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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 16 octobre 2014

SOMMAIRE

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Projet de loi de finances pour 2015

Première partie (suite)

Article 6

Amendement no 789

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Amendements nos 811 , 711 , 714 , 650 , 291 rectifié , 198 , 289 , 200 , 292 , 651 , 806 rectifié , 724 , 786 rectifié

Après l’article 6

Amendement no 190

Suspension et reprise de la séance

Réserve des votes

Rappel au règlement

M. Jérôme Chartier

Après l’article 6 (suite)

Amendement no 45

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Levée de la réserve des votes

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

Rappel au règlement

M. Nicolas Sansu

Après l’article 6 (suite)

Amendements nos 77, deuxième rectification

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

Amendements nos 627, troisième rectification , 50 , 147 , 431 , 54 , 11 , 693 , 9, 10 , 189 rectifié , 283 rectifié , 493 , 471 , 213 , 295 , 743 , 595

Réserve du vote

Rappel au règlement

Mme Marie-Christine Dalloz

Après l’article 6 (suite)

Amendements nos 458 deuxième rectification , 465 , 459 , 130

Suspension et reprise de la séance

Amendement no 565

Réserve du vote

Amendement no 556

Réserve du vote

Amendement no 694

Réserve du vote

Amendements nos 386 , 434 , 688 , 579

Réserve du vote

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2015

Première partie (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2015 (nos 2234, 2260).

Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la première partie, s’arrêtant à l’amendement n419 portant article additionnel après l’article 5.

Article 6

Mme la présidente. Aucun amendement portant article additionnel après l’article 5 n’étant défendu, la parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n789 tendant à supprimer l’article 6.

M. Nicolas Sansu. Je vous prie d’excuser ma présence, madame la présidente. (Sourires)

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, cet amendement tend à supprimer l’article 6 de ce projet de loi de finances, qui instaure des abattements exceptionnels de 100 000 euros sur les droits de mutation à titre gratuit, d’une part, et sur les terrains à bâtir, d’autre part.

Vous l’avez compris, cet amendement est cohérent avec ce que nous avons dit de l’article 5. Nous reprenons donc le débat, puisque cet article 5 traitait de mécanismes permettant l’accumulation et la concentration du patrimoine, notamment au sein des familles les plus aisées. Ici, il s’agit en quelque sorte du deuxième étage de la fusée dans la mesure où, le Gouvernement ayant levé la condition de ne pas louer le logement neuf à son ascendant ou à son descendant, il permet, avec cet article 6, la donation du bien avec un abattement.

Cela contribuera, comme les dispositions de l’article 5, à la reproduction, voire au creusement des inégalités patrimoniales. Je rappelle, et M. le secrétaire d’État en était d’accord, que l’hyper-concentration des richesses et des revenus provient d’abord de l’hyper-concentration des patrimoines, avant même celle des revenus.

Ces abattements reviennent à faire financer par la collectivité, en la privant de ressources dont elle a besoin, cette concentration du patrimoine.

Notre amendement tend donc à supprimer ces mécanismes.

J’ajoute que quelques questions se posent concernant les collectivités territoriales, puisqu’il s’agit de droits de mutation. Je souhaiterais connaître l’impact de cet article sur leurs finances, puisqu’elles perçoivent une partie de ces droits de mutation.

Sur les abattements, nous découvrons quelque chose de tout à fait nouveau, puisque l’article 6 prévoit, s’agissant des immeubles neufs, une exonération de droits à concurrence de 35 000 euros, en cas de donation entre vifs – même pas entre ascendant et descendant. Beaucoup de questions se posent donc.

Encore une fois, nous ne pensons pas que la disposition figurant dans cet article soit le meilleur vecteur pour relancer la production et la construction de logements et donc pour soutenir le secteur du bâtiment et des travaux publics.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Je ne peux qu’être défavorable à cet amendement, dont l’adoption reviendrait à supprimer le dispositif, proposé par le Gouvernement, visant à relancer la construction.

(L’amendement n789 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n811.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement vise à aligner le régime de la donation de terrains à bâtir sur celui de la donation d’immeubles neufs, en prévoyant un abattement dégressif en fonction du lien de parenté entre le donateur et le bénéficiaire. La commission a émis un avis favorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement particulièrement opportun.

(L’amendement n811 est adopté et l’amendement n649 tombe.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement rédactionnel, n711, de Mme Valérie Rabault.

(L’amendement n711, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de précision, n714, de Mme Valérie Rabault.

(L’amendement n714, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement n650.

M. Daniel Goldberg. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil de celui de Mme la rapporteure générale examiné tout à l’heure : je considère qu’il faut un peu réguler, ou en tout cas normer, les dispositifs qui sont prévus par le Gouvernement dans cet article 6.

Je m’explique : aujourd’hui, dans notre législation actuelle, chaque parent peut, tous les quinze ans, transmettre à son enfant la somme de 31 865 euros. Par ailleurs, chaque parent peut, de plus, effectuer une donation, sous forme de biens et de titres, également tous les quinze ans, d’un montant de 100 000 euros.

Si un même destinataire a déjà bénéficié à plein des dispositifs actuels – c’est-à-dire deux fois 31 865 euros plus deux fois 100 000 euros –, il a déjà reçu environ 260 000 euros. Si l’on ajoute à ces dispositifs ceux prévus dans cet article 6, cela fait beaucoup, en termes d’avantages.

L’amendement que je vous propose, avec les collègues qui en sont cosignataires, vise donc simplement à limiter le cumul possible entre ces dispositifs et ceux résultant de l’article 6. Il prévoit en effet que si un même bénéficiaire a déjà perçu, au cours des dix années écoulées, 100 000 euros soit pour des terrains, soit pour des biens construits, il ne peut pas bénéficier des dispositions de l’article 6.

Il ne s’agit en fait que d’un contrôle visant à s’assurer que les deux dispositifs ne se juxtaposent pas.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a repoussé cet amendement. Encore une fois, l’objectif de l’article 6 est de donner un coup d’accélérateur à la relance du logement. Il s’agit, de plus, de dispositifs ayant une durée limitée.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En complément, je voudrais ajouter que l’application de ces mesures ne fait pas obstacle à la règle de droit commun de rappel des donations. L’amendement viendrait complexifier l’ensemble des dispositifs, puisque la règle de rappel s’applique au bout de quinze ans, et qu’il propose un délai de dix ans, ce qui paraît particulièrement compliqué à mettre en œuvre. La mesure incitative est posée à l’article 6 : le Gouvernement n’est pas favorable à votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Je remercie M. le secrétaire d’État de ces précisions. Si je comprends bien, comme il vient de dire que la règle de droit commun s’appliquait, cela signifie-t-il qu’un bénéficiaire de donation qui aurait déjà atteint ou en partie le plafond, ou qui l’atteindrait avec les deux types de donations qui sont prévues dans cet article, se verrait appliquer le plafond actuel de 260 000 euros ?

Si c’était le cas, retirer mon amendement ne me poserait aucun souci. Mais je souhaite obtenir cette précision.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non, monsieur Goldberg, les choses sont claires, l’abattement de 100 000 euros visé par l’article 6 vient en supplément des dispositifs de droit commun existants.

M. Nicolas Sansu. C’est open bar !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je précisais qu’il n’y a pas lieu de fusionner les deux dispositifs, et donc le rappel n’aurait lieu que si une succession intervenait dans un délai de quinze ans à compter de la première donation à laquelle vous faites allusion. Le rappel des droits ne porterait que sur la fraction de la première donation et non pas sur l’abattement supplémentaire de 100 000 euros.

Il s’agit bien d’un abattement supplémentaire pour fournir un élément incitatif à la construction.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Je retire l’amendement.

(L’amendement n650 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n291 rectifié.

M. Gilles Lurton. Pour soutenir la construction et l’acquisition de logements neufs, le projet de loi prévoit un abattement supplémentaire de 100 000 euros en cas de donation, plafonné à ce montant par donateur.

Afin d’obtenir un véritable effet de levier sur la construction de logements neufs et de favoriser les transmissions inter-générationnelles, il est proposé par cet amendement d’appliquer ce plafond par bénéficiaire et non plus par donateur.

J’ajoute que cette limite serait limitée dans le temps puisqu’elle ne concernerait que les programmes dont le permis de construire serait déposé avant le 31 décembre 2016.

M. Charles de Courson. Je crois que M. Lurton a commis une erreur. Il vient de défendre un autre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Le dispositif qui nous est proposé dans l’article 6 vise des transmissions en pleine propriété, c’est-à-dire portant sur l’usufruit et la nue-propriété.

L’amendement n291 rectifié vise, lui, à permettre une dissociation entre le régime de la nue-propriété et celui de l’usufruit.

Si une donation est effectuée sous forme de nue-propriété, le donateur conserve l’usufruit du bien. Il reste donc dans le logement dont a été donnée la nue-propriété, ce qui n’a aucun effet sur la relance de la construction, puisque par définition celui qui occupe le logement concerné y reste. Il n’y a donc pas d’incitation à construire un nouveau logement. Cela nuit donc au dispositif tel qu’il a été pensé, puisqu’il n’aurait plus aucun effet sur la construction de logements. C’est pour cette raison que la commission a repoussé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage l’avis de la rapporteure générale. Si nous adoptions cet amendement, le dispositif ne serait plus destiné qu’à favoriser et à optimiser la transmission du patrimoine, ce qui n’est pas du tout l’objet de l’article. Le Gouvernement y est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le secrétaire d’État, il faut faire attention car dans certaines situations le propriétaire de la nue-propriété et de l’usufruit ne se confondent pas. Il peut se trouver des situations de démembrement.

Dans ce cas, vous allez geler la situation. Dans un grand nombre de successions, on laisse à la veuve l’usufruit toute sa vie et les autres héritiers sont nus-propriétaires. Ce n’est pas un cas théorique. Comment ce dispositif incitatif peut-il alors s’appliquer ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il ne s’applique pas.

M. Charles de Courson. Si les nus-propriétaires font un don à l’usufruitier – en général, on donne l’usufruit à la veuve mais cela peut être l’inverse, il y a tous les cas de figure –, est-ce que le dispositif marchera ?

M. Marc Le Fur. C’est très banal comme situation !

(L’amendement n291 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 198 et 289.

La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l’amendement n198.

M. Olivier Carré. Cet amendement vise à la fois à pousser le dispositif jusqu’au bout puisqu’il propose que les 100 000 euros soient le plafond par bénéficiaire – on se situe donc du côté de ceux qui recevront l’avantage – et à permettre au Gouvernement de clarifier ce point qui, pour moi, n’est pas très clair.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n289.

M. Gilles Lurton. Je vous prie de m’excuser, je l’ai défendu tout à l’heure à la place de l’amendement n291 rectifié. Il est donc défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a repoussé ces amendements. Ils font partie des 320 amendements du groupe UMP qui augmentent encore la dépense publique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous nous sommes demandé si un dispositif fiscal pouvait poursuivre plusieurs objectifs à la fois. Notre objectif, c’est bien de relancer la construction de logements. C’est la raison pour laquelle l’article 6 prévoit bien un plafond par donateur.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Défavorable. La situation s’apprécie par rapport à celui qui donne, et non pas à celui qui reçoit. C’est bien l’esprit, et cela permet déjà un fort effet de levier.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Pour gagner du temps, mes chers collègues de l’UMP, je propose que l’on supprime les droits de succession !

M. Dominique Baert. Ils en rêvent !

M. Nicolas Sansu. Finalement ce que vous souhaitez, c’est qu’il n’y ait plus de fiscalité du patrimoine. À un moment, trop, c’est trop. Je veux bien admettre que vous avez été bien aidés par le Gouvernement avec l’article 5, puis l’article 6, qui ajoute des facilités dans la transmission du patrimoine, mais vous poussez tout de même le bouchon un peu loin.

(Les amendements identiques nos 198 et 289 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 200, 292 et 651, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 200 et 292 sont identiques.

La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l’amendement n200.

M. Olivier Carré. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n292.

M. Gilles Lurton. Pour soutenir la construction et l’acquisition de logements neufs, le projet de loi prévoit un abattement supplémentaire de 100 000 euros en cas de donation d’un immeuble neuf à usage d’habitation n’ayant jamais été occupé.

Une telle disposition nous paraît assez difficile à mettre en œuvre puisque, dans la plupart des cas, un logement neuf est acquis avec un crédit assorti d’une hypothèque ou d’un cautionnement. La banque créditrice hésitera à accorder le prêt s’il est suivi par un transfert de propriété.

Aussi, nous proposons de viser les dons manuels contribuant à l’acquisition par un ayant droit d’un logement répondant aux conditions fixées par les dispositions du projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement n651.

M. Daniel Goldberg. Je me pose aussi des questions sur le dispositif prévu par le Gouvernement, qui permet de céder à un proche tout ou partie d’un immeuble avec un abattement dégressif allant jusqu’à 100 000 euros.

Admettons, cas le plus courant, que l’un des parents veuille faire une donation à l’un de ses enfants, qui, le plus souvent, a moins de moyens que lui. On est dans du logement neuf, il vient donc d’acquérir le bien ou est en train de l’acquérir. Pour 95 % au moins de ceux qui font une telle démarche, l’achat est assujetti à un prêt, avec, généralement, un cautionnement ou une hypothèque. J’imagine mal que celui qui a apporté le prêt ou permis le cautionnement ou l’hypothèque se contente, lors du transfert de propriété, de juger le donataire, c’est-à-dire l’enfant, sur la bonne foi des ressources de son père ou de sa mère, le donateur. Il se pose donc un problème technique pour le fonctionnement de ce dispositif.

C’est la raison pour laquelle, tout en souhaitant un contrôle et un encadrement, et je reviendrai sans doute en deuxième lecture avec un dispositif plus abouti que celui que j’ai proposé tout à l’heure, je pense que, si l’on veut que le dispositif fonctionne, y compris pour permettre la transmission d’un bien construit, la donation doit pouvoir être faite en numéraires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission les a repoussés.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements : le risque de pouvoir contourner le dispositif nous paraît beaucoup trop élevé. C’est une mesure destinée uniquement à favoriser la construction, elle ne doit pas favoriser l’optimisation au moment de la transmission.

M. Daniel Goldberg. Je retire mon amendement.

(L’amendement n651 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je ne le trouvais pas si mal, l’amendement Goldberg.

Quelle différence y a-t-il, monsieur le secrétaire d’État, entre acheter un terrain constructible puis le donner à l’un de ses enfants, et lui donner de l’argent pour qu’il l’achète directement ? La différence, c’est que l’on ne paie pas de droits de mutation à titre onéreux aux conseils généraux. Vous économisez environ 6 % de frais de transaction, mais c’est exactement la même chose. Mes collègues avaient raison de poser la question, parce que c’est neutre.

M. Olivier Carré. C’est la même chose !

M. Charles de Courson. Si vous achetez un terrain constructible et que vous le donnez à l’un de vos enfants une semaine plus tard, vous êtes éligible au dispositif de l’article 6. Si vous lui donnez l’équivalent en numéraires pour acheter le terrain, quelle est la différence ?

M. Henri Emmanuelli. C’est votre obsession !

M. Charles de Courson. Ce n’est pas le genre de choses qui m’obsèdent, monsieur Emmanuelli.

Est-ce que je me trompe, monsieur le secrétaire d’État ?

Plusieurs députés du groupe SRC. Oui !

M. Charles de Courson. Tel que le texte est rédigé, non.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Pour aller dans le même sens, pourriez-vous nous expliquer, monsieur le secrétaire d’État, ce que vous entendez par détournement de façon à expliciter votre pensée ?

Si vous êtes convaincant, je retirerai mon amendement, parce que, je partage votre avis, le dispositif ne doit pas être contourné et permettre des comportements contraires à l’objectif fixé, mais je crains qu’il n’y ait une sorte de paranoïa de la part de l’exécutif sur ces questions qui me paraissent simples et, sinon consensuelles car je vois assez bien quel sera le résultat du vote, en tout cas partagées sur les bancs de cette assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les risques de contournement sont nombreux. Il est d’abord difficile d’effectuer des contrôles, monsieur Carré. Dans quels délais faut-il employer cette somme ? Imaginons par ailleurs que la mesure bénéficie à un enfant qui a lui-même de l’argent. Il reçoit 100 000 euros et utilise son propre argent pour acheter. On aura ainsi contourné le dispositif et transmis 100 000 euros exonérés de droits.

L’imagination créative des cabinets conseils, pour ne pas dire…

M. Henri Emmanuelli. D’optimisation fiscale !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …permettrait évidemment, avec une donation en numéraires, de contourner le dispositif, qu’il deviendrait extrêmement difficile de contrôler.

Je suis donc totalement défavorable à ces amendements.

(Les amendements identiques nos 200 et 292 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement n806 rectifié.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement tend à imposer que l’immeuble neuf soit inutilisé au moment de la donation. Il a été accepté par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement est tout à fait opportun. Il permet de bien contrôler le dispositif. Le Gouvernement y est favorable.

(L’amendement n806 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement n724.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n724, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement n786 rectifié.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’article 6 prévoit deux exonérations partielles. Cet amendement tend à garantir que la mesure ne sera pas détournée de son objectif. Il prévoit non seulement qu’en cas de non-respect de l’engagement à construire, le bénéficiaire sera appelé à rembourser les avantages indûment reçus en capital et intérêts comme le prévoit le droit commun mais, en plus, qu’il devra acquitter un droit complémentaire égal à 15 % de l’avantage fiscal au cas où l’ensemble des conditions de l’article ne seraient pas réalisées.

Cet amendement a été accepté par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si j’ai bien compris, madame la rapporteure générale, il n’y a pas de pénalité lorsque l’impossibilité de construire est liée à un cas de force majeure : licenciement, invalidité, décès, etc. Cela me paraît de bon sens. Cependant, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement est intéressant mais le dernier alinéa fera l’objet, je pense, d’un grand nombre de commentaires.

La disposition proposée « n’est pas applicable en cas de licenciement, d’invalidité […], de décès du donataire ou de l’une des personnes soumises à imposition commune avec lui » ou lorsque le donataire ne respecte pas ces conditions « en raison de circonstances exceptionnelles indépendantes de sa volonté ». Eh bien, les enfants, on va faire travailler la jurisprudence !

L’idée ne me choque pas, et les sénateurs vont se réjouir de pouvoir peaufiner un tel texte, mais c’est tout de même une rédaction un peu molle.

Mme Marie-Christine Dalloz. Au niveau du droit, c’est tout de même trop large !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Monsieur de Courson, cette rédaction existe déjà dans notre droit fiscal, et nous l’avons reprise telle qu’elle existe aujourd’hui.

M. Charles de Courson. Que dit la jurisprudence ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Le juge peut avoir une interprétation ou considérer la jurisprudence, mais c’est ce qui existe déjà aujourd’hui.

(L’amendement n786 rectifié est adopté.)

(L’article 6, amendé, est adopté.)

Après l’article 6

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour soutenir l’amendement n190 portant article additionnel après l’article 6.

M. Henri Emmanuelli. Il s’agit d’un amendement technique en apparence, mais qui a en réalité un objectif économique : soutenir l’investissement. Mon intervention sera courte à ce stade, parce que je m’exprimerai un peu plus longuement sur un autre amendement qui vient plus tard. Nous avons deux reculs de l’investissement dans l’industrie manufacturière : une baisse de 0,6 % au premier trimestre et une de 0,7 % au second, ou l’inverse, peu importe, et cela ne s’annonce pas mieux pour le deuxième semestre. Il y a une mesure technique qui permet d’accélérer l’investissement, c’est de modifier le coefficient d’amortissement dégressif et de l’augmenter de 0,25 point.

Cette mesure pourrait être financée, monsieur le secrétaire d’État, par les crédits non utilisés du CICE, puisque vous savez qu’actuellement, sur les 12 milliards d’euros prévus, seuls 8,6 milliards d’euros sont utilisés. Certes, l’inconvénient de ce genre de mesures est qu’en général, après une accélération, on peut observer un plat, mais compte tenu de ce que sera la conjoncture en 2015, je crois qu’il vaudrait mieux rechercher l’accélération.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’amendement est effectivement très intéressant, pour ce qui concerne la partie amortissement, avec la revalorisation des coefficients. Par contre, sa principale faiblesse, c’est son gage. J’entends bien qu’il peut y avoir des crédits du CICE qui ne soient pas totalement utilisés ; pour autant, les créances existent en droit et il n’est pas possible de les déboucler de la manière que vous proposez. C’est pour cette raison que la commission a rejeté votre amendement.

M. Dominique Baert. Et elle a eu raison !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. Cette mesure majore les coefficients d’amortissement, ce qui conduit mécaniquement à augmenter le coût du dispositif, ce qui n’a échappé à personne. Cela dit, étendre le dispositif de l’amortissement dégressif entraînerait des effets d’aubaine au profit, peut-être, des grands groupes industriels dont l’investissement est souvent assez massif.

M. Marc Le Fur. Et avec le CICE, il n’y a pas d’effet d’aubaine ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Dans les récentes dispositions fiscales, si le Gouvernement a parfois adopté des dispositions qui modifient le rythme d’amortissement, il l’a fait par des soutiens ciblés.

M. Henri Emmanuelli. Ah oui ? Et il est ciblé, le CICE ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je rappelle notamment que nous avons adopté l’année dernière une mesure de ce type concernant les investissements réalisés dans le domaine de la robotique industrielle. Cet amortissement était d’ailleurs limité aux seules PME. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le secrétaire d’État, je ne cherche pas à lancer un débat inutile ou trop compliqué, mais, s’il vous plaît, il faut des arguments ! Vous expliquez que mon amendement n’est pas ciblé et que les grands groupes pourraient en profiter. Comme si le CICE était ciblé ! Je pourrais vous donner une longue liste de grandes entreprises du CAC40, et même de quelques filiales de la Caisse des dépôts, qui en ont largement bénéficié, à commencer par La Poste, à concurrence de 350 millions d’euros. Ce n’est donc pas un bon argument,…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ah si, c’est un bon argument !

M. Henri Emmanuelli. …pas plus que l’argument donné par Mme Rabault sur la fameuse créance qui serait née. Il y a un principe d’annualité budgétaire et moi, je vous dis qu’à la fin de l’année, il n’y aura pas 12 milliards de crédits consommés. Pour ceux qui n’ont pas déposé de dossier, il n’y a pas de créance née. Je ne vais pas me lancer à ce stade dans un débat juridico-financier qui serait inutile compte tenu de l’hostilité du Gouvernement à mon intelligente initiative. Je m’en remets donc à la décision de l’Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Comme notre collègue Emmanuelli, je ne crois pas qu’il y ait de place ce soir pour un débat interminable sur cette affaire, mais quand même, monsieur le secrétaire d’État, il y a dans les propositions qui sont faites ce soir deux types de soutien aux entreprises. Le débat n’est pas entre ceux qui veulent soutenir les entreprises et ceux qui éprouveraient de la défiance à leur égard. Le débat est entre deux types de soutien aux entreprises : l’un est le CICE, qui s’exerce sans contrepartie, sans condition, sans ciblage, sans priorité à l’investissement et l’autre, le dispositif proposé par Henri Emmanuelli, qui est très clairement un soutien direct lié à l’investissement. L’Assemblée nationale prendra sa décision et chacun d’entre nous ses responsabilités, mais, très franchement, je crois qu’est posé ici dans une étonnante clarté le débat sur la façon d’aider au redémarrage de ce qui manque le plus dans ce pays, l’investissement privé – encore que l’investissement public manque aussi, mais nous en parlerons à l’occasion d’autres amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Partageant exactement le même souci, parce que je crois que la situation actuelle dépasse largement les clivages habituels dans notre assemblée, je trouve la solution proposée de très bonne qualité. Évidemment, elle aura un coût puisqu’elle viendra imputer une petite partie des recettes prévues de l’IS, certes, mais cela fait partie de ces vrais effets de levier sur les déterminants de décisions des équipes dirigeantes et maintenant de leurs salariés, puisque la négociation sur l’affectation du CICE dans une entreprise se fait, je le rappelle, avec les institutions représentatives du personnel.

Par contre, s’agissant du CICE, j’ai une certaine réserve et je rejoins l’avis de la rapporteure générale et du Gouvernement, dans la mesure où adopter ce gage reviendrait à conditionner le CICE, ce qui est contraire à tout ce que l’on a pu entendre et à la volonté initiale du Gouvernement. Cela étant dit, il n’en demeure pas moins vrai que l’assiette globale sera de l’ordre de 10 milliards d’euros, même s’il n’y a que 6,5 milliards qui ont été appelés. Étant donné que ce sont 12 milliards d’euros qui avaient été prévus, nous restons dans une épure budgétaire qui permettrait sans doute au Gouvernement de lever le gage, s’il allait dans le sens de l’adoption de cet amendement.

M. Dominique Baert. Mais il n’y va pas !

M. Henri Emmanuelli. À tort !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Nous parlons d’un amendement d’un coût de 300 millions d’euros. Ce n’est pas une somme énorme, mais cela aurait un effet de levier important. En effet, si l’on sort d’un strict débat de comptabilité budgétaire, on voit que cela permettrait de soulager les fonds de roulement des entreprises. Mes chers collègues, nous voyons beaucoup d’entreprises venir dans nos circonscriptions nous parler de leurs problèmes de fonds de roulement. L’avantage de cet amendement, qui ne coûte que 300 millions d’euros, c’est qu’il joue sur un levier qui est très important, celui des coefficients d’amortissement dégressif.

Je pense que le Gouvernement s’honorerait de le soutenir.

M. Dominique Baert. Il a dit non !

M. Pascal Cherki. Ce n’est pas parce qu’il a dit non une fois, monsieur Baert, qu’il ne peut pas réfléchir. Il s’honorerait de le faire, car nous sommes dans une conjoncture où l’investissement s’écroule complètement dans notre pays. C’est notre responsabilité de ne pas avoir une approche dogmatique et rigide des choses, et d’adapter notre politique en fonction des circonstances. Compte tenu de cette conjoncture qui se dégrade à vitesse grand V, j’invite le Gouvernement, pour 300 millions d’euros, à tenter cette solution proposée par Henri Emmanuelli et gagée pour partie sur le CICE, dont l’assiette est de plus de 10 milliards d’euros. Nous pouvons le faire, nous devons nous débarrasser de nos œillères et tenter cette expérience en faisant œuvre utile. Soyons pragmatiques avec nos entreprises. Pragmatiques !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’entends bien les arguments et je comprends bien à quoi est destiné ce débat… Il est destiné à débattre du CICE.

M. Olivier Carré. Non ! De l’investissement !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je rappelle que le CICE a une forme de ciblage sur les bas salaires et qu’il a une connotation emploi – que chacun appréciera. Je rappelle aussi que le dispositif qui est proposé par le président Emmanuelli ne bénéficiera pas aux entreprises en difficulté, puisque, par définition, non seulement elles n’investissent pas, mais les amortissements ne leur profiteront pas, étant donné qu’elles sont déficitaires.

M. Henri Emmanuelli. Cette question viendra plus tard !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’entends qu’il s’agit là de revenir sur un débat que nous avons déjà eu et que nous aurons probablement encore. Le Gouvernement reste défavorable à cet amendement et demande une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures dix, est reprise à vingt-deux heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Réserve des votes

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la présidente, en vertu de l’article 96 du règlement, qui précise que « l’application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution n’est dérogatoire aux dispositions des chapitres IV et VI du titre II du présent règlement qu’en ce qui concerne les modalités de mise aux voix des textes », le Gouvernement demande la réserve des votes sur les amendements et les articles suivants. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et M. Jérôme Chartier. Lesquels ?

Mme Marie-Christine Dalloz. La situation est grave !

M. Nicolas Sansu. C’est énorme !

Mme la présidente. La réserve est de droit. Je ne mets donc pas aux voix l’amendement n190, qui a reçu un avis défavorable du Gouvernement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour un rappel au règlement.

M. Jérôme Chartier. Il vient de se produire un événement très important, c’est pourquoi j’interviens en vertu de l’article 58, alinéa 1, du règlement. Il n’est tout de même pas fréquent que l’on observe une majorité ainsi ficelée par le Gouvernement. J’ai beaucoup de peine ce soir (Rires sur les bancs du groupe SRC) pour la majorité… Je sens que c’est dur pour elle ! Je sens que vous devez beaucoup souffrir ! Vous avez tout notre soutien. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Fauré. Le tartuffe est complet !

Après l’article 6 (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n45.

M. Marc Le Fur. Cet élément de procédure arrive à un moment où nous étions pourtant dans un débat majeur, puisqu’il s’agissait du CICE. Qu’en attendait-on ? Qu’il aille à l’industrie. Or à peine 20 % du CICE va à l’industrie, le reste se perd dans les services, la grande distribution, voire les officiers ministériels que votre gouvernement critique par ailleurs. Qu’en attendait-on d’autre ? Qu’il permette la création d’activités et d’emplois. Or, M. Macron lui-même l’admet, on constate qu’une bonne partie du dispositif finance, en particulier dans les grandes entreprises, des augmentations salariales ou une hausse des profits, ce qui revient au même puisque ce sont les insiders qui en bénéficient alors que le Gouvernement l’avait créé pour créer de l’activité au bénéfice de tiers.

Il faut donc que nous sachions en tirer les conséquences. Il vaut mieux encourager les bénéfices alloués à l’investissement, ou encore différentes formes d’amortissement. C’est pourquoi cet amendement prévoit un amortissement plus favorable quand il y a investissement dans la robotique. On sait le retard de la France dans ce domaine. Vous l’aviez d’ailleurs admis l’année dernière, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous aviez été à l’initiative d’un avantage fiscal au bénéfice des seules entreprises comptant moins de deux cent cinquante salariés. Je propose de l’étendre aux entreprises de plus de deux cent cinquante. Je sais que vous allez me rétorquer qu’il y a le de minimis… Mais nous n’en sommes plus là, monsieur le secrétaire d’État ! La situation de l’emploi et de l’activité dans notre pays nous oblige à déroger à un certain nombre de règles. Il faut que nous consacrions le peu d’argent public dont nous disposons à l’investissement, à la compétitivité et à l’emploi au lieu de le disperser dans des dispositifs, tels que le CICE, dont l’aboutissement est très incertain.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable, pour deux raisons. On est déjà passé d’une durée d’amortissement de dix ans à deux ans, ce qui donne tout de même une certaine souplesse à l’investissement en robotique. Par ailleurs, je rappelle que ce facteur de souplesse s’inscrit dans le cadre de la règle de minimis, c’est-à-dire que tant que les aides se situent en dessous de 200 000 euros, il n’y a pas obligation de les déclarer à la Commission européenne au titre des aides d’État.

M. Marc Le Fur. Certes.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Si faisiez sauter cette règle, comme vous le proposez, monsieur Le Fur, il faudrait tout de même le notifier à Bruxelles et comme il s’agit, de fait, d’une aide sectorielle en faveur de la robotique, nul ne peut présager ici de ce que serait l’appréciation de la Commission. C’est donc pour une raison à la fois juridique au regard du droit européen et économique, au vu du coût que votre amendement entraînerait, que la commission l’a rejeté.

M. Olivier Carré. Mais l’amendement ne propose pas une aide sectorielle !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je rejoins les observations de Mme la rapporteure générale. S’agissant de la règle de minimis, monsieur Le Fur, nous sommes dans un système de droit et je ne vois pas comment on pourrait déroger à cette règle. Vous voulez généraliser une disposition qui a été mise en place dans un secteur particulier, pour des entreprises particulières, à savoir la robotique, ce qui nous semble hors de portée. L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauré.

M. Alain Fauré. Je suis un peu surpris que ce soir, nous entrions à nouveau dans un débat concernant le CICE. Ce dispositif a été décidé à d’autres moments et ce n’est pas le sujet qui nous réunit aujourd’hui.

Je suis aussi surpris d’entendre certains s’émouvoir que La Poste puisse bénéficier d’un avantage au titre du CICE, alors qu’elle assure tout de même le maintien sur le territoire de services de proximité…

M. Christian Paul. C’est l’un de nos fleurons, personne ne songe à le contester !

M. Alain Fauré. …qui permettent de fournir des prestations en particulier dans les territoires ruraux ou de montagne. Nos collègues devraient s’en rappeler, notamment ceux qui sont membres de l’ANEM, l’Association nationale des élus de la montagne. Si cet argent va en partie dans ces services, cela me va très bien.

M. Jean-Louis Dumont et M. Jean Launay. Nous aussi !

M. Alain Fauré. Je suis également surpris de voir que certains veulent octroyer des avantages à des entreprises pour qu’elles investissent. Quand on est dans une situation critique, on n’investit pas puisque de toute manière personne ne vous prêtera. Je suis chef d’entreprise, et je peux vous assurer que quand vous allez voir votre banquier, il ne vous prêtera pas d’argent si vous êtes dans une situation difficile.

Il attend patiemment que vous vous refassiez une santé, vous demande de faire le gros dos ; en aucun cas, il ne va vous prêter pour faire de l’investissement. De grâce, passons plus rapidement sur ces amendements qui amusent bien M. Chartier, qui se régale et en fait des gorges chaudes. L’instant est grave. Nous traitons de situations financières tendues. Passons à l’essentiel et cessons de travailler sur l’accessoire.

M. Olivier Carré. Ça dépend.

M. Dominique Baert. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. C’est précisément, monsieur Fauré, parce que la situation est grave qu’il faut s’interroger sur l’octroi d’une partie importante du CICE au secteur de la grande distribution. Ne pourrait-on pas l’affecter ailleurs ?

M. Dominique Baert. Ça a été tranché, on ne va pas revenir là-dessus ! On discute maintenant du budget !

M. Marc Le Fur. Je propose de le consacrer à l’investissement, en particulier dans la robotique, domaine où la France a du retard. Vous dites, monsieur le secrétaire d’État, qu’il y a une réglementation européenne… J’en conviens, mais a-t-on demandé quelque chose à Bruxelles à ce sujet ?

Après tout, les instances européennes peuvent évoluer – Mario Draghi a déjà fait évoluer les choses, me semble-t-il. Après tout, les choses ne sont peut-être pas si figées que cela. Après tout, la situation économique est préoccupante dans d’autres pays que le nôtre. Après tout, les pays de la zone euro – dont la France – doivent bien se rendre compte qu’ils sont les derniers de la classe ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Arrêtez de dire cela, monsieur Le Fur !

M. Marc Le Fur. Tout cela peut conduire à se poser certaines questions. Pour ma part, je retiens celle-ci : n’est-il pas préférable de consacrer le peu d’argent public dont nous disposons à des mesures destinées à favoriser l’investissement et, demain, la création d’emplois, plutôt que de diluer l’aide avec un CICE qui ne profite ni à l’industrie, ni aux secteurs les plus exposés ? Cela risque de n’être que de l’argent perdu. Or l’argent est rare.

M. Christophe Léonard. Frondeur !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Que cela plaise ou non à la majorité, le débat aura lieu. S’il est vrai que le vote est bloqué, nous avons, nous aussi, monsieur Fauré, le droit de nous exprimer,…

M. Alain Fauré. Mais bien sûr !

Mme Marie-Christine Dalloz. …au même titre que certains membres de la majorité.

Je vous demande simplement de ne pas vous occuper de l’opposition, mais de régler vos comptes en interne. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Parole d’orfèvre !

M. Luc Belot. Vous n’avez pas de leçons à nous donner !

Mme Marie-Christine Dalloz. Pour en revenir à l’amendement, dont je suis cosignataire, je comprends que Mme la rapporteure générale oppose l’argument de la règle de minimis à notre proposition concernant les investissements en matière de robotique. Mais je remarque que les Allemands ne cessent d’aider leur économie, en particulier dans ce domaine.

M. Razzy Hammadi. C’est toujours mieux ailleurs !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ils ont donc nécessairement négocié un accord avec la Commission sur l’application de la règle de minimis.

La France a perdu le marché de la machine-outil. Si elle veut le reconquérir, elle doit consentir de lourds investissements, ce qui passe par un équipement en robotique. Comme le disait Marc Le Fur, il est donc nécessaire de poser la question à la Commission européenne pour savoir ce qu’il est possible de faire dans ce domaine. Parce que sinon, la machine-outil ne sera plus jamais française.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Il est normal que ce débat ait lieu : 41 milliards d’euros rendus aux entreprises. Cela représente deux points de PIB !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ils ne sont pas « rendus aux entreprises » !

M. Nicolas Sansu. On peut estimer que c’est nécessaire, mais on peut aussi juger que cela peut être plus ou moins bien fait, d’autant que, on voit le bien, le CICE n’a pas nécessairement atteint son but. Le rapport de M. Blein et de M. Carré est très clair sur ce point.

M. Alain Fauré. C’est faux, le rapport ne dit rien de tel !

M. Nicolas Sansu. Entre autres choses, monsieur Fauré, il y est écrit que l’on pourrait cibler la mesure par secteurs,…

M. Olivier Carré. Non !

M. Nicolas Sansu. …comme on le fait par exemple outre-mer. Je pense effectivement que ce serait une bonne chose.

L’amendement proposé par Henri Emmanuelli, dont le vote a été réservé, et celui de Marc Le Fur – que l’on y soit ou non favorable – ont au moins le mérite de mettre le doigt sur l’extrême fragilité des investissements privés dans nos entreprises, notamment industrielles.

De toute façon, cette question est sous-jacente à tous les amendements que nous allons examiner. On ne peut pas donner 40 milliards d’euros aux entreprises et exiger une réduction des dépenses publiques et sociales à hauteur de 50 milliards sans que cela ne fasse débat ! Où irait-on, sinon !

Mme la présidente. Mes chers collègues, plusieurs d’entre vous m’ont demandé la parole, et je vais la leur donner. Mais sur les autres amendements, je préfère vous prévenir que je ne donnerai la parole qu’à un orateur par groupe.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Baumel.

M. Laurent Baumel. Je regrette à mon tour de voir le Gouvernement, en recourant à cette procédure exécrable, empêcher les parlementaires d’exercer leur droit minimal, c’est-à-dire celui de voter des amendements à la loi budgétaire de la France.

Depuis sa création, le CICE fait l’objet d’un débat bien légitime. À l’époque de son adoption, en juin 2013, le rapporteur général, sur son blog, écrivait ainsi à son sujet : « Il s’applique à toutes les entreprises, à un taux uniforme, et sur une assiette égale à la masse salariale de ceux qui perçoivent moins de 2,5 SMIC. C’est simple. Pour autant, cela va "profiter" à la grande distribution, aux cliniques privées, aux cabinets des avocats, notaires, experts-comptables et autres professions à honoraires réglementés, qui ne se trouvent pas dans un secteur soumis à la concurrence effrénée de nos voisins européens. »

Le rapporteur général de l’époque avait entièrement raison. Or la situation n’a pas changé depuis. Le CICE n’a pas fait les preuves de son efficacité, et il est donc plus que légitime, madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, que la représentation nationale, invitée à le faire par son vote sur la loi de finances, exprime à nouveau ses interrogations et ses inquiétudes sur ce dispositif. Cela ne justifie pas la procédure à laquelle le Gouvernement vient de recourir.

M. Dominique Baert. Oh si ! La réserve se justifie largement !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Ce débat est très important, et il me paraît légitime d’y revenir tout au long de la législature. Certains disent que la question a été tranchée, qu’il n’est plus nécessaire d’avoir ce débat. Mais à quoi bon, alors, procéder à des évaluations ou amodier nos politiques économiques ?

Trois questions se posent. Premièrement, faut-il aider les entreprises ? Sur ce point, il me semble que le consensus règne sur tous les bancs, tant il est nécessaire de rétablir la balance commerciale.

Il ne faut toutefois pas noircir le tableau. On nous bassine depuis des mois sur le taux de marge des entreprises françaises, qui serait inférieur à celui des entreprises allemandes. En réalité, cette différence s’explique seulement par des pratiques de délocalisation de l’assiette de l’impôt : certaines entreprises choisissent en effet de déclarer leurs plus-values dans des pays à basse fiscalité.

Il faut donc aider les entreprises. Mais faut-il le faire à ce niveau ? Telle est la deuxième question. Or ma réponse sera clairement négative. En effet, l’aide aux entreprises concerne aussi bien la compétitivité que le carnet de commandes. Or le Président de la République et le Premier ministre ont fixé une trajectoire de réduction des déficits publics qui ne peut pas être plus lente. On en est à 4,4 %, on ne peut pas passer à moins de 4,3 %. Il n’y a donc plus de marge de ce côté.

La seule marge de manœuvre dont nous disposons pour mener une politique « pro-business », côté offre et côté demande, réside donc dans l’utilisation d’une partie des 40 milliards de baisses d’impôt accordées aux entreprises.

Dernière question : comment aider au mieux les entreprises ? Comment les aider tout en dépensant moins ? J’ai déjà eu l’occasion de le dire : vouloir réduire le coût de production en abaissant le coût du travail mène à une impasse. Réduire de 4 ou de 6 % la masse salariale dans l’industrie – une masse salariale qui représente elle-même 10 % des coûts –, cela ne permet d’obtenir qu’une baisse de 1 % des coûts de production. Ce n’est pas comme ça que l’on va gagner des marchés ! Pour en gagner, il faut investir cet argent dans la recherche, dans la formation et – sur ce point, vous avez raison, monsieur Le Fur – dans l’automatisation de nos process de production, afin de remédier à ce qui est une de nos faiblesses par rapport à d’autres pays européens.

Un amendement que j’ai déposé et qui, malheureusement, ne sera pas examiné en première partie de la loi de finances…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il viendra en examen au cours de la deuxième partie.

M. Jean-Marc Germain. …cherche d’ailleurs à concilier ces différents points de vue en dressant la liste des dépenses prioritaires. Il tend également à résoudre un problème auquel on n’a encore jamais trouvé de solution, celui des effets d’aubaine. Il propose de fixer un seuil : seraient prises en compte, par exemple, toutes les dépenses qui vont au-delà de 2 % de recherche et développement, de 2 % d’investissement dans la formation, ou de 2 % dans la robotisation.

Il est bon que nous ayons maintenant ce débat.

M. Dominique Baert. On l’a déjà eu !

M. Jean-Marc Germain. Nous devons régler ce problème dans le cadre de la loi de finances pour 2015 ; après, il sera trop tard.

M. Christian Paul. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. La mission d’information sur le CICE a été l’occasion d’interroger les différents acteurs concernés sur l’usage du crédit d’impôt. Permettez-moi de revenir sur certaines conclusions du rapport que j’ai cosigné avec notre excellent collègue Yves Blein.

Tout d’abord, les effets d’aubaine associés au dispositif ont été beaucoup plus limités que l’on pourrait le croire. Pour répondre aux questions des membres de la mission d’information, nous avons en effet exploré un par un les effets d’aubaine potentiels, et presque à chaque fois, la réponse, qu’elle vienne des entreprises concernées ou des représentants de l’administration chargés de les contrôler, a été négative.

Par ailleurs, si le CICE n’a pas atteint sa cible, il ne faut pas oublier qu’il est entré dans les caisses des entreprises il y a seulement quelques mois, voire quelques semaines. Or nous savons très bien que les politiques d’investissement dont nous parlons ne sont pas élaborées tous les six mois, mais planifiées sur plusieurs années.

M. Alain Fauré. Bien sûr !

M. Olivier Carré. C’est seulement quand on est sûr de disposer d’une certaine quantité de recettes que l’on décide d’investir, que ce soit dans l’indispensable capital physique – comme le suggère M. Le Fur – ou dans le capital humain, c’est-à-dire dans l’embauche de nouvelles équipes et dans la création d’emplois.

Le seul point négatif cité systématiquement par nos interlocuteurs, c’est la tentation de remettre sans cesse le sujet en débat dans cet hémicycle.

M. Dominique Baert. Absolument ! C’est une source de fragilité !

M. Olivier Carré. Le chef d’entreprise, qui doit planifier ses investissements, en vient à douter de pouvoir compter sur ces quelques milliers d’euros – pourtant susceptibles d’entraîner un effet de croissance –, parce qu’il voit bien que l’objet et les modalités du dispositif font débat. Et ça, ce n’est pas admissible.

Vous vous opposez à une politique d’investissement décidée par le Gouvernement, une politique dont je ne me ferai pas l’apôtre – je ne suis pas le mieux placé pour cela –, mais qui a aujourd’hui force de loi et doit être appliquée. Or cette politique vise justement la stabilité – c’est même la raison pour laquelle le Gouvernement, à l’époque, a pris le risque de ne pas soumettre à conditions le bénéfice du CICE. Ce choix, certes, peut déranger, et il n’est peut-être pas conforme à nos coutumes. Mais il a été effectué à dessein, afin de renforcer la confiance envers le dispositif.

M. Alain Fauré. Tout à fait !

M. Yann Galut. On est à fronts renversés, c’est incroyable !

M. Olivier Carré. Et si j’étais favorable à l’amendement de M. Emmanuelli, c’est parce qu’il portait sur l’investissement et, en cela, se montrait parfaitement complémentaire du CICE, dont l’assiette est la masse salariale. La démarche me paraissait donc cohérente – mais apparemment, le Gouvernement ne partage pas cette analyse.

Enfin, pour en revenir à l’amendement en discussion, il ne s’agit pas d’instituer une aide sectorielle destinée à la robotique – même si un coup de pouce serait bienvenu –, mais de moderniser l’ensemble de l’appareil productif. Nous l’avons vérifié, monsieur Sansu : le CICE ne peut pas être conditionné selon une logique sectorielle. Cela figure en toutes lettres dans notre rapport. En tout état de cause, l’amendement de M. Le Fur ne relève pas d’une telle logique.

M. Jérôme Chartier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Pouria Amirshahi.

M. Pouria Amirshahi. Je regrette de voir le Gouvernement refuser de s’arrêter un moment sur les arguments de nos collègues Henri Emmanuelli et Jean-Marc Germain, et surtout refuser de voir la réalité. Les effets du CICE sont en effet incertains, cela a été bien montré.

Je regrette également la procédure aussi désuète qu’inadmissible à laquelle le Gouvernement a eu recours, quelques jours seulement après que, lors des questions d’actualité, le Premier ministre et le ministre des finances, interrogés sur le risque de mise sous tutelle européenne et de confiscation de la souveraineté du Parlement, ont juré que seul ce dernier avait la possibilité de voter le budget, qu’il ne saurait être question de remettre en cause ses prérogatives, dont l’une des plus importantes concerne justement le débat budgétaire.

M. Marc Le Fur. C’est juste, ça !

M. Pouria Amirshahi. Quand des amendements argumentés, faisant écho à la situation que connaît le pays, et présentés par quelqu’un, M. Emmanuelli, dont on ne saurait nier ni l’expertise, ni l’expérience, ni la connaissance de ces sujets, trouvent pour seule réponse des artifices de procédure conduisant à un inadmissible verrouillage, on s’éloigne de ce que devrait être une pratique démocratique dépourvue des oripeaux du passé. Cela nous empêche de faire avancer le débat et de confronter, réellement, souverainement et sereinement, les arguments des uns avec ceux des autres.

Après tout, si certains pensent que la réduction continue et aveugle des cotisations sociales patronales ou la création répétée de crédits d’impôt au bénéfice des entreprises sont utiles à l’économie, ils peuvent faire valoir leurs arguments – et ils le font, d’ailleurs. Mais sur des questions aussi importantes, que l’on nous permette au moins de débattre « à armes égales », en respectant les prérogatives des parlementaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Yann Galut.

M. Yann Galut. Je voudrais moi aussi faire part au Gouvernement de ma totale incompréhension quant à la séquence que nous venons de vivre. Demander la réserve sur les votes comme cela vient d’être fait n’est pas admissible ! Nous avons des débats entre nous : ils doivent être tranchés,…

M. Dominique Baert. Ils ont déjà été tranchés, on ne va pas recommencer !

M. Yann Galut. …comme certains l’ont été cet après-midi.

La question était importante. Personnellement, je n’avais pas la même position que M. Emmanuelli, j’étais plutôt d’accord avec le Gouvernement et la rapporteure, mais la méthode qui consiste à demander, à vingt-deux heures trente, la réserve sur les votes ne me paraît pas admissible, et cela d’autant moins que cela fait plusieurs semaines, notamment depuis la déclaration de politique générale, que le Gouvernement nous promet qu’il va construire une nouvelle relation avec le Parlement…

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh bien, la voilà, la nouvelle relation !

M. Yann Galut. …trouver des voies de négociation et de compromis, et que nous dialoguons de manière positive pour préparer les choses avec lui.

Il y a aussi eu ce débat sur l’Europe, où il a été indiqué que ce serait le Parlement qui serait souverain pour tout ce qui concerne la position de la France !

Il me semble donc tout à fait regrettable que l’on s’oriente vers cela. J’espère que la réserve sera très vite levée, pour que nous puissions faire notre travail de parlementaires. Quoi qu’il en soit, nous devrions nous interroger collectivement sur nos institutions !

M. Charles de Courson. Peut-être devrions-nous nous retirer, chers collègues de l’opposition ? De toute évidence, nous dérangeons !

M. Olivier Carré. Eh oui : c’est une réunion de groupe !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je pense qu’il est utile que nous ayons ce débat.

Je comprends tout à fait Olivier Carré quand il dit que, lorsqu’on prend des mesures, il faut les conserver. S’agissant du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, nous savons tous qu’il va être requalifié en dépense…

M. Olivier Carré. Ça, c’est sûr !

M. Pierre-Alain Muet. …et que la question de sa transformation se pose. Peut-être serait-il bon d’y répondre assez vite, et aussi de s’interroger sur sa montée en charge.

En tout cas, s’agissant de la compétitivité et de l’emploi, qui sont en général les deux objectifs des allégements de charges pour les entreprises, les économistes ont tendance à rappeler que l’on n’utilise pas un même instrument pour deux objectifs, et surtout pas quatre pour deux ! Or, si l’on examine les 41 milliards d’allègements, on note qu’il existe quatre instruments différents pour un seul et même objectif : la compétitivité et l’emploi. On pourrait rationaliser en ne retenant que deux instruments, chacun affecté à un objectif : ce serait possible !

S’agissant de l’emploi, il y a eu une quasi-unanimité entre nous pour dire que la réduction devait porter sur les bas salaires, et cela pour une raison simple, c’est que le SMIC resserre l’éventail des salaires – c’est d’ailleurs pour cela qu’il a été créé.

M. Marc Le Fur. Nous sommes d’accord !

M. Pierre-Alain Muet. Par conséquent, tout ce qui conduit à alléger ou supprimer les cotisations au voisinage du SMIC est efficace sur l’emploi.

S’agissant de la compétitivité, les allégements ne sont efficaces que pour les entreprises implantées sur un marché mondial, dans la mesure où nous traversons une récession européenne et que les deux tiers des entreprises interviennent sur un marché essentiellement national, aujourd’hui restreint – j’allais dire plombé – par la demande.

M. Olivier Carré. Pour l’instant !

M. Pierre-Alain Muet. Comment faire pour que la deuxième partie des allégements – c’est-à-dire l’essentiel du CICE – bénéficie au secteur exposé à la concurrence internationale ? Comme le proposait Jean-Marc Germain, en reprenant l’esprit du crédit d’impôt recherche, c’est-à-dire en faisant en sorte que cet allégement se traduise par des investissements, de la robotisation, de l’innovation : c’est cela, la bonne compétitivité. Nous sommes parfaitement capables de faire mieux avec moins, surtout dans une période où nous devons réduire les déficits et où les allégements massifs, qui sont aussi des réductions importantes de dépenses, ont des effets dépressifs, et parfois des effets sociaux indésirables.

M. Olivier Carré. Mais non !

M. Pierre-Alain Muet. J’aimerais que la rationalité économique l’emporte, y compris dans ce débat. Et c’est pourquoi je souhaite que le Gouvernement s’interroge sur la politique d’allégements, car nous avons accumulé des dispositifs qui manquent, en partie, de cohérence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Cherki. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. L’hémicycle étant le lieu du débat, il est normal que nous ayons de tels échanges. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que nous allons au fond de ces questions à l’occasion de la discussion d’un projet de loi de finances : nous l’avons déjà fait en décembre 2012, puis à nouveau lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014, et encore en juillet dernier.

Nous avons tous été d’accord pour créer une mission d’information, animée par Olivier Carré et notre collègue socialiste Yves Blein, afin d’évaluer la mise en œuvre du CICE. Je n’en faisais pas partie, mais je crois savoir que ses conclusions ont été adoptées à l’unanimité.

M. Olivier Carré. Absolument !

M. Dominique Lefebvre. Le rapport avait pour propos central de dire qu’au point où nous étions, le plus urgent et le plus important était de stabiliser le dispositif dans la durée. Plusieurs pistes étaient proposées pour garantir cette stabilité, et donc – comme l’a rappelé Olivier Carré – la confiance des chefs d’entreprise.

M. Olivier Carré. En effet : c’est important !

M. Dominique Lefebvre. Nous pouvions débattre de ces différentes pistes.

Que les circonstances économiques, qui sont en effet extrêmement inquiétantes, nous amènent à poursuivre le débat – comme nous l’avons fait, cher Pierre-Alain Muet, en commission des finances, notamment à propos d’un amendement de Henri Emmanuelli que nous aurons bientôt l’occasion d’examiner de nouveau – sur la manière dont, dans la durée, les dispositifs pourraient évoluer, j’en suis d’accord. Mais remettre en cause le dispositif, non. Je rappelle que c’est là la position constante du groupe socialiste, que je réaffirme une fois encore.

C’est pourquoi je ne peux en aucun cas accepter les interventions venues de la gauche de l’hémicycle, qui tendent à mettre en cause le Gouvernement parce qu’il a décidé de réserver les votes. Cette décision a été prise en plein accord avec les responsables du groupe socialiste.

M. Charles de Courson. Ah, elle est belle, la démocratie !

M. Dominique Lefebvre. Elle ne dépossède nullement le Parlement de ses pouvoirs : en effet, la réserve des votes n’est pas un vote bloqué, cher Pouria Amirshahi ; les votes auront bien lieu, le moment venu.

Cela nous donne la possibilité de poursuivre le débat dans des conditions satisfaisantes, sans remettre en cause la position du groupe majoritaire à l’aide de majorités de circonstance, à une heure avancée d’une séance de nuit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Permettez-moi, chers collègues, de revenir à l’amendement n45.

Monsieur Le Fur, pardonnez-moi, mais je vous trouve irresponsable lorsque vous prétendez qu’en matière d’application de la règle de minimis, on peut faire ce qu’on veut ! Cette année, dans le budget de l’État, 1,8 milliard de dépenses proviendront du contentieux sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières – les OPCVM –,…

M. Olivier Carré. C’est vrai !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. …qui nous a été légué par votre majorité.

M. Olivier Carré. Non, c’est plus vieux !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous nous coûtez 1,8 milliard cette année et 6 milliards au total.

Dans ce genre d’affaire, il est important de prendre en compte le droit européen !

M. Marc Le Fur. A-t-on demandé à la Commission européenne des dérogations ?

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je souhaiterais revenir sur l’amendement précédent, celui d’Henri Emmanuelli.

Lorsqu’en mars 2012, nous avons voté la réforme dite de « la TVA sociale », nous avons décidé de baisser les cotisations sociales patronales sur les salaires jusqu’à entre 2,4 SMIC. Déjà, à cette époque, Henri Emmanuelli nous avait demandé si nous étions sûrs que c’était la bonne politique à suivre, en raison notamment des problèmes liés à la compétitivité des entreprises : les entreprises exposées à la concurrence internationale ont en effet des niveaux de salaire plutôt plus élevés.

M. Olivier Carré. Eh oui !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Comme l’ont bien dit Pierre-Alain Muet et Nicolas Sansu, nous sommes aujourd’hui dans une situation où l’on affecte de manière quasi-structurelle deux points de PIB, soit 40 milliards d’euros, à des réductions du coût du travail sur les bas salaires : le dispositif Fillon, qui représente 20 milliards d’euros, concerne les salaires jusqu’à 1,6 SMIC, et le CICE, ceux jusqu’à 2,5 SMIC.

Je comprends parfaitement que l’on mise sur la compétitivité des entreprises.

M. Olivier Carré. C’est complémentaire !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Or, à ces niveaux de salaire, quelle est la cible ? Essentiellement des secteurs qui ne sont pas exposés à la concurrence internationale : la grande distribution, la propreté, la sécurité, la poste.

Mme Marie-Christine Dalloz. Exactement !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il est vrai que, comme l’a très bien dit Pierre-Alain Muet, le crédit d’impôt recherche vient compléter le dispositif – mais pas totalement. Je pense, comme Henri Emmanuelli, qu’il faut développer un dispositif articulé sur l’investissement.

Je voudrais donc calmer un peu les choses : le débat que vous avez aujourd’hui, nous l’avons eu sous la précédente majorité. Ce que je demande, c’est que nous nous accordions un peu de temps, et en particulier que l’on demande au Conseil d’analyse stratégique, devenu aujourd’hui « France stratégie », de procéder à une évaluation. Intuitivement, il me semble qu’en affectant de façon structurelle 40 milliards d’euros à une politique qui porte constamment sur les bas salaires, qui a des effets sur l’emploi, nous sommes en train de déformer notre économie. Peut-être même que cela la tire vers le bas !

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Pascal Cherki. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Cela, il faut absolument que nous l’étudiions, mais nous ne réglerons pas le problème ce soir.

Par conséquent, ce que je vous propose, monsieur le secrétaire d’État, c’est que vous saisissiez France stratégie, afin qu’il fasse une étude approfondie de la question et que nous puissions prendre les dispositions nécessaires, de façon sereine, dans les prochains mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. J’étais de ceux, avec le groupe écologiste, qui, au moment où l’on a adopté le CICE, ont plaidé fortement pour sa sélectivité – et je pense toujours de même.

Néanmoins, doit-on aujourd’hui bouger dans ce domaine et si oui, comment ? C’est la question de l’efficacité qui se pose. J’ai participé avec assiduité à la mission d’information sur le CICE. Quand on examine comment l’argent est utilisé par les entreprises – bien sûr, comme on est dans le déclaratif et l’intentionnel, il faut prendre les données avec circonscription… pardon ! circonspection. (Rires.)

M. Henri Emmanuelli et M. Marc Le Fur. Les deux !

M. Éric Alauzet. Les sommes se partagent, on ne peut savoir dans quelles proportions, entre l’investissement, l’emploi – modérément, sans doute –, la formation, la baisse des prix et la rémunération des collaborateurs – ce qui, comme l’a noté Olivier Carré, ne va pas dans le sens attendu. Quand on y regarde bien, voilà qui ressemble bougrement à une politique de la demande – pas forcément celle que l’on souhaiterait, mais une politique de la demande quand même ! L’opposition entre politique de l’offre et politique de la demande n’est donc pas si évidente que cela.

Bien sûr, il faudrait réorienter les financements vers la demande,…

M. Pascal Cherki. Et l’investissement ?

M. Éric Alauzet. …mais cela risquerait de profiter aux produits d’importation. Lors des Assises de la fiscalité, j’ai examiné les courbes qui montrent l’évolution depuis 35 ans de la dépense publique, de la recette publique, de l’emprunt et de la fiscalité, et j’ai noté qu’à quatre reprises, il s’est passé la même chose : on a relancé la demande, les recettes n’ont pas suivi, et cela s’est terminé, dans un délai d’un ou deux ans, par une augmentation des impôts et de la dette. Cela a commencé avec Raymond Barre et cela s’est terminé avec François Fillon !

M. Alain Fauré. Eh oui !

M. Éric Alauzet. On peut toujours dire qu’a priori une politique de l’offre ne marche pas, mais on ne peut pas dire que cela n’a pas marché, puisque les entreprises ne dispose des fonds que depuis quelques mois. En ce qui me concerne, j’ai autant de doutes sur la politique de la demande que sur la politique de l’offre ; nous devrions considérer les deux ensemble. Ni l’une ni l’autre ne nous assurera séparément des avancées certaines, alors que nous sommes dans une période où la confiance s’est effondrée. Alors attention aux changements – même si, fondamentalement, je suis pour : engageons-les avec prudence, parce que la confiance s’est effondrée !

M. Alain Fauré. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. À l’UDI, comme vous le savez, nous sommes des libéraux.

M. Razzy Hammadi. Cela se voit !

M. Charles de Courson. Et nous l’assumons. Oh, nous avons souvent été bien seuls, y compris dans l’ancienne majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous nous réjouissons donc de ce débat. Pourquoi ? Parce qu’il porte sur les facteurs de la croissance économique. Certains croient que la croissance, c’est uniquement le facteur travail ; d’autres, que ce ne sont que les équipements et le capital.

M. Razzy Hammadi. Qui ça ?

M. Charles de Courson. En réalité, il s’agit d’un équilibre entre les deux.

Il faut encourager les équipements parce que c’est à travers eux qu’on intègre les progrès technologiques.

Regardez les taux de croissance de la France, et leur évolution à long terme. Ils ne font que baisser, pas depuis deux ans, pas depuis cinq ans, depuis presque quinze ans. Qui se souvient qu’on était à 5 % de croissance il y a encore vingt ou vingt-cinq ans ? On est maintenant à peine à 1 %.

La politique qui a été menée par le Gouvernement n’est pas adaptée, parce que, sur le facteur des équipements, qu’est-ce qu’on a fait ? Qu’est-ce qu’on a pris comme mesures pour encourager l’investissement ? On constate un affaiblissement de l’outil productif, qui vieillit, etc. Si vous avez cela, inéluctablement, il y a un freinage de la croissance et une baisse considérable de son taux. C’est ce qu’on constate.

Sur le facteur travail, qu’est-ce qu’on a fait ? C’est là-dessus qu’on a mis l’argent, qu’on n’avait pas, d’ailleurs, mais il paraît qu’on va faire des économies, réjouissons-nous. C’est là-dessus qu’on a mis la quarantaine de milliards, mais le facteur travail, ce n’est pas simplement le coût du travail, c’est aussi sa qualité, c’est la formation, c’est une éducation adaptée. C’est ça, une politique économique équilibrée. Sinon, vous ne redresserez jamais le pays, mes chers collègues.

Henri Emmanuelli et moi ne sommes pas souvent d’accord, mais nous sommes de vieux complices, depuis maintenant vingt et un ans, à la commission des finances, et il soulève un vrai problème. En plus, sa mesure est bien modeste, parce que, bon, elle ne coûte quand même que 300 briques, à comparer aux 40 milliards que l’on consacre au facteur travail – sans bien les cibler, en plus. Franchement, ce n’est pas grand-chose.

Levée de la réserve des votes

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement souhaite indiquer à votre assemblée qu’il lève la réserve sur le vote de l’amendement n45 et des suivants, sans pour autant lever la réserve sur l’amendement n190.

M. Jérôme Chartier. La corde se desserre un peu !

(L’amendement n45 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, avant de passer à l’amendement suivant, je vous rappelle que désormais il n’y a plus qu’un seul orateur par groupe.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour un rappel au règlement.

M. Nicolas Sansu. J’ai pour habitude d’essayer de mettre un peu de bonne humeur dans cette assemblée.

Je m’appuie sur l’article 58, alinéa 1, du règlement pour fonder ce rappel au règlement. Je trouve dommage qu’on corsète tout de suite le débat en ne donnant la parole qu’à un orateur par groupe, alors qu’on sait très bien qu’il y a des débats au sein de tous les groupes.

M. Jérôme Chartier. Non !

M. Nicolas Sansu. Moi, ça ne me pose pas de problème qu’on limite le nombre d’orateurs à un par groupe (Rires), mais, pour d’autres, cela peut peut-être créer quelques problèmes. Je trouve dommage, déjà, que la réserve n’ait pas été levée sur l’amendement n190, parce que je pense qu’il aurait quand même été utile qu’on aille jusqu’au bout du débat, et cela aurait évité que vous proposiez, madame la présidente, de s’en tenir à un orateur par groupe. Je préfère vous le dire, et je souhaite sincèrement qu’on puisse revenir à un débat serein. Je pense que tout le monde est raisonnable, et que les débats que nous avons eus sur les amendements nos 190 et 45 ne vont pas se prolonger sur tous les amendements.

Après l’article 6 (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement n77, deuxième rectification.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. On connaît tous la problématique de la zone franche urbaine. Ce dispositif doit normalement prendre fin le 31 décembre 2014 mais, puisqu’il y a eu un pacte de relance pour la ville, il faut relancer une exonération fiscale dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. La commission des affaires économiques propose donc, le temps que l’on trouve une solution plus adaptée, de prolonger le dispositif des zones franches d’un an. Tel est le but de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a adopté cet amendement. Je rappelle que les ZFU permettent aux entreprises de bénéficier d’un régime favorable : une exonération totale pendant les cinq premières années, une exonération partielle ensuite. Précédemment, nous avions déjà débattu de la prolongation de ce dispositif d’exonération des ZFU et nous avions demandé quel était le point de vue de la Commission européenne au regard des règles qui peuvent s’appliquer. Je ne sais pas si le Gouvernement a eu plus d’éclaircissements de la part de la Commission européenne mais toujours est-il que notre commission, compte tenu des enjeux économiques et pour soutenir ces zones franches urbaines, a souhaité soutenir l’amendement de M. Pupponi.

M. Dominique Baert. Je le soutiens aussi !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Chacun sait que, sur les zones franches urbaines comme sur d’autres secteurs à caractère dérogatoire, un travail est nécessaire non seulement pour les raisons que vous indiquiez, qui tiennent à la position de la Commission de Bruxelles, mais aussi parce que chacun a observé que certains de ces dispositifs pouvaient se croiser, pour des raisons géographiques et, parfois, avoir des effets…

M. Nicolas Sansu. D’aubaine !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …qui interpellent, suivant la nature des activités éligibles à ces exonérations. Je n’en dirai pas plus mais je pense que tout le monde sait ce que je veux dire, particulièrement les élus des territoires concernés.

Ce que j’ai proposé, notamment aux auteurs de l’amendement, c’est que nous élaborions un dispositif qui puisse être étudié et voté dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Ainsi pourra-t-on trouver un dispositif mieux encadré, mieux cerné. Il n’est pas question de dire que rien ne sera fait, il est question d’éviter un certain nombre d’effets d’aubaine, qui coûtent de l’argent et qui, je pense, ne sont pas de nature à consolider l’image des zones franches urbaines en tant que facteurs d’un vrai développement endogène au service des territoires et de l’économie.

Je vous propose, monsieur Pupponi, de retirer cet amendement, tout en prenant l’engagement d’étudier avec vous – nous avons d’ailleurs commencé à le faire – un dispositif qui sera examiné dans le cadre du PLFR.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Merci, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir entendu la demande des élus de ces territoires. J’entends, pour ma part, votre demande, qui me paraît justifiée. Après m’être concerté avec nos collègues Baert et Jibrayel, qui surveillent avec beaucoup d’intérêt tous les problèmes relatifs à ces zones franches urbaines, je me propose de retirer cet amendement pour que nous puissions continuer le dialogue avec le Gouvernement.

(L’amendement n77, deuxième rectification, est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Léonard, pour soutenir l’amendement n627, troisième rectification.

M. Christophe Léonard. Cet amendement arrive à point nommé puisqu’il concerne à la fois la période actuelle et, sans doute, l’avenir, à entendre les propos que tiennent à la fois François Pupponi et M. le secrétaire d’État au budget. C’est un amendement de bon sens et, je l’espère, de consensus. Je ne doute donc pas que la majorité sera unanime pour l’adopter, et sans doute aussi l’opposition.

Pourquoi ? Il vise à rectifier l’article 44 octies A du code général des impôts, qui détermine les conditions dans lesquelles s’applique le dispositif de la zone franche urbaine. Cela va réjouir notre rapporteure générale : cet amendement a pour objectif de réduire la dépense publique. Et quand nous sommes à 2 000 milliards d’euros de dette publique, je crois que ce n’est pas inintéressant. C’est aussi un amendement qui vise à faciliter la création d’emplois. Lorsqu’on en est à 3 400 000 chômeurs en catégorie A, c’est un amendement qui mérite qu’on le présente et l’explique.

Cet amendement vise trois choses.

Tout d’abord, il s’agit d’éviter que ne bénéficient du dispositif des zones franches urbaines des entreprises qui s’y délocaliseraient par pur effet d’aubaine. Je dois dire que, dans le département qui est le mien, celui des Ardennes, nous avons vu, au cours des cinq dernières années, bon nombre de médecins, d’avocats, d’infirmières et différentes activités de toutes sortes se déplacer en zone franche urbaine dans le seul but de bénéficier de l’exonération fiscale. Un médecin que je connais et qui siège avec moi au conseil général du département des Ardennes m’indiquait ainsi que cela représente un gain annuel de 60 000 euros.

C’est aussi un amendement qui vise à faciliter la création d’emplois. Pour bénéficier du dispositif des zones franches urbaines, les entreprises ne sont actuellement pas obligées de créer des emplois, c’est facultatif, pour peu qu’elles réalisent au moins 25 % de leur activité sur la zone franche urbaine ; lorsqu’on est infirmière ou médecin, c’est facile, même si on va exercer ses talents en dehors du quartier.

Mme la présidente. Merci.

M. Christophe Léonard. Je vais finir, madame la présidente. Compte tenu de toutes ces interventions précédentes qui ont été très longues, je prendrai juste deux minutes supplémentaires.

Il facilite aussi la création d’emplois,…

Mme la présidente. Monsieur le député, ce n’est pas vous qui estimez le temps de parole des uns et des autres,…

M. Christophe Léonard. …en ramenant le bénéfice exonéré à 61 000 euros et en dopant le bonus pour les créations d’emploi.

Mme la présidente. …donc vous concluez.

M. Christophe Léonard. Je vois que nous sommes réduits à un orateur par amendement, et, en plus, notre temps de parole est réduit ! Décidément, il est très difficile, lorsqu’on est député de la nation, d’exprimer ses opinions dans l’hémicycle ce soir.

Mme la présidente. Ce soir, comme tous les autres soirs, le temps de parole normalement accordé pour présenter un amendement est de deux minutes. Cette règle s’applique tous les autres jours, matin, après-midi et soir.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La question a repoussé cet amendement.

Si je résume rapidement, vous êtes en train, cher collègue, de nous expliquer que vous voudriez empêcher des entreprises qui ne se trouvent pas très loin des ZFU d’y entrer pour bénéficier d’une « aubaine » fiscale. Or l’objectif même de la ZFU est bien d’attirer des entreprises qui n’y sont pas, pour créer de l’activité économique, ce qui passe en général, aussi, par des emplois, dans des zones qui en sont dépourvues. Parce qu’il est donc quelque peu contradictoire, la commission a repoussé votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je reconnais bien volontiers le travail qui a été fait par votre collègue, qui vise justement à résoudre au mieux le problème des effets qu’on a évoqués tout à l’heure de façon un peu plus pudique que lui. Je crois donc que c’est une base de travail intéressante, notamment avec les plafonnements qui pourraient être introduits. Et, c’est vrai, s’il n’y a que des transferts, le dispositif est peu créateur d’emplois.

Pour une fois, je ne partage peut-être pas complètement l’avis exprimé par Mme la rapporteure générale, et l’amendement tel qu’il est rédigé offre une bonne base de travail.

Cela dit, tout à l’heure, nous avons proposé de traiter ces questions dans le cadre du PLFR. Cela nous laisse quelque temps pour peaufiner encore le dispositif.

Ce que vous avez dit, monsieur le député, en termes de zonage, de plafond et de ciblage, va dans le sens de mes propres propos de tout à l’heure. Je vous propose donc, si vous en êtes d’accord, de retirer cet amendement, et de le traiter de la même façon que l’amendement qui a été présenté tout à l’heure par François Pupponi. Telle est la proposition que je vous fais.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Léonard.

M. Christophe Léonard. Avant de répondre à votre proposition, monsieur le secrétaire d’État, je veux quand même répondre à Mme la rapporteure générale pour lui rappeler en effet que les zones franches urbaines sont destinées à relancer l’activité économique et à favoriser l’insertion sociale et professionnelle dans les quartiers sensibles, caractérisés notamment par un taux de chômage important, une population jeune pauvre, le plus souvent peu qualifiée et sans emploi, et un potentiel fiscal particulièrement faible. Je m’excuse mais c’est un fait que l’on voit un certain nombre d’activités déjà existantes se transporter en zone franche urbaine sans créer de nouveaux emplois, puisque ce sont les emplois qui existent déjà qui sont transférés. Sans créer aucun emploi en zone franche urbaine, on bénéficie des dispositifs d’exonération fiscale ! C’est donc un appauvrissement collectif de la nation, au profit, finalement, de particuliers qui ne créent aucun emploi. J’invite donc Mme la rapporteure générale à reconsidérer son analyse sur cet amendement, car je crois qu’elle fait, en l’occurrence, fausse route.

Enfin, j’entends la proposition faite par M. le secrétaire d’État. Je suis tout prêt à y répondre. J’ai eu l’occasion d’en discuter avec François Pupponi pas plus tard que cette semaine. Je crois que les dispositions de mon amendement sont des dispositions de bon sens, qui n’ont qu’un seul objectif, à savoir favoriser la création d’emplois en France et utiliser au mieux l’argent public au profit des zones franches urbaines et de leurs habitants.

Je retire donc mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. On débat depuis de nombreuses années des zones franches urbaines. Il y a deux choses qu’il ne faut pas confondre. Elles doivent favoriser la création d’emplois, mais elles doivent permettre aussi la création et le transfert d’activités dans ces quartiers. Il s’agit d’éviter quelque chose qu’on ne pourra jamais quantifier : le syndrome du rideau de fer baissé. Le fait que des entreprises aient quitté certains quartiers plus favorisés pour venir dans ces zones a indirectement entraîné de l’activité, l’installation de commerces, d’entreprises, et cela n’est pas quantifiable.

En ce qui concerne les professions de santé, le désaccord entre nous est net, mon cher collègue. S’il n’y a pas un avantage fiscal pour les professions de santé dans ces quartiers, alors ce seront des déserts médicaux. C’est inéluctable ! Il faut continuer à aider les professions de santé à venir s’installer dans ces quartiers, même si cela permet à des médecins d’autres quartiers d’y venir. Dans tous les cas, cela attire de la clientèle, cela attire du monde, et cela donne aux habitants de ces quartiers le sentiment qu’ils sont considérés comme les autres.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Pour revenir régulièrement, le débat sur les zones franches urbaines n’en est pas moins très important. François Pupponi a parlé juste de la zone de Sarcelles, qu’il connaît bien – tout comme moi, d’ailleurs, car j’en suis le député. Elle a pour particularité de différer de la situation prévalant dans les Ardennes. Au fond, les zones franches urbaines présentent des particularités inédites. C’est la raison pour laquelle le cadre de la loi doit être suffisamment large afin de s’adapter à chaque situation.

À Sarcelles, faute de localisation d’activités et de possibilités de déplacement, aucune activité ne se crée. De même, faute d’accompagnement spécifique, aucun professionnel de santé ne s’installe. Il faut donc être extrêmement vigilant et défendre ce dispositif fantastique, créé par la loi du 14 novembre 1996, c’est-à-dire par un gouvernement de droite qui a pris conscience de la situation des quartiers sensibles situés dans des villes populaires et a réussi, grâce aux ZFU, à relocaliser des activités. Il faut donc réfléchir, toutes sensibilités confondues, sur ce dispositif, afin qu’il s’adapte au mieux aux préoccupations des différents territoires comme des différents élus, quelle que soit leur sensibilité.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Léonard.

M. Christophe Léonard. Ce que vient de dire notre collègue est exact : il existe en effet une différence entre les territoires urbains où est élu François Pupponi et le département des Ardennes. La zone franche urbaine de Charleville-Mézières, sans verser dans la caricature, concentre aujourd’hui quasi exclusivement les médecins, les avocats et les professions libérales.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Tant mieux ! C’est de l’activité !

M. Christophe Léonard. Mon amendement vise à instaurer une exclusion de vingt kilomètres, sur le modèle du dispositif qui vaut pour les zones frontalières – je le connais d’autant mieux que le département dont je suis élu est frontalier de la Belgique. Mettre en place un transfert dont le seul but est l’exonération fiscale au détriment de la création d’emplois et dont la conséquence est la concentration de toutes les professions médicales et juridiques dans un même secteur dans le seul but de bénéficier de cet avantage, voilà qui selon moi est mal légiférer ; cela ne va pas dans le bon sens. Il faut intégrer dans un même cadre les nécessités des zones très urbaines et celles des territoires qui le sont un peu moins, voire des territoires rurbains comme on en trouve dans mon département.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Nous sommes d’accord !

(L’amendement n627 troisième rectification est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 50, 147 et 431, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 147 et 431 sont identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n50.

M. Marc Le Fur. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n147.

M. Charles de Courson. Comme vous le savez, mes chers collègues, le problème de la neutralité fiscale des GAEC, déjà ancien, n’est toujours pas résolu. Or il y a du nouveau : à l’issue d’un grand débat, l’actuel ministre de l’agriculture a obtenu la reconnaissance de la transparence des GAEC. La Commission européenne y a procédé par le règlement du 17 décembre 2013, mais nous n’en avons pas tiré les conclusions : nous sommes toujours soumis, en matière fiscale, à un arrêt du Conseil d’État du 1erjuillet 2009 réfutant toute transparence. Autrement dit, si un GAEC compte deux ou trois membres, on ne multiplie pas par deux ou trois les plafonds d’activité accessoire. Le présent amendement vise donc tout simplement à tirer les conséquences, en matière de fiscalité des GAEC, du principe de transparence dorénavant en vigueur en matière d’aides.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n431.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans le même esprit et pour éclairer nos débats, j’évoquerai pour ma part un exemple concret.

Il arrive, en zones de montagnes, que les exploitants agricoles membres d’un GAEC disposant de matériel agricole procèdent au déneigement à la demande des communes ou du conseil général. Eh bien, ils ne le veulent plus car, ce faisant, ils dépassent très vite le seuil de 30 % d’activité annexe ou de 50 000 euros. Il faut donc impérativement instaurer une transparence, comme le propose Charles-Amédée de Courson, afin d’appliquer à chaque membre du GAEC, en fonction des parts détenues, ce qui est le cas pour les exploitants individuels. Il convient, en outre, de se limiter à trois associés, afin de ne pas faire peser un poids trop lourd sur nos comptes publics.

M. Henri Emmanuelli. C’est un sujet qui revient sans arrêt !

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Comme la neige !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ces trois amendements portent sur la fiscalité agricole et appellent plusieurs remarques.

Chaque année, plusieurs amendements relatifs aux GAEC, au régime forfaitaire, à la DPA et d’autres sujets sont abordés dans le cadre du PLF et du PLFR. Le président Carrez et moi-même venons de proposer de mettre en place une mission d’information traitant de tous ces sujets que l’on traite en général un par un sous forme d’amendement, ce qui empêche d’appréhender la question de la fiscalité agricole dans son ensemble. Nous avons appris, à cette occasion, l’existence d’assises de la fiscalité agricole, auxquelles aucun parlementaire de la commission des finances n’a été invité, ce que nous regrettons, je tiens à le dire.

Nous souhaitons donc, bien entendu, que la mission mise en place par le Bureau mercredi dernier se livre à une analyse globale des enjeux de la fiscalité agricole.

En ce qui concerne la part des bénéfices non agricoles qu’il convient d’inclure dans le résultat, je propose que l’on s’en remette pour l’instant aux travaux de la mission. Tâchons de la mener assez rapidement afin que les premières propositions émergent à temps pour le PLFR, ou en tout cas dans un délai assez resserré. Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission sur les trois amendements est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je me réjouis des travaux qui sont ou vont être menés et qui seront bien sûr utiles. Cela dit, sur ce sujet particulier, l’affaire est en réalité assez simple : le Conseil d’État a décidé au mois de juillet 2009 que les seuils de 50 000 euros et 100 000 euros ou de 30 000 euros et 50 %, selon qu’il s’agit de recettes non agricoles ou de production d’électricité d’origine photovoltaïque, s’apprécient en faisant masse des recettes non agricoles de chaque associé, qu’elles aient pour origine le GAEC ou une autre activité individuelle, puis en divisant la somme par le nombre d’associés. Comme vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, rien n’est plus simple que d’apprécier ces seuils. (Sourires.)

Pour autant, je ne suis pas convaincu que les trois amendements proposés règlent la question. Je vous informe, mesdames et messieurs les députés, que le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt prépare un texte qui pourrait vous être soumis dans les prochaines semaines – avant la fin de l’année, je l’espère –, susceptible de répondre aux questions posées en définissant clairement le mode de calcul de ces seuils dont tout le monde aura compris qu’il est assez complexe. Une concertation est d’ailleurs en cours avec les représentants de la profession pour en définir les modalités exactes et tirer les enseignements de l’arrêt du Conseil d’État. Je propose donc le retrait des amendements, à défaut de quoi j’y serai défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. L’idée de mener une mission sur le sujet me convient et j’aimerais d’ailleurs y être associé, avec d’autres parlementaires. Retenons simplement une chose : nos ministres de l’agriculture, tous autant qu’ils sont, l’actuel inclus, se battent à Bruxelles pour obtenir la transparence, progressent et l’obtiennent. Et paradoxalement, nous, en interne, nous ne l’admettons pas ! Il est quand même surprenant de défendre une thèse au niveau européen et de ne pas en tirer les conséquences au niveau national. Mettons fin à cette schizophrénie et faisons en sorte que la même logique et la même transparence s’appliquent à tous les niveaux.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Très juste !

M. Marc Le Fur. Cela dit, nous ne sommes pas dans l’urgence et pouvons parfaitement imaginer des dispositions dont nous reparlerions dans quelques semaines. Par conséquent, je retire mon amendement.

(L’amendement n50 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je suis prêt à retirer moi aussi mon amendement, mais j’attendais de vous, monsieur le secrétaire d’État, davantage d’ouverture. Vous vous réfugiez derrière une jurisprudence du Conseil d’État, mais ce n’est pas lui qui fait la loi. Si nous pensons que l’interprétation du Conseil d’État n’est pas conforme à la justice – ce ne serait pas la première fois –, à nous de le dire dans la loi et le Conseil d’État respectera bien entendu nos décisions.

Par ailleurs, vous annoncez que M. le ministre de l’agriculture prépare un texte. Or, s’agissant de cette question, il ne peut s’agir que d’une loi – en l’occurrence, relevant de votre domaine, monsieur le secrétaire d’État, car c’est vous qui êtes en charge de la loi fiscale. Il ne revient pas à M. le ministre de l’agriculture d’interpréter la loi fiscale dans ce domaine, surtout après un arrêt du Conseil d’État contraire au principe de transparence des GAEC à propos des activités accessoires. Peut-on tout de même compter sur davantage d’ouverture de votre part, monsieur le secrétaire d’État ? Si tel était le cas, c’est avec grand plaisir que je retirerais mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je tiens à vous rassurer, monsieur de Courson : bien évidemment, le ministère de l’agriculture prépare un texte sur le sujet en lien étroit avec nous. Comme vous le savez, notre ministère est très attaché à ce que les dispositions fiscales ou budgétaires soient réservées aux lois de finances. Si vous êtes d’accord avec un tel objectif, nous nous retrouverons et j’espère que nous saurons le faire appliquer dans tous les textes à venir. Nous verrons le moment venu ce qu’il en sera. Quoi qu’il en soit, soyez donc rassuré sur ce point. Un travail est mené actuellement et il est probable que nous soyons en mesure de formuler une proposition sur ce point précis lors du débat sur la loi de finances rectificative. Tout le monde obtiendra alors satisfaction. Dans la mesure où nous visons tous le même objectif, nous devrions y arriver !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Dans ces conditions, je retire mon amendement.

(L’amendement n147 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il faut bien que quelqu’un soit volontaire et déterminé ! Je sais que mon amendement n’a aucune chance d’être adopté, mais je tiens à le maintenir.

M. Charles de Courson. Oh !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit en effet d’un débat important pour le monde agricole. Je maintiens donc l’amendement, même si nous avons obtenu la garantie que des ouvertures auront lieu. Cela fait tellement longtemps que l’on parle d’ouverture sur différents sujets et que nous ne voyons rien venir que je tiens à maintenir mon amendement.

(L’amendement n431 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n54.

M. Marc Le Fur. Défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable. Là encore, je vous renvoie aux travaux de la mission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n54 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n11.

M. Gilles Lurton. Défendu.

(L’amendement n11, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n693.

M. Nicolas Sansu. Il inaugure une série d’amendements visant à réformer l’impôt sur les sociétés. Nous avons parlé tout à l’heure du CICE, mais là il s’agit bien de l’IS et d’un objectif susceptible de nous rassembler, même si ce n’est pas simple et s’il faut poser quelques jalons.

L’objectif est d’élargir l’assiette pour diminuer le taux. En effet, en raison des régimes dérogatoires à l’IS, des mécanismes d’optimisation et bien entendu du CICE, le produit de l’IS n’est attendu qu’à 33 milliards d’euros, soit 1,6 % du PIB. Il s’agit de l’un des rendements d’impôt économique les plus bas de l’Union européenne. En fait, notre IS réussit l’exploit de réunir un taux facial extrêmement conséquent – 33,3 %, augmenté de la surtaxe pesant sur certaines entreprises – et un rendement très faible.

On le sait, ce sont d’abord les grands groupes qui réussissent à éviter l’impôt. Nous pourrions aussi parler du régime d’intégration fiscale ou de la niche Copé.

Concernant le régime « mère-fille », plusieurs groupes de gauche proposaient de contenir le coût du dispositif en portant le taux de 5 % à 10 % pour le seuil de type de filiale ouvrant droit à la déduction. Je rappelle que ce régime « mère-fille » fait partie des principales sources d’évitement de l’impôt pour les sociétés ; 43 000 entreprises en bénéficient. Le coût de cette non-imposition des produits de participations représentant au moins 5 % du capital d’autres sociétés se serait élevé à 24 milliards en 2013. L’objectif de cet amendement est de réintégrer une partie de ces ressources dans le calcul de l’impôt sur les sociétés, afin de pouvoir en baisser le taux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je sais bien qu’il est vingt-trois heures trente, mais la réponse est tout de même un peu courte ! Je m’attendais certes à un avis défavorable, mais il me semble que ce problème de l’assiette de l’impôt sur les sociétés est une vraie question pour notre architecture fiscale. J’aimerais donc que nous puissions avoir sinon un débat, au moins une explication un peu plus conséquente.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je sais que vous avez bonne mémoire, monsieur Sansu. Vous vous souvenez donc de ce que nous avions dit en projet de loi de finances rectificative sur cet amendement, puisque vous l’aviez déjà déposé en juillet. Notre principal argument était que les groupes peuvent parfaitement se réorganiser de manière à contourner la disposition que vous proposez, ce qui ferait disparaître du même coup les 24 milliards d’euros que vous en attendez. Je confirme donc l’avis défavorable de la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ajoute que la comparaison avec la fiscalité appliquée dans les États voisins met en évidence des situations à peu près équivalentes. Le risque d’optimisation interne, mais aussi de migration des filiales, empêcherait sans doute in fine de constater l’élargissement de l’assiette que vous attendez d’un tel dispositif. Le Gouvernement n’est donc pas favorable à cet amendement.

(L’amendement n693 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 9 et 10, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour les soutenir.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans le cadre de la loi de finances pour 2014, et notamment de son article 28, des dispositions ont été prises pour la taxation des plus-values sur des ventes de biens immobiliers sur le territoire national détenus par des expatriés ou des résidents à l’étranger. De la même manière que, en 2010, un régime transitoire a été prévu lorsque les règles en matière de TVA ont été modifiées, nous proposons tout simplement que les promesses de vente signées avant le 31 décembre 2013 puissent bénéficier du régime antérieur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ces amendements concernent les promesses de vente signées avant le 31 décembre 2013. On peut tout de même imaginer que les ventes ont été conclues depuis cette date.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pas nécessairement !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. En outre, la rétroactivité que vous proposez soulève quelques questions.

Avis défavorable sur les deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En complément de ce qui vient d’être dit par Mme la rapporteure générale, dont je partage l’analyse, j’ajoute qu’à la demande de votre collègue Frédéric Lefebvre et d’autres parlementaires, y compris sénateurs, des groupes de travail ont été mis en place sur cette question – le premier doit se réunir d’ici à quelques jours. Une adresse a été envoyée à l’ensemble des parlementaires concernés par ces sujets, à l’Assemblée comme au Sénat ; un contenu thématique a été donné à quatre groupes de travail. Il n’y a donc pas lieu de légiférer à ce stade : il sera toujours temps de le faire dans les semaines qui viennent si cela s’avérait nécessaire. Je vous invite donc à retirer ces amendements. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je ne suis pas convaincue par votre argument, madame la rapporteure générale. Les expatriés ne viennent pas tous les quinze jours sur le territoire français. On peut donc parfaitement imaginer – et c’est facile à contrôler – que des promesses de vente aient été signées par-devant notaire, avec un sceau et une date précise. Lorsque les ventes n’ont pas été réalisées à ce jour, nous avons bien une double peine, avec une méconnaissance au moment de la vente des conditions d’application de la fiscalité au moment de sa réalisation.

(Les amendements nos 9 et 10, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 189 rectifié, 283 rectifié et 493.

La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l’amendement n189 rectifié.

M. Olivier Carré. Cet amendement, d’ailleurs défendu par plusieurs collègues situés de part et d’autre de l’hémicycle, vise à permettre aux opérateurs qui ne sont pas des organismes HLM de produire en VEFA – vente en l’état futur d’achèvement –, et donc à destination de bailleurs sociaux, en bénéficiant d’un avantage dont bénéficient les organismes HLM lorsqu’ils produisent pour leur propre compte, à savoir l’exonération de plus-value immobilière pour ceux qui leur cèdent des terrains. Ce mode de production est aujourd’hui très dynamique ; c’est celui par lequel la plupart des bailleurs sociaux produisent du logement neuf. Cette distorsion entre les deux modes de production du logement social crée un certain nombre de problèmes, que cet amendement permettrait de résoudre.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n283 rectifié.

M. Gilles Lurton. Il y a en effet dans toutes nos communes des opérations immobilières privées pour lesquelles les maires, dans le cadre ou en dehors des plans locaux de l’habitat, demandent aux bailleurs privés de réaliser une certaine quantité – 15 %, 20 % ou 25 % – de logements sociaux, dans le cadre de la mixité sociale et de l’équilibre des populations dans leur ville. Nous demandons que ces bailleurs privés puissent bénéficier des mêmes exonérations que les bailleurs sociaux.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement n493.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous avons examiné ces amendements, sans doute un peu hâtivement, dans le cadre de l’article 88 du règlement ; la commission les a repoussés. Il reste qu’ils permettent de corriger une distorsion qui peut effectivement exister.

M. Olivier Carré. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’exonération en faveur des cessions réalisées au profit des bailleurs sociaux vise à développer l’offre de logements sociaux. Cette proposition contribue pleinement à cet objectif. Le Gouvernement y est donc favorable, sous une petite réserve qui devra être corrigée, sans doute au cours de la navette. Le dispositif mériterait en effet quelques précisions, notamment pour donner les moyens à l’administration d’assurer le contrôle de la réalité de la construction des logements sociaux, afin d’éviter tout contournement de la loi.

(Les amendements identiques nos 189 rectifié, 283 rectifié et 493, modifiés par la suppression du gage, sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 471, 213 et 295, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 213 et 295 sont identiques.

La parole est à M. Jérôme Lambert, pour soutenir l’amendement n471.

M. Jérôme Lambert. L’ordonnance du 3 octobre 2013 permet aux autorités chargées de délivrer les permis de construire de déroger, au cas par cas, aux règles du plan local d’urbanisme relatives au volume, au gabarit et à la densité des constructions s’agissant de l’obligation d’aires de stationnement, des transformations de bureaux en logements, de la surélévation d’immeubles ou de l’alignement de hauteur sur les constructions mitoyennes.

Or les mesures fiscales permettant d’encourager ce type d’opérations, donc de favoriser la construction et le logement, arrivent à échéance au 31 décembre 2014. Cet amendement vise donc à les proroger de trois ans.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l’amendement n213.

M. Olivier Carré. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n295.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces différents amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’amendement n471 a été repoussé par la commission, sans doute faute d’éléments probants – qui ont été récupérés depuis. Le dispositif proposé ne semblait pas opérationnel. Or il apparaît qu’il fonctionne, puisqu’il consomme environ 30 millions d’euros. À titre personnel, et au vu de ces éléments complémentaires, j’émets donc un avis plutôt favorable sur cet amendement.

Quant aux amendements nos 213 et 295, ils ont été repoussés par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement entend les arguments des auteurs de l’amendement n471. Si j’ai bien compris, les suivants ne reprennent que la seconde partie de cet amendement.

Le Gouvernement est favorable à la première partie de l’amendement n471 ; il est plus réservé sur l’autre partie, car le dispositif est un peu plus coûteux. Néanmoins, la navette permettra de remédier à cet inconvénient. Dans un esprit constructif – c’est le cas de le dire (Sourires) –, il s’en remettra donc avec bienveillance à la sagesse de l’Assemblée. En revanche, il est défavorable aux autres amendements.

(L’amendement n471, modifié par la suppression du gage, est adopté et les amendements nos 213 et 295 tombent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n743.

M. Jean-Christophe Lagarde. Aujourd’hui, les métaux précieux, d’une part, et les bijoux, les objets d’art, de collection ou d’antiquité, d’autre part, font l’objet d’une taxation forfaitaire très avantageuse sur les plus-values : le vendeur acquitte une taxation forfaitaire de 8 % pour les métaux précieux et de 5 % pour les bijoux, les objets d’art, de collection ou d’antiquité, à moins de se voir appliquer l’article 150 UA du code général des impôts.

Cette situation est incompréhensible et inéquitable, dans la mesure où ces objets sont devenus des actifs comme les autres, voire parfois – pour ne pas dire souvent – des objets de spéculation. Nous vous proposons donc, avec Philippe Vigier, président de notre groupe, de soumettre l’ensemble des revenus tirés des cessions des métaux précieux, des bijoux, des objets d’art, de collection ou d’antiquité au régime des plus-values, comme toute autre plus-value.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable pour trois raisons.

Premièrement, l’amendement que vous présentez fait référence à des taux qui n’existent plus puisque, l’an dernier, nous les avons relevés.

Deuxièmement, votre objectif est d’appliquer une taxation à une plus-value ; or, on applique par définition un régime dérogatoire – c’est-à-dire une taxe sur le prix de vente – lorsque l’on ne connaît pas le prix d’entrée.

Troisièmement, vous proposez que la taxation de la plus-value soit égale au produit de la taxe par le prix de vente. Voilà qui n’est guère incitatif, dans la mesure où le vendeur pourra fort bien calculer lui-même le montant de la plus-value, puisqu’il connaît les prix d’achat et de vente.

Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je partage entièrement l’avis exprimé par la rapporteure générale.

(L’amendement n743 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour soutenir l’amendement n595.

M. Jérôme Chartier. Voilà un bon amendement !

M. Henri Emmanuelli. Mes chers collègues, il y a trente ans, dans cet hémicycle, on a créé le crédit d’impôt recherche.

Monsieur Carré, je n’ai d’ailleurs pas le souvenir que l’opposition de l’époque, qui était alors principalement représentée par le RPR, l’ait voté. Je le précise en réponse aux allusions qui ont été faites tout à l’heure sur la complicité supposée qui nous unirait. Bref, ça va, ça vient ! (Sourires.)

Le crédit d’impôt recherche a connu depuis lors des fortunes diverses ; il a, pour ainsi dire, été retravaillé chaque année. On n’a jamais dit qu’il avait été voté une fois pour toutes, que l’on n’y reviendrait plus et qu’il n’y avait plus rien à discuter. Il a été rediscuté je ne sais combien de fois. Mes chers collègues, l’idée que l’on pourrait prendre un jour une décision et ne plus en parler est complètement opposée à l’esprit du Parlement.

Je vous propose de créer un crédit d’impôt d’investissement, car notre pays souffre sans aucun doute possible d’un problème de compétitivité et que certaines de nos activités économiques sont confrontées de manière importante à une concurrence internationale à faible valeur ajoutée ; il y a certainement un problème de coût, mais, pour le reste, la stratégie est en cause, à l’instar de notre appareil de production, lequel est en mauvais état.

Cet amendement a pour objet d’instituer un crédit d’impôt modulable, d’un taux de 10 % pour les petites entreprises, de 7 % pour les entreprises de taille intermédiaire et seulement de 2 % pour les grandes entreprises.

On va me demander : pourquoi inclure les grandes entreprises ? Mais je demanderais à mon tour : pourquoi faudrait-il les écarter ? Les investissements, quels qu’ils soient, sont bons pour notre taux de croissance.

À ce propos, je veux dire que je n’éprouve pas d’amour pour les entreprises prises globalement : j’aime celles qui investissent, innovent, créent de l’emploi et contribuent à la croissance ; je n’aime pas celles qui n’investissent pas, qui distribuent des dividendes et licencient.

C’est la même chose s’agissant du débat sur l’offre et la demande, qui est d’ailleurs un faux débat, puisqu’une politique de l’offre n’a jamais fonctionné sans une politique de la demande, et vice-versa.

Nous avons, dans ce pays, la spécialité de nous embourber dans de faux débats, pour une raison simple – je vous le dis avec trente ans de recul : nous savons placer la rationalité au service de la mauvaise foi. On doit certainement cela à Descartes.

Le financement de ce crédit d’impôt résultera d’un gage sur le CICE et d’une surtaxation des dividendes.

Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a émis un avis défavorable, monsieur Emmanuelli, précisément pour la raison que vous évoquez : le financement du dispositif fait appel à un taux de modulation du CICE qui n’est pas totalement explicité.

M. Henri Emmanuelli. Voilà tout ce que vous trouvez à me dire !

M. Jérôme Chartier. Il fallait le gager sur les allocations familiales !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vais demander la réserve du vote sur cet amendement, tout en rappelant, à la suite des nombreuses observations qui ont été faites tout à l’heure, que cela n’empêche en rien le débat. Il me semble d’ailleurs que le débat a été, tout à l’heure, suffisamment prolongé et nourri. La discussion a donc eu lieu et se poursuivra naturellement.

La demande de réserve du vote ne concerne que cet amendement, pour le moment. (Rires sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Je rappelle d’ailleurs – j’ai aussi entendu un certain nombre de remarques à ce sujet tout à l’heure – que ce n’est pas la première fois qu’une procédure de ce genre est utilisée, ni par ce gouvernement, ni par des gouvernements précédents.

M. Laurent Baumel. C’est d’ailleurs arrivé au printemps dernier !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. S’agissant du gage proposé pour cet amendement, Mme la rapporteure a exprimé des réserves, que le Gouvernement partage. Quant à la pertinence de l’amendement, le gouvernement est sensible aux arguments qui ont été développés, mais rappelle que le crédit d’impôt recherche s’accompagne déjà d’une forme substantielle d’investissement : ce qui concerne la recherche est très important. Il n’est pour l’instant pas envisageable de voir évoluer ce dispositif. Aussi, je dis par avance que le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Réserve du vote

Mme la présidente. M. le secrétaire d’État demande donc la réserve du vote sur l’amendement n595.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour un rappel au règlement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement et concerne le déroulement de nos travaux.

Je suis très étonné de la pratique d’un vote bloqué portant uniquement sur un amendement. Il se trouve que, par deux fois, cela concerne un même député – je précise que je ne suis pas là pour assurer sa défense. (Sourires.) On a souvent vu, par le passé, un vote bloqué sur un article ; plus rarement, sur un amendement ; le faire porter sur un deuxième amendement, c’est encore plus étonnant.

Nous sommes en train de traiter non seulement de sujets fiscaux mais aussi de sujets ayant trait à l’économie, à l’ensemble des entreprises du tissu productif national. Aussi je déplore sincèrement l’absence du ministre de l’économie.

Y a-t-il encore un ministre de l’économie dans ce gouvernement ? Comment se fait-il qu’il ne soit pas présent ce soir pour défendre le CICE ?

Après l’article 6 (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Il faut vraiment que l’on aille au terme de ce débat. Si l’on ne vote pas ce soir, on en prendra acte, sans se battre pour une question de procédure – encore que, lorsque l’on voit qu’une soixantaine de députés de notre groupe ont signé l’amendement, cela mériterait une discussion approfondie.

Le Président de la République lui-même a affirmé, dans une interview dans Le Monde du 20 août, qu’il existe un énorme problème de demande, qui, loin d’être propre à la France, s’étend en réalité à toute l’Europe.

J’étais, ces trois derniers jours, à Washington, où j’ai pu discuter avec des parlementaires, des membres de la société civile et des économistes, qui m’ont dit avoir le sentiment – quelle que soit leur sensibilité politique – qu’en Europe, nous avions perdu la tête : alors que notre demande s’effondre, nous faisons de l’austérité.

M. Olivier Carré. De l’austérité, avec 4 % de déficit ?

M. Jean-Marc Germain. La difficulté tient au fait que l’Europe ne dispose pas du levier pour faire face à ce problème. La politique monétaire ne répond plus ; elle a été engagée de manière trop tardive, à un moment où la déflation menace. Dès lors qu’il n’y a pas de budget européen propre, les plans d’investissement exigeront une augmentation de la capacité de prêt de la Banque européenne d’investissement, étant rappelé que l’Europe ne souffre pas de problème de liquidités. On va d’ailleurs proposer aux collectivités locales de pouvoir emprunter à des taux supérieurs à ceux offerts par les banques.

En réalité, ce soutien à la demande, qui est nécessaire partout – en France, en Allemagne et dans tous les pays européens –, ne peut venir que des États.

En ce qui concerne les déficits, le travail a été fait : 4,4 %, 4,3 %, on ne peut pas faire mieux si l’on veut pouvoir continuer à les réduire. Il faut donc trouver des marges de manœuvre, et les seules qui existent résident dans ce crédit d’impôt compétitivité emploi. Aussi l’amendement que propose notre collègue Emmanuelli part-il du principe que l’on a besoin d’environ un point de PIB pour relancer la croissance de la demande, qu’il s’agisse des collectivités locales, du pouvoir d’achat des ménages ou des emplois aidés. L’amendement a donc pour objet de cibler le dispositif sur les entreprises exposées à la concurrence internationale, en leur demandant d’investir et en écartant les dividendes et autres rémunérations, ainsi que les sociétés de la finance, de la banque et de l’assurance. On pourra ainsi dégager l’argent nécessaire.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais que, si l’on ne règle pas ce problème ce soir – tous les amendements ayant le même objet devant vraisemblablement être écartés –, ce soit tout au moins le cas dans le cadre de ce projet de loi de finances. Si l’on ne prend pas les décisions de politique économique dès maintenant, les prévisions de tous les instituts de conjoncture – à savoir la persistance d’une croissance quasi-nulle et la hausse continue du chômage – risquent de se révéler exactes.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Tout arrive dans la vie : je pensais que je pouvais tout susciter, hormis la réserve. (Rires.)

M. Jean-Marc Germain. Très bien !

M. Henri Emmanuelli. Sur le fond, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, au vu du nombre de signatures que cet amendement a recueilli, je pense qu’il méritait une autre réponse que des discussions sur le gage. Permettez-moi de vous dire que ce n’est pas très sérieux.

M. Laurent Baumel. Tout à fait ! Vous devriez avoir le courage d’assumer vos erreurs !

M. Christian Paul et M. Pascal Cherki. Très bien !

(Le vote sur l’amendement est réservé.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 458, deuxième rectification, et 465, pouvant faire l’objet d’une discussion commune.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement n458, deuxième rectification.

M. Christophe Caresche. Cet amendement concerne les sociétés d’investissement de business angels, les SIBA. Ces sociétés visent à soutenir le développement d’entreprises à risque : il s’agit de capital-risque. Ces sociétés méritent d’être soutenues. Elles le sont à travers un régime fiscal favorable qui concerne leurs actionnaires, au titre de l’ISF-PME. Mais ce régime impose à la SIBA de justifier de deux salariés et de ne pas compter plus de cinquante actionnaires. Ces deux conditions s’avèrent dans les faits assez restrictives, notamment parce que ces sociétés d’investissement sont gérées par des bénévoles.

Cet amendement vise donc tout simplement à assouplir ces deux conditions et à permettre à des sociétés d’investissement spécifiques de bénéficier de cet avantage fiscal. Leurs caractéristiques sont précisément définies dans la directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, la directive AIFM, qui a été transposée en droit national.

Mme la présidente. Monsieur Caresche, vous avez maintenant la parole pour soutenir l’amendement n465.

M. Christophe Caresche. Dans notre pays, des sociétés d’investissement dites de capital-risque investissent – par définition – dans des projets risqués. L’idée est d’assouplir les critères qui permettent aux actionnaires de ces sociétés d’investir, afin qu’ils le fassent dans les meilleures conditions possibles.

Le présent amendement a pour objet les conditions accordées aux personnes physiques qui effectuent des versements au titre de la souscription au capital de certaines sociétés non cotées. Le bénéfice de l’avantage fiscal est subordonné à la conservation des titres reçus pendant cinq ans, à l’exception du cas de sortie forcée, dans lequel il y a obligation de réemploi dans les douze mois qui suivent la sortie, et ce, pour une durée égale au temps qui reste à courir par rapport à l’investissement initial.

Or, cette limitation de possibilité de sortie avec obligation de réemploi, ou sortie forcée, présente de nombreux effets pervers. Elle ne permet pas de favoriser suffisamment ce type d’investissements. Nous suggérons donc par cet amendement d’assouplir les conditions actuelles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ces deux amendements ont été repoussés par la commission. Néanmoins, ils posent de bonnes questions sur le maintien de l’investissement long. Nous avions déjà examiné de telles dispositions en loi de finances rectificative en juillet dernier, puis en commission des finances la semaine dernière. Le bureau de notre commission a donc décidé – je laisserai à M. le président de la commission des finances le soin d’en parler – d’installer une mission sur l’investissement long, en particulier sur la fiscalité des biens professionnels, pour que nous puissions nous prononcer de manière plus objective sur ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je confirme que la décision a été prise hier, compte tenu de la complexité du sujet, qu’il faut bien reconnaître. Nous avons d’ailleurs proposé que vous-même, monsieur Caresche, et notre collègue M. Carré vous mettiez au travail sur ce sujet. Je ne suis pas certain que ces travaux puissent aboutir d’ici à la loi de finances rectificative de décembre – encore que.

Mme la présidente. Monsieur Caresche, vos amendements sont-ils maintenus ?

M. Christophe Caresche. Non, je les retire, madame la présidente.

(Les amendements nos 458, deuxième rectification, et 465 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement n459.

M. Christophe Caresche. Puisque cet amendement concerne le même sujet, je vais également le retirer. La mission que viennent d’évoquer Mme la rapporteure générale et M. le président de la commission dans leur réponse nous donnent un bon cadre de travail pour préciser les choses.

(L’amendement n459 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico, pour soutenir l’amendement n130.

M. Régis Juanico. Comme vous le savez, mes chers collègues, nous avons voté dans le cadre du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire une quinzaine de mesures favorables à la vie associative et qui avaient notamment pour objet la simplification administrative, la sécurisation financière et juridique des associations, la reconnaissance du bénévolat ou de l’engagement associatif ou la création de nouveaux outils de financement.

À la suite du rapport sur la fiscalité du secteur privé non lucratif que nous avons remis au Premier ministre à la fin de l’année 2013, Monique Rabin, Laurent Grandguillaume et moi-même avons souhaité compléter ces mesures favorables aux associations par des dispositions de nature fiscale. En particulier, cet amendement a pour objet les seuils de lucrativité.

Le code général des impôts stipule que les organismes à but non lucratif ne sont pas tenus de soumettre leurs activités aux impôts commerciaux, notamment à l’impôt sur les sociétés, si leur activité non lucrative demeure significativement prépondérante et si les recettes d’exploitation liées aux activités lucratives sont inférieures à 60 000 euros. Or, cette franchise a été instaurée en l’an 2000 et n’a pas été relevée depuis 2002. Nous proposons donc par cet amendement de l’indexer chaque année sur l’inflation.

M. Pascal Cherki. Très bien !

M. Régis Juanico. Le travail que M. le secrétaire d’État nous avait enjoint de réaliser sur cet amendement a donc été fait, et cette nouvelle rédaction devrait lui convenir.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je tiens à remercier M. Juanico d’avoir eu la patience, le courage et la persévérance de réécrire cet amendement, dont la nouvelle rédaction est, certes, plus modeste que la précédente. Le Gouvernement est favorable à la nouvelle disposition proposée par M. Juanico et ses collègues.

(L’amendement n130, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le vendredi 17 octobre 2014 à zéro heure cinq, est reprise à zéro heure quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n565.

M. Pascal Cherki. Réserve du vote ! (Sourires.)

M. Éric Alauzet. Cet amendement porte sur notre priorité absolue – notre première angoisse, allais-je dire –, l’emploi, en particulier l’emploi des jeunes. Il tend à créer 50 000 « emplois jeunes solidaires et coopératifs », grâce à un crédit d’impôt de 500 euros par mois, pour embaucher un jeune de moins de 30 ans en CDI dans une structure coopérative ou d’économie sociale et solidaire.

Le coût de cette mesure – une réactivation des emplois jeunes en quelque sorte – est de 300 000 euros, soit dix fois moins par emploi qu’avec le CICE. Le dispositif des emplois d’avenir fonctionne, puisque l’on a créé rapidement 150 000 emplois, en attendant que les politiques plus structurelles qui sont menées actuellement fonctionnent. Puisque ni l’offre ni la demande, malheureusement, ne peuvent donner de résultat immédiat, nous avons tout intérêt à créer des emplois tout de suite et à faire feu de tout bois. Ainsi, au côté des emplois d’avenir et de l’apprentissage, prendront place ces « emplois jeunes solidaires et coopératifs ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. J’avoue que votre amendement nous a surpris, monsieur Alauzet : vous proposez d’accorder une réduction d’impôt à des organismes qui en sont par principe exonérés. La commission a donc repoussé votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le député, je suis interpellé par l’analyse pertinente de notre rapporteure générale ainsi que par un autre élément : vous avez parlé d’un coût de 300 000 euros.

M. Éric Alauzet. Il s’agissait bien sûr de 300 millions d’euros !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cela m’encourage à vous demander de bien vouloir retirer cet amendement : 300 millions d’euros, cela correspond à la somme – confirmée par le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, à la suite des déclarations du Premier ministre et du Président de la République – qui sera mise à disposition de l’apprentissage. C’est un signal fort que le Gouvernement entend donner en direction de l’emploi, dans un domaine assez proche de celui sur lequel porte votre amendement. Faute d’expertise complémentaire, le Gouvernement demande la réserve du vote sur cet amendement.

Réserve du vote

Mme la présidente. M. le secrétaire d’État demande donc la réserve du vote sur l’amendement n565.

La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je vous confirme, monsieur le secrétaire d’État, qu’il s’agit bien de 300 millions d’euros.

J’ai volontairement exclu les associations du champ de cet amendement, précisément parce qu’elles ne sont pas soumises à l’impôt. Autrement, le dispositif n’aurait évidemment aucun sens !

J’ai conscience que le montant est important, mais un emploi créé reviendrait à 6 000 euros, quand les emplois financés grâce au CICE coûtent 60 000 euros.

Je ne comprends pas l’attitude du Gouvernement, dont je connais la volonté forte sur les emplois aidés. Le dispositif des emplois d’avenir, qu’il a mis en place, a fonctionné. Je pense que l’on pourrait aller bien au-delà et créer de l’emploi rapidement, en attendant qu’un jour les politiques de l’offre et de la demande se mettent à produire des résultats – à supposer qu’on les réoriente. La politique des emplois aidés doit être confortée. Certes, la piste de l’apprentissage est à l’étude, mais il faut faire feu de tout bois et ne négliger aucun moyen.

Je n’ai pas proposé d’emplois jeunes, car l’amendement aurait été écarté à cause de l’article 40 de la Constitution, mais je le ferai sans doute en seconde partie du PLF. En attendant, je maintiens le présent amendement, qui concerne évidemment des entreprises qui ont un statut et paient des impôts.

(Le vote sur l’amendement est réservé.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n556.

M. Éric Alauzet. Cet amendement porte sur l’optimisation fiscale agressive des entreprises et vise à renverser la charge de la preuve. Il prévoit de réintégrer à la base imposable d’une entreprise française les bénéfices dégagés par des établissements ou filiales installés dans un territoire à fiscalité privilégiée, y compris dans l’Union européenne.

Dans quelques jours, M. Sapin se rendra à Berlin pour signer avec 46 pays, représentant 90 % du PIB mondial, un certain nombre d’accords, dont les sept premières mesures proposées par l’OCDE – programme BEPS –, pour restaurer la base fiscale et éviter l’érosion fiscale. Parmi elles figure une mesure qui vise à lutter contre ce fléau qu’est le transfert de bénéfices. Il est important que, parallèlement à l’action prépondérante que mène l’Europe – il est vrai que l’essentiel se jouera aux niveaux européen et international –, nous continuions à donner des signaux pour accélérer le mouvement, donner confiance à nos gouvernants et à l’ensemble des gouvernements européens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement, qui vise à renverser la charge de la preuve, est extrêmement important. Il a été présenté plusieurs fois lors des collectifs budgétaires et en lois de finances. Il se trouve que le problème est toujours le même : une telle disposition serait contraire au droit de l’Union européenne. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Une fois de plus, mon analyse est la même que celle de la rapporteure générale. Vous avez signalé vous-même, monsieur Alauzet, que des progrès importants sont faits en la matière et que les choses avancent. L’accélération est même très marquée ces derniers temps – en Australie, par exemple. Il est prévu de passer à des étapes plus opérationnelles encore à Berlin dans les prochains jours. Concernant l’échange automatique d’informations – un sujet différent mais à l’égard duquel vous avez souvent manifesté votre intérêt –, je crois pouvoir dire que la France signera très prochainement un accord avec la Suisse.

Un certain nombre d’amendements qui, partant de bons sentiments, appelaient à la nécessité d’une harmonisation des dispositions au sein de l’Union européenne, ont subi des aléas juridiques, notamment devant le Conseil constitutionnel. Il serait donc plus sage de retirer cet amendement. Faute de quoi, le Gouvernement demandera la réserve du vote.

Réserve du vote

Mme la présidente. M. le secrétaire d’État demande donc la réserve du vote sur l’amendement n556.

La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Monsieur le secrétaire d’État, ce débat est certes récurrent, mais il est très important. Certains travaux – peut-être disposez-vous d’éléments précis sur ce sujet ? – tendent à montrer que l’écart des taux de marge entre la France et l’Allemagne, notamment, s’expliquerait dans sa presque totalité par le fait que des entreprises choisissent sciemment de considérer que tout ce qui se trouve en France – recherche, exportation – représente des coûts. Total, par exemple, est une entreprise qui réalise zéro bénéfice en France, mais partout ailleurs dans le monde. Or comment fait-elle pour explorer les espaces pétrolifères, développer ses techniques énergétiques ? Elle utilise ses services installés en France, tout en les valorisant de manière à paraître ne réaliser aucun bénéfice en France.

L’enjeu, ce sont des dizaines de milliards d’euros de ressources pour la France. Il s’agit aussi d’une question de justice, y compris par rapport à nos partenaires européens : la valeur ajoutée, lorsqu’elle est créée en France, doit être taxée en France. Il semble que les choses n’avancent pas du côté européen ; envoyons donc un signal clair en adoptant cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Permettez-moi de vous donner quelques précisions car je ne voudrais pas que votre assemblée ait l’impression que les choses sont vagues et sans assurance.

Vous souhaitez modifier la clause de sauvegarde prévue au II de l’article 209 B du code général des impôts. Le résultat en serait que, pour échapper à l’imposition des entités qu’elles détiennent dans un autre État de l’Union européenne où elles bénéficient d’un régime fiscal privilégié, les entreprises françaises devraient démontrer l’absence d’objet ou d’effet principalement fiscal.

Vous prévoyez l’application de cette modification à compter de l’entrée en vigueur d’une disposition adoptée par l’Union européenne poursuivant le même objectif.

Le Gouvernement partage votre volonté de lutter de manière effective contre l’évasion fiscale. C’est précisément pour cette raison d’effectivité que la voie que vous proposez ne me semble pas adaptée.

Je vous rappelle d’abord que les dispositions de l’article 209 B ont déjà fait l’objet d’un durcissement à l’été 2012. Dans ce cadre, nous avons été aussi loin que possible au regard des contraintes européennes qui s’imposent à nous.

Ensuite, pour comprendre votre amendement, il faut savoir que la Cour de justice de l’Union européenne apprécie de manière très restrictive la possibilité d’appliquer des dispositifs anti-abus à l’intérieur de l’Union européenne. Elle a ainsi jugé le renversement de la charge de la preuve possible, mais dans des situations caractérisées par des indices sérieux de fraude.

Ce principe a été mis en œuvre par le Conseil d’État dans le cadre de l’exit tax – article 167 bis du code général des impôts –, précisant ainsi que l’obligation faite au contribuable de démontrer « l’absence de montage destiné à éluder exclusivement l’impôt, sans que l’administration fiscale n’ait à fournir, à cet égard, le moindre indice d’abus, va au-delà de ce qu’implique normalement la lutte contre la fraude fiscale ». Or l’article 209 B présente un champ d’application large, puisqu’il porte sur toutes les filiales situées dans des pays ayant un taux d’imposition inférieur de moitié à celui pratiqué par la France.

Vous proposez donc que cette modification ne devienne applicable que lorsque l’Union européenne aura adopté une disposition similaire poursuivant le même objectif. Il ne me semble pas possible de suivre cette approche, même si je comprends votre hâte, bien légitime, de faire avancer les choses. À mes yeux, la lutte contre l’optimisation fiscale est un domaine dans lequel l’effectivité des mesures, leur caractère opérationnel et leurs résultats concrets sont essentiels. C’est une exigence de crédibilité dont il ne faut pas s’écarter ; nous le savons et l’avons constaté à plusieurs reprises !

Par ailleurs, il s’agit de sujets complexes. Il est très important de savoir comment seront redéfinis les principes internationaux, ce à quoi nous travaillons activement – des rendez-vous auront lieu dans les prochains jours –, avant d’analyser les conséquences que nous pouvons en tirer pour renforcer notre propre législation contre l’optimisation fiscale.

Cet amendement ne permettra pas de faire progresser les choses. La situation est suivie de très près, elle évolue et devrait même changer à très court terme. Je ne veux pas donner le sentiment que la France en général, et le Gouvernement en particulier, puissent être d’une frilosité excessive. Cette attitude résulte d’une expérience que nous avons vécue ensemble. L’adoption de cet amendement serait contre-productive, ce qui serait dommage puisque nous partageons le même objectif. C’est pourquoi je préfère que le vote soit réservé.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Monsieur le secrétaire d’État, je ne sous-estime pas ces difficultés, mais ce n’est pas la première fois que nous sommes confrontés à pareille situation. Nous devons prendre des risques – je salue à cet égard les décisions que le Gouvernement a prises depuis deux ans dans ce domaine. N’ayons pas peur de le dire : la France est en pointe sur ces sujets avec l’Allemagne et quelques autres pays.

Loin de moi l’idée de vous mettre en cause, mais je pense que nous devons mener une guérilla permanente, harceler toutes ces entreprises dont le comportement honteux représente au bout du compte une menace pour notre démocratie, car la hausse des impôts pour les ménages, les entreprises et les PME se traduit par une recrudescence du vote Front national.

L’Union européenne agit : elle vient d’ouvrir des enquêtes au Luxembourg, en Irlande…

M. Yann Galut. En Autriche aussi !

M. Éric Alauzet. …sur certaines pratiques qui consistent à accorder des avantages fiscaux éhontés. La loi relative à la fraude, votée ici il y a an, représente une avancée importante. L’action menée aux États-Unis par Obama avec la loi FATCA a obligé la Suisse à céder. C’est grâce à toutes ces mesures et à la guérilla que nous mènerons contre ces agissements que nous vaincrons.

L’Europe avance mais nous devons progresser nous aussi. C’est grâce aux signaux que nous envoyons que les autres pays de l’Union européenne évoluent. Il faut être déterminé, mais je sais que vous l’êtes.

(Le vote sur l’amendement est réservé.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n694.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement vise à élargir l’assiette de l’impôt sur les sociétés et à durcir les conditions de déductibilité des intérêts d’emprunt en portant, d’une part, de 25 % à 50 % le taux des charges financières nettes devant être réintégrées au bénéfice imposable, et en supprimant d’autre part les exceptions préjudiciables à son efficacité.

Les aménagements proposés seraient portés à la fois au régime général et au régime de groupe.

En France, les intérêts des emprunts contractés par une entreprise sont déductibles de sa base imposable à hauteur de 75 %, ce qui est un progrès, mais ce taux a pour effet de minorer de façon importante le résultat imposable à l’impôt sur les sociétés des grandes entreprises.

Prenons ainsi l’exemple des sociétés d’autoroute qui met en évidence les dérives de ce mécanisme. Je me fonde sur l’avis de l’Autorité de la concurrence des sociétés d’autoroutes qui vient de paraître. À travers la déductibilité des intérêts d’emprunt, qui est illimitée pour ces sociétés, les sociétés concessionnaires d’autoroutes ont économisé la coquette somme de 3,4 milliards d’euros depuis 2006, tout en distribuant, sur la même période, 14,6 milliards d’euros de dividendes, ce qui remet en cause l’utilité et la légitimité de ce dispositif.

M. Jean-Luc Laurent. Incroyable !

M. Nicolas Sansu. Au-delà de la perte de ressources pour l’État, ce dispositif de déductibilité favorise le financement par endettement et le LBO, au détriment du financement en fonds propres, et renforce la dépendance des entreprises à l’égard du secteur bancaire, ce qui pose problème.

Selon nous, le dispositif coûte donc trop cher et il reste des marges de rendement. Il ne serait pas déraisonnable de passer à 50 % et de supprimer les exceptions préjudiciables.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je vous remercie d’avoir rappelé que nous avions franchi une étape importante en introduisant dans la loi de finances rectificative pour 2012 l’impossibilité de déduire 100 % des intérêts d’emprunt. Aujourd’hui, deux catégories d’exceptions sont prévues : celles qui sont relatives aux PPP et celles qui sont liées à la conservation de stocks de produits soumis à une obligation réglementaire – par exemple le champagne.

Les deux mesures que vous proposez – supprimer toutes les exceptions et porter à 50 % la non-déductibilité des charges – provoqueraient un choc trop important. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Rappelons l’historique de la déductibilité des charges financières à laquelle aucune restriction n’était imposée avant la loi de finances rectificative de juillet 2012, par laquelle nous avons décidé de limiter cette déductibilité en suivant deux étapes : une première à 15 % pour l’exercice suivant et une autre à 25 %, à laquelle nous sommes aujourd’hui parvenus. Nous avions pris soin d’écarter de ce dispositif les charges financières inférieures à 3 millions d’euros, de façon à ce que les petites et moyennes entreprises ne soient pas concernées.

En revanche, nous avions longuement débattu, non seulement des PPP, mais aussi des contrats de type concessions ou baux emphytéotiques, car les concessionnaires portent souvent la charge financière à la place de leurs clients – souvent des collectivités territoriales, parfois l’État. Nous avions, dans un premier temps, envisagé de ne pas les exonérer, avant de changer d’avis, avec une restriction. En effet, si nous étions revenus sur cette déductibilité, il était à craindre que les concessionnaires – et les sociétés d’autoroutes ne sont pas seules concernées – considèrent que la nature du contrat avait été substantiellement modifiée sans qu’ils en soient responsables, ce qui aurait pu justifier qu’ils dénoncent, renégocient et demandent à leurs clients, l’État ou des collectivités, des augmentations de tarifs. C’était une source de contentieux nombreux dont personne ici n’aurait pu préjuger de l’issue.

Nous étions finalement tombés d’accord avec le Gouvernement, dont je ne faisais pas encore partie, pour laisser vivre celles qui existaient afin de ne pas courir de risque mais de soumettre au droit commun le flux – réfaction de 25 % des frais financiers déductibles.

Compte tenu de l’actualité, je comprends que vous posiez la question particulière des sociétés concessionnaires d’autoroutes. Rappelons tout de même que le rapport de l’Autorité de la concurrence a été demandé par le rapporteur général de l’époque, en accord avec le président de la commission, sur le conseil très intelligent d’un administrateur qui n’est plus ici aujourd’hui. Cela nous est en effet fort utile et je ne vois pas trop par quelle disposition législative nous pourrions traiter différemment les concessionnaires autoroutiers par rapport aux autres – concessions sur le domaine de l’eau potable, de l’assainissement ou sur les PPP qui ont permis de construire des équipements publics souvent importants.

M. Henri Emmanuelli. Ils sont tous pareils !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En revanche, je peux vous assurer, pour y avoir assisté, que les premières discussions avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes ont permis de poser clairement cette question.

Mme Marie-Françoise Bechtel. C’est heureux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Premier ministre les a rencontrées, en présence de la ministre de l’écologie, du secrétaire d’État chargé des transports et de moi-même en début de semaine. Il ressort du dialogue vif que nous avons entamé que c’est l’un des points dont nous pourrons discuter. Sans révéler ici nos forces et nos faiblesses, il paraît d’ores et déjà difficile, sur un plan constitutionnel, de légiférer en distinguant les autoroutiers des autres. Nous disposons d’autres leviers, actuellement à l’étude. Je ne peux en dire davantage, mais le Gouvernement prendra ses responsabilités.

Le débat doit avoir lieu, le sujet est connu, mais il ne me semble pas opportun aujourd’hui de prendre une telle mesure, après être passé de 0 % à 15 %, puis de 15 % à 25 %. Je préfère donc demander la réserve sur le vote de cet amendement.

Réserve du vote

Mme la présidente. M. le secrétaire d’État demande donc la réserve sur le vote de l’amendement n694.

(Le vote sur l’amendement est réservé.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 386 et 434, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jérôme Chartier, pour soutenir l’amendement n386.

M. Jérôme Chartier. J’espère que M. le secrétaire d’État ne demandera pas de réserver le vote sur mon amendement...

M. Dominique Baert. Oh, il n’y a aucune raison : c’est réservé aux amis !

M. Jérôme Chartier. Cet amendement vise à ouvrir un débat, au demeurant assez simple : notre taux d’impôt sur les sociétés est-il attractif ou décourage-t-il les entreprises de s’implanter sur le territoire national ? Je pense que cet impôt est en fin de vie.

M. Dominique Baert. Vous voulez donc supprimer l’ISF, l’impôt sur les sociétés et les droits de succession !

M. Jérôme Chartier. Siphonné par des arbitrages fiscaux et des prix de transfert, il n’a plus longtemps à vivre, sauf s’il entre dans un périmètre européen. Par conséquent, parmi les pays développés, celui qui, le premier, instaurera un taux plus bas que les autres, bénéficiera de nombreuses localisations sur son territoire. La France devrait engager une démarche pour présenter un taux d’impôt sur les sociétés radicalement plus faible que celui de ses principaux concurrents directs – je ne parle pas des concurrents indirects.

Notre amendement tend à faire passer le taux de l’impôt sur les sociétés à 25 %. Ce taux, qui serait naturellement compensé, permettrait pratiquement de compenser au bout de dix-huit mois, selon les estimations que nous avons fait réaliser, le différentiel d’impôt sur les sociétés grâce à l’appel d’air considérable en termes de localisations d’activités.

De surcroît, l’impôt sur les sociétés remonte aujourd’hui de moins en moins aux sociétés mères en raison de l’appel des différents pays à localiser l’imposition sur leur territoire d’activité.

Nous avons besoin d’une mesure de dumping fiscal s’agissant de l’impôt sur les sociétés en France.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n434.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement, qui relève du même esprit que celui de M. Chartier, tend à baisser l’impôt sur les sociétés à 30 % plutôt qu’à 25 %. Je suis un peu moins ambitieuse et volontariste que mon collègue, mais je pense qu’une telle mesure serait raisonnable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ces deux amendements sont très intéressants et il nous appartient de les décortiquer.

L’amendement n434 vise à réduire l’impôt sur les sociétés mais s’appuie, dans son exposé sommaire, sur un impôt qui n’existe pas, la taxe « assise sur l’excédent brut d’exploitation présentée à l’article 10 du projet de loi ». Avis défavorable.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est une simple erreur de rédaction !

M. Dominique Baert. Vous avez un projet de loi de retard !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ne comprenant pas cet amendement, je ne vois pas comment on pourrait l’appliquer.

Quant à l’amendement n386, les masques tombent, monsieur Chartier. Nous cherchions à connaître le programme de l’un des candidats à la primaire de l’UMP : voilà que l’horizon commence à s’éclaircir. Ce ne doit pas être le même qui s’est exprimé récemment pour appeler à augmenter de 3,5 % les deux taux de TVA – le taux intermédiaire et le taux maximum –, ce qui représenterait 35 milliards d’euros supplémentaires.

Une taxe supplémentaire de 35 milliards : les Français apprécieront ! Il est vrai que vous êtes plus modeste, puisque vous vous contentez de proposer la hausse de deux points du taux normal de TVA, soit 10,8 milliards – là encore, les Français apprécieront – qui correspondent à la conversion quasi intégrale d’une hausse de TVA en réduction de l’impôt sur les sociétés. C’est un choix que vous assumez ; il est désormais plus clair, puisqu’il est écrit et signé. Vous comprendrez naturellement que le Gouvernement ne saurait être favorable à une mesure qui ferait d’un seul coup peser 10,8 milliards de charges supplémentaires sur les ménages.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. À cette heure tardive, je ne souhaitais pas allonger le débat, mais M. le secrétaire d’État m’invite à m’expliquer. Vous avez raison : l’exposé sommaire est erroné, et ce pour deux raisons.

D’une part, vous nous avez laissé très peu de temps pour déposer des amendements, puisque nous ne disposions que d’un délai de quatre jours – y compris un samedi ; or, je ne fais pas travailler ma collaboratrice le samedi.

M. Nicolas Sansu. Mais le dimanche, si ! (Sourires.)

M. Yann Galut. Vous êtes donc favorable aux 35 heures ! Vive le respect du droit du travail !

Mme Marie-Christine Dalloz. D’autre part, je ne dispose pas comme vous d’un service complet de conseillers très performants. J’ai donc commis une erreur ; soit. Cela dit, c’est non pas de l’exposé sommaire que nous débattons, mais du texte même de l’amendement : « À la fin du deuxième alinéa de l’article 219 du code général des impôts, le taux "33,1/3 %" est remplacé par le taux : "30 %" ». À ce titre, je ne faisais nullement référence à un autre dispositif fiscal, dont vous avez abondamment parlé – il était prévu, me semble-t-il, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2013 – et qui a fait l’objet d’un reniement de votre part – un de plus ! –, puisque vous vous êtes heurtés à la levée de boucliers qu’a suscitée le principe consistant à taxer l’excédent brut d’exploitation, l’EBE. Quoi qu’il en soit, je concède mon erreur !

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir accepté d’engager le débat. Vous avez raison : le financement idéal de cette mesure devrait reposer non sur la TVA, mais sur une contribution sur la valeur ajoutée. Cet impôt, sur lequel il faut encore travailler, a déjà fait l’objet de maintes réflexions, mais il n’est pas assez rodé pour être établi. Vous avez vous-même imaginé une taxation de l’EBE, sortie d’un tiroir de Bercy, mais elle n’a jamais été assez performante pour s’imposer – vous l’avez d’ailleurs retirée. En somme, tout le monde cherche le mode de taxation idéal. La contribution sur la valeur ajoutée pourrait précisément être un mode de taxation idéal pour financer une réduction de l’impôt sur les sociétés.

En tout état de cause, rendons-nous à l’évidence : l’impôt sur les sociétés est en fin de vie. Chaque année sa base s’effondre un peu plus et il n’existera bientôt plus, ou alors à l’état résiduel. De deux choses l’une : soit vous attendez son effondrement, que vous constaterez en pleurant, soit vous le précédez en captant la ressource fiscale qui constitue en quelque sorte l’enrichissement de l’entreprise. Dans ce cas, vous optez pour la contribution sur la valeur ajoutée. Si vous lanciez un tel impôt, j’accepterais non seulement de le soutenir, mais aussi d’y travailler avec vous !

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’entends bien ce que vous dites sur l’EBE, madame Dalloz. J’appelle néanmoins l’attention de l’Assemblée sur la question du gage. Comment envisager de gager des amendements aussi importants sur le prix du tabac, même si Mme Touraine, qui milite en faveur de leur augmentation,…

M. Henri Emmanuelli. Ah non !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …en serait sûrement ravie.

Faisons rapidement le calcul : avant le CICE, l’impôt sur les sociétés représente environ 50 milliards d’euros. Vous proposez de ramener son taux de 33,1/3 % à 30 %, soit une réduction d’environ 10 % : voici donc un amendement qui coûte 5 milliards ! Sur le plan technique, l’article 40 permet le gage, mais il ne me semble pas sérieux de vouloir gager un amendement à 5 milliards d’euros sur la fiscalité du tabac.

M. Jérôme Chartier. Soyons sérieux, précisément : allez à l’essentiel et laissez l’accessoire de côté !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. De votre côté, monsieur Chartier, vous avez la précision…

Mme Marie-Françoise Clergeau. Dites plutôt le courage !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Soit : vous avez le courage d’indiquer que vous gagez sur la TVA la réduction à 25 % du taux de l’impôt sur les sociétés !

Vous évoquez la création d’une nouvelle contribution sur la valeur ajoutée.

M. Jérôme Chartier. En effet.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pourquoi pas mais, une fois de plus, tombez les masques et dites-nous ce qu’elle recouvre car à ce stade, je n’en sais rien. J’observe néanmoins que la TVA telle qu’elle existe est in fine payée par le consommateur, et qu’à ce titre elle porte sur le pouvoir d’achat des familles. Étant particulièrement attachés au pouvoir d’achat des familles,...

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous l’avez abondamment prouvé !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …nous ne pouvons pas concevoir ce type d’amendement.

J’espère néanmoins que nous aurons l’occasion d’aller plus loin pour étudier ces propositions qui fleurissent de manière quelque peu inaboutie ; il est normal qu’il faille un peu de temps pour les faire mûrir. Ne passons donc pas autant de temps dessus alors qu’il ne s’agit pour l’instant que de mots.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Un débat est fait pour s’exprimer, monsieur le secrétaire d’État. En outre, si vous étiez des experts imbattables en articles de fiscalité, cela se saurait ! Dois-je vous rappeler vos antécédents et les annulations de mesures par le Conseil constitutionnel ? Convenons au moins qu’en la matière, nul n’a de leçon à recevoir ou à donner. Poursuivons donc le débat.

La contribution sur la valeur ajoutée est un dispositif simple : une fois déduites la masse salariale et les dépenses d’investissement d’une entreprise, on calcule la masse imposable restante.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est donc une forme d’EBE…

M. Jérôme Chartier. Une forme, oui, sans l’être tout à fait : vos conseillers vous ont bien éclairé. Si je n’étais pas d’accord avec la piste de l’EBE, c’est parce que je crois qu’elle n’a pas été suffisamment travaillée. C’est d’ailleurs parce que vous avez lancé un projet encore inabouti que vous avez échoué.

Pour qu’un dispositif soit suffisamment travaillé, il faut commencer par en débattre ; or, le débat a lieu dans l’hémicycle. J’ai donc présenté cet amendement pour susciter le débat. Je constate que vous y êtes ouvert et je m’en réjouis ; j’espère que ce n’est qu’un début et que nous reviendrons sur l’évolution de l’impôt sur les sociétés. J’observe d’ailleurs que vous y êtes assez favorable ; nous allons donc peut-être pouvoir en finir avec cet impôt voué à disparaître pour le remplacer par une contribution plus juste, qui permettra notamment de taxer davantage les produits d’importation.

(Les amendements nos 386 et 434, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n688.

M. Nicolas Sansu. Il est défendu.

(L’amendement n688, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n579.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à taxer les plus-values exceptionnelles de cessions sur titres de participation à long terme au taux de 19 %, étant précisé que cette taxation n’interviendrait qu’au-delà du montant particulièrement élevé de 120 millions d’euros de plus-values.

Actuellement, comme vous le savez, la majorité des sociétés est assujettie à un taux d’impôt sur les sociétés de 33,1/3 %, qui peut même désormais atteindre plus de 37 %. Il s’avère pourtant que de grands groupes continuent à bénéficier d’un régime de faveur fiscale grâce à un taux d’imposition modeste, voire dérisoire dans certains cas, d’environ 4 %, en vertu des dispositions de l’article 219 du code général des impôts qui leur permet d’obtenir une exonération quasi-totale des plus-values sur leurs cessions de titres de participation à long terme.

À titre d’exemple, un grand groupe de médias a réussi en moins de huit ans – sous la gauche puis sous la droite – à obtenir une plus-value de 2,4 milliards d’euros en cédant sa participation dans une très grande entreprise de défense que chacun connaît. Or, ce groupe n’a payé que 100 millions d’euros d’impôts, soit 4 %, alors que s’il avait été imposé à 33,1/3 %, il aurait dû payer environ 782 millions d’euros.

C’est pourquoi le présent amendement vise à remédier à cette injustice fiscale en fixant un taux – déjà réduit – de 19 % de taxation des plus-values de plus de 120 millions d’euros. Les entreprises concernées seront pour l’essentiel des grands groupes, et les PME seraient épargnées.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. La question de la taxation des plus-values de cessions supérieures à un certain montant mérite en effet d’être posée. Toutefois, cet amendement est rétroactif puisqu’il porte sur les exercices à compter du 1er janvier 2013.

M. Pascal Cherki. Est-ce la seule raison qui justifie l’avis défavorable ?

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Plusieurs textes ont déjà permis de durcir les modalités de l’imposition des plus-values à long terme…

M. Nicolas Sansu. Appelons les choses par leur nom : il s’agit de la niche Copé !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …pour se rapprocher du délicat compromis entre la concurrence internationale et surtout européenne, que nous regrettons tous, et la situation de la France.

La loi de finances pour 2013 avait déjà relevé à 12 % du montant brut des plus-values de cessions le montant de la quote-part des frais et charges. D’autres mesures concourent également à la réduction de l’écart de taxation entre les petites et les grandes entreprises. Je rappelle que plusieurs travaux en cours concernent l’harmonisation – le mot est peut-être un peu fort – de ces modes de taxation. À ce stade, le Gouvernement n’est donc pas favorable à votre proposition, monsieur le député, et demande la réserve du vote.

Réserve du vote

Mme la présidente. Le Gouvernement demande la réserve du vote sur l’amendement n579.

La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Personne n’a encore prononcé son nom, mais nous parlons bien là de la niche Copé.

M. Sergio Coronado. Tout à fait !

M. Nicolas Sansu. Elle avait été adoptée à la va-vite en 2004. Nous sommes aujourd’hui très loin du retour à la situation qui prévalait avant son entrée en vigueur, puisque les plus-values à long terme étaient alors taxées au taux de 19 %.

M. Sergio Coronado. C’est précisément ce que je propose !

M. Nicolas Sansu. Certes, mais à partir d’un seuil plus élevé de 120 millions d’euros.

Sans faire d’archéologie, monsieur le secrétaire d’État, il me semble que le groupe socialiste au Sénat avait, à la fin 2011, proposé un amendement visant à relever de 10 % à 20 % le taux de taxation des plus-values de cessions. Je tenais simplement à rappeler que nous menons un combat commun contre cette niche Copé et qu’il est légitime de le poursuivre !

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Mon collègue Sansu a parfaitement raison. Il arrive parfois, dans les débats budgétaires, que nous nous inspirions d’initiatives prises par des collègues appartenant à un autre groupe, surtout lorsque nous avons mené des combats communs.

Notre collègue a eu raison de rappeler que toute la gauche avait engagé le combat contre la niche Copé. Je m’étonne, en outre, que vous ayez tiré argument du contexte, de la compétition européenne et du niveau d’imposition dans les pays voisins pour me répondre, car c’est exactement ce que disait l’ancienne majorité aux parlementaires de gauche qui dénonçaient la mise en place de cette niche.

Je suis d’accord avec Mme la rapporteure : il s’agit bien d’une mesure rétroactive, mais nous avons le droit de prendre des mesures rétroactives dès lors qu’il s’agit de l’intérêt général. Or le niveau de contrainte dans lequel a été élaboré ce projet de budget est tel que cet amendement relève bien de l’intérêt général. J’ajoute qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons également mis en place une disposition qui consiste à ne prendre en compte que les plus-values brutes. Il ne faut pas considérer uniquement le pourcentage et le taux de la quote-part des frais et charges. L’année dernière, dans le cadre du projet de loi de finances, nous avons considérablement vidé de sa substance la niche Copé en n’intégrant pas les moins-values, ce qui était précisément, pour ceux qui utilisaient à plein régime cette fameuse niche, une façon d’en tirer un maximum de bénéfices.

Le manque à gagner lié l’utilisation de cette niche a donc considérablement baissé, ce qui était l’objectif que nous poursuivions, monsieur Sansu. Nous avons quasiment atteint notre but grâce à un artifice qui a probablement échappé à beaucoup d’entre nous. Quoi qu’il en soit, je demande donc la réserve du vote sur l’amendement n579.

(Le vote sur l’amendement est réservé.)

Mme la présidente. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2015.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 17 octobre, à une heure.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly