Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 23 janvier 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Marc Le Fur

1. Encadrement de l’utilisation des produits phytosanitaires

Présentation

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Mme Brigitte Allain, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Discussion générale

M. Paul Molac

M. Jacques Krabal

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Sophie Errante

M. Antoine Herth

M. Yannick Favennec

M. Ary Chalus

Mme Florence Delaunay

M. Jean-Charles Taugourdeau

M. Michel Lesage

Mme Marie-Hélène Fabre

M. Philippe Bies

Discussion des articles

Article 1er

M. François de Mazières

Mme Sophie Errante

Amendements nos 6 , 1

Article 2

Mme Sophie Errante

M. Gérard Bapt

Amendements nos 3 , 7 , 5 , 8

Article 3

Article 4

Amendement no 4

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

2. Exposition aux ondes électromagnétiques

Présentation

Mme Laurence Abeille, rapporteure de la commission des affaires économiques

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique

Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Encadrement de l’utilisation des produits phytosanitaires

Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la a proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national (nos 1561, 1708).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je suis très heureux de vous retrouver ce matin pour l’examen de cette proposition de loi qui s’inscrit pleinement dans la dynamique, portée par le Gouvernement, de réduction de l’utilisation des phytosanitaires.

Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault l’a réaffirmé lors de la Conférence environnementale des 20 et 21 septembre 2013 : nous devons aller vers la suppression progressive des produits phytosanitaires en ville.

Le constat est là : en France, les produits phytosanitaires sont très largement utilisés en agriculture, bien sûr, mais aussi dans les parcs et dans les jardins.

Environ 800 tonnes de substances actives sont utilisées chaque année dans les espaces verts, et quelque 4 500 tonnes dans les jardins d’amateurs. Et je suis sûr que vous êtes tous, au fond de votre cœur, des jardiniers amateurs. (Sourires.)

Selon le Commissariat général au développement durable, en 2011, 93 % des points de mesure dans les cours d’eaux étaient contaminés par des pesticides et près de 30 % d’entre eux révélaient une concentration supérieure à 0,5 microgramme par litre, qui constitue, je le rappelle, le seuil de potabilité de l’eau.

L’Institut national de veille sanitaire a quant à lui révélé, le 29 avril 2013, que les Français étaient plus exposés que les Canadiens, les Américains et les Allemands. Cette situation résulte de multiples sources d’exposition, notamment de certains traitements domestiques, comme dans les jardins potagers.

Bien sûr, des actions concourent déjà à la réduction de l’emploi des produits phytosanitaires. Dans le cadre du plan Ecophyto et de son axe relatif aux zones non agricoles, qui est piloté par mon ministère et actuellement en cours d’évaluation, des résultats substantiels ont été obtenus, grâce à l’implication de toutes les parties prenantes, producteurs, distributeurs et utilisateurs, dont je salue l’engagement.

En quatre ans, le tonnage de substances actives employées dans les espaces verts a diminué d’un quart. Sur la même période, les quantités de substances actives achetées par les jardiniers amateurs ont, elles, baissé de 40 %.

Même si ce n’est pas l’objet de la proposition de loi, je rappelle que l’agriculture constitue le premier utilisateur de produits phytosanitaires, avec environ 90 % des quantités de substance épandues.

Le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, Stéphane Le Foll, l’a indiqué ici même, lors de l’examen du projet de loi d’avenir de l’agriculture : « Diminuer le recours aux énergies fossiles, aux produits phytosanitaires et aux différents engrais, c’est améliorer les conditions de la production – je parle de leur impact sur l’environnement –, mais c’est aussi, à terme, garantir la compétitivité de la production agricole. »

Ainsi, la nécessité de progresser vers un meilleur encadrement et une réduction de l’emploi des produits phytosanitaires a conduit à l’intégration de mesures importantes dans le projet de loi : suivi des effets secondaires des produits après l’autorisation de mise sur le marché, transfert à une autorité indépendante – l’ANSES – des autorisations de mise sur le marché, promotion de la lutte intégrée et des alternatives aux moyens chimiques en général, expérimentation des certificats d’économie de produits phytosanitaires.

En ce qui concerne les zones non agricoles, en particulier dans les collectivités, des démarches volontaires existent déjà. Je citerai l’exemple du conseil général de la Dordogne, département cher à Mme la rapporteure Brigitte Allain, la commune de La Chapelle-Heulin en Loire-Atlantique, dans laquelle est élue la députée Sophie Errante, ou encore celle de Bonneville, où, comme le rappelait le député Martial Saddier en commission, les produits phytosanitaires ont été bannis, depuis six ans, dans les espaces verts.

C’est aussi le cas, vous comprendrez que je le mentionne, dans le Gers (« Ah ! »sur les bancs du groupe SRC), où le conseil général a mis un terme à l’utilisation des produits phytosanitaires pour l’entretien de ses espaces verts en 2008, sous la présidence éclairée de l’époque. (Sourires.)

Les jardiniers amateurs, eux aussi, parviennent peu à peu à se passer de ces substances. Certains distributeurs ont commencé à les retirer de leurs rayons : c’est le cas d’une importante chaîne de jardineries depuis 2008.

La proposition de loi du groupe écologiste que vous allez examiner ce matin s’inscrit pleinement dans cette démarche. Elle nous permet d’amplifier le mouvement créé par les initiatives et mesures existantes.

Grâce aux discussions constructives dans les deux chambres et à l’excellent travail de la rapporteure Brigitte Alain, elle aura l’effet incitatif escompté sur les utilisateurs de ces substances. C’est une nécessité pour leur propre santé, pour celle de leurs voisins et pour la protection des milieux naturels.

Cette proposition de loi offre une souplesse qui permettra à chacun de trouver, dans un délai raisonnable, des solutions adaptées pour garantir un bon entretien des jardins et des espaces verts, tout en préservant l’environnement et la santé.

Si le texte prévoit bien l’arrêt de l’utilisation des produits phytosanitaires par les personnes publiques dans leurs espaces verts, forêts et promenades ouverts au public, et par les personnes privées dans leur jardin, il fixe une échéance raisonnable pour développer des solutions alternatives encore plus performantes que celles qui existent déjà : 2020 pour les personnes publiques, 2022 pour les personnes privées et les commerces associés.

Le texte prévoit également la possibilité de recourir à des produits de bio-contrôle, déjà disponibles ou en cours de développement, comme par exemple les préparations naturelles, les macro-organismes de lutte, ou encore les pièges à phéromones. Là aussi, le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt pose les bases d’un développement de ces alternatives, qui deviendront, j’en suis sûr, une filière d’avenir à part entière pour la France.

La proposition de loi offre, par ailleurs, la faculté de procéder ponctuellement, à titre exceptionnel, à des traitements avec des produits conventionnels lorsqu’il est nécessaire de lutter contre les organismes nuisibles.

Enfin, le texte prévoit la rédaction d’un rapport au Parlement sur les freins au développement des substances à faible risque, au sens du règlement européen qui encadre l’utilisation des produits phytosanitaires. Il s’agit là d’une réflexion que nous devons mener, particulièrement dans la perspective d’un arrêt de l’emploi, en zone non agricole, des autres types de substances.

La proposition de loi, comme le veut la règle, a été notifiée à la Commission européenne, conformément aux dispositions de la directive du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information. Je considère pour ma part que les dispositions proposées sont bien proportionnées aux enjeux, mais si la Commission européenne devait formuler des observations, nous prendrions, bien évidemment, les mesures qui s’imposent pour en tenir compte.

Mesdames et messieurs les députés, je veux, pour conclure, saluer le travail de l’ensemble des parlementaires, qui nous permet d’examiner aujourd’hui un texte abouti et utile. Je ne manquerai pas d’apporter les précisions nécessaires lors de l’examen des amendements, notamment sur un sujet qui m’est cher : l’agroforesterie.

Pour toutes ces raisons, j’ai le plaisir de vous indiquer que le Gouvernement est favorable à l’adoption de cette proposition de loi visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Mme Brigitte Allain, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi sur l’encadrement des phytosanitaires en zone non agricole que nous examinons aujourd’hui est complémentaire du projet de loi d’avenir agricole, dont nous avons débattu il y a quelques semaines.

Elle touche au cœur de la problématique de l’usage des phytosanitaires et apporte des réponses pragmatiques, concrètes et consensuelles à ce problème souvent négligé de l’emploi des pesticides en zones non agricoles.

J’articulerai mon propos en deux temps. Je rappellerai tout d’abord le contexte et le contenu de cette proposition de loi, avant d’en venir aux réponses à apporter à une série d’interrogations soulevées lors des débats devant la commission du développement durable.

La mobilisation des ressources de l’agrochimie a constitué l’un des principaux vecteurs de la diffusion du modèle d’agriculture productiviste et intensive. Les engrais chimiques ont permis d’augmenter considérablement les rendements à l’hectare et les produits phytosanitaires de lutter efficacement contre une gamme étendue de maladies et de parasites du végétal. Mais à quel prix ?

S’ils ont pu donner l’illusion d’une solution miracle pour leurs utilisateurs, il faut avoir conscience que ces produits sont d’abord et avant tout des produits chimiques actifs, ayant un impact sur le vivant végétal et animal ainsi que sur les écosystèmes.

Le monde agricole n’est pas le seul à avoir mobilisé massivement les ressources phytosanitaires depuis quelques dizaines d’années. Les jardiniers amateurs, que l’on estime à 45 % des Français, et les agents d’entretien des espaces végétalisés y ont également eu recours.

Quelques années seulement auront suffi à dissiper l’illusion du « champ propre » et des produits miracles. En 2013, la direction générale de la santé a demandé à l’INSERM de dresser un état des connaissances scientifiques sur les risques sanitaires associés à l’exposition professionnelle aux pesticides, d’une part, et sur l’exposition précoce du fœtus et du jeune enfant, d’autre part. Son rapport est tout sauf rassurant. L’existence d’un lien entre exposition aux pesticides et diverses pathologies paraît avéré, qu’il s’agisse de la maladie de Parkinson, du cancer de la prostate ou de certains cancers affectant les cellules sanguines.

Cette étude n’a suivi que de quelques mois la publication du rapport de la mission commune d’information du Sénat sur les pesticides et leur impact sur la santé, conduite par nos collègues Sophie Primas et Nicole Bonnefoy. Intitulé « Pesticides : vers le risque zéro », il dressait un constat inquiétant de la situation actuelle en France : les dangers et les risques des pesticides pour la santé sont aujourd’hui sous-évalués ; le suivi des produits après leur mise sur le marché n’est que très imparfaitement assuré au regard de leur impact sanitaire réel ; les protections individuelles contre les pesticides ne suffisent pas à protéger les utilisateurs contre les dangers de ces produits ; les pratiques industrielles, agricoles et commerciales n’intègrent pas suffisamment, dans leurs démarches, la préoccupation de l’innocuité des produits phytosanitaires pour la santé.

M. Gérard Bapt. Très bien !

Mme Brigitte Allain, rapporteure. Les impacts sur l’environnement et la biodiversité ne sont pas moins préoccupants : pollution de 90 % des eaux de surface, mortalité de colonies d’abeilles et d’autres insectes portant atteinte aux équilibres naturels de la faune, disparition ou migration d’oiseaux, déséquilibre de la flore naturelle, prolifération de plantes résistantes.

Cette proposition de loi, présentée par nos collègues sénateurs Joël Labbé et les membres du groupe écologiste, se concentre sur la problématique sanitaire et environnementale de l’usage non agricole des pesticides. Elle propose d’y remédier efficacement : d’une part, en interdisant aux personnes publiques, dans certains espaces et sous certaines conditions, l’utilisation des produits phytosanitaires pour l’entretien de ces espaces ; d’autre part, en prohibant leur commercialisation et leur utilisation pour un usage non professionnel.

L’article 1er introduit ainsi le principe selon lequel il est interdit aux personnes publiques d’utiliser ou de faire utiliser des produits phytopharmaceutiques pour l’entretien des espaces verts, des forêts ou des promenades accessibles ou ouverts au public.

Afin de laisser aux collectivités le temps de s’adapter et de s’organiser, cette disposition n’entrera néanmoins en vigueur qu’au 1er janvier 2020. C’est le temps nécessaire pour associer les professionnels des jardins, mettre en place les plans de formations et de gestion différenciée des espaces.

Une dérogation est prévue au bénéfice de certains produits peu impactant, comme les produits de bio-contrôle figurant sur une liste établie par l’autorité administrative, les produits « à faible risque » au sens de la réglementation de l’Union européenne et ceux dont l’usage est autorisé dans le cadre de l’agriculture biologique.

Pour l’entretien des voies ferrées, des pistes d’aéroport ou des autoroutes, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques demeure possible.

Par ailleurs, cette interdiction générale ne s’applique pas aux traitements et mesures nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles. En d’autres termes, en cas d’urgence sanitaire, les personnes publiques pourront continuer de faire appel aux pesticides chimiques classiques jusqu’à ce que la menace soit enrayée.

L’article 2 inscrit dans le code rural l’interdiction de la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention de produits phytopharmaceutiques pour un usage non professionnel et organise un dispositif de sanction en cas de non-respect de cette interdiction.

L’article 3 prévoit le dépôt par le Gouvernement, et avant le 31 décembre 2014, d’un rapport examinant les freins juridiques et économiques empêchant la fabrication et la commercialisation des productions naturelles peu préoccupantes, les PNPP, et le développement de l’utilisation des produits de bio-contrôle. En effet, à ce jour, aucune PNPP n’a été acceptée au terme d’une procédure qui semble inadaptée en raison de son coût et de sa lourdeur.

Enfin, l’article 4 prévoit l’entrée en vigueur effective des articles 1er et 2, respectivement en 2020 et 2022.

Telles sont les principales dispositions de la proposition de loi que j’ai l’honneur de rapporter aujourd’hui devant vous.

Les débats devant la commission du développement durable ont été denses et riches. Je voudrais répondre à certaines objections qui ont été avancées devant la commission ou dans le cadre des auditions préparatoires que j’ai organisées.

Selon certains, ces mesures seraient techniquement impraticables en milieu urbain. Pour d’autres, les petites villes ou les communes rurales n’auraient pas les moyens de les appliquer.

Prenons une petite commune, fortement inscrite dans la ruralité profonde de notre pays : Paris. Paris, ses 1 200 jardiniers…

M. Philippe Martin, ministre. Eh oui, monsieur Herth !

Mme Brigitte Allain, rapporteure. …ses 3 000 hectares d’espaces verts municipaux et ses 6 000 rosiers dans le seul jardin de Bagatelle.

Confrontée à l’impact négatif des produits phytosanitaires sur la santé de ses agents et sur celle des usagers, confrontée également au coût croissant de ces produits eux-mêmes et au coût du traitement supplémentaire de l’eau qu’ils induisent, la ville a fait le choix courageux d’en diminuer drastiquement l’usage à compter de 2001.

Les chiffres sont éloquents : 48 kilos de fongicides utilisés en 2012 contre 4,8 tonnes en 1991, 51 kilos d’insecticides en 2012 contre 12,6 tonnes en 1991 et 835 kilos d’herbicides contre 116,6 tonnes en 1991 !

Aujourd’hui, les seuls espaces verts de la Ville de Paris ouverts au public et où des produits phytosanitaires sont encore utilisés ne sont plus que les cimetières – en raison de la faible tolérance des citoyens aux herbes folles ; et ils sont précisément exclus de la présente proposition de loi –, ainsi que le jardin botanique et le centre de production horticole situé dans la commune de Rungis.

Deuxième exemple : le département de la Dordogne que vous avez cité, monsieur le ministre, a adopté une charte zéro herbicide. Les dépenses sont alors passées de près de 50 000 euros annuels pour des produits phytosanitaires chimiques en 2004 à zéro euro en 2008.

En 2014, près de cent communes de Dordogne ont adhéré, dont la ville de Bergerac. Ce sont près de 170 agents qui ont été formés via la formation du conseil général, souvent en partenariat avec le conseil régional, le Centre national de la fonction publique territoriale – le CNFPT –, les agences de l’eau et le FEDER. La plupart ont diminué l’usage des herbicides de l’ordre de 70 % en moyenne.

Le passage en « zéro phyto » est donc techniquement possible tant en milieu rural qu’en milieu fortement urbanisé, avec des avantages indiscutables aux plans environnemental et sanitaire et, in fine, un bilan économique positif.

D’autres collègues se sont interrogés sur l’utilité d’une loi, rappelant que de nombreuses communes se sont déjà engagées dans cette démarche vertueuse au plan environnemental, comme vous le rappeliez tout à l’heure. Elles ont d’ailleurs été citées, et ont témoigné devant la commission du développement durable.

S’il est vrai que 40 % des communes ont d’ores et déjà adopté le plan « zéro phyto », cela signifie bien que 60 % restent à convaincre et c’est précisément ce que la présente proposition de loi entend faire !

Les bonnes pratiques, les matériels, les techniques, les réseaux de formation et d’échange existent suffisamment pour assurer que la démarche est viable, qu’elle est praticable pourvu que l’on sache faire preuve d’un peu de pédagogie et que les résultats seront au rendez-vous.

À l’inverse, et en provenance de tous les bords politiques, j’ai entendu d’autres collègues manifester leur souhait d’avancer plus vite, de couvrir plus d’espaces et d’étendre cette loi au champ agricole.

Je pense que l’on peut dire que l’on a atteint un point d’équilibre et que nos réflexions pourront se poursuivre.

Mes chers collègues, cette proposition de loi a bénéficié d’un excellent accueil au Sénat où elle a été adoptée dans des conditions proches du consensus. Le caractère pragmatique et aisément compréhensible du dispositif et les délais laissés à chacun des acteurs pour s’adapter au nouvel environnement juridique ainsi créé n’y sont sans doute pas étrangers.

Je suis certaine que nos débats, aujourd’hui, permettront de répondre aux éventuelles interrogations…

M. le président. Je vous remercie de bien vouloir conclure, ma chère collègue.

Mme Brigitte Allain, rapporteure. …ou questions qui pourraient subsister – je pense, notamment, à l’utilisation des phytosanitaires en zone forestière.

Ce texte trouve un point d’équilibre entre le souhaitable et le réalisable. Il s’inscrit dans une dynamique, soutenue sur tous les bancs de cette assemblée, qui avait été lancée en leur temps par le Grenelle de l’environnement et le plan Ecophyto.

J’espère donc, mes chers collègues, que vous voterez cette proposition de loi en l’état et qu’elle deviendra dans quelques heures partie intégrante de notre droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le vice-président de l’OPECST, chers collègues, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné la proposition de loi visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires dans un esprit constructif car ce texte a fait l’objet d’un large consensus qui témoigne d’une vraie prise de conscience.

Nos débats en commission ont mis en avant plusieurs constats : tout d’abord, celui aujourd’hui non contesté de la nocivité des produits phytosanitaires tant pour l’environnement en général que pour les utilisateurs de ces produits, qu’ils soient agents des collectivités publiques en charge d’espaces à entretenir ou simples particuliers, jardiniers ou maraîchers amateurs.

Le caractère dangereux de ces produits est par ailleurs accru par le fait qu’il a longtemps été sous-évalué, par le manque de précautions et de mesures dans leur utilisation et par le développement de formules de plus en plus actives. Dans les forêts, les parcs ou les jardins, la préoccupation devient d’ordre public puisque ces espaces sont ouverts à nos concitoyens et, dans certains cas, aux plus fragiles, comme les enfants.

Cette prise de conscience n’est pas nouvelle puisqu’elle a été initiée par le Grenelle de l’environnement dès 2008 et qu’elle a été concrétisée dans le secteur agricole par le plan Écophyto 2018.

Ensuite, de nombreuses collectivités locales ont déjà privilégié pour l’entretien des espaces verts l’option « zéro phyto » sans y avoir été contraintes par la loi. Plusieurs collègues ont ainsi fait part de leurs expériences, qui remontent quelquefois à de nombreuses années, et qui ont été menées avec succès sur une base évidemment volontaire.

Certes, toutes les collectivités n’ont pas choisi une telle option pour l’ensemble des espaces dont elles ont la charge. Nos débats ont ainsi permis d’évoquer la diversité des cas particuliers : terrains de sport, cimetières, parcelles forestières ouvertes au public, zones industrielles, infrastructures de transport. Ces cas particuliers, qui ont fait l’objet d’amendements, appellent une approche adaptée.

De plus, l’évolution réelle des comportements reste trop lente. La réduction de l’emploi des produits phytosanitaires dans l’agriculture a été mesurée mais elle ne permettra pas d’atteindre les objectifs envisagés par le plan Ecophyto.

Il est donc nécessaire de poursuivre l’effort dans ce domaine, d’où l’intérêt du texte en discussion, qui complète les mesures déjà envisagées et permet d’inclure les zones non agricoles, qui concentrent de 5 % à 8 % des tonnages utilisés.

Pour le moment, les actions ont surtout porté sur l’information et la sensibilisation des acteurs. Il est donc maintenant nécessaire d’aller plus loin.

Enfin, le texte en discussion prévoit des dérogations dans le cadre de la lutte contre la propagation des organismes nuisibles, végétaux ou animaux. À la fin de l’année dernière, d’ailleurs, le débat sur la proposition de loi de notre collègue Alain Moyne-Bressand relative à la lutte contre les ambroisies a montré que la dissémination d’espèces invasives qui peuvent être qualifiées dans certains cas d’organismes nuisibles est une vraie question, qui nécessite une réflexion d’ensemble.

Comme l’a souligné notre rapporteure, Mme Brigitte Allain, que nous avons accueillie au sein de la commission du développement durable où elle ne siège pas habituellement, ce texte est mesuré et pragmatique. Son caractère réaliste et sa simplicité même constituent un gage de réussite.

Ce n’est sans doute d’ailleurs qu’une première étape. Je suis en effet de plus en plus persuadé que la politique des « petits pas » se révèle beaucoup plus efficace pour renforcer la protection de l’environnement et la santé de nos concitoyens. Plutôt que de grandes mesures, quelquefois difficiles à mettre en œuvre et qui se heurtent à des réticences faute d’être bien comprises, modifier la réglementation par touches successives permet d’atteindre nos objectifs.

L’encadrement de l’usage des produits phytosanitaires constitue à cet égard un bon exemple : la liste des terrains concernés est limitative, les délais d’adaptation sont larges, de nombreuses dérogations sont prévues.

Rien n’empêchera de faire évoluer la loi, de compléter le dispositif prévu aujourd’hui et d’étendre son domaine d’application à mesure que des techniques alternatives ou des produits de substitution seront mis en place.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors du vote en commission du développement durable, tous les groupes ont soutenu cette proposition de loi, à l’exception du groupe UMP, qui s’est abstenu. J’espère que nos débats permettront de lever les incertitudes qui inquiètent encore certains.

Je demande à l’Assemblée d’adopter le texte en discussion dans le texte adopté par la commission du développement durable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. .La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, a réalisé deux rapports de référence dans ce domaine : en 2009, celui sur « L’usage de la chlordécone et autres pesticides aux Antilles », co-signé par Mme Catherine Procaccia, sénateur, et moi-même ; et celui sur les perturbateurs endocriniens signé par M. Gilbert Barbier, sénateur.

La présente proposition de loi tendant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires est la bienvenue.

Mon rapport de 2009 mettait en évidence le problème sanitaire, à l’échelle mondiale, que représente la chlordécone en raison de sa diffusion lente dans les milieux naturels et de son transfert vers les produits de culture. Une recommandation de l’OPECTS soulignait la nécessité de prolonger le Plan santé et de conduire des études, en particulier sur la santé des enfants.

À la suite de la préconisation d’un changement d’alimentation aux Antilles après 2009, la chlordécone n’a plus été retrouvée dans les analyses du sang des bébés, ce qui est un point très positif.

Dans la même ligne, en 2011, le sénateur Gilbert Barbier recommandait de renoncer à l’usage de perturbateurs endocriniens dans les produits destinés aux bébés et aux femmes enceintes, mais également de poursuivre les recherches pour mieux cerner les risques. Trop longtemps, le recours aux pesticides a été massif, mal encadré, mené de façon trop peu précautionneuse et, en dernière analyse, excessif, de la part des agriculteurs, des collectivités territoriales ou des particuliers. L’OPECST insiste sur la nécessité de former des professionnels qui utilisent des produits phytosanitaires, notamment sur les risques sanitaires et environnementaux, sur les techniques de prévention des contaminations et sur la stratégie d’utilisation des pesticides, qui ne doivent être utilisés que lorsqu’ils apportent un bénéfice, et en réduisant le plus possible les doses d’emploi.

Le plan Écophyto 2018, lancé en 2008, va dans ce sens. Malheureusement, les résultats n’étaient pas au rendez-vous en 2013, ce qui a conduit le ministre de l’agriculture à envisager de nouvelles dispositions. En 2012, comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, l’excellent rapport rédigé par Nicole Bonnefoy, sénateur de la Charente, au nom d’une mission commune d’information sénatoriale sur l’impact des pesticides sur la santé, a montré que ces produits étaient encore utilisés sans réflexion et précautions suffisantes.

Il faut donc faire entrer dans la réalité les préconisations émises par la mission commune d’information. C’est dans cet esprit que le Sénat a adopté, en novembre 2013, cette proposition de loi visant à interdire aux personnes publiques l’utilisation des pesticides pour l’entretien des espaces verts, forêts et promenades, et à prohiber la commercialisation et l’utilisation des pesticides pour un usage non professionnel. Le Gouvernement prône d’ailleurs, depuis 2013, la suppression de l’utilisation des produits phytosanitaires en ville. Il est à noter que, depuis 2009 déjà, plus de 60 % des villes de plus de 50 000 habitants poursuivent l’objectif zéro phyto. Quant aux particuliers, il est prudent de les amener à comprendre que les pesticides sont des produits réellement dangereux, avant d’être des produits familiers, et qu’il faut porter des équipements de protection individuelle lors de leur épandage.

Faut-il rappeler que cela ne suffira pas à effacer d’un coup les effets des épandages passés ? Je reprendrai l’exemple sur lequel j’ai travaillé, celui de la chlordécone. Ce polluant organique extrêmement persistant, un organochloré, qu’un journal du soir avait qualifié de « monstre chimique » il y a quelques années, demeure entre 100 et 500 ans dans les sols. Il a contaminé par ruissellement les rivières et le littoral de la Guadeloupe et de la Martinique, où 200 tonnes de chlordécone ont été utilisées. Nous avons montré que 1 500 tonnes de ce produit ont été répandues dans l’ex-Allemagne de l’Est et en Pologne, sans que personne ne s’en soucie aujourd’hui, et aucune étude d’ensemble n’a été faite pour déterminer les zones où il a été utilisé.

Même si l’utilisation des pesticides s’est réduite, certains d’entre eux vont perdurer des dizaines d’années dans notre environnement. Il faut donc prendre ce problème à bras-le-corps, pour les détruire ou les réduire.

Je me permettrai donc de vous suggérer, monsieur le ministre, d’accentuer et de promouvoir des recherches sur la mise au point de méthodes peu coûteuses permettant de détecter et d’analyser les produits phytosanitaires qui ont été utilisés par le passé. La France doit soutenir la recherche sur l’environnement, ce qu’elle ne fait pas assez, car cela n’est pas prévu par la LOLF. Il faut notamment soutenir la recherche sur la remédiation des milieux naturels. Vous avez parlé du Gers, mais la France dispose aussi, en Lorraine, d’une plateforme européenne, la plus belle qui existe sur la décontamination des sols. Elle porte pour l’instant sur les polluants industriels et nous devons l’élargir aux polluants phytosanitaires. Plusieurs équipes de recherche sont regroupées dans un groupement d’intérêt scientifique sur les friches industrielles. Les connaissances acquises pourraient être transposées aux cas spécifiques des phytosanitaires piégés dans les sols ou dans l’eau.

Il est possible de réduire fortement l’usage des pesticides, voire dans certains cas de s’en passer totalement. C’est ce que le Sénat indique dans cette proposition de loi. Elle va dans le bon sens et je lui apporte donc mon soutien, au nom de l’OPECST. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Discussion générale

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, premier orateur inscrit dans la discussion générale.

M. Paul Molac. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui, portée par les groupes écologistes et adoptée au Sénat, est une première brèche dans le dogme du tout-chimique. Précisons que cette brèche est déjà largement ouverte dans les esprits, mais qu’il convient désormais de la concrétiser dans notre droit. Pour la première fois, avec cette proposition de loi, des produits phytosanitaires classiques seront interdits, et non plus seulement encadrés, dans le but de modifier les pratiques, en favorisant notamment leur remplacement par des produits de bio-contrôle.

Cela concerne spécifiquement l’utilisation et la vente des pesticides dont les usages sont non agricoles. C’est forts des conclusions du rapport Bonnefoy sur les dangers de la mauvaise utilisation des produits phytosanitaires, mais également de l’expérience de nombreux maires, dont notre collègue Joël Labbé, l’auteur de cette proposition de loi, que nous sommes aujourd’hui réunis. Il est vrai que 40 % des mairies sont déjà passées au « zéro phyto », mais la loi que nous proposons aujourd’hui fait un pas résolu en direction des consommateurs et des collectivités, qui sont plutôt demandeurs d’un encadrement.

Ce qui motive cette proposition de loi, c’est la lutte contre les impacts importants, et aujourd’hui avérés, des produits phytosanitaires sur la biodiversité, l’environnement, la qualité de l’eau et la santé publique. Les agents publics qui les manipulent quotidiennement sont évidemment en première ligne, de même que les agriculteurs, qui ne sont pas concernés par cette proposition de loi, et les citoyens, cela va de soi. Rappelons que la France est une championne, non seulement de l’usage des médicaments, mais aussi de celui des produits phytosanitaires. Or se passer de ces derniers ne coûte pas davantage. La plupart des collectivités concernées nous ont dit que cela aurait parfois même tendance à réduire leur coût à l’hectare. En effet, les produits sont coûteux, et les coûts induits, notamment en matière de traitement de l’eau, sont largement réduits.

Il faudra certes faire un effort de formation, mais des financements peuvent être trouvés auprès des départements et du Centre national de la fonction publique territoriale. Du reste, cet effort de formation est directement assuré par les jardiniers eux-mêmes, qui échangent de bonnes pratiques, après avoir vu leur métier se diversifier et être revalorisé. Il faudra, de même, informer le public et lui expliquer que quelques brins d’herbe sont souvent meilleurs pour la santé que le culte de la propreté absolue, où le moindre brin d’herbe est impitoyablement exterminé.

Le lien entre certaines pathologies et les produits phytosanitaires est désormais prouvé. Il ressort des données scientifiques publiées au cours des trente dernières années qu’il existe une corrélation entre l’exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l’adulte, qu’il s’agisse de la maladie de Parkinson ou de certains cancers, dont celui de la prostate, mais également chez l’enfant né ou à naître. Il convient donc de protéger la santé de toutes ces personnes : riverains, usagers privés, et surtout agents publics, notamment les jardiniers, qui ont à manipuler quotidiennement ces substances. Si le champ de cette proposition de loi, en excluant les usages agricoles, ne concerne qu’un faible tonnage de produits sanitaires – 5 à 10 % du total –, ils n’en ont pas moins un impact sur toute la population. Il s’agit bien là de l’un des enjeux essentiels de cette proposition de loi : les collectivités locales ne peuvent plus se permettre de laisser leurs agents manipuler des produits dangereux pour leur santé, et leurs administrés vivre dans les endroits traités. Les commerçants, quant à eux, ne peuvent plus laisser en vente libre à des particuliers des produits nocifs sur lesquels ils les informent mal, ou peu.

Les deux mécanismes prévus par cette proposition de loi jouent donc sur les collectivités locales, d’un côté, et sur les commerces de l’autre. S’agissant de la mesure prévue à l’article 1er, qui vise à interdire, à compter de 2020, l’utilisation des produits phytosanitaires, à quelques dérogations près, il convient de noter qu’elle vise surtout à amplifier et à renforcer des pratiques qui existent déjà. En effet, selon les propres termes utilisés par les représentants des collectivités locales déjà engagées dans des démarches « zéro phyto », une loi les encouragerait à poursuivre dans cette voie, qu’ils ont d’ailleurs tracée eux-mêmes de manière autonome, ce dont il faut les féliciter. Ce texte répond donc à une attente des collectivités locales, tout en constituant une reconnaissance du travail accompli par nombre d’entre elles. Ce qui les motive aujourd’hui, c’est l’obtention d’un label environnemental. Ces labels sont utiles et le demeureront, car ils ont beaucoup fait pour encourager des collectivités à aller encore plus loin dans leur démarche de responsabilité. Mais rien ne peut être comparé à la force de la loi, et c’est pourquoi le groupe écologiste vous propose d’adopter aujourd’hui cette proposition de loi.

Ce que nous vous proposons est un dispositif réaliste, dont l’efficacité a déjà été prouvée par les nombreuses collectivités qui mettent déjà en place le « zéro phyto » – 40 % d’entre elles. Elle encadrera mieux leurs pratiques et les incitera à aller encore plus loin, sachant que certaines d’entre elles atteignent déjà des seuils proches de 95 %. Mais cette loi cible surtout les 60 % de collectivités locales qui n’ont pas encore adopté de plan « zéro phyto ». Elle incitera les élus à franchir le pas, mais de manière raisonnée, puisque la date butoir est fixée au 1er janvier 2020.

Certains trouveront peut-être cette date encore un peu trop lointaine. À l’origine, la proposition de loi avait proposé la date butoir du 1er janvier 2018 pour les communes et les particuliers. Mais les dates d’application retenues dans notre version du texte sont le fruit d’un consensus et doivent permettre que les communes, qui sont les collectivités les plus nombreuses et les plus concernées, aient le temps d’un mandat pour modifier leurs pratiques. Elles nous ont d’ailleurs confirmé qu’elles considéraient cette date comme tout à fait raisonnable. Il convient dès lors d’enclencher dès aujourd’hui ce processus de mutation dans les pratiques, afin que les conseils municipaux élus puissent s’atteler dès le mois d’avril prochain à former du personnel, informer la population, changer leurs pratiques et procéder, dans leurs services, à la réorganisation que cela induit.

Certains se sont interrogés sur les dérogations étendues aux cimetières et aux terrains de sport. Le droit, dans le domaine dont nous parlons, est amené à évoluer, et les législateurs que nous sommes y prendront leur part à travers d’autres textes. Reste qu’aujourd’hui, l’opinion n’est pas prête à voir appliquée l’interdiction des produits phytosanitaires sur les terrains de football ou dans les cimetières. Certaines collectivités ont trouvé des solutions dans le cadre du plan « zéro phyto » : il leur faudra les appliquer sur tous les types de terrains. Mais pour rendre cette proposition de loi acceptable pour le plus grand nombre de communes, il convient de rester sur une mesure de consensus. Bien sûr, rien n’empêchera les collectivités qui le souhaitent d’aller plus loin et de faire du « zéro phyto » y compris dans les cimetières et les terrains de sport.

La mesure contenue à l’article 2 vise à interdire la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention de produits phytosanitaires pour un usage non professionnel et à instaurer un dispositif de sanctions en cas de non-respect de cette interdiction. Cette mesure ne s’appliquera pas aux produits de bio-contrôle, aux produits « à faible risque » selon la définition de la législation européenne, ni aux produits dont l’usage est autorisé dans le cadre de l’agriculture biologique. Il semblerait toutefois que les critères de définition des catégories précitées, notamment des préparations, soient encore fluctuants et nécessitent d’être stabilisés à l’épreuve de la pratique dans les prochains mois. Le rapport demandé au Gouvernement à l’article 3 pourrait ainsi utilement faire le point sur le régime juridique de ces produits et substances.

La mesure d’interdiction de vente de produits phytosanitaires aux particuliers, contenue dans l’article 2 de cette proposition de loi, permettra surtout de répondre à une attente forte des consommateurs. En effet, à l’heure actuelle, les magasins ne fournissent aucun conseil sur les produits de bio-contrôle ou les produits naturels. Les personnels ne sont pas formés et les informations et communications ne sont pas bonnes.

M. Antoine Herth. C’est faux !

M. Paul Molac. Ce texte permettra donc de remédier à ce défaut d’information des consommateurs. D’ici 2020, date butoir retenue, ceux-ci seront d’ailleurs suffisamment informés sur les produits alternatifs – dont l’usage sera pleinement intégré – pour éviter les sanctions liées à la détention de ces produits phytosanitaires. Je veux bien admettre qu’il existe des différences et que certains commerçants donnent d’utiles conseils,…

M. Antoine Herth. Tout de même ! Merci !

M. Paul Molac. …mais ce n’est pas le cas le plus fréquent.

Au final, mes chers collègues, nous sommes en présence d’une proposition de loi simple, mais aux enjeux environnementaux et sanitaires importants pour les consommateurs, les collectivités locales et leurs agents. Elle vient par ailleurs encourager le travail des collectivités territoriales, qui sont demandeuses d’un encadrement législatif. C’est pourquoi nous vous demandons d’adopter sans plus attendre, et de manière conforme, cette loi consensuelle et pragmatique, qui fera date. Puisque nous n’avons qu’une niche par an, nous souhaiterions ne pas y revenir au mois de janvier 2015. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le vice-président de l’OPECST, mes chers collègues, dans le prolongement de nos débats sur la loi d’avenir de l’agriculture, nous allons examiner ce matin une proposition de loi qui nous vient du Sénat à l’initiative de nos collègues écologistes visant à interdire l’usage de produits phytosanitaires pour les particuliers et les collectivités et établissements publics.

Les études le démontrent, les pesticides ont un impact sur la santé et présentent des risques importants. Personne n’aurait idée de parler de peurs irrationnelles sur ce sujet, et les pouvoirs publics ont d’ailleurs pris de nombreuses mesures depuis plusieurs années, au niveau européen comme au niveau national, pour en limiter l’utilisation progressivement.

Cette proposition de loi vise à accélérer cette limitation. Je la soutiens car elle permettra, au-delà d’une moindre utilisation, une prise de conscience et le développement de solutions de substitution par les professionnels.

Le plan d’actions Écophyto 2018, présenté en 2008, poursuit plusieurs objectifs : acquérir de nouvelles données sur les pratiques d’utilisation des pesticides ; accompagner et aider les agriculteurs pour l’adoption de pratiques moins consommatrices de pesticides, innover en matière de systèmes de cultures et d’itinéraires techniques économes en pesticides grâce à un effort de recherche soutenu ; ou encore, former à la réduction de l’utilisation des pesticides et à leur emploi dans les conditions de sécurité requises. Il est pourtant très peu probable que nous respecterons tous ces engagements, c’est pourquoi il est temps aujourd’hui de passer à la vitesse supérieure en faisant un pas important dans la perspective de limitation des pesticides.

Aujourd’hui, l’utilisation des pesticides en zone non agricole ne représente qu’entre 5 % et 9 % du total des volumes vendus en France, mais l’impact de cet usage non agricole est proportionnellement beaucoup plus important qu’en usage agricole, en raison du type des surfaces traitées : surfaces imperméables, avec risques de ruissellement et problèmes de surdosage, sans oublier les fuites liées à des matériels non adaptés ou mal entretenus et la méconnaissance du bon usage de ces produits. Interdire l’usage des pesticides en milieu non agricole permettra donc d’agir directement sur les principales sources de pollution de l’eau en France métropolitaine.

Permettez-moi de revenir sur les problématiques de santé, qui sont essentielles. Le lien entre les pesticides et le déclenchement de cancers, de maladies de Parkinson ou autres, a été mis en évidence de manière indubitable. Ces éléments sont repris dans le rapport du Sénat à l’origine de cette proposition de loi. Dans le cadre du plan Écophyto, le Gouvernement s’est engagé dans la voie de la réduction de l’usage des pesticides. Il restreint donc leur utilisation aux seules fins de production de denrées alimentaires et de protection sanitaire. L’usage non agricole des pesticides se fonde souvent sur des considérations esthétiques ou d’agrément, tels que les géraniums dont a parlé Mme la rapporteure.

Compte tenu des problèmes de pollution de l’eau et des problèmes de santé associés, je considère que l’interdiction de l’usage non agricole de ces produits découle du bon sens, d’autant qu’elle n’induit aucun risque économique ou sanitaire.

Cette proposition de loi est simple, claire. De nombreux collègues l’ont dit, mais il est tellement agréable de le répéter ! La politique des petits pas, comme le disait le président Chanteguet, permet d’avancer et de respecter nos espaces naturels.

L’entrée en vigueur des articles 1er et 2 a été repoussée par nos collègues sénateurs, ce qui est une bonne chose pour laisser le temps de trouver des substituts et permettre aux acteurs économiques de s’adapter plus en douceur.

Les démarches « zéro phyto » ne sont pas nouvelles. À l’instar du département du Gers cher à notre ministre, de nombreuses démarches incitatives existent, notamment en région Picardie. Elles obtiennent des résultats probants avec le soutien des agences de l’eau.

La ville de Château-Thierry n’est pas en reste : elle est engagée depuis 2010 dans la démarche « zéro phyto ». Ces expériences montrent que le soutien technique dans le choix des méthodes d’entretien et du matériel et les aides financières sont essentiels.

Il est nécessaire d’inciter à l’achat mutualisé entre les communes ou à l’échelle des intercommunalités, ainsi que de conditionner les aides pour des aménagements publics à un entretien sans pesticides.

La formation est un autre point important, cela a été rappelé. Pour prendre à nouveau un exemple que je connais bien, dans le sud de l’Aisne, nous avons ouvert des ateliers de jardinage naturel, qui constituent une éducation à l’environnement, mais aussi à la culture de nos territoires ruraux pour les nouveaux arrivants, et permettent ensuite une réappropriation des jardins familiaux.

Cette proposition de loi va permettre la généralisation de ces bonnes pratiques et c’est donc avec enthousiasme que nous la soutenons. Dans la fable Le Cerf se voyant dans l’eau, Jean de la Fontaine écrivait : « Nous faisons cas du beau, nous méprisons l’utile ». Dans le cas qui nous intéresse, l’utile, c’est notre environnement, c’est notre santé, c’est notre vie. Mes chers collègues, en votant cette proposition de loi, nous prenons en considération ces aspects. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste)

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Il n’y a pas de fable sur les produits phytosanitaires ? (Sourires.)

M. Jacques Krabal. Mais celle-ci porte sur l’eau !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je voudrais d’abord vous prier d’excuser l’absence de mon collègue Patrice Carvalho, qui a suivi ce texte pour notre groupe et dont je suis chargée de vous faire connaître la position. Cette proposition de loi s’inscrit dans le prolongement des travaux de la mission d’information sénatoriale sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement. Elle a été votée à l’unanimité par la Haute assemblée.

Ce texte est certes limité puisqu’il ne concerne pas l’usage des produits phytosanitaires dans le milieu agricole, qui représente pourtant 95 % de l’utilisation des pesticides. Mais il faut noter que ce volet relève, pour l’essentiel, de la réglementation européenne et du programme européen d’action pour l’environnement, dont la septième édition doit entrer en vigueur pour s’achever en 2020.

La France est particulièrement concernée car notre pays est celui qui, en Europe, autorise le plus grand nombre de substances pesticides sur son territoire. On en comptait trois cent dix-neuf en 2013, dont les effets sur les agriculteurs et les salariés qui les manipulent, comme sur les consommateurs des produits traités et la faune – je pense en particulier à l’apiculture –, sont peu étudiés et mal connus. Mais nous savons qu’ils sont nocifs.

Le projet de loi relatif à l’agriculture, l’alimentation et la forêt, que l’Assemblée vient d’adopter, contient des dispositions intéressantes concernant la part nationale qui nous revient, même s’il reste beaucoup à faire pour rompre avec une démarche aveuglément productiviste, qui conduit au pire.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui traite de l’usage des produits phytosanitaires par les collectivités publiques et les particuliers dans les espaces non agricoles, ce qui représente donc 5 % de l’usage de ces produits en France, dont deux tiers pour les activités publiques, et un tiers pour les particuliers. Ce faible pourcentage peut sembler dérisoire, mais chaque pas accompli, même modeste, pour faire reculer l’utilisation des pesticides est un point positif.

Le temps nécessaire est laissé aux collectivités territoriales pour s’adapter, puisque l’échéance de l’interdiction est fixée à 2020.

Reste néanmoins posée la question des moyens.

En effet, si les communes importantes ne rencontreront pas de graves difficultés, d’autant que certaines d’entre elles sont déjà engagées dans le processus, il en sera tout autrement pour les petites communes, qui devront se doter de produits de substitution et former leur personnel. Cette question est au cœur de l’article 1er. Dans la mesure où ces dispositions concernent non seulement les espaces verts, parcs publics, cimetières, mais aussi les espaces privés et les jardins de particuliers, leur mise en œuvre implique un travail spécifique de sensibilisation de l’opinion publique et d’éducation, afin que chacun soit pleinement conscient des risques encourus, pour lui-même et pour l’environnement, avec l’utilisation des pesticides.

L’article 2 prohibe la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention de produits phytosanitaires pour un usage non professionnel. L’échéance est fixée à 2022. Nous sommes surpris de ce délai supplémentaire de deux ans : interdiction de l’utilisation dès 2020 et interdiction de vente en 2022. Pourquoi autoriser la vente de produits dont l’usage est déjà interdit ?

Nous nous interrogeons également sur les conditions et les moyens de contrôler les entreprises professionnelles privées qui se verront confier un marché public d’entretien des espaces verts par une collectivité territoriale, ainsi d’ailleurs que pour une entreprise paysagiste entretenant le jardin d’un particulier.

L’article 3 de ce texte impose au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 31 décembre 2014, un rapport sur les freins juridiques et économiques qui empêchent le développement des substances à faibles risques telles que définies par le règlement communautaire de 2009.

Il est en effet nécessaire de lever les entraves à l’utilisation de ces substances à la fois peu onéreuses et non nocives puisqu’elles sont des produits naturels de substitution tels que le purin d’ortie, les pulvérisations de sucre, d’ail, d’argile ou de vinaigre blanc – je ne vous cache pas que j’ai beaucoup appris en lisant ces textes ! Leur mise sur le marché est nécessaire, avec un accompagnement éducatif en direction des particuliers.

Pour conclure, cette proposition de loi, bien que de portée limitée, constitue une indiscutable avancée. Elle doit évidemment être considérée comme une étape vers l’affirmation d’une véritable volonté politique visant à faire prévaloir au niveau national et européen la santé et la protection de l’environnement sur les intérêts mercantiles de l’industrie chimique.

Bien entendu, cette vigilance doit également s’exercer dans le cadre de la négociation du traité transatlantique de libre-échange avec les États-Unis.

Notre groupe votera donc ce texte sans hésitation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Errante.

Mme Sophie Errante. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mes chers collègues, nous pouvons dire aujourd’hui que la volonté de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires sur notre territoire est partagée par tous. Ce consensus s’explique par les graves enjeux en termes de santé et de respect de l’environnement que pose l’utilisation des pesticides, cela a déjà été rappelé.

Nous sommes réunis ce matin pour discuter de la question de l’utilisation non agricole des produits phytosanitaires. Ces usages ne doivent pas être négligés puisqu’ils représentent aujourd’hui entre 5 % et 10 % des usages des pesticides et que 45 % des Français possèdent un jardin ou un potager. Et comme l’a rappelé la rapporteure, 60 % des collectivités ne sont pas encore engagées dans cette voie.

Le texte que nous étudions a un double objectif : interdire aux personnes publiques l’utilisation des produits phytosanitaires pour entretenir leurs espaces verts, forêts et promenades ; et interdire leur commercialisation et leur utilisation pour un usage non professionnel.

Concernant les enjeux sanitaires, ce texte permet tout d’abord de protéger les agents des collectivités qui utilisent des produits chimiques dans leur travail quotidien. En juin 2013, une expertise collective de l’INSERM avait souligné la corrélation entre l’utilisation régulière de pesticides et le développement de certaines pathologies comme la maladie de Parkinson ou le cancer de la prostate.

Mais ce texte permettra aussi de protéger l’ensemble des citoyens et usagers des espaces concernés : espaces verts, forêts et promenades.

Il vise aussi les utilisateurs non professionnels de produits phytosanitaires qui sont souvent mal informés sur les dangers et sur les dispositions de sécurité à prendre pour les utiliser. Les dangers dermatologiques et respiratoires, même pour des usages non quotidiens, ne sont pas négligeables. Les collectivités, en s’appuyant sur cette loi, pourront organiser des ateliers pédagogiques auprès des citoyens et communiquer encore davantage.

Les enjeux environnementaux d’une réduction de l’usage non agricole des produits phytosanitaires ne doivent pas être négligés. Je pense notamment à la contamination des eaux par les désherbants utilisés sur des surfaces imperméables comme les trottoirs ou les pentes des garages. De plus, nous pouvons repérer aisément les fossés ou bordures de parcelles où une utilisation massive de pesticides a été faite puisqu’ils sont brûlés. Or les maires ne peuvent interdire aux citoyens d’utiliser des produits, même dangereux pour leur santé et pour l’environnement, tant que ces derniers sont disponibles à la vente.

C’est donc à la fois comme députée, élue local et citoyenne que je souhaite saluer ce texte. En effet, il s’inscrit dans un mouvement engagé depuis déjà plusieurs années par de nombreuses collectivités qui ont mis en place des plans zéro phyto. Parmi elles, on trouve à la fois de grandes villes comme Paris ou Nantes, de bien plus petites communes comme celle des Sorinières, dont le maire Christian Couturier est un spécialiste au sein de l’agglomération nantaise des questions relatives à la ressource en eau, et d’autres plus petites encore, comme la Chapelle-Heulin dont je suis la maire, et qui compte un petit peu plus de 3 000 habitants. Je peux donc témoigner qu’il est possible, même pour une petite commune, de limiter considérablement l’utilisation de pesticides pour entretenir ses espaces verts.

Ces réflexions sur notre impact environnemental nous amènent à envisager également l’utilisation de variétés végétales différentes, ne nécessitant pas ou peu d’interventions, que nous choisissons pour couvrir les sols.

Ce texte apporte aux élus des collectivités engagées dans le « zéro phyto » un soutien législatif, qui a été salué lors des auditions menées par la rapporteure.

La mise en place de plans « zéro phyto » sur l’ensemble du territoire à l’horizon de janvier 2020 semble donc être un objectif réaliste, avec une attention particulière à porter en matière de formation des agents des collectivités. Un nouveau mandat de six ans va s’ouvrir en mars prochain. Les nouveaux élus auront donc un mandat pour prendre la mesure de cette loi : cela est réaliste. Les élus locaux devront aussi veiller à informer les citoyens des démarches entreprises. Un changement des mentalités ne pourra se faire qu’avec une bonne pédagogie.

Je souhaite revenir sur les avancées obtenues au Sénat sur cette proposition de loi. Les sénateurs ont élargi le champ des alternatives aux produits phytosanitaires. Ils ont aussi prévu une dérogation pour la lutte contre la propagation des organismes nuisibles en cas de danger sanitaire. Le champ d’application de cette proposition de loi a été restreint, notamment pour des raisons de sécurité publique. Enfin, les dates d’entrée en vigueur ont été repoussées, afin de laisser le temps aux personnes publiques comme aux industriels de se préparer à cette transition.

Cette proposition de loi s’inscrit dans le cadre des engagements du Gouvernement, comme l’a rappelé notre cher ministre tout à l’heure. Nous aborderons également cette question lorsque nous débattrons du projet de loi sur la biodiversité, à venir cette année.

Je souhaite donc saluer cette proposition de loi déposée par nos collègues écologistes, dans la mesure où elle envoie un signal fort aux industriels, aux collectivités ainsi qu’aux citoyens. Équilibré, pragmatique et réaliste, ce texte doit constituer une étape dans notre action pour lutter contre l’utilisation des pesticides. Je vous invite donc à un vote conforme de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, s’il est un sujet qui peut, une fois n’est pas coutume, nous faire converger vers un consensus, c’est bien la volonté de développer le bio-contrôle en France. Cette proposition de loi nous donne donc l’occasion de faire un point d’étape et de nous projeter dans la suite de la mise en œuvre du plan Écophyto 2018.

À l’occasion des débats en commission du développement durable, dont j’ai relu le compte rendu, et comme je l’ai dit moi-même lors de mon audition par Mme la rapporteure, chacun a constaté que le diagnostic est convergent. C’est également le cas ce matin au cours de cette discussion générale. Oui, sur la base du seul volontariat, les collectivités ont très largement pris à bras-le-corps la problématique de la réduction du recours aux pesticides. Oui, dans le domaine du jardinage, les derniers chiffres de cette réduction indiquent que le seuil des moins 40 % en volume est déjà atteint : l’objectif d’une baisse de 50 % fixé par le Grenelle de l’environnement est donc à portée de main pour 2018. Parallèlement, les produits autorisés en bio trouvent une place croissante et apportent une réponse innovante en matière de protection des cultures.

Alors, pourquoi légiférer à nouveau, puisque le processus est en marche et qu’il donne pleinement satisfaction ? Est-ce une forme d’hommage tardif des écolos au processus du Grenelle de l’environnement, comme le soulignait mon excellent collègue Martial Saddier ? (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.)

M. François-Michel Lambert. C’est votre conversion à l’écologie qui est tardive ! Nous, nous fêtons nos 30 ans cette année !

M. Antoine Herth. Ou est-ce une volonté de surenchère, au risque de provoquer des affrontements aussi stériles qu’artificiels ?

M. Noël Mamère. Nous ne sommes pas dans la posture !

M. Antoine Herth. Je vous accorde, chers collègues écolos, le bénéfice du doute, même si la proximité des échéances électorales n’en laisse aucun sur le but de la manœuvre.

Mais, voyez-vous, comme disait Walter Lippmann, « quand tout le monde pense la même chose, c’est que personne ne pense beaucoup ». Je suis persuadé qu’en matière législative, le mieux est parfois l’ennemi du bien : c’est encore le cas concernant cette proposition de loi. Je veux donc, mes chers collègues, appeler votre attention sur quelques aspérités du texte que nous examinons.

L’article 1er prévoit l’interdiction du recours aux produits phytosanitaires pour les personnes publiques mentionnées à l’article L. 1 du code général de la propriété des personnes publiques. Cette définition est, à mon sens, trop large ; pour ma part, j’aurais apprécié qu’en soient exclus les établissements publics. Dans son rapport, Brigitte Allain nous assure que cette interdiction n’aura pas d’impact sur leurs activités : elle précise que, dès lors que la sécurité des personnes est en cause, on tombe sous un régime d’exception. Malheureusement, je ne vois rien de tel dans le texte : en matière d’exception, il n’est question que de la lutte contre les organismes nuisibles, ce qui n’est pas la même chose, juridiquement parlant, que la notion de risque pour les personnes – vous en conviendrez.

Probablement conscients de cet excès de zèle, vous avez pris soin de préciser que les seuls terrains concernés par l’interdiction sont ceux accessibles au public : les espaces verts, les promenades et les forêts. Sage restriction, mais est-elle suffisante pour sécuriser les établissements publics tels que l’ONF – M. Caullet a posé la question en commission –, RFF ou VNF, qui ont la responsabilité de gérer des ouvrages linéaires ?

Justement, les nombreux canaux qui sillonnent la France sont autant de lieux de promenade très appréciés du public. Faut-il en déduire que VNF doit renoncer à l’utilisation de produits phytosanitaires pour l’entretien des berges et ouvrages, au risque de faire exploser ses charges de fonctionnement ? Monsieur le ministre, je vous rappelle que, suite à la suspension de l’écotaxe, cet établissement public n’a pas pu adopter son budget pour 2014. Il y a donc un problème de cohérence entre les objectifs et les moyens dont disposent ces établissements publics.

Si tel est le cas, je crains que nos campagnes ne voient fleurir une multitude de panneaux d’avertissement portant la mention « interdit au public ». Ainsi, les joggeurs, randonneurs, cavaliers et autres cyclistes risquent tout simplement de se voir privés de leur lieu favori d’exercice.

M. François de Rugy. Vous nous faites peur, monsieur Herth !

M. Antoine Herth. N’est-ce pas ce qui s’est passé avec les fontaines de nos villages, qui portent quasiment toutes la mention « eau non potable », dans le seul but de garantir la sécurité juridique du maire du lieu ? Voilà qui serait bien dommage, et qui reviendrait d’une certaine manière à cloisonner l’espace public.

L’article 2 de la proposition de loi réitère l’exception concernant la lutte contre les organismes nuisibles. Mon collègue Martial Saddier s’est longuement exprimé sur ce sujet en commission ; je veux à mon tour redire qu’entre l’identification d’un nuisible et le moment où celui-ci fait l’objet d’un classement officiel, il se passe un certain temps. Mon collègue a cité le cas du frelon asiatique ; je pourrais, comme le président de la commission, M. Chanteguet, vous parler à mon tour de l’ambroisie, cette plante envahissante dont le pollen provoque des allergies chez 6 à 12 % de la population. À côté des mesures préventives consistant à ne jamais laisser des terrains nus, la lutte curative par un recours à des herbicides sélectifs doit rester à la disposition des gestionnaires d’espaces publics.

Je pourrais aussi évoquer le cas de la mineuse du marronnier. Pas de danger pour la santé publique ici, mais c’est le patrimoine de nos villes et de nos parcs qui est en jeu. Faut-il rester les bras croisés devant ce triste spectacle d’arbres prenant des couleurs d’automne dès la fin du mois de juillet ? Il n’y a pas, aujourd’hui en France, de stratégie globale de lutte contre ce nuisible, et donc pas d’exception possible aux interdictions introduites par cette proposition de loi – y compris, comme je l’ai signalé lors de l’audition que Mme la rapporteure m’a accordée, pour l’utilisation de produits de bio-contrôle existant déjà pour lutter contre ce ravageur.

Vous l’aurez compris : loin de moi l’idée de faire l’apologie du tout chimique.

M. François-Michel Lambert. Ah non !

M. Antoine Herth. Au contraire, je me réjouis qu’à l’alinéa 3 de ce même article, vous fassiez à votre tour la promotion du bio-contrôle. Merci de nous rejoindre dans ce combat !

M. François-Michel Lambert. Celle-là, on ne l’attendait pas !

M. Antoine Herth. Mais, de même que l’agriculture biologique a besoin de l’agriculture conventionnelle pour se distinguer, les solutions de lutte issues du bio-contrôle ne sont des alternatives au chimique que si le chimique reste possible. En interdisant le chimique, en cantonnant les communes dans les seules mesures préventives, vous découragez sans le vouloir le développement des solutions nouvelles plus respectueuses de l’environnement. Les agents communaux, aujourd’hui formés à l’application de produits phytosanitaires, n’auront plus demain cette compétence. De même, vous interdisez le recours à des prestataires de services – je sais que cela vous fait sourire, mais c’est très sérieux. Qui, alors, voudra acheter ces produits innovants de bio-contrôle ? Et dès lors, croyez-vous réellement que des entreprises innovantes vont investir des millions dans leurs centres de recherches, alors même que le débouché commercial aura disparu ?

La philosophie d’Écophyto 2018, fondée sur le volontariat, est une démarche de progrès impliquant les acteurs de toute la chaîne des savoirs et des compétences. Et cela marche, en particulier dans la gestion des espaces publics.

M. Gérard Bapt. Cela n’avance pas beaucoup !

M. Antoine Herth. En réalité, avec cette proposition de loi, vous prenez le risque de rompre cette spirale vertueuse. La vraie bonne idée que vous n’avez pas eue, madame la rapporteure, ce n’est pas d’interdire, comme vous tentez de le faire, l’utilisation des produits phytosanitaires, mais c’est de rendre obligatoire l’élaboration de plans de réduction de l’usage de ces produits pour toutes les communes.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Eh oui !

M. François de Rugy. Cela revient au même !

M. Antoine Herth. Vous avez dit vous-même que 60 % des communes ne se sont pas encore saisies de ce sujet : vous auriez donc pu amender votre proposition de loi pour prévoir que toutes les communes devront, demain, adopter un plan en ce sens. Cela aurait permis à notre assemblée de réaffirmer son soutien au sens de la responsabilité des élus locaux, et de rester dans l’esprit du Grenelle de l’environnement.

M. François de Rugy. Et vous voulez faire de la simplification ?

M. Antoine Herth. S’agissant de l’article 3, je regrette sincèrement que votre demande de rapport au Gouvernement, demande qui vous sera accordée – n’est-ce pas, monsieur le ministre ? – alors qu’elle m’a été refusée lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, je regrette, donc, qu’elle ne soit pas plus précise. En effet, l’un des points faibles du développement du bio-contrôle réside dans sa difficile application aux conditions particulières des outre-mer. J’ai moi-même été dans l’incapacité d’affiner mes propositions dans ce domaine. Ce rapport serait justement l’occasion de faire la somme des savoirs et des zones d’ombre, en s’appuyant sur les meilleurs experts de nos laboratoires de recherche. Je ne doute pas que ce tour d’horizon serait un outil précieux pour nos collègues ultra-marins.

Enfin, je reste dubitatif sur l’intérêt du calendrier prévu à l’article 4. Nous comprenons bien que nos collègues sénateurs ont souhaité décaler l’entrée en vigueur de l’article 1er, prévoyant l’interdiction de l’usage des pesticides en 2020, et la mise en œuvre de l’article 2 interdisant la mise sur le marché de ces mêmes produits, y compris pour les jardiniers amateurs. Très bien ! Mais ce que j’ai aussi compris – et j’ai bien relu dix fois cette proposition de loi –,…

M. François-Michel Lambert. Relisez-là une onzième fois !

M. Antoine Herth. …c’est donc qu’elle interdit tous les produits phytosanitaires en 2020 mais crée une exception pour les produits du bio-contrôle, les produits à faible risque et ceux destinés à l’agriculture biologique deux ans plus tard, à partir de 2022 seulement. Pendant deux ans, il ne se passe donc rien : pas de produits chimiques, pas de produits biologiques. Pendant deux ans, les maires se grattent la tête en cherchant vainement une solution.

Mme Brigitte Allain, rapporteure. Non !

M. Antoine Herth. Pendant deux ans, on attend Godot. C’est probablement une coquille législative – certainement ! – ou, qui sait, peut-être une erreur de jeunesse du Sénat. (Sourires.)

M. Yannick Favennec. Une erreur de jeunesse au Sénat ?

M. Gérard Bapt. Cela sera rapporté à nos collègues sénateurs !

M. Antoine Herth. Mais c’est avant tout la démonstration que notre assemblée a le devoir d’amender ce texte pour que sa lettre soit conforme à son esprit. Dès lors, madame la rapporteure, votre position de rejet systématique des amendements doit évoluer. Nous savons que votre groupe politique souhaite décréter l’urgence, et c’est, en soi, déjà très original. Mais le groupe UMP ne pourra vous rejoindre dans ce qui s’apparente à de la précipitation. Aussi, nous espérons que nos propositions trouveront une oreille attentive et, ma foi, s’il est nécessaire de procéder à une deuxième lecture, cela ne sera que profitable pour que la loi soit robuste et sans ambiguïté.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Très bien !

M. François-Michel Lambert. Que du blabla !

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour l’examen du premier texte de la journée d’initiative parlementaire réservée au groupe écologiste. Cette proposition de loi vise à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire. Il s’agit là d’un sujet important, qui fait notamment écho à la mission d’information sénatoriale sur les pesticides, présidée par Sophie Primas, ainsi qu’au rapport de Nicole Bonnefoy intitulé « Pesticides : vers le risque zéro », dont certaines recommandations ont directement inspiré cette proposition de loi.

Avant d’en venir au fond, je tenais donc, au nom du groupe UDI, à saluer ce travail garanti « 100 % made in Parlement », si j’ose dire, et à remercier le groupe écologiste pour son initiative qui vient utilement compléter nos récents travaux sur l’utilisation des produits phytosanitaires dans le cadre du projet de loi d’avenir pour l’agriculture.

En effet, si l’agriculture reste très largement, le premier utilisateur de ces produits avec près de 90 % des quantités de substances épandues, les utilisations non agricoles ne sauraient être oubliées par les législateurs que nous sommes. Rappelons notamment que chaque année, environ 800 tonnes de substances actives sont utilisées pour les espaces verts et 4 500 tonnes dans les jardins des particuliers. Si leur principale fonction consiste à protéger les végétaux contre les autres organismes vivants susceptibles de les endommager, certains produits, comme les herbicides, ne remplissent pas toujours ce rôle et provoquent des effets indésirables sur la santé et l’environnement.

Cela a été rappelé, le débat sur la dangerosité de ces substances – contrairement à celui qui suivra sur les ondes électromagnétiques – est aujourd’hui largement dépassé. Les études, analyses et autres missions d’information évoquées dans votre rapport nous rappellent que les impacts de ces produits sur la santé, l’environnement et la biodiversité sont particulièrement préoccupants : liens avérés entre pesticides et certaines pathologies humaines, pollution de l’eau, destruction des abeilles, déséquilibre de la faune sont autant de symptômes qui appellent une réponse efficace et adaptée de la part de la puissance publique.

Dans ce domaine, je me permettrai de rappeler que l’initiative qui nous réunit ce matin ne part pas d’une feuille blanche, et que beaucoup a déjà été fait par la précédente majorité. Dans le domaine agricole, l’engagement avait notamment été pris, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, de réduire l’utilisation des pesticides de moitié entre 2008 et 2018, et de retirer du marché les préparations contenant les substances les plus inquiétantes, à condition que des produits de substitution existent.

Le plan Écophyto 2018 suit toujours son cours et a déjà montré des résultats satisfaisants, bien qu’insuffisants puisque, a priori, l’objectif d’une réduction de moitié des pesticides agricoles ne sera pas tenu. Il est donc indispensable d’élaborer une nouvelle version ambitieuse et réaliste, et nous souhaiterions que le Gouvernement puisse nous en dire davantage sur ses intentions à l’occasion de cette discussion.

Ce plan, dans son volet relatif aux zones non agricoles, a tout de même permis d’obtenir des résultats très positifs puisqu’en quatre ans, le tonnage de substances actives employées dans les espaces verts a diminué d’un quart et, sur la même période, les quantités de substances actives achetées par les jardiniers amateurs ont baissé de 40 %.

L’essentiel de nos efforts est donc encore devant nous, et le groupe UDI considère que cette proposition de loi vient utilement compléter cette dynamique d’encadrement et de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national.

M. François-Michel Lambert. Merci.

M. Yannick Favennec. Il n’en demeure pas moins que votre initiative appelle plusieurs remarques de notre part. Nous considérons que l’enjeu principal du combat contre les produits nocifs pour la santé en matière agricole est de trouver le juste équilibre entre protection de la santé publique, obligation écologique et maintien d’un rendement agricole suffisant pour garantir à la France, et aux agricultures, une indépendance alimentaire pérenne ainsi qu’une économie agricole viable.

À ce titre, l’innovation et la recherche doivent être privilégiées pour trouver des solutions alternatives. Nous avons donc regretté que la loi d’avenir agricole adoptée la semaine dernière en première lecture n’ait pas mis pas suffisamment l’accent sur ces deux enjeux majeurs pour faire évoluer les pratiques dans l’agriculture.

Il est également regrettable qu’aucun élément ne permette d’appréhender l’impact économique de votre proposition de loi, notamment sur la recherche et développement des fabricants à qui l’on demande par ailleurs de trouver des solutions alternatives efficaces et compétitives.

Cette question n’est pas neutre car certains professionnels estiment à 12 000 le nombre d’emplois directs et indirects touchés par votre proposition. Nous tenons aussi à souligner que de nombreuses dispositions de ce texte relèvent de la réglementation européenne et du pouvoir réglementaire français, et non du Parlement français.

L’échelle européenne nous semblerait la plus adaptée pour édicter de nouvelles obligations, afin de ne pas creuser la différence normative entre la France et les autres États membres de l’Union, différence qui porte trop souvent atteinte à notre compétitivité : dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, la voie de l’harmonisation européenne doit donc être privilégiée.

C’est d’autant plus important que la jurisprudence communautaire est constante s’agissant des interdictions faisant exception au principe de libre circulation des marchandises : celles-ci doivent être nécessaires et proportionnées. En l’espèce, on peut s’interroger sur la proportionnalité des interdictions prévues dans ce texte, et nous souhaiterions savoir si le Gouvernement s’est assuré de sa compatibilité avec le droit européen.

Le texte initial, trop contraignant, a opportunément été modifié lors de son examen au Sénat, et nous ne pouvons que nous féliciter de l’adoption de plusieurs amendements prévoyant notamment une exception à l’interdiction pour les produits de bio-contrôle, ainsi qu’une possibilité de dérogation en cas de danger sanitaire lié à la propagation d’organismes nuisibles.

S’agissant des dates d’application des articles 1er et 2, le choix a également été fait de les repousser respectivement à 2020 et 2022, ce qui représente des reports de deux et quatre ans par rapport à la version initiale.

C’était un aménagement nécessaire, ne serait-ce que pour faire bénéficier les personnes publiques du temps nécessaire pour former le personnel et convaincre les usagers de la nouvelle façon de concevoir l’entretien des espaces publics. Ce délai est également nécessaire à l’adaptation de la population à la nouvelle gestion des espaces verts. Cela impliquera de la pédagogie notamment de la part des élus.

Il faudra également veiller, dans les prochaines années, à ce que ces nouvelles obligations soient effectivement applicables à l’approche des échéances prévues, et adapter la législation le cas échéant.

Enfin, le rapport prévu à l’article 3 sur les freins juridiques et économiques empêchant le développement des substances et préparations alternatives aux produits chimiques de synthèse permettra d’étudier les moyens les plus efficaces et les plus sûrs de faire pénétrer sur le marché des produits de bio-contrôle ; c’est une bonne chose car il faudra assurer le développement de produits de substitution. Là encore, il sera indispensable de mener un travail d’éducation pour permettre l’aboutissement de ce projet.

En conclusion, le groupe UDI considère que cette proposition de loi répond à des enjeux environnementaux qui avaient été identifiés par la précédente majorité, mais qui nécessitent aujourd’hui une nouvelle réponse, sans doute plus forte. Ce texte y contribue, même si nous appelons le Gouvernement à poursuivre le travail d’harmonisation des règles relatives à l’encadrement des produits phytosanitaires au niveau européen.

Nous aurions également préféré que ce texte s’appuie sur un travail d’évaluation plus approfondi des outils que nous avions mis en place, ainsi que sur une étude d’impact évaluant sa faisabilité, notamment en termes de respect des délais prévus à l’article 4.

À ce titre, il est dommage que la majorité fasse ainsi le choix d’adopter ce texte encore perfectible sans la moindre modification, même si nous comprenons l’intérêt qui pourrait en être tiré à l’approche des échéances électorales.

M. Gérard Bapt. Oh !

M. Yannick Favennec. Cela ne nous empêchera pas de voter cette proposition de loi consensuelle qui représente un premier pas vers le changement des pratiques actuelles en pratiques éco-responsables.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Le changement est déjà en route !

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus.

M. Ary Chalus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires. Je veux croire que cette quasi-unanimité démontre surtout un mûrissement des consciences sur ces questions. Pour ma part, j’accueille avec intérêt ce texte dont le principal objectif reste, il est vrai, politique : modifier les habitudes des collectivités et des établissements publics dans l’emploi des pesticides en zone non agricole.

La version du texte, qui nous arrive du Sénat, prévoit l’interdiction de l’utilisation, par toute entité publique, de produits phytopharmaceutiques pour l’entretien de certains espaces verts et la prohibition de ces produits pour tout usage non professionnel.

L’approche suivie se revendique consensuelle ; l’interdiction ne s’appliquera qu’à partir de 2020 et des dérogations ont été actées. L’interdiction ne s’appliquera pas pour l’entretien des cimetières ou des terrains de sport, des aéroports ou abords de chemin de fer. L’interdiction ne s’appliquera pas non plus dans le cas du traitement, curatif ou préventif, des organismes nuisibles.

Ce texte semble surtout vouloir encourager et renforcer une tendance dès maintenant perceptible ; de nombreuses collectivités se sont inscrites dans cette démarche. Certaines ont modifié leurs pratiques dans la gestion de leurs espaces verts à travers la démarche « zéro phyto » : 40 % des communes y seraient déjà !

Dès 2008, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement lançait le plan Écophyto 2018 visant, notamment pour les zones agricoles, à réduire, là encore progressivement, de 50 % en dix ans, l’utilisation des produits phytosanitaires en France, tout en maintenant une agriculture économiquement performante.

Malheureusement, nous savons que certains objectifs affichés dans le plan Écophyto 2018 ne pourront être atteints compte tenu de la situation cinq ans après son lancement. Souhaitons que les mesures votées récemment dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture permettront de rattraper ce retard.

En 2012, une mission sénatoriale commune d’information sur les pesticides, présidée par Mme Sophie Primas et dont le rapporteur fut Mme Nicole Bonnefoy a été lancée. Parmi les recommandations du rapport, on trouve l’idée d’un plan quinquennal d’incitation des collectivités à ne plus utiliser de pesticides et à promouvoir ce type de mesures, notamment dans les écoles, les terrains de sport et les jardins publics.

Cette proposition de loi s’inscrit également dans la continuité de la réglementation en zone non agricole et de l’arrêté du 27 juin 2011 interdisant l’utilisation de certains produits dans des lieux fréquentés par le grand public ou des groupes de personnes vulnérables.

Alors certes, la présente proposition de loi ne vise que 5 % à 10 % des usages des produits phytosanitaires car les utilisations en zones agricoles ne sont pas visées ici. Toutefois, l’intérêt que je porte à ce texte résonne avec la situation en Guadeloupe et en Martinique et avec ce qu’il convient d’appeler « le scandale d’État du chlordécone ». Interdit aux États-Unis depuis 1976 et en France métropolitaine seulement à partir de 1990, il a fallu attendre 1993 pour voir son interdiction effective dans les Antilles françaises !

Le chlordécone est un perturbateur endocrinien avéré et un neurotoxique classé cancérogène possible dès 1979. Ce pesticide, dont la molécule est très stable, reste dans le sol, continuant la contamination bien après l’arrêt de son usage. Elle contamine de nombreuses cultures développées sur ces terres – ignames, patates douces, manioc, melons, concombres, et autres. Mais les dégâts sont à mon sens plus sensibles encore dans le milieu aquatique. Elle contamine l’eau des rivières irriguant les terres et alimentant les réservoirs d’eau potable. Enfin, une portion notable de la zone littorale est aussi contaminée, à la Guadeloupe comme à la Martinique. Après avoir pollué les sols, ce pesticide poursuit ses dégâts en mer, entraînant un risque sanitaire pour la consommation de poissons ou de mollusques.

Cette catastrophe écologique est aussi un désastre économique aux Antilles françaises.

Outre le coup porté à l’économie agricole de proximité, ce sont les pêcheurs qui paient aujourd’hui l’addition. La liste des espèces interdites à la pêche en zone d’interdiction partielle a été étendue en juillet dernier afin de prendre en compte la contamination des espèces, d’embouchures principalement. Parmi les espèces interdites, on trouve notamment le mulet, le tarpon et autres poissons.

À l’automne dernier, une aide d’urgence dotée d’une enveloppe de 1,2 million d’euros a été décidée pour les pêcheurs guadeloupéens fragilisés par la pollution liée à ce pesticide chlordécone, vingt ans après son interdiction.

Au-delà, c’est aussi l’image de nos îles, terres d’accueil privilégiées des touristes avides de nature, qui est écornée. L’année dernière, un article du quotidien Le Monde titrait : « Guadeloupe : monstre chimique ! » Cela est excessif, bien sûr, mais cela illustre aussi une perception, aujourd’hui assez répandue, que nous devons combattre, notamment en affichant notre ferme volonté à adopter des comportements vertueux.

Ce que met en lumière le scandale du chlordécone, c’est une certaine incapacité des dispositifs législatifs successifs, riches en dérogations et autres délais d’application consensuels, à verrouiller une approche préservant la santé de nos concitoyens. Cela devrait continuer de nous préoccuper.

Cette proposition de loi, visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national, identifie clairement un danger pour les populations. Nous n’avons pas affaire ici à l’application d’un quelconque principe de précaution, tant les études ont démontré le lien entre les pesticides et la prévalence de risques de cancers, de maladie d’Alzheimer ou de Parkinson – et quelques personnes se posent la question sur le nombre énorme d’AVC en Guadeloupe – et d’augmentation du risque de naissance prématurée.

Je regrette donc la prudence de ce texte qui fixe respectivement à 2020 et 2022 l’interdiction effective de l’utilisation et la prohibition des pesticides pour des usages non agricoles ! Le grand nombre d’expérimentations réussies de l’approche « zéro phyto » aurait dû nous pousser à l’optimisme et à raccourcir les délais de l’entrée en vigueur de l’interdiction.

Pourquoi aussi exclure les terrains de sport et les cimetières ? Aux Antilles par exemple, les cimetières sont souvent situés sur le littoral. Compte tenu de la topologie de nos îles et de la pluviométrie sous nos latitudes, l’emploi de pesticides à proximité des rivages est néfaste pour les milieux marins. Il faudrait donc, dans cette proposition de loi, une nouvelle étape vers une généralisation réglementaire du « zéro phyto ». À ce titre, je serai attentif à l’affichage que la représentation nationale lui donnera tout en apportant, avec le groupe RRDP, mon soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Florence Delaunay.

Mme Florence Delaunay. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, l’Assemblée nationale examine ce matin la proposition de loi adoptée par le Sénat visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national en interdisant aux personnes publiques l’utilisation de ces produits à compter du 1er janvier 2020.

Les produits phytosanitaires, qui sont aussi appelés « produits phytopharmaceutiques », « produits de protection des plantes » ou encore « pesticides », sont destinés à protéger les plantes, le plus souvent les cultures, contre les insectes, les maladies et les mauvaises herbes. Insecticides, herbicides ou désherbants, fongicides et régulateurs de croissance sont ainsi utilisés régulièrement.

Comme pour les médicaments, avant d’être mis sur le marché, les produits phytosanitaires font l’objet d’études encadrées réglementairement, et ne peuvent être commercialisés que s’ils sont homologués. En commission, Mme la rapporteure a usé d’une comparaison qui m’a paru très juste : commercialiser les produits phytosanitaires, c’est comme si l’on avait libéralisé la vente des antibiotiques.

La toxicité des produits phytosanitaires mal utilisés ou consommés à forte dose est connue depuis très longtemps.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Comme pour les médicaments !

Mme Florence Delaunay. Elle est d’autant plus importante que certaines substances actives ont tendance à se concentrer dans la chaîne alimentaire. Les produits phytosanitaires peuvent contaminer le milieu par des pollutions ponctuelles – accidents de stockage, débordement de cuve – ou diffuses, par ruissellement et infiltration. L’exposition des eaux de surface à ces différents produits est directe.

L’utilisation des produits phytosanitaires est aussi suspectée d’être la cause de la réduction de la biodiversité. On leur reproche d’avoir provoqué une diminution du nombre de papillons ou de hannetons, par exemple, ou de certaines espèces végétales comme les bleuets ou les orchidées. Plus récemment, on leur a attribué une part importante de responsabilité dans la chute des populations d’abeilles ou dans la réduction du nombre de petits gibiers comme les perdrix.

Voilà pourquoi il convient de mieux encadrer l’utilisation de ces produits.

De nombreuses collectivités territoriales se sont déjà engagées dans cette politique de limitation du recours aux produits phytosanitaires, et je souhaite, avec l’exemple de la commune de Léon, dans les Landes, dont je suis conseillère municipale, compléter la liste de M. le ministre et illustrer la volonté et les motivations qui animent une telle démarche.

Le village de Léon est passé à « zéro phyto » depuis deux ans, preuve que cette résolution est à la portée des communes rurales. Il compte1 900 habitants l’hiver, 10 000 l’été : ce qui fait son attractivité, ce sont le lac, le courant d’Huchet, ses bateliers et sa réserve naturelle nationale, ses grands espaces ouverts au public, sa biodiversité protégée par le zonage national et communautaire, un circuit hydraulique important et, bien sûr, l’océan. Au-delà des répercussions sur la santé des agents et des habitants permanents ou occasionnels, la réduction des produits phytosanitaires revêt un enjeu économique important par l’impact qu’elle a sur l’image touristique que nous mettons en avant.

Le rôle des collectivités territoriales est moteur dans l’embellissement des villages. Le succès du concours des villes et villages fleuris en témoigne. À cette occasion, les collectivités sollicitent les particuliers pour le fleurissement des balcons, des jardins et des maisons. Cette réglementation doit être l’occasion pour les élus de faire connaître aux jardiniers amateurs les nouvelles techniques alternatives aux produits phytosanitaires.

Avant de développer mon argumentation autour de l’entretien de la forêt cultivée lors de la discussion des amendements, je veux me féliciter du dépôt de cette proposition de loi, pas seulement parce qu’elle m’a donné l’occasion d’inviter Léon à la tribune de l’Assemblée nationale mais surtout parce qu’elle nous permet d’avancer vers un avenir plus sûr, une terre plus naturelle que nous serons fiers de léguer à nos petits-enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, la proposition de loi élaborée par Joël Labbé sur la base des conclusions de la mission du Sénat sur les pesticides se propose d’interdire les produits chimiques de synthèse dans les zones non agricoles pour des usages non agricoles. À quand l’instauration d’un périmètre de sécurité autour des villages et en bordure des champs ?

Je veux tout d’abord rappeler que le plan Écophyto 2018 est efficace en zone non agricole. Plusieurs actions en témoignent : deux accords-cadres volontaires signés par l’ensemble des parties prenantes du secteur non agricole et les ministères de l’agriculture et de l’écologie, l’un concernant les jardiniers amateurs, l’autre les professionnels ; la brochure Jardine au fil des saisons à destination des enfants ; le site internet cliniquedesplantes.fr avec pour slogan "Traiter, ce n’est pas automatique". L’Union des entreprises pour la protection des jardins et des espaces publics, en relation avec les instances d’évaluation, a réalisé des études d’exposition aux produits aboutissant à deux modèles d’évaluation spécifiques pour amateurs et professionnels. L’ensemble des produits mis sur le marché amateurs est désormais sécurisé grâce à la mention « emploi autorisé dans les jardins ». Bref, des résultats concrets ont été obtenus.

Nous considérons qu’il aurait plutôt fallu soutenir des innovations dans le conditionnement des produits phytosanitaires, et je parle bien des produits phytosanitaires car on ne peut qu’être opposé à l’usage des produits pesticides. Les produits phytosanitaires sont destinés à soigner les plantes. Les herbicides, madame la rapporteure, ne font pas partie de la catégorie des produits phytosanitaires : ils sont destinés à détruire les plantes et non à les protéger.

M. Gérard Bapt. C’est une distinction sémantique contestable !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Non, elle a son importance. Il aurait été plus intelligent de proposer de nouveaux dosages. Pour traiter dix rosiers dans un jardin, par exemple, mieux vaut ajouter au volume d’eau nécessaire des comprimés, des gélules, des produits hydrosolubles plutôt que d’avoir à calculer quelle quantité prélever dans un kilo de fongicide où le dosage est indiqué à l’hectare.

Entre 2008 et 2012, les tonnages ont baissé de 26 % dans les espaces publics et de 40 % pour les amateurs. Près de la moitié des unités commerciales vendues aux amateurs en 2012 sont exemptées de classement. En termes de tonnage, les utilisations non professionnelles en zones non agricoles représentent 1 % des substances actives vendues en France. Pour les amateurs, ce taux est de 6 %.

Avec cette proposition de loi, vous risquez de détruire la filière horticole et la filière de production des plants potagers – dont les acquéreurs ont envie qu’ils durent car ils sont chers. Cultiver bio, ce n’est pas donné à tout le monde. (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.) Il faut du temps pour s’y mettre, il faut apprendre. De plus, si vous utilisez le bio pour votre jardin et que dix jardins autour de vous ne le font pas, vous vous exposez à des infections.

Mme Isabelle Attard. Mais non !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Mais si, c’est très simple quand on est technicien et qu’on connaît le métier.

Pourquoi ne pas attendre les résultats pour légiférer ?

M. Gérard Bapt. Parce qu’il faut prendre en compte les risques sanitaires !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je demande à mes collègues du parti socialiste de lire la réponse que le ministre de l’agriculture m’a adressée à la suite de ma question écrite : elle figure dans le Journal officiel du 29 octobre 2013, à la page 11278. Elle montre bien que point n’est besoin d’une telle proposition de loi : le plan Écophyto 2018 est en marche pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. Dans ma commune, nous avons déjà atteint le « zéro phyto ». Mais il ne faut pas bousculer les choses car il existe des risques. Il y a des risques pour l’emploi, tout d’abord : 1 600 emplois directs sont concernés. Il y a des risques pour le budget des ménages, que ce texte va alourdir : rappelons que 10 % des pommes de terre consommées en France proviennent de jardins d’amateurs.

Et il y a des risques juridiques, chers amis socialistes. Le principe de libre circulation des marchandises est l’un des grands principes du marché intérieur : les marchandises légalement produites et commercialisées dans un État membre doivent pouvoir être introduites dans un autre État membre, aux termes de l’article 34 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. L’article 36 fixe les motifs pour lesquels un État membre peut décider d’une mesure nationale entravant les échanges transfrontaliers, dont la protection de la santé des personnes. La jurisprudence admet également la protection de l’environnement. L’État membre doit démontrer que l’interdiction est nécessaire et proportionnée, ce qui implique de démontrer que la circulation des produits présente un risque sérieux pour l’environnement ou la santé publique et que les mesures envisagées sont proportionnées à la protection recherchée. Selon la jurisprudence, monsieur le président de la commission, une interdiction totale n’est pas toujours appropriée pour faire face à un risque. Il incombe à l’État d’apporter la preuve que l’objectif poursuivi ne peut être atteint par d’autres moyens ayant un effet moins restrictif sur le commerce entre États membres. En l’espèce, il existe un risque de recours en manquement : la France contreviendrait à l’article 34 sans pouvoir justifier sa mesure par l’article 36.

Ne parlons pas des conséquences économiques de la sanction européenne. La France serait obligée d’admettre à nouveau des produits phytosanitaires émanant d’autres pays européens sur son territoire national alors que les entreprises françaises auraient stoppé leur production et leur recherche et développement. Cela n’irait pas tout à fait dans le sens des vœux exprimés par le Président de la République mardi dernier.

En conclusion, je dirai que ce n’est pas de l’écologie que vous faites mais de l’éco-lobotomie. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste. Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Noël Mamère. Vous n’êtes pas dans un comice agricole mais à l’Assemblée !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Votre statut de législateur ne vous autorise pas à légaliser l’anarchie par votre acharnement anti-économique. Votre devise, c’est la décroissance pour un monde meilleur,…

M. Noël Mamère. Et quelle est la devise des lobbies ?

M. le président. Veuillez écouter l’orateur, chers collègues !

M. Noël Mamère. En l’occurrence, nous écoutons surtout la voix des lobbies !

M. Jean-Charles Taugourdeau. …mais dans un environnement de crise économique, sans travail, on perdra tous notre santé.

Voter contre cette loi, ce n’est pas demander de recourir davantage aux produits phytosanitaires, c’est demander de recourir davantage aux méthodes incitatives, c’est demander du temps pour apprendre aux 17 millions de jardiniers amateurs de cultiver sans produits phytosanitaires. S’ils n’apprennent pas à le faire, pensez-vous qu’ils continueront à dépenser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Lesage.

M. Michel Lesage. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je me sens doublement concerné par ce texte : tout d’abord, parce qu’en tant qu’élu local de terrain, je n’ai eu de cesse de travailler à l’amélioration de la qualité des cours d’eau dans ma région, la Bretagne ; ensuite, en tant que député, car j’ai travaillé ces derniers mois sur la problématique spécifique de l’évaluation de la politique de l’eau en France dans le cadre de la mission qui m’a été confiée par M. le Premier ministre.

Cette complémentarité entre vision locale et réflexion nationale, riche de rencontres, d’idées et de propositions concrètes, me permet de saluer les objectifs de cette proposition de loi que nous examinons aujourd’hui : interdire aux collectivités l’usage des pesticides dans les espaces verts d’ici à 2020 et aux particuliers, l’achat de produits phytosanitaires pour un usage dans leur jardin d’ici à 2022.

Pour agir, nous avons besoin de leviers comme cette proposition de loi pragmatique et progressive. Celle-ci couvre plusieurs aspects essentiels comme les enjeux de santé humaine et les enjeux environnementaux. Mais vous l’avez compris, je m’exprimerai maintenant sur le lien étroit entre utilisation de produits phytosanitaires et qualité de l’eau.

Aujourd’hui, les constats sont là : je pense aux dernières données issues du réseau de suivi CORPEP sur la contamination des eaux superficielles bretonnes par les pesticides. Elles révèlent, entre autres, une forte proportion de molécules retrouvées issues des désherbants. Oui, les produits chimiques ont un impact sur notre environnement, même lorsqu’ils sont utilisés de manière raisonnée. Et on les retrouve dans les cours d’eau et les nappes phréatiques. C’est la raison pour laquelle les communes, les acteurs du territoire et les citoyens doivent agir au quotidien en limitant l’utilisation des produits phytosanitaires et en recourant à des pratiques alternatives.

C’est un travail de longue haleine auquel nous nous sommes attelés. C’est également un travail de sensibilisation, pour faire évoluer les pratiques des collectivités mais aussi des citoyens.

L’utilisation des produits phytosanitaires est liée à plusieurs usages : les activités agricoles constituent le principal facteur impactant la qualité de l’eau. Cet aspect est traité dans le projet de loi d’avenir sur l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt que nous avons examiné ici même il y a quelques jours. Cette utilisation est aussi liée aussi aux usages domestiques, à hauteur de 7 %.

Dans un processus de limitation du recours aux pesticides, nous nous devons d’avoir une vision globale et de traiter tous les aspects.

J’ai bien compris, monsieur le ministre, que la pause fiscale annoncée par le Gouvernement concernera aussi le plan Écophyto 2018 et les taxes sur ces produits. Il faudra donc sans doute attendre. Mais je pense que la fiscalité est aussi un levier pour agir dans le sens de la limitation des produits dangereux.

Formation, accompagnement, ingénierie publique sont aussi à développer.

En fait, nous nous apprêtons à légiférer sur ce qui devrait être une évidence : plutôt prévenir que guérir ! L’anticipation est la véritable avancée de ce texte car, concernant la pollution de l’eau, nous aurions peut-être pu éviter une telle dégradation. Aujourd’hui, nous sommes à mi-chemin de la reconquête de la qualité de l’eau et beaucoup reste à faire.

D’une part, le constat est unanime concernant cette qualité de l’eau : les objectifs fixés à 2018 par le plan Écophyto, comme ceux fixés au niveau européen du reste, ne seront pas atteints. Ces retards ont d’ailleurs un coût très élevé : le traitement curatif coûte deux fois et demi plus cher au mètre cube que la prévention ! Au total, ce sont des milliards qu’il nous faut affecter à ce traitement curatif.

D’autre part, avec cette loi et toutes les initiatives locales que je vois se développer depuis quelques années sur le terrain, je me dis que nous pouvons parier sur la prévention pour espérer reconquérir la qualité de l’eau. Certes, les délais sont courts mais, en tant que législateurs, nous devons faire notre possible pour aider la nature, qui a besoin de temps pour pallier les difficultés qu’elle rencontre.

Fort heureusement, quelques indicateurs, dans tout le pays et en particulier en Bretagne, montrent que les choses évoluent positivement. C’est en fédérant les actions de chacun dans une véritable stratégie de territoire, formalisée et partagée par tous les acteurs, que nous réussirons.

En complément de l’objectif fixé de réduction des produits phytosanitaires, je suis convaincu que nous devons également miser sur des préparations naturelles peu préoccupantes, dites PNPP. Nous attendons d’ailleurs avec impatience la remise du rapport prévu à l’article 3 de cette proposition de loi : je souhaite qu’il nous permette d’agir davantage car le cadre juridique actuel n’est pas entièrement satisfaisant dans ce domaine. En effet, la mise sur le marché de ces produits est une procédure très lourde et coûteuse alors que ces produits sont considérés comme ayant un impact positif sur l’environnement, ou du moins peu dommageable. La France est en retard puisqu’elle n’en autorise qu’une seule ; à titre de comparaison, en Allemagne, plus de quatre cents substances de ce type sont enregistrées.

Mes chers collègues, le 19 novembre 2013, cette proposition de loi a été adoptée au Sénat à une très large majorité, par 192 voix pour et 4 contre. J’espère qu’il en sera de même aujourd’hui à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Fabre.

Mme Marie-Hélène Fabre. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, depuis quelques années, nous sommes régulièrement alertés sur le danger représenté par l’utilisation non raisonnée des pesticides. La loi d’avenir agricole met en place des dispositifs intéressants pour réguler leur usage professionnel.

La proposition de loi qui nous intéresse aujourd’hui vise pour sa part l’usage des pesticides en milieu non agricole. Sont particulièrement visés la consommation des particuliers dans leurs jardins ou sur leurs balcons ainsi que l’usage qu’en font les collectivités territoriales pour leurs espaces verts.

Certes, la consommation non professionnelle ne représente que 5 % à 10 % de la consommation totale ; mais ne nous laissons pas leurrer par ce mirage statistique. Si, en termes de quantités épandues, cela ne concerne qu’environ cinq mille tonnes par an, ces pesticides sont diffusés au plus près des habitations : ils en sont d’autant plus nocifs.

Cet usage non agricole des produits pesticides est donc tout sauf négligeable et a un véritable impact sanitaire. Conscientes de l’enjeu, certaines collectivités se sont engagées sur la voie du « zéro phyto », ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Vous me permettrez de citer la ville de Narbonne, dans ma circonscription, qui travaille depuis quelques années à limiter la part des pesticides pour le désherbage.

Je tiens à saluer la qualité des travaux sur le sujet qui émane de la Haute assemblée. Le rapport d’information du Sénat de Mme Nicole Bonnefoy sur les pesticides, présenté en janvier 2012, a rendu des conclusions sans appel : recommandant l’interdiction de la vente de produits phytosanitaires en grande surface alimentaire, il a également préconisé de proscrire à terme la vente de pesticides aux particuliers, à quelques exceptions près. Ce texte de loi a largement puisé à cette source – moins polluée, si je puis dire…

Ces interdictions s’inscrivent dans un mouvement engagé de longue date pour limiter l’usage non agricole des pesticides, mouvement rendu possible par le développement des techniques de bio-contrôle, qui ont recours à des mécanismes naturels.

Je ne m’étendrai pas plus que nécessaire sur ces méthodes, mais il existe à l’heure actuelle un vaste spectre de techniques qui ont largement fait leurs preuves. Elles sont d’ailleurs souvent mises en œuvre par les professionnels engagés dans le « zéro phyto ».

Ces interdictions paraissent proportionnées aux enjeux ; comme dans d’autres domaines, il suffit de s’en donner les moyens. Je rappelle d’ailleurs que de nombreux usages sont en réalité déjà prohibés par la réglementation : plusieurs arrêtés encadrent ainsi l’application de pesticides sur les trottoirs et les zones à respecter à proximité des points d’eau. Malheureusement, cette réglementation n’est pas toujours bien connue ni appliquée.

Le texte est assez clair sur les lieux visés, même s’il pourra encore être précisé par voie réglementaire, notamment concernant les cimetières, les voiries et les stades.

Concernant les délais de mise en œuvre, l’objectif visé est une interdiction, à l’horizon 2020, pour les personnes publiques. Concernant les particuliers, le texte entraînera une interdiction à l’horizon 2022 de la commercialisation pour un usage non professionnel. Ces délais me semblent tout à fait raisonnables : ils laisseront à la distribution et aux industriels le temps de rentabiliser les investissements réalisés pour mettre en place des alternatives aux produits phytosanitaires qui seront, il faut l’espérer, suffisamment efficaces pour être acceptés dans la durée par les jardiniers amateurs.

Ce texte me semble équilibré et surtout applicable par les principaux intéressés. Il n’exige que de la bonne volonté de la part de l’ensemble de nos concitoyens. Je suis donc favorable à ce que l’on vote cette proposition de loi sans la modifier, afin que l’encadrement des pesticides en zone non agricole puisse s’instaurer plus rapidement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bies.

M. Philippe Bies. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, la loi a souvent vocation à soutenir les professionnels, les territoires vertueux, dans leurs démarches innovantes, ou encore les citoyens sensibles à l’impact de leurs comportements individuels sur les autres et sur la planète et à inciter, voire obliger les plus récalcitrants à améliorer leurs pratiques, notamment dans le domaine environnemental.

Ainsi que vous l’avez souligné à maintes reprises ce matin, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui va dans le sens de l’action menée par un grand nombre de collectivités en pointe dans ce domaine, que ce soit pour des raisons environnementales, sanitaires ou même, et cela pourra étonner certains de nos collègues, pour des raisons économiques.

Ainsi, selon une enquête menée par l’INRA et par Plante et Cité en 2009, les villes de plus de 50 000 habitants étaient à 60 % entrées dans une démarche « zéro phyto ». C’est notamment le cas de grandes villes comme Nantes ou Strasbourg qui furent pionnières en la matière – je me permets de les citer puisque des communes plus petites et même des départements l’ont déjà été.

L’article 1er de la proposition de loi vise à reconnaître par la loi ces pratiques déjà courantes et d’encourager d’autres à les appliquer avant cette date butoir, assez éloignée, et qui exige donc que les territoires s’engagent dès à présent.

Comme d’autres, je tiens d’ailleurs à saluer le caractère pragmatique de cette proposition de loi, notamment pour ce qui concerne ces délais d’application. Notre collègue Brigitte Allain indique dans son rapport que la loi laisse ainsi aux professionnels et aux particuliers le temps de s’adapter à la nouvelle interdiction, aux industriels de proposer des alternatives et aux collectivités de mettre en place des plans de formation et de gestion différenciée des espaces.

C’est un point important, car cette proposition de loi nécessitera de mobiliser des moyens considérables. Ainsi, pour la ville et la communauté urbaine de Strasbourg, que je connais bien, près de neuf cents agents, soit plus de 10 % de l’effectif total de la collectivité, ont été formés.

Autre élément démontrant que cette proposition de loi tient bien compte des réalités de gestion : le périmètre des espaces publics et de nature concernés. Le texte ne comprend ainsi ni les cimetières, ni les terrains de sport ni, de manière générale, les espaces pour lesquels les solutions alternatives ou l’acceptation des citoyens ne sont pas acquises.

Mais cela ne doit pas empêcher, dans ces territoires, d’intégrer ces espaces dans une démarche de réduction de l’usage des produits phytosanitaires. À Strasbourg, que je cite une dernière fois, l’application du « zéro phyto » a permis de créer 6,5 hectares d’allées enherbées, soit l’équivalent en surface d’un parc urbain.

Mais je suis conscient que, sur ce point, nous avons encore une bataille culturelle à gagner. C’est ce que nous avons réussi à faire, je crois, dans les territoires qui ont choisi depuis longtemps de sortir du « tout phyto » : appliquant aujourd’hui le « moins de phyto possible », ils passeront demain, nous l’espérons tous, au « zéro phyto ».

Il s’agit au bout du compte de passer du concept de « nature en ville » à celui de « ville en nature ». Dans le premier cas, on utilise les espaces libres qui restent entre les bâtiments, plus communément appelés « espaces verts », pour introduire ou réintroduire de la nature ; dans le second cas, on considère que la ville doit s’insérer et s’intégrer dans la nature, dont elle préserve et renforce les richesses naturelles.

L’idée est d’agir pour la biodiversité ordinaire ou la nature spontanée en tout lieu. De ce principe découle la nécessité de ne plus penser la nature en zonage, de ne plus uniquement la raisonner en réserves ou en trames. Il ne doit plus y avoir la nature d’un côté et la ville de l’autre.

Oui, il s’agit de ce point de vue d’opérer un véritable changement culturel du rapport avec la nature, un des moyens de réaliser la transition écologique dans nos villes.

L’examen du projet de loi ALUR a été une première occasion d’introduire des amendements permettant la prise en compte de cette biodiversité ordinaire en milieu urbain. La loi sur la biodiversité que nous devrions examiner dans les prochains mois, monsieur le ministre, doit nous permettre d’aller plus loin encore sur les espaces de continuité écologique ou, mieux encore, sur le coefficient de biotope par surface.

La proposition de loi de nos collègues écologistes est donc une charnière entre ces deux moments législatifs importants. La transition écologique doit se construire aussi au travers des différentes occasions et initiatives législatives qui nous sont données, car elle n’est pas un domaine à part : c’est un enjeu transversal qui traverse toutes les politiques publiques.

Chers collègues, contrairement à ce que certains collègues de l’opposition ont pu insinuer ce matin, cette proposition de loi n’a aucune vocation électoraliste : elle constitue simplement un pas de plus vers la transition écologique de nos territoires et du pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Antoine Herth. Seuls les naïfs peuvent croire cela : apparemment ils sont nombreux !

M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Sur un sujet de cette nature, la liberté de penser est importante : c’est pourquoi, dans notre groupe, nous la respectons.

J’ai, il est vrai, la chance d’être le maire d’une ville emblématique dans ce domaine : Versailles. Nous avons poussé la démarche jusqu’au bout puisque le « zéro phyto » s’y applique également dans les cimetières et les stades.

M. Gérard Bapt. Dommage que M. Taugourdeau soit parti !

M. François de Mazières. Pour ma part, et afin de montrer l’intérêt que nous portons à ce sujet, je suis favorable à cet article 1er. En effet, même si les sanctions inscrites à l’article 2 sont démesurées, les exceptions prévues par l’article premier sont bien pensées, car la difficulté est grande pour les cimetières et pour les stades : il est ainsi prévu, en cas d’attaques de parasites, la possibilité d’utiliser des produits phytosanitaires. Je suis donc favorable à cet article 1er : vous pouvez ainsi constater que nous avons la possibilité de penser librement !

M. Philippe Bies. En effet !

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Sophie Errante.

Mme Sophie Errante. Cet article interdit l’utilisation par les personnes publiques de produits phytopharmaceutiques pour l’entretien des espaces verts, forêts, promenades accessibles ou ouvertes au public. Il comporte deux volets importants pour parvenir à l’objectif « zéro phyto » : la formation des agents et la pédagogie envers les citoyens. Le groupe SRC y est favorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je partage les propos que vient de tenir M. le maire de Versailles. Certains élus locaux se sont engagés, en effet, à ne plus utiliser de produits phytosanitaires dans les espaces publics. C’est ce qu’a fait ma commune de Saint-Jean, dont je suis maire, en passant à la méthode de désherbage thermique pour détruire les herbes nuisibles.

Bien que ma commune ne soit pas située dans le Gers, ce dont je vous prie de bien vouloir m’excuser monsieur le ministre (Sourires), je veux insister sur l’aspect sanitaire du problème dont nous débattons pour partie aujourd’hui, en me tournant notamment vers notre collègue de la Guadeloupe. L’on constate en effet que l’utilisation de ces produits engage non seulement l’avenir proche mais aussi les générations futures. Je pense notamment aux conséquences de l’imprégnation du chlordécone qui fut commercialisé à l’origine sous le nom de Képone avant d’être interdit et de ressusciter sous le nom de Curlone. Un rapport d’étape de l’étude Timoun – « enfant » en créole –, qui a suivi 1 000 femmes pendant leur grossesse entre 2005 et 2007, montre qu’en plus d’entraîner des troubles cognitifs sur les très jeunes enfants, ce que l’on savait déjà, l’imprégnation du chlordécone influe aussi directement sur le taux de prématurité.

Aujourd’hui, si nous franchissons une étape supplémentaire en accompagnant les collectivités locales, comme on l’a fait avec le projet de loi sur l’avenir de l’agriculture, c’est pour répondre à l’immense enjeu de santé publique que représente la non-utilisation de pesticides, mais aussi, d’une manière plus générale, de nombre d’autres substances chimiques qui sont elle aussi des perturbateurs endocriniens.

M. Paul Molac et M. Ary Chalus. Très bien !

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 1er.

La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n6.

M. Antoine Herth. Monsieur le ministre, il s’agit en quelque sorte d’un amendement de repli par rapport à ce que j’ai affirmé dans la discussion générale. Je le répète, la vraie bonne idée que vous n’avez pas eue consiste à généraliser les plans de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires dans les communes. La mise en place d’une interdiction pure et simple équivaut, en quelque sorte, à un vote de défiance envers les futurs élus du mois de mars. Or, les faits le prouvent et vos propos me confortent dans cette opinion, les maires sensibilisés sur la question sont parfaitement capables de prendre les choses en main et d’aboutir à des résultats vraiment exceptionnels.

L’interdiction de l’utilisation des produits phytosanitaires par les personnes publiques va amener les maires à devoir gérer des demandes d’exception. Ils devront s’adresser à l’administration pour lui demander de bien vouloir, par arrêté préfectoral, autoriser le traitement contre tel ou tel nuisible dûment identifié.

Mon amendement se borne à rappeler que les maires ont bien la possibilité de présenter de telles demandes ; ce n’est qu’une position de repli, je le répète, par rapport à celle que j’ai défendu tout à l’heure ; au moins a-t-il le mérite de redire que les maires sont les premiers responsables, les premiers acteurs de la réduction dans l’utilisation des pesticides.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Brigitte Allain, rapporteure. La liste des organismes nuisibles aux produits végétaux et autres soumis à des mesures de lutte obligatoire est aujourd’hui fixée par un arrêté ministériel. L’établissement de cette liste nécessite des analyses préalables et détaillées.

M. Antoine Herth. C’est bien ce que je dis !

Mme Brigitte Allain, rapporteure. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il convient de respecter cette procédure à laquelle ne peut se substituer la simple demande déposée par un maire auprès d’une administration compétente.

M. Antoine Herth. La procédure est trop longue et trop rigide !

Mme Brigitte Allain, rapporteure. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Monsieur Herth, la référence au classement en organisme nuisible permet une application uniforme de la loi. Vous savez, comme moi, que toutes les demandes de classement n’aboutissent pas. En pratique, les délais de classement en organisme nuisible, au sens du code rural, ne justifient pas, selon le Gouvernement, le besoin d’étendre le champ de la dérogation. Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Monsieur le ministre, vous êtes resté au milieu du gué… Pour la bonne information de l’Assemblée, il serait bon que vous précisiez quels sont en moyenne les délais entre la demande de classement, l’expertise et l’arrêté ministériel, et quelles sont les procédures. Les maires peuvent-ils éventuellement influer, accélérer le processus ?

(L’amendement n6 n’est pas adopté.)

M. Antoine Herth. Le mutisme du Gouvernement en dit long !

M. le président. La parole est à Mme Florence Delaunay, pour soutenir l’amendement n1.

Mme Florence Delaunay. Comme je l’ai dit tout à l’heure, je ne m’oppose pas à cette proposition de loi qui représente une avancée environnementale importante. Toutefois, je souhaite appeler votre attention sur l’application de cette interdiction à la forêt.

La forêt est multifonctionnelle : c’est une zone de promenade, de tranquillité, elle stocke le carbone sur pied ou coupée, elle régule les nappes de surface, elle est une image forte des départements forestiers, mais c’est aussi une industrie cultivée pour ses bois d’œuvre dont l’économie nationale a besoin.

Si l’utilisation de produits phytosanitaires est limitée, elle demeure nécessaire dans certains cas. Les techniques alternatives mécanisées ne sont pas encore généralisables et restent très chères.

La volonté des communes forestières et de l’ONF est de limiter le recours à l’utilisation des produits chimiques en forêt publique aux seules situations dans lesquelles aucune autre technique ne peut être mise en œuvre dans des conditions économiques satisfaisantes et dès lors qu’aucun dommage pour l’environnement n’est à craindre. Par ailleurs, la forêt landaise est morcelée, partagée entre propriétaires privés et publics. Il convient de ne pas créer une distorsion dans les conditions d’entretien de la forêt, selon qu’elle est publique ou privée, ce qui aurait pour conséquence d’en annuler les effets.

L’amendement n1 vise donc à ne pas appliquer ces dispositions aux traitements en forêt dans les parcelles en régénération ou dans les parcelles faisant l’objet de mesures de protection d’urgence fixées par arrêté préfectoral, notamment en cas de tempête dévastatrice, comme ce fut le cas avec les tempêtes Lothar, Martin ou Klaus, sous réserve que les produits employés soient homologués pour un usage en forêt.

M. le président. Sur l’amendement n1, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Mme Sophie Errante. Quel esprit !

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Brigitte Allain, rapporteure. Comme vous l’avez dit, madame Delaunay, la sylviculture utilise parfois des produits phytosanitaires dans deux circonstances : lors de la régénération des peuplements, on utilise quelquefois un herbicide contre les fougères, les ronces ou pour permettre l’épanouissement des jeunes arbres. On en utilise aussi après des tempêtes. Je sais que dans les Landes, la période récente de tempêtes a marqué fortement les esprits et je m’associe à votre inquiétude : la quantité de bois abattu favorise souvent une prolifération de certains insectes ravageurs. Mais il est clair que dans ces deux cas de figure le public n’est pas invité à fréquenter les parcelles concernées, soit pour des problèmes de sécurité, soit parce que les parcelles ne sont pas accessibles.

Je pense que M. le ministre confirmera cette interprétation et qu’il viendra éventuellement, s’il l’estime nécessaire, la sécuriser par la publication de mesures réglementaires appropriées.

Je vous demande donc de retirer votre amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Madame Delaunay, vous avez raison de souligner l’importance de la sylviculture pour les communes, et je connais votre attachement à ce sujet. Mais je n’oublie pas que dans une vie antérieure – et intérieure (Sourires) –, j’ai été préfet des Landes : je connais donc bien l’importance de la forêt landaise, et les dégâts que des catastrophes climatiques peuvent y causer puisque nos deux départements, les Landes et le Gers, ont été ravagés par la tempête Klaus.

Cela dit, l’interdiction d’utiliser les produits phytosanitaires, comme le prévoit la proposition de loi, ne s’applique que dans les forêts ouvertes au public. Or les forêts qui appartiennent à des personnes publiques relèvent du régime forestier et ne sont soumises, conformément à l’article L. 380-1 du code forestier, qu’à une obligation d’ouvrir le plus possible au public. En effet, elles appartiennent au domaine privé des personnes publiques – État, collectivités – et l’ouverture au public ne découlant pas de l’affectation directe au public, les gestionnaires de ces forêts conservent le droit de les fermer et de les gérer comme bon leur semble.

En l’état actuel des textes du droit forestier, les forêts relevant de ce régime peuvent donc tout à fait être fermées pour la pratique que vous évoquez de régénération, pour des motifs de protection, d’urgence ou encore de sécurité, soit par l’Office national des forêts, soit par le préfet, soit par la collectivité propriétaire.

Le texte de la proposition de loi se combine avec ces dispositions et les droits des forestiers publics demeurent inchangés. C’est la raison pour laquelle il me semble que l’objet de votre amendement est d’ordre réglementaire. Au vu des explications et des précisions que je viens de vous fournir, je vous demande, madame la députée, comme l’a fait Mme la rapporteure, de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Je constate un progrès à la suite du dépôt de cet excellent amendement : M. Caullet avait déjà abordé cette question lors de l’examen de la proposition de loi en commission, mais les réponses qui lui avaient été apportées étaient plus qu’évasives. Je prends donc acte de l’évolution positive obtenue.

Cela montre toutefois que le fait d’inclure indifféremment l’ensemble des établissements publics dans le champ de la loi pose problème aux gestionnaires publics tels que l’Office national des forêts, Réseau ferré de France ou Voies navigables de France. La sagesse aurait voulu que l’on sorte du champ de la loi les organismes qui ont précisément pour vocation à gérer des espaces publics et qui sont des professionnels de la gestion de ces espaces publics. À ce titre, on peut considérer qu’ils ne seraient pas concernés par ce texte de loi. Vous vous obstinez à les maintenir dans ce dispositif, ce qui posera nécessairement des problèmes d’application sur le terrain.

Mme Sophie Errante. Mais non !

M. Antoine Herth. Le public ne comprendra pas pourquoi le gestionnaire d’une forêt pourra utiliser des produits phytopharmaceutiques, quand bien même il sera parfaitement en règle, avec tous ses certificats et les dérogations.

Nous avons beaucoup légiféré sur la forêt dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture et la forêt. Chaque fois, il a été rappelé que la forêt a de multiples vocations, parmi lesquelles la production bien sûr, mais également l’accueil du public. Je ne comprends donc pas très bien votre argumentation, monsieur le ministre. C’est pourquoi je soutiens l’amendement de Mme Delaunay.

M. le président. La parole est à Mme Florence Delaunay.

Mme Florence Delaunay. Monsieur le ministre, je sais que vous vous intéressez à la forêt cultivée et je vous en remercie. Les communes forestières et l’ONF sont totalement partie prenante dans l’application de cette loi. Mon amendement visait surtout à appeler votre attention sur l’ouverture au public et non à manifester une réticence à appliquer cette loi. Par conséquent, je le retire.

M. le président. L’amendement est-il repris, monsieur Herth ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Antoine Herth. Oui, monsieur le président. C’est un bon amendement qui mérite d’être soumis au scrutin.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n1.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants48
Nombre de suffrages exprimés48
Majorité absolue25
Pour l’adoption2
contre46

(L’amendement n1 n’est pas adopté.)

M. Antoine Herth. Courage, fuyons !

(L’article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 2.

La parole est à Mme Sophie Errante.

Mme Sophie Errante. Cet article précise les interdictions prévues dans ce texte pour les personnes publiques et pour les utilisations non professionnelles. Elles ne s’appliquent pas aux produits de bio-contrôle ni aux produits qualifiés à faible risque, ni aux produits autorisés dans le cadre de l’agriculture biologique. Le champ des alternatives aux phytosanitaires est donc bien large. Les dispositions introduites par l’article 2 aideront à changer les mentalités ; j’y suis par conséquent favorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Si j’ai apprécié les propos de notre collègue de l’UMP, M. de Mazières, j’ai été choqué par l’intervention de M. Taugourdeau. Les phytosanitaires sont une préoccupation de santé publique, et je vous renvoie à l’avis de l’Agence européenne de sécurité alimentaire sur les néonicotinoïdes qui font bien entendu partie des produits aujourd’hui en débat, quelles qu’aient été les arguties sémantiques entendues tout à l’heure à la tribune. En se fondant sur les conclusions d’une étude japonaise toute récente, l’Agence européenne, pourtant critiquée à un moment, et sans doute à juste titre, pour son mode de gestion de prévention des conflits d’intérêts, vient de réclamer à la Commission européenne une réduction drastique des doses journalières admissibles pour deux néonicotinoïdes, dont le Gaucho, de sinistre mémoire pour les apiculteurs. Cette étude a montré l’effet neurotoxique de ces insecticides.

J’ajoute que je suis particulièrement choqué par le fait que deux gros producteurs de substances chimiques viennent de déposer un recours – devant la Cour européenne de justice, j’imagine – contre la décision d’un moratoire, rien de plus, pour certaines catégories de néonicotinoïdes alors même que leurs effets toxiques sur la santé humaine, et pas seulement sur celle des abeilles, est de plus en plus solidement prouvée. Voilà pourquoi, M. le président de la commission durable le disait tout à l’heure, nous avançons à petits pas sur cette question grâce à cette proposition de loi d’initiative sénatoriale ; mais c’est un pas important que nous faisons aujourd’hui, dans le sens de ce que contient déjà la loi pour l’avenir de l’agriculture.

M. le président. Nous en venons aux amendements.

La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n3.

M. Antoine Herth. Cet amendement propose de mettre un coup de projecteur sur la mention « emploi autorisé dans les jardins » appliquée à certaines préparations vendues dans les jardineries. Cette mention s’accompagne bien évidemment d’un conseil d’utilisation et les produits concernés sont généralement conditionnés de telle façon que les jardiniers puissent les utiliser en toute sécurité tant pour leur propre personne et leur entourage que pour l’environnement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Brigitte Allain, rapporteure. Monsieur Herth, les produits portant la mention « emploi autorisé dans les jardins » sont en pratique les produits phytosanitaires dont la proposition de loi vise précisément la proscription. Soyons clairs : cette mention ne repose, de fait, sur aucune qualification reconnue. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Dans le droit fil de ce que vient de dire Mme la rapporteure, j’estime que le label « emploi autorisé dans les jardins », créé par le ministre chargé de l’agriculture, fonctionne parfaitement dans le cadre réglementaire existant. Sa mention dans un texte législatif n’est donc pas nécessaire. C’est la raison pour laquelle l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Force est de constater que vos deux approches sont très différentes… À vous entendre, madame Allain, la mention « emploi autorisé dans les jardins » ne repose sur aucune qualification, alors qu’elle a fait l’objet d’un arrêté ministériel, ce qu’a rappelé très justement le ministre. Mon amendement est donc fondé, puisqu’il avait pour objet de faire passer cette disposition du seul volet réglementaire au volet législatif. Mais puisque le ministre m’assure qu’il soutient ma démarche, je le retire.

Plusieurs députés sur les bancs du groupe écologiste.. Merci !

(L’amendement n3 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n7.

M. Antoine Herth. Cet amendement est important, car les sanctions prévues dans la proposition de loi le sont tout autant : ce sont celles figurant déjà dans le code rural, à savoir six mois, voire deux ans d’emprisonnement, et 30 000 euros ou 75 000 euros d’amende. Je trouve ces sanctions très exagérées dès lors qu’il s’agit de jardiniers amateurs. Vous leur envoyez un signal particulièrement négatif. Il me paraît donc utile d’amender l’article 2, non pour supprimer les sanctions, mais pour les proportionner au préjudice lié à l’utilisation accidentelle d’un produit par un amateur qui n’aurait pas toutes les garanties ni toutes les autorisations nécessaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Brigitte Allain, rapporteure. Je l’ai déjà dit en commission et vous le savez, monsieur Herth : l’être humain est ainsi fait que si une amende n’est pas dissuasive, le règlement ou la loi ne sont pas appliqués. Par conséquent, la meilleure application passe par de lourdes amendes, ce qui est le cas ici. Nous étions d’ailleurs tous d’accord pour reconnaître les effets nocifs, à la fois pour la santé et l’environnement, de ces produits ; il faut donc que cette loi soit réellement appliquée. L’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Les sanctions prévues par le code rural pour non-respect des dispositions de l’article L. 253-1 sont effectivement élevées : 30 000 euros d’amende, six mois d’emprisonnement. Cela étant, et vous le savez, monsieur le député, il ne s’agit que de peines plafond et le juge veille à la proportionnalité de peines. La suppression de toute possibilité de sanction ne nous paraît pas souhaitable. C’est la raison pour laquelle la Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. J’entends bien que ce sont des peines plafond, et que vous voulez envoyer un signal : « Attention, si vous ne respectez pas la loi, il y a sanction. » Mais qu’avez-vous prévu ? Les autorités vont-elles envoyer un courrier aux dix-sept millions de jardiniers pour les en informer ? Je suppose qu’ils ne sont pas tous abonnés au Journal officiel et qu’ils ne vont pas forcément se renseigner sur nos débats. Y aura-t-il un affichage dans les jardineries ? Dans les jardins ouvriers, les municipalités installeront-elles des panneaux d’information pour expliquer ce que les gens n’ont plus le droit de faire, et les sanctions encourues ? Il faudrait au minimum jouer la transparence sur ce sujet plutôt que de se réfugier derrière des dispositions génériques déjà inscrites, il est vrai, dans le code rural.

(L’amendement n7 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n5.

M. Antoine Herth. Nous en arrivons aux fameuses exceptions prévues à l’article 2. Mon amendement n5 tend à inclure dans la liste des produits bénéficiant d’une dérogation ceux qui ne font pas l’objet d’un classement au titre de la toxicologie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Brigitte Allain, rapporteure. Par cet amendement, monsieur Herth, vous intégreriez dans le texte la possibilité de continuer à vendre toutes les molécules pourvu qu’elles soient diluées. In fine, les quantités de substances épandues par les jardiniers amateurs resteraient les mêmes/ Ils auraient seulement à utiliser plus d’eau, voire de solvants. Vous supprimeriez toute incitation pour les industriels à rechercher des produits de substitution d’ici à 2020 ou 2022. Notre avis est donc évidemment défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Cet amendement propose d’intégrer dans la gamme des produits restant autorisés les produits sans classement. Il s’agirait pour l’essentiel de produits prêts à l’emploi et donc dilués, qui de ce fait ne présentent plus les mêmes risques pour l’utilisateur. Cependant, cela reviendrait à maintenir la possibilité d’utiliser la plupart des substances de synthèse et, in fine, à ne pas diminuer leur emploi dans les jardins ; la quantité de substances épandues resterait de ce fait la même. Ouvrir une telle possibilité reviendrait donc à renoncer à inciter les fournisseurs à développer des alternatives moins impactantes. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Je pense qu’il y a un malentendu sur la notion d’absence de classement : celle-ci résulte bien d’une analyse écotoxicologique du produit. Vous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le ministre : il semblerait dorénavant que l’ANSES soit non seulement chargée de collecter des informations et d’émettre un avis sur le sujet, mais également de rendre un avis sur l’autorisation ou non de la mise sur le marché des produits concernés. J’ajoute qu’il ne s’agit pas que d’une question de dilution, puisque c’est bien la molécule active et ses effets sur les personnes ou l’environnement qui est ici visée. Mon amendement a donc tout à fait sa raison d’être et, madame la rapporteure, si vous voulez approfondir cette question, je vous renvoie à l’excellent site e-phy.agriculture.gouv.fr du Gouvernement qui vous permet, sur chaque produit, y compris les produits biologiques, de consulter l’ensemble des données écotoxicologiques : vous vous rendrez compte que ce débat ne se résume pas au rajout d’eau ou de solvants.

(L’amendement n5 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n8.

M. Antoine Herth. Je crois avoir découvert une petite brèche dans le raisonnement avancé par cette proposition de loi. En effet, même si l’on en accepte le principe, force est de constater que la frontière entre les produits destinés aux professionnels et ceux utilisés par les jardiniers amateurs n’est pas très clairement précisée. Mon amendement n8 a donc pour objet d’introduire un alinéa qui précise que l’utilisation des produits professionnels visés au premier alinéa de l’article L. 253-1 pour un usage en espace non professionnel est interdit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Brigitte Allain, rapporteure. Il est tout à fait possible aux jardiniers amateurs qui font appel à des professionnels pour l’entretien de leur jardin de leur demander de n’employer que des produits de bio-contrôle ou des PNPP. L’introduction d’une interdiction supplémentaire ne me paraît pas nécessaire. Les professionnels engagent leur responsabilité et ils ont une formation qui leur permet d’utiliser les PNPP à bon escient, car ils les connaissent. Ils sont compétents pour donner des conseils et des préconisations. Je ne vois pas l’intérêt de rajouter cette interdiction. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. L’usage de produits professionnels par les professionnels dans les jardins particuliers constitue un champ réduit et mieux maîtrisé par les applicateurs dont l’activité est encadrée au plan réglementaire. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Je ne comprends vraiment pas. Cet amendement ne contrevient vraiment pas à l’esprit de la proposition de loi que vous nous soumettez, et vous le refusez en bloc comme s’il s’agissait d’un sujet tabou. Il faut voir les réalités en face. Retournez sur le terrain, vivez avec les gens.

M. Philippe Bies et Mme Sophie Errante. Ils ne vont jamais sur le terrain ! (Sourires.)

M. Antoine Herth. Je vais vous citer un exemple que vous allez très bien comprendre, madame la rapporteure, parce que je sais que vous êtes concernée : la production de noix. Beaucoup de jardiniers amateurs, parmi nos concitoyens, ont un ou deux noyers sur un bout de terrain. Ils ramassent leurs noix en automne, ce qui leur permet de faire des biscuits pour les fêtes de Noël. Or un ravageur, la mouche du brou, est en train d’envahir le territoire national. Il est présent en Rhône-Alpes où des dispositions réglementaires rendent la lutte contre ce ravageur obligatoire. Il sévit également en Alsace ; je connais donc bien le problème.

Que se passe-t-il ? Les jardiniers amateurs s’adressent aux professionnels sur le mode : je n’ai plus de récolte de noix, plus rien, que puis-je faire ? Vais-je prendre ma tronçonneuse pour le couper ? Non, parce que j’aime ce noyer qui a été planté par mon grand-père ; mais je veux une solution pour lutter contre la mouche du brou. La tentation est grande alors d’aller emprunter quelques centilitres d’un produit réservé aux professionnels pour bricoler dans son coin. Voilà ce qui se passe dans la réalité.

Par cet amendement, je vous évite de créer un appel d’air qui va malheureusement provoquer des dérives sur le terrain et peut-être aussi des accidents. Je m’adresse à vous tous, chers collègues : cet amendement de bon sens mérite réellement d’être adopté.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Brigitte Allain, rapporteure. Monsieur Herth, il m’arrive assez souvent d’être ici parmi vous, mais je vais aussi sur le terrain. Vous avez cité les exemples du marronnier et maintenant du noyer ; le problème, c’est que même avec des produits phytosanitaires, on n’a pas de réponse. Vous le savez très bien.

M. Antoine Herth. Mais c’est faux !

Mme Brigitte Allain, rapporteure. D’où l’avis défavorable que j’ai émis à cet amendement s’il n’est pas retiré.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Madame la rapporteure, vous ne pouvez pas dire cela. Je vous renvoie au site du ministère : trois spécialités phytosanitaires, dont l’une homologuée pour l’agriculture biologique, sont autorisées pour lutter contre la mouche du brou, pour ne prendre que cet exemple.

Vous ne pouvez pas dire qu’il n’y a pas de solutions, mais aucune de celles qui existent n’est à la portée du jardinier amateur. Il va donc y avoir des dérives : certains jardiniers amateurs seront tentés d’aller voir des professionnels pour leur demander un fond de bidon afin de se débarrasser de ce ravageur. C’est dommage, et je regrette que vous me donniez cette réponse, car elle ne correspond pas à la réalité.

(L’amendement n8 n’est pas adopté.)

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

(L’article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président. Je vous informe que sur l’article 4 et l’amendement n4, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n4.

M. Antoine Herth. À la faveur de cet amendement, je voudrais rendre hommage à mon collègue Martial Saddier qui s’est beaucoup investi sur ce dossier, mais qui n’a malheureusement pas la possibilité d’être parmi nous aujourd’hui. Cet amendement est de sa plume, il l’a rédigé parce qu’il a bien compris ou subodoré, à la suite des débats en commission, que se posait un problème de calendrier.

Partant d’un bon sentiment, ce texte finit par poser des problèmes là où il ne devrait pas y en avoir. Entre l’interdiction prévue par l’article 1er et la possible exception créée à l’article 2, nous allons avoir un décalage de deux ans durant lequel il n’y aura pas de solution possible pour lutter contre certains ravageurs.

L’amendement n4 ne propose pas de fusionner les deux dates mais seulement d’anticiper, en permettant de prendre avant 2020 des mesures d’interdiction ou de possibles substitutions qui permettraient de régler ce problème de non-concordance des deux dates prévues dans le texte de loi. Cet amendement est important, y compris pour vous : il rendra votre loi plus robuste en évitant de possibles contentieux. C’est parce qu’il mériterait vraiment d’être adopté que nous avons demandé un scrutin public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Brigitte Allain, rapporteure. Monsieur Herth, le caractère supposément incitatif de la mesure que vous préconisez risquerait de fait de produire des effets contraires. Il faut plutôt compter sur les échéances – 2020 pour les collectivités et 2022 pour l’interdiction de vente – prévues par cette proposition de loi pour motiver les industriels afin qu’ils accélèrent les recherches en ce qui concerne les produits visés à l’article 2. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Cet amendement que Martial Saddier a écrit de sa plume – d’oie peut-être – vise à permettre une substitution accélérée de substances toxiques pour lesquelles il existe un produit de substitution.

Comme c’est souvent le cas avec Martial Saddier, la proposition n’est pas inintéressante. Toutefois, en pratique, la liste européenne des substances candidates n’est pas établie et les procédures de comparaison des effets des préparations induiront un délai important de mise en œuvre. En conséquence, ces dispositions n’entreront guère en vigueur avant le terme fixé à l’article 4. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse mais elle me surprend. À vous entendre, la mise au point de nouveaux produits capables de se substituer à des anciens en apportant un meilleur bénéfice pour la santé publique et pour l’environnement exigerait de trop longs délais. Mais M. Le Foll nous a expliqué exactement le contraire, pendant des heures et des heures, de la place que vous occupez : d’après lui, octroyer à l’ANSES des compétences à la fois en matière d’études et d’autorisations de mise sur le marché de nouveaux produits, devrait accélérer le processus de renouvellement grâce à un traitement plus rapidement les dossiers ! Et vous, monsieur le ministre, vous dites que cela ne va pas fonctionner parce que l’on n’aura pas de réponse avant 2020 ! De qui se moque-t-on ? Que doit croire l’Assemblée nationale ? Quelle est la parole du Gouvernement ? Peut-on compter sur ce Gouvernement ? Lui arrive-t-il de se réunir ? Les ministres se concertent-ils avant de venir dans l’hémicycle ?

Votre réponse me choque, elle n’est pas acceptable, monsieur le ministre. Elle me conforte encore davantage dans l’idée qu’il faut absolument adopter cet amendement.

Certains collègues de la majorité sont venus me voir pour me chuchoter à l’oreille qu’il y avait effectivement un problème, une maladresse de rédaction dans l’article 4, mais qu’ils ne pouvaient pas contrarier leurs amis politiques… (Exclamations sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. Écoutons M. Herth, mes chers collègues !

M. Antoine Herth. …et que l’on reviendra sur le sujet lors de l’examen en deuxième lecture de la loi d’avenir pour l’agriculture et la forêt. Mais quelles sont ces méthodes ? Quel est ce fonctionnement ? Comment écrit-on la loi ? On rédige un brouillon que l’on fait adopter.

Je ne peux pas croire votre promesse, monsieur le ministre, puisque vos propos montrent qu’il existe vraiment un problème de communication entre le ministère de l’agriculture et le ministère de l’écologie, que les points de vue ne se rejoignent pas.

M. Le Foll est censé corriger demain ce que M. Martin vient d’approuver. Chers collègues, adoptons cet amendement, donnons-nous le temps d’une deuxième lecture pour aboutir à un texte consensuel. Sinon, nos avis resteront divergents.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n4.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants44
Nombre de suffrages exprimés43
Majorité absolue22
Pour l’adoption3
contre40

(L’amendement n4 n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants39
Nombre de suffrages exprimés39
Majorité absolue20
Pour l’adoption37
contre2

(L’article 4 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote.

Je mets donc aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à douze heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Exposition aux ondes électromagnétiques

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Laurence Abeille et plusieurs de ses collègues relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques (nos 1635, 1677).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, rapporteure de la commission des affaires économiques.

Mme Laurence Abeille, rapporteure de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique, monsieur le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, monsieur le président et madame la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une nouvelle proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques. L’an dernier, lors de la précédente journée d’initiative parlementaire réservée au groupe écologiste, nous avions déjà examiné une proposition de loi relative à l’application du principe de précaution aux risques résultant des ondes électromagnétiques. Comme vous vous en souvenez, ce texte avait été renvoyé en commission, avec l’assurance du Gouvernement et du groupe socialiste que le sujet ne serait pas abandonné.

Nous aboutissons aujourd’hui à l’examen d’un nouveau texte, issu des réflexions menées pendant un an. Ce deuxième texte sur les ondes électromagnétiques est aussi inscrit au sein de la niche annuelle des écologistes. J’espère donc que le Gouvernement et le groupe majoritaire inscriront désormais ce texte à l’ordre du jour, lors de son passage au Sénat et lors des deuxièmes lectures.

La principale raison du renvoi en commission l’an dernier était que des rapports étaient attendus. Ils ont été rendus. Celui sur le principe de sobriété, annoncé par le Gouvernement l’an dernier lors de l’examen tronqué de notre proposition de loi, a été rendu en décembre par MM. Girard, Tourtelier et Le Bouler. Ce rapport recommande l’adoption d’une loi, notamment pour réguler l’implantation des antennes-relais. Même si, selon les termes des rapporteurs, nous sommes dans l’incertitude scientifique, cela ne signifie pas que le législateur n’ait pas à légiférer. Je remercie le président Brottes d’avoir créé un groupe de contact composé de parlementaires de tous les groupes pour suivre l’évolution de cette mission, ce qui nous a permis des échanges réguliers.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a remis au mois d’octobre dernier son rapport actualisé sur les radiofréquences. Comme en 2009, elle insiste sur la nécessité de limiter les expositions, notamment chez les plus jeunes. Le COPIC a également rendu ses conclusions. La principale est qu’il faut mettre en place une procédure d’installation des antennes-relais transparente, qui combine information des riverains et concertation, notamment avec les élus. Nous avons donc désormais toutes les cartes en main pour examiner un texte sur les ondes électromagnétiques.

Je voudrais préciser un point, qui concerne les règles applicables à l’étranger en matière de seuil d’exposition aux ondes électromagnétiques. On entend souvent dire que si la France adoptait un texte protecteur des populations, elle serait le seul pays au monde à agir ainsi. On entend aussi souvent dire que les seuils de 41 à 61 volts par mètre recommandés par l’International commission on non-ionizing radiation protection, l’ICNIRP, en 1998 seraient appliqués dans le monde entier, et qu’il n’y a aucune raison que la France les remette en cause. Or, dans de nombreux pays, les seuils appliqués en matière d’ondes électromagnétiques sont plus restrictifs. L’exemple de la région de Bruxelles est très souvent donné : la valeur limite est de 3 volts par mètre dans les lieux de vie, très loin donc des 61 volts par mètre. En Italie, les seuils sont également plus stricts, avec une limite de 6 volts par mètre dans les lieux de vie et un objectif d’abaissement progressif des seuils. Les seuils sont également plus stricts en Pologne, en Suisse, en Bulgarie, au Luxembourg, au Liechtenstein, en Grèce, en Lituanie, en Slovénie, en Catalogne ou à Paris ! Alors, arrêtons de nous faire peur en considérant la France comme un pays réfractaire aux nouvelles technologies, et qui irait à contre-courant des politiques menées ailleurs.

Dernier point, je tiens à rappeler que le texte qui vous est présenté aujourd’hui est un texte équilibré qui reprend les principales dispositions issues de la concertation menée au sein du COPIC entre les opérateurs, les associations, les élus, le Gouvernement, etc. Équilibre et bon sens, puisque les opérateurs auront un cadre clair pour implanter leurs antennes. Équilibre et bon sens, puisque les élus locaux disposeront des éléments pour mener la concertation locale qu’on remet dans la boucle. Équilibre et bon sens enfin puisque les citoyens seront davantage informés et protégés et pourront limiter leur exposition aux ondes mieux qu’actuellement.

Venons-en aux dispositions du texte et aux travaux des commissions.

L’article 1er est le cœur de ce texte. Il vise à instaurer un objectif de modération de l’exposition aux ondes, notamment lors de l’implantation des antennes-relais. Il instaure un dispositif de recensement et de traitement des points atypiques, notamment avec une prise en compte des établissements dits « sensibles », c’est-à-dire accueillant des personnes plus vulnérables comme les enfants. Cet article a été largement réécrit en commission, avec un amendement de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, Mme Suzanne Tallard, que je remercie pour son attachement à ce texte et sa collaboration. Sur le fond, cette réécriture change peu les dispositions de la proposition de loi initiale, mais elle fait remonter au niveau législatif des dispositions qui étaient renvoyées à un décret en Conseil d’État, notamment afin de les rendre directement opérationnelles.

Cet article 1er s’appuie évidemment sur les conclusions des travaux du COMOP-COPIC, relatifs à l’information du public et à la concertation au niveau local. Il crée une instance de conciliation au niveau national, sous l’égide de l’Agence nationale des fréquences. Il précise les obligations en matière de mesure de champs électromagnétiques avant et après l’implantation. Il redonne un rôle au maire, sans donner une compétence et un pouvoir de décision au niveau local, mais les élus locaux ne seront plus laissés de côté.

L’article 2 a pour objectif final de permettre aux élus et aux citoyens de mieux connaître leur territoire, et d’aboutir à terme à la mise en place d’un cadastre électromagnétique, ou, à tout le moins, à une version plus aboutie du site cartoradio.fr géré par l’Agence nationale des fréquences.

L’article 3 vise à ce que l’ANSES remette périodiquement un rapport sur les radiofréquences. Les nouveaux équipements arrivent très rapidement sur le marché – on le voit avec les tablettes connectées pour enfants qui ont déferlé à Noël –, sans qu’une étude d’impact sanitaire soit menée. Il serait intéressant que l’ANSES engage cette mission plus prospective sur les nouveaux usages ou nouveaux équipements qui pourraient, demain, poser problème sur le plan sanitaire.

L’article 4 encadre plus strictement la multitude d’émetteurs d’ondes qui nous entourent, et notamment les ondes wifi. On nous rétorque souvent que, le wifi, c’est différent, qu’il émet moins. Certes, mais lorsque dans un appartement d’une grande ville, on capte plusieurs dizaines de réseaux wifi différents, jour et nuit, il est du devoir du législateur de se poser des questions, d’anticiper et de légiférer, encore une fois, dans l’incertitude scientifique. Si les études sont moins nombreuses sur le wifi, et les risques moins étayés, c’est peut-être aussi que le wifi existe depuis moins longtemps. On a l’impression de vivre avec elle depuis toujours, mais cette technologie ne se déploie à grande échelle que depuis le milieu de la décennie passée. Rappelons aussi que c’est l’ensemble des radiofréquences que l’OMS a classées comme potentiellement cancérigènes, et le wifi en fait bien partie !

Alors, les dispositions de l’article 4 sont des dispositions de bon sens. Elles prévoient : l’affichage clair du débit d’absorption spécifique, même si cette mesure mériterait d’évoluer ; la possibilité de désactiver facilement le wifi, déjà offerte par une partie des box internet ; l’indication, le cas échéant, qu’un appareil émet des ondes, nos concitoyens pouvant ignorer que certains appareils, comme les ampoules fluo compactes ou ampoules basse consommation, les plaques à induction ou les téléphones fixes sans fil, dits DECT, sont de forts émetteurs ; l’information des habitants lorsqu’on installe chez eux des appareils émettant des ondes, notamment des émetteurs communicants. Sur ce dernier point, je pense, à titre personnel, que personne ne devrait se voir imposer dans son habitation un équipement dont il ne veut pas pour des raisons sanitaires.

L’article 5 vise à réguler la publicité pour les téléphones portables et l’ensemble des terminaux mobiles, comme les tablettes. Puisque les risques liés à l’utilisation d’un téléphone portable à l’oreille sont désormais clairement établis par la littérature scientifique et les agences de santé, il est nécessaire que la publicité transmette ce message de précaution sanitaire, en ne montrant plus ce type de comportement. L’usage à l’oreille du téléphone devrait être l’exception. Il faut avoir le bon réflexe et mettre des oreillettes comme on le fait pour écouter de la musique avec un baladeur !

En ce sens, et c’est l’objet de l’article 6, il est nécessaire de promouvoir d’autres comportements, et de sensibiliser davantage la population et les usagers de ces technologies.

L’article 7 concerne spécifiquement la petite enfance et le wifi. Comme je l’ai dit, certains considèrent le wifi comme relativement inoffensif, ce qui est loin d’être certain. En revanche, nous pouvons tous nous accorder sur un point : le wifi est totalement inutile dans une crèche. Le bilan bénéfices-risques est donc vite fait, et plaide pour une interdiction du wifi dans les établissements fréquentés par les plus jeunes. Pour les écoles maternelles, le wifi est je le pense également inutile. À quoi bon prendre ce risque ? Nous en reparlerons.

Enfin, l’article 8 traite de l’électro-hypersensibilité. Si cette pathologie est encore mal connue, nous savons que des personnes souffrent, et il est du devoir de la puissance publique de considérer leur situation et d’apporter une réponse. Il est même illusoire de croire que les ondes qui nous traversent en permanence n’auraient strictement aucun effet, chez personne. Nous sommes tous électrosensibles, et certains deviennent hyper-électrosensibles du fait de l’accumulation d’ondes qui nous entourent.

Je vous propose donc d’adopter cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le président, madame la ministre déléguée et chère collègue, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d’abord à partager avec vous ma satisfaction de participer à l’examen d’une proposition de loi qui aborde un sujet qui est au cœur de l’action de mon ministère et dont l’importance pour les élus dans nos territoires mais aussi pour nos concitoyens n’est plus à démontrer. Un sujet sur lequel, j’en conviens, de légiférer sur ce sujet, tant les dimensions que revêt la question des ondes électromagnétiques sont multiples, techniques et parfois controversées.

Une dimension industrielle d’abord : celle du secteur des télécommunications, en constante évolution. La présence conjointe de la ministre chargée de l’économie numérique et de moi-même porte témoignage du fait que le Gouvernement prend en compte le déploiement des réseaux de télécommunication dans nos territoires, qui sont, eux aussi, attendus par nos concitoyens, en particulier dans les territoires ruraux. J’en parle d’expérience.

Une dimension de santé environnementale aussi, mise en lumière pour la première fois lors de première conférence environnementale, au mois de septembre 2012, et devenue, depuis lors, un axe de travail prioritaire du Gouvernement.

Dès lors, il nous appartient de concilier plutôt que d’opposer ces deux dimensions, industrielle et environnementale. En effet, si nos concitoyens attendent beaucoup des services multimédias, ils attendent aussi que le législateur encadre et régule leur déploiement, en prenant en compte les inquiétudes, bien connues des élus locaux, que suscite l’impact potentiel des ondes électromagnétiques qui accompagnent ce déploiement, pourtant nécessaire.

Parce que cela a été une étape décisive, qui explique que nous puissions aujourd’hui, légiférer sur cette question sensible, je rappelle qu’un comité opérationnel d’expérimentation, appelé successivement COMOP puis COPIC, a été présidé dès 2009 par François Brottes, qui a su rassembler et faire dialoguer des parties aux positions parfois diamétralement et vigoureusement opposées. Je suppose que son absence momentanée s’explique par sa modestie : il ne voulait pas entendre ces propos élogieux ! (Sourires.)

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Ils lui seront rapportés !

M. Philippe Martin, ministre. Ce comité a pu explorer deux pistes principales. D’une part, l’abaissement de l’exposition du public aux radiofréquences émises par les antennes-relais ; d’autre part, la définition et l’expérimentation de nouvelles procédures de concertation et d’information locales pour accompagner les projets d’implantation de ces mêmes antennes. Grâce à des conditions de dialogue sereines, un premier rapport d’étape a été remis au Gouvernement par François Brottes au mois d’août 2011. Ce rapport a ouvert la voie à des travaux qui se sont poursuivis jusqu’à aujourd’hui.

Au cours du mois d’août 2013, les deux rapports finaux des travaux du COPIC m’ont été remis, ainsi qu’à Fleur Pellerin. Que disent-ils ?

Dans ses conclusions, le premier rapport affirme qu’environ 90 % des niveaux d’exposition sont déjà inférieurs à 0,7 volts par mètre, et 99 % inférieurs à 2,7 volts par mètre. En revanche, viser l’objectif d’une exposition maximale à un seuil étudié de 0,6 volts par mètre pour l’ensemble de la population conduirait à augmenter notablement le nombre d’antennes pour une même couverture réseau.

M. Jean-Paul Chanteguet et M. Patrice Martin-Lalande. C’est vrai !

M. Philippe Martin, ministre. Autre conclusion de ce rapport : pour quelques points dits atypiques, où l’exposition est sensiblement plus élevée que la moyenne, un traitement spécifique doit être recherché.

Le second rapport, portant sur la concertation locale lors des projets d’implantations d’antennes relais, a recueilli un large consensus incitant à de bonnes pratiques. Les parties prenantes se sont beaucoup investies dans ces travaux, ce dont témoigne la qualité des résultats : nous devons poursuivre sur cette voie. C’est pourquoi la ministre chargée de l’économie numérique et moi-même souhaitons que les réflexions en matière de radiofréquences se poursuivent dans une nouvelle instance d’échanges, placée sous l’égide de l’Agence nationale des fréquences et associant l’ensemble des parties prenantes. Le programme de travail de cette nouvelle instance pourra notamment comprendre une étude relative au couple téléphone-antenne, sujet sur lequel le président Brottes a appelé mon attention au mois de septembre dernier.

Sous l’impulsion de la Conférence environnementale 2012, le Gouvernement a accéléré le rythme sur les ondes électromagnétiques. L’expertise de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail sur les effets sanitaires des radiofréquences sera désormais mise à jour tous les ans, afin d’assurer en permanence à nos concitoyens une expertise actualisée. J’ai souhaité qu’en 2014, cette mise à jour se focalise particulièrement sur les connaissances relatives aux personnes dites « électro-hypersensibles ». Les dispositifs dédiés aux enfants de moins de six ans, notamment ceux que l’on appelle les « doudous communicants », sont aussi étudiés actuellement par l’ANSES à la demande de mon ministère.

Pour l’essentiel, le rapport de l’ANSES publié au mois d’octobre dernier confirme ses travaux de 2009. Le Gouvernement a relevé que l’analyse des études les plus récentes met en avant la prépondérance des enjeux liés à l’exposition aux terminaux mobiles. Cette analyse conforte les attitudes d’attention et de protection recommandées par le Gouvernement en matière d’exposition aux champs électromagnétiques et d’utilisation des téléphones portables. J’ai pris acte des recommandations de l’ANSES et des mesures simples qui peuvent être mises en œuvre afin de limiter l’exposition individuelle aux ondes, notamment pour les publics les plus jeunes, enfants et jeunes adolescents: usage modéré du téléphone, utilisation des kits oreillettes mains libres, choix de terminaux ou d’autres équipements dont le débit d’absorption spécifique est le plus faible.

Au début du mois de décembre dernier, Jean-François Girard et votre ancien collègue Philippe Tourtelier ont remis au Premier ministre un rapport intitulé « développement des usages mobiles et principe de sobriété ». Je rappelle que cette mission avait pour objectif d’évaluer les conséquences d’une inscription dans la loi d’un principe de sobriété en matière d’ondes électromagnétiques.

Le rapport prolonge les résultats des expérimentations du COPIC puisqu’il recommande d’améliorer la procédure d’installation des antennes relais de téléphonie mobile, en renforçant l’information et la concertation au niveau local. J’ai noté par ailleurs que ces deux personnalités invitent à anticiper le déploiement de nouvelles technologies tant en matière de recherche qu’en matière d’impact sur l’exposition.

Je l’ai dit à plusieurs reprises devant votre commission des affaires économiques et je le redis ici, ce matin, devant vous : il me semble légitime que nos compatriotes puissent souhaiter ne pas être exposés à des niveaux d’émissions supérieurs à ceux qui sont nécessaires à leur usage. Le principe de sobriété est donc un principe de bon sens que je soutiens, suivant en cela la préconisation du rapport de l’ANSES de 2009 : « Dès lors qu’une exposition environnementale peut être réduite, cette réduction doit être envisagée, en particulier par la mise en œuvre des meilleures technologies disponibles à des coûts économiquement acceptables. Ce potentiel de réduction existe s’agissant de l’exposition aux radiofréquences. » Je n’ai rien à retirer de cet avis.

Mesdames et messieurs les députés, j’entends ceux qui souhaitent que le principe de sobriété soit défini précisément par la loi – nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir dans les débats. J’ai aussi pris note des conclusions de Jean-François Girard et Philippe Tourtelier, qui ont préconisé quant à eux de pas inscrire dans la loi une définition trop rigide, qui pourrait poser, en fin de compte, plus de difficultés juridiques qu’elle n’apporterait de solutions concrètes.

M. Patrice Martin-Lalande. Exact !

M. Philippe Martin, ministre. L’essentiel, selon les deux auteurs, réside dans la manière dont sera mis en œuvre un principe de modération qui doit s’appuyer sur des principes d’action : concertation au niveau local, transparence de l’information préalable des élus et des citoyens, réduction des points atypiques.

La proposition de loi que nous présentent aujourd’hui Laurence Abeille et le groupe écologiste – que je salue – reprend l’essentiel des travaux du COPIC et les préconisations du rapport que j’ai déjà cité. Elle a déjà été retravaillée en commission des affaires économiques et en commission du développement durable – dont je salue le président, M. Jean-Paul Chanteguet. À mes yeux, l’essentiel est que cette proposition de loi soit encore améliorée et devienne pleinement applicable au terme de son parcours parlementaire. Ainsi, elle permettra d’avancer concrètement sur la question des émissions d’ondes électromagnétiques.

Puisque j’évoque l’application des lois de la République, je suis heureux de vous annoncer que depuis le 1er janvier 2014, un nouveau dispositif national de surveillance et de mesure de l’exposition du public aux ondes électromagnétiques est opérationnel, après que des ajustements ont été apportés par le Gouvernement, dans la loi de finances pour 2013, au dispositif issu d’amendements parlementaires à la loi Grenelle I. Je sais que le président de la commission des affaires économiques, François Brottes, n’est pas totalement étranger à cette heureuse issue. Je suis sûr que ces propos lui seront rapportés.

Toute personne qui le souhaite peut désormais solliciter gratuitement des mesures via un formulaire disponible sur le site internet service-public.fr. Les maires, les associations et les autres personnes morales, peuvent relayer les demandes des particuliers, et demander directement des mesures à l’ANFR, qui gère l’ensemble du dispositif, financé par une taxe payée par les opérateurs de téléphonie mobile.

Les résultats des mesures seront rendus publics sur le site cartoradio.fr, et les maires seront informés des résultats de toute mesure réalisée sur le territoire de leur commune. Ce nouveau dispositif permet de rendre accessible à tous les niveaux d’exposition aux ondes électromagnétiques, d’enrichir nos connaissances, de renforcer la transparence et l’indépendance des mesures, et de contribuer à l’effort national de recensement et de traitement des points atypiques. C’est une avancée nécessaire pour l’acceptabilité des nouvelles installations pour nos concitoyens.

Nous arrivons donc, aujourd’hui, au terme d’une séquence d’actions et de résultats : le Gouvernement dispose de l’ensemble des éléments d’appréciation juridiques et scientifiques actualisés sur le sujet. Comme nous l’avions convenu en septembre dernier, lors de mon audition devant la commission des affaires économiques, l’examen de la nouvelle proposition de loi de Mme Laurence Abeille et du groupe écologiste est une occasion que le Gouvernement veut saisir pour tirer les conclusions de ces rapports.

Je souhaite remercier Mme Abeille, ainsi que l’ensemble des parlementaires qui se sont investis sur ce sujet : je pense bien sûr à Mme la rapporteure Suzanne Tallard, ainsi qu’à Corinne Erhel, devenue experte des questions liées aux télécommunications. Je n’oublie pas les autres députés, de la majorité comme de l’opposition,…

M. Patrice Martin-Lalande. Merci, monsieur le ministre !

M. Philippe Martin, ministre. …qui ont apporté une contribution décisive à ce texte. Après les modifications introduites en commission, cette proposition de loi est le fruit d’un compromis constructif que je salue et que nous souhaitons encore améliorer.

Certaines pistes semblent se dessiner assez nettement. Je pense en particulier à la gouvernance des projets d’installations d’antennes relais, qui ont été l’objet de discussions nourries du COPIC, aboutissant à des conclusions consensuelles entre l’ensemble des acteurs. J’ai bien noté que, sur ce sujet, de nettes améliorations ont été apportées en commission, sans compter les amendements que nous aborderons tout à l’heure et qui vont dans la bonne direction.

Il me semble que certains principes doivent être généralisés : je pense notamment à l’information du maire par écrit en amont de l’implantation ou de la modification substantielle d’une antenne relais, à la transmission systématique d’un dossier d’information, à la possibilité de demander une simulation de l’exposition générée, aux conditions d’accès à une information claire et transparente des occupants d’un bâtiment, à l’animation dans chaque département d’une instance de concertation et de médiation sous l’égide du préfet.

Certains amendements améliorent, me semble-t-il, la robustesse juridique de ces dispositifs, en même temps qu’ils permettent une meilleure distinction des procédures ; cela me paraît être une bonne chose. Je le dis ici devant vous : il ne s’agit pas de donner aux maires une nouvelle compétence en matière d’installation des antennes, mais plutôt, conformément au consensus trouvé au sein du COPIC, d’assainir, en amont des installations, des situations parfois conflictuelles sur le terrain, qui sont souvent dues à un manque de dialogue et d’information.

Dans ce dossier, la concertation locale est indéniablement l’une des clefs de l’acceptabilité sociale. Il est important aux yeux du Gouvernement que la concertation ait lieu dans les meilleures conditions possibles afin de prévenir les problèmes qui pourraient survenir.

Mesdames et messieurs les députés, il me semble également possible de lancer, de manière consensuelle, une réelle politique de recensement et de résorption des points atypiques. Ce recensement devra être effectif, mis à jour annuellement, et déboucher sur un traitement adapté par les opérateurs concernés dans un délai raisonnable.

Puisque j’en ai parlé, je salue aussi la création du comité national de dialogue relatif aux niveaux d’exposition du public aux champs électromagnétiques, qui prend le relais du COPIC et réunira les mêmes parties prenantes sous l’égide de l’ANFR. Ce comité sera l’instance de suivi de l’application de la loi à venir et le garant des grands principes actés au sein du COPIC.

Mesdames et messieurs les députés, je tiens une nouvelle fois à saluer l’initiative du groupe écologiste, dont la proposition de loi doit nous permettre d’avancer sereinement sur la question des ondes électromagnétiques. Je suis, pour ma part, disposé à poursuivre le travail avec l’Assemblée nationale sur ces questions, toujours dans le souci de préserver l’équilibre entre le développement des nouvelles technologies et les attentes légitimes de la population, qui ne veut pas être exposée plus que nécessaire aux ondes électromagnétiques. Ce texte est une première réponse, le Gouvernement est heureux de contribuer à sa mise en œuvre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Monsieur le président, mesdames les rapporteures, mesdames et messieurs les députés, il y a un an, au terme d’un débat écourté, j’avais pris ici même, au nom du Gouvernement, l’engagement solennel de permettre un nouvel examen. Cette promesse a été tenue : nous sommes, mon collègue Philippe Martin et moi, au rendez-vous. Je tiens à vous exprimer ma satisfaction à ce sujet.

La transformation de notre économie et de notre société est accélérée par le numérique. Le numérique, en lui-même, ne représente pas une transformation ; c’est plutôt un formidable outil de transformation. Je suis convaincue que le développement des usages du numérique peut et doit servir au développement d’une société plus inclusive, plus solidaire et plus respectueuse des attentes de nos concitoyens.

Cette transformation numérique ne peut pas se faire sans la confiance de nos concitoyens. La confiance ne se décrète pas ; elle suppose d’accompagner chaque saut technologique, en créant les conditions de la transparence et de l’information la plus large et fiable du public. Pour moi, ce texte s’inscrit parfaitement dans ce cadre.

En effet, agir pour une plus grande modération des émissions d’ondes électromagnétiques, organiser les conditions de la concertation au niveau local, créer celles de la transparence vis à vis du public, ce n’est pas freiner le progrès technologique dans notre pays, ou encore l’investissement ; c’est, au contraire, lui donner toute les chances d’une bonne acceptabilité sociale et, au fond, de plus grandes chances de se diffuser à toute la société.

Ce texte est une réussite car il parvient au juste équilibre, et il y a à cela quelques raisons. Je veux ici souligner le travail de la rapporteure Laurence Abeille, qui a su faire évoluer son texte en s’attachant à trouver la rédaction la plus ambitieuse et la plus sécurisée juridiquement.

Je veux aussi et surtout rappeler la qualité du travail accompli depuis de nombreuses années par les élus et les parlementaires de la majorité, et encore ces derniers jours, notamment par Corine Ehrel et Suzanne Tallard, sur le sujet du déploiement des antennes de téléphonie mobile.

Ce texte est l’aboutissement d’un long travail collectif, qui a suscité des attentes citoyennes, bien au-delà de cet hémicycle. Que ce soit par la définition de chartes dans des villes comme Paris, Nantes ou Strasbourg ou grâce aux travaux menés dès 2009 par François Brottes dans le cadre des groupes de travail issus du Grenelle des ondes, des progrès avaient été accomplis, et nombre de recommandations avaient été formulées.

Restait l’étape la plus importante : leur traduction dans la loi. Il y a un an, j’étais ici même pour défendre la position du Gouvernement : nous souhaitions avancer sur la transparence et la concertation locale, mais le principe de sobriété ne nous semblait pas, à l’époque, bien arrêté. Je m’étais donc engagée, ici même, devant la représentation nationale, à ce que ce texte soit retravaillé et puisse aboutir. Une mission a d’ailleurs été confiée par le Premier ministre à Jean-François Girard, conseiller d’État, et Philippe Tourtelier, ancien député, sur ce sujet de la sobriété en matière d’ondes – Philippe Martin l’a rappelé tout à l’heure. Je veux, à cette tribune, saluer leur travail, car il fut unanimement salué comme étant de grande qualité et a permis, je crois, de parvenir à éclairer le législateur de manière très positive.

Cette proposition de loi vient au bon moment et elle est mûre, au terme d’un an de travail et d’expertise. Il nous aura en effet fallu cette année de travail pour bien circonscrire la définition d’un principe de modération des émissions des ondes électromagnétiques, à la lumière des derniers travaux publiés par le comité issu du Grenelle des ondes, le COPIC, par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, par la mission Girard et, bien sûr, grâce au travail mené par la députée Laurence Abeille pour définir un principe législatif de sobriété en matière d’émission d’ondes électromagnétiques

Nous avons donc, aujourd’hui, dans le cœur de cette proposition de loi, un dispositif qui parvient à concilier progrès technologique et modération des ondes électromagnétiques, et qui a le plein soutien du Gouvernement.

Cette proposition de loi est équilibrée, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne nourrit pas une vraie ambition – ne nous y trompons pas. Elle définit pour la première fois un cadre complet pour l’encadrement du déploiement des antennes de téléphonie mobile au profit de la sobriété. Ce cadre constitue une avancée majeure, et témoigne aussi – pourquoi ne pas le dire – de la volonté du Gouvernement d’assumer pleinement son rôle de régulateur des télécoms.

Vous l’avez compris, avec mon collègue Philippe Martin, nous défendrons avec conviction ce texte de progrès. Je suis ministre des télécoms, mais je crois en la modération des ondes. Je crois qu’aujourd’hui, nous pouvons aller plus loin dans cette voie et généraliser ces pratiques. Je crois que c’est une demande que les opérateurs sont en mesure d’entendre et d’appliquer. Je crois que c’est leur intérêt que de le faire. Le déploiement des antennes relais ne peut plus être un Far-West. Il fallait un cadre législatif plus précis, et cette proposition l’apporte.

Je pense ainsi que cette nécessité d’une plus grande régulation dans les déploiements ne doit pas se limiter aux antennes. Les antennes sont la face émergée de l’iceberg. Il faut mieux prendre en considération les inquiétudes de nos concitoyens, et surtout ne pas relativiser l’effet prépondérant des terminaux mobiles. Pour moi, il y a là un vrai sujet sanitaire et un vrai sujet d’éducation à l’usage du téléphone.

J’entre dans ce débat avec la conviction que nous faisons œuvre utile avec ce texte, et avec la volonté de préserver la ligne d’équilibre auquel nous sommes parvenus. Notre devoir est de faire en sorte que les nouveaux usages du numérique soient compris par nos concitoyens, et non pas subis au point de devenir une source de préoccupation, d’inquiétude, voire, dans certains cas, de souffrance, comme c’est le cas pour les personnes souffrant d’électro-hypersensibilité.

L’innovation est une des clés du rebond français. Mais c’est seulement en créant les conditions de la confiance qu’elle permettra un véritable progrès humain. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mes chers collègues, j’avais salué ici même, il y a presque un an, l’initiative du groupe écologiste, qui soulevait devant l’Assemblée nationale la question de l’exposition aux ondes électromagnétiques. Mais, j’avais souligné que le moment de la discussion n’était pas idéal. Dans l’attente des résultats de plusieurs études en cours, nous avions alors décidé le renvoi du texte en commission.

Ce renvoi aurait pu être un enterrement de première classe, mais le Gouvernement et le président de la commission des affaires économiques avaient pris l’engagement de réellement travailler sur cette proposition de loi. L’engagement a été tenu. Je vous en remercie, monsieur le président, ainsi que madame et monsieur les ministres.

L’année écoulée a permis d’approfondir les connaissances, de hiérarchiser les enjeux et de tenir compte des études réalisées. Trois d’entre elles ont été évoquées : le rapport du COPIC de juillet 2013, qui mentionne la faisabilité technique d’un abaissement des seuils et la nécessité d’une procédure de concertation lors d’implantation d’antennes-relais ; le rapport de l’ANSES d’octobre 2013, qui recommande, comme en 2009, d’abaisser les expositions aux ondes électromagnétiques et met l’accent sur les ondes émises par les terminaux mobiles ; enfin, la mission sur l’objectif de sobriété demandée par le Premier ministre à MM. Girard, Tourtelier et Le Bouler, qui a remis ses conclusions en décembre 2013.

Je tiens aujourd’hui à remercier l’auteure et rapporteure de la proposition de loi d’avoir toujours associé à sa réflexion les parlementaires impliqués et pris en considération à la fois les débats de janvier 2013 et les avancées d’une année de travail, pour faire évoluer sa proposition initiale.

Le texte issu de ce cheminement pose un principe de modération de l’exposition du public aux ondes électromagnétiques. Ce principe repose sur trois piliers : transparence, concertation, responsabilisation des différents acteurs, à tous les niveaux.

Transparence tout d’abord, puisqu’il organise l’information des élus et de nos concitoyens, très en amont de l’installation et de la modification d’antennes relais, accompagnées de simulations et de mesures, avant et après. De même, un recensement des points atypiques sera réalisé et publié annuellement. L’information concernera également les utilisateurs de terminaux, qui devront être sensibilisés à un meilleur usage de leurs téléphones et des autres tablettes, permettant de minimiser leur exposition.

Concertation en amont ensuite, sur l’implantation ou la modification des antennes relais, menée par les élus locaux, qui atténueront nombre de crispations, voire d’opposition. La commission du développement durable a tenu à ce que les principes d’organisation de cette concertation, issus des travaux du COPIC, soient gravés dans le marbre de la loi, pour que soit applicable à tout le territoire ce que les maires les plus convaincants ou les plus combatifs pouvaient obtenir hier de la part des opérateurs. L’autorisation concernant les antennes, elle, appartiendra toujours à l’Agence nationale des fréquences.

Responsabilisation enfin, non seulement des pouvoirs publics et des acteurs économiques, mais aussi des citoyens. Ces derniers, mieux informés, devront faire un usage responsable de leurs terminaux. Quant aux opérateurs et aux pouvoirs publics, outre la concertation préalable à toute installation, ils devront mettre en place un traitement efficace des zones dont l’exposition est sensiblement supérieure à la moyenne, les fameux points atypiques.

Les seules interdictions édictées par la proposition de loi ont pour objet la protection des mineurs de moins de quatorze ans, qui ne pourront être visés par de la publicité pour des terminaux radioélectriques, et les enfants de moins de trois ans, dont les établissements d’accueil devront limiter les zones couvertes par le wifi.

S’agissant de l’électro-hypersensibilité, ce syndrome dont on ne sait presque rien, l’audition de la direction générale de la santé nous a permis de faire le point sur les études en cours et futures. Deux se poursuivent : celle de l’hôpital Cochin, dont les premiers résultats sont attendus fin 2014 et un rendu final en 2016, et celle menée par une équipe de l’INSERM de Toulouse. Deux autres études vont commencer en 2014, à la suite d’un appel à projet de l’ANSES.

Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à être interpellés par des personnes en souffrance et en grande difficulté, tant personnelle que professionnelle. Un rapport remis au Parlement par le Gouvernement permettra de faire le point un an après la promulgation de la loi.

Mes chers collègues, l’objectif recherché par cette proposition de loi est bien de concilier le développement des nouvelles technologies, la couverture du territoire par celles-ci et la qualité de service attendue par nos concitoyens avec la nécessaire protection de notre santé et de notre environnement. C’est pourquoi la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a donné un avis favorable à cette proposition de loi, équilibrée et réaliste. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. .La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mes chers collègues, les questions scientifiques et techniques ont de plus en plus des incidences politiques et sociétales. C’est pourquoi il importe que le Parlement en débatte.

L’Office a abordé la problématique des ondes électro-magnétiques à plusieurs reprises, à travers notamment les deux rapports du député Alain Gest et du sénateur Daniel Raoul. Par ailleurs, nos collègues Maud Olivier et Jean-Pierre Leleux viennent de demander que, lors de la semaine d’évaluation d’application des lois, une séance soit consacrée à l’examen d’un texte traitant des rapports entre sciences, technologie et société.

Comme l’a dit madame la rapporteure, le texte que nous examinons confirme la nécessité de s’appuyer sur les travaux de l’expertise scientifique. Ce rôle de l’expertise s’avère décisif, surtout lorsque le législateur est confronté à une situation de controverse, comme dans le cas présent.

Ainsi, comme l’ont souligné le président François Brottes et la rapporteure pour avis ou encore Alain Gest, c’est la prise en compte de l’avis de l’ANSES et du rapport de la mission d’expertise, remis au Gouvernement en décembre dernier, qui a permis d’améliorer la qualité de la nouvelle proposition de loi.

Quel est donc, aujourd’hui, l’état de la science sur les ondes ? Il est diamétralement opposé à ce qu’écrit aujourd’hui un grand journal du matin, alimentant l’inquiétude et les peurs. L’ensemble des rapports d’expertise collective internationaux, fondés sur des milliers d’études, conclut qu’il n’y a pas de risque avéré des radiofréquences en dessous des limites réglementaires – cela a été rappelé par Mme ministre et Mme la rapporteure. Le seul effet connu est l’échauffement par absorption, et des marges de sécurité très importantes sur les seuils ont été prises, ce qui nous conduit à dire, dans le sens des propos de Mme la ministre, qu’il n’est pas nécessaire de changer les limites réglementaires.

Les antennes-relais émettent des radiofréquences dix mille à cent mille fois moins élevées que celles engendrées par le téléphone portable lui-même pendant une conversation. Les mesures principales à prendre – et je partage, là encore, l’avis de Mme la rapporteure – concernent donc les téléphones portables, pour lesquels il faut savoir faire preuve d’une grande modération.

Un effort de transparence s’impose, mais également un effort d’information du public, qui s’inquiète des émetteurs. Aucun effet biologique non thermique n’a été observé à ce jour. Notez que, dans leurs propos, les scientifiques sont toujours prudents : ils disent toujours « à ce jour »… Ce qui vous conduit à dire, monsieur le ministre, que des études devront être réalisées, pas forcément tous les ans, mais de façon régulière, sur ces sujets.

Enfin, en ce qui concerne l’électro-hypersensibilité, aucune étude internationale à ce jour – mais des études de l’Hôpital Cochin et de l’INSERM sont en cours – n’a identifié un système sensoriel humain capable de percevoir les champs électromagnétiques. L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, concluait que les études suggèrent un effet nocebo, résultant d’un mécanisme psychologique. Les troubles sont bien réels, peuvent s’aggraver, constituent un handicap, mais malheureusement aucune nouvelle législation ne permettra de les traiter.

Bien que nous aurions préféré le terme de maîtrise et de connaissance, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques soutient la proposition de modération de l’exposition, à une double condition que les amendements proposés par Mme Erhel soient retenus, et que l’on définisse ce que signifie le principe de modération, inexistant dans notre droit.

Enfin, il n’y a pas lieu d’interdire le wifi, dont le niveau d’émission avoisine celui du téléphone sans fil des maisons. À ce sujet, puisque je suis à la tribune, je me permets de déplorer que certains s’opposent, semble-t-il, à l’extension du wifi dans tous les locaux de l’Assemblée nationale, ce qui fait que les bureaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ne disposent toujours pas du wifi, au 103 rue de l’Université. Ce serait tout de même utile !

Cette recommandation est, bien sûr, encore plus vraie pour les antennes-relais, pour lesquelles, je l’ai indiqué, les émissions de radiofréquences sont dix mille à cent mille fois plus faibles et qui n’ont, à ces doses minimes, aucun effet avéré.

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur. Nous devons nous orienter vers un texte équilibré, ce qui est le cas. Accréditer des risques purement hypothétiques ne peut qu’affaiblir les campagnes contre les risques avérés, discréditer la démarche scientifique, encourager la défiance, provoquer la confusion, les rumeurs et l’inquiétude.

L’OPECST apporte donc son soutien à ce texte, parce qu’il a évolué et qu’il est équilibré. Nous souhaiterions toutefois qu’il soit légèrement amélioré par quelques amendements. Je conclurai en disant qu’il est essentiel d’avoir présent à l’esprit le propos de Bertrand Russell : « La science n’a jamais tout à fait raison ; mais elle a rarement tout à fait tort et, en général, elle a plus de chance d’avoir raison que les théories non scientifiques. Il est donc rationnel de l’accepter à titre d’hypothèse. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion de la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques ;

Discussion de la proposition de loi organique portant modification de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron