquennat. Pour votre serviteur, la lutte contre la fraude fiscale est un objectif prioritaire. Au moment où nous mettons les Français à contribution pour redresser nos comptes publics, nous devons rappeler à ceux qui ont décidé de leur plein gré de se mettre en infraction qu’ils seront rattrapés par la République et par ses principes.

Je répondrai également à un certain nombre de propos tenus par l’opposition, qui tangentent parfois la contrevérité – pour ne pas dire qu’ils l’épousent… Les déficits diminuent-ils ou augmentent-ils ? Ce n’est pas la peine d’essayer de semer la confusion ou de se laisser aller à des contorsions : il s’agit de regarder tout simplement les chiffres. Quels sont les chiffres du déficit nominal, et du déficit structurel ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Ceux de la Commission européenne !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mais la Commission européenne ne dit pas autre chose que le Gouvernement, madame Dalloz. Elle reconnaît parfaitement que les déficits diminuent. Elle pourrait d’ailleurs difficilement dire autre chose, car c’est tout simplement la réalité ! Ses chiffres sont les mêmes que les nôtres. Peut-être votre angle de vue, dû à l’endroit où vous vous situez, vous conduit-il à ne pas voir les choses de la même manière que nous. Cela s’appelle une erreur de parallaxe : je ne vois rien d’autre que les lois de la physique pour expliquer la cécité dont vous semblez être victimes depuis des semaines.

Le déficit nominal était de 5,3 % du PIB en 2011, juste avant notre arrivée aux responsabilités. En 2014, nous serons à 3,6 %. La Commission européenne et le Haut Conseil des finances publiques reconnaissent parfaitement, l’un et l’autre, que nous avons réalisé des efforts structurels. Cet effort structurel s’est élevé à 1,3 point de PIB l’an dernier : la Cour des comptes l’a qualifié d’exceptionnel. Il s’est élevé à 1,7 point cette année. Nous le poursuivrons l’an prochain, pour 0,9 point. Vous pouvez considérer, madame la députée, et j’accepte volontiers cette critique, que ce n’est pas suffisant. Vous pouvez considérer que nous ne diminuons pas suffisamment les déficits ; il est vrai que nous les diminuons moins vite que vous ne les avez augmentés ! Mais vous ne pouvez pas déduire, du fait que les déficits diminuent aujourd’hui moins vite qu’ils n’augmentaient à votre époque, qu’ils augmentent : ce n’est tout simplement pas vrai.

M. Mariton s’est livré, pour sa part, à une démonstration absolument extraordinaire. Je regrette qu’il ne soit pas là : j’aurais beaucoup aimé lui donner ces éléments en le regardant dans les yeux. Sa démonstration consiste à dire que nous sommes bien plus mauvais que la majorité précédente car, si l’on compare le budget exécuté en 2013 au budget exécuté en 2012, on se rend compte qu’il y a 3 milliards d’euros de dépenses de plus, ce qui est, toujours selon M. Mariton, la conséquence scandaleuse de l’arrivée des socialistes aux responsabilités, et la preuve que nous sommes nuls ! Pour répondre à cela, je donnerai les chiffres qui illustrent les prouesses de la précédente majorité. Entre l’exécuté 2007 et l’exécuté 2008, on constatait une augmentation des dépenses de plus de 11 milliards d’euros.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je ne vous souhaite pas de connaître le même contexte que celui que nous avons dû affronter, ce serait catastrophique !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Trois milliards d’euros en plus pour nous, c’est très mauvais, mais 11 milliards en plus pour vous, c’était – paraît-il – excellent. En 2009, cette augmentation était de 1,4 milliard d’euros, en 2010 de 4,5 milliards, en 2011 de 5 milliards. En 2012, ce fut une baisse de 0,3 milliard, grâce à la loi de finances rectificative que nous avons adoptée.

Mme Marie-Christine Dalloz. Donnez-nous les chiffres de la croissance à la même époque !

M. Christophe Castaner. Nicolas Sarkozy avait promis d’aller la chercher avec les dents !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame Dalloz, ne vous énervez pas quand on vous donne des chiffres ! Je ne suis pas en train d’improviser, vous savez, je ne suis pas en train d’essayer de vous impressionner, ou de vous dissimuler quoi que ce soit : je vous donne des chiffres. Lorsque l’on fait la moyenne des chiffres que je viens de vous donner (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

Mme la présidente. Merci de laisser M. le ministre poursuivre, mes chers collègues.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame Dalloz, vous avez expliqué tout à l’heure à la tribune que la France ne connaît pas de croissance parce que nous ne sommes pas capables la susciter. À présent, vous justifiez vos résultats passés par l’absence de croissance à l’époque, ce qui laisse entendre qu’il y en a davantage aujourd’hui… C’est exactement l’inverse de ce que vous avez dit il y a un quart d’heure : choisissez mieux vos arguments !

La croissance n’est pas encore revenue, bien qu’elle commence à poindre. Elle a été singulièrement absente pendant le quinquennat précédent. La moyenne des différences entre les budgets exécutés d’une année sur l’autre pendant cette période s’établit à 5 milliards d’euros. Sous notre majorité, elle s’établit à 3 milliards d’euros, et vous poussez des hurlements !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ces moyennes ne sont pas très parlantes !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Cette attitude porte un nom,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. La mauvaise foi !

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous ne sommes pas des élèves à qui vous donnez des cours de maths, monsieur le rapporteur général !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et ce nom est simple et connu de tout le monde : c’est de la mauvaise foi caractérisée, assumée, patentée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous y avons droit, débat après débat. Cela méritait une réponse.

Je souhaite répondre à présent à la fois à Mme Dalloz et à M. Mariton. Ce dernier nous a dit : « Mon Dieu, mais qu’avez-vous fait avec les centres équestres ? » Eh bien, je veux vous rendre compte de notre conduite. Vous aviez décidé en 2004 d’appliquer aux centres équestres un taux de TVA que la Commission européenne estimait non conforme au droit de l’Union européenne. Vous avez décidé de l’appliquer, alors que la Commission européenne vous disait de ne pas le faire ! Entre 2004 et aujourd’hui, la Commission européenne n’a cessé de demander à la France de se mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne. Et en mars 2012, alors que vous étiez aux responsabilités, elle vous a condamnés pour non-respect de la directive de 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, dite « directive TVA ». Je vous rappelle d’ailleurs, madame Dalloz, au cas où vous l’auriez oublié, que nous avons payé l’an dernier près de 3,7 milliards d’euros au titre des contentieux européens.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il ne s’agit pas que des centres équestres, enfin !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il s’agit notamment du contentieux lié à la réglementation française des OPCVM, et cela représente une perte majeure pour le budget de l’État et pour les contribuables français. La Commission européenne vous a donc condamnés en mars 2012. À l’automne suivant, elle nous a demandé à nouveau de nous mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne. Qu’a fait le Gouvernement ? Qu’a fait mon prédécesseur ? Il a dit, au moment de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2013 et du projet de loi de finances rectificative pour 2012, que nous avions l’intention d’agir devant l’Union européenne, malgré notre condamnation par la Commission européenne et malgré les errements précédents, pour obtenir satisfaction. La Commission européenne nous a répondu que le taux de TVA appliqué aux centres équestres par le Gouvernement en 2004 n’était pas conforme à la directive et que le taux de droit commun devait être appliqué à la totalité des activités des centres équestres.

Nous avons donc décidé de mettre notre législation en conformité avec le droit de l’Union européenne, parce qu’il n’est pas possible de faire autrement, et parce que les risques d’amende sont considérables. Pour répondre à cette injonction de l’Union européenne, nous avons augmenté le taux de TVA applicable aux centres équestres. Vous avez eu la mauvaise foi de dénoncer cette hausse et de l’appeler « équitaxe », alors que c’est simplement une mise en conformité avec le droit de l’Union européenne.

La semaine dernière, comme je m’y étais engagé devant la représentation nationale, nous avons rendu visite au cabinet du commissaire européen à la fiscalité, M. Šemeta, et au cabinet du président de la Commission européenne, M. Barroso, avec les représentants de toute la filière équestre, madame Dalloz ! Qu’ont constaté ces représentants ? Deux choses. La première est que le gouvernement français est avec eux, à leurs côtés, devant les responsables de la Commission européenne, pour se battre ; vous ne pourrez plus désormais leur raconter le contraire de la vérité, car ils ont entendu la vérité de notre bouche, devant les responsables de la Commission. Ils ont vu que nous nous battions et ont entendu la Commission confirmer que ce que je disais dans cet hémicycle et au Sénat depuis des semaines correspondait à l’exacte vérité. Voilà ce qu’ils ont entendu. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

La vérité finit toujours par advenir. On ne peut pas être constamment dans la manipulation et le mensonge face à des acteurs inquiets, et faire de l’instrumentalisation politique, alors que le Gouvernement essaie de corriger vos errements en disant la vérité à ces acteurs.

Voilà ce que je voulais dire dans l’hémicycle aujourd’hui, en réponse à ces mensonges réitérés, qui laissent à penser que nous sacrifions une filière alors que nous l’aidons, que nous sommes à ses côtés,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous verrons l’an prochain !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …que nous la sortirons de la difficulté dans laquelle elle se trouve et que nous ne la laisserons pas tomber.

À l’instant où je parle, sont réunis à Matignon, sous l’autorité du Secrétaire général des affaires européennes, des membres des cabinets de tous les ministres concernés et des acteurs de la filière équestre, pour bâtir ensemble des solutions qui pérennisent leur activité,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous verrons !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …ctivité que vous avez mise en difficulté et sans être capables de trouver la moindre solution à leurs problèmes. Voilà la réponse à la question de M. Mariton et aux approximations et mensonges de Mme Dalloz.

Ensuite, je voudrais aborder le sujet de l’écotaxe. Voilà que ceux qui, pendant des semaines, question au Gouvernement après question au Gouvernement, ont plaidé pour l’abandon de l’écotaxe au motif qu’elle n’était pas raisonnable – alors même qu’ils étaient les auteurs du texte l’instituant –, nous expliquent maintenant qu’il faut explorer sur-le-champ toutes les pistes pour trouver immédiatement une éventuelle solution de substitution.

L’engagement pris devant l’Assemblée nationale par le Premier ministre et l’ensemble des ministres concernés sera tenu. La négociation sera conduite pour que cette taxe soit mise en œuvre dans des conditions qui soient acceptables et qui n’altèrent pas le consentement à l’impôt.

Aussi longtemps que cette discussion sur la mise en œuvre de cette taxe se déroulera, nous créerons, d’une part, les conditions pour que le dialogue aboutisse ; d’autre part, nous ne prendrons des dispositions destinées à assurer le financement en gestion des infrastructures de transport que lorsque nous aurons une idée précise de la manière dont cette négociation doit aboutir. Nous ne dirons rien avant que les choses ne se soient ainsi déroulées, car agir autrement serait une grave erreur de méthode.

Je voudrais dire un mot sur le football à M. Braillard, non que j’en sois un aussi éminent spécialiste que lui – je parle de la technique footballistique elle-même (Sourires) –, mais parce que je veux le convaincre que nous avons eu raison de faire ce que nous avons fait sur la taxe à 75 % et lui rappeler la pertinence en droit de cette décision.

En effet, l’article prévoit que ne peuvent être taxées au titre de cette disposition nouvelle, dont nous souhaitons qu’elle soit reconnue comme constitutionnelle, que des structures ayant un établissement en France – ce qui n’est pas le cas de l’AS Monaco.

Par ailleurs, si nous avions souhaité aligner, par le truchement de la taxe à 75 %, la fiscalité de l’AS Monaco sur celle de tous les autres clubs, nous n’aurions pas atteint le but recherché, puisque la taxe à 75 % a vocation à être mise en œuvre pour deux ans seulement et que nous souhaitons que cet alignement de fiscalité soit durable.

Enfin, je veux conclure en répondant très simplement à Mme Maréchal-Le Pen. Je regrette qu’elle soit repartie, après s’être indignée cinq minutes à la tribune de l’Assemblée nationale au cours d’un débat qui dure depuis des jours, et avant même que nous puissions répondre à son indignation.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas correct !

M. Christian Eckert, rapporteur. Mme Pécresse fait la même chose !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce qui n’est pas correct, c’est de formuler des accusations de ce type à l’occasion d’un débat budgétaire qui a duré des semaines et des jours entiers, et de repartir sans même attendre la réponse du ministre. C’est cela qui n’est pas correct. Quand on a l’indignation chevillée au cœur et au corps, comme elle le laisse paraître, on attend la réponse, sinon cela signifie que l’indignation est feinte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je veux donc répondre précisément à ce qu’a dit Mme Le Pen. La République est une chose très fragile, et il faut toujours être très précautionneux envers les éléments qui font sa force. Parmi ces éléments qui font la force de la République, il y a la liberté de la presse. Les aides que l’on apporte à la presse ne constituent pas un soutien à tel titre plutôt qu’à tel autre, sous prétexte que l’un penserait bien et l’autre mal. Non ! Le soutien à la presse concerne tous les titres de presse parce qu’en République le pluralisme de la presse, la multiplicité des opinions qui s’expriment à travers la presse, sont consubstantiels à la démocratie.



Quand on est républicain, même quand un organe de presse développe des thèses avec lesquelles on est en désaccord – en l’occurrence, je n’ai pas senti un enthousiasme particulier de L’Humanité pour la politique budgétaire que je défends devant vous (Sourires) –, il est important de toujours se battre pour qu’il puisse continuer à s’exprimer, car la liberté de la presse est consubstantielle à la démocratie.



Que l’on défende cela dans cet hémicycle a un sens profondément républicain. Que l’on s’indigne qu’il puisse en être ainsi est de nature à m’inquiéter grandement. Je veux donc dire à Mme Le Pen – qui n’est pas là – qu’aussi longtemps que la République vibrera dans cet hémicycle, la liberté de la presse et les aides qui lui sont consubstantielles y seront défendues ardemment. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)



M. Nicolas Sansu. Très bien !

5

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2013.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron