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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 21 octobre 2014

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (nos 2252, 2303, 2298).

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’un budget qui s’élève à près de 500 milliards d’euros. Nous débattons d’un budget qui concerne notre système de protection sociale, qui est au bord du gouffre : un système à bout de souffle qui met en péril la pérennité de notre modèle social français.

La Cour des comptes, dans son rapport d’information sur l’application du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014, l’a rappelé de manière on ne peut plus claire : « La permanence de ses déficits sape sa solidité et sa légitimité. Revenir au plus vite à l’équilibre des comptes sociaux, en affermir la trajectoire, sont autant d’enjeux fondamentaux. La réussite est possible. »

Il y a donc urgence à prendre des décisions fortes. Or, le Gouvernement préfère le colmatage aux réformes de structure. Il recherche le mariage des contraires et slalome entre les difficultés plutôt que de les prendre à bras-le-corps.

Vous préférez la ration à la réforme et l’ajustement au changement. Ce n’est pas de cette manière que les comptes de la Sécurité sociale sortiront du rouge. Vous répétez en boucle, en particulier Mme la ministre de la santé, que vous menez une action résolue pour résorber les déficits de la Sécurité sociale, et vous l’avez encore fait lors de la présentation de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Mais les chiffres vous démentent.

Vous annoncez 9,6 milliards d’économies sur la Sécurité sociale. Nous avons cherché, nous avons pris nos calculettes et le compte n’y est pas. Il manque 5,2 milliards : 5,2 milliards qui ne sont pas détaillés dans ce PLFSS. Le Haut Conseil des finances publiques s’en est lui-même étonné. Au moment de rendre son avis, il s’est montré surpris : « s’agissant des dépenses sociales, les mesures d’économies du projet de loi de financement de la Sécurité sociale n’ont pas été portées dans leur totalité à la connaissance du Haut Conseil. »

Une partie des économies annoncées n’existe pas et l’autre partie, qui est inscrite dans ce texte, n’est pas convaincante. Elle s’apparente davantage à une faible réduction du déficit qu’à une restructuration durable et efficace de notre système.

L’ONDAM, Objectif national des dépenses d’assurance maladie, sera fixé à 2,1 % en 2015, contre 2,4 en 2014. Cela revient à dire que l’assurance maladie sera seulement contrainte à diminuer son déficit sans qu’aucun retour à l’équilibre ne soit prévu pour le moment. Et une nouvelle fois, vous demanderez à la médecine de ville de faire le plus gros des efforts, ceci malgré votre tentative de masquer cette réalité par un ONDAM en trompe-l’œil qui lui semble plus favorable.

En effet, l’ONDAM pour la médecine de ville sera de 2,2 %, contre 2 % pour l’hôpital. Et c’est bien là qu’il y a supercherie, puisque c’est la médecine de ville qui va prendre en charge le traitement de l’hépatite C, ce qui représente un transfert sur cette enveloppe d’environ 1 milliard d’euros.

À ce propos, la mesure de taxation des entreprises prévue pour l’hépatite C pose très clairement la question de la prise en charge des médicaments innovants dans notre pays. Elle ne règle en rien la question de l’impact sur les comptes sociaux de certaines pathologies et thérapies ciblées et envoie un signal dangereux à l’égard des entreprises innovantes.

Je pense qu’il faut s’interroger, dans les années à venir, sur le financement de l’innovation médicale en ne considérant pas seulement son coût, mais aussi les économies qu’elle permet pour notre société tout en allégeant les souffrances des patients.

L’innovation pharmaceutique, secteur stratégique, doit rester en France. C’est essentiel pour notre industrie, nos emplois, la recherche et le développement de notre pays. Il est trop facile et démagogique de taper sur le médicament et d’en faire la véritable variable d’ajustement de nos comptes sociaux.

Le médicament va supporter 1 milliard d’économies. Tout à l’heure, vous accusiez l’opposition de rechercher des boucs émissaires. Eh bien, je dois reconnaître que vous faites figure d’expert, car vous faites du médicament le véritable bouc émissaire de la dérive des comptes de l’assurance-maladie. Le Gouvernement fait une fois de plus le choix de la facilité en recourant à l’expédient de mesures comptables, pour la troisième année consécutive.

Plus de 50 % des efforts pèsent sur ce secteur, qui ne représente que 15 % des dépenses. En tout, ce seront 3 milliards sur les trois années à venir. Année après année, vous pénalisez fortement l’industrie pharmaceutique. Vous détériorez durablement les capacités de recherche et d’innovation de notre pays. Vous affaiblissez un outil de production source d’emplois et d’investissement.

En traçant une telle perspective sur le moyen terme, vous prenez le risque de pousser à la délocalisation la production de médicaments, avec toutes ses conséquences : la dépendance à l’égard de pays étrangers, le risque de ruptures d’approvisionnement, la perte de traçabilité des médicaments, ou encore le développement de la contrefaçon.

L’industrie pharmaceutique, je le rappelle, représente en France un secteur pourvoyeur d’emplois et d’exportations. Le médicament demeure un puissant, et rare, générateur de devises pour la France. Les échanges commerciaux de médicaments ont représenté en 2013 un excédent commercial de 8,8 milliards d’euros, soit 6,9 % de nos exportations totales, juste derrière l’aéronautique et l’aérospatiale.

D’ailleurs, le Président de la République François Hollande avait identifié l’industrie du médicament comme un secteur stratégique pour notre pays. Vous en faites un secteur tragique. Un secteur qui, pour la première année, vient de passer sous la barre symbolique des cent mille emplois, alors que nous avions l’habitude d’en compter cent vingt mille. Une nouvelle fois, vos actes ne sont pas conformes à vos paroles. D’où une véritable défiance des industriels, qui se traduit au sein même du Conseil stratégique des industries de santé, une instance qui ne s’est pas réunie depuis juillet 2013.

Vous faites du médicament la source de tous les maux, alors que l’audition par la commission des affaires sociales de M. Giorgi, président du comité économique des produits de santé, fin 2013, a mis en lumière qu’il fallait se garder de tout propos généralisateur sur la question du prix des médicaments.

Nous savons que les prix des médicaments en France sont souvent inférieurs à ceux observés dans les cinq premiers pays européens. Par l’effort demandé au médicament, vous fragilisez ainsi toute une filière, des laboratoires aux officines pharmaceutiques en passant par les grossistes, dont les équilibres sont de plus en plus fragiles. J’en profite pour saluer la position de sagesse de la ministre sur le monopole pharmaceutique car, s’agissant d’une véritable question de santé publique, il est effectivement responsable de sortir des postures et des caricatures.

Cela étant, il est plus qu’indispensable que nous posions la question des modalités de la fixation du prix du médicament dans notre pays. Le cas du traitement de l’hépatite C doit nous interpeller. La prise en charge de nouvelles molécules va poser de plus en plus de questions, en particulier celle de l’accès de nos compatriotes aux nouveaux traitements.

Ensuite, je considère qu’il est indispensable que nous favorisions le développement du générique, non par de constantes baisses de prix, ce que vous faites depuis des années, mais par le développement de la prescription.

Le rapport de la Cour des comptes sur l’application du PLFSS pour 2014 contient un chapitre entier sur la politique de diffusion des génériques. Il a mis en lumière que le passage de 40 à 60 % de la part des médicaments substituables générerait une économie de 500 millions d’euros, et de 1,12 milliards si l’on passait à 85 %. L’engagement et la responsabilisation des médecins, qui sont à l’origine de 75 % de la prescription de médicaments, sont essentiels.

Donner aux médecins un rôle central, élargir voire supprimer à terme le répertoire, améliorer l’information des assurés sociaux, imposer la prescription en DCI – dénomination commune internationale – sont autant d’actions qui permettraient d’accroître la diffusion des médicaments génériques.

Les mesures sur le médicament illustrent la vision à très court terme du Gouvernement, alors que la politique de santé requiert de la perspective. Et, à défaut de vouloir définir des perspectives, vous continuez votre politique du rabot. La réforme de l’hôpital public est un tel tabou que vous préférez proposer une réduction de la dépense de l’hôpital de 520 millions d’euros, en mutualisant les systèmes d’information ou les achats, plutôt que de parler de la réforme de la carte hospitalière.

L’hôpital représente 45 % des dépenses, mais vous ne lui demandez que 15 % des économies, prisonniers que vous êtes de votre conception hospitalo-centrée du système de santé. C’est dommage.

C’est dommage, parce que l’opposition est prête à travailler avec vous sur ce sujet. Car nous savons aussi combien l’hôpital est important. Nous saluons d’ailleurs le travail des soignants du secteur public. L’hôpital mérite toute notre attention – mais « attention » ne veut pas dire « immobilisme ».

Vous refusez d’ouvrir le débat sur le fonctionnement de l’hôpital et d’ouvrir le dialogue sur le rétablissement du jour de carence à l’hôpital, alors que cette mesure est réclamée par les gestionnaires d’hôpitaux eux-mêmes.

Mme Isabelle Le Callennec. Eh oui !

M. Jean-Pierre Barbier. C’est pourquoi, faute de réflexion sur l’organisation hospitalière, on peut douter de l’efficacité du virage ambulatoire que vous proposez et qui doit permettre de dégager 370 millions d’euros d’économies. Bien évidemment, c’est une piste intéressante, mais qui doit s’accompagner, si l’on veut qu’elle soit efficace, de fermeture de lits. Mais pas n’importe où, ni n’importe comment : une nouvelle fois, la constitution d’une carte hospitalière est plus qu’essentielle.

Essentielle aussi est la collaboration entre le public et le privé. Mais, là aussi, vous avez décidé d’abandonner la convergence tarifaire entre établissements de santé publics et privés, qui aurait permis d’améliorer l’efficience du système de soins en secteur public. Au lieu de cela, vous créez un statut ainsi qu’un modèle de financement spécifique pour les hôpitaux de proximité. Je crains qu’il ne s’agisse que d’une subvention pour des établissements à très faible activité qui ne rendent pas le service médical attendu. Et je ne vois pas où se situent les gains pour les patients, ni pour nos finances publiques.

Votre seule piste de réforme est d’instaurer des mesures contraignantes pour freiner les dépenses. Dans un système déjà sur-administré, vous ajoutez de nouvelles contraintes administratives. Vous pensez maîtriser les dépenses de santé en substituant le contrôle administratif étatique à la liberté de gestion des établissements. Il s’agit d’une véritable mise sous tutelle dont il est permis de douter qu’elle soit pertinente.

Ce projet de loi de financement confère ainsi de nouveaux pouvoirs aux agences régionales de santé : pour la prescription des médicaments hospitaliers inscrits sur la liste en sus, pour le financement des hôpitaux avec un système de bonus-malus et enfin pour les nouveaux contrats d’amélioration des pratiques en établissement de santé et de la pertinence des soins, qui entrent dans une logique de sanctions à l’égard des structures de santé. Il s’agit d’un changement majeur de notre modèle de gouvernance, qui nécessite un débat public et qui mériterait un nouveau débat en commission.

En conclusion, pour l’hôpital, il y aura plus de contraintes administratives et peu de changements quant au fonctionnement, au prétexte de répondre au dogme socialiste et de ne pas alourdir les tâches administratives des médecins – des questions que vous vous posez beaucoup moins lorsqu’il s’agit d’enclencher la première étape de la généralisation du tiers-payant.

Certes, l’accès aux soins des personnes les plus fragiles doit être favorisé. Mais la généralisation du tiers-payant est condamnable, pratiquement, financièrement et moralement. La généralisation du dispositif me paraît dé-responsabilisante, car tout ce qui est gratuit, ou qui apparaît comme gratuit, perd de sa valeur, ce qui entraîne une hausse de la consommation.

C’est ce qu’on a constaté avec la suppression de la franchise pour l’aide médicale d’État. Quand on a supprimé la franchise médicale imposée en 2011 aux étrangers sans papiers bénéficiaires de l’AME, les coûts du dispositif ont explosé. Vous refusez d’en revoir le fonctionnement, alors que les dépenses approcheront en 2016 le milliard d’euros.

Vous avez annoncé cet après-midi, ici même, sans débat en commission, la disparition des franchises médicales pour une catégorie d’assurés sociaux. Compte tenu de l’état de nos finances, c’est à n’y rien comprendre : c’est bien le révélateur de l’idéologie qui vous imprègne. Une idéologie qui vous fait alourdir nos dépenses publiques et augmenter les charges sur les entreprises et sur les classes moyennes.

J’en veux pour preuve la mise en œuvre du compte pénibilité dans les entreprises, évoquée par Mme la ministre de la santé devant la commission des affaires sociales. Le compte pénibilité est une catastrophe économique annoncée, une machine à broyer les entreprises et l’emploi. L’utopie et l’idéologie ont à nouveau pris le pas sur la réalité économique et le pragmatisme social.

J’en veux pour preuve aussi la mise à contribution des 460 000 retraités dont le taux de CSG passera de 3 % à 6 %. Après le gel des retraites et la non revalorisation du 1er octobre, vous vous servez à nouveau des pensions de retraites comme d’une variable d’ajustement budgétaire. M. Christian Eckert affirmait pourtant sans rire en commission des affaires sociales que ce PLFSS ne contenait aucune mesure d’accroissement des prélèvements !

Ne vous étonnez donc pas que les Français ne vous fassent plus confiance ! D’autant plus qu’ils savent que des marges de manœuvres existent pour améliorer les comptes de la Sécurité sociale. L’une d’entre elles est la lutte contre la fraude qui, selon la Cour des comptes, doit être une priorité absolue. Le montant de la fraude est en effet estimé entre 20 et 25 milliards, les redressements n’en représentant que 1 %.

Ne mélangeons donc pas nos priorités d’action ! Mais il est vrai que la politique socialiste, c’est le rabotage et le nivellement par le bas, car telle est votre conception de l’égalité. D’ailleurs, c’est dans cet esprit que vous transformez le capital décès en prestation forfaitaire. À partir de 2015, vous remplacez en effet la référence au salaire du défunt par un montant forfaitaire fixé par référence au SMIC. Le montant sera donc plus faible que dans le droit actuel lorsque le salarié gagnait plus que le SMIC. Belle leçon de socialisme !

Vous manquez d’imagination pour mettre notre modèle de Sécurité sociale sur les rails du XXIsiècle. En revanche, vous n’en manquez pas pour compenser les allégements de charges votés dans le cadre du pacte de responsabilité.

Avec mes collègues du groupe UMP, nous avons cherché la compensation promise des 6,3 milliards d’allégements de charges de cet été. Certes, vous dégagez la Sécurité sociale du paiement des 4,75 milliards d’aides au logement – qui devront être assumées par l’État, dont, c’est connu, le budget est très excédentaire – et vous transférez vers la Sécurité sociale l’intégralité du produit des prélèvements sociaux du capital à hauteur de 2,5 milliards.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Mais non !

M. Jean-Pierre Barbier. Mais la question reste la même : comment l’État compensera-t-il ces pertes de recettes pour la Sécurité sociale ? Par la dette, encore et toujours ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est budgété !

M. Jean-Pierre Barbier. Notre modèle social est financé à crédit sur le dos de nos enfants…

Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales. Qui l’a dégradé ?

M. Jean-Pierre Barbier. ...et de nos petits-enfants. C’est irresponsable.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il faut qu’il achète un boulier…

M. Jean-Pierre Barbier. Votre tuyauterie budgétaire ne peut masquer cette réalité. Les tuyaux tentaculaires du PLFSS…

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est un pompier pyromane !

M. Jean-Pierre Barbier. …siphonneront les caisses de congés payés du bâtiment.

Pour boucler des fins de mois difficiles et pour trouver de la trésorerie pour une année seulement, l’article 14 du PLFSS envisage de faire payer à la source les cotisations dues sur les indemnités de congés payés versées par les caisses avant que le congé ne soit pris et avant que l’indemnité ne soit versée.

Selon quelle logique économique des cotisations sociales peuvent-elles être versées avant que l’indemnité ne soit versée ? Il s’agit purement et simplement d’une intrusion étatique à visée confiscatoire dans un processus qui garantissait jusqu’alors une prestation socialement et financièrement ordonnée.

Nous avons un modèle social et économique au service des entreprises et des salariés qui a démontré son efficacité depuis le Front Populaire, et vous ne trouvez rien de mieux que de le mettre à mal ! Prise sans aucune concertation, cette mesure est caractéristique de votre méthode de gouvernement : ne pas réformer ce qui ne marche pas, et déstabiliser ce qui fonctionne.

Parmi ce qui marche et que vous adorez déstabiliser, il y a bien évidemment notre politique familiale.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Ah !

M. Jean-Pierre Barbier. Avec zèle, vous déconstruisez depuis deux ans le modèle français de politique familiale. Dans ce PLFSS, une nouvelle fois, les familles sont mises à contribution…

Mme Martine Pinville, rapporteure. Au contraire !

M. Jean-Pierre Barbier. …avec tout un train de mesures visant la prime de naissance, le congé parental, la majoration des prestations familiales ou les aides à la garde d’enfant… Au total, il y en a pour 800 millions d’euros.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Mais non !

M. Jean-Pierre Barbier. C’est la facture de l’attaque contre la politique familiale.

Le Gouvernement persiste même à affirmer, sans rire, qu’il aime et soutient les familles. Qu’en serait-il s’il ne les aimait pas ! Mais il est vrai que quand on aime, on ne compte pas… Nous, justement, nous avons compté.

Vous estimez que ces mesures d’économie permettront de ramener le déficit de la branche famille de 2,9 à 2,3 milliards d’euros. En commission des affaires sociales, et cet après-midi ici même, Mme la présidente de la commission nous a affirmé que deux milliards supplémentaires avaient été apportés à la politique familiale depuis que vous êtes au Gouvernement.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Oui.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Supplémentaires, oui.

M. Jean-Pierre Barbier. Compte tenu des chiffres du déficit et de ceux que vous avez annoncés, j’en déduis que vous êtes responsables de la majeure partie du déficit de la branche famille, en deux ans. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Le déficit, nous l’avons trouvé à trois milliards !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Ne vous dédouanez donc pas !

M. Jean-Pierre Barbier. Face à la levée de boucliers de votre propre camp et de l’opposition, vous avez reconsidéré certaines mesures et vous avez sorti de votre chapeau la modulation des allocations familiales…

Mme Martine Pinville, rapporteure. Nous ne l’avons pas sortie de notre chapeau.

M. Jean-Pierre Barbier. …en fonction des revenus à partir du 1erjuillet 2015. Vous considérez cela comme une « réforme ».

Mme Marie-Christine Dalloz. Et même une réforme majeure !

M. Jean-Pierre Barbier. Et cette réforme, nous l’apprenons dans les médias, le jeudi, alors que l’examen du texte en commission s’est achevé le mercredi.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Eh bien oui !

M. Jean-Pierre Barbier. En séance, vous allez accepter un amendement et adopter une mesure qui trahit les valeurs du Conseil national de la Résistance…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas vrai !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est la vérité !

Mme la présidente. Seul l’orateur a la parole, mes chers collègues.

M. Jean-Pierre Barbier. …et qui augmente de 100 millions le prélèvement sur les familles. Vous remettez en cause, sans aucun débat en commission, l’universalité de notre politique familiale.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ce n’est pas vrai, et vous le savez !

Mme Martine Pinville, rapporteure. C’est inexact.

M. Jean-Pierre Barbier. Je vous rappelle, madame la secrétaire d’État, que le principe d’universalité a toujours signifié universalité des droits contributifs, c’est-à-dire que chacun a droit à la même prestation en contrepartie des cotisations versées en fonction des revenus.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Ce n’est pas cela, l’universalité.

M. Jean-Pierre Barbier. Cette remise en cause fondamentale…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Il n’y a pas de remise en cause !

M. Jean-Pierre Barbier. …se fait sans aucune discussion en commission des affaires sociales. Une petite discussion entre socialistes, et encore pas tous, suffira !

Mme Marie-Christine Dalloz. Oui, ça suffit !

M. Jean-Pierre Barbier. Quel mépris ! Vous êtes en train d’ébranler un pilier de notre modèle social et de dénaturer complètement notre politique familiale ainsi que notre politique de natalité.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Vous savez que ce n’est pas vrai.

M. Jean-Pierre Barbier. Son principe est de verser une compensation de charge. Ce n’est pas une politique de solidarité qui verse une aide sociale. Si vous voulez effectivement faire de la politique familiale et de la politique de la natalité une politique de redistribution et de solidarité, il faut l’assumer.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Incroyable !

M. Jean-Pierre Barbier. Mais pas avec la justification de la lutte contre les déficits : il faut l’assumer comme un choix politique qui vous appartient ! Et pas non plus en invoquant la « justice », car c’est une double peine que vous infligez aux familles.

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est un choix de justice !

M. Jean-Pierre Barbier. Non seulement ceux dont les revenus sont les plus élevés paient déjà plus de cotisations et plus d’impôts, mais avec vous, ils auront moins de droits.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Ils ont aussi plus de réductions fiscales !

M. Jean-Pierre Barbier. Vous instaurez une règle simple : plus on cotise, moins on a de droits !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Vous agitez des peurs, c’est malhonnête.

M. Jean-Pierre Barbier. C’est là une règle simple qui risque fort d’être généralisée à l’ensemble de notre système de santé. Mais vous pouvez compter sur nous pour être vigilants. Ce choix politique mérite un débat et pas une discussion à la va-vite dans l’hémicycle.

Madame la secrétaire d’État, je regrette profondément cette manière de faire qui déconsidère les parlementaires dans leur ensemble ainsi que le travail effectué en commission des affaires sociales. Elle motive, à elle seule, le renvoi en commission des affaires sociales de ce PLFSS.

Pour conclure, en 2015 comme en 2014 et en 2013, les mesures que vous avez prises maintiennent notre système de Sécurité sociale en soins palliatifs. Notre système de santé mérite mieux. Il mérite de guérir !

Pour toutes ces raisons, sur le fond comme sur la forme, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai l’honneur de vous demander d’adopter cette motion de renvoi en commission. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Arnaud Robinet. Bravo !

Mme Marie-Christine Dalloz. Entendre des vérités, cela les a énervés !

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il serait difficile de vous répondre point par point, monsieur Barbier.

M. Dominique Tian. C’est précisément pour cela qu’il faut revenir en commission ! (Sourires)

Mme la présidente. Seule Mme la présidente a la parole.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je vous remercie, madame la présidente. Nous avons pris le temps de débattre longuement en commission.

Mme Isabelle Le Callennec. Pas de la modulation.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous sommes parvenus à vingt heures d’échanges, ce qui est d’ailleurs beaucoup plus que les autres années, vous pourriez le reconnaître. Tous les articles ont été débattus point par point.

Mme Isabelle Le Callennec. Non. Nous n’avons pas parlé de la modulation.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. S’agissant de la branche famille, vous avez formulé à la tribune une contre-vérité, et même un véritable mensonge.

M. Arnaud Robinet. Non !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Lorsque la nouvelle majorité est arrivée au pouvoir, en juin 2012, la branche famille accusait un déficit de trois milliards. Les chiffres sont incontournables, ce n’est pas nous qui les avons inventés !

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. Qu’est-ce que c’est, des contre-vérités pareilles !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Malgré tout, en essayant de sauver cette branche famille, de la rétablir, le Gouvernement a permis le versement de deux milliards de prestations directes supplémentaires aux familles. Comme quoi, nous, nous aimons vraiment les familles !

S’agissant de la médecine de ville, vous considérez que l’ONDAM de 2,2 % est faussé en raison de la cherté des médicaments. Si vous aviez lu le projet de loi et si vous aviez écouté les différentes interventions, vous auriez noté que la transformation de la clause de sauvegarde du taux K en taux L et en taux W permet de récupérer des contributions qui seront reversées à l’assurance maladie. Ainsi, c’est l’évidence, tout reste dans le circuit de la CNAM.

Ensuite, vous avez beau jeu de critiquer le nombre de réunions du CSIS : en huit ans, vous l’avez réuni cinq fois ! Nous sommes quant à nous arrivés au pouvoir en juin 2012 et un an après, nous l’avions déjà réuni. Je ne vois pas en quoi nous n’aurions pas fait ce qu’il fallait. C’est assez étonnant.

Vous considérez aussi que nous manquons de perspectives. Pas du tout. Au contraire, ce PLFSS prépare le projet de loi santé ! Nous réorganisons le secteur hospitalier avec, en ligne de mire, la réorganisation de l’offre de soin ambulatoire. Vous savez très bien, monsieur Barbier, ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre, que faute de réorganiser le second, nous ne parviendrons pas à réorganiser le premier.

Pour autant, l’ONDAM hospitalier ne s’élève qu’à 2 %. Cela signifie que ce secteur doit faire des efforts, à travers notamment l’accélération de la chirurgie ambulatoire. C’est une révolution culturelle tant pour les personnels soignant que pour les patients, qui devront apprendre à sortir de l’hôpital le jour même de l’intervention. Nous rejoindrons ainsi les standards européens et notamment ceux de l’Allemagne, puisque vous appréciez les comparaisons avec ce pays. D’où l’article additionnel très pertinent proposé par notre rapporteur M. Véran concernant ces lieux d’accueil que l’on appelle les hôtels hospitaliers,…

M. Dominique Tian. Les Ibis !

M. Arnaud Robinet. Les Formule 1 !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …des sas de respiration pour le malade, afin qu’il n’ait pas l’impression d’être lâché dans la nature après l’intervention.

S’agissant des franchises médicales, censées responsabiliser les patients, je vous signale qu’elles n’ont entraîné aucune baisse de consommation de médicaments. Cela s’explique par la régulation des prescriptions.

Vous êtes bien placé pour savoir, monsieur Barbier, que dans les pharmacies, les clients ont préféré acheter de grands conditionnements – c’est la pire des choses – parce qu’ils ne paient que 50 centimes pour une boîte de trois mois au lieu de trois fois 50 centimes pour trois boîtes d’un mois !

M. Jean-Pierre Barbier. Ce qui a contribué aux baisses.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est bien beau de demander de nouveaux rapports dans les PLFSS, mais ce serait encore mieux de les lire lorsque vous les recevez ! Le dernier que nous avons reçu, concernant les forfaits et les franchises, montre bien que la consommation de médicaments n’a pas baissé avec l’instauration de franchises, qui limitent en revanche l’accès aux soins de ceux qui en ont besoin.

Pour en revenir à l’hôpital, outre l’article additionnel de notre rapporteur, il y a le dispositif de contractualisation concernant la pertinence des soins, qui figure à l’article 42. Un tel levier n’existait pas à l’hôpital et nous sommes en train de le mettre en place. Il existait, en revanche, chez les médecins libéraux et dans les cliniques privées sous la forme de rémunérations sur objectifs de santé publique, les ROSP.

M. Jean-Pierre Barbier. De nombreux points n’ont pas été examinés en commission !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je crois avoir répondu à la plupart des interrogations, et sans doute Mme la secrétaire d’État répondra-t-elle à son tour. En l’occurrence, je conseille à la représentation nationale de voter contre cette motion de renvoi en commission. Vous avez à peine évoqué la branche vieillesse, vous n’avez rien dit sur la branche médico-sociale, vous avez un peu parlé de la branche famille, mais tout cela ne vaut pas le coup de revenir en commission. Nous avons déjà discuté de tout cela, monsieur Barbier.

M. Michel Issindou, rapporteur. Ce serait du temps perdu.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Barbier, je voudrais quant à moi rechercher les points qui pourraient nous rassembler plutôt que de me livrer à la caricature, comme cela a été fait par les uns et même parfois par les autres. Je voudrais également essayer de m’en tenir aux faits.

Quant à la chronologie de l’explosion prétendue des déficits, je citerai deux chiffres très simples. En 2010, le déficit de l’ensemble des quatre budgets sociaux s’élevait à 27,3 milliards. Ce n’est pas une estimation, ni a fortiori une invention, c’est le chiffre inscrit dans toutes les lois de règlement ou équivalentes qui ont été votées : 2010, 27,3 milliards d’euros.

M. Michel Issindou, rapporteur. Ça fait mal !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est en tendanciel.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non : c’est ce qui a été réalisé et exécuté, madame Dalloz. Et en 2014, ce déficit sera de 15,4 milliards.

M. Arnaud Robinet. Et en 2011 et 2012, de combien était-il ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai pris volontairement 2010 et 2014…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission mixte paritaire. Pas de jaloux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …parce qu’on voit là le résultat de deux années de chacune des majorités.

Plutôt donc que de parler d’explosion des déficits, peut-être pourrions-nous saluer l’ensemble des acteurs du monde de la santé, qu’ils soient politiques, personnels soignant ou patients. Peut-être pourrions-nous nous réjouir collectivement, sans chercher à savoir qui des uns ou des autres a le mieux agi, de ce qu’entre 2010 et 2014, les déficits des quatre budgets sociaux aient été divisés par deux. Poursuivre dans cette voie, en amplifiant le mouvement, à un rythme qui soit soutenable par l’ensemble des acteurs, est une nécessité.

Que nous n’ayons pas toujours réussi, les uns comme les autres, à atteindre les objectifs ambitieux que nous nous étions parfois fixés, est une réalité. En revanche, dire que les déficits de notre système de soins, de santé et de protection sociale explosent, pardonnez-moi, mesdames et messieurs les députés, mais c’est dire une ânerie ! Et c’est une manière de décourager et de décrédibiliser l’ensemble des acteurs, y compris la classe politique.

Quant à la CSG maintenant, vous dites, monsieur Barbier, que 460 000 retraités vont voir leur taux de CSG augmenter. Mais savez-vous que, du fait du curieux système qui veut que le passage du taux de la CSG de 3,8 à 6,6 % se fasse en fonction du montant de l’impôt sur le revenu qui a été payé, des centaines de milliers de retraités voient, d’une année sur l’autre, leur taux de CSG varier, dans un sens ou dans l’autre ?

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Cela n’a rien à voir !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas étonnant, avec la fiscalité que vous avez mise en place !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous fournirai les chiffres. Ils sont issus non pas d’une projection, mais de constats.

Pourquoi ce fait, donc ? Tout simplement parce que lorsque l’impôt sur le revenu augmente, le taux de CSG augmente lui aussi. Et l’année suivante, le revenu imposable diminue, puisque le taux de CSG a augmenté. C’est pour cela, monsieur Barbier, que nous avons tous les ans ce que l’on appelle des « retraités yo-yo » : consultez sur ce sujet le rapport Lefebvre-Auvigne. Chaque année, indépendamment de toute mesure nouvelle, des centaines de milliers de retraités voient leur taux de CSG varier du seul fait que le montant de leur impôt sur le revenu est proche de celui qui déclenche la variation de ce taux.

La mesure que vous propose le Gouvernement, et que vous présentez comme une mesure de rendement visant à augmenter la contribution des retraités, consiste en réalité à adosser la CSG non plus sur l’impôt payé, mais sur le revenu perçu, ce qui nous semble plus juste.

Comme je l’ai déjà expliqué dans mon propos liminaire, il s’agit aussi de mettre fin à une aberration : du fait de réductions ou de crédits d’impôt, certains retraités ayant des revenus supérieurs à d’autres vont payer un taux de CSG inférieur. Cela vous semble-t-il juste, monsieur le député ?

Depuis des années, nous essayons, au sein de la commission des finances – je le sais : j’y étais ! – de prendre comme critère non plus l’impôt payé, mais le revenu perçu. Cela est vrai quelle que soit la majorité : vous pouvez demander au président Carrez. Nous y travaillons, parce que cela nous semble juste, monsieur le député.

Vous avez fait allusion à 460 000 retraités qui pourraient être désavantagés par cette mesure et voir leur taux de CSG augmenter. Mais vous avez omis de dire, comme l’indique l’exposé des motifs, que 700 000 retraités vont quant à eux y gagner, et que le produit de la CSG, pris globalement, ne va pas bouger d’un iota. Cette réforme, qui se fait à produit constant, nous permettra de gagner en lisibilité et en stabilité, avec un système plus juste.

J’ai entendu tout à l’heure le président Accoyer parler d’une augmentation de 80 % de la CSG pour les retraités. Vous pourrez le lire dans le compte rendu des débats. Ce n’est pas sérieux de dire des choses pareilles dans l’hémicycle !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. C’est n’importe quoi !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour finir, je voudrais revenir sur l’aide médicale d’État et sur les fausses idées qui circulent à son propos. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous en faites une ritournelle, dans l’opposition !

Monsieur Barbier, j’ai eu ce matin une réunion avec la Direction du budget au cours de laquelle j’ai soulevé la question de l’AME, sans savoir d’ailleurs que nous l’évoquerions ce soir. Vous dites qu’elle représente un milliard d’euros.

M. Élie Aboud. Nous parlons tout de même d’un milliard d’euros !

M. Dominique Tian et M. Jean-Pierre Barbier. Elle coûtera un milliard d’euros en 2016.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En 2013 – il ne s’agit donc pas d’une projection, d’une « tendance » – l’AME a coûté, si j’ose dire, 705 millions d’euros. Nous sommes loin du milliard d’euros, monsieur Tian !

Mme Isabelle Le Callennec. C’est l’équivalent des économies qui sont faites sur la branche famille !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ayez la gentillesse de me laisser finir. En 2013 donc, l’AME représentait 705 millions d’euros, soit 0,15 % des dépenses dont nous parlons aujourd’hui.

M. Dominique Tian. Je parlais des projections pour 2016 !

M. Arnaud Robinet. C’est déjà trop !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. À ce stade de l’année, après avoir consulté la Direction de la Sécurité sociale et tous les acteurs, la Direction du budget évalue les dépenses de l’AME pour 2014 à 715 millions d’euros environ. On passerait donc de 705 à 715 millions. Disons même 720 millions si vous voulez, pour être larges. Mais ce sera peut-être 710. Vous parlez d’une explosion ! Et nous sommes loin du milliard d’euros !

L’AME ne représente que 0,15 % des dépenses, et son augmentation est epsilonesque : passer de 705 à 715 millions d’euros, cela peut s’appeler de la stabilité.

Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, vous qui n’avez que l’AME à la bouche (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP), cette AME qui vise, je le rappelle, à soigner des gens malades résidant sur notre territoire, de façon régulière ou irrégulière, je vous le concède ; vous qui parlez de l’AME comme de la solution à la réduction des déficits (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Barbier. Ce sera le cas en 2016 !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est l’une des solutions !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …je tiens à vous dire que je garde en tête la question qu’a posée ici même, à quinze heures cinquante-deux, votre collègue Valérie Boyer : je trouve franchement qu’il y a eu à cette occasion une certaine dérive dans le discours.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Une dérive xénophobe et populiste !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mesdames et messieurs les députés, je vous invite bien entendu, mais c’est de votre responsabilité, à ne pas voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en arrivons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Tian. M. Jean-Pierre Barbier nous a convaincus qu’il importait de renvoyer ce projet de loi en commission.

Monsieur le secrétaire d’État, vous qui ne cessez de répéter, de manière quasi obsessionnelle, que les députés de l’UMP sont caricaturaux, je vous invite à lire l’article paru dans Le Monde de ce soir, que vous êtes, me semble-t-il, en train de lire sur internet pendant que je vous parle…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je l’ai lu, monsieur Tian, et j’y ai déjà répondu dans mon discours.

M. Dominique Tian. Cet article est assez cruel, monsieur le secrétaire d’État. Titré « Budget de la Sécurité sociale : à la recherche des milliards perdus », il commence par ce constat : « Le Gouvernement peine à préciser le détail des économies du projet de loi de financement 2015 de la Sécurité sociale, examiné à l’Assemblée. »

M. Bernard Lesterlin. Depuis quand est-ce Le Monde qui vote le budget ?

M. Dominique Tian. On lit plus loin : « Alors que débute l’examen du texte à l’Assemblée nationale, mardi 21 octobre, parlementaires et journalistes cherchent toujours à comprendre la méthode de calcul du Gouvernement. Car rien n’y fait : le compte ne tombe pas rond. »

L’article explique qu’en commission des affaires sociales, la porte-parole du groupe UMP, Bérengère Poletti, n’a pas manqué l’occasion d’interroger la ministre à ce sujet. La ministre des affaires sociales, lit-on plus loin, « évite soigneusement de lui répondre sur ce point. Son cabinet explique que le chiffre sort de Bercy. » Et Bercy de répondre que le ministère des finances s’occupe de la partie recettes et le ministère des affaires sociales de la partie dépenses. « Jean-Marie Le Guen, le secrétaire d’État aux relations avec le Parlement, promet qu’il y aura des explications dans les attendus du PLFSS », est-il encore indiqué. Et le journaliste du Monde de conclure : « Sauf qu’il n’y a pas d’attendus dans un projet de loi. Ce terme s’applique seulement aux décisions de justice. »

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Assez, monsieur Tian !

M. Dominique Tian. C’est dire le niveau d’improvisation avec lequel ce projet a été conçu…

Mme la présidente. Merci, monsieur Tian, votre temps de parole est écoulé.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Vercamer. Je vous ai bien écouté, monsieur Barbier, et je suis d’accord avec vous sur bien des points, notamment sur la nécessité de faire des réformes structurelles. Dans ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, les réformes structurelles sont en effet quasi absentes : aucune réforme des retraites n’est envisagée, alors qu’il y a là un vrai problème d’équilibre.

M. Michel Issindou, rapporteur. Nous l’avons déjà faite !

M. Francis Vercamer. Comme je l’ai dit tout à l’heure, dès lors qu’il existe un compte pénibilité, une réforme des régimes spéciaux s’impose, puisque ces régimes prennent déjà en compte la pénibilité. Rien non plus dans ce projet de loi sur la carte hospitalière, ni sur les soins ambulatoires ou les déserts médicaux…

Quant à la famille, l’attribution des allocations familiales sous conditions de revenus est évidemment une remise en cause de leur universalité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Mais non ! L’universalité n’a jamais existé !

Mme Émilienne Poumirol. Ce sont des phrases toutes faites !

M. Francis Vercamer. Vous protestez, mais je tiens à vous rappeler qu’il existe dans la fonction publique un supplément familial de traitement, qui est proportionnel au salaire. Allez-vous également le réformer, comme vous le faites pour le privé ? Si l’on veut vraiment être juste, peut-être faudrait-il aligner l’ensemble des régimes de prestations familiales du privé et du public !

Vous parliez par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, d’adosser le calcul du taux de CSG des retraités à leurs revenus, mais je vous rappelle que le revenu fiscal de référence ne prend pas en compte tous les revenus.

Mme Marie-Christine Dalloz. Absolument !

M. Francis Vercamer. Certaines allocations et prestations n’y sont pas comptabilisées. Il importerait donc, avant toutes choses, de mettre tous les Français sur le même plan, afin de pouvoir comparer leur situation.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Vercamer.

M. Francis Vercamer. On n’arrête pas de ponctionner la branche famille. Il n’est donc pas étonnant qu’elle présente d’importants déficits, que l’on essaie ensuite de combler par des tours de passe-passe. Malheureusement, ce n’est pas une solution.

Le groupe UDI votera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Gisèle Biémouret. Madame la présidente, mes chers collègues, il est un argument qui m’est insupportable, et que j’entends régulièrement, aussi bien en commission des affaires sociales que dans cet hémicycle : il est bien connu que les pauvres, les plus fragiles, les plus précaires sont des irresponsables et que s’ils bénéficient du tiers payant, ils vont en abuser !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Comme s’ils n’avaient rien d’autre à faire que de passer leur vie chez le médecin !

M. Gilles Lurton. Nous n’avons pas dit cela !

Mme Gisèle Biémouret. C’est bien ce que vous voulez dire, et cela devient insupportable. Notre gouvernement et notre majorité se battent pour préserver notre modèle social. Pour cela, il faut continuer à assurer la maîtrise des dépenses et la réduction des déficits sociaux, et engager les réformes structurelles incontournables que vous avez tardé à prendre, mes chers collègues de l’opposition, lorsque vous étiez au pouvoir.

Je rappelle rapidement les mesures importantes de ce PLFSS pour 2015 : la maîtrise des dépenses, le développement des médicaments génériques, le renforcement de l’accès aux soins, le tiers payant pour les bénéficiaires de l’aide pour une complémentaire santé, la couverture pour 45 000 conjoints d’exploitants et aides familiaux, la modernisation des politiques familiales, la prévention…

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous êtes vraiment les champions de la communication !

Mme Gisèle Biémouret. …et, bien sûr, la préservation de la solidarité nationale, car ce texte ne comporte aucune mesure de déremboursement, aucune franchise, aucune taxe comportementale ni aucun frein dans l’accès aux produits innovants.

C’est pourquoi nous ne voterons évidemment pas cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général, madame la rapporteure de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, ce PLFSS, le troisième de la législature, ne se montre malheureusement pas à la hauteur du défi, celui de rénover notre protection sociale. Il est très flou, totalement atone alors que le Gouvernement promettait de tout réformer, de tout changer. Les annonces tonitruantes de la majorité, depuis trois ans, sont vouées à l’échec. Ce projet de loi est, lui encore, construit sans réformes de structures et sans réduction réelle des dépenses. Loin de réformer en profondeur la politique de la protection sociale, le Gouvernement ne fait que des réformettes.

Dans les couloirs de la Cour des comptes, on considère qu’il est urgent de s’attaquer au déficit de l’assurance maladie. Des gisements considérables d’économies existent, en particulier dans les hôpitaux et, par exemple, dans la récupération de cotisations dissimulées. Entendez ce que dit la Cour sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale : « C’est prioritairement en pesant sur les dépenses pour ralentir leur progression que le redressement des comptes sociaux doit s’accélérer. […] Et il convient de mettre en œuvre des réformes structurelles seules à même d’infléchir durablement les dépenses. »

Mais le courage n’est pas votre marque de fabrique, et la majorité fait plutôt le choix, une fois encore, de s’attaquer à quelques boucs émissaires. Cette année, ce sont les familles avec enfants en bas âge,…

M. Jean-Luc Laurent. Mais non ! Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Pierre Door. …les salariés du BTP et l’industrie du médicament qui vont payer. User de telles variables d’ajustement pour nous faire croire à un PLFSS ambitieux n’est pas honnête.

Ces trois budgets socialistes successifs sont trois années de perdues, et qui coûtent cher à la France. Les sirènes de Bruxelles sonnent pourtant assez fortement à vos oreilles !

Si le régime général a terminé à moins 12,5 milliards en 2013 et à moins 11,7 milliards en 2014, l’année 2015 devrait être pire puisque le solde est évalué selon vous à moins 14,7 milliards, dont 10,5 milliards pour la seule assurance maladie. Dès lors où est le redressement ? On peut d’autant plus se poser la question que vos données économiques réelles ne sont pas fiables, comme on l’a déjà vu en 2014. La prévision sur le niveau de croissance et la masse salariale des recettes est d’un optimisme irresponsable. Nous vous avions déjà alertés sur l’insincérité des prévisions pour 2014, et vous persistez dans cette acrobatie budgétaire sans filet.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mme Lagarde et M. Woerth ont dit le contraire !

M. Jean-Pierre Door. La Cour des comptes émet des doutes sur vos prévisions, le Haut Conseil des finances publiques aussi. Recettes surévaluées, dépenses sous-évaluées… La sincérité budgétaire n’est toujours pas au rendez-vous, monsieur le secrétaire d’État, et la technique du sapeur Camember ne suffit plus à vous assurer un soutien suffisant. Preuve en est le vote défavorable, peut-être certes pour des raisons diverses, de tous les partenaires sociaux – Caisse nationale d’assurance maladie, Union nationale des caisses d’assurance maladie, Caisse nationale d’allocations familiales – ainsi que la contestation née dans votre propre camp… Combien de frondeurs, combien de contestataires qui font exploser en vol votre majorité ? Mais cela vous regarde, c’est votre problème. L’opposition constate.

M. Jean-Luc Laurent. C’est vrai que vous, vous êtes très unis !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Unis pour mettre en déficit leur parti !

M. Jean-Pierre Door. Parlons des articles qui fâchent. La santé a un coût. Elle est aussi un investissement producteur d’innovation, d’emplois et de valeur ajoutée. Or vous décapitez l’innovation du médicament et, au travers des articles 3 et 10, vous condamnez des entreprises pharmaceutiques au déclin en exigeant de leur part plus d’un milliard d’euros.

M. Jean-Luc Laurent. Les pauvres !

M. Jean-Pierre Door. Changer les règles du jeu année après année, rompre avec les décisions du Conseil stratégique des industries de santé, instituer pour la première fois un taux K négatif dans la clause de sauvegarde alors que la décroissance de ce secteur est réelle, c’est appliquer la double peine aux entreprises qui innovent. Oui, les médicaments contre l’hépatite C sont un progrès médical incontestable, qui pose certes la question du prix juste à fixer. C’est une question extrêmement importante,…

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Répondez-y alors !

M. Jean-Pierre Door. …mais pourquoi votre gouvernement bride-t-il le dialogue ? Pourquoi détériore-t-il le contrat entre le comité économique des produits de santé et les industriels ? Bref, pourquoi imposer par la loi alors que quand on aime l’entreprise, comme vous le prétendez, l’on préserve l’outil de production ?

Et qu’en est-il de l’hôpital, un secteur qui pèse 44 % de l’ONDAM ? Absence de réelle réforme structurelle, attaque contre la convergence tarifaire qui devait rapprocher le public du privé… Surtout, vous ne répondez pas à l’appel au secours des directeurs d’hôpitaux et de la Fédération hospitalière de France, qui souhaitent plafonner les RTT pour faire une économie de près de 400 millions d’euros et rétablir le jour de carence pour encore une économie de 70 millions d’euros.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je les ai rencontrés la semaine dernière : ce n’est pas ce qu’ils disent !

M. Jean-Pierre Door. Ils l’ont encore déclaré il y a quelques jours, madame la présidente de la commission.

J’en viens à la remise en cause par le ministère des affaires sociales et par vous-même, monsieur le secrétaire d’État, de la politique familiale construite depuis vingt ans. Après avoir présenté la semaine dernière des premières mesures inacceptables pour tous les groupes politiques présents, voilà qu’on ressort un vieux serpent de mer, en l’occurrence la modulation des allocations familiales suivant le revenu. Beaucoup dans votre camp sont contre car c’est dur pour les familles modestes, atteintes de plein fouet.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Elles ne sont pas touchées !

M. Jean-Pierre Door. Même si le Gouvernement le conteste, le caractère universel de la politique familiale est bafoué. Des familles riches à partir de 6 000 euros par mois ? Mais c’est la majorité des classes moyennes ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Christian Hutin. 12 % des familles !

M. Jean-Pierre Door. Des enfants de riches contre des enfants de pauvres (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC) : voilà votre projet, celui dont ne voulait même pas le Président de la République il y a quelques semaines encore – rappelons au passage que les cotisations sont progressives alors que les prestations sont fixes, ce qui assure déjà une redistribution importante en faveur des catégories les plus modestes. L’Union nationale des associations familiales s’inquiète de ses effets catastrophiques sur l’économie, sur la natalité et sur l’emploi des femmes. Elle l’a dit et écrit au ministère. Il va s’agir d’une ponction scandaleuse…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. J’espère que M. Vercamer sera plus modéré !

M. Jean-Pierre Door. … de 750 millions à 800 millions d’euros alors que, Jean-Pierre Barbier l’a relevé, vous fermez les yeux sur les dérives du budget de l’aide médicale d’État dès l’instant où vous avez supprimé la franchise,…

M. Christian Hutin. Ah ! On y revient !

M. Jean-Pierre Door. …budget qui atteindra 800 millions d’euros fin 2014, et ce pour des étrangers en situation irrégulière sur notre territoire.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Laissons-les mourir !

M. Christian Hutin. Ce ne sont pas des hommes pour vous !

Mme la présidente. Je vous en prie, seul M. Door a la parole.

M. Jean-Pierre Door. Les Français qui nous écoutent jugeront. La fronde se répand aussi dans le milieu médical, majoritairement opposé au tiers payant ; le désamour avec les professionnels de santé se confirme, malgré la câlinothérapie exercée il y a quelques jours par le Président de la République.

Ce PLFSS est construit sur des mesures en trompe l’œil, de la tuyauterie, quelques coups de rabots. L’UMP, vous le pensez bien, ne pourra pas le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous débutons aujourd’hui l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Or le contexte dans lequel nos débats s’inscrivent est marqué par des inquiétudes nombreuses, de différentes natures, exprimées de part et d’autre.

Il y a des inquiétudes sur la qualité du service apporté. Nous savons tous l’implication et le professionnalisme des agents des nombreuses caisses assurant les prestations qui relèvent de la protection sociale. Avec Christian Hutin, j’ai pu conduire une mission d’information sur les caisses d’allocations familiales et sur leurs missions qui a mis en évidence l’excellent travail mené par leurs personnels.

M. Jean-Luc Laurent. Une excellente mission d’information, marquée par le souci de l’intérêt général !

M. Francis Vercamer. Mais l’implication des agents n’empêche pas malheureusement les difficultés. J’en veux en particulier pour preuve les dysfonctionnements auxquels nous avons assisté au sein de certaines CARSAT, les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, qui ont un retard important dans l’instruction des dossiers de retraites, laissant de nouveaux entrants sans les ressources de leurs pensions pendant plusieurs mois. La situation est telle que la CARSAT Nord-Picardie, qui accusait 6 000 dossiers de retard début septembre, a dû fermer ses portes pendant les quinze premiers jours d’octobre pour mener l’instruction de ces dossiers en attente. Je souhaite savoir, sur ce point précis, si le retard pris malgré la mobilisation des équipes a été rattrapé – 3 000 dossiers resteraient encore à ce jour en souffrance – et si les droits des allocataires vont pouvoir être assurés. Je souhaite savoir également quelles dispositions le ministère des affaires sociales compte prendre pour éviter la reconduction d’un dysfonctionnement qui risque de devenir récurrent du fait de l’arrivée de générations nombreuses à l’âge du départ en retraite.

Cette inquiétude sur la qualité du service apporté est également ressentie par les partenaires de la branche famille, en particulier par ces acteurs quotidiens de la cohésion sociale que sont, aux côtés des caisses d’allocations familiales, les centres sociaux. Jour après jour, leurs équipes mettent en œuvre des actions qui préservent et entretiennent le lien social au sein de quartiers durement touchés par le chômage. Les centres sociaux sont présents là où les effets de la crise sont les plus durs parce qu’avant déjà, la situation sociale était tendue. Ils ont besoin d’une attention particulière des pouvoirs publics et du soutien financier des caisses d’allocations familiales, et aussi de mesures exceptionnelles dans les quartiers où la situation est la plus difficile, surtout en ces périodes de crise aiguë. Les communes, qui contribuent déjà beaucoup à leur financement et dont les moyens sont par ailleurs fortement contraints, ne peuvent prendre le relais. La mission d’information que j’ai eu l’honneur d’animer au printemps dernier avec Christian Hutin insistait sur ce point : plus que jamais, il est nécessaire de garantir les moyens financiers des centres sociaux. Leurs critères de financement doivent davantage refléter les réalités économiques et sociales de leur territoire d’intervention que celles de la règle à calcul.

M. Christian Hutin. Très bien !

M. Francis Vercamer. Les inquiétudes portent aussi sur la pérennité financière de notre système de protection sociale. En effet, la réduction des déficits marque le pas : le rythme de ralentissement des dépenses a baissé en 2013 après avoir connu une plus nette inflexion en 2012. Le déficit total des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse s’est élevé en 2013 à 16 milliards d’euros – et encore la réduction du déficit a-t-elle été principalement assurée par des prélèvements supplémentaires, à hauteur de 7,6 milliards de recettes nouvelles sur l’année, et non par des économies sur la dépense, qui n’a pas véritablement ralenti.

La réalisation des objectifs de réduction des déficits pour 2014, elle, demeure très incertaine et le retour à l’équilibre prévu pour 2017 est particulièrement compromis. En effet, la trajectoire de retour à l’équilibre définie par le Gouvernement repose sur une prévision de forte croissance de la masse salariale et des recettes de la Sécurité sociale, ce qui pourrait ne pas se réaliser. J’ajoute que le Gouvernement ne réalisera pas les économies annoncées pour 2015 : l’intégralité des 21 milliards d’économies annoncées, tant dans le projet de loi de finances que dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, n’est pas documentée et le Haut Conseil des finances publiques a constaté que leur réalisation est incertaine. Il estime ainsi que l’objectif d’une croissance de la dépense limitée à 1,1 % en valeur ne sera pas atteint en 2015.

Les 3,2 milliards d’économies annoncées sur l’assurance maladie reposent seulement sur l’écart par rapport à une croissance tendancielle des dépenses. Vous ne réaliserez par conséquent aucune véritable économie.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quelle honte de dire des choses pareilles !

M. Francis Vercamer. Je note en outre que 4 milliards d’euros d’économies résultent de mesures d’ores et déjà adoptées ; je pense au décalage de la date de revalorisation des pensions au 1er octobre ou encore à la baisse de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, deux décisions d’ailleurs très injustes.

M. Olivier Véran, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Francis Vercamer. Par ailleurs, certaines économies, découlant de la convention d’assurance chômage du 1ersemestre 2014 ou de l’accord des partenaires sociaux sur les retraites complémentaires, sont issues du dialogue social et ne relèvent en rien de vos décisions.

Les seules économies concrètes que vous réalisez avec ce budget sont, une fois encore et une fois de trop, monsieur le secrétaire d’État, faites sur le dos des familles.

Des inquiétudes sont également exprimées par un certain nombre de professions médicales qui nourrissent de véritables craintes pour leur avenir. Je ne souhaite pas anticiper ici un débat que nous aurons sans doute lors de l’examen du prochain projet de loi de santé publique, mais je me permets une digression pour relayer d’ores et déjà les interrogations des pharmaciens d’officine face aux projets de réforme qui les concernent. Sur la base d’un rapport de l’Inspection générale des finances, dont les analyses et les données mêmes mériteraient d’être amplement discutées, le Gouvernement a enjoint aux pharmaciens d’officine de s’ouvrir davantage à la concurrence. Les moyens pour y parvenir ? Il s’agirait de davantage de liberté d’installation, de davantage d’ouverture du capital des officines et de plus de ventes de médicaments en grande distribution. On ne vous savait pas aussi libéraux… et, moi qui suis de Lille, je pense que Martine Aubry non plus !

L’objectif affiché est de trouver sur le marché des médicaments plus accessibles, à un meilleur prix, et préserver ainsi le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Nous ne voudrions pas préjuger des conclusions de la concertation engagée avec la profession, mais d’ores et déjà, deux points nous semblent incontournables.

D’une part, il convient de garantir l’accès aux soins, via un maillage territorial des officines : on ne peut que s’étonner de voir le Gouvernement envisager une liberté d’installation dont on sait qu’elle peut aboutir à des phénomènes de désertification dans les zones rurales ou urbaines les moins attractives, comme on l’observe d’ailleurs avec les professions médicales.

D’autre part, il importe de préserver un réseau de pharmacies d’officine indépendantes, qui ne soient pas placées sous la tutelle financière de grands groupes privés. C’est encore la meilleure garantie, sur le long terme, d’une concurrence saine et d’une commercialisation des médicaments au meilleur prix.

Nos inquiétudes portent enfin sur la nature même de notre système de protection sociale, dont vous semblez vouloir bouleverser de façon arbitraire les caractéristiques. Je pense évidemment à la modulation des allocations familiales en fonction des revenus que vous vous apprêtez à instaurer avec le présent projet de loi de financement.

Le groupe UDI est particulièrement attaché, vous le savez, à la famille et au rôle qu’elle joue dans la formation de tout individu. La famille protège, mais elle est aussi le premier espace au sein duquel toute personne s’ouvre aux autres, au monde, à la connaissance. C’est cette mission indispensable que notre politique familiale consacre, avec des dispositifs qui permettent de prendre en charge le coût que représente l’arrivée d’un enfant au sein du foyer et ce, quelles que soient les ressources de celui-ci.

C’est avec ce principe d’universalité que vous voulez rompre, dangereusement à notre avis : d’abord, parce que le plafond retenu par le Gouvernement n’épargnera pas un certain nombre de familles de la classe moyenne déjà fortement mises à contribution les années précédentes ; ensuite, parce que la brèche ainsi ouverte ne demandera qu’à s’élargir au fil des discussions sur le niveau adéquat du plafond de ressources à retenir pour moduler les allocations ; enfin, parce qu’au final cette mesure affaiblit le soutien aux familles, et entraîne donc à terme un risque de fragilisation de la solidarité entre les générations, qui est l’une des clefs de voûte de notre système de protection sociale.

D’une manière générale, le groupe UDI constate, pour le regretter, que ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale fait à nouveau l’impasse sur les réformes de structure qui auraient permis d’assurer la pérennité de notre système de protection sociale et, à terme, son équilibre financier. C’est la raison pour laquelle, comme en commission, nous vous proposerons des réformes de fond pour parvenir à cet objectif et vous aider à prendre les décisions qui s’imposent.

Ces réformes touchent d’abord au financement même de la protection sociale.

C’est un constat que les centristes font depuis plusieurs années : les recettes par lesquelles notre protection sociale est financée pèsent principalement – pèsent trop sur le travail. En cohérence avec les amendements présentés par notre groupe lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, nous proposerons de remplacer le dispositif du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, qui n’a pas fait ses preuves, beaucoup le disent, même au sein du groupe SRC, par une baisse massive des charges. Cette baisse serait compensée par l’augmentation du taux normal de la TVA dans le cadre d’une « TVA compétitivité » dont les recettes seraient également réparties entre baisse des charges patronales et baisse des charges salariales.

Ces réformes concernent ensuite la structuration de l’offre de soins et son organisation territoriale.

Le développement de la chirurgie ambulatoire est l’un des premiers points que nous souhaitons aborder, parce qu’elle constitue un levier pour la maîtrise des dépenses de soins. Le groupe UDI estime que ce potentiel de modernisation des pratiques hospitalières, susceptible de générer, certes sur le long terme, des économies substantielles, mériterait de mobiliser les acteurs de notre système de santé. Vous semblez vouloir progresser dans cette voie, avec la refonte du dispositif de mise sous accord préalable, davantage orienté vers une meilleure prise en compte de la pertinence des soins. Nous vous ferons des propositions pour amplifier significativement le recours à la chirurgie ambulatoire.

Un amendement du rapporteur adopté en commission proposera par ailleurs de nouvelles possibilités de coopération entre établissements de santé, avec l’expérimentation du groupement hospitalier de territoire.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est une bonne chose, non ?

M. Francis Vercamer. Nous pouvons vous rejoindre sur cet objectif, à condition qu’il s’inscrive dans une démarche d’organisation de l’offre hospitalière. Celle-ci doit pouvoir s’articuler dans le cadre d’une répartition cohérente, visant à assurer l’accès aux soins de nos concitoyens, la recherche de complémentarités entre établissements et une offre de services qui privilégie la qualité, la sécurité et la pertinence des soins, dans l’intérêt du patient.

Nous proposerons des principes de répartition de l’offre hospitalière sur le territoire qui tiennent compte, par exemple, des besoins de santé identifiés à l’intérieur du territoire de santé dans lequel les établissements sont implantés, des spécificités sanitaires des populations, du contexte démographique du territoire et de l’accès aux soins des populations des zones urbaines ou rurales isolées, des engagements et des résultats des établissements en matière d’amélioration de la qualité, de la sécurité et de la pertinence des soins, ou encore des coopérations engagées entre établissements au sein du territoire de santé et, le cas échéant, dans le cadre transfrontalier.

Enfin, une réforme structurelle de notre protection sociale doit intégrer une réforme des régimes spéciaux de protection sociale et des retraites.

L’UDI souhaite poser les jalons d’une réforme qui s’inscrive en rupture avec la succession de réformes en trompe-l’œil que nous avons connues par le passé, qui ne font qu’inquiéter nos compatriotes sur l’avenir de notre système de retraites. Afin d’assurer sa pérennité et son équilibre financier, nous proposons d’augmenter la durée de cotisation à 44 ans et de porter l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Nous proposons également de faire le choix de l’équité entre public et privé avec la mise en place d’un système de régime universel pour tous les salariés sans distinction de statut. Cette réforme doit permettre de tenir compte des parcours professionnels, de la pénibilité du travail et de l’allongement de l’espérance de vie, avec une extinction progressive des régimes spéciaux.

Financement de la protection sociale, retraites, régimes spéciaux, structuration de l’offre de soins : voilà les axes fondamentaux de la réforme que l’UDI propose afin de garantir la pérennité de notre système de protection sociale. Les orientations du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 sont fondamentalement différentes – une différence que nous avons en commun d’assumer pleinement. Vous comprendrez donc que le groupe UDI ne le vote pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Eh bien non, justement, on ne comprend pas !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour le groupe écologiste, pour dix minutes.

M. Jean-Louis Roumegas. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames et messieurs les rapporteurs, l’exercice auquel nous sommes conviés aujourd’hui s’apparente au « jeu de la vérité » : vérité sur les intentions du Gouvernement en matière de protection sociale, sur le socle de solidarité nationale, sur la politique familiale, sur l’accès aux soins, sur l’appui aux acteurs de la santé et sur la solidarité intergénérationnelle.

Au cours des deux dernières années, nous avons soutenu la réduction des déficits et la maîtrise des dépenses parce que cela nous semblait juste et nécessaire, dès lors que le niveau des prestations sociales était maintenu. Or, depuis l’application du pacte de responsabilité dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2014, la logique a changé. Le Gouvernement s’est en effet engagé dans une politique de relance qui se traduit par des exonérations de cotisations sociales à hauteur de 6,3 milliards d’euros pour les entreprises, sans contrepartie ni condition. Nous contestons ces mesures, que nous ne croyons ni efficaces ni justes.

L’effort devait être un peu plus équilibré, mais le rejet par le Conseil constitutionnel des mesures d’exonération des cotisations salariales pour les salaires compris entre 1 et 1,3 SMIC a sonné le glas d’un équilibre déjà vacillant. Certes, l’État compensera ces pertes de recettes pour la Sécurité sociale, mais, pour ce faire, il sacrifiera certains budgets. À l’heure où les besoins croissent en raison de la crise, la diminution des moyens publics n’est pas un message approprié. La promesse de soutien aux travailleurs et aux ménages fragiles, de manière à les soulager et à relancer la consommation, ne sera donc pas tenue. Conjugué à l’annonce des mesures de « modernisation » des prestations familiales, cela constitue une double peine.

Les premières mesures annoncées avaient déclenché un tollé sur tous les bancs. Vous avez reculé et opté pour une solution de moindre mal : moduler les allocations familiales en fonction des revenus. Certes, c’est un débat qui mérite d’être posé, car les familles françaises ont évolué depuis cinquante ans. Mais vos annonces d’un jour, défaites le lendemain, laissent un sentiment d’improvisation qui nourrit mécontentement et incompréhension.

M. Dominique Tian. Alors, ça, c’est dur !

M. Arnaud Robinet. Très dur !

M. Jean-Louis Roumegas. Il aurait fallu aborder aussi la question de l’allocation dès le premier enfant, ou celle du quotient familial.

M. Jean-Pierre Barbier. Eh oui !

M. Jean-Louis Roumegas. D’ailleurs, l’article 61 est le seul concernant la politique familiale soumis à nos votes : le reste des mesures annoncées est renvoyé à des procédures réglementaires. Certaines d’entre elles n’ont toujours pas été abandonnées, comme la modulation du congé parental, le décalage du versement de la prestation d’accueil du jeune enfant ou encore la création d’une nouvelle tranche pour les aides à la garde d’enfant. Toutes ces dispositions impopulaires augurent en définitive de bien petites économies, tout en risquant de provoquer de gros dégâts sociaux et des dégâts politiques encore plus importants.

Bien entendu, il y a dans ce PLFSS des points que nous saluons, comme la volonté de généraliser le tiers payant et de garantir une complémentaire santé pour les plus modestes. Cela va dans le bon sens, mais on pourrait aller encore plus loin en maîtrisant les restes à charge.

Un premier signe salutaire serait d’étendre le tiers payant aux retraités modestes, comme cela est envisagé pour les bénéficiaires de l’aide pour l’acquisition d’une assurance complémentaire santé, l’ACS. Et si, comme le répète le Gouvernement, il n’y a pas de sujet tabou, pourquoi ne pas revenir sur les franchises instaurées par la droite, que vous aviez combattues à l’époque ?

De plus en plus de Français peinent à se soigner, voire à simplement faire valoir leurs droits. En matière d’assurance maladie, l’ACS se caractérise par un taux de non-recours de 70 % ! En ajoutant à ces prestations non versées celles de la couverture maladie universelle, on dépasse le milliard d’euros : on est loin des chiffres de la fraude fiscale à l’URSSAF, puisque les employeurs indélicats nous coûtent, eux, 16 milliards d’euros ! Voilà de quoi faire taire le refrain, hélas banalisé, d’une masse assistée et coûteuse pour nos comptes publics.

Votre volonté d’assurer l’accès à un nouveau médicament pour l’hépatite C est à saluer : l’accès à des molécules innovantes pour soulager les maladies doit être garanti à tous. Toutefois, il y a lieu de s’interroger sur les conditions auxquelles l’industrie pharmaceutique, déjà fortement soutenue par des aides diverses, que ce soit le CICE, le crédit d’impôt recherche ou les nouvelles dispositions du pacte de responsabilité, consentira à modérer son appétit.

Nous présenterons des amendements afin de clarifier la politique du médicament. Notre politique de santé ne peut raisonnablement s’appuyer sur le « tout médicament ». Les armoires à pharmacie des Français débordent, c’est connu, le service médical rendu n’est pas toujours au rendez-vous et nos eaux usées regorgent de cette pollution médicamenteuse.

Enfin, il ne faut pas oublier l’essentiel : une crise sanitaire sans précédent, marquée par la multiplication des maladies chroniques, et qui grève nos comptes publics. Seule une politique de prévention et de santé environnementale saurait répondre à ce défi. Malheureusement, une telle approche n’est pas intégrée dans le PLFSS et n’est que très timidement abordée dans le projet de loi de santé publique que vous avez présenté.

Un mot sur le compte de pénibilité : nous regrettons le retard pris dans son application, puisqu’en 2015, seuls quatre facteurs sur les dix retenus seront mis en œuvre.

Nous en appelons aussi à un effort accru pour les victimes de l’amiante, leur suivi, leur indemnisation, pour eux, leurs proches et les nouvelles victimes du désamiantage.

En cette période de crise, nous réaffirmons notre attachement à notre système de protection sociale, à la garantie de l’accompagnement et de la dignité des personnes et à la réparation pour les populations exposées dans le travail à des risques toxiques. L’équilibre des comptes, aujourd’hui comme demain, devra s’appuyer sur des droits réaffirmés et une politique de précaution et de santé environnementale volontariste. De ces choix dépendent une véritable politique de santé publique et, sans doute, les économies de demain.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chers collègues, nous sommes dans une situation économique difficile, et personne ne conteste ici qu’il est de notre devoir de combler au mieux nos déficits afin de laisser à notre jeunesse et aux générations futures un pays aux finances saines, tout en instaurant une politique de santé de qualité.

Toutefois, on ne peut s’engager sur la voie de finances saines sans créer des situations compliquées pour certaines catégories socio-professionnelles, à l’heure où un effort de solidarité est demandé à tous. Dans ce contexte, il est plus que jamais de notre responsabilité de maintenir une cohésion nationale et sociale, ainsi qu’un socle républicain solide, un socle républicain fondé sur des mesures qui répondront au souci de l’équilibre budgétaire mais qui n’oublieront pas pour autant de prendre en compte la variable de l’équité et de la solidarité.

Les années se suivent et les textes budgétaires concernant la Sécurité sociale se ressemblent. En effet, ce PLFSS pour 2015 ressemble aux précédents, tout au moins en ce qui concerne le volet maladie. L’innovation a été régulièrement mise en avant, notamment lors de la présentation de la loi santé, malheureusement sans véritables réformes structurelles mais plutôt avec des économies faciles qui viseront principalement, cette année encore, le médicament. Celui-ci contribuera à hauteur de 1,5 milliard d’euros. C’est encore un signal négatif qui est envoyé à l’industrie pharmaceutique, qui participe pourtant singulièrement à cette innovation dont notre pays a besoin et aux investissements industriels.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

Mme Dominique Orliac. Et l’on sait les risques que cela comporte en termes de délocalisations, de perte d’emplois et de diminution des investissements en matière de recherche clinique. Nous serons distancés par nos voisins européens !

Mais il y a aussi urgence, mes chers collègues. La situation du réseau pharmaceutique est catastrophique, avec des baisses de prix envisagées d’un montant global de 550 millions d’euros en 2015. La dégradation économique se poursuit. La baisse de la marge réglementée en pharmacie est de l’ordre de 124 millions d’euros. Encore une fois, l’effort de réduction portera sur le médicament remboursable, qui ne représente pourtant que 12 % des dépenses de santé. Ce n’est pas acceptable. Et il n’est pas vain de rappeler une nouvelle fois dans cet hémicycle que préserver la pharmacie d’officine, c’est aussi et surtout préserver un véritable maillage des territoires, car les officines se posent en acteurs incontournables du parcours de soins en milieu rural. Préserver la pharmacie d’officine, c’est aussi renforcer l’accès à des soins de proximité et de qualité. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen du projet de loi sur la croissance et le pouvoir d’achat, qui évoquera les professions réglementées, mais nous avons apprécié la prise de position claire de Mme la ministre de la santé sur ce sujet.

Si le Gouvernement fixe le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse à 13,4 milliards d’euros en 2015 contre 15,4 milliards d’euros en 2014, l’effort d’économies repose cette année encore essentiellement sur la branche maladie, la plus déficitaire des quatre branches de la Sécurité sociale. En tout état de cause, ce PLFSS ne comporte pas encore assez de réformes structurelles. Il serait souhaitable, je le demande depuis des années, que nous ayons un PLFSS qui ouvre la voie à des réformes de fond, de nature à permettre le financement du système et des produits innovants avec des règles claires et durables.

J’aimerais revenir sur d’autres points qui posent un véritable problème pour notre groupe des radicaux de gauche et apparentés, notamment dans la branche famille de ce PLFSS 2015. Il s’agit en premier lieu de la majoration du montant des allocations familiales, qui intervient pour l’instant au moment où l’enfant atteint l’âge de quatorze ans et qui devait être reportée à seize ans, pour correspondre à la première année du lycée.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est abandonné, ça !

Mme Dominique Orliac. Après que s’est exprimée une opposition importante à cette mesure, notamment de la part des radicaux de gauche, le Président de la République a décidé que la majoration des allocations familiales ne serait plus reportée mais qu’elle continuerait d’intervenir à l’âge de quatorze ans.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous avez gagné !

Mme Dominique Orliac. Justement, monsieur Bapt, je m’étonne du fait que le groupe socialiste se soit félicité de ce non-report à seize ans, alors que c’est bien notre groupe qui avait demandé, par voie d’amendement en commission, que la majoration soit maintenue à quatorze ans. (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe RRDP.) Nous avions perdu d’une voix. Il est étonnant de se féliciter d’une disposition qu’on a pourtant rejetée en commission !

Ensuite, la prime à la naissance, qui est actuellement du même montant pour chaque enfant, à savoir 923 euros, devait initialement être diminuée des deux tiers et donc réduite à 308 euros à partir du deuxième enfant, le Gouvernement invoquant « la possibilité de réutiliser le matériel acheté pour le premier enfant ». Là aussi, nous pouvons entendre ces arguments, mais cela devrait plutôt nous faire réfléchir à une politique familiale qui table moins sur la réduction des prestations sociales. En effet, la branche famille est structurellement plutôt à l’équilibre et toucher à des allocations familiales en période de crise économique et budgétaire ne nous semble vraiment pas être la meilleure des options.

Mme Isabelle Le Callennec. Ça, c’est vrai !

Mme Dominique Orliac. D’ailleurs, la branche famille serait aujourd’hui excédentaire si on ne lui avait pas indûment transféré depuis 1998, gouvernement après gouvernement, quelque 3 milliards d’euros de charges de la branche vieillesse. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 61, dont l’objet est précisément de réduire le montant de cette prime. Nous nous réjouissons que le Gouvernement ait, semble-t-il, entendu nos appels répétés à ce sujet.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Très bien !

Mme Dominique Orliac. En outre, nous estimons que le versement de cette prime le mois suivant la naissance est un très mauvais signal pour les familles.

M. Jean-Pierre Barbier. Eh oui !

Mme Dominique Orliac. Le décalage de trois mois qui est opéré, du septième mois de grossesse au mois suivant la naissance, n’est pas acceptable à nos yeux car les dépenses qu’entraîne l’arrivée d’un nouvel enfant au sein du foyer familial restent importantes. Il peut être compliqué pour des familles se trouvant dans une situation financière difficile d’avancer le montant de telles dépenses en attendant le versement de la prime. Dans ce contexte, afin de ne pas précariser davantage les plus démunis, il nous semble nécessaire de maintenir la date de versement actuellement en vigueur. Tel est donc l’objet de l’un de nos amendements. Le groupe RRDP aura ainsi à cœur de préserver, par ses amendements, la branche famille de trop grandes économies et coupes budgétaires.

Par ailleurs, je dois le dire, la modulation des allocations familiales n’a pas l’assentiment de tous les membres de notre groupe.

Mme Isabelle Le Callennec. Ça…

Mme Dominique Orliac. Il ne faut pas confondre politique familiale et politique sociale.

Mme Isabelle Le Callennec. Voilà !

Mme Dominique Orliac. D’autres solutions auraient pu être recherchées. À force de mettre tous les revenus de transfert sous condition de ressources, on finirait par en faire autant pour la retraite par répartition.

Mme Isabelle Le Callennec. Exactement !

Mme Dominique Orliac. Nous présenterons également des amendements concernant l’article 10. En effet, dans un souci de simplification, le Gouvernement a souhaité limiter à deux le nombre de critères déterminant le mode de répartition de la clause de sauvegarde entre les entreprises pharmaceutiques et éliminer le critère lié à la promotion. Mais il propose de modifier la répartition de la charge entre le critère lié au chiffre d’affaires, pour 40 %, et celui lié à la progression de ce chiffre d’affaires, pour 60 %. Une telle inversion de pondération n’est pas cohérente dans la mesure où il est souhaitable, conformément à l’esprit de la clause de sauvegarde, qui intervient lorsque les dépenses de médicaments remboursées dépassent le seuil d’évolution autorisée, que ce soient les entreprises qui ont le plus contribué au dépassement qui contribuent le plus au paiement de la contribution.

En outre, face à la dépendance que nous constaterons dans les prochaines années à propos de molécules issues de brevets étrangers – on peut parler de Lucentis ou Sovaldi – je crois que l’adoption d’une disposition de ce type serait très pertinente. Aussi, nous proposerons que les taux respectifs du critère lié à la progression du chiffre d’affaires et de celui lié au chiffre d’affaires lui-même soient inversés. Cet amendement permettra de moins taxer les laboratoires qui consentent à faire un effort sur le volume des médicaments et participent ainsi à la réduction des déficits de l’assurance maladie, ce qui va dans le sens de la volonté exprimée par le Gouvernement.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bien !

Mme Dominique Orliac. En outre, le contexte budgétaire contraint de la Sécurité sociale et la mise sur le marché de nouveaux traitements innovants mais coûteux nous impose de considérer que la prise en charge d’un produit par la collectivité doit avant tout reposer sur la valeur ajoutée ou le progrès thérapeutique qu’il apporte. Par conséquent, nous proposerons un amendement introduisant un article additionnel visant à supprimer le service médical rendu et l’amélioration du service médical rendu, les médicaments nouveaux ne devant plus être évalués que par comparaison avec un intérêt thérapeutique relatif, comme le souhaitent d’ailleurs la Haute autorité de santé, l’Europe et nombre de députés de notre commission des affaires sociales.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bien !

Mme Dominique Orliac. Enfin, dans un souci de justice sociale et d’amélioration de l’accès aux soins des personnes en situation de précarité, nous avions proposé un amendement portant article additionnel dont l’objet était de supprimer la participation forfaitaire et les franchises médicales instaurées depuis 2005 et 2008 – ces fameuses franchises médicales ! – pour les personnes dont les revenus ne dépassent pas le seuil de pauvreté, comme c’est déjà le cas pour celles bénéficiant de la CMU. Cet amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40, mais j’espère que Mme la ministre de la santé aura à cœur de présenter un amendement allant dans le même sens. C’est un message fort que nous voulons envoyer au Gouvernement sur la suppression des franchises médicales et je sais que souci est partagé par beaucoup d’entre nous sur ces bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

Si nous déplorons que beaucoup de dispositions de ce PLFSS 2015 renvoient au pouvoir réglementaire et retirent de facto une part de souveraineté au Parlement, le texte qui nous est proposé aujourd’hui comporte des points positifs, notamment la disposition relative au tiers payant pour les bénéficiaires de l’ACS.

M. Gérard Bapt, rapporteur. En effet !

Mme Dominique Orliac. L’article 32 aussi, qui porte sur la réforme du financement des soins aux détenus, est important et bienvenu. Nous proposerons aussi d’améliorer les dispositions relatives à la création des centres d’information, de dépistage et de diagnostic gratuit des infections sexuellement transmissibles. Par ailleurs, nous portons une attention particulière au soutien à la chirurgie ambulatoire. C’est un énorme défi qui suppose de réorganiser les établissements et les procédures de prises en charge et d’accompagner les professions dans l’évolution de leurs pratiques et l’acquisition de compétences spécifiques. Par ailleurs, la question de l’amélioration de la pertinence des soins nous paraît un enjeu primordial à prendre en compte pour la qualité de notre système de soins et l’efficience des dépenses de santé.

En outre, nous partageons un certain nombre d’orientations indiquées par Mme la ministre, notamment en ce qui concerne la promotion des génériques et le développement de la lutte contre le mésusage des médicaments ou encore la polymédication des personnes âgées.

Je regrette néanmoins, et alors que le Président de la République a choisi de parler aux médecins en venant au congrès de l’ordre la semaine dernière, que ce PLFSS n’aborde pas la question fondamentale de la réforme du temps de travail des internes. Je porte l’espoir que le Gouvernement aura à cœur, dans le cadre de la grande loi santé, de poursuivre le dialogue avec les internes sur ce dossier.

Pour conclure, vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste fait de nombreuses propositions et il attend de voir la direction que ce PLFSS prendra lors des débats au sein de cet hémicycle, en espérant voir adopter des réformes structurelles importantes qui permettront de préserver, réellement et non par des effets d’annonce, l’innovation et les familles.

Dans la ligne du discours prononcé par M. le Premier ministre dimanche devant le forum républicain du parti radical de gauche – il se passe décidément beaucoup de choses le dimanche ! – nous souhaitons être un partenaire fidèle mais aussi respecté dans notre travail parlementaire. Le Gouvernement aura l’occasion de nous le montrer sur ce projet de loi comme sur d’autres à l’avenir. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste sera donc très attentif au débat qui va s’ouvrir et à la discussion des amendements, et particulièrement vigilant quant à l’évolution de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, à travers cette loi de financement de la Sécurité sociale, le Gouvernement vise toujours un objectif de réduction des déficits, objectif renforcé par le plan d’économie de 21 milliards d’euros qui concerne la santé et la protection sociale.

Paradoxalement, cette loi doit aussi compenser les pertes de recettes générées par les 6,3 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales patronales que vous avez décidées et inscrites dans le pacte de responsabilité pour la seule année 2015, alors que ces mesures n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité.

Pour atteindre ces objectifs, vous comptiez notamment sur une reprise de la croissance permettant de générer davantage de recettes. Mais, une nouvelle fois, vos prévisions étaient irréalistes au regard de l’austérité que vous imposez au pays et qui plombe notre économie. Vous étiez alors face à une équation complexe : satisfaire le diktat des règles européennes en réduisant le déficit de la Sécurité sociale et compenser les pertes de cotisations que vous aviez volontairement décidées dans la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale.

Nous avons bien noté que vous avez résolu ce second point. Cependant, nous pouvons passer sous silence le fait qu’outre les décalages de trésorerie, cette compensation n’est rien d’autre que le résultat de mouvements en vases communicants à tuyauterie complexe. Vous transférez ainsi des dépenses de la Sécurité sociale vers l’État – l’aide personnalisée au logement, par exemple, désormais entièrement prise en charge par l’État – en même temps que vous attribuez à la Sécurité sociale des recettes précédemment perçues par l’État – comme le produit des prélèvements sociaux sur certains revenus du capital.

Ce ne sont donc que des jeux d’écritures. L’argent glisse d’un budget à l’autre, on bouge les chiffres, mais on ne crée aucune recette. D’autres budgets seront donc privés de ces ressources, d’autres mesures d’austérité seront donc mises en œuvre. À l’évidence, cet artifice est sinon à usage unique, du moins à visée limitée. En effet, il faudra bien, tôt ou tard, affronter la question de fond de l’augmentation des recettes, car c’est là que se situe le problème. Alors que vous vous concentrez, en paroles comme en actes, sur le prétendu excès de dépenses, vous ne proposez rien pour améliorer les recettes. Au contraire, toutes les mesures prises accentuent les difficultés budgétaires de notre protection sociale, dont l’efficacité est pourtant reconnue bien au-delà de nos frontières.

Il y a trop de fraudes aux cotisations. Leur coût total est estimé par la Cour des comptes à 20 milliards d’euros, au minimum. Votre texte ne prévoit de récupérer, sur ce total, que 76 millions d’euros : pourquoi si peu ? Il y a également trop d’exonérations de cotisations sociales patronales : ces exonérations aveugles représentent des dizaines de milliards d’euros, sans aucune exigence de résultat. Et vous ne cessez d’en ajouter !

Trop de revenus ne contribuent pas au niveau requis. Rappelons que les dividendes versés par les entreprises ont progressé ces derniers mois de 18,2 % en Europe. Les résultats de la France en la matière étaient parmi les meilleurs, selon l’étude Global Dividend Index publiée en août dernier par la société de gestion Henderson Global Investors. Nous proposons donc une mesure à la fois juste et efficace : appliquer aux revenus financiers, c’est-à-dire aux dividendes et intérêts, les taux de cotisations sociales patronales actuellement appliqués aux salaires. Cette contribution nouvelle permettrait non seulement de décourager la spéculation, mais aussi de financer une politique sociale active répondant aux besoins actuels et futurs de la population.

Dynamiser notre système de financement de la protection sociale, c’est aussi peser sur les entreprises pour les sortir de l’impasse de la financiarisation qui détruit les emplois. C’est pourquoi nous proposons de mettre en place un dispositif incitatif de modulation des cotisations sociales des employeurs en fonction de leur politique salariale, d’investissement et de création d’emplois.

Malheureusement, votre démarche est inverse. Dans cette version rectifiée du PLFSS, vous avez choisi de favoriser les employeurs au détriment des salariés ; les familles et les malades aussi paieront le prix fort. C’est d’autant plus préoccupant que les inégalités sociales et financières se creusent dans notre pays. Ce sont en effet les personnes les plus démunies, les plus exposées qui, faute de moyens financiers, accèdent le plus difficilement à la prévention et aux soins. De ce point de vue, nous apprécions les mesures visant à améliorer la prévention, qu’il s’agisse du dépistage du VIH, à l’article 33, ou de l’accès à la vaccination, à l’article 34. Je remarque également avec intérêt la volonté du Gouvernement de renforcer les dispositions prises depuis décembre 2012 dans le cadre du pacte territoire santé pour tenter de faire échec aux déserts médicaux.

Ces quelques points positifs mis à part, vous continuez de réduire les moyens des hôpitaux publics.

M. Philippe Vitel. Eh oui !

Mme Jacqueline Fraysse. Ils sont pourtant déjà fortement endettés, au point que certains d’entre eux ne parviennent plus à faire face à leurs dépenses courantes. Vous exigez qu’ils réduisent leurs dépenses de 520 millions d’euros : comment pourront-ils le faire sans remettre en cause la qualité des soins ?

De même, vous prévoyez d’économiser 370 millions d’euros grâce au développement des soins ambulatoires. Mais avant de réaliser d’éventuelles économies, des dépenses seront nécessaires pour réorganiser les pratiques, former les praticiens et créer des lieux d’accueil pour les patients. Le développement de la chirurgie ambulatoire est, de toute évidence, une pratique appelée à se développer, mais c’est moins pour les économies qu’elle permettrait de réaliser à terme, et qui restent à évaluer finement, que pour les progrès qu’elle permet en termes de prise en charge des patients pour certains actes. Il faut donc rester prudent quant au montant des économies envisagées.

Il faut aussi se demander jusqu’où l’on peut réduire la durée d’hospitalisation des patients sans nuire à la qualité de la prise en charge. Là encore, les inégalités sociales et territoriales sont fortement marquées et c’est une banalité que de dire que le retour à la maison après une intervention en ambulatoire n’est pas le même selon le cadre de vie et l’environnement familial.

Au-delà de l’hôpital, les économies seront pour l’essentiel réalisées, à hauteur de 1,015 milliard d’euros, grâce à ce que vous appelez la pertinence et le bon usage des soins. Nous partageons votre souci de mieux gérer le prix des médicaments et des dispositifs médicaux et de favoriser la prescription de médicaments génériques, mais nous sommes préoccupés par le renforcement de l’autoritarisme des agences régionales de santé. Nous avions d’ailleurs dénoncé ce point ensemble lors des débats sur la loi HPST – hôpital, patients, santé, territoires – de Mme Bachelot. Pourtant, vous n’avez pas modifié la législation sur ce point. Au contraire, vous renforcez cet autoritarisme puisque le présent texte invite les ARS à s’ingérer dans le fonctionnement des établissements de santé et à les sanctionner le cas échéant.

Concernant la branche famille, l’annonce par le Gouvernement de la modulation des allocations familiales en fonction des revenus est extrêmement grave à nos yeux.

M. Dominique Tian. Nous sommes bien d’accord !

Mme Jacqueline Fraysse. Cette décision, prise par le Gouvernement et le groupe socialiste, est présentée comme définitive avant même d’avoir été débattue dans cet hémicycle. Permettez-moi de dire que cela illustre assez bien votre conception de la démocratie et du rôle du groupe majoritaire dans cette assemblée. Par ce procédé cavalier, il s’agit à la fois de remettre en cause le principe de l’universalité de ces prestations et de maintenir votre cap initial, c’est-à-dire de réaliser 800 millions d’euros d’économies chaque année aux dépens des familles.

M. Dominique Tian. C’est bien vrai !

M. Arnaud Richard. Absolument !

Mme Jacqueline Fraysse. Pourquoi cette décision est-elle grave sur le fond ? Parce qu’elle porte atteinte au principe même de la Sécurité sociale, héritée du Conseil national de la Résistance. La Sécurité sociale constitue un droit social, une assurance sociale pour tous, selon deux principes essentiels : solidarité et universalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et RRDP.)

M. Jean-Pierre Door et M. Gérard Charasse. Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse. Solidarité, car chacun apporte selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Universalité, car ces prestations ne sont pas des instruments de redistribution pour atténuer l’injustice sociale, même si elles y contribuent fortement, mais des droits sociaux pour tous. Vous voulez les transformer en un mécanisme d’assistanat pour les plus modestes.

Bien sûr, vous pouvez tenter de vous justifier en affirmant, comme je l’ai entendu, que l’universalité n’est pas l’uniformité. C’est un abus de langage, dont nous comprenons tout à fait les motivations. La définition de l’universalité que donne l’INSEE est pourtant claire : « les allocations familiales sont des prestations universelles parce qu’elles sont attribuées à tous sans condition de ressources. » (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, UDI et RRDP.)

M. Arnaud Richard. Bravo !

Mme Jacqueline Fraysse. En outre, vous osez prétendre que vous instaurez cette mesure au nom de la justice sociale, alors qu’en réalité l’argent supprimé aux ménages aisés ne sera pas redistribué aux familles les plus modestes, puisqu’il s’agit d’économies pures et simples. Je suis outrée ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Voudriez-vous nous faire oublier que l’instrument privilégié de redistribution de la richesse est la fiscalité républicaine, progressive en fonction des revenus de chacun ? Oui, il faut oser la réforme fiscale et rompre avec des mesures qui opposent les Français les uns aux autres !

M. Jean-Pierre Door. Nous allons finir par nous inscrire au Parti communiste !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous aviez annoncé la remise à plat du barème des impôts, mais vous y avez renoncé, comme à tant d’autres promesses – vous leur tournez même le dos. Pour financer le CICE, vous avez augmenté la TVA, impôt injuste s’il en est, car les mêmes taux s’appliquent indifféremment aux riches comme aux pauvres, et vous l’avez fait y compris sur les produits de première nécessité. Je le dis clairement : non, ce n’est pas le souci de la justice sociale qui vous anime, et ce n’est pas la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu qui y changera quoi que ce soit.

La réalité est beaucoup plus prosaïque, mes chers collègues. Hélas, force est de constater que vous poursuivez chaque jour un peu plus la remise en cause de notre modèle social, déjà bien entamé par la droite.

Mme Sylviane Bulteau. Cette outrance est inadmissible !

Mme Jacqueline Fraysse. Il est d’ailleurs significatif que vous n’ayez remis en cause aucune des mesures que vous aviez pourtant dénoncées en leur temps, à juste titre : ni les franchises, ni les forfaits… Vous vous félicitez même de n’en avoir pas ajouté : bravo, je m’en félicite aussi !

Le dispositif de modulation des prestations familiales que vous proposez ne concerne aujourd’hui que les familles moyennes et aisées, mais il sera simple, désormais, de déplacer le curseur. Le Gouvernement, toujours à la recherche de nouvelles économies, n’aura plus qu’à baisser progressivement ce seuil jusqu’à réserver notre système universel de Sécurité sociale aux pauvres.

M. Bernard Perrut. C’est déjà fait !

M. Olivier Véran, rapporteur. Mais non !

Mme Jacqueline Fraysse. Car après les prestations familiales, la santé sera visée, n’en doutons pas ! Cette évolution est d’ailleurs déjà à l’œuvre : si la CMU et la CMU complémentaire ont été mises en place au bénéfice des personnes très modestes, c’est bien afin de contrebalancer l’inégalité d’accès aux soins due à l’insuffisance des remboursements de Sécurité sociale qui découle des plans Juppé, Balladur et autres. Même si vous vous en défendez aujourd’hui, la mise sous condition de revenus du remboursement des médicaments, voire des hospitalisations, pourrait être la prochaine étape. Il est vrai, après tout, que certains peuvent payer !

M. Jean-Pierre Barbier. C’est exactement ce que j’ai dit !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ce n’est pas du tout la même chose !

Mme Jacqueline Fraysse. Déjà en commission, vous vous sentiez obligés de protester vivement contre cette hypothèse, en affirmant même que cela n’a rien à voir.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Exactement !

Mme Jacqueline Fraysse. Mais chacun voit ce qu’il y a à voir, mes chers collègues, ne sous-estimez pas l’intelligence de nos concitoyens ! Contre cette entreprise d’enfumage largement préparée en amont et complaisamment relayée par les grands médias, notre rôle est de dire la vérité, d’alerter sur votre stratégie qui n’a d’autre objet que de réduire les moyens de la Sécurité sociale tous azimuts, y compris pour les chômeurs, et en l’occurrence de réduire de 800 millions d’euros les prestations aux familles.

La vérité, c’est que vous vouliez économiser la même somme par d’autres mesures, notamment en divisant par trois l’allocation de naissance du deuxième enfant et en reculant de quatorze à seize ans le versement de la majoration pour âge.

M. Jean-Pierre Barbier. C’est une honte !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous avez choisi un autre mécanisme, qui présente, dans votre visée ultra-libérale, le double avantage de réaliser les mêmes économies sur le dos des familles et d’aller un peu plus loin dans la remise en cause de notre modèle social. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme Martine Pinville, rapporteure. Ce n’est pas vrai : seules les familles les plus aisées seraient touchées !

Mme Jacqueline Fraysse. Et tout a été annoncé avant même que le Parlement ait pu en discuter !

M. Olivier Véran, rapporteur. C’est évident ! comment le Parlement pourrait-il discuter d’une mesure qui n’aurait pas été annoncée ?

Mme Jacqueline Fraysse. Je suis courroucée, plus que jamais, tant par le procédé que par le contenu. Il est clair que face à de tels comportements et à de tels enjeux, notre groupe ne peut que s’opposer fermement à ce texte. (Applaudissements et bravos sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme Martine Pinville, rapporteure. Vous êtes applaudie par la droite. Ce n’est pas un compliment !

M. Jean-Pierre Barbier. Elle, au moins, dit des choses sensées !

M. Olivier Véran, rapporteur. Dire que nous sommes ultra-libéraux, vous trouvez cela sensé, vous ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. Madame la secrétaire d’État, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans un sondage publié il y a quelques mois, huit Français sur dix se disaient attachés à notre modèle social et 86 % inquiets pour le financement de la Sécurité sociale. Ces deux données montrent bien l’attachement de nos compatriotes à notre modèle et leur grande conscience de l’enjeu qui nous mobilise.

Au fond, nous sommes confrontés à trois enjeux majeurs : d’abord répondre aux besoins avec efficacité, en s’adaptant à l’évolution de notre société, notamment à son vieillissement – nous en avons longuement parlé il y a quelques semaines – et donc faire face à la transition démographique souvent évoquée par Mme Delaunay ; ensuite assurer la pérennité du système en maîtrisant les comptes sociaux, caractérisés depuis de nombreuses années par un niveau de recettes inférieur à celui des dépenses ; enfin faire tout cela dans la justice.

Nous le voyons, les enjeux sont complexes. À ce stade, je ne reviendrai pas sur les chiffres, même si je constate que le ministre a de grandes difficultés à se faire comprendre sur les sujets de la stabilisation du régime général et de la diminution du déficit global des branches.

Trois engagements tenus me semblent devoir être relevés à ce stade. Tout d’abord, conformément aux engagements du Gouvernement, les pertes de recettes induites par les exonérations liées au pacte de responsabilité sont intégralement compensées à la Sécurité sociale. Deuxièmement, ce PLFSS ne contient aucune mesure d’accroissement des prélèvements, ni pour les usagers, ni pour les salariés, ni pour les entreprises. Troisièmement, la totalité du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie sera bien affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, ce qui est une excellente nouvelle.

Pour autant, nous le savons, des réformes structurelles sont nécessaires pour pérenniser le système. Elles ont largement été évoquées et seront bien sûr traduites et concrétisées dans la stratégie nationale de santé. Mais elles s’inscrivent également dans le cadre du présent PLFSS, qui prévoit un plan « génériques », un « virage de l’ambulatoire », selon l’expression du Gouvernement, la refonte de la régulation globale des dépenses de produits de santé et la maîtrise des dépenses de la politique familiale.

Sur ce point, vous me permettrez de m’étonner que certains retiennent la date de 1946 pour la création des allocations familiales : elles sont bien antérieures.

Mme Martine Pinville, rapporteure. C’est vrai !

Mme Bernadette Laclais. Historiquement, le principe d’universalité des allocations familiales n’a jamais été considéré comme absolu. Il était simplement établi que son montant devait être fixé conformément au principe d’égalité devant la loi. Rien n’interdit de prendre en considération la situation sociale des individus concernés. Qui pourrait prétendre que, d’un point de vue budgétaire, l’arrivée d’un enfant a la même conséquence pour toutes les familles ? Qui pourrait soutenir cette position aujourd’hui ? Et qui pourrait évoquer la possible application de ce dispositif à d’autres branches, notamment la branche maladie, qui repose évidemment sur un système assurantiel, au contraire de la branche famille ?

En conclusion, je souligne la grande difficulté de l’exercice auquel nous sommes confrontés. Des mesures de court terme sont nécessaires, mais elles doivent être équilibrées, de façon à contenir les dérapages sans compromettre une possible reprise de la croissance. Il faut également des mesures de long terme pour assurer la pérennité du dispositif, même si, nous le savons bien, leurs effets seront décalés dans le temps.

La Sécurité sociale est d’abord un outil de solidarité dont il faut maintenir les principales caractéristiques, chères à ses pères fondateurs, dont j’aime à rappeler que l’un était savoyard. Il convient également de tenir compte de l’évolution de notre société, caractérisée par son vieillissement, mais aussi la recherche systématique du risque zéro et le souhait bien légitime d’être toujours mieux soigné.

Nous parlons d’un budget colossal et d’un modèle qui fait de très nombreux envieux partout dans le monde. Un tel sujet mérite de sortir des postures, de s’atteler à la tâche, de faire ce que nos compatriotes et les prochaines générations attendent de nous : se rassembler pour sauver notre modèle social. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Michel Issindou, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, « Nos concitoyens sont profondément attachés à leur modèle de protection sociale. Il nous appartient de le pérenniser et de le conforter car, si nous voulons que les Français continuent d’y adhérer, il est nécessaire qu’il réponde chaque jour aux attentes qu’ils formulent. » Ces propos ne sont pas les miens mais ont été tenus par Mme la ministre des affaires sociales et de la santé lors de son audition sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale par la commission des affaires sociales, le 8 octobre dernier. Elle poursuivait en regrettant que tout le monde se focalise sur les 700 millions d’euros d’économie pris sur la branche famille.

Pourtant, Mme la ministre l’a dit fort justement, c’est parce que les Français sont attachés à leur protection sociale et à une politique familiale qui a fait ses preuves depuis soixante-dix ans, voire plus, Mme Laclais le rappelait il y a quelques instants, que vos décisions, ce véritable gribouillage de notre politique familiale, provoquent autant de clapot, comme on dit chez nous à Saint-Malo.

Personne ne peut accepter la proposition, présentée par votre majorité après de multiples tergiversations, de moduler les allocations familiales en fonction des revenus. Elle est contraire à tout ce qui nous a été présenté jusqu’à présent dans le PLFSS et aux engagements du Président de la République, qui nous promettait, il y a encore huit jours, de ne pas toucher à l’universalité des allocations familiales. Il faut dire que nous n’en sommes plus à une contradiction près. Nous y sommes maintenant habitués.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Les parlementaires ont joué leur rôle !

M. Gilles Lurton. Madame la secrétaire d’État, lorsque nous avons examiné le PLFSS en commission des affaires sociales la semaine dernière, il ne comportait qu’un seul article pour ce qui concerne la branche famille : l’article 61. Cet article, je le rappelle, proposait de diviser par deux la prime de naissance pour le deuxième enfant et les suivants, au motif que les parents avaient déjà acheté les biens nécessaires pour le premier enfant : cela pouvait bien resservir pour tous les autres !

C’était, bien sûr, ignorer totalement, je dirai même dédaigner les besoins des familles au moment de l’arrivée d’un nouvel enfant dans le foyer. Les familles doivent se réorganiser, elles ont parfois besoin d’un logement plus spacieux et de garde d’enfants pour permettre aux deux parents de poursuivre leur vie professionnelle… j’en oublie sans doute.

Cette proposition de réduction de la prime de naissance a provoqué une forte contestation en commission des affaires sociales, dont la réunion a d’ailleurs été interrompue pendant trente minutes afin de permettre aux parlementaires de la majorité de se mettre d’accord. In fine, notre amendement de suppression de l’article 61 a été rejeté par quatorze voix contre douze. Seulement deux voix d’écart : de quoi faire trembler le Gouvernement !

La réaction ne s’est d’ailleurs pas fait attendre : le lendemain, jeudi 16 octobre, votre rapporteur sur la branche famille Mme Clergeau annonçait publiquement que les allocations familiales seraient modulées en fonction des revenus. Revirement spectaculaire !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Pas du tout, c’est une évolution du débat !

M. Arnaud Robinet. Vous devriez faire de la politique, madame Clergeau !

M. Gilles Lurton. Pour économiser 800 millions d’euros sur 476 milliards de dépenses de la Sécurité sociale, vous décidez de briser un principe essentiel de notre protection sociale, le principe de l’universalité des allocations familiales, au risque de casser une politique qui, depuis 1945, assure la continuité de notre vitalité démographique.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ce n’est pas vrai !

M. Gilles Lurton. Au-delà de ce risque, je veux aussi souligner l’acharnement du Gouvernement depuis deux ans et demi contre la famille : avec des mesures comme le quotient familial, les majorations familiales des pensions ou la diminution l’année dernière de la prestation d’accueil du jeune enfant, la gauche, madame la secrétaire d’État, a pris 4,5 milliards d’euros aux familles depuis mai 2012.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Gilles Lurton. Une fois encore, avec cette décision de moduler les allocations familiales, vous allez vous attaquer aux familles, à commencer par celles qui ont le plus d’enfants. Quelles que soient leurs ressources, ce sont celles qui contribuent déjà le plus largement à l’effort fiscal, par le biais de la TVA qui, pour elles, est multipliée par le nombre d’enfants. C’est mécanique : plus vous avez d’enfants, plus vous consommez et plus vous payez de TVA !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Et le quotient familial ?

M. Gilles Lurton. Les allocations familiales dont vous voulez sonner le glas ce soir servaient jusqu’à présent aussi à compenser cet effet mécanique. Vous vous attaquez une fois encore aux classes moyennes, celles qui contribuent déjà le plus à l’impôt sur le revenu. Je vous mets en garde, madame la secrétaire d’État, mesdames et messieurs les députés de la majorité : attention à une rupture du consentement à payer l’impôt ! Ce sont les familles que vous visez aujourd’hui qui ont déjà supporté les plus fortes hausses d’impôts ces dernières années.

Aujourd’hui, vous leur demandez d’amplifier cet effort tout en leur disant qu’elles toucheront moins de la part de l’État. Une fois encore les familles vont trinquer, alors que le bon sens commanderait plutôt de sanctuariser une politique familiale qui a fait ses preuves et qui allège le fardeau déjà fort lourd du financement du nombre croissant de seniors. Une fois encore, les familles vont trinquer, parce qu’elles n’ont pas le pouvoir d’immobiliser les trains ou les avions et de bloquer les routes. Pendant que les familles s’appauvrissent en silence, c’est l’avenir de notre territoire qui s’assombrit. Nous n’acceptons pas une telle politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Madame la secrétaire d’État, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à l’ouverture de l’examen de ce texte en commission, nous étions inquiets : les annonces concernant la branche famille allaient porter préjudice à toutes les familles. Nous étions inquiets de la baisse significative de la prime à la naissance, du décalage à seize ans au lieu de quatorze de la majoration des allocations, des nouvelles règles concernant le congé parental. Nous nous sommes donc opposés à ces mesures en commission, et nous saluons les propositions faites aujourd’hui par la rapporteure et soutenues par le Gouvernement.

Personne ne peut se réjouir d’une réduction de prestation, quelle qu’elle soit. Mais au vu de la situation financière de notre système de protection collectif et des inégalités sociales, il est très difficile d’être opposé à la modulation des allocations familiales pour les revenus les plus élevés. Il s’agit d’une mesure de justice, plus juste en tout cas que celles prévues dans le texte initial. L’universalité des allocations est maintenue, seule leur unicité a été revue dans la justice.

Cette mesure touche 12 % des familles. Notre rapporteure l’a très justement précisé tout à l’heure, ces familles ont un revenu supérieur de 90 % au revenu médian des Français. Cette mesure permet d’abandonner la baisse de la prime de naissance qui, elle, aurait précisément eu un impact sur les familles les plus fragiles et épargné les plus favorisées, cette prestation étant déjà soumise à conditions de ressources. La suppression du report à seize ans de la majoration des allocations familiales est également une bonne nouvelle pour les familles.

Je regrette en revanche que d’autres mesures d’économies, conséquences des équilibres établis par ce PLFSS, ne soient décidées que par voie réglementaire. Le législateur ne peut pas être exclu de ces débats sur un sujet aussi important que celui de nos familles.

En particulier, nous attendons des précisions concernant la répartition du congé parental entre les deux parents. Nous souscrivons au principe d’une meilleure répartition entre eux. Mais nous ne pouvons pas admettre que ce principe, dans son application concrète, ne soit que l’occasion d’économies qui ne diraient pas leur nom. À défaut de pouvoir nous exprimer sur cette mesure réglementaire, je demanderai un rapport sur la possibilité d’une vraie réforme du congé parental : aujourd’hui sans doute trop long et incontestablement mal rémunéré, il éloigne les femmes de l’emploi et les assigne trop souvent à des emplois précaires.

Mme Martine Pinville, rapporteure. C’est vrai !

Mme Véronique Massonneau. Au regard du montant actuel de la prestation, trop de familles choisissent par défaut de sacrifier le salaire le plus faible du couple, donc celui de la femme.

C’est là une réalité vécue par bon nombre de nos concitoyens. Sans revalorisation significative du montant de la prestation liée à une réduction de sa durée, le congé parental ne contribue pas à une réelle égalité entre les femmes et les hommes, ni professionnellement, ni au regard de l’éducation de l’enfant.

Donnons-nous, dès aujourd’hui, les moyens de préparer une vraie réforme du congé parental : nous avancerons ainsi activement vers la parité.

Mes chers collègues, notre politique familiale date d’une autre époque. Il n’est donc pas aberrant de souhaiter la rénover ! Faisons en sorte que ce texte soit la première étape de cette indispensable rénovation, et non une rustine supplémentaire pour un système à bout de souffle.

Mais ce texte, reconnaissons-le, ne se limite pas à des mesures qui épargnent les plus fragiles. Plusieurs propositions vont améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens comme l’accès au tiers payant intégral pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé, l’octroi d’avantages supplémentaires pour les praticiens territoriaux de médecine générale, l’indemnisation des collaborateurs et aidants familiaux des non-salariés agricoles, le renforcement du système de soins pour les détenus et les sans-papiers, ou encore la protection des harkis retraités. Ces mesures nous semblent aller dans le bon sens.

Madame la ministre, les écologistes se sont, cet été, abstenus lors du vote de la loi de financement rectificative qui a acté la baisse des cotisations patronales. Nous continuons à déplorer ce choix fait par le Gouvernement.

Votre texte s’inscrit dans ce cadre. Mais il comporte des mesures concrètes que nous appréhendons en toute responsabilité. Ce sont ces mesures que nous allons examiner dans les prochains jours. Nous ne le ferons ni dans un esprit de subordination, ni dans une posture d’opposition stérile. Que le débat se poursuive, que des éclaircissements soient apportés. C’est ce que nous attendons du débat parlementaire. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC).

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Claireaux.

M. Stéphane Claireaux. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous voici amenés à débattre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015. Ce texte a soulevé bon nombre d’interrogations concernant notamment la branche famille, et plus généralement la politique familiale de notre pays.

Ma collègue Dominique Orliac étant intervenue avant moi, et plus longuement, sur le sujet, je profiterai de cette tribune pour appeler votre attention sur plusieurs inégalités criantes dont souffrent les familles de Saint-Pierre-et-Miquelon, notamment en matière d’allocations familiales et de logement.

S’agissant des prestations familiales, si la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, et l’allocation de rentrée scolaire, l’ARS, peuvent être versées à Saint-Pierre-et-Miquelon depuis 2008, il est inacceptable que des compléments de ces prestations, tels que l’allocation de soutien familial, l’ASF, ou le complément de libre choix du mode de garde, le CMG, n’aient toujours pas été étendus, à ce jour, à notre archipel, alors qu’ils sont versés partout ailleurs, et ce depuis des décennies !

Pour ce qui est du complément de libre choix du mode de garde, il s’agit de permettre aux parents de l’archipel de bénéficier des prestations relatives à la garde d’enfants âgés de moins de six ans.

Depuis septembre 2013, la prestation de service unique – PSU – a été mise en place à la crèche de Saint-Pierre. Toutefois, en raison de l’évolution de la population de notre archipel, la capacité d’accueil de l’établissement ne couvre pas la totalité des besoins des familles sur place. De plus, je tiens à le préciser ici, il n’existe aucune structure d’accueil de ce type à Miquelon.

Par conséquent, vous me permettrez d’appeler votre attention sur la situation des familles qui choisissent de faire appel à un ou à une assistante maternelle, ou à une garde d’enfant à domicile, ce qui constitue d’ailleurs un gisement d’emplois non négligeable dans la situation économique actuelle. Il est nécessaire que les Saint-Pierrais et Miquelonnais puissent, eux aussi, bénéficier du complément libre choix du mode de garde.

Il m’a été répondu que l’extension de cette prestation requerrait, notamment, une étude d’impact. Je sais que vous pourrez compter sur l’entière collaboration des services de la Caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon qui a déjà bien travaillé sur l’évaluation des besoins, ce qui devrait vous permettre d’avancer rapidement sur ce sujet.

Avec l’extension à Saint-Pierre-et-Miquelon de l’allocation de soutien familial et du complément de libre choix du mode de garde, il en va tout simplement de justice sociale et d’égalité sur l’ensemble du territoire national.

J’entends bien qu’il faut impérativement trouver un véhicule juridique adapté pour une telle extension. Fort heureusement, nous ne sommes pas, sur ce dossier, dans le même cas de figure que dans celui de l’ordonnance que la représentation nationale a, par deux fois, à l’unanimité, habilité le Gouvernement à prendre, mais dont la publication se fait toujours attendre, depuis maintenant cinq ans et demi, alors qu’elle doit permettre aux Saint-Pierrais et Miquelonnais de bénéficier des mêmes droits que tous les autres Français en matière de logement.

Fort heureusement, s’agissant de l’ASF ou du CMG, nul besoin d’ordonnance ni donc d’habilitation à légiférer par ordonnance : il s’agit d’un choix de politique familiale, relevant de la compétence de l’État, lequel peut intervenir à tout moment – et il doit le faire le plus rapidement possible – en application de l’habilitation permanente prévue à l’article 74-1 de la Constitution.

Cela lui donnerait aussi l’occasion d’adapter ces dispositifs aux spécificités de notre territoire, notamment en matière de revalorisation des montants et plafonds de ressources, sur le modèle du décret de 2008 ayant étendu et adapté le régime des prestations familiales dans notre archipel.

Une telle ordonnance, prise sur le fondement de l’article 74-1, permettrait également de mettre fin à une injustice supplémentaire qui dure depuis trop longtemps, au préjudice des familles de Saint-Pierre-et-Miquelon : l’inexistence dans l’archipel de l’assurance vieillesse des parents au foyer – AVPF –, laquelle pourrait être versée, notamment, aux parents faisant le choix hautement louable de s’occuper de leurs enfants souffrant de handicap.

Pour mettre fin à cette anomalie et faire œuvre de justice sociale, il suffirait de modifier l’ordonnance n77-1102 du 26 septembre 1977 relative à l’organisation spécifique de la Sécurité sociale dans notre archipel en y mentionnant expressément que l’article L. 381-1 du code de la Sécurité sociale est applicable dans l’archipel.

Il est urgent de résoudre sans délai ce dysfonctionnement, pis, cette injustice sociale. On répondrait ainsi à la demande unanime des responsables locaux ainsi qu’à l’attente des familles auxquelles fait défaut le soutien nécessaire pour faire face à des situations difficiles, alors que partout ailleurs, c’est un droit acquis.

Je vous remercie pour votre attention et pour les réponses que vous serez en mesure d’apporter aux habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP).

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Madame la secrétaire d’État, mesdames et messieurs les rapporteurs, madame la présidente de la commission des affaires sociales, l’élaboration du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015, et singulièrement celle du budget de l’assurance-maladie, a obéi à un impératif de cohérence par rapport à ce qui a été fait depuis deux ans.

Ces deux années ont en effet été marquées par une réelle volonté politique de concilier efficience, économies et ambition réformatrice pour un accès aux soins qui profite à tous.

Comme le Gouvernement le souligne chaque année depuis deux ans maintenant, madame la secrétaire d’État, la maîtrise des dépenses d’assurance-maladie ne peut et ne doit s’effectuer au détriment de la prise en charge des Français. Il est possible de l’atteindre par une utilisation plus efficace des ressources de notre système de santé.

C’est ainsi que, malgré les 3,2 milliards d’économies prévues en 2015, vous n’envisagez pas de dérembourser certains médicaments, comme les gouvernements d’avant 2012 le faisaient, avec beaucoup de constance.

Le reste à charge des ménages, en prenant en compte la participation de l’assurance-maladie, de l’État et des organismes complémentaires s’élevait, en 2011, à 9,6 %, contre 8,8 % aujourd’hui. Entre 2000 et 2011, la part des organismes complémentaires dans le financement des dépenses de santé a augmenté de 1,3 point, passant de 12,4 % à 13,7 % sous l’effet du désengagement des pouvoirs publics.

Vous avez fait cesser la pratique systématique des déremboursements, mise en place sous couvert de responsabilisation des malades, alors qu’elle était contraire aux objectifs de santé publique et potentiellement coûteuse pour l’assurance-maladie.

La baisse de la prise en charge par l’assurance-maladie, la mise en place des franchises – que nous nous apprêtons à supprimer pour ceux qui en ont le plus besoin – et la prétendue responsabilisation des patients se sont soldées par des renoncements aux soins et par un transfert de charges, opéré sans discernement, aux organismes complémentaires. Cela a eu pour effet de creuser encore un peu plus les inégalités de santé.

Au contraire, depuis deux ans, les réseaux de soins mutualistes ont été sécurisés sur le plan juridique, ce qui permet de réguler les coûts de santé en vue de maîtriser les restes à charge des ménages.

Aujourd’hui, vous étendez le tiers payant intégral au demi-million de personnes qui bénéficient de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé. Dès juillet 2015, ces personnes n’auront plus à faire l’avance des frais chez un professionnel de santé.

L’enjeu est d’autant plus important que plus de 15 % de la population adulte de notre pays déclarent avoir renoncé à des soins médicaux pour des raisons financières. Il est prévu, on l’a peu entendu dans nos débats ce soir, que le bénéfice du tiers payant intégral soit étendu à toute la population en 2017.

Je voudrais rappeler également les longs débats que nous avions, sous la précédente législature, autour des déserts médicaux, sujet maintes fois évoqué, mais jamais véritablement traité. Les obstacles géographiques et économiques à l’accès aux soins, induits par les inégalités sociales, ainsi que la surmortalité dans les milieux défavorisés, ont été, depuis deux ans, pris en compte, faisant ainsi reculer les déserts médicaux et favorisant les nouveaux modes d’exercice des médecins et des autres professionnels de santé.

Je pense, notamment, à la création d’un statut de praticien territorial de médecine générale, l’une des mesures-phare du Pacte territoire-santé.

Aujourd’hui, en 2014, 400 nouveaux médecins généralistes se sont installés.

Alors que la majorité précédente faisait disparaître les hôpitaux locaux, aggravant ainsi la difficulté d’accès aux soins dans les zones défavorisées, dès 2012, nous nous sommes engagés à soutenir les hôpitaux de proximité et à lever les obstacles juridiques et financiers qu’ils rencontrent, en améliorant la coopération avec la médecine de ville.

M. Arnaud Robinet. C’est un bilan ?

Mme Monique Iborra. Il est donc proposé un modèle de financement spécifique pour ces établissements, en introduisant une rémunération au forfait des médecins libéraux y exerçant, mais aussi en incitant l’adossement à ces hôpitaux locaux de maisons de santé pluridisciplinaires ou de maisons médicales de garde.

Ces quelques exemples – je pourrais en citer davantage – montrent bien que le Gouvernement répond, avec une réelle volonté politique, aux attentes de nos concitoyens dans le domaine de l’accès aux soins, qui reste légitimement une de leurs principales préoccupations.

Cette réponse montre que l’on peut concilier gestion rigoureuse, engagement de réformes, modification sur le fond de l’organisation des soins et amélioration de la qualité et la sécurité de ceux-ci. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Madame le président, madame le secrétaire d’État, chers collègues, avant de rédiger ce projet de loi, sans doute avez-vous relu le livre IV des Nourritures Terrestres, et cette phrase d’André Gide « Familles, je vous hais ! Foyers clos ; portes refermées ; possessions jalouses du bonheur ».

En effet, votre politique, caractérisée depuis deux ans par des va-et-vient permanents, est d’une terrible constance pour ce qui est de s’en prendre aux familles.

Le texte initial prévoyait la diminution des deux tiers de la prime de naissance et d’adoption, au-delà du premier enfant. Le Gouvernement s’est engagé, finalement, à soutenir la suppression de cette mesure par voie d’amendement. Nous serons donc vigilants sur le respect de cette promesse.

Il est heureux que vous ayez également renoncé à vous immiscer dans l’organisation des familles, en leur imposant votre vision du couple et de la parenté par la contrainte, en réformant le congé parental.

Les Français ne sont pas vos enfants. Je crois qu’ils doivent rester libres de pouvoir choisir la façon dont ils souhaitent remplir leur rôle de parents.

Alors que la fraude sociale est estimée à 50 milliards d’euros par an, soit l’équivalent du plan d’économies de M. Valls, vous espérez timidement récupérer 75 millions par quelques mesures dérisoires. Vous étiez moins hésitants lorsqu’il s’agissait d’aller traquer et sanctionner les exilés fiscaux.

En cas de réitération de fraude aux allocations familiales, vous vous contentez de simples pénalités, quand l’ampleur du phénomène nécessiterait un message fort comme la menace d’une suspension.

Pire encore, vous avez décidé de diminuer le montant de ces pénalités financières, alors même que ces fraudes ont augmenté de 16,5 % en 2013, atteignant 141,4 millions d’euros.

Ces millions d’euros, vous devrez aller les chercher ailleurs en taxant les honnêtes citoyens. Qu’il est bon d’être délinquant sous l’ère socialiste ! Ceci expliquant cela, on ne s’étonne plus de la phobie administrative contractée dans vos rangs.

Car ce sont bien toujours les honnêtes citoyens qui payent pour vos renoncements : vous décidez de moduler les allocations familiales en fonction des revenus.

« Justice ! », criez-vous. Ces riches, plus exactement ces classes moyennes, que vous méprisez tout autant que les sans-dents, devront se passer de l’une des rares contreparties financières dont ils bénéficiaient pour service rendu à la nation, à savoir faire des enfants. Eux qui contribuent pourtant toujours plus à une solidarité nationale dont ils sont de plus en plus exclus.



Évidemment, l’on peut légitimement craindre que ce seuil des 6 000 euros ne soit demain abaissé, puis abaissé encore, sous la pression de l’étau bruxellois. Faire des enfants est un choix personnel, nous dit votre alliée, Mme Pompili, pour défendre cette mesure. Certes, mais heureusement que ces familles ont fait des enfants pour, demain, payer les retraites des hédonistes soixante-huitards de cette génération politique ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)



Justice par ci, justice par là, mais où est la justice lorsque les 700 millions d’euros d’économies que vous attendez de cette mesure seront dépensés pour financer l’aide médicale d’État aux clandestins, passée de 588 à 744 millions d’euros en un an ? J’entends déjà vos indignations républicaines et vos soupirs condescendants mais, croyez-moi, les Français aussi soupirent : c’est avec leurs économies que vous vous montrez si généreux.



C’est un système qui, par la prise en charge à 100 % des soins des clandestins, encourage des filières d’immigration illégale en constante augmentation, un système vicié car les fraudes à la CMU et à l’AME par usurpation d’identité constituent l’un des principaux préjudices causés à l’assurance maladie, après les arrêts maladies abusifs. Les trafics de médicaments sont légion parmi les bénéficiaires. N’ayant pas de carte Vitale, certains font des tournées de pharmacie pour revendre en France ou à l’étranger de grandes quantités de médicaments, le tiers payant contribuant à faciliter ces trafics.



C’est une provocation lorsque les Français se serrent douloureusement la ceinture.



Notre conception de la justice est radicalement différente de la vôtre. La nôtre voudrait qu’en période de crise, la priorité soit donnée à nos compatriotes, que l’AME soit supprimée et que les allocations familiales soient réservées aux familles dont l’un des deux parents au moins est français. Idem pour la CMU et l’aide à la complémentaire santé, dont vous avez relevé les plafonds l’année dernière, manifestement sans souci pour l’aggravation du déficit auquel vous vous attaquez aujourd’hui.



Nous sommes loin du compte puisque le versement des allocations familiales a récemment été élargi aux enfants algériens et turcs nés à l’étranger et venus sur le territoire hors du cadre du regroupement familial, conséquence d’accords signés avec une main bien légère, bien que le portefeuille soit vide.



Vous élargissez le tiers payant à l’aide à la complémentaire santé après l’avoir déjà établi pour l’AME et la CMU alors qu’il aurait dû à l’inverse être supprimé. Certes, l’accès aux soins doit être garanti à tous, mais l’absence d’avance de frais déresponsabilise les patients. Il serait plus opportun de moderniser la carte Vitale afin que le médecin bénéficie d’un règlement immédiat et le patient d’un prélèvement différé.



J’aurais aimé pouvoir aborder bien d’autres mesures mais les quelques minutes accordées généreusement aux députés non-inscrits m’obligent à me concentrer sur ce problème majeur, totalement ignoré, par crainte pour les uns, par conformisme ou par intérêt pour les autres : la conjonction entre un système de protection sociale dispendieux et une politique migratoire encourageant l’arrivée massive et continue d’une immigration précaire et à bas niveau socioprofessionnel.



Nous sommes d’accord, les économies ne sont pas une option. Dans ces conditions, se contenter de hurler à la stigmatisation à la moindre évocation de ces problèmes est une attitude irresponsable, qui finira par avoir raison de notre modèle de protection sociale.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 ressemble beaucoup aux deux précédents dans la mesure où il ne présente aucune réforme de structure pourtant indispensable pour permettre une réelle inflexion, et c’est regrettable.

La Cour des comptes exprimait dans son dernier rapport le besoin de mettre en œuvre des réformes structurelles, seules à même d’infléchir durablement les dépenses, mais il n’en est pas ainsi, et le Gouvernement ne s’est pas fixé un objectif ambitieux de réduction des déficits de la Sécurité sociale, tout cela dans un contexte où les objectifs prévus dans le PLFSS pour 2014 n’ont pas été tenus. Le retour à l’équilibre promis pour 2017 n’est par conséquent pas possible.

Je suis, pour ma part, très attentif à l’accès aux soins, qui doit être un droit réel pour nos compatriotes, mais la problématique des déserts médicaux reste à ce jour entière, et le secteur hospitalier exige des améliorations dans la répartition de l’offre sur le territoire. Il faut certainement aller plus loin dans la mutualisation, la définition du rôle et des missions des hôpitaux de proximité. Il nous faut une réflexion d’ensemble sur l’offre de soins, englobant l’hôpital, afin d’atteindre une véritable cohérence. Tel devrait être votre objectif, notre objectif.

C’est sur la branche famille que je voudrais m’attarder quelques instants.

Vous me permettrez de dire mon opposition à la modulation des allocations familiales en fonction des revenus. Le Président de la République lui-même s’était d’ailleurs engagé à ne pas remettre en cause ce principe d’universalité.

Ainsi, vous remettez en question une règle fondatrice de notre pacte républicain aux termes de laquelle chacun, quelles que soient ses ressources, a accès aux mêmes droits dans les mêmes conditions.

C’est une rupture avec l’égalité, une grande valeur de la République. Vous allez diviser les familles, menacer notre cohésion nationale et le financement de notre système social, qui repose sur tous et donne des droits à tous.

Le pacte républicain conclu entre l’État et les familles depuis 1945 est rompu. Il avait fait pourtant consensus, on l’a vu, au-delà des clivages partisans ou syndicaux. Il a porté ses fruits car la politique familiale est une réussite française, souvent citée en exemple, fondée sur l’affirmation qu’un enfant vaut toujours un autre enfant. Désormais, ce sera fini.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Mais non !

M. Bernard Perrut. Rappelons-le, la politique familiale est faite pour mettre en œuvre non une redistribution verticale entre riches et pauvres, mais une distribution horizontale entre foyers sans enfants et foyers avec enfants. Les allocations sont attachées non pas au montant des revenus mais à la naissance des enfants, qui vont contribuer à la richesse du pays, travailler, cotiser, et, notamment, financer notre système de retraite par répartition, devenir des citoyens à part entière.

La politique familiale n’est pas la variable d’ajustement de la politique sociale, et vous vous trompez en voulant faire 700 millions d’euros d’économies au nom de la rigueur budgétaire, après 4,5 milliards d’euros depuis mai 2012, sur le dos des familles en quelque sorte.

Cette proposition de modulation oublie que le système est déjà très redistributif car, si les cotisations sont progressives, les prestations sont fixes. Cette évolution touchera les familles qui travaillent, les classes moyennes, et il y aura un effet de seuil dramatique pour des familles avec des situations très proches. Comment d’ailleurs parler de redistribution, madame la secrétaire d’État, puisqu’il s’agit purement et simplement de faire des économies ?

N’irez-vous pas un jour encore plus loin, car cette évolution conduira à remettre en cause les remboursements de santé avec un droit à la Sécurité sociale modulable en fonction des revenus,…

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est ce que vous proposez !

M. Bernard Perrut. …ou bien encore à demander à certains parents de payer la scolarité de leurs enfants dans l’école publique en fonction de leurs revenus ?

Ne risquons-nous pas de changer notre modèle de société et de vouloir chaque année, dans le cadre du PLFSS, avec ce qui deviendra désormais une variable d’ajustement de votre budget, modifier les seuils d’obtention des allocations, au risque de mettre en péril la stabilité des règles ?

Le soutien à la natalité mérite mieux que cela. L’enfant et la parentalité, voilà des objectifs qui devraient nous unir sur tous les bancs.

Si 68 % des familles déclarent ne pas avoir le nombre d’enfants souhaité, c’est pour des raisons qui touchent au logement, au coût de l’éducation, aux difficultés pour concilier vie personnelle et vie professionnelle. C’est justement la preuve s’il en est de la justesse de notre politique familiale.

Ce que les familles attendent, ce sont des encouragements, de la valorisation, pas des punitions ou des coups de bâton fiscaux. Elles veulent de l’air, arrêtons de les étrangler. Elles veulent de l’espoir, arrêtons de les démoraliser. Elles veulent de la sécurité, arrêtons d’inventer chaque semaine de nouvelles idées pour prendre les économies qu’elles ont constituées pour le futur de leurs enfants ou pour leur retraite.

Vous prenez trois risques majeurs en allant dans cette voie, celui de baisser encore davantage le pouvoir d’achat des familles, celui d’affaiblir la solidarité nationale, car ce sont les enfants de demain qui paieront la retraite des actifs d’aujourd’hui, celui, enfin, encore plus grave pour l’avenir du pays, de voir s’effondrer le taux de fécondité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, les jours passent et ne se ressemblent pas, a-t-on parfois coutume de dire. Concernant le projet de loi de financement de la Sécurité sociale que vous nous soumettez, c’est très précisément l’inverse qui se produit.

En prenant connaissance du troisième PLFSS depuis votre arrivée aux affaires, je ne pouvais m’empêcher de penser à cette pièce de théâtre que le Gouvernement nous joue depuis 2012 à chaque automne, dont les rôles ainsi que le déroulement sont bien définis et rodés.

Premier acte, la Cour des comptes appelle à des réformes structurelles, mais sous la forme d’un monologue puisque ni le Gouvernement ni sa majorité ne lui répondent sérieusement. Deuxième acte, les différents hauts conseils, observatoires et conseils d’orientation publient des rapports plus ou moins préoccupants, mais dans des termes suffisamment euphémiques et châtiés pour qu’ils n’émeuvent pas trop le Gouvernement. Troisième acte, ce dernier fait passer un texte proposant des économies a minima, déconnecté des réalités sur le fond et bien souvent illisible sur la forme, pensant ainsi éviter de mettre en pleine lumière son incapacité à rétablir l’équilibre de nos comptes sociaux.

J’ajoute que, dans cette pièce de théâtre, qui est un véritable drame à répétition, le Gouvernement conserve jalousement avec son administration le premier rôle, le Parlement se contentant de faire de la figuration, à travers un examen expéditif et indigne d’une démocratie moderne.

Le problème, c’est que ce spectacle appartient non pas seulement à la comédie du pouvoir mais aussi et surtout à la tragédie d’un modèle social rendu aujourd’hui largement obsolète.

Comme en 2012 et 2013, vous venez nous présenter des hypothèses de croissance et des objectifs d’équilibre improbables et l’on se demande si vous y croyez vous-même.

Je ne reviendrai pas sur l’équilibre général du texte, j’aimerais plutôt me concentrer sur quelques mesures de votre projet de loi.

Commençons par l’assurance maladie. Une fois de plus, vous demandez à l’industrie du médicament de faire les efforts qui ne lui incombent pas et auxquels vous ne consentez toujours pas.

Comment pouvez-vous cette année encore afficher une contribution des entreprises aux dépenses de santé aussi disproportionnée, 50 % des recettes de l’ONDAM par rapport à 12 % des dépenses ? À l’heure où ces entreprises innovent, je pense notamment au traitement de l’hépatite C et d’autres maladies virales, et au moment où notre tissu industriel est fragilisé, ce projet de loi confirme votre immobilisme face au recul historique de notre attractivité, qui joue pourtant un rôle clé dans le secteur pharmaceutique.

Vous ne vous arrêtez pas en si bon chemin. Non contents de faire payer les industriels, vous enclenchez de nouvelles dépenses, avec la généralisation du tiers payant, sur le modèle de la CMU-c, qui sera débattue lors de la discussion de la prochaine loi de santé mais qui est d’ores et déjà actée par ce texte. Je le dis solennellement, le tiers payant généralisé serait l’une des plus graves erreurs du Gouvernement au cours de cette législature.

Continuons sur la famille. Après le quotient familial, que le gouvernement Jospin voulait déjà baisser en 1998, votre texte représente un nouveau coup de canif dans le pacte social avec les familles. Ces dernières, et notamment les plus modestes contrairement à ce que vous dites, seront affaiblies par la division par trois de la prime de naissance ainsi que par le nouveau mode de versement de la PAJE.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Mais non, cela, c’est du passé !

M. Arnaud Robinet. Bien sûr, les efforts doivent être partagés et nos concitoyens comprennent de plus en plus difficilement le principe d’universalité des prestations familiales, mais le choix que vous faites ici me paraît irresponsable. D’une part, vous allez générer des économies finalement limitées dans l’immédiat, 700 millions d’euros,…

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. C’est limité, 700 millions ?

M. Arnaud Robinet. …et d’autre part, vous risquez de casser la dynamique démographique de la France.

J’ajoute que les familles ne sont pas en reste. Les entrepreneurs du bâtiment et de l’artisanat, avec la refonte des congés payés, les retraités, avec l’augmentation du taux de CSG, mais aussi les cliniques, les hôpitaux privés, avec le forfait instauré sur la liste en sus, subiront les conséquences très négatives de votre projet.

Enfin, je souhaiterais appeler votre attention sur la branche vieillesse, qui m’intéresse plus particulièrement.

Ce projet de loi ne contient aucune mesure significative, alors même que des membres du Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre, institution officielle s’il en est, estiment que votre loi visant à assurer l’avenir et la justice du système de retraites est déjà caduque.

Comme pour la maladie, vous conjuguez dans ce domaine quelques mini-économies tout en préparant des maxi-dépenses, notamment avec le compte pénibilité.

Le jugement que je porte sur votre projet de loi de financement est donc très sévère, sévère à l’égard de votre gouvernement, qui, après avoir multiplié les promesses démagogiques, révèle aujourd’hui son inertie et son manque de mobilisation face aux déficits sociaux, mais sévère aussi, dans une moindre mesure, à l’égard de vos prédécesseurs, qui, au cours des dernières années, ont fait adopter des rafistolages bienvenus mais insuffisants pour des réformes de grande ampleur.

Chers collègues, nous fêtons cette année la fondation du modèle social français institué à la Libération.

À soixante-dix ans, ce dernier ne mérite pas d’être à ce point laissé à l’abandon, à travers une loi de financement sans ambition et quelques phrases toutes faites sur le Conseil national de la Résistance.

À soixante-dix ans, notre système de protection sociale mérite au contraire un vaste lifting, une opération « préventive, diagnostique et reconstructrice », pour reprendre les termes de l’article 50 de votre projet de loi.

Mesdames, messieurs, cette reconstruction, nous l’attendons malheureusement encore et toujours, et je crains qu’avec ce PLFSS pour 2015, nous n’en soyons encore un peu plus éloignés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames les rapporteures, mon intervention ciblera les dispositions relatives à l’assurance vieillesse faisant l’objet du titre II du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015, soit les articles 56 et 57 de ce projet. L’objectif de dépenses pour 2015 de la branche vieillesse de l’ensemble des régimes obligatoires de base augmente de 1,9 % par rapport à l’objectif de 2014, soit 224 milliards d’euros en prévision. Le total des dépenses pour l’ensemble des branches de la Sécurité sociale s’établit à 476,6 milliards d’euros.

L’article 56 concerne une mesure de réparation, et surtout de reconnaissance, en faveur des rapatriés ayant servi en Algérie, de leurs conjoints survivants et de leurs enfants. Le Président de la République a annoncé la création d’un plan d’action en faveur des harkis. L’une des mesures proposées trouve sa place dans ce texte : il s’agit de l’amélioration des droits à la retraite de ces assurés, puisque leur sera ouverte la possibilité de racheter, dans la limite de quatre, des trimestres correspondant aux périodes passées dans les camps durant lesquelles ils n’ont pas pu se constituer de droits à la retraite. Il s’agit d’une juste reconnaissance de la nation à la mémoire des harkis.

L’article 57 fixe l’objectif de dépenses 2015 de la branche vieillesse de l’ensemble des régimes obligatoires de base. Cette évolution est la traduction de l’application de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. L’effort équitablement réparti entre les actifs, les employeurs et les retraités se traduit par une amélioration sensible des comptes de la branche vieillesse du régime général, puisque le déficit de la caisse nationale d’assurance vieillesse est estimé à moins de 1,5 milliards d’euros en 2015 contre 4,7 milliards d’euros en 2012.

Cette réforme a prévu des mesures de simplification et donc des économies de gestion qui sont déjà engagées. Un comité de suivi est chargé d’alerter le Gouvernement et le Parlement des écarts constatés entre la réalité des comptes et la trajectoire de retour à l’équilibre de notre système de retraite. Il a rendu un premier avis en juillet 2014 : la trajectoire suivie ne s’éloigne pas significativement des objectifs fixés, sous réserve de la réalisation des prévisions macroéconomiques retenues. On sait aujourd’hui que la croissance n’est pas au rendez-vous et que les recettes faiblissent ; toutefois, la bonne tenue de l’évolution de la masse salariale semble compenser, à ce stade, la baisse de croissance.

Le relèvement du taux de cotisations déplafonnées de 0,15 point en 2014 et de 0,05 point supplémentaire en 2015 pour chacune des parts salariale et patronale devrait générer 2,5 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Quant à la CSG, elle est rendue plus équitable à revenu égal, puisque le taux applicable est désormais le même. Si 460 000 personnes, dont le revenu est supérieur au nouveau seuil, paieront plus, 700 000 personnes bénéficieront d’une réduction d’impôt, M. Accoyer a omis de le dire cet après-midi.

Dans le cadre de cette nouvelle loi, des droits nouveaux sont ouverts pour les jeunes : la prise en compte de la totalité des trimestres d’apprentissage, une meilleure prise en compte des périodes d’études post-bac, une meilleure prise en compte des temps partiels, des emplois saisonniers et des périodes de formation professionnelle. Des droits nouveaux sont effectifs pour les femmes qui voient désormais l’ensemble des trimestres de congé de maternité validés. Le minimum contributif qui bénéficie à 70 % aux femmes est désormais versé lorsque le total des retraites ne dépasse pas 1 120 euros.

Des droits nouveaux sont effectifs pour les retraites agricoles, en particulier celle des femmes avec des avancées au bénéfice des conjoints collaborateurs et des aides familiaux. La pension de réversion est ouverte au conjoint survivant d’un exploitant bénéficiaire de la retraite complémentaire obligatoire et décédé en activité. Ces mesures concernant les agriculteurs et agricultrices, dont les décrets sont sortis en mai 2014, sont particulièrement appréciées et sont la concrétisation des promesses faites par notre Président de la République pour plus de justice et d’équité et matérialisées par la loi du 20 janvier.

Des droits nouveaux sont également effectifs pour les plus vulnérables : les personnes en situation de handicap peuvent ainsi bénéficier de la retraite à soixante-deux ans sans autre condition.

Je souligne également l’avancée majeure de la réforme de 2014 concernant le compte pénibilité. Les décrets sont désormais publiés et nous ne pouvons que souhaiter une application simple, efficace et lisible pour les salariés et les employeurs. Contrairement à ce que certains laissent entendre, les entrepreneurs sont prêts à créer les comptes individuels de pénibilité.

Tous ces nouveaux droits sont transposés, en termes financiers, dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015. Elle traduit une réduction des inégalités constatées entre les hommes et les femmes à l’âge de la retraite. Elle améliore la prise en compte des carrières heurtées. Elle favorise les personnes fragilisées à leur arrivée à l’âge de la retraite. Nous attendons avec impatience, pour cette fin d’année, la publication des derniers décrets relatifs aux publics fragiles, notamment pour les handicapés mais aussi pour les jeunes apprentis. Ce budget de la Sécurité sociale pour 2015 répond aux exigences de solidarité et de justice de notre majorité. C’est un budget responsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Madame la secrétaire d’État, madame la présidente, mesdames les rapporteures, monsieur le rapporteur, nous examinons le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015. Il fait apparaître un déficit prévisionnel de 10 milliards d’euros. L’an dernier, vous aviez également prévu un déficit de 10 milliards qui aura in fine dérapé pour atteindre 15 milliards d’euros. La dette sociale française s’élève à près de 200 milliards et représente 10 % de la dette publique, laquelle atteint désormais 100 % du PIB. En somme, la France continue de vivre au-dessus de ses moyens et chaque Français qui naît reçoit, en guise de prime de naissance, une dette de 34 000 euros. C’est sans doute la raison pour laquelle la Cour des comptes recommande de peser sur les dépenses et donc de mettre en œuvre les réformes structurelles qui s’imposent. Le Haut conseil de financement de la protection sociale ne dit pas autre chose.

Mais, comme le Gouvernement n’en a pas le courage, il laisse filer les déficits et opère des choix d’économies qu’à l’UMP, nous condamnons. Une nouvelle fois, ce sont les classes moyennes et les familles qui sont ciblées. Elles ont pourtant eu à subir 4,5 milliards d’impôts nouveaux depuis deux ans, soit du pouvoir d’achat en moins et, partant, de la consommation en moins. Ce PLFSS aurait dû être l’occasion de tenter de répondre à deux questions. Quel est le niveau de protection sociale que nous voulons pour les Français, qui soit compatible avec la nécessaire maîtrise de la dépense publique ? Quelles prestations sociales sont dues au titre des cotisations et lesquelles sont versées au titre de la solidarité ?

Au lieu de s’interroger sur la pérennité de l’État-providence dans un contexte budgétaire contraint, nous assistons à une fuite en avant gouvernementale et à des petits arrangements entre amis. Ce n’est certainement pas le meilleur moyen de redonner du sens à l’action publique et d’expliquer aux Français les raisons des efforts qui leur sont demandés. Quant à nous, députés, nous finissons par nous poser la question de notre utilité.

De fait, le PLF et le PLFSS sont examinés dans cette maison en même temps. Les députés n’ayant pas le don d’ubiquité, ils sont obligés de faire le choix de s’investir dans le budget de l’État ou dans celui de la Sécurité sociale.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Mais cela a toujours été ainsi !

Mme Isabelle Le Callennec. Mais on peut changer, madame la présidente ! Modifier le calendrier pour permettre à tous les députés, d’ailleurs nombreux à cette heure tardive, de participer aux débats budgétaires qui impactent directement la vie des Français serait une piste à explorer pour améliorer le travail parlementaire.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Même sous Méhaignerie, cela a toujours été ainsi !

Mme Isabelle Le Callennec. Par ailleurs, le Premier ministre affirme qu’il souhaite associer les parlementaires à la prise de décision, ceux de la majorité comme de l’opposition. Aussi, quelle ne fut pas ma surprise lorsque, après avoir examiné ce PLFSS avec vous, chers collègues, en commission des affaires sociales, mardi et mercredi derniers, j’ai entendu à la radio jeudi : « Ça y est, l’Élysée a tranché, il y aura bien une modulation des allocations familiales ! » Pourtant, à aucun moment, il n’en a été question en commission, pas officiellement tout du moins.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Mais si, cela a été évoqué !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Et la taxe télécoms ? Et la suppression de la taxe professionnelle ? Comment ont-elles été présentées ?

Mme Isabelle Le Callennec. Je repose la question : le Président de la République et son gouvernement comptent-ils s’affranchir définitivement du Parlement ?

Sur le fond, compte tenu du temps court qui m’est imparti et en complément de mes collègues du groupe UMP, je pointerai seulement, dans des registres très divers, quatre dispositions de ce PLFSS qui ne manquent pas de faire réagir.

La première, assurément, c’est la ponction de 700 millions d’euros sur la branche famille et l’annonce de la modulation des allocations familiales en fonction des revenus. En remettant en cause l’universalité des allocations familiales, vous ouvrez clairement la boîte de Pandore. Demain, mettrez-vous à mal l’égalité d’accès aux soins, principe fondateur de la Sécurité sociale, et après-demain, vous étonnerez-vous de la remise en cause par les Français eux-mêmes du principe de retraite par répartition ? C’est probable !

La deuxième disposition concerne l’article 53 et le fonds de modernisation des établissements de santé. A priori vous dotez ce fonds de 280 millions d’euros pour 2015. C’était 263 millions en 2014, ramenés à 103 millions à la faveur du dernier PLFSS rectificatif. Ce sont donc 160 millions d’euros qui se sont évaporés au prétexte d’une sous-consommation qu’il est difficile de comprendre, tant nous savons, les uns et les autres, combien un très grand nombre d’hôpitaux intermédiaires ont besoin d’être modernisés dans notre pays. Le même sort sera-t-il réservé à ce fonds en 2015 ? Nous aimerions le savoir.

La troisième disposition qui fait réagir est contenue dans l’article 14. Il modifie les modalités de versement des cotisations mutualisées aux caisses de congés de certains secteurs d’activité. Le bâtiment est particulièrement concerné ; or, il n’avait vraiment pas besoin de cela. Si cet article devait être adopté, il remettrait mécaniquement en cause le versement de primes aux salariés. Est-ce cela que vous appelez une mesure de justice ? Le secrétaire d’État chargé du budget ne nous a pas rassurés à ce sujet.

Enfin, j’en viens à l’article 29. Il instaure le tiers payant pour les bénéficiaires de l’ACS, ce qui ne pose pas de problème, mais cela avant la généralisation annoncée, et contestée, du tiers payant à tous les assurés sociaux, voire, à écouter la ministre, la suppression de la franchise pour les bénéficiaires de l’ACS.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Mais ces personnes cotisent elles aussi !

Mme Isabelle Le Callennec. À l’heure où chacun doit prendre conscience du coût de l’accès aux soins supporté par l’assurance maladie et donc par les cotisants, cette généralisation ne risque-t-elle pas, madame la secrétaire d’État, de se traduire par une déresponsabilisation totale ? Nous le craignons.

Vous l’aurez compris par ces quelques exemples : vos choix ne sont pas les nôtres et nos amendements sont la traduction de nos désaccords. Gageons que c’est bien l’intérêt général qui guidera nos débats cette semaine et non pas la somme des intérêts particuliers d’une majorité qui a manifestement bien du mal à se retrouver autour d’une ligne claire susceptible de concilier redressement des comptes publics et protection sociale équitable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Xavier Breton. Tout à fait !

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Bulteau.

Mme Sylviane Bulteau. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mesdames les rapporteures, monsieur le rapporteur, chers collègues, l’un de nos illustres prédécesseurs sur ces bancs, Léon Bourgeois, affirmait déjà avec force, en 1904, que « l’organisation de l’assurance solidaire de tous les citoyens contre l’ensemble des risques de la vie commune – maladies, accidents, chômage et vieillesse – apparaît comme la condition nécessaire du développement pacifique de toute société, comme l’objet nécessaire du devoir social ». De l’élaboration progressive, jusqu’au début du siècle dernier, d’un système d’assistance publique et de libre prévoyance à la mise en place, à partir de 1946, d’une Sécurité sociale unifiant et généralisant un régime d’assurances sociales complet mais fragile, c’est l’histoire d’une longue conquête dont nous sommes tous ici les héritiers. Soyons toutefois conscients, à plus d’un siècle de distance, que rien n’est jamais acquis, que rien n’est jamais définitif.

Il est toujours fondamental – et je dirais même que cela est aujourd’hui encore plus impératif qu’hier – de rappeler la nécessité de conserver un modèle social puissant, ciment de l’identité de la France. La sévère crise économique que nous connaissons l’impose, et cela d’autant plus énergiquement que, de façon d’ailleurs tout à fait paradoxale, elle suscite, chez ceux-là mêmes qui devraient, pour cette raison, être profondément attachés à notre système de protection sociale, une hostilité croissante.

Mes chers collègues, une enquête publiée au mois de septembre par le CREDOC le démontre : les Français portent un regard de plus en plus dur sur la pauvreté. De fait, 37 % de nos concitoyens pensent que les personnes en situation de pauvreté n’ont pas fait d’effort pour en sortir, quand ils n’étaient que 29 % en 2009. L’idée que la société, notamment ceux qui disposent de davantage de moyens, doivent être solidaires des plus modestes perd du terrain. C’est donc le cœur de notre modèle, le principe de fraternité inscrit aux frontons de nos mairies, qui semble être aujourd’hui contesté.

Contre cette tendance lourde qui voit nos concitoyens indéniablement se replier sur eux-mêmes, il faut se battre sur des principes, défendre les valeurs qui fondent notre pays et qui irriguent la République. La Sécurité sociale, au même titre que notre drapeau, notre devise ou notre hymne national, est un beau symbole, un symbole vivant de la France et de ce qu’elle incarne. Sans une juste redistribution, il n’y a pas de solidarité ; sans solidarité, il n’y a pas de lien d’engagement ; sans lien d’engagement, il n’y a plus de communauté nationale : il n’y a tout simplement plus de nation. Une société doit faire sens. C’est pourquoi, au-delà de la nécessité d’assurer à chacun selon ses besoins, c’est aussi cela qui guide notre ambition commune. La société du chacun pour soi – tout du moins sur les bancs sur lesquels je siège –, nous n’en voulons pas, nous n’en voulons plus !

Mes chers collègues, j’ose le dire ici fortement : ce consumérisme scolaire, électoral et social que nous rencontrons quotidiennement dans nos permanences parlementaires est le fruit de principes, la conséquence d’une politique et enfin le résultat d’un bilan, celui de dix années de droite.

Ce procès en légitimité et en efficacité des aides sociales a été et demeure celui qu’intentent les forces conservatrices à l’œuvre dans notre pays. Ces forces avaient certes pu, dans la vigueur de la VRépublique, faire leur pour un temps la fameuse maxime de William Beveridge selon laquelle il faut libérer l’homme du besoin et du risque. Mais ce masque est tombé en même temps que ces forces, alors en charge des affaires de l’État, abaissaient la fonction présidentielle. Il est tombé lorsque ces mêmes forces ont sciemment travaillé à éloigner les Français d’un système de protection sociale auxquels ils étaient jusqu’ici particulièrement attachés. Pour combler le déficit de la Sécurité sociale, l’ancienne majorité a ainsi rogné sur certaines dispositions : instauration d’une franchise sur les actes médicaux, déremboursement de médicaments, dérégulation du système hospitalier public.

C’est donc en somme une offensive idéologique à laquelle la droite s’est livrée depuis dix années. Cette offensive visait à instiller dans les esprits l’idée selon laquelle – pour reprendre les termes du sociologue Robert Castel – le pauvre doit manifester beaucoup d’humilité et exhiber des preuves convaincantes de sa condition malheureuse pour ne pas être soupçonné d’être un mauvais pauvre.

Ce faisant, elle a oublié la belle leçon que nous enseigne ce même sociologue selon laquelle la protection sociale n’est pas seulement l’octroi de secours en faveur des plus démunis, mais qu’elle est la condition de base pour continuer à appartenir à une société de semblables.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Bravo !

Mme Sylviane Bulteau. Depuis deux années, le Gouvernement et sa majorité parlementaire cherchent à remettre de la justice et de l’équité dans un système que nous avons trouvé déséquilibré et presque ruiné. Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale est révélateur d’une méthode, celle du dialogue permanent voulu par le Président de la République et mis en œuvre par le Gouvernement avec tous les acteurs de la santé. Il est aussi révélateur d’une volonté, celle d’assurer l’avenir en garantissant le présent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Orphé.

Mme Monique Orphé. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la France a probablement été l’un des premiers pays à instaurer une politique familiale. En effet, les premières initiatives d’aides aux familles de la fonction publique sont apparues dès la fin du XIXsiècle. Cependant il faut attendre le début du XXsiècle, à partir de 1930, pour que la politique familiale commence à s’amplifier et à s’étendre à la quasi-totalité de la population française. Le principe d’universalité des allocations familiales ne date ni de la loi de 1936, ni du préambule de la Constitution de 1946. Car les allocations familiales étaient versées sous conditions de ressources, les chômeurs étant exclus. Il faut donc attendre bien plus tard, à la fin des années 1970, pour voir ce principe d’universalité s’appliquer.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Eh oui !

Mme Monique Orphé. Dans les DOM, il a fallu attendre 1994 pour que soit établie l’égalité sociale avec l’Hexagone, alors que nous étions départements français depuis 1946.

Les objectifs de la politique familiale ont évolué. Si au début elle avait pour objectif le soutien de la natalité et du niveau de vie des familles, depuis quelques années, deux autres objectifs sont venus conforter, voire supplanter ces derniers : l’aide à l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle et l’accompagnement à la parentalité.

La France figure parmi les nations de l’OCDE qui investissent le plus dans la politique familiale. Suivant les estimations, elle y consacre 4 à 6 % de son PIB. C’est un choix politique que nous assumons mais source cependant d’un coût non négligeable : 92 milliards d’euros, dont 42 milliards pour les seules prestations familiales. Ce rappel souligne que les socialistes ont aussi contribué à cette politique ambitieuse en faveur des familles françaises.

Mais nous le savons tous : si pendant longtemps la branche famille était excédentaire, depuis 2010, elle connaît un déficit proche de 3 milliards d’euros par an, plusieurs intervenants l’ont rappelé. Environ 8 % de ses dépenses ne sont pas couvertes par des recettes. C’est pourquoi 600 millions d’euros d’économies et 200 millions au titre du Fonds national d’action sociale sont nécessaires pour réduire ce déficit.

Car il n’est ni souhaitable, ni envisageable, que ce déficit perdure car cela fragiliserait le maintien de cette politique familiale. Notre responsabilité est de la préserver en la réformant de façon juste et non pénalisante pour les familles les plus fragiles et les plus modestes.

Le plan initialement annoncé par le Gouvernement prévoyait des mesures qui, à mon sens, risquaient de pénaliser ces familles si elles avaient été maintenues : la réduction de la prime de naissance à partir du deuxième enfant et le report de la majoration des allocations familiales de 14 à 16 ans, ainsi que l’alignement trop rapide du partage du congé parental.

Dans un contexte économique difficile, la contribution de tous est nécessaire, mais il nous faut moduler l’effort selon les capacités financières des familles. C’est la raison pour laquelle je salue l’initiative du groupe SRC, et particulièrement de notre rapporteure Marie-Françoise Clergeau, de proposer un amendement sur la modulation des allocations familiales, et je félicite les ministres de leur écoute et, bien sûr, d’avoir accepté cet amendement. Je tiens à féliciter notre rapporteure pour son formidable travail et sa détermination sur ce sujet. En proposant cet amendement, le groupe SRC a su allier redressement des comptes et justice sociale.

Cette modulation permettra le maintien à 14 ans de la majoration des allocations familiales, le versement dans son intégralité de la prime de naissance et d’adoption à partir du deuxième enfant, les aides à la garde d’enfant, et surtout l’assouplissement du partage du congé parental.

Lors des auditions menées avec quatre rapporteurs, nous avons senti et entendu les craintes relatives à la modulation des allocations. Je veux y répondre que contrairement à ce que disent un certain nombre de députés, dont ceux-là même qui étaient hier en faveur de cette modulation, le principe d’universalité des allocations familiales n’est pas remis en cause. Aucune famille ne sera privée d’allocations.

Oui, les socialistes sont soucieux de l’épanouissement des familles. Comme l’ont rappelé plusieurs d’entre nous, depuis l’élection de François Hollande, le Gouvernement a pris des mesures fortes en direction des familles.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ah bon ? Lesquelles ?

Mme Monique Orphé. Je confirme les propos de Mme Laclais. Le principe d’universalité n’a jamais été perçu comme absolu. Il affirme seulement que le montant doit être fixé conformément au principe d’égalité devant la loi et n’interdit pas de prendre en considération la situation des individus concernés.

Je conclurai en disant à l’opposition qu’il faut cesser cette polémique stérile consistant à soutenir que cette majorité va casser les familles en recherchant des économies et que cette modulation aura une incidence négative sur la natalité en France. Car soyons honnêtes, un couple fait des enfants non pas pour toucher 129 euros par mois ou une prime de naissance, mais parce qu’il a envie de fonder une famille, parce qu’il a tout simplement envie d’avoir des enfants. Et sa préoccupation majeure, dans le contexte actuel, est de concilier vie familiale et vie professionnelle. C’est la raison pour laquelle il faut effectivement se battre pour que le plan de création de 275 000 solutions d’accueil des jeunes enfants proposé par le Gouvernement se mette en place, et faciliter davantage la scolarisation des enfants de deux ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Qui va payer ?

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mercredi 22 octobre 2014 à zéro heure vingt, est reprise à zéro heure trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis maintenant près de quarante ans, le « trou de la Sécu » fait partie des grandes pathologies de la société française. Chaque année, l’automne venu, les parlementaires et le Gouvernement, quelle que soit leur orientation politique, sont appelés au chevet du malade et proposent diverses thérapeutiques colligées dans une grande ordonnance que nous appelons PLFSS. Puis tout repart comme avant, et nous nous retrouvons un an plus tard – ou six mois plus tard en cas d’aggravation majeure des symptômes, comme cette année – pour réaliser une nouvelle expertise et délivrer une nouvelle prescription. Mais, malheureusement, nous ne notons jamais d’amélioration significative de l’état du malade. Alors nous conseillons, en désespoir de cause, une purge dont le produit est stocké dans une grosse caisse appelée CADES. Depuis 1996, nous y avons déversé la modique somme de 226,7 milliards d’euros.

Mes chers collègues, rappelons-nous que la dette sociale représentait 1 % du PIB fin 1978, 3 % fin 2002, et qu’elle atteint 11 % aujourd’hui. Quelle que soit notre couleur politique, il est grand temps de réfléchir ensemble à une vraie réforme structurelle qui, fuyant les affres de l’État- providence, puisse apporter à chacun la meilleure protection sociale à un coût raisonnable et de manière pérenne. Mais cela n’est pour l’instant qu’incantation, et nous voilà réunis, cette année encore, mes chers collègues, autour de notre malade pour tenter une fois de plus de traiter ses symptômes à défaut de pouvoir le guérir définitivement.

Nous constatons en premier lieu que le traitement de choc prescrit le 30 juin dernier n’a pas apporté le soulagement escompté. En effet, le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse – le FSV – pour 2014 devrait s’établir à 15,4 milliards d’euros, soit une dégradation de 2,1 milliards d’euros par rapport à la loi de finances rectificative votée le 30 juin. En cause, un déficit de recettes du fait de la masse salariale du secteur privé et de la surévaluation initiale de la CSG sur les revenus du capital.

Hors FSV, le déficit pour 2014 s’élève à 11,7 milliards d’euros, contre 12,5 milliards en 2013 : il s’est donc réduit de 800 millions d’euros. Toutefois, on constate un déficit de recettes de 4 milliards d’euros. Pour 2015, aucune nouvelle recette n’est prévue.

L’objectif de déficit pour 2015 est de 10,5 milliards d’euros pour le régime général, soit une diminution de 1,2 milliard par rapport à 2014, et de 13,4 milliards en englobant le FSV. Il repose sur une prévision de croissance de 1 % que même le très modéré Haut conseil des finances publiques juge optimiste. En outre, selon le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie, il sera très difficile pour le Gouvernement de respecter l’ONDAM fixé à 2,1 %. En définitive, l’objectif de retour à l’équilibre, initialement fixé à 2017, est repoussé, au mieux, à 2019.

Le déficit de l’assurance maladie s’établirait à 6,9 milliards d’euros en 2015, contre 7,3 milliards cette année. Cette branche fait l’objet de mesures d’économies, à hauteur de 3,18 milliards d’euros, dont les deux tiers concernent une fois de plus le médicament et le bon usage des soins, sans qu’il soit envisagé de revaloriser les actes médicaux. La progression de 2,2 % du sous-objectif « soins de ville » de l’ONDAM reste donc un leurre pour la médecine libérale. Le prix de la consultation reste de 23 euros : ce montant, décidé en 2007, appliqué en 2011, largement obsolète aujourd’hui, constitue un marqueur de la régression sociale de la médecine libérale. Quant à la rémunération sur objectifs de santé publique, la ROSP, si utile aux jeunes médecins, elle n’a pas été généralisée comme prévu, et le Gouvernement freine son déploiement.

Il y a indéniablement une incohérence entre la volonté de réformer la médecine de proximité et la pression sans cesse accrue sur les soins de ville. N’oublions pas que les soins de ville ont permis, grâce à une très nette sous-exécution de l’ONDAM, d’économiser plus d’un milliard d’euros en 2014. N’oublions pas non plus que le rebasage de l’ONDAM 2014 effectué en juin entraîne à présent un risque de déclenchement de la procédure d’alerte.

Quant à l’hôpital, faute d’une véritable prise de conscience de l’extrême urgence d’une réforme, il devra continuer à se serrer la ceinture, alors qu’il est déjà totalement exsangue, au détriment de la qualité des soins.

Voilà, mes chers collègues, quelques réflexions que m’inspire ce PLFSS. Au fil de l’examen des articles, nous aurons bien sûr l’occasion de dénoncer trop de mesures qui, faute d’un vrai courage réformateur, se contentent de chercher çà et là des boucs émissaires – par exemple, la famille,…

M. Xavier Breton. Absolument !

M. Philippe Vitel. …l’industrie pharmaceutique, ou les salariés du BTP et de l’artisanat.

Madame la secrétaire d’État, écoutez la Cour des comptes de votre ami M. Migaud, qui vous invite à mettre en œuvre sans tarder des réformes structurelles, seules à même d’infléchir durablement les dépenses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Huillier.

Mme Joëlle Huillier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avant d’aborder le fond de ce texte, je voudrais en rappeler le contexte, dont nous ne pouvons faire abstraction. Croissance quasi-nulle, inflation très faible, chômage élevé, non seulement en France mais dans toute la zone euro : ces conditions pèsent sur l’emploi et la masse salariale, donc sur les recettes de la Sécurité sociale. Ses ressources étant plus faibles que prévu, son déficit devrait peu se réduire en 2014, mais il sera contenu au même niveau qu’en 2013. Surtout, il faut le rappeler, il s’est réduit d’un quart depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir, passant de 20,9 milliards d’euros en 2011 à 15,4 milliards aujourd’hui. Ce PLFSS pour 2015 vise à poursuivre cette politique efficace et juste.

Efficace, car ce texte permet de maîtriser les dépenses de la branche famille et de l’assurance maladie, grâce aux nouvelles baisses tarifaires sur les médicaments, à la promotion des génériques et au développement de la chirurgie ambulatoire, ainsi que de poursuivre le redressement du régime général de retraites.

Efficace, car ce texte compense intégralement les 6,3 milliards d’euros d’allégements de cotisations consentis dans le cadre du pacte de responsabilité pour favoriser l’investissement et l’emploi.

En matière de recettes, il faut cependant améliorer le recouvrement. Depuis 2012, la lutte contre le travail illégal a donné lieu à 260 millions d’euros de redressements, alors que la fraude aux cotisations représenterait plus de 20 milliards d’euros. Comme le recommande la Cour des comptes, il conviendrait, madame la secrétaire d’État, de renforcer les effectifs de contrôle et de croiser davantage les informations.

Ce PLFSS vise à l’efficacité, mais aussi à la justice, dans la mesure où il n’enlève de droits à personne et où il rétablit de l’équité entre les Français.

Il n’enlève de droits à personne car, comme en 2013 et en 2014, il ne prévoit ni déremboursement, ni franchises médicales, ni participation forfaitaire supplémentaire qui remettrait en cause l’accès aux soins des patients.

Il n’enlève de droits à personne, car la modulation des allocations familiales que nous proposons dans un amendement ne remet pas en cause leur universalité – toutes les familles avec deux enfants ou plus continueront d’en bénéficier –, mais leur uniformité – les familles les plus aisées en toucheront un peu moins que les plus modestes et les classes moyennes, ce qui semble, pour une majorité de Français, l’expression même du bon sens.

Il rétablit de l’équité en révisant le mode de calcul de la CSG sur les revenus de remplacement, en appliquant le tiers payant aux patients les plus modestes, en octroyant des indemnités journalières aux 45 000 conjoints et aides familiaux des exploitants agricoles, et en généralisant l’indemnisation du parent survivant en cas de décès de la mère lors du congé maternité.

Dans le secteur médico-social, je me félicite des 476 millions d’euros de crédits supplémentaires prévus pour améliorer l’existant, créer des places dans les établissements et services pour personnes handicapées, financer les plans « Autisme », « Alzheimer », « Solidarité grand âge », et mettre en place le plan contre les maladies neurodégénératives.

Je me réjouis aussi de l’affectation pleine et entière du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie – la CASA – à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées, ce qui permettra d’investir dans les établissements et, une fois la loi d’adaptation de la société au vieillissement définitivement adoptée, de mieux prévenir l’avancée en âge, de revaloriser l’APA à domicile et de valoriser les aidants, qu’ils soient familiaux ou professionnels.

Dans le domaine du handicap, les disparités observées d’un territoire à l’autre entre les maisons départementales des personnes handicapées – MDPH – en matière de délais de traitement, de modes de gestion et de systèmes d’information nécessiteraient un travail de mise en cohérence que pourrait assurer la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

De même, l’inscription d’un nombre croissant d’enfants et de jeunes adultes atteints de handicap rare dans des établissements étrangers, notamment en Belgique, faute de place en France, est préoccupante. Une réflexion sur des ressources nouvelles et une simplification réglementaire dans les appels à projets s’impose.

Dans le domaine du grand âge, si la revalorisation de l’APA et l’exonération de cotisations patronales sur le SMIC donneront une bouffée d’oxygène au secteur de l’aide à domicile, une réforme organisationnelle est indispensable afin de réduire les écarts tarifaires d’un département à l’autre. Enfin, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire où en sont les travaux en cours sur la réforme de la tarification des établissements ?

Voilà, mes chers collègues, les convictions et interrogations dont je voulais vous faire part sur un projet de loi qui a, dans un contexte financier particulièrement contraint, le mérite d’assurer l’essentiel : la réduction des déficits et le maintien de notre protection sociale à un niveau élevé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, cela fait maintenant sept ans que j’ai l’habitude d’intervenir sur un article particulier des PLFSS : l’article 58. Il me concerne particulièrement, en tant que président du groupe d’études sur l’amiante, mais aussi parce que je vis dans un bassin durement touché par ce problème dramatique.

Je n’ai pas rédigé mon intervention. Pour une fois, je m’en féliciterai, car j’éviterai les redondances avec ce qu’a déjà dit Denis Jacquat tout à l’heure. J’apporterai peut-être quelques précisions.

Pour ma part, je voterai le PLFSS. Je ne sais pas si ce sera le cas de Denis Jacquat…

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Ce n’est pas gagné !

M. Jean-Frédéric Poisson. Cela m’étonnerait !

Mme Isabelle Le Callennec. Il votera peut-être le budget de la branche AT-MP !

M. Christian Hutin. En effet, son intervention sur la branche AT-MP a été applaudie des deux côtés : il pourrait au moins voter cette partie !

L’article 58 évoque la surface financière dédiée à deux dispositifs essentiels dont le Parlement peut s’honorer : le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, et le fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA.

Il est indispensable de commencer par regarder si la surface financière prévue par l’article 58 est suffisante. Tel est le cas.

C’est le cas depuis longtemps et ce gouvernement peut s’honorer qu’il existe désormais une garantie financière pour l’indemnisation des victimes, laquelle est désormais assez finement étudiée.

Le FIVA est assez dynamique. Nous pouvons nous en réjouir pour plusieurs raisons. La première est que le droit d’accès des victimes à ce fonds est maintenant respecté. La deuxième est que les associations ont été particulièrement efficaces et du haut de cette tribune, nous pouvons leur rendre hommage, car elles sont un rouage essentiel dans le dispositif. Elles ont amené nombre de victimes à se faire connaître et les ont aidées à constituer leur dossier. Je me suis assez battu contre les insuffisances du FIVA à une certaine époque pour me permettre de reconnaître aujourd’hui sa réelle efficience.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai.

M. Christian Hutin. La présidence, la direction et le conseil d’administration du FIVA font preuve d’une remarquable efficacité, je tenais à le dire à l’occasion de ce PLFSS.

La décroissance du FCAATA, elle, s’explique en revanche du fait que les travailleurs vieillissent, prennent leur retraite, et que l’exposition n’existe plus – fort heureusement. Le fonds de roulement est extrêmement important. Nous pouvons espérer qu’un jour un gouvernement de gauche réagisse quant à la question de l’ouverture de nouveaux droits. Il y a deux ans, j’avais déposé un amendement, accepté par le gouvernement de l’époque, qui proposait une étude sur le sujet. Denis Jacquat et plusieurs défenseurs des droits successifs l’ont aussi évoqué. En effet, un certain nombre de victimes de l’amiante ne sont pas éligibles au dispositif actuel. Il me semble indispensable que les sommes non utilisées de ce fonds de roulement puissent servir à indemniser des victimes, qui aujourd’hui n’ont pas droit à indemnisation.

Le retour de l’État dans le financement du FIVA est un élément positif, même si ce n’est qu’à hauteur de 10 millions d’euros, soit à peine 2 % de la dotation du fonds, ce qui n’est pas énorme. Mais pendant deux ans, l’État était absent ; ce retour est donc important, au moins sur le plan symbolique. Ce gouvernement se devait d’assumer ses responsabilités – ou plus exactement celles que les gouvernements précédents n’avaient pas assumées.

Cet article 58 du PLFSS ne doit pas être chaque année une litanie, mais un leitmotiv qui nous rappelle un certain nombre d’erreurs et de responsabilités. Je rappelle que depuis plus de vingt ans, les victimes de l’amiante attendent un procès pénal alors que dans d’autres pays européens, l’Italie par exemple, ce procès a eu lieu.

Je tenais à dire à Denis Jacquat que nous approuvons l’évolution actuelle. J’espère que nos amendements, en partie identiques et répondant aux demandes d’un certain nombre d’associations, mais « décapités » au titre de l’article 40, puissent un jour aboutir dans le cadre d’une volonté d’étendre l’indemnisation à des victimes qui, pour le moment, ne peuvent y prétendre.

Les veuves de victimes de l’amiante – à la pointe du combat – ont récemment été reçues par le Président de la République, ce qui n’avait pas été le cas depuis plus de dix ans. Le Président de la République a été sensible à un certain nombre de demandes et peut-être certaines ouvertures seront-elles possibles, en faveur des fonctionnaires notamment. C’est en tout cas ce que me dit mon petit doigt.

Je ne sais pas si je dispose encore d’un peu de temps, madame la présidente…

Mme la présidente. Vous avez déjà dépassé votre temps de parole. Le chronomètre, qui se trouve devant vous, vous permet de le savoir.

M. Christian Hutin. Je vous remercie de votre sollicitude et de votre indulgence, madame la présidente.

Mme la présidente. J’avais cru comprendre que vous en étiez arrivé à votre conclusion.

M. Christian Hutin. Je dirai simplement en conclusion que nous aurons l’occasion, avec mon collègue Francis Vercamer, de reparler des caisses d’allocations familiales puisque nous avons été chargés d’une mission d’information sur le sujet. L’article 40 a, une nouvelle fois, « décapité » un certain nombre de nos propositions, mais j’espère que durant le débat, nous pourrons en discuter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch.

Mme Sophie Rohfritsch. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mesdames les rapporteures, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 ressemble furieusement à celui de l’année dernière, cela a déjà été souligné par bon nombre de mes collègues. Alors même que la Cour des comptes dans son dernier rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale recommande « de mettre en œuvre des réformes structurelles, seules à même d’infléchir durablement les dépenses », vous entendez réduire le déficit en 2015 uniquement grâce à un plan d’économies, qui fera porter l’essentiel de ces prétendues économies sur le dos des familles et sur l’industrie du médicament.

M. Xavier Breton et M. Jean-Frédéric Poisson. En effet.

Mme Sophie Rohfritsch. Après la baisse du quotient familial, vous poursuivez cette année, sous couvert de modernisation, le matraquage de la politique familiale en modulant les allocations familiales en fonction des revenus.

M. Richard Ferrand. Enfin !

M. Xavier Breton. Quelle erreur !

Mme Sophie Rohfritsch. Pour répondre à des pressions au sein de votre famille politique, vous optez pour la fin du principe d’universalité des allocations familiales.

M. Jean-Frédéric Poisson. Hélas.

Mme Sophie Rohfritsch. Au-delà de cet aspect sur lequel bon nombre de mes collègues ont insisté, et vous aurez sans nul doute l’occasion d’entendre à nouveau cet argumentaire au cours de la discussion, je voudrais insister sur un gisement d’économies, insuffisamment pris en compte selon moi, à savoir l’innovation.

L’innovation thérapeutique ne constitue pas seulement un défi financier redoutable pour notre assurance maladie et le maintien d’une solidarité au profit de tous les malades. Il interpelle directement l’organisation même de notre système de soins.

En effet, nous ne pouvons nous limiter à juguler l’impact financier du progrès médical sans objectiver les effets positifs des innovations sur la prise en charge des pathologies, notamment les plus lourdes d’entre elles, et sur les parcours de soins qui peuvent en être bouleversés, sans oublier les améliorations de la qualité de vie des patients, qui y trouvent du soulagement, de même que leur entourage. Il a déjà été beaucoup question du coût des nouvelles molécules qui permettent de guérir 90 % des malades atteints d’hépatite C mais ont une incidence lourde pour les dépenses de santé.

Cela nous interpelle évidemment : si l’innovation a un coût, il n’en faut pas moins la garantir à tous les malades qui pourraient en bénéficier.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est ce que nous faisons.

Mme Sophie Rohfritsch. Or a-t-on bien évalué dans la durée le coût du parcours de soins d’un malade atteint d’hépatite C ? Si de nouveaux médicaments comme le Sovaldi permettent d’envisager des guérisons, cela veut aussi dire que, mathématiquement, certains coûts diminueront, de même que le nombre de séjours hospitaliers. Il faut objectiver ces économies et en tirer les conséquences sur l’organisation de notre système de soins.

De plus, l’innovation et le progrès ne concernent pas exclusivement le médicament. L’imagerie interventionnelle elle aussi a fait des progrès considérables : c’est le cas pour le traitement de certaines tumeurs cancéreuses du rein qui exigeaient autrefois des interventions et des soins lourds et peuvent aujourd’hui être prises en charge quasiment en ambulatoire.

Plus classiquement, il en va de même des poses de prothèse de la hanche, pour lesquelles les patients sont hospitalisés à présent deux à trois jours contre huit à dix jours, plus un séjour en cure de rééducation il y a quelque temps encore. Le progrès médical peut engendrer une révolution de la prise en charge avec des conséquences non négligeables sur l’organisation des soins, en particulier à l’hôpital. Avez-vous seulement évalué ces évolutions ? Comment les traduisez-vous en termes de réorganisation hospitalière par exemple ? Comment sont concrétisées les économies potentielles ?

Plus globalement, la Cour des comptes parlait l’an dernier de près de 5 milliards d’économies potentielles si l’on généralisait la chirurgie ambulatoire. Avez-vous pris en compte cet aspect ?

Ne pensez-vous pas, madame la secrétaire d’État, que le moment est venu de concrétiser ces économies et d’en anticiper les conséquences ? Nous savons bien que les établissements de santé, publics et privés, affichent des durées moyennes de séjour supérieures à la moyenne dans toutes les spécialités. Envisagez-vous d’anticiper l’évolution des prises en charge en diminuant par exemple le nombre de lits hospitaliers, en reconfigurant l’offre hospitalière, y compris en adaptant les effectifs aux nouvelles organisations ?

Quand de plus en plus de chimiothérapies sont administrées oralement et que des consultations externes remplacent bien des séjours, l’hôpital ne peut continuer de financer ses coûts de structure avec les tarifs de ces consultations ! Face au train d’innovations qui va encore révolutionner la prise en charge de nombreuses pathologies, refuser d’anticiper ces évolutions, c’est fragiliser une fois de plus la solidarité au service de la santé et préparer les déficits futurs.

À défaut d’anticiper pour tirer pleinement profit de ce progrès médical et des innovations, je crains que la situation financière de notre système de santé ne continue de se dégrader, ce qui vous contraindra tôt ou tard, hélas, à transférer ces 30 milliards d’euros et plus de déficit à la CADES, c’est-à-dire aux générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans un contexte économique difficile, le Gouvernement maintient ses efforts pour sauvegarder notre modèle social tout en poursuivant le redressement des comptes publics.

Dans le secteur médico-social, le maintien de l’ONDAM à 2,2 % préserve le principe de solidarité nationale et concrétise l’engagement du Gouvernement d’en faire l’une de ses priorités.

Dans ce contexte, je souhaite, madame la secrétaire d’État, appeler votre attention sur les attentes légitimes de ce secteur. Plusieurs rapports concordent pour indiquer qu’une nouvelle impulsion doit être donnée dans l’accompagnement des personnes, comme le soulignaient Laurent Vachey et Agnès Jeannet en octobre 2012, dans leur rapport sur les « Établissements et services pour personnes handicapées : offre et besoins, modalités de financement », ou bien encore, dernièrement, celui de Denis Piveteau, « Zéro sans solution » : le devoir collectif de permettre un parcours de vie sans rupture, pour les personnes en situation de handicap et pour leurs proches ».

Ces deux contributions font désormais référence dans le champ social et médico-social. Pour les avoir vous-même sollicités, je sais que vous êtes mobilisée sur ce sujet pour rompre avec la logique de moyens et passer à une véritable obligation de résultat, qui a pour finalité de prévenir les situations complexes, de remédier aux incidents de parcours, de permettre un accompagnement durable tout au long de la vie et d’adapter l’offre, sur chaque territoire.

Cet objectif est ambitieux, mais nous pouvons l’atteindre. Vous confirmez dans ce PLFSS pour 2015 les créations de places jusqu’en 2016, mais nous devons aussi raisonner au regard des réponses à apporter face aux besoins constatés. Les maisons départementales des personnes handicapées –MDPH – doivent y concourir en lien avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie Les outils de cette nouvelle approche existent. Je voudrais en citer trois.

Premièrement, les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les CPOM. À l’occasion de leur renouvellement, les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens de deuxième génération doivent favoriser l’innovation et permettre le développement de conventions entre les différents acteurs qui participent à l’élaboration du parcours de la personne. Cette approche permet de transformer et d’améliorer l’offre d’accueil dans le cadre d’une programmation pluriannuelle.

J’ai déposé un amendement en ce sens pour évaluer le déploiement des CPOM. Plus de six ans après leur mise en place, ils ont permis d’établir un dialogue et une gestion rénovée. Ils pourraient être généralisés et contribuer ainsi à renforcer les associations ou organismes gestionnaires dans leurs territoires.

Deuxième outil : la fongibilité des enveloppes. Elle devrait désormais être possible entre les secteurs sanitaire et le médico-social pour le secteur psychiatrique et le handicap psychique par exemple, ou encore entre les enveloppes dédiées aux personnes âgées et celles dédiées aux personnes handicapées, ce qui permettrait de régler cas des personnes handicapées vieillissantes par exemple.

En autorisant ainsi la fongibilité, il serait possible d’accompagner la transformation de l’offre et de répondre plus rapidement à l’accompagnement des parcours.

Troisièmement, le fonds d’intervention régional, le FIR. Il doit pouvoir réserver un pourcentage préalablement déterminé et limité pour répondre à ce besoin d’adaptation et de transformation.

Le fonds d’intervention régional permettrait ainsi d’expérimenter sur les territoires les préconisations de Denis Piveteau, au plus près des personnes en lien avec les établissements. Nous n’avons donc pas besoin d’outils supplémentaires.

Les agences régionales de santé doivent pouvoir accompagner les organismes gestionnaires dans cette nouvelle approche et cette transformation indispensable des réponses pour un secteur, qui est lui-même en attente sur ces sujets.

Ce travail a d’ores et déjà été entamé avec le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement et dans le cadre de la stratégie nationale de santé. Nul doute que cette volonté trouvera de nouvelles traductions dans le cadre la future loi de santé.

Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 nous donne l’occasion de rappeler les enjeux du secteur médico-social en mettant en cohérence les outils existants pour favoriser l’accompagnement des personnes dans le respect de leurs projets personnels et de leur dignité, tout au long de la vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Dumont.

Mme Laurence Dumont. Notre politique familiale s’est construite pas à pas depuis trois quarts de siècle. L’ensemble des mesures prises depuis le décret-loi de 1938 a permis d’atteindre un même et seul objectif : celui de relancer et, surtout, de maintenir une natalité aussi haute que possible dans notre pays. Dans ce bref rappel historique, je veux bien sûr saluer le rôle éminent du Conseil national de la Résistance, qui a ensuite modifié la structure administrative et l’organisation financière des caisses d’allocations familiales grâce à la création de la Sécurité sociale.

Le texte qui, en 1945, mit fin au monopole patronal en intégrant les caisses d’allocations familiales dans la structure unifiée et centralisée de la Sécurité sociale est fondateur de notre système. Il convient de le rappeler.

Aujourd’hui, nombre de nos voisins européens voient poindre les conséquences possibles du vieillissement de leur population pour leur économie. Cette perspective est souvent la résultante d’une absence ou d’un défaut de prises de décisions et de mesures en faveur des familles pendant de longues décennies, à l’inverse de ce que nous avons fait ici en France.

L’appui financier aux familles n’est certes pas le seul élément qui fait que notre pays reste largement dans le peloton de tête pour le taux de fécondité. Les autres paramètres, nous les connaissons : développement des structures d’accueil des tout-petits, maintien d’une véritable école maternelle, avec un accueil même pour les moins de trois ans, garantie de services de qualité, adaptation des horaires de travail dans les collectivités, mais aussi dans les entreprises. Ces éléments sont reconnus comme permettant aux hommes et aux femmes – soyons honnêtes : le plus souvent aux femmes – d’avoir une activité professionnelle tout en ayant des enfants. Tout cela assure à la France un taux de fécondité bien supérieur à celui de nos proches voisins européens, qui nous l’envient.

Mes chers collègues, nous en sommes toutes et tous convaincus, la réussite de notre politique familiale s’est construite grâce aux allocations familiales et aux prestations financières versées aux familles, mais aussi à l’ensemble des dispositifs que je viens d’évoquer. Ce débat qui s’engage sur le budget de la Sécurité sociale, et plus particulièrement sur les allocations familiales, est-il de nature à remettre tout cela en question ? Ma réponse est non : dire que la modulation des seules allocations familiales en fonction des ressources des foyers viendrait mettre à mal notre politique familiale relève, pardonnez-moi de le dire ainsi, d’une certaine « hypocrisie ».

M. Jean-Frédéric Poisson. Allons donc !

Mme Laurence Dumont. J’avais mis le mot entre guillemets…

Depuis toujours, la progressivité selon la taille de la famille, quel que soit le revenu de celle-ci et avec un taux uniforme, est la règle, tout comme la prise en compte des conditions de revenus des foyers pour le versement de toutes les autres prestations familiales. Certaines de ces prestations posent d’ailleurs la question de l’égalité.

Ainsi, pour la prestation d’accueil du jeune enfant – la PAJE –, selon la Cour des comptes, les 10 % de familles les moins aisées ont touché, en 2010, 120 millions d’euros de complément de libre choix du mode de garde pour les enfants gardés à domicile ou chez une nourrice, alors que les 10 % de familles les plus aisées touchaient, pour la même allocation, plus d’un milliard d’euros, soit dix fois plus.

Dans un contexte où, pour redresser notre pays, le Gouvernement s’attache à rechercher des économies, il appartient aux parlementaires de gauche d’introduire dans le débat des propositions équilibrées sur ce dossier. Le versement de 129 euros par mois pour deux enfants a-t-il la même incidence sur le budget d’une famille gagnant le SMIC que pour un foyer de cadres supérieurs ? La réponse est évidemment non. L’écrasante majorité des Français est favorable à cette modulation des allocations familiales en fonction des revenus.

Les modifications que nous souhaitons apporter sont équilibrées et introduisent de la justice dans le dispositif, sans casser les principes sur lesquels est fondée la politique familiale. L’universalité du versement n’est pas remise en cause.

M. Xavier Breton. Eh si !

Mme Laurence Dumont. Concrètement, les familles avec deux enfants gagnant plus de 6 000 euros par mois verront leurs allocations divisées par deux. Celles, qui gagnent plus de 8 000 euros – ce qui n’existe pas dans ma circonscription – verront les leurs divisées par quatre.

M. Xavier Bertrand. Pour l’instant, mais ce plafond diminuera.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Ça dépend si vous revenez au pouvoir !

Mme Laurence Dumont. Treize pour cent des foyers seront ainsi concernés. Ces mesures sont justes et équilibrées. Elles ne représentent cependant pas l’alpha et l’oméga de notre politique familiale, mais elles sont autrement plus responsables et fidèles à notre tradition républicaine que le torrent de propositions xénophobes, une fois de plus, déversé ici ce soir par des élus du Front national.

On peut ne pas partager notre proposition de maintenir l’universalité sans maintenir l’uniformité – le débat existe –, mais dire ici que ces allocations familiales doivent être réservées aux seuls couples de parents français est inqualifiable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, je n’ai pas l’habitude de dire du mal de mes collègues, mais j’ai beaucoup apprécié l’exposé de Mme Dumont, dont je ne tire pas tout à fait les mêmes conclusions qu’elle, comme je vais m’efforcer de le démontrer.

Madame la secrétaire d’État, chers collègues de la majorité, je suis prêt à accréditer la thèse selon laquelle les élus socialistes aiment la famille, même si cela relève de l’amour vache.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Non !

M. Jean-Frédéric Poisson. Pour faire écho aux propos tenus tout à l’heure par l’un de mes collègues, qui déclarait que le Gouvernement avait pris des mesures fortes, j’ajouterai que ce sont même des mesures violentes à l’égard des familles depuis quelques semaines – il suffit d’énumérer ce qu’il est advenu du quotient familial, de la prime à la naissance, du congé parental et, maintenant, des allocations familiales. Nous observons une sorte d’obsession à faire supporter aux familles une sorte d’incapacité à réformer, sur laquelle je reviendrai dans quelques instants.

Car, au fond, madame la secrétaire d’État, à part le Parti socialiste, qui est d’accord avec cette proposition ?

Mme Martine Pinville, rapporteure. Les citoyens !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Huit Français sur dix !

M. Jean-Frédéric Poisson. Huit Français sur dix ? Lorsque vous leur expliquerez exactement ce dont il s’agit, ils seront sans doute moins nombreux !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Ils l’ont compris.

M. Jean-Frédéric Poisson. À part le Parti socialiste, personne n’est d’accord. Les organismes publics qui se sont prononcés sur ce budget ont tous émis un avis défavorable. L’Union nationale des associations familiales parle de « scénario inacceptable ». L’Union des familles laïques, qui n’est pas un ennemi pour la majorité actuelle, parle de « trahison du Gouvernement et de la Sécurité sociale » – je cite le communiqué de presse qu’elle a publié. Peut-être les partenaires sociaux, qui sont à la tête des organismes de gestion, sont-ils au moins d’accord ? Même pas.

On finit donc par se dire que, si les citoyens sont d’accord, c’est peut-être parce qu’on ne leur a pas exactement expliqué ce dont il s’agissait. Or, de quoi s’agit-il donc ? Pas d’une modulation – ça, c’est de la rhétorique, c’est jouer sur les mots. L’irruption de cette distinction dans le débat sous forme d’amendement en commission, ce qui est certes légitime, les institutions le permettant, est toutefois est quelque peu subreptice. On assiste à des changements de pied incessants, avec des engagements du Président de la République et de Mme la ministre de la famille et des affaires sociales, suivis à tous moments de changements d’avis. Ce n’est pas sérieux.

En réalité, on introduit une rupture et un changement profonds dans la manière dont les prestations familiales et sociales sont versées dans notre pays. Il s’agit en effet d’une rupture d’équilibre entre les trois quarts des prestations familiales, qui sont versées sous condition de ressources et en prenant très légitimement en compte des plafonds de ressources ou des montants, et le quart restant, soit un peu plus de 12,3 milliards d’euros d’allocations familiales, qui n’a jusqu’à présent jamais fait l’objet de mesures d’exception. Il s’agit d’une rupture avec le principe selon lequel la protection sociale en France comporte des mesures qui concernent certaines personnes parce qu’elles n’ont pas assez de moyens et des droits consentis sans exception, sans restrictions et sans conditions.

Nous avons entendu exprimer à cette tribune cet après-midi, et même les jours précédents, la crainte qu’en rompant avec ce principe, vous ouvriez une brèche dans les conditions générales d’attribution des prestations dans notre pays et qu’il soit un jour considéré comme légitime que vous remettiez en cause l’équilibre de l’assurance maladie et le versement de ses prestations. Le fait qu’il s’agisse d’un système assurantiel ne change rien : vous êtes en train de casser un principe sur lequel notre société est organisée depuis très longtemps.

Enfin, et il s’agit là d’un problème plutôt philosophique, alors que les allocations familiales sont la reconnaissance de l’existence de l’enfant, quel qu’il soit et où qu’il naisse, vous instaurez l’intégration des allocations familiales dans le régime de la redistribution financière, ce qui n’est ni l’esprit de la protection sociale en France, ni l’intérêt des familles. Votre modulation est donc un pur effet de rhétorique et il s’agit bien d’une rupture du principe d’universalité – toutes les gesticulations que vous pourrez faire avec des mots n’y changeront rien.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Nous ne gesticulons pas !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous nous dites qu’il s’agit de faire des économies. Est-ce sérieux ? L’idée de trouver de toute urgence 700 millions d’euros d’économies sur 55 milliards d’euros de prestations versées vous est-elle venue subitement voilà trois jours, en allumant la lumière ? S’il y avait une telle nécessité, pourquoi n’avez-vous pas trouvé cette somme ailleurs ? Tout simplement parce que vous avez renoncé, comme l’a excellemment exprimé tout à l’heure le président Accoyer, …

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. M. Accoyer n’est pas une référence. Il ne restera pas dans l’histoire.

M. Jean-Frédéric Poisson. …à réformer les structures et l’ensemble des prestations versées sous condition de ressources, car il est plus facile de ponctionner dans les poches des familles. C’est le choix que vous avez fait et c’est ce qui vous est reproché.

À la fin du compte, on nous dit que, finalement, tout cela sera largement compensé et que de reversements seront opérés. Ainsi, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, vus évoquiez tout à l’heure à la tribune l’augmentation des moyens consacrés aux modes de garde, avec 275 000 places supplémentaires sous toutes leurs formes. Mais, madame la secrétaire d’État, qui va payer ça ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Les budgets sont là !

M. Jean-Frédéric Poisson. Allez-vous une fois encore faire peser sur les collectivités locales le prix de cette politique que l’État n’a absolument pas les moyens de financer, et les caisses d’allocations familiales pas davantage ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Si !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous nous annoncez donc, au détour de ces amendements de cette discussion, des mesures qui pèseront sur les communes.

Je ne veux faire de procès d’intention à personne, car chacun est attaché à sa famille, sans doute à celle de ses amis, et peut-être même à la famille en général, mais, très franchement, l’attention que vous témoignez à l’égard des familles de ce pays est bien particulière. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Dumas.

Mme Françoise Dumas. Avec ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015, la France continue d’avancer sur le chemin du redressement de ses comptes publics, et plus particulièrement de ses comptes sociaux. Dans le contexte actuel, c’est une équation particulièrement difficile, avec une diminution importante des recettes fiscales et sociales.

C’est le sens même de l’action du Président de la République et du Gouvernement : la responsabilité, autant financière que sociale, doit nous guider pour mettre fin, mois après mois, aux dérives financières d’hier. En effet, de notre volonté politique dépendent la pérennité et la vitalité de notre système de solidarité nationale.

Nous avons déjà réduit de 5 milliards d’euros le déficit de la Sécurité sociale, malgré le contexte économique. Nous pouvons nous féliciter de ces résultats, mais la tâche reste immense, car c’est par le redressement de nos finances publiques que nous pourrons maintenir notre modèle social, hérité du Conseil national de la Résistance.

Nous parviendrons à concilier objectifs budgétaires et justice sociale en concentrant chaque euro là où il est le plus utile et en plaçant chacun d’entre nous devant ses responsabilités.

Chaque euro dépensé dans une hospitalisation non nécessaire est un euro perdu pour ceux qui ne parviennent pas à se soigner. Chaque euro dépensé dans un médicament qui n’est plus efficace est un euro perdu pour l’innovation sanitaire, pour la mise en place de diagnostics pertinents et, surtout, pour le renforcement indispensable des dispositifs de prévention. De ces choix stratégiques dépend la pérennité de notre système, mais aussi notre capacité à innover, à moderniser notre politique sociale et à l’adapter aux nouveaux défis sociétaux et économiques.

Dans ce contexte, il faut signaler l’ouverture de droits nouveaux : ils sont le sens même de notre action en faveur de nos concitoyens, toujours plus nombreux, qui souffrent et qui affrontent durement les effets de la crise économique.

Il s’agira par exemple de la mise en place du tiers payant intégral pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé dès juillet de l’année prochaine : dans neuf mois, les plus fragiles d’entre nous n’auront plus à avancer leurs frais de santé.

De même, le renforcement de la prévention et de la pertinence des soins, ainsi que la réflexion plus générale sur une amélioration des protocoles de traitement, sont des mesures qui non seulement augmentent l’efficacité de notre système de santé, mais améliorent aussi la qualité des soins des patients.

Le virage de l’ambulatoire doit lui aussi être poursuivi, en associant proximité et qualité, flexibilité et renforcement de l’offre de soins.

Ce sont ces outils que nous mettons en place pour réussir un triple objectif : améliorer la qualité du service public de la santé, renforcer les droits de tous les Français et garantir la pérennité financière de notre modèle social et républicain.

C’est aussi pour répondre à ces objectifs que le choix de la modulation des allocations familiales en fonction des revenus a été proposé. Cette réforme équitable vient corriger une situation d’injustice créée par divers abattements fiscaux et par le quotient familial, qui avantageaient principalement les familles les plus aisées, rompant ainsi avec le principe d’égalité de nos politiques familiales. En rendant dégressives les allocations pour les familles aux revenus supérieurs à 6 000 euros, nous corrigeons la source d’une iniquité sociale supplémentaire. Cela nous permet, et c’est le plus important, de maintenir l’âge de revalorisation des allocations à 14 ans et la prime à la naissance à son niveau actuel pour toutes les familles concernées. Comment aurions-nous pu privilégier l’uniformité des allocations parentales au détriment du maintien des aides aux plus précaires de nos familles ? L’universalité ne peut pas primer sur la justice sociale et c’est pour cela que cette modulation était indispensable, en responsabilité et en solidarité.

M. Jean-Frédéric Poisson. Voilà qui est intéressant !

Mme Françoise Dumas. Je voudrais rassurer sur ce point ceux qui craignent pour l’avenir des familles concernées. Demain, 11 % des familles les plus aisées verront 1 % à 1,5 % de leurs revenus redistribués aux familles les plus en difficulté.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est faux : ils ne seront pas redistribués !

Mme Françoise Dumas. Comment peut-on imaginer que le taux de natalité français en serait pour autant menacé ? C’est pour cela, mes chers collègues, que j’assumerai ces choix courageux, permettant de conserver une politique familiale équilibrée et juste.

En conclusion, je tiens à citer le père fondateur de notre système de Sécurité sociale, Pierre Laroque : « Le récit de ma vie n’est pas très intéressant, mais je pensais qu’il pouvait servir à l’éducation des gens, pour qu’ils se sentent vraiment responsables de ce que nous avons créé. ». C’est cette responsabilité que je vous invite à partager en protégeant notre Sécurité sociale et en votant ce texte pour les générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Ferrand.

M. Richard Ferrand. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à certains égards, nos débats sur le PLFSS se ressemblent. En effet, évoquer les enjeux liés à l’accès aux soins et à la présence médicale sur l’ensemble du territoire national est chaque année nécessaire. Ainsi, au fil des ans, j’ai eu l’occasion d’évoquer les pompiers, devenus les dromadaires des déserts médicaux ; j’ai eu l’occasion de dire mes doutes sur la pure liberté d’installation des médecins qui produit, ici ou là, l’isolement de malades en quête de soins. J’ai aussi rappelé que notre ennemi n’était évidemment pas le médecin, ni sa liberté ; notre ennemi, c’est le désert médical, que négligent dans leur choix d’installation les médecins dont l’activité est pourtant solvabilisée par la solidarité nationale.

Grâce à vous, madame la secrétaire d’État, je peux renouveler mon propos, non pas dans le sens où je le répéterais, mais dans le sens où les efforts que vous avez entrepris permettent de le modérer. En effet, il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas reconnaître le cœur et l’énergie que met le Gouvernement à fertiliser ces déserts médicaux, après des années d’abandon.

Vous avez choisi le pacte – le pacte Territoire-santé – là où nous aurions préféré orienter l’installation, en réservant par exemple le conventionnement à la Sécurité sociale à celles et à ceux qui s’installent désormais en zones sous-denses. Naguère, ce propos était jugé trop dirigiste, presque frondeur ; mais voilà que la Cour des comptes, qui n’est pas précisément réputée frondeuse,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Oh non !

M. Richard Ferrand. …s’empare du sujet et suggère cette mesure dans son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale. Pour tout dire, il m’est toujours difficile de comprendre pourquoi ce qui fut convenu avec les infirmiers libéraux et qui donne satisfaction ne pourrait voir le jour pour les médecins. J’ajoute que même l’Ordre national des médecins comprend les besoins de régulation. Mais enfin, madame la secrétaire d’État, vous avez choisi le pacte, c’est-à-dire convaincre plutôt que contraindre, inciter plutôt qu’obliger, selon la terminologie en vogue. Je note d’ailleurs, au moment où s’anime le débat sur les professions réglementées, que l’épouvantail pour les pharmaciens serait la liberté d’installation, qui affaiblirait leur économie. Eux réclament de pouvoir être plus mobiles pour s’adapter à l’évolution des besoins, mais sans toucher aux règles fondamentales d’installation. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il faudra bien un jour trouver un peu de cohérence, entre ceux qui ont la liberté d’installation pour religion et ceux qui la redoutent. Le seul enjeu est la réponse aux besoins de tous les citoyens et de tous les cotisants !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

M. Richard Ferrand. Quoi qu’on en dise, c’est la clarté qui crédibilise l’action publique et pas seulement la prise en compte infinie de spécificités qui justifient surtout le maintien de statuts toujours plus particuliers, ce qui nous interdirait de les revisiter à l’aune de l’intérêt général.

Cela étant, vous avez choisi le pacte, la confiance en réponse à l’impatience, et vous entendez, en cohérence, le renforcer par le présent projet de loi. Ainsi, par l’article 38, vous choisissez, au-delà des jeunes médecins, d’étendre l’avantage maternité-paternité des praticiens territoriaux de médecine générale à l’ensemble des médecins, s’ils s’engagent par contrat. Afin de ne brusquer personne, il est précisé dans l’exposé des motifs que les médecins en secteur 1 bénéficieront de la mesure, mais également ceux qui sont en secteur 2, pourvu qu’ils nous fassent la grâce de modérer leurs dépassements d’honoraires et qu’ils consentent à exercer en zones sous-denses. Bref, vous embellissez la mariée pour qu’elle épouse les territoires nécessiteux !

Votre foi dans votre politique incitative m’amène à vous demander combien la collectivité nationale a investi dans la foultitude de dispositifs incitatifs depuis de nombreuses années, et pour quels résultats, si possible probants, en termes de réduction des inégalités territoriales de santé, alors même que les signaux d’alerte sur la fracture sanitaire ne cessent de s’intensifier. Je ne voudrais pas que nous soyons condamnés à remplir le tonneau des Danaïdes. Vous le savez, dans la mythologie grecque, les Danaïdes sont condamnées aux Enfers à remplir sans fin un tonneau sans fond. Je préférerais comme horizon, dans la réalité française, qui n’est pas mythologique, l’égalité républicaine dans l’accès aux soins pour tous et partout, fût-ce par une régulation assumée, si le seul pacte ne suffisait pas à convaincre. Donnons-nous donc un calendrier précis d’évaluation de nos choix, pour changer de braquet quand la nécessité devra faire loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Bravo ! C’est courageux !

Mme la présidente. La parole est à M. Philip Cordery.

M. Philip Cordery. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015, proposé par le Gouvernement et enrichi par la discussion en commission, est un bon projet qui répond à la triple nécessité de maîtrise des budgets, d’efficacité et de justice sociale.

Tout d’abord, ce PLFSS dispose d’un budget ambitieux, en augmentation par rapport à l’année dernière car la majorité a fait le choix de préserver notre modèle social. Mais conformément aux engagements du Gouvernement, cette augmentation est contrôlée et les économies que nous réaliserons permettront de réduire le déficit de la Sécurité sociale. Ces économies ne sont pas des coupes à l’aveugle dans le budget : ce sont des mesures qui portent sur l’efficacité de nos politiques.

Contrairement à ce qu’on entend ici ou là – surtout là, d’ailleurs –, nous ne renonçons pas à offrir les meilleurs soins pour tous et nous ne cherchons pas à remettre en cause la politique familiale. Selon une bonne logique d’efficacité, nous faisons mieux avec moins : les différentes mesures de ce PLFSS témoignent de cette ambition. En encourageant le virage ambulatoire, comme l’a défini la stratégie nationale de santé, en menant une action renforcée sur la politique des médicaments, en poursuivant la réforme du financement des établissements de santé, en recherchant toujours la pertinence des soins dans les établissements de santé, en modulant les allocations familiales en fonction des revenus, nous améliorons l’efficacité et la justice de nos dépenses dans l’intérêt des citoyens.

Je voudrais m’attarder sur la question des allocations familiales. Je suis un fervent défenseur de la modulation de ces allocations en fonction des revenus et je me réjouis des propositions qui sont faites aujourd’hui. Permettre aux familles qui en ont le plus besoin de toucher plus que les familles les plus aisées, ce n’est pas remettre en cause la politique familiale, c’est la rendre plus juste. J’entends l’UMP parler « des » familles : mais de quelles familles ? Vous parlez de « familles ceci », de « familles cela » ; mais de quelles familles parlez-vous ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Des familles !

M. Philip Cordery. Toutes les familles ne sont pas égales, toutes les familles n’ont pas les mêmes besoins, toutes n’attendent pas les allocations familiales chaque mois avec la même impatience !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est certain !

M. Philip Cordery. Introduire de la modulation, c’est tout simplement une question de solidarité nationale entre les familles. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas une question d’économie mais d’équité.

Le PLFSS contient par ailleurs de nombreuses autres mesures de justice sociale et d’accès à tous à notre système de soins.

M. Xavier Breton. Cela crée de l’inégalité !

M. Philip Cordery. Nous proposons la généralisation du tiers payant intégral pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé, l’ACS, car c’est ce public qui est le plus susceptible de renoncer aux soins pour des raisons financières. Nous travaillons pour que les soins de proximité soient accessibles sur tout le territoire grâce au pacte   Territoire-santé. Nous œuvrons à une meilleure démocratie sanitaire, en garantissant un financement pérenne et indépendant des associations d’usagers du système de santé – autant de mesures de justice que la droite refuse aujourd’hui.

Mes chers collègues, depuis deux ans, l’État prend mieux en charge les dépenses de soins de nos citoyens tout en diminuant de manière inédite les déficits. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la part des dépenses de soins à la charge des ménages a reculé, passant de 9,2 % en 2011 à 8,8 % en 2013. De façon symétrique, la part prise en charge par la solidarité nationale a progressé.

Enfin, je tiens à souligner l’importance constante accordée par le Gouvernement à l’accompagnement du handicap. Je vois, dans ma circonscription, en Belgique, des milliers de familles françaises venir s’installer pour scolariser leur enfant autiste ou trouver un établissement pour leur enfant en situation de handicap. Cela dure depuis trop longtemps ! C’est pourquoi je suis fier de voir qu’en 2015, plus de 19,2 milliards d’euros seront consacrés à la prise en charge des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes. C’est une progression de 2,5 %, soit 476 millions d’euros. Parmi ces dépenses, 145 millions d’euros seront fléchés pour soutenir les plans de création de places pour les établissements et services pour personnes handicapées.

Le plan Autisme se déploiera à hauteur de 21,4 millions d’euros. Le troisième plan Autisme permettra, entre autres, la création de 3 400 places d’accueil supplémentaires d’ici à 2017 pour des enfants et des adultes autistes et de 100 nouvelles unités d’enseignement en maternelle destinées à des enfants autistes.

Mme Martine Pinville, rapporteure. C’est vrai !

M. Philip Cordery. Comme l’a affirmé le Président de la République lors de son récent déplacement à Angoulême : « La République, ce n’est pas simplement des institutions, c’est une promesse qui est celle de faire réussir tous les enfants, quelles que soient leurs conditions, quelles que soient leurs situations, quels que soient éventuellement leurs handicaps ». Ce PLFSS permettra de tenir cette promesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Liebgott, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.

M. Michel Liebgott. Madame la présidente, je remercie tous mes collègues sur tous les bancs, y compris à droite,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Merci !

M. Michel Liebgott. …même si, monsieur Poisson, je vais malheureusement commencer par vous critiquer ! En effet, nous devons aujourd’hui redresser les comptes, parce que le déficit a été le premier prétexte de la droite pour porter des coups de canif à notre système social, souvent après l’avoir alimenté goulûment à coups de cadeaux fiscaux pour les plus aisés : plus de 500 millions d’euros distribués à 40 907 personnes en 2009 au nom du sacro-saint bouclier fiscal, financé par la non moins sacrée TVA sociale, que la droite se proposait encore d’augmenter, lors des dernières élections municipales, de 4 % pour tous les ménages !

M. Richard Ferrand. Très bien !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ça, c’est envoyé !

M. Michel Liebgott. Nous devons également remettre d’aplomb notre système de soins car les inégalités sociales et géographiques, du fait de l’instauration des franchises en 2008, de la tarification à l’activité et des dépassements d’honoraires, le gangrènent peu à peu, au risque de le vider de sa finalité et de le disqualifier.

Vaste programme car, en matière de protection sociale, nous revenons de loin : qu’on se souvienne de la pénibilité, que la droite n’a jamais voulu reconnaître ! Qu’on se rappelle la suppression de l’AER, l’allocation équivalent retraite, qui permettait à des salariés au chômage en fin de carrière de faire la soudure avec leur retraite avant 60 ans, et qu’il nous a fallu compenser ! Qu’on se remémore le gel des prestations sociales en pleine crise, sans oublier les augmentations des taxes sur la santé, sur les mutuelles en 2011 – de 3,5 % à 7 % de 2008 à 2012 –, la hausse du forfait hospitalier de 6 % en 2010 ! Qu’on évoque à nouveau le dogme de la tarification à l’activité, de l’investissement massif et débridé des hôpitaux fondé sur l’emprunt et l’absence de contrôle de la tutelle !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Vous avez de la mémoire !

M. Michel Liebgott. Notre ouvrage est immense car il nous faut tenir compte de ce bilan-là, à la fois notre croix et notre point de départ.

Ainsi la dette du secteur hospitalier a triplé en dix ans, pour atteindre 29,3 milliards d’euros en 2012, soit 1,4 % du PIB, et dont le poids alourdit encore notre dette publique.

Les inégalités d’accès aux soins ne font que croître, et certains chiffres font frémir dans ce pays : 15 % de la population renoncent à se soigner pour des raisons financières ; près d’un de nos concitoyens sur quatre retarde des soins pour les mêmes raisons. L’espérance de vie d’un ouvrier est inférieure de 6,3 ans à celle d’un cadre.

Ce PLFSS pour 2015 contribue, dans la continuité des actions menées depuis deux ans, au relèvement de notre système de soins, et ce, de plusieurs manières.

En premier lieu, il poursuit les actions d’adaptation et de modernisation structurelles de nos dépenses de soins, conduites année après année, afin d’en permettre durablement le financement. La dépense hospitalière est mieux pilotée et plus vertueuse.

La politique du médicament est mieux régulée, plus contrôlée. Les procédures administratives, les recouvrements sont simplifiés, plus économes. Les tarifications sont rénovées, plus adaptées aux hôpitaux de proximité, publics ou privés, qui bénéficieront ainsi d’un financement mixte des activités de médecine.

En second lieu, il fixe les jalons de la loi santé en instaurant un parcours de soins plus efficace, en poursuivant le virage ambulatoire, en misant sur la prévention, en accompagnant la réforme des établissements de santé, en renforçant le maillage territorial. Cette reconquête du service public hospitalier est déjà à l’œuvre, j’ai pu le constater dans ma circonscription, où un établissement privé à but non lucratif a pu être repris par le centre hospitalier régional de Metz-Thionville et est désormais à l’équilibre. Cette même volonté a présidé au sauvetage du régime minier promis à la casse par le précédent gouvernement.

Enfin, ce PLFSS garantit de nouveaux accès aux soins pour les plus fragiles, à travers notamment l’instauration du tiers payant intégral pour les bénéficiaires de l’ACS ou l’amélioration de la couverture des 45 000 conjoints et aides familiaux des exploitants agricoles, et ouvre de nouveaux droits en faveur des petits retraités.

Nous ne réussirons pas à reconstruire en deux ans ce qui a été détruit par des années de dérive, mais les premiers effets de notre politique sont encourageants. Je pense notamment au redressement général des branches, le déficit du régime général et du FSV se stabilisant à 15,4 milliards d’euros, soit une réduction de 5,5 milliards d’euros par rapport à 2012. Nous constatons par ailleurs une baisse du reste à charge pour les ménages dans leurs dépenses de soins.

« Là où il y a une volonté, il y a un chemin », disait François Mitterrand : ce chemin est tracé depuis 2012, et je ne doute pas que nous continuerons à avancer. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement sur des sujets européens

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 22 octobre 2014, à une heure trente.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly