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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 11 juin 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Collectif budgétaire

M. Hervé Mariton

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Commémoration d’Oradour-sur-Glane

M. Daniel Boisserie

M. Kader Arif, secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire

Pacte de responsabilité

M. Meyer Habib

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Collectif budgétaire

Mme Eva Sas

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Cohérence de la politique économique

M. Yves Foulon

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Protection de la biodiversité

M. Jean-Paul Chanteguet

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Moyens de la justice

Mme Laurence Arribagé

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Filière de la canne à sucre

M. Alfred Marie-Jeanne

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

Métropole Aix Marseille Provence

M. Guy Teissier

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Réforme ferroviaire

M. Florent Boudié

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Naturalisation des vétérans de la Seconde guerre mondiale

M. Alain Tourret

M. Kader Arif, secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire

Gel des seuils sociaux

M. Guillaume Chevrollier

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social

Réforme pénale

Mme Elisabeth Pochon

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Chambres de commerce et d’industrie

M. Jean-Pierre Door

Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Financement participatif

Mme Marie-Hélène Fabre

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

2. Impact de la réduction progressive du temps de travail

Explications de vote

M. Thierry Benoit

M. Gérard Cherpion

Mme Véronique Massonneau

Mme Gilda Hobert

M. Jean-Jacques Candelier

Mme Barbara Romagnan

Vote sur la demande de création de la commission d’enquête

Suspension et reprise de la séance

3. Débat sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique

Table ronde

M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables

M. Loïc Heuzé, coprésident du comité "efficacité énergétique" du MEDEF, président du groupe de travail "efficacité énergétique" de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication, directeur des relations extérieures du groupe Deltadore

M. Denis Baupin

M. Loïc Heuzé, coprésident du comité "efficacité énergétique" du MEDEF

M. Raphaël Claustre, directeur du CLER, Réseau pour la transition énergétique

M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables

M. Frédéric Reiss

M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables

M. François Brottes

M. Loïc Heuzé, coprésident du comité "efficacité énergétique" du MEDEF

M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables

M. Raphaël Claustre, directeur du CLER

M. Yannick Favennec

M. Loïc Heuzé, coprésident du comité "efficacité énergétique" du MEDEF

M. Bernard Accoyer

M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables

M. Raphaël Claustre, directeur du CLER

M. François de Rugy

M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables

M. Loïc Heuzé, coprésident du comité "efficacité énergétique" du MEDEF

M. Raphaël Claustre, directeur du CLER

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Collectif budgétaire

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Monsieur le Premier ministre, le collectif budgétaire que vous avez présenté ce matin est un moment de vérité. Votre politique économique, votre politique budgétaire sont en échec. Le Haut conseil des finances publiques, dans son avis du 5 juin, a souligné, et chacun s’en est rendu compte, que la croissance n’est pas là. Il a souligné aussi combien le solde des finances publiques était dégradé, avec une aggravation du déficit de 1,5 milliard.

Alors, comment redresser la situation, monsieur le Premier ministre ?

M. Jean Glavany. La campagne pour l’UMP, ce n’est pas ici !

M. Hervé Mariton. Vous proposez un pacte de responsabilité qui comporte une première dimension, à laquelle nous aurions pu nous rallier, en faveur de la compétitivité des entreprises.

Ça, ce sont les slogans, ce sont les mots. Il faut ensuite regarder la réalité : dans le projet de loi de finances rectificative, la seule disposition fiscale qui concerne les entreprises, c’est le prolongement de l’augmentation exceptionnelle de l’impôt sur les sociétés. Chacun a bien entendu : on parle aux Français et aux entreprises de baisse des impôts, et la réalité c’est qu’on prolonge une majoration supposément exceptionnelle !

Par ailleurs, monsieur le Premier ministre, rien dans le collectif budgétaire sur les mesures fiscales que vous avez annoncées à moyen terme dans le cadre du pacte de responsabilité.

Rien ne vous empêchait d’inscrire dès ce collectif les mesures que vous prétendez prendre à moyen ou long terme. Simplement, elles n’y sont pas : comment voulez-vous alors que les entreprises vous fassent confiance ?

Et puis il y a le matraquage fiscal de nos concitoyens. Vous prévoyez une mesure pour alléger l’impôt des classes moyennes, mais elle va concerner les Français dont les revenus sont inférieurs à 1 200 euros. C’est une curieuse vision des classes moyennes. Allez-vous, monsieur le Premier ministre, adopter l’amendement déposé par l’UMP, qui vise à réduire les impôts des Français dont les revenus sont inférieurs à 3 000 euros ? Cela, ce serait une vraie mesure pour les classes moyennes. (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le député Mariton, comme vous le savez – et vous êtes mieux placé que beaucoup d’autres pour le savoir –, le déficit de l’État diminue. Il diminue année après année. Si nous partions de là où vous l’avez laissé, vous verriez le chemin parcouru… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

…parcouru avec détermination, parfois avec difficulté, parce qu’il faut parfois prendre des décisions qui sont difficiles et courageuses.



Dans le pacte de responsabilité, il y a la volonté ferme, farouche, de continuer à diminuer les déficits, parce que cela veut dire stabiliser et diminuer la dette de la France.



M. Patrick Devedjian. Elle augmente !

M. Michel Sapin, ministre. La dette est beaucoup trop élevée. Vous l’avez fait exploser, vous le savez bien. Nous la stabilisons et nous allons la faire diminuer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Et le chômage ?

M. Michel Sapin, ministre. Dans le pacte de responsabilité, comme vous l’avez vous-même souligné, monsieur Mariton, il y a des mesures en faveur de la compétitivité des entreprises. Ces mesures, vous êtes le mieux placé pour le savoir, elles se jugent en regardant deux textes. L’un est la loi de finances rectificative : elle a été adoptée ce matin en Conseil des ministres ;

M. Hervé Mariton. Il n’y a rien dedans !

M. Michel Sapin, ministre. L’autre est la loi de financement de la sécurité sociale, qui comportera l’ensemble des baisses de cotisations. C’est normal : les cotisations vont aux régimes de sécurité sociale, leur baisse est dans la loi de financement de la sécurité sociale.

Le Gouvernement affiche sa détermination sur trois ans, 2015, 2016, 2017, pour qu’il y ait de la visibilité, pour que les entreprises sachent où elles vont et qu’elles sachent exactement quelles sont les dispositions qui vont leur permettre d’investir et d’embaucher. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour 2014 mais aussi pour l’année 2015, en cumulant les deux textes, loi de finances rectificative et loi de financement de la sécurité sociale, nous allons afficher dès maintenant les mesures en faveur des entreprises. Nous sommes déterminés.

M. Hervé Mariton. Prenez notre amendement !

M. Michel Sapin, ministre. Nous voulons la compétitivité des entreprises, la diminution des déficits et le financement de l’ensemble par des économies, parce que les augmentations d’impôts, comme vous avez pu le faire, c’est fini. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Commémoration d’Oradour-sur-Glane

M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Daniel Boisserie. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, la semaine dernière, la France et ses amis célébraient le débarquement du 6 juin 1944. Quelques jours après cet événement, une tragédie survenait dans ma circonscription. À Oradour-sur-Glane, 642 civils – hommes, femmes et enfants – étaient atrocement massacrés par les nazis.

Le destin a voulu que quelques personnes survivent. Il a permis à ces miraculés de raconter et de témoigner. C’est grâce à eux, à toutes ces familles meurtries, que nous nous souvenons.

La guerre n’est que l’étape ultime de la haine qui chemine souvent longuement, très longuement. Elle commence insidieusement par des boutades lâchées négligemment, avec l’espoir qu’elles fermentent et qu’elles trouvent des échos dans les âmes les plus noires mais, aussi, les plus fragiles.

Oradour laisse une trace indélébile dans notre histoire. Oradour laisse une trace qui, pour toujours, marque la République dans sa chair et dans son sang. Personne ne doit jamais l’oublier. À côté des ruines se trouve le Centre de la mémoire, qui explique à tous ce long cheminement de la haine.

Merci, monsieur le Premier ministre, vous qui, en présence de Kader Arif, avez rappelé avec force hier, devant le tombeau des martyrs, que les idéologies de haine et de mort n’étaient jamais totalement vaincues.

« Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde. » C’est un Allemand, Bertolt Brecht, qui l’a écrit.

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, soixante-dix ans après, la France et, désormais, l’Europe pleurent sur Oradour. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. le Secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire.

M. Kader Arif, secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Daniel Boisserie, depuis maintenant deux ans, je découvre et redécouvre l’histoire de notre pays,…

M. Philippe Meunier. Mieux vaut tard que jamais !

M. Kader Arif, secrétaire d’État. …mais, parfois, le temps s’arrête, il s’arrête devant l’horreur que vous venez d’évoquer. C’est ce que je ressens chaque fois que je me rends à Oradour-sur-Glane.

J’ai accompagné hier le Premier ministre, qui s’est exprimé avec force. Vendredi, nous étions en Normandie pour rendre hommage à ces hommes et à ces femmes qui ont sacrifié leur jeunesse pour nous libérer du joug nazi. Mais quel contraste !

Alors que les soldats alliés marchaient vers l’est, libérant nos villes une par une, sentant au plus profond d’eux-mêmes que les nuages pesant sur la France depuis 1940 pourraient bientôt se dissiper, d’autres remontaient vers le nord, animés par une macabre soif de vengeance qui les conduira aux pires atrocités. Oradour-sur-Glane était sur le chemin de la vengeance et de la mort.

Ce 10 juin 1944, Oradour-sur-Glane s’enfonce dans les ténèbres, emportant avec elle une partie de l’âme de la France. C’est l’incompréhension face à la barbarie portée au-delà de l’imaginable, au-delà de l’humain. C’est le désarroi, car aucune réponse rationnelle ne peut faire front face à la folie. C’est la perte à jamais de l’insouciance : on ne revient pas indemne d’un passage sur ces terres, dont le sol encore brûlant consume nos cœurs et nos esprits.

Notre présence, hier, montre que rien n’est oublié. Réunis dans la préservation de cette mémoire commune, nous rendons hommage aux morts, nous les pleurons comme s’ils étaient tous nos fils, nos filles, nos frères, nos pères. Ensemble, nous luttons aussi pour qu’un tel drame ne se reproduise jamais.

Écraser les graines, si insignifiantes soient-elles, d’où germerait une telle barbarie, demande une extraordinaire énergie. Menons tous ce combat pour l’humanité et pour la vie ! (Applaudissements sur tous les bancs).

Pacte de responsabilité

M. le président. La parole est à M. Meyer Habib, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Meyer Habib. Monsieur le Président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le 31 décembre, il y a plus de six mois, le Président de la République annonçait le pacte de responsabilité, arme ultime pour tenter de redresser l’économie en perdition de notre pays, aveu patent du Président de la République qui reconnaissait un an et demi d’erreurs et d’errements dans la lutte contre le chômage et pour le redressement de la France, prise de conscience – enfin ! – qu’on ne relance pas la croissance sans les entreprises et, encore moins, contre elles.

Ce pacte de responsabilité, c’est un petit pas fait à l’égard des entreprises, un petit pas en avant, certes, mais à mon sens trop timide et insuffisant pour la compétitivité, pour l’emploi, pour la France. Insuffisant, même si je n’aurai pas la dent aussi dure que la nouvelle conseillère du Président de la République, qui le décrivait comme un « énième coup de rabot » et un « non-choix ».

Winston Churchill disait des patrons que si « certains les considèrent comme un loup à abattre, d’autres comme une vache à traire, peu, en revanche, les voient comme le cheval qui tire la charrette ».

Alors, monsieur le Premier ministre, loup à abattre, vache à traire ou bête de somme ? Votre Gouvernement semble avoir opté, timidement, pour le cheval. Mais dans votre majorité, au sein même du PS, combien continuent à vouloir charger toujours davantage la charrette ? Pour ce petit pas en avant, combien de grands pas en arrière voudraient-ils faire ?

Monsieur le Premier ministre, six mois plus tard – six mois de perdus –, vous soumettez enfin votre pacte de responsabilité au vote. Aurez-vous le courage d’assumer un pacte de responsabilité ambitieux, à la hauteur du sursaut économique et social dont la France a un besoin vital, ou céderez-vous devant la fronde de vos amis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Ce matin, c’était en quelque sorte l’acte I de la mise en œuvre du pacte de responsabilité. Il a été annoncé voilà quelques mois par le Président de la République parce qu’il lui revenait de le présenter dans sa cohérence d’ensemble aux Français et de décrire à ces derniers cette nouvelle étape, qui n’est pas contradictoire avec celles qui ont été franchies précédemment mais qui constitue un approfondissement et une accélération de la politique que nous avons menée.

Comme il l’a fait dans sa déclaration de politique générale, il revenait au Premier ministre de présenter la cohérence globale de son action et, pour reprendre vos termes, d’assumer totalement la cohérence du pacte de responsabilité.

Il vous est revenu à vous, parlementaires, de voter sur ce pacte de responsabilité au travers du programme de stabilité, et une majorité s’est clairement exprimée dans cet hémicycle pour qu’il soit appliqué.

Oui, c’était donc ce matin l’acte I, avec la présentation de la loi de finances rectificative. La semaine prochaine se déroulera l’Acte II avec celle de la loi de financement de la Sécurité sociale et, d’ici la fin de l’année, pour 2015 et au-delà, nous devrons agir et témoigner de notre détermination pour que les entreprises de France comprennent bien quelles sont les dispositions leur permettant de prendre des décisions – qui peuvent d’ailleurs être prises dès maintenant – en termes d’investissements et d’embauches.

C’est cela, le pacte de responsabilité ! Oui, il faut s’appuyer sur les entreprises pour investir, embaucher et redonner du pouvoir d’achat aux foyers les plus modestes afin de « doper » la consommation. C’est cet équilibre-là qui fait la cohérence du pacte de responsabilité.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ben voyons !

M. Michel Sapin, ministre. Merci, monsieur le député, pour la modération dont vous avez fait preuve en posant votre question. Nous débattons ici de notre politique économique. Évidemment, le Gouvernement discute avec sa majorité, et c’est normal, mais nous discutons aussi avec tous les groupes, le vôtre, comme les autres, parce qu’il y va de l’intérêt de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Collectif budgétaire

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste.

Mme Eva Sas. Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, le collectif budgétaire présenté ce matin s’inscrit malheureusement dans la continuité de la politique menée depuis 2012 avec deux priorités : la réduction des déficits et les allégements de cotisation pour les entreprises.

Certes, nous constatons une inflexion en faveur des ménages aux revenus modestes et des artisans. Mais ce n’est pas d’une inflexion dont nous avons besoin : c’est d’une réorientation.

Car notre responsabilité, c’est de répondre au sentiment d’injustice des Français et de rééquilibrer les mesures entre ménages et entreprises. On demande en effet toujours plus d’efforts aux ménages, alors qu’on accorde, sans conditions ni contreparties, toujours plus d’aides aux entreprises. Ce sont ainsi plus de 2 milliards d’euros que nous verserons en 2015 à la grande distribution au titre du crédit d’impôt compétitivité emploi.

Notre responsabilité, c’est aussi de protéger les plus fragiles et les plus précaires d’entre nous. Comment comprendre, alors, que l’on aille chercher 200 millions d’euros d’économies dans les pensions d’invalidité et les rentes d’accidents du travail, chez ceux que la vie n’a déjà pas épargnés ? Comment comprendre la remise en cause du régime des intermittents, sur lequel repose pourtant toute une économie culturelle déjà si fragile ?

Notre responsabilité, enfin, c’est de redonner espoir aux Français. Les chemins de sortie de crise existent, mais ils nécessitent d’investir. L’Union européenne a estimé que nous pouvions créer 1,2 million d’emplois en investissant dans la transition énergétique. Or que constate-t-on dans votre collectif budgétaire ? Au lieu d’investir dans l’avenir, vous retirez 250 millions d’euros au budget de l’écologie pour les transférer au budget de la défense ! Comment les écologistes doivent-ils comprendre ce signal ?

Dès lors, ma question sera simple : êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à laisser toute sa place au débat parlementaire, pour rééquilibrer ce budget en faveur des ménages, en faveur de l’investissement, et en faveur de l’écologie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Madame la députée, je viens déjà de répondre à deux questions sur le pacte de responsabilité, et il est bien normal que je réponde aussi à la vôtre. Ce pacte présente de la cohérence et de la constance. L’une et l’autre peuvent être discutées, et même disputées, mais je crois qu’aucune politique économique ne peut aboutir si elle ne s’inscrit dans la cohérence et la constance.

Les entreprises, comme les ménages, ont besoin de voir loin pour prendre des décisions aujourd’hui. Oui, notre pacte de responsabilité témoigne de notre constance. Inspiré qu’il a été par ce très beau rapport sur la compétitivité de la France, le CICE, que les entreprises sont en train de percevoir, soutient la compétitivité. Et nous allons continuer dans ce sens, parce que l’investissement dont vous parlez commence aussi et d’abord dans les entreprises de France, qui ont besoin de cet investissement.

Est-ce que, pour autant, notre pacte de responsabilité ne concerne que les entreprises ? Non ! Je viens d’y faire allusion : nous avons souhaité – c’est l’équilibre de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale – que les foyers les plus modestes bénéficient aussi de ce pacte de responsabilité et de solidarité. L’une des mesures que nous proposons va permettre à plus de 1,2 million de foyers qui payaient l’impôt sur le revenu au cours des dernières années d’en sortir, et elle évitera à d’autres d’y entrer. Vous savez l’importance d’une telle mesure pour les plus modestes des Français.

Nous proposerons aussi, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui sera examiné la semaine prochaine, de baisser les cotisations des salariés les plus modestes, gagnant jusqu’à 1,3 SMIC. Cela aussi, c’est du pouvoir d’achat pour les ménages !

M. Jean-Pierre Barbier. C’est du baratin !

M. Michel Sapin, ministre. À l’intérieur de ce cadre cohérent, nous aurons à débattre et à discuter. Le Gouvernement est évidemment ouvert à la discussion et au dialogue – c’est le principe même d’un débat parlementaire –, y compris sur les sujets qui touchent à l’écologie. Oui, nous examinerons toutes les propositions, mais sans jamais manquer à la cohérence, qui est la marque de fabrique de la politique du Gouvernement.

Cohérence de la politique économique

M. le président. La parole est à M. Yves Foulon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Foulon. Monsieur le Premier ministre, qui a dit, en parlant de la politique économique menée par votre gouvernement : « Arrêtons le massacre ! » ? Ce n’est pas un membre de l’opposition, mais Mme Laurence Boone, que François Hollande vient de nommer conseillère économique et financière à l’Elysée ! Décidément, l’exécutif n’est pas à une contradiction, ni à une incohérence près.

Il y a quelques jours à peine, cette économiste de bon sens dénonçait « l’absence totale de politique économique, qui va conduire la France, dans trois ans, à mettre droite et gauche classiques au troisième rang derrière le FN. » Elle déplorait également que votre programme « ne vise ni à soutenir la demande à court terme, ni à élever le potentiel de croissance à long terme ».

S’agirait-il, monsieur le Premier ministre, d’un désaveu du Président de la République à l’égard de votre gouvernement ? Alors que notre commission des finances va bientôt examiner le projet de loi de finances rectificative pour 2014, comment interpréter la nomination de cette économiste de qualité, qui considère votre plan d’économies de 50 milliards d’euros comme un « énième coup de rabot, synonyme de non-choix » ?

Monsieur le Premier ministre, votre politique économique est incohérente. En tant que membres de l’opposition, nous vous le disons régulièrement, car c’est notre rôle. Mais vos amis le disent aussi : il n’y a qu’à voir les différentes frondes menées par les députés de votre majorité.

M. Marc Le Fur. Ils regardent leurs chaussures, à gauche !

M. Yves Foulon. Alors, au lieu de vous entêter, pourquoi ne pas écouter le président de la commission des finances, Gilles Carrez ? Vous, vous voulez concentrer les réductions d’impôt sur le bas du barème. Nous pensons que vous avez tort et nous proposons, pour notre part, l’instauration d’une franchise d’impôt de 130 à 150 euros pour tous les contribuables dont le revenu imposable est inférieur à 40 000 euros par an. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le député, le Gouvernement n’a pas à commenter les choix du Président de la République s’agissant de ses collaborateurs. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Quelle défense !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais si j’osais, je vous dirais qu’il fait preuve d’un grand courage en choisissant des gens compétents, alors même qu’ils ont pu tenir des propos nuancés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Lellouche. Quel enthousiasme !

M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je voudrais revenir sur la fin de votre question, relative au bas du barème. Pourquoi, monsieur le député, ce gouvernement a-t-il été conduit à mettre en place, dès à présent, une mesure concernant le bas du barème et les contribuables les plus modestes ? C’est parce qu’un certain nombre de mesures prises par votre majorité avaient fait entrer dans l’impôt sur le revenu un nombre trop important de contribuables, avec les effets induits que cela suppose. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

En complément de ce qui a déjà été fait en loi de finances initiale, ce gouvernement entend donc faire sortir les plus modestes de l’impôt sur le revenu.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Assez !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si j’ai bien compris ce que vous proposez, il s’agirait de prendre aux plus modestes, c’est-à-dire à ceux qui bénéficient du revenu de solidarité active…

Mme Marie-Jo Zimmermann. Mais non !

M. Yves Fromion. N’importe quoi !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …pour financer une mesure consistant à distribuer une centaine d’euros à 80 % des contribuables. Ce gouvernement a une autre idée de la justice fiscale ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il entend prendre en compte les contribuables les plus modestes pour mettre en œuvre ce que dispose notre constitution, à savoir que l’impôt doit être fixé en tenant compte de la capacité contributive de chacun.

M. Yves Fromion. Vous êtes un charlatan !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est ce que proposera le Gouvernement dès la loi de finances rectificative. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Protection de la biodiversité

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Paul Chanteguet. Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, la France n’échappe pas aux menaces qui pèsent sur la biodiversité. Le patrimoine naturel de notre pays, particulièrement riche, notamment en outre-mer, subit comme dans le reste du monde des dégradations qui affectent de manière sensible les espèces animales et végétales. Plus d’un tiers de nos concitoyens ressentent d’ailleurs que l’érosion de la biodiversité, liée aux modes de production, a déjà un impact sur leur quotidien.

Notre pays s’est engagé sur la scène internationale en ratifiant la convention sur la diversité biologique, entrée en vigueur en décembre 1993, et en signant en septembre 2011 le protocole de Nagoya, qui définit les modalités d’accès et de partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles qui y sont associées.

Dans la continuité de cet engagement, le Président de la République, François Hollande, s’est mobilisé, lors de la première conférence environnementale en septembre 2012, en faveur d’une loi relative à la biodiversité et de la création d’une agence spécifique.

Madame la ministre, le projet de loi que vous présentez – le premier depuis la loi fondatrice de juillet 1976 relative à la protection de la nature – doit donc nous permettre de traduire en décisions et en actes la protection et la restauration de la biodiversité. Il s’agit d’inventer une gouvernance adaptée, de mettre en place l’Agence de la biodiversité, de définir un cadre juridique clair pour la recherche et le développement sur les ressources génétiques, de doter les acteurs publics et privés de nouveaux outils, enfin d’utiliser le paysage comme élément constitutif de cette nouvelle politique.

Madame la ministre, vous avez annoncé hier, lors de votre audition par la commission du développement durable, qu’une équipe de préfigurateurs de l’agence sera mise en place avant l’examen, à partir du 25 juin, du projet de loi. Elle sera la bienvenue, alors que les attentes sont très fortes et que de nombreuses incertitudes demeurent. Pouvez-vous, madame la ministre, préciser les ambitions que vous fixez à ce texte et les moyens que l’État consacrera à sa mise en œuvre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. Charles de La Verpillière. Ah ! On va tout savoir !

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. En effet, monsieur le député Jean-Paul Chanteguet, ce projet de loi vise à faire de la France une nation exemplaire dans le domaine de la protection de la biodiversité. Il a été très attentivement et excellemment préparé par Philippe Martin, qui l’avait présenté au conseil des ministres en mars dernier. Ce texte comporte trois dispositions essentielles.

Tout d’abord, il introduit le principe de solidarité écologique. Nous devons reconnaître les interactions réciproques entre nos écosystèmes. Toutes nos activités bénéficient de la biodiversité, dont nous avons un besoin vital, que ce soit dans l’agriculture, pour la propreté des sols, l’air, l’eau, la pollinisation nécessaire à de nombreux fruits et légumes, ou encore les médicaments.

Ensuite, pour piloter ce dispositif, une Agence française pour la biodiversité sera créée, avec une instance de débat entre toutes les parties prenantes et une instance d’expertise scientifique, qui s’appuiera sur le muséum national d’histoire naturelle.

Enfin, ce texte modernise la protection des espaces naturels, instaure un mécanisme de partage équitable des avantages tirés de la biodiversité et renforce la lutte contre le trafic des espèces protégées. Il crée, surtout, un cadre adapté à la protection des activités dans le milieu marin, puisque la France dispose du deuxième domaine maritime mondial, que ce soit dans l’hexagone ou dans les outre-mers, qui sont extrêmement riches en biodiversité. Telle est l’ambition de ce projet de loi.

Pour conclure, je souhaite vous lire un extrait du message de soutien que vient de nous adresser Hubert Reeves : « Le vote de la loi est attendu comme une preuve que l’intelligence humaine n’est pas un cadeau empoisonné. » Il termine son message en citant cette phrase tellement symbolique et tellement forte : « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve. » Faisons croître ce qui sauve ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Moyens de la justice

M. le président. La parole est à Mme Laurence Arribagé, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Laurence Arribagé. Ma question s’adresse au Premier ministre. Mais permettez-moi, tout d’abord, de saluer les habitants de Haute-Garonne qui m’ont témoigné leur confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ces mêmes habitants, et plus largement nos concitoyens, ont récemment assisté à des aberrations de la part d’une justice à l’évidence en surchauffe, et de plus en plus dépourvue de moyens alors même que la délinquance est en hausse.

En effet, le 5 février 2014, parce qu’il n’y avait pas d’encre dans un télécopieur au parquet de Bobigny, un homme soupçonné du lynchage de Claudy Elisor a été remis en liberté provisoire.

M. Marc Le Fur. Eh oui !

Mme Laurence Arribagé. Le 27 février 2014, parce qu’un numéro de télécopieur était erroné à Metz, une femme soupçonnée d’avoir livré sa fille à un pédophile a été libérée.

Le 3 juin dernier, à Toulouse, à la suite d’une erreur de procédure, un suspect mis en cause dans le meurtre à coups de couteau de Quentin Fisset-Bonfanti, âgé de vingt-trois ans, a été relâché, provoquant consternation et colère.

Mme Elisabeth Pochon. Les victimes ! Les victimes !

Mme Laurence Arribagé. Ces fautes de l’institution judiciaire ne peuvent que profondément choquer.

M. Jean Glavany. C’est du Sarkozy assumé !

M. Alain Vidalies. Voilà ce que cela donne, d’être placée à côté de Fenech !

Mme Laurence Arribagé. Si le Gouvernement a choisi, via la contrainte pénale, de prévenir la récidive et de se préoccuper essentiellement des délinquants à réinsérer, l’opposition se bat, quant à elle, pour prévenir d’abord la délinquance et soutenir les victimes en reconstruction. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Alors, monsieur le Premier ministre, quelles mesures concrètes entendez-vous prendre pour éviter de tels dysfonctionnements, qui minent la crédibilité de notre système judiciaire ? Quel message adressez-vous aux familles des victimes doublement meurtries ? Je pense notamment à la maman et aux proches de Quentin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, je pourrais choisir le même ton polémique pour vous répondre (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Yves Fromion. Pourtant, ce n’est pas votre genre !

M. Éric Ciotti. Quelle arrogance !

M. le président. Mes chers collègues, il n’y a pas de raison de crier ! Il n’y a pas eu de propos provocateur !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …sauf que, par respect pour les victimes et leurs familles, présumant de leur souffrance et de leur douleur trop lourdes, j’éviterai de vous suivre sur ce terrain. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Je vais donc éviter de vous rappeler les réductions d’effectifs. Je vais aussi éviter de vous rappeler, madame la députée, que sur les trois dernières années du dernier quinquennat, le budget consacré à l’aide aux victimes a été régulièrement réduit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Claude Perez. Eh oui !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je m’en tiendrai donc à informer la représentation nationale.

Effectivement, M. Gantois avait fait l’objet, avec deux autres personnes, d’une mise en examen pour homicide et tentative d’homicide sur la personne de Quentin Fisset, mais également sur les personnes de M. El Montassir et de M. Bru.

Mme Claude Greff. Il faut les relâcher, évidemment ! Il vaut mieux qu’ils soient dehors !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il avait aussi fait l’objet d’une décision par la chambre de l’instruction   d’une mise en détention provisoire. Il a interjeté appel : la chambre de l’instruction a alors pris une décision pour confirmer la détention provisoire, mais, malheureusement, avec quinze jours de retard. M. Gantois a été immédiatement convoqué par le juge d’instruction, qui a décidé sa mise sous contrôle judiciaire.

Mme Claude Greff. Donc, il est dehors !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons connu effectivement deux autres cas de la même nature. Je rappelle que les juridictions prononcent 1,2 million de décisions pénales chaque année. Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, vous ne rendez pas service à ces juridictions, que vous avez privées d’un certain nombre de moyens,…

M. Jean Glavany. Eh oui !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …en frais de justice, en frais de fonctionnement et en effectifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous ne leur rendez pas justice !

Quant à nous, nous travaillons et nous faisons en sorte que les victimes soient correctement accompagnées,…

Mme Claude Greff. Vous mettez tout le monde dehors !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …grâce aux bureaux d’aide aux victimes et à une expérimentation de suivi individualisé. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Mme Claude Greff. Quel laxisme !

Filière de la canne à sucre

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Alfred Marie-Jeanne. Madame la ministre des outre-mer, la filière canne-sucre-rhum de Martinique, déjà fragilisée, est maintenant fortement menacée à double titre. Elle est directement menacée depuis 2005 par les mesures de libéralisation préconisées par l’Organisation mondiale du commerce.

Elle est également menacée par la décision de mars 2013 du conseil des ministres de l’Union européenne, visant à la suppression des quotas sucriers d’ici à 2017, finalement actée pour octobre 2017.

Parmi les vingt-sept pays de l’Union européenne de l’époque, seules la Slovénie et la Slovaquie se sont opposées à cette mesure. Les vingt-cinq autres ont voté pour cette suppression dont, contre toute attente, la France. Après la fin de la préférence communautaire, finies les compensations européennes et finie la garantie d’un prix relativement stable.

La filière est menacée en outre par le manque de canne nécessaire à la production du rhum. La Martinique compte encore huit distilleries et produit 203 000 tonnes de canne. Les deux tiers sont réservés au rhum agricole qui bénéficie de l’appellation d’origine contrôlée. Il fait une percée prometteuse à l’international, sur les marchés asiatique et américain réputés très exigeants.

Madame la ministre, quelles réponses concrètes avez-vous à apporter aux producteurs de canne, de sucre et de rhum face à ces multiples défis et contradictions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Monsieur le député, vous exprimez votre préoccupation quant à la fin prochaine des quotas sucriers. Je souhaite vous redire la détermination de ce gouvernement pour accompagner les filières agricoles en outre-mer, notamment la filière canne-sucre-rhum. Suite à la condamnation du dispositif par l’OMC en 2006, le programme POSEI a intégré dès 2006 une aide à la fin de l’OCM sucre d’un montant de 59 millions d’euros par an. L’action déterminée de la France a permis de repousser cette perspective à 2017 alors que la Commission européenne la prévoyait initialement pour 2015.

Vous le voyez, monsieur le député, nous sommes au travail et j’ai eu l’occasion de dire en réponse à votre collègue Jean-Claude Fruteau que nous allions intervenir afin que la Commission européenne exclue les sucres roux de la négociation qu’elle devrait mener s’agissant de la fin des quotas. Cette annonce a d’ailleurs été saluée par la profession.

Pour ce qui est du rhum, le dispositif d’aide à la filière était, vous le savez, contesté par Bruxelles depuis deux ans. Je suis donc heureuse de vous faire savoir qu’à l’occasion d’un rendez-vous que j’ai eu hier avec les commissaires européens, nous avons convenu de lever les derniers obstacles permettant la validation du régime d’aides d’État adapté aux contingences de la filière jusqu’en 2020.

Par conséquent, le dispositif est consolidé et nous travaillons d’arrache-pied pour soutenir les filières agricoles de l’outre-mer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Métropole Aix Marseille Provence

M. le président. La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guy Teissier. Madame la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, par la loi du 27 janvier 2014, votre Gouvernement a décidé de créer la métropole du Grand Paris – c’est l’article 12 – et la métropole Aix-Marseille-Provence – article 42. Certains sont favorables à ces évolutions et d’autres y sont opposés.

Pour que les choses avancent, il paraît indispensable que le Gouvernement soit à l’écoute et que sa parole soit claire et respectueuse de tous. Hélas, vous donnez l’impression de ne pas vouloir entendre les suggestions des élus de tous bords, particulièrement en ce qui concerne la fiscalité et le droit des sols. Votre attitude et vos propos sont même parfois contradictoires.

Le 20 mai dernier, dans cet hémicycle, alors que notre collègue Patrick Devedjian vous faisait part du souhait unanime des élus franciliens de demander la révision de cette loi, il a dû se contenter d’une réponse évasive. Or une semaine après, lors d’un séminaire organisé à l’Assemblée nationale, vous déclariez à Jean-Yves Le Bouillonnec à propos du Grand Paris : « Nous pouvons parler à nouveau de l’article 12. »

Les élus des Bouches-du-Rhône, dont je me fais aujourd’hui le porte-parole, ne comprendraient pas qu’il y ait deux poids, deux mesures entre Paris et Marseille. Concernant la place et le rôle des maires dans la construction métropolitaine, le 4 juin 2014, lors d’une manifestation du Centre national de la fonction publique territoriale, vous auriez tenu publiquement des propos très maladroits.

Je vous cite : « Mais finalement, quand vous avez 109 maires contre vous, c’est quand même que vous êtes dans le bon sens, car cela aurait été plus difficile d’avoir la moitié pour et la moitié contre. » Pensez-vous réellement que ce soit aller dans le bon sens que de faire la quasi-unanimité des maires contre votre projet ? (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Pour conclure, madame la ministre, il faut aujourd’hui un signe fort de la part du Gouvernement, montrant que le dialogue est véritablement ouvert. Je vous le demande donc solennellement : à l’occasion de votre venue à Marseille dans quelques jours, êtes-vous prête à parler de nouveau de manière constructive avec les élus provençaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le député, ma réponse à M. Patrick Devedjian se fondait sur un texte qui a été voté par le Parlement. Or le premier devoir d’un ministre est de respecter les textes votés par le Parlement. L’article 12 en relève.

Sous l’autorité de l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, puis de Manuel Valls, dont la position est identique, il a été décidé d’écouter autant que faire se peut dans le cadre de la loi et en vue de la préparation d’une ordonnance d’application, les élus participant à une mission de préfiguration, laquelle comprend le syndicat de Paris-métropole et des représentants de l’État, mission dont la création a également été décidée par la loi, et nous respectons la loi.

Après une rencontre avec le syndicat Paris Métropole, quelques jours après la question de M. Devedjian, nous avons décidé de travailler sur un statut des conseils de territoire – vous expliquerez ce dont il s’agit à vos concitoyens – à condition qu’à l’intérieur de la métropole, on ne crée pas une couche supplémentaire du fameux mille-feuilles, avec une fiscalité propre.

Monsieur Teissier, concernant la métropole Aix-Marseille-Provence, cela fait une année que nous essayons d’installer le conseil paritaire des élus.

M. Guy Teissier. La semaine prochaine !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. À chaque fois que je me suis rendue sur place, les élus étaient dans la rue, ce que je comprenais. Voilà pourquoi j’ai dit qu’il y a plus de cent élus qui ne veulent pas entrer dans le conseil paritaire. Il semblerait, monsieur Teissier, que devant la réussite de la mission de préfiguration du Grand Paris, les élus d’Aix-Marseille-Provence, toutes tendances politiques confondues, acceptent de venir lundi prochain au conseil paritaire. S’il en est ainsi et s’ils veulent discuter de l’organisation de la métropole Aix-Marseille-Provence, sur deux points – les territoires et les questions d’assainissement –, alors j’y suis prête et je serai ravie de les rencontrer enfin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Réforme ferroviaire

M. le président. La parole est à M. Florent Boudié.

M. Florent Boudié. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État aux transports.

Depuis ce matin, de nombreux Français sont confrontés aux perturbations de trafic provoquées par le mouvement social en cours à la SNCF, qui a été reconduit, à quelques jours de l’examen du projet de réforme ferroviaire par notre assemblée.

Nous savons que le contexte ferroviaire évolue, que le trafic se développe, que les trains doivent aller plus vite, accueillir plus de voyageurs, que l’entretien et la sécurité du réseau sont un enjeu colossal qui nécessite une coordination maximale des métiers ferroviaires.

Nous savons aussi que les dettes de RFF et de la SNCF s’élèvent à près de 40 milliards d’euros et qu’elles pourraient atteindre le double dès 2025 alors que la Chine développe des entreprises ferroviaires qui commencent à frapper aux portes de l’Europe et que la Deutsche Bahn détient déjà une grande partie du fret européen.

Réunifier RFF et la SNCF dans un seul et même groupe, comme vous le proposez monsieur le secrétaire d’État, c’est muscler la gouvernance du rail français pour mettre fin à de sérieux dysfonctionnements et pour renforcer le service public ferroviaire. Nous devons en effet aux Français des TGV, des TER, des RER sûrs, de qualité, ponctuels, pour le bon déroulement de leurs déplacements quotidiens.

Monsieur le secrétaire d’État, depuis maintenant plusieurs mois, vous poursuivez le dialogue avec les syndicats afin de répondre à leurs interrogations, y compris sur la sauvegarde de leur statut, et à leurs craintes quant à un supposé démembrement des métiers ferroviaires.

Dans ce contexte, pouvez-vous nous indiquer de quelle manière et par quelle méthode vous comptez poursuivre ce débat ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, j’entends les inquiétudes exprimées par les organisations syndicales, sous des formes différentes ; j’entends les attentes des usagers, qui souhaitent pour le secteur ferroviaire confort, régularité et sécurité ; j’entends aussi les messages des collectivités, particulièrement des régions, qui financent de façon substantielle les trains régionaux.

Sous l’autorité du Premier ministre, j’ai souhaité présenter au Parlement un projet de loi qui sera un texte majeur pour l’avenir du ferroviaire. Vous avez souligné les difficultés auxquelles ce secteur est confronté. Elles sont la conséquence de décisions prises il y a quelques années, sous une autre majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Et voilà !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Séparer de façon étanche les différents métiers de la famille cheminote a conduit à opposer artificiellement ceux qui s’occupent des infrastructures à ceux qui s’occupent des trains alors que c’est tous ensemble qu’ils doivent relever l’avenir du ferroviaire.

La réforme dont vous serez saisis vise à mettre en place un service public renforcé, qui puisse tout à la fois garantir la qualité du service et relever les défis de l’industrie ferroviaire dans son ensemble.

Nous souhaitons un service public réunifié, un service public piloté par l’État et par les collectivités locales, un service public rassemblé autour d’une grande stratégie, celle-là même qui avait tant manqué ces dernières années.

M. Éric Straumann. C’est quoi justement votre stratégie ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Nous souhaitons également garantir un cadre social. La concurrence, encouragée par certains, ne doit pas se faire au détriment du service public. Nous ne concevons pas comme certains que les pertes soient nationalisées pour que les profits soient privatisés. Nous voulons au contraire que les obligations de service public soient respectées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Naturalisation des vétérans de la Seconde guerre mondiale

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Monsieur le Premier ministre, le soixante-dixième anniversaire du Débarquement en Normandie, le D Day, a été une exceptionnelle réussite le 6 juin 2014. L’hommage rendu aux vétérans, la réception de la reine d’Angleterre, la venue de nombreux chefs d’État, les rencontres diplomatiques au plus haut niveau n’ont pas fait oublier le rôle de la résistance et le sacrifice des populations civiles. Plus de 400 personnes à Vire, 20 000 au total en Normandie ont trouvé la mort pour que l’Europe et la France exterminent le nazisme et ses partisans, collaborateurs et miliciens, qui ont assassiné Georges Mandel et Jean Zay, ce grand radical. Je voudrais adresser mes plus vives félicitations au Gouvernement pour la réussite de cette manifestation.

C’est l’occasion de demander à l’État de prendre ou soutenir toute initiative afin que la nationalité française soit attribuée en complément de l’article 21-14-1 du code civil aux vétérans qui ont versé leur sang pour la libération de la France. Il s’agirait d’insérer la rédaction suivante : « La nationalité française sera conférée par décret, sur proposition du ministre de la défense, à tout étranger, titulaire de la Légion d’honneur, qui lors de la Seconde guerre mondiale a été blessé en mission ou à l’occasion d’un engagement opérationnel sur le territoire français et qui en fait la demande ». Cette proposition reprend le combat de Victor Hugo pour Garibaldi et complète la loi de 1999 en faveur des légionnaires blessés pour la France. Elle fait écho à une proposition faite par M. Zapatero en Espagne pour les descendants des Républicains.

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à soutenir cette initiative parlementaire en faveur des vétérans les plus illustres qui ont versé leur sang pour la France et pour la liberté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire.

M. Kader Arif, secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le député, votre question me donne l’occasion de revenir sur ces formidables événements d’unité nationale qu’ont été les commémorations du Débarquement. Je veux ici remercier à nouveau la représentation nationale et l’ensemble des citoyens qui ont permis la réussite de cette belle journée, qui fut un formidable succès pour notre pays. Je tiens particulièrement à saluer les Normands et leurs élus.

Ce fut un moment de cohésion nationale, un moment de fraternité, un moment de reconnaissance à l’égard des pays alliés et de leurs vétérans, reconnaissance que j’ai pu marquer à plus de cinquante d’entre eux en leur remettant les insignes de la Légion d’honneur, au nom du Président de la République.

S’agissant de la question précise que vous soulevez, je comprends la générosité qui vous a inspiré. Je veux toutefois vous rappeler qu’il existe des conditions, prévues par le code civil, pour acquérir la nationalité française, notamment le fait de résider en France de manière habituelle et continue depuis cinq ans et d’y avoir la source principale de ses revenus pendant cette période.

Par une initiative législative, vous proposez d’accorder la nationalité française aux étrangers titulaires de la Légion d’honneur qui auraient été blessés lors de la seconde guerre mondiale. Notre législation permet l’accès à la nationalité française à tout étranger ayant rendu des services exceptionnels à la France. Les préoccupations légitimes que vous exprimez peuvent donc être prises en compte dans le cadre de la législation actuelle, à l’aune de l’examen individuel des dossiers.

Sachez que le ministre de l’intérieur, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence, le ministre de la défense et moi-même, ainsi que nos cabinets respectifs, nous tenons à votre disposition pour tout échange à propos de votre initiative.

Je tiens juste à souligner que la nationalité française peut, par ailleurs, être accordée aux étrangers blessés au cours d’opérations militaires, qui restent engagés dans l’armée française. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Gel des seuils sociaux

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le Premier ministre, le chômage, qui ne cesse d’augmenter et atteint un niveau inégalé, est la préoccupation principale des Français. C’est un mal qui ronge notre pacte social et qui frappe tant de familles. Pour lutter contre ce fléau, il nous faut retenir toutes les bonnes idées. Votre ministre du travail a eu une bonne idée,…

M. Julien Aubert. Ah ! Bravo !

M. Guillaume Chevrollier. …simple et pragmatique : celle de geler les effets de seuil pour les entreprises.

Les plus connus de ces seuils sont les suivants : à partir de dix salariés, une entreprise doit élire un délégué du personnel ; à partir de cinquante salariés, une entreprise doit se doter d’un comité d’entreprise et d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; mais à partir de dix salariés, ce sont aussi de nombreuses nouvelles cotisations, fiscales et sociales, et pas moins de trente-quatre obligations qui se surajoutent. Ces seuils sont pour nos entrepreneurs de réels freins à l’embauche, des freins financiers, administratifs et psychologiques : je l’entends tous les jours en Mayenne, dans ma circonscription ! C’est ainsi qu’il y aurait 2,4 fois plus d’entreprises de quarante-neuf salariés que de cinquante. Ce gel des seuils pourrait donc libérer des dizaines de milliers d’emplois et redonner de la compétitivité à notre pays.

Le problème est que, une nouvelle fois, votre gouvernement a reculé : votre ministre est revenu sur sa bonne idée après avoir été taclé par le premier secrétaire du parti socialiste. Mes questions sont donc simples : qui conduit la politique sociale du Gouvernement :…

Un député du groupe UMP . Personne !

M. Guillaume Chevrollier. …vous ou le premier secrétaire du parti socialiste ?

Allez-vous procéder à ce gel des seuils sociaux qui provoquerait l’appel d’air dont nos entreprises ont tant besoin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social. Monsieur le député Chevrollier, vous l’avez indiqué, il existe trois types de seuils. Tandis que certains seuils ont des conséquences sociales, un seuil a des conséquences strictement financières : il s’agit du passage à vingt salariés dans les entreprises. Ce seuil va disparaître sur décision du Président de la République et du Premier ministre, que le Gouvernement mettra en œuvre dans le cadre du pacte de responsabilité : ainsi, l’alourdissement fiscal pesant sur les entreprises qui passent de dix-neuf à vingt salariés disparaîtra. Il restera donc deux seuils : le seuil de dix salariés, qui crée l’obligation – et quelle belle obligation ! – d’élire un délégué du personnel, ce que chacun souhaite pour toutes les entreprises, et le seuil de cinquante salariés, qui est effectivement plus lourd pour les entreprises puisqu’il crée une trentaine d’obligations, ainsi que vous l’avez dit. Ces obligations sont de natures différentes : il s’agit de la création d’un comité d’entreprise, d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail…

M. Yves Fromion. Mais on connaît tout cela !

M. François Rebsamen, ministre. Laissez-moi les rappeler !

… ainsi que des obligations financières.

M. Yves Fromion. On attend votre réponse !

M. François Rebsamen, ministre. Je pense depuis toujours que le dialogue social fait la qualité du travail que mène ce gouvernement et que je vais continuer. En effet, après la conférence sociale, et en accord avec le Premier ministre, je soumettrai une feuille de route de discussion plus large aux partenaires sociaux. Ceux-ci auront donc à débattre de tout ce qui concerne la vie sociale, les aspects sociaux dans l’entreprise ; parmi ceux-ci, le problème des seuils leur sera bien sûr soumis, et ils nous feront des propositions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Réforme pénale

M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Pochon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Elisabeth Pochon. Monsieur le président, chers collègues, j’associe mes collègues Dominique Raimbourg et Colette Capdevielle à cette question qui s’adresse à Mme la garde des sceaux Christiane Taubira. Madame, hier, l’Assemblée a adopté à une très large majorité, celle de toute la gauche rassemblée, le projet de loi tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales. À la posture caricaturale adoptée contre ce texte par l’opposition,…

M. Alain Chrétien. Les caricatures, c’est vous !

Monsieur Chrétien, s’il vous plaît !

Mme Elisabeth Pochon. …nous avons opposé une vision réaliste, née d’un diagnostic sans concession sur la situation alarmante de la justice pénale, qui a abouti à un texte progressiste, équilibré et concentré sur son objectif de lutte contre la récidive. Il se décline en trois axes majeurs : l’individualisation des peines, la consolidation des droits des victimes et la mobilisation générale des acteurs de la chaîne pénale. Ce texte est innovant parce qu’il ne se concentre pas uniquement sur la sanction, ainsi que la droite l’a toujours fait, mais fait part égale à l’exécution des peines pour bannir de notre culture pénale ce que nous appelons communément les « sorties sèches ».

Les Français doivent savoir que 80 % des détenus sortent aujourd’hui de prison sans aucune mesure de contrôle ni de suivi. Grâce à l’examen obligatoire aux deux tiers de la peine de chaque détenu et la mise en place d’un suivi individualisé, ce texte met fin à cette incohérence qui consiste à enfermer des délinquants pour des courtes peines sans créer les conditions d’un retour positif dans la société.

M. Philippe Goujon. Et les victimes ?

Mme Elisabeth Pochon. Quand la justice assure un suivi effectif des personnes sous main de justice, elle permet à l’État d’assurer la défense de la société, elle prend soin des victimes, elle réprime un acte mais elle permet aux délinquants de sortir d’un parcours d’exclusion.

Madame la ministre, vous avez montré la modernité de votre approche quand vous avez initié cette réforme par une conférence de consensus. Vous donnez une orientation nouvelle à la chaîne pénale pour développer la culture du contrôle et du suivi des délinquants. Vous ouvrez des perspectives nouvelles dans notre droit pénal en introduisant le recours à des mesures de justice « restaurative », mesure encore étrangère à nos us et coutumes. Madame, vous avez lancé notre réforme pénale sur le chemin du XXIe siècle. Pouvez-vous nous éclairer sur ces voies nouvelles et nous en dire davantage sur les moyens et l’accompagnement que vous y consacrerez ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée Elisabeth Pochon, vous avez eu raison de rendre hommage au travail effectué par le rapporteur Dominique Raimbourg ainsi que par l’autre responsable du texte, Colette Capdevielle. Vous avez rappelé que ce texte de loi a été adopté hier à une très large majorité ; permettez-moi d’en rappeler le nombre : 328 voix. Ce nombre sonne très agréablement à mon oreille car il représente le vote de l’ensemble des groupes de la majorité, qui ont adopté ce texte d’incontestable progrès.

M. François Rochebloine. C’est toujours mieux que votre résultat aux élections européennes !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le travail que vous avez effectué en commission ainsi qu’en séance a permis, en dépit du bruit, de quelques postures ou encore de caricatures, de nous armer beaucoup mieux pour prévenir la récidive en adoptant des dispositions qui seront efficaces contre cette récidive. Nous assumons en effet très clairement les finalités et les fonctions de la peine, qui consistent à sanctionner l’auteur d’un acte, à réparer le préjudice subi par la victime lorsqu’il y en a une, à protéger la société et à préparer la réinsertion de l’auteur, parce qu’il est important qu’il sorte du parcours de délinquance. Nous nous en donnons les moyens,…

M. Philippe Goujon. C’est faux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …en affichant tout d’abord les principes et en restituant aux magistrats la totalité de leur pouvoir d’appréciation, car ce gouvernement fait confiance aux magistrats. Nous affichons le principe d’individualisation de la peine parce que nous savons, en France comme en Europe ou au Canada, que ce principe garantit l’efficacité de la sanction. Nous affichons aussi très clairement notre volonté…

M. Philippe Goujon. D’ouvrir les prisons !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …de mettre en place tous les dispositifs nécessaires pour lutter contre les « sorties sèches », parce que ces sorties sans encadrement, sans accompagnement et sans contrainte, sont des facteurs aggravant la récidive.

Le Gouvernement se donne les moyens en augmentant les effectifs des conseillers d’insertion et de probation, des juges d’application des peines et des substituts d’exécution des peines ; surtout, nous travaillons sur les méthodes parce que nous avons bien l’intention d’évaluer cette loi et de montrer à l’ensemble des Français son efficacité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Chambres de commerce et d’industrie

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le Premier ministre, vous réussissez une nouvelle fois à démobiliser les chefs d’entreprise et leurs représentants que sont les chambres de commerce et d’industrie. En les poussant à bout, vous forcez 5 000 chefs d’entreprise élus et bénévoles à suspendre leurs travaux avec le Gouvernement. Ils renoncent notamment à faire la promotion du Pacte de responsabilité.

Avec votre projet de réduire le budget des CCI de 30 % en trois ans, alors même qu’elles doivent déjà subir une baisse de 20 % de leurs ressources dès cette année, vous vous apprêtez à leur faire les poches. Leur gestion est bonne, elle est même très bonne d’après l’inspection générale des finances et vous les accusez d’être trop riches. Monsieur le Premier ministre, c’est la mort des CCI que vous programmez. En stoppant leurs investissements productifs au profit des entreprises, c’est l’asphyxie des territoires que vous cautionnez.

Alors que vous-même et le Président de la République souhaitez mettre en place le pacte de responsabilité, vous multipliez les décisions néfastes pour l’entrepreneuriat, néfastes pour la croissance, néfastes pour l’emploi.

En coupant les capacités d’action des CCI, vous êtes en train de faire une erreur économique majeure. Votre projet reviendrait ainsi à fermer des CFA et à réduire le nombre d’apprentis de plus de 25 %, à menacer la pérennité d’aéroports, de ports de pêche, de ports de commerce, de parcs d’exposition et de palais des congrès, à arrêter les formations en direction des demandeurs d’emploi, des jeunes en contrat de professionnalisation, des salariés en reconversion professionnelle dans des bassins d’emploi en difficulté et à arrêter leur implication dans les plans locaux de revitalisation.

Vous mettez les CCI sur le pied de guerre. Renoncez à ce véritable hold-up !

M. Pascal Popelin. Vous devriez mieux choisir vos mots !

M. Jean-Pierre Door. Quelle est votre réponse, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le député, nous sommes face à un triple dilemme : d’abord les entreprises, le MEDEF, les organisations patronales demandent des baisses d’impôts et leurs représentants locaux au sein des CCI se battent pour garder le droit de recouvrir l’impôt pour le maintien en l’état des CCI. Ensuite, ce Gouvernement se doit de faire 50 milliards d’économie. Il y va de la souveraineté de la France. Tout le monde doit participer à cet effort : les administrations d’État, les collectivités locales, ainsi que les organismes consulaires. Enfin, comment continuer à garder parfois plus de deux CCI par département alors que la compétence économique se concentrera sur les régions ?

Vous l’avez compris, les CCI doivent participer à cet effort national. Elles savent le faire, elles l’ont déjà fait, elles pourront continuer à le faire. La fusion des CCI dans le Nord-Pas-de-Calais ou le partage des fusions support en Haute et Basse-Normandie le prouvent.

Ces économies ne doivent pas mettre en péril les fonctions indispensables autour de l’apprentissage, de la formation, de la proximité. Le Gouvernement reconnaît ces fonctions-là et les soutient. Mais les économies doivent se concentrer sur les fonctions support, sur les fonctions d’administration générale et ainsi les CCI démontreront leur capacité de se réformer. La gestion des ports et des aéroports saura être préservée.

Dans le cadre d’une mission conjointe, l’IGF et l’IGAS ont chiffré des économies potentielles. Ce ne sont que des hypothèses. Ainsi, avec Arnaud Montebourg nous allons travailler avec le président de CCI France, André Marcon, et le président de la CCIP, Pierre-Antoine Gailly. Ainsi, nous trouverons une solution pertinente pour les CCI et pour la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

Financement participatif

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Fabre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marie-Hélène Fabre. Monsieur le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, le système bancaire peine aujourd’hui à assurer un financement efficace de l’économie, notamment des investissements portés par les PME et les ETI. La Banque publique d’investissement est une première réponse à cette crise du financement grâce à sa capacité de mobiliser 42 milliards d’euros pour porter leurs projets. Il semble opportun d’explorer de nouvelles voies pour accompagner le développement de notre appareil productif.

En effet, grâce à la révolution numérique, des formes originales de financement ont émergé. Ainsi, des porteurs de projet mobilisent directement les fonds des épargnants sur des plates-formes pour valoriser leurs initiatives. En 2013, ces plates-formes ont collecté plus de 78 millions d’euros. Les projections font espérer un doublement annuel de ces collectes pour les années à venir.

Notre pays est en train de se donner les moyens d’être un pays pionnier de cette prometteuse mutation. Nous devons soutenir la croissance des opérateurs français de ce secteur. Mais l’absence d’un cadre juridique spécifique dans lequel s’épanouie cette activité pourrait désormais la menacer. L’ordonnance présentée en Conseil des ministres le 28 mai dernier donnera lieu à la publication de décrets d’application au mois de juillet.

Monsieur le ministre, pouvez-vous m’indiquer comment vous comptez faire émerger un cadre réglementaire, national et européen, favorable à ce type de financement, qui s’intègre dans la stratégie française de réhabilitation du volontarisme économique ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. Madame la députée, vous avez raison de souligner que 650 000 de nos compatriotes ont déjà participé au financement de leur entreprise selon les règles inspirées de l’agriculture, le circuit court, directement de l’épargnant à l’entreprise et l’entrepreneur. En vérité, c’est la fin du monopole bancaire que nous avons décidé de programmer, avec l’ordonnance que vous avez citée et qui a été publiée au Journal officiel le 30 mai dernier. Elle donnera lieu à des décrets qui sont en cours d’examen par le Conseil d’État et qui devraient être publiés dans le courant du mois de juillet.

Ce que nous voulons faire, c’est d’abord stimuler le financement participatif. Le terme anglo-saxon est crowdfunding, le financement par la foule, c’est-à-dire que les citoyens peuvent devenir des investisseurs directs dans les entreprises qu’ils veulent soutenir, en lesquelles ils croient ou qu’ils aiment. C’est en quelque sorte la démonstration, pour une entreprise qui se lance ou qui se développe, d’un soutien populaire, d’un potentiel commercial, mais c’est aussi un acte militant en faveur de la croissance ou, mieux encore, madame la députée, du made in France.

Ce mouvement dans la société est en train d’être l’un des plus puissants d’Europe. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de libérer le cadre en protégeant néanmoins chacun des épargnants citoyens qui voudront investir dans les entreprises. L’Autorité des marchés financiers veillera à ce qu’ils ne s’exposent pas trop. Néanmoins la loi permettra d’avoir, en France, l’une des législations les plus innovantes, les plus créatives du monde, espérant ainsi que le financement participatif sera l’une des marques du made in France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Impact de la réduction progressive du temps de travail

Explications de vote et vote sur une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête.

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de résolution de M. Thierry Benoit et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête relative à l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail (n1998).

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Thierry Benoit. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la réduction progressive du temps de travail est intimement liée au progrès technique, qui permet de véritables gains de productivité, améliore et facilite les conditions de travail. Elle est également liée au progrès économique, car elle permet une utilisation optimisée du temps de travail. Enfin, elle favorise le progrès social, car elle conduit à un meilleur équilibre et à une nouvelle répartition entre le temps de travail, le temps pour soi et la vie en collectivité.

Cette évolution s’est lentement dessinée, à la faveur des grandes mutations économiques et technologiques, mais aussi grâce aux luttes des salariés, qui ont contribué à forger notre modèle social. Ainsi, en un siècle, le temps de travail aura été divisé par deux.

Fait sans précédent, la réduction du temps de travail prévue par la loi du 13 juin 1998 ne répondait pas seulement à un objectif de cohésion sociale : le partage du temps de travail devait également enrayer la hausse du chômage, créer des emplois, de la richesse, et relancer la croissance.

La réduction du temps de travail, notamment le passage aux trente-cinq heures, poursuivait des objectifs ambitieux, qui affectaient autant la vie professionnelle que la vie privée et se traduisaient par une mutation profonde de notre société.

Ceci explique que, seize années après le vote d’une loi qui a inspiré les jugements les plus sévères, les trente-cinq heures demeurent la référence en matière de durée légale du travail, en dépit d’une alternance et d’aménagements importants décidés par les majorités successives.

La réflexion à laquelle vous convie le groupe UDI dépasse, comme toujours, les clivages partisans et les oppositions de principe. Nous ne voulons pas d’une énième foire d’empoigne : nous n’avons de comptes à régler ni avec l’histoire, ni avec quelque gouvernement que ce soit.

Si nous proposons aujourd’hui d’évaluer, dans un esprit constructif, l’impact de la réduction du temps de travail, notamment le passage aux trente-cinq heures, ce n’est que pour une seule raison : nous sommes inquiets de l’état d’urgence absolue dans lequel se trouve la France et de la montée continue du chômage.

Cette situation inquiète et désespère les nombreux Français, tant salariés qu’employeurs, qui attendent de nous des propositions raisonnables, objectives, réfléchies, qui viennent de loin. Le Gouvernement actuel doit pouvoir disposer des outils permettant d’offrir une nouvelle perspective et de renforcer le dialogue social entre les employeurs et leurs collaborateurs, dans la lignée de l’accord national interprofessionnel, l’ANI, soutenu par le groupe UDI.

Nous invitons donc l’ensemble des groupes parlementaires à une réflexion globale et leur proposons d’évaluer l’application concrète de la réduction du temps de travail dans tous les secteurs d’activité : industriel, commercial, services, ou sphère publique. Cette réflexion doit être menée dans un cadre apaisé, dans un esprit d’opposition constructive tel que le groupe UDI le conçoit.

Je profite de cette occasion pour rendre hommage aux porte-parole de l’ensemble des groupes politiques…

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Thierry Benoit. …qui, en commission des affaires sociales, se sont prononcés unanimement pour la création de cette commission d’enquête visant à établir un diagnostic partagé des effets sociétaux, sociaux, économiques, fiscaux, positifs comme négatifs, de la réduction du temps de travail.

Cette commission permettra également de formuler des propositions consensuelles pour mieux concilier performance économique, cohésion sociale et épanouissement personnel. Pour notre part, il s’agit aussi de réfléchir aux mesures permettant de simplifier les relations entre l’employeur et le collaborateur et de redire à la tribune de l’Assemblée notre attachement à la valeur travail. En effet, nos compatriotes sont volontaires, généreux, courageux, et n’attendent de nous qu’une chose : tout mettre en œuvre pour qu’ils puissent avoir un travail.

Tel est l’esprit de la commission d’enquête que nous vous proposons de créer. Notre assemblée s’honorerait, ou plutôt va s’honorer, de travailler dans un esprit concerté et apaisé sur des sujets aussi essentiels pour la vie de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Aussi, mes chers collègues, je ne doute pas que vous souscrirez à cet objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gérard Cherpion. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chers collègues, nous saluons l’initiative du groupe UDI de dédier sa demande, unique pour cette session parlementaire, de commission d’enquête au sujet du travail et de l’emploi, première préoccupation de nos concitoyens.

Le périmètre d’étude de la commission est large et permettra d’aborder tous les sujets liés à la baisse du temps de travail, à son impact sociétal, social, économique et financier. Ce sujet est d’autant plus important que les lois visées ont été votées il y a plus de quinze ans et qu’il est nécessaire d’en mesurer le bilan précis et exact, au moment où la France traverse l’une des crises économiques et sociales la plus grave de son histoire.

Ce rapport sera l’occasion de mettre en exergue les faiblesses et les contradictions de notre système, mais aussi ses atouts, tels que la grande capacité de travail des Français. En effet, selon Eurostat, les Allemands passent une heure de plus par semaine au travail que les Français, conséquence directe des lois sur les trente-cinq heures.

Pourtant, dans le même temps, les Français travaillent 1 479 heures par an, contre 1 397 heures pour les Allemands. Cette différence s’explique notamment par le recours massif aux emplois à temps partiel en Allemagne.

Par ailleurs, la productivité française se situe dans la moyenne des pays européens, même si elle a légèrement baissé en 2013. Malgré tous ces atouts indéniables en matière de travail et d’emploi, liés à la qualité de la main-d’œuvre française, nous sommes toujours loin des objectifs des taux d’emploi de la stratégie de Lisbonne, fixés à 70 %. Pourquoi ?

Je le dis sans détour, nous pâtissons des dispositions législatives prises à une période de forte croissance, qui sont un frein à la compétitivité de nos entreprises. C’est pour cette raison que de nombreuses lois sont intervenues sous les précédentes législatures pour compenser les erreurs des trente-cinq heures, notamment les allégements Fillon, la TVA compétitivité, ou encore la loi TEPA, avec les exonérations de charges, en particulier la mesure du « zéro charge » pour toute embauche d’un salarié dans les petites entreprises, ainsi que la défiscalisation sur les heures supplémentaires. Les neuf millions de salariés qui ont pu bénéficier de cette mesure n’ont pas oublié, ni digéré, sa suppression.

Mais le problème du passage aux trente-cinq heures est également financier, puisque les mesures compensatoires ont un coût pour l’État, qu’il s’agisse des allégements de charges pour les entreprises ou des dispositions en faveur du revenu des salariés. La commission d’enquête sera donc utile à la détermination claire du coût global de cette réforme.

Enfin, le but poursuivi par les lois Aubry était la création d’emplois, comme si le marché du travail était un gâteau que l’on pouvait partager entre salariés et demandeurs d’emploi. La réalité est tout autre : c’est le travail qui crée l’emploi ; c’est le facteur de développement de l’entreprise, de l’épanouissement des salariés, donc de la richesse de la France.

La commission répondra à cette question cruciale, mais je souhaite qu’elle se penche également sur les lois adoptées depuis 2012, qui ont renforcé les difficultés structurelles de notre pays. Tout cela ne doit pas cacher la politique économique, sociale et fiscale contradictoire du présent Gouvernement. Alors qu’il supprime la TVA compétitivité, pour ensuite augmenter la TVA sans baisser les charges, supprime les heures supplémentaires, ce qui a eu pour conséquence une baisse du pouvoir d’achat, il propose un crédit d’impôt pour la compétitivité qui, selon la Cour des comptes, ne peut s’apparenter à une baisse du coût du travail.

Ainsi, l’État compense partiellement la baisse du temps de travail à hauteur environ de 20 milliards d’euros, et finance dans le même temps indirectement les entreprises, pour 20 milliards d’euros également.

C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles aucun pays européen n’a souhaité suivre le système du temps de travail français. Ainsi, en France, le code du travail interdit de travailler moins de vingt-quatre heures par semaine et limite le temps de travail légal à trente-cinq heures, ce qui remet en question l’avenir de certains emplois, comme le portage de journaux, les services médico-sociaux, ou encore les services à la personne, dont le temps de travail est inférieur à vingt-quatre heures et, a contrario, l’encadrement du dépassement des trente-cinq heures très strict.

Dans cette situation, le groupe UMP est bien sûr favorable à la création de cette commission d’enquête, qui permettra de faire un bilan sérieux et fiable de l’impact de la réduction du temps de travail. Elle devra également être force de propositions en matière d’emploi, première préoccupation des Français, et pour cela permettre de libérer les énergies des entreprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.

Mme Véronique Massonneau. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, dix-sept ans après son adoption, la loi relative aux trente-cinq heures continue de faire parler d’elle. Ce n’est pas surprenant, puisqu’elle régit les conditions de travail de la majorité de nos concitoyens.

Pour autant, il faut sortir des fantasmes brandis autour de cette loi, qui semble devenue la cause de tous les maux dont souffrirait la France. La réduction du temps de travail, le passage aux trente-cinq heures, s’inscrit dans la lignée des avancées sociales du XXsiècle.

Les congés payés, la semaine de quarante heures, ces mesures du Front populaire de 1936 ont, elles aussi, été critiquées et même balayées dans les années qui ont suivi. La semaine de quarante heures ne sera d’ailleurs rétablie qu’en 1946 et, surtout, réellement appliquée qu’à partir de 1980. La semaine de trente-cinq heures s’inscrit donc dans cette lignée, celle du progrès social, celle d’une meilleure répartition entre temps de travail et temps libre.

Bien sûr, cela a demandé des adaptations de la part des entreprises. Bien sûr, les salariés aussi ont dû s’adapter. Bien sûr, tout n’est pas parfait et, presque vingt ans après, des ajustements pourraient encore être faits.

Mais doit-on, pour autant, diaboliser cette loi et alimenter sans cesse la polémique, à chaque campagne électorale, à chaque débat sur le travail ? Je ne le pense pas, et les écologistes ne le pensent pas.

A contrario, la proposition de résolution déposée par nos collègues de l’UDI tendant à créer une commission d’enquête relative aux effets de la loi Aubry est intéressante et intelligente.

M. Philippe Vigier. Très bien !

Mme Véronique Massonneau. Si l’on veut améliorer une loi, si l’on veut mesurer ses effets positifs et négatifs sans sombrer dans le fantasme et la polémique, si l’on veut discuter posément et sereinement d’un sujet éminemment important, nous devons mener un travail de fond. C’est l’objet de cette proposition de création de commission d’enquête et cela va dans le bon sens.

Les résultats de cette commission montreront certainement les aspects pervers qu’ont pu avoir les 35 heures. Ne nous le cachons pas, c’est évident, il y en a. Mais sont-ils rédhibitoires ? Sont-ils vraiment la cause de la crise économique et du pic de chômage que nous connaissons depuis quelques années ? Je ne le pense sincèrement pas. J’estime, au contraire, que cette commission d’enquête va pouvoir mettre en avant les atouts de la semaine de 35 heures : plus de temps libre, meilleure répartition vie privée-vie professionnelle, création d’emplois.



Les écologistes, vous le savez, sont très attachés à la réduction du temps de travail. Le travail ne doit pas être vu comme une fin en soi, mais comme le moyen de construire une société plus solidaire et plus équitable. Nous sommes convaincus que les progrès sociétaux, sociaux et économiques s’inscrivent dans la réduction progressive du temps de travail. Une étude de l’INSEE, datée de 2010, tend à le corroborer. En effet, elle affirme que : « en près de soixante ans, la durée du travail a baissé d’environ 25 % sur un panel de dix pays ayant un PIB par habitant parmi les plus élevés ».



Ainsi, depuis la révolution industrielle, la durée du temps de travail suit une courbe descendante dans l’ensemble des pays industrialisés. La réduction du temps de travail doit continuer et se traduire notamment par la semaine de 32 heures, que les écologistes prônent depuis de nombreuses années.



Cette nouvelle réduction du temps de travail aura plusieurs avantages. Je citerai, tout d’abord, la réduction du chômage de masse qui se caractérisa par le respect dans un premier temps des 35 heures, puis par l’abaissement du contingent d’heures supplémentaires autorisées et, enfin, par la réduction du temps de travail sous toutes ses formes : âge de la retraite, réduction hebdomadaire vers les 32 heures avec expérimentation dans les secteurs volontaires, droits à la formation et aux temps sabbatiques.



Second avantage, une nouvelle augmentation du temps libre permettra à nombre de nos concitoyens d’avoir plus d’accès aux loisirs, mais également de s’investir davantage dans le monde associatif, maillon essentiel d’une société solidaire, où l’on vit bien, où l’on vit mieux, où l’on vit ensemble. Pour ouvrir la réflexion de notre assemblée sur ce sujet, les écologistes soutiennent cette proposition de résolution. Sûrement n’ont-ils pas les mêmes attentes que nos collègues quant aux conclusions qui seront rendues par cette commission.



Mais ils s’y investiront intelligemment et attendront sereinement ses conclusions, car ils restent persuadés d’une chose : le principal défi qui s’ouvre désormais, ce n’est pas de travailler plus pour gagner plus, mais de travailler moins et mieux pour travailler tous.



Mme Brigitte Allain. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Gilda Hobert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Gilda Hobert. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le groupe UDI propose aujourd’hui de se prononcer sur la création d’une commission d’enquête relative à l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail. Le groupe des radicaux de gauche et apparentés est favorable à cette création car il estime qu’il est toujours intéressant de se pencher d’une manière précise et détaillée sur l’évaluation de politiques publiques.

Les différentes auditions menées sauront apporter de nouveaux points de vue toujours utiles. Nous approuvons cette démarche, d’autant qu’il ne s’agit pas de remettre en cause les 35 heures, mais bel et bien de mener une nouvelle réflexion sur la réduction du temps de travail. Alors que le chômage continue d’être au plus haut dans notre pays, nous pensons que la réduction du temps de travail pourrait être susceptible d’avoir un impact positif l’emploi.

La proposition de résolution que vous nous soumettez comporte un article unique et fixe les contours du d’action champ la commission d’enquête qui portera sur l’élaboration d’un bilan de l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail, notamment de la loi n98-461 du 13 juin 1998 d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail.

D’après un sondage IPSOS réalisé en Europe en mai dernier, 38 % des Français se déclaraient démotivés par leur travail. Ce chiffre doit toutefois être considéré avec un peu de recul, car 88 % des Français disent toutefois qu’ils sont heureux au travail. Ces données controversées appellent une plus grande attention de notre part afin de comprendre les causes de cette démotivation. Est-ce parce que les Français ont le sentiment de trop travailler ou, à l’inverse, pas suffisamment ? Le stress imposé dans certaines professions a-t-il un effet clair sur ces chiffres ?

La commission d’enquête qu’il nous est proposé de créer tentera de mener une réflexion plus poussée qui sera forcément utile pour nos futurs travaux. Elle sera, dès lors, l’occasion de discuter d’une amélioration non seulement du rapport au travail, mais aussi de la qualité de vie du plus grand nombre et, évidemment, de la réduction du temps de travail, piste évoquée, mais peut-être insuffisante dans la lutte contre le chômage.

Nous devrons également examiner le spectre plus large de l’organisation du travail en entreprise. Comme l’ont rappelé mes collègues lors de la discussion en commission, cette commission d’enquête devra faire fi des oppositions gauche-droite sur le sujet des 35 heures, afin de mener ses travaux paisiblement, dans une atmosphère sereine, libre de tout carcan idéologique. En demandant la création de cette commission d’enquête, l’UDI est dans son droit. Aussi, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ne s’y opposera-t-il pas.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, étudier l’impact sociétal, social et économique de la réduction progressive du temps de travail, tel est l’objet de la commission d’enquête que le groupe UDI nous propose de créer. C’est intéressant. La réduction du temps de travail est, en effet, un enjeu majeur de civilisation et de société. Il faudra sortir de certains clichés. Nos travaux nous permettront de vérifier que, d’après les chiffres de l’INSEE, la durée réelle du temps de travail en France est aujourd’hui de 39 et non de 35 heures.

Nous devons, encore et toujours, avoir l’ambition du progrès social. Il est essentiel de pouvoir évaluer tous les impacts de la réduction du temps de travail, notamment sur la création d’emplois, tant on entend de contrevérités à ce sujet. Dans l’exposé même des motifs, certains chiffres sont délibérément passés sous silence, comme, selon la revue d’enquête de l’INSEE Économie et Statistique de juin 2005, la création de 350 000 emplois entre 1998 et 2002, qui n’a pas provoqué pour autant de déséquilibre financier.

Souvenons-nous des propos du MEDEF de l’époque : les 35 heures, ce serait la ruine de la France, le pays allait s’effondrer ! Il en était de même en 1968 avec la hausse de 35 % du SMIC. Aujourd’hui, ces 35 heures sont naturelles, solidement ancrées dans la société et je souhaite bon courage à ceux qui, à droite, entendraient les abroger ! Pour autant, les créations d’emplois dont nous avons parlé ne peuvent être satisfaisantes que si ces emplois sont stables et correctement rémunérés. Il faudra porter notre regard sur cette question.

En effet, toujours selon l’INSEE, certains employeurs semblent avoir profité de l’effet d’aubaine pour geler les salaires et intensifier le travail. Il ne faudrait pas non plus résumer la réduction du temps de travail à ses effets indirects : réjouissons-nous déjà des effets directs ! La baisse du temps de travail est une fin en soi, une bonne chose en elle-même ! L’objectif premier de la réduction du temps de travail est de libérer du temps pour permettre aux salariés de s’émanciper et de s’épanouir.

Cette question nous oblige donc à nous pencher sur la mise en œuvre de la réduction du temps de travail, le bien-être au travail et la santé des salariés. Le temps de travail est, il est vrai, un des éléments du contrat de travail avec lequel les employeurs peuvent prendre le plus de liberté. Des dérogations multiples leur sont offertes, qui sont autant d’invitations à la flexibilisation du travail. L’annualisation du temps de travail, la modulation, les amplitudes horaires, la course à la productivité, la multiplication des coupures de travail dans une même journée sont des facteurs de déstructuration de la vie des salariés et de pression.

Lorsqu’un salarié doit sans cesse adapter sa vie privée aux impératifs de son travail, qu’en est-il réellement de son temps libre ? Le salarié est-il libéré de sa subordination ou a-t-on créé une subordination plus diffuse, plus permanente ? On constate aussi une emprise renforcée du travail sur la vie privée à travers les nouvelles technologies. Les salariés sont de plus en plus en permanence connectés, ce qui pose un problème de civilisation : vivre pour travailler ou travailler pour vivre ?

Nous aurons donc à étudier, dans le cadre de cette commission, le double mouvement de réduction du temps de travail et de déréglementation de la législation sur le temps de travail, ainsi que les évolutions des formes du travail. Enfin, l’article unique axe le travail de la commission sur la loi du 13 juin 1998. Il nous paraît utile que la commission n’écarte pas d’emblée l’étude d’impact des lois encourageant les heures supplémentaires. Cela dit, tout indique que vous souhaitez inscrire la mission de la commission d’enquête dans une démarche d’ouverture sans écarter les questions que nous venons de soulever. C’est pourquoi nous ne nous opposerons pas à sa création.

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Barbara Romagnan. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, monsieur Thierry Benoit, je salue, au nom du groupe socialiste, l’initiative du groupe UDI qui propose de créer une commission d’enquête permettant d’évaluer l’impact social, sociétal, économique et financier des politiques de réduction du temps de travail. Ainsi que nous pouvons le constater, tous les groupes y sont favorables même si, comme vient de le souligner ma collègue Véronique Massonneau, nos attentes ne sont pas tout à fait identiques.

Même si la commission n’a pas encore commencé ses travaux, je trouve extrêmement positif que nous soyons tous d’accord sur le caractère légitime de cette réflexion menée déjà avec grand sérieux par nombre de syndicats en Allemagne et en en Belgique, par exemple. Avant d’en venir au champ d’investigation de la commission d’enquête et aux premiers éléments de bilan, je tenais à rappeler que le travail a déjà été réduit pour certains et parfois tellement réduit qu’ils n’ont pas de travail. En revanche, certains travaillent trop. Vous le rappeliez, en effet, cher collègue, selon l’INSEE, la durée réelle d’un temps plein en France est supérieure à 39 heures.

Au milieu, se trouvent tous ceux qui ont un emploi à temps partiel – je dirai plutôt « toutes celles » puisque 82 % des travailleurs qui travaillent à temps partiel sont des femmes – et qui ne parviennent pas à joindre les deux bouts dans de bonnes conditions. Ce partage induit de la souffrance chez ceux qui ne travaillent pas, pas assez ou trop. Cela a un impact sur les arrêts maladie, l’absentéisme, la qualité, donc la productivité et les comptes sociaux. Or ce partage du travail n’a jamais été débattu devant et avec les citoyens. Le marché et la division sexuelle du travail, qui affectent encore très largement les femmes à la famille et aux tâches ménagères, en ont ainsi décidé.

Cette situation n’est pas propre à la France. Dans tous les pays occidentaux, il y a de fait un partage du travail, car on produit autant ou plus avec moins d’heures de travail. Par exemple, aux États-Unis, même avant la crise des subprimes, la durée moyenne du temps de travail était inférieure à 34 heures, tant les petits boulots sont nombreux. Aux Pays-Bas, 75 % des femmes travaillent à temps partiel et 45 % en Allemagne. Quelles perspectives d’avancement leur sont-elles offertes dans le cadre de leur travail et quels sont leurs revenus si le couple se sépare ? Dans l’article unique de cette proposition de résolution, vous insistez avec raison sur la loi de 1998, dite loi Aubry, car elle est évidemment la loi majeure en la matière.

Nous avons déjà du recul et des informations sur plusieurs points et nous connaissons certaines limites de cette loi. On sait, par exemple, que la réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière, qui n’a pas été accompagnée de suffisamment d’embauches, a été source de certaines difficultés. Nous savons également, même si cela mérite d’être affiné, que la perception de l’amélioration de la vie quotidienne est largement corrélée au niveau de formation. Ainsi, les cadres perçoivent plus facilement et plus majoritairement l’amélioration que cela a représenté pour leur vie que les employés ou les ouvriers non qualifiés.

On sait, enfin, que les améliorations ressenties dans la vie quotidienne sont aussi largement déterminées par le sexe. Le temps gagné par les femmes a été largement réinvesti dans les tâches familiales et domestiques, ce qui n’a pas été majoritairement le cas pour les hommes. Mais les lois Aubry, ce sont aussi, selon le bilan de la DARES, la création de 350 000 emplois et 4 milliards d’euros de cotisations sociales supplémentaires par an et une baisse du nombre de chômeurs, donc une diminution des prestations chômage à hauteur de 1,8 milliard.

Elles ont également stimulé la consommation des ménages, entraînant une augmentation du montant des recettes fiscales estimé à 3,7 milliards. La compétitivité de l’économie française n’a pas pour autant fléchi. Je sais que nous débattrons de ce sujet. En effet, l’augmentation du salaire horaire lié au passage aux 35 heures a été largement compensée par la modération salariale, une organisation du temps de travail plus flexible et l’aide de l’État sous forme de cotisations sociales.

Enfin, M. Candelier l’a souligné, nous devrons également nous pencher sur un certain nombre de dispositifs qui, s’ils n’ont pas abrogé les dispositifs des 35 heures, les ont largement vidés de leur contenu, ce qui, à notre sens – mais nous sommes prêts à en débattre –, explique pour une grande part la limitation des effets positifs des lois Aubry. Je pense à l’explosion du contingent des heures supplémentaires, passé de 130 à 180 heures en 2003 avec les lois Fillon et à 220 en 2004 par décret, à la baisse du coût des heures supplémentaires ainsi qu’à la défiscalisation des heures supplémentaires en 2007, dispositions qui encouragent le recours aux heures supplémentaires plutôt qu’à la création d’emplois.

Le chômage de masse mine notre société, nous le savons tous, la croissance est atone et risque de le rester, les enfants nés massivement au début des années 2000 vont bientôt arriver sur le marché du travail, mais, dans le même temps, nous sommes capables de produire au moins autant avec moins d’heures de travail grâce aux progrès technologiques et au fait que les salariés sont parmi les plus productifs du monde.

Saisissons-nous de cette chance pour permettre à tous et toutes de travailler dans de meilleures conditions, d’en vivre décemment, d’avoir du temps pour ses proches, des activités bénévoles et citoyennes, et pour améliorer la vie de nos concitoyens et le dynamisme de notre économie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Vote sur la demande de création de la commission d’enquête

Mme la présidente. Aux termes de l’article 141, alinéa 3, du règlement, la demande de création d’une commission d’enquête est rejetée si la majorité des trois cinquièmes des membres de l’Assemblée nationale s’y oppose, soit 345 voix.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que seuls les députés défavorables à la création de la commission d’enquête participent au scrutin.

Je mets aux voix la demande de création de la commission d’enquête.

(Personne ne s’étant prononcé contre, la majorité requise pour le rejet n’est pas atteinte.)

Mme la présidente. La demande de création d’une commission d’enquête est adoptée.

Je vais suspendre la séance, qui reprendra à dix-sept heures salle Lamartine.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures, salle Lamartine.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Débat sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.

La Conférence des présidents avait décidé d’organiser ce débat en deux parties, mais, compte tenu de l’empêchement de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, nous ne tiendrons aujourd’hui que la première partie. Elle consiste en une table ronde, d’une durée d’une heure environ, sous forme de questions-réponses, en présence de personnalités invitées. La durée des questions et des réponses est limitée à deux minutes, avec possibilité de répliques et contre-répliques.

Le Gouvernement a indiqué que la seconde partie de ce débat pourrait avoir lieu le mardi 8 juillet à quinze heures, sous la forme d’une séance de questions à la ministre de l’écologie, sous réserve, naturellement, de son inscription dans le décret de convocation du Parlement en session extraordinaire.

Table ronde

Mme la présidente. Je vais donner la parole à chacun de nos invités, que je remercie de leur présence : tout d’abord, M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables, que je salue ; M. Loïc Heuzé, coprésident du comité « efficacité énergétique » du MEDEF, président du groupe de travail « efficacité énergétique » de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication, directeur des relations extérieures du groupe Deltadore, que je salue également ; enfin M. Raphaël Claustre, directeur du CLER, Réseau pour la transition énergétique, que je salue lui aussi. Je remercie chacun d’eux d’être bref, afin que les questions puissent leur être posées.

La parole est à M. le président du syndicat des énergies renouvelables.

M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, en tant que président du syndicat des énergies renouvelables, je parlerai d’énergies renouvelables, en rappelant, tout d’abord, l’état d’avancement de leur développement.

Vous savez que, dans le cadre du Grenelle de l’environnement et de la directive européenne de 2009, a été fixé un objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans le mix en énergie finale à l’horizon 2020, partant d’un niveau de 9 % l’année de référence, 2005. Ce niveau est resté stable jusqu’au début de 2008. Un point de passage avait été fixé à 14 % en 2012 ; on est arrivé fin 2012 à 13,7 %, ce qui est en apparence un bon résultat. En conduisant une analyse filière par filière, on se rend compte que l’essentiel des progrès accomplis entre 2008 et 2012 l’ont été par les biocarburants, pour un peu plus de 40 % de l’accroissement. Or cet accroissement des biocarburants n’est pas extrapolable à l’horizon 2020.

On constate, d’autre part, dans les filières telles que l’éolien terrestre et le solaire photovoltaïque, qui ont connu un bon développement jusqu’en 2011, un très net ralentissement ces dernières années.

On observe aussi une bonne progression de tout ce qui est production de chaleur, notamment par pompes à chaleur, mais également à partir de la biomasse, qu’il s’agisse du chauffage au bois domestique ou des installations collectives ou industrielles. Néanmoins, malgré cette bonne progression, en phase avec les scénarios jusqu’en 2012, l’extrapolation jusqu’en 2020 ne nous permet pas, vu les moyens accordés aujourd’hui à l’ADEME via le Fonds chaleur, d’espérer tenir les objectifs en 2020.

Notre estimation, à partir d’une extrapolation jusqu’en 2020 pour l’ensemble des filières, est que l’on arrivera, si rien ne change d’ici là, à 17 %, et non aux 20 % annoncés.

Les raisons de ces prévisions pessimistes tiennent globalement au cadre économique, qui s’est détérioré : nous avons eu des stop and go, bien connus, notamment sur la filière solaire photovoltaïque. Elles tiennent également à l’instabilité du cadre économique, avec une fiscalité de plus en plus lourde, et des coûts de raccordement en croissance constante, qui handicapent le développement des filières. L’encadrement administratif s’est par ailleurs renforcé au fil du temps, avec un empilement de procédures. L’exemple de l’éolien vaut à cet égard aussi pour la méthanisation. Les durées de réalisation de projets sont de l’ordre de sept à huit ans, quand un même projet se fait chez nos voisins allemands en deux ou trois ans.

Quelles conclusions en tirons-nous et qu’attendons-nous de la loi sur la transition énergétique ? Nous faisons le constat que les énergies renouvelables restent un relais de croissance qui peut être important, et qu’il y a toujours un énorme intérêt en termes d’environnement – à savoir de gaz à effet de serre à éviter –, de balance commerciale, de création d’emplois. Nous suggérons donc un renforcement de la politique de développement des énergies renouvelables. Nous identifions à cet égard les principaux points suivants.

Il faut, tout d’abord, des objectifs – mais nous n’en avons jamais manqué : dans les lois POPE, Grenelle…, on a toujours eu des objectifs ambitieux. La ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a annoncé dans la presse un objectif global de 32 % d’énergies renouvelables en 2030, selon la déclinaison suivante : 40 % en énergie, 38 % en production de chaleur, 15 % dans les transports. C’est un objectif qui nous paraît ambitieux, d’autant plus qu’il est probable que l’on n’atteindra pas les 23 % en 2020.

Se fixer des objectifs nous paraît toutefois largement insuffisant. Ce qui nous a semblé manquer les années précédentes, c’est une trajectoire – non seulement définir le point d’arrivée mais aussi la trajectoire à suivre pour y parvenir – et un instrument de pilotage : il faut, lorsqu’on ne suit pas la trajectoire annoncée, que l’on puisse rectifier les politiques en cours de route, ce qui demande un suivi, des indicateurs et une instance de décision qui puisse prendre les bonnes décisions en temps utile.

En troisième lieu, il nous semble important que les instruments de soutien au développement des énergies renouvelables soient visibles et pérennes, ce qui n’exclut pas des évolutions mais programmées et négociées avec la profession. Nous savons que figurera dans le projet de loi une évolution des systèmes de soutien aux énergies renouvelables électriques vers plus d’intégration des mécanismes de marché. Si cela se fait de façon programmée avec la profession, cela peut être une réussite et ne pas compromettre l’atteinte d’objectifs ultérieurs.

La quatrième chose que nous attendons de la loi, c’est une simplification drastique des différentes procédures encadrant le développement des énergies renouvelables, sans que ce soit au détriment des citoyens ni de la protection de l’environnement. Certaines redondances peuvent être évitées. Il peut y avoir un encadrement des recours contre les autorisations délivrées. Nous avons donc un certain nombre de propositions, dont la principale est de regrouper, pour chacune des filières, l’ensemble des autorisations sous une autorisation unique. Des expérimentations sont en cours ; il faudra les généraliser le plus rapidement possible.

Au sujet de la simplification du cadre réglementaire, je voudrais saluer les premiers résultats obtenus dans le cadre de la loi dite « Brottes », avec la suppression des zones de développement de l’éolien et celle de la règle des cinq mâts. Ça ne se traduit pas encore par une progression des raccordements, parce que – M. Brottes le sait bien – cela ne portera ses fruits que dans un an ou deux, le temps que les projets libérés par la suppression de ces règles aillent au terme de leur instruction.

Tels sont les points principaux, eu égard à ce que nous attendons de la loi de transition énergétique. Je voudrais en évoquer un dernier, qui n’est pas souvent cité : la nécessité d’un projet spécifique pour les zones électriques insulaires, départements d’outre-mer et Corse, où les coûts de l’énergie sont très différents de ceux de la métropole, et qui ont des ressources en énergies renouvelables également spécifiques. Il ne faudrait pas les oublier.

Mme la présidente. .La parole est à M. le coprésident du comité « efficacité énergétique » du MEDEF, président du groupe de travail « efficacité énergétique » de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication, directeur des relations extérieures du groupe Deltadore.

M. Loïc Heuzé, coprésident du comité "efficacité énergétique" du MEDEF, président du groupe de travail "efficacité énergétique" de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication, directeur des relations extérieures du groupe Deltadore. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d’abord à remercier M. Denis Baupin de m’avoir convié à ce débat.

Je rappelle que je fais également partie d’un syndicat, l’IGNES, dont je suis vice-président, et que mon entreprise Deltadore est une entreprise bretonne – c’est un peu d’actualité – qui construit des éléments de gestion active de l’énergie et les vend en France et en Europe.

Le premier point de mon intervention sera de recentrer l’efficacité énergétique active au cœur du débat sur la transition énergétique. On a tendance, depuis très longtemps, à beaucoup parler d’isolation du bâtiment, de double vitrage, en oubliant souvent la partie efficacité énergétique active. Loin de moi l’idée de laisser de côté le sujet du mix énergétique, important, mais il ne faut pas que celui-ci occupe tout l’espace : l’efficacité énergétique doit trouver sa place dans ce débat.

Il faut évidemment, dans le cadre de l’efficacité énergétique, inscrire le plan dans une perspective de réduction des consommations. C’est l’objectif premier : l’énergie non consommée est celle qui nous coûte le moins cher ! L’efficacité énergétique, en outre, a la particularité de ne pas être associée à une seule énergie ; que ce soit le fioul, l’électricité ou le gaz, que ce soit avec une chaudière, des convecteurs électriques ou une pompe à chaleur, elle s’applique : elle a donc l’énorme avantage d’être multi-énergies et non reliée à une énergie, produite ou consommée.

Il faut également, dans ce cadre, associer l’actif et le passif. Les termes ne sont pas toujours très heureux. Je rappelle leur sens : le passif c’est l’isolation, l’actif c’est tout ce qui est le pilotage, la conduite des énergies. Je vous invite à vous pencher, dans quelques jours, sur la parution d’une étude réalisée par Carbone 4 et le CSTB, concernant la pertinence de ces associations entre l’actif et le passif, le fait que l’un plus l’autre forment un cocktail très performant.

L’Agence internationale de l’énergie a dit que le premier carburant du monde était l’efficacité énergétique. Nous nous inscrivons pleinement dans cette vision. La non-consommation est un excellent moyen de tendre vers une indépendance énergétique des États et de réduire le déficit commercial. J’insiste donc, dans ce premier point, sur la nécessité de traiter à égalité l’efficacité énergétique et le mix énergétique.

Le deuxième point que je souhaite aborder concerne l’implication du consommateur. Au sein de notre fédération et de nos syndicats, nous pensons que mettre le consommateur au cœur de la transition énergétique est une vocation noble : on n’atteindra pas les objectifs de réduction des gaz à effet de serre si le consommateur n’est pas impliqué.

La bonne équation, c’est d’associer actif, passif et comportement. Pour que ce dernier soit vertueux, il faut donner au consommateur les moyens de savoir comment il consomme. Il doit pouvoir disposer d’un vrai tableau de bord. On n’imagine pas aujourd’hui conduire une voiture sans tableau de bord ; pourtant, on conduit un bâtiment ou un logement sans tableau de bord. On ne sait pas ce que l’on consomme. Savez-vous, par exemple, combien vous consommez de veille dans votre logement ? Je suis certain que personne ne le sait. Les systèmes de comptage et d’affichage permettent de savoir : quand on sait, on peut agir ; quand on ne sait pas, il est évident que l’on ne peut pas agir.

Nous avons ainsi vu, en Bretagne, que le système ÉcoWatt a réussi à faire baisser les consommations grâce à un sms.

M. Jean-Pierre Le Roch. Oui !

M. Loïc Heuzé, coprésident du comité "efficacité énergétique" du MEDEF . Cela ne coûte rien. Il invite les consommateurs à être vigilants en période de pointe. Ce sont des systèmes performants qui permettent au consommateur d’agir de manière vertueuse.

Il faut également inscrire la rénovation énergétique dans une révision globale. Estimer aujourd’hui que l’on peut rénover totalement un bâtiment est une utopie, que ce soit pour des raisons financières ou pratiques. Il faut inscrire le consommateur ou le bâtiment dans une rénovation par étapes. Ces étapes seront différentes en fonction des consommateurs : il y a des particularités régionales ou des urgences comme celle, par exemple, d’une chaudière en panne à changer. Changer de chaudière, c’est bien, mais il faut également inviter le consommateur à examiner les travaux nécessaires pour rendre son logement plus performant. On voit fleurir aujourd’hui des informations sur le passeport énergétique, la « carte vitale » du logement. C’est un système vertueux qu’il faut encourager, afin d’inscrire le consommateur dans une démarche vertueuse à terme.

Enfin, je veux m’intéresser aux propositions de la « nouvelle France industrielle ». Marcel Torrents, président du directoire de Delta Dore, et Jacques Pestre de Point P ont été désignés comme copilotes du plan de rénovation énergétique des bâtiments. Dans ce cadre, nous avons fait des recommandations que nous avons voulu inscrire dans le projet de loi sur la transition énergétique et que je veux rappeler ici. Nous avons tout d’abord proposé d’embarquer la rénovation énergétique dans la rénovation elle-même. Les travaux effectués aujourd’hui dans les maisons sont plus des travaux dits de confort que de véritables travaux de rénovation énergétique. Essayons de faire en sorte que le particulier qui s’engage dans une rénovation de confort puisse embarquer facilement de la rénovation énergétique, grâce à des aides – par exemple, un taux moindre de TVA. Nous pensons également que le RGE doit être la colonne vertébrale de cette rénovation énergétique. S’il est encore perfectible, c’est un effort de formation intéressant pour la filière. Continuons à le soutenir et améliorons-le, afin qu’il devienne une véritable formation continue pour les artisans.

Il faut aussi simplifier les aides à la rénovation énergétique des bâtiments qui sont aujourd’hui assez compliquées. Elles varient en fonction du crédit d’impôt ou du bouquet de travaux. Créons un système simple et lisible pour le client. Il faut que Mme Michu puisse s’y retrouver, lorsqu’elle a envie de faire des travaux de rénovation énergétique. Je ne reviendrai pas sur la rénovation par étapes, mais elle fait également partie des recommandations de la « nouvelle France industrielle ». Nous avons aujourd’hui la chance dans notre beau pays d’héberger les leaders mondiaux de la rénovation énergétique, aussi bien dans l’actif que dans le passif, avec des groupes comme Schneider, Saint-Gobain, Legrand ou Delta Dore. Inscrivons la France dans une rénovation 3.0. Utilisons la maquette numérique, le BIM : ces outils sont des outils de performance. Enfin, les industriels vont s’engager. Nous allons créer autour des acteurs de la NFI un cercle d’industriels et de négoce qui porteront ces offres sur le marché.

Mme la présidente. La parole est à M. Raphaël Claustre.

M. Raphaël Claustre, directeur du cler, réseau pour la transition énergétique. Je vous remercie de me donner la chance d’être entendu. Je suis le directeur du comité de liaison énergies renouvelables (CLER), Réseau pour la transition énergétique, qui est une association de protection de l’environnement rassemblant un peu plus de deux cents acteurs territoriaux en contact avec les citoyens, les entreprises et les collectivités qui travaillent à la transition énergétique, par des entrées sociales, environnementales ou économiques. Avant de vous dire ce qui nous semble nécessaire à la réussite de cette transition énergétique et combien elle est essentielle, je voudrais vous donner quelques chiffres prouvant que nous avons déjà obtenu des résultats. Il ne s’agit pas de vous promettre des merveilles et 680 000 emplois supplémentaires en 2030, car vous connaissez déjà ce discours. Au contraire, je veux insister sur ce qui a été déjà fait et non pas vous vendre du rêve.

Une vraie attente citoyenne existe autour de ce sujet. Il y a eu un débat sur la transition énergétique que certains parmi vous ont suivi de près, d’autres d’un peu plus loin. Celui-ci a produit des résultats très intéressants, notamment une impressionnante pile de littérature que vous n’allez pas compulser maintenant. S’il ne faut lire qu’un document, ce serait la synthèse de la journée citoyenne, laquelle a eu pour objet de faire s’exprimer les citoyens, hors militants – militants professionnels ou « émotionnels ». Il s’agissait de citoyens non concernés. À la question « Pour vous qu’est-ce que la transition énergétique ? », les deux tiers ont répondu : « une chance de s’engager dans un modèle de société plus sobre, avec une meilleure qualité de vie plus respectueuse de l’environnement ». L’engagement citoyen est beaucoup plus fort et beaucoup moins frileux que ce que l’on pourrait a priori penser.

S’agissant des emplois offerts par la transition énergétique, si l’on parle des emplois à venir, je rappelle qu’entre 2006 et 2012, ce sont 95 000 emplois qui ont été créés. Certes, on a rencontré des difficultés ces dernières années et on a pu observer une légère baisse des recrutements en 2012. Pour un tiers, il s’agit d’emplois dans les énergies renouvelables et pour deux tiers, dans l’efficacité énergétique. Ces emplois ne sont donc pas des fantasmes. De plus, dans le rapport sur la sécurité de son approvisionnement énergétique que vient de produire la Commission européenne, on peut lire que la principale source de sécurité de l’approvisionnement en Europe, c’est l’efficacité énergétique. Un chiffre est avancé : en 2012, les énergies renouvelables ont fait baisser de 30 milliards d’euros la facture énergétique de l’Union européenne. Ce chiffre impressionnant n’est pas celui des lobbies ou des militants, mais un constat fait par la Commission européenne.

Concernant les questions territoriales, il faut savoir que notre vision, au CLER, se fonde principalement sur les territoires puisque, par nature, les énergies renouvelables sont un gisement diffus, ce qui représente une force, étant donné qu’elles sont disponibles pour tous de manière relativement équitable. Avec les collectivités locales les plus actives, essentiellement des collectivités rurales, nous avons mis en place un réseau « Territoires à énergie positive ». Ce sont des collectivités qui se donnent un objectif, reposant autant sur l’efficacité énergétique que sur les énergies 100 % renouvelables, à une échelle qu’elles déterminent. Il faut qu’elles aient autant de plans d’action que d’objectifs. Nous avons commencé il y a trois ans avec sept collectivités ; désormais elles sont une vingtaine, ce qui correspond à environ 500 élus. La fédération des parcs naturels régionaux, qui représentent 15 % de la surface de notre pays, vient de s’engager à atteindre l’autonomie énergétique d’ici à 2030. Il existe un mouvement de fond qui est très fort du côté des territoires.

Après toutes ces remarques positives, j’en viens à un point négatif concernant la précarité énergétique. C’est un phénomène de société dont la gravité est reconnue. Il y a besoin de traiter de vraies urgences, en aidant une partie de la population à avoir accès à l’énergie. Mais, si l’on considère la définition d’une passoire énergétique – un logement consommant 300 kWh par mètre carré par an ou la moyenne des logements construits avant 1975 –, 50 % de la population sont en précarité énergétique, en consacrant plus de 10 % de leurs revenus à l’énergie. Seulement 5 % de la population vivent dans un logement bien rénové, c’est-à-dire consommant moins de 100 kWh par mètre carré par an. L’efficacité énergétique n’est sans doute pas une solution unique, mais c’est une solution extrêmement importante dans la lutte contre la précarité énergétique.

Après ces constats, quels sont les objectifs ? Il faut fixer beaucoup d’objectifs, mais mieux encore les atteindre, en se donnant les moyens de réussir. Un objectif nous semble manquer dans ce qui circule du projet de loi : celui sur l’efficacité énergétique. Elle est le parent pauvre dans la trajectoire qui se dessine, alors qu’elle est beaucoup mise en avant. Il y aura besoin de financements efficaces, adaptés et stables pour donner confiance. Les tarifs d’achat de l’électricité renouvelable sont en permanence attaqués et mis en danger : il faut les renforcer. De même, s’ils doivent coexister avec un autre dispositif, il faut mettre celui-ci rapidement en œuvre, afin que les deux dispositifs puissent cohabiter le plus longtemps possible et qu’il n’y ait pas de mauvaise surprise. S’agissant de la chaleur renouvelable, il faut renforcer le fonds chaleur, dont on a constaté, notamment grâce à la récente étude de l’ADEME, la très grande efficacité économique. Il faut également engager une simplification administrative.

Beaucoup de choses se passent dans les territoires et il faut leur faire confiance pour que cela se passe bien. Au lieu de leur dire comment trouver des gisements d’économies, il faut leur donner des compétences pour le faire. C’est essentiellement au niveau des régions et des intercommunalités que cela se passe. La maille de la commune est bien souvent trop petite. Les régions – et pourquoi pas les régions renforcées ? – seront parfaitement adaptées pour cette mission. Il faut également avoir du courage, donc assumer que faire un choix, c’est en abandonner d’autres. C’est l’un des reproches que l’on peut faire au Grenelle de l’environnement. Il a certes donné une dynamique et apporté beaucoup d’améliorations, mais il a aussi eu le défaut de ne pas trancher. Si l’on suit les objectifs fixés pour l’électricité renouvelable – autant de fossile, plus de renouvelable, plus de nucléaire et plus d’efficacité énergétique –, on atteint 140 %. Si l’on veut vraiment se donner les moyens d’atteindre nos objectifs, il faut dire comment l’on va faire et si l’on veut aller chercher des emplois supplémentaires, il faut accepter de renoncer à certaines filières.

J’ai vu récemment certains industriels se désespérer que certaines centrales fossiles soient à la peine ; malheureusement, c’est l’un de nos objectifs. Si l’on soutient l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables, c’est pour se passer des énergies qui nous coûtent le plus en termes environnementaux, sociaux et économiques. Il faut donc se réjouir des difficultés de certaines centrales. Par contre, on peut se désespérer que ce soient les centrales gaz qui souffrent avant les centrales charbon. Il faudra des ajustements. On ne peut toutefois pas reprocher aux énergies renouvelables de réussir à diminuer les besoins en énergie fossile. Dans les îles, la situation est parfois complètement ubuesque. L’opérateur unique, qui a le monopole sur l’électricité, a tout intérêt au 100 % fossile. C’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer dans certaines îles. Il faut parvenir à changer cette situation. Il est beaucoup question du coût du renouvelable, mais il faut se rendre compte que la péréquation tarifaire dans les îles coûtera, en 2014, 1,8 milliard d’euros à la CSPE, et que cette tendance est chaque année à la hausse. Il est important de prendre cela en compte. Une simplification et une réglementation adaptée pourront faire changer beaucoup de choses.

Il faudra également se rendre compte que vendre de l’efficacité énergétique et vendre de l’énergie peuvent recouper des intérêts contradictoires : les pouvoirs publics, au niveau national et souvent territorial, doivent trancher et être en position de force. Enfin, s’agissant de l’efficacité énergétique, nous avons besoin et de l’actif et du passif. Pour exploiter au maximum tous ces gisements, il sera nécessaire de bien informer le grand public – notamment grâce au dispositif Énergie-info qui fonctionne bien – ; de proposer des aides efficaces, rationalisées et simplifiées ; d’améliorer l’offre, car les particuliers doivent savoir vers qui se tourner pour bénéficier de rénovations énergétiques de qualité ; enfin, d’obliger peut-être, parce qu’il est irresponsable de ne pas dire au ménage qui rénove aujourd’hui un logement sans intégrer les questions énergétiques qu’il rate quelque chose d’essentiel.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions. La première sera posée par M. Denis Baupin, au nom du groupe écologiste qui est à l’initiative de ce débat.

M. Denis Baupin. Je remercie les experts venus nous soumettre leurs analyses sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Nous avons souhaité organiser ce débat en prévision de la loi sur la transition énergétique, de sorte que l’éclairage de ces experts puisse nous aider à soumettre des propositions les plus efficaces possible.

Tout d’abord, je souhaitais poser une question à M. Heuzé et à M. Claustre sur l’efficacité énergétique et sur les dispositifs existants : les business models – ou plutôt les modèles d’affaires… – sont-ils rentables sur le long terme et que faudrait-il modifier pour qu’ils soient plus efficaces – je pense, par exemple, au taux d’intérêt pour les emprunts finançant les rénovations thermiques de bâtiments ? Autre question : quelle est votre évaluation des certificats d’économies d’énergie ? Est-ce un dispositif utile et faut-il le renforcer ?

Mes questions à M. Bal portent d’abord sur le photovoltaïque. J’ai cru comprendre que les professionnels se plaignaient de la façon dont était appliqué actuellement le tarif et sa dégressivité. Pouvez-vous, monsieur le président du syndicat des énergies renouvelables, nous en dire plus à ce sujet ainsi que sur ce que vous préconisez. Par ailleurs, quelle est votre évaluation de la situation du photovoltaïque ? On entend dire, et les appels d’offres s’en font assez largement l’écho, qu’il faudrait mieux installer du solaire uniquement au sud de la France parce qu’il y a plus de soleil, mais d’autres pensent que cela vaut le coup d’en mettre un peu partout car il vaut mieux installer les centres de production à proximité des lieux de consommation si l’on veut éviter d’avoir trop de réseaux, de frais de transport, de distribution. Enfin, pour ce qui concerne l’éolien, vous avez dit que le permis unique était en cours d’expérimentation, mais j’ai cru comprendre que ce n’en était pas vraiment un et qu’il y avait encore des simplifications à apporter. Pouvez-vous nous éclairer là-dessus pour que la loi permette d’avancer davantage ?

Mme la présidente. La parole est à M. le coprésident du comité « efficacité énergétique » du MEDEF.

M. Loïc Heuzé, coprésident du comité "efficacité énergétique" du MEDEF. À la NFI, nous avons fait une recommandation sur l’accompagnement des prêts. Vous avez raison, monsieur Baupin, c’est un élément important, et nous avons préconisé qu’on puisse utiliser des prêts de type immobilier à long terme pour la rénovation énergétique, ce qui n’est pas possible aujourd’hui, pour que les remboursements des prêts correspondent quasiment aux économies d’énergie réalisées, ce qui rendrait le dispositif presque à l’équilibre pour le consommateur.

Quant aux C2E, les certificats d’économies d’énergie, c’est un excellent outil de financement, même s’il est plus valorisant pour des systèmes – pompes à chaleur, chaudière – que pour les énergies actives. Il est d’ailleurs significatif que ceux qui marchent bien, à peu près une dizaine, reposent toujours sur le même principe. Nous avons entamé une démarche pour mieux valoriser les systèmes actifs afin d’augmenter leur retour CUMAC – « cumulés-actualisés ». L’actif n’a jamais été très bien traité à cet égard, mais le C2E en lui-même est un bel outil.

Mme la présidente. La parole est à M. le directeur du CLER, Réseau pour la transition énergétique.

M. Raphaël Claustre, directeur du CLER, Réseau pour la transition énergétique. Les modèles d’affaires des investissements dans l’efficacité énergétique montrent que c’est hyperrentable pour un particulier. Celui-ci ne sait pas forcément faire des calculs en termes de taux de rentabilité interne de ses projets, mais les notaires peuvent démontrer que le gain patrimonial sur un bien qui a été rénové d’une manière très performante en énergie compte énormément. En revanche, si on ne prend en compte que les économies d’énergie réalisées, les temps de retour sont longs. Il faut donc un accès aux financements à de très bas taux. La Caisse des dépôts et consignations travaille là-dessus… depuis très longtemps. Il serait intéressant de savoir où elle en est. (Sourires.) Il y a unanimité pour reconnaître qu’il y a un besoin d’accès à l’argent à bas coût à la fois pour le renouvelable et pour l’efficacité énergétique puisque, dans les deux cas, il s’agit d’investissements importants au départ avec des frais de fonctionnement faibles. Il faudrait enfin trouver une solution. Des missions sont en cours à ce sujet. Si vous, mesdames, messieurs les députés, pouvez obtenir des informations de la part de la Caisse des dépôts et consignations, cela intéresserait tout le monde.

S’agissant des C2E, ils peuvent apporter plein de choses, mais croire qu’un outil fonctionne tout seul est une erreur : quand l’administration suit de près, cela fonctionne bien ; quand on les laisse aux mains des fournisseurs d’énergie, l’on s’aperçoit qu’il y a des insuffisances partout. Ainsi, la dernière mouture du dispositif proposé par le Gouvernement pour 2015 apparaît deux fois en dessous de ce que préconisent les directives européennes quand on creuse un peu la question et en prenant en compte les différentes exemptions prévues. Les C2E demandent donc un très bon contrôle de l’administration mais, à cette condition, ils apportent des financements et aident à financer les projets.

Mme la présidente. La parole est à M. le président du syndicat des énergies renouvelables.

M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables. Sur la question du tarif photovoltaïque, vous savez, monsieur le député, qu’un tarif avait été fixé le 4 mai 2011, suite au moratoire, pour les installations jusqu’à 100 kilowatts, avec une dégressivité automatique tous les trois mois, calculée à partir de la somme des demandes de raccordement au réseau électrique. Nous avons toujours dit que cet indicateur n’était pas révélateur de la réalité du marché puisqu’une demande de raccordement ne coûte rien et qu’il y a donc des demandes uniquement à but spéculatif, en fonction d’éventuelles baisses de coût à venir. Les chiffres révélés récemment par ERDF montrent d’ailleurs un important taux de chute : 43 % des projets déposés depuis mars 2011 n’ont pas été réalisés, ce qui montre bien à quel point ce mécanisme de dégressivité est inadapté. Il faut donc trouver un autre indicateur, qui ne peut être que le nombre de raccordements réels. Mais, en attendant, nous sommes face à un problème : le tarif est devenu tellement bas qu’il n’est plus générateur de nouvelles installations. Il faut soit le réévaluer, soit assouplir les règles actuellement en vigueur car, pour ces relativement petites installations en photovoltaïque, le coût de l’intégration au bâti peut représenter plus que le prix du module lui-même. La simplification des règles d’intégration au bâti et d’éligibilité au tarif permettrait d’obtenir des réductions de coûts.

Les appels d’offres favorisant l’installation de générateurs photovoltaïques dans le sud ne me choque pas outre mesure car un tel générateur a tout de même une meilleure productivité dans cette portion du territoire. Il est important de voir si ces installations sont connectées avec la consommation d’énergie locale. Un des grands avantages du photovoltaïque, c’est de pouvoir produire sur les lieux de consommation et en simultanéité avec celle-ci. Je précise que dans le sud, il y a non seulement plus de consommation d’énergie en été qu’en hiver, mais aussi plus que dans le nord en cette période de l’année. Pour toutes ces raisons, il ne me semble donc pas aberrant qu’il y ait plus d’installations photovoltaïques dans le sud. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne faudrait pas en réaliser dans le nord, sachant qu’on y a aussi des consommations d’été, notamment pour ce qui concerne le bâtiment tertiaire. Les appels d’offres devraient permettre de favoriser certaines localisations du photovoltaïque dans cette portion du territoire.

Enfin, s’agissant de l’éolien mais pas uniquement, il y a actuellement dans certaines régions une expérimentation de ce qu’on appelle un peu abusivement l’autorisation unique. Il s’agit seulement d’instruire de manière groupée les différentes autorisations. Il faut aller plus loin et fusionner, filière par filière, les différentes autorisations, ce qui implique de ne pas rester à droit constant. Mais je pense qu’il faut procéder avec prudence. Laissons donc l’expérimentation se réaliser et puis, d’ici un an, on pourra appliquer une réelle autorisation unique.

Mme la présidente. Je me permets de rappeler à chacun que chaque question ne doit pas dépasser deux minutes de façon à ce qu’il puisse y avoir des échanges.

La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. J’ai dans ma circonscription, à Beinheim précisément, une aminoderie qui va devenir, je l’espère, le premier site industriel à s’alimenter directement en chaleur géothermique à partir d’une eau puisée à 2 500 mètres de profondeur. La géothermie profonde se développe en France : vingt-cinq permis de recherche, dont une dizaine en Alsace, ont été octroyés ces dernières années ou sont en cours d’instruction. Cette ressource permet de développer la compétitivité des entreprises en consolidant leur approvisionnement en énergie. Le savoir-faire français est réel, depuis les études exploratoires jusqu’à l’exploitation des centrales, en passant par la maîtrise des forages.

Pour favoriser le développement de la géothermie profonde au plan international, il serait nécessaire que les pouvoirs publics accompagnent cette filière innovante au cœur de la transition énergétique. À cet égard, trois actions sont à envisager : tout d’abord, participer à la mise en place d’un fonds de garantie du risque géothermique pour la géothermie profonde de type EGS, c’est-à-dire le captage et la réinjection d’eau chaude circulant dans des réservoirs profonds ; ensuite, travailler avec les porteurs de projet, les investisseurs, les services de l’État et les collectivités à la mise en place d’une redevance de concession pour favoriser l’implantation des projets et pour contribuer à l’économie locale car il y a aujourd’hui un vide juridique sur ce point ; enfin, inciter à la valorisation de la chaleur géothermique, qui crée des emplois non délocalisables. De nombreuses applications industrielles et agroalimentaires sont possibles, contribuant ainsi à l’économie circulaire et à la richesse de nos territoires.

Monsieur Bal, quelle est votre position sur cette énergie renouvelable, non intermittente et sans dégagement de CO2 ?

Mme la présidente. La parole est à M. le président du syndicat des énergies renouvelables.

M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables. Le syndicat des énergies renouvelables partage l’ensemble des revendications que vous venez de formuler, monsieur le député. Nous avons participé aux travaux d’élaboration d’un projet de fonds de garantie pour la géothermie stimulée, dite EGS. Nous soutenons également un tel projet à l’international parce qu’on sait qu’il y a d’énormes enjeux à l’exportation et que la France a un savoir-faire assez considérable dans ce domaine, notamment grâce à Électricité de Strasbourg et sa filiale géothermie. Nous sommes donc tout à fait pour la création d’un fonds de garantie EGS, ainsi que pour la mise en place d’une redevance de concession. Le rendement électrique de la conversion de la géothermie étant assez faible – comme pour la biomasse –, il nous semble tout à fait logique d’avoir une incitation à la valorisation de la chaleur. Pour mémoire, le tarif d’obligation d’achat de l’électricité géothermique comprend déjà une bonification s’il y a valorisation de chaleur. Mais quand on n’a encore aucun retour d’expérience, il est impossible de savoir si cette valorisation est suffisante. Par ailleurs, il faut aussi que la localisation s’y prête et qu’il existe de la chaleur à valoriser sur les lieux d’exploitation.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. S’agissant de la région dans laquelle on préfère les SMS aux portiques, je pense moi aussi, depuis longtemps, que l’économie d’énergie, c’est de l’énergie renouvelable. J’ai essayé à plusieurs reprises de l’inscrire dans la loi, notamment lors du Grenelle, mais sans grand succès alors que cela nous aurait permis d’avancer un peu différemment. Je pense également que la norme est l’ennemi du bien car plus on demande du normatif, moins les travaux se font. Il faut mener à bien le maximum de travaux possible en fonction du budget disponible, mais pas demander l’impossible parce que celui-ci ne se réalise jamais. J’aimerais que ces deux points soient développés par nos intervenants.

Monsieur Bal, vous prévoyez un taux d’énergie renouvelable de 17 % en 2020, mais si on enlève l’hydraulique… Au secours ! On n’aura pas fait grand-chose. Le chiffre de 17 % peut paraître beaucoup pour le public alors qu’en réalité, le renouvelable, une fois enlevé l’hydraulique, ne représente presque rien.

Pourriez-vous également nous indiquer une ou deux mesures concrètes ne coûtant pas d’argent, auxquelles vous songeriez dans vos rêves les plus fous ? Vous êtes toujours d’accord pour créer un fonds et augmenter les tarifs d’achat, cela, je l’ai bien compris. Mais on a évoqué tout à l’heure par exemple la non-intégration des installations solaires au bâti. Cette idée est intéressante : je trouve en effet que l’on s’embarrasse avec cela, qui coûte très cher. En matière d’éolien également, des mesures de simplification ont été prises n’ayant rien à voir avec l’argent. Une petite liste de telles mesures ne coûtant rien serait de nature à accélérer les choses. Il est normal que vos revendications soient globales mais nous avons aussi besoin de viser de tels éléments car cela peut permettre de faire avancer les choses rapidement.

Monsieur Claustre, je n’ai pas tout compris de votre propos sur la baisse de la facture énergétique imputable aux énergies renouvelables. Si on achète moins de gaz et de pétrole, c’est aussi, en partie, parce qu’on utilise davantage de charbon et de lignite. C’est dommage, mais je ne suis donc pas sûr que tout puisse être attribué aux énergies renouvelables. J’attends de connaître le ratio avec précision. Si les centrales à gaz ferment, ce n’est pas du tout parce qu’on recourt davantage aux énergies renouvelables, mais parce qu’il y a davantage de centrales à charbon qui prennent le relais…

M. Raphaël Claustre, directeur du CLER. Pas en France !

M. François Brottes. Peut-être pas en France, mais dans d’autres pays, si ! On ne peut donc pas trop simplifier.

Dans les deux cas, et là c’est une question que je pose également à M. Bal, qui ne s’en étonnera pas puisque je la lui pose chaque fois que je le vois, quand traite-t-on du stockage ?

Mme la présidente. La parole est à M. le coprésident du comité « efficacité énergétique » du MEDEF.

M. Loïc Heuzé, coprésident du comité "efficacité énergétique" du MEDEF. La volonté est aujourd’hui que le consommateur s’inscrive vraiment dans une vision à terme. Il faut essayer de ne pas travailler dans l’urgence. On donne la préférence à l’audit énergétique plutôt qu’à l’action pure. Il faudrait aujourd’hui faire un audit à chaque problème à résoudre, de confort ou de panne. Or, aujourd’hui, on oppose quelque peu le diagnostic de performance énergétique, le DPE, et l’audit. Le DPE a surtout une valeur verte en ce qu’il décrit un bâtiment du point de vue énergétique alors que l’audit se place, lui, dans la perspective des actions à réaliser à terme. Celles-ci doivent être effectuées step by step. J’en suis d’accord avec vous, la rénovation globale est une utopie. En revanche, on peut déterminer des étapes à suivre, et pour ce faire, il faut bien connaître le bâtiment. Il est important également, comme l’a dit M. Claustre tout à l’heure, de tenir compte de la dimension régionale. On ne construit pas de la même manière en Bretagne – je fais là un clin d’œil aux Bonnets rouges – que dans le Nord, en Alsace ou dans le sud. Il faut intégrer ces particularités et accompagner le client dans une vision prospective de la rénovation qu’il entreprend. Intégrer la rénovation énergétique dans une rénovation globale a du sens lorsqu’elle est prospective, pas quand elle s’effectue dans l’urgence.

Mme la présidente. La parole est à M. le président du syndicat des énergies renouvelables.

M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables. J’en viens à la place de l’hydraulique dans le bilan des énergies renouvelables. En 2005, année de référence, la production d’hydro-électricité représentait 7,5 millions de tonnes équivalent pétrole sur un total de 15,7 millions de tonnes d’origine renouvelable, soit en gros un tiers, l’essentiel étant issu de la biomasse. En 2012, la part de l’hydro-électricité est malheureusement restée inchangée, alors que l’ensemble des énergies renouvelables a progressé d’un peu plus de six millions de tonnes, dont, pour faire simple, quatre millions proviennent de l’ensemble des biomasses, c’est-à-dire aussi bien le bois-énergie que les biocarburants, un million de tonnes des pompes à chaleur et un million de tonnes de l’éolien terrestre.

M. François Brottes. Vous parlez du consommé ou de l’installé ?

M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables. Du consommé.

D’ici à 2020, on s’attend à ce que la progression de l’énergie issue des biomasses solides et des pompes à chaleur continue et à ce que celle issue de l’éolien terrestre, nous l’espérons, s’accentue. De l’hydroélectricité, on attend peu de plus en matière de production d’énergie. On en attend en revanche beaucoup en matière de stockage de l’électricité parce que c’est encore aujourd’hui le moyen le plus efficace et le plus économique pour cela. Et il existe encore du potentiel en ce domaine en France. Cela ne doit pas empêcher d’accentuer les efforts de recherche-développement sur les autres moyens de stockage. Dans le cadre du programme des investissements d’avenir, l’ensemble des techniques de stockage, y compris le stockage thermique, font d’ailleurs l’objet de travaux de recherche-développement à un niveau proche du stade industriel.

Pour le reste, des mesures qui ne coûtent rien, ce ne peut être que la simplification.

Mme la présidente. La parole est à M. le directeur du CLER.

M. Raphaël Claustre, directeur du CLER. S’agissant des trente milliards d’euros économisés par l’Union européenne sur sa facture énergétique, ce chiffre n’émane pas d’une étude du CLER, mais d’une communication de la Commission au Parlement européen, il y a quinze jours, sur la sécurité d’approvisionnement – que je peux d’ailleurs vous transmettre. Elle concerne toutes les énergies renouvelables, et donc pas majoritairement l’électricité. Une grosse partie de la facture énergétique économisée va concerner la chaleur renouvelable, en quoi le charbon ou autres ne sont pas concernés. Pour ce qui concerne l’électricité, je n’ai pas pris connaissance de la méthodologie de la Commission européenne dans son intégralité. Je puis seulement dire que sur les quatre cents millions d’euros de facture énergétique totale de l’Union, trente millions ont été économisés grâce aux énergies renouvelables.

Pour ce qui est de la fermeture des centrales à gaz, le faible prix du charbon n’en est que l’un des facteurs explicatifs. Le développement des énergies renouvelables y a aussi sa part. D’une part, celles-ci sont de plus en plus nombreuses : d’autre part, même si c’est encore de façon insuffisante, l’efficacité énergétique progresse. La part des autres énergies se réduit donc. Le phénomène est loin d’être marginal aujourd’hui.

S’agissant enfin du stockage, la question se posera un jour mais je rappelle qu’en France, la part de l’électricité variable, d’origine surtout solaire et éolienne, n’est que de 3%, alors qu’elle a dépassé 30% au Danemark et que dans un pays comme l’Espagne, très mal connecté, elle atteint 25%. Il n’y a donc pas d’urgence à poser de nouvelles barrières ni à nourrir de nouvelles craintes. Avant de s’orienter vers des techniques un peu compliquées et coûteuses comme le stockage, n’oublions pas les solutions comme l’interconnexion des réseaux voisins, qui est encore la meilleure forme de stockage.

Avec l’intelligence du réseau – cela devrait satisfaire M. Bal – ou l’équilibrage local, il existe toute une série de solutions. Mais les problèmes ne poseront vraiment que dans une dizaine d’années, et encore à la condition que nos filières solaire et éolienne se soient développées très rapidement, sauf peut-être sur les îles où il faut expérimenter, de façon à atteindre très vite le taux de 100% d’énergies renouvelables, conformément à l’engagement pris dans la loi Grenelle, dont on est loin d’avoir pris le chemin.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. L’énergie d’origine éolienne constitue un axe important du développement des énergies renouvelables. Pourtant, des contraintes de toutes sortes contrarient ce développement. A titre d’exemple, dans mon département de la Mayenne, le conseil général a pour objectif d’installer une centaine d’éoliennes d’ici à 2020 et de produire 17 % de la consommation électrique mayennaise grâce à cette énergie. Malheureusement, en raison de contraintes aéronautiques militaires, le ministère de la défense s’est opposé à certaines de ces réalisations et trente éoliennes, pourtant approuvées par les élus locaux, ne pourront pas être installées. Je précise que le ministère de la défense avait pourtant donné préalablement son accord à cette zone de développement éolien.

Je pourrais multiplier les exemples de contraintes administratives diverses ou de procédures qui entravent, ralentissent ou, pis, conduisent à l’annulation de nombre de projets éoliens. Ces difficultés sont en totale contradiction avec les ambitions annoncées par le Gouvernement en matière de développement des énergies renouvelables puisque, à l’horizon 2030, nous devrions atteindre une part de 40 % pour les énergies renouvelables électriques.

J’aimerais connaître votre point de vue sur ce problème franco-français qui rend si complexe et si contraignante l’installation de mâts éoliens dans notre pays. L’un d’entre vous a demandé tout à l’heure que l’on fasse confiance aux territoires. N’est-ce pas là la solution ?

Mme la présidente. La parole est à M. le coprésident du comité « efficacité énergétique » du MEDEF.

M. Loïc Heuzé, coprésident du comité "efficacité énergétique" du MEDEF. L’efficacité énergétique active, c’est quand même beaucoup plus simple et source de beaucoup moins de difficultés que celles que vous venez de décrire. Les territoires peuvent s’engager dans cette voie, ils n’auront pas de problèmes. Érigeons l’efficacité énergétique en véritable slogan !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Ce débat, dont j’ai suivi attentivement le début sur le réseau interne de télévision, met en lumière les problèmes pratiques et financiers que pose la montée en puissance des énergies renouvelables. Ces problèmes ont été sous-estimés lors de l’adoption des lois Grenelle.

J’ai deux questions auxquelles devrait pouvoir répondre le président Bal. Confirmez-vous que l’éolien et le solaire requièrent d’installer environ cinq à six fois la puissance attendue en raison du caractère aléatoire des régimes de vent et de l’ensoleillement et que ces énergies exigent de lourds investissements en matière de réseau ?

Deuxième question : pensez-vous qu’il soit raisonnable, ou même seulement possible, de ramener d’ici à 2025 de 77 %, qui est son niveau actuel, à 50 % la part de l’électricité nucléaire dans le mix électrique français, compte tenu de l’évolution tendancielle de la consommation d’électricité sur notre territoire, et ce sans augmenter les rejets de CO2 ?

Mme la présidente. La parole est à M. le président du syndicat des énergies renouvelables.

M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables. Pour ce qui est des contraintes, nous avons fait le même constat que vous. Nous découvrons les zones d’entraînement militaires. Nous avons appelé l’attention des ministres, dont celle de la ministre de l’écologie, sur le sujet. Mais des sources de contraintes, il y en a beaucoup d’autres. Ainsi en va-t-il des radars, qui bloquent aujourd’hui des projets représentant au total plus de 3 000 mégawatts.

Monsieur Accoyer, l’éolien et le solaire sont en effet des énergies intermittentes, dont il faut pouvoir gérer l’intermittence mais il n’est pas vrai qu’il faille installer cinq à six fois la puissance attendue. Au contraire, les analyses de RTE seraient qu’à l’horizon 2020, avec les 20 000 mégawatts qu’il est prévu d’installer conformément aux objectifs du Grenelle de l’environnement, la puissance supplémentaire à installer en énergies conventionnelles serait d’environ de 500 mégawatts. On est donc très loin du coefficient que vous indiquez…

M. Bernard Accoyer. Pouvez-vous répéter les chiffres ?

M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables. Les analyses de RTE montrent que pour 20 000 mégawatts qu’on installerait d’ici à 2020 en éolien et en solaire, la puissance supplémentaire qu’il faudrait produire à partir d’énergies conventionnelles serait de l’ordre de 500 mégawatts, afin de compenser les fluctuations…

M. Bernard Accoyer. Donc 2,5 % seulement ? Permettez-moi d’en douter car c’est en total décalage avec les chiffres qu’on entend par ailleurs.

M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables. Si vous mettez en doute les analyses de RTE…

Pour le reste, des investissement réseau sont en effet nécessaires. Mais ceux-ci sont en fait pris en charge par les producteurs puisque ce sont eux qui financent la plus grande partie du renforcement des réseaux au travers des schémas régionaux. Encore une fois, RTE a estimé que, pour le chiffre que je vous indiquais d’installations à réaliser d’ici à 2020, le coût de l’investissement serait de l’ordre du milliard d’euros, ce qui est considérable mais pas non plus hors de proportion.

Veuillez m’en excuser, mais j’ai oublié quelle était votre dernière question.

M. Bernard Accoyer. Elle portait sur la réduction de 77 % à 50 % de la part d’électricité d’origine nucléaire dans le mix électrique français d’ici à 2025.

M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables. Joker !

M. Bernard Accoyer. Et sans rejeter davantage de CO2 !

M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables. Sans rejeter davantage de CO2 ? Encore une fois, je vous renvoie aux analyses de RTE.

Encore une fois, je vous renvoie à RTE. Regardez les scénarios qu’ils ont élaborés pour voir la faisabilité technique, je ne parle pas de la faisabilité économique, de la réduction de la production nucléaire à quarante gigawatts en 2030. La compensation se ferait essentiellement par de l’éolien, du solaire, et puis des énergies renouvelables de type garanti, de type origine biomasse. Les émissions de dioxyde de carbone augmenteraient légèrement, passant de 26 millions de tonnes à un peu plus de 30 millions ; cela resterait, du point de vue des émissions de gaz à effet de serre, un système de production électrique extrêmement performant. Je vous concède que les émissions augmenteraient un petit peu, mais ce serait vraiment très minime.

M. Bernard Accoyer. Vous avez évoqué la date de 2030, non celle de 2025, si j’ai bien entendu ?…

M. Jean-Louis Bal. Les scénarios de RTE, effectivement, ont été élaborés en retenant l’horizon 2030. Cela correspond aux horizons européens.

M. Bernard Accoyer. Merci.

Mme la présidente. La parole est à M. le directeur du CLER.

M. Raphaël Claustre, directeur du CLER. En ce qui concerne les questions d’investissement dans le réseau, il est intéressant de comparer les montants en jeu à ceux des investissements à faire indépendamment des énergies renouvelables. Que disent les gestionnaires des réseaux de transport au niveau européen ? Ils expliquent qu’ils vont devoir investir dans de nouvelles lignes ou dans le renforcement des réseaux, en premier lieu, pour la sécurité de l’approvisionnement, en deuxième lieu, pour le fonctionnement du marché et, en troisième lieu seulement, pour le développement des énergies renouvelables. Autrement dit, quel que soit le scénario énergétique, on a besoin d’investir dans les réseaux.

Ensuite, je pense qu’il est important de ne pas confondre un coût économique net et un investissement. Une société qui n’investit pas – qu’il s’agisse d’investissement public ou privé, c’est une autre question – est une société qui n’a ni avenir ni emplois. Il importe donc de se le rappeler : investir, c’est une bonne chose.

Enfin, pour ce qui est du passage à 50 % de nucléaire dans la part du mix électrique français, savez-vous à quel rang se situerait alors la France dans le monde ? Tout simplement le premier – à égalité avec la Slovaquie, mais c’est un accident lié à la division de la Tchécoslovaquie.

M. Bernard Accoyer. Nous ne sommes pas honteux d’être premiers dans un domaine ! Lorsqu’un pays dispose d’une technologie et que le monde entier reconnaît qu’il est celui qui la maîtrise le mieux, ce n’est pas honteux.

Mme la présidente. Merci, monsieur Accoyer !

M. Denis Baupin. Si on peut intervenir comme ça, on peut parler de Fukushima…

Mme la présidente. Comme vous savez trop bien comment les choses se passent, monsieur le vice-président, vous ne le ferez pas. (Sourires.)

La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je vous remercie madame la présidente : nous avions un peu l’impression qu’il y avait ici un privilège pour l’ancien président de notre assemblée…

Je voulais poser une question à M. Bal sur les installations solaires. C’est un débat récurrent : considérez-vous, monsieur, qu’il faille plutôt développer les grandes installations ou de plus petites installations, disséminées ? Il faut savoir, pour la deuxième catégorie, qu’il y a, notamment chez les particuliers, une limite de trois kilowatts crête, un tarif qui bloque. Ce n’est pas forcément logique, par rapport à la physionomie des bâtiments concernés. Quant aux plus grandes installations, voyez-vous d’autres gisements de développement que les centrales au sol ? Je songe aux toitures, aux entrepôts logistiques, aux surfaces de parking, etc.

S’agissant de l’éolien et du solaire, plus généralement des énergies renouvelables, pouvez-vous nous donner quelques indications sur la part de la valeur ajoutée française et européenne ? Le débat est souvent faussé parce que le panneau solaire chinois apparaît comme un épouvantail. C’est bien, d’ailleurs, le seul domaine où on le fait ; personne n’a jamais envisagé un moratoire sur l’importation de téléphones portables fabriqués en Chine, mais passons. Les chiffres montrent, en l’occurrence, que, dans le domaine des énergies renouvelables, la valeur ajoutée est importante en France et en Europe, que ce soit pour la fabrication et, surtout, l’importation.

En ce qui concerne l’efficacité énergétique, que pensez-vous – peut-être cette question s’adresse-t-elle plutôt à M. Claustre – de la question des normes sur les logements, sur les bâtiments individuels ? On pourrait retenir un modèle qui existe déjà, qui a le mérite de fonctionner, qui s’applique à l’assainissement. Aujourd’hui, si un logement n’est pas relié à l’assainissement collectif, des obligations de mise aux normes s’imposent. Il y a des dates, bien sûr, mais il y a surtout des obligations qui s’appliquent à la revente. Quand quelqu’un revend un logement, il doit faire un état des lieux. Soit le logement est remis aux normes, soit l’acheteur disposera d’une somme, mise sous séquestre par le vendeur, pour procéder à ladite mise aux normes. Pourrait-on envisager un dispositif comparable en matière d’efficacité énergétique ?

Mme la présidente. La parole est à M. le président du syndicat des énergies renouvelables.

M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables. En ce qui concerne le solaire, le tarif pour les particuliers, sur des habitations individuelles, n’est pas limité à 3 kilowatts mais à 9. Je pense que la moyenne, aujourd’hui, des installations chez les particuliers est plutôt proche de 4,5 ; c’est surtout une question de niveau d’investissement.

Pour moi, le solaire, je l’ai déjà dit tout à l’heure, a une grande vertu : il permet de produire sur les lieux de consommation. Sans exclure des centrales au sol, sur des terrains qui ne sont pas valorisables pour l’agriculture, il faut privilégier le solaire sur des toitures, particulièrement sur celles de bâtiments où la consommation est forte. Mettre du solaire sur des hangars à cochons qui, comme le dit le directeur général de l’énergie, ne regardent pas encore la télévision, cela peut être une aberration, notamment du point de vue du réseau électrique. Privilégions donc le solaire sur les lieux de consommation. Il y a suffisamment de toitures pour le faire.

En ce qui concerne la valeur ajoutée, on a tendance à exagérer la part de l’importation qui, dans le solaire, concerne essentiellement la cellule photovoltaïque. Or la part de ladite cellule dans le coût du watt installé est devenue assez minime : de 20 % à 25 %.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas essayer de remettre en place une filière industrielle française, et il en va de même pour l’éolien. La part de l’éolienne est plus importante dans l’investissement total. Et, aujourd’hui, sur une éolienne installée en France, la part française est estimée à seulement 25 % par la direction générale de l’industrie. Là aussi, un travail doit être mené, parce que l’industrie française a tous les atouts pour se positionner sur la fourniture de composants à forte valeur ajoutée. C’est l’objet d’un programme du syndicat des énergies renouvelables, soutenu par les investissements d’avenir, qui s’appelle Windustry.

Mme la présidente. La parole est à M. le coprésident du comité « efficacité énergétique » du MEDEF.

M. Loïc Heuzé, coprésident du comité "efficacité énergétique" du MEDEF. Tout à l’heure, Raphaël Claustre a parlé d’obligations, de contraintes, de travaux. Dans le cadre de la NFI, nous avons parlé d’obligation douce. La transmission des biens immobiliers, les transactions immobilières sont des éléments importants. Le Président de la République a aussi évoqué les rénovations de toiture ou les ravalements de façade. Ce sont là des moments assez importants, propices à des actions. L’idée que vous avancez a donc été évoquée dans le cadre de la NFI. L’obligation, la contrainte sont assez mal vues aujourd’hui, mais « l’obligation douce » peut être une piste à examiner.

Mme la présidente. La parole est à M. le directeur du CLER.

M. Raphaël Claustre, directeur du CLER. C’est effectivement une question intéressante. Pour l’instant, on ne l’a peut-être pas assez mise en avant. On sait que la rénovation énergétique, en tout cas la rénovation lourde, se fait très bien à deux moments : quand le logement est vide et que des sommes importantes sont en jeu, donc au moment des cessions, des transactions immobilières, et au moment de ravalements importants. Nous ne sommes pas du tout fans d’obligations et de normalisation ; cela a plutôt tendance à compliquer les choses. Cependant, si on rate ces moments, qui sont tout de même rares, on rate quelque chose pour cinq, dix ou vingt ans. Or nous n’avons pas vingt ans devant nous.

Au-delà de l’information, de la sensibilisation, de la formation des professionnels, au-delà de la structuration d’une offre de rénovation, au-delà de la mobilisation des collectivités, il faudra donc une norme. C’est d’ailleurs d’ores et déjà arbitré, puisque le Président de la République a déclaré ceci : « J’ai été également sollicité, à juste raison, pour que les normes réglementaires puissent être conformes à nos objectifs de rénovation thermique. [… ] Les grands travaux qui rythment la vie d’un bâtiment [… ] devront intégrer, désormais, la performance énergétique. [… ] C’est vrai qu’il y a un aspect contraignant etc. » Cela ne fait donc aucun doute, c’est arbitré, et, j’en suis certain, personne, ici, n’osera remettre en question la parole présidentielle.

Ensuite, nous souhaitons mettre en avant une autre question, celle de la précarité énergétique ; je sais, pour en avoir parlé avec lui lors d’une rencontre à l’Assemblée nationale, que M. Brottes y est très sensible. Il faudra faire évoluer les décrets qui définissent ce qu’est un logement décent. La définition actuelle, qui impose un point de chauffage, nous paraît totalement inadaptée. Un poêle à pétrole dans un coin serait un point de chauffage ? C’est parfaitement indécent à nos yeux ! Nous estimons qu’un certain niveau de performance énergétique doit être exigé au regard des ressources du ménage, et, surtout, nous estimons qu’il faut donner du temps et permettre de s’adapter. Par exemple, nous devons dire qu’une passoire énergétique, qui n’atteindrait pas un certain niveau de performance, ne sera plus décente en 2020. Nous devons annoncer, ensuite, un niveau un peu plus élevé pour l’année 2024. Pour peu que tous les autres aspects – la formation, les financements adaptés, la formation des professionnels – soient bien mis en œuvre, alors on aura une logique de planification et de programmation. A défaut, je crains que ce ne soit quelque peu anarchique.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je remercie, en notre nom à tous, nos invités pour leur participation à nos travaux.

Le débat est clos.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, à vingt et une heures trente :

suite de la discussion du projet de loi pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public ;

deuxième lecture de la proposition de loi relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron