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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 01 octobre 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Hommage à un otage français assassiné

2. Questions au Gouvernement

Assassinat d’Hervé Gourdel

M. Christian Estrosi

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Projet de loi de finances pour 2015

Mme Sabine Buis

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Mesures destinées aux personnes âgées

M. Jean-Jacques Candelier

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Hôpitaux de Lourdes et de Tarbes

Mme Jeanine Dubié

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Politique familiale

Mme Virginie Duby-Muller

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Intempéries dans l’Hérault

M. Christian Assaf

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Projet de loi de finances pour 2015

M. Georges Fenech

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Politique économique et financière

M. Charles de Courson

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Professions libérales

M. Jean-Pierre Door

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Implantation industrielle en France du groupe Hexcel

M. Erwann Binet

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Canal Seine-Nord Europe

Mme Barbara Pompili

M. Manuel Valls, Premier ministre

Défense nationale

M. Alain Marty

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Emplois d’avenir

M. Pascal Demarthe

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Transition énergétique

M. Julien Aubert

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie

M. Philippe Gomes

M. Manuel Valls, Premier ministre

Suspension et reprise de la séance

3. Transition énergétique

Présentation

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale

Présidence de Mme Laurence Dumont

Mme Sabine Buis, rapporteure de la commission spéciale

M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission spéciale

Mme Ericka Bareigts, rapporteure de la commission spéciale

M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale

M. François Brottes, président de la commission spéciale

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes

M. Jean-Yves Le Déaut, Premier vice-président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

M. Boinali Said

Motion de rejet préalable

M. Michel Sordi

M. Michel Sordi

Mme Ségolène Royal, ministre

M. Gabriel Serville

Mme Barbara Romagnan

M. Julien Aubert

M. Bertrand Pancher

Motion de renvoi en commission

M. Martial Saddier

Mme Ségolène Royal, ministre

M. François Brottes, président de la commission spéciale

M. Gabriel Serville

M. Jean-Luc Bleunven

M. Julien Aubert

M. Bertrand Pancher

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Hommage à un otage français assassiné

M. le président. Mes chers collègues, alors même que nous débattions de l’intervention de nos forces armées en Irak, la nouvelle qu’Hervé Gourdel avait été sauvagement assassiné par ses ravisseurs commençait à se répandre. Toutefois, le Premier ministre et moi-même avions alors décidé, chacun le comprendra, de différer cette annonce tant que les faits ne seraient pas confirmés et sa famille informée.

La barbarie de ce meurtre, après celui de citoyens américains et britanniques, et sa mise en scène insoutenable, qui vise à nier l’humanité des victimes, montre qu’il s’agit désormais, pour leurs auteurs, de combattre nos valeurs essentielles.

Nous ne pouvons céder à ce qui constitue un chantage intolérable, comme nous devons nous garder de tomber dans le piège de l’amalgame et de la provocation.

En votre nom à tous, je souhaite exprimer l’indignation unanime de notre assemblée et notre détermination commune à lutter contre le terrorisme et le fanatisme sous toutes leurs formes.

J’adresse à la famille d’Hervé Gourdel les condoléances de la représentation nationale.

Nos pensées s’adressent également à Serge Lazarevic, dernier otage français au Mali, et à toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité, encore retenues en otage dans le monde.

Je vous invite à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Assassinat d’Hervé Gourdel

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Estrosi. Monsieur le président, c’est dans un même esprit d’unanimité et au nom des députés des Alpes-Maritimes que je m’adresse à toute notre assemblée.

Barbarie, sauvagerie, cruauté, lâcheté, dégoût, colère, condamnation, indignation, chagrin. Depuis presque une semaine, ces mots ne cessent de tourner en boucle dans nos têtes et sur toutes les ondes.

Ces mots, ici comme ailleurs, doivent garder toute leur force.

Ces mots, on n’a cessé de les entendre, même après les merveilleux et si émouvants hommages rendus partout en France et d’abord dans ma circonscription des Alpes-Maritimes, dans la montagne comme dans la ville de Nice, auxquelles Hervé Gourdel était si attaché.

Cet après-midi, je veux vous parler de l’homme que j’ai connu : un homme de simplicité, de droiture, de dévouement ; un homme de lumière, d’humanité, d’élévation. Cet homme, c’est l’Hervé Gourdel que j’ai connu et qui m’a conduit, avec tant d’autres, sur les sentiers de nos montagnes, dans la lumière ; un homme dont l’éclat renvoie pour toujours dans les ténèbres ceux qui l’ont tué !

Dans les guerres, les premières victimes sont toujours les innocents, ceux qui croient en l’humanité, ceux qui ne peuvent se résoudre à voir dans leur prochain… une bête sauvage. C’est avec eux que se trouve aujourd’hui Hervé Gourdel. C’est parmi eux que le peuple de France, le peuple de Nice et de sa montagne l’ont placé pour toujours. Je veux saluer ici l’immense, la magnifique, l’indomptable dignité dont fait preuve sa famille devant cette épreuve terrible, en même temps que nous lui témoignons tout notre soutien.

Monsieur le Premier ministre, alors que les bourreaux d’Hervé Gourdel, martyr français, auraient été identifiés, il est plus que jamais nécessaire d’agir face à ceux qui ont déclaré la guerre à notre démocratie. Cette guerre sourde et aveugle, faite de fanatisme, nous est déclarée depuis bien longtemps. Notre responsabilité historique est d’y répondre par une guerre globale, partout où au nom d’une appartenance à une religion, à une culture, à une nation démocratique, des innocents sont menacés de torture, de mort, voire d’extermination. Aussi, monsieur le Premier ministre, je vous remercie de confirmer que toutes les énergies seront déployées en ce sens. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, la décapitation d’Hervé Gourdel est une infamie. Nous étions aux Nations unies, le Président de la République et moi-même, lorsque nous avons appris cette nouvelle. Il a fallu réagir tout de suite. La première réaction a été évidemment d’appeler la famille. Nous avons mesuré, ensuite, à quel point cet assassinat épouvantable avait frappé non seulement tous les Français, mais tous nos collègues de l’ensemble des Nations unies. Je voudrais dire trois choses.

La première, c’est qu’Hervé Gourdel était un homme formidable, magnifique, et vous avez bien fait de le rappeler.

Le deuxième, c’est qu’il faut une sanction. Nous travaillons avec les autorités algériennes : hier, le ministre de la justice a annoncé qu’il avait déjà des éléments d’identification. L’enquête se poursuit. Elle doit aboutir et la sanction doit être intraitable.

Et puis, mesdames, messieurs les députés, il faut afficher notre détermination. C’est la meilleure réponse. Les terroristes veulent nous diviser ; les terroristes veulent nous arrêter et les terroristes nous menacent. Il faut répondre par une détermination implacable et par votre unité. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. Avant de donner la parole à l’orateur suivant, je souhaite saluer la mémoire de Danièle Breem, décédée la semaine dernière à l’âge de 93 ans.

Mme Breem, l’une des premières femmes à avoir exercé le métier de journaliste politique à la télévision, a contribué à faire entrer les caméras à l’Assemblée nationale. Permettez-moi, en votre nom, d’avoir une pensée pour sa famille.

Projet de loi de finances pour 2015

M. le président. La parole est à Mme Sabine Buis, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Sabine Buis. Monsieur le ministre des finances, cette semaine, notre pays a appris que la dette publique française avait franchi la barre des 2 000 milliards d’euros.

Or ceux qui, à droite, poussent des cris d’orfraie et versent des larmes de crocodiles pour déplorer cette nouvelle (Huées sur les bancs du groupe UMP) cherchent ainsi à s’exonérer de leurs responsabilités.

Frappés d’une amnésie commode, ils ne feront en effet pas oublier qu’en dix années de gouvernement UMP, la dette a augmenté de plus de 900 milliards d’euros, dont 600 milliards d’euros pour le seul quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Les pyromanes d’hier se rêvent donc en pompiers de demain. Curieux raisonnement !

De son côté, la gauche, dès 2012, a pris ses responsabilités. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Nous devions baisser le niveau de déficit pour endiguer la progression de la dette publique ; nous l’avons fait. Nous devions faire preuve de sérieux budgétaire tout en préservant notre modèle social ; nous l’avons fait.

Aujourd’hui, le projet de loi de finances pour 2015 a été présenté en Conseil des ministres. Quels enseignements doivent en être tirés ?

Pour la première fois en cinq ans, les prélèvements sur les ménages vont baisser, grâce à la suppression de la première tranche.

Mme Marie-Louise Fort. Et la famille ?

Mme Sabine Buis. La compétitivité et donc l’emploi vont être stimulés avec le déploiement du CICE et du pacte de responsabilité et de solidarité. L’assainissement des comptes publics va se poursuivre malgré la faible inflation grâce au plan d’économies mis en œuvre par le Gouvernement.

M. Christian Jacob. Mensonges !

Mme Sabine Buis. Ainsi, au cœur de la tempête, notre majorité tient bon (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. –Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI) en maintenant le cap du redressement et de la justice. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous en dire plus sur ce projet de loi de finances ?

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Quel que soit le camp auquel on appartient, de tels sujets me semblent suffisamment sérieux pour qu’un débat ait lieu et que l’on prenne la peine d’écouter les orateurs. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Madame la députée, vous avez cité le chiffre de 2 000 milliards d’euros. Il est exact. Or rien ne représente mieux le passé d’un pays que sa propre dette. Vous avez ainsi eu raison de souligner que sur cette somme, la moitié – soit 1 000 milliards d’euros – est le résultat de politiques, menées entre 2002 et 2012, qui non seulement n’ont pas permis de maîtriser le déficit, laissant celui-ci grimper à plus de 5 % du PIB, mais ont laissé s’accumuler la dette dans des conditions de financement telles que la France n’a pu consacrer son budget à d’autres priorités.

Ces priorités, vous les avez soulignées, et elles sont prises en compte dans le budget pour 2015. C’est d’abord le soutien à l’activité, à l’emploi, aux entreprises, afin de permettre à celles-ci d’investir, d’embaucher, d’innover. C’est la poursuite de l’application du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, et la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité, qui vont redonner des marges aux entreprises et leur permettre d’investir et de créer des emplois.

Mais ce sont aussi des mesures de baisse d’impôt pour les ménages, car il est nécessaire de soutenir la consommation et le pouvoir d’achat des plus faibles et des plus modestes.

C’est également un programme d’économies. Or il n’est pas simple de faire ces économies que tout le monde réclame ! J’en connais même qui demandent 120, 130, voire 150 milliards d’économies, sans jamais nous donner la signification du premier de ces euros.

Nous, nous le faisons de manière sérieuse, afin de maîtriser notre endettement, au service des Français et de l’économie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mesures destinées aux personnes âgées

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Dimanche, la droite a gagné au Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) C’est une défaite pour le Gouvernement, résultat d’un fort mécontentement et d’une politique antisociale et antidémocratique, dont la réforme territoriale est un exemple.

Il faut tourner le dos à l’austérité et redistribuer les richesses, énormes, créées par les travailleurs de notre pays.

Hier avait lieu une journée d’action des retraités. Ils se battent pour leur pouvoir d’achat, mais aussi pour un modèle de société solidaire, hérité du Conseil national de la Résistance, et pour l’essor des services publics.

Comment s’étonner du retard dans les dossiers de pension à la CARSAT de ma région quand cette caisse ne remplace plus qu’un salarié sur deux partant en retraite ?

Les moyens existent pourtant pour instituer la retraite à 60 ans, pour indexer les pensions sur les salaires et non sur les prix, ou encore pour faire en sorte qu’aucune retraite ne soit inférieure au SMIC, lequel serait porté à 1 700 euros bruts.    

Parlons aussi de la perte d’autonomie. Pour supprimer le reste à charge des personnes en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD ––, il faudrait mettre sur la table 1,5 milliard d’euros. À comparer aux 41 milliards que l’État accorde aux entreprises !

C’est la revalorisation des salaires, l’arrêt des exonérations de cotisations, la mise à contribution des revenus financiers des entreprises qui créeront les ressources nécessaires.

L’annonce d’une prime de 40 euros et d’une hausse de 8 euros – soit 26 centimes par jour – du minimum vieillesse ne correspond pas aux attentes.

Comptez-vous dégeler les pensions et les revaloriser à nouveau au 1er janvier de chaque année ? Comptez-vous sortir tous les retraités de la pauvreté et réduire au maximum le reste à charge pour les familles des personnes en perte d’autonomie ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, le Gouvernement est profondément attaché au modèle de la solidarité, …

M. Christian Jacob. Ça ne se voit pas !

Mme Bérengère Poletti. Et les familles ?

M. Bernard Deflesselles. Vous ne les aimez pas !

Mme Marisol Touraine, ministre. …en particulier s’agissant des personnes âgées. Et c’est pour cette raison que vous avez adopté à sa demande une loi de solidarité permettant de conforter notre modèle de retraite par répartition et d’apporter des réponses à celles et ceux qui ont commencé à travailler jeune, ou qui ont exercé leur métier dans des conditions pénibles.

C’est justement, monsieur le député, parce qu’une proportion significative des futurs retraités de votre région ont commencé à travailler jeune que les caisses de retraite y sont confrontées à un afflux de demandes. Aussi avons-nous dégagé des moyens spécifiques afin que les dossiers des personnes concernées puissent être traités dans des délais rapprochés.

M. Christian Jacob. Mais pas les autres !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous avons mis en place dans votre région une ligne téléphonique dédiée pour que les nouveaux retraités puissent disposer de moyens spécifiques. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mais au-delà, monsieur le député, je veux vous rappeler qu’une loi sur l’autonomie est en cours d’examen, grâce à laquelle les personnes âgées vont bénéficier de davantage d’aides à domicile en ayant moins d’argent à débourser.

Plusieurs députés du groupe UMP. Allô !

Mme Marisol Touraine, ministre. Voilà un progrès concret que nous avons rendu possible.

Je vous rappelle également, monsieur le député, les mesures prises en direction des retraités modestes. Nous avons ainsi revalorisé de 10 % l’aide à la complémentaire santé, qui permet aux retraités d’accéder à des soins de qualité. C’est une avancée concrète pour les personnes âgées de ce pays, et elle est due à ce gouvernement.

Je rappelle par ailleurs qu’à compter d’aujourd’hui, les retraités les plus modestes, …

Un député du groupe UMP. Qu’en est-il des autres ?

Mme Marisol Touraine, ministre. …qui bénéficient de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, le minimum vieillesse, voient leur pension revalorisée et portée à 800 euros.

Le Gouvernement est donc pleinement mobilisé, monsieur le député, en faveur du modèle de solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Hôpitaux de Lourdes et de Tarbes

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Jeanine Dubié. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé ; j’y associe mon collègue des Hautes-Pyrénées, Jean Glavany.

Madame la ministre, l’accès aux soins et services de santé fait partie des impératifs d’égalité et de sécurité qu’un État moderne comme la France doit assurer à ses citoyens. Les réformes successives du service public hospitalier, assises sur la réduction des déficits et la suppression massive de postes, non seulement n’ont pas amélioré la situation financière des établissements, mais ont dégradé la qualité de l’offre hospitalière publique.

Nous avons de nombreuses fois attiré votre attention sur la situation des centres hospitaliers de Tarbes et de Lourdes. Vous avez entendu nos préoccupations, et constaté vous-même que, dans le projet initialement proposé, les besoins et les contraintes inhérents à un territoire montagnard n’étaient pas suffisamment pris en compte.

À cet effet, vous avez souhaité que la décision des pouvoirs publics soit éclairée par la production d’un projet concret entre les établissements de Tarbes et de Lourdes. Ce projet doit reposer sur une concertation, une coordination de qualité et une coopération équitable et optimale dans la répartition des activités sur les deux sites. Vous avez confié ce travail à l’Agence régionale de santé – ARS – de Midi-Pyrénées. Il vient seulement de commencer, en septembre 2014.

Or, la direction du centre hospitalier a annoncé au conseil de surveillance de l’hôpital de Lourdes la fermeture, au 31 décembre 2014, de la maternité et du service de réanimation, ainsi que des suppressions de postes. L’annonce a également été faite devant les organisations syndicales.

Nous ne pouvons accepter qu’une telle décision soit prise alors qu’un travail sur le projet de santé du territoire, devant prendre en compte l’ensemble des paramètres et notamment l’égalité en matière d’accès aux soins, est encore en cours d’élaboration. La confiance réciproque établie dans la gestion de ce dossier si difficile en serait gravement et durablement altérée.

Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer qu’aucune fermeture de service ou réorganisation majeure n’interviendra avant que le travail sur le projet de santé commun aux deux établissements soit achevé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la députée, vous avez raison de dire que l’accès aux soins est un enjeu majeur pour notre pays et que l’égalité d’accès aux soins est un objectif qui doit nous mobiliser toutes et tous. Nous devons faire en sorte que le service public hospitalier puisse répondre aux besoins et aux attentes de la population partout sur le territoire.

M. Yves Fromion. Jusque là, c’est parfait !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai indiqué que la situation des hôpitaux de proximité devait être prise en considération de manière spécifique, à travers des modes de financement particuliers. On ne peut pas en effet répondre aux besoins des petites structures de la même façon qu’on répond à ceux des grandes.

M. Yves Fromion. Là encore, c’est parfait !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous m’interrogez plus particulièrement sur la situation de l’hôpital de Lourdes, en relation avec celui de Tarbes. Une enquête a en effet été confiée à l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales. Je vous assure, madame la députée, que cette enquête ira à son terme et que c’est sur la base de ses conclusions, et sur elle seule, que des décisions sur l’avenir de ces structures hospitalières seront prises.

Ma volonté est de faire en sorte que la coopération entre Lourdes et Tarbes se fasse dans les meilleures conditions possibles pour la population de ce bassin de vie. À cette fin, j’ai demandé à l’Agence régionale de santé et à l’IGAS d’avoir des contacts rapprochés avec l’ensemble des élus et des acteurs de santé. C’est sur cette base qu’ensemble, nous prendrons les décisions qui s’imposent.

Politique familiale

M. le président. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Virginie Duby-Muller. Madame la ministre des affaires sociales, vous avez déclaré lundi : « Je veux dire de la manière la plus claire que ce gouvernement aime les familles ». Eh bien, vous avez de singulières façons de leur prouver votre amour !

Un député du groupe UMP. C’est de l’amour vache !

Mme Virginie Duby-Muller. Alors que le paradoxe français fait figure de modèle avec un taux de fécondité et un taux d’insertion professionnelle des femmes parmi les plus élevés d’Europe, vous êtes en train de démanteler la politique familiale. Les coupes opérées dans la branche famille par le projet de loi de financement de la sécurité sociale s’élèvent à 700 millions d’euros. Certes, nous devons faire des économies, mais pas sur le dos des familles et des femmes !

Après avoir réduit le quotient familial, vous divisez maintenant par trois le montant de la prime à la naissance à partir du deuxième enfant. En outre, la majoration pour âge des allocations familiales sera décalée de 14 à 16 ans, et le versement de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, sera reporté au mois suivant la naissance. Le montant de l’aide à l’embauche d’une assistante maternelle va, quant à lui, être réduit de moitié pour les familles qui ont plus de 4 000 euros par mois. Et je ne parle pas de la refonte du congé parental, qui risque de renvoyer des femmes au foyer faute de mode de garde ! Bonjour le progrès social ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Eh oui : ils détestent les familles !

Mme Virginie Duby-Muller. Vous dites « ne pas remettre en cause l’universalité de la politique familiale ». Pourtant, ce sont les femmes qui seront les premières victimes de ce lourd rabotage !

Voulant éviter tout débat, y compris au sein de la majorité, le groupe socialiste a mis les députés frondeurs à l’écart de la commission des affaires sociales, de façon à les bâillonner. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Yves Fromion. C’est la dictature !

Mme Virginie Duby-Muller. La méthode est assez infantilisante, d’autant que certaines mesures seront mises en œuvre par voie réglementaire pour court-circuiter le Parlement !

Madame la ministre, pourquoi remettre en question une politique qui a fait ses preuves ? Ce sont les milieux modestes qui vont en pâtir. L’objectif inavoué de ces mesures serait-il de diminuer la natalité, alors que le solde positif de la démographie est une force pour notre pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. Madame la députée, la France est fière de sa politique familiale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mesdames, messieurs les députés de l’opposition, vous n’avez pas le monopole de la défense de la famille ! (Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP et UDI.) Je vous rappelle qu’en 2007, vous aviez trouvé une branche famille excédentaire de 200 millions d’euros, et qu’en 2012, lorsque vous avez quitté le pouvoir, elle était déficitaire de 2,5 milliards d’euros !



Voilà la situation à laquelle nous devons faire face, et voilà pourquoi nous devons prendre des mesures si nous voulons préserver la politique familiale française ! Ces mesures, nous les prenons parce qu’en cinq ans, vous avez laissé filer les déficits et vous n’avez apporté aucune solution nouvelle. Vous n’avez engagé aucune réforme structurelle de la politique familiale ! (Protestations et claquements de pupitre sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Cela ne peut pas continuer ainsi ! Je vous rappelle que nous sommes coresponsables de l’image donnée par l’Assemblée. Vous aurez l’occasion de vous exprimer ultérieurement ! Veuillez écouter la réponse de Mme la secrétaire d’État !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Les mesures d’économie que nous prenons aujourd’hui répondent à trois principes. Premièrement, maintenir l’universalité de la politique familiale et des allocations : toutes les familles continueront de percevoir des allocations familiales. Deuxièmement, aider en priorité les familles populaires : c’est ce que nous faisons depuis 2012, lorsque nous avons augmenté de 25 % l’allocation de rentrée scolaire. Enfin, aider les familles pauvres, et tout particulièrement les enfants pauvres : nous prendrons toutes les mesures auxquelles nous nous sommes engagés dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté.

Mesdames, messieurs les députés, nous faisons aujourd’hui le choix de maintenir la politique familiale en continuant d’investir dans les modes d’accueil. Ce budget reste en progression constante, alors qu’entre 2002 et 2012, vous aviez réduit de 118 000 le nombre de places d’accueil pour les enfants de moins de trois ans. (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Eh bien, nous, nous allons en ouvrir 275 000 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Intempéries dans l’Hérault

M. le président. La parole est à M. Christian Assaf, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christian Assaf. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur. J’y associe mes collègues héraultais.

Monsieur le ministre, l’Hérault a été durement touché, à deux reprises, par de violentes intempéries. Dans le secteur de Lamalou-les-Bains, le 17 septembre, le bilan humain a été dramatique : je veux avoir une pensée pour les familles et les sinistrés.

Ces dernières heures, des orages historiques ont provoqué d’importants dégâts matériels. Le traumatisme subi par nos concitoyens, nos entrepreneurs et nos agriculteurs marquera à jamais Montpellier et le Cœur d’Hérault. Nous le savons, ces orages sont toujours plus soudains et plus intenses, conséquence du dérèglement climatique sans doute, de circonstances exceptionnelles sûrement, mais aussi des effets néfastes de l’urbanisation : notre réflexion ne doit pas l’occulter.

Un député du groupe UMP. Frêche !

M. Christian Assaf. Je veux saluer l’efficacité des services de l’État, l’investissement des maires, des élus et des services municipaux, la présence des forces de l’ordre et des secours, ainsi que le travail essentiel des médias locaux – à commencer par la radio de service public. Je veux aussi rendre hommage à l’efficience de notre département, à commencer par les pompiers. Avec les agents des routes, ils sont des services de proximité et ont une connaissance incontournable des territoires : autant d’éléments à prendre en compte dans la réforme territoriale à venir. À l’image de l’incroyable force solidaire qui a traversé nos territoires, ces femmes et ces hommes n’ont pas ménagé leurs efforts. Sans aucun doute, leur dévouement a permis de sauver des vies.

Monsieur le ministre de l’intérieur, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement pour inciter les régions à accroître leur action, comme cela est le cas en Languedoc-Roussillon, dans la lutte contre les inondations. De même, le Gouvernement peut-il aller plus loin pour améliorer les procédures et les outils à disposition des maires, notamment ceux des communes rurales, dans la gestion de ces aléas climatiques ? Désormais et trop souvent…

M. le président. Merci, monsieur le député.

La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Vous avez raison, monsieur le député, de souligner l’ampleur des intempéries qui se sont produites dans l’Hérault au cours des quinze derniers jours. Elles ont conduit à des drames humains très importants à Lamalou-les-Bains il y a de cela une dizaine de jours. Au cours des dernières quarante-huit heures, des intempéries exceptionnelles, d’un niveau jamais atteint depuis 1937-1938, ont frappé Montpellier et Mauguio dans l’agglomération montpelliéraine : près de 4 000 personnes ont dû être secourues.

En dépit de leur importance, ces intempéries n’ont pas fait de victimes, pour trois raisons.

Premièrement, l’alerte météo a été prise en compte par les services de l’État dès lors que le risque d’intempérie a été signalé, et des consignes très claires ont été données par les préfets aux maires. Ces consignes ont été scrupuleusement respectées par l’ensemble des fonctionnaires de l’État, notamment ceux de l’éducation nationale : les bons gestes ont permis d’éviter des drames.

Deuxièmement, les services d’incendie et de secours, les forces de sécurité, ont été immédiatement mobilisés. Vous avez parlé – avec raison – du travail exceptionnel accompli par les collaborateurs de l’État et des collectivités locales pour venir au secours des habitants de l’Hérault. Permettez-moi de vous donner quelques chiffres : 1 500 fonctionnaires ont été mobilisés, parmi lesquels des sapeurs-pompiers du SDIS – le service départemental d’incendie et de secours –, mais également 45 militaires de la sécurité civile, des gendarmes, des policiers nationaux et des policiers municipaux. Trois hélicoptères ont également été dépêchés sur place. Tous ces moyens ont permis de secourir près de 4 000 personnes à la faveur de 1 200 interventions dans les habitations et dans les bâtiments publics.

Enfin, un troisième élément doit être pris en compte : la solidarité des habitants les uns à l’égard des autres. Il y a toujours, dans ces moments-là, un grand élan de solidarité : il s’est manifesté à Montpellier. Il faut, bien entendu, qu’autour des régions et des collectivités territoriales, des actions soient engagées, amplifiées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Projet de loi de finances pour 2015

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Georges Fenech. Monsieur le Premier ministre, vous avez présenté ce matin le projet de loi de finances pour 2015 et le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019. Après avoir ouvert les vannes de la dépense en 2012, et augmenté de manière considérable les impôts sur les ménages et les entreprises, les indicateurs sont aujourd’hui tous dans le rouge. Vous ne donnez en aucun cas l’impression d’avoir conscience de la gravité de la situation.

Hier, la dette a dépassé le seuil symbolique des 2 000 milliards d’euros – Michel Sapin l’a reconnu tout à l’heure. Chaque jour, elle s’aggrave d’un milliard supplémentaire ! Le déficit budgétaire continue de déraper, avec 3 milliards d’euros de plus que prévu dans la loi de finances rectificative de juillet. Il atteindra probablement plus de 4,4 % cette année, et vous ne prévoyez guère mieux pour 2015.

Vous venez de reporter à nouveau l’objectif d’équilibre des comptes : il est désormais fixé à 2019 et non plus 2017.

M. Christian Jacob. Eh oui ! Ils ont menti !

M. Georges Fenech. Comme si cela n’avait pas d’importance ! Et que proposez-vous dans ce budget ? Une augmentation de la taxe sur le diesel et la suppression de la première tranche d’impôt sur le revenu, ce qui va encore plus accentuer la concentration de l’impôt sur les classes moyennes ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Ils n’aiment pas les classes moyennes !

M. Georges Fenech. La réalité, c’est que vous avez choisi de laisser filer les déficits, au lieu de vous y attaquer de manière responsable comme vous l’aviez promis lors de votre discours de politique générale. La réalité, c’est que vous baissez les impôts aujourd’hui – sans d’ailleurs en avoir les moyens – parce que vous les avez tellement augmentés depuis deux ans que les Français ont ressenti – il faut bien le dire – un haut-le-cœur fiscal, un ras-le-bol fiscal.

Monsieur le Premier ministre, ce projet de loi de finances n’est à l’évidence toujours pas à la hauteur de la gravité de la situation. Compte tenu des tensions dans vos propres rangs, qui vous ont conduit à en repousser la présentation et à dégrader considérablement les conditions d’examen par le Parlement, quelle majorité avez-vous ? Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le député, le projet de loi finances qui a été examiné ce matin en Conseil des ministres et présenté à votre commission des finances en ce début d’après-midi est un projet sérieux et responsable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous avez raison, monsieur le député, les déficits sont encore excessifs. Je voudrais cependant vous rafraîchir la mémoire… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. C’est la vôtre qu’il faudrait rafraîchir !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …en 2010, le déficit de l’État était de plus de 148 milliards d’euros. Il est aujourd’hui ramené à environ la moitié de cette somme, c’est-à-dire à 75 milliards d’euros. Alors, monsieur le député, ce que vous dites, ce que vous voulez faire croire aux Français, est faux ! Des efforts considérables – que personne ne nie – ont été demandés par votre majorité, et à présent par la nôtre, parce qu’il est urgent de redresser les comptes publics.

Le projet de budget que nous vous avons présenté aujourd’hui est un budget de responsabilité, de vérité, qui implique des efforts d’économie. Ces efforts représenteront des économies de l’ordre de 21 milliards d’euros, mesdames et messieurs les députés, tous éléments confondus ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. M. Eckert ne trouve plus ses mots !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Plus de 7 milliards d’euros d’économies seront réalisés sur le budget de l’État. Les collectivités territoriales seront sollicitées à hauteur de 3,67 milliards d’euros.

M. Dominique Dord. C’est trop facile !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ces économies sont possibles, elles sont nécessaires pour redresser les comptes. Elles n’obèrent pas nos priorités : les budgets prioritaires – l’éducation nationale avec de nouveaux enseignants, la justice, la police et la gendarmerie – progressent.

C’est un budget de responsabilité, et la discussion parlementaire permettra de le démontrer à l’ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Politique économique et financière

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Monsieur le Premier ministre, le contenu du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 constitue un aveu de l’échec de votre politique économique et financière depuis deux ans et demi. (« Très bien ! » sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Tous les indicateurs sont au rouge : une croissance atone ; des déficits des finances publiques qui s’accroissent en 2014 et ne se réduisent pas en 2015 ; une dette publique qui va continuer à croître en 2015 et en 2016, alors qu’elle vient de dépasser les 2 000 milliards d’euros ; des recettes fiscales et sociales très inférieures aux prévisions, mais dont le poids dans la richesse nationale ne baisse pas ; des économies sur les dépenses très inférieures à vos engagements ; un chômage qui explose malgré toutes vos promesses ; une majorité qui se délite et la défiance qui s’installe dans le pays.

Depuis le début de la législature, le groupe UDI n’a cessé de dénoncer les erreurs commises par le Gouvernement et la majorité, et de vous alerter sur les conséquences désastreuses de vos décisions injustes socialement et inefficaces économiquement. Lors de l’annonce du pacte de responsabilité et de solidarité, convaincus que l’enjeu du redressement des finances publiques de notre pays dépassait les simples intérêts partisans, nous avons voulu vous laisser une chance.

Aujourd’hui, alors que la situation de notre pays est particulièrement préoccupante et que notre capacité à garder la maîtrise de notre destin et à préserver notre modèle social est en jeu, le groupe UDI vous demande solennellement d’avoir le courage de lancer les six réformes structurelles vitales pour la France, sans lesquelles le redressement du pays est impossible : la réforme de l’État, une vraie réforme des collectivités territoriales, une réforme des retraites et de la santé, la rénovation de la démocratie sociale, la transition écologique, la valorisation de la ressource humaine de notre nation. Tels sont les six chantiers.

Monsieur le Premier ministre, ma question est très simple : êtes-vous prêt, avec tous ceux qui se rendent compte que le pays est au bord de l’effondrement, à mener ces six politiques structurelles indispensables pour renouer avec la croissance et l’emploi et restaurer la confiance de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le député, je connaissais votre grande sagesse et votre finesse d’analyse mais votre question, qui comportait beaucoup d’éléments, m’a semblé un peu caricaturale. Je vais donc vous répondre en faisant appel à votre esprit de finesse et de pondération.

M. Christian Jacob. La finesse, c’est son fort !

M. Michel Sapin, ministre. Vous êtes le premier à savoir que la dette a beaucoup plus augmenté entre 2002 et 2012 que depuis trois ans.

M. Didier Quentin. Ce n’est pas la question !

M. Michel Sapin, ministre. Vous le savez, dites-le ! Ne dites pas que tous les clignotants sont aujourd’hui au rouge, alors que vous savez très bien que nous avons réduit la progression annuelle de la dette et le déficit public, qui est aujourd’hui plus faible qu’en 2011. Vous le savez, dites-le ! Ne caricaturez pas la réalité !

Mme Bérengère Poletti. C’était la crise !

M. Yves Censi. Vous nous demandez si nous sommes prêts à engager un certain nombre de réformes ; mais ces réformes, nous les lançons et nous vous demandons d’ailleurs de les soutenir !

Écoutez la Cour des comptes !

M. Michel Sapin, ministre. Vous parlez de la réforme de l’État : elle va nous permettre de réaliser plus de 7 milliards d’euros d’économie en 2015, rendez-vous compte ! L’année prochaine, le budget de l’État sera inférieur à celui de 2014 de presque 2 milliards d’euros.

M. Claude Goasguen. On verra !

M. Yves Censi. Avec quelle croissance ?

M. Michel Sapin, ministre. Nous y parviendrons en menant des réformes en profondeur, par exemple dans le domaine des politiques de l’achat, de la gestion immobilière ou du fonctionnement de l’État, pour que celui-ci soit plus efficace avec la même quantité d’argent.

Vous nous demandez de mener à bien une politique de réforme des collectivités territoriales ; mais c’est précisément ce que nous vous proposons ! Tout le monde convient que ce n’est pas simple, mais la réforme est aujourd’hui débattue. La diminution du nombre des régions et la clarification des compétences permettront aussi de faire des économies au niveau des collectivités territoriales. Il en va de même de la politique de la santé, qui est menée avec efficacité et perspicacité par Marisol Touraine. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Professions libérales

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Door. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

« Le changement c’est maintenant » : le Président de la République n’a eu de cesse d’en faire une phrase emblématique. Or, le monde brûle et notre pays plonge dans la déprime. Après les « bonnets rouges », les « pigeons », les « poussins », les professionnels libéraux n’échappent pas au sentiment de colère froide qui se généralise. Le malaise est profond.

Le monde de la santé, après le monde juridique, multiplie les actions de grève et appelle à la mobilisation. La tension monte chaque jour un peu plus. Les libéraux ont défilé hier dans la rue et les hospitaliers prévoient un mouvement de grève le 14 octobre : un bazar jamais vu dans le monde de la santé ! Vous étiez hier vent debout contre la loi « Hôpital, patients, santé, territoires ». Que faites-vous aujourd’hui ? Nous attendons la réponse.

Monsieur le Premier ministre, cessez de braquer les professions médicales et l’ensemble des professions libérales. Bloquez la tentative d’instituer un pilotage centralisé et administré du système de santé, comme le prévoit le projet de loi relative à la santé publique. Arrêtez l’hospitalocentrisme rétrograde et la réforme de la gouvernance. Arrêtez vos projets néfastes contre les professions réglementées, qu’il s’agisse des notaires, des huissiers, des vétérinaires ou des pharmaciens. Cela a été dit tout à l’heure, arrêtez aussi vos attaques contre les familles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et respectez l’opposition lorsqu’elle vous interroge. À cet égard, la réponse de la secrétaire d’État chargée de la famille était honteuse.

Monsieur le Premier ministre, les Français vont ont adressé leur réponse lors des municipales et, hier, lors des sénatoriales. Ils vous demandent simplement de changer de politique. Quand allez-vous arrêter de casser ce qui marche et ce qui est apprécié par nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, dans notre pays, les professionnels de santé, dans leur diversité, permettent à nos concitoyens de se soigner et de recevoir des conseils de très grande qualité.

M. Christian Jacob. Ce n’est pas grâce à vous !

M. Laurent Wauquiez. Pourquoi donc casser ce système ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce n’est pas en opposant, comme vous semblez le faire, les uns aux autres, les professionnels libéraux aux professionnels hospitaliers, que nous pourrons aborder ensemble de manière sereine les défis auxquels nous sommes confrontés.

Les professionnels de santé que vous évoquez, monsieur le député, sont les premiers à dire qu’il faut adapter leur profession pour répondre aux attentes des Français et aux demandes des jeunes professionnels.

M. Laurent Wauquiez. C’est faux !

M. Claude Goasguen. Il faut adapter le Gouvernement, car cela ne veut rien dire !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je l’ai dit : des réponses doivent être apportées pour sécuriser l’exercice des professionnels libéraux, lesquels sont absolument incontournables pour organiser une médecine de proximité, seule capable de répondre aux défis du vieillissement et de l’avenir.

M. Laurent Wauquiez. Baratin complet !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est la raison pour laquelle la loi relative à la santé conforte la médecine et les professionnels de proximité et n’oppose pas la médecine libérale aux hospitaliers ; au contraire, elle établit des relations entre les deux secteurs.

M. Christian Jacob. Changez de ministre !

Mme Marisol Touraine, ministre. En outre, j’ai eu l’occasion de reconnaître le rôle tout à fait spécifique des pharmaciens dans le domaine de la santé.

M. Laurent Wauquiez. Mais vous les massacrez !

Mme Marisol Touraine, ministre. Leur travail est reconnu. Emmanuel Macron travaille d’ailleurs en coopération avec eux pour sécuriser leur profession et leur donner les moyens d’apporter des réponses et des conseils au quotidien à l’ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Vous n’aimez pas les pharmaciens !

Implantation industrielle en France du groupe Hexcel

M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Erwann Binet. Monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, vous avez reçu hier le président de la société américaine Hexcel, leader mondial de la fibre de carbone. Il vous a annoncé avoir choisi la France, et plus précisément l’Isère, pour implanter sa première unité de production de fibres de carbone en Europe.

La société Hexcel va investir 200 millions de dollars et créer 120 emplois en Isère. Elle envisage, dans une deuxième phase, le doublement de cet investissement.

Cette société a choisi la France, après avoir passé au crible 60 sites dans le monde. Le choix de la France s’est imposé pour des raisons objectives, liées aux atouts réels de notre pays, comme le prix de l’énergie, la qualification des salariés, la qualité de nos infrastructures, et un environnement fiscal plus favorable à l’emploi.

M. Bernard Accoyer. Cela ne va pas durer !

M. Erwann Binet. Cette nouvelle constitue l’aboutissement de l’engagement patient et déterminé des élus de ce territoire. Avec notre collègue Jean-Pierre Barbier, nous saluons ici leur action.

Chaque semaine, 13 entreprises étrangères font, en moyenne, le choix de la France. En 2013, leurs décisions d’investir dans notre pays ont permis la création de près de 30 000 emplois, soit une hausse de 14 % par rapport à 2012.

La France occupe cette année le dixième rang mondial dans l’indice annuel de confiance pour les investissements directs étrangers. Elle a ainsi gagné sept places par rapport à 2012. Il est regrettable d’entendre, dans la bouche de ces investisseurs étrangers, davantage de mots favorables à la France que dans la nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Ces chefs d’entreprise ne conditionnent pas leurs investissements à un renoncement à notre modèle social ni à la fin des 35 heures. Ils n’attendent pas de nous la création d’un sous-SMIC, ou la suppression des jours fériés.

Le redressement industriel et économique de la France nous oblige à réformer, à simplifier et à stabiliser. Les entreprises ont besoin de restaurer leurs marges.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les moyens que vous mettez en œuvre pour soutenir l’investissement des entreprises étrangères en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le député Erwann Binet, nous avons en effet hier eu ensemble la chance et l’honneur de pouvoir accueillir un investisseur américain heureux. Heureux parce qu’il compte déjà 800 salariés sur notre territoire et qu’il prévoit d’investir, à court terme, 200 millions – et sans doute plus demain – en Isère.

Il s’agit d’un message important pour l’ensemble du pays et pour les Français : contrairement aux idées trop souvent reçues, la France est un pays attractif. C’est le deuxième pays en Europe, et le quatrième dans le monde, à attirer le plus d’investissements étrangers directs. Ces investissements représentent 2 millions de salariés en France, et des dizaines de milliers d’entreprises.

Surtout, monsieur le député, les deux tiers des entreprises étrangères déjà présentes en France décident d’y réinvestir, comme le groupe Hexcel. Quand on a goûté à l’attractivité française, on y revient !

En effet, la France dispose de nombreux atouts – vous les avez rappelés –, et j’ai eu l’occasion de les évoquer hier avec le président-directeur général d’Hexcel. Je veux parler des infrastructures, de la qualité de la formation des salariés, du maillage territorial, du tissu d’entreprises présentes sur le territoire et du coût de l’énergie. À cet égard, la loi relative à la transition énergétique, qui sera discutée dans les prochains jours, offre aux électro-intensifs les moyens de faire face à cette évolution.

Au-delà de toutes ces forces, nous menons tous les jours notre politique pour l’attractivité et pour la compétitivité. Il s’agit de celle qui a été décidée, et que vous avez votée : je veux parler du pacte de responsabilité et du CICE. Il s’agit également d’une politique d’explications au quotidien, comme celles que le président de la République fournira le 19 octobre prochain au Conseil stratégique de l’attractivité, ou comme celle que chacun et chacune d’entre vous fait chaque jour –  je vous ai vous-même vu hier, monsieur le député, faire de même avec vos collègues. L’attractivité du territoire implique de la pédagogie sur ce que fait la France, sur ses forces et sur ses actions de demain.

Si nous ne sommes pas fiers de nous-mêmes, ni volontaires, les autres ne le seront pas pour nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Canal Seine-Nord Europe

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le ministre des transports, le Premier ministre a annoncé vendredi le soutien de l’État au projet de canal Seine-Nord Europe. En période de disette budgétaire, tant au niveau national qu’européen, vous vous apprêtez donc à engager, au bas mot, la somme colossale de 4,5 milliards d’euros, dont 1 milliard pour l’État, sur un projet absurde.

Depuis des années, des chiffres fantaisistes circulent, que ce soit sur les supposées créations d’emplois, sur les tonnages prévus, ou sur l’illusoire évitement de camions que ce projet permettrait.

Les inquiétudes sont grandes sur l’impact environnemental de ce canal, notamment sur la ressource en eau. Le coût estimé ne prend en compte qu’un tronçon au gabarit de 4 400 tonnes, au milieu d’un réseau de gabarit inférieur.

Il faudra donc des budgets supplémentaires pour exploiter ce canal de façon optimale, et connecter le bassin parisien à Rotterdam en délaissant les ports français.

Dans son rapport, l’inspection générale des finances souligne que la concentration des financements européens sur ce projet exercerait un effet d’éviction vis-à-vis du financement d’autres projets d’infrastructures.

Financer ce canal, ou d’autres grands projets inutiles comme le Lyon-Turin, signifie donc en abandonner d’autres, qui eux seraient vraiment utiles. Avec les sommes englouties, combien d’infrastructures utilisées quotidiennement par les Français pourraient être rénovées ? Combien de lignes dites malades du réseau de la SNCF vont devoir encore attendre alors que le drame de Brétigny-sur Orge illustre l’urgence d’agir ?

Quid de l’amélioration des transports urbains, des autoroutes ferroviaires, des canaux existants qui sont délaissés depuis des décennies ?

Nous avons perdu 800 millions d’euros cette année en raison des reports de la taxe poids lourds. Les collectivités vont être amenées à financer ce projet de canal, alors que leurs dotations devraient baisser de plus de 3 milliards cette année.

Monsieur le ministre, quel projet d’investissement comptez-vous supprimer pour donner suite à cette annonce ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame Barbara Pompili, je vous réponds bien volontiers. Ce canal est un projet structurant pour le transport : il représente le chaînon manquant qui reliera le bassin de la Seine au réseau du Nord de la France, à la Belgique et aux Pays-Bas.

L’Île-de-France, qui génère 30 % de la richesse du pays avec ses 12 millions d’habitants ainsi que les grands ports de Rouen et du Havre, seront enfin connectés aux régions du Nord de la France, à la métropole lilloise, aux ports de Dunkerque et de Boulogne-sur-mer, ainsi qu’aux grandes nations fluviales du nord de l’Europe.

Ce canal constitue aussi une réponse essentielle à l’enjeu du développement durable pour les territoires du Nord de la France. C’est pourquoi je m’étonne de vos remarques. Il répond également à la saturation de l’autoroute A1, qui accueille un trafic croissant de poids-lourds. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP).

Il faut des solutions moins polluantes pour le transport durable des marchandises.

N’oublions pas non plus l’impact économique décisif, surtout dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, du projet de canal Seine-Nord Europe.

M. Bernard Roman. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je pense d’abord aux 12 000 emplois directs et indirects induits par la réalisation de cette infrastructure. Je pense aussi au développement des communes traversées, grâce à la création de zones d’activités. Je pense aussi, et surtout, à la préparation de l’avenir : les investissements d’aujourd’hui, qui permettent d’améliorer la qualité de vie, l’attractivité économique et l’emploi, font aussi la réussite de demain.

Le gouvernement est donc déterminé à relancer l’investissement dans le pays. C’est pour cette raison que j’ai souhaité, avec Sylvia Pinel, que la nouvelle génération des contrats de plan entre l’État et les régions, pour la période 2015-2020, soit signée d’ici à la fin de l’année, pour un montant de 12 milliards d’euros.

Pour toutes ces raisons, avec Alain Vidalies, secrétaire d’État aux transports, nous avons pris vendredi dernier, à Arras, cet engagement ferme sur ce projet d’infrastructure fluviale.

M. Bernard Roman. Excellent !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Gouvernement a décidé de confier au député Rémi Pauvros, que je veux saluer pour le travail accompli, une nouvelle mission pour mener à bien ce projet sur de nouvelles bases réalistes et crédibles. Je veux également saluer l’engagement de Frédéric Cuvillier, à qui nous devons aujourd’hui de pouvoir lancer ce projet. (Applaudissement sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP).

Enfin, le Gouvernement attend une subvention de la Commission européenne : c’est un très bon exemple du rôle que doit jouer l’Europe pour la relance économique, en soutenant la croissance à travers les investissements.

Ce projet de près de 5 milliards d’euros bénéficiera donc d’une subvention européenne à hauteur de 40 %. Notre objectif doit être un début des travaux en 2017, pour une mise en service en 2023.

Voilà, madame la députée, un projet structurant, qui redonne de l’espoir, un projet utile pour la France, son avenir et le nord-est de notre pays. Il doit être soutenu par tous ceux qui s’engagent pour des projets qui favorisent le développement durable. (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe SRC)

Défense nationale

M. le président. La parole est à M. Alain Marty, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Marty. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale, la loi de programmation militaire fixent les budgets et les effectifs de la défense. Le Livre blanc tenait compte de notre intervention au Mali. Depuis, nous intervenons en Centrafrique ; notre présence est renforcée dans la bande Sahélo-Saharienne. Depuis, nous intervenons en Irak et, sans doute, bientôt en Syrie ; nous luttons contre le virus Ebola ; nos forces participent à l’effort de sécurité sur notre territoire ; nous envisageons de déployer des drones en Ukraine si les Allemands font de même ; notre présence au Liban est plus que jamais nécessaire.

Depuis le Livre blanc, depuis la loi de programmation militaire, le monde a changé, des menaces jugées improbables sont bien réelles. Il faut aujourd’hui faire de la défense une priorité de l’action politique. Nous le devons à nos militaires et aux Français, inquiets.

Le maintien sans aucune restriction du budget de la défense est indispensable, mais cela n’est pas suffisant : il faut faire plus.

Il n’est pas responsable, face aux menaces nouvelles qui sont devant nous, de réduire nos forces et de dissoudre à nouveau des régiments. L’annonce de dissolutions est quelque chose d’excessivement douloureux. Profitons du fait qu’elles n’aient pas été annoncées pour instaurer un moratoire. Ne réduisons pas nos forces, la situation internationale, la sécurité des Français l’exigent. C’est aussi une marque de respect vis-à-vis des militaires.

Je vous livre une conviction profonde : ne réduisons pas le format de nos armées ; maintenons notre outil de défense ! Nous serons à vos côtés pour assumer ces choix devenus indispensables devant les menaces du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Dans quelques instants, monsieur le député, je serai devant la commission de la défense de votre assemblée pour présenter le projet de budget de la défense pour 2015. Je vous confirme que la loi de programmation militaire sera intégralement respectée et que les annonces qui avaient été faites seront intégralement tenues. Le budget de la défense pour 2015 sera de 31,4 milliards, comme en 2013, 2012, et 2011. Il y a donc une permanence de l’effort de la nation pour sa défense et sa sécurité.

Les menaces que nous constatons, les interventions que nous faisons avec beaucoup de professionnalisme correspondent exactement à ce qui avait été initié dans le Livre blanc, dans lequel nous mettions en lumière à la fois les risques de la faiblesse et les menaces de la force pour avoir un outil cohérent. Nous avons tenu à ce que la loi de programmation militaire maintienne les trois objectifs fondamentaux de notre défense que sont la sécurité, la protection de notre territoire, la dissuasion et la capacité d’intervention et de projection. Tout cela était bien dans le Livre blanc et dans la loi de programmation militaire.

Cela impose aussi, vous avez raison de le souligner, des mesures de restriction et de contrainte en termes de personnel. Elles seront proposées dans les jours qui viennent, mais nous veillerons à ce que nos capacités opérationnelles ne soient pas menacées par ces choix et que, au contraire, la capacité de nos forces soit maintenue, en particulier par le renforcement de la préparation opérationnelle qui, jusqu’à présent, manquait beaucoup. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Emplois d’avenir

M. le président. La parole est à M. Pascal Demarthe, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pascal Demarthe. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Monsieur le ministre, nous nous étions engagés à créer 150 000 emplois d’avenir et, vous l’avez annoncé lundi, l’engagement de campagne n34 a été tenu.

Les emplois d’avenir, c’est un moyen pour tous les jeunes en difficulté de trouver un travail alors qu’ils n’ont plus d’espoir. Ils s’adressent à ceux qui n’ont pas de diplôme, à ceux qui n’ont pas le bac, et cela fonctionne car ce ne sont pas des petits boulots que nous proposons, c’est un véritable parcours professionnel. Plus de la moitié des contrats sont des contrats longs, plus de neuf jeunes sur dix sont employés à plein temps, et les trois quarts des jeunes ont une promesse de formation.

On ne peut pas mesurer l’espoir et la bouffée d’air que cela représente non seulement pour le jeune, mais aussi pour sa famille et ses proches, car un emploi d’avenir, c’est la promesse faite à un jeune que, même s’il est en difficulté aujourd’hui, demain il va se former, apprendre un métier, travailler et toucher un salaire.

Depuis 2008, le chômage a frappé plus durement les jeunes. Nous avons donc fait des jeunes la priorité du quinquennat. Le nombre de chômeurs de moins de vingt-cinq ans baisse depuis 2012. Doublement de l’aide aux contrats de génération, « garantie jeunes », plan européen pour l’emploi des jeunes de 6 milliards d’euros, emplois d’avenir, tels sont tous les outils que la majorité a mis en place depuis son arrivée, voilà ce qui a changé depuis notre arrivée.

Nous devons continuer à mettre en place tous les dispositifs tremplins pour ceux qui en ont besoin. Vous avez choisi de revoir les objectifs d’emplois d’avenir à la hausse. Pouvez-vous nous expliquer, monsieur le ministre, de quelle manière vous comptez continuer à lutter contre le chômage des jeunes ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et du chômage !

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Vous avez raison, monsieur le député, le dispositif des emplois d’avenir est un bon dispositif, qui fonctionne bien.

L’objectif quantitatif qui avait été fixé par le Président de la République est tenu. Ce sont 150 000 jeunes qui sont aujourd’hui en emplois d’avenir. Mais, plus que l’objectif quantitatif, ce sont aussi des objectifs qualitatifs qui ont été tenus : 80 % de ces jeunes n’ont pas le baccalauréat, 40 % d’entre eux n’ont aucune qualification. On voit l’aide que cela peut leur apporter.

En outre, un peu plus de 20 % de ces jeunes sont issus des quartiers ciblés par la politique de la ville. Plus de la moitié des contrats sont des contrats de longue durée, CDI ou CDD pouvant aller jusqu’à trois ans. Plus de neuf jeunes sur dix sont recrutés à plein temps. Enfin, le taux de rupture précoce est très faible – moins de 10 %. C’est donc un dispositif qui marche.

Vous le voyez, monsieur le député, ce dispositif a rempli ses objectifs et il va continuer à le faire. Ce gouvernement a fait le pari de la jeunesse, parce que nous devons croire en elle. En 2015, 50 000 contrats supplémentaires seront affectés aux emplois d’avenir, et plus de 50 000 jeunes bénéficieront de la garantie jeunes.

Vous le voyez : le Gouvernement n’abandonne pas les jeunes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le chômage des jeunes recule. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Transition énergétique

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Julien Aubert. Madame la ministre de l’environnement, du développement durable et de l’énergie, notre assemblée va prochainement débattre du texte sur la transition énergétique. Je voudrais vous interroger sur le double langage du Gouvernement à ce sujet.

Double langage sur la méthode. Vous avez annoncé que ce texte serait une étape majeure du quinquennat. Or, le Gouvernement a pris deux années pour se concerter avec la société civile, mais il a laissé deux semaines au Parlement pour en débattre. La commission spéciale a délibéré dans l’urgence et plus de 1 000 amendements sur les 2 400 déposés ont été examinés à la va-vite par les seuls députés socialistes, après que l’UMP, l’UDI et les radicaux ont quitté les lieux pour protester contre ces conditions d’examen.

M. Damien Abad. Tout à fait !

M. Julien Aubert. Je me suis même laissé dire que certains députés socialistes avaient retiré leurs amendements, excédés par une procédure aussi discourtoise. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et voilà maintenant que le Parlement va délibérer en temps programmé, ce qui le privera d’un débat sur la moitié du texte probablement.

Double langage sur les finances. Vous avez annoncé que l’État voulait faire des économies, mais vous avez tout simplement omis de préciser que le coût total de la réduction du nucléaire, que nous évaluons à 290 milliards d’euros, va se décomposer en 100 milliards d’euros pour le démantèlement de vingt centrales et 190 milliards pour son remplacement par du photovoltaïque et de l’éolien, soit l’équivalent de 15 % de la dette, chers collègues !

Enfin, double langage sur le fond. Dans le cadre de la préparation de cette loi, l’UMP a souhaité que soit traitée la question des hydrocarbures non conventionnels, en faisant appliquer la loi Jacob et en mettant l’accent sur l’exploration des gisements de pétrole de schiste, et non pas sur l’exploitation du gaz. Vous m’avez toujours opposé votre refus, en confondant d’ailleurs généralement exploration des gisements et exploitation des ressources. Or, qu’est-ce que je découvre ? Dans le département du Vaucluse, une demande de permis de recherche de gaz de schiste, en plein cœur du parc naturel régional du Lubéron (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), a été déposée, malgré le tollé unanime des élus !

N’est-il pas temps, madame la ministre, d’ouvrir le débat au Parlement, ce qui supposerait d’arrêter de le considérer comme le paillasson du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, je ne vais pas polémiquer avec vous sur un sujet aussi important pour les Français et pour le pays. La transition énergétique et pour la croissance verte mérite mieux que toutes ces polémiques. Si je peux vous donner un conseil, gardez plutôt votre énergie, renouvelable, pour le débat qui va s’ouvrir dans quelques instants ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Franck Gilard. Il n’est pas acceptable de parler ainsi à un député ! Défendez le Parlement, monsieur le président !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ce texte de loi est porté et voulu par le Gouvernement. J’ai veillé, dans l’ensemble de mes prises de parole, à ce que nous puissions obtenir une unité nationale autour de ce sujet qui, soit dit en passant ne fait pas, dans d’autres pays, l’objet de politiques politiciennes, mais au contraire rassemble toutes les forces…

M. Bernard Roman. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. …au service de l’emploi, du nouveau modèle énergétique, du pouvoir d’achat des Français et de l’invention du futur. Rassemblons-nous pour inventer ce futur qui commence aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Gomes. Monsieur le Premier ministre, le 3 octobre prochain se tiendra le comité des signataires de l’accord de Nouméa sous votre présidence. Cette réunion, qui rassemble les indépendantistes, les non-indépendantistes et l’État chaque année, est particulièrement importante puisque c’est la dernière mandature de l’accord de Nouméa et que sera organisé, en 2018 au plus tard, un référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Dans cette perspective, l’État, partenaire de l’accord, doit nourrir un nécessaire dialogue entre indépendantistes et non-indépendantistes, même s’il est parfois difficile, de façon que l’échéance de 2018 soit préparée dans les meilleures conditions possibles.

L’une des conditions de la réussite de ce dialogue, c’est que l’État reste impartial. La Nouvelle-Calédonie doit demeurer un sujet d’union nationale entre la droite et la gauche (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI), comme cela a été le cas en 1988, lors de la signature des accords de Matignon, et en 1998, lors de la constitutionnalisation de l’accord de Nouméa.

C’est pourquoi je vous demande, monsieur le Premier ministre, de vous engager devant la représentation nationale à ce que l’action du gouvernement que vous dirigez inscrive son chemin dans le cadre du travail effectué par vos prédécesseurs au cours des vingt-cinq dernières années, qu’ils soient de droite ou de gauche.

De la même manière, je vous demande de bien vouloir confirmer que la représentation nationale sera associée en amont au processus engagé dans le cadre de l’échéance de 2018, au travers des groupes de travail de députés et de sénateurs, de droite comme de gauche, qui devraient être créés prochainement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, je vous remercie pour votre question et pour la gravité du ton pris pour la poser. Ce vendredi, j’aurai en effet l’honneur de présider le XIIe comité des signataires de l’accord de Nouméa, qui est un rendez-vous majeur pour la Nouvelle-Calédonie, car nous allons y traiter des sujets essentiels. Avec George Pau-Langevin, nous abordons ce rendez-vous avec beaucoup d’humilité et de pragmatisme et sans esprit partisan.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire : comme vous, je pense que la Nouvelle-Calédonie ne doit pas être un enjeu de politique intérieure. Elle ne peut pas être un sujet d’affrontement entre la gauche et la droite, et encore moins un sujet à utiliser dans la perspective des échéances nationales de 2017. C’est pourquoi je souhaite que des parlementaires, députés et sénateurs, de la majorité et de l’opposition, soient étroitement associés aux travaux sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.

C’est le gage que la représentation nationale permette de sortir de débats stériles et d’affrontements qui n’ont pas lieu d’être sur la Nouvelle-Calédonie. En tant que partenaire des accords, l’État doit demeurer neutre et impartial, à équidistance entre les indépendantistes et les non-indépendantistes. En effet, la question de l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté relèvera des seuls citoyens calédoniens. Garantir que ce choix fondamental se déroulera de manière transparente et incontestable, voilà la responsabilité de l’État et du Gouvernement !

M. Sébastien Denaja. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je regrette d’ailleurs que l’un des partenaires, l’Union calédonienne, ait décidé de ne pas participer au prochain comité des signataires. Ce n’est pas la première fois, mais ce parti a joué un rôle historique dans la construction du destin commun, dans l’élaboration des accords de Matignon puis de Nouméa et il a toute sa place à la table des discussions à venir. En tout cas, le rendez-vous de vendredi sera important. Vous y apporterez, je n’en doute pas monsieur Gomes, vos idées et votre expérience, comme tous ceux qui y participeront. Nous serons, avec la ministre des outre-mer, toujours ouverts au dialogue.

Vous comprendrez que celui qui a été le collaborateur de Michel Rocard et de Lionel Jospin attache une importance toute particulière à ce que l’esprit que vous avez évoqué soit celui du rendez-vous. Dans les mois qui viennent, le Président de la République aura l’occasion de se rendre en Nouvelle-Calédonie. Je ne doute pas que nous bâtirons ensemble son avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et UDI.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Transition énergétique

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (nos 2188, 2230).

La Conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de trente heures.

Chaque groupe dispose du temps de parole suivant : huit heures vingt minutes pour le groupe SRC, douze heures vingt-cinq minutes pour le groupe UMP, trois heures trente-cinq minutes pour le groupe UDI, une heure cinquante-cinq minutes pour le groupe écologiste, une heure cinquante-cinq minutes pour le groupe RRDP, une heure cinquante minutes pour le groupe GDR, les députés non inscrits disposant de quarante minutes.

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, vous allez légiférer au nom du peuple français et dans l’intérêt général de la nation sur un sujet majeur et porteur d’espoir, dans un moment où tout semble bloqué et où beaucoup se demandent si l’heure est à la régression ou si la marche vers le progrès humain peut reprendre.

De ce point de vue, les nombreux débats, échanges, travaux, tant au niveau national qu’européen et mondial le disent : la mise en place d’un nouveau modèle énergétique, et donc de croissance durable, est une chance à saisir.

Une chance d’améliorer très concrètement la vie quotidienne de chacun, tout en protégeant mieux notre planète ; une chance de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et de contribuer activement à la lutte contre le réchauffement climatique ; une chance de mieux assurer notre indépendance et notre souveraineté énergétiques en préparant l’après-pétrole et en réduisant le coût d’importations qui grèvent lourdement notre balance commerciale ; une chance de stimuler l’innovation, d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, de développer des filières d’avenir capables de conquérir de nouveaux marchés ; une chance de créer des emplois non délocalisables, d’alléger la facture énergétique des ménages et de vivre dans un environnement moins pollué et plus sain.

Comme le montre le récent rapport piloté par Felipe Calderón sur la « nouvelle économie climatique », que nous appelons ici « croissance verte », c’est là le levier de sortie de crise le plus efficace et le plus rapide, le moteur du renouveau industriel, la clef d’un nouveau modèle de développement.

Je le constate tous les jours : le mouvement est lancé dans les régions et les territoires qui ont un temps d’avance, et dans les entreprises et dans les industries qui investissent.

Permettez-moi de rappeler brièvement dans quelle histoire s’inscrit le projet de loi dont nous allons débattre. À quelques reprises, depuis un siècle, les grands choix énergétiques de la France ont fait l’objet de lois fondatrices et ont permis sa modernisation.

Ce fut le cas en 1919, pour réparer les ravages de la Première Guerre mondiale, avec la loi sur l’énergie hydraulique, cette « houille blanche », comme on disait alors, qui reste, aujourd’hui encore, la première de nos énergies renouvelables.

Ce fut le cas à la Libération, quand le pays était à reconstruire au sortir de la Seconde guerre mondiale. Le Conseil national de la Résistance avait alors fait de l’énergie la clef d’un nouveau développement économique et du rétablissement de notre souveraineté nationale. Les lois de 1946 en donnèrent les moyens, dans le contexte de l’époque, en créant de puissantes entreprises nationales pour le charbon, le gaz et l’électricité. Et c’est autour du charbon et de l’acier, avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier, que l’Europe a commencé à se construire. Aujourd’hui, nous devons inventer et bâtir l’Europe du nouveau modèle énergétique.

Plus tard, lorsque le premier choc pétrolier révéla la vulnérabilité de notre dépendance aux énergies fossiles, la France lança un programme nucléaire d’une rapidité et d’une ampleur inégalées dans le monde, sans d’ailleurs que le Parlement fût appelé à se prononcer.

Si différentes que soient les circonstances du temps présent, les possibilités qu’elles offrent et les décisions qu’elles appellent, une chose est sûre : la France doit à nouveau faire le choix d’un nouveau modèle énergétique. Pour ce faire, elle peut s’appuyer sur l’excellence de ses technologies industrielles, énergétiques et de service, mais aussi sur la volonté des citoyens.

Nous avons, ces dernières années, beaucoup parlé d’énergie. Les Français sont très largement conscients des enjeux du dérèglement climatique, mais tout autant inquiets du prix de l’énergie et de ses conséquences sur leurs factures qui représentent une part croissante du budget des ménages.

Ce projet de loi permet de répondre à ces inquiétudes, en s’inspirant très directement de nombreuses expériences réussies dont les territoires ont pris l’initiative et que la loi permettra de généraliser pour opérer un changement d’échelle massif.

Certains s’interrogent sur les financements qui permettront de déclencher rapidement les bonnes pratiques ; je voudrais les rassurer sur ce point avant d’en venir au contenu du projet de loi. Or, à ce sujet, comment ne pas voir que la transition énergétique est rentable ?

En voici quelques exemples. Les entreprises et les artisans du bâtiment, que j’ai longuement rencontrés pour préparer la transition énergétique, évaluent à 75 000 emplois les conséquences de la mise en chantier rapide de la rénovation énergétique des logements et des bâtiments. Les entreprises de la filière bois, qui se mobilisent déjà, ont chiffré à 60 000 le nombre d’emplois potentiels dans les secteurs de la construction en bois et de la biomasse.

Le déploiement des 35 millions de compteurs intelligents Linky pour l’électricité et Gazpar pour le gaz représentent 6 milliards d’euros d’investissements et 11 000 emplois, avec les entreprises qui furent les lauréats de l’appel à projet – Landis + Gyr, Itron, Sagemcom, ZIV, MAEC et Elster, qui produiront ces compteurs en France –, ainsi que les PME et les artisans qui les installeront et les mettront en service.

Du côté du consommateur, ce compteur intelligent, auquel je veux que tout le monde ait droit, permet d’économiser, sans perdre en qualité de vie, jusqu’à 20 % sur la facture. Ajouté à des logements mieux isolés, ce dispositif permettrait de diviser au moins par deux la facture ; ce serait autant de pouvoir d’achat récupéré.

Les logements neufs ou les logements rénovés permettent aussi de réaliser d’importantes économies – je pense en particulier aux logements sociaux construits à énergie positive ou à énergie passive.

S’agissant des particuliers, le Gouvernement a décidé de créer un crédit d’impôt pour la transition énergétique qui simplifie et élargit l’actuel crédit d’impôt en faveur du développement durable. Son taux est porté dès septembre 2014 à 30 % pour la première opération de travaux réalisée. La condition de réalisation de dépenses dans le cadre d’un bouquet de travaux est supprimée, afin de permettre à tous les contribuables de bénéficier du même niveau d’aide publique, quels que soient les opérations engagées et le séquençage des travaux. Enfin, son champ est élargi aux dépenses d’acquisition de bornes de recharge pour les véhicules électriques ainsi que de compteurs individuels d’eau chaude et de chauffage pour les ménages en copropriété. En régime de croisière, l’effort national sera ainsi plus que doublé par rapport à l’actuel crédit d’impôt.

Quant à l’ingénierie financière que le Gouvernement met en place pour accompagner ces nouvelles mesures, elle tient compte du bilan de la conférence bancaire et financière à laquelle ont été associés les industriels et les ONG, les associations, les consommateurs et les partenaires sociaux.

Deuxième mesure : l’éco-prêt à taux zéro, bloqué par les procédures existantes, a été simplifié et devrait bénéficier à 100 000 opérations de rénovation, au lieu de 30 000 en 2013. Accessible à tous les propriétaires, qu’ils occupent leur logement ou le mettent en location, il permet de bénéficier d’un prêt à taux zéro pouvant atteindre 30 000 euros pour réaliser des travaux de rénovation énergétique.

Troisième mesure : le financement par l’ANAH – l’Agence nationale de l’habitat – de 50 000 projets de travaux de rénovation énergétique de propriétaires modestes a été décidé pour 2014 et 2015.

Quatrième mesure : pour ceux qui ne peuvent avancer le financement des travaux, le tiers financement est mis en place, à partir de l’expérience des régions qui s’y sont engagées comme l’Île-de-France, la Picardie, Rhône-Alpes ou le Poitou-Charentes. De surcroît, la création du chèque énergie, que le Gouvernement a voulue, permettra également aux personnes exposées à la précarité énergétique de réaliser des travaux d’économie d’énergie, comme le remplacement de chauffages électriques anciens et très consommateurs.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. J’en viens aux entreprises, et tout d’abord aux exploitations agricoles. Une exonération temporaire de taxe foncière et de cotisation foncière des entreprises est prévue dans le projet de loi de finances pour 2015. Nous souhaitons en effet que la France rattrape son retard par rapport à ses voisins en matière de méthaniseurs, ce qui permettra de valoriser davantage les déchets agricoles.

Plus largement, pour l’ensemble des entreprises, la Banque publique d’investissement assumera ses responsabilités de banque publique de la transition énergétique, notamment en accordant des prêts verts aux entreprises désireuses de réduire leur consommation d’énergie et en doublant les prêts destinés à financer des projets d’énergies renouvelables.

M. Guillaume Garot. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. Bien sûr, les entreprises pourront financer leurs actions pour la croissance verte par des prêts bancaires : les grands groupes évoluent dans leur analyse et il s’avère que de tels projets sont des investissements rentables, que les banques acceptent dès lors de financer.

Pour ce qui est des collectivités, les prêts « transition énergétique et croissance verte » de la Caisse des dépôts et consignations, dotés d’une enveloppe de 5 milliards d’euros, disponibles depuis le 1er août pour les collectivités et dont les premières conventions ont été signées, entreront en application dans les prochaines semaines sur le territoire. Ils permettront aux communes, départements et régions d’engager les travaux de performance énergétique dans leurs bâtiments.

M. Guillaume Garot. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. Par ailleurs, les financements de la Banque européenne d’investissement – 1 milliard devrait être dévolu aux travaux de rénovation énergétique dans les collèges en soutien des départements – ont fait l’objet d’un accord signé le 23 juin dernier.

Troisièmement, le fonds de financement de la transition énergétique, doté d’1,5 milliard d’euros grâce aux ressources du système énergétique, permettra de renforcer le soutien aux initiatives locales exemplaires en matière de transition énergétique et d’économie circulaire.

Mesdames et messieurs les députés, avec la transition énergétique et la croissance verte, l’industrie et les services de demain s’inventent aujourd’hui. Toutes les entreprises qui s’engagent – ou s’engageront – en faveur des économies d’énergie et de l’efficacité de leur cycle de production, gagneront en productivité, quelle que soit leur taille, des grands groupes aux artisans en passant par les PME et les entreprises de taille intermédiaire.

Ce sera également le cas des grandes filières de la nouvelle France industrielle, qui font un effort dans la formation professionnelle, comme j’ai pu le constater, qu’il s’agisse de la rénovation thermique des bâtiments, des industries du bois, des énergies renouvelables, des réseaux électriques intelligents, des bornes électriques de recharge, de l’autonomie et de la puissance des batteries, de l’avion électrique et des nouvelles générations d’aéronefs, des navires écologiques, du recyclage et des matériaux verts, de la chimie verte et des biocarburants.

Les lauréats 2014 du concours mondial d’innovation prouvent à quel point nous pouvons être fiers de nos jeunes entreprises. CYTER recycle ainsi les terres rares contenues dans les déchets pour réduire leur impact environnemental et créer des ressources alternatives à la disponibilité actuelle de ces métaux stratégiques. Issue des recherches conduites par une équipe mixte associant le CNRS, le CEA et des chercheurs de Grenoble, ENERBEE, start-up industrielle, fabrique en France un générateur-pile qui cible un marché très large de plusieurs milliards d’objets connectés à internet ou communicants sans fil. Pour valoriser les richesses marines, MESSIDOR s’intéresse à la détection des amas sulfurés, objets géologiques riches en métaux, de petite taille et localisés sous plus de 2 000 mètres d’eau en moyenne. Dans le secteur de la chimie du végétal, l’entreprise Ici et Là propose une nouvelle solution de remplacement aux protéines animales, en répondant aux attentes et aux exigences des consommateurs, notamment en termes de goût et de qualité. Tous ces exemples témoignent qu’un changement de modèle économique est déjà engagé. Ce projet de loi vise à l’encourager et à l’accélérer.

Il est aussi, à la suite du débat national sur la transition énergétique qui a suivi le Grenelle de l’environnement, et de l’avis du Conseil d’État, qui a statué après avoir siégé plus de dix heures, l’aboutissement d’un dialogue renforcé avec les associations, les entrepreneurs et les artisans des filières de la croissance verte, les scientifiques, les élus locaux et régionaux, les membres des organismes consultatifs – en particulier le Conseil national de la transition écologique et le Conseil économique, social et environnemental – et, bien sûr, en premier lieu, les parlementaires, auteurs de nombreux travaux sur les sujets dont traite ce texte.

Au cours de ces cinq mois de travail intense, dont j’ai eu la responsabilité, j’ai veillé à prendre en compte nombre de recommandations et de préconisations de toutes les parties prenantes de la transition énergétique. J’ai voulu être à l’écoute de tous les points de vue et attentive à ce qui permet de les rapprocher, dans le respect des convictions de chacun, sans gommer artificiellement les différences d’approche, mais avec le souci de trouver des points de convergence et des équilibres positifs, au service de tous les Français. Voilà l’état d’esprit qui a présidé à l’élaboration de ce texte et dans lequel j’aborde ce débat parlementaire majeur pour que notre pays relève le défi énergétique en tirant pleinement parti de tous ses atouts et pour que tous nos concitoyens aient accès aux solutions concrètes qu’ils attendent pour se mettre en mouvement.

Ce projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, adopté le 30 juillet par le conseil des ministres, a été discuté à partir du 9 septembre au sein de votre commission spéciale, laquelle a consacré plus de quarante heures aux auditions préalables puis quarante-cinq heures à l’examen du texte, soit un total de quatre-vingt-cinq heures, pour un très bon travail,…

M. Martial Saddier. Surtout le samedi !

Mme Ségolène Royal, ministre. …sous la présidence créative de François Brottes, et après les travaux préalables de la commission du développement durable, présidée par Jean-Paul Chanteguet. Votre commission spéciale a travaillé avec le concours des cinq rapporteurs, Marie-Noëlle Battistel, Ericka Bareigts, Denis Baupin, Sabine Buis et Philippe Plisson. Qu’ils en soient chaleureusement remerciés et largement félicités.

M. Martial Saddier. C’est tellement mieux de rester entre soi, n’est-ce pas ?

M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale. Est-ce un aveu, monsieur Saddier ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Ce texte repose sur plusieurs piliers. Son titre Ier fixe le cap en définissant les objectifs, à long et moyen terme. Il donne un horizon stable pour agir dès maintenant et donner de la visibilité aux opérateurs économiques. Il s’agit tout d’abord de réduire de 50 % notre consommation énergétique finale en 2050 par rapport à 2012, avec au cours du débat un objectif intermédiaire de 20 % en 2030. Cette dynamique soutient le développement d’une économie efficace en énergie, en particulier dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l’économie circulaire et préserve la compétitivité et le développement du secteur industriel, notamment des entreprises électro-intensives.

D’autres objectifs sont définis : baisser notre consommation d’énergies fossiles de 30 % en tenant compte de l’intensité énergétique ; réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre en 2030 et les diviser par quatre en 2050 – c’est le « facteur 4 » – ; rééquilibrer notre modèle énergétique en portant la part des énergies renouvelables à 32 % de notre consommation énergétique en 2030 et en ramenant la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2015.

Les trois titres suivants mettent en place des outils concrets pour économiser l’énergie dans les bâtiments et les transports et mettre en œuvre l’économie circulaire.

M. Martial Saddier. C’est utopique !

Mme Ségolène Royal, ministre. Le titre II est consacré au grand chantier de la rénovation énergétique des bâtiments, source de créations d’emplois dans un secteur fragilisé, et de pouvoir d’achat pour les ménages car un logement bien isolé, ce sont des factures qui baissent. Afin d’atteindre l’objectif de 500 000 rénovations par an d’ici à 2017 et de pouvoir créer, selon les estimations du secteur, 75 000 emplois tout en formant 25 000 professionnels chaque année, le texte lève les freins résultant de certaines règles d’urbanisme, promeut les bâtiments à énergie passive et à énergie positive – c’est-à-dire produisant autant ou plus d’énergie qu’ils en consomment –, fixe une exigence d’exemplarité des nouveaux bâtiments publics et instaure l’obligation d’améliorer l’efficacité énergétique lorsque des travaux lourds sont réalisés.

Il réforme aussi les certificats d’économie d’énergie ; crée les conditions d’un déploiement massif de compteurs intelligents qui permettront aux particuliers de connaître et réguler leur consommation de gaz et d’électricité à distance ; instaure un dispositif de tiers financement régional.

Votre commission spéciale a adopté, avec mon plein soutien, des améliorations comme la perspective d’une rénovation intégrale du parc immobilier, avec 100 % de bâtiments basse consommation en 2050 ; la création d’un fonds de garantie pour faciliter les travaux des ménages à revenus modestes et dans les copropriétés ; la généralisation dans tous les territoires, notamment dans les communautés de communes, des plates-formes de la rénovation énergétique, guichet unique de proximité où chacun pourra trouver des informations, des conseils pratiques et la liste des artisans et d’entreprises certifiées ; la création d’un carnet de santé numérique du logement.

Le titre III vise à développer les transports propres pour réduire notre consommation d’énergies fossiles, améliorer la qualité de l’air et donc mieux protéger la santé. Parallèlement, le programme des investissements d’avenir accélère la mise au point d’une offre industrielle forte de technologies performantes, notamment dans le domaine des véhicules électriques et de tous les autres véhicules propres ou consommant moins de deux litres de carburant aux cent kilomètres. Le Mondial de l’automobile, qui ouvrira ses portes après-demain, met à l’honneur des modèles et des prototypes innovants.

Le projet de loi vise à accélérer et à consolider la mutation de notre parc automobile et de nos transports collectifs en agissant sur la demande. Il prévoit notamment l’acquisition d’un véhicule électrique ou hybride rechargeable sur deux au minimum lors du renouvellement des parcs de voitures dans le secteur public – le secteur privé étant naturellement convié à en faire autant – et l’implantation généralisée d’infrastructures de recharge, avec le déploiement de 7 millions de points de charge d’ici à 2030, dont des points à énergie photovoltaïque. Il fixe également un objectif de 10 % d’énergies renouvelables dans tous les modes de transport en 2020, y compris les biocarburants de deuxième et de troisième générations, qui ne font pas concurrence aux cultures destinées à l’alimentation.

M. Denis Baupin, rapporteur. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. En outre, il prévoit une prime à la conversion des vieux véhicules diesel polluants qui sera cumulable, sous conditions de ressources, avec le bonus pour l’achat d’un véhicule électrique – le montant total de l’aide pouvant atteindre 10 000 euros –, ainsi que la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les transports de marchandises de la grande distribution, le développement du covoiturage grâce aux plans d’entreprise et dans les administrations, et enfin le renforcement des outils de programmation territoriale pour la qualité de l’air.

Là encore, votre commission spéciale a adopté plusieurs amendements qui améliorent et complètent le dispositif. Je n’en citerai que quelques-uns : l’extension aux loueurs automobiles et aux exploitants de taxis ou de véhicules de tourisme avec chauffeur de l’obligation d’acquérir 10 % de véhicules propres lors du renouvellement de leur parc, la possibilité ouverte aux maires de prévoir des conditions privilégiées de circulation et de stationnement pour les véhicules propres, ou encore la création d’un plan de mobilité rurale favorisant les circulations douces.

J’en viens au titre IV, qui vise à renforcer la lutte contre toutes les formes de gaspillage en donnant un élan à l’économie circulaire. En effet, il y a là un gisement d’économies dont nous ne mesurons pas encore toute l’ampleur.

Savez-vous que le simple fait de ne pas laisser les appareils électroménagers, les télévisions et autres ordinateurs en veille permettrait d’économiser 2 milliards d’euros par an – et autant sur la facture des particuliers et des entreprises ? De même, le ministère de l’écologie a organisé avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – l’ADEME – une action intitulée « Familles à énergie positive » auprès de familles à revenus modestes. Il s’agissait, sans investir dans des travaux, d’optimiser leur consommation énergétique grâce à de petits « écogestes » quotidiens. Il en résulte une moyenne une économie de 18 % par famille, soit 350 euros.

Ce projet de loi consacre l’entrée dans notre droit positif de la notion d’économie circulaire, qui va de l’éco-conception des produits à leur recyclage, notamment dans le cadre de complémentarités entre les entreprises, de façon à ce que les déchets des unes deviennent la matière première des autres.

Le texte fixe quatre objectifs : diminution de moitié, à l’horizon 2025, des déchets mis en décharge ; valorisation de 70 % des déchets du bâtiment, comme c’est le cas en Allemagne ; valorisation globale de 55 % des déchets non dangereux en 2020 et de 60 % en 2025 ; enfin, valorisation des déchets non recyclables dans les réseaux de chaleur.

M. Martial Saddier. C’est irréaliste !

Mme Ségolène Royal, ministre. Il affirme le principe de proximité, en vertu duquel les déchets doivent être traités aussi près que possible de leur lieu de production. Cela a le double avantage, d’une part, de réduire la distance parcourue et la consommation d’énergie, et, d’autre part, de consacrer vingt-cinq fois plus d’emplois au recyclage des déchets municipaux qu’à leur mise en décharge.

De même, le projet de loi généralise l’égalité de traitement entre les matières issues du recyclage et celles qui ne le sont pas, rendant ainsi les premières bien plus compétitives. Il s’agit à la fois d’économiser les ressources et l’énergie, de lutter contre la pollution et d’encourager les démarches dites de territoires « zéro gaspillage zéro déchet », en donnant également force de loi à l’interdiction de l’utilisation des pesticides dans les espaces verts avant le 31 décembre 2016 ainsi qu’à l’interdiction, à partir du 1er janvier 2016, des sacs plastiques à usage unique, ce qui favorisera l’essor de la fabrication française de matières plastiques biodégradables.

M. Martial Saddier. Cela n’a rien à voir avec le texte !

Mme Ségolène Royal, ministre. Voici deux exemples de mesures permettant de lutter contre le gaspillage en favorisant l’économie circulaire.

M. Julien Aubert. C’est un cavalier !

Mme Ségolène Royal, ministre. Le titre V vise à organiser la montée en puissance des énergies renouvelables terrestres et maritimes dans l’Hexagone et dans les outre-mer, qui s’engagent avec détermination – je les en félicite et les y encourage – afin d’atteindre l’autonomie énergétique des territoires insulaires adaptée à la situation des zones qui ne sont pas interconnectées.

Vent, soleil, eau, biomasse, géothermie, énergies marines, y compris l’énergie thermique des mers actuellement expérimentée en Martinique : en clair, toutes nos ressources doivent être valorisées sur l’ensemble du territoire national pour diversifier notre bouquet énergétique. La France doit notamment prendre le premier rang dans la production d’électricité en mer, en particulier dans l’éolien offshore, cette filière très prometteuse pour notre pays dans laquelle ont déjà été lancés six grands chantiers en réponse à des appels d’offres du ministère de l’écologie. Nous avons pu constater que notre pays disposait d’industriels très en pointe sur le plan technologique, dans un secteur qui pourrait créer très rapidement 10 000 emplois directs et indirects ancrés dans les régions concernées.

Pour favoriser le développement des énergies renouvelables, le projet de loi modernise les mécanismes de soutien qui leur sont consacrés et améliore les procédures d’appels d’offres afin d’accélérer le mouvement et de développer des filières industrielles compétitives, dans une perspective d’intégration progressive au marché et d’offensive à l’exportation. Il renforce la conditionnalité de l’aide financière apportée aux énergies vertes et facilite l’implication des communes et de leurs groupements dans la production locale d’énergies renouvelables, ainsi que le financement participatif et coopératif des habitants, afin de faire vivre, dans les territoires, une nouvelle citoyenneté énergétique – que favorisera par ailleurs la mise en place des contrats locaux de la transition énergétique, ouverts à toutes les collectivités par le ministère de l’écologie.

Le texte qui vous est soumis rénove également le régime des concessions hydrauliques – nombreux sont les élus et les salariés qui attendaient une solution en la matière – en l’harmonisant à l’échelle des grandes vallées et en créant des sociétés d’économie mixte qui s’inspirent de la Compagnie nationale du Rhône.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ces sociétés d’économie mixte permettront de mieux associer les collectivités territoriales à la gestion des usages de l’eau et de renforcer le contrôle public sur ce patrimoine commun des Français, que les élus montagnards qualifient parfois de « château d’eau de la nation ».

M. Julien Aubert. À ne pas confondre avec le château de cartes qu’est le Gouvernement…

Mme Ségolène Royal, ministre. Nos barrages suscitèrent dès 1925 cet hommage lyrique que rendit le président du conseil général de l’Isère de l’époque à « nos Alpes toutes ruisselantes de leurs eaux claires, [qui] sont désormais au service de l’humanité ».

Le titre VI renforce la sûreté nucléaire, la transparence et l’obligation d’information des riverains et, plus largement, des citoyens. Il préconise notamment que le démantèlement d’une installation ait lieu le plus tôt possible après son arrêt – il s’agit d’ailleurs aujourd’hui d’un marché mondial considérable – et renforce les pouvoirs de contrôle et de sanction de l’Autorité de sûreté nucléaire.

Le titre VII clarifie et simplifie les procédures pour gagner en efficacité et en compétitivité. Il prévoit une meilleure association du public à l’élaboration des projets. Il complète le dispositif du marché de capacité et clarifie la méthode de construction des tarifs réglementés de vente de l’électricité et d’utilisation des réseaux publics d’électricité pour encourager les investissements nécessaires à l’amélioration de la qualité du service et à l’accompagnement de la transition énergétique. En outre, le texte tient compte des spécificités des entreprises électro-intensives afin de mieux protéger leur compétitivité.

Le titre VIII vise à donner aux citoyens, aux collectivités et à l’État le pouvoir d’agir plus efficacement ensemble dans la même direction. Il crée de nouveaux instruments de programmation cohérente de l’énergie et de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, à l’échelle locale et nationale : budgets carbone et stratégie nationale bas carbone, mais aussi une programmation pluriannuelle de l’énergie couvrant deux périodes successives de cinq ans à terme et, dans l’immédiat, de trois ans, et précisant les trajectoires prévues pour atteindre les différents objectifs de ce que l’on appelle le mix énergétique. J’espère que ces instruments seront bientôt complétés par la mise en place d’un prix du carbone au niveau européen et mondial.

Ensuite, le texte renforce la gouvernance de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, afin de mieux en maîtriser les charges et d’améliorer le contrôle du Parlement, ainsi que les instruments de pilotage du mix énergétique dont dispose l’État, y compris en plafonnant – diront les uns – ou en garantissant – diront les autres – à son niveau actuel notre capacité de production nucléaire, et en imposant à tout exploitant produisant plus du tiers de la production électrique nationale un plan stratégique précisant les actions qu’il s’engage à mettre en œuvre pour respecter les objectifs de diversification de la production électrique ; un commissaire du Gouvernement en vérifiera la compatibilité avec les objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie qu’aura décidée le Parlement.

Plusieurs articles de ce titre VIII renforcent le rôle des territoires – régions, communes, communautés de communes et départements – dans la transition énergétique et reconnaissent notamment un droit à l’expérimentation de boucles locales fédérant les producteurs et les consommateurs, dans le cadre d’une production décentralisée de l’énergie, ainsi que la possibilité d’un déploiement expérimental de réseaux électriques intelligents, dans une perspective de développement de l’autoconsommation à l’échelle d’une zone géographique.

M. Martial Saddier. M. le président de la commission approuve-t-il cette mesure ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Ce titre comprend notamment le chèque énergie, que j’ai déjà évoqué, versé sous condition de ressources aux familles en situation de précarité et fondé sur des critères d’éligibilité simples. Ce chèque renforce le combat contre la précarité énergétique et pour l’accès de tous à l’énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages.

Enfin, le projet de loi reconnaît pleinement la spécificité et le potentiel des outre-mer. Les difficultés provoquées par la non-interconnexion peuvent désormais se transformer en atouts pour que les territoires ultramarins deviennent des précurseurs de la transition énergétique et mettent le cap sur une autonomie énergétique fondée sur des sources renouvelables, dans le cadre de programmations pluriannuelles de l’énergie particulières et adaptées à chaque territoire.

Le texte renouvelle ainsi les habilitations législatives qui élargissent le pouvoir de décider et d’agir de la Guadeloupe et de la Martinique, y compris en matière de réglementation thermique. Il ne s’agit plus, pour les outre-mer, de rattraper un modèle à bout de souffle mais, au contraire, compte tenu de leurs atouts en matière d’énergies renouvelables que sont le soleil, le vent et l’énergie des mers, d’anticiper et même de devancer le changement de modèle dont la croissance verte doit être le moteur dans tout le pays. Dans ces territoires où un jeune sur deux est aujourd’hui inactif, je crois profondément qu’un tel retournement de situation permettra de créer des activités nouvelles et des emplois durables, et de susciter un nouvel espoir.

Permettez-moi, pour conclure, de partager avec vous quatre observations.

La première est que le projet de loi que je vous soumets fait le choix, non pas d’imposer des contraintes supplémentaires…

M. Martial Saddier. Ah si !

M. Bertrand Pancher. Et la taxe sur le gasoil ?

Mme Ségolène Royal, ministre. …mais au contraired’inciter, de faciliter, d’entraîner, en mettant à la portée de chaque acteur potentiel de la croissance verte des moyens concrets de s’impliquer et de coopérer avec d’autres.

M. Marc Le Fur. Pendant ce temps-là, on augmente le prix du gasoil !

Mme Ségolène Royal, ministre. Je le répète souvent : trop de norme tue la norme.

M. Marc Le Fur. Voilà en revanche qui est bien vrai !

Mme Ségolène Royal, ministre. Je crois à l’élan d’une écologie positive qui lève les freins, libère les initiatives et apporte dès aujourd’hui des bénéfices tangibles à chacun.

Ma deuxième observation est que ce projet de loi fait le choix, non pas opposer les énergies les unes aux autres, mais d’organiser leur complémentarité dans la perspective dynamique d’un nouveau modèle énergétique évolutif et plus diversifié. C’est donc un texte d’équilibre qui vise à permettre à la France de tirer le meilleur parti des atouts qui sont les siens en rassemblant ses forces vives…

M. Julien Aubert. Commencez donc par rassembler le Parlement !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ces atouts, que notre histoire nous a légués, sécurisent notre transition énergétique. Ils nous permettent aussi de devenir une puissance écologique de premier plan. De fait, les énergies renouvelables abondent dans notre pays : la France possède le deuxième domaine maritime mondial, le premier potentiel agricole européen et le troisième potentiel forestier ; l’excellence de nos chercheurs et de nos ingénieurs ; les talents et les savoir-faire de nos grands groupes, de nos PME, de nos ETI et de nos artisans, car tous sont concernés ; la capacité d’initiative et le désir de participer des citoyens ;…

M. Martial Saddier. Et des parlementaires !

Mme Ségolène Royal, ministre. …et enfin, la motivation et l’engagement de tous les élus de nos territoires, par-delà les clivages politiques.

Ma troisième observation est que vous légiférez à un moment où, dans le monde, les choses évoluent à vive allure, ce qui ouvre à la France des possibilités nouvelles mais l’oblige aussi à presser le pas. J’étais, il y a une dizaine de jours, au sommet de l’ONU, à New York ; j’ai été frappée de voir avec quelle énergie – si j’ose dire – des pans entiers du monde de l’industrie et des affaires aux États-Unis s’engagent désormais de tout leur poids dans l’économie verte.

Certes, il reste des lobbies pétroliers qui financent abondamment les tenants du climato-scepticisme, mais c’est là un combat d’arrière-garde au regard de celui, tourné vers l’avenir, des partisans déterminés, grands groupes et start-up innovantes, PME de la « nouvelle économie climatique ».

Ils ont compris que l’inaction a un coût ; ils ont compris que le dérèglement climatique et la multiplication des événements météorologiques extrêmes menacent les économies et risquent d’être la source de pertes faramineuses ; ils ont compris que la croissance verte, qui réconcilie économie et écologie, devient le nouveau gisement d’innovations technologiques et de production de richesses.

Ce basculement procède de l’intérêt bien compris, mais il est aussi une contribution très significative à l’évolution du rapport de forces mondial en faveur de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables. À nous d’y intégrer le volet social afin de construire la social-écologie. Sur tous les continents, des villes et des régions, souvent regroupées en réseaux mondiaux, ont déjà fait la preuve que des solutions existent et que cela fonctionne. C’est en étant exemplaires dans notre pays que nous pourrons peser lors du sommet mondial que la France accueillera en décembre 2015.

À New York, alors que nous participions ensemble à la marche pour le climat, M. Ban Ki-moon m’a dit combien il comptait sur la France pour entraîner et mobiliser le monde.

Ma quatrième observation concerne les liens entre le climat et la biodiversité – pour le pire et pour le meilleur.

Pour le pire, car le dérèglement climatique détruits les équilibres écosystémiques, qui nous rendent pourtant de nombreux services. Les espèces végétales et animales n’ont plus le temps de s’adapter : en quarante ans, 52 % des espèces vertébrées ont disparu de la planète, à mesure que sont détruits les forêts, les mers et les récifs coralliens qui les abritent, les terres qui nous nourrissent, mais aussi l’eau, sans laquelle il n’est pas de vie possible et pour laquelle, déjà, bien des conflits se dessinent.

Mais aussi pour le meilleur, car les ressources d’une biodiversité intelligemment protégée et valorisée atténuent les émissions de gaz à effet de serre et les pollutions, contribuent à prévenir les effets du changement climatique – sécheresse, cyclones, tempêtes – et protègent mieux de ses conséquences. C’est vrai, par exemple, des forêts côtières et des mangroves qui ralentissent le déferlement des inondations, des apports de l’agro-écologie et de l’ingénierie écologique, et même de la biodiversité en ville où l’effet rafraîchissant des arbres peut faire rempart aux canicules urbaines.

Je tenais à souligner ce lien, car les choix énergétiques, les types d’agriculture ou d’urbanisation et la protection de la nature en milieu urbain, rural et péri-urbain, sont interdépendants.

Mesdames et messieurs les députés, le premier sommet de la terre proclamait en 1972 : « Tout être humain a deux patries, la sienne et la planète ». Le projet de loi qui vous est présenté permet de prendre efficacement soin de l’une et de l’autre en apportant à nos entreprises – industrielles, artisanales et de services – de nouvelles perspectives d’expansion protectrices de notre environnement. Il apportera aux citoyens les résultats concrets qu’ils attendent, à commencer par des emplois durables, qui permettent une montée en qualification soutenue par des plans de formation professionnelle comme ceux que nous avons mis en place avec la Fédération du bâtiment et ma collègue ministre du logement. Il leur apportera également du progrès social, du pouvoir d’achat et du bien-être. Mais aussi, et ce n’est pas moins vital, l’espoir de vivre mieux dans un pays qui reprend son destin énergétique en main et, plus largement, peut à nouveau croire en un avenir qui ne se limite pas à ce qui vient après le présent, mais l’éclaire, lui donne un sens et vaut le coup d’être désiré et bâti par tous.

Dans les territoires dont vous êtes les élus, vous voyez bien que, sur le terrain, le mouvement est lancé. Il doit être approfondi, accéléré et consolidé. C’est l’objectif de ce projet de loi.

J’ai travaillé avec beaucoup d’entre vous lors de la préparation de ce texte, y compris avec les élus de l’opposition membres de la commission spéciale. J’ai pu apprécier notre souci commun d’engager des réalisations concrètes au service de tous les Français. Un beau et grand débat de société nous rassemble aujourd’hui pour doter la France de la législation la plus avancée de tous les pays d’Europe, car elle est la seule, à ce jour, à intégrer toutes les dimensions de la transition énergétique et de la croissance verte.

J’aimerais, je vous l’avoue, qu’à l’issue de cette discussion parlementaire nous puissions partager, au-delà des clivages partisans, la conviction d’avoir permis à notre pays d’inventer le futur en agissant avec efficacité dès aujourd’hui. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur certains bancs des groupes écologiste et RRDP).

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale pour les titres Ier et V.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi dont nous débutons aujourd’hui l’examen engage la France, avec ambition et audace, dans la voie de la transition énergétique.

Avant tout, je tiens à saluer le formidable travail déjà accompli, en particulier grâce à vous, madame la ministre, et souligner l’état d’esprit dans lequel nous avons pu étudier le texte en commission : je crois que la « co-construction » que vous appelez de vos vœux a été appliquée de manière exemplaire avec ce texte.

M. Martial Saddier. Ben voyons !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Plusieurs dizaines d’heures d’examen, plus de 2 400 amendements déposés, dont près de 500 ont été adoptés : le passage du texte en commission a été à la hauteur des défis soulevés par la transition énergétique.

M. Julien Aubert. Il faut le dire vite !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Je tiens également à saluer le président Brottes, ainsi que les quatre autres co-rapporteurs qui ont accompli un travail considérable pour améliorer le texte.

Permettez-moi de rappeler les excellentes conditions dans lesquelles l’examen du texte en commission s’est déroulé, compte tenu de l’ampleur de la tâche. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Les débats ont eu lieu en bonne intelligence, ils ont été menés jusqu’au bout et chacun a pu défendre librement ses convictions.

M. Jean-Luc Laurent. C’est exact ! Je puis en témoigner !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Le texte issu de la commission est un bon texte, qui intègre d’ores et déjà beaucoup des préoccupations soulevées par nos collègues et auxquelles la ministre a accordé une oreille attentive. J’ose espérer que les débats en séance seront d’une tenue au moins équivalente à ceux qui ont eu lieu en commission,…

M. Martial Saddier. Cela se terminera certainement de la même façon !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. …comme le mérite ce texte, pour aller ensemble vers l’élaboration d’une grande loi de transition énergétique.

Sur le fond, ce projet de loi s’inscrit dans la continuité des actions menées par notre pays. Il donne force de loi à la feuille de route tracée par le Président de la République lors de la Conférence environnementale de 2013 et traduit les engagements de François Hollande lors de la campagne présidentielle. Depuis deux ans, une large concertation s’est tenue dans les territoires, associant l’ensemble des acteurs intéressés par la transition énergétique : citoyens, associations, élus, chercheurs et acteurs économiques. Tous se sont mobilisés.

Ce projet marque également une rupture, annonciatrice d’une croissance verte créatrice de richesses, d’emplois durables et de progrès.

Je centrerai mon propos sur les principales dispositions des deux titres du projet de loi dont j’ai la charge : le titre Ier, consacré aux grands objectifs de la politique énergétique, et le titre V consacré au renforcement des énergies renouvelables.

Le titre Ier – « Définir les objectifs communs pour réussir la transition énergétique, renforcer l’indépendance énergétique de la France et lutter contre le réchauffement climatique » – procède à la réécriture du titre préliminaire du livre Ier du code de l’énergie relatif aux objectifs de la politique énergétique. Il s’agit de les moderniser, de manière à rendre encore plus ambitieuse notre politique énergétique. Ainsi est consacré le principe selon lequel la politique énergétique vise « l’émergence d’une économie sobre en énergie, en ressources […] compétitive et riche en emplois » grâce à « la mobilisation de toutes les filières industrielles, notamment celles de la croissance verte ».

Définie comme un mode de développement économique respectueux de l’environnement, la croissance verte concerne autant les industries directement liées à l’environnement – assainissement de l’eau, recyclage et valorisation énergétique des déchets, dépollution des sites, énergies renouvelables – que les secteurs traditionnels comme le transport, l’agriculture ou le bâtiment.

Le titre Ier consacre les territoires à énergie positive, ou TEPOS. Leur reconnaissance par la loi constitue une étape importante pour la promotion des territoires propres et engagés dans une démarche de transition énergétique. Cette disposition est évidemment à rapprocher de l’article 56 du projet de loi qui vise à impulser une dynamique d’expérimentation, partagée entre l’État et les collectivités territoriales, avec pour objectif d’engager, d’ici à 2017, 200 expérimentations de territoires à énergie positive.

Enfin, l’article 1er actualise de manière ambitieuse les objectifs quantitatifs assignés à la politique énergétique nationale par le biais de deux nouveaux objectifs : la réduction de la consommation énergétique finale et la limitation à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité. Nous aurons l’occasion de débattre de ces sujets,…

M. Bertrand Pancher. On l’espère !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. …notamment dans le cadre de l’examen du titre VI dont notre collègue Philippe Plisson a la charge.

Je n’en dirai donc pas davantage, si ce n’est que je suis convaincue que cette stratégie met en œuvre de manière ambitieuse la transition énergétique et écologique. Il est temps de faire évoluer notre modèle énergétique afin de faire face aux défis qui se présentent à nous, à l’échelle nationale et internationale. Pour ce faire, il nous faudra développer encore davantage les énergies renouvelables, ce qui m’amène au titre V du projet de loi.

Le volet consacré aux énergies renouvelables était attendu ; il est au cœur d’une transition énergétique ambitieuse et audacieuse, qui confirme le rang de la France parmi les nations à la pointe de la lutte contre le changement climatique.

L’ambition et l’audace sont au rendez-vous. Le soutien aux énergies renouvelables est renforcé : l’article 23, en introduisant de nouveaux mécanismes de soutien, reconnaît les producteurs d’électricité verte comme de vrais acteurs de marché qui ont toute leur place dans notre mix énergétique. Il ne s’agit plus, comme il y a dix ans, d’accompagner des filières encore balbutiantes : la production d’énergies renouvelables en France est devenue une réalité tangible.

Nous serons néanmoins attentifs, madame la ministre, à ce que le basculement vers une logique de marché ne soit pas trop abrupt, notamment pour les petites exploitations et les filières non matures.

De même, il faut se féliciter de l’introduction, à l’article 25, de nouvelles sanctions destinées à lutter contre le dévoiement des dispositifs d’aide. Aujourd’hui, beaucoup de producteurs d’énergie renouvelable de bonne foi constatent avec amertume la multiplication des fraudes dans leur secteur, ce qui ternit leur image et sème le doute sur les capacités de développement vertueux du secteur. J’ai donc proposé en commission l’adoption de mesures de contrôle pour mettre en œuvre ces sanctions, notamment au moment de la mise en service des exploitations.

Enfin, il faut évoquer la remarquable avancée que constitue, aux articles 26 et 27, la possibilité de développer, à l’échelle des territoires, des projets d’exploitation d’électricité renouvelable qui associent habitants, collectivités et porteurs de projet.

Le financement participatif dans le domaine des énergies renouvelables constitue peut-être l’une des mesures les plus prometteuses du projet de loi : il permettra à la fois d’encourager les projets citoyens et d’améliorer l’adhésion des habitants, qui en seront désormais un peu les propriétaires. La commission a d’ailleurs adopté des amendements qui élargissent le champ de cette participation des citoyens et des collectivités aux projets d’exploitation d’énergies renouvelables.

J’en termine avec un sujet qui me tient à cœur, comme c’est le cas pour beaucoup d’entre vous : l’hydroélectricité. Cette filière industrielle d’excellence, pour laquelle la compétence française est internationalement reconnue, jouera un rôle majeur dans la transition énergétique. Il convient de la soutenir.

M. Jean-Luc Laurent. Excellent !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Afin de bien comprendre les dispositions du projet de loi, il faut mettre le sujet en perspective. Or nous partons de loin : en juin 2010, la mise en concurrence sans conditions du parc hydroélectrique français était actée. Nous nous dirigions vers une braderie du joyau énergétique national, sans aucune considération pour les impacts sociaux, économiques et environnementaux de cette décision. La concurrence, rien que la concurrence : telle était la devise qui prévalait dans la gestion de ce dossier.

Il aura fallu que le rapport signé par M. Straumann et moi-même, sur l’initiative du président Brottes, mette en évidence les effets négatifs de cette mise en concurrence,…

M. Jean-Luc Laurent. L’enfer !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. …à savoir le licenciement de salariés, la gestion des usages de l’eau négligée, la hausse des prix de l’électricité – et ce sans aucune réciprocité vis-à-vis des autres États européens – pour que la machine infernale s’enraye.

Ce rapport a été à l’origine de deux des propositions du projet de loi initial, reprises aux articles 28 et 29 : le barycentre, méthode innovante qui permet de définir des périmètres cohérents à partir de concessions dont les dates d’échéance sont aujourd’hui décalées, et les sociétés d’économie mixte hydroélectriques, qui permettent d’associer pleinement les acteurs locaux à la gestion de l’eau, au centre de nombreux usages. Le travail en commission a d’ailleurs été l’occasion de renforcer encore le dispositif.

J’ai tout d’abord proposé la mise en place de comités de gestion de l’eau lorsque l’État ne demande pas la création d’une SEM hydroélectrique. Ce comité sera chargé de suivre l’exécution de la concession ; en cas de décision de l’exploitant ayant un effet important sur les usages de l’eau, il sera consulté, ce qui constitue une avancée considérable. Nous nous dirigeons vers un véritable modèle à la française de la concession hydroélectrique, exemplaire du point de vue de la prise en compte des intérêts des élus et des riverains.

J’ai ensuite proposé la suppression du seuil des 75 ans lorsqu’elle est couplée à la prolongation des concessions sous condition de travaux, et enfin la possibilité de rassembler, par la méthode du barycentre, des concessions d’une même vallée octroyées à deux concessionnaires différents.

La France se dotera ainsi d’une véritable « boîte à outils ». En fonction du contexte propre à chaque vallée, nous serons en mesure de trouver des solutions adaptées et équitables pour l’ensemble des producteurs, qu’il s’agisse de la prolongation pour travaux, du barycentre, de la constitution de SEM hydroélectriques ou de la mise en place d’un comité des usages de l’eau.

À travers la loi de transition énergétique, nous préservons donc le contrôle sur le parc hydroélectrique français, garantissant ainsi la mise en valeur d’une énergie renouvelable décisive, qui reste la plus compétitive, la plus propre des énergies et qui permet, de surcroît, de stocker l’électricité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologisteRRDP.)

(Mme Laurence Dumont remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Buis, rapporteure de la commission spéciale pour les titres II et IV.

Mme Sabine Buis, rapporteure de la commission spéciale. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le président de la commission du développement durable, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi dont l’Assemblée nationale est aujourd’hui saisie deviendra, j’en suis convaincue, « l’une des lois les plus importantes du quinquennat », pour une raison principale : ce texte témoigne d’un basculement culturel profond sur deux enjeux essentiels pour l’avenir de la France et celui de l’humanité : l’énergie et la lutte contre le changement climatique.

Ce basculement se fait sur une idée simple, qui est aussi le fil rouge de cette loi : c’est non plus le gaspillage qui fera notre richesse, mais la lutte contre le gaspillage.

Au-delà des objectifs, au-delà des articles, ce projet de loi doit nous conduire toutes et tous à changer notre conception non seulement de la croissance économique, mais aussi de notre modèle économique tout entier.

Par cette loi, le Parlement va clairement indiquer au pays que son avenir dépend d’une croissance verte, respectueuse des hommes et de notre environnement.

Par cette loi, le Parlement va indiquer que le cap est celui d’une économie circulaire.

C’est pourquoi je suis heureuse et fière d’être rapporteure d’un texte qui démontre que l’écologie est non pas l’ennemie de l’économie, mais la condition de notre développement ; qui démontre aussi que notre but est non seulement de répondre maintenant à la crise économique et sociale qui frappe notre pays, mais aussi de préparer l’entrée de la France dans le monde de l’après-pétrole alors que, précisément, le monde entier bascule dans cette nouvelle étape de l’histoire.

Je suis heureuse et fière d’être rapporteure d’un texte qui propose un projet de société motivant et enthousiasmant, à une époque où les marchands de peur, de sinistrose et d’idées mortifères prospèrent. Alors que notre pays doute de lui-même et est tenté par le repli sur soi, cette loi lui offre une perspective, lui propose un avenir fondé sur des valeurs nouvelles qui sont autant de facteurs de croissance économique : l’usage, la coopération, le partage, la solidarité, les pratiques collaboratives.

Le meilleur moyen de répondre aux bruits de bottes qui se font entendre chaque jour plus fortement, c’est de proposer un projet de vivre ensemble autour duquel nous puissions tous nous retrouver ; c’est de proposer aux Françaises et aux Français un nouveau contrat social et écologique sur lequel nous devons nous retrouver.

Eu égard à cet enjeu, je souhaite donc de toutes mes forces, chers collègues, que nous dépassions nos clivages et les intérêts partisans pour ne songer qu’à l’intérêt général, pour construire cette loi ensemble.

Nous l’avons fait hier, au lendemain du Grenelle de l’environnement, lors du vote de la loi du 3 août 2009 ; nous pouvons le refaire aujourd’hui.

À ce sujet, je tiens ici à remercier le président Brottes, grâce à qui nous avons eu des débats riches et constructifs en commission, loin des postures habituelles que les Français ne supportent plus. J’espère que c’est avec le même esprit de responsabilité et d’apaisement que nous poursuivrons ensemble nos travaux en séance.

Pour ma part, j’ai étudié le projet du Gouvernement et proposé des amendements, avec un souci constant qui est aussi celui de la ministre, Ségolène Royal : éviter le bavardage, éviter de multiplier les normes.

Notre but est d’encadrer, non d’étouffer la société sous le poids de belles idées à petits effets. Notre but est non pas de multiplier les contraintes, mais plutôt de faire confiance aux acteurs locaux. Élue d’un territoire rural, l’Ardèche, souvent oublié par les politiques publiques, je sais très bien qu’une mesure ne s’applique pas toujours de la même manière à Paris et à Aubenas.

M. Martial Saddier. Tu parles d’un scoop !

Mme Sabine Buis, rapporteure. Un mot sur les titres dont vous avez bien voulu me confier le rapport.

Je remercie tout d’abord le Gouvernement d’avoir fait du bâtiment une priorité. Pour répondre à la très grave crise que traverse ce secteur, chaque mesure que nous voterons doit permettre d’assurer à chacun le droit à un logement décent, qui suppose certes que des logements soient construits, mais aussi qu’ils soient bien construits.

En 2014, il n’est plus acceptable que des enfants aient froid parce que leurs parents ne peuvent plus payer la facture de chauffage.

M. Martial Saddier. C’est vrai !

Mme Sabine Buis, rapporteure. La lutte contre la précarité énergétique exige donc la reconnaissance de ce droit à un logement décent, qui est un droit pour les locataires, mais aussi pour les propriétaires.

La création d’un carnet de santé numérique du logement, la création du Fonds de garantie pour la rénovation énergétique du logement, le développement du tiers financement, le développement des groupements d’artisans, l’émergence d’un service public de la performance énergétique coordonné par les régions, sont autant de mesures qui vont permettre à tous, propriétaires ou locataires, d’avoir accès aux travaux de rénovation énergétique, d’améliorer la sécurité et le confort de nos maisons, de créer des emplois durables et non délocalisables.

Ici aussi, nous allons prouver que la protection de l’environnement et de la santé n’est pas contraire à la croissance économique ; elle est, au contraire, la condition pour remplir les carnets de commandes de nos entreprises du bâtiment.

Pour les accompagner, pour les encourager, il nous faut un Plan Marshall de la construction.

C’est ce que propose le projet de loi adopté en commission. Je défendrai donc la création d’une stratégie nationale à l’horizon 2050 pour mobiliser les investissements en faveur de la maîtrise de l’énergie, dans le parc national de bâtiments publics et privés, à usage résidentiel et tertiaire.

Un mot également sur le titre IV, relatif à l’économie circulaire et aux déchets.

Je vous remercie d’avoir adopté en commission un amendement qui permet non seulement de donner une définition opérationnelle à l’économie circulaire, mais aussi de la faire entrer dans le code de l’environnement.

Ni décroissance ni productivisme, l’économie circulaire est d’abord une éthique de la responsabilité : celle de consommer autrement nos ressources pour créer une nouvelle prospérité.

Demain, la promotion de l’économie circulaire sera l’un des leviers pour atteindre l’objectif mondial du développement durable. Permettez-moi ici de saluer le travail fourni par notre collègue François-Michel Lambert depuis plusieurs années pour nous imposer de changer de lunettes lorsque nous regardons notre économie.

Mais s’en tenir à une définition, aussi belle soit-elle, ne sert à rien si elle n’est pas accompagnée de mesures concrètes permettant de la mettre en œuvre.

C’est pourquoi il est utile de faire entrer l’économie circulaire dans le code des marchés publics, en demandant aux grands pouvoirs adjudicateurs de réfléchir différemment à la manière dont ils conçoivent leurs achats. La commande publique est un puissant levier de développement de l’économie circulaire.

Le titre IV a également le mérite de définir précisément et clairement les objectifs de la France en matière de prévention et de gestion des déchets, avec une idée simple : le bon déchet est celui que l’on ne produit pas ; avec pragmatisme : il y aura encore demain des déchets, et ils doivent être traités dans le respect de notre environnement et dans l’intérêt de notre économie.

La réduction de la production de déchets, le développement du tri à la source des déchets organiques, la progression vers une tarification incitative, le développement des filières de collecte, de réemploi et de recyclage sont autant de mesures concrètes qui doivent aider nos élus locaux et nos entreprises à faire d’un problème une opportunité.

Le fil rouge de cette loi est toujours le même : c’est non plus le gaspillage qui fera notre richesse, mais la lutte contre le gaspillage. Qu’il s’agisse de lutter contre le gaspillage alimentaire, contre le gaspillage d’énergie, contre l’éclairage inutile, ou contre l’obsolescence programmée des produits de consommation, l’idée est toujours la même : rendre du pouvoir d’achat aux Français en respectant notre environnement.

Cette loi doit être une arme contre l’écolo-scepticisme qui prospère depuis le sommet de Copenhague de 2009.

Cette loi doit démontrer la volonté de la France de réussir le sommet de Paris, qui se tiendra en décembre 2015.

Mes chers collègues, je me réjouis par avance de l’œuvre utile que nous allons bâtir ensemble dans les jours à venir ; j’espère que nos enfants pourront nous dire merci. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission spéciale pour les titres III et VI.

M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission spéciale. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le débat qui s’ouvre aujourd’hui est l’aboutissement d’un long chemin semé d’embûches pour parvenir à la présentation d’une loi de transition énergétique que beaucoup attendaient.

Sous la précédente législature, j’ai activement participé au Grenelle I, qui donnait l’espoir d’une prise de conscience unanime de l’état de la planète et de la nécessité d’agir.

Mme Sophie Rohfritsch. Bravo !

M. Philippe Plisson, rapporteur. La majorité actuelle, alors dans l’opposition, l’a voté, parce qu’elle considérait qu’il est des sujets qui dépassent, chers collègues, les stériles querelles politiciennes.

M. Bertrand Pancher. Nous avions procédé autrement !

M. Martial Saddier. Vous aviez été associés !

M. Philippe Plisson, rapporteur. Puis, malheureusement, il y a eu le recul du Grenelle II, qui reflétait le sentiment du gouvernement d’alors, marqué par la célèbre phrase du président Sarkozy, selon laquelle l’environnement, « ça commence à bien faire ! »

M. Denis Baupin, rapporteur. Hou !

M. Philippe Plisson, rapporteur. Il semblerait d’ailleurs que cela continue à bien faire, avec le retour en grâce des gaz de schiste – mais c’est là un autre sujet.

Entre-temps, j’ai assisté au débat préliminaire à la Conférence mondiale sur le climat à Copenhague, et amèrement ressenti le fiasco qui s’est ensuivi. J’étais encore à Varsovie pour l’édition de 2013, pour partager la déception et l’exaspération des ONG devant une conclusion si minimaliste au regard des enjeux.

Ce long préambule vise à vous faire partager les espoirs mis dans cette loi par tous ceux qui ne peuvent se satisfaire du constat de la catastrophe annoncée du changement climatique, dont l’hypothèse d’une augmentation des températures de quatre degrés d’ici à la fin du siècle n’est plus contestée par personne, ceux – les mêmes –, qui ont voulu croire dans la démarche qui nous réunit et s’y investir : celle de la transition écologique, dont le Président de la République a entendu, dès 2012, faire un marqueur de son quinquennat.

Mais, parce que nous sommes bien français, parce que nous sommes pessimistes, que nous aimons nous plaindre et adorons râler, beaucoup d’entre nous préfèrent voir le verre à moitié vide plutôt que la carafe d’eau pure que nous aurons à remplir ensemble tout au long de ces débats. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Cette loi va entraîner un changement historique. Certes, sur la forme, le temps qui nous est imparti est contraint, mais telle est la caractéristique de notre mode de vie, où l’urgence prévaut, conformément à l’adage selon lequel « le temps, c’est de l’argent ».

Mais n’oublions pas que ce projet de loi est le fruit de longues discussions, de multiples conversations et d’arbitrages parfois douloureux ; tous les acteurs concernés – ONG, syndicats, patronats, collectivités – y ont été associés depuis de long mois, en particulier dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, mais également au sein du Conseil national de la transition écologique, où je siège en tant que représentant de l’Assemblée nationale.

Ce texte est donc, au départ, le fruit d’un consensus. C’était d’ailleurs la condition de son acceptabilité et de son appropriation par tous ceux qui auront la charge de le mettre en œuvre.

Ensuite, au sein de notre assemblée, je fais partie des députés qui ont demandé avec force et insistance la création d’une commission spéciale, que nous avons obtenue, ce qui autorise aujourd’hui l’expression d’une plus grande diversité d’opinions et de sensibilités au moment des choix décisifs.

M. Martial Saddier. Sur le papier !

M. Philippe Plisson, rapporteur. Sur le fond, membre de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, présidée par Jean-Paul Chanteguet, qui travaille sur ces sujets depuis de longues années, je tiens à souligner l’engagement sur ce texte des trois ministres successifs de l’écologie, du développement durable et de l’énergie : Delphine Batho, Philippe Martin et aujourd’hui Ségolène Royal, qui défend ce projet de loi avec passion et conviction.

Le travail que nous avons effectué en commission, certes à marche forcée, a été particulièrement efficace ; à cet égard, je tiens à saluer le président de la commission spéciale et mes collègues co-rapporteurs, avec qui nous avons accompli un fructueux marathon, qui n’est d’ailleurs pas terminé. Le projet de loi a été amendé, complété, musclé…

M. Martial Saddier. À moitié !

M. Philippe Plisson, rapporteur. …et, dans les jours qui viennent, il recevra encore le bénéfice des nombreux enrichissements que vous proposerez, chers collègues – plus de 2 000 amendements ont été déposés. Il posera ainsi les jalons permettant d’engager la mutation de notre société, dans le cadre d’un développement durable et soutenable, qui garantira une planète viable à nos enfants.

Le titre III, dont je suis le rapporteur, qui porte sur le développement des transports propres et a pour objet d’améliorer la qualité de l’air et de protéger la santé, a permis de cibler cet enjeu majeur qu’est le domaine des transports. Ceux-ci, en effet, contribuaient en 2011 à 70 % de la consommation française de pétrole pour des usages énergétiques, à 32 % de la consommation finale d’énergie de notre pays et à 26 % de ses émissions de gaz à effet de serre, dont 94 % sont imputables au secteur routier. II était donc primordial que ce projet de loi prévoie des mesures visant à engager une conversion du secteur des transports vers un modèle plus sobre en énergie, moins émetteur de gaz à effet de serre et, de façon plus générale, moins polluant.

Ce titre, plutôt centré dans le projet de loi initial sur les voitures électriques, est devenu, grâce aux amendements adoptés en commission, un véritable chapitre consacré à l’organisation de la mobilité douce, dans toutes ses dimensions. Il prévoit de nombreuses mesures ambitieuses destinées à réduire la pollution due aux transports routiers qui, rappelons-le, est en partie responsable du changement climatique et a un impact sur la santé publique, en raison, notamment, des particules fines.

Ce texte favorise également la nécessaire mutation de notre rapport à la voiture, répondant ainsi aux enjeux de notre société, en favorisant une mobilité durable, solidaire et respectueuse de l’environnement. À cet égard, j’ai présenté un amendement, qui a été adopté, visant à instituer un schéma de mobilité douce dans le monde rural, et un autre ayant pour objet d’ouvrir la réflexion sur les voies dédiées aux transports en commun et au covoiturage sur les autoroutes.

M. Martial Saddier. C’est de la complexification administrative !

M. Philippe Plisson, rapporteur. Quant au titre se rapportant à la sûreté nucléaire et à l’information des citoyens, tous les ingrédients de la polémique y étaient concentrés, tant les opinions sont tranchées et opposées sur le sujet, en particulier s’agissant du devenir des centrales au-delà de quarante ans, alors que l’âge moyen de notre parc nucléaire est de trente ans. Là encore, un consensus a été obtenu autour d’un amendement que j’ai proposé et qui a pour objet, en cas d’exploitation au-delà de quarante ans, de faire réaliser un audit complet par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, sous le contrôle de l’ASN, qui sera suivi d’une enquête publique pour informer la population et, surtout, solliciter son avis. À l’issue de ce processus, l’Autorité de sûreté nucléaire devra décider de la prolongation ou de l’arrêt de l’exploitation. Dans le cas d’une prolongation, une clause de revoyure quinquennale permettra de faire un point d’étape et de valider ou d’invalider la feuille de route.

Animé par la volonté de garantir le statut et la santé des précaires du nucléaire, ce titre permet également de poser les bases d’un démantèlement et d’un stockage des déchets plus performants et plus exigeants en termes de protection de l’environnement.

Il s’agit donc d’effectuer un pas de plus vers la transparence du secteur et l’information du citoyen sur la sûreté nucléaire, sans polémique ni sectarisme, mais avec des avancées consensuelles, pour garantir un droit à l’énergie sécurisé pour nos concitoyens, dans le pluralisme du mix énergétique.

La mouture initiale de ce projet de loi répondait aux attentes et aux aspirations de tous ceux qui espéraient du volontarisme face aux enjeux de notre temps, mais ainsi enrichi, il pose indiscutablement les bases d’une autre logique, qui conjugue la sobriété et une nouvelle forme de développement, plus riche en emplois durables et plus respectueuse des hommes et de leur environnement. Pari gagné, promesse tenue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Ericka Bareigts, rapporteure de la commission spéciale pour les titres VII et VIII.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure de la commission spéciale. Madame la ministre, je voudrais vous remercier d’avoir été à l’initiative de ce texte tant attendu et qui se caractérise par la philosophie d’équilibre et les valeurs qui sont les vôtres. Avec lui, en effet, c’est une nouvelle vision de la société – à laquelle nous aspirons – que nous proposons.

Ce texte fondateur répond à trois urgences : économique, écologique et sociale. L’une des réponses qu’il apporte est celle de la simplification introduite par le titre VII. Elle repose sur des solutions de plusieurs ordres : l’unification des documents administratifs, la sécurité du réseau et son interconnexion, la transparence du fonctionnement et des règles de ce réseau et la maîtrise de la consommation.

Notre travail en commission a porté notamment sur la sécurisation des investisseurs, grâce à l’unification des documents administratifs. Ainsi, un amendement du Gouvernement, qui a été adopté, a répondu aux interrogations de nombreux collègues en généralisant à tout le territoire l’expérimentation relative à l’autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement. De cette façon, les procédures administratives et les voies de recours seront désormais simplifiées, ce qui contribuera à instaurer un climat de sécurité, dont nous avons précisément besoin aujourd’hui. Avec un droit de l’environnement plus simple et plus fiable, les investisseurs oseront se lancer et contribuer à la croissance verte de demain.

Pour être efficace, cependant, les marchés ne peuvent se contenter d’être plus simples : ils doivent également être plus transparents et mieux contrôlés. C’était une demande forte de nombreux collègues, qui souhaitaient notamment renforcer le contrôle des collectivités territoriales sur les investissements des opérateurs dans le réseau. Plusieurs dispositifs ont donc été adoptés en commission pour renforcer les contrôles. Ainsi, la Commission de régulation de l’énergie disposera-t-elle d’une compétence explicite pour approuver les formules de calcul du coût des ouvrages construits dans le cadre des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables. Cela offrira une plus grande transparence sur les coûts de raccordement au réseau, ce qui sera particulièrement utile pour les projets d’investissements.

Nous sécurisons également juridiquement le nouveau mode de calcul du tarif d’utilisation du réseau public de l’électricité, afin d’accompagner l’opérateur historique dans ses investissements, en rapprochant nos remboursements de la réalité de son activité.

L’adoption en commission d’un amendement présenté par le président Brottes, qui avait pour objet de renforcer le contrôle d’ERDF sur ces investissements et, partant, d’accroître la transparence, permettra, parallèlement, de s’assurer de la réalité de l’utilisation des fonds ainsi accordés.

Enfin, s’agissant de l’action des gros consommateurs eux-mêmes, un amendement adopté par notre commission permettra de plafonner à 60 % la différence entre le tarif préférentiel accordé aux entreprises électro-intensives et le tarif des autres consommateurs, afin de sanctuariser le principe de la péréquation tarifaire. Nous étendons aussi le bénéfice de ce tarif aux consommateurs ayant un profil anticyclique.

Il faut évidemment présenter ces évolutions sur les électro-intensifs en lien avec l’article 44. En effet, nous mettons en place un tarif préférentiel pour les consommateurs acceptant de se déporter, non seulement hors des pics de consommation nationaux, mais également, sur la proposition de Frédérique Massat, hors des pics de consommation locaux.

En rendant les réseaux prévisibles et réguliers, nous serons en mesure de pallier les problèmes susceptibles d’être posés par les énergies intermittentes. Cette reconnaissance du rôle de l’effacement, couplée au développement des connexions de notre réseau électrique avec nos partenaires étrangers, permettra de fournir plus facilement des débouchés aux surproductions d’énergies renouvelables susceptibles de survenir ponctuellement. Il s’agit, en quelque sorte, de la construction d’une solidarité nationale et européenne, qui sera un élément stabilisateur de la transition énergétique.

Je souhaiterais dire quelques mots du chapitre IV du titre VIII, dont je suis également rapporteure. Le travail réalisé à cet égard est largement issu des travaux de la mission d’information sur l’adaptation du droit de l’énergie aux outre-mer ; je tiens d’ailleurs à remercier très vivement le président Brottes d’avoir bien voulu me confier les fonctions – que j’ai partagées avec Daniel Fasquelle – de co-rapporteur de cette mission. M. Fasquelle et moi-même avons pu mettre au jour d’importants dysfonctionnements de la politique de l’énergie en outre-mer.

Le bilan de ce travail en commission est considérable, parce que, madame la ministre, nous avons bénéficié de votre pleine écoute, de votre compréhension fine de notre situation et de votre volonté politique de mettre à sa juste place l’enjeu énergétique pour les outre-mer.

Contrairement à ce que l’on entend trop souvent, l’énergie n’est pas coûteuse en outre-mer parce que les citoyens ultramarins profiteraient du système : les coûts y sont élevés parce que la politique de l’énergie y est mal conçue, et que, trop souvent, des choix aberrants ont été faits. Le coût de l’électricité en outre-mer relève avant tout d’un mauvais choix politique.

Aussi les départements d’outre-mer connaissent-ils d’importantes difficultés en matière d’accès à l’énergie. À l’heure où je vous parle, dans certains de nos territoires, des dizaines de milliers de personnes n’ont toujours pas accès au service public de l’électricité. À Maripasoula, en Guyane, au cours des travaux de la mission d’information, j’ai pu voir ces milliers de Français qui doivent produire eux-mêmes leur électricité à des prix prohibitifs, en achetant du fioul acheminé en pirogue. Tout cela, évidemment, s’accomplit au détriment du développement de ce territoire.

Par ailleurs, on ne peut que regretter l’incapacité des territoires régis par l’article 74 de notre Constitution à émarger à la contribution au service public de l’énergie, malgré les sommes marginales que cela représenterait, notamment pour Wallis-et-Futuna.

C’est pourquoi notre commission a adopté, sur mon initiative, un amendement qui a notamment pour objet de prévoir, au sein de la programmation pluriannuelle de l’énergie de Guyane, un plan d’électrification en faveur des communes de l’intérieur guyanais, ainsi qu’un amendement de Serge Letchimy visant à la remise d’un rapport sur l’accompagnement des collectivités de l’article 74 de notre Constitution pour l’application du présent texte.

À ces problèmes structurels et historiques s’ajoute celui de la gouvernance. Bien trop souvent, les décisions sont prises à Paris, bien loin des réalités et des spécificités ultramarines. À titre d’exemple, la réglementation sur les normes de construction, parfaitement logique dans le contexte d’un climat tempéré, est complètement inadaptée aux zones tropicales. Les régions de Guadeloupe et de Martinique ont depuis des années travaillé, grâce à des habilitations législatives, pour rendre cette réglementation cohérente avec les réalités locales. C’est une chance pour ces populations. Pourtant, La Réunion n’en a pas bénéficié. On nous a empêchés d’adapter le bâti au climat, ce qui est très préjudiciable à toute la filière du BTP et au pouvoir d’achat des familles.

Malgré cela, et contrairement à une idée reçue, les outre-mer sont en retard. Les potentiels y sont insuffisamment exploités, ce qui affecte la croissance et l’emploi. Ainsi, selon le pôle de compétitivité Temergie, la transition énergétique représente potentiellement plus de 10 000 emplois sur le seul territoire de La Réunion. Ce n’est pas neutre lorsque l’on sait que, pendant que nous travaillions au sein de la commission, des jeunes manifestaient à La Réunion – à Saint-Denis, Sainte-Suzanne ou encore Saint-Paul – pour réaffirmer leur désir d’échapper au fléau du chômage.

Ce dont nous avons besoin, c’est un changement de gouvernance, qui nous permettra de mener enfin des politiques énergétiques cohérentes entre elles, organisées autour d’une stratégie développée dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Cette programmation sera opposable dans les appels d’offres et la détermination des tarifs d’achat. Notre commission spéciale a adopté des amendements que j’ai proposés en ce sens.

Il n’est pas normal que, dans les outre-mer, la CRE ne considère que les coûts évités de contribution au service public de l’électricité pour l’implantation de nouveaux moyens de production, car cela aboutit à ce que la puissance publique refuse de financer des projets de développement des énergies renouvelables au profit d’énergies très carbonées, ce qui a pour conséquence d’aggraver notre dépendance à l’égard des importations. En outre, notre vie est ainsi mise en danger car, comme on le sait, trois quarts des émissions humaines de CO2 sont dues à la combustion des énergies fossiles et sont responsables du réchauffement climatique et de la montée des eaux, laquelle menace directement nos populations. C’est évidemment ce risque qu’il s’agit d’éviter.

Cette approche pose aussi problème car elle ne prend pas en compte les impacts non comptables, qu’il s’agisse de l’emploi, de l’autonomie énergétique, de l’aménagement du territoire ou encore de la santé. Par exemple, des centrales à biomasse dans les départements d’outre-mer permettent de renforcer la filière canne qui est elle-même fortement créatrice d’emplois et participe pleinement à l’aménagement de notre territoire.

C’est pourquoi, avec le soutien de François Brottes et de nombreux collègues ultramarins, nous avons souhaité améliorer le texte afin que la politique de l’énergie soit non pas simplement déclinée en outre-mer, mais co-élaborée. Le texte sur lequel vous allez vous prononcer propose donc désormais une co-rédaction de la programmation pluriannuelle de l’énergie entre l’État et la région, dans chaque département d’outre-mer, autour de volets précisément définis par la loi.

Afin de prolonger cette gouvernance rénovée, la PPE ultramarine sera opposable et servira à la conduite des politiques de l’énergie outre-mer. Nous pourrons ainsi en finir avec les aberrations, telles que celles qu’on a pu voir dans le traitement du dossier du Galion en Martinique. Cette programmation sera également l’occasion de sortir du blocage généré par le fameux seuil des 30 % en matière d’énergies intermittentes qui freine le développement des projets actuels.

Oui, les outre-mer peuvent participer à l’élaboration de leur politique énergétique. Ce n’est d’ailleurs qu’avec l’aide des intelligences locales que nous pourrons amorcer la transition énergétique outre-mer et sortir du cercle vicieux de la dépendance aux énergies fossiles qui augmente les coûts de production et pollue l’environnement.

Chers collègues, la transition énergétique outre-mer ne se fera, comme dans l’Hexagone, qu’au prix d’une transparence permettant d’instaurer la confiance indispensable à la co-construction d’un projet de société porté par la croissance verte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale pour le titre VIII.

M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui fera date. Pour la première fois depuis longtemps, la France se dote d’une stratégie énergétique. Pour la première fois, c’est le Parlement qui est appelé à définir la stratégie énergétique du pays, ce qui est encore plus historique. Et pour la première fois, et cela marque une rupture encore plus importante, la France décide de rompre avec la logique du toujours plus – toujours plus de consommation, toujours plus de dépendance, toujours plus de centralisation – qui a prévalu aux XIXe et XXe siècles, pour passer à celle de l’efficacité, de la maîtrise de la consommation d’énergie, à celle qui encourage l’initiative locale et citoyenne, qui privilégie l’économie circulaire par rapport à la prédation, les ressources du territoire par rapport à la dépendance extérieure.

Choisir la maîtrise de l’énergie plutôt que la surconsommation, c’est une rupture fondamentale. Choisir les énergies renouvelables plutôt que les énergies de stock – le charbon, le pétrole, le gaz, l’uranium –, c’est une rupture fondamentale. Choisir de sortir du tout-nucléaire et du risque majeur qu’il fait courir aux populations et à l’économie, c’est une rupture fondamentale. Choisir les énergies décentralisées, les initiatives territoriales, plutôt que la seule technostructure centralisatrice, c’est une rupture fondamentale. Alors, madame la ministre, à l’ouverture de ce débat parlementaire, en tant qu’écologiste, et plus encore en tant que citoyen, je ne vous cacherai pas mon enthousiasme.

M. Bertrand Pancher. Ben voyons !

M. Denis Baupin, rapporteur. Nous savons tous pourquoi la transition énergétique est indispensable : il s’agit de lutter contre le dérèglement climatique et de réduire notre dépendance aux énergies fossiles et nucléaire. C’est la condition pour ne pas préparer un avenir bien sombre aux générations futures. Mais nous devons dire et répéter inlassablement – d’autres l’ont fait avant moi, vous y compris, madame la ministre – à quel point cette transition énergétique est bien plus que cela : c’est une formidable occasion.

En période de crise économique – une crise qui puise ses racines dans l’épuisement de notre modèle de développement productiviste et consumériste –, le nouveau modèle qui est en germe dans cette loi peut nous permettre non seulement de répondre aux principales menaces environnementales, mais aussi de créer des centaines de milliers d’emplois non délocalisables, de redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens en leur donnant la possibilité de maîtriser leur consommation et donc leurs dépenses contraintes et d’accroître notre souveraineté nationale.

On oublie trop souvent de le rappeler : la France importe 100 % de son uranium et elle importe pour 70 milliards d’euros par an d’énergie fossile. Quelle dépendance ! Quelle vulnérabilité ! Et quelles conséquences géopolitiques ! C’est avec ces milliards que le Qatar rachète la France par petits morceaux ; c’est avec ces milliards que M. Poutine finance sa guerre contre l’Ukraine. Imaginons l’impact majeur que ces flux financiers pourraient avoir si, à l’inverse, ces dizaines de milliards étaient investis dans nos territoires en énergies renouvelables et en maîtrise de la consommation d’énergie au lieu d’être expédiés dans les pétromonarchies.

C’est parce que ces enjeux sont considérables que le titre VIII de cette loi, portant sur la gouvernance, est déterminant. Avec la gouvernance proposée par cette loi, nous signons rien moins que le retour des pouvoirs publics aux commandes de la politique énergétique.

Mme Sophie Rohfritsch. Vous n’en avez plus les moyens ! Il n’y a plus d’argent !

M. Denis Baupin, rapporteur. Le budget carbone et la stratégie bas carbone constituent des innovations majeures. Ils permettront à la France de piloter la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre. Inutile de dire qu’au moment où notre pays s’apprête à accueillir la plus importante conférence internationale sur le climat, ce signal est très attendu. Si nous voulons que cette conférence réussisse – et elle doit absolument réussir –, la France se doit d’être exemplaire ; ces outils lui en donnent les moyens.

Précisons qu’à l’occasion de nos travaux en commission – je veux d’ailleurs souligner ici la qualité du travail que nous y avons mené, sous la férule bienveillante de son président, et vous remercier, madame la ministre, de votre écoute et de votre volonté de co-élaboration –, nous avons eu l’occasion de compléter cet outil en le dotant de moyens de suivi des émissions liées à nos importations. Rien ne serait pire que de s’illusionner sur une réduction de nos émissions qui ne serait liée qu’à la délocalisation des activités industrielles. Ce serait une catastrophe à la fois pour l’environnement et pour l’emploi.

Le second outil est la PPE, la programmation pluriannuelle de l’énergie. Pour la première fois, nous nous dotons d’un outil transversal, multi-énergie, qui prendra en compte non seulement l’électricité et le gaz, mais aussi le pétrole, les réseaux de chaleur, les énergies renouvelables, ainsi que – et c’est un changement de logiciel crucial – la politique d’efficacité énergétique.

Étant donné l’importance de ces différents outils, il est apparu indispensable à notre commission non seulement de confirmer les étapes de concertation préalable à leur élaboration et à leur suivi, mais aussi de doter le Gouvernement d’un comité d’experts pluraliste, comme cela avait été unanimement souhaité lors du débat national sur la transition énergétique. Qu’il me soit permis de souligner ici combien ce débat préalable aura été utile, non seulement pour l’élaboration de la loi, mais aussi pour que tous les acteurs – entreprises, syndicats, collectivités locales, ONG – puissent confronter leurs points de vue. Il le sera également pour la mise en œuvre même de cette loi. Si toutes les lois de la République étaient précédées de tels débats, nul doute que notre démocratie se porterait mieux et que la délibération publique serait plus efficace. J’ajouterai, si vous le permettez, que ce débat n’est sans doute pas étranger au fait que, selon un sondage publié hier, 75 % des chefs d’entreprise de notre pays attendraient avec impatience cette loi de transition énergétique.

Le titre sur la gouvernance est aussi celui qui organise le pilotage du mix électrique ; nul doute qu’il donnera lieu à de nombreux échanges. En organisant le plafonnement de la puissance nucléaire, en confiant au principal électricien l’élaboration d’un plan stratégique conforme à la programmation pluriannuelle, en attribuant au commissaire du Gouvernement un droit de veto, cette loi dote l’État d’outils indispensables pour tenir les engagements inscrits au titre I, notamment la réduction d’un tiers de la part du nucléaire dans la production d’électricité.

C’est d’autant plus vrai que notre commission, sur proposition du rapporteur Philippe Plisson, a inscrit pour la première fois dans le droit français une procédure d’encadrement de la prolongation de la durée de vie des réacteurs qui constitue une avancée majeure, en matière tant de démocratie que de sécurité pour nos concitoyens face aux risques industriels et de moindre vulnérabilité s’agissant de notre approvisionnement électrique.

Précisons aussi qu’au sein de ce titre VIII notre commission a tenu à inscrire dans la loi le statut de l’IRSN, outil indispensable du dispositif dual de sûreté nucléaire et de transparence de l’information.

Le troisième chapitre de ce titre VIII n’est pas le moins important : c’est celui qui organise la décentralisation de la politique énergétique. Cette loi confirme le rôle de la région comme chef de file de la transition énergétique et renforce la capacité des intercommunalités à piloter la politique énergétique sur leur territoire. D’ores et déjà, nos territoires ont été dotés d’outils de planification : les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie, ou SRCAE, au niveau régional, et les plans climat-énergie territoriaux, les PCET, au niveau local.

Planifier, c’est bien ; mettre en œuvre, c’est beaucoup plus important. La loi dote donc ceux qui élaborent les plans des outils pour organiser concrètement cette transition énergétique.

Au niveau régional, ce sera le service public de l’efficacité énergétique, créé par la loi Brottes et confirmé au titre II de cette loi. Il s’appuiera notamment sur les plates-formes de la transition énergétique, mais aussi sur les espaces info-énergie, les agences locales de l’énergie et du climat et les agences régionales de l’énergie. Au niveau local, la loi fait des EPCI qui élaborent les plans climat les coordinateurs de la transition énergétique. Point important : à tous les niveaux territoriaux, la politique énergétique et climatique embarque avec elle la compétence qualité de l’air, ce qui permettra de démultiplier l’efficacité de l’action menée au profit de la santé de nos concitoyens.

Enfin, dernier sujet crucial, le titre VIII est aussi celui qui introduit une innovation très importante pour lutter contre la précarité énergétique : le chèque énergie. Cette avancée était très attendue, et ce, d’autant plus que notre pays compte plus de 8 millions de précaires énergétiques.

Les tarifs sociaux existants ont indéniablement leur utilité, mais ils souffrent de deux insuffisances : d’une part, ils bénéficient aux ménages qui se chauffent à l’électricité ou au gaz, mais pas aux nombreux ménages qui se chauffent au fioul et, d’autre part, ils permettent certes d’alléger la facture énergétique, mais ne contribuent pas à réduire la consommation. Avec le chèque énergie, on pourra pallier ces deux insuffisances : l’ensemble des ménages seront concernés et le chèque pourra être utilisé pour des achats permettant de réduire la consommation d’énergie, soit pour aménager le logement et maîtriser son chauffage, soit, comme j’aurai l’occasion de le proposer, en permettant par exemple l’achat de réfrigérateurs ou d’appareils d’eau chaude sanitaire performants sur le plan énergétique.

Mme Sophie Rohfritsch. Quelle ambition !

M. Denis Baupin, rapporteur. Je ne serais pas complet si je n’ajoutais que le titre VIII est aussi l’occasion d’impulser la transition énergétique dans deux domaines majeurs que sont les transitions professionnelles et la recherche, et d’initier des expérimentations au niveau local en ce qui concerne les smart grids, ou réseaux intelligents, qui constitueront demain, en matière d’énergie, un maillage équivalent à internet pour la communication.

En conclusion, je tiens à le répéter car j’en suis convaincu, et j’espère que le débat que nous entamons permettra de le confirmer, avec cette loi, nous avons l’occasion d’ouvrir une nouvelle ère : celle d’une transition énergétique qui prouve que ce qui est bon pour la planète est bon pour l’emploi, pour le pouvoir d’achat et pour la vitalité du territoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission du développement durable, chers collègues, en particulier ceux dont je sais qu’ils me regardent depuis leur bureau – M. Aubert, M. Saddier, M. Mariton, M. Accoyer (Sourires sur les bancs du groupe SRC) – et auxquels je passerai le mot, si pour une fois on se disait oui, sans ergoter, sans rechigner, sans faire semblant de chercher des points de désaccord à tout prix ; vous le leur répéterez, n’est-ce pas, chers collègues de l’opposition ? Et si, pour une fois, on se disait oui, en oubliant que pour « faire le buzz », comme on dit aujourd’hui, autrement dit pour marquer la différence, il faut dire du mal de son voisin ou de son cousin ? Si, pour une fois, on se disait que le plus important est ce qui nous rassemble pour sauver la planète et améliorer le sort des habitants du monde et de nos enfants ?

M. Bertrand Pancher. Pour une fois, vous pensez à vos collègues !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Monsieur Pancher, je suis sûr que vous en êtes d’accord.

Si, pour une fois, on se disait oui, plutôt que de faire les malins à égrener des tweets vengeurs ou à décrocher une citation au Petit Journal ? Je corrige un peu le tir : M. Philippe Plisson fait exception, car les siennes sont excellentes. (Sourires.) Si, pour une fois, nous considérions que ce qui compte, c’est l’essentiel, et non pas l’accessoire, c’est l’impulsion, et non pas les proclamations, ce sont les actions, et non pas les intentions ?

Cette façon d’être, cette capacité à dépasser les clivages parfois stériles, souvenez-vous – j’y étais, avec d’autres, notamment Philippe Plisson –, nous l’avions mise en œuvre lors de la loi Grenelle I. Oui, les socialistes avaient voté pour ce texte, en opposants responsables, à la veille, pour ne pas dire à quelques heures d’un sommet européen qui comptait.

Mme Ségolène Royal, ministre. Eh oui !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Rappelez-vous !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Nous avions assumé, sans ergoter, sans fanfaronner, cet objectif d’une France qui doit donner l’exemple en matière de développement durable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Chers collègues de l’opposition, nous y voilà une nouvelle fois.

M. Bertrand Pancher. Hélas !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Notre assemblée a rendez-vous avec l’histoire de l’humanité, cette histoire qui permettra aux générations futures de dire si nous avons été capables ou non d’avoir agi au bon moment. Or ce jugement nous concerne tous – vous comme nous.

Cette loi, autant attendue que concertée, ce texte emblématique du quinquennat du Président de la République, ce projet qui concerne chaque territoire, chaque habitant, chaque entreprise, chaque association, fait l’objet aujourd’hui de notre mobilisation sur tous les bancs.

Aujourd’hui, c’est au tour du Parlement de mettre la touche finale à cet édifice élaboré avec constance et porté, avouons-le, par une ministre dont on connaît le talent et la force de conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRCsur certains bancs du groupe écologiste.)

M. Bertrand Pancher. Et par les taxes !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. La commission spéciale que j’ai l’honneur de présider a beaucoup travaillé, de même que les cinq rapporteurs. Je félicite également l’ensemble de ses membres à commencer bien sûr par les rapporteurs, qui ont auditionné 206 personnes. Tous les membres de cette commission qui ont voulu s’impliquer ont pu le faire pendant près de 80 heures d’auditions et de travail législatif.

Je ne fais pas de procès d’intention, mais il est possible que ceux qui ne sont jamais venus – j’ai des noms – puissent nous dire qu’il leur a manqué du temps. C’est affaire de conscience et de responsabilité. Je n’ai aucune qualité pour les juger ; je renvoie chacun à son miroir.

Nous allons ainsi poursuivre le travail immense mené en commission : 2 425 amendements – en réalité, autour de 1 600, si l’on enlève les amendements identiques ou purement rédactionnels – ont été examinés. Le débat qui y a eu lieu a été très riche. Je me félicite du niveau d’expertise et de la contribution vigilante de tous les acteurs qui, depuis le début, se sont impliqués.

Aujourd’hui, avec les mails, les tweets ou Facebook, nous sommes même informés en temps réel, par chacun des acteurs, de l’avancement du débat.

M. Bertrand Pancher. C’est la démocratie !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. M. Pancher les relayait d’ailleurs assez régulièrement. Après tout, c’est ainsi que la démocratie fonctionne, dans une transparence qui, bien évidemment, n’a rien à voir avec la pression qui peut s’exercer sur le débat parlementaire.

Naturellement, tout cela n’a pas toujours été très grand public, mais les sujets dont nous avions à débattre sont pour le moins techniques et justifient des échanges affûtés.

Madame la ministre, vous avez pris une part active dans ce dialogue et dans la clarification de nos échanges ; je tiens à vous en remercier personnellement. Vous avez su vous montrer disponible, mais aussi pédagogue. Vous avez complètement mis en application la co-construction qui vous est si chère. J’en veux pour preuve le nombre d’amendements auxquels vous vous êtes déclarée, in fine, favorable, alors qu’avant le débat en commission, le Gouvernement y était opposé.

Vous avez aussi pris en compte les contributions des missions parlementaires qui, avant votre texte, avaient produit des travaux conséquents. Je pense en particulier au rapport de la mission d’information sur l’hydroélectricité présenté par Mme Battistel et M. Straumann, à la mission conduite par Mme Bareigts et M. Fasquelle sur l’adaptation du droit de l’énergie aux outre-mer ou encore, plus anciennement, à la mission d’information de M. Plisson et M. Ollier sur l’énergie éolienne, ainsi qu’à la commission d’enquête sur les coûts de la filière nucléaire, que j’avais présidée et dont M. Baupin était rapporteur.

Comme vous le voyez, monsieur Baupin, je ne vous oublie pas. Quant à vous, madame Buis, vous venez d’arriver. Vous n’avez pas encore de mission, mais vous en recevrez de nombreuses : avec tout le travail que vous avez fourni sur le logement, je ne doute pas que d’autres travaux vous seront confiés.

En un mot, madame la ministre, vous avez témoigné du respect au Parlement – et cela n’a pas été ici un vain mot.

J’allais oublier de citer le président Bartolone, dont les « mardis de l’avenir », consacrés à l’énergie, ont occupé de nombreuses soirées, semaine après semaine. Ils démontrent que le Parlement, comme les autres acteurs, s’est emparé de ce sujet.

Au-delà de quelques mouvements d’humeur, dus au fait que notre commission ait aussi travaillé tout un samedi – ce qui était d’ailleurs prévu –, je ne veux retenir que la qualité et l’exigence de tous, pour avoir un débat où la robustesse de chaque mot était pesée, où la force de chaque outil était mesurée, amendement après amendement.

Votre texte, madame la ministre, était déjà riche et concret, mais des avancées importantes ont vu le jour lors de l’examen en commission. C’est donc un texte complété, mais dont l’ambition et le pragmatisme restent intacts, qui sort de la commission spéciale.

À force de dialogue, nous avons réussi à nous détacher des combats de chapelles, ce qui me réjouit car, comme vous le savez, je suis un laïc de l’énergie et je ne goûte pas les grandes messes où tout le monde est d’accord sur tout… à condition que l’on ne change rien.

Les positions caricaturales, que nous entendons parfois, ne nous permettront pas de triompher des grands défis énergétiques et écologiques de demain.

Des défis sociaux, tout d’abord, car trop nombreux sont ceux qui ne peuvent plus payer leur facture d’énergie.

Mme Sophie Rohfritsch. Ça ne va pas s’arranger !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Il y a quelque temps, nous avions rêvé du chèque énergie ; vous l’avez fait, madame la ministre.

Des défis industriels, ensuite, car aujourd’hui, la question énergétique constitue un des principaux enjeux de notre industrie et de son développement.

Enfin, un autre défi est de réussir à modifier les comportements et à inventer de nouveaux modèles économiques, contre l’ordre établi d’un profit qui gaspille ou qui détruit.

Le principal défi, c’est celui de l’adhésion du plus grand nombre à une autre croissance, à un autre modèle de développement, où la sobriété n’est pas une punition et où la responsabilité n’est pas la sanction.

Tous ces objectifs se recoupent parfaitement : en cherchant à atteindre l’un d’entre eux, de fait, nous atteindrons tous les autres.

C’est, par excellence, un texte qui vise à améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens – vous en avez fait la démonstration, madame la ministre.

Mesdames et messieurs les rapporteurs, vous en avez dessiné les contours avec précision dans vos interventions. Je n’entrerai donc pas à nouveau dans le détail : nos débats permettront de faire le tour de toutes les questions, notamment à travers la discussion des quelque 2 500 amendements qui doivent être examinés en séance.

Chaque volet de ce texte a une dimension universelle. Je n’en prendrai qu’un exemple, celui de la rénovation des bâtiments.

C’est une mesure vertueuse à tous points de vue. Nous allons aider nos concitoyens à habiter des logements plus confortables, parfois même simplement plus décents. Oui, les travaux de rénovation thermique apportent déjà, par eux-mêmes, du confort.

Mme Sophie Rohfritsch. Eh oui !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. En outre, ils sont souvent l’accessoire d’autres travaux d’aménagement, sans compter bien sûr la baisse de la facture à la fin du mois.

Ces travaux vont faire le bonheur de tous nos artisans et ingénieurs. Nous avons la chance d’avoir, dans tout le pays, des professionnels d’une grande qualité. Ils seront tous au cœur de ce grand chantier dont je tiens à souligner, après d’autres, qu’il est non délocalisable.

En plus d’offrir du confort aux uns et du travail aux autres, les mesures en faveur des économies d’énergie vont nous permettre de faire baisser le coût de l’énergie, de diminuer notre facture d’importation et, bien sûr, de moins polluer la planète. Bingo ! On est gagnant à tous les coups, sauf aux yeux de ceux qui étaient déjà grincheux avant que nous ne commencions à étudier ce texte – mais nous ne sommes pas de cette engeance, car nous avons tous ici, sur l’ensemble des bancs, la volonté d’avancer, notamment sur cette question.

M. Alain Leboeuf. Tu parles !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Diversifier notre mix énergétique, en ne mettant pas tous nos œufs dans le même panier – comme disait ma grand-mère –, favoriser le recyclage, valoriser la récupération, améliorer la pérennité de ce que nous fabriquons, utiliser des moyens doux et non polluants pour nous déplacer, impliquer chacun au plus près de chez lui, dans son quartier, dans son village : l’aventure est formidable à vivre ; ce sera plus formidable encore de réussir. Ce n’est pas l’affaire d’une élite qui aurait mieux compris le monde que les autres ; c’est l’affaire de toutes et tous.

Il s’agit bien, madame la ministre, d’une loi de mobilisation générale, pour garantir l’avenir de nos enfants et celui de la planète, avec des trucs simples à mettre en œuvre, des projets faciles à réaliser.

Alors, chers collègues, pour une fois, rassemblons nos énergies, sur tous les bancs, afin d’engager un mouvement qui fera notre fierté dans les années futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRCsur certains bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je présente à mon tour les conclusions d’une autre équipe, celle de la commission des affaires européennes, qui se préoccupe bien entendu fortement de ce que votre projet de loi – bientôt, je l’espère, la loi que nous adopterons dans quelques jours – soit un exemple pour l’Union européenne.

Je me permets de rappeler, après d’autres, que ce projet de loi relatif à la transition énergétique intervient dans un contexte européen et mondial très particulier, alors que les négociations climatiques se trouvent à un moment clé et que les attentes des citoyens n’ont jamais été aussi grandes.

Les rapports scientifiques se succèdent et confirment que nous approchons dramatiquement du point de basculement climatique de la planète. Il y a dix jours, de grandes marches pour le climat – comme nous tous, madame la ministre, vous avez participé à l’une d’entre elles – ont rassemblé, dans différentes villes du monde, des centaines de milliers de personnes qui souhaitaient attirer l’attention des dirigeants sur ce choix fondamental de l’humanité, pour que le réchauffement climatique soit le plus possible ralenti.

Paris va accueillir la conférence sur le climat en 2015, pour laquelle l’ambition clairement affichée est d’atteindre un accord réellement universel. C’est pour nous l’occasion de montrer que la France est à la hauteur des attentes de nos concitoyens et qu’elle apporte des réponses concrètes, qui peuvent servir de modèle à bien d’autres.

La commission des affaires européennes a, de longue date, travaillé sur cette question : nos collègues ont régulièrement produit des rapports. Nous participons également au groupe de travail conjoint avec les commissions du développement durable et des affaires étrangères, en lien étroit avec le président Claude Bartolone, pour que notre assemblée apporte sa pleine contribution à la conférence de Paris.

Au regard des attentes et des défis qui viennent d’être brièvement rappelés, le projet de loi relatif à la transition énergétique constitue une avancée significative. Il va permettre à la France de se doter de nouveaux instruments et de nouvelles règles pour aller vers un modèle de développement acceptable.

Il fixe dans la loi des objectifs forts pour accélérer la transition énergétique, laquelle ne peut réussir que dans la diversité. En effet, tout ne peut être pris en compte à travers un seul prisme – qu’il s’agisse de l’économie décarbonée ou d’un autre thème. C’est l’ensemble du champ qui doit être couvert. Or il me semble, comme le rappelait à l’instant François Brottes, que ce texte aborde l’ensemble des questions et y apporte des réponses.

Le rapport d’information de la commission des affaires européennes, faisant des observations sur le projet de loi, relève combien ce texte s’inscrit dans le droit-fil des objectifs ambitieux fixés par l’Union européenne.

Nous avons aussi noté que certains points pouvaient faire l’objet d’un développement plus ambitieux encore. Il s’agit notamment du souci d’équilibrer les relations entre les pays possédant les ressources énergétiques et les pays les exploitant pour leur consommation – nous vivons dans un rapport Nord-Sud, mais aussi Est-Ouest –, de la lutte contre la précarité énergétique qui, comme vous l’avez souligné madame la ministre, est un véritable fléau social dans toute l’Union européenne – qui mérite des réponses concrètes et précises, plus fines encore que les propositions qui sont faites, telles le chèque énergie –, ou encore des mesures favorisant la recherche et le développement en matière d’énergies renouvelables. Celles-ci sont fondamentales, sur le plan européen comme sur le plan français, de même que les mesures contre l’étalement urbain ou celles qui permettent la mise en œuvre de l’économie circulaire qui, entre désormais, grâce à votre loi, dans le champ de la réflexion.

Certains de ces sujets ont été évoqués lors de la réunion de la commission spéciale. Je pense notamment à l’idée d’un guichet unique de l’efficacité énergétique. Sur ce point, il nous apparaît à présent essentiel que le texte conserve un niveau élevé d’ambition afin de placer la France dans une position exemplaire en Europe au regard de la nécessaire transition vers un nouveau modèle de développement sobre en énergie et créateur d’emplois locaux – nous l’avons tous dit dans nos interventions.

En effet, l’enjeu énergétique en Europe ne peut plus être détaché de la préoccupation environnementale. Le fardeau de la dépendance européenne à l’égard de ressources extérieures devient essentiel, comme le démontre très concrètement la crise ukrainienne.

De même, le chaos se perpétuant en Afrique peut avoir des répercussions dramatiques sur l’approvisionnement en uranium. A contrario, des relations positives pourront s’établir si la paix s’installe au sud de la Méditerranée.

Dans la situation économique redoutable que nous connaissons, l’Europe – et la France au premier chef – peut saisir à bras-le-corps l’immense opportunité que représente la transition énergétique, en termes de création d’emplois et de relance d’un projet industriel commun à l’Union européenne.

Pour saisir pleinement cette occasion, la nouvelle Commission européenne devrait faire preuve d’ambition dans la défense du second paquet énergie climat. Dans son discours devant le Parlement européen, le nouveau président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a évoqué ce point.

Il nous faudra nous montrer très vigilants sur la réalisation effective de ces objectifs. Je pense notamment à la part des 300 milliards d’investissement qui seront consacrés à la transition énergétique, permettant, dans le même mouvement, de soutenir l’emploi – notamment celui des jeunes – dans des filières d’avenir.

La France peut ainsi montrer l’exemple, en poursuivant ardemment ses efforts pour avancer, à Paris, sur les chantiers essentiels ouverts avec cette loi et pour bâtir, à Bruxelles, une communauté européenne de l’énergie. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

M. Jean-Yves Le Déaut, Premier vice-président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les économies d’énergie dans le bâtiment sont un enjeu majeur pour la transition énergétique. Comme vous le dites, madame la ministre, il y a urgence. Or la rénovation, condition nécessaire pour réussir la transition et la croissance verte, est en panne. Je voudrais profiter de mon discours à cette tribune pour faire passer, sur ce sujet, un seul message : il ne faut pas corriger l’effet, il faut corriger les causes.

Il ne faut pas seulement se demander pourquoi, par exemple, il n’y a pas suffisamment de gestion active de l’énergie ni de produits biosourcés dans la construction, mais pourquoi les petites entreprises qui promeuvent ces produits n’ont pas plus d’impact sur le marché et sont freinées dans leur développement.

Le Bureau de l’Assemblée nationale a justement demandé à l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, au nom duquel je m’exprime, une étude sur les freins réglementaires à l’innovation en matière d’économies d’énergie dans le bâtiment.

J’ai conduit ce travail avec le sénateur Marcel Deneux. Nous avons auditionné plus de 300 personnes, durant des centaines d’heures de travail. Nous avons perçu un net décalage, en matière de dynamisme technologique, de soutien à la recherche et à l’innovation entre la France et les pays voisins.

En France, la recherche sur le bâtiment ne nous apparaît pas comme prioritaire. Tout se passe comme si l’on avait l’illusion de pouvoir faire face à la transition énergétique sans innovation. En Allemagne, on travaille déjà aux solutions nouvelles qui permettront d’entrer dans l’ère de la croissance verte, que vous promouvez, madame la ministre, celle des matériaux à changement de phase pour renforcer l’inertie thermique du bâti, des ossatures en bois pour des immeubles qui peuvent atteindre vingt étages, des stockages intersaisonniers d’énergie dans des immenses ballons d’eau chaude approvisionnant tout un quartier.

Je vais donc proposer des amendements visant à améliorer la régulation et la gouvernance dans la construction avec, en premier lieu, un contrôle rapproché du Parlement sur les organismes chargés de ladite gouvernance, notamment le centre scientifique et technique du bâtiment – le CSTB. Il faut mettre fin au mélange des genres entre recherche, évaluation, conseil, expertise et contrôle, c’est-à-dire faire cesser le système du prescripteur-prestataire.

Deuxième idée : donner de la consistance à ce qu’a déjà préconisé le Gouvernement, à savoir créer un conseil de la construction. Nous souhaitons que celui-ci ait également en charge l’efficacité énergétique et que ses avis soient écoutés car il serait paradoxal que les meilleurs spécialistes du bâtiment puissent être déjugés par une poignée de technocrates, décidant finalement seuls dans leur bureau. C’est aussi cela, le mal français. Le moteur de calcul de la réglementation thermique en est d’ailleurs l’illustration. Il faut aussi restaurer la crédibilité de notre appareil de régulation vis-à-vis des entreprises car il est violemment remis en cause, y compris par des personnes qui l’ont connu de l’intérieur, en mettant fin à l’endogamie entre acteurs décisionnels et responsables industriels.

M. Patrice Martin-Lalande. Excellent !

M. Jean-Yves Le Déaut, Premier Vice-Président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ce futur conseil de la construction et de l’efficacité énergétique, comme la femme de César, ne doit plus être soupçonnable. Mais il faut des réformes de structure pour changer les mentalités.

Mes chers collègues, madame la ministre, il faut ouvrir un espace pour les PME porteuses d’innovations et d’emplois dans le domaine de la croissance verte, tout faire pour que la commande publique soit exemplaire, donner plus de pouvoir d’expérimentation aux régions, notamment en matière de financement, centrer le régime des aides sur des projets plutôt que sur des produits.

Pour conclure, je tiens à évoquer un autre sujet que l’OPECST suit, à la demande des autorités du Parlement, depuis vingt-cinq ans. Il s’agit de la poursuite du projet de stockage géologique profond des déchets nucléaires. Il s’avère que le projet de stockage réversible a pris trois années de retard. Le débat public – même s’il a été perturbé par certains – a révélé la demande de la population locale que le projet commence par une phase probatoire. L’OPECST propose que ce texte de loi contienne les avancées législatives nécessaires pour y parvenir. Il est important de maintenir la dynamique de la démarche initiée voilà vingt-cinq ans. Quelle que soit notre position sur le nucléaire, notre pays devra régler, un jour, la question des déchets nucléaires. La France, comme la Suède, la Belgique ou la Finlande, a traité ce dossier avec une remarquable continuité politique, indépendamment des changements de majorité. Les deux lois fondamentales de 1991 et 2006, ont d’ailleurs été votées à la quasi unanimité. Tous ceux qui se sont penchés sur cette question ont rejeté la fausse solution de l’entreposage.

M. Denis Baupin, rapporteur. C’est faux !

M. Jean-Yves Le Déaut, Premier Vice-Président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Il faut avancer sur cette question, comme le prévoit la loi de 2006, et ne pas mener la politique de la patate chaude. Nous proposons donc, tout d’abord, de définir la réversibilité pour permettre la poursuite du projet et, ensuite, de prévoir une phase initiale à l’ouverture du stockage pour éprouver les solutions techniques issues des quinze années de recherche menées à Bur et, enfin, de reporter le rendez-vous parlementaire à la fin de cette phase initiale, notamment pour préciser la gouvernance de la réversibilité du stockage. Telles sont les recommandations quasi unanimes de l’OPECST, formulées par le député Christian Bataille et le sénateur Christian Namy.

La transition énergétique ne se fera pas sans donner la priorité au domaine du bâtiment ni sans apporter un soutien fort à l’innovation. La transition énergétique nécessite la recherche permanente du consensus, cela a déjà été rappelé, ainsi que, vous l’avez dit, madame la ministre, une trajectoire d’équilibre entre le nucléaire et les énergies renouvelables. Au nom de l’OPECST, c’est cette voie que je vous propose de suivre, mes chers collègues.(sur les bancs du groupe SRC et du groupe UDI.)

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Boinali Said, suppléant M. Serge Letchimy, rapporteur de la délégation aux outre-mer.

M. Boinali Said. Madame la présidente, madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chers collègues, c’est au nom de la délégation aux outre-mer que j’ai le plaisir de vous parler aujourd’hui. Je remplace le rapporteur pour information de la délégation, M. Serge Letchimy, qui est retenu dans sa circonscription.

Ce texte était très attendu par les outre-mer. Face à une consommation énergétique en hausse dans les DOM et dans les COM – le département de Mayotte enregistre, depuis 2004, une croissance de sa consommation énergétique de l’ordre de 30 % par an – et donc à une dépendance accrue, ces dernières années, vis-à-vis des sources d’énergie fossile – ainsi, plus de 80 % de la consommation d’énergie de Mayotte reste constituée par ce type d’énergie –, la transition énergétique constitue en effet une promesse pour tous les habitants d’outre-mer. C’est la promesse de voir leur approvisionnement énergétique apparaître, dans un proche avenir, comme à la fois plus sûr, parce qu’il sera désormais produit sur place, et moins coûteux du fait qu’il n’y aura plus de frais de transport et que l’ingénierie sera maîtrisée de manière endogène.

J’en viens maintenant aux travaux de la délégation sur le projet de loi. Ses travaux se sont articulés autour de cinq grands thèmes de réflexion.

Le premier concerne les objectifs qui peuvent être fixés pour les outre-mer dans le cadre de la croissance verte. La délégation a noté que le projet de loi ne prévoyait pas d’objectifs chiffrés pour les collectivités ultramarines. Elle a donc déposé un amendement visant à rappeler l’objectif d’autonomie énergétique des départements d’outre-mer pour 2030 – objectif qui figurait déjà dans la loi Grenelle I – avec, comme objectif intermédiaire, 50 % d’énergies renouvelables en 2020 – 30 % pour Mayotte. Grâce à son amendement, cet objectif serait désormais inséré dans le projet de loi. Cependant, il convient d’affirmer ici fortement que l’objectif d’autonomie énergétique ne pourra être atteint que si la recherche se trouve mobilisée avec détermination sur les différentes technologies liées aux énergies nouvelles ; en particulier, comme la plupart des énergies renouvelables sont des énergies intermittentes, il y a lieu de mettre tout spécialement l’accent sur les procédés de stockage.

Il faudra aussi reconsidérer la norme prudentielle de 30 % posée par EDF comme limite pour l’injection des énergies renouvelables dans le réseau électrique général.

Le deuxième point concerne la valorisation de l’électricité photovoltaïque, ainsi que celle de la biomasse.

S’agissant du photovoltaïque, à part l’article 23 qui mentionne la possibilité pour EDF de verser des compléments de rémunération aux producteurs, le texte ne prévoit pas de mesures de soutien spécifiques. Pourtant, aujourd’hui, le système de défiscalisation a été supprimé et le tarif de rachat par EDF n’est pas très élevé, ce qui handicape la filière. Il serait donc souhaitable de prévoir la mise en place, sans tarder, d’un tarif de rachat plus attractif, seul moyen d’effectuer une relance réelle de la production.

Pour ce qui est de la biomasse, la bagasse utilisée à La Réunion et à la Guadeloupe pour produire de l’électricité – pour ne parler que de ce type de végétal – pose un réel problème. L’Union européenne prévoyant de supprimer les quotas de production pour le sucre en 2017, on risque d’assister à une chute de la production de la filière. Il est indispensable d’accroître l’aide issue du POSEI – le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité – pour les planteurs et d’améliorer les conditions de rachat par EDF de la bagasse utilisée par les producteurs d’électricité.

Le troisième point a trait aux expérimentations. Les articles 56, 58 et 59 du projet de loi prévoient en effet la réalisation d’expérimentations, au sein des collectivités locales, pour le développement des énergies renouvelables. C’est là une idée excellente. Il faudra s’assurer cependant que, sur la base d’articles de loi relativement ouverts, les décrets d’application n’en viennent pas à prévoir des protocoles trop complexes qui excluraient, de ce fait, les collectivités territoriales d’outre-mer. Il faudra aussi s’assurer que les expérimentations pourront être étendues à d’autres zones régionales, indépendamment de la France continentale. Ainsi, des expérimentations réunissant, par exemple, l’Afrique du Sud, La Réunion et Mayotte, ou encore le Canada et Saint-Pierre-et-Miquelon, ou bien les Antilles, Haïti, la Guyane et le Brésil pourraient être riches d’enseignements. Enfin, il convient de noter que la région de la Martinique est très désireuse de réaliser des expérimentations dans le domaine de l’énergie, sous l’égide de son conseil régional. Cela pourrait nécessiter une extension de l’habilitation du conseil régional à légiférer, habilitation visée à l’article 62 du projet de loi.

Le quatrième point consiste à donner à Mayotte une meilleure visibilité sur les composantes de sa future politique énergétique. C’est la raison pour laquelle la délégation a adopté, à mon initiative, une proposition visant à demander au Gouvernement une étude tarifaire concernant les productions électriques de Mayotte susceptibles d’être éligibles à la CSPE – la contribution au service public de l’électricité. Dans cette même étude, il lui serait également demandé d’établir une prévision des prix de revient correspondant aux différentes énergies renouvelables qui pourraient être développées prochainement dans ce département. J’espère, madame la ministre, que cette proposition recevra un accueil favorable de votre part.

Enfin, le dernier point de l’analyse de la délégation a trait aux collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution. Au cours de son examen du projet de loi, la délégation s’est aperçue qu’aucune mesure du texte – à l’exception de l’institution d’une programmation pluriannuelle de l’énergie pour Saint-Pierre-et-Miquelon prévue à l’article 61 – ne les concernait. Bien entendu, ces collectivités bénéficient de l’autonomie en matière environnementale. Cependant, sans une aide spécifique, du fait de la fragilité de leurs finances publiques, elles ne pourront pas appliquer dans le cadre de leur réglementation locale, même si elles le souhaitent, les prescriptions édictées par le projet de loi.

Par conséquent, il a paru souhaitable à la délégation que le Gouvernement prévoit un plan spécifique d’accompagnement pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna permettant à ces trois collectivités territoriales d’appliquer les principaux dispositifs du projet de loi et tendant, tout particulièrement, à les faire bénéficier de la CSPE pour leurs productions locales. Un amendement à l’article 63 quinquies a été déposé à cet effet.

Pour conclure, on peut dire que le climat, spécialement le climat tropical, n’a pas toujours aidé les outre-mer au cours de leur histoire. Mais aujourd’hui, avec la transition énergétique, nous pouvons assister à un retournement au terme duquel les rigueurs du climat seraient transformées, grâce à l’ingéniosité humaine, en énergies renouvelables.

Madame la ministre, les outre-mer comptent bien sur vous pour les accompagner dans le cadre de ce changement de paradigme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et UDI.)

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Michel Sordi.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Monsieur Sordi, n’est-ce pas la première fois que vous défendez une motion de procédure ?

M. Michel Sordi. C’est en effet une première, monsieur le président… avec en plus une cravate verte. (Sourires.)

M. François Brottes, président de la commission spéciale. On va être attentifs !

M. Michel Sordi. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mes chers collègues, face à un risque climatique qui ne cesse de croître, les politiques énergétiques européennes restent marquées par un mélange de bonnes intentions et de mauvais calculs. Des analyses convergentes confirment pourtant, pour qui travaille concrètement sur ce sujet, que l’écart se creuse entre intentions et résultats.

On nous présente aujourd’hui un projet de loi qui n’est peut-être pas à la hauteur des enjeux. Quels sont-ils ? Réduire les émissions de C02 de 40 % d’ici 2030, et ce au moindre coût ; protéger les emplois actuels ; renforcer notre capacité d’exportation et notre compétitivité ; augmenter notre sécurité énergétique ; préserver le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Sur la base de ces objectifs, il s’agit de réfléchir à une stratégie à partir de notre mix énergétique actuel et non pas de fixer un seuil idéologique de réduction de la consommation d’énergie ou des objectifs a priori qui ne reprennent que des promesses de campagne électorale.

M. Martial Saddier. Très juste !

M. Michel Sordi. On voit bien que la majorité et le Gouvernement sont pris au piège entre les promesses de campagne de l’actuel Président de la République et ceux qui, au parti socialiste, ne souhaitent pas remettre en cause le nucléaire.

M. Martial Saddier. Très vrai !

M. Michel Sordi. Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte a pour ambition de définir le nouveau modèle énergétique français qui se devrait d’être « plus équilibré, plus sûr et plus participatif ». Le ton est donné. Il est aussi question, dès l’exposé des motifs, de « lutte contre le réchauffement climatique ». Ce projet de loi doit organiser « des gains d’efficacité énergétique » et permettre de réduire « l’impact des énergies fossiles » sur notre environnement. Pourtant, à la lecture de ce texte, deux aspects m’interpellent plus particulièrement : l’absence de financement et la volonté non-avouée de remise en cause de la filière nucléaire française.

Commençons par l’absence de financement : selon vos annonces, madame la ministre, au moment de la présentation du projet de loi au conseil des ministres, au total « 10 milliards d’euros de financement seront mobilisés » pour la transition énergétique », dont 5 milliards sur la ligne de crédit débloquée par la Caisse des dépôts et consignations pour des prêts transition énergétique et croissance verte à 2 % pour les collectivités, 1,5 milliard au titre de la contribution au fonds pour les énergies renouvelables et 1,5 milliard d’allégements fiscaux déjà existants ou à venir.

Par ailleurs, 1 milliard serait utilisé pour la rénovation énergétique des collèges, via une convention de prêt entre la Banque européenne d’investissement et deux banques françaises. S’y ajouteraient les 100 000 prêts bancaires à taux zéro pour la rénovation énergétique et des logements, le tiers financement par les régions de nouveaux prêts pour les TPE et PME, ainsi que les différents appels à projets dans le domaine de la transition énergétique. Mais le projet de loi n’évoque pas ces moyens financiers.

Concernant la filière nucléaire française, je rappelle qu’elle représente plus de 400 000 emplois directs et indirects, ce qui en fait le troisième employeur après l’automobile et l’aéronautique. Elle contribue également de manière favorable à notre balance commerciale, puisque notre pays fabrique et exporte ses centrales sur tous les continents.

Or il est difficile de vendre à l’étranger notre savoir-faire en matière de nucléaire, pourtant unanimement reconnu, tout en fermant prématurément nos centrales.

M. Patrice Martin-Lalande. On est en pleine contradiction, en effet !

M. Michel Sordi. L’énergie nucléaire est par ailleurs une énergie propre, avec un impact nul en termes de rejets de gaz à effet de serre.

Mme Sophie Rohfritsch. Eh oui !

M. Michel Sordi. C’est aussi une énergie dont la source d’approvisionnement est sécurisée, puisque nos principaux fournisseurs sont des pays de l’OCDE comme l’Australie ou le Canada. Rappelons en outre que les réserves stratégiques de la France sont d’un mois pour le pétrole et de trois mois pour le gaz, alors que Areva et EDF disposent de près de trois ans de stocks d’uranium.

Et je ne parle pas des risques qui pèsent sur les approvisionnements en énergie fossile, qu’il s’agisse du gaz, en raison des incertitudes liées à la Russie, ou du pétrole, sachant que la crise irakienne prend de l’ampleur.

Quant au gaz de schiste – si vous me permettez cette parenthèse –, ne serait-il pas raisonnable de faire au moins l’inventaire des ressources potentielles dont dispose le territoire national avant de décider ou non de l’exploiter ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Le projet, annoncé dès l’article 1er du projet de loi, de réduire à 50 %, en 2025, la part du nucléaire dans la fabrication d’électricité, qui est actuellement de 75 %, implique la mise à l’arrêt de plus de quinze réacteurs sur le territoire national, ce qui, tout le monde en conviendra, est impossible à réaliser, et plus encore à financer.

Comment prétendre lutter contre le réchauffement climatique si la première mesure que l’on propose consiste à se priver d’une énergie décarbonée et bon marché ?

Nous aurions d’ailleurs tort d’en rester à ces deux chiffres. Rappelons que le nucléaire ne représente que 15 % de notre consommation totale d’énergie.

Bien sûr, il nous faut développer des sources d’énergies alternatives.

Mme Sophie Rohfritsch. Justement !

M. Michel Sordi. Bien sûr, j’applaudis des deux mains lorsque le Gouvernement appelle à ne pas opposer les énergies entre elles.

Bien sûr, il nous faudrait être plus économes dans l’utilisation des énergies, apprendre à mieux consommer.

M. Alain Leboeuf. Nous sommes d’accord !

M. Michel Sordi. Pour autant, ce texte occulte deux éléments de première importance pour apprécier notre besoin énergétique de demain.

L’augmentation de la population française, tout d’abord. Du fait de notre dynamisme démographique, nous sommes le pays européen le mieux placé en la matière, ce qui va inexorablement générer des besoins énergétiques supplémentaires.

L’évolution de notre mode de vie, ensuite, qui entraîne la multiplication des outils de communication, le développement de la domotique, la promotion des véhicules électriques – avec un important programme d’installation de bornes dans nos villes et nos campagnes...

Ainsi, durant les premiers mois du débat sur la transition énergétique, l’un des spécialistes de la question avait rendu public le chiffre de 2 % de croissance de consommation électrique par an jusqu’en 2025.

Cette croissance aboutirait à une baisse relative de 75 à 50 % de la part du nucléaire dans notre mix énergétique, sans pour autant réduire la capacité de production de nos centrales, et par conséquent sans porter atteinte à la compétitivité de notre opérateur historique.

M. Patrice Martin-Lalande. Il faut clarifier tout cela.

M. Michel Sordi. Le vrai défi est là. En effet, cet écart devra être compensé par le recours aux énergies renouvelables : éolien, énergie photovoltaïque, géothermie, cogénérations, microcentrales hydrauliques, méthanisation, etc.

Loin du cliché du « tout nucléaire », c’est une démarche de complémentarité qu’il faut initier pour développer notre mix énergétique.

Regardons l’exemple allemand, dont les résultats sont plus que mitigés. La construction de centrales au charbon ou au lignite est non seulement la source d’une pollution aux particules fines dont nous avons pu constater les effets jusqu’à Paris, mais aussi d’un rejet massif de gaz à effet de serre, en complète contradiction avec les accords de Kyoto.

La politique de rachat des énergies renouvelables appliquée outre-Rhin a aussi eu pour conséquence l’augmentation forte du prix de l’électricité, à tel point qu’il est désormais le double de celui qu’acquittent les consommateurs français.

En effet, bon nombre des énergies de substitution que nous avons évoquées ont un point commun : elles sont intermittentes, …

M. Patrice Martin-Lalande. Et plus coûteuses !

M. Michel Sordi. …avec les conséquences que l’on connaît. La seule énergie de base stable, continue et fiable sur le plan des coûts reste le nucléaire.

Rappelons que le choix de l’indépendance énergétique fait par le Général de Gaulle a été partagé par tous les présidents de la VRépublique, de Georges Pompidou à Nicolas Sarkozy, en passant par Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac.

Or la remise en cause du socle de notre politique énergétique aurait des conséquences financières que nous ne maîtrisons pas.

Je prendrai un exemple, celui de la fermeture de la centrale de Fessenheim.

M. Éric Straumann. Une erreur !

M. Michel Sordi. Malgré les travaux de la Commission d’enquête « relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire » présidée par M. Brottes et dont le rapporteur était M. Baupin, nous n’avons pas connaissance du coût qu’occasionnerait cette fermeture ni du montant des indemnités que l’État devrait payer à EDF, sans parler du dédommagement que cette dernière devrait verser aux sociétés suisses et à la société allemande qui cofinancent la centrale, à hauteur de 15 % pour les premières et de 17,5 % pour la seconde. Le rapport présenté hier en commission des finances par mes collègues Hervé Mariton et Marc Goua évalue ce coût à un total de 5 milliards d’euros.

M. Éric Straumann. Excellent rapport !

M. Michel Sordi. Outre le volet financier, il y a bien entendu un gros problème social : supprimer 2 000 emplois, directs et indirects, liés à une usine qui fonctionne bien et qui est profitable pour notre pays, cela relève de l’hérésie ! Il y a d’ailleurs en France trop d’entreprises qui mettent la clé sous le paillasson pour se permettre de fermer l’une de celles qui marchent bien.

D’autant que les conséquences pour le bassin de vie seraient impressionnantes, qu’il s’agisse de la perte de 50 millions d’euros d’impôts et de taxes versés aux différentes collectivités ou de la fermeture de classes, de commerces, d’hôtels, de fournisseurs, etc. En outre, plusieurs centaines de maisons seraient mises en vente du fait de la mutation de leurs propriétaires, salariés d’EDF.

Les écologistes aiment à parler de la plus vieille centrale de France. J’ai obtenu du président Brottes que nous puissions la visiter, et je l’en remercie. Il s’agit d’une très belle installation, très bien entretenue, pour laquelle plus de 300 millions d’euros ont été investis au cours de la troisième visite décennale, et 15 millions d’euros dans le cadre des travaux post-Fukushima, de façon à améliorer encore et toujours sa sûreté. C’est ainsi que Fessenheim est classée parmi les centrales qui respectent les exigences les plus récentes en la matière.

M. Éric Straumann. Tout à fait !

M. Michel Sordi. Sa petite sœur, aux États-Unis, a d’ailleurs une durée d’exploitation autorisée de soixante ans.

Quel gâchis humain, quel gâchis financier ! Je sais, madame la ministre, que vous comprendrez mon discours, vous qui vous êtes battue comme une lionne, dans votre région, pour défendre vos entreprises et vos emplois.

Comme vous, madame, ma région est ce que je connais le mieux. Or la consommation électrique de l’industrie en Alsace est nettement plus élevée que la moyenne française, puisqu’elle représente 47 % de la consommation totale, en raison de l’implantation, près de la centrale nucléaire et à proximité du Rhin, d’entreprises grosses consommatrices – appelées électro-intensives.

La fermeture de la centrale va donc fortement fragiliser cette industrie financée par des capitaux étrangers. En cas de chutes de tension ou de fréquence, les usines concernées risquent fort d’être délocalisées, ce qui représenterait un séisme économique dans un département où le taux de chômage a doublé en cinq ans.

RTE vient d’ailleurs de tirer la sonnette d’alarme à ce sujet, et annonce déjà des risques de coupure d’électricité dès l’hiver 2016. En effet, il sera nécessaire de construire une nouvelle ligne à très haute tension à travers la plaine d’Alsace, ce qui, en tenant compte des délais d’instruction et de réalisation, devrait prendre une dizaine d’années.

Il y a d’ailleurs fort à parier que les mêmes personnes qui manifestent aujourd’hui contre la centrale nucléaire de Fessenheim manifesteront à nouveau lorsque les premiers pylônes de RTE viendront défigurer la plaine d’Alsace.

M. Xavier Breton. C’est probable, en effet !

M. Michel Sordi. Hormis la production de la centrale de Fessenheim, qui est de 1 800 mégawatts, soit environ 80 % de l’énergie consommée dans la région, l’Alsace ne dispose que de 150 mégawatts en production thermique.

Quant à l’hydroélectricité produite grâce au Rhin, si elle est abondante en été, lors de la fonte des glaciers, elle très faible en hiver, lorsque le fleuve atteint son étiage hivernal – au point que, en étiage décennal, il ne produit plus que 350 mégawatts. Sans la centrale nucléaire de Fessenheim, la production de l’Alsace en hiver serait donc de 500 mégawatts, alors que sa consommation, fortement influencée par l’industrie, atteint des pointes de 2 900 mégawatts. Une telle situation serait intenable sachant que la centrale nucléaire la plus proche se situe à près de 300 kilomètres.

Naturellement l’Alsace, comme d’autres régions, s’est lancée dans les économies d’énergie et souhaite développer les énergies renouvelables.

Cependant, elle ne compte aucune centrale solaire. Or les appels d’offres nationaux de la Commission de régulation de l’énergie ne retiennent que des sites situés au sud de la Loire, ce qui limite fortement les possibilités de développer une puissance photovoltaïque dans notre région.

Côté éolien, aucune installation ne fonctionne en Alsace, et le potentiel est faible en raison de l’orientation de la région : on pourrait produire tout au plus 50 MW.

La géothermie profonde pourra fournir de la chaleur, mais peu d’électricité, tandis que la méthanisation fournira surtout du gaz pour le réseau.

Les compléments en hydroélectricité pouvant être réalisés sur les affluents du Rhin sont insignifiants, de l’ordre de 5 mégawatts, vu le faible débit constaté.

L’isolation des bâtiments ainsi que la politique – déjà fortement entamée – d’économies d’énergie dans les industries permettront de gagner 250 mégawatts en pointe.

Ainsi, même en comptant sur l’utilisation, pour 30 mégawatts, des combustibles solides de récupération, le déficit entre production et pointe de consommation restera de 2 000 mégawatts.

Or nos voisins allemands et suisses ne pourront pas nous fournir la puissance requise. Certes, il reste l’éolien allemand de la Mer du Nord, mais cela signifie que l’Alsace ne serait correctement alimentée en énergie que les jours où un grand vent souffle dans cette zone ! C’est idéal pour détruire l’industrie alsacienne, car celle-ci ne supportera pas longtemps les variations de tension et de fréquence auxquelles elles sera soumise.

Rappelons enfin que la centrale de Cattenom, qui est censée alimenter l’Alsace, devra faire face à la perte de 1 700 mégawatts liée à la fermeture, dès 2016, de centrales à charbon obsolètes en Lorraine.

La réflexion n’est donc pas aboutie.

Lors de notre déplacement à Fessenheim, M. Baupin, rapporteur de la commission d’enquête, constatait lui-même le « vide de l’action publique », le fait « que pour l’instant, l’État n’a pas réussi à trouver le ton juste ni le bon rythme pour apporter des réponses fortes » ; « l’absence de projet mobilisateur concret ». Il jugeait également que « beaucoup de temps [avait] été perdu ».

En vérité, il n’existe aujourd’hui aucun projet concret pour installer des entreprises et recréer les 2 000 emplois que vous envisagez de supprimer de manière arbitraire.

Alors, je vous pose ces questions :

Combien coûtera l’arrêt de deux réacteurs de notre parc nucléaire ?

Combien devrions-nous verser à nos partenaires suisses et allemands si la centrale de Fessenheim fermait ?

Combien nous coûteraient les installations de substitution ?

Qui aura le courage de dire aux Français ce que va coûter la transition que vous appelez de vos vœux ?

Que vont faire les entreprises électro-intensives qui sont venues s’implanter dans la plaine d’Alsace parce qu’elles pouvaient y bénéficier d’une garantie d’approvisionnement électrique du fait de la centrale nucléaire et des barrages hydroélectriques ?

Que dira la Commission européenne, si soucieuse de la libre concurrence, lorsque vous aurez écrêté les capacités de production d’électricité d’origine nucléaire à 63,2 gigawatts ?

Nos compatriotes ont le droit de savoir combien ça coûte et qui va payer !

Outre l’absence de réponses à ces questions dans le texte, je déplore les conditions dans lesquelles ont été examinés les amendements en commission : les délais impartis ne nous ont pas laissé le temps d’avoir une discussion sereine sur tous les articles.

M. Alain Leboeuf. En effet !

M. Michel Sordi. Et vous admettrez, monsieur le président de la commission spéciale, qu’en raison de la coïncidence de la grève à Air France et des élections sénatoriales, cela n’a pas été très facile !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Vous au moins, vous étiez présent !

M. Michel Sordi. En conclusion, nous ne pouvons pas, bien entendu, ignorer le réchauffement de notre planète dû aux gaz à effet de serre, encore souligné dans le dernier rapport de l’Organisation mondiale de la météorologie, qui dépend de l’ONU.

Je ne voudrais pas non plus paraître « accro » au nucléaire. Maire d’une petite commune alsacienne de 11 500 habitants, j’ai, depuis 1995, et avec le concours des élus municipaux, développé un réseau de chauffage urbain dans tous les bâtiments publics ainsi que les logements sociaux, créé deux centrales hydroélectriques sur un canal usinier, installé 2 000 mètres carrés de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments communaux. Nous allons inaugurer prochainement une chaufferie biomasse, qui nous permettra de réduire de 20 % la facture énergétique des logements sociaux. Nous avons installé une cogénération au gaz et nous avons même fait réaliser une étude sur la géothermie, qui a évalué à 4 millions d’euros le coût d’un forage. EDF et la région Alsace étaient prêts à financer le projet à hauteur de 90 % – ce dont je les remercie. Mais s’il ne restait que 400 000 euros à la charge de la commune, se posait le problème de la distribution de cette énergie ; et là, les aides n’étaient pas au rendez-vous, ce qui fait que le projet n’a pu être mené à terme. S’il est vrai qu’il existe des gisements et des ressources, il convient donc de veiller au bon accompagnement des projets.

D’autre part, je souhaiterais, madame la ministre, attirer votre attention sur les conséquences de la nouvelle cartographie des projets bénéficiant du soutien de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, établie sur la base de nouveaux critères. Si je peux comprendre que l’on change ces derniers – c’est de la compétence du Gouvernement –, il reste que plusieurs communes avaient programmé des rénovations en deux tranches, et que l’État et les élus avaient pris l’engagement auprès des habitants des quartiers concernés que la deuxième tranche serait réalisée une fois la première achevée. Du coup, la réorientation du programme va laisser un certain nombre de projets au milieu du gué : cela pose quand même problème !

M. Daniel Fasquelle. Absolument !

M. Michel Sordi. Je voudrais également revenir sur la séance de questions au Gouvernement, au cours de laquelle le Premier ministre est monté au créneau pour défendre le projet de canal Seine-Nord Europe, en réponse à une question du groupe écologiste.

M. Bertrand Pancher. Une question incroyable !

M. Michel Sordi. Voilà qui me rappelle un bien mauvais souvenir : quand, en 1997, le gouvernement Jospin – et plus particulièrement Mme Voynet – avait décidé d’arrêter le projet de liaison Rhin-Rhône. Cela reste pour moi le plus gros scandale financier que la République ait connu !

M. Xavier Breton. Tout à fait !

M. Bertrand Pancher. Ce n’est pas le seul, hélas !

M. Michel Sordi. Tous les terrains avaient été achetés, toutes les études étaient terminées, toutes les procédures juridiques et déclarations d’utilité publique avaient été lancées ; malgré cela, le projet a été abandonné, alors qu’il aurait permis de faire la liaison entre la mer du Nord et la Méditerranée, de faire basculer le transport des matériaux pondéreux sur l’eau, de développer plateformes économiques et tourisme fluvial, de constituer des réserves d’eau pour l’irrigation. On a abandonné ce projet de manière éhontée.

M. Xavier Breton. Et uniquement par idéologie !

M. Michel Sordi. Cela m’est resté en travers de la gorge, et j’en veux toujours aux écologistes : il s’agissait d’un projet d’envergure internationale, qui aurait été profitable à notre pays, et dont l’abandon nous a coûté une fortune.

M. Éric Straumann. C’était un accord électoral…

M. Michel Sordi. Notre objectif doit être de concilier les énergies, et non de les opposer. Notre devoir est de garantir la quantité et la qualité de l’électricité à nos concitoyens et à nos entreprises. Notre mission est certes de développer les énergies renouvelables, mais aussi de relancer la recherche, interrompue en son temps par Mme Voynet, sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération.

Les experts estiment les réserves mondiales de pétrole à 80 ans, celles de gaz naturel à 120 ans, celles d’uranium à 130 ans. Mais savez-vous que seulement 1 % de la matière introduite dans un réacteur est consommée ? Passer à la quatrième génération de réacteurs nous permettra d’utiliser plus de 80 % de la matière, ce qui portera les stocks mondiaux à plusieurs milliers d’années !

M. Denis Baupin, rapporteur. Nous permettrait…

M. Michel Sordi. Ce serait une avancée considérable !

Enfin, il est de notre responsabilité de mettre en œuvre, en partenariat avec nos voisins européens, un dispositif prenant en considération les conséquences sociales, économiques et environnementales de la transition énergétique, qui ne doit pas assécher le porte-monnaie de nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP demande l’adoption de cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme Sophie Rohfritsch. Bravo !

M. Martial Saddier. Excellent !

M. Xavier Breton. Belle démonstration !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur le député, d’abord je tiens à vous remercier pour votre contribution et votre présence au long cours, à toutes les étapes du travail.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. En effet !

Mme Ségolène Royal, ministre. Nous avions d’ailleurs eu l’occasion de nous rencontrer pour parler, de manière très directe, de vos préoccupations.

M. Michel Sordi. C’est exact, et je vous en remercie.

Mme Ségolène Royal, ministre. Je respecte tout à fait votre point de vue, et je salue même la vigueur avec laquelle vous défendez la dynamique économique de votre territoire. Toutefois, permettez-moi de vous rappeler que défendre une motion de rejet préalable revient à juger qu’il n’est pas nécessaire de délibérer. De deux choses l’une : soit vous considérez que le texte est tellement bon qu’il n’est nul besoin de délibérer dessus, et vous allez par conséquent inviter votre groupe à le voter (Sourires) ; soit vous estimez qu’il ne faut pas bouger, et je ne crois pas que ce soit l’intérêt de la France. Ce serait même prendre un risque considérable, alors que de nombreux pays dans le monde s’engagent dans la transition énergétique de façon à positionner au mieux leurs entreprises sur les marchés nationaux et internationaux, et que les trois quarts des entreprises françaises déclarent avoir confiance dans la transition énergétique, proportion bien plus importante que dans les autres pays européens. Il s’agit là d’une chance extraordinaire à saisir ; le contexte est favorable, avec la prise de conscience partagée qu’il est désormais possible de concilier l’économie, l’écologie et le social. Ce serait par conséquent une faute grave que de renoncer à débattre et à prendre des décisions en la matière.

Vous avez défendu l’énergie nucléaire : c’est votre point de vue – et c’est aussi le mien : à aucun moment je n’ai mis en cause l’industrie nucléaire. Certains parlementaires sont favorables à une sortie du nucléaire ; je respecte leur position, mais ce n’est pas la mienne, ni celle du Gouvernement. Tout le monde a fait un pas, et je pense avoir fait en sorte que ce texte soit un texte de convergence dans lequel on n’oppose pas les énergies les unes aux autres. J’ai rendu hommage à plusieurs reprises à la qualité de l’industrie nucléaire, de ses ouvriers, ses ingénieurs, ses techniciens, et j’ai souligné que c’était grâce à l’énergie nucléaire et à la sécurité qu’elle avait apportée en matière de production d’électricité que nous pouvions aborder et accélérer la transition énergétique.

Cependant, ce ne serait pas un bon service à rendre à EDF que de lui laisser croire qu’elle peut envisager l’avenir en se satisfaisant du statu quo et en restant dans l’immobilisme. Quand on voit la compétition mondiale actuelle et le retrait de nombre de commandes dans le secteur du nucléaire à la suite de l’accident de Fukushima, il paraît évident que, si elle veut défendre ses intérêts et continuer à créer des emplois, EDF doit s’engager dans la transition énergétique, la programmation pluriannuelle de l’énergie et le mix énergétique, d’autant qu’elle dispose – plus souvent d’ailleurs hors de nos frontières qu’en France même – de capacités et de technologies extrêmement performantes dans le secteur des énergies renouvelables, ainsi qu’en matière de maîtrise de l’énergie, de performance énergétique, de compteurs intelligents et de réseaux intelligents. Pour être en bonne position sur les marchés internationaux, il faut aujourd’hui être capable de faire des offres de production dans le mix énergétique : l’entreprise sera par conséquent beaucoup plus forte si elle est capable de vendre à la fois du nucléaire, des énergies renouvelables et de la performance énergétique.

C’est au Gouvernement et à la représentation nationale de définir la stratégie énergétique nationale – c’est d’ailleurs la première fois que le Parlement y est associé.

M. Bertrand Pancher. Bien sûr que non !

Mme Ségolène Royal, ministre. Il appartiendra ensuite aux opérateurs du secteur de l’appliquer. C’est pourquoi j’ai fait le choix de ne pas opposer dans ce texte les énergies les unes aux autres, mais, bien au contraire, de positionner la France de la meilleure façon possible sur les différentes sources d’énergie, afin qu’elle soit exemplaire non seulement au plan national, mais aussi au plan européen et international.

Vous avez abondamment parlé de Fessenheim – ce que je comprends parfaitement.

D’abord, permettez-moi de dire que le rapport des députés Marc Goua et Hervé Mariton a été considérablement caricaturé par M. Mariton lui-même. Ce dernier a en effet communiqué sur un coût de 5 milliards d’euros pour la fermeture, alors que le rapport émet en la matière plusieurs hypothèses, allant de 600 millions à 6 milliards d’euros. Il s’agit là d’une déformation contraire à la sérénité qui devrait présider à ce type de débats.

Par ailleurs, s’agissant du contenu même du rapport, pourquoi évaluer le coût social de la fermeture à 1 milliard d’euros, alors qu’EDF ne prévoit aucun licenciement ?

M. Éric Straumann. Cela inclut les sous-traitants !

Mme Ségolène Royal, ministre. Pourquoi chiffrer l’indemnité d’EDF à 4 milliards d’euros, soit le coût du remplacement à neuf des réacteurs ? Pourquoi considérer comme certain un manque à gagner sur une durée de 24 ans, alors que les réacteurs font l’objet d’un réexamen de sûreté tous les dix ans ? Bref, pourquoi gonfler le chiffrage, si ce n’est pour peser sur les décisions ? Or celles-ci seront prises dans l’intérêt général, et non sur la base de chiffrages que j’ai qualifiés de « farfelus » – en tout cas, eu égard à la façon dont M. Mariton les a présentés.

Enfin, la question doit être abordée de manière objective et sereine, en associant l’entreprise EDF, qui ne s’est pas encore exprimée sur le sujet.

M. Bertrand Pancher. On comprend que M. Proglio n’ait pas très envie de se prononcer !

Mme Ségolène Royal, ministre. Quoi qu’il en soit, la question ne sera pas tranchée avec précision dans le projet de loi, puisqu’elle relève, non pas d’une mesure législative, mais d’une décision qui doit être prise en partenariat avec l’entreprise.

Voilà ce que je souhaitais vous dire, monsieur le député. Je m’inscris bien entendu en faux contre l’idée selon laquelle il ne serait pas nécessaire de délibérer, et j’invite l’Assemblée nationale à continuer ses travaux afin que puisse être mis en place le nouveau modèle énergétique que nos entreprises, les collectivités territoriales et tous les Français attendent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable. La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gabriel Serville. Je tiens, d’ores et déjà, à affirmer la position de mon groupe : la Gauche démocrate et républicaine votera bien évidemment contre cette motion de procédure qui démontre une fois de plus les difficultés éprouvées par l’opposition pour s’affirmer comme une force de proposition constructive sur un sujet aussi important pour notre pays que la transition énergétique.

J’ajouterai, si vous le permettez, qu’il est bien dommage que les bonnes volontés affichées lors des Grenelle de l’environnement, sous l’impulsion du ministre de l’Écologie de l’époque, M. Jean-Louis Borloo, ne soient pas confirmées aujourd’hui.

Si la transition énergétique est un sujet important – par moment sous-estimé, ou au contraire victime d’un effet de mode – à l’échelle nationale, elle revêt un caractère impérieux en Guyane. En effet, notre département d’Amérique du Sud, bien que continental, demeure une zone non interconnectée. Là-bas, c’est la question même de l’approvisionnement énergétique qui est posée, puisque 90 % du territoire n’est pas couvert, nonobstant l’obligation faite à l’opérateur public de fournir de l’énergie électrique aux citoyens. Cette contrainte est donc laissée à la charge des collectivités, qui ont déjà beaucoup de mal à faire face à l’ensemble de leurs missions. De là résulte une situation inacceptable sur le territoire de la République : des milliers de citoyens français sont plongés dans l’obscurité, à moins de se charger eux-mêmes de leur approvisionnement, à des tarifs bien souvent prohibitifs.

Vous comprendrez aisément, chers collègues – de droite comme de gauche –, l’importance de cette réforme pour ce territoire d’où partent les fusées Ariane, Vega et Soyouz, dont nous savons tous qu’elles sont de grosses consommatrices d’énergie. C’est pourquoi nous ne doutons pas que le Gouvernement aura à cœur, lors de l’examen des amendements au présent projet de loi, de défendre les intérêts de tous les citoyens sans exception. Le temps nous est compté : c’est pourquoi notre groupe votera contre cette motion de rejet.

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Barbara Romagnan. La motion de rejet préalable déposée par le groupe UMP marque notre intérêt partagé pour la transition énergétique. Elle met également en lumière qu’il est urgent, pour nous tous, d’agir. C’est bien l’urgence qui dicte notre action : l’urgence d’un dérèglement climatique qui se traduira d’ici 2100 par une augmentation des températures de 2,7 à près de 8 degrés selon l’endroit du globe et par une augmentation de 1 à 7 mètres du niveau des mers, qui entraînera la disparition de certains territoires – certains ont déjà commencé à disparaître – et des migrations massives, avec les conséquences que l’on sait en termes de conflits.

Ce phénomène n’est pas une fatalité mais bien le résultat de nos modes de production, d’échange et de consommation, et aussi de notre habitude de repousser sans cesse à plus tard la résolution de problèmes qui se posent à nous dès maintenant, et ce d’autant plus pour les populations les plus fragiles et les plus pauvres – les plus pauvres dans le monde, bien sûr, mais aussi les plus pauvres en France : 8 millions de Français sont actuellement en situation de précarité énergétique, et subissent le froid, l’isolement géographique et social, les maladies. J’ajoute que ces 8 millions de Français sont majoritairement des Françaises, puisque les populations les plus touchées sont les familles monoparentales, dont plus de 85 % des chefs sont des femmes. Ce sont aussi souvent des personnes âgées isolées, qui à partir de 80 ans sont à 75 % des femmes, vivant très souvent en milieu rural.

L’urgence est aussi économique : je rappelle que 88 % du déficit de la balance commerciale s’explique par nos importations d’hydrocarbures. Face à ces urgences, la gauche agit, comme vous l’avez fait en votre temps avec la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle II ». Cette loi comprenait 257 articles – le présent projet de loi n’en compte que 64. Elle a été examinée en procédure accélérée, par vos soins.

La différence entre ces deux textes réside, à mon sens, dans le fait que le texte dont nous débattons vient de loin. Le débat national sur la transition énergétique a été engagé par le Président de la République dès 2012. Le CESE, puis le conseil national de la transition énergétique, ont ensuite examiné cette question. Il y a également eu des contributions citoyennes, des débats régionaux, et les « mardis de l’avenir » organisés par le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone. Enfin, la commission spéciale a procédé à quarante heures d’audition, et a examiné le projet de loi pendant quarante-cinq heures.

Comme toujours, le débat mériterait d’être plus long et plus approfondi, mais il n’a pas été bâclé. Si vous voulez bien voter contre cette motion de rejet préalable, comme je vous y invite avec tout le groupe socialiste, il pourra se poursuivre bientôt dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Julien Aubert. Merci, madame le président.

Plusieurs députés du groupe SRC. Madame la présidente !

M. Julien Aubert. L’UMP votera pour cette motion de rejet préalable : cela ne vous étonnera pas. Elle le fera pour plusieurs raisons, madame le ministre.

Plusieurs députés du groupe SRC. Madame la ministre !

M. Julien Aubert. Vous nous avez dit qu’il n’y a pas lieu de délibérer. C’est bien ce que regrette l’UMP ! Nous avons eu quatre jours pour délibérer en commission, mais en réalité, pendant ce temps, les deux tiers de ce texte n’ont pas été examinés.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Fallait rester pendant les débats !

M. Julien Aubert. Il y a lieu de se demander pourquoi la délibération serait plus productive dans l’hémicycle, d’autant plus qu’entre-temps, vous avez décidé d’appliquer la procédure du temps législatif programmé.

Mme Catherine Quéré. Qui a créé le TLP ?

Mme Catherine Vautrin. Qui a refusé de voter le TLP, et qui l’utilise maintenant ?

M. Éric Straumann. Vous n’en vouliez pas, mais à présent vous en profitez bien !

M. Julien Aubert. Ce que trente heures en commission n’ont pu faire, trente heures dans l’hémicycle n’arriveront pas à le parfaire !

Conformément aux arguments de fond développés très dignement, très solennellement par notre collègue Michel Sordi, de façon pragmatique et attentive aux enjeux industriels, le groupe UMP votera pour cette motion de rejet.

Madame le ministre, vous avez critiqué un rapport parlementaire, et les propos de notre très estimé collègue Hervé Mariton. Nous constatons avec intérêt, et impatience, que vous êtes intéressée par tous ces calculs sur le coût du nucléaire. D’autres rapports, sortis sous d’autres présidences, et qui présentaient des hypothèses parfois tout aussi farfelues, n’ont malheureusement pas fait l’objet de démentis de la part du Gouvernement.

M. Denis Baupin, rapporteur. C’est du rapport de la Cour des comptes que vous parlez ?

M. Julien Aubert. Quoi qu’il en soit, nous sommes heureux de voir que vous êtes enfin prête à calculer le coût du nucléaire. Nous attendons avec impatience vos chiffrages pour que nous puissions débattre du fond du problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Bertrand Pancher. Le groupe UDI défend sans aucune réserve la motion de rejet préalable déposée par notre collègue Michel Sordi. Si cette motion est adoptée, nous ne délibérerons pas ; or nous pensons que dans les conditions actuelles, il vaut mieux ne pas délibérer. Pour nous, mettre ainsi fin à l’examen de ce texte vaudrait mieux que nous diriger vers une loi qui nous paraît, elle, complètement farfelue !

Les études d’impact sont absolument intenables : nous y reviendrons peut-être, malheureusement, au cours des débats qui auront lieu ces prochains jours. Aucune personne sensée ne peut croire que nous atteindrons l’objectif de réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité en 2025, étant donné l’évolution de la stratégie de l’État en matière d’économie d’énergie et d’énergie renouvelable. En effet, si l’on veut réduire la part du nucléaire, il faut agir fortement sur ces deux fronts.

Les conditions nécessaires à l’accroissement des énergies renouvelables en France sont-elles réunies ? Ou bien la part de ces énergies diminuera-t-elle ? Regardez la trajectoire par rapport aux objectifs que nous nous sommes fixés pour 2020 : nous avons complètement décroché, notamment à cause de la politique que vous avez menée ces dernières années. Nous voyons bien que ce texte ne permettra pas d’augmenter notre production d’énergies renouvelables, à cause – entre autres – de l’abandon des conditions de rachat d’électricité.

Notre production d’énergies renouvelables va-t-elle augmenter ? La réponse est claire : c’est non ! Allons-nous poursuivre nos efforts en matière d’économies d’énergie ? Ce texte, qui entend développer l’électricité, répond à cette question, que je me pose comme tous les Français. J’ajoute que les seuls instruments utiles dans notre pays et qui soient à notre disposition, par exemple les certificats d’économies d’énergies, sont en berne parce que votre gouvernement et vous-même refusez d’insister sur ce sujet.

Ce n’est pas le rapport parlementaire sur la centrale de Fessenheim qui est farfelu : ce sont les études d’impact et les objectifs du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Avec ce projet, ment-on aux Français ? Sans doute. Si ce n’est pas le cas, il nous mène directement dans le mur, et il faut le dire aux Français : C’est absolument catastrophique. C’est pourquoi, sans aucune ambiguïté, nous soutenons cette motion de rejet préalable. J’ajoute, madame la ministre, que ce n’est pas en répétant les mêmes erreurs qu’elles deviennent la vérité ! Vous prétendez que votre gouvernement, et la majorité qui le soutient, serait le seul à s’engager sur des objectifs environnementaux. Mais avez-vous entendu parler de la loi Grenelle I, madame la ministre ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Si seulement vous l’aviez appliquée !

Plusieurs députés du groupe SRC. Nous l’avons votée !

M. Bertrand Pancher. Elle faisait consensus dans toutes les grandes organisations nationales. Si vous la connaissiez vraiment, vous ne raconteriez pas cela ! Elle fixait de très nombreux objectifs environnementaux, qui malheureusement sont actuellement en berne car vous ne mobilisez pas les moyens nécessaires.

Je ne reviendrai pas sur le rapport parlementaire sur la centrale de Fessenheim. Vous avez dit, madame la ministre, que le président d’EDF ne se défend pas. Pour qui nous prenez-vous ? Henri Proglio, qui est actuellement suspendu à la décision du Gouvernement pour savoir s’il sera renouvelé, devrait démentir les positions que vous prenez actuellement ? Nous ne sommes pas des plaisantins : ici, nous sommes dans une assemblée sereine. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est vous qui la troublez, la sérénité !

M. Bertrand Pancher. Pour que notre assemblée retrouve sa sérénité, nous devrions adopter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la loi sur transition énergétique « sera l’un des textes les plus importants du quinquennat ». C’est en ces termes que François Hollande présentait, lors de la deuxième conférence environnementale, le 20 septembre 2013, le futur projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Depuis, il a été décidé de recourir à la procédure accélérée. La commission spéciale a mené ses auditions à la va-vite. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Il a été décidé d’appliquer la procédure du temps législatif programmé, qui avait pourtant été refusé par l’ancienne opposition. Devenue la majorité, elle n’a aucun scrupule à l’appliquer. C’est à vérifier, madame la ministre, mais il me semble qu’au début de nos travaux, en commission, vous vous étiez engagée à ce que le temps législatif programmé ne soit pas appliqué.

Vous m’accorderez, mes chers collègues, que le calendrier de cette réforme est du jamais vu. Une commission spéciale a été formée, qui a travaillé pendant la semaine des élections sénatoriales.

Plusieurs députés du groupe SRC. Quel est le problème ? Vous étiez candidat au Sénat ?

M. Martial Saddier. L’examen de ce projet de loi est coupé par les journées parlementaires ainsi que par la niche parlementaire du jeudi 9 octobre. Voilà comment François Hollande et le Gouvernement traitent la transition énergétique, qui est un enjeu fondamental pour notre planète, notre société et notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est scandaleux !

M. Martial Saddier. Le sort qui est actuellement réservé à ce texte nous conduit à douter fortement de la pérennité de ses dispositions. Depuis le début du mois de septembre, c’est un véritable marathon législatif que vous nous imposez, alors que ce texte était annoncé à grand renfort de publicité depuis plus de dix-huit mois. Je n’ai cessé d’entendre, la semaine dernière, dans les couloirs de la commission, des parlementaires de tous bords dire que rarement, pour ne pas dire jamais, le Parlement n’a été abaissé à ce point. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Excellent !

M. Martial Saddier. Des centaines de débats citoyens ont eu lieu à propos de la transition énergétique en 2013. Ils ont parfois été échelonnés sur plusieurs mois. La représentation nationale, elle, doit débattre, amender,in fine adopter ce projet de loi en à peine deux semaines, et en une seule lecture – enfin, j’imagine que c’était ce que vous prévoyiez, mais c’était avant la débâcle des sénatoriales de dimanche dernier !

De plus, les conditions dans lesquelles nous avons dû travailler en commission spéciale sont proprement scandaleuses. Monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, il ne s’agit pas d’une attaque personnelle contre vous : vous avez vous-même été contraint par le calendrier infernal qui vous était imposé.

Je vais même vous faire un compliment, monsieur le président de la commission spéciale.

Mme Clotilde Valter. Très bien !

M. Jean-Frédéric Poisson. Point trop n’en faut !

M. Martial Saddier. Pendant les trois premiers jours et les trois premières nuits de nos débats en commission, vous incarniez un mélange entre le président Brottes et le président Chanteguet, peut-être en raison de la retransmission de nos travaux sur internet ; cela a été apprécié sur tous les bancs de la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Puis, le président et les rapporteurs de la commission spéciale, tel le grain de sable qui tombe inexorablement dans le sablier, se sont heurtés à la limite des deux heures du matin de la nuit du vendredi à samedi et ont été rattrapés par l’organisation scandaleuse qui leur était imposée. Ainsi, le président a été obligé d’imposer à la commission d’examiner dans la seule journée du samedi autant d’amendements qu’en trois jours et trois nuits – j’y reviendrai. Avouez, mes chers collègues, que c’est tout simplement du jamais vu !

Mme Sophie Rohfritsch. C’est sûr !

M. Martial Saddier. Cela suffirait à justifier que vous me suppliiez, monsieur le président, de terminer mon intervention pour retourner immédiatement en commission spéciale et améliorer un travail qui n’a pas été correctement effectué – c’est le moins que l’on puisse dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Frédérique Massat. Restez avec nous, monsieur Saddier !

M. Martial Saddier. Je remercie la majorité d’avoir cité la majorité et le Gouvernement précédents, notamment les ministres Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet, le Premier ministre François Fillon et le Président Nicolas Sarkozy. À cet égard, j’ai une question à vous poser : qu’est devenu l’esprit du Grenelle de l’environnement ?

M. Denis Baupin, rapporteur. Cela commence à bien faire !

M. Martial Saddier. À l’époque, sur des questions de société aussi essentielles que les enjeux environnementaux, le Gouvernement, le Président de la République et la majorité faisaient en sorte de parvenir à un consensus avant d’entrer dans l’hémicycle.

M. Bertrand Pancher. Oui !

M. Martial Saddier. Voilà ce qu’ont su faire pendant la précédente législature le président de la commission du développement durable, ici présent, et la majorité d’alors, avec votre concours – reconnaissons-le. Nous n’arrivons donc pas à comprendre pourquoi, alors même que vous êtes dans la majorité, vous n’êtes pas capable de reproduire aujourd’hui ce que nous avons fait ensemble à l’occasion du Grenelle de l’environnement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Tout d’abord, l’engagement de la procédure accélérée. Le 5 septembre dernier…

Mme Frédérique Massat. C’était votre responsabilité, nous avons pris les nôtres !

M. Martial Saddier. Madame Massat, calmez-vous car je vous annonce que je vais terminer mon intervention en vous adressant un compliment ! (Sourires.)

Mme Frédérique Massat. Ce n’est pas vrai !

M. Martial Saddier. Je peux encore décider de ne pas lire la dernière feuille, donc veuillez m’écouter avant de me juger et, le cas échéant, de me condamner.

Tout d’abord, l’engagement de la procédure accélérée, le 5 septembre dernier, n’était déjà pas le gage d’un travail parlementaire serein et de qualité, alors même que vous aviez annoncé qu’il s’agissait du grand texte de la législature. Le groupe UMP, sous l’impulsion de M. Aubert, qui a fait un travail remarquable en amont (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) aurait vraiment souhaité que le Gouvernement prenne enfin son temps et permette un véritable dialogue entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur ce qui est reconnu comme l’une des grandes lois de la majorité en matière environnementale – si ce n’est la seule.

Il serait vraiment fâcheux que seuls les sept députés in fine membres d’une éventuelle commission mixte paritaire parvenant à un accord éventuel aient véritablement la possibilité d’examiner les amendements déposés sur un texte majeur pour notre République. Nous souhaitons donc examiner les amendements, réécrire ce texte et apporter notre pierre à l’édifice.

Ainsi, nous aurions tous pu travailler dans des conditions optimales et éviter le risque d’adopter, en urgence, des dispositions qui s’avéreront difficilement compréhensibles voire, pour certaines, à la limite de la constitutionnalité, en raison d’un examen trop rapide des répercussions des articles et des amendements présentés.

En second lieu, les auditions en commission spéciale, commencées le 9 septembre dernier, ont été menées tambour battant en à peine neuf jours, parfois à des heures extrêmement tardives. Trente-sept heures, voilà le temps que nous avons eu pour auditionner les acteurs du secteur de l’énergie, connaître leur point de vue et surtout les dispositions à améliorer en commission spéciale et en séance. Trente-sept heures, alors que plusieurs années ont été nécessaires pour construire le Grenelle de l’environnement !

Mme Clotilde Valter. Vous l’avez détruit en peu de temps !

M. Martial Saddier. Comment voulez-vous, madame la ministre, que les députés soient correctement éclairés sur un texte aussi complexe et qui a pour ambition de définir les grandes lignes de notre mix énergétique pour les cinquante années à venir ?

Mme Clotilde Valter. Quel baratin !

M. Martial Saddier. Permettez-moi aussi, dans cette motion de renvoi en commission, de revenir sur les conditions d’examen déplorables et inacceptables dans lesquelles nous avons travaillé la semaine dernière et dont le président de la commission spéciale a été la première victime – il est tout à votre honneur de prétendre le contraire, monsieur le président.

M. Julien Aubert. Le syndrome d’Oslo ! (Sourires.)

M. Martial Saddier. Après trois jours et trois nuits de débat de mercredi matin jusqu’à deux heures du matin dans la nuit de vendredi, soit tout de même neuf séances et au total plus de trente heures de travail sur les bancs de la commission spéciale, nous avions examiné environ 1 300 amendements, soit un peu plus de la moitié des 2 300 amendements. Il nous restait donc exactement 1 027 amendements à examiner. Tout cela est incontestable car nos débats étaient heureusement diffusés sur le site internet de l’Assemblée nationale.

Alors même que nous avions examiné 1 300 amendements en toute sérénité pendant les trois premiers jours – j’ai salué le travail du président Brottes à cet égard –, il nous a été proposé d’examiner les 1 027 amendements restant le samedi de dix heures jusqu’à 1 heure du matin, heure butoir. Les grands électeurs de la République que nous sommes n’avaient qu’à se débrouiller pour rejoindre nos départements et participer aux élections sénatoriales. En pleine grève d’Air France, avouez que cela restera une grande première dans les annales de la République !

M. Christophe Bouillon. Tous vos collègues n’étaient pas concernés !

M. Martial Saddier. Cela justifie également la suspension immédiate de nos travaux et le renvoi en commission. Mais nous avons une offre à vous faire, monsieur le président de la commission : nous vous demandons, non pas de revoir tout le texte, mais d’examiner uniquement les 1 027 amendements restant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ainsi, vous ne pourrez pas dire que nous faisons preuve de mauvaise volonté ou de mauvaise foi ! Je rappelle que seuls le groupe socialiste et le groupe écologiste étaient présents samedi. N’ont pas pu assister au débat non seulement les députés UMP mais également le groupe UDI, les communistes et les radicaux. Vous avez osé parler tout à l’heure du consensus qui a prévalu en commission : il est vrai qu’il est plus facile d’obtenir un consensus tout seul qu’à plusieurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Yves Caullet. Comment avons-nous fait, nous, pour travailler ?

M. Christophe Bouillon. Vous ne travaillez jamais le samedi ?

M. Martial Saddier. C’est pourquoi, tout comme d’autres députés des différents groupes politiques composant la commission spéciale, nous avons été contraints de décider, en dépit des supplices que nous avons adressés avec Julien Aubert à Mme la ministre et au président de la commission…

M. Jean-Frédéric Poisson. Des supplices, vraiment ? Quel lapsus révélateur !

M. Martial Saddier. Pardon, mais ces trois jours et trois nuits n’étaient effectivement pas faciles à vivre ! M. Giraud suppliait également la ministre de recommencer les travaux cette semaine.

M. Joël Giraud. Sans supplices !

M. Martial Saddier. Sans supplices, effectivement !

À deux heures du matin dans la nuit de vendredi à samedi, nous vous avons alerté sur cette situation, madame la ministre et monsieur le président, et vous avons demandé tout simplement de pouvoir reprendre nos travaux en commission cette semaine, quitte à prolonger nos travaux en séance jusqu’à la fin de la semaine prochaine, ce qui était tout à fait réalisable.

Vous avez refusé toutes nos propositions. Devant l’impossibilité matérielle de terminer l’examen du texte, même en siégeant toute la journée du samedi, l’opposition et certains membres de la majorité n’ont pas eu d’autres choix que de vous laisser passer rapidement les 1 027 amendements restant sans les étudier sérieusement.

Nous n’aurions, en effet, pas pu examiner la totalité des amendements dans des conditions acceptables, comme en atteste le déroulement des trois premiers jours et des trois premières nuits. Nous avons demandé un report afin de travailler efficacement et correctement et pour permettre à chacun de regagner sa circonscription, notamment pour les élections sénatoriales, les députés étant tenus de participer à ce vote, sous peine de pénalités.

M. François Vannson. Il n’est pas logique que de tels aléas nous empêchent de voter !

M. Martial Saddier. Imaginez les reproches de la presse de mon département si je n’avais pu, par votre faute, participer aux élections sénatoriales de dimanche dernier ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) On m’aurait montré du doigt à cause de vous ; vous n’auriez pu le supporter, président Brottes !

M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale. Comme c’est émouvant !

M. Martial Saddier. Lors de votre audition en commission spéciale, vous vous étiez engagée, madame la ministre, à favoriser la coproduction législative avec l’opposition. Preuve de notre volonté de collaborer, nous avons déposé de nombreux amendements constructifs, …

M. Jean-Yves Caullet et M. Christophe Bouillon. Adoptés le samedi ?

M. Martial Saddier. … dont plusieurs ont été adoptés entre le mercredi matin et le vendredi soir : d’autres auraient donc pu l’être le samedi. À cause de vous, nous n’avons pu continuer la coproduction proposée par Mme la ministre. Je sais que vous y êtes très attachée mais, je tiens à vous le dire, ce sera resté un échec, que vous ne pourrez pas cacher aux Françaises et aux Français.

Devant votre rejet catégorique d’une modification de l’ordre du jour, nous ne pouvions légitimement pas continuer à prendre part à ce simulacre de débat parlementaire, dans un contexte d’attaques regrettables contre la représentation nationale et alors même que le manque de confiance des concitoyens s’observe chaque jour sur le terrain.

Vous contribuez à la décrédibilisation de la fonction de représentant de la nation.

Face à des conditions d’examen aussi exécrables, nous avons donc fait le choix, qui était pour nous un non-choix, de ne pas assister aux séances consacrées à l’examen des amendements prévues le samedi.

Quel dommage, en effet, d’examiner ainsi à la va-vite un projet de loi que le Président de la République a promis il y a deux ans déjà et sur lequel notre assemblée a particulièrement travaillé, multipliant les auditions, les tables rondes et les débats en commission du développement durable et en commission des affaires économiques. L’image qu’a renvoyée la majorité du peu de cas qu’elle se fait du travail parlementaire et des droits de l’opposition est absolument inadmissible.

M. Julien Aubert. Il a raison !

M. Martial Saddier. Tout comme d’autres députés de différents groupes parlementaires, nous dénonçons ces conditions de travail et nous sommes convaincus qu’un retour en commission spéciale est indispensable pour travailler et améliorer les dispositions examinées au pas de course dans la journée du samedi.

Que dire, enfin, de notre droit d’amendement qui a été, il faut bien le reconnaître, totalement bafoué, alors même qu’il est au cœur du travail parlementaire ? Comment voulez-vous travailler correctement, alors que le texte issu de la commission spéciale n’était toujours pas disponible sur Internet et sur Éloi lundi matin ? Comment en faire le reproche aux services exceptionnels de l’Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous n’allions pas leur demander de le publier sur le site internet dans la nuit ! Nous commençons à examiner le texte en séance mercredi soir, le droit de déposer des amendements a été limité : du jamais vu, qui justifie à soi seul que nous retournions travailler en commission le plus rapidement possible.

Vous le savez, l’Assemblée nationale ne dispose pas des mêmes moyens d’analyse que les services de votre ministère – que dire d’un simple parlementaire loin des moyens de l’Assemblée nationale. Pour que chaque parlementaire puisse prendre toute sa part à la coproduction que vous souhaitez, il est donc nécessaire que nous puissions retourner le plus rapidement possible en commission.

Nous laisser à peine quarante-huit heures pour amender un projet de loi aussi technique et qualifié de projet phare du quinquennat est intolérable. Vous vous étiez engagés, monsieur le Président, à ce que le texte soit disponible dès dimanche – mais vous pensiez alors le finir vendredi soir.

Je le dis sans remettre en cause le travail des fonctionnaires, des administrateurs et des collaborateurs qui se sont investis sans relâche – y compris les nôtres, chers collègues. Nous les remercions et nous les saluons, car ils ont travaillé jour et nuit depuis mercredi dernier.

Le texte adopté par la commission n’a été mis en ligne qu’en fin de matinée lundi matin, et je tiens ici à en remercier le secrétariat de la commission, même si je me dois de souligner que ces conditions de travail sont tout simplement inacceptables. Elles remettent en cause le droit d’amendement des parlementaires.

C’est bien la première fois que nous disposons d’un temps aussi restreint pour amender un projet de loi. Parce qu’il est impératif que nous puissions travailler sereinement et avoir un débat constructif et intelligent, il est nécessaire que nous retrouvions dès à présent les bancs de la commission spéciale.

Après la forme, j’en viens maintenant au fond. Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte n’est toujours pas à la hauteur des enjeux en matière de mix énergétique.

Nos travaux en commission doivent donc se poursuivre, d’autant que nous ne disposerons que d’une seule lecture pour nous exprimer sur ce texte.

Tout d’abord, ce projet de loi confond, à tort, énergie nucléaire et énergie fossile. Or il nous faut garder à l’esprit que c’est la consommation d’énergie fossile que nous devons prioritairement, dans un premier temps, diminuer.

Nous ne devons pas non plus faire d’amalgame, au sujet de l’électricité, entre la diversification et la sécurité d’approvisionnement.

De plus, mes chers collègues, l’étude d’impact et surtout l’absence de débat en commission n’éclairent en rien la représentation nationale sur les aspects financiers de ce texte ni sur les conséquences liées aux coûts. La démonstration de Bertrand Pancher était sur ce point impeccable.

M. Serge Grouard. Tout à fait remarquable.

M. Martial Saddier. Les incidences de ce texte sur les rejets de gaz à effet de serre ainsi que sur la qualité de l’air – là encore, l’exemple, en Allemagne, des particules fines dues au retour au charbon, parle de lui-même – nécessitent de façon urgente, madame la ministre, monsieur le président, que nous retournions en commission spéciale.

M. Michel Heinrich. Tout de suite !

M. Martial Saddier. Je doute aussi, fortement, que les objectifs inscrits dans le texte puissent être effectivement atteints. À la lecture de ses différentes dispositions, nous sommes convaincus, avec mes collègues du groupe UMP, que la transition énergétique, telle que vous l’envisagez, ne deviendra pas une réelle opportunité pour notre pays et qu’elle ne permettra pas de relever les défis en matière de croissance et d’emploi.

Vous vous êtes fixée, madame la ministre, des objectifs qui sont en fait complètement irréalistes : réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et les diviser par quatre à l’horizon 2050 ; réduire la part du nucléaire à 50 % – 50 % ! – de la production électrique à l’horizon de 2025 ; réduire de 30 % la consommation d’énergies fossiles en 2030 ; porter la part des énergies renouvelables à 32 % de l’énergie finale en 2030 et diviser par deux – rien que ça, mes chers collègues ! – la consommation finale d’énergie de la France d’ici 2050.

M. Denis Baupin, rapporteur. C’est ambitieux.

M. Martial Saddier. L’ambition n’empêche pas de prendre en compte la réalité. Nos concitoyens nous reprochent, au quotidien, de voter ou d’annoncer, du haut des tribunes politiques ou dans la presse, des objectifs que les politiques savent, au moment-même où ils les annoncent, qu’ils sont complètement irréalistes et qu’ils n’aurons pas les moyens de les tenir.

Mme Sophie Rohfritsch. C’est de l’irresponsabilité.

M. Martial Saddier. La crédibilité environnementale de la représentation nationale se joue également là. (Applaudissements sur les bancs de l’UMP).

Permettez-moi, au vu des 127 articles qui composent désormais ce projet de loi, de vous dire que vos objectifs ne pourront malheureusement pas être atteints.



Votre texte nous apparaît, en effet, plutôt comme une accumulation de concessions octroyées aux différents courants composant votre majorité, et notamment aux écologistes, que comme une réelle réflexion sur la stratégie énergétique à partir de notre mix énergétique actuel. Promesse de campagne du Président de la République, mes chers collègues, la transition énergétique souffre aujourd’hui d’un réel manque de lisibilité comme d’une ambiguïté inclassable et indéfinissable au sein de la majorité.



S’agissant ainsi de la position de telle partie de la majorité ou de telle autre sur le mix énergétique français, une mère n’y retrouverait pas ses petits. Cela a également très bien été dit par Bertrand Pancher.



Les annonces faites par les trois ministres qui se sont succédé au poste de ministre de l’Ecologie, avec chacun une vision différente de ce que devait être la transition énergétique ; l’absence de pilotage tangible au sommet de l’État et le silence – assourdissant – du Président de la République sur cette question ainsi que la multiplication des annonces contradictoires au sujet du calendrier de cette future loi : voilà autant d’éléments qui nous laissent penser que ce projet de loi n’est absolument pas à la hauteur des enjeux actuels en matière d’énergie. D’où la nécessité, là encore, de retourner travailler encore davantage en commission spéciale !

Quid du financement de la transition énergétique ? De nombreuses déclarations ont été faites, sur la base, madame la ministre, de votre communication en conseil des ministres le 18 juin dernier, sans pour autant que ce volet soit retranscrit dans le projet de loi.

Selon vos annonces, 10 milliards d’euros devraient être mobilisés d’ici à 2017. Cinq milliards correspondraient à des fonds exceptionnels de la Caisse des dépôts et consignations pour les prêts dits de « transition énergétique et de croissance verte » aux collectivités, au taux de 2 %. 1,5 milliards d’euros seraient destinés au fonds pour les énergies renouvelables et 1,5 milliards aux allégements fiscaux déjà existants et futurs.

À ces montants s’ajouteraient les 100 000 prêts à taux zéro pour la rénovation énergétique des bâtiments, le tiers financement, de nouveaux prêts à destination des TPE et PME et enfin différents appels à projet dans le domaine de la transition énergétique. Quels leviers, Madame la ministre, comptez-vous actionner pour financer la transition énergétique ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Je viens de le dire.

M. Martial Saddier. Ce texte est une somme d’annonces compatibles avec la diversité de la majorité actuelle, sans, derrière, aucune forme de financement. Cette question, restée sans réponse à l’issue de l’examen en commission spéciale, nous incite, et je suis sûr que vous me suivrez, mes chers collègues, à quitter les bancs de cet hémicycle en votant cette motion de renvoi en commission.

De même, aucune évaluation du coût réel des mesures annoncées ne figure dans le texte ou dans l’étude d’impact. Vous rendez-vous compte de la pauvreté de l’étude d’impact quant aux incidences financières et au financement de vos annonces, que vous vous apprêtez à faire voter par la représentation nationale ? Il ne faudrait surtout pas que le coût de la transition énergétique se répercute trop lourdement sur nos concitoyens, déjà fortement sollicités fiscalement et financièrement.

J’y reviendrai tout à l’heure : ce texte va faire peser sur les ménages et les collectivités territoriales la totalité du coût de la politique du gouvernement, alors même que depuis deux ans vous avez assassiné fiscalement les ménages et étranglé, nous l’avons encore vu ce matin, les collectivités en leur enlevant des dotations comme jamais aucune majorité ni aucun gouvernement n’avait osé le faire.

M. Bertrand Pancher. C’est vrai !

M. Martial Saddier. Nous déplorons également l’absence d’un volet réellement consacré à l’efficacité énergétique et de mesures permettant à nos concitoyens de moderniser et renouveler leurs appareils de chauffage domestiques peu performants. Il faut, bien sûr, améliorer l’isolation de nos bâtiments.

Mais je prends l’exemple d’un couple qui se chauffe avec une vieille chaudière à fuel de quarante ans d’âge qui a une consommation dix fois supérieure à celle d’une chaudière moderne : à quoi bon mettre tout l’argent disponible dans l’amélioration de l’isolation de son logement si la source de chauffage n’est pas, elle aussi, efficace sur le plan énergétique ?

C’est la conjonction des deux qui apportera, véritablement, une économie d’énergie, qui préservera l’environnement et la qualité de l’air, et qui protégera, fiscalement et socialement, nos concitoyens, et notamment ceux qui se trouvent le plus en difficulté.

Le titre II, relatif à la rénovation des bâtiments, se limite principalement à des mesures d’isolation des bâtiments. En tant qu’ancien président du conseil national de l’air, je salue, madame la ministre, le retour des zones d’action prioritaires pour l’air, les ZAPA — que vous avez, je peux le comprendre, nommées différemment — que notre majorité avait mises en place et qui avaient été supprimées par une précédente ministre.

Je salue également le plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques ainsi que l’interdiction du « défapage », mais j’aurais souhaité que l’accent soit davantage mis sur la qualité de l’air intérieur, sur le report modal, de la route vers le rail, ainsi que sur l’inscription, dans le projet de loi, d’incitations financières pour les véhicules les plus polluants et pour le remplacement des appareils de chauffage défectueux.

Mes chers collègues, la fin de la dernière séance de questions au gouvernement me paraît éclairante : en plein débat sur la transition énergétique, un groupe – pourquoi ne pas le citer, le groupe écologiste – qui s’affiche au sein de la majorité remet en cause, une énième fois, les projets du Lyon-Turin et du canal Seine-Nord Europe.

On comprend mieux, madame la ministre, mesdames et messieurs de la majorité, que vous ayez été tout simplement effrayés à l’idée de voir un volet de transfert modal de la route vers le rail discuté à l’occasion de l’examen de ce projet de loi relatif à la transition énergétique. Comment peut-on encore oser remettre en cause ces deux projets d’envergure internationale et européenne ?

Je reviens aux appareils de chauffage défectueux. Je rejoins la proposition de madame Massat, présidente de l’Association nationale des élus de la montagne, qui suggérait, lors de son audition, la mise en place, sur le modèle du bonus-malus, d’une incitation financière réservée aux zones de montagne soumises à des températures particulièrement basses.

Il aurait sans doute été judicieux de profiter de l’opportunité qui nous a été offerte pour inscrire durablement dans le projet de loi, madame la ministre, la mise en place d’une démarche proche de celle entreprise dans la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, avec l’expérimentation du fonds air-bois. C’est une réussite, qui a permis à l’État et aux collectivités territoriales d’aider nos concitoyens à changer leurs appareils de chauffage au bois les plus défectueux.

Mais, là encore, comment attendre de la majorité une cohérence dans ce texte, alors que le jour même où nous débattons d’un texte relatif à la transition énergétique, le gouvernement annonce – allons-y gaiement –, la main sur le cœur, l’augmentation du prix du gaz et du gazole, qui ne participe pas au financement de ladite transition ?

Bref, tout ceci manque de cohérence dans la durée et rendra ce texte totalement inefficace.

Le projet de loi s’attache à la reconnaissance du rôle essentiel du bloc communal dans la réalisation de la transition énergétique. Il présente des perspectives intéressantes pour les communes et leurs EPCI – et là nous vous rejoignons – dans le domaine, notamment, de l’hydroélectricité. Cependant, nous regrettons et nous redoutons fortement, avec mes collègues du groupe UMP, que le caractère inflationniste et la superposition de certaines mesures et schémas administratifs — auxquels nous n’avons pas tout compris — n’engendre qu’un alourdissement des coûts, aussi bien qu’une multiplication du nombre de recours contentieux. Ces recours constituent, nous le savons tous et toutes, le quotidien de nos concitoyens ainsi que des élus locaux.

Là encore, quelle cohérence, mes chers collègues, avec d’un côté, la multiplication affichée et assumée des démarches et des schémas administratifs, et de l’autre, la baisse scandaleuse des dotations des collectivités territoriales ?

L’augmentation des impôts pesant sur les ménages, mise en place lors des deux exercices budgétaires écoulés, ainsi que le transfert de la charge sur les collectivités territoriales, vont obliger les élus locaux à assumer la responsabilité de l’augmentation des impôts locaux...

M. Jean-Frédéric Poisson. Excellent !

M. Martial Saddier. …alors que vous ne voulez plus assumer vos choix politiques. Le dernier exemple en date reste le rapt annuel, madame la ministre, de 175 millions d’euros pendant trois ans sur les ressources des agences de l’eau, qui effectuent un travail remarquable. Au secours, mes chers collègues, il y a le feu dans la maison, pour nos concitoyens comme pour les collectivités locales !

Par ailleurs, je tiens, à titre personnel, à vous appeler tous à la plus grande vigilance quant au développement, madame la ministre, de la géothermie profonde. Nous sommes nombreux, sur tous les bancs, à être convaincus que la géothermie es une source d’énergie renouvelable d’avenir. Mais est-elle, comme l’éolien, comme l’hydro-électricité, adaptée à tous les bassins de vie ?

Sûrement non. Nous avons pris du retard sur la réforme du code minier, – ce qui milite également en faveur du renvoi du projet de loi en commission. Nous travaillons sur ce projet de loi depuis deux ans, alors que nous était promise une clarification et une réécriture de ce code.

Nous ne savons tout simplement plus si cela finira par avoir lieu. En attendant, des entreprises privées déposent jour après jour sur votre bureau, madame la ministre, comme sur ceux des préfets, des demandes d’exploitation ou de recherche en géothermie profonde, y compris dans ces châteaux d’eau de la France que sont les zones de montagne, comme vous avez bien voulu le reconnaître, madame la ministre.

Face à cette autre incohérence, nous devons retourner travailler en commission, afin d’optimiser la transition énergétique et la réécriture du code minier. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Cela s’impose !

M. Martial Saddier. Enfin, concernant les entreprises locales de distribution, nous nous félicitons que l’article 45 leur garantisse le maintien des tarifs de cession. Comme je l’ai rappelé en commission spéciale, nous devons veiller à ce que les ELD, qui distribuent 5 % de l’électricité en France et qui réalisent les missions de service public relatives au secteur électrique sur leur zone de desserte, soient reconnues au même titre qu’EDF. C’est un point sur lequel je vous sais, madame la ministre, très attentive.

Mais cela ne suffit pas : certaines ELD sont, à terme, menacées de disparition ou, pour certaines d’entre elles, condamnées, puisque leur périmètre est figé en vertu de la loi de 1946,…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est normal !

M. Martial Saddier. alors que les grands opérateurs, monsieur le président Brottes, n’hésitent pas, eux, à venir démarcher leurs clients éligibles. Si nous n’arrivons pas à ouvrir un débat sur l’avenir des ELD, et si nous en restons en l’état, rendez-vous est pris. L’existence d’un certain nombre d’entre elles est menacée.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Pas sur la gestion de réseau !

M. Martial Saddier. Si nous n’arrivons pas à ouvrir un débat sur l’avenir des ELD et si nous en restons en l’état, même si je reconnais l’intérêt de l’article 45, rendez-vous est pris, monsieur Brottes, un certain nombre d’entre elles à terme sont menacées pour ne pas dire condamnées.

À ce sujet, au regard des ambitions assignées aux territoires dans votre projet de loi, et, là encore, je reconnais l’ouverture à l’expérimentation, je défendrai à titre personnel dès lundi prochain plusieurs amendements visant à satisfaire votre envie d’expérimentation, madame la ministre.

Un examen en commission spéciale dans des conditions totalement inadmissibles pour fournir un travail parlementaire de qualité ; des objectifs qui ne sont pas à la hauteur des enjeux, un grand nombre d’intervenants l’ont démontré avant moi ; une absence totale de financement et un étude d’impact n’apportant aucune réponse sur les coûts, les choix politiques en matière de transition énergétique et de financement des mesures proposées à la représentation nationale ; aucune disposition en faveur de l’efficacité énergétique, de la modernisation des appareils de chauffage domestiques défectueux et des véhicules les plus polluants – et vous faites partie, madame la ministre, d’un gouvernement qui vient ce matin de sanctionner les femmes et les hommes qui prennent leur voiture pour aller travailler le matin, emmener leurs enfants à la crèche, à l’école, au foot le samedi après-midi, au théâtre, en augmentant le gazole de 4 centimes sans que l’on ait encore compris à quoi cela servirait, en tout cas pas à financer la transition énergétique ; des mesures qui vont complexifier le fonctionnement des collectivités territoriales, qui vont peser lourd et déboucheront localement sur des augmentations fiscales – vous allez faire porter aux élus locaux la responsabilité d’augmenter les impôts, assumez, madame la ministre, mesdames, messieurs de la majorité, la politique que vous voulez mettre en place : Voilà, en résumé, le texte que notre assemblée va devoir examiner dès la semaine prochaine.

Compte tenu de l’ensemble des arguments que je viens de vous exposer, nous sommes convaincus avec mes collègues du groupe UMP, et je sais qu’au fond, vous partagez également la même conviction,…

Mme Geneviève Gaillard. Mais non !

M. Martial Saddier. … de la nécessité de poursuivre et d’approfondir le travail déjà engagé la semaine dernière en commission spéciale. Je vous le répète, nous sommes prêts à travailler sur les 1027 amendements qui n’ont pas été sérieusement étudiés samedi dernier.

Je vous invite donc, et, vu les piètres conditions dans lesquelles nos travaux se sont déroulés la semaine dernière, particulièrement le samedi toute la journée, je ne doute absolument pas que vous serez nombreux et majoritaires sur les bancs de cet hémicycle, à voter en faveur de cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur Saddier, vous avez défendu une motion de renvoi en commission. Repartir en commission, ce ne serait pas de refus si nous avions le temps, tellement le travail a été agréable sous la présidence de M. François Brottes (Exclamations et applaudissements sur divers bancs),…

M. Jean-Yves Le Déaut. C’est vrai !

Mme Ségolène Royal, ministre. …avec l’ensemble des rapporteurs et des parlementaires, mais je suis au regret de vous dire que l’action nous attend.

Vous faites de la procédure alors que les Français attendent des emplois. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Damien Abad. C’est le respect du Parlement, ce n’est pas pareil !

Mme Ségolène Royal, ministre. Vous faites de la procédure alors que les Français attendent des baisses de factures. Vous faites de la procédure alors que les entreprises attendent d’investir.

M. Damien Abad. Ce n’est pas de la procédure, c’est le Parlement !

Mme Ségolène Royal, ministre. Vous faites de la procédure quand les collectivités locales attendent des encouragements.

Vous avez expliqué que j’avais mené un marathon à marche forcée. Je vous le confirme. L’honneur de la politique, c’est en effet de répondre aux urgences, qu’il s’agisse du climat, du chômage, du coût des importations des énergies fossiles, de la nécessité de baisser les factures des citoyens. Et c’est l’honneur des parlementaires qui, comme vous l’avez souligné, ont travaillé jour et nuit. À l’heure où les citoyens doutent de l’engagement de leurs élus, nul doute que le travail et le sérieux dont font preuve les députés de la majorité correspond davantage à ce qu’ils attendent que ce que vous proposez : attendre, attendre et encore attendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Martial Saddier. Nous proposons de retourner travailler !

Mme Ségolène Royal, ministre. Vous mettez en cause le travail de la commission, mais elle a fait un excellent travail, les rapporteurs également. Un grand nombre d’amendements ont été examinés et je voudrais à cet égard souligner le travail des services du ministère et de mon cabinet, qui a été totalement à la disposition des parlementaires.

Vous nous demandez où est le Grenelle, mais cessez de regarder dans le rétroviseur.

M. Martial Saddier. Je parlais de la méthode !

Mme Ségolène Royal, ministre. Regardez devant et avec nous.

D’ailleurs, lors du Grenelle, la gauche a refusé le sectarisme. Elle l’a voté en dépit des nombreuses déclarations d’intention, dont certaines étaient fort difficiles à mettre en application, vous le savez.

J’ai d’ailleurs été très étonnée tout à l’heure des propos relativement agressifs de M. Pancher alors que Jean-Louis Borloo s’est félicité de ce projet de loi de transition énergétique pour la croissance verte, qu’il l’a trouvé remarquable et adapté à ce dont le pays a besoin.

Vous avez le droit de penser que cela va trop vite, mais moi, je préfère écouter les entreprises, les citoyens, les régions, les outre-mer,…

M. François Vannson. C’est nouveau !

Mme Ségolène Royal, ministre. …qui nous disent qu’il faut accélérer pour créer des emplois et des activités, ce que ce projet de loi va permettre.

L’inertie et le statu quo seraient un choix coupable parce que la France prendrait un retard irrattrapable.

Vous avez parlé des élections sénatoriales. Mais j’étais moi-même grande électrice dans la région qui est la mienne et j’ai voté par procuration. Vous aviez la possibilité de faire de même.

Vous nous avez parlé du travail le samedi. Avouez qu’il est tout de même assez cocasse qu’un groupe parlementaire qui veut autoriser le travail le dimanche pour tous les Français refuse de venir travailler le samedi. (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Je fais donc avec la majorité de cette assemblée le choix de la responsabilité, de l’accélération, qui doit faire de la France une puissance de l’excellence environnementale, pour la mettre en avant de l’Europe, digne de recevoir le sommet mondial sur le climat l’année prochaine, avec la formidable vitrine que cela va représenter pour nos entreprises et pour nos régions.

M. François Vannson. Ce n’est pas le sujet !

Mme Ségolène Royal, ministre. Alors, monsieur Saddier et vous, mesdames, messieurs les parlementaires de l’opposition, en avant et pas en arrière. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je sens tout de même des encouragements à retrouver ce ton que nous avions en commission, avec des échanges de qualité. Je sais que ceux qui sont partis avant la fin le regrettent, et c’est un grand moment de solitude que nous avons vécu en vous écoutant, monsieur Saddier. J’entendais une plate-forme de revendications d’un député qui n’avait même pas fait le service minimum en commission et qui en demandait plus.

Vous avez siégé 40% du temps de nos travaux, ce n’est déjà pas si mal.

M. Martial Saddier. Vous plaisantez ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. J’ai les statistiques. Et 40% des députés UMP n’ont pas siégé du tout dans la commission spéciale. Il n’y a pas d’obligation ! Mais, si l’on s’inscrit dans une commission spéciale, c’est parce que l’on a envie d’y faire un travail. Ne pas y aller et dire ensuite que l’on a manqué de temps, c’est un petit peu incongru !

Il est vrai que cela fait partie des usages. Il m’est arrivé à moi-même de défendre des motions de procédure. On cherche des arguments à tout vent. En réalité, on n’en a pas sur le fond, on en cherche donc sur la forme. J’avoue que j’ai parfois fait cet exercice. Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt, pensais-je en écoutant.

M. Julien Aubert. Et quand le sage regarde le nucléaire ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Nous devons continuer à regarder la lune, c’est la planète qui nous intéresse dans cette affaire, je crois que vous en conviendrez. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Revenons sur l’historique puisque vous le souhaitez, mais nous n’allons y passer notre temps.

Voyons d’abord le Grenelle, cher à M. Pancher. Il n’y a pas eu d’étude d’impact sur le Grenelle.

M. Bertrand Pancher. Et la concertation ? Avec tous les acteurs ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Sur le Grenelle 2, il y a eu le temps programmé, et le couperet est tombé : à un moment, nous n’avons plus pu défendre nos amendements. Que venez-vous nous donner des leçons ? Franchement, ayez au moins l’humilité de reconnaître que vos propres turpitudes ne doivent pas servir d’exemple. Nous faisons tout pour que tel ne soit pas le cas mais, en tout état de cause, nous n’avons pas de leçon à recevoir sur ce plan. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Le Grenelle, nous l’avons voté, dans des circonstances sur lesquelles je vais revenir. Jean-Louis Borloo, un homme que je respecte,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Nous aussi !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Il est respecté sur un grand nombre de ces bancs. J’étais responsable sur ce texte pour le groupe socialiste à l’époque. Il nous a demandé expressément d’accélérer le débat parce qu’il souhaitait arriver à Bruxelles le week-end avec un texte voté le plus largement possible par l’Assemblée nationale française.

M. Jean-Yves Le Déaut. C’est vrai !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Nous avions tous en tête cet enjeu. Nous avons accepté de sacrifier un certain nombre d’amendements pour ne pas allonger les débats en ne retenant avec lui que quatre ou cinq sujets auxquels nous étions les plus attachés pour que la discussion du texte soit achevée avant son départ pour Bruxelles.

M. Martial Saddier. Mme Royal ne partait pas pour Bruxelles !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Vous nous donnez des leçons. Franchement, que ce soit sur le Grenelle 1 ou le Grenelle 2, vous pourriez avoir l’honnêteté de reconnaître que les procédés qui furent les vôtres dans la législature précédente n’étaient pas très honorables (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et que, pourtant, au nom des enjeux pour la planète, nous avons fait en sorte d’être constructifs, ce que vous n’avez pas été.

Plusieurs députés du groupe UMP. Regardez en avant !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Qui se sent morveux se mouche. Je comprends bien que ce que je dis vous gêne un peu…

Plusieurs députés du groupe UMP. Pas du tout !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. …mais je tenais tout de même à le rappeler parce que, très franchement, ce n’est pas très convenable de faire des procès alors que l’on a soi-même utilisé des méthodes bien pires.

Les commissions se réunissaient aussi le samedi dans la législature précédente.

M. Martial Saddier. Ce n’est pas le problème !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Comment donc nous le reprocher, alors que nous sommes tout de même là pour cela ? Nous sommes députés toute la semaine, du lundi au dimanche, nous sommes là pour travailler. Rien n’empêche de donner une procuration si l’on veut voter aux sénatoriales, Mme la ministre vient de le rappeler, et je l’avais signalé en commission. Je suppose d’ailleurs que certains l’ont fait.

Je crois que vous cherchez des arguments parce que vous cherchez des excuses.

M. François Vannson. C’est un faux débat !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Certes, vous seriez resté le samedi, nos travaux se seraient terminés non pas à vingt et une heures mais vers minuit ou une heure du matin,…

M. Julien Aubert. Merci qui ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. …mais nous aurions pris le temps d’aller au bout du débat comme nous l’avons toujours fait. Ceux qui ont suivi nos travaux, ils sont nombreux et j’ai eu de nombreux retours, ont été totalement satisfaits de la manière dont, sur le fond, nous avons parfaitement bien débattu,…

M. Martial Saddier. Il fallait trois jours pour finir !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. …dans la sérénité et une tonalité pas du tout politicienne, jusqu’au moment, monsieur Saddier, monsieur Aubert, où vous vous êtes dit que vous ne pouviez pas rester le samedi et qu’il fallait trouver un argument pour expliquer que vous partiez en claquant la porte.

M. Julien Aubert. Procès d’intention !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Vous avez fait un grand numéro. Comme c’était à la télé, cela a marché. De ce point de vue, monsieur Aubert, je vous rends hommage, vous êtes un spécialiste, je ne vous arrive pas à la cheville. Pour transformer en spectacle ce moment où vous êtes offusqué, indigné, vous êtes champion. Il y a ainsi des gens qui ont du talent, vous avez ce talent-là. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La sincérité de l’humiliation que vous êtes en train de vivre est par contre quelque chose qui, parfois, m’échappe, mais cela fait partie du jeu politicien.



Quand on veut travailler plus encore, il faut au moins avoir fait le service minimum, notion à laquelle vous êtes aussi très attachés.



Je le répète, nous avons siégé pendant quatre-vingts heures. Regardez d’ailleurs dans les archives de l’Assemblée nationale combien de commissions, spéciales ou pas, ont siégé quatre-vingts heures sur un texte. Vous n’en trouverez pas beaucoup dans les dernières législatures.



Nous avons travaillé dans un temps concentré, je le reconnais. Personne ne considère que nous nous sommes étalés dans le temps. Il y a la contrainte de la loi de finances qui arrive, il y a la nécessité impérieuse de voter un texte attendu, sur lequel beaucoup de gens ont travaillé, y compris un certain nombre de parlementaires. Mais cela ne nous a pas empêchés de faire du travail convenable, vous l’avez d’ailleurs plus ou moins reconnu, c’est en tout cas ce que j’ai compris.

M. Martial Saddier. Les trois premiers jours, oui.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Les cinq rapporteurs ont mené parallèlement des auditions puisqu’ils n’étaient pas en commission quand les sujets ne les concernaient pas. Ils ont rencontré 206 personnes et ont fait un travail énorme, comme le président de la commission dans les auditions qu’il a menées.

Bref, à aucun moment, nous n’avons sacrifié la concertation, lésé le Parlement et les parlementaires qui ont bien voulu travailler.

Monsieur Aubert, vous avez participé à 99% du travail de la commission.

Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je vous rends hommage parce que vous avez été présent, constructif. Après, il y a la sortie, qu’il fallait gérer.

M. Julien Aubert. C’est comme pour le nucléaire, il faut gérer !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Vous étiez un peu seul, et je fais preuve de sollicitude. Je comprends qu’à un moment, vous en ayez eu marre de porter tout seul le fardeau du débat et de la confrontation et que vous ayez décidé de vous en aller.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Mais restez avec nous jusqu’à la fin en séance publique, monsieur Aubert, car il y aura encore beaucoup de débats et de confrontations. D’ailleurs, en vertu de l’article 88, nous nous retrouverons en commission la semaine prochaine afin d’examiner les derniers amendements. Pour l’instant, il me semble qu’il ne faut plus retarder le débat sur ce texte, à cause de sujets relevant plus de la peccadille…

M. Martial Saddier. Le nucléaire !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. …et de la cour de récréation que du fond dont l’enjeu concerne la planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote. La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gabriel Serville. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine se prononcera contre cette motion également. En ce qui me concerne, ce n’est ni de l’obsession, ni de l’entêtement, mais une question de survie ou, à tout le moins, une nécessité de rétablir davantage d’équité. Vous me pardonnerez donc de profiter de cette rare tribune pour vous faire part une nouvelle fois des difficultés que rencontre le territoire de la Guyane que je représente et rappeler l’importance primordiale que revêt cette ambitieuse réforme.

De fait, la croissance exponentielle de la population entraîne automatiquement une forte hausse de la demande en énergie, qui menace, et ce quels que soient les scenarii étudiés, la sécurité de notre approvisionnement énergétique à plus ou moins long terme. Qui plus est, il s’avère très difficile pour les élus et les administrations de faire passer le message de la nécessité de rationaliser notre consommation en énergie, alors même qu’une grande partie de la population accède à peine aux modes de vie dits « normaux » avec tout ce qu’ils comportent d’appareils électriques à forte consommation et autres véhicules à moteur. Ce texte arrive donc à une période charnière de notre histoire.

Alors que se pose la question de la construction d’un deuxième barrage hydroélectrique, il est impératif que nous posions les bases d’une diversification du mix énergétique local, car les ressources ne manquent pas. Je rappelle au passage que le barrage de Petit-Saut, qui est le plus grand barrage de France, produit 64 % de l’énergie électrique de la région, après avoir nécessité l’ennoiement d’une surface équivalente à celle de l’Île-de-France en forêt amazonienne profonde. La biomasse, l’éolien ou la micro-hydroélectricité sont autant de filières prometteuses qui souffrent fortement de coûts de développement trop élevés et d’un manque de compétitivité face aux énergies dites traditionnelles. On ne compte plus les projets ambitieux qui ont dû être abandonnés, faute de volonté politique, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.

J’espère, madame la ministre, qu’avec ce texte nous saurons envoyer aux porteurs de projets un signal très fort leur annonçant que nous sommes prêts à faire de la Guyane et de l’ensemble des outre-mer de véritables laboratoires de l’excellence environnementale. Nous en avons les moyens, mais il ne faut plus perdre de temps. Cher collègue Saddier, c’est vrai que nous ne pouvons plus attendre : c’est pourquoi le groupe GDR va voter contre cette motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. Sur la motion de renvoi en commission, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Luc Bleunven, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Luc Bleunven. L’opposition remet en question le travail réalisé ces derniers jours en commission. Les rapporteurs et l’ensemble des commissaires ont fait preuve d’une écoute très large et je crois que l’on peut dire que l’ensemble de la société civile et des parties concernées ont été entendues. L’attente d’une prise en compte législative des enjeux de la transition énergétique est particulièrement forte. Aussi est-il de notre responsabilité, à nous les élus de la société civile, de nous saisir de ces enjeux et de les traduire en possibilité d’actions sans tarder, dans une perspective à long terme. Ces sujets qui peuvent, pour certains, être anxiogènes, ajoutés aux difficultés économiques du moment, ne méritent pas que nous perdions du temps dans des méandres de procédure.

M. Saddier, vous avez passé beaucoup de temps sur la forme et votre caricature d’argumentaire relève, sans doute, plutôt de l’humour. Les parlementaires du groupe SRC qui ont participé aux travaux de la commission spéciale ne partagent pas votre avis. Le travail du samedi n’est en rien exceptionnel. Les députés ont des droits, mais ils ont aussi des devoirs, dont celui de s’organiser pour être en commission s’ils souhaitent intervenir sur un texte. Le Parlement a aussi le devoir de travailler dans une certaine contrainte, lorsque cela est nécessaire. En ces temps d’évolution rapide du monde, il est aussi de notre rôle d’être au rendez-vous des changements à orchestrer. Cela étant, j’ai noté que, sur le fond, vous rejoigniez une partie des orientations du texte.

Le projet de loi fait de la France l’un des États membres de l’Union européenne les plus engagés dans la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique. À l’approche de la conférence sur le climat à Paris en 2015, il traduit l’ambition française dans le cadre des négociations internationales. Des mesures concrètes et urgentes, qui concernent l’ensemble des Français, y trouvent leur traduction. Comme l’a rappelé Mme la ministre en commission, la croissance verte, dans laquelle le projet de loi vise à engager la France, est le levier de sortie de crise le plus efficace et le plus rapide si toutes les forces vives du pays se mobilisent ensemble, notamment pour passer rapidement des commandes dans les métiers des travaux publics et du bâtiment.

Que ce soit dans le cadre des mobilités, où nous devons donner rapidement de la visibilité aux acteurs pour déployer les infrastructures sans lesquelles cette transition ne se fera pas, ou dans celui du logement avec le crédit d’impôt, la relance des prêts à taux zéro et le chèque énergie, toutes les initiatives ont besoin de se traduire au plus tôt dans le quotidien de nos concitoyens. Il s’agit d’amplifier le travail anticipé dans les territoires. Nous ne pouvons pas attendre, car cette loi est réellement attendue. Elle rassemble les éléments du cadre de travail qui permettra à la France de se préparer un avenir. Le débat sur l’énergie et l’adaptation de notre société aux mutations climatiques ne s’arrêtera pas avec ce texte. Il doit être permanent, car l’évolution des technologies nous imposera inévitablement des réajustements. Ce texte donne un cap, il est une trajectoire dont chaque citoyen fera le meilleur usage.

Nous n’attendrons pas un ralentissement de la procédure. Au contraire, notre devoir est de montrer qu’il y a urgence à engager cette transition et l’efficacité de la procédure législative doit en donner le signal de départ. C’est pourquoi je vous invite à voter contre la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Yves Caullet. C’est vrai que Martial Saddier n’avait pas été très clair !

M. Julien Aubert. Merci, madame le président.

Mme la présidente. La présidente !

M. Julien Aubert. Vous avez entendu l’exposé de mon brillant collègue, qui n’était d’ailleurs pas tant un exposé qu’un réquisitoire ! J’ai entendu la voix de la défense, mais je n’ai guère été convaincu par son argumentaire. Madame le ministre (« Madame la ministre ! », sur plusieurs bancs du groupe SRC), vous dites qu’il s’agit d’un marathon, mais soixante-sept heures en quinze jours, ce n’est pas un marathon, c’est un sprint ! Vous invoquez l’urgence pour expliquer qu’il faut absolument rester dans l’hémicycle. C’est incroyable ! Nous sommes en train de voter une loi qui va jusqu’à 2050, nous planifions l’énergie jusqu’à la fin du siècle quasiment, mais, hélas, si nous reculons d’une heure, d’une journée ou d’une semaine l’examen du texte, la face du monde et de la France en sera changée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Que ne s’est-on pressé avant ! Pourquoi avoir pris tout ce temps ? Pourquoi deux années de concertation pour aboutir à un texte de loi qui s’écarte totalement du consensus des acteurs et des parties prenantes ? Nous ne comprenons plus rien à l’UMP ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Pourquoi avoir pris autant de temps plus tôt et nous expliquer qu’il faut, maintenant, être dans l’urgence ? Vous êtes tellement plus intelligents que nous dans la majorité ! La preuve en est que vous parvenez à avoir la même qualité de débat lorsque l’opposition n’est pas là, c’est-à-dire que vous êtes trois fois plus rapides, puisque vous examinez 1 000 amendements en une journée, quand nous, nous vous ralentissons avec toutes nos questions et nos objections. Certains appellent cela de la procédure,…

Mme Cécile Duflot. La preuve !

M. Julien Aubert. …nous l’appelons le Parlement. C’est une question de terminologie. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Avant de conclure mon intervention, je voudrais rectifier quelques remarques qui étaient complètement erronées. Tout d’abord, vous avez attaqué mon collègue Martial Saddier sur sa présence en commission. Monsieur Brottes, il a été présent d’un bout à l’autre du travail sur les amendements, et non pas 40 % du temps comme vous l’avez dit. D’ailleurs, si vous voulez faire des fiches de présence, monsieur le président, je serais ravi de connaître les statistiques des députés socialistes. En effet, quand nous avons quitté la commission spéciale à deux heures du matin le samedi, si l’on met de côté les rapporteurs, il y avait sept députés socialistes et un député radical.

M. Jean-Yves Caullet. Et vous étiez deux !

M. Julien Aubert. Alors ne venez pas nous donner des leçons de présence ! Vous avez également omis de signaler quelques points que je dois préciser, pour l’édification de ceux qui liront un jour nos débats et comprendront pourquoi cette loi n’est ni faite ni à faire et comment nous avons pu en arriver là. L’opposition n’avait jamais dit qu’elle ne souhaitait pas travailler le samedi : elle vous a proposé de faire une nuit blanche, monsieur le président, d’aller jusqu’au matin pour terminer le texte, et vous avez refusé ! Si nous vous l’avons proposé, c’est parce que non seulement le dimanche était effectivement un jour de vote, mais que nous étions un jour de grève. Par conséquent, il n’était pas aisé de retourner dans nos circonscriptions et nous avons été obligés de partir, à un certain moment, pour accomplir notre devoir électoral.

Il était beaucoup plus compréhensible d’élargir le calendrier parlementaire, ce qui nous aurait permis d’examiner en trois jours la fin des amendements et de gagner du temps aujourd’hui. En effet, nous n’aurions probablement pas déposé de motion de renvoi en commission. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je veux également signaler la mauvaise foi du président Brottes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) qui nous dit qu’il n’y a pas eu d’étude d’impact pour la loi Grenelle. Mais c’était avant les dispositions législatives qui imposaient les études d’impact ! Je vous pardonne, monsieur le président, il vous est si urgent de faire parvenir ce texte à son objectif que vous en oubliez parfois les détails et quelquefois la concertation. Mais comme nous disons souvent à l’UMP, nous sommes pour la concertation, et nous sommes même pour que la concertation aille jusqu’aux députés de l’opposition. Vous voyez à quel point nous sommes larges d’esprit.

Cela dit, madame le ministre, il faudrait prendre quelques mesures avant votre grand bond en avant, à la chinoise. Nous ne manquons pas d’énergie, comme vous pouvez le constater, et nous vous proposons donc de revenir au charbon ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Bertrand Pancher. Vous avez voulu faire un coup politique,…

M. Christian Jacob. Un mauvais coup plutôt !

M. Bertrand Pancher. …en faisant très rapidement passer le texte de loi, alors que l’on vous avait dit qu’il ne passerait jamais, compte tenu du temps nécessaire pour l’examiner. Ce coup politique fait « pschitt » et nous nous rendons tous compte des conditions de travail exécrables du Parlement. D’ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à déplorer cette absence de concertation et ces conditions de travail, puisque, ce matin même, devant l’Assemblée nationale, la plus grande association environnementale, France Nature Environnement, était en train de manifester et de distribuer des boulets aux parlementaires qui passaient, en dénonçant l’ensemble des lobbies. Dans mon intervention à la presse, qui était présente, loin d’attaquer ces organisations environnementales, j’ai souligné que si nous en étions arrivés là, c’était à cause d’une cacophonie telle que nous avions eu à examiner en très peu de temps d’un nombre d’amendements inédit dans notre histoire parlementaire récente.

Mme Martine Lignières-Cassou. Voyons !

M. Bertrand Pancher. Je voudrais dresser rapidement l’historique de ce texte. Cela fait deux ans que nous attendons la loi sur la transition énergétique. Le groupe UDI a tenté de travailler sur ce texte, madame la ministre, mais à chaque fois que nous nous adressions à un ministre, celui-ci nous disait d’attendre car il venait de prendre ses fonctions. Lorsque nous allions le revoir, le même nous expliquait être sur le départ. Puis c’était au tour de son successeur de nous dire qu’il n’avait pas encore ouvert le dossier, avant qu’il ne parte à son tour… (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme Martine Lignières-Cassou. C’est petit.

M. Julien Aubert. Excellent !

M. Bertrand Pancher. Et quand le ministre était en place, c’était les membres de son cabinet qui changeaient. À tel point que la version définitive n’a été présentée en conseil des ministres qu’en début d’été. Pas de chance pour celles et ceux qui ont planché dessus : elle a été corrigée de bout en bout en plein mois d’août !

M. Julien Aubert. Un texte sans transition ! (Sourires.)

M. Bertrand Pancher. De retour de vacances, nous découvrons un nouveau texte. Les grandes organisations, auxquelles nous nous adressons, nous expliquent qu’il a été préparé dans la plus grande des précipitations. Les membres du Conseil économique, social et environnemental eux-mêmes nous disent avoir été obligés de remettre leur rapport peu de temps après sa saisine. Cela n’est pas sérieux !

Nous aurions souhaité travailler en commission dans des conditions normales, mais cela n’a pas été le cas. Nous souhaitions examiner le texte en séance publique sans temps programmé, et sans que la procédure accélérée fût engagée ; cela n’a pas été non plus le cas ! Sans cela, nous ne serions pas en train de nous exclamer et nous débuterions nos travaux.

Jamais nous n’avons travaillé dans de telles conditions, qui plus est sur un texte annoncé comme l’un des plus importants de la législature. Franchement, quel spectacle nous donnons à l’ensemble de nos concitoyens et à toutes celles et ceux qui ont voulu travailler sincèrement sur ce texte de loi !

C’est un grand rendez-vous manqué, madame la ministre ! Nous souhaiterions voir ce texte renvoyé en commission. Nous ne sommes pas à quelques semaines près, pas même à quelques mois près, s’il s’agit de faire une grande loi sur la transition énergétique. C’est la raison pour laquelle nous voterons cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants70
Nombre de suffrages exprimés70
Majorité absolue36
Pour l’adoption28
contre42

(La motion de renvoi en commission n’est pas adoptée.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly