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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 12 février 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Réforme bancaire

M. Gaby Charroux

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Aides à la presse écrite

M. Alain Tourret

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Politique fiscale

M. Arnaud Robinet

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Dépendance

Mme Martine Pinville

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Politique gouvernementale

M. Dino Cinieri

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Partenariat entre le CEDUS et l’éducation nationale

Mme Laurence Abeille

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Redécoupage cantonal

M. Hervé Gaymard

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Programmes scolaires

M. Yves Durand

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Politique budgétaire

M. Jean-Christophe Fromantin

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Rythmes scolaires

M. Éric Straumann

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Travailleurs détachés

M. François Rochebloine

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Ordures ménagères

M. Jean-Marie Sermier

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Exportations agroalimentaires

Mme Nathalie Nieson

M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire

Ukraine

M. Pierre Lellouche

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

Impayés de pension alimentaire

M. Sébastien Denaja

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Marc Le Fur

2. Artisanat, commerce et très petites entreprises

Présentation

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme

M. Fabrice Verdier, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Discussion générale

Mme Michèle Bonneton

Mme Jeanine Dubié

M. Michel Zumkeller

M. Frédéric Roig

M. Daniel Fasquelle

M. André Chassaigne

M. Michel Piron

M. Laurent Grandguillaume

M. Damien Abad

M. Joël Giraud

Mme Marion Maréchal-Le Pen

M. Jacques Krabal

Mme Fanny Dombre Coste

M. Dino Cinieri

M. Yannick Favennec

Mme Dominique Orliac

Mme Marie-Hélène Fabre

M. William Dumas

Mme Sophie Dion

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Réforme bancaire

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux.

M. Gaby Charroux. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, le commissaire européen au marché intérieur, Michel Barnier, a présenté il y a deux semaines les propositions de la Commission européenne pour réformer les banques en Europe. Ce projet de règlement est un pas en avant par rapport à l’Union bancaire. Il propose enfin d’interdire aux banques de spéculer avec les dépôts de nos concitoyens. Il s’agit, d’une certaine manière, de revenir au cloisonnement des banques qui fonctionnait de façon satisfaisante avant que la révolution néolibérale préfère promouvoir les banques universelles.

M. Christian Noyer, membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, a qualifié ces propositions d’irresponsables. Cela me rassure, quelque part ! La fédération bancaire française s’efforce, quant à elle, de faire croire qu’une vraie séparation des activités bancaires nuirait à leur compétitivité et au financement de l’économie. Mais ce qui nuit au financement de l’économie réelle, ce qui crée ces dramatiques difficultés que rencontrent nos entrepreneurs, PME, artisans, commerçants, dans l’accès au crédit, tout autant que les ménages et les collectivités territoriales, c’est justement que les banques sont tournées davantage vers la spéculation financière que vers l’investissement, l’emploi et le bien-être social.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Gaby Charroux. Avec les propositions de M. Barnier, les banques auraient moins de facilités pour inciter les entreprises, les ménages ou les collectivités locales à se livrer à des opérations financières hasardeuses dont on connaît les résultats, ou à s’endetter avec des produits complexes qu’ils ne maîtrisent pas.

Monsieur le ministre, nous avons pourtant aujourd’hui le sentiment que le Gouvernement se laisse intimider par le lobby bancaire, se laisse convaincre de promouvoir un indéfendable statu quo.

Ma question est simple : le Gouvernement français compte-t-il soutenir cette initiative européenne, pour mieux combattre les activités financières spéculatives et favoriser l’accès au crédit ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Je vous remercie beaucoup, monsieur le député, pour votre question : elle recouvre un ensemble de problèmes face auxquels le Gouvernement est mobilisé depuis le début de cette législature.

Vous insistez à juste titre sur la nécessité de tout faire que la finance soit régulée sur le plan européen comme sur le plan national. Vous avez raison de souligner que cette régulation est l’une des conditions du financement de l’économie réelle et de la croissance. Je veux donc profiter de votre question pour rappeler ce que nous avons engagé.

Tout d’abord, nous avons, bien avant les propositions du commissaire Michel Barnier, dans cet hémicycle comme au Sénat, eu la volonté de légiférer afin de cantonner les activités spéculatives des banques et de réguler leurs activités sur les marchés financiers. Nous avions également le souci de prévoir des dispositifs propres à assurer une régulation des banques trop grandes pour se trouver en défaut.

Nous avons par ailleurs plafonné les bonus des traders, encadré le trading à haute fréquence, et nous avons décidé de poursuivre résolument cette action au sein de l’Union européenne, en visant à ce que l’Union bancaire parvienne à une régulation des activités bancaires afin que les banques puissent financer l’économie réelle. C’est ce que nous avons fait en mettant en place un mécanisme européen unique de surveillance bancaire, ainsi qu’un mécanisme unique de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts.

Les propositions du commissaire Michel Barnier complètent ce que nous avons déjà fait. Elles vont d’ailleurs, dans certains domaines, moins loin que nous : ainsi, elles se concentrent essentiellement sur les grandes banques alors que les crises bancaires récentes ont montré que les petites unités pouvaient être concernées par des défaillances. Nous poursuivrons les discussions au sein de l’Union européenne pour que la finance soit régulée et l’économie réelle financée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aides à la presse écrite

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Madame la ministre de la culture et de la communication, la presse écrite traverse une crise d’une incroyable violence. En une année, la presse d’opinion a perdu plus de 15 % de ses lecteurs. Avec une perte de 29 %, Libération connaît une crise qui va peut-être l’emporter, qui sans doute l’emportera. La presse de province ne se porte pas mieux et le président de Sud-Ouest et de Midi Libre annonce la mort programmée de ces journaux pour la fin de l’année 2014. La presse n’a pas trouvé de modèle économique pour compenser le départ de ses lecteurs vers le numérique. Certes, on peut se féliciter de la venue de L’Opinion, de la réussite de Mediapart et de l’émergence des gratuits. Mais la vérité est là : la presse écrite perd ses titres les uns après les autres. Avant-hier, c’était L’Aurore, le journal de Zola et de l’affaire Dreyfus ; hier, c’était France-Soir, qui tirait à un million d’exemplaires avec Lucien Bodard.

La presse subit la dictature de l’info en temps réel. L’immédiateté l’a emporté sur la réflexion et le lecteur a l’impression, réelle ou non, de lire partout la même information. À terme, c’est la démocratie qui est menacée. Que deviendra la liberté de blâmer, si chère à Beaumarchais, si elle ne peut plus trouver de support écrit ? La presse écrite a érigé des digues contre le populisme, contre l’extrême droite.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et l’extrême gauche !

M. Alain Tourret. Qu’en sera-t-il demain si le journal de Sartre est condamné ? Qu’en sera-t-il demain si celui de Raymond Aron n’est plus lu ? Qu’en sera-t-il demain si celui de « JJSS » et de Françoise Giroud est délaissé ? Le Gouvernement peut-il rester dans un silence affligé ? Il donne, il est vrai, comme le souligne la Cour des comptes, beaucoup d’aides, mais est-ce suffisant ? Quelle action peut-il mener ? Depuis Bruxelles, Jean Quatremer nous invite à prendre un certain nombre de décisions. Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre ? Quelles aides pouvez-vous envisager ? Rassurez-nous ! Rassurez la presse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, la crise de la presse en France et en Europe est grave. Vous l’avez dit, c’est une baisse de 15 % sur la vente au numéro pour la seule année 2013 et de 30 % pour Libération. Nous suivons de près, avec Michel Sapin et Arnaud Montebourg, la situation de ce quotidien. Libération est accompagné notamment par le fonds d’aide au pluralisme, qui fait partie des aides à la presse. Nous ne pouvons pas nous substituer à l’actionnaire, qui devrait faire des investissements supplémentaires pour permettre la transition numérique de ce journal, mais nous travaillons, avec le CIRI notamment, pour essayer d’accompagner ce quotidien auquel, évidemment, nous tenons tous.

En ce qui concerne plus généralement la situation de la presse, j’ai mis en place au mois de juillet dernier une réforme du fonctionnement des aides à la presse, qui repose sur un principe simple : la TVA à taux super réduit, à 2,1 %, doit continuer à bénéficier à l’ensemble des familles de presse. Dans cette période budgétaire difficile, c’est une mesure essentielle que le Gouvernement a prise pour soutenir la presse. Non contents d’avoir soutenu la presse papier, nous venons, avec le soutien de l’Assemblée nationale, de faire passer la TVA sur la presse en ligne à 2,1 %. Là encore, c’est une mesure extrêmement forte pour faciliter la transition numérique de la presse. J’ai aussi veillé à ce que le fonds stratégique des aides à la presse soit orienté d’une part vers les projets qui vont permettre de mutualiser les investissements et d’autre part vers ceux qui permettent l’innovation et la transition numérique. Enfin, nous avons obtenu de Google qu’il verse un fonds de 60 millions d’euros au profit des éditeurs de presse pour des projets technologiques innovants. Voilà la politique du Gouvernement pour résoudre la crise structurelle de la presse. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)

Politique fiscale

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Arnaud Robinet. Plus qu’une question, ce sont les inquiétudes de millions de Français que j’exprime aujourd’hui au Premier ministre. Votre majorité est à la dérive (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), votre couple avec le Président de la République est à la dérive et ce sont les Français qui en paient les conséquences. Entre couacs, annonces, contre-annonces et reculades, vous changez chaque jour de cap ! Si tant est que vous en ayez déjà eu un, hormis, bien évidemment, celui du « toujours plus d’impôts »… Double rabot du quotient familial ; taxation des heures supplémentaires, de l’épargne salariale et de l’assurance vie ; hausse des droits de succession et des droits de mutation ; augmentation des cotisations des entrepreneurs ;…

M. Michel Vergnier. Fermez le robinet !

M. Arnaud Robinet. …augmentation des cotisations des salariés et des indépendants ; fiscalisation de la majoration des pensions de retraite pour les parents de plus de trois enfants. N’en jetez plus, la coupe est pleine ! En tout, la gauche est responsable d’une hausse d’impôts de plus de 50 milliards d’euros. Beau bilan ! Pour citer Audiard : « Le jour est proche où nous n’aurons plus que l’impôt sur les os. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Les résultats de cette politique sont dramatiques pour les Français ! Baisse historique du pouvoir d’achat ; incapacité pour plus d’un million de Français à payer leurs impôts en 2013 ; des demandes d’étalement qui explosent ; deux millions de parents isolés qui vont devenir imposables en 2014 ; une chute de 77 % des investissements étrangers en France ; des dépôts de bilan à un niveau record en 2013 ; une baisse de plus de 2 % du nombre de créations d’entreprises.



Aujourd’hui, l’ennemi des Français a un visage : il s’agit de votre politique et de votre matraquage fiscal ! La vérité est que vous avez les impôts et les taxes chevillés au corps et que vous n’étiez pas prêts à conduire notre pays. Nous ne ferons pas cette erreur. Nous travaillons sur ces bancs pour proposer à la France une autre voie que celle du déclin que vous nous imposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Et cette voie, nous la ferons entendre dès les 23 et 30 mars prochains avec des millions de Français qui diront oui à nos projets et non à François Hollande et à votre majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)



M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, je ne peux pas dire que c’est l’esprit de nuance ni l’esprit de vérité qui ont présidé à la formulation de votre question. En l’entendant, je me suis demandé si vous n’aviez pas relu, encore et encore, ces vers de Baudelaire : « Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle / Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons eu le sentiment, en vous entendant, que nous étions vraiment confrontés à une photographie qui ressemble étrangement à l’état de la France telle que vous nous l’avez laissée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je veux reprendre chacun des arguments que vous avez développés et y apporter la juste réponse.

D’abord, vous parlez des impôts. Monsieur Robinet, je vais vous redonner la séquence des prélèvements fiscaux de manière à ce que vous ayez bien à l’esprit ce qui a été fait et que vous puissiez sortir de cet hémicycle avec la part de responsabilité qui vous incombe. En 2011, vous avez prélevé 20 milliards d’euros sur les Français, et vous l’avez fait dans la plus grande injustice fiscale, puisque vous l’avez fait en désindexant le barème de l’impôt sur le revenu et en mettant fin à la demi-part des veuves. Vous avez augmenté massivement les impôts sur les Français et vous avez ajouté à votre matraquage fiscal l’injustice fiscale que nous nous employons à corriger.

Plusieurs députés du groupe UMP. Rendez les 50 milliards !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Deuxièmement, vous avez fait exploser les déficits. Depuis que nous sommes en situation de responsabilité, ils diminuent. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ils étaient de 5,3 % lorsque nous sommes arrivés, ils seront autour de 4 % à la fin de l’année et de 3,6 % l’an prochain. Lorsque les déficits diminuent moins vite qu’ils n’ont augmenté à votre époque, cela ne signifie pas qu’ils augmentent, mais qu’ils diminuent !

Enfin, pour ce qui concerne la dépense publique et les impôts, nous sommes dans la maîtrise de la dépense publique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), puisque nous avons divisé par quatre le rythme d’augmentation de celle-ci depuis que nous sommes en situation de responsabilité. Nous allons continuer, pour redresser les comptes de la France que vous n’avez cessé d’affaiblir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Dépendance

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Martine Pinville. Monsieur le président, chers collègues, ma question s’adresse à Monsieur le Premier ministre.

Une fois de plus, notre majorité, malgré les difficultés, malgré la crise, malgré l’ampleur des dettes laissées par l’UMP et sa politique de cadeaux fiscaux aux plus fortunés (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP), tient les engagements pris devant les Français au printemps 2012. (« Mais non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Cette fois, il s’agit de l’engagement n18 du président Hollande : la réforme de la perte d’autonomie des personnes âgées.

Monsieur le Premier ministre, vous étiez ce matin à Angers, pour dévoiler en lien avec Michèle Delaunay et Marisol Touraine, les grands axes de la loi pour l’adaptation de la société au vieillissement, qui sera présentée en conseil des ministres début avril et que le Parlement examinera dans la foulée. Cette grande loi de progrès social va notamment permettre de revaloriser l’allocation personnalisée pour l’autonomie, créée par la gauche, de développer l’équipement des personnes âgées et l’adaptation de leur logement pour favoriser leur maintien à domicile, de soutenir les aidants familiaux qui, souvent avec courage et générosité, portent à bout de bras la solidarité entre les générations et de réguler les assurances dépendance privées pour mettre fin aux abus dont ont été victimes de nombreuses personnes âgées. Après la loi du 20 juillet 2001 du gouvernement Jospin, qui a créé l’APA, la gauche prouve, une fois de plus, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), …

M. Maurice Leroy. C’est grotesque !

Mme Martine Pinville. …qu’elle a le souci de protéger, d’accompagner, les personnes âgées, et de leur donner la liberté de choisir les conditions de leur avancée en âge.

Il est du devoir des responsables publics, c’est évident, mais aussi de l’ensemble de la société, de mieux accompagner nos aînés, de préserver leur autonomie et la qualité de leur cadre de vie. C’est ce que nous nous apprêtons à faire dans cette grande loi dont nous pouvons être collectivement fiers, et qui conduira à la mobilisation de 650 millions d’euros par an.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire quel calendrier et quelle méthode ont été retenus par le Gouvernement pour engager cette grande réforme ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Olivier Falorni. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Madame Pinville, nous étions ensemble à Angers, et je vous remercie de m’y avoir accompagné ainsi que plusieurs parlementaires. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La précédente majorité avait beaucoup parlé de l’autonomie des personnes âgées.

M. Yves Fromion. Et beaucoup agi !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Elle avait fait beaucoup de promesses, s’engageant même à mettre en place le cinquième risque… Devant l’obstacle, elle s’est arrêtée. Mais mon gouvernement avec la majorité, qui le soutient, est à la fois capable de réduire la dépense publique lorsqu’elle est excessive, de lutter contre la dette et les déficits dont nous avons hérité et, en même temps, d’engager des réformes profondes de société, parce que ce sont des réformes de solidarité et de justice sociale pour faire face à des défis nouveaux, tels que celui de l’allongement de l’espérance de vie. Mon gouvernement et ma majorité sont au rendez-vous des réformes, et c’est ce que nous allons entreprendre avec la loi d’adaptation au vieillissement de la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Cet après-midi, après la séance des questions au Gouvernement, Marisol Touraine et Michèle Delaunay se rendront au Conseil économique, social et environnemental pour y présenter les grandes lignes de cette réforme ; le conseil des ministres en discutera vendredi ; quelques semaines plus tard, le projet de loi lui sera soumis, et vous en serez saisis. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) L’objectif n’est pas seulement la parole ou le commentaire : c’est l’action, c’est-à-dire la mise en œuvre des premières mesures les plus ambitieuses dès le début de l’année 2015, avec comme priorité de cette loi d’orientation et de programmation, le maintien à domicile des personnes âgées de plus de soixante ans dont l’espérance de vie ne cesse de croître et va continuer d’augmenter. Mais le maintien à domicile ne sera possible que si nous prenons des mesures qui conduiront à renforcer la solidarité. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)



Mesdames, messieurs les députés, vous aurez à vous prononcer, mais vous l’avez déjà fait par l’augmentation de la contribution annuelle de solidarité pour l’autonomie : 650 millions seront ainsi consacrés au maintien à domicile dès le début de l’année 2015. Il s’agira d’abord de l’adaptation du logement, de la prévention, mais aussi de mettre en place l’acte II de l’APA.



Plusieurs députés du groupe UMP. Holà !

M. Bernard Deflesselles. Et qui paie ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je rappelle que l’APA a été créée en 2001, lorsque Lionel Jospin était Premier ministre. C’est la majorité de gauche de l’époque qui a voté cette grande réforme. L’APA est un succès, mais le dispositif est insuffisant. C’est pourquoi je vais vous proposer de décider l’acte II de l’APA, mesdames, messieurs les députés de la majorité, et on verra si, cette fois-ci, les députés de la droite, toujours prêts à donner des leçons, seront capables de prendre leurs responsabilités. Ils ne l’ont pas fait dans le passé. Je m’adresse à eux : maintenant, ils sont au pied du mur ! Mais le Gouvernement et la majorité ne manqueront pas le rendez-vous d’une grande réforme de la République.

Lutter contre la dette et les déficits, je l’ai souvent dit, est une nécessité, et nous n’avons pas sur ce point de leçons à recevoir de votre part, mesdames, messieurs de la droite, parce que vous avez fait tout le contraire : c’est vous qui avez augmenté la dépense publique en cinq ans (Huées sur les bancs du groupe UMP) quatre points de PIB, et nous en payons aujourd’hui les conséquences. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il faut faire reculer ces déficits, faire reculer cette dette ; nous le ferons. Mais comme Mendès France le disait si souvent : « Gouverner, c’est choisir. » Nous, nous choisissons la justice, nous choisissons la réforme.

M. Dominique Tian. Cessez votre baratin !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. L’adaptation de la société au vieillissement sera une grande réforme que, mesdames, messieurs les députés, vous pourrez être fiers d’avoir votée parce qu’elle aura changé la vie des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Politique gouvernementale

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dino Cinieri. Monsieur le Premier ministre, depuis vingt mois, vous êtes au pouvoir : vingt mois d’augmentations d’impôts : vingt mois d’amateurisme, vingt mois d’insincérité. Combien de temps vous faudra-t-il pour prendre conscience de la réalité ? Vous vous cachez derrière l’héritage, mais arrêtez de jouer au naïf ! Vous et votre majorité êtes bien les seuls à ne pas avoir remarqué que la crise de 2008 a été un choc pour le monde entier ! En 2012, vous avez vendu du rêve pour être élus, avec des promesses électoralistes intenables. Les Français déchantent, se sentent trahis. Ils sont de plus en plus divisés à cause des clivages que vous ne faites que raviver.

« La France est dans une zone dangereuse en raison du poids croissant de sa dette ». Cette citation ne vient pas de l’opposition mais de M. Migaud, Premier président de la Cour des comptes, qui nous annonçait hier qu’il manquera 6 milliards d’euros de recettes fiscales cette année ! Les faits sont têtus, et vous aurez beau hurler, mesdames, messieurs de la majorité, les dépenses de 2013 sont supérieures à celles de 2012 de 2,3 milliards d’euros, malgré l’annonce d’une diminution de 600 millions d’euros… Eh oui, monsieur Cazeneuve, la vérité exige que le mensonge s’invente ! Résultat logique, puisque vous avez fait le choix d’embaucher de nouveaux fonctionnaires, de créer des emplois aidés à tout va. Vous avez supprimé le un sur deux, et maintenant, vous n’êtes même plus capable, si l’on en croit les déclarations de Bruno Le Roux, de faire progresser les fonctionnaires déjà en poste et dont le salaire sera gelé, ce qui est grave.

Dès lors qui d’autres va aussi payer ? Qui allez-vous racketter cette fois-ci ? Sera-ce les entreprises ou les familles, ou encore les retraités ?

Un tel amateurisme du binôme à la tête de l’exécutif est une atteinte grave à la crédibilité financière de la France ! Et c’est vous et vous seuls, monsieur le Premier ministre et votre majorité, qui en porterez l’entière responsabilité ! Alors, pour une fois, assumez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Christian Jacob. L’arrogant !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, vous parlez du temps d’exercice du pouvoir qui nous a été donné jusqu’ici, c’est-à-dire vingt mois : vingt mois d’amateurisme, dites-vous. Mais vous et votre majorité avez été au pouvoir pendant dix ans, et je vais vous faire le bilan de votre professionnalisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Votre professionnalisme, c’est le doublement de la dette de la France, l’augmentation constante des déficits, qui n’ont jamais été inférieurs à 5 % au cours de la précédente législature !



Votre grand professionnalisme a donné le résultat suivant en matière d’augmentation des dépenses publiques : vous avez été à ce point professionnels que vous les avez fait augmenter de 170 milliards au cours des cinq dernières années. Vous avez été à ce point professionnels dans la maîtrise des dépenses publiques que quand on regarde l’exécution des budgets sur cette période et que l’on fait la moyenne de leur augmentation d’un budget à l’autre, celle-ci n’a jamais été inférieure à 5 milliards, alors que depuis que nous sommes aux responsabilités, elles n’ont augmenté en moyenne que de 500 millions. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)



Votre grand professionnalisme a conduit l’appareil productif français à décrocher tragiquement, à tel point que nous avons 65 milliards de déficit du commerce extérieur quand les Allemands ont 150 milliards d’excédent. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)



M. Noël Mamère. C’est vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Votre grand professionnalisme a conduit la France à s’affaiblir au sein de l’Union européenne parce que le précédent Président de la République est allé devant la Commission européenne, à peine élu, pour expliquer que notre pays n’était pas en situation de respecter les objectifs qu’elle s’était assignée à elle-même aux termes de l’adoption du traité de Maastricht.

Dès lors, nous sommes vraiment heureux qu’avec un tel niveau de professionnalisme, vous soyez en situation de nous donner des leçons, à nous qui redressons la France, qui diminuons les déficits, qui maîtrisons la dépense publique. Nous n’avons aucune leçon à recevoir de vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Partenariat entre le CEDUS et l’éducation nationale

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour le groupe écologiste.

Mme Laurence Abeille. Ma question s’adresse au ministre de l’éducation nationale et porte sur l’accord récemment conclu avec le lobby de l’industrie sucrière représenté par le CEDUS, le Centre d’études et de documentation du sucre. Cet accord confie au CEDUS la mission de délivrer pendant cinq ans aux enseignants, aux élèves et à leurs familles une « information sur la nutrition et la santé », c’est-à-dire qu’est confiée à l’industrie du sucre l’information nutritionnelle dans les écoles !

Pour ce faire, l’accord prévoit que le CEDUS « élabore et diffuse des supports d’information », réalise des « actions d’information » ou encore organise des « conférences et [des] visites d’entreprises ». Quelle sera la prochaine étape ? Confier à Monsanto le soin de mener une campagne d’information scolaire sur l’agriculture ?

Rappelons que le CEDUS nie les liens, pourtant scientifiquement démontrés, entre consommation excessive de sucre, diabète, surpoids et cancer ! Outre le fait d’être une aberration sanitaire, ce partenariat est incohérent avec le programme national nutrition-santé, qui vise à limiter la consommation de sucre. L’éducation sanitaire et nutritionnelle est une priorité de notre politique de santé, et cette mission incombe uniquement à l’État et aux organismes publics.

Les informations diffusées par le CEDUS ne sauraient être objectives, puisque le seul rôle d’un lobby est de défendre ses propres intérêts, et, en l’espèce, au mépris des besoins nutritionnels des enfants ! Sur le même point, il serait également nécessaire de revoir les modalités de fonctionnement de la « semaine du goût », confiée en grande partie aux lobbies de l’agroalimentaire, dont le CEDUS.

Alors, monsieur le ministre, comptez-vous suspendre ce partenariat avec l’industrie sucrière et mettre en place un programme d’éducation nutritionnelle cohérent avec les recommandations des autorités sanitaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

Un député du groupe UMP. En faillite !

M. le président. S’il vous plaît !

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Madame la députée, je comprends votre interrogation, mais je tiens à vous apporter plusieurs éclaircissements sur les questions que vous avez soulevées, en particulier la nature de cet accord entre l’éducation nationale et le Centre d’études et de documentation du sucre.

Premièrement, je suis favorable, vous le savez, à un rapprochement entre nos filières industrielles, nos filières professionnelles, dont l’excellence est grande, et le monde de l’économie.

M. Guy Geoffroy. C’est nouveau.

M. Vincent Peillon, ministre. Ce sujet concerne 35 000 étudiants qui sont dans ces filières qui honorent l’éducation nationale et qui nous sont d’ailleurs enviées à l’extérieur.

Il est utile que nos élèves en apprentissage, en alternance, travaillent avec les professionnels. Cela se fait depuis quarante ans.

M. Christian Jacob. Vous tuez l’apprentissage, vous le massacrez !

M. Vincent Peillon, ministre. Deuxièmement, je ne peux pas vous laisser dire, car c’est totalement inexact même si cela devient une mode vis-à-vis de l’éducation nationale…

M. Michel Herbillon. Vous la méprisez !

M. Vincent Peillon, ministre. …et un mépris à l’égard des enseignants, que le programme nutritionnel serait traité par les industries du sucre. Au contraire, ce programme est entièrement maîtrisé, évidemment, par l’éducation nationale…

M. Guy Geoffroy. Oui, comme pour le genre !

M. Vincent Peillon, ministre. …et la convention précise que la mission d’information du Centre d’études et de documentation du sucre doit se plier à toutes les dispositions du Programme national nutrition santé et que les documents et outils pédagogiques diffusés doivent d’abord avoir obtenu le logo du PNNS, qui est, comme vous le savez, indépendant.

Nous nous félicitons du travail avec les industries dans ce domaine comme dans d’autres. Nous respectons ces 35 000 étudiants. Je vous rappelle que ce ne sont pas elles qui font le programme nutritionnel. Enfin, s’il y a manquement à ces engagements, je vérifierai.

M. Guy Geoffroy. Comme pour le genre !

M. Vincent Peillon, ministre. Mais cessons d’introduire en permanence, ici comme là, des amalgames honteux à l’égard de l’éducation nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Redécoupage cantonal

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Gaymard. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Alors que l’urgence est économique et sociale, que l’insécurité devrait chaque jour mobiliser votre ministre de l’intérieur, il procède au plus grand tripatouillage électoral de l’histoire de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Hutin. N’importe quoi !

M. Hervé Gaymard. Sous couvert de la promotion de la parité, c’est une véritable opération politicienne qui est menée, qui nie la réalité des territoires comme l’a dit François Sauvadet (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI),…

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est vrai.

M. Christian Hutin. Arrêtez !

M. Hervé Gaymard. …qui procède à des redécoupages baroques, avec des cantons qui surmontent des crêtes et d’autres qui font cent kilomètres de longueur et dix kilomètres de largeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vous créez deux cents élus départementaux de plus alors qu’il y en a déjà trop ! (Mêmes mouvements.)



M. Christian Hutin. Et votre appartement, monsieur Gaymard ?

M. Hervé Gaymard. Tout cela pour assurer la prééminence du parti socialiste…

M. Guy Geoffroy. Ce qu’il en reste !

M. Hervé Gaymard. …et au passage, éliminer le parti communiste de la vie départementale. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Cette opération est très douteuse juridiquement.

M. Philippe Meunier. C’est un scandale !

M. le président. S’il vous plaît ! On écoute la question.

M. Hervé Gaymard. L’année dernière, les préfets ont reçu une circulaire au mois d’avril, un mois avant que la loi soit votée et six mois avant la parution des décrets d’application.

M. Jean Glavany. On n’a pas de leçon à recevoir de ce spécialiste de l’immobilier !

M. le président. Monsieur Glavany, calmez-vous.

M. Hervé Gaymard. Vous avez tardé à saisir les conseils généraux, dont plusieurs n’ont pas encore délibéré. Et enfin, cerise sur le gâteau, le 6 février dernier, date funeste, dans un décret concernant les élections européennes, figure un article 8 qui change la date de référence pour le calcul de la population.

Plusieurs députés du groupe UMP. Scandaleux !

M. Hervé Gaymard. Pour les élections municipales, vous prenez le recensement de l’INSEE de 2014 et là, vous rétropédalez en prenant le recensement de 2012. Monsieur le ministre, vous avez peur de l’attitude du Conseil d’État,…

M. le président. Merci, monsieur Gaymard.

M. Hervé Gaymard. …vous avez pris une disposition illégale ; il faut répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Étienne Blanc. Le charcutier !

M. Philippe Meunier. Combien de points a-t-il perdu dans les sondages aujourd’hui ?

M. Étienne Blanc. Justin Bridou !

M. le président. Modérez vos expressions.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le ministre Gaymard, je vous informe qu’à ce jour quatre-vingt-cinq décrets concernant le découpage dans les départements ont été validés par le Conseil d’État. Pour ce qui concerne les principes qui ont présidé et à la loi et au découpage, je note d’abord que vous êtes des experts dans l’art du découpage. (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) M. Cazeneuve parlait de professionnels, mais je me tourne vers votre collègue Marleix : les parlementaires savent ce qu’il en est. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît, chers collègues !

M. Franck Gilard. Les attaques personnelles sont inacceptables !

M. Manuel Valls, ministre. Sur les principes, je me permets de vous rappeler qu’il y en avait deux. D’abord, l’écart démographique. En Savoie, l’écart démographique était de un à huit. Pour appliquer les principes rappelés à chaque fois par le Conseil constitutionnel, il faut établir les principes qui visent au découpage.

M. Maurice Leroy. Au charcutage !

M. Manuel Valls, ministre. Concernant votre département, comment osez-vous, monsieur Gaymard, nous dire que nous nous abritons derrière la parité ? Dans votre département, il y a cinq femmes conseillères générales sur trente-sept. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Demain, il y en aura dix-neuf ! Si vous ne pensez pas que la parité est un élément fondamental, aujourd’hui, dans la vie politique, c’est que nous avons en effet un désaccord. Et c’est pour cela que vous n’avez pas voté cette loi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)



Quant à la logique du découpage, il s’appuie sur les intercommunalités,…



Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. François Sauvadet. Tripatouilleur !

M. Manuel Valls, ministre. …sous réserve de la démographie.

M. Alain Gest. Mensonge !

M. Manuel Valls, ministre. Et nous avons même prévu dans la loi qu’il y ait des exceptions. C’est d’ailleurs le cas dans deux cantons du département de la Savoie, celui de la Maurienne et celui d’Ugine.

Ce découpage se fait sur ces bases démographiques, pour la parité, en respectant la réalité de votre département. Vous êtes contre la démographie, vous n’acceptez pas les principes du Conseil constitutionnel. Tant pis ! C’est le choix qui a été fait par la majorité et par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Programmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Yves Durand. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, dimanche dernier, M. Copé a ajouté un titre à son palmarès : celui de champion du bobard ! Après avoir agité la peur d’une théorie du genre qui n’existe pas (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

M. le président. Allons ! Écoutez la question !

M. Yves Durand. …M. Copé a exhumé un livre que personne ne connaissait, si ce n’est, depuis trois jours, grâce à la publicité qu’il en avait lui-même faite. M. Copé a d’ailleurs sans doute oublié que ce livre date de 2009 : MM. Darcos puis Chatel étaient ministres de l’éducation nationale et M. Copé n’avait alors rien trouvé à redire. L’UMP est-elle à ce point gênée par son bilan, dramatiquement sanctionné par l’enquête PISA, qu’elle en est réduite à agiter les peurs les plus grotesques et à jeter la suspicion sur l’ensemble des enseignants ?

Malgré cette manœuvre, les parents, les Français font confiance à leur école et condamnent tous ceux qui l’utilisent pour leurs médiocres calculs électoraux. Il est temps que les républicains rétablissent la vérité : s’attaquer aux livres, comme certains extrémistes y invitent en ce moment, c’est s’attaquer à la liberté de pensée. Monsieur le ministre, c’est au nom de la nation que l’école enseigne. C’est pourquoi, la loi de refondation de l’école, votée par la gauche, a rétabli un conseil supérieur des programmes que la droite avait supprimé.

M. Claude Goasguen. Et le CNDP ? Cela n’a rien à voir avec le CNDP !

M. Yves Durand. Pour la première fois, des parlementaires, de tous les bords politiques – j’y insiste –, représentant la nation, y participent. Vous en avez confié la présidence à M. Alain Boissinot, grand recteur respecté de tous ici. Les programmes scolaires s’élaborent donc dans la plus grande transparence. Pouvez-vous nous donner, monsieur le ministre, les orientations des travaux du conseil supérieur des programmes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, dans ce même hémicycle, il y a quelques semaines, M. Jean-Louis Borloo avait demandé que l’école soit sanctuarisée…

M. Michel Herbillon. Pas avec vous comme ministre !

M. Vincent Peillon, ministre. …après le rapport PISA, parce que nous avions vu qu’en effet, pour l’avenir de notre pays, il n’est pas supportable que le niveau scolaire de nos élèves et de nos enfants ne cesse de baisser et que les inégalités s’accroissent.

M. Guy Geoffroy et M. Michel Herbillon. Mais qui est le ministre ?

M. Vincent Peillon, ministre. Tous ceux qui connaissent et qui aiment l’école – il en est sur tous les bancs de cette assemblée – savent ce qu’il faut faire : il faut donner la priorité au primaire, il faut être capable en même temps de former à nouveau les enseignants. Il faut être capable de revoir nos programmes pour les recentrer sur l’essentiel.

M. Christian Jacob. Et de revoir le ministre, aussi !

M. Vincent Peillon, ministre. Il faut accompagner nos enseignants en formation continue. Il faut opérer la transition numérique et le CNDP – je vous l’annonce, car, manifestement, vous n’avez pas suivi l’actualité – s’est transformé la semaine dernière, et c’est aujourd’hui le réseau Canopé qui va porter cette transition numérique pour répondre aux attentes des uns et des autres. Il faut améliorer le temps scolaire dans l’intérêt des enfants et sortir de cette exception française qui faisait qu’il y avait simplement quatre matinées de classe pour apprendre à lire, écrire et compter.

Cette réponse, c’est le choc PISA, c’est la refondation de l’école de la République, c’est ce que nous sommes en train de faire. Je demande aux uns et aux autres, où qu’ils se situent, d’ailleurs, de laisser l’école travailler et de permettre aux maîtres d’avoir l’autorité dont ils ont besoin, sans contester tous les jours, en instrumentalisant des faits divers, le travail de fond mené par l’école de la République. Nous sommes en train de redonner aux élèves, par la création de postes, par des réformes de structure, en agissant aussi sur l’éducation prioritaire, un horizon de réussite.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est faux !

M. Vincent Peillon, ministre. Nous devons poursuivre dans la durée cette action. Elle mérite le rassemblement national, elle mérite mieux que de fausses querelles, et je souhaite que tout le monde s’unisse dans ce travail, qui est d’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Politique budgétaire

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Yves Caullet. Le logement social à Neuilly !

M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le Premier ministre, ma question est extrêmement fondamentale et, en même temps, extrêmement simple. Vous devez trouver à peu près 50 milliards d’euros pour respecter le pacte de stabilité. Vous devrez trouver à peu près un peu plus de 10 milliards d’euros pour respecter le pacte de responsabilité que vous mettez en œuvre. Vous devez trouver à peu près 10 milliards d’euros pour compenser les aléas en dépenses et en recettes du budget 2014.

Donc arrêtons le flou, arrêtons le mystère. Quelles économies, monsieur le Premier ministre, allez-vous faire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je vous en prie ! De telles réactions sont inacceptables. Le ministre a la parole, on l’écoute. (Mêmes mouvements.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Merci, mesdames et messieurs, de me manifester votre affection de façon aussi ostentatoire !

Je sais, monsieur Fromantin, que vous êtes très impliqué dans ces questions. Nous avons eu l’occasion d’évoquer ensemble les importantes économies qu’il nous faut faire pour respecter nos engagements de finances publiques.

Un député du groupe UMP. Ça commence bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous avons d’ores et déjà, en 2014, fait 15 milliards d’économies (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP) : 9 milliards d’euros sur le budget de l’État et 6 milliards d’euros sur la sphère sociale.

Mme Bérengère Poletti. C’est faux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ces 9 milliards d’euros d’économies sur l’État résultent, pour ce qui concerne les administrations centrales de l’État, d’une diminution de 2 % des dépenses de fonctionnement. Pour ce qui concerne les opérateurs de l’État, alors qu’au cours des années 2007-2012, leur budget avait augmenté de 15 % et leurs dépenses de personnel de 6 %, nous avons présenté en loi de finances un budget des opérateurs de l’État en diminution de 4 %. Nous avons aussi remis en cause un certain nombre d’investissements et de participations de l’État en revoyant un certain nombre de politiques publiques. Je pense notamment, au terme des travaux conduits par le député Philippe Duron, au schéma des infrastructures de transports.

Quant aux 6 milliards d’euros d’économies réalisés sur la sphère sociale, ils résultent d’efforts importants sur les dépenses d’assurance maladie et de l’entrée en vigueur de la réforme des retraites. Comme je l’ai indiqué devant la commission des finances, les dépenses d’assurance maladie sont sous-exécutées en 2014 à hauteur de près d’un milliard d’euros.

Nous allons poursuivre ce travail. Je suis en train de recevoir l’ensemble des ministres pour présenter un programme d’économies. Ces économies seront situées dans plusieurs champs. D’abord, nous allons poursuivre le travail de rationalisation des opérateurs de l’État, dont nous attendons un volume d’économies significatif. Nous allons poursuivre le travail de mise en œuvre de la stratégie nationale de santé, qui doit permettre de réaliser un niveau important d’économies…

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

Rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Éric Straumann, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Éric Straumann. Ma question s’adresse au ministre de l’éducation nationale.

M. Jean-Yves Caullet. Les rythmes scolaires, sans doute ?

M. Éric Straumann. Monsieur le ministre, vous affirmez que plus de 80 % des maires ont adressé, au 31 janvier dernier, un courrier permettant la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires.

Plusieurs députés du groupe SRC. Très bonne réforme !

M. Éric Straumann. Disons la vérité : le plus souvent, ils se sont contentés de répondre à l’insistance de leur inspecteur de l’éducation primaire…

M. Jean-Yves Caullet. Heureusement !

M. Éric Straumann. …en proposant des horaires, sans aucun projet éducatif territorial.

M. Philippe Le Ray. Exactement !

M. Éric Straumann. En 2007, un candidat à l’élection présidentielle avait dénoncé les « orphelins de seize heures ». En 2017, si vous persistez, nous débattrons des « orphelins de quinze heures quinze ».

De nombreux maires n’ont adressé aucune réponse fin janvier. Que va-t-il maintenant se passer pour ces communes ? Depuis les lois de décentralisation de 1983, le maire est compétent pour fixer les horaires des classes. Allez-vous donner aux recteurs l’instruction de prendre des arrêtés s’imposant à ces communes ? Avez-vous conscience de la fragilité de ces arrêtés ?

Répondant à l’attente des parents et aux intérêts des enfants, les écoles privées de ma circonscription resteront au rythme actuel de quatre jours,…

M. Jean-Yves Caullet. C’est dommage !

M. Éric Straumann. …ce qui va encore renforcer leur attractivité, au détriment des écoles publiques. Comment pouvez-vous justifier que votre réforme ne s’applique pas aux établissements privés ?

Monsieur le ministre, le parti socialiste vous a désigné comme tête de liste aux élections européennes du mois de mai prochain. Vous quitterez probablement vos fonctions ministérielles. Soyez charitable avec votre successeur : ne lui refilez pas cette patate chaude ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Guy Geoffroy. Expédiez Peillon dans le Sud-Ouest !

Plusieurs députés du groupe UMP. À Strasbourg !

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, comme je viens de le dire à Yves Durand, il est sûr que le redressement scolaire de notre pays va supposer, de la part des uns et des autres, un certain nombre d’efforts. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Alain Gest. C’est ce qu’on vous demande !

M. Vincent Peillon, ministre. Mais la pente de la facilité que notre pays a suivie pendant tant d’années a conduit aux résultats que vous avez pu constater. Lorsqu’on supprime 80 000 emplois, lorsqu’on supprime la formation des professeurs,…

M. Christian Jacob. Ce n’est pas la question !

M. Vincent Peillon, ministre. …lorsqu’on supprime une demi-journée de classe sans aucune consultation des élus locaux, alors on obtient les résultats désastreux que la majorité précédente a connus en matière scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Oui, il y a un moment où, pour notre jeunesse, les adultes doivent faire un effort. Chacun doit y contribuer. Et je suis le premier à dire que cette réforme nous engage, les uns et les autres ; elle doit être portée par les femmes et les hommes de bonne volonté, dans l’école et à l’extérieur de l’école, dans une coopération la plus étroite possible, y compris entre l’éducation nationale et les collectivités locales,…



M. Guy Geoffroy. C’est ça ! Vous décidez, nous payons !

M. Vincent Peillon, ministre. …qui trouvent là une occasion qu’elles n’avaient jamais eue pour s’investir dans le travail péri-éducatif,…

M. Guy Geoffroy. Nous ne vous avons pas attendu pour cela !

M. Vincent Peillon, ministre. …en bénéficiant, en outre, de financements nouveaux.

Monsieur Straumann, je vous sens inquiet,…

M. Jacques Alain Bénisti. Ce sont les parents qui sont inquiets !

M. Vincent Peillon, ministre. …peut-être que vous considérez tout à l’aune de votre bonne volonté. Je veux donc vous communiquer les résultats dont nous disposons au 31 janvier de cette année, en particulier dans votre département.

M. Christian Jacob. On s’en fiche ! Ce n’est pas la question !

M. Vincent Peillon, ministre. Sur les 453 communes qui devaient passer aux nouveaux rythmes scolaires, 406 communes – soit 90 % – ont déjà déposé leur nouvel aménagement des rythmes scolaires. Six communes rencontrent des difficultés, et nous les aidons. Vingt-trois communes ne veulent pas passer aux nouveaux rythmes, pour des raisons idéologiques.

M. Philippe Le Ray. Cette réponse est complètement vide !

M. Vincent Peillon, ministre. Je tiens à vous dire que la responsabilité de cette mauvaise volonté, c’est la vôtre. Nous aiderons tous ceux qui le veulent à avancer, dans l’intérêt des élèves. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Travailleurs détachés

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. François Rochebloine. Monsieur le ministre du travail, les artisans du bâtiment traversent une situation dramatique.

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. François Rochebloine. Ils doivent faire face à la chute des constructions et des rénovations de logements, à l’augmentation du taux de TVA de 7 à 10 % depuis le 1er janvier, à la baisse du nombre d’apprentis, mais aussi à une concurrence de plus en plus rude des travailleurs détachés.

La semaine prochaine, notre assemblée examinera la proposition de loi visant à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale.

M. Christian Paul. Très bonne proposition de loi !

M. François Rochebloine. Vous le savez, ce texte reçoit un accueil favorable de la part des entreprises artisanales, qui dénoncent depuis longtemps les effets de l’application de la directive sur le détachement des travailleurs ; elles avaient d’ailleurs exprimé leurs vives inquiétudes lors de deux mouvements nationaux en 2013. Ces entreprises sont donc particulièrement attentives aux dispositions contenues dans la proposition de loi, qui émanent d’un rapport dont notre éminent collègue Michel Piron était co-auteur. Il semblerait toutefois que certaines mesures, dont l’objectif consiste à imposer des contraintes nouvelles aux opérations de détachement, se heurtent à des résistances.

Monsieur le ministre, le groupe UDI vous appelle à demeurer vigilant, afin de conserver toute la force des dispositions de ce texte. Je pense notamment à la responsabilité conjointe, solidaire et financière, du maître d’ouvrage, ainsi qu’aux conditions de mise en œuvre d’une liste noire répertoriant les entreprises condamnées pour cause de détachement illégal.

Mme Joëlle Huillier. Très bonnes mesures !

M. François Rochebloine. Par ailleurs, ces dispositions ne seront efficaces qu’à la condition d’être accompagnées de moyens humains et financiers, afin de permettre aux inspecteurs de mener des opérations de contrôle efficientes.

Aussi, monsieur le ministre, vous devez lutter contre le dumping social exercé par ces travailleurs détachés. Vous devez préciser les moyens que vous entendez mettre en œuvre pour atteindre cet objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Guy Geoffroy. Et du chômage !

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Merci, monsieur Rochebloine, de votre question qui est en même temps un soutien à une action d’intérêt général, laquelle peut parfaitement être soutenue sur l’ensemble des bancs de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

La bataille a été menée à trois niveaux. Le premier niveau – vous y avez fait allusion – est européen. Ce n’était pas le plus simple, car il nécessitait de réunir une majorité qualifiée, et donc de convaincre de nombreux pays de suivre la position de la France, qui consiste à changer un certain nombre de règles au niveau européen pour rendre difficile, et même interdire, avec les moyens juridiques nécessaires, la mise en œuvre de mécanismes de détachement illégal, c’est-à-dire d’exploitation éhontée de salariés européens au détriment de l’économie française comme des travailleurs salariés en France. Nous avons réussi cette première étape, grâce à un soutien général. Je vous incite, les uns et les autres, à faire en sorte qu’une majorité se dégage au Parlement européen pour soutenir cette position.

Le deuxième niveau est français – vous y avez également fait allusion. Nous devons intégrer dans notre droit français des dispositions qui permettront l’entrée en vigueur de ces nouvelles mesures en France. Comme vous, je tiens énormément à la responsabilité solidaire : il faut que celui qui donne les ordres en haut soit responsable de ce qui se passe tout en bas, et arrête de fermer les yeux sur ce qui se passe sur un chantier sous prétexte qu’il n’aurait pas pu procéder à des vérifications. Il sera responsable.

M. Guy Geoffroy. Il faut aussi que François Hollande soit responsable de tout ce qu’il fait !

M. Michel Sapin, ministre. Il faut que les entreprises qui se conduisent mal soient connues de tous, en particulier des donneurs d’ordre. Parmi ces derniers, on compte aussi beaucoup de collectivités territoriales, qui ne doivent pas confier des travaux aux entreprises non-respectueuses du droit français.

M. Pierre Lequiller. Notamment à Toulouse !

M. Michel Sapin, ministre. J’en viens au troisième niveau. Vous avez parfaitement raison : il faut se battre sur le terrain. Il faut y aller concrètement, il faut y aller franco, si je puis me permettre. Les services de mon ministère – l’inspection du travail –, ceux de l’URSSAF et ceux du ministère de l’intérieur doivent agir conjointement. Je l’ai déjà fait plusieurs fois, et nous continuerons : ce sera un combat sans relâche. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Ordures ménagères

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Marie Sermier. Ma question s’adresse à M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Le service de collecte, d’enlèvement et de traitement des ordures ménagères n’est pas un service comme les autres. Il est d’une complexité effrayante et son coût a été multiplié par quatre en vingt ans.

Devant l’augmentation des tonnages, des collectivités ont déjà réagi. D’autres doivent se saisir du problème et c’est pour les inciter que le Grenelle de l’environnement a été voté à l’unanimité. Sur la facture des ordures ménagères, il est prévu d’instaurer une part variable calculée sur le poids ou le volume des déchets produits, mais la mise en œuvre de cette mesure risque d’être catastrophique pour le pouvoir d’achat des Français.

Une récente étude d’UFC Que Choisir montre que, malgré une baisse de 10 % des ordures ménagères et, parallèlement, une hausse des déchets apportés en déchetterie, la facture des ordures ménagères ne diminuerait que de 2 %.

Dès lors, comment expliquer aux Français qu’il faut mieux trier alors qu’ils ne paieront pas moins ? Je pense pour ma part qu’il faut trier mieux pour payer moins. Au contraire, certains élus préparent déjà les habitants à une hausse des tarifs, qui viendrait s’ajouter à toutes celles que les Français ont déjà dû subir en 2013 et 2014. Cela devient insupportable : l’ombre d’une nouvelle écotaxe, avec son lot de bonnets rouges, vous guette.

Monsieur le ministre, la redevance incitative ne doit pas conduire à l’augmentation du coût du service des ordures ménagères : elle doit, au contraire, permettre de baisser la facture des ménages qui trient bien. Voilà l’esprit du Grenelle.

À l’heure où les Français sont étranglés par vos impôts, pourriez-vous nous préciser les mesures que vous comptez mettre en œuvre pour que l’esprit du Grenelle soit respecté et ainsi protéger la planète et le pouvoir d’achat des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Guy Geoffroy. Et des déchets !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, je tiens tout d’abord à excuser l’absence de Philippe Martin, en déplacement sur le littoral atlantique en raison des difficultés liées aux conditions météorologiques.

M. Guy Geoffroy. Cela tombe bien, vous êtes le ministre de l’écotaxe !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je vais simplement apporter un certain nombre de réponses à votre question, déterminante pour les territoires et pour l’avenir de la fiscalité environnementale, d’autant que le modèle du produire, du consommer et du jeter a ses limites et doit être dépassé. Il faut que nous donnions toute sa place à l’économie circulaire, en raison non seulement de la crise économique et de la raréfaction des ressources, mais aussi de la sensibilité du sujet pour les ménages et les collectivités.

Soutenir des nouveaux modèles de consommation et encourager de nouvelles pratiques des collectivités constituent un enjeu majeur. Cette transition a été entérinée par la conférence environnementale, au mois de septembre 2013, et confirmée lors de la conférence de mise en œuvre de l’économie circulaire. La Commission européenne elle-même en a fait l’un de ses engagements dans le cadre de la feuille de route sur les ressources.

Ce projet a une dimension stratégique et économique ; il est également source d’emplois. Au-delà de l’enjeu environnemental, il a des conséquences en matière emploi et de pouvoir d’achat pour l’ensemble des ménages.

Au sein de votre assemblée, plusieurs parlementaires travaillent sur cette question : M. Cottel, M. Potier, M. Lambert, M. Chevrollier. La fiscalité du déchet sera discutée dans le cadre du conseil national des déchets et abordée lors de la conférence environnementale. Je puis vous assurer que les travaux des parlementaires seront suivis par le Gouvernement avec beaucoup d’intérêt. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Exportations agroalimentaires

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Nieson, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Nathalie Nieson. Monsieur le ministre délégué chargé de l’agroalimentaire, avec la majorité, grâce à notre action ambitieuse et déterminée, grâce à notre politique alliant sérieux budgétaire et priorité à la production et l’emploi, il n’y a pas que le déficit budgétaire qui diminue.

En effet, les chiffres du commerce extérieur pour 2013 ont été publiés cette semaine : le déficit de la balance commerciale a diminué de 6 milliards d’euros cette année. Nous sommes très loin du mauvais chiffre de 74 milliards d’euros enregistré en 2011 par le précédent Gouvernement.

Cette diminution, qui est une nouvelle étape bienvenue pour contribuer au redressement productif français, doit impérativement se poursuivre en 2014. Vous pouvez compter sur la majorité et sur l’ensemble du Gouvernement pour agir avec vous dans ce sens.

Nous savons aussi pouvoir compter sur votre détermination et votre proximité avec le secteur agroalimentaire : j’en veux pour preuve votre venue, le 30 janvier dernier, dans mon département, la Drôme, pays de la raviole et de la pogne, notamment à Romans et à Bourg-de-Péage. Vous y avez rencontré des entreprises de ce secteur. D’ailleurs, à cette occasion, vous avez évoqué un nouveau dispositif, de nouvelles mesures d’accompagnement personnalisé à l’export.

Monsieur le ministre, ma question est simple : de quoi s’agit-il ? Quelle est votre ambition pour ce pan entier de notre économie qu’est le secteur agroalimentaire français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’agroalimentaire.

M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire. Madame la députée, vous l’avez dit, nous avons obtenu un très bon résultat en 2013 dans le domaine de l’agroalimentaire, puisque le solde commercial a augmenté de 3,3 % pour atteindre un excédent de 11,6 milliards d’euros.

M. Philippe Le Ray. Ce n’est pas grâce à vous !

M. Guillaume Garot, ministre délégué. Je retiens d’abord que l’agriculture et l’agroalimentaire sont bien une force pour l’économie de notre pays. Pour autant, nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers. Il y a bien sûr les fleurons de l’agroalimentaire à l’export que sont les vins, les spiritueux, les produits laitiers, et les céréales. Mais, nous savons que nous pouvons faire beaucoup mieux dans certains secteurs : je pense aux viandes, à la confiserie, au chocolat et à la biscuiterie.

L’ambition que nous nous sommes fixée, avec Stéphane Le Foll et sous l’autorité du Premier ministre, est de retrouver la deuxième place mondiale des exportateurs agroalimentaires. Vous l’avez dit, nous avons perdu des places depuis dix ans : nous ne sommes plus qu’au cinquième rang.

Pour ce faire, il faut placer l’ambition pour l’export au service de l’ambition pour l’emploi. En effet, chaque fois que nous améliorons nos résultats en matière d’exportation alimentaire d’un milliard, dix mille emplois peuvent être consolidés ou créés.

Dès lors, comment agir ? Il faut d’abord ouvrir des marchés : c’est ce que nous faisons avec Laurent Fabius, dans le cadre de la diplomatie économique. Cela passe également par le programme que nous avons lancé, avec Nicole Bricq, dans votre région, madame la députée, pour accompagner deux cent cinquante entreprises à l’exportation, depuis le lieu de production sur les territoires jusqu’au lieu de distribution dans les pays où nous voulons prendre des positions.

Voilà l’ambition que nous nourrissons et les moyens que nous dégageons aujourd’hui pour l’exportation agroalimentaire française. C’est un combat pour l’emploi, un combat pour la croissance, un combat pour le redressement économique de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ukraine

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Lellouche. Monsieur le président, cette question s’adressait à M. Fabius. En son absence, elle s’adressait au Premier ministre. Je ne sais plus, maintenant, à qui elle s’adresse, mais vous allez décider entre vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Elle concerne, en tout cas, un sujet d’une importance capitale pour l’avenir de l’Europe, je veux parler de l’Ukraine. Il y a deux mois et demi, le président ukrainien Ianoukovitch décidait de rompre brutalement les négociations avec l’Europe et de ne pas signer l’accord d’association. Pour prix de ce retournement, M. Poutine lui avait promis 15 milliards de dollars et une baisse sensible du prix du gaz. En bref, l’Ukraine retournait dans le giron de la Grande Russie.

Mais la réaction imprévue du peuple ukrainien qui, deux mois et demi après, occupe toujours la place de Maïdan, a stoppé net ce scénario. Les Ukrainiens ont envie des valeurs de l’Europe. Ils refusent de continuer avec ce régime qui pille sans vergogne le pays. Mes chers collègues, le prix de cette insurrection contre un régime qui pratique la corruption et le pillage a été très lourd : six morts, des milliers de blessés, souvent torturés, 200 journalistes bastonnés, les auteurs de ces crimes agissant en toute impunité.

La crise atteint, ces jours-ci, son apogée, puisque, après la démission du Premier ministre, un nouveau gouvernement doit être nommé dans les jours qui viennent. De deux choses l’une : soit ce sera un gouvernement tourné vers les élections, soit ce sera un gouvernement qui retournera vers la Russie.

Depuis le début de cette crise, la France se caractérise par un silence assourdissant. Je voudrais donc demander à quiconque est là pour répondre…

M. Jean Glavany. Ce sont les questions au Gouvernement ! Un peu de respect !

M. Pierre Lellouche. …quelle est la politique de la France à l’égard de l’Ukraine. Y a-t-il une politique vis-à-vis de ce pays ? Y a-t-il une politique concernant d’éventuelles sanctions ? Y a-t-il une politique vis-à-vis de la Russie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le député, je ne vous ai pas vu en Ukraine lorsque je m’y suis rendu à plusieurs occasions au début du mois de décembre !

M. Pierre Lellouche. J’y étais hier !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je ne vous ai pas vu à Vilnius lorsque nous avons traité le problème ukrainien (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Lellouche. Ce n’est pas vrai !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …à l’occasion d’une rencontre avec les ministres européens ! Je ne vous ai pas vu à Bruxelles pour connaître l’implication de l’Union européenne…

M. Bernard Deflesselles. Zéro !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …car il s’agit de l’implication de l’Union européenne, dans ce dossier.

Plusieurs députés du groupe UMP. Zéro !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le député, plusieurs principes devraient vous mobiliser comme nous le sommes.

Premier principe : il faut que les violences cessent. Nous n’avons cessé de le dire aux autorités ukrainiennes,…

M. Pierre Lellouche. Vous n’avez rien dit !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …comme l’a dit Laurent Fabius, voici dix jours, au ministre des affaires étrangères ukrainien.

M. Pierre Lellouche. Vous n’avez pas dit un mot !

M. le président. Monsieur Lellouche. Vous avez posé votre question, écoutez la réponse !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Nous avons aussi assuré en direct les principaux leaders de l’opposition – M. Iatseniouk et M. Klitschko –, voici quelques jours, que nous serions à leurs côtés.

Deuxièmement, nous devons mobiliser la communauté internationale, et notamment l’Union européenne et les institutions financières internationales, pour la mise au point d’un plan d’accompagnement financier dès lors qu’il y aura, en face, des réformes structurelles, économiques et politiques.

M. Pierre Lellouche. Où est la France ?

M. le président. Monsieur Lellouche !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Nous devions aussi, collectivement, assurer au peuple ukrainien que nous étions à ses côtés pour faire pression, et cela a marché. J’en veux pour preuve les décisions prises il y a quelques jours par le Parlement ukrainien, la Rada, qui a abrogé une dizaine de lois scélérates…

M. Pierre Lellouche. Elle n’a rien abrogé ! Vous ne connaissez même pas votre dossier !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …et liberticides votées le 16 janvier dernier.

M. Guy Geoffroy. Je n’ai rien compris !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le député, ce qui compte, c’est que nous soyons force de proposition pour que le dialogue politique avec l’Ukraine soit de nouveau serein et pour que le mandat de Cathy Ashton soit couronné de succès dans les jours qui viennent. Elle est en Ukraine aujourd’hui. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Impayés de pension alimentaire

M. le président. La parole est à M. Sébastien Denaja, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Sébastien Denaja. Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à dire à notre mal informé collègue Alain Tourret que non, Midi Libre n’est pas menacé de disparition, et que ce journal réalisera même, cette année, des bénéfices ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Ses lecteurs et ses personnels peuvent être rassurés !

Ma question porte sur les impayés de pension alimentaire. Au cours du précédent quinquennat, la droite, loin d’avoir protégé les familles comme elle le prétend aujourd’hui, a, au contraire, laissé se dégrader leur niveau de vie, leur pouvoir d’achat, tout en creusant le déficit – un de plus ! – de la branche famille ! Ce sont les familles les plus fragiles, les plus modestes, les familles nombreuses et surtout les mères isolées qui ont été les victimes de cette politique de casse familiale.

En fait, en matière de politique familiale, il y a ceux qui se gargarisent de belles déclarations d’amour et ceux qui donnent de réelles preuves d’amour. Aimer les familles, c’est aider les familles, et d’abord les plus fragiles, donc les familles monoparentales. On sait qu’en France, 40 % des pensions alimentaires sont impayées ou irrégulièrement versées. Ce problème touche un grand nombre de familles particulièrement vulnérables, notamment des mères qui élèvent seules leurs enfants. Ce problème est d’autant plus sensible que les pensions alimentaires représentent un cinquième, voire un quart, des revenus de ces familles.

On sait aussi que le taux de recouvrement de ces pensions impayées est aujourd’hui beaucoup trop faible. Alors, il faut agir plus fortement pour aider ces enfants, pour aider ces mères à faire face à cette situation financière difficile et à recouvrer les pensions auprès de l’autre parent, qui ne doit plus pouvoir fuir ses responsabilités et échapper à ses devoirs.

Ma question est simple : dans quelle mesure l’expérimentation d’une garantie publique contre les impayés de pension alimentaire, prévue par le projet de loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, apportera une réponse concrète à ce problème ?

Enfin, le Gouvernement peut-il nous préciser s’il entend revaloriser, dès cette année, l’allocation de soutien familial ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement. En ces moments où de nombreux slogans réducteurs et théories fallacieuses sont brandis, je vous remercie, monsieur le député, de nous faire replonger dans la réalité des familles (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), en particulier celles qui ont le plus besoin de nous, c’est-à-dire les plus précarisées. Les familles monoparentales en font, de fait, partie, notamment lorsque les parents isolés sont confrontés à ces impayés de pensions alimentaires qui se sont multipliés ces dernières années.

Le Gouvernement a décidé de prendre à bras-le-corps ce sujet et d’y apporter des réponses à la fois ambitieuses et pragmatiques, adaptées à la réalité. Nous avons donc créé, dans le projet de loi sur l’égalité femmes-hommes, un dispositif de garantie contre les impayés de pension alimentaire. En quoi cela consiste-t-il ? Il reviendra désormais aux caisses d’allocations familiales de se substituer au débiteur, dès le premier mois d’impayé, pour verser au parent isolé et à son enfant une allocation de soutien familial dont la ministre chargée de la famille a, ce matin même, précisé qu’elle allait être revalorisée dès le 1er avril prochain.

Elle sera d’un montant de 95 euros par enfant et par mois et sera portée à 120 euros d’ici à 2018. Lorsqu’elle aura versé cette allocation, la CAF se retournera vers le débiteur défaillant pour recouvrer son dû, car il n’est pas question de dédouaner de sa responsabilité le parent qui ne paie pas sa pension alimentaire. La CAF le fera avec des outils renforcés, qui lui permettront véritablement de récupérer son dû. C’est un point essentiel.

Nous luttons également contre la précarité lorsque nous prévoyons que, dans le cas où les pensions alimentaires fixées en justice sont d’un très petit montant, la CAF puisse, là encore, les compléter pour que l’enfant ne soit pas lésé.

Ce matin même, nous nous trouvions en Seine-et-Marne, qui fait partie, comme d’ailleurs votre département de l’Hérault, des vingt départements qui prépareront cette réforme d’importance avant qu’elle ne soit généralisée à tout le territoire français. Je peux vous dire que les agents des CAF sont très heureux de pouvoir, enfin, apporter des réponses aux familles monoparentales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président



M. le président. La séance est reprise.

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Artisanat, commerce et très petites entreprises

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (nos 1338, 1739).

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de vingt heures.

Chaque groupe dispose du temps de parole suivant : cinq heures vingt-cinq minutes pour le groupe SRC, huit heures vingt minutes pour le groupe UMP, deux heures trente minutes pour le groupe UDI, une heure quinze minutes pour le groupe écologiste, une heure quinze minutes pour le groupe RRDP, une heure quinze minutes pour le groupe GDR, les députés non inscrits disposant de trente minutes.

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs, le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises que j’ai présenté en conseil des ministres en août dernier démontre l’attention que porte le Gouvernement à ces entrepreneurs, à ces salariés qui, tous les jours, dans nos communes, nos quartiers, nos campagnes, participent au redressement économique de notre pays et font vivre nos territoires.

Ce projet est destiné à ces 3 millions de très petites entreprises françaises qui, à elles seules, représentent tout de même 25 % de notre PIB et à leurs 3,5 millions de salariés. Il était plus que jamais nécessaire ; je suis très heureuse de pouvoir aujourd’hui vous le présenter.

Les petites et les très petites entreprises ont des besoins spécifiques en termes de gestion et d’accompagnement, qui justifient une approche différenciée des grandes entreprises. Il ne s’agit là nullement d’opposer grandes et petites entreprises – chacun sait combien leur coopération étroite est nécessaire au dynamisme de notre économie – mais ce constat ne doit pas nous conduire à oublier la nécessité d’une approche adaptée.

L’utilité de l’action publique pour développer les PME et encourager leur création nous paraît aujourd’hui évidente. Elles sont porteuses d’innovation, de dynamisme, créatrices d’emplois et de modernité. Mais nous devons aller encore plus loin désormais et reconnaître qu’une entreprise de moins de dix salariés n’a pas les mêmes besoins qu’une PME de cinquante salariés, qu’une simplification de toutes les procédures est nécessaire pour réveiller l’esprit entrepreneurial et réconcilier les entrepreneurs entre eux, comme le souhaite le Président de la République.

La politique économique, pour être efficace, pour être juste, et pour permettre à l’ensemble de nos concitoyens de vivre mieux, doit donc aujourd’hui apporter des réponses adaptées à ces entreprises qui souffrent car, plus que jamais, elles ont besoin de nous, elles ont besoin de l’appui de l’État.

Ces entreprises ont subi de plein fouet la crise économique, les mutations démographiques, l’urbanisation. Elles sont confrontées à l’évolution de leurs métiers, à la révolution numérique. Elles subissent les changements de mode de consommation des Français, la dématérialisation des échanges, l’instantanéité du besoin d’achat.

Pourtant, elles sont au cœur de l’identité même de la France. Ce sont nos entreprises artisanales qui fabriquent chaque jour ce qui fait la fierté de notre pays, qui pérennisent un savoir-faire d’excellence de leurs salariés, savoir-faire que le monde entier nous envie, qui défendent leur spécificité comme les entreprises du patrimoine vivant ou nos métiers de bouche, qui font vivre la gastronomie française. Ce sont nos entreprises artisanales qui perpétuent des traditions ancestrales ancrées dans des territoires. Ce sont nos commerces qui font l’identité de nos communes. Personne ne souhaite voir l’ensemble des centres-villes avec les mêmes enseignes, unifiés, sans âme, et ayant perdu tout ce qui fait une partie du charme français.

Pourtant, vous le savez très bien, l’internationalisation est en marche. Qu’on aille à Paris, Londres, Madrid ou Berlin, ce sont les mêmes avenues commerciales que nous retrouvons, avec les mêmes enseignes.

Je ne crois pas à la fatalité. L’État doit répondre à ces préoccupations. Nous avons la conviction que notre responsabilité, celle du Gouvernement, est de les protéger, de les accompagner dans leurs mutations et de redonner aux élus les moyens de l’action.

C’est avec le même objectif que j’ai défendu l’extension des indications géographiques protégées aux produits manufacturés dans le projet de loi de Benoît Hamon sur la consommation, que j’ai souhaité instaurer un label sur les plats faits maison dans les restaurants ou encore réguler l’implantation des drive dans le projet de loi ALUR de Cécile Duflot.

Telle est l’ambition du texte que je présente aujourd’hui : faire participer l’artisanat et le commerce de proximité à l’animation des territoires. Soutenir ces entreprises constitue un impératif politique, mesdames et messieurs les députés. Outre les conséquences qu’a leur activité sur l’économie des territoires et sur l’emploi, elles jouent aussi un rôle essentiel en matière de lien social et de vivre-ensemble. Les entreprises du commerce et de l’artisanat rendent de véritables services à la population. Le rôle convivial du commerce,

l’animation qu’il assure et l’attractivité qu’il exerce sur les consommateurs sont irremplaçables et conformes aux aspirations des Français qui attendent d’un développement durable de la France une nouvelle prise en compte des services de proximité.

Ce qui guide mon action, c’est bien la défense de nos valeurs républicaines que sont l’égalité, la justice et la proximité. Dans cette perspective, je ne perds pas une occasion de financer le maintien de dernières boulangeries dans nos communes ou de commerces multi-services grâce aux crédits du FISAC. Mais pour qu’un commerce multi-services héberge un point-poste, encore faut-il qu’il existe un commerce multi-services ! C’est la raison pour laquelle nous devons maintenir et rénover le FISAC, comme le propose le projet de loi. Le contexte actuel nous oblige à apporter des réponses concrètes aux inquiétudes de nos concitoyens. Le texte rend donc aux élus locaux des marges de manœuvre pour renforcer leur action de proximité et défendre, eux aussi, la présence des très petites entreprises, qui traversent une période difficile.

Elles doivent en effet faire face à la crise, à la complexité toujours plus importante du droit et des procédures et au besoin de réponses rapides et concrètes des Français. Dans un tel contexte, la proximité est essentielle. Il est nécessaire d’agir rapidement et de trouver des solutions pour maintenir un tissu économique qui est indispensable à nos territoires. C’est pourquoi le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du texte, par ailleurs concis. Je remercie Fabrice Verdier, rapporteur du projet de loi, pour son implication et l’excellent travail réalisé, ainsi que tous les députés qui ont travaillé le texte avec énergie et passion lors des travaux en commission, dont je remercie le président, François Brottes.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est trop d’honneur, madame la ministre !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Le projet de loi comporte deux grands volets. Le premier concerne les entreprises et vise à mieux les protéger et à en simplifier la création. Le second s’adresse aux élus locaux et vise à leur donner des outils plus efficaces. Le premier volet est destiné aux commerçants, aux artisans et aux très petites entreprises. Tout d’abord, nous réformons le bail commercial, dont procède le local qui est l’origine même de l’activité économique et qui constitue le premier outil de travail. La plupart des entreprises artisanales et commerciales sont titulaires d’un bail susceptible d’évoluer et, de ce fait, inapte à les protéger de la pression concurrentielle dont font l’objet les meilleurs emplacements. Il était nécessaire de faire enfin du bail un document rétablissant l’équilibre des relations entre bailleurs et preneurs. Le bail dérogatoire, grâce auquel les entreprises démarrant leur activité ne s’engagent pas pour une période trop longue sans connaître la viabilité de leur projet, sera étendu à trois ans au lieu de deux aujourd’hui, durée mieux adaptée à la montée en puissance des projets.

Le projet de loi met aussi un terme à une évolution du prix du loyer qui n’est plus liée à la réalité économique des entreprises. L’article 2 fait donc de l’indice des loyers commerciaux la référence d’indexation des loyers. Contrairement à l’indice du coût de la construction utilisé actuellement, l’ILC reflète le contexte économique de la zone d’implantation et constituera donc un facteur de justice et d’équité pour les commerçants. Par ailleurs, le projet de loi limite à 10 % les réajustements susceptibles d’être appliqués annuellement au preneur en cas d’exception au plafonnement des baux. Il s’agit d’une mesure essentielle permettant aux commerces de faire face à des hausses brutales liées à un changement de contexte susceptible de les chasser des centres-villes, comme la jonction avec une ligne de transport en commun ou l’ouverture d’équipements. Les commerces ont besoin de stabilité, de prévisibilité et de visibilité pour se développer. Il n’est pas acceptable que le loyer pèse plus que la masse salariale, comme cela arrive. En commission, ce point de vue a fait consens et je suis heureuse de voir les députés rassemblés en faveur d’une mesure indispensable pour préserver un tissu commercial diversifié.

Il était en outre nécessaire de rétablir un équilibre entre le locataire et le propriétaire, leur relation étant fortement asymétrique dans le cas des baux commerciaux. L’état des lieux est rendu obligatoire et il est prévu d’annexer au bail un inventaire précis des charges locatives ainsi que leur répartition entre le preneur et le bailleur. Un droit de préférence est également reconnu au preneur lors de la vente du bien qu’il occupe. Ce qui est une évidence pour les particuliers n’avait pas cours pour les commerçants, qui peuvent voir leur local vendu sans même en être informés ni disposer de la possibilité de le racheter. Enfin, en vue de la simplification des relations et pour limiter autant que possible le recours au juge en cas de désaccord, la compétence des commissions de conciliation est étendue aux litiges portant sur les charges, qui sont les plus fréquents.

Le projet de loi s’adresse ensuite à toutes les très petites entreprises. Il vise à faciliter leur création et l’exercice de leur activité. Il existe aujourd’hui beaucoup de régimes différents, peu lisibles pour qui veut créer une entreprise et complexes à vivre quotidiennement pour le chef d’entreprise. Le texte propose donc d’en simplifier l’accès, d’alléger les formalités comptables de structures fragiles et de poser les bases d’un régime unique de la micro-entreprise. Une telle réforme structurelle est particulièrement longue et complexe, c’est pourquoi nous vous proposons, mesdames et messieurs les députés, d’en arrêter les principes et de simplifier les régimes déjà en vigueur.

Tout d’abord, le texte s’adresse aux artisans. La superposition juridique de notions accolées à leur statut le rend illisible. Le projet de loi supprime la notion d’artisan qualifié, dont l’existence même crée une ambiguïté en laissant accroire que certains artisans ne sont pas qualifiés. Être artisan, cela voudra dire désormais qu’on est un chef d’entreprise qualifié, en raison d’un diplôme ou de l’expérience d’un métier. Il s’agit d’une mesure essentielle pour la valorisation des artisans et la reconnaissance de la qualité de leur travail et de leur savoir-faire. Nous renforçons aussi la vérification de la qualification professionnelle de tous les artisans, entrepreneurs et salariés, par les chambres de métiers et d’artisanat dès lors qu’elle est obligatoire. Nous devons une telle exigence aux consommateurs et aux artisans eux-mêmes afin de valoriser les métiers auprès des jeunes générations. Par ailleurs, le nombre des salariés d’une entreprise ne change pas la façon dont est exercée son activité. C’est la raison pour laquelle la limite de dix salariés au-delà de laquelle les entreprises artisanales ne pouvaient plus être immatriculées au registre des métiers avait été supprimée. De la même manière, les entreprises artisanales de plus de dix salariés faisant l’objet d’une cession ou d’une transmission resteront immatriculées. L’objectif est bien de garantir la qualité et donc la confiance des consommateurs faisant appel à un artisan.

En outre, le projet de loi réforme l’entrepreneuriat individuel et les régimes de la micro-entreprise par des propositions que je vais détailler. Je reconnais que le régime de l’auto-entrepreneur a permis à de nombreuses personnes de lancer un projet de création d’entreprise et de compléter leur revenu par une activité d’appoint. Une telle facilité dans la création d’activité doit être préservée, comme je l’ai toujours dit, à l’unisson de tous les acteurs. Néanmoins, il a montré ses limites en créant les conditions d’une concurrence inéquitable avec les entrepreneurs soumis à des règles différentes et en aboutissant à certaines dérives. Le Gouvernement a donc souhaité en corriger les aspects négatifs en en améliorant l’équité et en le rapprochant du droit commun tout en conservant la simplicité de déclaration et de paiement des charges sociales qui en fait tout l’intérêt.

Parallèlement à l’élaboration du projet de loi, le Gouvernement a donc demandé au député Laurent Grandguillaume de mener une réflexion d’ensemble sur la simplification des régimes juridiques, sociaux et fiscaux de l’entrepreneuriat individuel. Je le remercie de l’excellent travail qu’il a réalisé. Son rapport comporte un ensemble de propositions fondées sur l’équité, la lisibilité et la simplicité du régime de l’entrepreneur individuel organisé autour d’un régime simplifié de micro-entreprise. Les préconisations du rapport relatives au statut juridique unique de l’entreprise individuelle feront l’objet d’une expertise beaucoup plus approfondie par un groupe de travail conjoint du ministère de la justice et de celui dont j’ai la charge, qui remettra ses conclusions à la fin du printemps. Les autres peuvent être mises en œuvre dès maintenant et poser les bases d’une réforme. C’est pourquoi j’ai modifié par amendement lors des travaux en commission des affaires économiques plusieurs points de la version initiale du projet de loi.

L’objectif est bien la préservation de la simplicité du régime de la micro-entreprise dans le cadre d’une convergence accrue avec les entreprises de droit commun au moyen de plusieurs mesures. Pour tous les entrepreneurs individuels relevant du régime social des indépendants, le régime micro-fiscal et le régime micro-social de paiement libératoire sur le chiffre d’affaires des cotisations et contributions sociales sont fusionnés au profit de la création du régime unifié de la micro-entreprise. Cette mesure se substitue nécessairement au seuil intermédiaire figurant dans le projet de loi initial dès lors qu’il n’existera plus qu’un unique seuil du nouveau régime de la micro-entreprise. En complément, les bénéficiaires du régime se verront ouvrir, sur option, la possibilité de compléter leurs cotisations sociales à concurrence du montant des cotisations minimales de droit commun afin d’acquérir des droits à prestations correspondants. Les cotisations des conjoints collaborateurs des entrepreneurs au régime de la micro-entreprise, dont le recouvrement n’est pas opérationnel actuellement, seront désormais calculées et payées comme celles du chef d’entreprise, c’est-à-dire par application d’un pourcentage sur le chiffre d’affaires, fixé par décret.

En contrepartie de ces avancées, tous les bénéficiaires du régime simplifié exerçant une activité commerciale ou artisanale devront à l’avenir s’acquitter de taxes pour frais de chambre consulaire. Initialement, on avait envisagé de maintenir l’exonération en vigueur. Il a fallu y renoncer par souci d’équité mais aussi pour financer l’accompagnement des très petites entreprises par les réseaux consulaires. Cette mesure d’alignement sur le droit commun complétera la réforme de la CFE déjà réalisée dans le cadre de la loi de finances pour 2014 qui a supprimé l’exonération de CFE pour les auto-entrepreneurs au profit d’un mode de calcul plus favorable aux TPE indépendamment de leurs formes et statuts. De même, l’alignement sur le droit commun des micro-entrepreneurs du secteur de l’artisanat met fin à leur dispense du stage de préparation à l’installation des artisans. Toutes ces mesures rendent plus simple, plus lisible et plus équitable le droit des très petites entreprises.

L’alignement des différents régimes rendra ainsi plus aisé le passage des micro-entreprises qui ont un potentiel de développement vers le régime au réel, qui sera encore facilité par des dispositifs d’accompagnement restant à mettre en œuvre. L’entrée en vigueur des mesures est fixée au 1er janvier 2015 afin d’adapter les systèmes d’information et de gestion du RSI et d’informer les entrepreneurs sur les nouvelles modalités. En outre, les auto-entreprises actives dans les secteurs concernés devront s’immatriculer au répertoire des métiers et les corps de contrôle seront compétents pour vérifier le respect des obligations d’assurance. Elles bénéficieront de la formation continue sous réserve d’avoir effectivement contribué au fonds de formation pendant l’année écoulée.

Le projet de loi simplifie par ailleurs le régime de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée en vue de le rendre plus attractif pour les TPE et les créateurs d’entreprise. Il limite l’exposition patrimoniale du titulaire au risque professionnel sans le contraindre à la création d’une entité sociale distincte, qui rebute un certain nombre d’entrepreneurs. Les modifications proposées simplifient en particulier les démarches comptables. L’ensemble des mesures a donc pour objectif de faciliter la vie des entreprises au quotidien et d’en simplifier la création.

Le second volet du projet de loi comporte une série d’outils destinés aux élus pour agir plus efficacement en faveur du maintien des entreprises de proximité. Il facilite l’utilisation par les communes du droit de préemption commercial en ouvrant la possibilité de le déléguer à un établissement public, à une intercommunalité ou à une société d’économie mixte, même en-dehors d’une opération d’aménagement d’ensemble.

Il s’agit d’un outil indispensable grâce auquel les élus maintiendront la diversité des TPE artisanales et commerciales dans les centres-villes ; il sera particulièrement utile aux élus des plus petites communes qui ne disposent pas toujours de l’appui technique et juridique ni des moyens financiers nécessaires pour mener des opérations complexes. Un diagnostic complet du dispositif a été mené en concertation avec les élus pour lever les freins à son usage. Nous avons complété en commission la version initiale du texte pour simplifier encore la procédure et faciliter la phase de reprise du fonds de commerce par un professionnel en allongeant le délai imposé à la commune pour rétrocéder le fonds dès lors qu’il est exploité.

Le développement équilibré de toutes les formes de commerce justifie l’intervention régulatrice de la puissance publique, dans le respect de la liberté d’entreprendre, à laquelle je suis fortement attachée. Sans bouleverser tout le dispositif, nous pouvons prendre des mesures pour améliorer la cohérence et l’efficacité de la régulation.

Dans le cadre de ce projet, le Gouvernement propose ainsi une réforme de l’urbanisme commercial, pour plus de lisibilité. Une unique disposition figure aujourd’hui dans le projet de loi ALUR de Cécile Duflot, celle que j’ai souhaité mettre en œuvre le plus rapidement – avec notamment la régulation des drives, que j’ai évoquée au début de mon intervention.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Après de nombreux échanges avec l’ensemble des acteurs concernés et les parlementaires, nous avons proposé une réforme de l’urbanisme commercial qui comporte une fusion des procédures de permis de construire et d’autorisation d’exploitation commerciale – les commissions rendront un avis conforme sur les projets – ; une modification de la composition des commissions, pour permettre une professionnalisation de leurs membres et plus de transparence ; un maintien des trois critères d’autorisation existants, mais en précisant ces critères dans la loi, sur la base de la jurisprudence du Conseil d’État.

Par ailleurs, afin d’améliorer l’efficience de la Commission nationale d’aménagement commercial, actuellement entravée par les recours dilatoires, il est proposé d’empêcher le dépôt à plusieurs reprises, sur un même terrain, d’un projet qui n’aurait pas subi de modifications importantes. Dans le même objectif de simplification des procédures, le projet de loi propose que le pétitionnaire indiquant l’enseigne qui sera implantée dans son projet conserve son autorisation si celle-ci change au cours de sa réalisation. En revanche, la CNAC pourra s’autosaisir pour les projets de grande envergure – plus de 20 000 m2 – ayant une dimension dépassant le territoire départemental, voire régional, comme vous en avez décidé en commission.

Enfin, le projet de loi permet une réforme devenue indispensable du FISAC. Paralysé par la contradiction entre la croissance des besoins sur les territoires les plus fragiles et les contraintes budgétaires, le FISAC est refondé sur de nouvelles bases. L’objectif de la réforme est de clarifier ses modes d’intervention en créant une logique de projets plutôt que de guichet. Les modalités d’attribution précises du FISAC réformé, de nature réglementaire, seront donc précisées dans un décret qui sera pris très peu de temps après l’adoption de la loi. Afin de résoudre le problème des plus de 1 500 dossiers en stock, nous avons abondé le fonds de 35 millions d’euros en 2013, et reproduirons cette opération en 2014.

Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les principales mesures contenues dans le projet de loi. Comme je vous l’ai dit au début de mon propos, il s’adresse à la fois aux entreprises et à leurs salariés pour simplifier leur quotidien et leur création, et aux élus pour redonner à l’action publique des pouvoirs d’intervention nécessaires pour maintenir la diversité commerciale dans nos communes. Les entreprises concernées par ce projet de loi sont indispensables à la vitalité et au dynamisme de nos territoires. Je ne doute pas que les débats seront riches – comme ils l’ont été en commission, ce que j’ai constaté avec plaisir –, tant nous partageons tous la volonté de donner aux artisans, aux commerçants et aux très petites entreprises le cadre juridique le plus approprié à leur situation. Cela participe à la qualité de vie dans nos territoires et au redressement économique de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRCécologiste.)

M. le président. La parole est à M. Fabrice Verdier, rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. Fabrice Verdier, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises est un texte d’équilibre et de bon sens. Ces qualités ont d’ailleurs été saluées sur tous les bancs de la commission des affaires économiques, et je me réjouis du consensus qui s’est dégagé sur ces sujets économiques de proximité qui doivent nous rassembler. J’ai apprécié le climat serein qui a prévalu dans nos débats en commission, nous permettant d’améliorer de manière constructive ce texte. Je pense notamment aux nombreux amendements identiques qui ont été déposés par les divers groupes politiques et adoptés, ainsi qu’à la suppression des soldes flottants, votée de manière unanime.

J’ai apprécié aussi, madame la ministre, le climat de confiance réciproque qui nous a permis d’enrichir le texte avec un unique objectif – l’intérêt des artisans et des commerçants – et une seule volonté – le maintien d’une offre commerciale diverse sur tous les territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux. Ce travail commun nous permet de tendre vers le consensus autour d’un texte pragmatique et attendu par 3,5 millions d’entreprises et 5 millions de salariés. J’ai réalisé plus de quarante auditions pour préparer mon rapport et comme vous, mes chers collègues, je suis au contact quotidien avec les artisans, les commerçants et les entrepreneurs individuels de ma circonscription. Les mesures proposées dans ce texte correspondent à des attentes du terrain, à des enjeux concrets.

Votre projet de loi n’est pas dogmatique, madame la ministre, il se veut au contraire le plus pratique possible pour apporter là de la simplification, là de la clarification, là de l’équité ou de la visibilité. Toutefois, il a de grandes ambitions, et j’en cite rapidement les principales. Il s’agit d’en finir avec les loyers « triple net » pratiqués par certaines grandes sociétés foncières sur le modèle anglo-saxon – nous aurons l’occasion d’y revenir au cours des débats ; de remettre en valeur la qualification des artisans, gage de sécurité pour les consommateurs ; de recentrer l’intervention publique sur le commerce de centre-ville ; d’unifier la demande de permis de construire et d’aménagement commercial et ainsi de mieux contrôler les implantations commerciales importantes ; de mettre un terme au flou introduit par les soldes flottants ; de passer, pour le FISAC, d’une logique de guichet à une logique de projets ; de mieux accompagner nos concitoyens qui souhaitent créer leur emploi sans s’engager dans un formalisme trop pesant et, corrélativement, permettre à tous les entrepreneurs individuels de bénéficier d’un régime simplifié sur le plan fiscal et social, ce qui nous permettra d’en finir enfin, je l’espère, avec les soupçons de distorsion de concurrence, attisés par la situation économique difficile que nous connaissons dans plusieurs secteurs, en promouvant l’idée simple de contraintes égales pour une même activité.

Sur ce dernier point, je tiens une nouvelle fois à saluer le travail mené par notre collègue Laurent Grandguillaume, qui a permis de dégager un consensus a priori improbable autour de deux concepts simples : « même activité, mêmes règles » et « simplicité pour tous pour mieux se développer ». Ce texte comprend donc le premier volet de la création d’un statut unique de l’entreprise individuel. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir permis d’avancer aussi vite et aussi concrètement sur ce sujet. Le texte qui préfigure la micro-entreprise est là, et chacun peut y apporter les amendements qu’il souhaite. Le débat est ouvert, mais il s’agit d’une incontestable avancée pour renforcer le potentiel économique de notre pays, qui a besoin de toutes ses énergies pour aller de l’avant.

Le présent projet de loi facilite aussi le passage de l’entreprise individuelle à l’EIRL, entreprise individuelle à responsabilité limitée. Il nous faudra, je crois, aller plus loin et ériger, comme le propose notre collègue Grandguillaume, l’entreprise en personne morale, à laquelle sera affecté le patrimoine professionnel de l’entrepreneur. Les débats sur les évolutions à apporter au statut des baux commerciaux ont également été riches. Il s’agit de sujets complexes : le législateur doit se garder de remettre en cause l’équilibre des contrats en cours tout en rétablissant, car c’est important, un véritable équilibre entre locataires et bailleurs. Les commerçants ont besoin, quelle que soit leur taille, de davantage de visibilité, de transparence et de proportionnalité en ce qui concerne leurs charges.

Il faut poursuivre l’intégration de l’urbanisme commercial, cher au président Brottes, au droit commun de l’urbanisme. C’est la volonté de très nombreux élus sur tous les bancs, et je salue tout particulièrement le travail accompli en ce domaine par notre collègue Michel Piron. Les débats en commission ont permis d’avancer sur de nombreux points importants, répondant ainsi à l’attente des acteurs économiques. Je souhaite que la séance publique permette de nouvelles avancées : je pense au contrat de revitalisation commerciale, issu de la réflexion des élus parisiens – en particulier mes collègues Seybah Dagoma et Sandrine Mazetier –, je pense également à la possibilité pour les maires d’agir pour une plus grande attractivité des rues commerçantes – une idée portée par Daniel Fasquelle et que je partage – je pense enfin à la situation des commerçants sur les marchés, qui méritent que leurs droits soient améliorés, comme le souhaitent de nombreux collègues, au premier rang desquels le président François Brottes.

Face à la désertification rampante qui s’étend partout dans nos territoires, au syndrome du dernier commerçant dans les territoires ruraux, au syndrome des rues mortes et des nouveaux quartiers sans commerce dans le milieu urbain, nous ne pouvions plus attendre, il fallait agir sans tarder ! Les activités de proximité artisanales et commerciales offrent de véritables atouts compétitifs et, en cela, participent pleinement au retour de la croissance dans notre pays. Créatrices d’emplois, ces activités engendrent également du lien social et de la vie au cœur de nos territoires. C’est pour l’ensemble de ces raisons que nous nous retrouvons et nous engageons, au moyen du droit et de mesures concrètes et pragmatiques, en faveur d’un secteur dont la proximité fait vivre le tissu économique et social de nos territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons enfin ce texte crucial et très attendu – je pèse mes mots –, à la fois par les artisans, les entrepreneurs et les commerçants de notre pays – bref, par tous ceux qui constituent le terreau de son dynamisme et qui avaient le sentiment, ces derniers temps, de travailler dans l’incertitude et parfois, disons-le, dans un certain manque de considération.

M. Damien Abad. Oui, depuis vingt mois !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous allons redonner du souffle à un secteur qui en a besoin. La France doit devenir le pays de l’entreprenariat ouvert à tous.

M. Laurent Grandguillaume. Très bien !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Entreprendre, c’est une audace, c’est un défi, c’est une envie, et c’est aujourd’hui une nécessité pour retrouver la croissance.

Mme Clotilde Valter. Très bien !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous avons, tous ensemble, le devoir de décomplexer la création d’entreprises. Trop de frilosité, trop d’idées préconçues, trop d’idéologie de part et d’autre, trop de contraintes pèsent sur tous ceux qui veulent se lancer – au point, trop souvent, de les décourager. Quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, nous ne pouvons pas accepter cela. Je sais que nous sommes tous à l’écoute de ces professionnels dans nos territoires et nos circonscriptions. Le commerce, l’artisanat et les très petites entreprises représentent aujourd’hui près de 9 millions de salariés. Comme le dit la publicité, c’est « la plus grande entreprise de France » !

Il était temps que les petits entrepreneurs aient leur loi, une loi qui facilite concrètement leur quotidien et favorise effectivement leur développement. Nous devons changer les mentalités de notre pays mais, pour cela, nous devons d’abord changer le droit – et j’ajouterai que tout le monde a le droit de changer (Sourires.) Madame la ministre, votre projet de loi comporte plusieurs ambitions concrètes, que vous avez citées. Il s’agit d’adapter le régime des baux commerciaux en rééquilibrant les relations entre bailleurs et commerçants – car celui qui prend le risque, c’est tout de même avant tout celui qui paye le loyer et essaie de faire du chiffre d’affaires. Il s’agit également de modifier, afin de la clarifier, la définition de la qualité d’artisan. Après avoir valorisé cette profession dans la restauration, avec la reconnaissance du « fait maison », une avancée très attendue par l’ensemble des établissements qui considèrent la cuisine comme un vrai métier – pas aussi nombreux qu’on pourrait le croire dans notre pays –, le Gouvernement continue son travail et prend, pas à pas, des mesures concrètes pour soutenir l’artisanat.

Ce texte porte également l’ambition de réformer le régime de l’auto-entrepreneur afin d’en faire un véritable tremplin vers l’entreprise durable, sans déstabiliser les autres modes d’organisation de l’entreprise. Oui, j’ai combattu le statut de l’auto-entrepreneur, à un moment où l’on pouvait craindre qu’il ne se traduise par une externalisation du salariat…

M. Damien Abad. Ah ! Vous le reconnaissez !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. …ce qui a été le cas dans certaines situations. Mais aujourd’hui, les auto-entrepreneurs sont près d’un million à espérer et à développer des projets. Le pragmatisme exigeait donc que nous trouvions une solution de pérennisation pour une entreprise durable. Comme je l’ai déjà dit, monsieur Abad – et cela vaut aussi bien pour moi que pour vous –, tout le monde a le droit de changer.

M. Damien Abad. Vous évoluez positivement, monsieur Brottes ! (Sourires.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Avec le corollaire de cette réforme, celle du régime de l’EIRL, nous allons faciliter la protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur, qu’il soit primo-créateur ou déjà en activité. Malgré l’objectif que s’était fixé la loi de 2010 sur le même sujet, présentée par Mme Lagarde, les obstacles sont encore trop importants, et la protection apportée par cette première loi est restée, reconnaissons-le, purement théorique.

Je veux citer une autre ambition du texte – mais j’imagine qu’une bonne partie des quelque 150 orateurs qui vont intervenir dans la discussion générale ne vont pas manquer d’en parler également…

Mme Frédérique Massat. Le FISAC !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. …le FISAC, oui, non seulement utile, mais indispensable, notamment au maintien du commerce de proximité, là où il n’y a parfois plus rien – nos collègues de droite ont certainement conscience de la situation, puisque c’est là l’héritage de leur politique, auquel il nous appartient de trouver une solution.

Sans nul doute, ce texte fait bouger les lignes. Cependant, à l’issue du travail en commission, je pense pouvoir dire, madame la ministre, qu’il a été significativement enrichi, en particulier en ce qui concerne le régime de l’auto-entrepreneur. Sur ce point, je veux à mon tour saluer le formidable travail accompli par Laurent Grandguillaume. Il y a eu Guillaume le Conquérant, il y a désormais Grandguillaume l’Entreprenant ! (Rires et exclamations).

D’autres enrichissements importants portent sur le statut de l’EIRL ou encore la clarification des règles de l’urbanisme commercial – des points qui me sont chers et sur lesquels nous reviendrons.

Il ne faut pas oublier une autre avancée, que l’on doit également à notre rapporteur : la suppression des soldes flottants, votée, rappelons-le, à l’unanimité de la commission. Cela illustre le trouble que suscite cette question, qui permet à une minorité de profiter de la situation au détriment du plus grand nombre. Cette incongruité est dénoncée par l’ensemble des professions.

Enfin, un autre point, évoqué par le rapporteur – ce dont je le remercie – me tient particulièrement à cœur : la situation des commerçants ambulants. Ce sont eux qui continuent à animer nos bourgs, parfois désertés et parfois désespérément calmes – même le dimanche, allais-je dire, mais je n’ose pas prononcer cette phrase aujourd’hui ! (Sourires.) Ces commerces, dont la vie tient aux seules autorisations d’occupation des sols, ne peuvent pas perdurer lorsque celui qui les a créés doit s’arrêter.

Comme vous, chers collègues, je pourrais citer mille exemples, mais je n’en choisirai qu’un, que l’on m’a rapporté aujourd’hui. Une dame avait un commerce ambulant et faisait les marchés depuis le début de sa vie professionnelle. Elle travaillait avec son mari, qui avait donc le statut de conjoint collaborateur. À la suite de son décès, son mari a voulu continuer l’affaire qui a toujours été au centre de leur vie. Mais quand il a sollicité, auprès du maire d’une commune sur laquelle sa femme et lui faisaient le marché régulièrement depuis des années, une nouvelle autorisation pour poser son stand, elle lui a été refusée. Vous connaissez la règle : à chaque fin d’activité, la place est remise en jeu. Ce principe est dévastateur pour la reprise d’entreprises, je pense que chacun en a conscience.

Nous pensons tous à ces commerçants qui se lèvent toute leur vie à quatre ou cinq heures du matin pour s’installer dans des conditions difficiles, en particulier l’hiver, sur les marchés, et qui ne peuvent pas, à l’heure de la retraite, valoriser cet investissement commercial, alors qu’ils ont fidélisé des clients. Cela leur est refusé. Je trouve cela absolument scandaleux et très injuste, et j’espère que ce texte sera l’occasion d’y remédier.

Avec le vote de ce texte, nous actons que nous voulons faire de la France le pays où il est facile, et même bien vu, d’oser faire le pari de l’entreprise – j’insiste sur ces mots – qu’elle soit ou non individuelle ou artisanale.

Il nous reste maintenant à faire évoluer les mentalités et, là encore, le travail a été commencé, par exemple avec la création du fonds de retournement, cher à Arnaud Montebourg, voté lors de l’examen de la dernière loi de finances. En effet, dans ce pays, on doit avoir le droit de rebondir après avoir connu des difficultés.

M. Damien Abad. Eh oui !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Dans ce pays, on doit avoir le droit de reprendre une activité, lorsque quelqu’un veut la délocaliser à l’étranger.

Dans ce pays, lorsque l’on échoue, on doit avoir le droit de recommencer.

La honte doit avoir partie liée à l’immobilisme et au cynisme, jamais à l’audace : telle est la leçon qu’il faut retenir et qui doit permettre d’atteindre notre objectif, à savoir inciter à entreprendre. Le seul diplôme indispensable pour entreprendre, c’est l’enthousiasme ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Les échecs ne doivent pas condamner toutes ces initiatives mais nous servir de leçon pour nous remettre en selle avec encore plus de force et d’envie.

Je le répète, nous ne devons pas condamner prématurément les projets audacieux et fiables, quels qu’ils soient, mais les encourager. À cette fin, les aides à la recherche et à l’investissement aujourd’hui proposées par le Gouvernement ne sont plus réservées aux seules entreprises ayant des galons d’officier supérieur.

Nous devons, tous ensemble, non pas obliger à l’expérience mais faire confiance au dynamisme de la jeunesse : tel est le projet que porte notre majorité. Je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Discussion générale

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, première oratrice inscrite dans la discussion générale.

Mme Michèle Bonneton. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, l’artisanat, le commerce et les très petites entreprises maillent de façon fine nos territoires et y apportent beaucoup de dynamisme ; ils jouent un rôle fondamental pour notre économie, puisqu’ils représentent 25 % du PIB et 3,5 millions d’emplois.

Le projet de loi que nous examinons touche à de nombreux aspects de notre droit, tant public que privé. Les sujets abordés préoccupent, parfois depuis de très nombreuses années, les professions artisanales et commerciales. Elles intéressent également les élus locaux, comme les consommateurs, qui voient trop souvent disparaître le commerce de proximité des centres-villes, des bourgs et des villages de notre pays. Le commerce de proximité, principalement le commerce de bouche, est souvent en danger, tout comme le sont les artisans, eux aussi trop souvent chassés des centres-villes.

Or, les artisans et les commerçants de proximité sont essentiels pour la convivialité, le dynamisme local et la qualité de vie. Lorsque le commerce et l’artisanat s’éloignent, cela conduit à la multiplication des déplacements, coûteux et très polluants – sans parler des conséquences pour les personnes pénalisées par manque de moyens de transports –, à la consommation importante d’espaces agricoles et à des coûts d’infrastructures pour les collectivités locales.

Le projet de loi qui nous est présenté propose un certain nombre de dispositions pour freiner les phénomènes de désertification commerciale des centres.

En premier lieu, il contient des mesures sur les baux commerciaux. Comme en matière de logement, les baux commerciaux ont connu un renchérissement considérable ces quinze à vingt dernières années. De nombreuses activités ont ainsi été abandonnées du fait du montant des loyers au profit, par exemple, de banques ou de chaînes de magasins. Combien de bouchers, de charcutiers, de marchands de fruits et légumes, et même d’artisans coiffeurs, de serruriers, de plombiers ou d’électriciens, pour ne citer qu’eux, ont dû fermer boutique ou n’ont pas trouvé de repreneur ? Les mesures proposées sont intéressantes, notamment parce qu’elles limitent les hausses – même si, de mon point de vue, elles le font de façon peut-être un peu timide – et précisent les obligations du bailleur et du locataire ; nous avions formulé cette dernière demande en commission : elle est en partie satisfaite dans le texte qui nous est présenté en séance.

En second lieu, un progrès est accompli sur la question de la préemption. Les communes pourront déléguer leur droit de préemption, soit aux EPCI, soit à des établissements publics ad hoc. Dans la situation de déclin qu’a connue le commerce de proximité au cours de ces dernières années, il nous semble indispensable d’encourager les pouvoirs publics à intervenir, en leur donnant les moyens législatifs et réglementaires pour ce faire. Le présent projet de loi prévoit plusieurs dispositions qui vont dans ce sens et qui ont été enrichies en commission par des amendements, dont certains que nous avions déposés. Pour la séance, nous avons déposé des amendements destinés à améliorer et renforcer l’obligation d’information des collectivités sur l’activité pratiquée dans le local du vendeur, ainsi que sur le nombre de salariés et la nature des contrats de ceux qui y travaillent ; il s’agit en effet d’emplois qui peuvent parfois disparaître.

Pour les écologistes, la politique commerciale, dans notre pays, doit être guidée par la nécessité de préserver le commerce de proximité. Cela passe nécessairement par une réflexion globale sur l’urbanisme commercial. Si les dispositions de la loi sont intéressantes, nous souhaitons y apporter des aménagements. Sur notre proposition, la commission a abaissé de 30 000 à 20 000 mètres carrés le seuil de saisine de la Commission nationale d’aménagement commercial, ce qui constitue un progrès. Nous souhaiterions aller au-delà et rendre cette saisine automatique. En effet, nous parlons là de projets dont les répercussions sociales, économiques et environnementales peuvent déséquilibrer un territoire bien au-delà d’un département.

Quant à l’aide au commerce et à l’artisanat par le FISAC, elle est tout à fait capitale. Cependant, chacun connaît les déboires de ce dispositif, modifié en 2008 et 2009, que l’ancienne majorité avait, tout simplement, oublié de financer. De ce fait, comme l’a rappelé Mme la ministre, les dossiers se sont empilés, et il est aujourd’hui difficile de résorber le retard. Passer d’une logique de guichet à une logique d’appel à projets ne résout certes pas la question des besoins et des moyens, mais aura toutefois le mérite de répondre plus rapidement et plus clairement aux demandeurs, sur la base de critères connus de tous. Constatant que les moyens vont rester limités, et pour éviter la dilution des crédits, nous proposons que ceux-ci soient clairement réservés aux territoires les plus fragiles : le milieu rural, les zones de montagnes, les halles et marchés ainsi que les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Enfin, il faut évoquer la question des formes de l’entrepreneuriat individuel, également abordée par ce projet de loi. On ne peut que constater le faible succès rencontré par l’entreprise individuelle à responsabilité limitée. Les mesures prévues dans ce texte tentent d’y remédier, mais seront-elles suffisantes pour inciter les personnes à franchir le pas et à adopter la forme de l’EIRL ? Nous pourrons le vérifier d’ici quelque temps.

La question des auto-entrepreneurs demeure entière. C’est un sujet qui, depuis un certain temps, fait polémique, notamment parce que les artisans y voient parfois une forme de concurrence déloyale ou de sous-salariat. Dans le secteur du bâtiment, par exemple, les professions sont souvent réglementées pour protéger le client et lui assurer que le professionnel exécutera les travaux demandés dans les règles de l’art. Il est donc indispensable de s’assurer que les travaux seront effectués par des personnes possédant les diplômes ou l’expérience nécessaires ou, à défaut, qu’elles les exécuteront sous la direction de personnes compétentes. Ceci demande à être vérifié avant que ne soit accordé le droit d’exercer ces professions. Sans contrôle, en effet, comment le consommateur peut-il avoir confiance dans la bonne marche des travaux et être sûr que son interlocuteur est, par exemple, bien assuré ? Le texte que nous examinons propose des dispositions en ce sens.

Grâce à un amendement adopté en commission, l’ensemble des entrepreneurs individuels, dans les limites d’un montant maximum de chiffre d’affaires, pourront bénéficier du régime simplifié et unifié, rassemblant le micro-fiscal et le micro-social. Cela répond aux inquiétudes concernant les atteintes à la concurrence.

Nous nous interrogeons toutefois sur l’opportunité de supprimer toute référence à une limite de durée du statut d’auto-entrepreneur.

D’autres éléments vont dans le sens d’une amélioration : la vérification des compétences et des diplômes pour les professions réglementées, l’obligation de s’inscrire au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés, ou encore, l’obligation d’effectuer un stage préalable à la création d’une auto-entreprise.

En revanche, le délai d’un an pour s’inscrire auprès des chambres consulaires nous semble trop long : nous proposons de limiter ce délai à trois mois. Nous savons que le taux d’échec des auto-entreprises est considérable ; l’inscription aux différents répertoires, ouvre, pour les nouveaux entrepreneurs, des services intéressants, qui peuvent leur permettre d’éviter cet échec. Cette inscription constitue donc une opportunité pour réussir.

S’agissant de la concurrence déloyale, un autre problème difficile se pose : celui des travailleurs détachés. Il s’agit là d’un autre sujet, dont le Parlement va débattre dans les semaines à venir ; il est effet indispensable de prendre des mesures fortes en ce domaine.

Madame la ministre, ce projet de loi règle, globalement, un certain nombre de difficultés. Je dois vous dire que j’ai apprécié vos qualités d’écoute en commission. Je souhaite que le débat parlementaire qui s’ouvre permette d’enrichir encore le texte présenté. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, chers collègues, depuis mai 2012, le Gouvernement s’est attelé à mettre en place des mesures pour favoriser l’emploi, la compétitivité et la croissance, par la voie du soutien aux entreprises.

Le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises s’inscrit dans cette démarche énergique en faveur des plus petites d’entre elles, dont nous savons qu’elles représentent un levier puissant pour redynamiser les emplois de proximité, moins susceptibles d’être délocalisés.

L’artisanat et le commerce contribuent également au soutien de notre économie locale et constituent un élément fondamental du tissu social pour nos concitoyens, en particulier dans les territoires ruraux.

Nous ne le répéterons jamais assez, alors que nous assistons à une croissance fulgurante du commerce en ligne, ces centaines de milliers de très petites entreprises jouent un rôle économique et social indispensable pour dynamiser les zones rurales et les quartiers en difficulté, pour préserver le vivre ensemble et transmettre des valeurs de convivialité et de travail alliant rigueur et initiative.

Ces secteurs permettent également d’offrir des perspectives, une formation et un métier à nos jeunes, en leur donnant les moyens de s’insérer dans le monde du travail, par l’acquisition de véritables savoir-faire.

Face à la crise économique qu’ils subissent de plein fouet, face au développement des nouveaux modes de consommation et aux mutations économiques à l’œuvre, nos artisans, nos commerçants et nos TPE ont besoin d’un cadre juridique modernisé.

Ce projet de loi traduit les engagements annoncés par le Gouvernement dans le pacte pour l’artisanat de janvier 2013 et dans le plan d’action pour le commerce et les commerçants de juin 2013.

Vous le savez, madame la ministre, la réforme que vous nous présentez est très attendue. Parce qu’il vise le commerce, l’artisanat et les TPE, ce texte concerne directement 3,4 millions d’entreprises et 7 millions de salariés. Tout cela représente 2 000 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit 25 % de notre produit intérieur brut.

Si l’on ne peut que regretter l’usage de la procédure accélérée, nous savons qu’il y a urgence à légiférer et j’espère que ce projet de loi pourra être promulgué dans les tout prochains mois.

Enfin, avant d’entrer dans le détail du texte, je tenais, madame la ministre, à relayer les commentaires très positifs que nous avons entendus lors des auditions. Les efforts de concertation que vous avez accomplis très en amont de la présentation de votre texte ont été salués, tout comme votre volonté d’être à l’écoute de tous les acteurs concernés.

M. Michel Piron. C’est vrai ! Et nous le répéterons ensuite !

Mme Jeanine Dubié. Le texte que vous nous présentez s’articule autour de quatre objectifs que les députés du groupe RRDP approuvent pleinement : dynamiser les commerces de centre-ville en améliorant l’équilibre des relations entre propriétaires et locataires dans le cadre des baux commerciaux ; promouvoir la qualité et les savoir-faire de nos artisans par la reconnaissance des entreprises artisanales et la clarification du statut d’artisan ; favoriser l’essor harmonieux des TPE par la consolidation d’un parcours entrepreneurial plus simple et plus équitable avec un régime unique pour la micro-entreprise ; moderniser les leviers de l’intervention de la puissance publique sur l’urbanisme commercial en adéquation avec les besoins des territoires pour favoriser la proximité et la diversité de l’offre commerciale.

Concernant tout d’abord les baux commerciaux, le projet de loi propose de corriger certaines injustices pour parvenir, dans l’intérêt des locataires, à des relations plus équitables.

Les loyers des entreprises ont augmenté de 8 % ces quatre dernières années et les charges locatives s’alourdissent progressivement. Elles représentent parfois plus de 30 % du loyer. Pour lutter contre cette tendance, le texte contient des mesures utiles, à commencer par l’indexation obligatoire des loyers non plus sur l’indice du coût de la construction, mais sur l’indice des loyers commerciaux, qui est corrélé à l’activité des commerces et à la variation des prix.

Dans les situations où le bailleur décide de déplafonner le loyer, comme dans les cas où des améliorations significatives de l’environnement commercial sont entreprises, vous avez décidé de lisser la hausse sur plusieurs années en fixant une limite annuelle de 10 % ; c’est une bonne mesure.

Enfin, les baux commerciaux seront modernisés grâce à une amélioration de la transparence et de l’équité entre les parties. En établissant un état des lieux contradictoire et un inventaire des charges et des impôts, en renforçant les procédures de conciliation et de médiation, et en instaurant un droit de préférence pour le locataire, comme c’est la règle pour les baux d’habitation, le projet de loi renouvelle le droit des baux commerciaux en l’adaptant aux évolutions économiques.

Dans la perspective d’une modernisation de l’encadrement législatif des entreprises, le projet de loi propose la rénovation des outils et des procédures de la puissance publique.

Tout d’abord, le droit de préemption des communes, qui permet à ces dernières d’acquérir des fonds de commerce, est renforcé ; il peut désormais être délégué à un EPCI.

Ensuite, pour mettre fin aux abus qui ont été constatés, le FISAC est réformé : sa mission sera davantage centrée sur l’outil commercial et les moyens distribués par le Fonds seront attribués à l’issue d’un appel à projet organisé à l’échelon national.

Enfin, l’urbanisme commercial est repensé : la représentation des élus dans les commissions départementales d’aménagement commercial est améliorée et le fonctionnement de la Commission nationale modernisé.

Les porteurs de projet bénéficieront d’une meilleure lisibilité et de procédures simplifiées et raccourcies ; les recours dilatoires seront limités par un encadrement strict. En contrepartie, ces porteurs seront incités à améliorer leurs projets : des critères d’évaluation seront inscrits dans la loi pour promouvoir le développement durable, la diversification des commerces et des enseignes mais aussi la protection du consommateur. Avec ce dernier critère, nous donnons aussi aux commissions départementales et nationale les moyens d’encourager l’équilibre commercial entre centre et périphérie.

Depuis de nombreuses années, nous assistons presque tous ici, impuissants, à l’affaissement de nos centres-villes et de nos bourgs, car nous ne disposons pas d’outils efficaces pour les revitaliser. En complément des mesures sur les baux commerciaux et sur l’exercice du droit de préemption par les communes et les EPCI, le projet de loi renforcera le maintien de commerçants indépendants en centre-ville, la diversité de l’offre commerciale et le lien social indispensables au dynamisme de nos territoires.

Concernant les TPE, l’objectif des mesures prévues est de simplifier la libre entreprise pour tous ceux qui veulent se lancer et de favoriser la libération des énergies créatrices tout en préservant les impératifs de transparence, d’équité et de protection des consommateurs.

Nous ne pouvions pas continuer à accepter que des entreprises exerçant la même activité soient soumises à des droits et devoirs différents en termes de cotisations, d’inscription ou même d’assurances. Il fallait trouver un juste équilibre entre toutes les exigences : si les auto-entrepreneurs sont attachés aux avantages de leur statut, il est également nécessaire de mettre un terme aux abus, aux dérives et aux injustices qu’il crée.

À mesure que les travaux avançaient et que l’on se concertait sur le sujet, une solution permettant la conciliation et l’apaisement des tensions s’est dégagée. Avec la fusion des régimes du micro-social et du micro-fiscal en un régime unique simplifié de la micro-entreprise, avec l’accompagnement renforcé, non seulement nous favorisons le développement et la pérennité de ces structures, mais nous contribuons aussi à limiter la concurrence déloyale et les autres inégalités de traitement avec les régimes de droit commun.

Les travaux que nous avons menés en commission ont donné lieu à des modifications substantielles du projet de loi qui, pour l’immense majorité d’entre elles, renforceront l’efficacité des mesures qui étaient présentes dans le projet de loi initial, madame la ministre.

En sus de l’unification du régime, la mise en place d’un comité de préfiguration pour aboutir à un statut unique dans les prochains mois est une très bonne chose, car la solution définitive passera inévitablement par un statut unique, transparent, juste et simple, comme l’a préconisé notre collègue Laurent Grandguillaume dans son rapport.

En contrepartie, l’exonération des taxes pour frais de chambres consulaires et de cotisations au régime social des indépendants est abandonnée. L’inscription obligatoire facilitera les contrôles et des cotisations modestes et proportionnelles au chiffre d’affaires fourniront une protection sociale indispensable, notamment pour le risque maladie et pour la retraite.

Enfin, je tiens à saluer l’inscription dans le projet de loi de l’obligation pour les auto-entrepreneurs « artisans » de souscrire à une assurance professionnelle et de l’indiquer sur les devis et factures. Sur ces documents doivent également apparaître les qualifications professionnelles de l’artisan. L’examen en commission a ainsi permis d’introduire des dispositions visant à mettre fin aux dérives du régime des auto-entrepreneurs dans le secteur de l’artisanat et à renforcer la protection des consommateurs, ce qui était nécessaire.

Quant à l’urbanisme commercial, il a été intégré dans l’urbanisme de droit commun par des amendements adoptés en commission et son régime contentieux a été réformé.

Enfin, la Commission nationale d’aménagement commercial devient une autorité administrative indépendante et le poids des élus locaux est renforcé dans les commissions départementales. En inscrivant dans le texte des critères d’appréciation des projets, la commission l’a nettement enrichi, améliorant de ce fait l’efficacité et la lisibilité des règles.

Le projet de loi initial était un bon texte, madame la ministre ; il a été consolidé en commission et, dans sa rédaction actuelle, il satisfait le groupe RRDP. Nos débats en séance pourront toutefois donner lieu à des précisions qui permettront d’en augmenter encore l’efficacité.

Nous vous proposerons des amendements pour protéger les commerçants locataires contre certaines possibilités d’abus de la part des bailleurs, notamment pour limiter les clauses dérogatoires. Pour le régime micro-social, nous pensons que les cotisations devraient être prélevées de façon mensuelle ou trimestrielle, afin que la réforme du régime soit mieux acceptée et que sa gestion par la caisse du régime social des indépendants soit simplifiée. Enfin, sur l’urbanisme commercial, nous vous présenterons plusieurs amendements pour apporter des précisions et des garanties supplémentaires à la rénovation des procédures d’autorisation commerciale.

Les entrepreneurs, les artisans, les commerçants, tous font partie des forces vives qui se battent pour sortir notre pays de cette crise qui l’épuise. Madame la ministre, nous savons que nous ne pouvons pas attendre que la crise se résorbe toute seule et qu’une action énergique des pouvoirs publics est indispensable. La période troublée que nous traversons exige un volontarisme politique fort. Votre projet de loi bousculera certes les conservatismes, mais il va participer au redressement en donnant les moyens à tous les entrepreneurs de se développer dans des conditions justes et équitables. C’est l’addition de toutes ces énergies qui permettra le redressement de la France.

Vous l’avez compris, nous abordons l’examen de ce texte dans un esprit positif et nous formons le vœu que les mesures importantes qu’il contient puissent rassembler, au-delà des appartenances partisanes, dans l’intérêt général de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Zumkeller.

M. Michel Zumkeller. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici réunis pour l’examen d’un texte très important puisqu’il concerne 95 % des entreprises de notre pays.

Avec mes collègues du groupe UDI, nous n’avons pas cessé d’appeler le Gouvernement à prendre des mesures fortes à destination des artisans, des commerçants et des TPE, qui sont, nous le savons, les premières victimes de la crise dans laquelle notre pays est plongé depuis plus de cinq ans.

Effondrement des carnets de commandes, problèmes de trésorerie, difficultés à obtenir des prêts bancaires…, telles sont les difficultés qui nous sont relayées chaque jour sur le terrain. Si l’on y ajoute l’explosion récente de la fiscalité, notamment la hausse de la TVA depuis le 1er janvier, et le dédale de contraintes administratives avec lesquelles ils doivent composer, on peut commencer à se faire une idée assez précise du contenu des cahiers de doléances de nos entreprises.

On voit donc à quel point les objectifs affichés par le Gouvernement à travers ce projet de loi sont en contradiction avec la réalité de la politique économique et fiscale conduite depuis vingt mois.

M. Damien Abad. Eh oui !

M. Michel Zumkeller. En ce début d’année 2014, nous souhaitons donc passer des pactes aux actes, car il y a urgence à redresser l’économie de notre pays ; la Cour des comptes vient d’ailleurs de nous le rappeler avec sévérité.

Le texte qui nous est aujourd’hui présenté semble emprunter la bonne direction, et je reviendrai dans un instant sur les dispositions que nous approuvons. Il n’apporte cependant qu’une réponse très partielle sur les nombreux enjeux que je viens d’évoquer. Or, si le Gouvernement ne s’attaque pas directement à l’origine des maux qui frappent nos petites entreprises, les membres du groupe UDI craignent que les effets de ce projet de loi ne soient que dérisoires.

À l’heure où doit intervenir un pacte de responsabilité dont personne ne parvient à discerner les contours, nous renouvelons notre appel afin que le Gouvernement accélère son action dans le sens d’une baisse massive, directe et immédiate des charges qui pèsent sur le travail, et qu’il prenne des mesures beaucoup plus fortes pour véritablement mettre en œuvre le choc de simplification tant attendu.

J’en viens maintenant aux principales dispositions de votre projet de loi qui, reconnaissons-le, est un bon texte, ou plutôt l’est devenu grâce au travail effectué par Laurent Grandguillaume sur la simplification des régimes de l’entreprise individuelle. Car le cœur de votre projet de loi, c’est bien la partie relative à la réforme du statut de l’auto-entrepreneur.

M. Damien Abad. C’est le plus important !

M. Michel Zumkeller. En tout cas, c’est indéniablement celle qui a suscité le plus d’émoi lors de sa présentation au mois d’août dernier.

Au groupe UDI, nous étions favorables à la création d’un statut d’auto-entrepreneur, qui permettait enfin d’introduire de la simplicité dans la vie entrepreneuriale. Nous l’avons soutenu hier, et nous le soutenons encore aujourd’hui, parce que ce régime a permis à des centaines de milliers de Français d’exercer une activité dans un cadre légal et simplifié pour se constituer un revenu d’appoint et améliorer ainsi leur pouvoir d’achat. Il serait donc dangereux de porter atteinte à ce régime simplifié qui facilite la création d’entreprise et dynamise l’économie en réduisant le travail au noir.

M. Jean-Luc Laurent. Il faut y remettre de la justice !

M. Michel Zumkeller. C’est exactement ce que j’avais l’intention de dire dans la suite de mon intervention…

Mme Sylvia Pinel, ministre. Nous sommes d’accord !

M. Michel Zumkeller. Nous parviendrons donc sans doute à nous mettre d’accord.

Y mettre un tel coup d’arrêt freinerait l’innovation, l’esprit d’entreprise, la richesse des initiatives que ce statut permet et appauvrirait nos territoires.

Cette réalité ne doit pas occulter les difficultés provoquées par l’apparition de ce statut, notamment dans le monde de l’artisanat ; je pense en particulier à des secteurs bien spécifiques comme le bâtiment, la coiffure, la réparation automobile ou l’esthétique. En effet, dans ces secteurs particulièrement exposés, ce régime a pu créer les conditions d’une concurrence déloyale avec les professionnels qui sont soumis à des règles sociales et fiscales et à des obligations normatives différentes.

M. Jean-Luc Laurent. C’est bien, il fallait le dire !

M. Michel Zumkeller. Il faut toutefois reconnaître, et l’analyse des chiffres le montre, que dans le bâtiment les auto-entrepreneurs représentent 1 % de l’activité. Les difficultés de ce secteur ne proviennent donc pas des auto-entrepreneurs…

M. Jean-Luc Laurent. Pas seulement !

M. Michel Zumkeller. …ou pas seulement.

M. Jean-Luc Laurent. Il n’y a jamais une seule cause, de même qu’il n’y a pas qu’une seule politique possible !

M. Michel Zumkeller. En outre, des millions d’euros de cotisations sont recouvrés grâce au statut d’auto-entrepreneur.

Si les auto-entrepreneurs n’existaient pas, les sommes correspondantes seraient payées par les entreprises artisanales, lesquelles verraient leurs cotisations augmenter.

L’important est donc de trouver un juste équilibre. Ce n’est certainement pas en complexifiant un dispositif simple et qui fonctionne bien que l’on améliorera les choses.

M. Damien Abad. Exactement !

M. Michel Zumkeller. Essayons plutôt de rendre plus simple ce qui est complexe. C’est ainsi que l’on ira dans la bonne direction.

M. Damien Abad. Très bien ! C’est le bon sens !

M. Michel Zumkeller. Le système de l’auto-entrepreneur n’est pas parfait, mais il a un grand mérite : celui de faire de l’entreprise quelque chose d’intéressant et facile d’accès. Notre pays en a bien besoin. Nous pouvons tous nous retrouver autour de dispositifs comme celui-ci.

M. Jean-Luc Laurent. Convergeons, convergeons !

M. Michel Zumkeller. Exactement, mon cher collègue !

Le groupe UDI tient à saluer la mission menée par notre collègue Laurent Grandguillaume.

M. Jean-Luc Laurent. Heureusement qu’il était là !

M. Michel Zumkeller. En effet, monsieur Laurent.

Nous avons toujours dit que, plutôt que de complexifier le régime des auto-entrepreneurs, il était préférable de rendre plus simples les autres. Or c’est précisément l’esprit des propositions de notre collègue M. Grandguillaume. À cet égard, nous ne pouvons que saluer la fusion de la micro-entreprise avec le régime de l’auto-entrepreneur. Même si nous aurions préféré que la solution trouve sa source dans le dialogue social, nous constatons qu’il s’agit là d’une avancée positive.

Les amendements adoptés en commission des affaires économiques garantissent l’essentiel à nos yeux. Nous ne pouvons que saluer le revirement gouvernemental qui a conduit à la réécriture du texte en commission. Le projet prévoit, non plus la diminution du seuil du chiffre d’affaires des auto-entrepreneurs, mais une simplification du régime, lequel sera plus structurant et permettra à l’auto-entrepreneur de basculer plus facilement dans le régime réel. Il s’agit là d’une première étape nécessaire qui prouve qu’il est toujours utile de se pencher sans a priori sur ces questions.

La création d’un comité de préfiguration en vue d’instaurer un statut unique de l’entreprise individuelle, regroupant les différentes formes existantes, nous semble également constituer une bonne méthode. Cette démarche doit permettre de coller au plus près à la réalité des entreprises concernées, tout en poursuivant en permanence l’objectif de simplification des régimes. Le groupe UDI souhaite que le Parlement soit associé autant que possible aux réflexions de ce groupe de travail.

J’en viens aux autres dispositions de votre projet de loi. Bien qu’elles soient d’importance inégale, une grande partie d’entre elles répond à des attentes formulées par les professionnels.

En ce qui concerne la réforme des baux commerciaux, la mesure phare qui consiste à indexer les hausses de loyer sur l’indice des loyers commerciaux et non plus sur l’indice du coût de la construction va dans le bon sens. Elle était très attendue par l’ensemble des professionnels. De la même manière, le lissage dans le temps des augmentations de loyer, plafonnées à 10 % par an, permettra de protéger les petits commerçants contre les augmentations parfois brutales et répétées.

S’il est évidemment essentiel de préserver les petits commerces de nos villes et de nos villages, nous appelons néanmoins votre attention sur le fait que le statut des baux commerciaux régit toutes les formes de commerce, du petit local de centre-ville jusqu’au grand centre commercial périurbain. Nous vous proposerons donc des amendements visant à apporter plus de souplesse en permettant, lorsque l’activité économique en dépend, une adaptation contractuelle de certains baux. Nous approuvons néanmoins l’extension du rôle des commissions départementales de conciliation, tout comme l’instauration d’un droit de préférence pour le locataire, le renforcement du droit de préemption des communes, ou encore la légalisation de la convention d’occupation précaire, introduite dans le texte sur notre initiative.

Les dispositions du texte relatives à l’artisanat répondent elles aussi à des demandes exprimées par le secteur. Le renforcement du contrôle de la qualification des artisans, le maintien de la qualité d’entreprise artisanale au-delà de dix salariés, la mise en place d’un fichier des interdits de gérer ou encore l’obligation faite aux professionnels de souscrire une assurance et de mentionner son existence sur les factures et devis sont autant d’éléments qui vont dans le sens d’une plus grande reconnaissance du savoir-faire artisanal et d’une protection renforcée des consommateurs.

La formation de ces professionnels constitue un enjeu déterminant pour assurer la pérennité de leurs entreprises. L’obligation de suivre un stage de préparation à l’installation pour l’ensemble des responsables de micro-entreprises exerçant une activité artisanale est une avancée, tant pour les professionnels que pour les consommateurs.

Nos travaux en commission nous ont permis d’enrichir sensiblement cette partie du projet de loi, mais nous souhaiterions aller encore plus loin dans la voie d’une simplification de la vie des petits entrepreneurs. Nous proposerons notamment de permettre aux professions artisanales, industrielles, commerciales et libérales de procéder elles-mêmes au calcul de leurs cotisations. S’agissant du nombre de salariés, nous souhaiterions également que le Gouvernement entame une réflexion sur la question des seuils. Pour cela, il faudrait commencer par faire un bilan afin de voir si les seuils ne sont pas un frein trop important au développement des entreprises, sans remettre en cause, évidemment, les contreparties sociales existantes.

Je ne m’étendrai pas sur les dispositions du projet de loi relatives à l’urbanisme commercial, puisque notre collège Michel Piron, grand spécialiste de la question, interviendra sur le sujet dans quelques minutes.

S’agissant de la réforme du FISAC, nous regrettons simplement que le Gouvernement ait fait le choix de restreindre son champ d’intervention plutôt que de rechercher à pallier le manque de moyens et de lisibilité de cet outil pourtant majeur pour la préservation d’un tissu entrepreneurial de proximité, notamment en milieu rural.

La dernière partie du texte, relative aux réseaux consulaires, n’appelle pas de remarques particulières de notre part. Nous souhaitons néanmoins – nous avions d’ailleurs formulé ce souhait au cours de la précédente législature – que l’on entame une vraie réflexion sur la possibilité de permettre aux chambres de commerce et aux chambres des métiers de travailler en commun. Il s’agit, non pas de les forcer à s’allier, mais de constater que, quelquefois, sur certains territoires, il leur est possible de mettre en commun certains moyens. Cette démarche serait très intéressante en termes financiers, mais elle faciliterait également l’accès à ces structures pour les entreprises, les commerces et les artisans. Nous aurions donc tous à y gagner.

Comme vous le voyez, mes chers collègues, le groupe UDI aborde l’examen de ce texte avec pragmatisme et avec la volonté de profiter de la seule lecture qui nous est offerte pour améliorer quelques points encore perfectibles. Le secteur du commerce, de l’artisanat et des TPE aurait mérité une réflexion plus globale, mais nous constatons que ce texte va dans le bon sens. En entamant cette discussion, nous sommes donc très ouverts. Notre vote final dépendra de l’attention qui sera apportée à nos propositions, lesquelles sont évidemment constructives.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Roig.

M. Frédéric Roig. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs, on ne peut que se réjouir de l’arrivée en séance publique de ce texte tant attendu par les artisans, les commerçants et les très petites entreprises. Les métiers de ces secteurs représentent le cœur de notre tissu économique. Montesquieu disait d’ailleurs : « L’histoire du commerce est celle de la communication des peuples. » De fait, le commerce rapproche les citoyens et les unit. D’où l’importance d’avoir des commerces de proximité. Qui mieux que le boulanger de quartier, le boucher-charcutier ambulant, le vendeur de primeurs ou le coiffeur permet de faire vivre nos centres-villes ? Ces commerçants sont de véritables artisans de la cohésion sociale.

En France, la valeur ajoutée du commerce représente 10 % de notre produit intérieur brut et l’artisanat plus de 5 %. Le chiffre d’affaires du commerce représente près de 1 400 milliards d’euros, celui de l’artisanat 270 milliards d’euros. Ces secteurs sont également d’importants pourvoyeurs d’emplois : ils représentent au total plus de 5 millions de salariés.

Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement et les élus socialistes se mobilisent pour redresser la situation économique de la France en soutenant l’emploi et nos entreprises. L’économie, ce n’est pas uniquement les grands groupes ; c’est surtout notre commerce, nos petites entreprises et nos artisans qui sont les garants d’un savoir-faire de qualité et du travail de proximité.

Je tiens à vous féliciter, madame la ministre, pour le travail de concertation que vous avez mené afin de parvenir à un consensus, alors même qu’il est délicat de modifier les conditions d’exercice de professions parfois réglementées. Je salue également votre volonté de permettre le développement du commerce et de l’artisanat. Ce projet est la suite logique du pacte pour l’artisanat, présenté en conseil des ministres le 23 janvier 2013 et du plan d’action pour le commerce et les commerçants, mais aussi pour l’adaptation du régime de l’auto-entrepreneur et le soutien à l’entrepreneuriat individuel.

Je veux également saluer le travail de notre collègue Fabrice Verdier, rapporteur de ce texte, qui a effectué près d’une quarantaine d’auditions, avec des interlocuteurs aussi divers que la Fédération française du bâtiment, l’Union professionnelle artisanale, le PROCOS, le Conseil du commerce de France, les chambres de commerce et d’industrie et les chambres des métiers, l’Union des auto-entrepreneurs – je vous fais grâce de la liste complète. J’ai moi-même reçu différents acteurs qui ont exprimé leur satisfaction du fait que vous ayez cherché, dans ce projet de loi, à atteindre le consensus et l’équilibre.

Le consensus est d’ailleurs dû en grande partie à l’excellent travail de notre collègue Laurent Grandguillaume. Au nom du groupe SRC, je tiens à le féliciter : il a mené une véritable bataille pour rassembler et mettre d’accord des acteurs très différents. Certaines propositions de son rapport se sont traduites par des amendements que la commission des affaires économiques a adoptés. À cet égard, je salue également le travail accompli en commission sous la présidence de M. Brottes, que ce soit pour l’analyse des amendements ou celle des articles. À l’issue de ce travail, notre commission a adopté le présent texte.

Ce projet de loi vise tout d’abord à améliorer les relations commerciales entre les bailleurs et les locataires en clarifiant les règles qui les régissent. La situation économique actuelle, marquée par un recul de la consommation des ménages et donc par des difficultés pour le commerce, est un facteur aggravant et souvent même un révélateur des tensions autour des baux commerciaux. Il était donc nécessaire de légiférer pour rétablir l’équilibre dans les relations entre les bailleurs et les locataires et pour maîtriser l’évolution des coûts locatifs.

Le projet de loi propose que les contrats de bail deviennent plus précis, en incluant la répartition des charges. En commission, nous avons souhaité aller plus loin en faisant en sorte que la répartition des impôts figure également dans le contrat de bail, de même qu’un budget prévisionnel pour les travaux à réaliser. Ainsi, la transparence est totale. De plus, le commerçant qui décide de commencer une activité connaît clairement le montant qu’il aura à payer.

Par ailleurs, ce texte établit un plafonnement du prix du loyer. Cette disposition était très attendue par les commerçants. Ainsi, le loyer ne pourra plus augmenter de plus de 10 % par rapport à l’année précédente. C’est une véritable avancée qu’il faut saluer. En temps de crise, il était nécessaire d’agir pour éviter que des commerçants, après avoir fidélisé leur clientèle et investi dans un magasin, soient contraints de quitter celui-ci parce que le bailleur aurait décidé d’une hausse du prix du loyer conséquente et inattendue.

Afin de garantir la pérennité des commerces en cas de vente du local, le texte organise également un droit de préférence pour le locataire, afin que celui-ci puisse, s’il le souhaite, maintenir son activité. La possibilité offerte aux communes de déléguer leur droit de préemption afin de préserver la diversité des commerces – dans l’intérêt des consommateurs, mais aussi pour lutter contre la mono-activité – est d’ailleurs renforcée. En effet, la richesse des services que nos commerces fournissent aux citoyens passe aussi par leur diversité.

Ce projet de loi vise à éviter les différends entre bailleurs et locataires en étendant la compétence des commissions départementales de conciliation pour les baux. Le dialogue doit primer afin d’éviter que des frais de justice soient engagés. Pour éviter les contentieux, ce texte renforce également les dispositions visant à ce qu’un état des lieux soit établi, dans l’intérêt du locataire et du propriétaire : plus les choses seront claires depuis le début, sur la base d’un accord entre les deux parties, moins on risquera par la suite de voir surgir des litiges.

Le projet de loi propose donc une véritable rénovation des régimes des baux commerciaux. Lors des auditions réalisées par le rapporteur, de nombreux représentants de commerçants nous ont alertés sur la nécessité de renforcer les règles en la matière. Actuellement, la durée des baux dérogatoires est de deux ans. Si l’Assemblée en décide ainsi, elle passera à trois ans, ce qui donnera une plus grande souplesse. En effet, cette durée est jugée nécessaire pour se rendre compte, dans certains secteurs, de la fidélité de la clientèle, de l’impact des produits commercialisés et de la viabilité économique des boutiques.

Il est également proposé de prendre en compte, s’agissant de la location, des critères plus adaptés : l’indice du coût de construction sera remplacé par l’indice des loyers commerciaux et par l’indice des loyers des activités tertiaires. Il s’agit de se situer au plus près de la réalité vécue par les entreprises. En commission, nous avons proscrit les clauses dérogatoires au droit de congé triennal des locataires en matière de bail commercial. Un amendement du groupe RRDP, adopté par la commission, ouvre la possibilité pour les héritiers d’une personne décédée titulaire d’un bail commercial de mettre un terme au contrat en respectant un délai de seulement six mois, sans attendre le terme de la période triennale.

De plus, ce projet de loi vise à promouvoir le développement des très petites entreprises, notamment dans le domaine de l’artisanat. Il s’agit de revaloriser ce secteur pour permettre à toute entreprise artisanale de plus de dix salariés de demeurer immatriculée au répertoire des métiers, sans conditions de durée.

Les chambres consulaires jouent un rôle fondamental pour nos commerces, du fait de leur expertise et de leur connaissance du terrain. Ce texte comporte plusieurs dispositions visant à améliorer le fonctionnement des chambres de commerce et d’industrie et des chambres des métiers, notamment en donnant un effet suspensif à l’appel formé contre un jugement annulant des élections consulaires.

Surtout, nous modifions la définition de la qualité d’artisan pour la revaloriser. Au nom du groupe SRC, je défendrai tout à l’heure un amendement visant à permettre l’inscription dans le texte des fromagers crémiers : acteurs majeurs des circuits courts de distribution, ils sont les garants de la diversité de certaines coutumes et de la préservation des savoir-faire. La définition des métiers de l’artisanat inclut notamment la préparation ou la fabrication de produits frais de boucherie, de charcuterie et de poissonnerie ; il m’apparaissait important d’y ajouter cette profession.

M. Christian Assaf. Très bien !

M. Frédéric Roig. Par ailleurs, ce projet de loi renforce l’efficacité de l’action de l’État en matière d’urbanisme commercial, avec notamment l’instauration d’une faculté d’autosaisine par la commission nationale d’aménagement commercial pour les très grands projets. Afin de garantir la cohésion du territoire, la CNAC pourra désormais jouer un rôle plus important.

Le texte supprime en outre l’obligation de déposer une nouvelle demande d’autorisation en cas de changement d’enseigne, ce qui constitue une avancée non négligeable.

La suppression des soldes flottants, lesquels créaient de la confusion chez les consommateurs et étaient décriés par les commerçants, a été défendue par le rapporteur et adoptée en commission. Les semaines de soldes traditionnelles sont portées de cinq à six semaines. Depuis le début, notre intention est de clarifier les règles, aussi bien pour les commerçants que pour les consommateurs.

Enfin, ce texte traite du régime de l’auto-entrepreunariat. Il a permis à de nombreuses personnes de lancer un projet de création d’entreprise ou de compléter leur revenu par une activité d’appoint. Cette facilité doit être préservée.

Toutefois, certaines dérives, telles que le salariat déguisé, ont été constatées. Il nous en a été fait part lors des auditions et nous avons tous à l’esprit des cas, dans nos circonscriptions, qui nous ont été rapportés.

Par ailleurs, certains auto-entrepreneurs se sont retrouvés limités dans leurs investissements car ce régime est moins avantageux en termes de déductibilité de la TVA et de déductibilité des investissements et des frais professionnels de l’assiette de cotisation.

Laurent Grandguillaume a proposé de mettre en place un statut juridique unique de l’entreprise individuelle, défini par des traits constants s’appliquant à deux régimes, forfaitaire ou réel, dont les caractéristiques seront différenciées selon le niveau d’activité, avec des obligations déclaratives et des régimes fiscaux et sociaux respectifs adaptés.

Concernant le FISAC, madame la ministre, vous avez hérité malheureusement d’une situation difficile. Je tiens à vous remercier, au nom des artisans et des commerçants de ma circonscription, des choix que vous avez faits : prôner d’abord les projets économiques, artisanaux et commerciaux puis compléter par des accompagnements et des projets développés par les collectivités.

Le texte permet de piloter le FISAC en fonction des priorités gouvernementales, selon les crédits budgétaires alloués, au lieu du traitement actuel par file d’attente. Plutôt que de promettre à tous des fonds qui n’existent pas, nous les fléchons en fonction des priorités, afin que chacun sache ce qu’il obtiendra réellement. Nos territoires et nos commerçants ont besoin de prévisibilité et de clarté pour développer leurs projets.

D’ailleurs, il était nécessaire de prendre en compte la dynamisation des centres-bourgs, la revitalisation des zones rurales, et l’adaptation de l’urbanisme commercial face aux enjeux de nos territoires. C’est ce que nous avons fait dans ce texte. La relance de notre économie passe par le développement de nos très petites entreprises, des commerces de proximité et des savoir-faire de l’artisanat.

Nous avons toujours choisi l’action. Plusieurs mesures ont déjà été votées ; ce texte s’inscrit dans la continuité et est une étape supplémentaire dans le redressement du pays. Sophocle disait : « plus faibles sont les risques, meilleure est l’entreprise ». Ainsi, nous renforçons le cadre pour que nos commerces et nos très petites entreprises puissent se développer sereinement.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, ce projet de loi comporte de nombreuses avancées. Le groupe SRC s’en félicite et souhaite que notre débat en séance publique fasse de ce texte un accélérateur de la relance économique par le commerce, l’artisanat et les très petites entreprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme Sylvia Pinel, ministre. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, Jean-Louis Debré, lors de ses vœux au Président de la République le 6 janvier a déclaré : « le Conseil constitutionnel aujourd’hui a à connaître de lois aussi longues qu’imparfaitement travaillées. Il fait face à des dispositions incohérentes et mal coordonnées. Il examine des textes gonflés d’amendements non soumis à l’analyse du Conseil d’État. »

Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a pas été entendu en ce début d’année 2014 ! À peine le projet de loi avait-il été adopté en conseil des ministres que le Premier ministre demandait à un député, monsieur Grandguillaume, un rapport sur le sujet central du projet de loi, les auto-entrepreneurs. Avouez que la méthode laisse perplexe ! D’ordinaire, on engage une réflexion de fond, on demande un rapport, puis on rédige un projet de loi. Dans le cas d’espèce, on a rédigé un projet de loi puis demandé un rapport pour réécrire le projet de loi.

M. Damien Abad. Eh oui !

M. Daniel Fasquelle. Permettez-moi de juger sévèrement cette méthode : le projet de loi a été considérablement modifié puis réécrit, presque en totalité, en commission. Je pense bien sûr aux dispositions portant sur le statut des auto-entrepreneurs, mais aussi à celles qui concernent l’urbanisme commercial par exemple.

Le Gouvernement a ainsi déposé 17 amendements, dont cinq visant à réécrire des articles, et l’on ne compte pas moins de 19 articles additionnels !

M. Michel Piron. C’est le travail parlementaire !

M. Daniel Fasquelle. Si ce qui a été proposé en commission avait figuré dès le départ dans le texte – je pense notamment à l’extension du régime de l’auto-entrepreneur à la micro-entreprise –, nous aurions disposé d’un avis du Conseil d’État et d’une étude d’impact. Ce n’est hélas pas le cas.

M. William Dumas. Vous avez si souvent agi de même !

M. Daniel Fasquelle. Lorsque nous procédions ainsi lors de la précédente législature, vous étiez très sévères à notre égard. Pourquoi faire de même ? Vous faites même bien pire avec ce projet de loi, puisque vous soumettez son examen à une procédure accélérée.

M. Damien Abad. Les temps changent !

M. Daniel Fasquelle. Le Parlement se voit privé de sa capacité à légiférer et à travailler sérieusement car les députés ont découvert le texte en commission et n’ont que ce passage dans l’hémicycle pour tenter de le faire évoluer. Si le projet de loi arrive sous une forme très imparfaite au Sénat, ce sera la conséquence directe de la méthode choisie.

Des questions importantes, apparues depuis l’examen du texte en commission, se posent. J’ai eu la chance, et j’en remercie le rapporteur, d’assister à certaines auditions, qui ont révélé que des questions majeures n’avaient pas été tranchées. Ainsi, les qualifications doivent-elles toutes figurer sur le devis ? Doit-il s’agir des qualifications du gérant ou de celles des employés ? Telles sont les questions que se posent les praticiens, sur le terrain. Si nous avions disposé d’une étude d’impact et pris plus de temps pour réfléchir à ce texte, peut-être n’aurions-nous pas à nous poser ce genre de problèmes. Nous voyons combien il sera difficile, demain, d’appliquer concrètement ce texte.

M. William Dumas. Vous avez eu dix ans pour réfléchir !

M. Daniel Fasquelle. Je passe sur les valses-hésitations pour insérer les dispositions concernant l’urbanisme commercial dans le projet de loi ALUR ou dans le présent texte. Là encore, cela aurait pu être évité si la préparation avait commencé plus en amont et s’était déroulée de façon plus carrée. Cela n’est pas de bonne politique législative.

Malgré tout, ce texte technique comporte un certain nombre d’avancées. Beaucoup, d’ailleurs, s’inspirent de la majorité précédente et ont été l’objet de vos attaques lorsque vous étiez dans l’opposition. Je ne vous ferai pas l’injure de ressortir les déclarations des uns et des autres lors des débats, en commission et dans l’hémicycle, sur le statut de l’auto-entrepreneur !

L’auto-entrepreunariat est aujourd’hui un succès. Il concerne 1 million de Français, et représente, sur cinq ans, 18 milliards d’euros de PIB et 3,5 milliards de rentrées fiscales. Les auto-entrepreneurs sont enfin reconnus et consacrés par ce texte ; leur statut fait aujourd’hui l’unanimité.

M. Damien Abad. Enfin !

M. Daniel Fasquelle. C’est vrai qu’il y a eu des débats, y compris déjà quand nous étions la majorité, sur la limitation dans le temps du statut, le seuil, la relation avec les artisans. Nous avions d’ailleurs commencé à apporter un certain nombre de réponses avant la fin de la précédente législature.

Je me félicite que ce soir, nous nous retrouvions tous pour célébrer le statut de l’auto-entrepreneur, qu’il est même prévu d’étendre à la micro-entreprise. Bravo, quel chemin parcouru !

Il fallait aussi – c’est l’un des mérites de ce texte – mettre fin à certains abus, parfois même à une forme de concurrence déloyale dont se plaignaient les artisans. M. Grandguillaume, qui a écouté les uns et les autres et fait se rapprocher les points de vue, a travaillé dans ce sens. Le projet de loi s’inspire grandement de son rapport, qui est consensuel. Aurions-nous été aux commandes que nous aurions accompli le même chemin et effectué le même travail.

Après avoir créé le statut, il restait encore à l’ajuster par rapport au régime de l’artisanat et à mettre fin aux situations dénoncées, à juste titre d’ailleurs, par les artisans. De ce point de vue, il est vrai que le texte apporte des améliorations, que je salue. Pour avoir, nous aussi, conduit des auditions et entendu les uns et les autres, nous soutenons ces avancées.

Comme toujours, le diable se cache dans les détails et je ne suis pas certain, de par la méthode qui a été suivie, que toutes les difficultés aient été examinées et surmontées. Je pense en particulier à la vérification des qualifications, à l’assurance, au stage qui ne doit être ni trop long ni trop cher pour ne pas décourager les auto-entrepreneurs, au taux de perception sur le chiffre d’affaires. Un certain nombre de ces questions doivent être posées et nous en débattrons.

Certains de ces sujets relèvent du domaine réglementaire. Peut-être profiterez-vous de ce débat, madame la ministre, pour nous éclairer quant aux décrets que vous envisagez de prendre ?

Les avancées sont aussi réelles concernant les baux commerciaux. Je vous félicite d’avoir repris certaines des propositions que j’avais pu faire dans un rapport de 2011 intitulé « Pour lutter contre la vacance des locaux commerciaux ». Il y a là un vrai sujet et il était important de faire évoluer le statut des baux commerciaux sur un certain nombre de points.

En matière d’urbanisme commercial, vous vous êtes inspirés du travail de Patrick Ollier et de Michel Piron.

M. Michel Piron. Pas assez ! (Sourires.)

M. Daniel Fasquelle. En ce qui concerne les CCI, certaines dispositions poursuivent le travail effectué par Catherine Vautrin. Vous avez puisé à d’autres bonnes sources, comme Hervé Novelli ou moi-même. Je ne vous en ferai pas le reproche, bien évidemment.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous ne sommes pas sectaires, nous !

M. Daniel Fasquelle. Heureusement que l’opposition est là pour inspirer vos textes ! (Protestations sur quelques bancs du groupe SRC.) Des parties entières du projet de loi consommation reprennent le travail que nous avions effectué avec Frédéric Lefebvre, et l’une d’entre elles est le copier-coller d’une proposition de loi que j’ai déposée sur les IGP.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il y a ceux qui disent et ceux qui font !

M. Daniel Fasquelle. Mais après tout, l’essentiel est que le travail soit fait et que ces propositions soient adoptées. Heureusement, vous n’avez pas eu besoin de recopier tous les textes et tous les amendements que nous avions déposés : l’informatique, avec le copier-coller, vous a permis de gagner du temps !

La suppression des soldes flottants est une avancée sur laquelle nous pouvons nous retrouver. Madame la ministre, je veux vous remercier d’avoir su écouter les commerçants, qui sont nombreux à souhaiter la fin de ces soldes flottants.

Ceux avec qui j’ai échangé à ce sujet m’ont demandé quand cette disposition entrerait en application. J’attends du Gouvernement qu’il nous apporte des précisions sur le calendrier législatif. Quand ce texte sera-t-il examiné au Sénat ? Quand la loi sera-t-elle promulguée ? Par ailleurs, quels seront les contours du futur régime des soldes ? Celui-ci sera-t-il déjà en place cet été ? Ce sont des questions très concrètes que les commerçants se posent et que je me permets, ce soir, de relayer. Je pense, madame la ministre, que votre réponse intéressera tous les députés ici présents, quels que soient les bancs où ils siègent.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Le Gouvernement inscrit son travail dans la durée !

M. Daniel Fasquelle. Les avancées sont donc réelles et, pour beaucoup, inspirées par l’opposition, ce dont je me réjouis. Cependant, ce texte suscite aussi des craintes et se caractérise par un manque d’ambition.

L’une de ces craintes porte sur le bail dérogatoire. C’est à mon sens une très grave erreur – je l’ai dit et le redirai lors de l’examen des amendements que j’ai déposés sur ce point – que d’étendre les baux dérogatoires de deux à trois ans. Deux ans suffisent pour constater qu’une entreprise est viable ou non ; trois ans ne sont pas nécessaires. Une telle extension banalisera une situation qui devrait être exceptionnelle, car vous créerez un bail de trois ans parallèlement au bail de neuf ans. Certains propriétaires, ne voulant pas s’engager à trop long terme, changeront de locataires tous les trois ans. Or, chacun connaît dans sa commune des cas de commerces qui disparaissent parce qu’ils sont contraints de quitter leur local – cela arrive déjà pour des baux de deux ans, ce serait pire avec des baux de trois – et, ayant perdu leur investissement initial, n’ont pas les moyens de réinvestir ailleurs. Cette mesure risque donc de fragiliser le tissu commercial. Je vous demande d’y renoncer en maintenant ces baux à deux ans. Interrogez les unions commerciales : toutes, elles estiment qu’il y a là une grave erreur qui déstabilisera des centres commerciaux déjà fragilisés par la crise économique. Les commerces souffrent, en particulier en centre-ville ; évitons de prendre des mesures qui pourraient aggraver davantage leur situation.

Autre crainte : le texte prévoit des critères restrictifs concernant le FISAC. Je conviens que certains d’entre eux ont été établis par la précédente majorité.

M. Fabrice Verdier, rapporteur. C’est vrai !

M. Daniel Fasquelle. J’étais déjà réservé à l’époque ; je le suis encore plus aujourd’hui. C’est une erreur de vouloir lier l’attribution des crédits du FISAC à de tels critères. Les zones rurales et de montagne sont mentionnées, mais quid des communes littorales ? Quid des communes touristiques ? Ces communes, dont la mienne, se battent pour conserver des commerces ouverts toute l’année et pour éviter de ne plus offrir que des emplois saisonniers. Dans ma commune, par exemple, les emplois saisonniers d’autrefois sont désormais ouverts à l’année. Évitons donc de déstabiliser ces commerces de centre-ville en cessant de les aider ! Certes, vous avez été attentifs à certains dossiers de communes touristiques et littorales, mais vous vous apprêtez à inscrire dans la loi des critères d’attribution des crédits du FISAC trop restrictifs.

De surcroît, l’enveloppe allouée au FISAC continue de baisser. Ce n’est pas un phénomène récent, puisque je le combattais déjà sous la précédente majorité. Il est alors arrivé que la mobilisation de députés de tous bancs parvienne à faire reculer le Gouvernement, mais la tendance générale est tout de même à la baisse sensible et systématique, au fil des lois de finances, du budget du FISAC. Or, de nombreuses communes deviendront inéligibles au FISAC du fait cette réduction combinée avec la restriction des critères d’attribution. Ces critères sont aujourd’hui plus ou moins appliqués car l’enveloppe est encore substantielle, mais avec la réduction du budget du Fonds, on fermera purement et simplement la porte à certaines communes, peut-être situées dans vos circonscriptions, en raison de critères trop restrictifs.

Une autre crainte concerne les commissions départementales d’aménagement commercial, les CDAC. L’élargissement sensible de leur composition aura pour effet de déposséder les élus locaux de la maîtrise de l’urbanisme commercial, contrairement au but recherché par le texte. À quoi sert-il donc d’élaborer des schémas de cohérence territoriale et d’y attacher un volet commercial si les élus ont au-dessus de leur tête une CDAC dont le nombre de membres ne cesse d’augmenter, qu’il s’agisse de représentants d’associations de maires ou de conseillers régionaux ? En formulant des avis contraignants, elle décidera à la place de ces élus de terrain – alors qu’ils ont défini une politique commerciale dans les SCOT – des endroits où le commerce pourra se développer. Ce n’est guère cohérent ! Je regrette que le Gouvernement ne soit pas allé au bout de cette démarche.

Outre qu’il suscite des craintes, ce projet de loi se caractérise par un manque de souffle et d’ambition. S’agissant des commerces de centre-ville, pour ne citer que cet exemple, pourquoi ne pas avoir pris le temps de conduire une réflexion globale pour remettre à plat le statut des baux commerciaux ? Vous vous y attaquez, mais ce statut date de 1953 ; il a été précisé au fil du temps par la jurisprudence, pour aboutir à un équilibre complexe. L’édifice est extrêmement fragile. Pourquoi n’avoir pas fait pour les baux commerciaux le travail accompli pour les auto-entrepreneurs ? Il aurait fallu profiter de ce texte pour revoir intégralement le statut de ces baux. Il suffisait pour ce faire de consulter ceux qui travaillent sur ce sujet. En octobre 2013, les états généraux des baux commerciaux se sont tenus à l’Université de Paris-Dauphine, à l’initiative de M. Joël Monéger, professeur d’université et spécialiste de ces questions. S’il avait été consulté, ainsi que tous les experts avec lesquels il travaille, nous aurions alors pu envisager une belle et grande réforme des baux commerciaux. Au lieu de cela, vous touchez à leur statut, parfois sur des points extrêmement sensibles, et vous déplacez les curseurs, mais je crains qu’il n’en résulte une déstabilisation de l’ensemble et qu’à vouloir résoudre un problème, vous n’en créiez dix autres. La loi risque en effet d’être la source de nombreux contentieux. Soyons donc prudents : c’est avec la plus grande réserve qu’il faut modifier le statut des baux commerciaux, pour ne pas fragiliser cet édifice.

Plus généralement, pourquoi ne pas avoir fait précéder le projet de loi d’une large réflexion sur l’évolution du commerce ? Ainsi, ni le texte ni l’étude d’impact ne comportent quelque référence que ce soit au développement du commerce en ligne et à l’impact qu’il a sur le tissu commercial existant. Est-ce normal ? Il ne s’y trouve pas non plus de réflexion d’ensemble sur la nécessité de préserver des commerces de proximité et de centre-ville ou sur leur évolution. Là encore, c’est un sujet qui aurait mérité un grand et beau débat, plutôt que de n’être abordé que par le biais du droit de préemption – qui aurait d’ailleurs pu être retravaillé bien plus que vous ne l’avez fait – ou par celui du statut des baux commerciaux.

Vous avez souhaité intégrer les questions d’urbanisme commercial dans le code de l’urbanisme : très bien. Pourquoi, cependant, avoir conservé un tel degré de complexité et ne pas être allé au bout de la démarche ? De même, vous retouchez le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, mais ce texte aurait dû être l’occasion de simplifier le statut des entrepreneurs indépendants. Le maquis des EURL, EIRL, SNC et autres SASU est si complexe que les professeurs de droit, dont je suis, ont les plus grandes peines à expliquer ces statuts – qui continuent de se multiplier – à leurs étudiants. On entend parler de choc de simplification du matin au soir : en l’occurrence, il y avait matière à simplifier ! De ce point de vue, c’est une nouvelle occasion manquée.

En somme, ce texte comporte certes des mesures intéressantes mais, hélas, il n’apporte pas de vraies réponses aux commerçants et aux artisans face à la crise économique.

M. Joël Giraud. Caricature !

M. Daniel Fasquelle. Telles sont en effet les questions qu’il convient de se poser, chers collègues : ce texte permettra-t-il de donner du travail à nos artisans et à nos auto-entrepreneurs ? Leur permettra-t-il d’aller mieux demain, d’avoir plus de clients et d’accroître leur chiffre d’affaires ? La réponse est non.

M. Michel Piron. S’il suffisait de la loi pour y parvenir, cela se saurait !

M. Daniel Fasquelle. Ce texte donnera-t-il du travail aux commerçants de centre-ville ? Non, ils ne s’en porteront pas mieux.

En dépit des conditions dans lesquelles nous travaillons, il me reste à souhaiter que nos débats nous donnent l’occasion d’améliorer largement ce projet de loi et qu’ils permettent au Gouvernement de prendre conscience qu’il fait fausse route depuis deux ans, et qu’il faudra d’autres réformes bien plus ambitieuses pour sortir notre pays des difficultés dans lesquelles votre politique l’a plongé !

M. Damien Abad. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous partageons tous le souhait que le commerce et l’artisanat se consolident dans nos territoires. En effet, ces services participent pleinement à la vie de nos villes et de nos villages. Nous combattons tous la désertification commerciale, particulièrement dans ces quartiers populaires et ces villages où les commerces de bouche ferment les uns après les autres, où les boutiques et les entreprises artisanales disparaissent. C’est l’un des objets de ce projet de loi.

Je voudrais remercier Mme la ministre d’avoir pris le temps de la concertation avec les différents acteurs du secteur comme avec les groupes parlementaires, et remercier aussi M. le rapporteur. Le sens du dialogue qui est le vôtre à tous deux nous a mis dans d’excellentes dispositions à l’égard de ce projet de loi.

Entendons-nous d’abord sur le diagnostic. D’où viennent les difficultés actuelles du petit commerce et de l’artisanat ? Il y a certes des causes structurelles : je pense notamment à la désertification de tant de territoires ruraux et à ces villages qui, année après année, perdent ce qui leur reste de substance. Cependant, il faut bien admettre que les politiques menées par ce Gouvernement – comme par le précédent – ne sont pas de nature à les enrayer. En effet, au terme d’un revirement spectaculaire, le Gouvernement a procédé à l’augmentation des taux de TVA.

M. Damien Abad. Eh oui !

M. André Chassaigne. Après avoir abrogé la « TVA Sarkozy », il a relevé le taux intermédiaire de 7 % à 10 % et le taux supérieur de 19,6 % à 20 %. Cette hausse a frappé directement les travaux à domicile, la restauration, l’hôtellerie et, plus largement, tous les commerçants et artisans. Pour les secteurs de la restauration et du bâtiment, le taux de TVA, qui était jusqu’en 2011 de 5,5 %, a donc doublé en deux ans ! Et tout ceci pour permettre aux grands groupes d’accroître leurs marges et pour offrir 20 milliards d’euros aux entreprises, au nom de la compétitivité et sans aucune contrepartie ! Cette hausse frappe aussi durement le pouvoir d’achat des Français, et parmi eux les plus modestes. Il est amputé de 6 milliards, ce qui nuit évidemment au commerce et à l’artisanat. Ce que veulent les commerçants et les artisans, ce sont d’abord des clients !

Nous pensons que cette politique de l’offre est vouée à l’échec. De nombreux économistes le disent ; des voix de plus en plus nombreuses et diverses émanant de l’ensemble de la gauche le disent aussi. Et pour cause : notre économie ne traverse pas une crise de l’offre, mais une crise de la demande. Le chômage très élevé conjugué à un pouvoir d’achat qui atteint ses plus bas niveaux depuis 1984 grippent fortement la consommation, qui est l’un des moteurs principaux de la croissance française. Aider nos commerçants et nos artisans, c’est tourner le dos à la politique de l’offre et aux hausses de TVA ; c’est aussi faire le choix d’augmenter les salaires et la redistribution.

Ainsi, en 2013, le secteur de l’artisanat du bâtiment a perdu environ 35 000 emplois. Comme l’affirme le président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, « les carnets de commandes sont réduits de moitié en trois ans, les trésoreries vidées, les dépôts de bilan accélérés, les concurrences déloyales exacerbées et les artisans en grande détresse ». Par conséquent, madame la ministre, si nous saluons les mesures techniques et de bon sens contenues dans ce projet de loi, d’autres décisions doivent être prises pour développer le commerce et l’artisanat, comme un choc de pouvoir d’achat et une grande réforme fiscale. Nous savons en effet que les mesures prévues par ce projet de loi ne suffiront pas seules à sauver les derniers artisans et commerçants de proximité qui, dans certains quartiers et villages, s’échinent dans un funèbre solo. Les soins palliatifs peuvent adoucir et retarder la mort, mais ils ne l’évitent pas.

Pour autant, nous nous félicitons des différentes dispositions qui concernent les baux commerciaux, qu’il s’agisse de la nouvelle indexation ou de la limitation à 10 % des réajustements qui peuvent être appliqués en cas d’exception au plafonnement des baux. Modérer les loyers des commerçants peut avoir et aura un impact sur les prix qu’ils pratiquent et les aidera à tenir dans la concurrence très rude qui leur est faite par les grandes chaînes.

À l’avenir, il nous faudra aussi réfléchir aux moyens que le législateur pourrait mettre en œuvre pour mieux réguler la concurrence que la grande distribution fait au petit commerce, cette grande distribution qui, je le rappelle, avale la quasi-totalité des ventes de détail alimentaires : 55,2 % pour les trois grands groupes – 15,4 % pour Intermarché, 19,8% pour Carrefour et 20% pour Leclerc ! Pour cette dernière enseigne, les recettes atteignent 100 000 euros à la minute les gros week-ends !

Cette domination, écrasante pour le petit commerce, n’est pas sans rappeler les propos du père Baudu, dans Au Bonheur des Dames, de Zola, sur les nouveautés, devenues les « cathédrales du commerce » : « Aujourd’hui » disait-il, « elles n’ont plus que l’idée de monter sur le dos des voisins et de tout manger. »

Cela m’amène à souligner un autre point positif du texte : l’extension du droit de préemption commercial aux intercommunalités, aux établissements publics et aux sociétés d’économie mixte. Elle permettra d’aider à maintenir les petits commerces de proximité en centre-ville, souvent menacés par des activités de service, plus rapidement rentables.

Cependant, pour qu’une telle capacité d’initiative soit effective, ne convient-il pas de mettre un coup d’arrêt à la saignée budgétaire à laquelle sont soumises nos collectivités territoriales ? Donner de nouveaux leviers à nos collectivités, tout en amplifiant la RGPP Sarkozy – sous le nom de  modernisation de l’action publique, la MAP – et en obéissant à l’injonction de Bruxelles de sabrer dans les investissements publics à hauteur de 60 milliards, n’est pas la meilleure voie pour redynamiser nos territoires.

Le deuxième volet du projet de loi, qui simplifie les obligations administratives et comptables qui incombent aux artisans, aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée et aux micro-entreprises, va également dans le bon sens.

S’agissant du statut des auto-entrepreneurs, il constitue le point dur du texte. Lorsque ce statut a été mis en place sous la majorité précédente, les député-e-s du Front de gauche avaient souligné le danger qu’il représentait pour les artisans, avec une distorsion de concurrence. Nous avions aussi souligné les risques de salariat déguisé de ce statut. Force est de constater que l’histoire nous a donné raison.

Mais aujourd’hui, des milliers de nos concitoyens vivent et tirent des revenus, si faibles soient-ils, de ce statut. Nous devons donc l’améliorer et faire en sorte qu’il permette, non pas de contourner les conventions collectives, mais de donner des droits sociaux à ceux qui pratiquaient des activités jusqu’à présent non déclarées.

Chacun comprend que le statut d’auto-entrepreneur ne doit pas être un outil mis à la disposition du patronat pour exploiter et précariser. L’alignement du statut des auto-entrepreneurs sur celui des indépendants de droit commun, que portait le projet de loi d’origine, a été abandonné, du moins fortement lissé. Certes, les micro-entreprises seront soumises aux frais de chambre et à la cotisation sociale des entreprises, alors qu’elles en étaient exemptées jusqu’ici.

Les entrepreneurs devront aussi, si j’ai bien compris, madame la ministre, monsieur le rapporteur, effectuer le stage préalable à l’installation, qui devient obligatoire, et disposer d’une qualification et d’assurances au même niveau que les artisans. Est-ce bien le cas ? Vous le préciserez sans doute dans votre réponse.

On peut craindre cependant que les effets d’aubaine liés au régime de l’auto-entreprise demeurent. Or nous connaissons tous des exemples de stratégies de contournement du droit du travail, que permet l’auto-entreprise.

Ainsi, un restaurant huppé de Neuilly-sur-Seine faisait travailler dans ses cuisines des étrangers sans papiers sous ce statut d’auto-entrepreneur. En mars dernier, l’Urssaf a épinglé la société de soutien scolaire Acadomia pour avoir incité une partie de ses professeurs à prendre ce statut. Le syndicat national des pilotes de ligne rapportait qu’une majorité des pilotes de la compagnie à bas coût Ryanair n’étaient pas salariés de l’entreprise irlandaise, mais seulement prestataires, sous ce statut d’entreprenariat simplifié.

L’hôtellerie-restauration, les transports routiers de marchandises, les métiers de la culture et de la communication ou encore le BTP sont particulièrement touchés par ces abus. C’est la raison pour laquelle le monde du bâtiment est depuis toujours opposé à ce régime et réclame haut et fort l’exclusion de ce dispositif de son secteur d’activité.

L’Urssaf et l’inspection du travail sont, en principe, tenues de contrôler les abus et de requalifier, le cas échéant, en contrat de travail les prestations d’auto-entrepreneurs, qui seraient en fait des salariés déguisés. Mais l’ampleur prise par le dispositif, sans renforts supplémentaires pour l’administration, rend la tâche compliquée dans la pratique. Faut-il rappeler que le corps de l’inspection du travail a connu une monumentale saignée ces dernières années ? Aujourd’hui, seuls 2 250 fonctionnaires contrôlent 1 820 000 entreprises employant 18 millions de salariés.

Le manque d’informations quant à l’activité exercée empêche également de contrôler dans le détail. Madame la ministre, que comptez-vous faire pour renforcer la lutte contre le salariat déguisé dans le cadre de l’auto-entreprise ? Nous souhaiterions avoir des garanties sur ce point, ou tout au moins des informations sur les évolutions réglementaires que vous mettrez en œuvre et sur les moyens qui seront dévolus aux actions de contrôle.

La question se pose avec d’autant plus d’urgence que, dans le projet de loi relatif à la formation professionnelle, un coup très sévère est porté à l’organisation de l’inspection du travail. Alors que les donneurs d’ordre multiplient manœuvres et artifices pour contourner ou optimiser la réglementation du travail, le pire serait d’empêcher l’inspection du travail de remplir sa fonction pour laisser les mains libres aux entreprises de précariser et de s’affranchir du droit du travail, que ce soit par le détachement de salariés du sud et de l’est de l’Europe ou, plus près de nous, en instrumentalisant le statut d’auto-entrepreneur.

Enfin, le troisième axe du projet de loi concerne l’urbanisme commercial. Il est prévu un changement de la composition de la commission départementale d’aménagement commercial. Je proposerai par amendement d’y ajouter un représentant des maires ruraux, directement concernés par les effets de l’aménagement commercial en zone rurale.

Il prévoit également une rénovation du FISAC dont M. Fasquelle se plaignait tout à l’heure de l’évolution. Certes, il s’agit, entre autres – je dis bien « entre autres », madame la ministre –, d’une adaptation à un certain manque de moyens. Chacun le sait, quand vous avez pris vos fonctions, la liste des dossiers non instruits était incroyable et il n’y avait pas d’argent pour les subventions, promises parfois depuis deux ou trois ans à des commerçants, notamment en milieu rural. Mais quand j’entendais M. Fasquelle se plaindre de cette situation, je me disais que c’était pourtant le même qui soutenait que l’on ne réduisait pas assez les dépenses publiques ! On ne peut pas dire, d’un côté, qu’il faut réduire les dépenses publiques et, de l’autre, qu’il faut alimenter le FISAC, en se plaignant qu’il n’y ait pas suffisamment d’argent.

Il me faisait penser à une fable médiévale, celle où le loup Ysengrin a la queue du renard qui lui sort de la gueule, et où il dit qu’il ne l’a pas croqué ! (Sourires.) Voilà à quoi me font penser ces cris d’orfraie sur les dépenses publiques !

J’ai déposé un amendement proposé par l’Association des maires de France pour que le FISAC puisse encore être sollicité dans des situations d’urgence qui portent gravement atteinte au tissu commercial, telles que les tempêtes ou les inondations.

Ainsi, pour résumer la première partie de mon intervention,nous appuyons la simplification du cadre technique proposée dans le projet de loi, mais nous pensons que des solutions d’une autre envergure sont nécessaires pour déprécariser les auto-entrepreneurs – je pense aux congés payés et aux arrêts maladie. Il faut aussi mettre en œuvre des mesures d’envergure pour vivifier le commerce et l’artisanat.

Je voudrais encore aborder une question d’importance : l’accès au crédit bancaire.

Pour ne prendre que le département du Puy-de-Dôme, dont je suis l’élu, on ne compte plus les projets de création ou de développement de TPE-PME ou de commerces avortés, faute de crédit. Il s’agit pourtant, souvent, de montants relativement limités, de quelques milliers à quelques dizaines de milliers d’euros. Trop fréquemment, les porteurs de projets se heurtent au mur du refus bancaire, sans jamais connaître les critères du rejet.

Je ne citerai pas le nom du village, qui est assez proche du mien, je ne citerai pas non plus le nom de la personne concernée, de la banque et de la somme concernées, mais je voudrais tout de même vous donner un exemple bien précis. Il s’agit d’un tabac-presse, dans un chef-lieu de canton de 500 habitants. La propriétaire de ce tabac a un cancer, avec un traitement lourd et, de surcroît une salariée à mi-temps qui part à la retraite début avril. Elle est donc obligée de vendre. Elle fait des efforts puisqu’elle baisse son prix de départ de 20 % et accepte de vendre avec un crédit vendeur sur le stock. L’acheteur, lui, a un apport personnel d’environ un tiers du coût, sachant que le territoire consent une avance remboursable de la plate-forme d’initiative locale, conditionnée à l’obtention du crédit bancaire.

Depuis vingt ans, la banque en question bénéficie des dépôts du vendeur. Elle compte l’acheteur parmi ses clients, avec ses comptes professionnels et personnels, des comptes d’épargne, des assurances. Or cette banque – dont je ne citerai pas non plus le nom –, après avoir pourtant donné un accord verbal, vient, vendredi dernier, soit cinq jours avant le compromis de vente qui devait être signé aujourd’hui même, d’estimer qu’elle ne pouvait finalement pas prêter en raison d’une rentabilité insuffisante et d’un crédit trop long.

Le tabac presse a un chiffre d’affaires consolidé et un revenu certes modeste, mais c’est souvent le cas en milieu rural pour les commerçants et les artisans. Outre que les commissions diverses – tabac, Française des jeux – représentent 40 % du chiffre d’affaires, le matériel informatique est récent, de même que la caisse, les linéaires et l’alarme – d’une valeur de 1 400 euros. Il n’y a aucun investissement à réaliser à court terme et le comptable a établi un prévisionnel qui garantit la viabilité du projet.

Pourtant, la banque, comme elle le fait régulièrement, refuse d’accorder le prêt ! Il n’y a en effet quasiment pas une semaine – nous sommes tous concernés ici par ce problème – où nous ne recevons pas dans nos permanences des artisans ou des commerçants, des PME qui ne peuvent pas obtenir de crédit bancaire auprès de banques qui, par ailleurs, investissent à l’étranger et font de la spéculation. C’est inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme Fanny Dombre Coste. Il a raison !

M. André Chassaigne. S’il y a des leviers à actionner pour le développement de l’activité, notamment en milieu rural, actionnons d’abord celui du crédit bancaire. Attaquons-nous aussi aux charges financières, aux intérêts versés aux banques et aux dividendes versés aux actionnaires qui pèsent pour plus de 300 milliards d’euros chaque année sur l’ensemble des entreprises. Regardons la réalité économique en face, et faisons le choix d’aider l’investissement, la création d’emplois, le développement des PME-TPE, plutôt que d’encourager une nouvelle gabegie financière, sans contrepartie pour l’économie du pays. Commerçants, artisans et responsables de PME ne sauraient être confondus avec des prédateurs financiers !

Ce qui nuit au financement de l’économie réelle, ce qui crée les dramatiques difficultés que rencontrent nos entrepreneurs – PME, artisans, commerçants – dans l’accès au crédit, tout autant que les ménages et les collectivités territoriales, c’est, me semble-t-il, que les banques sont plus tournées vers la spéculation financière que vers l’investissement, l’emploi, le bien-être social.

M. Jacques Krabal. Très bien !

M. André Chassaigne. Même si cela ne figure pas directement dans le texte de loi, madame la ministre, chers collègues, j’aborderai, pour conclure, la question du repos dominical.

Avant-hier, sept syndicats de salariés – CGC, CGT, CFDT, CFTC, FO, Unsa, SUD – et douze organisations patronales du petit commerce – avec, en tête, la Confédération des commerçants de France –, ainsi que le collectif des Amis du dimanche, ont présenté une position commune pour défendre le « jour pas comme les autres ».

L’économiste Éric Heyer de l’OFCE a confirmé qu’en termes d’emploi et de croissance économique, l’effet d’une extension des ouvertures dominicales était « au mieux neutre », au pire légèrement négatif. D’éventuelles créations d’emplois dans les grandes enseignes, où la productivité est importante, provoqueraient encore plus de destructions dans le petit commerce. Les députés du Front de gauche, que je représente aujourd’hui, défendront le repos dominical. Le Gouvernement, madame la ministre, en fera-t-il autant ?

Vous l’avez constaté, chers collègues, je souhaite que nos débats permettent de répondre aux différentes inquiétudes dont je me suis fait, comme d’autres avant moi, l’écho, ainsi qu’aux quelques questions que j’ai posées. Si nous obtenons ces réponses, madame la ministre, et nous n’en doutons pas, nous voterons bien évidemment ce projet de loi, qui représente certes une avancée modeste mais, techniquement, une avancée concrète. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Madame la ministre, la plupart des dispositions de ce texte vont, comme cela a été dit par mon collègue Michel Zumkeller, dans le bon sens et n’appellent pas d’opposition particulière de la part de notre groupe.

Nous nous félicitons notamment de l’adoption de nombreux amendements qui ont permis d’améliorer le projet de loi initial en commission – et je ne suis pas de ceux qui se plaindront que le travail parlementaire améliore les textes – et qui permettront de répondre avec pragmatisme aux attentes que peuvent formuler et aux obstacles que peuvent rencontrer les petits entrepreneurs au quotidien, qu’ils soient artisans, commerçants ou dirigeants de TPE.

Dans un contexte économique particulièrement difficile, qui touche en premier lieu les petites entreprises, le groupe UDI ne peut qu’apporter son soutien aux articles contribuant à clarifier et à simplifier les dispositions existantes.

Ainsi, s’agissant de la réforme des baux commerciaux, même si j’attire l’attention du Gouvernement sur le risque de prendre des dispositions générales uniformes qui régiront l’ensemble des baux, alors que les rapports locatifs revêtent des réalités commerciales très différentes, il sera sans doute nécessaire de faire évoluer le texte sur certains points.

Ainsi, s’agissant des articles relatifs au régime de l’auto-entrepreneur, le groupe UDI ne peut que se féliciter de l’évolution du texte en commission. J’avais moi-même questionné ce statut et le système en commission le 22 mai 2013. Le statut de l’auto-entrepreneur ne résulte-t-il pas d’une sorte de schizophrénie législative, au regard, d’une part, de l’accumulation normative que déplorent nombre d’entreprises et, d’autre part, du souhait d’une plus grande liberté entrepreneuriale ? Quel objectif vise-t-on ? La question demeure. S’agit-il de faciliter la création, auquel cas la durée du statut doit être limitée, ou s’agit-il au contraire de pérenniser le statut de micro-entreprise, auquel cas il faut se demander à quelle condition la dérogation devient la règle ? Enfin, et surtout, renonce-t-on à simplifier la vie des entreprises ordinaires – entreprises artisanales, PMI et PME ? Ce sont les questions soulevées par ce statut.

S’il est donc utile de limiter les abus et de lutter contre la concurrence déloyale et le salariat déguisé, ce que la précédente majorité avait d’ailleurs entrepris en ajustant le régime de l’auto-entrepreneur, il serait regrettable de mettre à mal un régime dont le succès est reconnu par tous. Le rapprochement des régimes de la micro-entreprise constitue une avancée importante, et je m’associe aux félicitations qui ont été adressées à notre cher collègue Grandguillaume.

En revanche, vous me permettrez, madame la ministre, de maintenir mes interrogations, pour ne pas dire mes craintes et ma perplexité, sur ce que je pourrais appeler les « condiments législatifs » que vous apportez à l’urbanisme commercial. Pour avoir beaucoup travaillé naguère sur ce sujet, ici même, au Sénat avec Dominique Braye, et à Bruxelles – Bercy comprendra –, je connais la complexité du sujet, ses difficultés, et les obstacles dressés par de puissants intérêts, toujours, certes, au nom de la libre concurrence, contre la régulation qu’exigerait un urbanisme maîtrisé, harmonieux, tel qu’il est mis en œuvre notamment en Allemagne et dans certaines provinces italiennes. Le sort de nos villes, et particulièrement des villes moyennes, dont les centres sont asséchés par des implantations aussi anarchiques que pléthoriques, en dépend.

Ce débat a eu lieu, très partiellement, avec la loi LME de 2008, que j’ai récusée. Nous l’avons repris avec une proposition de loi cosignée par Patrick Ollier et moi-même, et parachevée par Dominique Braye et Jean-Paul Émorine au Sénat, texte qui n’a hélas pu venir en seconde lecture. Il existe toujours et reste suspendu à un arbitrage qui, je vous l’accorde, madame la ministre, ne dépend pas de vos seuls attributs. Comment pourrait-il, d’ailleurs, en être autrement, quelle que soit la sensibilité réelle de vos collaboratrices et collaborateurs, sensibilité que je tiens à souligner, quand, vu de Bercy, la question de l’urbanisme commercial me semble demeurer celle du commerce urbanisable ?

Ainsi, malgré les quelques améliorations que vous apportez à la composition des CDAC et de la CNAC, l’urbanisme commercial demeurera, en France, un urbanisme d’exception, échappant aux règles générales de l’urbanisme, contrairement à ce qui se fait chez nos voisins européens. C’est, sans vous en faire grief, madame la ministre, mon grand regret que, sur un sujet aussi important, on renonce toujours à remettre de l’ordre sur le territoire, dans nos villes, dans nos paysages, dans le quotidien de nos concitoyens, par une loi qui serait digne de ce nom.

Quoi qu’il en soit, vous l’aurez compris, en vous remerciant à nouveau pour votre écoute, même si nous pouvions attendre davantage de ce texte, nous ne nous opposerons pas à la plupart de ses dispositions, qui restent, pour nous, de bonnes mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume.

Il a beaucoup été question de lui, nous allons à présent l’écouter ! (Sourires.)

M. Laurent Grandguillaume. Votre projet de loi, madame la ministre, s’adresse directement à l’ensemble des entrepreneurs individuels de France. Il faut rappeler que les artisans, les commerçants et les professions libérales représentent des millions d’entrepreneurs dans notre pays.

Les micro-entreprises, celles qui représentent moins de dix salariés, pèsent économiquement autant que les PME et que les entreprises intermédiaires en France. Il est bon de le rappeler car elles jouent un rôle de premier plan en matière d’emplois, de création de richesses et de redressement économique. Elles sont également créatrices de lien humain, de « vivre ensemble », comme cela a été souligné par notre collègue Frédéric Roig.

Mais les contraintes administratives qui pèsent sur elles sont d’autant plus fortes que leur taille est petite. Elles ne disposent pas des mêmes moyens humains que les entreprises de plus grande taille. Chaque formalité complexe est du temps pris sur celui consacré au développement de l’entreprise. Et l’entrepreneur individuel, par nature, est souvent un entrepreneur isolé. Alors simplifions-lui la vie !

Créer son entreprise individuelle est devenu, au fil du temps, le parcours du combattant. Comment créer mon entreprise seul ? Dois-je choisir l’EI ou l’EIRL – il y a d’ailleurs quasi-impossibilité de passer d’un statut à l’autre, car il faudra que j’estime mon actif et mon passif au moment du passage ? Dois-je choisir une forme de société unipersonnelle ? Puis, ensuite, quel régime fiscal et social : auto-entrepreneur, microfiscal, réel, réel simplifié ? Qu’en est-il du prélèvement libératoire ? Quelle option dois-je choisir entre l’IR et l’IS ? Avec toutes ces questions, on est bien loin du projet originel de la création d’entreprise. Il est donc grand temps de passer du parcours du combattant au parcours de croissance.

Tel est le sens de la mission qui m’a été confiée par M. le Premier ministre, dans un contexte difficile de fortes oppositions entre artisans et auto-entrepreneurs. Mais dans un contexte aussi de dynamique collective sur la simplification. En effet, Thierry Mandon a remis un rapport important sur la simplification à destination des entreprises, qui liste une série de propositions ambitieuses.

Je tiens d’ailleurs à remercier l’ensemble des acteurs qui ont participé, chaque jeudi, pendant deux mois, à la commission de travail que j’ai animée. Je remercie mes collègues Fabrice Verdier, rapporteur, et Frédéric Roig pour le travail que nous avons mené ensemble. Je voudrais également remercier Christian Eckert, rapporteur général, ainsi que François Brottes, président de la commission des affaires économiques, pour le soutien qu’ils m’ont apporté, ainsi que pour leur expertise. Je remercie en outre les deux co-rapporteurs de la mission, M. Sauret et M. Pham Ngoc, ainsi qu’Éric Adam, sans oublier Saïd Oumeddour, de même que nos homologues sénateurs, comme Philippe Kaltenbach, qui a rédigé un rapport sur l’auto-entrepreneur, et tous les collègues de l’opposition que j’ai pu rencontrer lorsqu’ils en ont fait la demande. Tous ont fait preuve d’un esprit d’ouverture et de recherche de solutions que la fermeté des positions préalables ne laissait pas présager.

Au final, le schéma d’ensemble proposé découle directement des propositions que nous avons travaillées ensemble, madame la ministre, avec la commission. Il est sous-tendu par une recherche constante de simplicité et d’équité. Il est ambitieux par les effets qu’il induit et nécessitera un suivi précis des mesures décidées, afin d’éviter de recréer de la complexité par le jeu des détails. Il vise à simplifier et à réformer le cadre de l’entreprise individuelle pour sécuriser l’entrepreneur, simplifier ses formalités et les modalités d’acquittement de ses charges sociales et fiscales, améliorer sa protection sociale, protéger son patrimoine personnel et, enfin, mieux l’accompagner.

La création du régime des auto-entrepreneurs en 2008 par Hervé Novelli a démontré l’impact positif de procédures administratives réellement simples en matière de création d’entreprises. Mais, dans le même temps, elle a induit des réactions négatives des autres entrepreneurs face à ce qu’ils considèrent comme un régime privilégié débouchant sur une distorsion de concurrence en leur défaveur. Pourquoi ? Parce que cela a été un régime supplémentaire, créé sans que l’on simplifie l’ensemble des régimes existants. Il faut maintenant passer à la simplification pour tous.

La mission a donc travaillé sur un scénario permettant de répondre à quatre principes qui doivent guider le cadre de la création d’entreprise : la simplicité, la lisibilité, l’équité et la fluidité, c’est-à-dire la possibilité d’évoluer facilement d’une forme d’activité à une autre en fonction des nécessités et opportunités.

Pour plus de simplicité et de lisibilité, nous avons proposé un statut juridique unique pour l’entrepreneur individuel, défini par des traits constants s’appliquant à deux régimes, qui seront unifiés, entre l’auto-entrepreneur et le micro-fiscal, dont les caractéristiques seraient différenciées selon le niveau d’activité, avec des obligations déclaratives et des régimes fiscaux et sociaux adaptés à la taille.

Avec le rapporteur, avec vous, madame la ministre, et avec l’ensemble des collègues, nous avons enrichi le projet de loi en commission des affaires économiques en faisant adopter des amendements découlant de différentes recommandations.

L’amendement visant à instaurer un comité de préfiguration en vue de parvenir à des propositions claires et complètes en vue d’instaurer enfin un statut unique de l’entrepreneur individuel a été adopté. Il visera à unifier l’entreprise individuelle, l’EIRL et l’EURL, mais aussi à gérer la question du stock, enfin, car chaque fois que des régimes ont été créés, elle a été laissée de côté. Il faudra laisser à celles et ceux qui sont assujettis aux statuts existants le temps nécessaire pour passer à ce nouveau statut.

Il faudra du courage pour mener cette réforme au bout, tant les conservatismes seront forts et les résistances nombreuses. Il faudra aussi du temps, car cela concerne plus d’un million d’entrepreneurs, et il faudra veiller à la conformité avec les textes communautaires.

Cette nouvelle entreprise individuelle sera dotée d’une personnalité juridique et disposera de son propre patrimoine, ce qui facilitera aussi le passage en société lorsque l’entrepreneur individuel aura besoin de s’associer pour la croissance de son entreprise. L’habitation principale devra être protégée par défaut, dans la continuité de la loi Dutreil de 2005, avec encore plus de simplicité. Cette habitation principale ne devra pas être saisissable ; c’est un enjeu important, difficile, on le sait, mais fondamental pour l’entrepreneur.

Pour plus d’équité, nous passerons donc à deux régimes, par la fusion de l’auto-entrepreneur et du micro-fiscal, l’extension de la simplicité de l’auto-entrepreneur au micro-fiscal.

On connaît les différences entre les deux régimes : tous les entrepreneurs au micro-fiscal sont aujourd’hui assujettis à des cotisations minimales – celles-ci seront donc supprimées – tandis que les auto-entrepreneurs ne participent pas, eux, aux frais de chambres consulaires – ce sera le cas désormais, ce qui tout en représentant une petite somme, permettra ainsi de placer les uns et les autres sur un pied d’égalité. Sachant que 40 % des artisans hors auto-entrepreneurs sont au micro-fiscal, les artisans bénéficieront donc, eux aussi, de cette simplification.

Avec la fin de la limitation dans le temps et de la baisse des seuils de TVA – l’une des revendications de certaines organisations –, on va dans le sens de l’histoire en permettant à tous ceux qui commencent de savoir qu’ils ne paieront qu’en fonction du chiffre d’affaires qu’ils auront réalisé. Ils pourront en outre accroître leur couverture pour la retraite, notamment en fin d’année. Nous devrons cependant préciser par voie d’amendement qu’il s’agit bien d’un opt-in et non d’un opt-out, lequel serait considéré comme une nouvelle contrainte. Les entreprises qui auront choisi ce régime bénéficieront donc de la suppression des cotisations minimales.

Nous n’en oublions pas pour autant tous les artisans et commerçants qui sont assujettis au régime réel puisqu’ils verront eux aussi leurs cotisations minimales diminuer, passant de 1 700 euros par an à 1 000 euros. Il faut savoir en effet que nombre de nouveaux entrepreneurs paient aujourd’hui, à leurs débuts, des cotisations supérieures à leur chiffre d’affaires.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est un vrai problème.

M. Laurent Grandguillaume. Il faut revenir sur cette injustice : plus de 350 000 personnes ont payé en 2012 des cotisations supérieures à leurs revenus.

Il faudra aussi, par équité, supprimer par décret les droits contributifs aux entrepreneurs qui n’ont pas cotisé le moindre euro. Aujourd’hui, les auto-entrepreneurs qui ne réalisent aucun chiffre d’affaires bénéficient des indemnités journalières et de l’invalidité-décès, ce qui pèse chaque année près de 25 millions d’euros sur le budget du RSI tout en étant financé par les cotisations des entrepreneurs qui ont une activité réelle. Je crois qu’il y a consensus sur cette question. Ce décret, en préparation depuis longtemps, devra enfin être publié.

Viendra peut-être un jour le débat, encore tabou, sur l’autoliquidation. Ce n’est pas le sujet dont nous débattons aujourd’hui, mais les entretiens que j’ai eus ont montré qu’il devra bien être abordé un jour. De même, la rationalisation des organismes sociaux de recouvrement, sujet lui aussi complexe, je le sais, devra faire un jour l’objet d’un débat, tout comme celui de la cotisation foncière des entreprises, laquelle selon moi est, en l’état, une usine à gaz. Nous l’avons certes modifiée en loi de finances, mais pour les petites structures, il faudrait plutôt une contribution économique territoriale proportionnelle au chiffre d’affaires et avec un faible taux national.

Mme Fanny Dombre Coste. C’est vrai !

M. Laurent Grandguillaume. Voilà encore une piste qu’il faudra approfondir collectivement, au-delà des clivages.

Je souhaite aussi avec d’autres collègues, par voie d’amendement, appliquer au nouveau régime du forfait le recours à la voie électronique pour l’ensemble des démarches des personnes exerçant dans le nouveau cadre simplifié, parce que ce sera facteur d’économies.

Quant au stage préparatoire à l’installation, tous les nouveaux artisans y seront dorénavant soumis. Pourquoi les uns devraient-ils le faire et pas les autres ? Soit on le supprime pour tout le monde, soit on l’applique à tout le monde. Mais ce stage devra bien évidemment être adapté aux individus, à leur parcours, pour un coût lui aussi adapté aux contraintes.

Mais il faudra aussi mieux accompagner les entrepreneurs car si les réseaux – CCI, chambres des métiers, organismes de gestion agréés, l’association pour le droit à l’initiative économique, boutiques de gestion pour entreprendre, coopératives d’activité, pépinières, etc. – sont nombreux et travaillent ensemble, il faudra impulser de nouvelles dynamiques, faire en sorte que les organismes de gestion agréés, ou OGA, puissent accompagner tous ces créateurs d’entreprise dans leur passage vers le régime réel.

Il convient aussi de développer des chartes d’accompagnement, notamment au niveau des régions comme cela a été fait en Rhône-Alpes et dans le Nord-Pas-de-Calais, deux bons exemples pour ce qui est de la création et de la transmission d’entreprises.

Par ailleurs, il est nécessaire d’unifier les différents portails internet en s’inspirant en particulier du travail de Dominique Restino, et aussi de développer des espaces de coworking parce que les entrepreneurs individuels sont souvent isolés et qu’il faut qu’ils puissent mutualiser leur travail.

Et puis il y a la question du financement des TPE : elle est importante car celles-ci ont des difficultés d’accès à la trésorerie, parfois à l’emprunt. Existent déjà en la matière le micro-crédit, les garanties de la Banque publique d’investissement, le crowfunding, mais l’accompagnement reste à développer, comme l’a dit notre collègue André Chassaigne.

Les TPE sont une chance pour notre pays. Elles représentent cette France des solutions. Ce sont elles qui, dans les territoires, prennent des risques, innovent, créent et développent. Elles sont une des clés de l’objectif de réduction du chômage car elles sont porteuses d’emplois durables et non délocalisables.

L’entreprise est une communauté de destin à l’origine de laquelle il y a des femmes et des hommes qui prennent des risques, investissent leurs temps, leur énergie et leurs moyens. Il s’agit parfois de réaliser un rêve, une ambition ou même tout simplement de tester une idée. Créer une entreprise est un acte de courage et de volonté. Par conséquent, simplifions la vie des entreprises par votre texte, madame la ministre, pour que les entrepreneurs se consacrent entièrement à leurs projets et donc au redressement de notre pays ; retrouvons à cette occasion le chemin de l’unité nationale dans notre diversité et notre pluralité, l’unité nationale pour nos entreprises, pour l’emploi, pour la République et pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.)

M. Joël Giraud. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à dire que je partage nombre des propos exprimés par Laurent Grandguillaume. Nous en arrivons à un texte plutôt positif, même si j’ai envie de dire : que d’énergie dépensée, que de temps gaspillé, que d’agitation inutile ; que de « poussins » en colère, que de « pigeons » plumés, que d’auto-entrepreneurs déboussolés et que d’artisans désorientés. Je me souviens comme vous, madame la ministre, de cette fameuse réunion de la commission des affaires économiques, il y a juste quelques mois, où tout le monde était contre vos propositions de remise en cause du régime des auto-entrepreneurs ; je me souviens des échanges que nous avons eus alors et de l’incompréhension que votre position suscitait.

Mme Fanny Dombre Coste. C’est un phantasme !

M. Damien Abad. À l’époque, vous vouliez limiter dans le temps et dans les montants le régime des auto-entrepreneurs. Ce n’est plus aujourd’hui le cas, et c’est tant mieux.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Le Gouvernement a pataugé !

M. Damien Abad. À l’époque, vous opposiez artisans et auto-entrepreneurs.

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Pas du tout !

M. Damien Abad. Vous avez compris l’artificialité d’une telle opposition, et c’est tant mieux. Je me félicite aussi que le rapport de Laurent Grandguillaume, dont je tiens à saluer la qualité du travail, soit venu conforter la position initiale des députés UMP et que, vous-même, madame la ministre, nous ayez écoutés et entendus. (Murmures sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Vous nous proposez donc aujourd’hui un texte nettement plus acceptable et qui conforte le régime des auto-entrepreneurs, créé sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Mme Fanny Dombre Coste. C’est bien le problème !

M. Damien Abad. Vous voyez bien, ma chère collègue, que vous restez toujours enfermée dans vos carcans idéologiques (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), et c’est bien dommage au moment où la France aurait besoin de davantage d’ouverture, de davantage de confiance et de croyance dans les entreprises.

Mme Sophie Dion. Très juste !

M. Damien Abad. Votre président de la commission des affaires économiques lui-même vient de parler d’entreprenariat pour tous, et je suis prêt à reprendre sa formule parce que c’est de cela qu’il s’agit quand on évoque les auto-entrepreneurs ou les artisans.

Votre texte malheureusement, madame la ministre, n’est pas, comme mon collègue Fasquelle l’a souligné, à la hauteur des enjeux ni des attentes des artisans et commerçants – même si des avancées positives existent. Il n’est qu’une réponse infime par rapport à la réalité de la crise que nos PME doivent surmonter, ces mêmes PME qui subissent non seulement la crise mais aussi votre matraquage fiscal permanent.

Mme Fanny Dombre Coste. Ça faisait longtemps qu’on ne l’avait pas entendu !

M. Damien Abad. Comme le président de la commission des affaires économiques, je crois que, dans notre pays, il faudrait que nous retrouvions la culture du risque, la culture de la réussite – réussir, ce n’est pas forcément tricher –, ainsi que la culture de l’échec – échouer ne doit pas être forcément rédhibitoire et une capacité de rebond doit être facilitée.

Sur la forme, sans revenir sur ce qu’a dit Daniel Fasquelle, je citerai une phrase prononcée par Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, lors de ses vœux, et que mon collègue n’a pas citée : « Aujourd’hui, on subit des bégaiements et des malfaçons législatives qui ne sont pas nouvelles, mais malheureusement fort nombreuses. »

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est le drame français !

M. Damien Abad. Je veux surtout en appeler aux droits du Parlement. À cet égard, je regrette, et vous-même l’aviez fait, madame la ministre, quand vous étiez dans l’opposition, le fait que la procédure accélérée se soit autant banalisée. Si elle est accélérée, c’est qu’elle n’est pas normale et donc qu’elle ne doit pas devenir celle de droit commun. En l’occurrence, il ne s’agit même plus d’une seule lecture mais d’une demi-lecture puisqu’on n’a même pas eu le temps de discuter sur le fond nombre d’amendements du Gouvernement, arrivés très tardivement sans même un avis du Conseil d’État ou une étude d’impact.

Maïs ce texte a bien sûr aussi des limites sur le fond alors que son titre pourrait nous faire penser qu’il s’agit de relancer la compétitivité de l’artisanat, de nos commerces de proximité et de nos petites entreprises auxquels nous sommes bien entendu toutes et tous attachés. On le sait, les très petites entreprises représentent 97 % des entreprises françaises contre 3 % pour les PME, les grandes entreprises atteignant tout juste 0,2 %. Et ces TPE, où les artisans sont évidemment très présents, représentent plus du tiers de l’emploi en France.

Il y a bien sûr quelques avancées positives s’agissant de l’urbanisme commercial et aussi de la refonte du FISAC – vous avez même, dans votre grand esprit d’ouverture et de sagesse, madame la ministre, soutenu un poissonnier de ma circonscription, travaillant à Montréal-la-Cluse, reconnaissant ainsi l’utilité de ces fonds d’artisanat et de commerce sur nos territoires.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Vous en avez de la chance !

M. Damien Abad. Je tiens aussi à souligner l’importance de l’extension de l’indice des loyers commerciaux en centre-ville, une évolution qui va dans le bon sens. Et certains des orateurs précédents ont aussi rappelé, parmi les avancées positives, la suppression des soldes flottants, qui avaient plus d’inconvénients que d’avantages.

Mais je reviens à la question des auto-entrepreneurs : il y a eu beaucoup de cafouillage et de reculades.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ça, c’est sûr !

M. Damien Abad. Le groupe UMP a toujours défendu trois principes majeurs : ne pas limiter leur chiffre d’affaires en en abaissant le seuil ou en créant un seuil intermédiaire qui pousserait de façon obligatoire et non volontaire à changer de régime ; ne pas restreindre dans le temps le régime des auto-entrepreneurs ; ne pas exclure de nouveaux métiers ou de nouvelles catégories dudit régime. En commission, nous avons pu consacrer l’abandon définitif des seuils réduits d’activité et de la limitation du régime de l’auto-entrepreneur dans le temps. De même, la fusion des régimes micro-fiscal et micro-social sur le modèle de l’auto-entreprise va dans le bon sens. C’est vrai que le revirement du Gouvernement est spectaculaire mais, comme dirait le président de la commission des affaires économiques, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ! Saluons donc une telle évolution, sachant que je proposerai, avec d’autres collègues du groupe UMP, un certain nombre d’amendements pour améliorer encore le dispositif. Je rappelle que depuis sa création, en 2009, le régime d’auto-entrepreneur a permis à environ un million de personnes, étudiants, chômeurs ou retraités, de lancer leur propre activité grâce à la mise en place de démarches simplifiées et d’un régime fiscal avantageux.

Pour conclure, je vous invite, mes chers collègues, à poursuivre les efforts entrepris, à écouter et à entendre la voix de l’UMP, qui est tout simplement celle du bon sens et du soutien indéfectible et sans contrepartie à nos commerçants, nos artisans, nos chefs d’entreprise – je constate qu’il y a sur les bancs beaucoup de radicaux de gauche présents, mais peut-être y a-t-il un lien de cause à effet (Sourires) – ainsi qu’aux salariés, tous œuvrant quotidiennement à l’intérêt de notre pays et à la promotion de nos territoires, qu’il convient chaque jour de préserver et de renforcer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Madame la ministre, l’examen en commission a considérablement fortifié le projet de loi car vous avez su écouter les parlementaires. Vous avez ainsi vraiment joué le jeu du travail en commission, ce qui a d’ailleurs déstabilisé non seulement M. Fasquelle, qui n’y retrouve plus ses petits, mais également M. Abad : je rappelle en effet à ce dernier que la ministre n’a jamais été auditionnée en commission sur le sujet des auto-entrepreneurs et qu’elle n’a jamais exprimé autre chose que sa volonté de réconcilier auto-entrepreneurs et artisans. Je prends acte du fait, cher collègue, que nous n’avons pas dû assister aux mêmes réunions de commission !

M. Damien Abad. En effet !

M. Joël Giraud. Après un examen en commission donc, le projet de loi dont nous allons débattre a réussi à trouver un bon équilibre entre des impératifs qui pouvaient s’entrechoquer. Depuis sa présentation en août 2013, le chemin ne fut pas de tout repos. Il a fallu gravir quelques cols, parfois enneigés, mais aujourd’hui, après les étapes de montagne de la concertation avec tous les acteurs socio-professionnels concernés, vous nous proposez un texte courageux et innovant. Il s’inscrit dans la continuité de votre action et de l’action du Gouvernement pour la croissance et l’emploi dans le commerce, l’artisanat et les très petites entreprises.

Il rassemble en effet les mesures législatives prévues par votre pacte pour l’artisanat de janvier 2013 et votre plan d’action pour le commerce et les commerçants de juin 2013 – actions qui contrastent singulièrement avec celles des dix dernières années, chers collègues de l’opposition. Parce que ces secteurs ont longtemps été un peu délaissés, presque oubliés, et parfois moqués par les experts en économie, voire souvent en macroéconomie, qui leur préfèrent les grandes entreprises ou la grande industrie, nos élites s’y intéressent peu car ils n’ont pas connu ce parcours et que nous avons peu d’outils pour mesurer leur contribution au dynamisme de la France.

Mais cet oubli est une véritable erreur, et les députés de terrain que nous sommes le savent bien, ils apportent non seulement de l’emploi local puisqu’ils sont par nature indélocalisables, mais aussi un puissant facteur de cohésion sociale, dans nos villes comme dans les territoires ruraux.

Aujourd’hui, alors qu’elles ont subi souvent plus durement la crise, que leur trésorerie est exsangue et que l’accès au crédit est aléatoire, l’affaissement structurel qui touche nos TPE témoigne de la faute de l’abandon. Les TPE de l’artisanat, du commerce, des services ou de la petite industrie constituent pourtant indéniablement le socle entrepreneurial qui apporte la vitalité à notre pays. Ces TPE, c’est 25 % de notre produit intérieur brut, 7 millions de salariés et plus de 3 millions d’entreprises.

Madame la ministre, vous avez régulièrement dit que ces TPE doivent devenir une priorité et vous avez raison. Elles doivent être mises à la place qui est la leur, à la place qui leur revient. Que seraient nos territoires ruraux sans ces milliers de TPE qui les font vivre ?

Votre projet de loi vise à favoriser leur développement sans rien sacrifier à l’exigence de justice et de protection des consommateurs, et je partage entièrement cette perspective. Ne comptez d’ailleurs pas sur un député radical de gauche pour s’opposer à la liberté d’entreprendre ou à la simplification des procédures pour créer son activité. (Sourires.)

M. Damien Abad. Ni sur le Gouvernement.

M. Joël Giraud. Mais ne comptez pas non plus sur un député radical de gauche pour s’opposer à l’équité entre les différents régimes sociaux et fiscaux pour des entrepreneurs qui ont la même activité. Rien ne justifie que l’on continue à encourager le travail dissimulé, la distorsion de concurrence, l’impossibilité de contrôler, une protection sociale au rabais, le salariat déguisé ou encore l’absence de protection des consommateurs.

Le texte que nous allons examiner corrige ces dérives du régime de l’auto-entrepreneur, tout en conservant la simplicité des procédures de création, les formalités réduites et des cotisations modestes.

Le monde de l’artisanat attendait ce changement depuis plusieurs années, la tâche était complexe, mais après plusieurs rapports et une longue concertation, nous aboutissons aujourd’hui à un texte parfaitement équilibré. C’est une belle réussite car ce n’était pas gagné d’avance.

M. Damien Abad. Ce n’est pas non plus une révolution !

M. Joël Giraud. Avec l’amendement voté en commission sur l’établissement d’un comité de préfiguration chargé de créer un statut unique de l’entreprise individuelle, nous avons pris le bon cap pour mettre de l’ordre, de la simplicité et de la justice entre les multiples régimes et statuts permettant d’entreprendre à titre individuel. Au-delà des régimes et des statuts, votre projet de loi contient des dispositions intéressantes sur la promotion de l’artisanat et le commerce de proximité avec la réforme des baux commerciaux, le recentrage des aides du FISAC et le renouvellement des procédures d’urbanisme commercial.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il a bon dos le FISAC.

M. Joël Giraud. Pour les baux commerciaux dont nous connaissons l’importance pour le commerce de centre-ville comme pour le commerce dans les grands ensembles commerciaux, le projet de loi prévoit un rééquilibrage des relations entre bailleurs et locataires au profit du locataire. Cet équilibre a été consolidé en commission des affaires économiques et nous présenterons des amendements pour le fortifier à nouveau au cours des débats.

Nous sommes conscients que l’équilibre économique entre bailleurs et locataires est variable en fonction de la position de négociation des parties. À ce titre, il convient d’être prudent afin de ne pas défavoriser des petits propriétaires qui louent des locaux à des grandes enseignes puissantes.

Mais nous constatons aussi que les relations contractuelles ont rapidement évolué depuis dix à quinze ans et que les trois grandes foncières ne proposent plus aujourd’hui des contrats de bail, mais des contrats d’adhésion en imposant aux locataires commerçants le paiement de l’ensemble des charges et des impôts incombant au propriétaire. L’asymétrie de la relation contractuelle ressemble beaucoup à celle des petits agriculteurs face aux puissantes enseignes de la distribution.

Avec plusieurs phénomènes, mais surtout la financiarisation des sociétés foncières et la généralisation des baux de longue durée de dix ou douze ans au détriment du bail commercial traditionnel 3-6-9, les locataires commerçants paient aujourd’hui une forme de « double loyer ».

L’étude d’impact de votre projet de loi, madame la ministre, parle d’un loyer majoré de 30 % de charges. En ajoutant à cela une augmentation moyenne de 30 % des loyers depuis dix ans, la situation devenait critique et il fallait une réponse ambitieuse et ne pas rester, comme semblait le suggérer notre collègue Fasquelle, sur les dispositions de 1953. Depuis lors, le monde a quelque peu changé !

Le projet de loi est à la hauteur des enjeux, la rénovation des baux commerciaux va permettre à nos commerçants de consolider leur activité, c’est une réforme majeure pour dynamiser le commerce de proximité.

Autre réforme importante pour le commerce de proximité, les autorisations d’exploitation commerciale. Nous sommes très attachés à l’inscription dans la loi des critères précis d’évaluation des projets d’aménagement commercial par les commissions départementales et nationales.

La partie sur les critères de protection des consommateurs mentionne l’accessibilité, notamment en termes de proximité de l’offre par rapport aux lieux de vie, elle mentionne la revitalisation du tissu commercial et la préservation des centres-villes, la variété de l’offre.

Tous ces critères modernisent l’urbanisme commercial en le rendant plus lisible, mais ils donneront surtout les moyens aux commissions d’imposer aux porteurs de projets une vision globale du commerce sur la zone de chalandise. Pour la revitalisation des centres bourgs, c’est une vraie belle avancée que nous attendions depuis longtemps pour inverser la tendance de la désertification.

Nous vous proposerons des amendements pour clarifier le fonctionnement de la Commission nationale d’aménagement commercial, la CNAC, je pense en particulier à celui qui vise à mentionner le nombre de votes favorables et défavorables et les abstentions en complément des motivations. L’adoption de cet amendement permettrait aux parties prenantes de mieux comprendre les décisions de la Commission nationale et d’aboutir à une amélioration des projets.

Pour conclure, je dirai que ce projet de loi contient de très bonnes mesures et apporte des outils utiles pour maintenir une offre commerciale et artisanale diversifiée sur l’ensemble de nos territoires. Certaines de ces mesures sont très attendues et méritent d’être adoptées en urgence afin de remettre dans le bon sens le tissu économique de notre pays. Dans ces conditions, vous ne vous étonnerez pas, madame la ministre, si je vous dis dès à présent que nous ne mégoterons ni ne négocierons notre soutien sans faille, afin de redonner du souffle à ces millions d’acteurs économiques au cœur des défis que vous nous proposez de relever avec courage. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l’artisanat, les TPE et les commerçants indépendants sont une partie essentielle de notre économie, qui représente plus d’un million d’entreprises et trois millions de salariés. On le répète trop peu. L’artisanat, c’est un tiers des entreprises françaises, un chiffre d’affaires proche de 200 milliards d’euros et plus de 250 métiers, dans le bâtiment, l’alimentation, la production ou les services.

Malheureusement, les politiques et les médias se focalisent trop souvent sur les grandes entreprises, leurs mégafusions ou leurs plans sociaux, oubliant ces acteurs incontournables de la vie économique. Nous sommes, avec le Front national, d’ardents partisans de la valorisation de l’artisanat et du petit commerce, comme du travail dit manuel, injustement dévalorisé par l’éducation nationale et la société de l’argent.

Ces modes d’activité professionnelles sont synonymes d’emplois de proximité et de développement équilibré des territoires. La présence en zone rurale des activités artisanales est autant de lien social qu’il faut maintenir.

Nous souhaitons que les communes puissent bénéficier de fonds comme le FISAC pour aider ce commerce de proximité et maintenir une vie économique au sein de nos villages, trop souvent privés de leur boulangerie, de leur supérette ou de toute forme de petit commerce, écrasés par une politique favorisant exagérément l’implantation de la grande distribution et les logiques de concentration de l’offre.

Les entreprises artisanales sont ensuite des structures où la relation humaine est plus forte que dans des grandes, les liens hiérarchiques moins distants. En cela, les petits patrons ne licencient la plupart du temps qu’en derniers recours et pour des motifs sérieux. Ils sont un gage de protection pour les salariés en ces périodes où le profit prend le pas sur tout autre considération. Dans un contexte où les délocalisations ont affecté des secteurs nombreux, il s’agit enfin d’emplois non délocalisables qui, à ce titre, doivent être aidés. L’artisanat est également un vecteur important de transmission du savoir-faire, au travers de l’apprentissage notamment, dans des domaines très variés.

Or ces modes d’activités ont été affectés par la crise économique ces dernières années. La baisse des carnets de commandes a été marquée, réduisant souvent à quelques mois la visibilité de l’activité et donc les possibilités d’embauches. L’augmentation de la TVA dans le bâtiment, qui est passée à 10 %, est également pénalisante.

Autre problème majeur : la sensibilité accrue aux soucis de trésorerie et à l’accroissement des délais de paiement. Trop souvent, les délais de la loi LME, trente à quarante-cinq jours fin de mois, ne sont pas respectés, y compris par les administrations.

Face au coût ou à la mauvaise connaissance des procédures de recouvrement ou de mobilisation des comptes clients, nous proposons que soit menée une réflexion pour créer un juge spécialisé, au sein des tribunaux de commerce par exemple, qui puisse, en présence d’une créance non contestée, prononcer des injonctions de paiement dans le cadre d’une procédure accélérée.

Les artisans ont également subi la une concurrence mal vécue avec les auto-entrepreneurs. Votre texte améliore certains points. La loi LME, qui a créé ce régime, a eu le mérite de remettre le pied à l’étrier à une partie de la population qui s’était éloignée de la vie active. Son succès a créé les conditions d’une concurrence parfois déloyale avec les artisans et a pu constituer, en accroissant l’offre, un facteur de pression à la baisse des salaires.

Afin de ne pas pénaliser les artisans, il convenait d’éviter les effets d’aubaine : un artisan ne doit pas pouvoir basculer dans le statut auto-entrepreneur, le salarié d’une TPE ne doit pas pouvoir arrondir ses fins de mois en travaillant au noir.

Le rapport conjoint de l’IGF et de l’IGAS de mars 2013 pointe également une autre dérive : le fait de créer une structure auto-entrepreneur pour cacher un salariat, lorsque l’on crée une structure pour facturer des prestations à la société dont on est, de fait, l’employé. On ne peut se passer de la qualification, de l’expérience et du sérieux des artisans. C’est en particulier le cas dans les secteurs où il y a un enjeu de sécurité fort : électricité ou bâtiment.

La disposition du projet de loi mettant en place un stage a priori auprès des chambres des métiers va plutôt dans le bon sens. Développer la labellisation serait une différenciation plus forte qui permettrait de distinguer les artisans chevronnés. Elle existe, mais est mal connue. Votre solution fusionnant les régimes au sein de la micro-entreprise aboutit en fait à diriger tous les entrepreneurs vers un statut plus fiscalisé, alors même que la nécessité, sans cesse rappelée par les syndicats d’artisans, est de faire baisser les contraintes au niveau des charges financières et des normes pour l’ensemble.

Il faut valoriser les formations aux métiers de l’artisanat, et non les réduire à un choix de dépit face aux cursus dits intellectuels qui ne mènent parfois qu’au chômage. Il faut lutter contre la concurrence déloyale intra-européenne particulièrement criante avec certains pays de l’Est. Au-delà de la révision de la directive Détachement envisagée après dix ans de dégât, c’est sa suppression pure et simple qui doit être décidée.

Il faut que l’État s’implique davantage dans la reprise d’entreprises, par exemple autour d’un service public dédié. Il faut favoriser les formations des artisans sur les normes et les questions juridiques.

Au niveau national, nous regrettons que des syndicats d’artisans comme l’UPA ne soient pas plus fréquemment associés aux réformes concernant les petites entreprises. Le Front national plaide enfin depuis longtemps pour un small business act à la française, qui réserverait une partie des marchés publics à des PME-TPE locales dont elles sont le plus souvent exclues compte tenu de la complexité des appels d’offres et de la segmentation des marchés. Dommage que l’Union européenne interdise à l’État français de favoriser ces petites entreprises.

En définitive, il faut un véritable tournant faisant de l’artisanat et du commerce de proximité une priorité absolue dans le cadre du redressement économique, notamment par une politique radicalement différente en matière de charges. Les artisans ne doivent pas demeurer les grands oubliés, les grands « sacrifiés » comme ils se définissent de la politique du Gouvernement toujours plus prompt à venir déplorer devant les caméras la fermeture d’une grosse usine, à prêter l’oreille aux frémissements du CAC 40 ou à satisfaire les demandes des grands groupes multinationaux.

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis juin 2012, nous avons débattu à plusieurs reprises des problématiques de la revitalisation des centres-villes et quelques propositions de loi ont été déposées. Concurrencés par le commerce en ligne et les grands ensembles commerciaux de périphérie, des milliers de commerçants de centres-villes ou de bourgs ruraux souffrent.

Les mois et les années passant, en dépit des politiques et des initiatives locales intéressantes, les élus semblaient condamner à l’impuissance pour agir efficacement sur les causes structurelles et enrayer le phénomène.

Dans le projet de loi qui est soumis à notre examen aujourd’hui, nous avons des mesures législatives audacieuses qui auront des effets directs sur la racine des difficultés : renouveau du droit des baux commerciaux, extension du droit de préemption des communes et EPCI, mise en place d’un droit de préférence pour le locataire commerçant, simplification et modernisation de l’aménagement commercial, réforme du FISAC recentré sur l’outil commercial, – moi aussi, madame la ministre, je pourrais vous remercier pour les boulangers qui ont reçu ces aides. Chacune de ces dispositions va apporter une réponse à des difficultés qui nuisaient au commerce de centre-ville.

Nous ne relèverons cependant ce défi qu’à la condition de créer une dynamique globale – qui va bien au-delà du commerce – pour les commerces de centre-ville.

À ce propos, je suis convaincu que nous devons aller plus loin dans la dimension urbanistique.

En ce qui concerne l’aménagement du foncier bâti, nous avons le devoir de trouver des solutions pour améliorer les moyens de rénovation. Combien de commerces situés dans des vieux immeubles sont abandonnés parce qu’ils sont mal adaptés, parce qu’ils ne répondent plus aux normes ou qu’ils ne permettent plus aux commerçants d’exercer correctement leur activité ? Les maires doivent pouvoir bénéficier d’outils plus efficaces pour promouvoir les belles façades, les belles rues, pour disposer d’outils éventuellement coercitifs afin de lutter contre les toitures qui s’écroulent ou de faire en sorte, par exemple, que les commerces laissés à l’abandon soient soumis à des obligations plus strictes. Un amendement important a été déposé à ce sujet. Discuté en commission des affaires économiques, il a suscité un débat ouvert entre tous les élus quelles que soient leurs appartenances partisanes.

Un tel aménagement soulève un débat juridique sur le droit de propriété – il est vraiment difficile de contraindre un propriétaire à entretenir un local commercial abandonné. Comme le président de la commission des affaires économiques, je souhaite que nous puissions aboutir à une solution à la fois efficace et juridiquement sûre au cours de nos débats en séance.

Il en va de même pour les situations ou les propriétaires d’immeubles privilégient le logement au détriment du commerce. Bien souvent, à la faveur d’une optimisation fiscale, ils transforment leur immeuble en SCI et ne sont plus du tout incités à promouvoir le commerce en rez-de-chaussée. De nouveau, nous devons réfléchir à des mesures incitatives, et, si besoin, coercitives, pour favoriser le commerce en pied des immeubles. Des dispositifs fiscaux ont déjà fait leurs preuves, par exemple dans le domaine de l’agriculture. Certes, cela relève d’une loi de finances, mais je profite de ce débat pour lancer des idées auxquelles je crois et qui me viennent de mon expérience de maire d’une ville moyenne. N’oublions jamais que le centre-ville, surtout dans les petites villes comme Château-Thierry, c’est le cœur de notre vivre ensemble, c’est à la fois l’agora et la place du village commercial.

Le projet de loi dont nous allons débattre contient aussi des mesures importantes pour l’artisanat, secteur essentiel pour l’emploi et le développement économique de nos territoires ruraux. Pour avoir vu le logo affiché à l’arrière des camionnettes des commerçants, nous connaissons tous le slogan : « l’artisanat, première entreprise de France ».

Si nos artisans et les représentants de la CAPEB, de la FFB nous interpellent sur la frilosité des banques, notre collègue en a parlé tout à l’heure, ou encore la lutte contre le recours aux travailleurs détachés, ils espèrent beaucoup du prochain texte pour atténuer la concurrence déloyale qu’ils subissent. Ils attendent aussi la mise en œuvre des baisses de charge annoncées dans le cadre du pacte de responsabilité. Dans certains territoires, des entreprises artisanales ont des carnets de commandes bien remplis. Avec ces petits patrons, nous savons que la baisse des charges favorisera la création d’emplois non délocalisables.

Au-delà de ces deux points importants, madame la ministre, je tiens à vous exprimer tout mon soutien. Votre projet de loi intègre toute une série de propositions attendues et adaptées comme par exemple la clarification de la qualité d’artisan. Pour les consommateurs, pour les artisans eux-mêmes, la multiplication des notions – artisan, artisan qualifié, maître-artisan – ne correspondait plus à rien, et vous n’avez cessé de le répéter. S’il existe des artisans qualifiés, ceux qui ne sont qu’artisan ne sont donc pas qualifiés. Vous avez choisi de réserver la qualité d’artisans aux titulaires d’une qualification professionnelle correspondant au métier qu’ils exercent. C’est beaucoup plus lisible ainsi.

Je suis également très satisfait du renforcement des contrôles des qualifications et des assurances obligatoires. Que ce soit pour la protection du consommateur ou pour la crédibilité de tous nos artisans, c’est un progrès significatif attendu depuis longtemps.

Le projet de loi, madame la ministre, exprime la reconnaissance du politique, la reconnaissance que nous devons aux artisans, aux commerçants et aux petites entreprises. Oui, nous devons tout faire pour aider ces entreprises, tout faire pour promouvoir l’esprit d’entreprise, et cela commence par les petites entreprises.

Pardonnez-moi si je reviens à Jean de La Fontaine, mais sa fable Le Petit Poisson et le Pêcheur ne suggère-t-elle pas que ces petites entreprises deviendront grandes elles aussi ? Je sais, en tout cas, que c’est votre volonté.

Permettez-moi donc, pour conclure, madame la ministre, de vous adresser de nouveau mes compliments et ceux du groupe RRDP pour l’ensemble de ce texte. J’espère que nos discussions et l’examen des amendements nous permettront de l’améliorer sur les points qui restent en débat, pour parvenir à un texte fécond et, je le souhaite, consensuel. Pour l’ensemble des 7 millions de salariés et des 3,4 millions d’entreprises qui attendent, comme moi, son application, pour eux, mais aussi pour la France, nous espérons son application rapide. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Fanny Dombre Coste.

Mme Fanny Dombre Coste. Madame la ministre, les secteurs de l’artisanat du commerce et des très petites entreprises attendaient avec impatience ce projet de loi. Malgré des revendications parfois contradictoires, vous avez réussi à mettre l’ensemble des différentes professions autour de la table pour parvenir à un texte de consensus, unanimement salué. Ce projet de loi relève le triple défi de favoriser la reconnaissance des entreprises artisanales et la mise en place d’un parcours entrepreneurial, de dynamiser les commerces de proximité en rénovant le régime des baux commerciaux, d’adapter, enfin, les modalités de l’intervention publique aux besoins des territoires en donnant aux collectivités locales et à l’État des moyens d’action renouvelés. En tant qu’artisan de profession, seule représentante de l’artisanat dans cette assemblée, je porte, vous le savez, beaucoup d’intérêt à ce projet de loi. Il prolonge et traduit en actes votre pacte pour l’artisanat. Les mesures qui en sont l’objet bénéficieront à l’ensemble de notre économie.

L’artisanat est l’un des acteurs majeurs du dynamisme économique de nos territoires. Il participe par ses savoir-faire et son excellence à l’image de notre pays, et au made in France. Il contribue à l’équilibre de la balance commerciale avec une forte capacité d’exportation : 13 milliards d’euros en 2013. Son potentiel pour le redressement économique de notre pays et pour l’emploi des jeunes est donc fort.

En effet, c’est l’un des plus gros pourvoyeurs d’emplois en France avec plus de 3 millions d’actifs, 100 000 embauches par an tous secteurs confondus, 100 000 entreprises artisanales créées ou reprises chaque année. De l’ingénierie aux métiers de bouche, de la robotique de précision aux métiers de la construction bois, sans oublier l’artisanat d’art, le monde de l’artisanat est multiple, mais innovant. Il nous revient de contribuer à changer le regard porté sur les métiers de l’artisanat, pour inciter nos jeunes à s’y intéresser. L’artisanat innove, l’artisanat prend toute sa place dans l’économie de ce pays, l’artisanat permet de belles réussites individuelles et collectives ! J’en veux pour preuve la dernière édition du prix national délivré par la chambre des métiers qui, chaque année, valorise les champions de l’artisanat pour leur exemplarité et leur réussite en matière d’innovation technologique.

Un des points abordés par le pacte de l’artisanat était la valorisation et la stabilisation du statut de l’artisan. C’est le sens des mesures du titre II du projet de loi, relatives à la qualification professionnelle, qui visent à promouvoir la qualité et les savoir-faire de nos artisans en clarifiant la qualité d’artisan, en renforçant les contrôles des qualifications et des assurances obligatoires et en permettant aux entreprises de plus de dix salariés de rester immatriculées au registre des métiers. Cette sécurisation de la qualité d’artisan était attendue par le monde de l’artisanat, inquiet de certaines dérives.

Nous pouvons nous réjouir également du travail important de notre collègue Laurent Grandguillaume, qui vient de prononcer une belle intervention. Avec vous, madame la ministre, et en collaboration avec le rapporteur Fabrice Verdier et mon collègue Frédéric Roig, il a su trouver un point d’équilibre entre les revendications de l’ensemble des acteurs.

Plutôt que d’opposer les différents régimes, et donc les femmes et les hommes qui les font vivre, vous avez su trouver une convergence des régimes existants et aller vers un régime unique de l’entrepreneur individuel. Cela contribue également au choc de simplification voulu par le Président de la République, indispensable pour redonner du souffle à notre économie.

Vous me permettrez en tant qu’artisan, d’évoquer également le régime social des indépendants qui a vécu les difficultés que tout le monde connaît, liées à la fusion intempestive, précipitée et mal anticipée du RSI et des URSSAF en 2008. Je salue les mesures prises dans le PLFSS 2014 pour simplifier le calendrier des appels de cotisations en prenant pour référence l’année n-1 et les indemnités journalières pour les conjoints collaborateurs. J’aurai à cœur de faire quelques propositions dans le cadre du prochain PLFSS, pour améliorer encore les conditions d’accès à ce régime.

Permettez-moi, madame la ministre, de revenir sur la question du conjoint collaborateur et d’appeler votre attention sur la nécessité d’étendre ce statut aux concubins non pacsés qui, aujourd’hui, ne bénéficient d’aucune protection juridique. Au-delà de la question de l’élargissement de ce statut, se pose aujourd’hui celle de son usage et du très faible taux d’inscription qu’il connaît : sur plus d’un million d’entreprises artisanales, on trouve aujourd’hui seulement 36 500 conjoints collaborateurs. Le dispositif n’est pas suffisamment incitatif et nous observons une baisse des inscriptions ces dernières années. C’est un sujet sur lequel il faudra avancer. Trop de conjointes d’artisans mais aussi de commerçants se retrouvent encore aujourd’hui en très grande difficulté et en situation de précarité après un divorce ou une séparation.

Je me réjouis aussi que ce texte comporte des mesures concrètes en faveur des commerçants, avec le plafonnement des hausses de loyers, le changement de l’indice de référence, mais aussi l’élargissement du droit de préemption. En effet, entre le développement des zones commerciales en périphérie, l’explosion du e-commerce et la forte pression des prix sur les loyers des baux commerciaux dans les cœurs de ville, c’est l’avenir de notre commerce qui se joue aujourd’hui. Maintenir la diversité du commerce dans les cœurs de ville est impératif pour préserver la qualité de vie, la sécurité, le vivre ensemble, mais aussi l’attractivité de nos territoires et donc leur fréquentation touristique. Pour ma région du Languedoc-Roussillon qui vit essentiellement de l’économie tertiaire, l’activité touristique est fondamentale pour la création d’entreprises et la création d’emplois locaux non délocalisables.

En conclusion, madame la ministre, je salue les mesures prises dans ce projet de loi. J’aurai grand plaisir, et grande fierté, à le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte qui concerne l’artisanat, le commerce, les auto-entrepreneurs et les TPE est très attendu par nos concitoyens. Alors qu’elles subissent frontalement la crise économique, les entreprises de proximité, indispensables à la vitalité économique et sociale des territoires et créatrices d’emplois, ont besoin de mesures rapides et spécifiques.

Malheureusement, il n’était visiblement pas une priorité pour le Gouvernement, ce que je regrette vraiment, puisqu’il attendait dans un carton depuis le mois d’août 2013. Il rassemble en effet des mesures annoncées dans le cadre du pacte de l’artisanat et de la communication relative à l’adaptation du régime de l’auto-entrepreneur et au soutien à l’entrepreneuriat individuel présentées en conseil des ministres entre les mois de janvier et juin 2013. Six mois plus tard, nous examinons enfin, mais en urgence, un texte qui aurait pourtant eu besoin, au regard des enjeux, de deux lectures par chambre.

Ce texte fourre-tout prévoit le maintien d’une offre commerciale et artisanale diversifiée sur tous les territoires, avec un régime de baux commerciaux aménagé, comprenant des règles d’indexation plus justes et des modalités plus adaptées aux TPE de ces secteurs, ainsi que la simplification des règles d’urbanisme commercial. Si le cœur du projet de loi a donné lieu à un large débat public préparatoire pour ce qui concerne notamment le statut de l’artisan ou celui de l’auto-entrepreneur, la question des baux commerciaux a été envisagée de façon très superficielle malheureusement, sans véritable concertation préalable et avec une étude d’impact floue.

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Alors, ça…

M. Dino Cinieri. Grâce au contrôle effectif des chambres de métiers, le statut des artisans sera conforté par les garanties de qualification professionnelle. Les assurances obligatoires en fonction des métiers et des travaux réalisés seront aussi vérifiées par les corps de métiers habilités que sont les inspecteurs du travail, les douanes et les contrôleurs des impôts.

Du côté des entrepreneurs, le projet de loi tend à faire évoluer leurs obligations administratives et comptables « dans le sens d’une plus grande équité et simplicité ». Pourriez-vous vous expliquer, madame la ministre ? Par exemple, le régime de l’EIRL sera rendu plus accessible par une limitation du formalisme exigé pour bénéficier de la protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur, qu’il soit primo-créateur ou déjà en activité.

Concernant le régime de l’auto-entrepreneur, vous prévoyez des adaptations pour que soient corrigés ses effets dommageables en matière de distorsion de concurrence et de salariat déguisé. Vous préconisez également des aménagements en vue de la transition entre ce régime et le droit commun. Sur ce point précis, j’espère que vous soutiendrez l’excellent amendement de mon collègue Damien Abad qui va dans ce sens.

Après la fronde des « poussins » contre la réforme du régime des auto-entrepreneurs, vous avez heureusement amendé votre projet initial en reprenant certaines des conclusions du rapport de notre collègue Laurent Grandguillaume. Il n’y aura donc pas de baisse du seuil de chiffre d’affaires à partir duquel un auto-entrepreneur doit rejoindre un régime général d’entreprise individuelle au bout de deux ans consécutifs.

Vous créez un régime unique, celui de la micro-entreprise. Il s’adresse aux travailleurs indépendants à faible chiffre d’affaires, soit 32 900 euros maximum pour les artisans et professions libérales et 82 200 euros maximum pour les commerçants, en se substituant à deux régimes existants : le régime « micro-fiscal » et le régime « micro-social », qui est celui des auto-entrepreneurs et qui devrait concerner plus d’un million de personnes. Je comprends les inquiétudes des artisans – notamment du bâtiment – qui se sentent lésés, mais je regrette vraiment que le Gouvernement jette le discrédit sur l’ensemble des auto-entrepreneurs, notamment ceux qui ont une activité commerciale ou libérale. En effet, les micro-entrepreneurs devront s’acquitter de nouvelles taxes et répondre à des obligations dont étaient jusqu’ici exonérés les auto-entrepreneurs. Ils devront acquitter, par exemple, la taxe pour frais de chambres consulaires, ou encore la cotisation foncière des entreprises – la CFE – dont ils étaient exonérés pendant les trois premières années de leur existence.

Pour conclure, madame la ministre, si ce texte prévoit quelques mesures pertinentes, il ne donnera malheureusement pas un nouveau souffle aux acteurs économiques en leur permettant de développer leur activité et d’être plus compétitifs. L’artisanat occupe une place essentielle dans notre économie. Il est le dépositaire de traditions ancestrales, de techniques éprouvées, d’une culture qu’il enrichit et adapte au fil des années. C’est une grande richesse pour notre pays et nous devons tout faire pour la protéger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est très attendu. Il aborde plusieurs sujets, comme le régime de l’auto-entrepreneur, le soutien à l’entrepreneuriat individuel, les relations entre bailleurs et preneurs, et les règles applicables en matière de reprise et de transmission de fonds de commerce.

De nombreuses dispositions, madame la ministre, vont dans le bon sens, puisqu’elles répondent avec pragmatisme à des obstacles bien identifiés du quotidien des petits entrepreneurs, qu’il s’agisse des artisans, des commerçants ou des chefs d’entreprise de TPE. L’artisanat, le commerce et les TPE représentent, dans notre pays, 6,5 millions d’emplois. Ils occupent, à ce titre, une place privilégiée dans l’économie française. Je le mesure chaque jour dans un département rural comme le mien, la Mayenne. On peut le dire : ils sont une chance pour notre pays. Ils représentent également un élément essentiel de dynamisation économique de nos territoires ruraux, ils assurent un rôle de service de proximité et constituent un lien social indispensable et reconnu.

Plusieurs dispositions de votre texte vont dans le sens d’une simplification des dispositions existantes, ce dont nous nous félicitons. Elles emboîtent ainsi le pas aux mesures qui avaient été mises en place par la précédente majorité. Si ces mesures s’inscrivent dans une certaine continuité, elles ne permettront malheureusement pas de donner un nouveau souffle à ces acteurs économiques en renforçant, par exemple, leur compétitivité dans le contexte économique dégradé que nous connaissons.

Vous prétendez soutenir l’activité des artisans, mais ceux-ci doivent faire face au relèvement du taux de TVA de 7 % à 10 % entré en vigueur le 1er janvier dernier : on voit ici la contradiction entre les objectifs annoncés par votre gouvernement, les dispositions de simplification de votre projet de loi et la réalité de la politique économique et fiscale conduite depuis maintenant vingt mois. Aussi, avec l’ensemble du groupe UDI, je vous demande de prendre en compte la spécificité de la situation des TPE dans le cadre des Assises de la fiscalité, afin d’aboutir à des réponses concrètes, dès cette année. Je vous engage aussi à mettre réellement en œuvre le choc de simplification annoncé par le Président de la République.

Nous sommes également très attachés au maintien et à la réinstallation de commerces en milieu rural et dans les villes moyennes, donc au rôle que peuvent jouer en la matière la commission nationale et les commissions départementales d’aménagement commercial. Nous devons tout faire pour maintenir ces commerces de proximité qui sont autant de sources d’attractivité pour les territoires ruraux, mais aussi de vitalité et d’animation pour nos petites communes. Je pourrais aussi bien citer les villes chefs-lieux d’arrondissement : je pense en particulier à la ville de Mayenne, dans ma circonscription, où les commerces, en particulier alimentaires, ont quasiment disparu du centre-ville au profit de zones commerciales en périphérie, sans aucun doute parce que les baux commerciaux trop élevés freinent la reprise de ces petits commerces.

Nous souhaitons aussi que vous preniez en compte la situation des buralistes, qui assurent une mission de service public, en particulier dans les petites communes rurales. De nouvelles missions pourraient leur être confiées, afin de compenser les augmentations successives du prix du tabac et le durcissement des conditions d’obtention des licences. Les petites entreprises du secteur du bâtiment qui subissent une baisse importante de leur activité doivent également faire l’objet de beaucoup d’attention et d’une vraie volonté politique de soutien et de maintien de la part des pouvoirs publics, ce qui n’est pas le cas, madame la ministre, dans votre texte.

Enfin, s’agissant du régime des auto-entrepreneurs, je ne peux, comme l’ensemble du groupe UDI, que me féliciter de l’évolution adoptée en commission des affaires économiques. Car s’il est utile de limiter les abus et de lutter contre la concurrence déloyale et le salariat déguisé, notamment dans le secteur du bâtiment, votre choix initial était tout à fait regrettable car il mettait à mal un régime dont le succès n’est plus à démontrer. Au lieu de complexifier un statut dont la simplicité est plébiscitée par tous, vous devriez plutôt chercher à rapprocher les régimes par un allégement des charges et du cadre juridique et fiscal applicables aux TPE et aux artisans, afin que la simplicité propre au régime de l’auto-entrepreneur devienne la règle pour tous. C’est « l’entrepreneuriat pour tous », comme le disait tout à l’heure M. le président de la commission des affaires économiques ! C’est ce que nous avons toujours défendu, au sein du groupe UDI.

Le rapport Grandguillaume sur la simplification des régimes juridiques, sociaux et fiscaux de l’entrepreneuriat individuel s’inscrit dans cette logique. C’est pourquoi je ne peux que saluer votre revirement qui a conduit à la réécriture de l’article 12 du projet de loi. Enfin, si ce texte prévoit quelques mesures pertinentes, le secteur du commerce, de l’artisanat et des TPE aurait mérité, à l’heure ou s’engage une réflexion sur le pacte de responsabilité pour les entreprises, une réflexion plus globale et plus ambitieuse que ce modeste projet de loi examiné en procédure accélérée.

Pour conclure, si je devais porter un jugement global sur votre projet de loi, madame la ministre, je dirais : en progrès, mais peut encore mieux faire ! C’est pourquoi nous comptons sur nos débats pour perfectionner encore votre texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, comme cela a déjà été dit plusieurs fois à cette tribune depuis le début de la discussion générale, une des grandes qualités du projet de loi que nous allons examiner, c’est qu’il prend en compte les difficultés concrètes vécues par les artisans, les commerçants et les millions de très petites entreprises qui constituent le socle vital de nos territoires. Chacune et chacun d’entre nous pouvons mesurer, sur le terrain, les difficultés auxquelles ces acteurs sont confrontés. En plus de la crise économique et sociale, ils subissent la concurrence de la grande distribution, qui est en position dominante sur les zones de chalandise. Ils subissent aussi la concurrence parfois déloyale des commerçants en ligne qui pratiquent l’évasion fiscale, ou encore celle des pseudo-artisans non qualifiés qui travaillent de façon dissimulée. Outre ces distorsions de concurrence, les locataires ont vu leurs loyers et leurs charges augmenter de manière insoutenable ces dernières années. Face à tous ces enjeux, le Gouvernement devait être à la hauteur pour répondre aux attentes fortes que les députés enracinés sur leur territoire connaissent bien.

Certains nous disent que le projet de loi n’est pas révolutionnaire, qu’il ne remet pas tout à plat pour partir sur de nouvelles bases. Effectivement, madame la ministre, après des longues et fructueuses concertations, et en vous appuyant sur de nombreux travaux d’experts, vous avez construit un projet de loi équilibré. Dans un contexte soumis à des contraintes fortes, vous avez avancé, pour parvenir à un projet de loi constitué de très nombreuses mesures de bon sens, qui répondent à l’immense majorité des problèmes que rencontrent nos artisans, nos commerçants et nos TPE.

Abondamment enrichi en commission des affaires économiques, le texte forme aujourd’hui un ensemble solide et très cohérent pour redonner du souffle aux acteurs de l’économie locale. Il rénove le régime des baux commerciaux en le modernisant et en corrigeant les injustices que subissent les locataires ; il simplifie dans l’équité et la transparence les obligations administratives et comptables des entrepreneurs. Il rend toute sa signification à la qualité d’artisan. Enfin, il donne des possibilités nouvelles à l’intervention de la puissance publique en matière d’aménagement commercial afin de préserver les activités commerciales et artisanales dans nos centres-villes.

Vous savez bien, madame la ministre, que nos concitoyens et leurs élus sont attachés à la vitalité des cœurs de villes. Le maintien du commerce et de l’artisanat de proximité, ce que l’on appelle le « tissu fin » de notre économie, est une nécessité pour la vie quotidienne de millions de Français. Alors que nous constatons, jour après jour, le déclin de nos cœurs de ville, je tiens à vous féliciter pour votre volontarisme politique assumé en faveur de la protection et du développement d’une offre commerciale et artisanale diversifiée et équilibrée sur tous nos territoires.

Concernant les baux commerciaux, je souligne les avancées prévues par ce texte pour rééquilibrer les relations entre bailleurs et commerçants, avec une maîtrise des hausses de loyer par un indice de référence beaucoup plus lisible et plus stable – cet indice de référence est l’ILC, l’indice des loyers commerciaux –, et un réajustement annuel limité à 10 % du dernier loyer en cas de déplafonnement. C’est une grande avancée. Le texte prévoit aussi une plus grande transparence des relations par une répartition plus claire des charges et des impôts. Cet équilibre a été renforcé en commission, avec l’adoption d’amendements importants.

Ensuite, d’autres dispositions vont clairement dans le bon sens : je pense notamment à l’obligation d’un état des lieux contradictoire, au droit de préemption renforcé pour les commerçants, et à l’extension de la médiation. Au cours des débats, les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste vous proposeront des amendements pour renforcer encore l’efficacité du texte. Nous devons aller plus loin dans la protection des locataires commerçants.

Le texte propose de favoriser le développement des TPE au moyen d’une promotion renforcée des savoir-faire, d’un contrôle plus efficace des qualifications professionnelles, et d’une meilleure protection du consommateur par la garantie des assurances. Le texte prévoit aussi un rapprochement des régimes de l’entreprise individuelle, afin de mettre fin aux injustices causées par la multiplication des dérives liées au régime de l’auto-entrepreneur. Enfin, concernant l’urbanisme commercial, le texte a été largement modifié et consolidé par des amendements en commission. Les dispositions adoptées inciteront désormais fortement les porteurs de projets commerciaux à préserver l’équilibre économique, à diversifier les commerces et les enseignes. Dans le même temps, elles simplifient et accélèrent les procédures afin de donner plus de souplesse au commerce. L’aménagement commercial a souvent fait l’objet de débats passionnés dans cet hémicycle. Madame la ministre, en concertation avec les parlementaires, vous avez réussi à trouver le bon compromis. Votre loi restera celle de la réforme réussie, celle de la réforme durable des procédures d’autorisation.

Pour conclure, je suis convaincue que l’ensemble de ces mesures aideront les commerçants, les artisans et les TPE. Ces acteurs importants sont trop souvent oubliés, alors qu’ils subissent des injustices. Ils maillent nos territoires, dans toutes nos circonscriptions. Au-delà de leur rôle économique, de leur importance en matière d’emploi, de leur valeur ajoutée, ils jouent un rôle social majeur pour la cohésion de notre société contemporaine. Ce projet de loi réussit le tour de force de répondre aux difficultés qu’ils rencontrent au quotidien. Comme vous l’aurez compris, je le soutiens sans réserves, car je suis intimement convaincue qu’il améliorera la vie quotidienne de millions de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Fabre.

Mme Marie-Hélène Fabre. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi était très attendu. Après les dispositions prises dans le cadre du pacte pour l’artisanat et le plan d’action pour le commerce et les commerçants, il vient parfaire le dispositif de protection des artisans et petits commerçants de notre pays. Ceux-ci souffrent depuis trop longtemps : leurs entreprises sont en première ligne, et subissent très durement la crise économique mondiale que nous traversons depuis quelques années. Or ces entreprises sont indispensables aux territoires. Elles offrent des emplois de proximité, qui ne sont pas délocalisables. Elles sont les véritables forces vives de notre tissu économique et social local, et nous ne pouvons les laisser péricliter sans réagir.

Avec ce texte, nous trouvons aujourd’hui un équilibre nouveau pour maintenir et redynamiser ce tissu économique indispensable. Je ne relèverai que quelques points.

Tout le monde s’accorde à penser que les baux commerciaux ne protègent plus assez les petits commerçants de la pression concurrentielle en centre-ville. Le projet de loi va mettre un terme à l’augmentation incontrôlée et en dehors de tout critère objectif des loyers commerciaux.

La substitution de l’indice des loyers commerciaux à celui du coût de la construction, trop souvent déconnecté de la conjoncture du commerce, va dans le sens d’une meilleure adaptation du prix du loyer à la réalité des charges pesant sur les commerçants.

Le perfectionnement du régime des baux commerciaux, combiné au renforcement de la préemption par les communes ou les sociétés d’économie mixte qui en dépendent favoriseront l’installation ou le maintien des commerces dans les centres-villes. Par ailleurs, la durée d’un bail dérogatoire pourra être portée à trois ans, ce qui semble plus adapté au développement de l’activité des jeunes entreprises.

Enfin, l’état des lieux sera rendu obligatoire, et couplé à un inventaire précis des charges incombant au preneur et au bailleur pour permettre à chacun de s’engager en connaissance de cause. Une autre grande avancée réside dans la simplification des obligations administratives et comptables des artisans. Celles-ci doivent cesser d’être un frein au développement de leur activité.

Dans le même mouvement, ce texte rend toute sa signification à la qualité d’artisan, en la reprécisant. Ce label sera, à l’avenir, associé uniquement aux personnes qualifiées et exerçant effectivement un métier artisanal.

Le projet de loi réaménage le droit de suite pour permettre aux entreprises dépassant dix salariés de conserver leur statut artisanal. Cela évitera des effets de seuil contreproductifs pour l’emploi.

Enfin, concernant les conjoints d’artisan, je souhaite, comme l’a indiqué ma collègue Fanny Dombre Coste tout à l’heure, que le texte les protège plus efficacement. En renforçant l’obligation de déclaration les concernant, nous ferions un pas dans la bonne direction.

Concernant la réforme de l’entreprenariat individuel et de ses différents régimes, auquel j’étais particulièrement attachée, je veux saluer le travail de mon collègue Laurent Grandguillaume, qui a su dégager des axes de travail satisfaisants pour corriger les distorsions de concurrence parfois introduites par ces régimes. Sur un sujet extrêmement controversé, il a trouvé, avec notre rapporteur Fabrice Verdier et avec Frédéric Roig, des solutions qui rassemblent l’ensemble des acteurs concernés.

C’est pourquoi, je me réjouis que le projet de loi s’inspire très largement de ses préconisations. « À l’œuvre on connaît l’artisan », disait La Fontaine. Je pense que ce travail est de la belle ouvrage normative. Cet ensemble de mesures rend plus simple, plus lisible et plus équitable le droit des très petites entreprises, quelle que soit leur forme juridique.

Pour conclure, j’attends avec impatience la réforme du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC. Il a un réel impact sur l’économie locale et sur la qualité de vie des habitants, en maintenant le commerce et l’artisanat de proximité. Son existence est essentielle pour beaucoup de projets des collectivités territoriales. Il serait inquiétant de voir disparaître cet instrument nécessaire à la politique d’aménagement du territoire. Aussi, madame la ministre, la pérennisation de cet instrument est très attendue.

Mes chers collègues, ce texte est nécessaire ; je vous incite donc à lui apporter tout votre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à M. William Dumas.

M. William Dumas. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, avec ce projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, le Gouvernement et la majorité parlementaire se placent aux côtés de ceux qui créent de l’emploi, de l’activité et de la vie dans nos territoires.

Madame la ministre, pour vous avoir, il y a quelques semaines, accompagnée dans mon département pour aller à la rencontre de nos artisans, de nos commerçants et de nos petites entreprises, je connais votre implication et votre volonté de protéger et de développer le cœur de notre tissu économique, et je tiens à vous en remercier.

Je veux aussi saluer le travail de notre rapporteur, mon ami Fabrice Verdier, qui a procédé à de nombreuses auditions, rendant possible le travail constructif et les importantes améliorations intervenus lors de l’examen en commission.

Le modèle économique de nos territoires, qu’ils soient ruraux, périurbains ou urbains, est menacé par la désertification commerciale et les nouveaux modes de consommation, que ce soient les grandes enseignes ou la vente par internet. C’est la conséquence de dix ans d’une majorité de droite qui a contemplé la disparition des entreprises de proximité, et a laissé sans bouger se vider les centres-villes – ces « centres de vie », dirai-je.

Pourtant, la diversité des commerces est indispensable à la vitalité économique et au lien social dans notre société. Ainsi, notre choix, aujourd’hui, est de prendre acte de votre bilan et de répondre de manière spécifique aux difficultés que le secteur du commerce de proximité subit.

Nous ne laisserons pas le modèle de la consommation de masse faire oublier notre tissu économique de proximité, qui est une caractéristique de la culture française. Notre choix, aujourd’hui, est de corriger vos erreurs du passé, qui ont instauré un système d’iniquité, créant des tensions et suspicions inutiles entre entrepreneurs.

Nous créons le régime unique de la micro-entreprise pour faciliter l’accès à la création d’entreprise et à l’exercice d’une activité, de manière égale, en étant soumis aux mêmes règles et obligations. Notre choix, aujourd’hui, est de ne pas rester les témoins silencieux d’un secteur qui a souffert et à qui l’on ne donne pas les moyens de combattre une concurrence inégale.

Votre projet de loi, madame la ministre, va redynamiser la diversité des commerces, avec l’amélioration des baux commerciaux, la régulation des relations entre commerçants et bailleurs, la limitation des hausses brutales de loyer et les moyens donnés aux élus pour contribuer efficacement à la redynamisation de l’offre commerciale.

Pour retrouver la confiance dans les relations entre bailleur et preneur, et alors que l’autorégulation a été un échec, puisque le code des bonnes pratiques n’a jamais été appliqué, le législateur se doit d’exiger des conditions de transparence et la proportionnalité. Il doit aussi améliorer de manière concrète la situation locative des commerçants. C’est ce que vous faites avec ce texte.

C’est aussi une réforme qui offrira des mesures simples et d’équité aux artisans et entrepreneurs dans leur vie quotidienne. Si, l’été dernier encore, les tensions étaient vives et visibles entre les acteurs de la très petite entreprise – auto-entrepreneurs et artisans –, le Gouvernement, au travers de la mission Laurent Grandguillaume – à qui je voudrais, à mon tour, rendre hommage –, a su mettre en place les discussions nécessaires pour améliorer les relations entre les deux parties.

Le travail d’harmonisation, engagé en commission, du régime simplifié de l’entreprise individuelle apporte simplicité, justice et fluidité pour tous. Nous défendons ainsi des évolutions concertées comme réponse aux tensions traversées.

Chers collègues, dans chacune de nos circonscriptions, nous assistons à la désertification commerciale et à la perte d’activité des entreprises artisanales, que ce soit dans les centres-villes ou, plus encore, dans nos territoires ruraux.

Oui, madame la ministre, votre projet de loi réaffirme votre volonté politique de remettre les artisans, les commerçants et les petites entreprises, qui prennent des risques, au centre de la vitalité économique et du lien social partout dans nos territoires. Je ne peux que vous en remercier une nouvelle fois et vous assurer de mon entier soutien dans votre démarche, pour que réussisse, comme le dit leur slogan, la « première entreprise de France ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion.

Mme Sophie Dion. Madame la ministre, renforcer la compétitivité des entreprises du commerce, de l’artisanat et des très petites entreprises, valoriser les métiers de l’artisanat, soutenir le commerce de proximité, tels sont les objectifs affichés de votre projet de loi : une belle accroche, quelques propositions concrètes, mais nul plan véritable pour donner un nouveau souffle. Dans le contexte économique particulièrement difficile, vos propositions de réforme ne sont pas à la hauteur des enjeux.

M. Olivier Marleix. Eh oui !

Mme Sophie Dion. Les commerçants et les artisans sont asphyxiés par le poids des charges fiscales et sociales, des impôts supplémentaires et des contraintes administratives. Plus de 1 milliard d’euros de charges fiscales et sociales supplémentaires en 2013, 100 millions de plus en 2014, la hausse de la TVA depuis le 1er janvier : un véritable matraquage fiscal en pleine crise économique. Était-ce bien le moment ?

Les chiffres de la Banque de France sur les défaillances d’entreprises viennent d’être publiés. Ils ne sont pas bons. Les défaillances sont en augmentation de 1,7 % par rapport à 2012, et atteignent un niveau historiquement élevé.

Les secteurs les plus touchés sont les suivants : l’hôtellerie-restauration, qui a souffert de la fermeture de plus de 7 000 hôtels et restaurants en 2013 ; la construction, qui a connu 15 743 défaillances d’entreprises ; la réparation automobile et les activités immobilières sont également fortement touchées. Pourtant, nous le savons tous ici, l’artisanat est un moteur essentiel de notre économie, générateur d’activités et d’emplois non délocalisables.

Ces artisans, ces commerçants, ces travailleurs indépendants ont donc besoin d’un texte qui prenne en compte leurs spécificités, leurs difficultés, leur avenir. Or, nous pouvons regretter que ce projet de loi ne satisfasse pas ces objectifs.

Certes, l’aménagement du régime des baux commerciaux, l’élargissement des missions de la commission de conciliation, et la simplification de la reprise d’un fonds de commerce par un professionnel, sont de bonnes mesures. C’est un premier pas, le franchissement d’une première marche, mais il nous semble encore insuffisant.

J’ai par ailleurs de nombreuses questions à vous poser, madame la ministre.

Pensez-vous d’abord que la possibilité de délégation du droit de préemption commercial des communes va réellement résoudre les difficultés des communes rurales ? Les plus petites d’entre elles n’ont ni établissement public de coopération intercommunale, EPCI, ni société d’économie mixte, SEM. Elles n’ont pas les moyens suffisants pour engager cette procédure et préserver une activité artisanale et commerciale. C’est grave, car, vous le savez bien, dans nos territoires ruraux et dans les zones de montagnes, il y va de la préservation de la vie et de l’activité de nos communes.

Il en va de même pour la réforme du FISAC, dont les moyens sont particulièrement utiles pour le maintien des commerces dans nos villages. Les opérations éligibles aux aides du FISAC telles que définies à l’article 25 de votre projet de loi ciblent très clairement le développement du commerce en milieu rural et dans les zones de montagne. On ne peut que s’en féliciter !

La difficulté est qu’il fait aussi état des opérations dans les quartiers prioritaires de la ville ! Mais ceux-là ne sont-ils pas déjà éligibles aux aides de la politique de la ville, avant de l’être sur la ligne budgétaire du FISAC, ligne budgétaire qui, en outre, se réduit chaque année comme peau de chagrin ?

M. Olivier Marleix. Elle a raison !

Mme Sophie Dion. La baisse des crédits de 21 % en 2013, que j’avais déjà dénoncée lors de l’examen du budget, ainsi que le recentrage des moyens priorisant les projets collectifs, m’interpellent et m’inquiètent. Les communes rurales isolées dans nos zones de montagne, qui conduisent des projets individuels, pourront-elles toujours bénéficier de l’aide du FISAC ? C’est une question essentielle, car c’est l’économie dans nos communes rurales qui est en jeu.

Enfin, je déplore la façon dont nous examinons ce texte, en particulier en ce qui concerne un point central et qui fait débat de votre projet de loi : le régime de l’auto-entrepreneur. L’amendement de réécriture complète de l’article 12, déposé en commission par le Gouvernement, en est un parfait exemple. Vous modifiez le texte en profondeur. Le rapporteur, qui est issu de votre majorité, madame le ministre, s’en est ému, à juste titre ; à tel point qu’il a consacré un paragraphe entier dans son rapport à la critique de la méthode et du peu d’importance que le Gouvernement accorde au travail parlementaire.

M. Olivier Marleix. Nous sommes habitués !

Mme Sophie Dion. En effet, nous sommes habitués. Les exemples sont nombreux : le texte sur la formation professionnelle en est un exemple récent et flagrant.

Il me paraît très important que vous nous expliquiez très précisément ce que la création de ce nouveau régime fiscal et social unique de la micro-entreprise changera pour les auto-entrepreneurs, outre, nous l’avons bien compris, la création d’un stage préparatoire à l’installation, le contrôle des qualifications ou encore la suppression de la dispense d’immatriculation.

C’est essentiel pour le million de personnes qui ont choisi de créer leur propre activité, leur propre emploi sous le statut d’auto-entrepreneur. C’est tout aussi fondamental pour les artisans et les commerçants, lesquels attendent des réponses en matière de limitation des abus, de lutte contre le travail dissimulé ou la concurrence déloyale.

Pour conclure, je dirai qu’il y a de bonnes mesures dans ce texte,…

M. Olivier Marleix. Quand même ! Mais il n’y en a pas beaucoup !

Mme Sophie Dion. …mais, comme je l’ai déjà souligné, nous restons en quelque sorte sur notre faim. Ce texte pose finalement, me semble-t-il, beaucoup plus de questions qu’il n’en résout. Je regrette surtout profondément, et je ne suis pas seule à le dire, car il en a été fait état implicitement sur les bancs de votre majorité, ce projet de loi manque cruellement d’ambition. Il ne donne ou ne redonne pas l’envie d’entreprendre dont nous avons cruellement besoin. En définitive, peut-être auriez-vous dû prendre une mesure réclamée par tous, et nous qui sommes sur le terrain le savons, celle relative à l’allégement du coût du travail. Vous auriez alors vraiment répondu aux attentes des artisans et des commerçants.

M. Alain Marleix. Très bien !

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron