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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 07 mai 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Situation économique

M. Patrick Ollier

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Taxe sur les transactions financières

M. Michel Lefait

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Problèmes universitaires en Guadeloupe

M. Ary Chalus

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche

Situation des fonctionnaires

Mme Marie-George Buffet

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique

Réforme territoriale

M. Xavier Bertrand

M. Manuel Valls, Premier ministre

Taxe poids lourds

Mme Eva Sas

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Emploi et apprentissage

M. Michel Terrot

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social

Boko Haram

M. François Loncle

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Réforme des rythmes scolaires

M. Franck Reynier

M. Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Revendications des sages-femmes

Mme Valérie Boyer

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Industrie de l’optique

M. Thierry Benoit

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Réforme territoriale

M. Alain Marc

M. Manuel Valls, Premier ministre

Cours de l’euro

Mme Marie-Françoise Bechtel

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

SNCM

M. Camille de Rocca Serra

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Troisième conférence sociale

M. Olivier Véran

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

2. Sociétés d’économie mixte à opération unique

Présentation

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Discussion générale

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Yannick Favennec

M. Paul Molac

M. Ary Chalus

M. Marc Dolez

M. Hugues Fourage

M. Jean-Marie Sermier

M. Olivier Dussopt

M. André Vallini, secrétaire d’État

Discussion des articles

Article 1er

Amendements nos 2 , 9 , 3 , 16 rectifié , 17 , 10 , 11 , 13 rectifié , 31 , 20 , 27 , 24 et 29 , 18 , 19 , 12, deuxième rectification

Article 1er bis

Après l’article 1er bis

Amendement no 14

Articles 2 à 13

Article 14

Article 15

Explications de vote

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Hugues Fourage

M. Ary Chalus

Vote sur l’ensemble

M. André Vallini, secrétaire d’État

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Situation économique

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Ma question s’adresse au Premier ministre.

Comment le Président de la République a-t-il pu gâcher les atouts de la France pendant ces deux années ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Patrick Ollier. Par ses décisions, il a dégradé le pouvoir d’achat des Français, en baisse de 1,2 %, avec un matraquage fiscal sans précédent. Il a dégradé la compétitivité des entreprises (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC) par des décisions inadaptées. Résultat, 10,3 % de chômage. Deux ans de perdus par une politique dogmatique et improvisée soutenue par votre majorité, qui continue à ignorer ces évidences.

Hier, François Hollande a reconnu s’être trompé. Quel aveu terrible ! Mais il s’agit du Président de la République et du quotidien des Français.

Depuis votre nomination, monsieur le Premier ministre, on assiste à une avalanche de nouvelles décisions. Preuve des erreurs commises ou manœuvre de diversion ? Parmi elles, votre pacte voté par une majorité fragilisée, pacte qui n’est pas à la hauteur de la situation.

Vous décidez de faire 50 milliards d’économies. Le compte n’y est pas. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Deflesselles. C’est vrai !

M. Jean Glavany. Combien vous en faut-il ?

M. Patrick Ollier. Le Haut conseil des finances publiques, présidé par un socialiste, dit que vos prévisions sont trop optimistes. Le président de la commission des finances de l’Assemblée considère qu’il faudrait faire 100 milliards d’économies.

Vous proposez des économies. Très bien, mais ce ne sont pas les bonnes. Vous recrutez 60 000 fonctionnaires dans l’éducation,…

M. Yves Durand. Bravo !

M. Patrick Ollier. …alors qu’il faut diminuer la dépense publique. C’est un pacte de dupes !

Monsieur le Premier ministre, comment baisser les impôts en 2015 si vous ne parvenez pas à contenir les dépenses ?

L’OCDE confirme que la baisse du chômage n’est pas envisageable avant 2016, la Commission européenne considère que vos prévisions économiques sont très fragiles. Ce sont les institutions européennes qui jugent vos actes.

Face à un tel constat,…

M. le président. Merci, monsieur Ollier.

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Je vous remercie de votre question, monsieur le député, qui tente de nous entraîner d’un bilan de deux ans à un bilan sur douze ans. Ce qui intéresse les Français aujourd’hui, c’est l’axe, confirmé par le Président de la République au début de janvier puis par le vote de l’Assemblée après le discours de politique générale du Premier ministre, et les idées fortes qui seront traduites dans les dispositions dont le Parlement sera saisi dans les prochaines semaines.

Il y a deux idées fortes. Pour commencer, il faut prioriser l’action de l’État, c’est-à-dire confirmer les priorités accordées à la jeunesse, à la relance des investissements, à la restauration de la compétitivité à notre économie. Mais pour prioriser, il faut aussi moderniser l’appareil de l’État : c’est le sens des réformes qui vous sont proposées aussi bien dans le domaine de la santé que dans celui des collectivités territoriales, avec une organisation de l’État qui réponde au mieux à ces priorités que le Gouvernement souhaite confirmer.

Tout cela nous permettra de faire des économies, mais ce n’est pas un but en soi. L’objectif est de dégager des marges de manœuvre pour répondre à un problème que chacun s’accorde à reconnaître : le manque de compétitivité de nos entreprises.

M. Patrick Ollier. Il faut faire 100 milliards d’économies !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le souhait des Français, c’est de retrouver du pouvoir d’achat, ce qui passera par la remise en marche d’un appareil industriel qui a été délaissé pendant trop longtemps.

Si nous pouvons tous avoir des discussions très longues sur le passé et les urgences, monsieur Ollier, je crois que les Français attendent surtout que nous nous rassemblions autour de ces idées, auxquelles vous pourriez vous rallier, probablement pas dans un esprit d’unité nationale, ce à quoi vous n’êtes pas prêt,…

M. Bernard Deflesselles. C’est vraiment laborieux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …mais en tout cas pour nous permettre de retrouver la confiance et la croissance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, je demande aux uns et aux autres de faire en sorte que nous retrouvions un niveau sonore acceptable dans l’hémicycle.

Taxe sur les transactions financières

M. le président. La parole est à M. Michel Lefait, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Lefait. Monsieur le ministre des affaires étrangères, l’ouvrage le plus vendu aux États-Unis en ce moment, Le Capital au XXIsiècle, est un livre écrit par un Français, l’économiste Thomas Piketty. Il décrit les ravages causés par l’explosion des inégalités de revenus et de patrimoines pour nos nations.

Cette concentration des richesses, injuste et inefficace, notre majorité a décidé de la combattre. C’est la raison pour laquelle des mesures fortes ont été adoptées : alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail, tranche à 45 % pour les revenus supérieurs à 150 000 euros annuels, taxe à 75 % pour les revenus supérieurs à un million d’euros, instauration d’une taxe nationale sur les transactions financières en attendant des avancées européennes.

Eh bien, cette dernière avancée, recherchée depuis des mois, va voir le jour en 2016, grâce à l’action résolue de la France. En effet, la taxe européenne sur les transactions financières, mise en œuvre dans le cadre d’une coopération renforcée, a été finalisée mardi 6 mai.

M. Bernard Accoyer. Encore une taxe !

M. Michel Lefait. C’est une réelle avancée pour cette grande idée de taxe Tobin, levier efficace de redistribution, imaginée en 1972. Pour la gauche et ses combats européens, c’est un point de départ significatif qui porte une double ambition de calendrier et de contenu.

Monsieur le ministre, des précisions sur l’affectation des fonds et le principe de résidence doivent être trouvées, mais ce mouvement positif montre que le volontarisme européen du Gouvernement français porte ses fruits. Pouvez-vous nous dire quels enseignements peuvent être tirés de la décision du 6 mai pour les peuples d’Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Cher monsieur Lefait, le premier enseignement, vous l’avez indiqué vous-même, c’est que la ténacité paie. Cela fait bien longtemps ; et sur tous les bancs de cette assemblée d’ailleurs, que l’on évoque cette taxe sur les transactions financières. Depuis le 6 mai, c’est fait. Je pense, tout comme vous, que c’est à porter à l’actif de ceux qui y ont œuvré, en particulier la France.

M. Sapin vous prie de l’excuser de ne pouvoir être là, mais je peux vous communiquer les éléments qui m’ont été donnés. La taxe doit entrer en vigueur au début de l’année 2016. Elle s’organisera entre onze pays ; c’est donc ce que l’on appelle une coopération renforcée, car d’autres États membres de l’Union européenne étaient en désaccord. Elle porte à ce stade sur les actions ainsi que sur un certain nombre de produits dérivés. Certains auraient souhaité que nous allions plus loin, en incluant d’autres produits dérivés, mais il fallait obtenir l’unanimité parmi les onze États.

M. Jean-Luc Laurent. Exactement !

M. Laurent Fabius, ministre. C’est ce qui a été fait et c’est donc une première étape importante, qui permettra de lutter contre la spéculation, puisque c’est son objectif, de tirer des financements d’un certain nombre de mouvements bancaires et de les affecter, pour une grande part, à l’investissement dans le développement. Je pense que tous ceux qui sont attachés au développement et à la justice fiscale s’en réjouiront. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes RRDP, écologiste et GDR.)

Problèmes universitaires en Guadeloupe

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Ary Chalus. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans mes précédentes questions écrites des 12 novembre 2013 et 17 avril 2014, je faisais part de la grande inquiétude des étudiants, de la quasi-totalité des enseignants-chercheurs et des parents suite aux événements ayant entouré la transformation du pôle universitaire de la Guyane en université de plein exercice.

Aujourd’hui, à la veille des examens devant sanctionner une scolarité gravement perturbée tout au long de l’année par les grèves et parfois le blocage des campus universitaires sur les trois pôles, les dommages collatéraux de cette décision sont encore visibles.

Dans sa réponse, hier, à la question de notre collègue Alfred Marie-Jeanne, Mme Fioraso indiquait que les textes en préparation sur l’avenir de l’université aux Antilles, ne seraient adoptés, dans les prochaines semaines, qu’après que les personnels et le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche auront été consultés. Cela me rassure, d’autant que le 14 avril, par la voix de la présidente de l’Université des Antilles et de la Guyane, nous apprenions avec consternation que le ministère confirmait que les délais ne permettaient plus d’envisager l’organisation de la consultation.

Aussi, monsieur le ministre, je vous prie de bien vouloir m’indiquer les mesures que vous entendez prendre pour l’organisation de cette consultation des forces vives antillaises de l’enseignement supérieur. Car cette consultation permettra sans doute le retour définitif à une situation plus sereine et à un fonctionnement normal des pôles universitaires de la Guadeloupe et de la Martinique.

Je m’interroge également sur les dispositions retenues pour poser les bases d’un établissement d’enseignement supérieur et de recherche en Guadeloupe et Martinique, car ces dispositions ne sauraient être subordonnées exclusivement au calendrier de mise en place d’une université de plein exercice en Guyane.

Après la grève de l’université, ce sont, la semaine prochaine, les policiers qui se manifesteront, à cause du départ de soixante-quinze gendarmes mis en place pour assurer la sécurité des Guadeloupéens. La Guadeloupe a voté à plus de 76 % pour le Président Hollande ; aujourd’hui, nous attendons des actions fortes en matière de sécurité, d’économie, de chômage et d’enseignement. La population guadeloupéenne est inquiète et espère, car elle se sent délaissée. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, votre question porte sur deux points : le premier relatif à la création d’une nouvelle université des Antilles et le second sur les conditions de fonctionnement actuel du pôle universitaire et de recherche de la Guadeloupe.

Sur le premier point, conformément aux engagements pris par le Gouvernement, le décret créant une université de plein exercice en Guyane, à la demande des acteurs guyanais, sera soumis aux instances dont la consultation est obligatoire : les personnels, techniques comme universitaires, les étudiants et le CNESER. Il sera ensuite publié dans les meilleurs délais.

Parallèlement, et selon, le même calendrier en effet, un décret créant une université des Antilles et rassemblant donc, comme vous le souhaitez, les pôles guadeloupéen et martiniquais dans une université unique, sera soumis à la même consultation, avant l’été, comme cela a été préconisé dans le rapport parlementaire qui vient d’être remis par la sénatrice Dominique Gillot. Nous aurons donc deux universités, l’université des Antilles et l’université de Guyane, autonomes mais qui continueront à nouer des partenariats de recherche et, pourquoi pas, de formation. En tout cas, les deux universités auront bien été créées et nous n’aurons pas perdu de temps.

Sur le second point, qui concerne la situation en Guadeloupe, l’annonce de la création des deux universités et les garanties que j’ai apportées à l’ensemble des acteurs sur la constance des moyens – c’était l’une des inquiétudes exprimées – ont permis de ramener la situation à la normale et au calme.

Toutes les conditions sont donc réunies pour que l’ensemble des acteurs, et notamment la présidente de l’université, qui doit organiser les examens de fin d’année, rassurent les familles et les étudiants, et vous devez y contribuer avec nous, pour que chacun puisse désormais, dans un climat apaisé, se projeter dans un avenir de coopération, le tout au service de la jeunesse des Antilles et de l’avenir de ce territoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Situation des fonctionnaires

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Madame la ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique, la fonction publique est un élément essentiel de l’exercice des droits et de la citoyenneté dans notre pays. Les objectifs fixés dans son statut en 1946 et consolidés en 1983 sont ceux de l’article 1er de notre Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Elle constitue une originalité française qui a été et reste source de progrès sociaux ; mais aussi, par la compétence de ses agents, de développement de nos territoires et de création de richesses. La droite s’est attaquée durement à ce fleuron à coups de RGPP et de gel du point d’indice ; mais, madame la ministre, malgré une mesure sur les plus bas salaires et une RGPP ciblée, vous ne changez pas de cap. Vous maintenez le gel du point d’indice, et donc une baisse franche du pouvoir d’achat des fonctionnaires.

Avec 11 milliards d’euros en moins pour les collectivités, 18 milliards en moins pour le budget de l’État, ce sont l’emploi, les services de proximité, comme les missions de l’État qui vont être malmenés. Enfin, la décision de regrouper les régions et de faire disparaître les départements appelle des explications sur l’avenir des agents concernés. Le 15 mai, l’ensemble des syndicats de la fonction publique seront dans l’action pour l’augmentation des salaires et la revalorisation de leur métier pour une fonction publique efficace. Leur action est juste. Contrairement aux vieilles idées reçues qui font des fonctionnaires des privilégiés et des services publics des dépenses à réduire, répondre à leur exigence en matière d’emploi et de pouvoir d’achat, voilà un choix utile pour remettre la France sur les rails de la croissance ! Madame la ministre, allez-vous les entendre pour une fonction publique au service de nos concitoyens et concitoyennes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. Merci, madame Buffet, et joyeux anniversaire ! (Applaudissements sur tous les bancs.)

La parole est à Mme la ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique. Au nom de tout le Gouvernement, je vous souhaite moi aussi un joyeux anniversaire, madame la ministre. Et merci de rappeler les valeurs, merci de rappeler le statut des fonctionnaires, merci de rappeler la révision de 1983 menée notamment par Jack Ralite. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Voilà des références modernes !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous avons réussi, il y a quelques mois, à remettre autour de la table toute la fonction publique, ses syndicats, avec tous les ministres concernés, dont le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, pour redire à quel point le statut de fonctionnaire n’est pas un handicap, mais une chance, et que nous avons un certain nombre de problèmes – nous le savons –, en particulier concernant le pouvoir d’achat de nos fonctionnaires. Pour répondre à celles-ci, et compte tenu de la difficulté de la situation, le choix a été fait d’augmenter les catégories C, autrement dit les moins payés des fonctionnaires, qui ont souvent des tâches extrêmement complexes, difficiles, pénibles – pensons par exemple à ceux qui travaillent de nuit auprès de nos personnes âgées.

Nous allons demander, dans un dialogue social, des gestes de solidarité à la haute fonction publique. Nous allons faire tout cela dans la transparence. On recense 7 000 régimes indemnitaires : comment reconstituer un vrai parcours du fonctionnaire, avec des traitements, des rémunérations, un avenir mieux équilibrés, sinon avec du dialogue social ? C’est difficile, vous l’avez rappelé, et je ne dirai pas le contraire. Votre question, madame la ministre, soulève certes une difficulté réelle par rapport aux priorités – nous étions à notre arrivée aux responsabilités à moins 30 000 postes par an ; leur nombre s’est désormais stabilisé –, mais elle rappelle surtout un autre point fort : le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas et les fonctionnaires sont ceux qui portent les valeurs républicaines. Vous me trouverez à leur côté pour engager le dialogue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Réforme territoriale

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Xavier Bertrand. Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a parlé hier de la réforme territoriale. Pour mener une telle réforme, absolument indispensable, il faut tout d’abord de la cohérence. Où est la cohérence de l’exécutif, quand le Président de la République donne hier une version différente de celle que vous donniez à la tribune de l’Assemblée nationale il y a quelques semaines ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Où est la cohérence, quand le Président de la République disait tout le contraire lors de ses vœux à Tulle, déclarant qu’il fallait absolument maintenir le département ?

M. Bernard Deflesselles. Eh oui !

M. Xavier Bertrand. Où est la cohérence de votre majorité ? Nous avions mis en place le conseiller territorial, qui regroupait les départements et les régions ; vous vous êtes empressés de le casser dès votre arrivée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Xavier Bertrand. Il n’y a aucune cohérence dans votre démarche ! Mais il faut aussi du courage pour une telle réforme, et le courage c’est notamment de faire face à la levée de boucliers des 60 % des présidents de conseils généraux de gauche qui ne veulent pas de cette réforme.

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est faux !

M. Xavier Bertrand. Il faut aussi du courage pour aller contre la fronde des présidents de conseils régionaux de gauche qui ne veulent pas de cette réforme. Il faut aussi de la sincérité : si vous êtes sincères sur ce sujet, si vous voulez réellement aller vite, c’est par un référendum national que cette question doit être tranchée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous savez pertinemment que le conservatisme est dans vos rangs ; et si vous voulez réellement que cette réforme voie le jour, il faut donner la parole au peuple français. Sur ce sujet, nous sommes prêts à nous engager, à aller vers la suppression des conseils généraux, à aller vers la diminution du nombre de régions et la réduction du nombre des élus départementaux et régionaux. Si vous n’allez pas au référendum, c’est que vos intentions sont ailleurs : vous cherchez à faire diversion ! Votre seul objectif est de repousser les élections locales, parce que vous voulez vous mettre à l’abri de la colère des Français qui s’est exprimée aux élections municipales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Si vous êtes sincères et courageux, vous allez vous attaquer à la réforme du marché du travail pour faire reculer le chômage. Si vous êtes sincères et courageux, vous allez aussi remettre en place la défiscalisation des heures supplémentaires.

M. le président. Merci !

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Pour être forte, la France a besoin de réformes. J’ai déjà eu l’occasion de souligner combien j’ai la conviction que la politique que j’ai présentée il y a quelques semaines était cohérente, par le soutien aux entreprises pour créer de l’emploi, par la réduction des déficits et de la dette qui entrave nos marges, par le soutien au pouvoir d’achat, notamment pour les bas salaires et à travers la baisse des prélèvements obligatoires, par les réformes enfin, qui sont indispensables dans bien des domaines.

Lors de mon discours de politique générale, puis la semaine dernière encore, je vous ai dit clairement quels étaient les grands axes de la réforme territoriale : des intercommunalités plus fortes, des régions plus grandes aux compétences renforcées, des compétences claires et lisibles pour chaque niveau de collectivité, et enfin une réflexion sur la suppression des conseils généraux. J’ai reçu un certain nombre d’associations qui représentent les élus, j’ai lu et je connais les positions d’un certain nombre de vos dirigeants – notamment celle de Jean-François Copé, favorable à la suppression des départements. J’ai lu hier encore la demande de report des élections de la part d’un président de conseil général de votre formation, M. Éric Doligé. De tout cela, je tire une conclusion et une conviction : notre pays a besoin rapidement, très rapidement, d’une réforme de son organisation territoriale.

M. Alain Marty. Et l’emploi ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous l’avez rappelé, le Président de la République a réaffirmé ces grandes lignes, celles que je viens d’évoquer, et il a confirmé l’urgence de mener cette réforme dont on parle depuis des années sans qu’elle soit jamais mise en œuvre. Le conseiller territorial, ce n’était pas la fin des départements ni celle des conseils généraux ; et surtout, vous n’avez jamais présenté ainsi. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Valérie Boyer. Mais si !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Une telle réforme doit pouvoir se faire, vous avez raison, dans le consensus, avec la volonté d’avancer. Pour cela, il y a besoin de dialogue et d’écoute. Telle est la proposition du chef de l’État qui va recevoir l’ensemble des représentants des formations politiques pour aborder cette réforme avec sincérité et courage – je reprends vos mots. Il faut cette concertation. Soyez certains que nous respectons le Parlement et que nous considérons que le Sénat comme l’Assemblée nationale ont leur mot à dire, aussi bien sur les délais que sur les compétences de chaque collectivité. Soyez en tout cas certains que c’est avec courage et sincérité, sans faux-fuyants, que nous aborderons cette question de la réforme des collectivités territoriales.

M. Sylvain Berrios. Il faut aussi de la cohérence !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Pour cela, il faut aller vite ; pour aller vite, il faut saisir le Parlement après les consultations nécessaires et pour cela nous avons aussi besoin de temps. C’est pourquoi nous allons discuter du report des élections. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Straumann. Allons !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous verrons alors, monsieur Bertrand, qui est sincère et qui est courageux. Vous avez parlé de cette réforme, vous ne l’avez jamais faite ; nous, nous ferons cette réforme attendue par le pays depuis des années. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Taxe poids lourds

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste.

Mme Eva Sas. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie et concerne la taxe poids lourds.

Madame la ministre, je vous le dis : ne renoncez pas.

Ne renoncez pas à l’ambition environnementale de la France, car ce sont aujourd’hui nos enfants qui sont affectés par la pollution de l’air et le dérèglement climatique. Nous devons réduire le trafic poids lourds, qui, vous le savez, représente près du quart des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports.

Ne renoncez pas à l’efficacité de la taxe poids lourds. Partout où elle a été mise en place, elle a porté ses fruits : ainsi, en Suisse, elle a permis d’éviter le passage de 600 000 camions supplémentaires et, en Allemagne, un report vers le fret ferroviaire de 6 % du trafic de marchandises.

Enfin, ne renoncez pas au milliard d’euros que pourrait rapporter cette taxe, car, vous le savez, cela ne pourrait conduire qu’à deux scénarios : ou bien ce seront les contribuables qui paieront, ou bien nous serons contraints d’abandonner des dizaines de projets de bus, de tramways, de métros qui attendent le soutien de l’État.

Nous vous soutenons quand vous souhaitez des mesures sur le trafic de transit ou les sociétés d’autoroute, mais vous savez que ces solutions ne rapporteront pas 1 milliard d’euros et sont pour certaines incompatibles avec la mise en place d’une pollutaxe.

Certes, il faut assouplir, aménager le dispositif, pour prendre en compte tous les acteurs : nous pouvons exonérer les premiers kilomètres ; nous pouvons mener des expérimentations, par exemple en Alsace ou en PACA, là où les populations sont impatientes de voir se mettre en place la taxe tant elles sont étouffées par le trafic poids lourds. Mais nous vous demandons de ne pas renoncer et de confirmer votre objectif de réduire le trafic routier, de confirmer que la pollutaxe est pour vous l’un des outils efficaces à mettre en place, de confirmer l’objectif d’un rendement de 1 milliard d’euros pour financer les projets de transports en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. André Chassaigne. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Je vous remercie, madame la députée, de revenir sur ce sujet. J’ai été longuement auditionnée par la mission d’information de l’Assemblée, présidée par Jean-Paul Chanteguet, dont je salue d’ailleurs le travail.

Il arrive, vous le savez, que certaines réformes apparemment parfaites sur le papier, une fois mises en application, révèlent des contradictions et soulèvent une résistance sociale. Nous devons en tenir compte. Le Gouvernement sera guidé par deux principes.

Premier principe : il faut une réforme juste, compréhensible et qui atteigne ses objectifs. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Second principe : l’écotaxe ne verra pas le jour en tant que telle car le Gouvernement n’accepte pas que le mot « écologie » soit associé au mot « taxe ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) En effet, il considère que l’écologie est une démarche positive qui doit entraîner les agents économiques, les entreprises, les particuliers, les associations et les collectivités territoriales. C’est ainsi que nous réussirons notre transition écologique.

M. Charles de La Verpillière. Bla-bla !

Mme Ségolène Royal, ministre. Par ailleurs, nous devons dégager des moyens supplémentaires. Au passage, je note que la taxe en question n’a plus rien d’une taxe poids lourds puisque, vous le savez, le gouvernement d’alors avait autorisé son report sur les chargeurs et sur les producteurs, qui auraient été amenés à la payer alors que les conditions économiques ne le permettent pas ; J’ajoute que la contradiction consistant à la prélever également sur les transports par le train n’est absolument plus acceptable. J’ai donc ouvert deux pistes.

La première, c’est de cibler les camions qui utilisent la France comme zone de transit, partant du Nord vers le Sud et polluant les régions frontalières. Il faudra sans doute appliquer dans celles-ci un péage de transit.

La seconde, c’est de dégager des moyens supplémentaires à partir des profits des sociétés d’autoroute sans augmenter le prix des péages, à hauteur de 1 milliard sur les 2 milliards d’euros prévus, afin de les réinjecter dans les travaux publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Emploi et apprentissage

M. le président. La parole est à M. Michel Terrot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Terrot. Monsieur le Premier ministre, voilà deux longues années que, mois après mois, nous ne pouvons que constater les ravages de la politique économique et sociale conduite par votre majorité. « Et on fait comment, monsieur le Président ? », demandait hier, désemparée, Sophie, chef d’entreprise, étouffée par les charges à « Moi, Président », lors de son opération de communication.

Le chômage n’a cessé de progresser pour atteindre un nouveau niveau record de 3 350 000 demandeurs d’emploi en mars… Voilà votre bilan !

M. Pascal Popelin. Ce n’est pas vrai !

M. Michel Terrot. Le chômage des non diplômés est en hausse de seize points… Voilà également votre bilan !

Les contrats d’apprentissage sont en baisse de 8 % en 2013, du jamais vu… Voilà encore votre bilan !

Les faits sont têtus, les chiffres sont là. Vous avez échoué à inverser la courbe du chômage car vous avez démantelé, par idéologie, des dispositifs performants, comme l’alternance, pourtant véritable université des métiers.

Les Français se sont exprimé lors des élections municipales en désavouant massivement les candidats socialistes. Monsieur le Premier ministre, assez de communication ! Les Français veulent, comme nous, des réponses concrètes ! Allez-vous entendre cette complainte du peuple qui n’en peut plus ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Allez-vous revenir sur votre politique de destruction de l’apprentissage, filière très efficace pour insérer durablement les jeunes sur le marché de l’emploi ? Allez-vous revenir sur la hausse de la TVA dans les secteurs dont les emplois ne sont pas délocalisables, comme le bâtiment ? Enfin, allez-vous rétablir une fiscalité anti-délocalisation pour permettre à nos entreprises de lutter à armes égales contre la concurrence internationale ? Nous attendons des réponses précises. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social. Monsieur Michel Terrot, vous avez égrené un certain nombre de chiffres concernant le chômage qui, en réalité, relèvent de notre responsabilité à tous car, vous le savez, la progression continue du chômage depuis 2008 a quelque chose d’inéluctable, et votre gouvernement lui-même n’avait pu s’y opposer. Depuis deux ans, des efforts ont été faits… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous en prie !

M. François Rebsamen, ministre. Si vous voulez, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, que je vous rappelle les chiffres de l’apprentissage, je vais le faire. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles et M. Bernard Accoyer. Faites-le !

M. François Rebsamen, ministre. Vous êtes trop sûrs de vous quand vous citez des chiffres. Vous savez tous très bien qu’en 2007, il y avait 400 000 jeunes en apprentissage, et pas davantage au début de l’année 2012. C’est sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault que les effectifs sont montés à 420 000-430 000 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.),…

Mme Bérengère Poletti. Ce n’est pas vrai !

M. François Rebsamen, ministre. …. pour redescendre aujourd’hui à 400 000.

Le combat que le Gouvernement mène pour l’emploi des jeunes rejoint le souci majeur de nos concitoyens et devrait, vous aussi, vous mobiliser. On serait ainsi un peu plus modeste dans les critiques et un peu plus efficace dans l’action ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Boko Haram

M. le président. La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. François Loncle. Monsieur le président, mes chers collègues, depuis cinq ans, la secte fondamentaliste islamiste Boko Haram ensanglante le Nigeria. Elle multiplie les enlèvements, les assassinats, les attentats meurtriers contre les marchés, les lieux de culte, les écoles. Cette année, Boko Haram a déjà tué plus de 1 500 personnes.

Depuis quelques mois, cette secte redouble de violence. Le 14 avril, elle a opéré un rapt odieux dans un lycée : les extrémistes ont enlevé 223 adolescentes de douze à dix-sept ans. Leur chef, Abubakar Shekau, a annoncé vouloir les vendre, les marier de force ou les garder comme esclaves.

Boko Haram vise d’abord les femmes, les filles, et précisément le système éducatif pour briser la scolarité des filles. D’ailleurs, le nom de la secte, en langue haoussa, signifie « l’éducation occidentale est un péché. »

Ce rapt abominable a suscité une très vive émotion, non seulement au Nigeria mais dans le monde entier.

Face à la recrudescence des violences terroristes, le président nigérian, Goodluck Jonathan, s’est résolu à faire appel à l’aide occidentale, notamment à celle des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, nous ne pouvons plus être spectateurs de cette horreur. Quel type d’aide la France et le monde peuvent-ils apporter aux autorités et au peuple du Nigeria ? (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Une horreur et une ignominie, mesdames et messieurs les députés.

Une horreur quand, à la mi-avril, plus de deux cents petites filles – dont vous avez cité les âges : douze, treize ou quatorze ans – ont été enlevées.

Une ignominie lorsque le chef de ce groupement sinistre, Boko Haram, a déclaré : « J’ai enlevé vos filles. Je vais les vendre. Une fille de douze ans, je la donnerai en mariage. Et même la fille de neuf ans, je le ferai. »

Devant une telle situation, l’indignation ne suffit pas. C’est pourquoi le Président de la République nous a donné instruction, au ministre de la défense et à moi-même, dès la commission de cet horrible crime, de mettre les services, comme on dit, à la disposition du Nigeria et des pays voisins.

Ce matin même, le Président de la République nous a demandé de prendre contact avec le président du Nigeria pour lui dire qu’une équipe spécialisée, avec tous nos moyens de la région, était à la disposition du Nigeria, concrètement – chacun comprendra ici ce que cela veut dire –, pour aider à la recherche et à la récupération de ces jeunes filles.

Mesdames et messieurs les députés, devant une telle ignominie, la France comme les autres nations démocratiques doit réagir. Ce crime ne restera pas impuni. (Vifs applaudissements sur tous les bancs.)

Réforme des rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Franck Reynier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Franck Reynier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Le Président de la République a annoncé hier que la réforme des rythmes scolaires ferait l’objet d’une évaluation d’ici deux à trois ans. Cela démontre, monsieur le ministre, que vous êtes bien conscient des difficultés rencontrées.

Ce matin, une fois de plus, vous annoncez une nouvelle modification. Le fonds d’amorçage destiné aux communes est prolongé d’une année. Cette méthode n’est pas la bonne !

M. Razzy Hammadi. Très bien !

M. Franck Reynier. En effet, votre méthode qui consiste à avancer à marche forcée et à ajuster, modifier et évaluer a posteriori, n’est pas acceptable.

Le Président de la République nous parle aujourd’hui d’évaluation, mais il aurait fallu commencer par écouter celles et ceux qui sont en première ligne : les parents d’élèves qui sont inquiets pour leurs enfants ; le corps enseignant qui doute de l’intérêt pédagogique de votre réforme ; les élus locaux qui demandent du temps et de vrais moyens financiers.

Monsieur le ministre, comprenez nos élus locaux.

Vous prônez un retour à quatre jours et demi de classe, comme cela se faisait il y a quelques années. Mais à cette époque, ce temps était pris en charge par l’État et organisé par les enseignants alors que vous voulez imposer ce transfert sans l’accompagner, sans le compenser financièrement, au moment où vous réduisez les dotations aux communes.

M. Yves Durand. Vous n’avez rien compris !

M. Franck Reynier. Puisque vous voulez expérimenter, monsieur le ministre, faites-le avec les 17 % de communes qui ont mis en œuvre la réforme en 2013 et lancez une grande consultation avec l’ensemble des acteurs : les enseignants, les parents d’élèves et les élus locaux.

Monsieur le ministre, nous nous situons dans une démarche d’opposition constructive.

M. Jean Glavany. Bien sûr ! (Sourires.)

M. Franck Reynier. Seul compte pour nous l’intérêt de nos enfants : il faut que vous sortiez de cette impasse. Suspendez la mise en œuvre de votre réforme des rythmes scolaires et ouvrez rapidement un vrai dialogue avec les enseignants, les agents territoriaux, les parents d’élèves et les élus locaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Sortez de ce blocage, dans l’intérêt de nos enfants. (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, quelques réactions à votre question…

Plusieurs députés du groupe UMP. Non, des réponses !

M. Benoît Hamon, ministre. Nous avons d’ores et déjà une évaluation de la semaine de quatre jours dans votre commune comme dans toutes les communes françaises : la baisse incontestable, en fin de CM2, de la maîtrise des apprentissages fondamentaux, chez vous comme partout en France, que ce soit en calcul ou en expression écrite ou orale. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes écologiste et SRC.)

C’est sur la base de cette évaluation concrète que s’est construit un diagnostic partagé sur tous les bancs : la nécessité d’adapter les rythmes d’apprentissage aux rythmes biologiques. Il y a consensus sur le fait que cinq matinées, c’est mieux. Pourquoi ?

M. Sylvain Berrios. Non, il n’y a pas de consensus !

M. Benoît Hamon, ministre. Parce que les enfants ont des pics de vigilances le matin entre neuf heures et onze heures. En travaillant un matin de plus, ils apprendront mieux. En apprenant mieux, ils auront le goût d’apprendre. Ils auront donc ce goût du travail, qui est indispensable pour pouvoir maîtriser les apprentissages fondamentaux. C’est ce que nous voulons.

Nous avons voulu nous adapter aux réalités, celles de l’application de cette réforme, comme vous l’avez demandé, de manière constructive, en ce qui concerne les maternelles ou les communes de montagne, en donnant la possibilité de concentrer le temps périscolaire sur une après-midi et de grignoter sur le temps de vacances d’été. Cela a été fait.

Vous nous avez demandé des moyens supplémentaires, à gauche comme à droite, pour faciliter la mise en œuvre du temps périscolaire à côté de cette réorganisation du temps scolaire. Le Premier ministre a pris l’engagement de prolonger d’une année supplémentaire le fonds d’amorçage.

M. Sylvain Berrios. Et après ?

M. le président. Monsieur Berrios, cela suffit !

M. Benoît Hamon, ministre. L’engagement est pris d’accompagner. J’observe que si vous ne décidez pas de vous engager dans cette réforme dans l’intérêt de l’enfant, il va falloir que vous l’assumiez…

M. Bernard Accoyer. Ça va !

M. Benoît Hamon, ministre. …pour cette raison et pas pour de mauvais prétextes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Revendications des sages-femmes

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, je suis venue vous parler de la santé des femmes et des enfants et de l’avenir des sages-femmes. J’associe à mon propos l’ensemble de mes collègues UMP, en particulier Bérengère Poletti.

Les revendications des sages-femmes sont trop souvent caricaturées, en premier lieu par vous, madame la ministre, quand vous faites sciemment de la désinformation à leur propos. À l’occasion de la journée internationale de la sage-femme, le collectif des sages-femmes a rappelé que les demandes formulées, dans leur quasi-totalité, n’ont pas été entendues. Pire encore, les négociations ont été interrompues, alors que la majorité des maternités françaises continuent le mouvement de grève engagé il y a près de sept mois.

Les arguments que vous leur opposez n’ont jamais été recevables et ne doivent plus duper personne. Les sages-femmes ne demandent en aucun cas le statut de médecin, elles demandent celui, très différent, de praticien hospitalier. D’autres professions de santé, comme celles des chirurgiens-dentistes et des pharmaciens, en bénéficient, avec un volume horaire global d’études identique. Les sages-femmes demandent donc simplement que soit reconnu leur statut de profession médicale, déjà consacré par le code de la santé publique. Cela est tout à fait justifié au regard de l’autonomie, de la responsabilité médico-légale et du parcours universitaire. Et beaucoup a été fait, en ce qui concerne les compétences, entre 2007 et 2012.

Prenez exemple sur l’École de maïeutique de Marseille, seule école universitaire de sages-femmes de France, créée par l’éminent Yvon Berland il y a quatre ans, et qui considère les sages-femmes sur le plan universitaire comme les dentistes ou les pharmaciens. Cela marche très bien. Si c’est le cas sur le plan universitaire, alors pourquoi n’y aurait-il pas un traitement identique sur le plan hospitalier ?

C’est au ministère de la santé de régler le problème du statut de praticien hospitalier. En effet, la profession est aujourd’hui unie et organisée, il vous faut enfin l’écouter, madame la ministre, au lieu de chercher sans cesse à la discréditer. Cessez de faire payer aux sages-femmes le fait d’être majoritairement des femmes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Madame la ministre, nous vous le demandons une nouvelle fois : quand allez-vous enfin entendre les sages-femmes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée Valérie Boyer, franchement, un peu de sens de responsabilités (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), un peu de maîtrise dans vos propos ! Qui a défendu la santé des femmes, si ce n’est cette majorité, en permettant une meilleure prise en charge de la contraception et de l’avortement, malgré les contestations qui venaient de vos bancs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Qui a permis une meilleure prise en compte de la santé des femmes, en faisant des propositions concrètes qui, aujourd’hui, sont en discussion, sur l’évolution des sages-femmes ? Pendant dix ans, les revendications formulées par les sages-femmes à l’adresse de votre majorité étaient exactement les mêmes,…

Mme Valérie Boyer. C’est faux !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et vous n’avez jamais pris aucune décision ni fait aucune avancée !

Mme Valérie Boyer. C’est faux !

Mme Marisol Touraine, ministre. Avec le Gouvernement, j’ai annoncé qu’un statut de sage-femme des hôpitaux allait être créé. Cette décision est le fruit d’une longue concertation, qui se poursuit actuellement à propos de la manière de mettre en œuvre ce statut et de répondre aux autres préoccupations des sages-femmes. En particulier, une négociation se tient ces jours-ci sur la question de la revalorisation salariale des sages-femmes.

Au-delà de l’enjeu de la place des sages-femmes à l’hôpital public se pose la question d’une meilleure reconnaissance de leur statut et de leur rôle dans les soins de premier recours, au côté des professionnels de santé.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas le sujet !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce sera inscrit dans la loi de santé.

Le temps, madame la députée, est venu de la mise en œuvre, dans le rassemblement, pour faire en sorte que les sages-femmes soient mieux reconnues. Le statut qui a été décidé sera donc mis en œuvre et permettra aux sages-femmes de voir leurs compétences médicales pleinement identifiées et pleinement reconnues. Je souhaite que vous n’attisiez pas les dissensions et que vous contribuiez au rassemblement, dans l’intérêt des sages-femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Industrie de l’optique

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, vous avez fait du « produire en France » une priorité de votre action. Ce combat est partagé par l’ensemble des élus, et plus particulièrement par le groupe UDI. Nous sommes plusieurs députés à avoir interpellé le Gouvernement, dont ma collègue du Jura Marie-Christine Dalloz, à propos de l’industrie de l’optique. Ce secteur en danger. Il emploie directement 10 000 salariés mais sont également concernés 40 000 emplois chez sous-traitants et prestataires.

Les risques de délocalisation sont réels si des mesures ne sont pas prises, et si nous ne sommes pas vigilants. La Chine, la Corée ou encore la Thaïlande sont de réels concurrents. Près de quatre-vingts bassins industriels sont concernés en France : je pense à Fougères, dans ma circonscription, avec l’entreprise Carl Zeiss, mais également à Morez, Dijon, Provins ou Issy-les-Moulineaux.

Monsieur le ministre, vous avez présenté trente-quatre plans de reconquête industrielle. La filière française de l’optique est une filière d’excellence, à la pointe de la recherche et de l’innovation, qui s’appuie sur un vrai savoir-faire reconnu dans le monde entier. Les entreprises d’optique ont des propositions à faire au Gouvernement pour jouer un rôle majeur dans la reconquête industrielle.

Enfin, le Gouvernement s’apprête à publier un décret sur l’encadrement des remboursements des équipements d’optique. Cette mesure, vous le savez, porterait le coup fatal à cette filière industrielle. Il est indispensable que le Gouvernement le corrige.

Je souhaite donc, monsieur le ministre, savoir quelle est votre stratégie, votre vision, votre ambition pour la filière optique en France. Pouvez-vous nous indiquer les mesures que vous entendez mettre en œuvre pour relancer, fortifier et développer la filière de production de verres ophtalmiques en France ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. Monsieur le député, je vous remercie d’appeler notre attention sur ce sujet, et de rappeler votre engagement, partagé par beaucoup de nos concitoyens et nombre de vos collègues, dans la défense du made in France. Ce combat concerne en effet tous les Français : il faut se rassembler autour des producteurs et leur donner les moyens de l’expansion et de la croissance.

Quant à la filière optique, je crois que le Gouvernement y est particulièrement attentif. Le leader mondial, le français Essilor, dispose de onze usines en France et représente 40 % du marché mondial. Il est donc évident que nous avons soin de faire en sorte que les intérêts de chacun soient préservés, y compris dans les réformes que nous menons.

Je veux aussi vous dire que les considérations industrielles ne s’opposent pas à l’accès de tous aux soins. C’est d’ailleurs dans cet esprit que Mme la ministre de la santé Marisol Touraine travaille à la définition de ces fameux contrats responsables et solidaires, dont le principe a été adopté lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale et qui visent à limiter la dérive des prix. J’ai moi-même rencontré les représentants d’un certain nombre d’entreprises, et Mme la ministre de la santé et moi-même allons continuer à le faire.

Nous cherchons les points d’équilibre : s’il est normal de lutter contre l’augmentation des prix, il est tout aussi normal de répartir l’effort justement. La question des distributeurs, des opticiens n’est pas étrangère à celle que vous posez. Comme en toute matière, la question de la répartition des profits et des avantages entre le producteur et le distributeur se posera : nous la poserons donc aussi aux opticiens, désireux de préserver leur marge. Et il est normal que nous abordions toutes ces questions devant l’ensemble de la représentation nationale.

Réforme territoriale

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Marc. Monsieur le Premier ministre, les Français jugent une politique à l’aune de sa cohérence. Le Président de la République a dit que les élections régionales et départementales seront reportées de 2015 à 2016. Ce report permettrait, dit-on, de redéfinir les contours géographiques des régions et en diminuer le nombre.

Le Président de la République a dit en janvier son attachement aux départements et vous, vous en proposez la suppression cinq mois plus tard ! Certains cercles, proches de votre majorité, évoquent même l’idée que cette suppression pourrait être effective le 1erjanvier 2017. Franchement, qui gouverne la France aujourd’hui ? En quelle parole les Français peuvent-ils croire – surtout après les propos que vous avez tenus tout à l’heure, monsieur le Premier ministre ?

Tout cela n’est que diversion : votre bilan en matière de sécurité n’est pas bon, votre bilan économique est mauvais, la progression du chômage est constante, les impôts n’ont jamais été aussi élevés et assomment les classes moyennes, le pays gronde, et vous, vous proposez de modifier l’architecture territoriale de la France ! Certes, elle en a sans doute besoin, mais je ne sais pas si vous aurez le temps de mener cette réforme et de clarifier les compétences de chaque niveau de collectivités territoriales.

J’ai donc trois questions à vous poser. Pensez-vous que les élections régionales auront bien lieu en 2016 ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Non !

M. Alain Marc. Comptez-vous supprimer les départements au 1er janvier 2017 ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Oui !

M. Alain Marc. Enfin, puisque vous invoquez souvent le peuple et que vous n’êtes pas avare de citations historiques, puisque ce bouleversement intéresse chaque Français et chaque Française, comptez-vous soumettre au peuple français, par voie référendaire, ce projet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ah ! C’est le Premier ministre qui répond !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, si je réponds moi-même à la question précise que vous avez posée, c’est par respect.

Un député du groupe UMP. Non, par devoir !

M. Manuel Valls, Premier ministre. J’ai, de la même manière, répondu à M. Xavier Bertrand il y a un instant.

M. Christian Jacob. Le ministre de l’intérieur n’est pas capable de répondre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Président de la République va recevoir les responsables des formations politiques pour parler de la réforme territoriale et de son calendrier. Moi, je ne veux pas perdre un seul instant, pas un seul jour : je considère que notre pays a perdu du temps,…

M. Bernard Accoyer M. Christian Jacob et M. Sylvain Berrios. Il a perdu deux ans !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …pour ce qui touche à la réforme territoriale, depuis des années ! Vous voulez une réforme territoriale : nous la voulons aussi. Nous voulons, comme l’a proposé l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, diviser par deux le nombre de régions. Nous voulons – certains d’entre vous le réclament aussi – supprimer les conseils départementaux. Il n’est pas possible de faire cela en quelques mois, compte tenu de l’échéance électorale de mars prochain.

Les Français souhaitent aussi que cette réforme soit menée : c’est pourquoi nous voulons aller vite. Rejoignez-nous dans cette volonté de réforme, sans arrière-pensées, sans faire appel à je ne sais quelle idée de référendum, car cette réforme est nécessaire pour le pays et attendue par les Français.

M. Jacques Myard. Vous avez peur du peuple !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Elle se fera : C’est l’engagement que j’ai pris devant l’Assemblée nationale.

M. Christian Jacob. On en reparlera !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Président de la République veut accélérer le rythme ; alors soyez au rendez-vous, soyez sincères et courageux : réformons ensemble notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Cours de l’euro

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.

Dans sa déclaration de politique générale du 8 avril, le Premier ministre a affirmé que les efforts que nous faisons sur le plan économique « ne doivent pas être balayés par un niveau trop élevé de l’euro. » Il l’a rappelé devant notre assemblée dans sa déclaration sur le programme de stabilité budgétaire, ajoutant qu’une politique monétaire plus adaptée était nécessaire. Monsieur le ministre, vous avez vous-même à plusieurs reprises insisté sur le niveau trop élevé de l’euro, et vous en avez souligné les conséquences désastreuses pour nos exportations, comme le font de leur côté des économistes et des chefs d’entreprise de plus en plus nombreux.

Tout le monde s’accorde à reconnaître que nous sommes aujourd’hui confrontés à un problème majeur, celui de la compétitivité des entreprises françaises. Mais ni le pacte de compétitivité ni le pacte de responsabilité ne pourront produire un effet suffisant avec une monnaie surévaluée. Comme le dit – avec d’autres – le président du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales, M. Marwan Lahoud : « Dès que le dollar baisse d’un centime, l’avantage procuré aux entreprises par le CICE est gommé ». Or l’euro ne cesse, depuis dix ans, de s’apprécier par rapport au dollar. Sans baisse de l’euro, la baisse des charges prévue par le plan gouvernemental ne permettra pas plus que le CICE un redressement suffisant de la compétitivité française. Comme le rappelait le rapport Gallois, les économistes estiment que le niveau acceptable de l’euro se situe entre 1,15 et 1,20 dollar. Aujourd’hui, nous en sommes presque à 1,40 dollar pour un euro !

Monsieur le ministre, le Mouvement républicain et citoyen salue avec beaucoup d’espoir les intentions désormais affichées par le Gouvernement sur le niveau de l’euro. Pouvez-vous nous confirmer qu’il entend s’engager dans une démarche active auprès de ses partenaires européens, lesquels souffrent aussi, pour beaucoup d’entre eux, de la cherté d’une monnaie qui est la seule au monde à se priver de la souplesse requise par les échanges internationaux ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. Madame la députée, vous avez raison d’évoquer le fait que l’euro est trop cher. De nombreux industriels européens soulèvent également cette question, et plusieurs gouvernements européens s’en sont emparés. Ce sujet d’inquiétude traverse les clivages : il est partagé par les patrons d’Airbus, de Schneider, de Lafarge. Dernièrement, le patron de Siemens, entreprise allemande, s’est lui aussi plaint du niveau trop élevé de l’euro par rapport au dollar.

Louis Gallois, dans le rapport qu’il a rendu il y a maintenant un an et demi, avait noté que le niveau trop élevé de l’euro pénalisait nos politiques de compétitivité. Sachant que 55 % de nos exportations se font hors de la zone euro, si l’euro est trop cher, alors tous les efforts que nous pourrions faire en matière de coûts de production sont affaiblis ; vous avez raison de le signaler. À l’occasion de la dernière loi de finances, la direction du Trésor a rappelé qu’une baisse de l’euro de 10 % – qui ne représenterait pas une dévaluation, le mot serait excessif, mais plutôt un rééquilibrage – permettrait d’accroître le PIB de la France de 0,6 % la première année, et de 1,2 % à l’horizon de trois ans. À la clé, il y aurait 150 000 emplois et beaucoup de succès en matière de croissance, de réduction des déficits, et de rétablissement des comptes publics.

La question de la politique de change relève d’instances politiques, conformément aux traités européens, et singulièrement de l’Eurogroupe. C’est pourquoi M. le Premier ministre, dans son discours de politique générale, s’en est emparé. C’est aussi pourquoi nous nous en entretenons avec nos amis et partenaires de l’Union européenne. J’ai cru comprendre que la Banque centrale européenne a fait siennes un certain nombre des préoccupations que nous avons exprimées ici et ailleurs. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

SNCM

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Camille de Rocca Serra. Ma question s’adresse au secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, et porte sur l’avenir de la SNCM. J’y associe mes collègues Sauveur Gandolfi-Scheit et Laurent Marcangeli.

En janvier dernier, le Gouvernement a préféré changer le pansement plutôt que de penser le changement. (Exclamations et rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Dans la perspective des élections municipales, vous avez préféré mettre le dossier à la cape. Et hier encore, vous n’avez pas répondu, en tentant de vous décharger sur le passé et en vous abritant derrière la privatisation. Dès lors, pourquoi n’avez-vous pas renationalisé ?

Si nous sommes collectivement comptables du passé, vous êtes responsables du présent et de l’avenir. L’heure n’est plus aux calculs trop souvent stériles mais aux choix.

La commission d’enquête l’a démontré : les coûts d’exploitation sont faramineux. Il nous faut savoir quelles sont les intentions de l’État, actionnaire à 25 %, dont la position seule peut débloquer la situation. Nous déplorons aussi un risque de contamination sur la société La Méridionale.

L’acquisition de nouveaux navires, dont nous ne connaissons pas le financement, ne règle pas le problème. Ils sont simplement une garantie pour l’exécution de la délégation de service public sur dix ans. Se pose également la question du renouvellement du directoire avant le 31 mai.

L’arrêté des comptes est un autre point d’achoppement entre la direction et Transdev, cet actionnaire, revendeur de 66 % des parts, dont nous savons qu’il ne retrouvera pas de repreneur dans une telle situation financière.

Vous avez parlé hier à ce sujet d’une épée de Damoclès ; celle-ci pèse non seulement sur la compagnie mais surtout sur l’économie insulaire.

Monsieur le ministre, allez-vous enfin prendre vos responsabilités sur ce dossier ? Quel sera le futur actionnariat de l’État ? Qu’en est-il de la société d’économie mixte et du renouvellement de la flotte ? Qu’en est-il de la participation de la Caisse des dépôts ? Qu’en est-il des 440 millions d’aides publiques jugées illégales par les autorités européennes et qui vont devoir être remboursées ? Et par qui ?

Il vous reste cinq jours, monsieur le ministre, avant le prochain conseil de surveillance du 12 mai, pour apporter des réponses.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, votre préoccupation est partagée par l’ensemble des élus intéressés à la Corse, toutes sensibilités politiques confondues. Frédéric Cuvillier étant retenu par une réunion internationale, je vais vous donner les très importants éléments mis en place par le Gouvernement pour répondre aux difficultés de cette entreprise.

Comme vous le savez, l’entreprise a été lourdement fragilisée par deux contentieux très lourds : l’un sur la privatisation, l’autre sur les services complémentaires. L’État a déposé tous les recours possibles pour défendre l’entreprise.

Pour l’avenir, vous avez mentionné à l’instant le conseil de surveillance du 12 mai, au cours duquel j’ai le plaisir de vous annoncer que la Caisse des dépôts et la Banque publique d’investissement proposeront des solutions, en particulier pour le rachat de la flotte. Sept schémas possibles, qui ont déjà été présentés aux actionnaires, aux salariés et au directoire la semaine dernière, seront ainsi présentés lundi au conseil de surveillance. Ce matin encore, une réunion s’est tenue pour affiner ces propositions.

Je souhaite ainsi que la SNCM puisse voir, au-delà des polémiques qui n’ont pas leur place dans ce domaine, son avenir sous un meilleur jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Troisième conférence sociale

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Olivier Véran. Monsieur le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social, c’est désormais devenu une habitude, une saine habitude : le dialogue social sera prochainement mis à l’honneur dans notre pays. Je veux bien sûr parler de la troisième grande conférence sociale du quinquennat, que vous avez annoncée pour le début de cet été.

Rappelons-le, depuis le mois de juillet 2012, chaque année, sont réunis autour de la table partenaires sociaux et acteurs de nos territoires afin d’aborder, ensemble, thème par thème, les grands enjeux relatifs à la préservation, au renforcement et à la modernisation de notre modèle social.

Cette année encore, la conférence sera l’occasion de dresser, dans la concertation, la feuille de route sociale pour l’année à venir. Et l’enjeu est de taille ! La bataille pour l’emploi est le cœur de notre action et le moteur de notre engagement au service de l’intérêt général, car le chômage est la pire des inégalités : il crée de la pauvreté et aliment le désespoir.

Monsieur le ministre, vous avez organisé, lundi 5 mai, une réunion de mobilisation pour l’emploi. Vous y avez notamment abordé les projets du Gouvernement pour l’alternance, l’emploi des seniors et les formations prioritaires pour l’emploi.

Nul doute que les partenaires sociaux se saisiront de la question fondamentale des contreparties qui seront appliquées en regard des exonérations accordées par le pacte de responsabilité et de solidarité. Il sera aussi question des contrats de génération, du compte personnel de formation, du temps partiel, des complémentaires santé.

Alors que notre majorité met en œuvre une nouvelle étape qui va nous permettre, collectivement, d’aller plus loin, nous savons, plus que jamais, que le progrès social est indissociable de l’idée de redressement.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quels sont les objectifs du Gouvernement, alors que se construit le programme de la troisième conférence sociale du quinquennat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social. Effectivement, monsieur le député Olivier Véran, cette année encore, nous avons choisi de tenir une grande conférence sociale, qui est un moment fondateur pour une année de transformation économique et sociale. Celle-ci aura lieu, je peux vous l’annoncer dès à présent, les 7 et juillet prochain.

Elle permettra de dresser le bilan des réalisations, de définir une feuille de route et un calendrier pour l’année, qui sera partagé par tous les acteurs. Elle permettra aussi de faire un premier point sur le pacte de responsabilité et de solidarité. Elle incarnera également, vous l’avez souligné, la mobilisation du Gouvernement pour l’emploi et sa déclinaison dans les branches. À cet égard, j’annoncerai courant juin un plan d’action pour l’emploi des seniors.

Les problématiques liées à la protection sociale, aux services publics ou à notre appareil productif seront au centre de nos échanges, tout comme la jeunesse que nous entendons maintenir au cœur de notre action.

La grande conférence sociale de juillet sera, j’en suis certain, une nouvelle occasion de démontrer que le dialogue social qui associe tous les acteurs de la bataille pour l’emploi est la seule méthode efficace et pérenne pour conduire les réformes dans ce pays.

Mesdames et messieurs les députés, monsieur Olivier Véran, je peux vous l’assurer : je veillerais personnellement à ce que la représentation nationale soit étroitement associée à la conduite de ce dialogue, afin qu’elle prenne toute sa part dans ce rendez-vous essentiel pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Christophe Sirugue.)

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président



M. le président. La séance est reprise.

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Sociétés d’économie mixte à opération unique

Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à créer des sociétés d’économie mixte à opération unique (nos 1630, 1885).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale.

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mesdames, messieurs les députés, après le vote unanime du Sénat, le 11 décembre dernier, et le travail approfondi de votre commission des lois, vous êtes aujourd’hui appelés à discuter de la proposition de loi tendant à créer des sociétés d’économie mixte à opération unique. Je veux rappeler que ce ne sont pas moins de six propositions de loi qui ont été déposées sur ce sujet à l’initiative de députés et de sénateurs de plusieurs groupes parlementaires.

Saisie de la proposition de loi déposée le 16 octobre 2013 par MM. Jean-Léonce Dupont et Hervé Marseille, la commission des lois du Sénat a joint à son examen les propositions de loi déposées le même jour et en termes identiques à l’initiative de MM. Daniel Raoul et Antoine Lefèvre. À l’Assemblée nationale, des préoccupations similaires avaient abouti au dépôt de propositions de loi identiques à l’initiative de MM. Philippe Vigier, Jean-Marie Sermier et de votre rapporteur, M. Erwann Binet, soulignant par là même le caractère transpartisan de cette attente des élus locaux.

C’est ainsi que plus de cent signataires ont été enregistrés dans les deux chambres. Parmi eux figurent notamment Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France, député du Jura, Alain Rousset, président de l’Association des régions de France, député de la Gironde, et Roland Ries, président du Groupement des autorités responsables de transport, sénateur du Bas-Rhin. L’Assemblée des départements de France et l’Assemblée des communautés de France ont également pris position en faveur de cette initiative.

C’est dire si l’attente des élus de toutes les tendances et de toutes les strates est forte. Que ce soit dans les domaines de l’eau, des déchets, des transports, de l’énergie, du haut débit ou encore des opérations de rénovation urbaine, les collectivités territoriales souhaitent, en effet, pouvoir bénéficier d’outils rénovés et même innovants, alors que la gestion en régie a parfois montré ses limites et que les expériences passées de partenariat public-privé ont suscité de nombreuses critiques notamment quant à leur coût pour la collectivité et quant aux limites induites par leur mise en œuvre.

Pour les projets complexes – notamment ceux qui touchent aux nouvelles technologies, à l’environnement ou à l’énergie – et qui impliquent un fort investissement capitalistique, tous les élus réclament de nouveaux instruments leur permettant de bénéficier du savoir-faire du secteur privé sans, pour autant, se passer d’une vraie maîtrise et d’un réel contrôle démocratique des conditions de fonctionnement de ces services publics locaux. Cette nouvelle catégorie de SEM s’inscrira donc dans la gamme des entreprises publiques locales à côté des 1 158 SEM proprement dites, des trente-huit sociétés publiques locales d’aménagement et des 119 sociétés publiques locales présentes sur notre territoire.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui a pour finalité d’introduire dans le code général des collectivités territoriales un titre spécifique consacré à cette nouvelle catégorie de société d’économie mixte : la SEM à opération unique. Si vous l’adoptez, le nouvel article L. 1541-1 du code général des collectivités territoriales précisera qu’une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales peut créer, avec au moins une personne privée, sélectionnée après une mise en concurrence, une société d’économie mixte à opération unique.

Cette SEM sera créée exclusivement en vue de la conclusion d’un contrat avec la collectivité territoriale, ou un groupement de collectivités, dont l’objet sera soit la réalisation d’une opération de construction, de logement ou d’aménagement, soit la gestion d’un service public, soit toute autre opération d’intérêt général. Ainsi, ce procédé reposera sur une mise en concurrence de candidats potentiels à l’attribution d’un contrat, l’attributaire pressenti devant obligatoirement intégrer la société d’économie mixte créée dans le même temps par la collectivité publique qui a lancé la procédure.

Ce n’est donc pas l’entreprise gagnante de cette procédure qui exécutera elle-même le contrat pour lequel elle aura été choisie, mais une entité mixte uniquement créée pour cette mission. Comme toutes les SEM, cette société relèvera du régime des sociétés anonymes, mais elle pourra, par dérogation à ce dernier, n’être composée que d’au moins deux actionnaires. La collectivité territoriale ou son groupement détiendra entre 34 % et 85 % du capital de la société et 34 % au moins des voix dans les organes délibérants. La part de capital de la personne privée ne pourra être inférieure à 15 %.

Ce texte répond ainsi clairement aux trois objectifs partagés non seulement par les élus locaux, mais par tous les praticiens de la commande publique, à savoir : un contrôle étroit de l’opération de service public, de construction ou d’aménagement dont l’exécution est l’objet du contrat et une implication accrue dans la gouvernance tant de la part du donneur d’ordre que de l’opérateur ; le recours à l’expertise d’un partenaire économique et, enfin, le partage des risques avec l’opérateur privé à hauteur de sa participation au capital de la société commune.

Cette innovation juridique, qui concerne le moment de la mise en concurrence, doit toutefois respecter les exigences communautaires en matière d’égalité de traitement, de transparence et de publicité des procédures, comme l’ont rappelé la Commission européenne et la Cour de justice de l’Union européenne, lesquelles ont très clairement confirmé la validité de ce dispositif tout en l’assortissant de certains garde-fous. Je veux rappeler succinctement les conclusions de ces deux instances européennes.

Dans une communication interprétative du 5 février 2008, la Commission européenne définit le partenariat public-privé institutionnalisé comme étant « une coopération entre des partenaires publics et privés qui établissent une entité à capital mixte qui exécute des marchés publics ou concessions ». La Commission européenne estime possible la désignation du partenaire privé au sein d’une entité mixte à la suite d’une procédure de mise en concurrence.

En revanche, la mise en œuvre d’une double procédure de mise en concurrence – la première pour la sélection du partenaire privé au sein de l’entité mixte, la seconde pour l’attribution du marché ou de la concession à cette même entité – lui apparaît difficilement compatible avec l’économie procédurale sur laquelle repose le partenariat public-privé institutionnalisé. La Commission européenne considère que la mise en concurrence doit avoir lieu une seule fois, soit au moment du choix de l’entreprise privée au sein de l’entité mixte dont elle sera à la fois l’opérateur actif et l’actionnaire significatif, soit au moment de l’attribution du contrat à cette entité, ce qui correspond aux sociétés d’économie mixte locales traditionnelles.

Quel que soit le moment retenu, le choix du partenaire privé doit respecter les principes de transparence, de concurrence et de non-discrimination, tandis que le contrat à l’origine de l’entité mixte peut être attribué à la nouvelle entité sans que soit organisée une nouvelle mise en concurrence. Les conclusions de la Commission européenne ont été confirmées par la Cour de justice de l’Union européenne dans sa décision Acoset du 15 octobre 2009. La Cour a en effet jugé que la sélection du concessionnaire résulte indirectement de celle de l’associé qui a eu lieu au terme d’une procédure respectant les principes du droit communautaire, de telle sorte qu’une seconde procédure de mise en concurrence en vue de la sélection du concessionnaire ne se justifierait pas.

La seule limite posée par la Cour à cette souplesse est la suivante : la société à capital mixte doit avoir pour seul objet, pendant toute la durée du contrat, la réalisation de l’opération qu’elle s’est vu attribuer. Toute modification substantielle du contrat entraînerait une obligation de mise en concurrence. Cette solution tout à fait logique est conforme aux principes généraux du droit communautaire.

Ainsi, la Commission européenne et la Cour de justice de l’Union européenne ont démontré qu’une concurrence efficace et une coopération étroite entre une personne publique et le secteur privé ne s’excluent pas mutuellement et s’adaptent parfaitement aux principes du droit communautaire. Sur ce point, l’avis du Conseil d’État du 1er décembre 2009 est plus réservé. En raison de l’application de la règle de l’identité entre le candidat et le titulaire du contrat à l’issue de la mise en concurrence, le droit interne de la commande publique interdit la constitution d’une société à capital mixte à laquelle l’opérateur privé serait tenu de participer. Le juge administratif semble écarter, au cours de la procédure de passation, toute substitution d’une personne morale distincte incluant une participation du pouvoir adjudicateur à un candidat participant à la sélection lorsqu’il est susceptible d’être lui-même retenu. Pour le Conseil d’État, la relation entre candidature et attribution serait garante des principes de valeur constitutionnelle de liberté d’accès à la commande publique, de traitement égal des candidats et de transparence des procédures.

Une telle jurisprudence du Conseil d’État nous oblige à faire évoluer la législation et donc à examiner la présente proposition de loi qui, à la suite des sociétés publiques d’aménagement créées en 2006 et des sociétés publiques locales créées en 2010, institue la formule de la société d’économie mixte à opération unique dont l’une des innovations est d’autoriser un actionnaire opérateur privé à détenir une part majoritaire du capital de la société nouvellement créée. À cet égard, j’évoquerai la question du quantum du capital détenu par l’actionnaire public. On pourrait en effet se demander si nous ne créons pas une nouvelle exception au principe posé par l’article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales disposant que les collectivités ou leurs groupements doivent détenir, séparément ou à plusieurs, plus de la moitié du capital de la société et des voix des organes délibérants.

Certes, il existe déjà plusieurs exemples de SEM locales dérogeant à ce principe – Erwann Binet les connaît bien – et les collectivités ou leurs groupements n’y jouent pas moins un rôle déterminant, comme les SEM relevant des décrets de la loi Poincaré de 1926, les SEM remontées mécaniques de 1983, la SEM relevant du droit spécifique d’Alsace-Moselle de 1895, les SEM sportives de 1984, les SEM immobilières d’outre-mer de 1946 et la société du marché d’intérêt national de Rungis créée en 1984 par décret spécifique en Conseil d’État. Néanmoins, contrairement à ces SEM locales, les SEM à opération unique que nous envisageons de créer aujourd’hui auront un champ d’application très large compte tenu de leur objet, par exemple des opérations d’aménagement ou la gestion d’un service public. Pour autant, il convient de souligner qu’il s’agit d’une exception encadrée par la présidence de droit du représentant de la collectivité territoriale et par la minorité de blocage applicable au sein des sociétés qui seront créées. Les décisions des assemblées générales extraordinaires seront prises à la majorité des deux tiers. La part minimale de la personne publique sera fixée à 34 %. Elle conservera donc une possibilité de blocage au sein des organes de la SEM à opération unique.

Après ces remarques liminaires, je tiens à saluer le travail de M. le rapporteur, Erwann Binet, et de la commission des lois qui a apporté au texte plusieurs améliorations essentielles. En premier lieu, elle a substitué la notion d’opérateur économique à celle de personne privée pour désigner le partenaire de la personne publique au sein de la société d’économie mixte à opération unique. Cette terminologie issue du droit européen de la commande publique ne préjuge pas de la forme juridique et de la propriété du cocontractant et présente l’avantage de ne pas exclure de l’accès au capital des SEM à opération unique certaines personnes publiques comme les établissements publics industriels et commerciaux. Le Gouvernement, en la personne de Mme Escoffier qui le représentait lors de la première lecture au Sénat, avait eu l’occasion de manifester son inquiétude à propos de l’utilisation de la notion de personne privée. L’évolution proposée par la commission des lois sur ce point l’apaise en se conformant aux principes constitutionnels de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats.

La commission des lois a également précisé que l’objet unique de la SEM à opération unique ne pourrait pas être modifié au cours de l’existence de ladite société. Elle a aussi prévu que le partenaire appelé à constituer la SEM à opération unique serait sélectionné par une procédure unique d’appel public à la concurrence respectant les règles de la commande publique prévues selon l’objet du contrat destiné à être signé entre la SEM et la personne publique. Il s’agira donc des procédures relatives à la délégation de service public, à la concession de travaux, à la concession d’aménagement ou aux marchés publics.

Une telle évolution va dans le bon sens. En effet, la procédure d’appel public à manifestation d’intérêt initialement prévue, procédure ad hoc simplifiée de mise en concurrence des candidats à l’entrée au capital de la future SEM, risquait de se heurter à deux écueils. Tout d’abord, le caractère succinct de la procédure censée se substituer aux procédures de mise en concurrence précitées ne respectait pas le caractère formel des exigences du droit européen de la commande publique. En outre, la rédaction retenue en première lecture par le Sénat laissait subsister une ambiguïté sur la nécessité ou non de réaliser les procédures de mise en concurrence après sélection de l’actionnaire opérateur au moment de l’attribution du contrat à la SEM nouvellement créée. Ces deux incertitudes auraient pu conduire les juridictions à remettre en cause des procédures suivies de bonne foi par les collectivités territoriales, voire à des annulations de procédures de sélection et des mises en cause pénales d’élus qui les auraient mises en œuvre de bonne foi.

Il semble donc plus sage de prévoir que le partenaire opérateur sera sélectionné dans le strict respect des procédures de mise en concurrence existantes. La procédure de mise en place d’une SEM à opération unique sera donc celle qui existe déjà pour l’appel public à la concurrence selon la nature du contrat à conclure, dont j’ai déjà énuméré les quatre types : délégation de service public, concession de travaux, concession d’aménagement ou marché public. Seul serait ajouté aux documents constitutifs du marché un document de préfiguration prévoyant les caractéristiques, modalités et coût de la SEM à opération unique susceptible d’être mise en place. Par l’adoption du même amendement, la commission des lois a prévu que les informations obligatoires nécessaires à l’appel public à la concurrence seraient complétées par un document de préfiguration de la SEM à opération unique comportant en particulier les principales caractéristiques d’organisation et de répartition du capital de la société à créer et le coût prévisionnel global de l’opération.

La commission a également adopté un amendement de réécriture de l’article 1er bis présenté par M. le rapporteur afin d’assurer que la procédure de sélection de l’actionnaire opérateur économique comme l’attribution du contrat à la SEM à opération unique créée à l’issue de la procédure fasse l’objet d’un référé pré-contractuel ou d’un référé contractuel. Enfin, toujours à l’initiative de M. le rapporteur, la commission a modifié le titre de la proposition de loi afin de préciser qu’elle a pour objet la création par les collectivités territoriales et leurs groupements de SEM à opération unique.

Ainsi, telle quelle, la proposition de loi que nous examinons ce soir répond à deux exigences majeures qui nous rassemblent tous, la maîtrise politique et la sécurité juridique. Le nouvel outil proposé assure la maîtrise politique car il répond à la volonté des collectivités territoriales de renforcer leur rôle et leur visibilité dans la gouvernance des services publics locaux sans revenir pour autant à des formules intégralement publiques, car la collectivité choisit le mode de gestion et sa part au capital en amont de l’appel d’offres. En outre, la SEM sera obligatoirement présidée par un élu. Quant à la sécurité juridique, les élus bénéficient, dans le cadre de la nouvelle SEM à opération unique, du régime de mandataire de la collectivité locale et de la protection afférente même si la collectivité est actionnaire minoritaire. Le recours à la SEM à opération unique contingente donc à la société elle-même les implications financières du contrat. Le risque financier pris par la collectivité est donc limité à son apport au capital.

Je tiens à vous assurer, mesdames et messieurs les députés, de l’approbation totale et sans réserve par le Gouvernement des évolutions du texte que vous avez décidées. C’est la raison pour laquelle je ne vous proposerai que deux amendements de précision. À l’article 1er, il s’agit simplement de préciser que le quantum minimum des parts attribuables aux actionnaires opérateurs économiques s’entend bien pour les opérateurs économiques dans leur ensemble et non considérés individuellement. À l’article 1er bis, il semble nécessaire de prévoir que l’assemblée délibérante de la collectivité ou du groupement de collectivités se prononce de manière effective et formelle sur le principe même du recours à la SEM à opération unique.

Comme nous le savons tous, mesdames et messieurs les députés, la gestion de tous les services publics connaît en France de grandes mutations. Sous l’effet des évolutions réglementaires et technologiques d’une part et des attentes des parties prenantes et bien entendu des citoyens d’autre part, le contenu des services publics est en pleine évolution. Simultanément, et fort logiquement, les entités juridiques à même de les exploiter et les outils de la commande publique doivent évoluer. Face à de tels changements, les collectivités territoriales ont spécialement besoin qu’on leur fasse confiance et qu’on leur simplifie les modalités de gestion du service public. La proposition de loi relative à la SEM à opération unique dont nous allons débattre ce soir participe indéniablement de ce chantier auquel le Gouvernement est très attaché. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. Yannick Favennec. Très bien !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Le texte favorise la cohérence !

M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la mise en place des services publics locaux oblige les élus à trouver des modes de gestion à même d’offrir le meilleur service aux usagers dans un contexte de resserrement budgétaire. Dans ce cadre, les collectivités territoriales désirent bénéficier d’outils rénovés, voire innovants. La gestion en régie est difficile à assumer pour certains projets et les expériences passées de partenariat public-privé ont suscité des critiques aussi nombreuses que légitimes relatives à leur coût pour la collectivité et aux limites induites par leur mise en œuvre. La réalisation de projets complexes ou innovants, en particulier ceux qui sont relatifs aux nouvelles technologies, à l’environnement ou à l’énergie, et qui nécessitent une forte implication capitalistique, suppose l’existence d’outils permettant de bénéficier du savoir-faire du secteur privé, car la profusion et la complexité des normes applicables nécessitent une véritable expertise, tout en assurant une maîtrise forte et un réel contrôle démocratique des conditions de fonctionnement des services publics.

Depuis 2008, les institutions européennes ont ouvert la possibilité aux personnes publiques de mettre en œuvre des procédures uniques d’appel public à la concurrence afin de sélectionner un partenaire privé avec lequel elles pourraient s’associer au sein d’une société d’économie mixte chargée d’un service public dans le respect des principes de liberté d’accès, d’égalité de traitement et de transparence des procédures imposées par les traités et les directives européens. Quatre années après l’affirmation claire de la faculté de mettre en œuvre un tel régime, les parlementaires ont pris acte que son application en France supposait une initiative législative.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est un point important !

M. Erwann Binet, rapporteur. En effet, pas moins de six propositions de loi rédigées dans les mêmes termes ont été déposées par des parlementaires de six groupes différents à l’Assemblée nationale et au Sénat.

M. Yannick Favennec. Exact ! Cela montre bien que le sujet fait consensus !

M. Erwann Binet, rapporteur. En effet, sur tous les bancs des deux assemblées. Une démarche comparable avait permis la création dans notre droit du statut des sociétés publiques locales d’aménagement devenues sociétés publiques locales ou SPL. Le présent texte, adopté à l’unanimité par les sénateurs, propose ainsi d’introduire au sein des différents statuts juridiques à la disposition des collectivités territoriale pour exercer leur compétence une nouvelle structure mixte, la société d’économie mixte contrat, renommée au Sénat de manière bien plus adéquate « société d’économie mixte à opération unique » à l’initiative du rapporteur de la commission des lois du Sénat, M. Jacques Mézard. Cette nouvelle forme de partenariat répond aux aspirations des élus locaux comme des entreprises. La proposition de loi introduit dans notre droit un instrument de constitution d’une entité mixte composée d’une personne publique et d’au moins une personne privée chargée d’exécuter par contrat une opération unique. La principale caractéristique d’une telle entité est l’organisation d’une seule procédure de mise en concurrence, non pour l’attribution du contrat à la société mais pour le choix de la personne privée qui participera à la future entité.

Dans ce cadre, la personne privée doit faire la preuve non seulement de sa capacité à apporter un capital suffisant au sein de l’entité mixte mais aussi de son expertise technique, opérationnelle et budgétaire répondant aux attentes et aux besoins de la collectivité publique pour la réalisation d’une opération. Si un tel outil répond à un besoin évident et reconnu des collectivités territoriales et des entreprises, il se révèle indispensable d’en assurer la sécurité juridique afin que les différents acteurs s’en saisissent pleinement. Je rappellerai brièvement que la possibilité de mettre en place un partenariat public-privé institutionnalisé par une procédure unique de mise en concurrence a été reconnue par les institutions européennes dans le cadre des règles du droit communautaire. Plusieurs exemples de partenariats public-privé institutionnalisés se sont développés au cours des dernières années en Europe, principalement en Espagne sous la forme des « mixtas » mais aussi en Italie, en Allemagne ou encore en Suède.

Les législations en vigueur et les pratiques nationales diffèrent, mais des caractéristiques communes peuvent néanmoins être identifiées. Les partenariats prennent généralement la forme d’une société de droit commercial dont le capital est partagé entre une personne publique et un ou plusieurs opérateurs privés chargés de la participation active à l’exécution des tâches attribuées à l’entité à capital mixte. On recourt à une telle formule pour des projets d’une certaine envergure nécessitant une capitalisation et des investissements substantiels, principalement dans les métiers de l’environnement, l’eau, l’énergie, les déchets et dans une moindre mesure pour les transports publics.

La société, créée pour des contrats de longue durée, est dissoute à la fin du contrat. Les modalités de gouvernance reflètent également le souci des partenaires publics et privés de parvenir à un équilibre entre eux. Par ailleurs, le choix de l’actionnaire privé s’opère à la suite d’un appel d’offres unique comprenant un volet « activité » – le contrat – et un volet « gouvernance » – le statut de la SEM à opération unique, et éventuellement le pacte d’actionnaires.

Cette formule a été reconnue par le droit européen, même si les pouvoirs publics français ont hésité à la mettre en œuvre. Une communication interprétative de la Commission européenne a reconnu en 2008 le bon sens et la possibilité juridique de mettre en œuvre une procédure unique de mise en concurrence. La désignation du partenaire privé au sein de l’entité mixte doit respecter les principes de transparence, de concurrence et de non-discrimination, tandis que le contrat qui constitue l’objet même du partenariat pourrait être attribué à celui-ci sans que soit organisée une nouvelle mise en concurrence. En conséquence, la Commission européenne estime que la mise en place d’un tel partenariat est en conformité avec les principes du droit européen « tout en évitant les problèmes liés à une double procédure ».

Les conclusions de la communication interprétative de la Commission européenne ont été confirmées par la Cour de justice des communautés européennes dans sa décision Acoset du 15 octobre 2009, laquelle a validé un tel dispositif unique mis en œuvre en Italie. La seule limite posée à cette souplesse par la Cour est que la société à capital mixte ne doit avoir pour unique objet, pendant toute la durée du contrat, que la réalisation de l’opération qu’elle s’est vu attribuer : toute modification substantielle du contrat entraînerait une obligation de mise en concurrence.

La Commission européenne et la Cour de justice ont ainsi montré qu’une concurrence efficace et pragmatique et une étroite coopération organique entre une personne publique et le secteur privé n’étaient pas exclusives et s’adaptaient parfaitement aux principes de droit communautaire, à condition que cette mise en œuvre s’effectue dans le respect des principes communautaires régissant la commande publique.

À la suite d’une saisine de la ministre de l’économie et du ministre de l’intérieur de l’époque sur la possibilité d’introduire dans le droit français une formule de PPPI, le Conseil d’État a répondu en 2009 que le droit en vigueur dans notre pays ne permettait pas de mettre en œuvre une telle procédure sans modification législative – je ne reprends pas les arguments que vous avez déjà évoqués à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État.

Aussi l’objet de la présente proposition de loi est-il de prévoir la faculté, pour les collectivités territoriales ou leurs groupements, de recourir à cette nouvelle forme d’entité mixte, appelée SEM à opération unique. Cette nouvelle catégorie d’entreprise publique locale compléterait la panoplie dont disposent déjà aujourd’hui les collectivités territoriales, notamment les SEM locales, dans lesquelles la personne publique détient la majorité du capital, et les sociétés publiques locales, dont le capital est uniquement constitué par des personnes publiques.

La proposition de loi présente de nombreux avantages pour les collectivités locales : un risque financier limité à son apport en capital, le maintien de son influence grâce à la présidence des organes délibérants et à une minorité de blocage, et la possibilité de bénéficier de l’expertise et de la technicité du secteur privé. Une SEM à opération unique serait une nouvelle catégorie d’entreprise publique locale – et non pas un nouveau type de contrat, nous y reviendrons lors de la discussion sur les amendements – entre une personne publique, qui pourra être une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, et au moins une personne privée, sous la forme d’une société anonyme, comme c’est le cas des SEM locales traditionnelles. Elle serait constituée par au moins deux actionnaires.

La personne publique détiendrait entre 34 % et 85 % du capital ; quant à la personne privée, elle détiendrait entre 15 % et 66 % des actions de la société. Ainsi, la personne publique pourrait ne pas être l’actionnaire majoritaire de l’entreprise. Toutefois, pour conforter son influence, la personne publique détiendrait une minorité de blocage au sein du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, et la présidence des organes dirigeants de la société serait assurée par un de ses représentants. La société serait créée pour un objet unique portant sur la réalisation d’une opération de service public, de construction ou d’aménagement. Elle serait dissoute au terme de l’exécution de ce contrat.

Selon le texte adopté par le Sénat, la personne privée, qualifiée d’actionnaire opérateur, serait choisie au terme d’une procédure ad hoc simplifiée de mise en concurrence dénommée « appel public à manifestation d’intérêt », qui remplacerait les autres procédures d’appel public à la concurrence. Cependant, les auditions menées ont montré que la solution retenue par le Sénat risquait de rencontrer des écueils. Aussi votre commission des lois a-t-elle jugé plus sage et plus simple de prévoir que le partenaire opérateur serait sélectionné dans le strict respect des procédures de mise en concurrence existantes.

Le contrat serait conclu entre la personne publique et la SEM dans le respect des procédures de passation de la procédure retenue – délégation de service public, concession de travaux publics, concession d’aménagement ou marché public –, la SEM à opération unique étant substituée dans le cadre de ces procédures au candidat sélectionné, sans devoir procéder à une nouvelle mise en concurrence. Les informations obligatoires nécessaires à cet appel public à la concurrence seraient complétées par un document de préfiguration, comportant notamment les principales caractéristiques d’organisation et de répartition du capital de la société à créer et le coût prévisionnel global de l’opération.

En outre, la commission des lois a substitué la notion d’opérateur économique à celle de personne privée pour la désignation du partenaire de la personne publique au sein de la SEM à opération unique, afin de ne pas préjuger de sa forme juridique et de sa propriété, et de ne pas exclure certaines personnes publiques, tels les établissements publics industriels et commerciaux. Elle a également précisé que l’objet unique de la SEM à opération unique ne pourrait être modifié pendant la durée d’existence de cette société.

La commission des lois a également adopté un amendement permettant d’assurer que la procédure de sélection de l’actionnaire opérateur économique, comme l’attribution du contrat à la SEM à opération unique créée à l’issue de la procédure, puisse faire l’objet d’un référé précontractuel ou d’un référé contractuel. Le texte ainsi élaboré par votre commission reprend et précise le statut de la SEM à opération unique tel que défini par le Sénat, tout en s’assurant que la sélection du partenaire procède d’un dispositif juridique sécurisé, ne risquant pas de voir l’ensemble de l’opération remis en cause pour non-respect des principes du droit de la commande publique, après plusieurs années de fonctionnement.

C’est le dispositif que je vous propose d’adopter, moyennant les quelques amendements de précision que je défendrai tout à l’heure. En conclusion, afin de dissiper certaines craintes, il convient de rappeler quelques éléments. La SEM à opération unique constitue un nouvel instrument, complétant la palette mise à la disposition des collectivités, mais elle n’a pas vocation à se substituer à toutes les autres procédures de commande publique – il est évident qu’elle ne sera pas adaptée à toutes les opérations nécessitant une mise en concurrence. Enfin, le recours à une SEM à opération unique ne remettra en cause ni le libre accès à la commande publique, en particulier des PME, ni l’initiative privée, ni le rôle confié par la loi aux hommes de l’art, tels que les architectes. C’est cette évolution que nous vous proposons d’insérer aujourd’hui dans notre droit. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi visant à créer des sociétés d’économie mixte à opération unique s’inscrit dans un contexte plus global de six propositions de lois déposées à l’initiative de sénateurs et de députés des principaux groupes, soulignant par là même le caractère transpartisan et la nécessité de ce nouveau dispositif. L’Association des maires de France, l’Association des régions de France, ainsi que le président du groupement des autorités responsables de transports ont également pris position en faveur de ce texte.

L’attente des élus locaux comme des actionnaires opérateurs de SEM potentielles est donc très forte, notamment pour les projets complexes et innovants qui touchent des domaines tels que l’eau, les déchets, les transports, l’énergie ou encore les nouvelles technologies. En effet, avec la mise en place des services publics locaux, les élus sont contraints de trouver et de développer de nouveaux modes de gestion, comme vient de le dire le rapporteur, afin de pouvoir offrir le meilleur service possible aux usagers, en dépit des restrictions budgétaires importantes.

Dans un tel contexte, les collectivités territoriales souhaitent aujourd’hui pouvoir bénéficier d’outils rénovés et performants, voire innovants, afin de pouvoir mener à bien leurs projets, sans pour autant essuyer les critiques des expériences passées de partenariat public-privé et sans devoir en subir des conséquences financières trop importantes. Dès lors, la possibilité de créer une société d’économie mixte est donnée à une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales en associant au moins une personne privée. Cela doit permettre aux personnes publiques de limiter un risque financier à leur apport en capital, mais aussi de maintenir leur influence grâce à la présidence des organes délibérants et à une minorité de blocage, tout en bénéficiant de l’expertise et de la technicité du secteur privé.

Ce texte permet la constitution d’une entité mixte composée d’une personne publique et d’au moins une personne privée, en charge d’exécuter par contrat une opération unique. Cette nouvelle société d’économie mixte s’inscrira dans la gamme des entreprises publiques locales à côté des 1 158 SEM, des trente-huit sociétés publiques locales d’aménagements et des 119 sociétés publiques locales. Elle viendra ainsi compléter la panoplie d’entreprises locales publiques dont disposent déjà les collectivités territoriales.

La SEM à opération unique se distinguera de la société d’économie mixte sur plusieurs points. Premièrement, elle sera mono-contrat : en d’autres termes, sa durée de vie sera limitée à l’exécution du contrat qui constituera son objet social exclusif ou important ; deuxièmement, le nombre des actionnaires pourra être de deux, et rien n’empêchera que chacun soit un regroupement de plusieurs partenaires ; troisièmement, la part publique du capital ne pourra être ni inférieure à la minorité de blocage de 34 %, ni supérieure au plafond de 85 % ; enfin, le contrat initial pourra inclure des contrats annexes.

Si, depuis 2008, les institutions européennes ont donné la possibilité aux personnes publiques de mettre en œuvre des procédures uniques d’appel public à la concurrence, permettant de sélectionner un partenaire privé avec lequel elles pourraient s’associer au sein d’une société d’économie mixte chargée d’un service public, la France était jusqu’ici l’un des rares pays européens à ne pas disposer de cet outil que l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne la Finlande et l’Union européenne ont adopté depuis longtemps. Grâce à cette proposition de loi, la France va enfin pouvoir bénéficier à son tour d’un nouvel outil de gestion locale, alliant les valeurs de la gestion directe à l’intérêt que représente, pour collectivité, la maîtrise de son service public. À cet égard, je tiens à saluer le travail effectué par la commission des lois du Sénat, qui s’est prononcée à l’unanimité, et par le Sénat lui-même. De même, je salue le travail de la commission des lois de notre Assemblée et celui de son rapporteur.

Il me semble que nous avons fait œuvre utile et que ce nouvel outil apportera la souplesse souhaitée, tout en ayant respecté les recommandations tant du Conseil d’État que de l’Union européenne. Le groupe UMP et moi-même, nonobstant trois amendements déposés afin de préciser certains aspects au nom de l’UNSPIC et de la Fédération nationale des entreprises publiques locales, soutenons cette proposition de loi qui entend mettre en place des partenariats sécurisés et économiquement performants, dans un souci évident de bonne gestion de nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yannick Favennec. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe UDI considère les territoires comme un atout, comme une chance pour notre démocratie. Et c’est en repensant l’action locale, en bâtissant des partenariats territoriaux structurants, en mettant à la disposition des collectivités des outils rénovés, que les territoires pourront se développer et offrir à nos concitoyens un meilleur service public.

C’est précisément l’objet du texte que nous examinons à l’initiative de nos collègues sénateurs du groupe UDI-UC. Un texte que l’on peut qualifier de transpartisan, puisqu’il a fait l’objet d’un certain nombre de propositions de loi issues de nombreux bancs de l’Assemblée nationale. Entre autres, je pense bien évidemment à Philippe Vigier, auteur d’une proposition de loi sur le sujet, dont je suis l’un des cosignataires.

Si ces propositions ont été formulées de part et d’autre de cet hémicycle, c’est bien que les parlementaires ont pris conscience de la nécessité de moderniser les outils à la disposition des collectivités. Il convient en effet d’organiser une coopération efficace entre personnes privées et personnes publiques, en conciliant compétences de la personne privée et maintien des pouvoirs, tant de direction que de contrôle, de la personne publique.

En quelques années, les outils de gestion locale, notamment les sociétés d’économie mixte, ont beaucoup évolué. Longtemps, la SEM locale est restée l’unique entité juridique de forme sociale à la disposition des collectivités territoriales, avant que la société publique locale d’aménagement en 2006, puis la société publique locale en 2010, ne viennent compléter l’arsenal juridique existant. La création de cette nouvelle catégorie d’entreprise publique locale que serait la société d’économie mixte à opération unique s’inscrit dans cette évolution.

Celle-ci est rendue nécessaire dans le contexte national actuel, alors que la gestion en régie et les expériences passées de partenariat public-privé ont montré leurs limites. Cette évolution est d’ailleurs reconnue et encadrée par le droit communautaire. Le droit européen ne freine en aucun cas cette démarche ; bien au contraire, il l’encourage. La communication interprétative de la Commission européenne du 5 février 2008 et l’arrêt Acoset de la Cour de justice du 15 octobre 2009 ont marqué l’aboutissement d’une jurisprudence constante : selon les instances européennes, si la mise en œuvre d’une double procédure de mise en concurrence est difficilement compatible avec l’économie procédurale sur laquelle repose le partenariat public-privé institutionnalisé – le PPPI –, la désignation du partenaire privé au sein d’une entité mixte à la suite d’une procédure de mise en concurrence est néanmoins possible.

Ainsi, une concurrence efficace et pragmatique, liée à une étroite coopération organique entre personnes publiques et personnes privées, n’est pas inconciliable avec les principes de droit communautaire, à condition que cette mise en œuvre s’effectue dans le respect des principes communautaires régissant la commande publique. Aujourd’hui, de nombreux pays européens disposent d’un régime juridique proche de celui proposé par cette proposition de loi.

Je pense à l’Allemagne, à l’Espagne ou bien encore à l’Italie. La France fait donc quasiment figure d’exception dans le paysage européen.

Si nous voulons suivre la voie de nos voisins européens, nous devons procéder à une modification de notre législation, afin d’autoriser la création d’une nouvelle catégorie d’établissement public local, conformément à l’avis du Conseil d’État de décembre 2009.

Concrètement, quels intérêts cette évolution représente-t-elle pour les collectivités, les élus locaux et l’ensemble de nos concitoyens ?

Avant tout, la création d’une SEM à opération unique répond aux besoins et aux aspirations exprimés par de nombreux élus. Il est en effet légitime que ceux-ci, tout en continuant à bénéficier de l’expertise des entreprises françaises de services aux collectivités, souhaitent maîtriser la gouvernance des services publics qui représentent un enjeu social ou sociétal important. Grâce à ce nouveau type d’établissement public local, il sera de fait possible aux élus d’exercer un contrôle permanent sur la mise en œuvre de certaines missions, dans le cadre d’un partenariat pérenne, équilibré, transparent et sécurisé.

Ce nouveau type de société d’économie mixte présente un autre avantage : dans un contexte de raréfaction des ressources budgétaires, il permettrait aux différents acteurs d’utiliser de la manière la plus optimale possible leurs capacités de financement ; il ouvrirait ainsi la voie à une réelle économie mixte avec les opérateurs, fondée, non pas sur la simple logique contractuelle, mais sur une vision de plus long terme et sur des intérêts partagés.

Ainsi, mes chers collègues, créer un nouveau type de société d’économie mixte, c’est doter les collectivités d’un nouvel outil de gestion locale, c’est élargir leur palette d’intervention, pour leur permettre d’agir efficacement sur nos territoires, en alliant les valeurs de la gestion directe à l’intérêt que représente, pour la collectivité, la maîtrise de son service public.

Monsieur le secrétaire d’État, à la veille de la transposition de directives européennes, qui nous contraindront certainement à revoir notre droit de la commande publique et à réorganiser cet aspect essentiel de la gestion des collectivités territoriales, le groupe UDI votera ce texte, vecteur de modernisation de l’action publique locale.

M. Jean-Marie Sermier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme vous le savez, je suis très attaché à un renforcement des capacités d’intervention des collectivités territoriales. J’aurai une nouvelle fois l’occasion de le démontrer lors de l’examen de la prochaine réforme territoriale, qui, je l’espère, permettra d’aller plus loin et plus vite dans la régionalisation et le renforcement de la gouvernance décentralisée de la République.

M. André Vallini, secrétaire d’État. Très bien !

M. Paul Molac. Rappelons que, jusqu’à présent, le transfert de compétences ne s’est pas toujours accompagné des financements suffisants, ce qui a abouti tout à la fois à une mise à mal de certains services publics de proximité et à des difficultés budgétaires pour les collectivités territoriales.

De ce fait, les collectivités cherchent de nouveaux moyens pour assurer leurs missions de la façon la plus efficiente possible. Par exemple, ces dernières années, elles ont eu de plus en plus recours aux partenariats public-privé – les PPP – qui ont la particularité de permettre la délégation d’une mission globale de service public à une entreprise privée ou à un partenaire public.

Alors qu’ils sont présentés par certains comme la panacée, des scandales récents – stade du Mans, hôpital sud-francilien, société Ecomouv’…

M. Jean-Marie Sermier. Il n’y a pas de scandale concernant Ecomouv’ !

M. Paul Molac. …chargée de collecter la taxe poids lourds auprès des entreprises de transport – ont mis en évidence les limites de ces contrats de PPP, parmi lesquelles on peut citer, en particulier, les surcoûts à la charge des collectivités, dus aux frais de procédures, au coût plus élevé des emprunts ou à la rémunération des actionnaires. In fine, ces surcoûts pèsent de manière importante sur les usagers.

Par ailleurs, ces PPP, très opaques, amoindrissent la capacité de gouvernance des élus. Enfin, ils aboutissent à une mise à l’écart des PME et des artisans locaux, relégués, dans le meilleur des cas, au rôle de sous-traitants. Ce sont autant d’éléments qui nous rendent très critiques à l’égard de ces partenariats.

Les sociétés d’économie mixte se sont révélées, quant à elles, un bon compromis, alliant l’expertise du privé pour l’exécution d’un contrat à la gouvernance des élus pour les choix stratégiques et politiques, grâce à l’attribution d’une part majoritaire du capital aux collectivités locales, ainsi qu’à une véritable transparence, permise par les procédures de mise en concurrence.

La SEM à opération unique, objet de cette proposition de loi, est à mi-chemin entre le PPP et la SEM classique ; elle vise à offrir aux collectivités territoriales un outil plus simple et plus souple que la SEM, pour allier la gouvernance publique au savoir-faire du privé. Son unique objet a trait à la réalisation d’une opération de service public, de construction et d’aménagement ou toute opération relevant de la compétence de la collectivité territoriale. Cela pourrait par exemple concerner la construction et la gestion d’une salle de spectacles, la gestion d’un contrat de distribution d’eau, d’assainissement ou encore de traitement des déchets.

La nouveauté au regard de la SEM classique tient au fait que la collectivité territoriale pourrait être minoritaire au capital, le minimum de participation étant fixé à 34 %. Relevons toutefois que la personne publique détiendrait en tout état de cause une minorité de blocage au sein du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, et que la présidence des organes dirigeants de la société serait assurée par l’un de ses représentants. Il n’en demeure pas moins que les SEM à opération unique n’autorisent qu’une réappropriation limitée de la gouvernance publique et nous éloignent de l’objectif de retour aux régies, alors que la privatisation, même partielle, de certains de nos services publics a eu pour conséquence de renforcer, au sein d’une grande part de la population, un sentiment d’abandon.

C’est la raison pour laquelle nous sommes très favorables à l’amendement n° 14 du Gouvernement prévoyant l’intervention de l’organe délibérant de la collectivité locale pour se prononcer sur le principe du recours à la société d’économie mixte à opération unique. Il s’agirait d’un garde-fou important, permettant une meilleure prise de conscience des conséquences de cette décision, qui pourrait conduire à une certaine dépossession des moyens d’action de la collectivité locale. Les élus doivent en effet rester maîtres non seulement de l’investissement, mais également des choix techniques. N’étant pas des spécialistes, ils ont trop souvent tendance à se laisser imposer par de grandes entreprises des choix techniques qui se révèlent finalement peu efficaces.

Malgré cela, nous relevons que les durées d’exploitation pourront être très longues. Cela peut être justifié par le coût important de l’investissement initial en équipements, mais cela posera, à terme, un réel problème de démocratie, du fait de la désappropriation de la collectivité en pouvoirs et en moyens, consécutive à des décisions remontant à plusieurs décennies. Bien qu’il existe un garde-fou – la dissolution de la SEM à opération unique intervenant sitôt son objet atteint, ce qui constitue une nouveauté par rapport aux SEM actuelles – nous estimons qu’il faut aller plus loin dans l’encadrement des durées. C’est pourquoi nous défendrons un amendement visant à limiter à vingt-cinq ans la durée maximale de ces sociétés d’économie mixte à opération unique.

Nous notons également avec regret que les engagements à payer seront comptabilisés non comme une dette, mais comme des dépenses de fonctionnement, à l’instar du mécanisme des PPP. Cette dette cachée est d’autant plus problématique que, si les collectivités territoriales sont tenues de faire apparaître au bilan le coût des loyers d’investissement des PPP, ce ne sera pas le cas pour ces SEM. C’est pourquoi nous tenons à ce que les normes comptables s’appliquent à ces sociétés.

De même, la décision de recourir à un PPP doit être justifiée par un critère d’éligibilité – urgence, complexité ou efficience économique – au terme d’une étude préalable comparant la réalisation en maîtrise d’ouvrage publique et en PPP. Mais pour la SEM à opération unique, ce garde-fou disparaît : il ne sera plus besoin de critères d’éligibilité. Là aussi, je défendrai un amendement visant à imposer une procédure d’évaluation préalable, comparable à celle prévue pour les contrats de partenariat public-privé, dès lors que le contrat à exécuter serait supérieur à un seuil que nous avons établi à deux millions d’euros. Cette enquête aurait pour objet d’estimer si la SEM à opération unique constitue la solution la plus avantageuse pour la personne publique.

Relevons enfin qu’à l’instar des PPP, ce type de SEM risque d’exclure les PME. Elles se plaignent d’ailleurs régulièrement de cette situation.

Pour notre part, il nous paraît important d’exclure de ce dispositif les personnes morales condamnées au titre de certaines infractions au code du travail ou à la peine d’exclusion des marchés publics, ainsi que les entreprises en liquidation ou en redressement judiciaires : tel sera l’objet d’un autre de nos amendements, qui a pour objet d’imposer à l’opérateur économique cocontractant les mêmes critères de non-condamnation que ceux prévus pour les entreprises qui souhaitent s’engager dans un contrat de partenariat.

En définitive, mes chers collègues, nous observons avec prudence la création des SEM à opération unique. Elles peuvent certes permettre d’éviter un recours aux PPP, ce qui est plutôt positif, mais nous ne sommes pas convaincus de l’efficacité future de ce nouvel outil. S’il offre une meilleure option que le recours aux partenariats public-privé, nous lui préférons néanmoins les SEM classiques ou les autres entreprises publiques locales, davantage tournées vers une gouvernance maîtrisée par les élus. C’est la raison pour laquelle notre groupe a décidé de s’abstenir sur cette proposition de loi.

M. Jean-Marie Sermier. Quel courage !

M. Paul Molac. Nous considérons toutefois que ce type de société peut présenter un intérêt dans certaines situations : nous ne nous y opposerons donc pas.

M. Jean-Frédéric Poisson et M. Hugues Fourage. C’est subtil !

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus.

M. Ary Chalus. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’ordonnance du 17 juin 2004 a créé un nouveau type de contrat administratif, inspiré de pratiques européennes voisines : je veux parler des partenariats public-privé. Il devait étoffer le maigre carquois d’outils mis à la disposition des autorités publiques, soit seulement la délégation de service public et le marché public. Ces PPP permettent l’association d’un ou plusieurs entrepreneurs privés à la construction, à l’entretien et à la gestion d’un ouvrage public. Lors de leur création, ces partenariats semblaient constituer la forme idéale pour permettre aux collectivités territoriales la réalisation, notamment, de grands projets de travaux publics.

Mais quel bilan peut-on en dresser aujourd’hui ?

Nous avons tous en mémoire la récente affaire Ecomouv’, qui a démontré les limites de ces partenariats. Les élus locaux font actuellement face à des difficultés de taille : les caisses se vident, les partenariats ont fait la preuve de leurs insuffisances et les autres types de contrats ne sont plus adaptés aux besoins toujours plus grands d’optimisation du fonctionnement des services publics.

C’est pour remédier à ces problèmes que nos collègues sénateurs ont déposé cette proposition de loi visant à créer des sociétés d’économie mixte à contrat, renommées « sociétés d’économie mixte à opération unique ».

Cette adaptation des partenariats public-privé institutionnels devrait répondre aux attentes et aux besoins des élus mais aussi des entreprises. Ensemble, ils vont pouvoir faire usage d’un nouvel outil – entité mixte alliant une personne dite publique à une personne privée. De cette alliance devra naître un contrat, pour que soit exécutée une opération unique.

La nouveauté, qui constitue la principale caractéristique de ce dispositif, est l’organisation d’une seule procédure de mise en concurrence pour le choix de la personne privée qui participera effectivement à la constitution de cette entité. Ainsi la personne publique devrait-elle récupérer la gouvernance nécessaire à la bonne gestion des deniers publics dont elle est garante.

Si nous avons confiance en cette nouvelle entité, c’est que cette dernière a fait ses preuves au niveau européen. Comme certains de nos collègues l’ont rappelé, plusieurs de nos voisins l’ont mise en place ces dernières années – l’Allemagne ou la Suède pour ne citer qu’eux – et les résultats escomptés sont là.

Je ne me livrerai pas ici à de longues explications mais je rappellerai simplement les grands principes régissant la création et le fonctionnement de ce nouveau type d’entreprise publique locale.

Ces sociétés prendront la forme de sociétés anonymes, mais, contrairement au droit classique les régissant, elles seront constituées, au minimum, par deux actionnaires : une personne publique et au moins une personne privée.

Contrairement aux SEM locales, la personne publique ne sera pas nécessairement l’actionnaire majoritaire de l’entreprise mais, pour conserver son influence et avoir un droit de regard, elle détiendra obligatoirement une minorité de blocage au sein du conseil d’administration ou du conseil de surveillance.

Enfin, une fois accompli le contrat pour lequel la société a été créée, cette dernière sera dissoute.

Je tiens à saluer le travail des commissions des lois du Sénat et de notre assemblée, qui a permis de faire bénéficier ce nouvel outil de la sécurité juridique nécessaire à son appropriation complète par les différents acteurs, ce qui permettra ainsi de garantir la meilleure gestion possible des services publics locaux.

Je défendrai tout à l’heure deux amendements qui, tout en sauvegardant l’équilibre exact du texte qui nous est soumis, tendent à en clarifier certains aspects.

Ce texte répond à la fois aux besoins identifiés par les élus locaux pour réaliser de grands ouvrages publics et à ceux des entreprises cocontractantes. Il respecte tant les exigences du droit européen, en matière de concurrence, que celles du droit français, s’agissant de la sécurité juridique des parties au contrat.

Le législateur français avait déjà eu l’occasion d’innover sur ce terrain, toujours à l’initiative de nos collègues sénateurs, avec la création des sociétés publiques locales, par la loi du 28 mai 2010 : ce nouveau statut venait s’ajouter aux outils de gestion à disposition des collectivités territoriales – établissements publics et sociétés d’économie mixte locales – et répondait, conformément au droit communautaire, aux exigences du in house.

L’importance des investissements publics des collectivités territoriales – ils représentent plus de 70 % de l’ensemble des investissements publics en France – impose de permettre aux donneurs d’ordre de pouvoir compter sur des outils juridiquement solides et économiquement adaptés pour mettre en œuvre leur politique. En adaptant et en élargissant la palette des outils de gestion à disposition des collectivités territoriales, le législateur est pleinement dans son rôle. Nous nous en félicitons. Le groupe RRDP votera donc ce texte.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, même si le texte initial a été modifié au Sénat et utilement amendé par notre commission des lois, la création de SEM à opération unique nous semble encore poser plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.

Nous partageons bien sûr la préoccupation d’élargir la palette des outils à disposition des collectivités locales pour permettre à celles-ci de porter leurs projets. Mais nous craignons que l’objectif ici soit surtout de leur permettre de remédier à la disette budgétaire par le contournement des règles de la commande publique.

Cette nouvelle structure mixte sera en effet composée d’une personne publique et d’au moins une personne privée, chargée d’exécuter, par contrat, une opération unique. La personne privée devra faire la preuve de sa capacité à apporter un capital suffisant, mais également de son expertise pour mieux répondre aux attentes et aux besoins de la collectivité publique pour la réalisation d’une opération.

Cette proposition nous semble dangereuse à plus d’un titre. Tout d’abord, elle opère une confusion des rôles entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre, puisque l’actionnaire privé sera également l’opérateur. Ensuite, le critère de la capacité du partenaire privé à apporter un capital suffisant et à disposer d’une vaste expertise technique, opérationnelle et budgétaire va conduire immanquablement à écarter des projets les PME et les entreprises de taille intermédiaire. Nos petites et moyennes entreprises seront au mieux réduites à la sous-traitance, dans des conditions que la personne publique ne sera pas davantage à même de réguler qu’elle ne l’est aujourd’hui dans le cadre des autres partenariats public-privé.

Les syndicats professionnels comme la CAPEB, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, le SNSO, le Syndicat national du second œuvre, ou encore l’ordre des architectes, ont alerté sur ce risque bien réel et sur la gravité de l’atteinte à l’égalité devant la commande publique. Les grandes entreprises, elles, on le comprendra, se frottent les mains, à l’instar du directeur général de la Lyonnaise des eaux, dont je veux citer ici les propos : « Cet outil vient compléter la gamme des possibilités pour les collectivités de chercher un partenaire en amont. Nous y sommes très favorables, parce que nous le pratiquons depuis longtemps en Espagne ou en Italie. »

M. Jean-Marie Sermier. Il a raison !

M. Marc Dolez. Les SEM à opération unique seront donc, selon toute vraisemblance, l’outil privilégié de futures délégations de service public, notamment concernant les services publics de réseau, comme cela se fait dans les autres pays européens.

Alors que les SEM traditionnelles associent souvent des acteurs privés locaux, les futurs partenaires au sein des SEM à opération unique seront des mastodontes des secteurs concernés, qu’il s’agisse de l’environnement, du bâtiment ou des transports. De plus, et à l’inverse de ce qui prévaut dans la grande majorité des SEM actuelles, la puissance publique pourra, si elle le décide, être minoritaire au sein de l’entité. De quelle marge de manœuvre disposeront alors les collectivités pour peser sur les choix et décisions si le partenaire est un grand groupe ? Quels seront les pouvoirs réels de direction et de contrôle de la personne publique ?

Les SEM ont jusqu’ici constitué des outils précieux permettant aux collectivités de mener à bien des politiques d’aménagement ambitieuses. Qu’en sera-t-il demain ? Quel rapport de force favorable à la collectivité pourra être créé face à Suez ou à Veolia ?

Ce ne sont pas des questions accessoires, d’autant qu’il est précisé dans la proposition de loi adoptée par le Sénat que l’objet de la SEM à opération unique est : « 1° Soit la réalisation d’une opération de construction, de logement ou d’aménagement ; 2° Soit la gestion d’un service public ; 3° Soit toute autre opération d’intérêt général [… ] ». Autrement dit, la notion d’opération unique, au sens de ce texte, s’entendra aussi bien des opérations de construction d’une structure que de l’exploitation de celle-ci. Le contrat sera ainsi susceptible de courir sur plusieurs dizaines d’années.

La création de ces SEM à opération unique permettra, selon ses partisans, de répondre à la volonté des collectivités de mener des politiques volontaristes, dans un cadre économique particulièrement contraint du fait de l’assèchement de leurs ressources et de la baisse des dotations de l’État. Ce texte intervient également dans un contexte où nombre de villes veulent sortir de délégations de service public ou de contrats de partenariat qui ne donnent pas satisfaction, sans toujours avoir les compétences et surtout les ressources pour exercer ces responsabilités en régie.

Cependant, pour surmonter ces difficultés bien réelles, la création de cet outil hybride qu’est la SEM à opération unique ne nous semble pas vraiment de nature à concilier l’impératif d’un contrôle accru de la puissance publique et l’adossement financier des projets sur le secteur privé.

Vous l’aurez compris, ce texte comporte trop d’ambiguïtés pour que nous puissions l’adopter en l’état. C’est pourquoi les députés du Front de gauche s’abstiendront.

M. Paul Molac. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage.

M. Hugues Fourage. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la SEM à opération unique est une initiative parlementaire regroupant des sénateurs et des députés. Cette proposition de loi a fait l’objet d’un large consensus sur les bancs de notre assemblée et au Sénat, comme cela a été rappelé tout à l’heure.

En effet, les élus sont contraints, pour mettre en place des services publics locaux, de trouver des modes de gestion qui permettent d’offrir le meilleur service aux usagers dans un contexte de resserrement budgétaire. C’est pourquoi les collectivités locales souhaitent aujourd’hui pouvoir bénéficier d’outils de gestion rénovés, voire innovants.

La gestion en régie directe a montré aujourd’hui ses limites et les expériences de partenariats public-privé ont suscité de nombreuses critiques quant à leurs coûts pour les collectivités et à leur mise en œuvre.

Cette proposition de loi présente ainsi de nombreux avantages pour les collectivités locales : un risque financier limité à l’apport en capital, le maintien de l’influence des élus par la présidence des organes de décision et l’instauration d’une minorité de blocage, la possibilité de bénéficier de l’expertise et de la technicité du secteur privé.

La SEM à opération unique répond également à une attente très forte des collectivités locales, car très souvent les élus ont le sentiment d’être dépossédés de leur pouvoir de direction dans le cadre de la gestion de services publics ou d’opérations d’aménagement.

Cette nouvelle disposition aura pour conséquence le retour des exécutifs locaux dans la direction des services publics et des opérations d’aménagement ; c’est un point fondamental. Elle donne ainsi la possibilité à des communes ou à des intercommunalités de reprendre le contrôle de ces opérations d’aménagement, de logement, de construction ou de gestion de services publics.

Cette proposition de loi introduit donc dans notre droit un instrument permettant la constitution d’une entité mixte, composée d’une personne publique et d’au moins une personne privée, chargée d’exécuter, par contrat, une opération unique. La principale caractéristique de cette entité est l’organisation d’une seule procédure de mise en concurrence, non pas pour l’attribution du contrat à la société, mais pour le choix de la personne privée qui participera à la future entité.

Les dispositions prévues sont, contrairement à ce que d’aucuns craignent, compatibles avec le droit communautaire, comme cela a été rappelé dans la décision de la Cour de justice des communautés européennes du 15 octobre 2009. Celle-ci juge en effet que les dispositions du traité instituant la Communauté européenne « ne s’opposent pas à l’attribution directe d’un service public impliquant la réalisation de certains travaux à une société à capital mixte, public et privé, spécialement créée aux fins de la fourniture de ce service et ayant un objet social unique, dans laquelle l’associé privé est sélectionné sur appel d’offres public », selon, il convient de le préciser, les règles de droit communautaire en matière de libre concurrence, de transparence des procédures et d’égalité de traitement.

Sous l’impulsion de notre rapporteur, que je remercie, notre commission des lois a fait le choix de sécuriser le dispositif en prévoyant l’application des procédures d’appel à la concurrence de droit commun. Ainsi, si la SEM à opération unique est une innovation dans les modalités de gestion des services publics ou de mise en œuvre d’opérations, elle s’inscrit pleinement dans les procédures habituelles de la commande publique. Une telle orientation me paraît pertinente et judicieuse.

Je voudrais maintenant revenir sur deux questions qui ont été au cœur de nos débats et que M. Paul Molac a évoquées voilà quelques instants : l’évaluation préalable et la sous-traitance.

Concernant l’évaluation préalable, certains voudraient que la création d’une SEM à opération unique soit soumise aux conditions de l’article L. 1414-2 du code général des collectivités locales concernant les contrats de partenariat, qui dispose que « les contrats de partenariat donnent lieu à une évaluation préalable précisant les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif qui conduisent la personne publique à engager la procédure de passation d’un tel contrat. » Une SEM à opération unique ne peut être constituée que pour un contrat de délégation de service public, de concession de travaux, de concession d’aménagement ou de marché public. Elle ne peut être utilisée pour l’exécution d’un contrat de partenariat. Il n’y a donc pas lieu de soumettre la décision de recourir à une SEM à opération unique au droit des contrats de partenariat.

De plus, il convient de rappeler que l’opportunité de recourir à un mode de gestion de service public – régie, délégation de service public, concessions – relève de la libre administration des collectivités.

M. Erwann Binet, rapporteur. Absolument !

M. Hugues Fourage. Si l’exécutif doit justifier son choix devant son assemblée délibérante, ce qui est normal, il convient de ne pas soumettre celui-ci à une expertise coûteuse et, in fine, sujette à l’interprétation du juge, donc facteur de contentieux inutile. Si nous sommes bien sûr favorables à ce que les assemblées délibérantes puissent faire un choix éclairé, il convient de faire confiance également aux élus locaux pour déterminer la formule juridique la mieux adaptée à leur territoire et de ne pas les enserrer dans des normes contraignantes supplémentaires. Quand on voit les problèmes que posent les partenariats public-privé, en particulier en termes d’évaluation, on peut s’interroger sur l’opportunité de réaliser de telles évaluations préalables.

Pour ce qui est de la sous-traitance, certains ont proposé que la personne publique procède à une seule mise en concurrence, donc en un seul lieu, au choix du partenaire, à l’attribution du contrat à la SEM à opération unique et à l’attribution des contrats de sous-traitance dans les termes et les conditions fixés par le partenaire à ces sous-traitants. Il me semble que le dispositif proposé, d’une part, n’est pas conforme au droit européen et, d’autre part, va à l’encontre de l’objectif visé par la mise en place des SEM à opération unique, car il viderait de son contenu le contrôle exercé par la personne publique. De plus, le recours à un tel dispositif désavantagerait les PME, qui seraient ainsi soumises aux conditions définies par le partenaire retenu sans que la personne publique ait pu intervenir préalablement. En d’autres termes, il favoriserait les grands groupes et leurs filiales.

En conclusion, le groupe SRC votera bien entendu cette proposition de loi, qui offre aux collectivités locales une nouvelle possibilité assortie de nouveaux avantages pour mener des opérations d’aménagement et de gestion de services publics, tout en donnant aux élus, et c’est là ce qui nous paraît important, une capacité de direction et de réelle implication. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Erwann Binet, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, les débats d’aujourd’hui ont permis de rappeler l’environnement des collectivités territoriales, un environnement sans cesse en mutation.

Dans ce contexte, les collectivités territoriales ont plus que jamais besoin d’outils qui rapprochent, qui permettent de « faire ensemble » et de développer des coopérations et des mutualisations.

Déjà, la création des sociétés publiques locales ou SPL en mai 2010 a permis aux collectivités locales de développer entre elles de réelles alliances opérationnelles. Le fait que 150 SPL ont été constituées à ce jour nous donne la preuve de la qualité de cet outil. Nous ne pouvons que nous en féliciter, et ce d’autant plus que les travaux que nous menons aujourd’hui sur la SEM à opération unique s’inscrivent dans la continuité de notre action consensuelle engagée il y a quatre ans en faveur des SPL.

Je dis qu’elle est consensuelle car, à cet instant, personne ne s’est encore exprimé contre elle.

Au risque de répéter les propos que j’ai tenus en 2010 dans cet hémicycle, la responsabilité qui est la nôtre aujourd’hui est de donner les moyens aux collectivités territoriales d’exercer pleinement leurs missions.

Pour cela, les élus locaux doivent disposer d’une gamme d’outils opérationnels. Nous connaissons bien les SEM. Nous en avons tous dans nos départements et, si j’ai bien compris les débats de ces derniers jours, elles ont peut-être plus d’avenir que les départements eux-mêmes. (Sourires.) Cela dit, il faut reconnaître leurs limites, notamment lorsque l’on veut recourir à des expertises extérieures aux collectivités membres. La SEM à opération unique sera donc un outil complémentaire par rapport aux SEM, aux SPL et, plus largement, à tous les autres modes de gestion existants.

Mais, au-delà, les SEMOP répondent à un autre besoin, celui d’une gouvernance actuellement insatisfaisante. S’il est indispensable de s’associer à des acteurs privés, nos concitoyens n’acceptent plus que les élus soient dépossédés de toute capacité de gouvernance au profit de sociétés privées. Si l’expertise peut-être privée, la décision et ses retombées doivent rester publiques.

J’ai pu le constater dans ma ville de Dole avec le débat sur l’eau potable : la DSP, telle qu’elle est pratiquée depuis des années, n’est plus acceptée par nos concitoyens, qui constatent que les élus ont perdu la main sur ces enjeux. Quant à la régie, elle montre vite ses limites : elle manque de souplesse et n’est parfois qu’une municipalisation de façade qui s’appuie sur le savoir-faire de grandes entreprises.

La SEM à opération unique combinera ces deux options en ne retenant que leurs avantages respectifs. Elle va permettre de développer de nouvelles coopérations, non seulement entre les différentes collectivités, mais aussi entre les collectivités et les acteurs privés qui participent, à l’échelon local, au développement de services publics.

Elle permettra aux collectivités territoriales de co-investir aux côtés des opérateurs de services aux collectivités locales. Or tous les élus savent à quel point cela est aujourd’hui indispensable.

Elle permettra également de piloter les grands services publics essentiels à la vie locale dans les secteurs du transport, de l’eau, des déchets, ou encore pour les grands équipements structurants. Elle permettra, enfin, de mobiliser au meilleur coût l’expertise de partenaires.

Nous disposons déjà, en France, d’outils contractuels permettant une coopération entre les collectivités territoriales et les entreprises, notamment les délégations de service public. Il n’est pas question de remettre en cause les coopérations existantes. Le nouvel outil propose simplement une coopération intégrée et institutionnalisée, au sein d’une co-entreprise, entre une collectivité et un actionnaire opérateur. Comment permettre à une collectivité territoriale de mieux contrôler son partenaire – comme c’est son rôle de le faire – et de mieux assumer le pilotage stratégique d’une mission d’intérêt général, si ce n’est au sein d’une entité conjointe ?

Chacun, dans cet hémicycle, a pu mesurer à quel point les citoyens sont de plus en plus attentifs à l’implication de leurs élus locaux dans la mise en œuvre de services publics de qualité et au meilleur coût possible. La SEM à opération unique constitue une réponse concrète à cette attente légitime d’un contrôle renforcé par leurs représentants élus. Pour autant, il faut qu’elle garantisse un équilibre entre la maîtrise publique et l’expertise du partenaire, lequel doit être en mesure d’assurer les missions qui lui sont confiées. L’équilibre entre maîtrise politique et expertise du partenaire est au cœur de ce nouveau mode de gestion.

Les collectivités locales ont une responsabilité croissante. C’est vrai en matière d’investissements comme de solidarité territoriale et de dynamisation de l’économie locale. Avec la SEM à opération unique, les collectivités locales disposeront d’un levier supplémentaire pour mettre en œuvre leurs nouvelles compétences.

Les SEM, qui sont déjà à la disposition des collectivités locales, ont su trouver leur place aux côtés des autres modes de gestion de certains services publics locaux et missions d’intérêt général. De plus, et j’insiste sur ce point, elles n’ont jamais remis en cause l’équilibre de la commande publique. Je suis convaincu qu’il en sera de même pour les SEM à opération unique.

Pour toutes ces raisons, je voterai avec conviction en faveur de la création des SEM à opération unique, qui constituent une innovation opportune pour les collectivités locales et leurs services. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt.

M. Olivier Dussopt. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me félicite à mon tour, comme l’ont fait presque tous les orateurs précédents, que notre assemblée examine aujourd’hui cette proposition de loi, adoptée à l’unanimité par le Sénat. Un texte similaire avait d’ailleurs été déposé ici même, cosigné par des parlementaires issus de tous les groupes de notre assemblée.

Cette proposition de loi s’inscrit dans un contexte marqué par la raréfaction des ressources des collectivités locales, due à un certain nombre de facteurs : outre l’environnement économique et financier, il faut rappeler que, depuis plusieurs années, l’État demande aux collectivités locales de participer à l’effort pour redresser les comptes publics.

Notre débat s’inscrit également dans le cadre de la volonté d’un nombre croissant d’élus de retrouver le contrôle public de certains services, notamment la distribution ou l’assainissement de l’eau, mais aussi la construction et l’entretien d’équipements. Il s’agit à la fois de redonner du sens au service public et d’éviter les écueils que nous avons pu rencontrer par le passé. Je pense, d’une part, au fait que les délégations de service public de longue durée ont eu pour effet, au fil du temps, de diluer la capacité de contrôle des collectivités sur l’activité du délégataire, et, d’autre part, à la mise en œuvre de certains partenariats public-privé, dont un certain nombre de rapports ont montré les risques : ils peuvent se révéler coûteux pour les collectivités, certaines d’entre elles perdant complètement le contrôle de la gestion financière.

La SEM à opération unique constitue une réponse à ces préoccupations – quoique, peut-être, partielle et lacunaire. À cet égard, je souscris à certains des arguments développés par Marc Dolez : il s’agit effectivement, que ce soit faute de financement ou par pragmatisme, d’avoir recours à un partenaire privé pour la mise en œuvre d’un service public. Quoi qu’il en soit, ce dispositif permettra bel et bien à certaines collectivités, notamment les plus petites, de reprendre en partie le contrôle public sur des activités qui leur paraissent essentielles. Je pense en particulier aux communes de 3 000 à 20 000 habitants, que l’on appelle régulièrement les « petites villes » de France, qui s’inscrivent dans cette dynamique d’une reprise de contrôle public d’un certain nombre de services. Or ces collectivités se heurtent à des difficultés d’ordre financier.

En effet, elles ne disposent pas des ressources permettant d’exercer leurs compétences. Leurs services techniques sont parfois peu étoffés, ce qui ne leur permet pas d’envisager le passage de la DSP à la régie dans de bonnes conditions, en ayant la certitude que la qualité du service et la sécurité – notamment quand il s’agit d’approvisionnement en eau potable – sont garanties. Ne pouvant s’appuyer sur leur propre personnel, elles se voient contraintes de procéder à des recrutements parfois coûteux.

J’ai déjà eu l’occasion de donner à certains d’entre vous l’exemple suivant : lorsque l’on passe d’une DSP à la régie pour l’approvisionnement en eau potable, on peut se trouver en situation de devoir gérer 3 000, 4 000, voire 6 000 abonnés. Pour cela, on a besoin de compétences, par exemple celles d’ingénieurs biochimistes pour contrôler la qualité du filtrage de l’eau, alors même que cette activité ne représente pas forcément un temps complet. À cela s’ajoute d’ailleurs le fait que certaines collectivités, en particulier en zone rurale, ne sont pas suffisamment attractives et ont du mal à recruter, même à temps plein. Quoi qu’il en soit, ces collectivités n’ont pas d’autre solution que de recruter à temps plein, avec le risque d’accroître de façon trop importante leurs coûts fixes, ce qui a pour conséquence que le passage à la régie se traduit par une baisse de ressources pour la collectivité ou par une explosion non prévue des tarifs.

En outre, la création de SEM ou de sociétés publiques locales peut poser des difficultés aux collectivités de petite taille car cela suppose de mobiliser la totalité du capital.

La SEM à opération unique permet de répondre à ces difficultés rencontrées par les communes et les intercommunalités. En effet, elle leur donne l’appui d’un ou de plusieurs opérateurs économiques, ce qui leur permet de reprendre le contrôle d’opérations d’aménagement, de construction de logements et de gestion des services publics.

Cette nouvelle catégorie d’entreprise publique locale, à mi-chemin entre la SEM et la DSP, semble permettre d’allier les valeurs de la gestion directe, en redonnant à la collectivité le contrôle de son service public, et les atouts de la gestion déléguée, en faisant appel au savoir-faire des personnes privées.

De plus, contrairement à ce que d’aucuns craignaient, le dispositif est compatible avec le droit communautaire, comme l’a rappelé la décision Acoset de la Cour de justice de l’Union européenne, reprenant les conclusions de la communication interprétative du 5 février 2008 de la Commission européenne. La Cour de justice a en effet estimé que « l’attribution directe d’un service public [… ] à une société à capital mixte, public et privé, spécialement créée aux fins de la fourniture de ce service et ayant un objet social unique, dans laquelle l’associé privé est sélectionné sur appel d’offres public, après vérification des conditions financières, techniques, opérationnelles et de gestion se rapportant au service à assurer et des caractéristiques de l’offre au regard des prestations à fournir », « pourvu que la procédure d’appel d’offres en question soit conforme aux principes de libre concurrence, de transparence et d’égalité de traitement », ne s’opposait pas au droit de l’Union européenne.

Il convenait donc d’adapter notre droit à la mise en place de cet outil ; je suis particulièrement heureux que cette proposition de loi permette de le faire.

Je veux aussi souligner, comme d’autres l’ont fait avant moi, le travail de sécurisation juridique du dispositif réalisé par notre rapporteur lors de l’examen en commission des lois. Ainsi, la proposition de loi fait référence, non plus à la notion de « personne privée », mais à celle d’« opérateur économique », afin de ne pas ôter la possibilité à certaines personnes publiques – par exemple les EPIC – de soumissionner pour devenir actionnaires opérateurs au sein d’une SEM à opération unique.

Par ailleurs, pour répondre pleinement aux exigences du droit européen en matière de commande publique et pour lever l’ambiguïté sur la nécessité ou non de réaliser des nouvelles procédures de mises en concurrence, il paraissait juste que la procédure ad hoc prévue par le Sénat soit remplacée par les procédures de mise en concurrence existantes.

Enfin, je me félicite que la commission des lois ait entériné les caractéristiques de la SEM à opération unique, notamment en matière de protection de l’influence de la collectivité sur le service rendu, puisque, si la personne publique ne détient pas nécessairement la majorité du capital de la SEM à opération unique, elle dispose des deux leviers qui ont déjà été cités : d’une part, la minorité de blocage et, d’autre part, la présidence du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, qui devra obligatoirement être assumée par un représentant de la collectivité territoriale.

Le risque financier est donc limité à l’apport en capital de la collectivité. De plus, le dispositif maintient son influence et lui offre la possibilité de bénéficier de l’expertise et de la technicité d’un opérateur privé.

Pour citer les propos du rapporteur au Sénat, avec lequel j’avais eu maille à partir sur d’autres textes (Sourires), je dirai que la SEM à opération unique conciliera une réinternalisation de la gouvernance « tout en externalisant le savoir-faire nécessaire pour la réalisation d’opérations d’envergure ou la gestion de services publics locaux ». Je voterai donc avec conviction en faveur de cette proposition de loi qui crée un outil répondant à un besoin évident, reconnu à la fois par les collectivités et les entreprises. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. André Vallini, secrétaire d’État. Je répondrai rapidement aux différents orateurs, car, en dehors des interventions de Marc Dolez et Paul Molac, le consensus est, cet après-midi, très large et transpartisan.

Comme il s’agit du premier texte que je défends dans cet hémicycle depuis ma nomination en tant que secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, je veux y voir l’augure du consensus qui régnera lorsque je viendrai exposer devant vous la réforme territoriale. (Sourires.)

M. Marc Dolez. N’y comptez pas !

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous en reparlerons !

M. Marc Dolez. Vous mangez aujourd’hui votre pain blanc, monsieur le secrétaire d’État !

M. André Vallini, Secrétaire d’État. Je ne vous inclus pas dans le consensus transpartisan, monsieur Dolez !

J’en viens maintenant aux préventions que vous-même et Paul Molac avez manifestées.

En ce qui concerne les PME, vous savez que nous sommes fortement contraints, non seulement par le droit communautaire, mais aussi par le droit interne. S’il n’y avait que le droit communautaire, on pourrait comprendre votre raisonnement, mais il se trouve que le droit interne est aussi sévère que le droit communautaire en matière d’égalité de traitement des candidats à la commande publique.

Cela renvoie d’ailleurs à un débat philosophique, que nous n’aurons malheureusement pas le temps d’ouvrir ce soir, entre la notion d’égalité et celle d’équité.

Vous appartenez, monsieur Dolez, à une formation politique très attachée à la notion d’égalité républicaine – pure et simple, allais-je dire –, au détriment parfois de l’équité. Pour favoriser les PME, au regard notamment de la commande publique, il faudrait dépasser la notion d’égalité pour aller vers l’équité, mais vous n’en voulez pas plus, me semble-t-il, dans ce domaine que dans d’autres.

Nous sommes donc, disais-je, tenus par le droit interne et communautaire. Toutefois, j’ai une bonne nouvelle à vous annoncer, même si vous devez déjà la connaître : très soucieux de l’avenir des PME et des TPE, qui sont la richesse de notre tissu économique, le Gouvernement déposera au début de l’été un projet de loi d’habilitation portant diverses mesures de simplification pour les entreprises – c’est le fameux choc de simplification –,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Le voilà enfin !

M. André Vallini, Secrétaire d’État. …avec une réforme du code des marchés publics, au bénéfice notamment des PME, pour simplifier leur accès à la commande publique et alléger les démarches qu’elles doivent accomplir.

Au mois de juillet, le Gouvernement présentera donc des mesures qui auront vocation, conformément à vos souhaits, de favoriser les PME, du moins à les dégager de leurs entraves dans l’accès à la commande publique, face aux mastodontes – c’est le terme que vous avez employé.

Monsieur Molac, la maîtrise politique par les élus sera très forte, puisque la collectivité choisira le mode de gestion ainsi que sa part au capital en amont de l’appel d’offres. De surcroît, la SEM à opération unique sera obligatoirement présidée par un élu. Ces garanties sont de nature à apaiser vos inquiétudes que je comprends, monsieur Dolez, mais que je ne partage pas.

Pour le reste, je me réjouis du large consensus qui s’est exprimé sur ce texte.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de suppression n2. La parole est à M. Fernand Siré pour le soutenir.

M. Fernand Siré. Ce nouvel outil présenté comme un instrument de gouvernance au service de l’action publique locale est en réalité un nouvel outil de partenariat public-privé institutionnalisé, dont la mise en œuvre se dispense des règles contraignantes régissant les contrats de partenariat de l’ordonnance du 17 juin 2004 ou les autres formes de partenariat public-privé prévues par le code général des collectivités territoriales.

Ainsi, la mise en place d’une SEM à opération unique n’impose pas la réalisation d’une évaluation préalable qui a pour objet d’estimer si le recours au PPP va offrir à la personne publique une solution alternative moins coûteuse ou plus avantageuse pour atteindre ses objectifs. Comment, dès lors, ne pas craindre des dérives encore plus importantes que celles constatées avec les contrats de partenariat ?

Par ailleurs, ce nouveau système de partenariat public-privé institutionnalisé ne présente pas les garanties permettant de lever les risques clairement précisés par le Conseil d’État dans son avis du 1erdécembre 2009, notamment de respecter les principes constitutionnels de liberté d’accès à la commande publique, de traitement égal des candidats et de transparence des procédures, de garantir l’intégrité du contrat, de prévenir les conflits d’intérêts.

Enfin, au-delà de problèmes juridiques, la création de ce nouvel outil est clairement une restriction d’accès à la commande publique pour l’ensemble des professionnels du cadre bâti, relégués au simple rang de sous-traitants, ce qui est de surcroît contraire aux dispositions de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Nos collègues sénateurs ayant concentré l’ensemble du dispositif des SEM à opération unique sur l’article 1er, l’adoption d’un tel amendement reviendrait à supprimer l’objet même de la loi.

La réécriture qu’a faite la commission des lois de l’article 1er a permis de faire revenir les procédures de sélection du partenaire dans les règles du droit commun. Contrairement à ce que vous craignez, monsieur Siré, le monopole des architectes n’est pas remis en cause et les grands principes de la commande publique sont respectés. Le droit en vigueur reste le même.

Enfin, il ne convient pas d’établir un parallèle entre les PPP et les SEM à opération unique, puisque les premiers sont des contrats et les secondes des sociétés. Il n’y a pas lieu de reporter les critiques, que nous partageons, sur les PPP à l’endroit des SEM à opération unique. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. La discussion générale a permis d’apporter toutes les garanties de sécurisation juridique relatives aux SEM à opération unique. Avis défavorable à cet amendement qui supprime l’objet même de la loi.

M. le président. La parole est à M. Fernand Siré.

M. Fernand Siré. Je retire l’amendement.

(L’amendement n2 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement n9.

M. Erwann Binet, rapporteur. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 26 juin 2003, a précisé que la mise en place d’une structure de droit privé ne pouvait conduire une personne publique à « déléguer à une personne privée l’exercice d’une mission de souveraineté ». Il paraît sage de préciser cette restriction dans le texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. La sagesse commande d’être prudent. Le rapporteur apporte une sécurité supplémentaire avec cet amendement. Avis favorable.

(L’amendement n9 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 3 et 16 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Fernand Siré, pour soutenir l’amendement n3.

M. Fernand Siré. Il s’agit d’insérer l’alinéa suivant : « La création d’une société d’économie mixte à opération unique est soumise aux conditions prévues par l’article L. 1414-2 du présent code pour les contrats de partenariat. ».

La rédaction actuelle n’impose pas la réalisation d’une évaluation préalable qui a pour objet d’estimer si le recours à cet outil va offrir à la personne publique une solution alternative moins coûteuse ou plus avantageuse pour atteindre ses objectifs.

Avec ce nouveau système de partenariat public-privé institutionnalisé, comment éviter l’indétermination accrue dans l’attribution des responsabilités en cas de litige sur l’exécution du contrat, et les risques de conflits d’intérêt au cas où le pouvoir adjudicateur serait amené à agir contre un cocontractant dont il serait actionnaire et co-décisionnaire ?

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n16 rectifié.

M. Paul Molac. Cet amendement vise également à imposer une procédure d’évaluation préalable, comparable à celle prévue pour les contrats de partenariat. L’enquête aurait pour objet d’estimer si la SEM à opération unique est la solution la plus avantageuse pour la personne publique.

J’ai bien entendu les propos qu’a tenus mon excellent collègue Hugues Fourage, et je conçois bien qu’il existe des bémols. Ayant lu certains rapports de cabinets d’étude, je dois dire que je n’ai pas toujours été ébloui par leurs conclusions. On se demande si certains ne sont pas payés pour réinventer l’eau chaude !

M. Jean-Frédéric Poisson. Comme vous y allez !

M. Paul Molac. Vous me pardonnerez ces considérations quelque peu triviales. Cela étant, je retire cet amendement.

(L’amendement n16 rectifié est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 3 ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Tout d’abord, il me semble utile de préciser que la constitution d’une SEM à opération unique ne peut être utilisée pour lui confier un contrat de partenariat, mais uniquement une concession de travaux, une concession d’aménagement ou un marché public. Il n’y a donc pas lieu d’appliquer le droit des contrats de partenariat à la décision de recourir à une SEM à opération unique.

Par ailleurs, il convient de rappeler que le principe de l’opportunité de recourir à un mode de gestion du service public fait partie de la libre administration des collectivités territoriales. Si l’exécutif doit justifier de son choix devant l’assemblée délibérante, il est difficile de le soumettre à l’avis d’un cabinet d’expertise !

Qu’impliquerait l’application de l’article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales ? D’abord, il faudrait que la collectivité lance un premier marché d’expertise pour recruter un cabinet, lequel réaliserait une étude préalable nécessitant de mettre en place une évaluation, dont je rappelle qu’elle est menée selon une méthodologie définie par le ministre chargé de l’économie. Par la suite, le juge administratif pourrait être saisi de cette évaluation préalable et y substituer sa propre évaluation de la complexité du projet, de son caractère d’urgence et de tous les autres éléments constitutifs de l’article L. 1414-2.

C’est ce qu’a fait la cour administrative d’appel de Lyon très récemment : dans un arrêt « Conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne », en date du 3 janvier 2014, elle a annulé une délibération du 9 janvier 2011 – soit trois ans après ! – concernant un contrat de partenariat ayant permis la construction d’une piscine avec réseau de chaleur. Il ne faudrait pas en arriver là pour les SEM à opération unique !

Enfin, il est étonnant, monsieur Siré, que vous défendiez l’application d’une norme contraignant autant la libre administration des collectivités territoriales. Nous sommes tous en faveur de la transparence et le Gouvernement proposera d’ailleurs par voie d’amendement l’approbation par l’assemblée délibérante du principe de recours à une SEM à opération unique. Il convient de faire confiance aux élus locaux pour déterminer la formule juridique la mieux adaptée à leur territoire et pour ne pas les enserrer dans des normes supplémentaires. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage.

M. Hugues Fourage. Comme l’a dit le rapporteur, il faut bien distinguer les contrats de partenariat des SEM à opération unique. Présenter un tel amendement revient à considérer que les élus locaux ne sont pas en capacité de décider eux-mêmes. Pourtant, compte tenu du coût des évaluations préalables sur les PPP, il conviendrait de raison garder ! Il faut aussi faire confiance aux fonctionnaires territoriaux, qui possèdent cette expertise et peuvent montrer à leurs élus les avantages de telle ou telle solution. Revenons à l’essence même de ce qu’est la SEM à opération unique : le pouvoir de direction des élus.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

M. Hugues Fourage. Enfin, rien n’empêche les élus de l’opposition – c’est leur rôle – de critiquer tel ou tel mode de passation ou telle ou telle décision d’une assemblée délibérante !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est incontestable !

M. Jean-Frédéric Poisson. Et c’est M. Fourage qui le dit !

M. le président. La parole est à M. Fernand Siré.

M. Fernand Siré. Je retire l’amendement.

(L’amendement n3 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n17.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à limiter la durée des SEM à opération unique à vingt-cinq ans.

Certaines durées importantes peuvent être justifiées par des coûts d’investissement initiaux importants. Toutefois, des durées trop longues posent le problème de la désappropriation pour la collectivité de ses pouvoirs et de ses moyens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Votre souhait, monsieur Molac, est satisfait puisque la commission des lois a inscrit le principe d’une durée limitée, l’échéance de l’opération devant être prévue dès la mise en place de la SEM à opération unique.

Par ailleurs, un marché à durée illimitée est juridiquement nul. L’article 16 du code des marchés publics prévoit que les marchés publics doivent toujours être conclus pour une durée déterminée, en application de la nécessité de remise en concurrence périodique.

Enfin, fixer une limite arbitraire risque de compliquer de manière excessive la vie des collectivités. Que se passera-t-il si un important problème technique survient, comme cela arrive de façon quasi systématique dans les très gros projets et fait que l’équipement ne pourra être mis en service qu’après plusieurs années ? Faudra-t-il en déduire d’autant la durée d’utilisation pour rester dans la limite arbitraire des vingt-cinq ans ?

Enfin, vous justifiez votre amendement par la crainte de la désappropriation pour la collectivité de ses pouvoirs et de ses moyens. L’objectif de la SEM à opération unique est bien au contraire de garantir que la collectivité territoriale puisse conserver un contrôle sur l’opération envisagée, en disposant d’une minorité de blocage et en assurant évidemment la présidence de la structure. C’est justement pour éviter ce risque de désappropriation de la collectivité que le statut de la SEM à opération unique est mis en place. Je vous demande donc de retirer votre amendement, à défaut de quoi la commission donnera un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Figer dans la loi, monsieur le député, une durée maximale de vingt-cinq ans, reviendrait à exclure du dispositif que nous examinons ce soir tous les contrats d’une durée supérieure. Même si de tels contrats restent exceptionnels, il ne semble pas opportun au Gouvernement de les écarter de prime abord.

De surcroît, lorsque les investissements sont à la charge du délégataire, l’estimation de la durée d’une délégation de service public est notamment basée sur la durée d’amortissement des biens. Prévoir une durée de contrat inférieure à la durée d’amortissement aurait pour conséquence d’ouvrir la possibilité pour le délégataire d’être indemnisé à hauteur des investissements non amortis à l’issue du contrat – je fais là allusion à l’arrêt du Conseil d’État en date du 4 juillet 2012, « Communauté d’agglomération de Chartres Métropole ».

Il nous semble que la durée de la société doit rester parfaitement corrélée à celle du contrat qui répond à des règles strictes. Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. En cette veille de jour férié, je ne voudrais pas me priver du plaisir de soutenir en séance Erwann Binet. Cela ne m’arrive pas tous les jours et je ne voulais pas laisser passer cette occasion.

M. Erwann Binet, rapporteur. J’apprécie l’intention.

M. Hugues Fourage. Nous ne sommes pourtant pas le 1eravril !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je comprends l’intention de M. Molac, cohérente avec le discours qu’il vient de tenir à la tribune, mais le travail de la commission des lois, M. le rapporteur l’a dit, a permis de répondre aux problèmes qu’il a soulevés. En tenant compte, de surcroît, de l’éclairage que le Gouvernement vient de nous donner, le groupe UMP serait donc en situation de voter contre cet amendement si M. Molac le maintenait. Le suspense est entier.

M. le président. Monsieur Molac, mettez fin à ce suspense.

M. Paul Molac. Je ne peux pas faire moins que M. Poisson, bien évidemment, aussi vais-je le retirer.

(L’amendement n17 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement n10.

M. Erwann Binet, rapporteur. La rédaction retenue de l’alinéa 7 de l’article 1er prévoit qu’une SEM à opération unique peut avoir pour objet « soit la réalisation d’une opération de construction, de développement du logement ou d’aménagement, soit la gestion d’un service public, soit toute autre opération d’intérêt général relevant de la compétence de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales ».

Cette rédaction a soulevé des interrogations chez les commissaires aux lois qui me conduisent à vous proposer cet amendement. Ces trois hypothèses étant en effet exclusives l’une de l’autre, cette rédaction pourrait exclure la mise en œuvre d’une opération combinant plusieurs de ces éléments. Nous devons prévoir la possibilité pour une SEM à opération unique de mettre en œuvre une opération qui nécessite la construction d’équipement puis leur exploitation. La rédaction que je propose permet à une collectivité territoriale de mettre en place une SEM à opération unique pour une opération combinant construction et gestion d’un équipement public.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Cet amendement permet de lever une ambiguïté sur la notion de gestion des services. En précisant que l’objet du contrat pourra inclure la construction des ouvrages ou l’acquisition des biens nécessaires, il sécurise le recours à venir aux SEM à opération unique pour l’exécution de concessions. Le Gouvernement y est totalement favorable.

(L’amendement n10 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel n° 11 de M. le rapporteur Erwann Binet.

(L’amendement n11, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n13 rectifié.

M. André Vallini, secrétaire d’État. Il s’agit là d’un amendement qui tend à préciser que le quantum minimum de parts attribuables aux actionnaires économiques de 15 % s’entend pour les acteurs économiques considérés dans leur ensemble et non de manière individuelle. Cette rédaction me paraît plus claire.

(L’amendement n13 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement n31.

Mme Valérie Rabault. À présent que nous disposons d’une nouvelle structure juridique, cet amendement tend à inscrire dans la loi qu’une partie de la commande publique puisse être réservée aux PME. Rappelons que les États-Unis ont instauré leur small business act y a plus de soixante ans, en 1953, que l’Europe, il y a maintenant six ans, en juin 2008, a également souhaité amorcer l’idée d’un small business act à l’européenne.

Nous devrions profiter de cette création pour faire un pas en direction des PME. On le voit bien lors de la passation de marchés publics, certaines administrations ont procédé à des lots, ce qui permet de plus en plus qu’une partie de la commande publique soit réservée aux PME.

Cet amendement vise à ce que, dans le cadre de la passation des contrats de la SEM à opération unique soit fixée par décret la part de l’exécution de l’opération confiée à des PME, sachant que la définition des PME est fixée par voie réglementaire et aujourd’hui bien connue.

M. Marc Dolez. Excellent !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Je ferai tout d’abord deux remarques. Sur la forme, le dispositif proposé de la SEM à opération unique doit permettre de sélectionner un partenaire pour mettre en place une SEM chargée de l’exécution du contrat. La question de définir les conditions de sous-traitance n’entrent donc pas dans le champ de la présente proposition de loi. Elles continueront à relever du droit commun de la commande publique.

Sur le fond, je vous renvoie aux principes régissant la commande publique qui découlent des règles des traités et institutions de l’Union européenne ainsi qu’aux principes constitutionnels dégagés par le Conseil constitutionnel en matière de commandes publiques : liberté d’accès de la commande publique, égalité de traitement entre les candidats, transparence des procédures. Dans ces conditions, il n’est pas possible de réserver une part d’une commande publique à une catégorie déterminée de personnes en excluant toutes les autres.

Je voudrais néanmoins apporter, ma chère collègue, des éléments de réponse à vos motivations légitimes. La directive européenne du 26 février 2014, qui sera probablement transposée dans le projet de loi de juin…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Rapidement en tout cas !

M. Erwann Binet, rapporteur. …et auquel faisait allusion M. le secrétaire d’État, prévoit de réduire les délais des procédures et de limiter le nombre de justificatifs à fournir par les PME grâce à un document européen unique de marchés publics, très attendu. Autre mesure en faveur des PME, les nouvelles directives permettent de plafonner les exigences des acheteurs en termes de capacité financière minimale des candidats. Le chiffre d’affaires exigible sera désormais limité à deux fois le montant estimé du marché.

Enfin, la généralisation de l’allotissement, qui deviendra la règle au niveau communautaire, rendra les marchés divisés en lots d’autant plus accessibles aux PME.

Ajoutons qu’il est évidemment possible pour plusieurs entreprises, dans le cadre de la SEM à opération unique, de constituer un groupement et de porter la candidature à l’appel d’offres. Les PME ne sont donc pas exclues de la possibilité d’entrer dans l’actionnariat des SEM à opération unique.

Pour ces raisons la commission a rendu un avis défavorable, mais peut-être accepterez-vous de retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Il est hélas le même que celui du rapporteur. Je l’ai dit tout à l’heure en réponse à MM. Dolez et Molac, le droit interne comme le droit communautaire nous contraignent très fortement en ce domaine. L’accès à la commande publique doit être égal pour tous et pour toutes les entreprises.

Le Conseil d’État a d’ailleurs très récemment, dans un arrêt du 2 juillet 2007, censuré une clause qui visait à fixer un nombre minimal de PME admises à présenter une offre dans le cadre de marchés publics.

Je le répète, monsieur Dolez, le droit européen n’est pas seul en cause : le droit interne est aussi sévère que le droit européen en la matière. Nous rêvons tous, madame la rapporteure générale, d’un small business act,…

M. Nicolas Sansu. Eh bien faisons-le !

M. André Vallini, secrétaire d’État. ...et le Gouvernement y travaille puisque, comme l’a dit le rapporteur, qui en sait plus que moi (Sourires), il étudie une loi d’habilitation portant diverses mesures de simplification pour les entreprises, notamment pour les PME. Le code des marchés publics sera réformé, si vous votez ce projet de loi bien sûr, au bénéfice des PME dont l’accès à la commande publique sera facilité.

Je comprends la motivation de votre amendement, madame la rapporteure générale, que nous partageons tous d’ailleurs. Nous avons tous, dans nos départements respectifs, des PME, voire même des TPE, qui voudraient accéder plus facilement, avec moins d’entraves, au marché public. Ce n’est pas possible dans l’état actuel du droit et je vous demanderai à mon tour de retirer votre amendement, madame, car s’il était adopté, il nous serait difficile d’obtenir un vote conforme au Sénat. Le Gouvernement, pour des raisons juridiques et non politiques, est opposé à votre proposition.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la rapporteure générale du budget, je regrette de ne pas pouvoir soutenir cet amendement pour une pure raison de forme. J’ai en effet une seule crainte : que dans le cadre de cette nouvelle SEM à opération unique, l’accès à ces marchés pour les PME et les TPE soit aussi difficile qu’aujourd’hui. Sur ce point, je ne trouve rien à redire à votre amendement. En revanche, le terme de « décret » m’effraie car si l’on se lance dans cette mécanique, nous n’allons pas nous en sortir. Vous avez là un témoignage, monsieur le secrétaire d’État, de la grande confiance que le Parlement porte au pouvoir réglementaire mais après tout, vous avez siégé suffisamment longtemps au Parlement pour vous en être méfié assez souvent vous-même.

S’il fallait trouver le temps d’écrire un décret sur ce sujet, nous ferions exploser tous les plafonds de délais de publication, compte tenu des contraintes que vous avez rappelées et qui existent aussi bien en droit communautaire qu’en droit interne. « Il n’y a qu’à changer la loi » me direz-vous. Vous avez rappelé, madame Rabault, dans votre exposé des motifs, que nous avions commencé à le faire en 2006. Il est évident que ces mesures méritent d’être renforcées, nous sommes tous d’accord, mais le recours au décret tuerait dans l’œuf les excellentes initiatives que vous portez.

Je me permets de vous mettre en garde sur la base de ce seul motif de forme qui m’empêchera de voter cet amendement, même si je suis d’accord pour favoriser l’accès des TPE et des PME aux marchés publics.

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. L’amendement de Mme Rabault est un amendement-clé. Nous devons dire aujourd’hui ce que nous voulons faire pour promouvoir le rôle des PME en matière de marchés publics. Et nous devons le dire pour de bon ! L’argument selon lequel cet amendement serait rejeté par le Sénat n’est à cet égard – je suis navrée de vous le dire, monsieur le secrétaire d’État – pas des plus convaincants !

M. Marc Dolez. C’est certain !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est d’ailleurs devenu une habitude.

Mme Karine Berger. Mme Rabault vous a rappelé la situation américaine : un quart des marchés publics sont verrouillés en faveur des PME. Où en sommes-nous en France ? Où en sommes-nous dans l’Union européenne ? Nulle part. D’ailleurs, pour être tout à fait franche, il souffle sur cette proposition de loi un petit air de renforcement de la capitalisation pour intervenir sur les marchés publics qui ne va pas vraiment dans le sens de la philosophie dont nous nous réclamons tous.

Nous devons avancer très vite. Les PME françaises et celles de l’Union européenne peuvent mourir du fait de ne pas être emportées dans les prochains marchés publics. Nous le savons, des grands groupes se battent aujourd’hui, notamment dans le secteur du bâtiment, pour récupérer de tout petits marchés parce qu’ils n’ont plus de chiffre d’affaires. Il est de notre devoir de défendre la position et le droit des PME à intervenir directement sur les marchés publics.

Si l’amendement doit être corrigé juridiquement, monsieur Poisson, je pense qu’il ne sera pas difficile de trouver les bonnes personnes pour le faire proprement, mais je crois qu’il pose surtout la question de la volonté politique, laquelle doit s’exprimer clairement à l’occasion de cette proposition de loi.

M. Marc Dolez. Tout est dit.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement pose une difficulté car nous sommes tous d’accord sur le fond. L’accès à la commande publique des PME turlupine la grande majorité des commandeurs publics, notamment les collectivités, qui recherchent en général un partenariat plutôt local, en tout cas dans des espaces de développement économique que la collectivité essaie de dynamiser. Je parle à demi-mot de réalités que l’on ne peut évoquer autrement, mais tout le monde aura compris qu’il est extrêmement compliqué, voire très dangereux, de soutenir l’activité et les PME locales au travers de l’instrument de la commande publique. Nous le savons tous et notre rapporteur a d’ailleurs été très clair à ce sujet.

Il n’y a donc pas d’ambiguïté en la matière. C’est vrai, nous nous heurtons toujours à ces risques qui tiennent pour une part à l’assise juridique de la commande publique et pour une autre aux processus réglementaires, qui émanent en particulier de l’Union européenne.

Une directive cependant ouvre des champs dont nous devons impérativement nous saisir pour tirer encore à nous le bout de laine sur ce sujet afin d’assurer le concours le plus large possible à la commande publique des PME. L’objectif des députés de notre groupe est, sur ce point, sans aucune ambiguïté.

En revanche, et c’est là le véritable problème, cet amendement ne saurait s’intégrer au dispositif que nous instaurons, dont l’objectif premier est de permettre la création d’une société à objet unique. Pour créer un réseau de chaleur, par exemple, l’acteur public pourra solliciter un partenariat privé dans des conditions qui ont été rigoureusement précisées au Sénat puis ici même, et le partenaire privé retenu sera associé à l’exécution du service : tel est l’objet du présent dispositif. Dans ce contexte, il est impossible d’envisager que l’exécution du service échappe, dans son fondement premier, à la personne morale – ou, plus exactement, à l’acteur économique, selon la formule rectifiée par la commission des lois – qui entre dans le capital. Le dispositif est en effet conçu pour privilégier avant tout la capacité de l’acteur public à garder la main sur un certain nombre d’opérations qu’il ne peut actuellement suivre ni dans les dispositifs de régie, ni dans les autres instruments, qu’il s’agisse des sociétés publiques locales ou des sociétés d’économie mixte qui existent encore. En effet, il n’est pas pertinent de créer une SPL dans le cas d’un objet unique.

L’intention manifestée dans cet amendement est donc incontestable, et il faut en effet ménager la marge nécessaire sans laquelle nous ne saurions répondre à l’exigence du monde des petites et moyennes entreprises. Cela étant, le principal objet du présent dispositif vise à créer des sociétés d’économie mixte à objet unique. Or, en adoptant un amendement en vertu duquel « une part de l’exécution de l’opération doit être confiée à des petites et moyennes entreprises », on mettrait à mal ce dispositif qui consiste à faire entrer un partenaire privé dans le capital de la société et à accorder à l’acteur public la maîtrise de la réalisation de l’objet unique de la société en question. La demande de nos collègues est donc légitime et nous la partageons, mais elle ne peut être satisfaite par le vecteur proposé.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça sent le retrait…

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Compte tenu des explications fournies par M. le ministre et M. le rapporteur, je retire cet amendement en m’appuyant notamment sur la directive du 26 février 2014 qui ouvre des portes pour les PME en Europe. J’entends parfaitement ce que dit M. Le Bouillonnec : la structure que nous créons vise à permettre aux acteurs publics de reprendre la main sur la commande publique. Cela étant dit, le législateur devrait pouvoir faire en sorte que chaque euro d’argent public investi dans la commande publique puisse être dirigé selon deux objectifs : redonner la main aux acteurs publics d’une part et, de l’autre, soutenir les PME qui, je le rappelle, sont créatrices d’emploi –leurs poids actuel dans la commande publique est moindre que leur poids dans la valeur ajoutée de l’économie nationale et que dans l’emploi. Obtenir un tel rééquilibrage pour chaque euro d’argent public investi semble donc essentiel.

(L’amendement n31 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 20 et 27.

La parole est à M. Ary Chalus, pour soutenir l’amendement n20.

M. Ary Chalus. L’article 1er de la proposition de loi précise qu’une SEM à opération unique peut mettre en œuvre tout type de contrat concessif, qu’il s’agisse des délégations de service public, des concessions de travaux ou encore des concessions d’aménagement.

Or, dans sa rédaction issue de la première lecture au Sénat, cet article évoquait à ses alinéas 17 et 22 les situations de sous-traitance et les contrats secondaires susceptibles d’être mis en concurrence simultanément avec le contrat principal, ou contrat de tête, afin d’optimiser les conditions de mise en place des futures SEM à opération unique. Ces dispositions ne figurent plus dans le texte adopté le 16 avril 2014 par la commission des lois de l’Assemblée nationale.

Il est souhaitable que cette référence, fortement attendue par le monde économique et susceptible de rendre plus fluide la mise en œuvre opérationnelle d’une SEM à opération unique, figure dans le projet de texte législatif. Il est donc proposé de la réintroduire en remplaçant « contrat de sous-traitance » par « contrat d’entreprise ».

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement identique n27.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. À ces arguments, j’ajouterai un élément supplémentaire : le terme de sous-traitance renvoie en effet à une notion juridique bien précise, uniquement invocable dans le cas de marchés publics et qui apparaît insuffisante à couvrir dans son étendue le champ des contrats pouvant concourir à la réalisation du contrat principal devant être exécuté par la SEM à opération unique.

Au contraire, la notion de contrat d’entreprise est reconnue comme une catégorie de contrats de louage d’ouvrage. Elle permettrait donc de couvrir et de sécuriser les éventuels contrats subséquents nécessaires à l’exécution du contrat principal confié à la SEM, et leurs modalités de mise en concurrence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Permettez-moi de prendre un instant pour le présenter, car ce débat reviendra à l’occasion d’amendements ultérieurs, déposés notamment à l’initiative de M. Morel-A-L’Huissier. Ces deux amendements visent à élargir le dispositif au-delà de ce que nous proposons. La procédure aboutirait, au-delà du choix du partenaire, c’est-à-dire de l’actionnaire, et de l’attribution du contrat à la SEM à opération unique, à ce que l’attribution des contrats de sous-traitance se fasse dans les termes et les conditions fixés par les partenaires et les sous-traitants.

Tout d’abord, cette disposition ne serait pas conforme au droit européen : ni l’arrêt Acoset ni l’interprétation de la Commission n’en font état. J’y vois un risque.

Par ailleurs, l’utilisation d’une SEM à opération unique comme structure de tête qui déléguerait l’essentiel de ses opérations à des sous-traitants membres d’un même groupe par des contrats préalablement établis et attribués ne correspond pas au modèle de SEM à opération unique souhaité, car elle viderait de tout contenu une bonne part du contrôle que nous voulons permettre à la personne publique d’exercer.

Pour défendre ces amendements, on m’a dit ces derniers jours que les groupes privés ne seraient pas intéressés si les contrats de sous-traitance ne leur étaient pas automatiquement attribués pour ce qui concerne les prestations secondaires. De deux choses l’une : soit la prestation est essentielle, et cela justifie que la filiale soit cotraitante, soit elle ne l’est pas et, dans ce cas, le contrat de sous-traitance ne constituera pas la principale préoccupation du groupe candidat à la SEM à opération unique.

Au demeurant, la situation, comme je l’ai rappelé, ne semble pas insurmontable pour une société membre d’un groupe qui se porterait candidate : il lui suffirait de se présenter en groupement avec les autres sociétés, qui peuvent d’ailleurs être des PME ou des sociétés du même groupe appelées à intervenir dans l’opération. Elle interviendrait alors comme opérateur économique, et non comme sous-traitant.

Le recours à un tel « super-contrat », sorte de « super-marché bloqué », désavantagerait les PME qui seraient ainsi soumises aux conditions définies par le partenaire retenu sans que la personne publique puisse intervenir à aucun moment.

Au contraire, nous souhaitons que les PME puissent être représentées dans les groupements qui répondent à l’appel à candidatures. L’obligation de recourir aux règles de marchés publics pour que la SEMOP confie des missions à des sous-traitants est déjà précisément encadrée.

Enfin, s’agissant d’utiliser la notion de « contrat d’entreprise », plutôt que celle de « contrat de sous-traitance », je rappelle qu’elle est définie comme suit dans la jurisprudence : « convention par laquelle une personne s’oblige, contre une rémunération, à exécuter pour l’autre partie un travail déterminé sans la représenter et de façon indépendante ». Selon moi, cette formule poserait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait. En effet, il pourrait par exemple être prévu que la location par la SEM de véhicules auprès de telle ou telle entreprise ne puisse pas être remise en cause pendant toute la durée de vie de la SEM, d’où une situation potentiellement difficile à gérer.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Le Gouvernement est sensible à la question soulevée par ces amendements, mais il lui apparaît que la solution proposée serait une source de graves difficultés juridiques. En effet, dans de nombreuses hypothèses, la société d’économie mixte à opération unique ne sera pas soumise au droit de la commande publique dans ses rapports avec ses fournisseurs. Dès lors, elle sera libre du choix de ces derniers. La question de leur mise en concurrence n’est susceptible de se poser que lorsque la société d’économie mixte aura elle-même le statut de pouvoir adjudicateur ou d’entité adjudicatrice, ce qui sera le cas si les besoins d’intérêt général qu’elle vise à satisfaire présentent un caractère autre qu’industriel ou commercial, et si elle fait l’objet d’un contrôle de la part de personnes publiques.

Or, le droit national ne saurait contenir une rédaction manifestement contraire aux directives communautaires en vigueur, comme l’a indiqué M. le rapporteur. Dans ce cas de figure, ces directives imposeraient à la SEM à opération unique de procéder à une publicité et à une mise en concurrence préalable à l’attribution de contrats à ses fournisseurs, et ce d’autant plus que les opérateurs économiques et leurs sous-traitants potentiels ont la possibilité de se présenter sous forme de groupements pour répondre à la consultation initiale. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. J’ai pris bonne note des explications de M. le ministre et de M. le rapporteur, mais je crains tout de même que ne surviennent des contentieux. Cela étant dit, je retire l’amendement.

(L’amendement n27 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus.

M. Ary Chalus. J’ai entendu MM. le ministre et le rapporteur formuler des opinions davantage que des certitudes. Or, en matière juridique, il faut savoir, et non croire. Cela étant dit, pour apaiser le débat, je retire l’amendement.

(L’amendement n20 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 24 et 29, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour les soutenir.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. L’amendement n° 24 permet de sélectionner au moment de l’appel public à la concurrence des opérateurs économiques qui n’ont pas vocation ou n’ont pas les moyens de devenir actionnaire de la SEM à opération unique. Il précise également que les contrats subséquents passés entre la SEM à opération unique et les prestataires sélectionnés ne pourront que concourir à la réalisation de l’objet unique de la SEM.

Cette disposition représente un gain de temps et favorise la sécurité juridique. La collectivité obtient ainsi l’assurance de sélectionner intuitu personae certains prestataires qui ne lui seront pas imposés après la mise en concurrence organisée par la SEM à opération unique. Enfin, cette disposition permet d’assurer la liberté et l’égalité d’accès à la commande publique.

Quant à l’amendement n° 29, il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Ces amendements relèvent de la même logique que les précédents. J’ajoute que la rédaction de l’amendement n° 24 comporte un truisme : « Ces projets de contrats ne peuvent que concourir à la réalisation de l’objet social… ». Cela va de soi : je rappelle qu’il n’est pas possible à une SEM de conclure des contrats ayant un objet autre que les missions définies par son objet social. Compte tenu des arguments que j’ai présentés il y a un instant, la commission émet un avis défavorable à ces deux amendements, et je propose à leur auteur de les retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements et suggère également à M. Morel-A-L’Huissier de les retirer, comme les précédents.

(Les amendements nos 24 et 29 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n18.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à imposer à l’opérateur économique co-contractant les mêmes critères de non-condamnation que ceux qui sont prévus pour les entreprises souhaitant s’engager dans un contrat de partenariat. Seraient notamment exclues les personnes morales condamnées pour certaines infractions au code du travail ou à la peine d’exclusion des marchés publics, ainsi que les entreprises en liquidation ou en redressement judiciaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Cette précision est inutile car, comme nous l’avons répété à plusieurs reprises, la SEMOP n’est pas un contrat de partenariat. Il n’est donc pas pertinent de procéder à un tel amalgame. Le droit commun s’applique : en l’espèce, il s’agit de l’article 43 du code des marchés publics qui dispose que « les interdictions de soumissionner aux marchés et accords-cadres s’appliquent conformément aux dispositions de l’article 38 de l’ordonnance de 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ». Je propose donc le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Pour les mêmes raisons, je suggère à M. Molac de retirer cet amendement qui est déjà satisfait.

(L’amendement n18 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 19 et 12, deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Ary Chalus, pour soutenir l’amendement n19.

M. Ary Chalus. Cet amendement vise à lever une ambiguïté sur la composition du capital d’une SEM à opération unique, induite par le recours systématique au pluriel aux alinéas 20, 24, 25 et 26 de l’article 1er.

Par dérogation expresse au code de commerce, cette société admet au moins deux actionnaires dont l’un est une collectivité territoriale ou un groupe de collectivités territoriales et l’autre un « actionnaire opérateur économique ». Or dans le droit-fil de la communication interprétative de la Commission européenne du 5 février 2008, cet actionnaire opérateur économique est unique et doit contribuer à l’exercice de ses missions opérationnelles par la future SEM à opération unique.

Pour ces raisons, il convient de faire disparaître du texte toute référence à une éventuelle pluralité d’actionnaires opérateurs économiques. Celui-ci doit rester unique, au risque d’altérer et de menacer l’équilibre et la sécurité juridique de ce dispositif.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n12, deuxième rectification, et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 19.

M. Erwann Binet, rapporteur. Les deux amendements vont dans le même sens.

Il s’agit de clarifier les incertitudes demeurant à la lecture sur le nombre d’opérateurs économiques pouvant être présents aux côtés de la collectivité au sein de la SEM à opération unique.

La pluralité d’opérateurs économiques a été envisagée par la communication interprétative de la Commission européenne de 2008. Or aucune règle de passation d’un contrat de la commande publique, que ce soit en droit communautaire ou au niveau national, ne prévoit la possibilité pour une collectivité d’attribuer le marché à plusieurs opérateurs économiques. Ils ne pourront le faire que dans le cadre d’un groupement.

À l’issue de la procédure de sélection, chaque membre du groupement pourra disposer de sa propre part du capital de la SEM à opération unique.

L’amendement n° 19 me semble donc satisfait par celui que je propose, et je souhaiterais donc, monsieur Chalus, que vous retiriez votre amendement, au profit de l’amendement n° 12, deuxième rectification, qui procède à ces adaptations.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Le Gouvernement perçoit tout l’intérêt de ces deux amendements, en vue de préciser qu’un seul candidat ne peut être sélectionné lors de la constitution de la SEM à opération unique.

En effet, aucune règle de passation d’un contrat de la commande publique, que ce soit en droit communautaire ou en droit national, ne prévoit la possibilité de passer un tel contrat avec plusieurs opérateurs économiques agissant de manière séparée.

En outre, les directives communautaires et notre droit interne de la commande publique consacrent le principe de la liberté de groupement. Les entreprises peuvent ainsi se grouper au sein d’une structure dotée de la personnalité morale – association, société commerciale, groupement d’intérêt économique – ou recourir à des formes de groupements dépourvus de personnalités morales.

Le groupement momentané d’entreprises, prévu notamment à l’article 51 du code des marchés publics, qui relève de cette dernière catégorie, constitue la forme de groupement la plus courante. Le groupement momentané d’entreprises n’est pas contractant du pouvoir adjudicateur en l’absence de personnalités morales. Dès lors, l’ensemble de ses membres ont vocation à être les futurs actionnaires privés de la SEM à opération unique et à se répartir le capital entre eux, à hauteur, par exemple, des prestations effectuées par chacun d’entre eux.

Bien souvent, ces groupements sont constitués de petites et moyennes entreprises qui leur permettent de conjuguer leurs moyens humains, matériels et financiers, pour présenter une offre économiquement avantageuse. Les priver de cette possibilité favoriserait la candidature de grands groupes ou d’entreprises plus importantes, au détriment des PME. La communication interprétative de la Commission européenne, que l’on a beaucoup évoquée ce soir, prévoit d’ailleurs explicitement cette hypothèse.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à l’amendement de M. Binet, tel qu’il vient de le rectifier.

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus.

M. Ary Chalus. Je retire l’amendement n° 19.

(L’amendement n19 est retiré.)

(L’amendement n12, deuxième rectification, est adopté, et l’amendement n8 tombe.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Article 1er bis

(L’article 1er bis est adopté.)

Après l’article 1er bis

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n° 14, portant article additionnel après l’article 1er bis.

La parole est à M. le secrétaire d’État, pour le soutenir.

M. André Vallini, secrétaire d’État. L’objet de cet amendement est de prévoir, à l’instar de l’obligation existante pour les délégations de service public à une société publique locale, l’intervention de l’organe délibérant de la collectivité pour se prononcer sur le principe même du recours à la société d’économie mixte à opération unique. Il apparaît en effet nécessaire que l’assemblée délibérante de la collectivité ou du groupement de collectivités se prononce sur la pertinence du recours à cet instrument.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Favorable.

(L’amendement n14 est adopté.)

Articles 2 à 13

M. le président. La commission a maintenu la suppression des articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13.

Article 14

(L’article 14 est adopté.)

Article 15

M. le président. La commission a maintenu la suppression de l’article 15.

Mes chers collègues, nous avons terminé l’examen des articles de la proposition de loi.

Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte, j’indique à l’Assemblée que la commission en a ainsi rédigé le titre : « Proposition de loi permettant la création de sociétés d’économie mixte à opération unique ».

Explications de vote

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’état, chers collègues, compte tenu du travail fait en commission des lois et des débats que nous avons eus en séance publique, les membres du groupe UMP voteront ce texte.

Cela dit, je reviens à l’amendement n° 31, dont nous avons discuté tout à l’heure, à propos de l’accès des TPE et des PME aux marchés publics.

Nous sommes, ici, tous sensibles au fait que cet accès soit facilité. J’ai émis des réserves sur la formulation de l’amendement, mais j’aurais pu ajouter que le fait de « devoir » réserver une partie des marchés aux TPE était problématique. Il serait préférable de laisser la faculté aux opérateurs des SEM à opération unique de recourir à une proportion de PME pour ce genre d’opération.

J’ai bien entendu, monsieur le secrétaire d’état, l’engagement du Gouvernement, c’est-à-dire que vous viendriez devant le Parlement avec un texte chargé de simplifier un certain nombre de procédures. En l’espèce, il ne me semble guère possible d’agir autrement que par la loi. Peut-être conviendrait-il donc d’inclure dans ce futur texte des dispositions législatives pour régler les questions que nous avons évoquées tout à l’heure.

Quoi qu’il en soit, je le répète, le groupe UMP votera ce texte.

M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Hugues Fourage. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la création d’une SEM à opération unique est une très bonne chose pour les collectivités locales.

J’insisterai sur plusieurs points.

Ce texte marque d’abord le retour des élus à un pouvoir de direction et de gestion d’opérations d’aménagements, de logements etc. Il est très attendu, car on observe des dérives dans le cadre des délégations de service public. En effet, les rapports que font, chaque année, les délégataires sont de pure forme, et les élus n’exercent pas un contrôle véritable.

Il me semble donc très important que, dans les SEM à opération unique, la présidence soit assurée par un élu, qui aura, de ce fait, un véritable pouvoir d’inflexion et de direction. C’est un élément qu’il faut absolument retenir.

S’agissant de l’amendement n° 31, nous sommes tous d’accord : il faut que les PME aient accès aux marchés publics. Je rappelle un point très important, que le rapporteur a d’ailleurs souligné comme étant la volonté de la commission : il faut faire en sorte que les règles des marchés publics soient applicables aux SEM à opération unique.

Dans la transposition de la directive ou dans la modification des règles des marchés publics, nous pourrons revenir à cette possibilité de réserver une partie des marchés aux PME. C’est dans ce cadre qu’il faut le faire, et c’est pour cette raison que nous avons voulu que ce soit les règles de dévolution de droit commun. Il fallait garder en tête la notion de simplification.

Bien entendu, le groupe SRC votera cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Ary Chalus. Concernant les PME, je souscris aux interventions des deux orateurs précédents.

Personnellement, je ne suis pas très favorable aux SEM en général, car je sais ce qu’elles ont eu pour conséquences notamment dans la commune que j’administre aujourd’hui. J’estime, en revanche, que les SEM à opération unique sont une très bonne chose. Aujourd’hui, beaucoup n’utilisent pas encore le PPP par peur de ce qu’il peut apporter. Les SEM à opération unique permettront peut-être d’ouvrir le champ à certaines réalisations dans l’hexagone et surtout dans l’outre-mer.

Par conséquent, le groupe RRDP votera cette proposition de loi.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. André Vallini, secrétaire d’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je me réjouis de ce quasi-consensus sur cette proposition de loi, qui va permettre aux collectivités territoriales de faire encore mieux leur travail. Cet après-midi, j’ai commencé par un peu d’humour en disant, à propos de la future réforme territoriale, que le consensus d’aujourd’hui augurait peut-être de celui qu’il y aurait à ce moment-là ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est vrai que c’était très drôle, monsieur le secrétaire d’État !

M. André Vallini, secrétaire d’État. J’ai tout de suite été freiné dans mon enthousiasme de ce côté de l’hémicycle ! (Sourires.)

Cela étant, je tiens à dire – M. Poisson m’y a d’ailleurs incité tout à l’heure – que, ce soir, nous venons de créer, dans un parfait consensus entre M. Binet et M. Poisson, une nouvelle forme de mariage entre le secteur privé et la sphère publique ! (Sourires.)

M. Hugues Fourage. Excellent !

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 13 mai, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron