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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 30 juin 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Marc Le Fur

1. Projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 (suite)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Avant la première partie

Article liminaire

Mme Véronique Louwagie

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

Suspension et reprise de la séance

Première partie

Réserve des votes

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

Article 1er

Mme Véronique Louwagie

M. Frédéric Lefebvre

Rappels au règlement

M. Christian Jacob

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

M. Christian Jacob

M. Francis Vercamer

M. Jean-Louis Roumegas

Mme Jacqueline Fraysse

M. Christian Jacob

Suspension et reprise de la séance

M. le président

M. Christian Jacob

M. Philippe Vigier

Mme Isabelle Le Callennec

M. Bruno Le Roux

M. Christian Jacob

Mme Cécile Duflot

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

Article 1er (suite)

Mme Isabelle Le Callennec

Mme Karine Berger

M. Michel Issindou

M. Michel Liebgott

Mme Jacqueline Fraysse

M. Dominique Tian

M. Christian Jacob

M. Francis Vercamer

M. Philippe Vigier

Mme Marisol Touraine, ministre

Amendement no 35 rectifié

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales

Amendements nos 221 (sous-amendement) , 115 , 82

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

2. Clôture de la session ordinaire 2013-2014 - Ouverture de la session extraordinaire 2014

3. Projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 (suite)

Première partie (suite)

Article 1er (suite)

Amendements nos 95 , 55 rectifié

Après l’article 1er

Amendements nos 138 rectifié , 190 , 54 , 48 , 4 , 16 , 102

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de financement rectificative

de la Sécurité sociale pour 2014 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 (nos 2044, 2061, 2058).

Cet après-midi, l’Assemblée a entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie pour vos interventions dans la discussion générale.

Comme l’a dit Gérard Bapt, le rapporteur de la commission des affaires sociales, s’agissant de la préservation du modèle social, ce texte est l’occasion de passer des paroles aux actes. Il s’agit effectivement d’inscrire dans le marbre de la loi les dispositions annoncées dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. C’est aussi l’occasion de tirer un premier bilan des actions engagées en matière de redressement des comptes sociaux.

À ce propos, monsieur Vercamer, il n’y a pas d’ambiguïté, contrairement à ce que vous avez indiqué. C’est bien le pacte de responsabilité, tel qu’il a été annoncé, que nous mettons en place. Ce texte a pour ambition forte de mettre en œuvre la politique définie par le Président de la République et par le Gouvernement pour relancer notre économie et favoriser l’emploi.

De ce point de vue, M. Jean-Marc Germain a raison de dire qu’il ne s’agit d’un projet de loi de financement de la Sécurité sociale qu’au plan juridique. Car c’est bien un texte d’orientation économique, qui passe par la maîtrise des dépenses. Je reprends la formule de M. Germain : c’est l’honneur de la gauche de rétablir les comptes, car c’est à cette condition que nous pourrons pérenniser notre modèle social. Et cela, je le répète aux parlementaires de l’opposition.

À M. Door qui évoque le niveau d’excédent de l’Allemagne en matière d’assurance maladie, je ferai observer que nous ne pouvions évidemment pas nous retrouver dans une situation similaire après dix ans d’action de la droite ! C’est la gauche, en France, qui engage, depuis maintenant deux ans, le redressement des comptes de la Sécurité sociale.

Plusieurs parlementaires l’ont rappelé, il ne faut pas oublier la situation que nous avons trouvée à notre arrivée. Depuis, monsieur Vitel, nous menons une action volontariste et structurelle pour engager notre pays sur la voie du redressement.

Ces actions structurelles portent sur la politique de santé, mais le texte qui vous est soumis aujourd’hui n’a pas pour objectif de définir les choix stratégiques en matière de santé, car ceux-ci relèvent des lois de financement de la Sécurité sociale.

M. Gaymard a évoqué la loi sur l’autonomie, maintes fois annoncée, mais je n’aurai pas la cruauté de le renvoyer au bilan en la matière de la majorité qu’il soutenait.

Comme l’a souligné Mme Monique Iborra, le Gouvernement a la volonté d’engager le redressement des comptes en faisant en sorte que l’effort nécessaire demandé à la population française soit justement réparti. C’est une préoccupation constante pour lui.

Cette préoccupation a également été soulignée par Mme Hobert qui a rappelé que, dans le cadre des échanges intervenus entre les différents groupes de la majorité et le Gouvernement, nous avions décidé de ne pas mettre à contribution presque la moitié des retraités de notre pays, à savoir ceux dont la retraite est globalement inférieure à 1 200 euros.

Cet esprit de solidarité se traduit aussi dans l’amendement que vous avez déposé, madame Hobert, avec le groupe RRDP, visant à écarter de l’Aide à l’acquisition de la complémentaire santé – ACS – les contrats qui discrimineraient certains assurés en fonction de l’âge. Madame la députée, le Gouvernement partage votre préoccupation et émettra un avis favorable à cet amendement.

Mme Bernadette Laclais a souligné que cette volonté de redressement dans la solidarité nous amenait à faire des choix structurants et à demander un effort à l’ensemble de nos concitoyens. Même si nous souhaitons que cet effort soit le plus mesuré et le plus maîtrisé possible, nous n’ignorons pas qu’il représente une contrainte pour une partie de la population. Vous l’avez indiqué, ce n’est jamais de gaieté de cœur que l’on s’engage sur une telle voie. Mais nous avons besoin de rassembler notre pays et de lui indiquer le sens de la politique dans laquelle nous nous engageons.

Madame Fraysse, le Gouvernement compensera, à l’occasion des lois de finances pour 2015, le manque de recettes qui résultera de l’adoption des textes concernant la Sécurité sociale. Je veux également vous répéter que l’exonération des cotisations AT-MP ne portera que sur la part mutualisée. Les entreprises connaissant un taux fort de sinistralité continueront à payer une cotisation. C’est un élément très important si nous voulons garantir l’engagement en faveur de la prévention.

Plusieurs parlementaires du groupe SRC ont rappelé avec force l’importance de ce qui nous rassemble : la mobilisation pour l’emploi et le rétablissement du pays.

Martine Pinville a eu raison de souligner que ce texte constituait l’acte 2 d’une démarche pour le rétablissement de l’emploi. Selon Jean-Marc Germain, ce qui peut faire débat, c’est non pas l’objectif poursuivi, mais l’appréciation que l’on peut avoir de l’efficacité de telle ou telle politique. Or, comme l’a indiqué Michel Liebgott, l’efficacité s’apprécie et s’analyse au regard de la constance et de la cohérence des politiques menées.

Pour terminer, j’insisterai sur le fait qu’une ligne politique a été annoncée par le Président de la République et le Premier ministre. Dévier de ce cap, c’est amener les Français à s’interroger sur les choix que nous faisons. Or c’est de confiance que notre pays a aujourd’hui besoin plus que tout.

Si nous voulons que les atouts dont nous disposons en matière de capacités économiques, d’innovation et de recherche se cristallisent et permettent de relancer l’activité économique nous devons redonner de la confiance aux investisseurs, aux Français, à toutes celles et tous ceux qui œuvrent pour que notre pays aille de l’avant. Et pour que cette confiance soit au rendez-vous, mesdames, messieurs les députés, nous avons besoin de constance et de cohérence. C’est ainsi que nous gagnerons la bataille de l’emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Je veux à mon tour remercier l’ensemble des orateurs en les priant de m’excuser si je ne m’adresse pas directement à chacun d’entre eux, car je leur répondrai en regroupant un certain nombre d’interrogations, souvent légitimes.

Je voudrais commencer par préciser que la baisse du coût du travail est nécessaire. Le Gouvernement a mis en œuvre plusieurs mesures dont j’ai déjà rappelé la cohérence : d’abord, le CICE, qui est ciblé vers les entreprises exportatrices – notamment dans l’industrie –, qui sont exposées à la concurrence internationale ; ensuite, le pacte, qui bénéficie à tous les employeurs, mêmes à ceux qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur les sociétés, et qui se cumule, pour les entreprises éligibles, avec le CICE. Cette fois, toutes les entreprises créatrices d’emploi seront bénéficiaires.

Le choix d’une baisse du coût du travail, notamment sur les bas salaires, est fondé sur un constat établi : le coût du travail est important dans la décision d’embaucher un salarié peu qualifié, alors que ce paramètre entre moins en ligne de compte pour décider de l’embauche de salariés plus qualifiés – c’est ce que l’on appelle l’élasticité de l’offre de travail à son coût.

Je souhaite rappeler que le CICE, créé fin 2012, est en train de produire ses effets. Le CICE a pour objet le financement de l’amélioration de la compétitivité des entreprises à travers, notamment, des efforts en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leurs fonds de roulement.

Les entreprises ont perçu, au cours du mois de mai – en tout cas celles dont les comptes étaient clos au 31 décembre dernier – les premiers versements du crédit d’impôt. Ce sont un peu plus de 7 milliards d’euros – cette somme se montera à 12 milliards en fin d’année – qui sont en ce moment même perçus par les employeurs. Des doutes ont été exprimés, notamment chez ces derniers, sur l’effectivité d’une telle mesure. Aujourd’hui ces doutes sont dissipés. Le CICE est désormais visible, perceptible par les entreprises. C’est avec la même volonté de poursuivre les réductions de charges pour les entreprises productives que le Gouvernement vous propose aujourd’hui ce texte.

Le crédit d’impôt ne peut servir ni à financer une hausse de la part des bénéfices distribués ni à augmenter les rémunérations des personnes exerçant des fonctions de direction dans l’entreprise. S’agissant des allégements de charges, plusieurs d’entre vous se sont interrogés sur l’opportunité de faire porter une exonération sur la cotisation de la branche AT-MP. Je tiens d’emblée à les rassurer sur ce point, d’autant que le projet de loi est très clair à ce sujet. Le Gouvernement ne propose pas d’exonérer totalement les entreprises des cotisations AT-MP. L’exonération porte uniquement sur les cotisations minimales, c’est-à-dire celles qui sont payées par une entreprise n’ayant jamais eu à déplorer un accident du travail.

Afin de clarifier totalement ce point, je rappelle que l’article 2 du projet de loi prévoit en substance que la réduction dégressive peut s’imputer sur ces cotisations dans la limite d’un taux fixé par arrêté des ministres chargés de la Sécurité sociale et du budget dans la limite du taux applicable à une entreprise où aucun accident du travail ou maladie professionnelle n’est jamais survenu. La conclusion est très claire : aucune entorse n’est faite au principe selon lequel les employeurs responsables d’accidents du travail doivent en supporter le coût. En pratique, il convient de se souvenir que les entreprises, même lorsqu’elles ne connaissent pas d’accident ou ne sont responsables d’aucune maladie professionnelle, paient à la branche AT-MP une cotisation d’au moins 1 % du salaire. C’est uniquement ce premier point de cotisation qui sera seule exonérée. Il s’agit d’un niveau faible au regard du taux réel en vigueur dans certains secteurs, qui dépasse couramment 5 % voire 6 %, dans le BTP par exemple.

Enfin, le choix d’exonérer les cotisations familiales n’est pas le fruit du hasard. Il s’inscrit dans la continuité du rapport Gallois qui recommandait déjà vivement, en 2012, une réduction des cotisations famille sous 3,5 SMIC afin d’améliorer la compétitivité. Ce rapport Gallois précisait ainsi que « pour atteindre de manière privilégiée l’industrie et les services à haute valeur ajoutée qui lui sont liés, il conviendrait que le transfert de charges porte sur les salaires jusqu’à 3,5 fois le SMIC » et que « dans ces conditions, 35 % de l’avantage créé irait directement vers l’industrie ». Pourquoi choisir une baisse des cotisations famille ? Il s’agit d’un choix logique au regard du mode de financement de cette branche, qui bénéficie à toute la population régulièrement résidente, sans lien avec une activité professionnelle.

En revanche, comme le soulignent les deux rapports sur ce sujet rédigés par la Cour des comptes à la demande du Sénat, il est justifié que les entreprises bénéficiant largement de l’effet des prestations familiales continuent de les financer en partie. Par ailleurs, nous souhaitons une entrée en vigueur progressive de la mesure, afin d’en faire bénéficier d’abord les PME, dans lesquelles les bas salaires sont plus fréquents qu’ailleurs. C’est pourquoi nous proposons une baisse de 1,8 % des cotisations familiales sur les salaires inférieur à 1,6 fois le SMIC d’abord puis sur ceux inférieurs à 3,5 fois le SMIC.

Enfin, plusieurs d’entre vous se sont interrogés sur l’opportunité de supprimer la C3S, arguant que cette recette finance le RSI. Je rappellerai d’abord pourquoi nous voulons supprimer cette contribution. La C3S est un impôt assis sur le chiffre d’affaires dont la suppression progressive d’ici à 2017 apportera un soutien important aux entreprises, en particulier les entreprises industrielles de l’énergie et des transports qui en acquittent une grande part. Le chiffre d’affaires n’est pas représentatif de la capacité contributive des entreprises, dont les bénéfices donnent une image plus fidèle. En outre, l’imposition intervient en amont dans la formation du résultat et affecte donc l’investissement et les performances à l’exportation des entreprises. Il s’agit en effet d’une taxation intermédiaire et non déductible, à la différence de la TVA.

Enfin, une taxation du chiffre d’affaires n’est pas sans conséquence sur les choix d’organisation de la production. En effet, elle peut mener à une imposition en cascade des chiffres d’affaires des clients et des fournisseurs. À l’issue des étapes d’un cycle de production, la proportion de C3S dans les productions nationales s’en trouve élevée, ce qui rend celles-ci moins compétitives que les productions étrangères. Enfin, la suppression de la C3S est nettement profitable aux entreprises industrielles. À eux seuls, les secteurs de l’industrie, de la construction et des transports acquittent en effet plus de 36 % du total de la C3S.

La suppression de la C3S sera donc effective dès 2015 pour toutes les PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 3,25 millions d’euros. Un tel montant n’a pas été fixé au hasard. Il s’agissait en effet d’exonérer les deux tiers des redevables dès la première année au moyen de l’abattement. Cette mesure représente un coût global de 1 milliard d’euros. Elle profitera directement aux PME et 66 000 petits commerces seront totalement exonérés en 2015. Un second abattement sera pratiqué en 2016 et visera les ETI. Quant aux grandes entreprises, elles paieront la taxe jusqu’en 2017.

J’insiste par ailleurs sur le fait que la suppression progressive de la C3S s’accompagne d’un adossement financier des branches « maladie » et « retraite de base » du RSI sur le régime général. Concrètement, les caisses du régime général concernées inscriront dans leurs comptes l’ensemble des charges et produits relatifs à la gestion des prestations et assureront l’équilibre des deux branches du régime des indépendants. La mesure est donc neutre pour les comptes du régime général, la suppression de la C3S étant entièrement compensée.

M. Dominique Tian. Mais comment ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Un tel dispositif de financement s’applique depuis cinquante ans au régime des salariés agricoles et depuis 2009 au régime maladie des exploitants agricoles. La mesure garantit par ailleurs le financement pérenne du RSI et en assure l’équilibre de façon encore plus sécurisée que le financement par la C3S ou n’importe quel autre impôt susceptible un jour d’échouer à couvrir le besoin de financement du RSI. La mesure n’a aucun impact sur les cotisations ou le niveau des prestations. En effet, les prestations en nature de la branche « maladie » et les prestations « retraite de base » du RSI sont complètement alignées sur le régime général. Les prélèvements sociaux des travailleurs indépendants ont fait l’objet de réformes importantes dans le cadre du PLFSS 2013 et sont à nouveau diminués par le pacte.

Enfin, la comparaison avec le régime agricole confirme que l’adossement est neutre par rapport au niveau des prestations et des cotisations. Ainsi, l’adossement de la branche maladie des exploitants agricoles ne s’est pas accompagné d’un relèvement de la cotisation maladie des exploitants agricoles ni d’une diminution des prestations. La suppression est donc sans conséquence sur la gouvernance et la gestion du RSI. L’autonomie et la gouvernance du RSI demeurent inchangées. De même, le rôle de la MSA n’a nullement été remis en cause par l’adossement de la plupart des branches au régime général.

S’agissant de la baisse des cotisations salariales, M. Jean-Luc Laurent a souligné l’importance de la mesure. En effet, pour un salarié au SMIC, cela correspond à une hausse du salaire net de près de 4 %. La mesure sera simple et visible directement sur la feuille de paie. Ainsi, la progressivité des prélèvements sociaux est introduite sans rencontrer les obstacles qu’aurait dressés une évolution de la CSG. Par ailleurs, comme l’a dit M. Laurent, on ne peut pas poursuivre plusieurs lièvres à la fois. En réalité, nous avons pour objectif le retour à une croissance forte, durable et créatrice d’emplois ainsi que l’amélioration de nos marges de manœuvre budgétaires et des marges des entreprises afin de mettre en œuvre les politiques que nous entendons mener. Cela suppose de réaliser des économies, ce à quoi nous nous employons

M. Jean-Marc Germain a pour sa part appelé à orienter davantage les mesures du pacte en faveur d’une relance de la consommation et du pouvoir d’achat des ménages. J’ai noté trois observations en particulier. Tout d’abord, il a fait remarquer que nous étions confrontés à un choix essentiel. Je partage entièrement son point de vue. Il a ensuite dit que le présent projet de loi, comme le projet de loi de finances rectificative, pouvait représenter la mise en œuvre d’une politique d’austérité. Je ne partage absolument pas cette façon de voir les choses. De toute évidence, nous proposons qu’en 2015 les prestations soient maintenues à leur niveau de 2014. L’austérité aurait conduit le Gouvernement à en proposer une baisse. Nous aurons probablement l’occasion de débattre du niveau de l’inflation, qui relativise, d’une part, la lourdeur de l’effort demandé et, d’autre part, le montant et le volume des économies ainsi réalisées. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point. Enfin, M. Germain a souhaité un équilibre entre une politique de l’offre et une politique de la demande.

Mme Jacqueline Fraysse. Pour l’instant, c’est le déséquilibre !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le présent projet de loi, couplé au projet de loi de finances rectificative, représente des volumes que chacun a pu constater et rappeler à plusieurs reprises. Aux allégements de cotisations et d’impôt des entreprises s’ajoutent des alourdissements d’impôt pour celles-ci. Je rappelle en effet que le projet de loi de finances rectificative propose la prolongation de la contribution exceptionnelle des grandes entreprises à hauteur de 2,5 milliards d’euros ! L’équilibre nous semble donc parfaitement respecté. Nous avons développé ce point lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative. Si besoin est, nous recommencerons. J’ai relu mes propos sur l’article liminaire du projet de loi de finances rectificative. J’ai eu l’occasion de confirmer que le Gouvernement entendait agir tant sur la politique de l’offre que sur la politique de la demande, comme en attestent les chiffres figurant dans le PLFR et dans le PLFRSS.

Contrairement à ce qui a été dit, le gain de 42 euros par mois dû à l’exonération salariale sera nettement plus important pour les ménages modestes que l’effet du gel d’une prestation sociale dû à une inflation particulièrement basse. Il faut en outre mettre les reports de revalorisation en regard des mesures positives déjà décidées, que Marisol Touraine a eu l’occasion de détailler lors de ses interventions.

Madame Schmid : il n’appartient pas au Gouvernement de savoir qui préside tel ou tel groupe de travail parlementaire. Frédéric Lefebvre a proposé de mener un travail constructif réunissant les députés représentant les Français de l’étranger, des membres de la commission des finances et des collaborateurs du ministère, voire le ministre lui-même. Je suis ouvert à cette idée. À nous de trouver les formes d’une telle collaboration par-delà la question de la présidence ou de l’animation dudit groupe de travail.

Mme Claudine Schmid. Et le calendrier ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’objectif est d’aboutir à des mesures susceptibles d’être précisées dans le cadre du projet de loi de finances de fin d’année ou du PLFSS de fin d’année s’il s’agit de contributions sociales.

Telles sont, mesdames, messieurs les députés, les précisions que je souhaitais apporter. J’en appelle certes au débat, mais aussi à la responsabilité. La politique que nous menons a déjà été très largement approuvée dans cet hémicycle, en particulier lors du discours de politique générale du Premier ministre…

M. Michel Issindou. Exact ! Il est bon de le rappeler !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …qui a détaillé l’ensemble des mesures qui vous sont soumises dans le cadre de ce PLFRSS. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Avant la première partie

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014.

Article liminaire

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, inscrite sur l’article liminaire.

Mme Véronique Louwagie. Cet article présente la prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour l’année 2014. Le taux de croissance du produit intérieur brut retenu est de 1 % et l’hypothèse de croissance potentielle retenue, figurant dans le rapport annexe à la loi de programmation des finances publiques, est de 1,5 %. Or l’INSEE prévoyait, le 26 juin dernier, une croissance limitée à 0,7 % en 2014. La progression du PIB en volume au cours de l’ensemble de l’année 2014 serait donc inférieure de 0,3 % à celle qu’anticipe le Gouvernement.

Si les prévisions de l’INSEE se révèlent justes, elles ne manqueront pas d’avoir des conséquences en chaîne sur l’ensemble de la trajectoire des finances publiques, qui s’en trouvera fragilisée et perturbée en raison de rentrées fiscales moindres qu’escomptées, d’un début d’année 2015 beaucoup moins favorable et d’un déficit accru en 2014. Je regrette qu’aucune révision des prévisions d’exécution 2014 n’ait été menée entre la date de présentation du projet de loi en conseil des ministres et la date de parution de l’analyse de l’INSEE. Les chiffres présentés dans l’article liminaire ne sont donc pas sincères.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons eu un débat sur l’article liminaire du projet de loi de finances rectificative. Un amendement a été adopté, qui modifie le niveau du déficit structurel et celui du déficit conjoncturel.

L’article liminaire que vous propose le Gouvernement a été validé par le Haut conseil des finances publiques. Il est cohérent avec la prévision de solde nominal et l’hypothèse de croissance potentielle qui avait été fixée par la loi de programmation des finances publiques.

L’article liminaire découlant de l’amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2014 qui a été adopté n’est plus cohérent avec l’hypothèse de croissance potentielle de la loi de programmation, qui reste la loi de programmation en vigueur tant qu’elle n’a pas été changée. Le Gouvernement estime donc nécessaire de le rétablir dans sa rédaction initiale pour garantir la conformité du texte au principe constitutionnel de sincérité. Il déposera donc en nouvelle lecture un amendement en ce sens mais, aujourd’hui, il vous propose d’adopter le présent article liminaire dans sa version initiale, en cohérence avec ce souhait de coller à la loi de programmation en vigueur.

Le Gouvernement est bien entendu prêt à avoir ce débat lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques qui sera examiné à l’automne et qui nous permettra, le cas échéant, si le Parlement en décide ainsi, de prendre en compte des paramètres différents. Il sera toujours légitime de revoir à l’automne le potentiel de croissance, le déficit conjoncturel mais, pour l’instant, l’article liminaire doit être cohérent avec la dernière loi de programmation des finances publiques qui a été adoptée, même si, je le répète, on peut le cas échéant modifier la prochaine.

Telle est donc la position du Gouvernement sur cet article liminaire, que je suggère à l’Assemblée d’adopter en l’état.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Très bien !

(L’article liminaire est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance de dix minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures, est reprise à vingt-deux heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Première partie

M. le président. Nous abordons la première partie du projet de loi concernant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’exercice 2014.

Réserve des votes

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En application de l’article 96 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes sur la suite de la discussion du présent projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Laurent Baumel. Bravo ! La démocratie est en marche !

M. le président. La réserve est de droit.

Article 1er

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, inscrite sur l’article 1er.

Mme Véronique Louwagie. L’article 1er intervient dans le cadre des dispositions relatives aux recettes des régimes obligatoires de base de Sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement.

C’est un revirement total d’orientation de la part du Gouvernement. Cet article met à mal deux années de matraquage fiscal et de matraquage social. En 2012, le Gouvernement a mis fin aux exonérations des cotisations salariales et à l’exonération fiscale sur les heures supplémentaires. Cela a été une grande déception pour 9 millions de Français. Aujourd’hui, c’est une marche arrière qui est enclenchée, et nous nous en réjouissons.

L’impact sur la Sécurité sociale de cette mesure doit être intégralement compensé, mais nous regrettons de ne pas connaître les modalités de cette compensation, qui ne seront définies que dans les lois de finances pour 2015.

Nous ne pouvons que soutenir la baisse des charges tout en déplorant l’absence d’information sur le financement, qui ne nous paraît pas responsable.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Compte tenu de la situation de notre pays en matière de chômage et du niveau de la dette publique – 2 000 milliards – il serait opportun de privilégier l’unité sur tous les bancs à l’occasion de ces débats.

Quand le Président de la République a annoncé, le 31 décembre dernier, son intention de baisser à la fois les charges sur les entreprises et les impôts, j’ai dit : chiche ! Et j’avais alors regretté que le pacte de responsabilité proposé ne fasse pas une large place à une réduction des charges pesant sur les salariés. Le président Le Roux s’en souvient, nous avions eu l’occasion d’en discuter à plusieurs reprises dans des émissions de radio et dans les couloirs de l’Assemblée. J’approuve néanmoins ces dispositions et c’est la raison pour laquelle je voterai les articles 1er et 2, même si j’aurais souhaité que le pacte de responsabilité aille beaucoup plus loin.

Nous avons eu, sur le projet de loi de finances rectificative, un débat très constructif avec le secrétaire d’État, et je souhaiterais que ce soit le cas aussi sur ce texte. Il ne me semble pas utile, à chaque fois que vous prenez la parole, madame la ministre, que vous polémiquiez sur la situation passée. Il est temps que nous regardions toutes et tous vers l’avant.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous n’avez pas écouté Mme Le Callennec !

M. Frédéric Lefebvre. Au moment où nous engageons la discussion des articles, je tenais à le dire avec force.

Vous le savez bien, monsieur le rapporteur, car vous avez une longue expérience dans cet hémicycle, des paroles polémiques peuvent parfois être prononcées, sur les bancs de la majorité comme de l’opposition, mais le rôle du Gouvernement, dans la situation actuelle, n’est-il pas d’essayer au contraire de trouver un large accord, car c’est ce qu’attendent nos compatriotes ? Je tenais à le dire une fois pour toutes dans ce débat.

J’aurai l’occasion d’accorder mes actes avec mes paroles, comme je l’ai fait quand j’ai été le seul député UMP à voter le plan Valls. M. Eckert sait bien que, sur le projet de loi de finances rectificative, toute l’UMP et toute l’UDI étaient aux côtés du Gouvernement quand certains amendements défendaient davantage l’orthodoxie socialiste que l’orthodoxie budgétaire. Chacun ici serait bien inspiré de laisser de côté les dogmes et les idéologies.

M. Michel Issindou. On nous l’a changé !

M. Frédéric Lefebvre. C’est cela qu’attendent nos compatriotes, quand un pays comme le nôtre est dans la situation dans laquelle il est.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Il s’agit d’un rappel au règlement sur le fondement de l’article 58, concernant le bon déroulement de notre séance. Je souhaite que M. le secrétaire d’État nous précise certaines choses. Il a demandé la réserve des votes sur l’ensemble des articles et des amendements, ce qui signifie qu’il n’y aura aucun vote, sur rien, tant que le Gouvernement n’en aura pas décidé autrement. C’est une situation totalement inédite.

Mme Michèle Delaunay. Non !

M. Christian Jacob. Nous sommes vraisemblablement face à une crise très grave au sein de la majorité. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul. N’exagérons pas !

M. Christian Jacob. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, continuer à présenter ce projet de loi, après avoir demandé qu’il n’y ait aucun vote, sur aucun article, sur aucun amendement ? Les observateurs seront très surpris. Cela fait vingt ans que je suis député et je n’ai jamais connu une telle situation. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Il a parfois été fait appel à un tel procédé le jeudi sur des propositions de loi, mais jamais sur un projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Vous demandez la réserve du vote sur tous les amendements et tous les articles parce que le Gouvernement n’arrive pas à arbitrer sa majorité ou parce que celle-ci ne parvient pas à s’arbitrer entre elle. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous donner des précisions sur le déroulement de la séance ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La position du Gouvernement est très claire. Le Gouvernement demande la réserve des votes jusqu’à ce qu’il décide de lever cette réserve. Je n’ai pas demandé la réserve des votes sur tous les articles.

M. Dominique Tian. Enfin ! Qu’est-ce que ça veut dire ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cela veut dire que nous poursuivons l’examen du texte.

M. Christian Jacob. Sans voter ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Avec la réserve des votes, monsieur Jacob : vous connaissez le règlement comme moi. Le Gouvernement demande la réserve des votes jusqu’au moment où il estimera utile et nécessaire de reprendre les votes. En tout état de cause, c’est lui qui en décidera.

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. J’entends votre explication, monsieur le secrétaire d’État, mais quel est l’argument qui fonde le recours à ce procédé ? En principe, la réserve est demandée parce qu’un ministre n’est pas disponible pour venir au banc, parce que l’on ne veut pas donner une explication pour telle ou telle raison technique, ou encore, disons-le – cela nous est arrivé à tous – parce qu’il n’y a pas assez de députés dans l’hémicycle. Mais ce n’est pas le cas à présent : il y a donc une vraie raison politique.

Personne ne peut se satisfaire de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Nous sommes dans une situation invraisemblable. Si les amendements ne sont pas sanctionnés par un vote, le travail parlementaire ne sert plus à rien !

Mme Véronique Louwagie. C’est du mépris !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour un rappel au règlement.

M. Francis Vercamer. Je me demande bien pourquoi nous sommes là. Il y a sept députés UMP, un député UDI, c’est-à-dire que nous sommes huit, contre une bonne trentaine pour la majorité, et l’ensemble des votes sur tous les articles et les amendements est réservé au bon vouloir du prince ! On nous fait venir le lundi après-midi pour débattre et puis l’on nous dit que l’on ne votera pas aujourd’hui ! Pourquoi nous a-t-on convoqués si vous ne pouvez réunir votre majorité ? Monsieur Le Roux, vous devriez faire quelque chose dans votre groupe !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour un rappel à règlement.

M. Jean-Louis Roumegas. Je me pose la même question que M. Vercamer. Cette situation illustre le décalage qui existe entre le Gouvernement et le Parlement. Nous sommes en train de vivre une crise des institutions. Le Gouvernement se plaint de ne pas être suivi par sa majorité,…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il ne se plaint pas !

M. Jean-Louis Roumegas. … c’est peut-être ce qui est en jeu ce soir, à vous de nous le dire – mais il ne prend pas la peine de débattre au préalable. Il ne faut donc pas s’étonner que l’on en arrive là ! Le Parlement est bafoué et cela ne peut que conforter les parlementaires mécontents de la méthode du Gouvernement dans leur position de refus. Les explications évasives de M. le secrétaire d’État sont inacceptables.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous n’avons reçu aucune explication !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour un rappel au règlement.

Mme Jacqueline Fraysse. Je suis extrêmement surprise de cette méthode. Le Gouvernement ne recule décidément devant rien pour nous imposer des décisions. Au fond, l’Assemblée nationale le gêne. C’est un problème de démocratie et permettez-moi de vous dire que c’est une pente extrêmement dangereuse.

Du point de vue technique, pouvez-vous nous expliquer, monsieur le secrétaire d’État, comment nous allons faire pour défendre des amendements sans savoir si d’autres, qui ont des rapports avec eux, ont été adoptés ou repoussés, et de même pour les articles ? Très franchement, je ne vois pas ! Je ne l’ai jamais vu faire dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Je partage l’état d’esprit de Mme Fraysse, et pourtant il est rare que nous soyons d’accord !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Sous la Quatrième République, cela se voyait !

M. Christian Jacob. Monsieur le président, je souhaite une suspension de séance pour demander la réunion de la Conférence des présidents, avec le président de notre assemblée et le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, afin que la représentation nationale soit éclairée. À l’exception du groupe SRC, tous les groupes sont sur la même ligne. Le Parlement ne peut pas être méprisé de la sorte, monsieur le secrétaire d’État. Je comprends bien que vous avez des instructions, mais cela mérite une explication devant les présidents de groupe, et donc la réunion de la Conférence des présidents avec le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement ou le Premier ministre lui-même s’il souhaite venir s’expliquer. On ne peut mépriser ainsi le Parlement sur un tel projet de loi ! Ce n’est pas sérieux.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Mes chers collègues, sachez que j’ai transmis la demande de réunion de la conférence des présidents au président de l’Assemblée nationale. Nous pouvons maintenant poursuivre nos travaux. En application de l’article 96, nous débattrons de l’ensemble des amendements et des articles, en réservant les votes jusqu’à ce que le Gouvernement lève la réserve.

La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Cette situation exceptionnelle mérite une explication de la part du Gouvernement. Nous ne remettons pas en cause le droit de réserve, mais ce sont là tous les articles qui sont réservés. Dire que la séance va continuer, alors qu’aucun amendement ne sera sanctionné par un vote, cela n’a aucun sens. Je ne sais pas si tous mes collègues socialistes l’ont bien mesuré : nous allons tout droit vers un vote bloqué. Quand on utilise l’article 96 du règlement, c’est dans cet esprit. Alors qu’il n’y aura eu de vote sur aucun article et sur aucun amendement, le Gouvernement considérera à un moment donné l’Assemblée suffisamment éclairée, et c’est son texte, sans aucun amendement, qui sera adopté en bloc. Autant que le Gouvernement le dise clairement ! Cela justifierait que le Premier ministre s’explique ou que le ministre des relations avec le Parlement nous donne clairement la position du chef du Gouvernement. C’est un mépris sans précédent du Parlement ! Nous n’avons jamais été dans cette situation ! Si c’est un vote bloqué, assumez-le, et que le Premier ministre vienne le dire ici !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Vigier. Nous vivons un moment extrêmement important. Le Gouvernement va-t-il décider d’appliquer l’article 49-3 ? Pour cela, il faudrait une délibération en conseil des ministres autorisant le Premier ministre à engager la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement. Vous pourriez nous éclairer à ce sujet, madame la ministre. Le Premier ministre peut-il venir ? Pouvons-nous au moins réunir la conférence des présidents ? Pour un texte aussi important que celui-ci, la représentation nationale doit savoir ce que souhaite faire le Gouvernement. Il faut sortir de ce blocage institutionnel majeur ! Nous n’allons pas discuter sur les amendements sans jamais voter.

M. Christian Jacob. Cela n’a aucun sens !

M. Philippe Vigier. La réponse appartient à l’exécutif et tous les groupes politiques l’attendent, madame la ministre.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour un rappel au règlement.

Mme Isabelle Le Callennec. Lorsque j’ai défendu la motion de renvoi en commission, j’ai parlé d’une Assemblée nationale réduite à une chambre d’enregistrement. Là c’est bien pire ! En demandant la réserve des votes jusqu’à nouvel ordre, vous muselez la représentation nationale ! J’ai remarqué que lorsque vous perdiez une élection, vous repoussiez la date de la suivante.

De même, j’ai remarqué en commission des affaires sociales, la semaine dernière, que quand vous pensez que des amendements risquent d’être votés contre l’avis du Gouvernement, il n’y a pas de vote, on part dîner. Les Français nous regardent et il nous faut arrêter de travailler de cette manière.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Le Roux. Je souhaiterais que l’opposition arrête cette obstruction au débat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et que nous puissions travailler sur les moyens aujourd’hui mis en œuvre par le Gouvernement. Cela fait plus d’une demi-heure que de suspensions de séance en rappels au règlement, l’opposition fait tout pour que nous n’en venions pas au fond du débat. Nous, nous souhaitons que celui-ci ait lieu. Le Gouvernement a fait preuve de sagesse en sollicitant la réserve des votes, car le débat doit nous éclairer afin que nous puissions voter en toute connaissance de cause le moment venu.

Mme Véronique Louwagie. Arrêtez ! On ne pourra pas voter !

M. Bruno Le Roux. Je demande à l’opposition d’arrêter cette obstruction et de nous laisser passer au débat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un nouveau rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Ce n’est pas l’opposition qui fait de l’obstruction ; c’est le groupe SRC qui est incapable de s’arbitrer ! Si au lieu des dix minutes que j’ai demandées, la suspension de séance a duré une demi-heure, c’est parce que le secrétaire d’État et les députés socialistes n’ont pas trouvé la ligne d’arbitrage.

M. Charles de Courson et M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Christian Jacob. Nous revenons dans l’hémicycle, et toujours rien n’est arbitré ! C’est se moquer du monde ! Cela revient à dire : « Continuez les débats, continuez à parler, cela ne sert fichtrement à rien car, de toute façon, il y aura un vote bloqué à la fin. » Que le secrétaire d’État ait le courage de nous dire si le Premier ministre a décidé, oui ou non, d’appliquer l’article 49-3. C’est tout ce que nous voulons savoir aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot, pour un rappel au règlement.

Mme Cécile Duflot. Il est en effet quelque peu incompréhensible,…

Mme Isabelle Le Callennec. Plus qu’incompréhensible, c’est scandaleux et totalitaire !

Mme Cécile Duflot. …alors que nous sommes assez nombreux en séance ce soir, de ne pouvoir procéder au vote des amendements qui vont faire l’objet du débat. L’hypothèse la plus probable est celle du vote bloqué auquel, à ma connaissance, il n’a jamais été fait appel pour un texte de cette importance. Le président du groupe socialiste a eu raison de rappeler que nous allons avoir un débat intéressant, mais notre assemblée est délibérative, et non uniquement consultative.

Mme Isabelle Le Callennec. Bonjour la démocratie participative !

Mme Cécile Duflot. Sinon, nous nous transformerions en Conseil économique, social et environnemental, institution certes importante, mais qui n’a pas le même sens ! J’attends donc une réponse précise sur les modalités qui vont être choisies par le Gouvernement : y aura-t-il un vote sur les amendements à un moment ou à un autre, ou aboutirons-nous à un vote bloqué, auquel cas notre débat n’aura pas la même puissance ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement utilise l’article 96 de votre règlement, qui fait référence à l’article 44, alinéa 3, de la Constitution. Il souhaite que nous passions à l’examen des articles et des amendements et que nous nous en tenions, pour ce soir, au débat en profondeur sur l’article 1er et les amendements qui s’y rapportent, ainsi que sur ceux portant articles additionnels après l’article 1er.

Quant à la réserve des votes, c’est une procédure qui a déjà été utilisée, monsieur le président Jacob. Vous l’avez vous-même reconnu dans votre premier rappel au règlement.

M. Philippe Vigier. Mais seulement pour un article ou deux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cette procédure n’empêche pas le débat. Le Gouvernement exprimera ce soir très précisément sa position sur chacun des amendements et il fera savoir, demain, s’il choisit de les soumettre au vote un par un ou s’il a recours à une autre procédure prévue par la Constitution – plusieurs articles de notre loi fondamentale y font référence, vous le savez pertinemment, monsieur Jacob.

M. Philippe Vigier. C’est la démocratie sans vote !

Mme Isabelle Le Callennec. Ce n’était pas la peine de déposer un PLFSSR !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je souhaite donc que nous passions à l’examen de l’article 1er et des amendements qui s’y rapportent, puis des amendements portant articles additionnels après l’article 1er.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

Article 1er (suite)

M. le président. Nous en revenons aux inscrits sur l’article 1er.

La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Si j’ai bien compris, nous sommes inscrits sur un article sur lequel on ne va pas voter.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais vous aurez l’occasion de le faire, madame la députée !

Mme Isabelle Le Callennec. C’est dommage car le groupe UMP voulait voter cet article puisque vous et votre majorité semblez vous être enfin convertis à l’idée que baisser les charges qui pèsent sur le travail contribue à augmenter la compétitivité des entreprises et donc à lutter contre le chômage. C’est bien le moins que l’on puisse faire pour les entrepreneurs de ce pays et pour les salariés.

Cet article 1er crée une réduction dégressive des cotisations salariales pour les salaires compris entre 1 et 1,3 SMIC, mais la formule de calcul est renvoyée à un décret. Le Gouvernement indique que seraient concernés 5,2 millions de salariés et 2,2 millions de fonctionnaires puisque vous étendez cette mesure à la fonction publique – les détails du calcul étant, là encore, renvoyés à un décret. Les flou est donc de mise. Bien sûr, nous voterons ces baisses de charges puisque nous les appelons de nos vœux depuis deux ans. Le problème, c’est que le financement de la mesure, dont le coût est évalué à 2,5 milliards d’euros, parmi lesquels 400 millions pour la fonction publique, est renvoyé aux textes budgétaires de fin d’année. Nous aimerions en savoir plus sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, parce nous nous demandons si vous aurez une majorité pour voter ces budgets.

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. En propos liminaire, je rappellerai qu’il y a une dizaine d’années, nous étions quelques-uns à plaider pour une VIRépublique et, quelques années plus tard, je ne regrette pas d’avoir tenté alors de faire entendre raison aux mécanismes démocratiques de notre République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Nous vivons un moment particulier – pas seulement sur le plan institutionnel – car avec la baisse des cotisations salariales, nous inventons le moyen de soutenir le pouvoir d’achat des Français en utilisant non pas l’arme de la fiscalité, mais le levier des cotisations salariales. Cela n’avait jamais été fait.



Mme Isabelle Le Callennec. Et les allégements Fillon ?

Mme Karine Berger. La seule tentative consistant à jouer sur la CSG avait été jugée anticonstitutionnelle en 2000. L’article 1er vise à soutenir le pouvoir d’achat. Les arguments figurant dans son exposé des motifs doivent toutefois être pris avec prudence. Il y est suggéré que certains Français n’auraient pas assez sur leur feuille de paye pour se motiver à aller travailler : ce n’est évidemment pas le cas, tous les Français au chômage ont besoin de trouver un travail, et ceux qui travaillent veulent que leur travail paye.

Pour la première fois dans un PLFSS, nous sommes donc face à une mesure de soutien du pouvoir d’achat qui prendra effet en janvier 2015. J’ai déposé un amendement pour que nos concitoyens sachent que cette mesure sera pérenne et stable sur toute l’année 2015.

Mme Isabelle Le Callennec. Seulement en 2015 ?

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Je tiens, moi aussi, à saluer un article qui va donner du pouvoir d’achat aux travailleurs pauvres. Nous rencontrons tous ces gens qui gagnent autour du SMIC, dont le pouvoir d’achat sera ainsi sensiblement amélioré, à hauteur de 520 euros annuels, ce qui n’est pas négligeable. Cela va dans le bon sens, celui d’un allégement des charges salariales sans augmenter les salaires ni toucher à la fiscalité. Une telle mesure permettra un supplément de pouvoir d’achat immédiatement perceptible. En outre, cela confirme que, tout en instaurant des mesures en faveur des entreprises pour rendre à celles-ci les marges de compétitivité dont elles ont tant besoin, le pacte de responsabilité n’oublie pas les salariés. Cet article 1er en est l’illustration et c’est pourquoi il faut bien entendu le saluer…

Mme Isabelle Le Callennec. Et le voter !

M. Michel Issindou. …et le voter par la suite, madame Le Callennec, soyez patiente.

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Chacun l’aura constaté : il y a peu de personnes dans les tribunes et sans doute y en a-t-il quelques-unes devant la Chaîne Parlementaire. N’exagérons donc pas l’importance qui est la nôtre. Les journaux feront demain le compte rendu de cette séance, mais ne nous faisons pas plus gros que le bœuf ! Certains ont laissé penser que nous pourrions changer la Constitution alors que celle-ci, chacun le sait, ne peut être modifiée que par une majorité qualifiée en Congrès ou en faisant appel au peuple français.

Mais j’en reviens à des choses beaucoup plus intéressantes pour les Français. On nous a beaucoup accusés d’avoir remis en cause les heures supplémentaires,…

Mme Véronique Louwagie. Quelle marche en arrière !

Mme Isabelle Le Callennec. Vous avez tout cassé !

M. Michel Liebgott. …mais nous revenons avec des dispositifs plus pertinents parce qu’ils concernent les salariés les plus défavorisés. Voilà ce qui distingue la gauche de la droite. Ce sont bien 5,2 millions de personnes qui vont recevoir 500 euros de plus. C’est peut-être peu pour vous, mes chers collègues de l’opposition, mais pour eux, c’est beaucoup sur l’année parce que cela représente un réel plus en termes de pouvoir d’achat. Il en est de même pour 2,2 millions de fonctionnaires, que nous n’avons guère évoqués ce soir, pensant beaucoup à nous-mêmes, y compris M. Jacob qui s’est presque proposé comme médiateur au sein du groupe socialiste.

Mais on sait qu’il y a des débats dans toute majorité, dans un conseil municipal comme dans un Parlement. J’ai fait partie ici, en 1997, de la majorité dite plurielle, et il y avait des débats sur de nombreux sujets et, à un moment donné, une majorité se dégageait en son sein. Cela n’a pas empêché le Gouvernement de déterminer et de conduire la politique de la nation comme le prévoit la Constitution. Ce n’est pas ce soir que nous ferons une révolution constitutionnelle. En revanche, c’est ce soir que nous allons voter des avantages salariaux pour des Français qui les attendent, et c’est cela qui est important.

M. Christian Jacob. Mais non, vous ne voterez pas puisque vous n’en avez pas le droit !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet article prévoit d’exonérer de cotisations sociales les salariés dont le salaire est compris entre le SMIC et 1,3 SMIC, cette exonération étant dégressive. Il s’agit donc d’augmenter les bas salaires sans coup de pouce au SMIC et sans alourdir ce que vous appelez le coût du travail. Les salariés, à la fin du mois, constateront donc une amélioration sur leur feuille de paye, amélioration au demeurant très modeste puisqu’elle s’élèvera à un peu plus de 43 euros par mois pour les salaires au niveau du SMIC. L’amélioration est d’autant plus modeste que l’État va prendre d’une main ce qu’il donne de l’autre. En effet, pour financer cette mesure et surtout celles, nettement plus conséquentes, qui bénéficient aux entreprises, le Gouvernement prévoit, dans le même texte, de geler les allocations logement et les pensions de retraite avant de faire prochainement de même avec les allocations familiales. Il a également annoncé vouloir imposer de nouvelles économies à l’assurance maladie, dont les hôpitaux devraient être les premières victimes alors qu’ils accueillent plutôt des populations à faibles revenus qui sont mieux remboursées que dans le secteur libéral.

La mesure prévue à l’article 1er est donc tout autant un alibi pour tenter de cacher l’ampleur des largesses accordées aux entreprises qu’un leurre puisque ce que les salariés gagneront en plus sur leur feuille de paye leur sera repris par ailleurs.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. La semaine dernière, la commission des affaires sociales a, grâce à sa présidente et à son rapporteur, travaillé pendant deux jours et deux nuits dans de très bonnes conditions. Sans être véritablement à fronts renversés, elle a adopté, parfois contre l’avis du Gouvernement, des amendements, dont certains avaient pour objet de revenir sur le gel des retraites, des pensions d’invalidité et des allocations familiales. Le débat a eu lieu dans une bonne ambiance, même s’il a parfois fallu voter par assis et levé, ce qui, pour cette commission, constituait une nouveauté. Il est donc très regrettable qu’il n’en soit pas de même aujourd’hui en séance.

J’en viens à l’article 1er, qui contient bien sûr une bonne disposition en faveur de laquelle l’UMP souhaite voter. On va en effet redonner du pouvoir d’achat à un certain nombre de salariés parmi les plus modestes. Mais fallait-il pour autant oublier que la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, la loi TEPA, avait prévu une mesure également très efficace, qui profitait notamment à ceux qui effectuent des heures supplémentaires ? Sûrement pas ! Après avoir remis en cause un système qui fonctionnait très bien, vous en réinventez un autre deux ans plus tard. Tant mieux, nous l’acceptons. Le seul problème reste celui du financement.

Ces mesures seront intégralement compensées, dites-vous dans l’exposé des motif, mais selon des modalités qui seront « définies dans les lois financières pour 2015 ». Une telle façon de procéder ne peut nous satisfaire. Surtout, nous ne pouvons accepter que, dans un an, vous procédiez à des gels massifs des allocations ou à des ponctions supplémentaires sur les classes moyennes. Les mesures proposées sont certes généreuses, et nous sommes tentées de les adopter, mais si nous le faisons sans savoir de quelle façon elles seront financées en 2015, c’est un vrai problème !

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. À défaut d’avoir des explications sur l’attitude générale du Gouvernement, nous aimerions savoir ce qui justifie de ne pas passer au vote sur l’article 1er. Je viens d’entendre plusieurs collègues du groupe socialiste, ainsi que la porte-parole du groupe GDR, affirmer qu’ils y sont favorables, et je pense que les Verts sont – comme nous, d’ailleurs – sur la même ligne. Pourquoi le Gouvernement réserve-t-il le vote sur un article que tout le monde se dit prêt à adopter ?

M. Philippe Vigier. En effet ! Quel est le problème ?

M. Christian Jacob. Cela signifie-t-il qu’il existe un problème de financement, et que, faute de pouvoir gager cette baisse de recettes avec des mesures de réductions de dépenses publiques, il souhaite différer le vote le temps que les arbitrages soient rendus ?

Comme le disait Mme Fraysse à l’instant, il s’agit d’un véritable leurre. Vous nous mentez de A à Z. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mes chers collègues, vous n’avez pas encore réalisé que le 49-3 était en route !

Mme Isabelle Le Callennec. Eh oui !

M. Christian Jacob. Vous allez vraisemblablement le découvrir demain, mais ce qui est important aujourd’hui, c’est que nous sachions pourquoi le Gouvernement demande la réserve du vote sur un article qui fait l’unanimité sur tous les bancs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) S’il ne veut pas répondre à nos questions sur le déroulement des débats, qu’il s’explique au moins au sujet de cet article !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI est plutôt satisfait de la volte-face du Gouvernement. Alors que, depuis deux ans, il matraquait les Français et les entreprises avec des prélèvements se comptant par milliards, la prise de conscience du Président de la République en décembre 2013, puis celle du Premier ministre il y a quelques semaines, ont donné lieu à la présentation d’un projet de loi qui tend à redonner du pouvoir d’achat aux Français et de la compétitivité aux entreprises. Nous ne pouvons donc qu’approuver les premiers articles du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale.

Mais ce que nous reprochons à vos décisions, c’est que, bien qu’il y ait urgence, elles ne s’appliquent qu’au 1er janvier 2015. Pourquoi pas plus tôt ? Pourquoi ne pas engager dès 2014 – plusieurs de nos amendements proposent la date du 1er septembre – des mesures annoncées par le Président de la République dès 2013 ? Il est important, tant pour le pouvoir d’achat des Français que pour la compétitivité des entreprises, qu’elles prennent rapidement leurs effets. Ce décalage est donc incompréhensible.

Ou plutôt, nous ne le comprenons que trop bien : vous ne savez pas comment financer ces dispositions, au point de laisser le projet de loi silencieux sur ce sujet. C’est d’ailleurs sans doute ce qui sème le trouble dans votre majorité : non seulement vous prenez des décisions qui ne vont pas dans le sens préconisé par le Parti socialiste, mais vous n’osez pas dire comment vous comptez les financer. Les députés de la majorité le savent peut-être, …

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui, ils le savent !

Mme Isabelle Le Callennec. Ils craignent de le savoir !

M. Francis Vercamer. …mais nous, non. Si vous faisiez preuve d’un peu plus de transparence, le débat serait plus clair.

En tout état de cause, je regrette qu’aucun vote ne soit prévu sur cet article, dans la mesure où tout le monde est d’accord – même l’opposition interne au groupe socialiste – pour diminuer les charges salariales et donc augmenter le pouvoir d’achat des Français.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Tout à l’heure, madame la ministre, je vous ai demandé si vous vous attendiez à ce que le Premier ministre demande au Président de la République l’autorisation d’engager la responsabilité du Gouvernement sur ce texte. Il faut nous répondre. Dites « non », dites « oui », dites « je ne sais pas », mais répondez à la représentation nationale !

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, si j’ai pu connaître, quand je faisais partie de la majorité, des cas de réserve sur un ou deux articles, je n’ai jamais vu le Gouvernement aller jusqu’à en réserver la totalité.

M. Philip Cordery. Vraiment ? Vous n’avez jamais vu appliquer l’article 44, alinéa 3 ?

M. Philippe Vigier. Que n’aurait-on pas entendu si nous avions agi ainsi lorsque vous étiez dans l’opposition ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) « Le Parlement bâillonné ! », « La démocratie ébranlée ! »

Ce que nous dit le secrétaire d’État, c’est que nous allons débattre, mais sans voter. C’est extraordinaire ! Il a inventé un nouveau système : on débat sans voter. C’est la démocratie renouvelée !

Que ce soit en mars 2013, lorsque Jean-Louis Borloo avait écrit à Jean-Marc Ayrault, ou plus tard, en réponse au discours de politique générale du Premier ministre, Manuel Valls, l’UDI n’a cessé de tenir le même discours : nous étions prêts à faire preuve d’une bienveillante attention à condition d’aller vite sur le pacte de responsabilité et de solidarité, qui devait être l’alpha et l’oméga de la nouvelle politique gouvernementale. Or, aujourd’hui, il semble urgent d’attendre pour voter.

Pourtant, tout le monde l’a dit : nous sommes tous favorables à l’article 1er. Il est en effet indispensable de réduire les charges pesant sur les salariés afin de leur redonner du pouvoir d’achat. La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui bénéficiait à 9 millions de familles, a été une dramatique bêtise qui vous collera aux doigts comme un morceau de scotch ; vous essayez maintenant de la réparer. Que l’on donne un peu de pouvoir d’achat à ceux qui le méritent, c’est très bien ; mais pourquoi ne pas aller au fond, pourquoi ne pas débattre, pourquoi ne pas voter ?

Mais je me pose une autre question. Puisque ces mesures ne vont s’appliquer qu’à partir du 1er janvier 2015, pourquoi les faire figurer dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, alors qu’elles auraient dû trouver leur place dans le PLFSS pour 2015 ?

Mme Isabelle Le Callennec. C’est de l’affichage !

M. Philippe Vigier. C’est un effet d’annonce ! Nous vous prenons la main dans le sac. Il est pourtant urgent de réduire les charges qui pèsent sur les salariés.

Mme Jacqueline Fraysse. Je voudrais répondre à M. Jacob, monsieur le président.

M. le président. Vous en aurez l’occasion plus tard, madame Fraysse : vous vous êtes déjà exprimée sur l’article.

La parole est à Mme la ministre. (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme Marisol Touraine, ministre. Il s’agit en effet d’un article très important, et je me réjouis d’apprendre qu’il pourrait quasiment être adopté par acclamation.

Plusieurs députés du groupe UMP. Alors passons au vote !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je prends acte de la volonté que vous avez exprimée, …

M. Philippe Vigier. Et du courage ! Car nous n’en manquons pas !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et que vous ne manquerez pas de confirmer lorsque viendra le moment du vote.

Vous vous demandez pourquoi ces mesures destinées à redonner du pouvoir d’achat aux salariés figurent dans un projet de loi rectificative. N’est-ce pas une contradiction de votre part, sachant que d’un autre côté, vous défendez à cor et à cri l’inclusion, dans ce projet de loi, de la baisse des cotisations sociales patronales qui ne va pourtant s’appliquer qu’en 2015 ?

M. Michel Issindou. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. En réalité, le Gouvernement est cohérent et il avance sur deux jambes. Tel est le sens du texte que nous proposons : le pacte de responsabilité est aussi un pacte de solidarité. En tant que pacte de responsabilité, il s’engage en faveur de l’économie grâce à la baisse des cotisations payées par les entreprises.

Mme Isabelle Le Callennec. Encore faudrait-il qu’on le vote !

Mme Marisol Touraine, ministre. Mais c’est aussi un pacte de solidarité parce qu’il contient des mesures en faveur du pouvoir d’achat des Français modestes ou des « petites » classes moyennes.

Alors oui, à certains égards, ce dispositif est novateur.

Mme Isabelle Le Callennec. La baisse de charges, ce n’est pas novateur !

Mme Marisol Touraine, ministre. Et comme l’a souligné Mme Berger, …

M. François Rochebloine. Elle est dans l’opposition !

Mme Marisol Touraine, ministre. …nous ne procédons pas en modifiant la fiscalité. Les cotisations, ce n’est pas la CSG : les règles ne sont pas les mêmes. Si nous avons fait le choix de ce dispositif, c’est au nom de l’efficacité, de la rapidité et de la simplicité.

Efficacité : la baisse de cotisations se traduit immédiatement par une amélioration du pouvoir d’achat. Rapidité : tout en laissant aux entreprises le temps d’adapter les logiciels avec lesquels elles établissent les feuilles de paie, nous faisons en sorte que les salariés voient leur salaire modifié dès le premier mois d’application du dispositif. Il ne sera pas nécessaire d’attendre.

Mme Isabelle Le Callennec. Si : six mois !

Mme Marisol Touraine, ministre. Simplicité : c’est au nom de cette notion, que les députés de l’opposition invoquent souvent à propos des entreprises, …

Mme Isabelle Le Callennec. Nous réclamons de la simplification.

Mme Marisol Touraine, ministre. …que nous n’avons pas voulu contraindre, par une entrée en vigueur trop rapide de la mesure, la manière dont les feuilles de paie seront établies.

Le Gouvernement axe donc son action selon des principes clairs, …

M. François Rochebloine. Le 49-3 !

Mme Marisol Touraine, ministre. …la responsabilité et la solidarité. Ces principes guident l’ensemble du texte qui vous est proposé, et sont pleinement incarnés dans l’article 1er, dont bénéficieront directement les Français percevant un revenu inférieur à 1,3 SMIC.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n35 rectifié qui fait l’objet d’un sous-amendement n221.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Comme vient de le rappeler Mme la ministre – et Mme Fraysse s’était d’ailleurs exprimée dans le même sens –, la réduction dégressive des cotisations salariales, prévue par l’article 1er, est une mesure destinée à s’appliquer aux salaires compris entre 1 et 1,3 SMIC. Or le texte ne fait pas mention de ce seuil, mais seulement d’ « un coefficient fixé par décret ». Au nom de la clarté et de la lisibilité, mais aussi pour faciliter l’adaptation des logiciels de paye – les entreprises étant rompues aux modifications concernant les cotisations patronales, mais pas à celles qui touchent aux cotisations salariales –, cet amendement propose de préciser que la mesure s’applique aux salaires « n’excédant pas 1,3 fois le salaire minimum de croissance ». Ce faisant, nous respecterions en outre un parallélisme des formes avec les dispositions du texte relatives aux allégements de cotisations patronales.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir le sous-amendement n221 et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n35 rectifié.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’idée de préciser, par souci de clarification, que le seuil est de 1,3 SMIC. Mais, pour des raisons de coordination, il est également nécessaire d’adopter le sous-amendement n221, qui modifie dans le sens voulu par le rapporteur les autres références au mot « coefficient ».

M. Francis Vercamer. Quelle importance ? Il n’y aura pas de vote !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’en profite pour faire deux remarques, car il ne faut pas fuir le débat.

Premièrement, quelqu’un a affirmé que le Gouvernement inventait un nouveau système.

M. Philippe Vigier. C’est moi : je le revendique.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais le Gouvernement n’invente rien : il se réfère à certains articles de votre règlement, …

M. Philippe Vigier. …qui a été aussi le vôtre !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …lequel se fonde sur notre Constitution. Et on l’a dit, ce n’est pas la première fois qu’il en est ainsi fait usage.

La deuxième remarque est sans doute plus importante, puisqu’elle porte sur le fond. M. Jacob et d’autres parlementaires ont plusieurs fois mis en doute le financement de nos mesures.

Je voudrais leur répondre sur ce point. Ce projet de loi rectificative est parfaitement construit, équilibré, et il comporte dans ses articles 4 et suivants les tableaux d’équilibre qui montrent parfaitement le financement des mesures.

Mme Isabelle Le Callennec. Non !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est une évidence, monsieur le président Jacob : quand le Gouvernement présente un projet de loi de financement de la Sécurité sociale, il s’attache à en tirer les conclusions en termes de modification des articles d’équilibre et des soldes qui en découlent.

Mme Isabelle Le Callennec. Pas du tout !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Voilà les deux éléments que je souhaitais apporter comme éclairage, même s’ils s’écartent un peu de l’objet de l’amendement et du sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission n’a pas examiné le sous-amendement, mais il est conforme à l’esprit de l’amendement que j’ai présenté au nom de la commission.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je voudrais, monsieur le président, corriger l’explication de vote que M. Jacob a faite à ma place sur l’article 1er, en déclarant, dans un élan de sympathie à mon égard, qu’il y avait ici une unanimité pour adopter cet article. Je voudrais donc vous préciser, monsieur Jacob, ainsi qu’à l’ensemble de mes collègues, que le groupe GDR n’envisage pas de voter cet article 1er, qui élargit encore les exonérations de cotisations sociales patronales,…

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Ce sont des cotisations salariales, en l’occurrence !

Mme Jacqueline Fraysse. …alors que cela ne conduit à aucun redressement de l’économie ni à l’amélioration de la courbe du chômage.

C’est une rectification que je tenais à faire.

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Madame la ministre, vous nous avez dit tout à l’heure que, quand le Gouvernement décide une baisse de cotisations, il est cohérent, et elle s’applique immédiatement. Absolument pas ! Ce que vous proposez, dans ce texte, c’est une application au 1er janvier 2015.

M. Philippe Vigier. Eh oui !

M. Christian Jacob. Ce n’est absolument pas immédiat. C’est pour cela que nos collègues faisaient remarquer tout à l’heure à juste titre que cela relève du PLFSS pour 2015.

On est donc – c’est un point d’accord avec Mme Fraysse – dans une opération de leurre, c’est-à-dire que vous annoncez des baisses de charges qui ne sont pas financées parce que, quoi qu’en dise M. Eckert, quand on regarde les articles 4 et 5, il s’agit bien des recettes de l’année 2014. Or, là, vous proposez des baisses de cotisations pour 2015, des baisses de cotisation qui relèvent donc des lois financières pour 2015, auxquelles vous renvoyez d’ailleurs. Cela veut dire qu’elles ne sont pas financées, et c’est bien là l’un de vos problèmes, parce que je ne vois vraiment pas pourquoi vous ne soumettriez pas cet article 1er au vote si cela n’était pas le cas.

La réalité, c’est qu’il y a deux choses. D’une part, ce n’est pas financé, et vous êtes en difficulté. D’autre part, vous avez voulu calmer une partie de votre opposition au sein du PS en faisant ce type de mesure, mais vous vous rendez compte, au moment de signer le contrat, qu’il y a un désaccord au sein du PS et que vous allez devoir trouver d’autres formules pour pouvoir acheter vos opposants. C’est ça, la réalité.

Vous êtes donc dans une situation inextricable, et, aujourd’hui, vous êtes en train de ridiculiser la représentation nationale en refusant le vote, tout simplement en raison de débats internes au PS que vous êtes incapables d’arbitrer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Madame la ministre, je vous remercie, déjà, d’avoir commencé à prendre la parole pour répondre à nos interrogations, mais vous ne le faites que partiellement. Je reformule pour la troisième fois cette question : est-ce que, oui ou non, puisqu’il n’y a pas de vote sur les articles, l’article 49, alinéa 3 de la Constitution sera utilisé ? Je n’imagine pas, vu la gravité d’une telle décision, qu’il n’y a pas eu un contact avec le Premier ministre, ou avec le ministre des relations avec le Parlement. Il faut éclairer la représentation nationale sur ce sujet. Vous ne pouvez pas vous dérober, madame la ministre, c’est très important.

Cela l’est d’autant plus que, d’après vos propos, que j’ai écoutés, le problème du pouvoir d’achat est un problème central, qui nous rassemble tous. Nous l’avons tous dit, et nous vous demandons d’aller plus vite. C’est la raison pour laquelle, tout à l’heure, on vous demandait une application dès le 1er septembre ; je constate que Christian Jacob a repris à l’instant l’argument. Vous aurez d’ailleurs tout loisir, si vous souhaitez donner du pouvoir d’achat plus rapidement aux salariés, de faire en sorte que le Gouvernement se prononce favorablement sur les amendements déposés par le groupe UDI. Là, on pourra dire vraiment que, pour vous, le problème du pouvoir d’achat des salariés est un vrai sujet. Rappelons-le, chers collègues, ce n’est pas de la polémique politicienne : moins 0,9 %, c’est l’évolution consolidée du pouvoir d’achat en 2013, soit moins 1,5 % par famille.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Non, non ! C’est en 2012 que le pouvoir d’achat a baissé !

M. Philippe Vigier. Seconde chose, les Français nous regardent ce soir. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Issindou. Vous êtes le gardien de but !

M. Philippe Vigier. Oui, monsieur Issindou, pardonnez-moi : ils nous regardent. Ils ont regardé le match, et ils sont heureux, mais ils voient que, quand il s’agit de leur pouvoir d’achat, les fractures internes du Parti socialiste font que le texte est bloqué et qu’on ne votera pas ce soir. Franchement, quand on voit ça, alors qu’on parle de réhabiliter la politique… Je pense franchement qu’il est grand temps, madame la ministre, qu’on passe au vote. Et, monsieur Eckert, il ne peut pas y avoir de débat qui ne puisse être tranché par un vote. Il est temps que ce gouvernement prenne ses responsabilités.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Ce premier amendement examiné est très intéressant, parce que, madame la ministre, j’ai une question très simple à vous poser. Est-ce que cet article 1er est conforme au principe d’égalité entre les Français ?

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Oui !

M. Charles de Courson. Lisons l’étude d’impact et le rapport. On nous explique que, dans le privé, on va baisser les cotisations sur les rémunérations comprises entre 1 et 1,3 SMIC, la baisse étant dégressive, de 3 % à 0 %, et que, dans le public, la baisse portera sur les rémunérations comprises entre 1 et 1,5 SMIC et que son taux ira de 2 % à 0 %. Pourriez-vous nous expliquer cette différence entre le public et le privé au niveau du champ auquel s’appliquera la baisse ? Pourriez-vous nous expliquer ensuite la différence entre les taux dégressifs ? Enfin, comment traitez-vous les primes des fonctionnaires ? Dans l’étude d’impact, on nous explique que la baisse dégressive des cotisations s’applique sur la grille. Vous y indiquez que cela concerne les indices majorés plafonds de 312 points à 468 points et que, semble-t-il, on ne tient pas compte des primes, lesquelles sont extrêmement variables.

Il y a donc, me semble-t-il, une double inégalité : entre les salariés du public et les salariés du privé et, au sein des salariés du public, entre ceux qui ont des primes et ceux qui n’en ont pas, comme entre ceux qui ont beaucoup de primes et ceux qui en ont moins ou n’en ont pas. Pourriez-vous donc, madame la ministre, nous dire si votre texte est conforme au principe d’égalité ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Cela fait vingt minutes qu’on est sur le même amendement de cet article 1er dont on sait qu’il ne sera pas mis aux voix. J’ai l’impression que nous sommes vraiment dans une stratosphère parlementaire dans laquelle on tourne en rond, et on ne sait pas dans quel sens.

Une députée du groupe SRC. C’est vous qui tournez en rond !

M. Jean-Pierre Door. On se pose donc beaucoup de questions. On se demande notamment où on va pouvoir aboutir, et atterrir, surtout. En fait, monsieur le secrétaire d’État, on n’atterrit pas, puisque vous nous avez dit qu’on verrait plus tard et que vous lèveriez la main pour donner le signal de l’arrêt du match.

Les règles de compensation sont obligatoires, et vous le savez. C’est le cas depuis les lois organiques de 2005. Alors, là, la question est posée : nous sommes tous d’accord, tous favorables aux allégements, exonérations et réductions de cotisations salariales. Mais par qui ? quand ? comment ? Vous n’avez aucune réponse, mais on aimerait bien en avoir.

Moi, ce qui m’inquiète, parce que je veux quitter cette stratosphère pour atterrir, c’est que les entreprises, depuis quelques jours, attendent des réponses. Elles vous l’ont même signalée, dans toute la presse d’hier et d’aujourd’hui. Quand ? Comment ? Quand est-ce qu’on aura des allégements ? Demain matin, elles vont se réveiller avec la gueule de bois, parce qu’elles n’auront aucune réponse et elles verront encore qu’on se défile.

Depuis que vous avez supprimé la TVA anti-délocalisation, nous avons perdu deux ans ! Combien de mois perdrons-nous encore ? On est toujours dans le flou le plus complet, et c’est regrettable.

(Le vote sur le sous-amendement est réservé.)

(Le vote sur l’amendement est réservé.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n115.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais réagir en faisant trois remarques.

Premièrement, nous examinons un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 mais, finalement, nous sommes dans une grande confusion, puisque nous évoquons des réductions de charge et des impacts pour 2015.

Vous dites, madame la ministre, que vous avez fait le choix de l’efficacité, le choix de la rapidité. Le choix de l’efficacité, je ne crois pas, parce que, finalement, nous ne connaissons pas du tout les modalités de financement de ces réductions de charges sociales qui porteront sur l’année 2015 ; nous n’en débattrons que lorsque nous examinerons les textes financiers pour l’année 2015. Je ne crois donc pas du tout que ce soit l’efficacité que de travailler de la sorte.

Vous parlez, ensuite, de rapidité. Je ne crois pas non plus que travailler ici sur un texte rectificatif pour 2014, avec des effets sur 2015, 2016 et 2017, ce soit la rapidité.

Troisième point, vous invoquez le motif suivant : il s’agirait d’aider les entreprises à préparer leurs feuilles de paie. Je voudrais simplement remarquer que vous n’aviez pas du tout la même attention lorsque vous avez abrogé la loi TEPA. Vous l’avez abrogée en deux temps. Tout d’abord, vous avez abrogé l’exonération des cotisations sociales. Ensuite, le mois suivant, vous avez mis un terme à l’exonération fiscale. Cela représentait une vraie difficulté pour les entreprises, mais je crois que vous ne vous souciez vraiment pas, finalement, des feuilles de paie des entreprises.

(Le vote sur l’amendement n115 est réservé.)

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement n82.

Mme Karine Berger. Cet amendement, que je cosigne avec Valérie Rabault, vise à aller dans le sens de la baisse des cotisations salariales, mais en faisant le calcul non sur les montants annuels mais sur les montants mensuels. Pourquoi ? Pour de multiples raisons.

La première est que des salariés qui, par exemple, bénéficieraient d’une prime de pénibilité, parce qu’ils auraient accompli des travaux particulièrement pénibles un mois ou l’autre, pourraient ne pas bénéficier de la baisse de cotisations salariales si le calcul portait sur le montant annuel, tout simplement parce que leur salaire dépasserait sur l’année le montant retenu par le texte. Si on retenait un calcul mensuel, ils en bénéficieraient.

Il y a une deuxième raison.

Madame la ministre, pour être franche, cet amendement est un amendement d’appel. En tout cas, s’il devait être un jour soumis à un vote, je le retirerais avant que celui-ci ne commence. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

C’est un amendement d’appel qui vise à vous poser une question. Prenons le cas de quelqu’un qui se trouve à environ 1,2 SMIC, qui bénéficie donc de notre mesure de soutien du pouvoir d’achat. Cela correspond à peu près à 200 euros de plus pour cette personne sur l’ensemble de l’année. Si cette personne, le dernier mois de l’année, touche une prime, disons, par exemple, de 1 000 euros, malheureusement, elle perd l’intégralité des baisses de cotisations salariales dont elle aura bénéficié de janvier à novembre. Cela pose donc un problème, évidemment, sur le pouvoir d’achat du mois de décembre, puisqu’on récupère la baisse de cotisations salariales intégralement sur le mois de décembre. Cela pose aussi la question de la prévision du pouvoir d’achat du salarié en question.

Je voulais donc savoir comment, techniquement, on peut assurer à l’ensemble des salariés qui bénéficieront d’une baisse de cotisations salariales au mois de janvier 2015, que cette baisse sera bien maintenue jusqu’au mois de décembre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, madame Berger.

M. Jean-Luc Laurent. Quel dommage !

M. Christian Jacob. Ce n’est pas grave, il n’y a pas de vote !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Elle l’a fait pour la même raison que celle qui m’a conduit à proposer tout à l’heure que figure dans le texte le seuil de 1,3 SMIC : l’harmonie des formes avec ce qui se passe pour les allégements de cotisations patronales.

Quant à cette annualisation, elle fut décidée en 2011 pour répondre aux pratiques d’optimisation de certaines entreprises, qui avaient tendance à ne pas verser de salaires élevés et à verser des primes ou un treizième mois en fin d’année. Ces entreprises, notamment dans la grande distribution, bénéficiaient donc de davantage d’allégements de cotisations pendant les onze premiers mois, et n’en bénéficiaient plus pour le mois de décembre mais étaient au bout du compte globalement gagnantes sur l’ensemble de l’année. Voilà donc pourquoi il y a eu cette réforme, bienvenue me semble-t-il : le passage à l’annualisation. De la même façon, je pense que, dans un souci de parallélisme des formes, le Gouvernement a eu raison de se caler sur cette façon de déterminer les modalités de calcul des exonérations de cotisations salariales.

Bien sûr, dans des circonstances particulières, des primes pourront faire franchir le seuil à certains salariés. Mais ces salariés n’en bénéficieront pas moins d’une rémunération annuelle supérieure au seuil de 1,3 SMIC. Voilà pourquoi, madame la députée, la commission des affaires sociales a refusé votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances, saisie pour avis ?

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission des finances n’a malheureusement pas pu examiner cet amendement, car il a été déposé devant la commission saisie au fond. Elle a néanmoins voté pour l’article 1er sans modification.

Permettez-moi de revenir sur les débats qui ont précédé cette mesure. Cela fait longtemps que nous nous demandons comment augmenter le pouvoir d’achat des salariés modestes. Au début des années 2000, le Conseil constitutionnel n’avait pas accepté qu’il y ait des taux différenciés de CSG sans qu’il y ait familialisation de cette approche. La prime pour l’emploi a ainsi été créée. Chers collègues de l’opposition, vous avez pour votre part, avec la loi TEPA, fait porter l’effort sur les heures supplémentaires. Dans les deux cas, cela s’est avéré un échec.

Aujourd’hui, en effet, la prime pour l’emploi est à la fois très peu ciblée et très complexe. Elle n’est touchée par les salariés concernés qu’un an après. Au sein du groupe de travail sur la fiscalité des ménages que j’ai eu l’honneur de présider avec François Auvigne, nous avons examiné de près la prime pour l’emploi et son barème. Nous nous sommes rendu compte de la complexité de ce dispositif. Ainsi, comme l’a dit Mme la ministre, la voie fiscale n’est pas la plus simple pour soutenir le pouvoir d’achat des salariés modestes.

Quant à l’exonération des heures supplémentaires, la grande différence entre la majorité et l’opposition, c’est que nous, nous faisons porter l’allégement sur le salaire de base, et pas uniquement sur les heures supplémentaires. Tout le monde n’a pas la chance de pouvoir faire des heures supplémentaires.

M. Christian Jacob. Allez l’expliquer aux 9 millions de salariés qui font des heures supplémentaires !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. En l’espèce, c’est le salaire de base de tous les salariés modestes qui sera touché.

Enfin, j’appelle l’attention de l’ensemble de mes collègues sur le risque constitutionnel que ferait peser sur ce dispositif l’amendement présenté par Mme Berger. La question de savoir s’il est possible, d’une certaine manière, de mettre en place des réductions dégressives de cotisations sociales, a été posée. Cette question a été abordée lors de l’examen du projet de loi par le Conseil d’État. Je vous rappelle par ailleurs que le Conseil constitutionnel ne l’avait pas accepté, s’agissant d’un impôt. Dans le cas présent, étant donné qu’il s’agit de cotisations sociales, compte tenu des limites prévues, et sur la base du principe d’égalité, je crois que c’est tout à fait possible.

Or ne pas prendre en compte, pour calculer le niveau de revenu auquel cet allégement s’applique, l’ensemble des revenus soumis à cotisations sociales, constituerait une rupture évidente d’égalité. Cet article risquerait ainsi d’être déclaré inconstitutionnel. Je me prononce donc pour le rejet de cet amendement – à titre personnel, puisque la commission des finances ne l’a pas examiné.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la députée, vous soulevez là une vraie question, une question légitime. Cette interrogation est récurrente : elle a porté sur différents dispositifs d’allégement de charges, et notamment sur les allégements de charges sociales patronales – dits « allégements Fillon ». Vous savez que pendant un certain temps, ces allégements ont été calculés sur la base des salaires mensuels, et que – disons-le clairement – la gauche a toujours demandé que le calcul porte sur le salaire annuel. C’est l’actuelle opposition qui, à la fin de la précédente législature, a décidé de calculer les allégements Fillon sur le salaire annuel. Elle l’a fait pour des raisons diverses traduisant probablement une préoccupation de rendement, sur laquelle je n’ai pas de jugement à porter. Il s’agissait aussi d’éviter que certains employeurs versent plus facilement des rémunérations exceptionnelles ponctuelles – primes de fin d’année, primes particulières – plutôt qu’un salaire mensuel plus élevé.

Vous avez donné des exemples. Soyons encore plus caricaturaux : imaginons un salarié qui serait payé 1,29 SMIC pendant 11 mois, puis aurait une prime – même modeste – le dernier mois. Dans ce dernier cas, il dépasserait le seuil de 1,3 SMIC sur l’année.

Cela étant, pourquoi le Gouvernement a-t-il choisi ce dispositif ? Principalement pour deux raisons. D’abord, pour adopter un dispositif parallèle au dispositif de réduction des charges sociales patronales. L’analogie vaut ce qu’elle vaut, mais le dispositif annuel d’allégement de charges sociales patronales dit allégement « Fillon » est désormais bien connu, bien rodé. C’est pourquoi le Gouvernement a choisi le même type de dispositif avec le même mode de calcul pour les salariés. Certes, ce n’est pas toujours les salariés qui choisissent si les primes sont versées ponctuellement ou mensuellement – ce qui peut arriver : certains employeurs mensualisent un certain nombre de primes. Ensuite, comme l’a dit Dominique Lefebvre il y a quelques instants, votre proposition pourrait aboutir à une rupture d’égalité entre les salariés dont le salaire est versé uniformément au cours des douze mois de l’année, et ceux dont le salaire mensuel est inférieur mais le salaire annuel égal du fait des primes de fin d’année.

Voilà pourquoi le Gouvernement a fait ce choix. Nous pensons qu’il est plus conforme au principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques, quelle que soit la forme de ces charges, impôts ou cotisations. Le Gouvernement s’est posé la même question que vous : elle l’a conduit à travailler, à réfléchir, à consulter le Conseil d’État, et enfin à prendre la décision que je viens de décrire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Je crois que ce débat est important. Je reviendrai sur quelques éléments évoqués à l’instant par M. le secrétaire d’État. Tout d’abord, les deux modes de calcul des allégements Fillon, annuel et mensuel, ont été validés –, ou, en tout cas, non rejetés – par le Conseil constitutionnel. On voit donc bien que ces deux choix sont possibles.

Deuxièmement, comme vous l’avez dit vous-même, les salariés ne déterminent pas eux-mêmes l’échéancier de leur rémunération.

Troisièmement, nous avons tous connu, dans nos permanences, des situations dans lesquelles la prime pour l’emploi avait été mal calculée, ne prenait pas en compte tous les éléments. Dans certains cas, on demande même à des salariés de rembourser 200 ou 300 euros. Ces salariés viennent nous voir et nous disent : « Comment pourrai-je trouver 300 euros, sachant qu’on ne me donne que trois mois pour verser cette somme ? »

Voilà le vrai problème de fond. Les personnes concernées par ce dispositif ont des revenus très faibles. Elles bénéficieront de ces réductions de cotisation sur une base mensuelle. Si un élément est mal pris en compte, et qu’on leur demande de rembourser ces réductions, elles se retrouveront dans une situation compliquée.

Dernier point, comment calculera-t-on cette exonération pour l’année 2015, qui sera la première année d’application ? Prendra-t-on les revenus 2014, ou fera-t-on une estimation des revenus 2015 ? Au niveau d’une entreprise, toutes ces questions peuvent se régler, car in fine c’est l’entreprise qui fait la trésorerie. En revanche, pour des salariés, la situation n’est pas la même.

Si ma collègue Karine Berger était amenée à retirer cet amendement, je le reprendrai peut-être, le cas échéant modifié par un éventuel sous-amendement du Gouvernement qui réglerait ces problèmes et le rendrait acceptable pour tous.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’attends toujours la réponse à la question que j’ai posée tout à l’heure. En effet, cette question se pose à nouveau à l’occasion de l’examen de l’amendement défendu par Mme Berger.

M. le secrétaire d’État a raison : cet amendement ne tient pas la route, sauf à favoriser l’optimisation fiscale. Il suffirait de verser des primes une fois par an et de bloquer tous les salaires pour obtenir des réductions beaucoup plus fortes que si le calcul portait sur une base annuelle. La seule bonne solution, c’est donc l’annualisation, et plus encore l’annualisation de la totalité des rémunérations.

Mais, monsieur le secrétaire d’État, autant je partage votre analyse à propos du I de cet article 1er, qui concerne les travailleurs salariés, autant je suis en désaccord avec vous à propos du II, qui traite des fonctionnaires. En effet, le II ne retient que la rémunération indiciaire, et pas les primes. Je vous ai posé la question tout à l’heure, ainsi qu’à Mme la ministre ; je n’ai toujours pas eu de réponse.

Vous avez raison d’appliquer le mécanisme que vous avez décrit aux salariés du privé. Par contre, en décidant de ne l’appliquer qu’à la rémunération indiciaire des salariés, vous vous mettez totalement en porte-à-faux. Prenons, par exemple, le cas de deux fonctionnaires : le premier gagne 100, plus 20 de primes, le second 90, plus 30 de primes. Ces deux fonctionnaires ont le même revenu, mais aux termes de votre projet de loi, ils n’auront pas la même réduction de charges !

Il faut donc, monsieur le secrétaire d’État, que vous amendiez le II de cet article, afin d’y appliquer aux fonctionnaires les mêmes conditions qu’aux salariés du privé, pour prendre en compte l’ensemble des rémunérations annuelles, y compris les primes.

Or les taux de prime dans la fonction publique varient beaucoup, comme vous le savez, entre les ministères, voire, au sein même des ministères, entre les directions. Il y a là une vraie rupture d’égalité. Il est donc urgent, par cohérence avec vos propres déclarations, monsieur le secrétaire d’État, d’amender le II de cet article. Vous avez déjà choisi de faire porter cette mesure sur les traitements compris entre 1 et 1,5 SMIC, alors que seuls les salaires compris entre 1 et 1,3 SMIC seront concernés, et en plus vous ne tenez pas compte des primes des fonctionnaires ! À moins que vous me disiez qu’en réalité, vous tiendrez compte des primes ? L’étude d’impact précise bien, pourtant, que le II porte sur la rémunération indiciaire hors prime.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. L’un de nos collègues a évoqué il y a quelques instants un « risque constitutionnel ». Dans la mesure où les deux systèmes – mensualisation et annualisation – ont fonctionné, l’un et l’autre ont été, de fait, validés par le Conseil constitutionnel. On nous oppose l’argument selon lequel la prise en compte du salaire mensuel dans sa totalité poserait un risque : cet argument ne tient pas, car par le passé les deux systèmes ont existé.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je n’ai pas vérifié si le Conseil constitutionnel a été saisi en 2003 de la constitutionnalité du dispositif. C’est possible, et même probable : il faudra vérifier. Je souhaite ajouter quelques éléments au débat, et essayer de répondre aux différentes interventions.

D’abord, je suis désolé de vous dire que l’amendement de Mmes Berger et Rabault a un coût. On aurait pu imaginer un amendement proposant le même type de dispositif en fixant le plafond non plus à 1,3 SMIC mais 1,2 ou 1,25 SMIC, et faire en sorte que, par un calcul sur le salaire mensuel, on arrive à un même coût global. C’était un choix possible. J’ai expliqué quel a été celui du Gouvernement : fixer le plafond à 1,3 SMIC et mettre en place un dispositif annualisé, par parallélisme des formes avec celui portant sur les exonérations de charges sociales patronales, et pour éviter le risque constitutionnel de rupture d’égalité.

Je me dois d’ajouter – car nous aussi, contrairement à ce que dit M. Jacob, sommes soucieux du financement des mesures – que le coût de l’amendement de Mmes Berger et Rabault serait de 250 millions d’euros en 2015, 260 millions en 2016 et 270 millions en 2017. Au vu de ces chiffres, chacun appréciera la nécessité de l’équilibre du dispositif, et l’utilité de fixer un plafond à 1,3 SMIC.

Monsieur de Courson, pour répondre à votre question, je vous rappelle que le régime de rémunération de la fonction publique est totalement différent du régime en vigueur dans le secteur privé. Dans la fonction publique, les primes ne donnent pas lieu à paiement de cotisations sociales.

M. Charles de Courson et M. Philippe Vigier. Mais si !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les primes ne donnent pas lieu à paiement de cotisations sociales !

M. Jean-Marc Germain. Ça dépend lesquelles.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les cotisations sont assises sur les traitements indiciaires. Il n’y a donc pas lieu de mettre en place un mécanisme de réduction des cotisations sur des primes qui ne donnent pas lieu à paiement de cotisations. C’est pour cela que – comme vous l’avez observé – le taux est différent : ainsi, nous arriverons à des dispositifs similaires. D’autres éléments d’appréciation entrent ensuite en ligne de compte, comme les mesures salariales prises ces derniers temps. C’est pourquoi le Gouvernement a proposé une fourchette un peu plus large pour la fonction publique que pour les salariés du privé.

Je comprends votre souci de cohérence, monsieur le député, et j’espère vous avoir rassuré quant à la précision et l’équité de ce dispositif. Pour le reste, le Conseil constitutionnel se prononcera le cas échéant – je ne doute pas, monsieur de Courson, que vous le saisirez, comme c’est votre habitude et votre droit.

Le Gouvernement est donc bien entendu défavorable à l’amendement défendu par Mme Berger, qu’il soit maintenu, retiré, ou retiré puis repris.

(Le vote sur l’amendement n82 est réservé.)

2

Clôture de la session ordinaire 2013-2014 - Ouverture de la session extraordinaire 2014

M. le président. Mes chers collègues, il est exactement minuit : nous sommes arrivés au terme de la session ordinaire.

Je rappelle qu’au cours de la deuxième séance du mardi 17 juin 2014, il a été donné connaissance à l’Assemblée du décret de M. le Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire le mardi 1er juillet.

M. Jean-Luc Laurent. On vit une période extraordinaire !

M. le président. En conséquence, je constate la clôture de la session ordinaire 2013-2014 et déclare ouverte la session extraordinaire.

3

Projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 (nos 2044, 2061, 2058).

Première partie (suite)

M. le président. Nous poursuivons l’examen du texte.

Article 1er (suite)

M. le président. Nous en étions à la discussion de l’amendement n82 à l’article 1er.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Pardonnez-moi, monsieur le secrétaire d’État, mais ce que vous avez dit sur l’assiette des cotisations sociales dans les fonctions publiques n’est pas exact. Certaines catégories intègrent les primes dans l’assiette des cotisations retraite : tel est le cas, par exemple, de la prime de feu des pompiers.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Charles de Courson. De surcroît, un système complémentaire a été créé sur une partie des primes. Je ne parle que des cotisations retraite, mais je pourrais vous citer beaucoup d’autres exemples. Il ne faut donc pas dire que l’assiette des cotisations sociales est le traitement indiciaire !

Votre dispositif entraîne une rupture d’égalité, puisqu’il est basé sur le traitement indiciaire ! Or, certains fonctionnaires n’ont aucune prime ! Pour un trésorier-payeur général, les primes représentent 110 % du traitement indiciaire. Vous me direz qu’ils ne sont pas concernés par le sujet. Mais certains fonctionnaires aux revenus modestes ont des primes équivalant à 15, 20 ou 25 % de leur traitement indiciaire !

Il y a donc un énorme problème d’égalité au sein même des fonctions publiques. Je ne comprends pas pourquoi vous ne vous êtes pas fondés, comme pour les salariés du privé, sur la rémunération totale annuelle. C’est la seule bonne solution, car elle permet d’éviter les ruptures d’égalité selon les taux de prime et l’intégration ou non de tout ou partie des primes dans l’assiette des cotisations retraite.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n95.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Favorable.

(Le vote sur l’amendement n95 est réservé.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n55 rectifié.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI estime que repousser au 1er janvier 2015 les exonérations de cotisations sociales patronales et salariales est une aberration dans un contexte d’urgence, et alors que le Président de la République en décembre 2013 et le Premier ministre il y a encore quelques semaines soulignaient le caractère dramatique de la situation.

Comme le disait M. Vigier tout à l’heure, le pouvoir d’achat a subi une forte baisse ces derniers temps. Il nous paraît important d’appliquer les mesures de ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale dès le 1er septembre 2014, sans attendre le 1er janvier 2015.

Le rapporteur nous reprochera de n’avoir pas financé cette accélération de calendrier. Je vous ferais remarquer que vous non plus, vous ne savez pas comment financer cette mesure au 1er janvier 2015. Nous sommes donc à égalité !

Nous avons proposé, comme c’est l’usage, de compenser le coût de l’amendement en augmentant les taxes sur le tabac et l’alcool. Néanmoins, je rappelle que nous avons déposé un autre amendement tendant à supprimer le CICE, de façon à compenser les baisses de charges que nous souhaitons.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Francis Vercamer. Le présent amendement n’est compensé que par une mesure que l’on retrouve habituellement dans tous les amendements parlementaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. En premier lieu, il n’apparaît pas souhaitable d’anticiper ainsi l’entrée en vigueur du dispositif d’exonération des cotisations salariales, et ce pour une raison très pratique : le dispositif ne pourrait disposer d’une assise législative qu’après le vote définitif et éventuellement après une décision du Conseil constitutionnel, si certains de nos collègues le saisissaient. En outre, comment les entreprises pourraient-elles modifier leur logiciel de paie afin de rendre le dispositif opérationnel dès septembre 2014 ? (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme Isabelle Le Callennec. Elles ont l’habitude de ce type de modifications !

M. Francis Vercamer. Ce ne serait pas la première fois !

Mme Véronique Louwagie. Cet argument est extraordinaire !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous souhaitez toujours que les entreprises disposent de bonnes conditions de fonctionnement et ne soient pas bousculées par des changements de réglementation et de législation ; il est donc étonnant que vous précipitiez ainsi ce dispositif que, par ailleurs, vous dites souhaitable.

En second lieu, vous gagez sur une augmentation de taxes les 800 millions d’euros de dépense qu’impliquerait l’adoption de votre amendement. Là encore, vous m’étonnez, monsieur Vercamer, car l’opposition demande toujours à ce que les mesures nouvelles soient financées par des économies et non par des augmentations de taxes. C’est pourquoi la commission a rejeté votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Défavorable, pour les mêmes raisons que celles que le rapporteur vient d’indiquer. Cet amendement a un impact financier massif, de l’ordre de 600 millions d’euros.

M. Francis Vercamer. Il faut savoir ce que l’on veut !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Certes, il faut savoir ce que l’on veut, mais il faut aussi savoir ce que l’on peut !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. La baisse des charges sur les salaires est attendue, nous le répétons sans cesse, et le plus tôt sera le mieux. Vous nous avez donné une explication en soulignant les montants en jeu, mais je souhaite quand même poser une question aux membres de la majorité : lorsque Mme Berger a défendu son amendement, elle a évoqué l’année 2015. Est-ce à dire que cet allégement des cotisations ne sera valable que pour l’année 2015 ? M. Germain, lui, a évoqué la « première année » d’application. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire si cette disposition est valable uniquement pour 2015 ou au-delà, afin que les salariés puissent savoir si leur salaire net va être sensiblement amélioré, et ce de façon pérenne ?

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous étiez rapporteur général du budget et que vous avez doublé la surtaxe, vous ne l’avez pas annoncé sept mois avant, ni même un an avant que le Président de la République nous ait annoncé, le 9 septembre 2013, qu’on allait voir ce qu’on allait voir, que les problèmes posés par la compétitivité et le pouvoir d’achat étaient majeurs, ce dont nous convenons tous ici.

De surcroît, vous nous dites qu’une telle disposition ne pouvait pas être intégrée dans le projet de loi de finances pour 2015, car le délai aurait été trop court pour la modification du logiciel de paie des entreprises. Soyons sérieux ! Dans les entreprises, l’on sait très bien à quel moment interviennent les augmentations de cotisations ! On ne l’apprend pas six mois avant ! Élevons un peu le débat, lorsque nous parlons de choses aussi sérieuses que celles-là !

Si vous le faites maintenant, il faut vous en donner les moyens et trouver l’argent, comme l’a dit le secrétaire d’État. Vos propos laissent apparaître, ne vous en déplaise, que le problème de la compétitivité des entreprises et du pouvoir d’achat des salariés ne sont pas les priorités du Gouvernement.

Nous le regrettons amèrement, car nous ne cessons de vous dire que vous faites fausse route depuis deux ans. Je me souviens encore des déclarations de Jean-Marc Ayrault, selon lesquelles neuf Français sur dix seraient épargnés par les augmentations d’impôt ! Nous savons ce qui est advenu : la baisse du pouvoir d’achat. Maintenant que vous décidez une baisse des cotisations, vous la décalez au 1er janvier 2015, alors qu’il y a une urgence absolue !

Vous commencez donc à comprendre que l’entreprise n’est pas l’ennemie du salarié. Bien au contraire, s’il n’y a pas d’entreprise, il n’y a pas d’emplois. Mais parallèlement à cette baisse des charges annoncée, en complément du CICE, vous vous sentez obligés d’annoncer cette baisse des cotisations, pourtant indispensable. Vous pouvez le faire maintenant, mais vous ne le voulez pas. Les Français s’en souviendront.

(Le vote sur l’amendement n55 rectifié est réservé.)

(Le vote sur l’article 1er est réservé.)

Après l’article 1er

M. le président. Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 1er.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 138 rectifié et 190.

La parole est à M. Laurent Baumel, pour soutenir l’amendement n138 rectifié.

M. Laurent Baumel. Le 3 juillet 1914, il y a un siècle presque jour pour jour, l’Assemblée nationale adoptait l’impôt sur le revenu progressif.

Plusieurs députés sur plusieurs bancs. Bravo ! Merci Joseph Caillaux !

M. Laurent Baumel. La meilleure manière de lui rendre hommage serait de voter le présent amendement, lorsque le Gouvernement nous permettra d’exercer notre droit de vote. Il vise, d’une certaine manière, à rendre à son tour progressif ce qui est devenu le premier impôt en France : la CSG. En votant cet amendement, et je m’adresse plus particulièrement aux membres de la majorité, vous avez la possibilité de mettre en œuvre vos valeurs.

Mme Isabelle Le Callennec. Cela ne s’adresse donc pas à nous !

M. Philippe Vigier. Nous n’avons pas de valeurs, c’est bien connu !

M. Laurent Baumel. Depuis des décennies, nous plaidons pour une grande réforme fiscale qui mettrait fin à la dégressivité de notre système fiscal. Nous l’avions fait en juillet 2012, en alignant les revenus du capital sur ceux du travail. L’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait proposé de remettre la réforme fiscale sur le métier. Elle s’est, depuis, un peu perdue dans les sables. À travers cet amendement, nous proposons de le faire à nouveau.

Vous avez également la possibilité de mettre en œuvre l’engagement de campagne n14 du Président de la République et d’être ainsi respectueux du contrat démocratique que nous avions pris ensemble devant les électeurs.

En outre, j’indique – sans ironie, parce que je le crois profondément – que vous avez la possibilité de rester dans l’histoire, non pas seulement comme la première majorité de gauche qui aura voté 40 milliards de baisses de charges et d’impôts sur les entreprises, mais également comme celle qui aura réalisé cette grande réforme fiscale, que des hommes et des femmes attendent depuis longtemps.

Enfin, en votant cet amendement, vous avez également la possibilité d’initier une véritable politique de soutien au pouvoir d’achat, certes esquissée dans d’autres articles, mais qui a besoin d’être renforcée. L’amendement que nous proposons bénéficierait à 95 % des Français. Ce sont 4 milliards d’euros qui seraient rendus en 2015, 12 milliards en 2016, 14 milliards en 2017.

Bien sûr, l’on nous demandera comment financer ce dispositif. Notre démarche s’inscrit dans une cohérence d’ensemble. Nous proposons, en effet, de financer cette politique de la demande par une relative réduction des montants alloués aujourd’hui à la politique de l’offre. Cet amendement est cohérent avec d’autres amendements que nous présentons dans le cadre de ce PLFSSR visant, par exemple, à ne pas supprimer la C3S ou à atténuer un peu la baisse des cotisations patronales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n190.

Mme Eva Sas. Comme l’a dit M. Baumel, cet amendement vise à rendre progressive la CSG, pour alléger la contribution des ménages aux revenus modestes. Les membres du groupe écologiste avaient eux-mêmes déposé en commission un amendement en ce sens, mais ils rejoignent ici la proposition de M. Baumel, qui a l’avantage de prendre en compte le quotient familial et donc d’éviter le risque d’inconstitutionnalité.

Comme chacun sait, la CSG est un impôt efficace, à assiette large, qui s’applique aux revenus du travail comme à ceux des capitaux, mais il a l’inconvénient d’être proportionnel. Pour le rendre juste, et pour alléger ainsi la contribution des ménages aux revenus modestes, nous proposons que soit appliqué un barème progressif et que soit instauré des taux marginaux, sans distinction entre retraités et actifs, ni entre revenus du capital et revenus du travail.

Jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix, les inégalités de revenus ont diminué en France. Mais nous assistons aujourd’hui à un retournement de tendance. En effet, en dix ans, le niveau de vie moyen des 10 % les plus pauvres n’a progressé que de 8 %, pendant que celui des 10 % les plus riches augmentait de 18 %.

Les Français ressentent ces inégalités, qui sont réelles, et ils en souffrent. Il est de notre responsabilité, à nous, députés de la majorité, de les réduire. Redonner du pouvoir d’achat à ceux qui en ont le plus besoin permettra d’améliorer la situation des ménages modestes en France. Tel est le sens de cet amendement.

Si je me permettais, je demanderais au Gouvernement de lever la réserve sur le vote de cet amendement, qui me paraît extrêmement important pour notre majorité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à ces deux amendements identiques.

M. Laurent Baumel. Dommage !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Elle les a interprétés comme des amendements d’appel,…

M. Christian Paul. Non.

M. Gérard Bapt, rapporteur. …à l’instar de celui qui avait déposé au nom du groupe SRC lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014.

Mme Isabelle Le Callennec. Je m’en souviens ! Nous avions le droit de vote, à l’époque !

M. Gérard Bapt, rapporteur. À l’époque, cet amendement avait été retiré, car le Gouvernement s’était engagé à travailler sur ce type d’amendements dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale de l’automne prochain, sur la base d’un rapport sur lequel est en train de travailler le Haut conseil de financement de la protection sociale. Voilà pourquoi, tout en étant sensible à la volonté de justice qu’il traduit, je pense que cet amendement devrait être retiré, comme l’avait été l’amendement déposé par le groupe SRC, au bénéfice d’un débat sur l’ensemble du financement de la protection sociale lors de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. À l’occasion de l’examen de cet amendement, je souhaiterais dire tout d’abord que le débat sur la progressivité de la CSG a avancé au cours de la période récente et que la connaissance des conséquences qu’aurait une modulation importante de son taux s’est améliorée, j’y reviendrai dans un instant.

Je voudrais souligner aussi que toutes les réformes conduites depuis 2012 l’ont été dans le sens d’une plus grande progressivité de l’impôt. Je parle de l’impôt sur le revenu, bien sûr, mais aussi de tous les prélèvements en général. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme Isabelle Le Callennec. Demandez aux classes moyennes ! Elles s’en souviennent !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est vrai également d’un certain nombre de prélèvements sociaux acquittés par les ressortissants du régime des indépendants.

Permettez-moi de rappeler ici ces mesures : création d’une tranche d’imposition à 45 %, rétablissement à son niveau antérieur de l’impôt de solidarité sur la fortune, imposition au barème d’un certain nombre de plus-values, mobilières et immobilières.

Toutes les mesures prises par ce gouvernement sont animées par un principe…

Mme Isabelle Le Callennec. De matraquage fiscal !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …de progressivité de l’impôt sur le revenu. Des travaux menés par différents groupes de travail, je pense notamment au rapport élaboré par Dominique Lefebvre et François Auvigne, ont montré que, contrairement à une idée reçue, la progressivité de l’impôt sur le revenu est très forte en France.

Mme Isabelle Le Callennec. Confiscatoire !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous connaissez tous la part de l’impôt payée respectivement par le dernier décile et par les quatre premiers déciles.

Pour en revenir au débat sur la CSG, qu’il convient d’aborder sereinement, les propositions faites lors de l’examen du PLFSS pour 2014 auraient occasionné une hausse des prélèvements obligatoires de 7,3 milliards d’euros à la charge des ménages. Le dispositif proposé, qui n’était pas le même qu’aujourd’hui, aurait conduit à ce que seize millions de foyers fiscaux soient perdants – chacun aurait apprécié ! D’après nos estimations, les propositions que vous formulez aujourd’hui entraîneraient, pour leur part, une perte de recettes de 13 à 14 milliards d’euros.

Vous souhaiteriez en contrepartie réduire divers dispositifs. Vous évoquez la C3S, mais il n’y va là que d’1 milliard d’euros. On est loin de 13 ou 14 milliards.

M. Laurent Baumel. Nous proposons aussi beaucoup d’autres choses !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous évoquez d’autres mesures dont l’addition, pour autant que je sache, ne compenserait pas la perte de recettes qu’induiraient vos propositions, dont j’observe d’ailleurs que vous ne la contestez pas.

Mme Isabelle Le Callennec. Voilà pourquoi le Gouvernement a demandé la réserve !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce sont là des choix politiques, que l’on peut admettre. Je me contente ici de vous indiquer les conséquences de l’amendement que vous présentez à cet instant.

Pour assurer la neutralité financière avec un dispositif tel que celui que vous proposez, il faudrait porter le taux de la CSG de 7,5 % à 10 % sur la tranche des revenus supérieurs à 19 300 euros, c’est-à-dire sur la quasi-totalité de revenus supérieurs à 1,1 fois le SMIC, et de 7,5 % à 13,5 % sur la tranche des revenus supérieurs à 29 800 euros, soit les revenus supérieurs à 1,7 fois le SMIC. Voilà ce qu’il faudrait faire, dis-je, pour assurer la neutralité financière, mais j’ai bien noté vos propositions à vous.

À ce stade, et au bénéfice des explications qui précèdent, le Gouvernement se montrerait défavorable à cet amendement s’il était maintenu au moment du vote. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Charles de Courson. Qui aura peut-être lieu un jour !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Qui interviendra, tôt ou tard, sous une forme ou sous une autre.

M. Jean-Pierre Door. Car il y aura choix de la forme ?

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. S’agissant de la procédure, monsieur le secrétaire d’État, Je crois qu’il faudra quand même assez vite sortir du flou dans lequel notre assemblée travaille ce soir. (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Je le dis aussi par souci de la constitutionnalité de cette procédure.

Je soutiens totalement l’amendement de notre collègue Laurent Baumel. On en appelle souvent dans cet hémicycle à une plus grande lisibilité de la fiscalité des entreprises. Cette lisibilité de la fiscalité, nous la devons à tous les contribuables, aux ménages, aux familles, à tous les Français, à tous les citoyens. Je rappelle à mes collègues de la majorité que, en matière de lisibilité et de stabilité, des engagements ont été pris, année après année, depuis maintenant quatre ou cinq ans, dans des projets, dans des programmes, lors des campagnes présidentielle et législative. L’engagement d’une réforme fiscale de grande ampleur, dans laquelle figurait et doit continuer de figurer l’institution d’une CSG progressive, est un élément de la lisibilité démocratique que nous devons au pays en matière de prélèvements.

C’est pourquoi nous insistons autant ce soir sur l’introduction, au moins partielle, d’une CSG progressive. Non pas qu’elle constituerait un grand soir fiscal, auquel d’ailleurs nul n’a jamais prétendu, mais elle serait l’amorce, graduelle et déterminée, d’une réforme fiscale de grande ampleur, qui demandera certainement plusieurs années. Mais ce n’est pas parce que la tâche sera longue qu’il ne faut pas s’y atteler dès maintenant et surtout que le législateur ne doit pas fixer un cap clair. Une CSG progressive est certainement l’un des éléments d’efficacité et de justice qui peut être apporté dans le texte en débat.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu vos propos à l’instant sur la progressivité de l’impôt sur le revenu. Si nous faisons le choix d’une progressivité de la CSG, c’est bien parce que l’assiette de ces deux prélèvements n’est pas la même et que nous souhaitons embrasser plus largement des revenus de différente nature et les soumettre à un prélèvement progressif.

Voilà, mes chers collègues, pourquoi je considère avec beaucoup d’autres, ici et au-delà, que l’institution d’une CSG progressive doit constituer un élément important de ce texte. Ne pas la voter serait une faute indélébile.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Dans ce débat, de nouveau très important, je ne reviens pas sur les arguments macro-économiques que j’ai développés dans mon intervention liminaire. Si le Gouvernement était en mesure de débloquer 14 milliards d’euros, comme l’a dit mon collègue Laurent Baumel, pour le pouvoir d’achat, un effet massif s’en ferait rapidement sentir sur la croissance et donc sur l’emploi – objectifs qui nous rassemblent tous dans ce débat.

Nous avons une occasion historique de mettre en place cette CSG progressive. Depuis des mois que nous y réfléchissons ensemble, nous nous apercevons qu’il est très difficile de le faire à rendement constant de la CSG car, le secrétaire d’État l’a bien montré par les chiffres qu’il a cités, il faudrait commencer d’augmenter le taux de la CSG dès les tranches de revenus des classes moyennes.

Ce que nous disons, c’est qu’il serait possible de réduire le paquet des 41 milliards d’euros de baisses de cotisations prévues pour les entreprises, et de cibler des baisses sur les secteurs les plus exposés, et de financer une CSG progressive par le bas, puisque, vous ne l’avez pas dit, monsieur le secrétaire d’État, la réforme que nous proposons permettrait d’alléger la CSG pour 99 % des ménages français.

Comment seraient financés ces 14 milliards, à l’horizon 2017 ? Nous proposons de revenir sur la suppression de la C3S, non que vos arguments économiques en faveur de sa suppression ne soient pas valables, mais disons que, compte tenu de ce qui est déjà fait avec le CICE, ce n’est peut-être pas la priorité du moment. Cela fait 6 milliards d’euros. Quant aux allégements de charges, on pourrait peut-être se limiter à 4 ou 5 milliards, au lieu de 9 milliards : cela ferait déjà beaucoup, d’autant que cela s’ajoute aux allégements Fillon, qui représentaient 4 milliards, et aux allégements Juppé, d’un montant équivalent. On pourrait donc fort bien aujourd’hui n’alléger les charges des entreprises que de 4 milliards, en ciblant judicieusement ces baisses, ne réduire l’impôt sur les sociétés qu’à hauteur de la moitié prévue, soit de 2,5 milliards et non de 5 milliards, et aussi faire un peu moins sur les indépendants. Le total se monte à 13,7 milliards : les mesures que nous proposons sont donc bien financées.

Le projet est finançable. Ce n’est sans doute faisable que dans le cadre d’une baisse massive des impôts. Et cela irait dans le sens de la justice entre ce qui est fait pour les entreprises et ce qui est fait pour les ménages, dans un grand élan de croissance. Cette CSG, dont nous proposons que la progressivité soit exactement celle du barème de l’impôt sur le revenu, pourrait être fusionnée avec ce dernier pour aboutir à ce grand impôt citoyen juste et progressif qui serait de nature à réconcilier les Français avec l’impôt. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Pouria Amirshahi et Mme Fanélie Carrey-Conte. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est manifestement à cause de cet amendement, qui divise la majorité, que nous sommes privés de vote depuis trois heures.

Mme Jacqueline Fraysse. Eh oui !

Mme Isabelle Le Callennec. Voilà pourquoi vous avez demandé la réserve, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget.

Les salariés qui gagnent jusqu’à 1,3 SMIC apprécieront d’être les victimes de débats internes à la majorité, qui s’avère être de plus en plus plurielle. Monsieur le secrétaire d’État, quand allez-vous lever la réserve des votes car, à ce rythme, vous risquez décidément de vous retrouver tout seul à la prochaine conférence sociale ?

M. Francis Vercamer. Exactement !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je trouve le Gouvernement d’une extrême gentillesse à l’égard de l’aile gauche de sa majorité.

Quel est le sens de cet amendement qui créerait une rupture d’égalité entre revenus du travail et revenus du patrimoine, puisque le taux de prélèvement resterait identique à ce qu’il est actuellement sur les revenus du patrimoine comme cela est précisé dans l’exposé sommaire 

M. Jean-Marc Germain. Il n’y aurait pas de rupture d’égalité !

M. Charles de Courson. Bien sûr que si, puisque dans un cas, le prélèvement serait de 15,5 %, le drame de la CSG sur les revenus du patrimoine étant que son taux n’est pas modulé en fonction du revenu, alors que d’un autre côté, la CSG serait rendue progressive sur les revenus du travail. Mais, mon cher collègue, savez-vous que le dernier décile s’acquitte de 49 % de l’impôt sur le revenu et de la CSG et que les quatre premiers déciles, c’est-à-dire les 40 % de la population qui ont les revenus les plus faibles, en paient moins de 6 % ? Vous faites donc du gauchisme…

M. Jean-Marc Germain. Non, du socialisme !

M. Charles de Courson. Quelques questions subsidiaires. Comment s’appliquerait cet amendement, anticonstitutionnel à plusieurs titres ? Comment serait traitée la pluriactivité ? Vous traiteriez en effet de façon différente une personne qui exerce deux emplois à mi-temps et une personne qui exerce un plein temps…

M. Jean-Marc Germain. Mais non !

M. Charles de Courson. Bien sûr que si, puisque la CSG suivrait le barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Autre question, monsieur Germain : pensez-vous qu’il faille accentuer la progressivité de l’impôt sur le revenu et de la CSG ?

Mme Jacqueline Fraysse. Oui, il le faut.

M. Charles de Courson. Mais vous êtes complètement fous. Ce serait détruire la récompense du travail et du talent.

M. Jean-Marc Germain. Lisez l’amendement !

M. Charles de Courson. Le taux marginal actuel, qui atteint 70 %, est déjà excessif. En dépit de la censure par le Conseil constitutionnel de la proposition de taxe à 75 %, vous n’avez donc toujours pas compris, monsieur Germain. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Vous faites là du gauchisme, qui est maintenant, comme le disait Lénine, la maladie infantile du Parti socialiste.

M. le président. Vu l’importance de cet amendement, je me vois dans l’obligation de donner la parole à quatre orateurs encore, qui me l’ont demandée.

La parole est tout d’abord à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Puisque nous sommes dans un débat sans vote,…

Mme Isabelle Le Callennec. Quel dommage !

M. Jean-Pierre Door. Surtout ne prendre aucun risque !

M. Pierre-Alain Muet. …je me permets d’intervenir sur cet amendement qui relance le débat sur la nécessité de moderniser notre imposition des revenus. En France, contrairement à tous les pays européens, nous avons deux impôts sur le revenu : d’un côté, la CSG, qui rapporte deux fois plus que l’impôt sur le revenu, a le mérite de n’être pas trop mitée mais n’est pas progressive ; d’un autre côté, l’impôt sur le revenu, complètement mité, qui n’a cessé de décroître ces dix dernières années et qui, malgré une assez forte progressivité, est si faible que ces deux impôts cumulés sont finalement moins progressifs que ne l’est l’imposition des revenus dans la plupart des autres pays. L’addition des deux, CSG et impôt sur le revenu, aboutit à peu près à c’est qu’est l’impôt sur le revenu dans les autres pays.

Cette réflexion, que porte le Parti socialiste mais qui va bien au-delà depuis une dizaine d’années, sur la reconstruction d’un grand impôt citoyen progressif, fusionnant la CSG et l’impôt sur le revenu, me paraît l’une des réformes les plus fondamentales à conduire, d’autant que notre impôt sur le revenu commence à dater. Il a été institué à la veille de la Première Guerre mondiale et a seulement été un peu rénové après la Seconde Guerre mondiale. C’est l’un des rares impôts en Europe à n’être pas prélevé à la source. Il n’est pas non plus individualisé, alors qu’il l’est dans la plupart des autres pays. Bref, c’est un impôt relativement archaïque.

Je crois qu’il y avait une belle réforme à faire, certes difficile, car mieux vaut se être, pour l’accomplir, dans une période où l’on a retrouvé la croissance. Nous avons franchi, dès la première année, la première étape de la réforme fiscale – qui était une proposition du Président de la République – en faisant en sorte que les revenus du capital et du travail soient imposés de la même façon. Il me semble que cette réforme mérite d’être poursuivie. Après tout, lorsque l’on institue 41 milliards d’allégements sur les entreprises, sans véritablement les calibrer, on peut se demander si l’on n’aurait pas pu garder un peu de réserves pour penser à une réforme plus fondamentale de l’imposition du revenu des ménages. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Laurent Baumel. Très juste !

Mme Jacqueline Fraysse. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Je ne sais pas si je suis le dernier orateur avant le vote… Ce soir, on peut se laisser aller à exposer des théories économiques – je dis cela à l’attention de Pierre-Alain Muet. Il est important que l’on ait un vrai débat de fond.

Après avoir écouté Christian Paul tout à l’heure, je veux dire que l’on assiste ce soir, malheureusement, à un double enterrement. Parmi les promesses de François Hollande lors de la campagne présidentielle figurait – vous vous en souvenez – la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu.

M. Charles de Courson. À terme !

M. Philippe Vigier. C’était un engagement écrit noir sur blanc, mes chers collègues de la majorité.

Or, plus de deux ans après son installation à l’Élysée,…

M. Jean-Pierre Door. On n’en parle plus !

M. Philippe Vigier. …non seulement on n’en parle plus, mais de surcroît vous voyez bien que vous ne parviendrez pas à engager l’amorce de l’amorce de cette réforme : c’est donc un échec.

J’en viens à votre second échec. J’ai bien écouté Christian Paul : il a raison, il faut de la visibilité pour les entreprises et pour les ménages.

M. Charles de Courson. Et de la stabilité !

M. Philippe Vigier. Et de la stabilité, en effet.

M. Christian Paul. Et un peu d’audace ! Ainsi que du courage !

M. Philippe Vigier. D’ailleurs, s’agissant du texte en discussion, vous avez observé, monsieur Paul, que des amendements ont été déposés, notamment, sur l’impôt sur les sociétés. L’année dernière, le rapporteur général, devenu depuis secrétaire d’État au budget, nous expliquait qu’il fallait absolument que l’on donne cette visibilité et que l’on commence à baisser l’impôt sur les sociétés. Or, on vient d’apprendre que la mesure annoncée est décalée d’une année : la baisse n’interviendra qu’en 2016.

S’agissant, de même, de la fameuse surtaxe, qui avait été instituée pour un temps donné, en 2011, par le gouvernement Sarkozy, c’est vous qui l’avez mise en œuvre, en 2013 et qui, à présent, continuez dans la même voie. Une fois de plus, il n’y a pas de visibilité.

Mes chers collègues, nous tenons ce soir un débat sans vote sur une question aussi majeure que celle du double pilier de la compétitivité et du pouvoir d’achat. Je crois quand même, monsieur le secrétaire d’État, qu’il faudra que vous nous disiez si, oui ou non, on va aller au bout de cet article 49, alinéa 3, si, oui ou non, mercredi, au conseil des ministres, vous allez lever la main en demandant au Président si la responsabilité du Gouvernement sera engagée. Je ne vois pas comment on pourra, demain, reprendre les débats si l’on n’a pas de réponse à cette question.

Passer plusieurs heures à débattre du fond d’un sujet sans qu’il y ait le moindre vote doit constituer une première dans les annales de la VRépublique, que l’on aura écrite tous ensemble.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Je voudrais apporter mon soutien à cet amendement et m’en expliquer.

Son adoption, du moins lorsque l’on pourra voter, permettra la poursuite d’une réforme fiscale initiée à partir de 2012 et actuellement en panne.

Deuxième élément que je veux rappeler : il est vrai que des engagements ont été pris et qu’ils valent promesse vis-à-vis des citoyens. En l’espèce, je pense qu’il serait particulièrement judicieux de procéder à la mise en œuvre de ces engagements, alors que nous sommes confrontés à une réalité double : des citoyens qui se sentent aujourd’hui orphelins du Bourget et des engagements qui y ont été pris. En adoptant cet amendement, on enverrait donc un signe très fort.

Par ailleurs, nous savons bien qu’il existe une crise de la citoyenneté qui se matérialise par un rejet de l’impôt. Cette réforme fiscale, qui transformerait l’impôt proportionnel en un impôt progressif, constituerait un signe selon lequel l’impôt mérite d’être reconnu, accepté et redéfini. Il y va de la refondation de la citoyenneté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. La question de la réforme fiscale nous tient très à cœur et ce, depuis fort longtemps. Nous l’avions dit lorsque nous étions dans l’opposition. Nous plaidions pour une fusion ou, en tout cas, un rapprochement, une convergence entre l’impôt sur le revenu et la CSG, en assurant la progressivité de la CSG et le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Nous avons relancé cette idée plusieurs fois par voie d’amendement, tout en étant évidemment bien conscients qu’une réforme de cette ampleur ne se décidera pas, simplement, par une telle voie. Mais plusieurs occasions se sont présentées, et elles ont toutes été manquées.

L’année dernière – ce n’est pas très vieux – le Premier ministre de l’époque avait lancé, ou plutôt relancé, le chantier de la réforme fiscale.

Mme Isabelle Le Callennec. Ça a fait long feu !

M. François de Rugy. Nous aimerions bien savoir, au moins dans le cadre de ce débat – et je m’adresse ici au Gouvernement –, où en est ce chantier. Est-il définitivement abandonné,…

M. Jean-Pierre Door. Oui ! En rase campagne !

M. François de Rugy. …e qui ne serait pas conforme aux engagements que nous avons pris ? Je le dis clairement : s’agissant de la CSG, c’est avant tout une question de justice sociale. Je ne veux pas même entrer dans le débat consistant à déterminer s’il s’agirait d’une relance économique par la demande. Personnellement, je ne crois pas que ce soit vraiment le cas ; c’est d’abord, je le répète, une question de justice sociale au regard de l’impôt. Si nos concitoyennes et nos concitoyens ont exprimé une forme de ras-le-bol fiscal, c’est, on le sait bien, non seulement au regard de l’addition mais également de la répartition des efforts. C’est pour cela que nous défendons cet amendement, comme nous l’avions d’ailleurs défendu l’année dernière. Nous souhaiterions avoir une réponse du Gouvernement sur le chantier de la réforme fiscale.

M. Jean-Pierre Door. Ce n’est pas demain la veille !

M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Je veux vous dire, monsieur de Courson, que vous avez commis une erreur : la citation de Lénine, issue d’un livre qu’il a écrit en 1920, est la suivante : « la maladie du communisme est le gauchisme » : il ne s’agit donc pas de la maladie du socialisme. Au lieu de faire des citations erronées, relisez nos amendements : vous les comprendrez mieux, et vous verrez que la CSG progressive est quelque chose d’intelligent, qui permet d’instaurer plus de justice sociale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Il y a deux débats.

Le premier consiste à déterminer si, plutôt que de voter des allégements sociaux et fiscaux pour permettre à nos entreprises de retrouver de la compétitivité, il ne vaudrait pas mieux redistribuer du pouvoir d’achat aux ménages. Une manière assez brutale de résumer cette position consisterait à dire qu’il faut redistribuer avant d’avoir produit. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC, et sur les bancs des groupes UMP et UDI.) C’est un débat que l’on a déjà eu la semaine dernière et que l’on aura encore.

Un deuxième débat porte sur la réforme fiscale. Je regrette que les travaux demandés par le Parlement, qui ont été réalisés récemment par le groupe de travail sur la fiscalité des ménages, auquel participaient un certain nombre de parlementaires, aient été aussi peu lus et aussi peu approfondis par certains d’entre vous.

Ils ont démontré que la fusion entre l’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée, qui n’est jamais que le prolongement de la création d’une CSG progressive, se heurte à des problèmes constitutionnels importants, à des problèmes de transfert et à des difficultés en termes de gouvernance sociale. En réalité, on voit bien que les objectifs qui sont poursuivis peuvent être atteints par d’autres moyens.

J’ai été, auprès de Michel Rocard, celui qui a défendu le projet de loi créant la CSG, qui a été voté dans cet hémicycle…

Mme Véronique Louwagie. À l’époque, on votait !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. …au terme d’une motion de censure qui n’a été rejetée qu’à six voix près, ce projet de contribution étant fortement contesté. Je rappelle que la CSG a été mise en place pour permettre le financement de la protection sociale par l’ensemble des revenus. Elle s’est substituée, à l’époque, à des cotisations sociales dégressives. Je dis à ceux de nos collègues qui veulent instituer une CSG progressive qu’ils devraient d’abord, par cohérence, chercher à établir une CSG proportionnelle et, donc, revenir sur sa déductibilité. Cette question est devant nous : le groupe de travail sur la fiscalité des ménages a indiqué qu’il fallait travailler sur le bas du barème. Aujourd’hui, revenir sur la déductibilité de la CSG poserait des problèmes importants en bas de barème, qu’il nous faudra traiter.

Considérons les amendements de nos collègues comme des amendements d’appel…

Mme Isabelle Le Callennec. Cela fait deux ans qu’ils appellent !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. …pour poursuivre le travail, notamment dans le sens de ce qui avait fait consensus au sein du groupe de travail, c’est-à-dire sur les éléments de bas de barème, ou pour apporter des réponses comme celles que nous avons apportées avec l’article 1er de ce texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je n’entrerai pas dans un débat très technique,…

Mme Isabelle Le Callennec. Non, il est très politique !

Mme Marisol Touraine, ministre. …surtout à l’heure avancée qui est la nôtre.

Au fond, la question de la CSG est posée depuis qu’elle existe. Il est d’ailleurs intéressant de constater que certains qui, à l’époque, refusaient la CSG, voudraient en faire aujourd’hui le pivot de l’ensemble des politiques.

Pour ma part, je trouve que le débat a une certaine force et un réel intérêt. Toutefois, il se trouve que le texte proposé par le Gouvernement est animé par une cohérence et une logique différentes, par exemple en termes de pouvoir d’achat, en prévoyant une baisse des cotisations pour les salariés dont le revenu est inférieur à 1,3 SMIC. D’autres mesures fiscales ont été discutées, débattues et seront – du moins le Gouvernement en a-t-il la volonté – votées demain, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.

À partir du moment où il y a un choix différent, le débat prend une autre tonalité. Ce n’est pas un aménagement ou un amendement au texte gouvernemental qui est proposé mais une autre cohérence, une autre logique. Nous en avons débattu avant, en d’autres circonstances ; nous ne pouvons pas en débattre maintenant, comme cela. Nous ne pouvons pas suivre, à la faveur d’un amendement, une logique politique totalement différente de celle qui inspire le texte du Gouvernement.

Une deuxième observation : vous parlez d’un amendement à 14 milliards d’euros, ce qui suppose qu’il soit compensé financièrement, de manière extrêmement forte, par l’abandon d’autres dispositifs. J’en reviens à ce que je disais il y a un instant : ce n’est pas le choix du Gouvernement. Mais je ne vois même pas comment vous arriverez à compenser 14 milliards d’euros avec les mesures que vous évoquez. Cela signifie que la logique d’une remise à plat de la CSG consiste à parvenir à un dispositif faisant payer de façon très significativement supérieure une partie de la population française. Or, ce n’est pas, aujourd’hui, la voie dans laquelle nous nous engageons : on ne peut pas, d’un côté, expliquer que nous devons donner du pouvoir d’achat à une partie de nos concitoyens, et proposer, d’un autre côté, un amendement qui aboutirait à pénaliser fiscalement une part considérable des classes moyennes.

S’agissant de la Sécurité sociale, je veux vous inviter à une grande prudence quant à l’adhésion de nos concitoyens au modèle social auquel nous sommes collectivement attachés. En effet, pour que l’ensemble des Français, et surtout les plus modestes d’entre eux, puissent bénéficier de notre système de protection sociale, il faut, par définition, qu’il y ait des classes moyennes qui acceptent de payer pour que chacun, quel que soit son revenu, puisse être pris en charge.

Mme Isabelle Le Callennec. Les classes moyennes apprécieront !

Mme Marisol Touraine, ministre. Plus vous allez augmenter la contribution des classes moyennes à ce système, plus vous allez fragiliser leur consentement à notre système de protection sociale.

Mme Isabelle Le Callennec. Elles ne consentent plus, les classes moyennes !

Mme Marisol Touraine, ministre. Donc, au nom de la pérennité, de la durabilité de notre système de protection sociale, auquel je sais que nous sommes collectivement attachés, en particulier sur les bancs de la majorité, j’appelle à manier avec prudence des concepts qui, aujourd’hui, ne sont financièrement tenables que par un alourdissement de la fiscalité sur les classes moyennes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

(Le vote sur les amendements identiques nos 138 rectifié et 190 est réservé.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n54.

M. Jean-Pierre Door. Comme cela est expliqué dans l’exposé sommaire de l’amendement, le plus grand gisement d’emplois non délocalisables sur le territoire réside dans les emplois de famille, les services à la personne. Nous proposons que les salaires et cotisations sociales des employés soient déductibles du revenu imposable des particuliers employeurs. Cela permettrait une reprise considérable de l’emploi, tant il est vrai que les services à la personne ont été terriblement abîmés ces derniers mois.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ces derniers mois ?

M. Jean-Pierre Door. Oui, monsieur le secrétaire d’État.

Il s’agit pourtant d’un gisement d’emplois formidable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

(Le vote sur l’amendement n54 est réservé.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n48.

M. Philippe Vigier. Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre, Manuel Valls, a expliqué que les seuils d’effectifs étaient pénalisants pour la structuration des entreprises françaises. Par cet amendement, je souhaiterais neutraliser temporairement l’effet des franchissements de seuils pour les entreprises dont les effectifs franchissent les seuils de dix salariés ou de vingt salariés.

On le sait, c’est un obstacle majeur sur la route du chef d’entreprise qui, chaque fois qu’il dépasse le nombre de neuf, dix-neuf ou quarante-neuf salariés, doit tenir compte de nouvelles rigidités qui interviennent dans le fonctionnement de son entreprise.

Je vous invite à observer ce qui se fait dans d’autres pays européens – en Angleterre, en Allemagne –, qui n’ont pas du tout cette même notion de seuil. Il ne faut pas s’étonner qu’il y ait dans ces pays beaucoup plus d’entreprises de taille intermédiaire ou moyenne qu’en France. À cet égard, une étude est parue voilà quelques semaines, en France, qui montrait que le passage de quarante-neuf à cinquante salariés provoquait presque à chaque fois la création d’une filiale ou d’une autre entreprise plutôt qu’un agrandissement de la société mère.

Je souhaiterais donc, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que par cet amendement, dans le prolongement de ce qu’a dit le Premier ministre ici même, nous puissions avancer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. En particulier, monsieur Vigier, nous ne comprenons pas que vous limitiez l’application de la réforme que vous proposez dans votre amendement et qui serait, à vos dires, très importante, à une durée de trois ans. C’est illogique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous devons nous arrêter un instant sur cette question, qui est importante et dont je reconnais qu’elle mérite d’être débattue dans le cadre de nos discussions.

Toutefois, le dispositif que vous proposez est un « copier-coller » d’une autre qui est déjà entrée en vigueur et qui est d’une complexité sans nom ; je pourrais illustrer mon propos d’exemples, mais ce serait un peu fastidieux à une heure aussi tardive.

Mme Joëlle Huillier. C’est une usine à gaz !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous faites bénéficier les employeurs d’une dispense de versement de la contribution au fonds national d’aide au logement supplémentaire en cas de franchissement du seuil de vingt salariés pendant trois ans, puis d’un taux qui serait modifié chaque année et qui s’élèverait à 0,20 % la quatrième année, à 0,30 % la cinquième année et à 0,40 % la sixième année. Quant à la contribution versement transport, son lissage consisterait à dispenser l’entreprise pendant trois ans puis à réduire son taux, qui varierait d’un établissement à l’autre, de 75 % la quatrième année, de 50 % la cinquième année et de 25 % la sixième.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est de la simplification !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Et je pourrais continuer ainsi pendant un moment…

Cette question relève d’un débat entre les partenaires sociaux et ne peut pas être abordée sans eux, car elle concerne d’autres sujets que les cotisations et la fiscalité. Au demeurant, la grande conférence sociale qui doit s’ouvrir prochainement ne manquera pas d’adopter un calendrier et une méthode pour réfléchir et avancer sur ces sujets.

Mme Isabelle Le Callennec. Personne n’y croit !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à votre amendement, monsieur Vigier.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le secrétaire d’État, je constate que vous avez été rattrapé par la patrouille technique de Bercy ! Je vous rappelle que, lors de la première conférence sociale, les partenaires sociaux avaient évoqué la question. Vous balayez cela d’un revers de main. À un argument politique vous répondez par un argument technique ; pour un professeur de mathématiques, je trouve cela un peu court.

(Le vote sur l’amendement n48 est réservé.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 4 et 16.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n4.

M. Jean-Pierre Door. Nous saluons bien entendu la baisse du coût du travail, qui est une nécessité ; nous l’avons dit et répété. Nous avons cependant également dit et répété que notre devoir était de nous inquiéter du financement des baisses de charges. Il est de votre responsabilité politique, monsieur le secrétaire d’État, d’indiquer à la représentation nationale les pistes de financement des baisses de cotisations et de contributions qui sont inscrites dans ce texte.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Ils demandent des rapports mais ils ne les lisent pas !

M. Jean-Pierre Door. Même si, comme vous l’avez dit, vous n’êtes pas tenu de compenser ces baisses dans le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014, puisqu’elles interviendront au 1er janvier 2015, nous voulons avoir des pistes de financement avant le PLFSS du mois d’octobre. C’est indispensable.

Mme Véronique Louwagie et M. Francis Vercamer. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n16.

M. Dominique Tian. Monsieur le président, il s’agit non pas d’un rapport de plus, mais tout simplement de quelque chose d’essentiel, ainsi que vient de l’indiquer Jean-Pierre Door, pour que les électeurs, les contribuables, et même le Parti socialiste, d’ailleurs, sachent exactement comment les modalités seront définies dans la loi de finances pour 2015.

L’article 1er n’est pas mauvais, puisque nous avons indiqué que nous serions prêts à le voter, mais nous n’avons aucune indication sur la façon dont il sera financé. Il ne s’agit donc pas d’un rapport de plus, mais bien d’un élément essentiel pour la prise de décision.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. Les différentes pistes de financement sont déjà exposées dans le rapport d’étape du Haut conseil du financement de la protection sociale, auquel vous appartenez, monsieur Door,…

M. Jean-Pierre Door. Lesquelles préconisez-vous ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. …t je ne vois pas ce que l’élaboration d’un rapport d’ici au mois d’octobre pourrait apporter de plus.

Mme Isabelle Le Callennec. Ce sont des recommandations ! Lesquelles retiendrez-vous ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Puisque nous parlons pour la énième fois du financement des mesures de baisse des charges sociales (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)N’ayez pas peur, laissez-moi terminer mon propos ; je ne crois pas avoir interrompu qui que ce soit dans cet hémicycle.

Je voudrais vous rappeler, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, qu’à la page 37 du projet de loi figure l’annexe A, qui détaille pour 2014, 2015, 2016 et 2017 l’évolution des différentes branches. Ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale comporte, comme d’habitude, des mesures pour l’année d’exercice et pour l’année qui suit, en recettes comme en dépenses. Parmi les mesures d’économies, que vous pouvez contester, il est prévu de ne plus indexer certaines prestations sur l’inflation ; cela correspond bien à des recettes pour les années 2015, 2016 et 2017.

Comme dans tous les textes financiers, les décisions sont traduites dans des tableaux d’équilibre, qui seront d’ailleurs soumis à votre vote. Je ne comprends donc pas cette espèce de procès en sorcellerie concernant le financement des mesures contenues dans le présent projet de loi !

M. Dominique Tian. C’est une plaisanterie !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quand les décisions dégradent le solde, nous le reportons comme une dégradation du solde ; pour maintenir le solde, nous injectons les recettes nécessaires correspondantes.

M. Dominique Tian et M. Jean-Pierre Door. Quelles recettes ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Dans tous les textes financiers, mesdames, messieurs les députés, les dépenses et les recettes correspondant aux mesures envisagées figurent en annexe. Le Gouvernement est donc défavorable à cette demande de rapport.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Ce tableau laisse bien apparaître des recettes supplémentaires, monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison : 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires entre 2014 et 2015, 23 milliards d’euros entre 2014 et 2016. Mais ce que nous voudrions savoir, c’est d’où elles viennent. Depuis le début de nos discussions, vous ne nous avez jamais répondu sur cette question.

Par ailleurs, puisque vous avez évoqué la page 37 du projet de loi, je voudrais pour ma part revenir à la page 7, l’exposé des motifs sur l’article 1er, dans lequel il est précisé que l’impact sur la Sécurité sociale de la mesure sera intégralement compensé et que « les modalités en seront définies dans les lois financières pour 2015 ». C’est donc que vous ne nous dites pas comment elles sont définies dans le présent projet de loi : vous écrivez vous-mêmes que cela sera fait ultérieurement !

Vous ne voulez pas répondre à cette question, dont acte. Mais ce que nous voulons, et c’est l’objet de ces amendements, c’est avoir des indications avant de discuter du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015. C’est une question relativement importante !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Et même tout à fait importante ! L’adverbe « relativement » est de trop !

Mme Véronique Louwagie. Nous sommes presque tous d’accord sur la nécessité de baisser les charges sociales salariales et patronales, mais vous ne nous apportez pas de réponse sur le financement de ces mesures.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je souhaite répondre à cette question, pour ne pas laisser à penser que nous ferions preuve de légèreté ou d’imprévision.

Madame la députée, vous savez fort bien qu’entre le budget de l’État et les budgets sociaux, il y a un certain nombre de « tuyaux », comme on le dit entre nous. Vous êtes suffisamment assidue et informée de ces questions pour savoir que, pour des raisons constitutionnelles, ces tuyaux ne peuvent pas être mis en œuvre dans une loi de financement rectificative de la Sécurité sociale.

M. Dominique Tian. Oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement affirme ici, à votre adresse et à celle de la représentation nationale, que la compensation pour les régimes de la Sécurité sociale aura lieu. Il ne peut pas faire autrement que de vous dire que les modalités seront précisées dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale que vous étudierez à l’automne, puisqu’il ne peut l’inscrire ni dans le présent texte ni dans le projet de loi de finances rectificative.

M. Dominique Tian. C’est donc un chèque en blanc !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous aurons l’occasion de discuter ultérieurement d’un amendement qui inscrira noir sur blanc dans la loi ce que le Gouvernement dit ici à la représentation nationale et, à travers elle, à l’ensemble du pays. Cessons donc ce débat qui n’a donc pas lieu d’être.

M. Dominique Tian. C’est une plaisanterie ! Il s’agit de plus de 10 milliards d’euros !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les mesures seront bien compensées, madame Louwagie, et la compensation sera inscrite dans le PLFSS.

(Le vote sur les amendements identiques nos 4 et 16 est réservé.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n102.

M. Francis Vercamer. Ces dernières années, l’augmentation du coût du travail par unité produite a été trois fois plus rapide en France qu’en Allemagne. Les exportations françaises ont baissé de dix points par rapport aux exportations allemandes. Le taux de marge des entreprises françaises est aujourd’hui inférieur de douze points à celui des entreprises allemandes et de dix points au taux moyen de la zone euro ; le Premier ministre l’a même souligné dernièrement. Le taux d’autofinancement des investissements est de 64 % en France, contre 90 % en moyenne dans la zone euro.

Le Président de la République faisait ce constat le 10 juillet lors de la grande conférence sociale : il considérait qu’il était nécessaire de réformer le mode de financement de la protection sociale pour qu’il ne pèse pas uniquement sur le travail pour les entreprises les plus exposées à la mondialisation. Depuis 2012, il n’y a pas l’ombre d’une réforme structurelle en la matière.

Par conséquent, étant donné que je ne peux pas déposer un amendement visant à réduire le coût du travail, je propose que le Gouvernement établisse un rapport relatif aux modalités d’allégement du coût du travail pour que les entreprises redeviennent compétitives. J’espère que, cette fois-ci, le Gouvernement ne se contentera pas de me répondre qu’une autre instance s’en charge. Je demande pour ma part que ce soit non pas Pierre, Paul ou Jacques mais le Gouvernement qui dépose un rapport, car il est seul compétent en la matière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. Monsieur Vercamer, ainsi que je l’ai indiqué voilà quelques instants, le Haut conseil du financement de la protection sociale proposera des pistes de réforme du financement de la protection sociale. Des parlementaires siègent en son sein, dont M. Door et moi-même. Il remettra au Gouvernement son rapport, qui répondra à votre sollicitation.

Par ailleurs, un amendement de la commission reprend, sur ma proposition, votre intention puisqu’il vise à demander que ce rapport du Haut conseil soit remis dans les six mois qui viennent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Je vais répondre à M. le rapporteur, puisque nous siégeons ensemble au sein du Haut conseil du financement de la protection sociale. Or les dernières pistes avancées, que vous connaissez comme moi, sont la TVA, la CSG, les taxes comportementales et environnementales, ou encore les transferts de branche à branche, par exemple entre la branche famille et la branche vieillesse.

Ces propositions sont sur la table. Le seul problème est qu’il faut maintenant préciser les choses. À cet égard, vous devriez déjà savoir de quel outil vous allez vous servir pour compenser la baisse des recettes de 10 milliards. Cela me paraît tout simple : il faut dire ce qu’il en est.

(Le vote sur l’amendement n102 est réservé.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Vote solennel sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 ;

Suite de la discussion du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 1er juillet 2014, à une heure.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron