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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 23 octobre 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Denis Baupin

1. Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (suite)

Troisième partie (suite)

Article 13

M. Dominique Tian

Amendements nos 865 rectifié, 866, 867, 861, 862, 863

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales

Amendement no 961

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Amendements nos 875 rectifié , 864 , 868

Après l’article 13

Amendement no 823

Article 14

M. Jean-Pierre Door

M. Dominique Tian

M. Bernard Accoyer

M. Gérard Sebaoun

Mme Isabelle Le Callennec

M. Jean-Pierre Barbier

M. Patrick Hetzel

Mme Valérie Boyer

M. Francis Vercamer

Mme Véronique Louwagie

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

Amendements nos 42 , 100 , 119 , 183 , 289 , 376 , 452 , 101 , 869, 874

Article 15

M. Dominique Tian

Amendements nos 872 , 377 , 870 , 378 , 379 , 871, 881 , 883 , 882, 880 , 380 , 873 , 494 , 938, 939, 940 (sous-amendements)

Après l’article 15

Amendements nos 381 , 955 , 960 rectifié

Article 16

M. Denis Jacquat

Amendements nos 382 , 791, 790

Après l’article 16

Amendement no 491

Article 17

Après l’article 17

Amendement no 6

Article 18

Amendements nos 941 rectifié , 209

Après l’article 18

Amendements nos 899 rectifié , 383 , 453

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Amendements nos 455 , 384 , 454 , 385 , 386 , 889

Article 19

Amendements nos 388 , 387

Article 20

Article 21

Mme Isabelle Le Callennec

M. Jean-Pierre Barbier

Amendements nos 120 , 184 , 456 , 159 , 160 , 966 , 965

Après l’article 21

Amendement no 630

Article 22

Amendement no 32

Article 23

Article 24

Amendement no 457

Article 25

M. Bernard Accoyer

Article 26 et annexe C

Article 27

M. Bernard Accoyer

Article 10 (précédemment réservé)

M. Bernard Accoyer

Mme Dominique Orliac

M. Jean-Louis Roumegas

M. Denis Jacquat

M. Jean-Pierre Barbier

M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Gérard Bapt, rapporteur

M. Dominique Tian

Mme Valérie Boyer

Amendements nos 232 , 77 , 369

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Amendements nos 920 , 234 , 472 , 622 , 235 , 153 , 154 , 224 , 623 , 625 , 370 , 952 , 236, 237 , 132 , 196 , 371 , 921 , 155 , 372

Article 28 et Annexe B

M. Bernard Accoyer

M. Pierre Lellouche

M. Gilles Lurton

M. Patrick Hetzel

Mme Valérie Boyer

Mme Véronique Louwagie

M. Christian Jacob

M. Jean-Pierre Door

M. Jean-Pierre Barbier

Mme Sylviane Bulteau

M. Jean-Frédéric Poisson

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Razzy Hammadi

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Dominique Tian

Mme Claude Greff

M. Jean-Louis Roumegas

Mme Isabelle Le Callennec

M. Denis Jacquat

M. Francis Vercamer

M. Jean-Louis Touraine

M. Philippe Vitel

M. Philippe Goujon

Mme Virginie Duby-Muller

M. Marcel Rogemont

Amendement no 389

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (nos 2252, 2303, 2298).

Troisième partie (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles de la troisième partie du projet de loi, s’arrêtant à l’article 13.

Article 13

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Dans un amendement au projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, que j’avais déposé avec Élie Aboud et qui a été jugé malheureusement irrecevable, nous indiquions notre souhait que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 décembre 2014, un rapport sur l’état des lieux de l’assurance dépendance privée.

La rapporteure, Mme Pinville, jugeant que l’amendement n’était pas à sa place, avait suggéré de l’examiner au cours de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Or cette mesure n’apparaît pas ici.

La situation soulève toutefois des difficultés car certaines personnes pensent être couvertes par des clauses, mais ne le sont pas. Un tel rapport, qui ne coûte rien, permettrait de mieux défendre les personnes ayant souscrit une telle assurance.

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 865 rectifié, 866, 867, 861, 862 et 863, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les recettes et l’équilibre général, pour les soutenir.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Les amendements, nos 865 rectifié, 866, 867, 862 et 863 sont des amendements rédactionnels ; l’amendement n861 est un amendement de précision.

(Les amendements nos 865 rectifié, 866, 867, 861, 862 et 863, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour soutenir l’amendement n961.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. L’amendement n961 apporte trois compléments nécessaires à la bonne traduction de l’objectif de simplification. En effet, ces mesures ne changent ni l’assiette ni le taux des taxes, qui sont dorénavant perçues par le même organisme. Cet amendement est plus précis que celui adopté par la commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement, qui précise notamment la définition de l’indemnité journalière, n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j’y suis favorable.

(L’amendement n961 est adopté et l’amendement n156 tombe.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n875 rectifié.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Actuellement, la déclaration de la taxe de solidarité additionnelle s’effectue par un formulaire papier, ce qui nécessite un envoi préalable des formulaires par l’URSSAF en charge du recouvrement.

Par ailleurs, les organismes complémentaires redevables de cette taxe et qui emploient du personnel salarié paient et déclarent déjà par voie dématérialisée, pour la majorité, les cotisations et contributions dues sur les salaires.

Afin de moderniser, de mettre en cohérence et de simplifier les obligations déclaratives et de paiement, l’obligation pour les organismes complémentaires de déclarer et payer cette taxe par voie dématérialisée permettrait d’augmenter l’efficience du recouvrement de cette dernière par l’URSSAF tout en répondant aux attentes des redevables. Ceux-ci verraient ainsi leurs démarches simplifiées puisqu’ils n’auraient plus qu’une seule formalité déclarative à effectuer, contre deux aujourd’hui, l’une à l’organisme de recouvrement et l’autre au fonds CMU.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement remercie la commission et M. le rapporteur pour cette très bonne mesure de gestion. La dématérialisation permet de réduire les délais et de faciliter les démarches. Elle n’entraîne pour les compagnies d’assurance ni obstacle technique ni charge supplémentaire. Au contraire, il s’agit d’une mesure de simplification bienvenue. Aussi l’avis du Gouvernement est-il favorable.

(L’amendement n875 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n864.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

(L’amendement n864, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n868.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n868, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 13, amendé, est adopté.)

Après l’article 13

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement n823.

Mme Fanélie Carrey-Conte. L’article 13 sur la fusion de la taxe de solidarité additionnelle – TSA – et la taxe sur les conventions d’assurance – TSCA – payées par les organismes complémentaires m’a conduit à déposer cet amendement d’appel pour que nous réfléchissions à l’évolution de notre système de santé et au lien entre assurance maladie obligatoire et complémentaire.

L’article 1er de la loi de sécurisation de l’emploi, transcription de l’accord national interprofessionnel – ANI – induit un changement de paradigme dans notre système de protection sociale. Désormais, l’accès à la protection sociale complémentaire s’effectue par le biais des contrats collectifs, donc de l’entreprise.

Lors du débat sur le projet de loi, nous avions fait observer que, malgré ce droit nouveau donné à 400 000 salariés, certaines questions continuaient de se poser, notamment l’accès à la complémentaire santé pour les non-salariés – jeunes, retraités, chômeurs ou travailleurs non salariés – et l’accentuation des inégalités.

L’article 2 de la loi de sécurisation de l’emploi prévoyait que le Gouvernement remette au Parlement avant le 15 septembre 2014 un rapport sur les aides directes et indirectes accordées au financement de la complémentaire santé ainsi que sur une refonte de la fiscalité appliquée aux contrats. Ce rapport aurait été assorti de préconisations permettant de poursuivre la réflexion sur l’articulation entre assurance maladie obligatoire et complémentaire, mais il n’a pas été produit.

L’amendement n823 vise à renouveler cette demande d’un rapport pour approfondir la réflexion sur la fiscalité des contrats de complémentaire santé, qu’il faudrait rendre plus discriminante, et pour encourager les bonnes pratiques.

La refonte du contrat solidaire et responsable fait actuellement l’objet de réflexions. Nous devons aller au-delà et favoriser fiscalement les contrats qui offrent une plus grande place à la solidarité intergénérationnelle ou ceux dont les cotisations dépendent des revenus.

Il y a là des outils importants en matière de régulation et des marges de manœuvres financières, sur lesquels nous devons continuer de réfléchir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement d’appel semble justifié : l’article 2 de la loi du 14 juin 2013, qui faisait suite à l’accord national interprofessionnel, demandait en effet « un rapport au Gouvernement sur les aides directes et indirectes accordées au financement de la complémentaire santé, ainsi que sur une refonte de la fiscalité, appliquée aux contrats ». Ce document, monsieur le secrétaire d’État, devait être remis avant le 15 septembre 2014. Il semble que nous ne l’ayons toujours pas reçu.

Néanmoins, une partie du rapport du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie sur la généralisation de l’assurance maladie complémentaire est consacrée aux aides publiques dans la fiscalité aux complémentaires santé.

Le monde de la complémentaire santé est aujourd’hui confronté à un véritable bouleversement : quatre millions de contrats vont migrer de la complémentaire individuelle vers la complémentaire collective ; les décrets définissant les contrats responsables à la fiscalité plus avantageuse sont parus ou en préparation.

En outre, le socle minimal des appels d’offres pour les contrats collectifs, est en cours de définition.

Enfin, des appels d’offres, aujourd’hui en cours, détermineront les organismes complémentaires qui pourront bénéficier pour leurs assurés de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, dont nous avons voté, suite à la proposition de M. Véran, l’exonération des franchises.

La commission est donc défavorable à cet amendement, mais la demande d’un éclaircissement est fondée car ce véritable tsunami inquiète beaucoup certains gestionnaires de complémentaires santé, notamment mutualistes. Ce rapport doit être fourni par le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. S’il s’agit de tirer les enseignements de l’application de l’article 2 de l’ANI concernant la généralisation de la complémentaire santé obligatoire, le rapport est prématuré puisque ces contrats collectifs sont en train d’être définis. Rédiger un rapport sur une opération, certes d’importance, – le rapporteur évoquait un « tsunami » – mais toujours en cours me semble un peu prématuré.

Si l’amendement prévoyait un rapport destiné à faire le bilan des évolutions résultant de la transcription de l’accord national interprofessionnel, plutôt qu’un rapport portant sur la fiscalité, j’y serais plutôt favorable.

Tel qu’il est rédigé, l’amendement me paraît satisfait par le rapport du HCAAM. Peut-être serait-il utile de suivre la mise en place des contrats collectifs dans un rapport qui interviendrait plus tard. Le Gouvernement n’est donc pas favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. J’appelle l’attention de notre assemblée sur le « tsunami » que révèle cet amendement – notre rapporteur a employé le bon mot. C’est bien d’un tsunami qu’il s’agit, car on fait évoluer de manière fondamentale le système de la couverture maladie des Français.

Celui-ci s’articule autour du régime obligatoire et du régime complémentaire, lesquels sont historiquement ouverts, ce qui constitue une fenêtre de liberté indispensable au bon fonctionnement d’un système et à la garantie de son caractère équitable. Or, le dispositif proposé dans cet amendement prépare le monopole de certaines assurances complémentaires en basculant vers un système de modulation fiscale de ceux qui contractent collectivement ces assurances complémentaires. La fiscalité est utilisée comme un outil de normalisation au sens collectiviste du terme.

Je vous invite à lire attentivement l’avant-dernier paragraphe de l’exposé sommaire de l’amendement, mes chers collègues ; vous pourrez ainsi en constater la cohérence avec l’action globale du Gouvernement. Il est écrit, quelques lignes avant la fin du paragraphe : « On pourrait à titre d’exemple favoriser les portefeuilles comportant un certain degré de solidarité intergénérationnelle ; favoriser les contrats individuels fixant les montants de leurs cotisations en fonction de critères de revenus […] », et ainsi de suite. Que fait ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale ? Il met sous condition de revenus les allocations familiales. Nous sommes bien en train de passer d’un système de soins comportant une dimension de liberté absolument essentielle pour la qualité vers un système normalisé obligatoire,…

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Bernard Accoyer. …qui d’ailleurs, chers collègues, sent bon le conflit d’intérêts.

M. Patrick Hetzel et M. Denis Jacquat. Il a raison !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Il s’agit en effet d’une évolution, que nous avons acceptée par réalisme, ayant fait le constat de la généralisation du recours à une complémentaire santé. L’autre option aurait été de couvrir la totalité des besoins au moyen d’un régime obligatoire, ce qui, au vu du contexte, n’aurait pas été très réaliste. Nous avons donc accepté que les mutuelles jouent un rôle dans la régulation des soins, car c’est bien de cela qu’il s’agit ici.

Nous ne disposons pas d’un bilan complet de la mise en œuvre de l’accord national interprofessionnel, mais les bénéficiaires de contrats d’assurance complémentaire s’inquiètent du recul qui pourrait résulter de cet accord. De ce fait, certains d’entre eux se tournent vers des surcomplémentaires, ce qui risque de nous entraîner dans une course sans fin.

Peut-être l’instrument proposé, le biais fiscal, est-il insuffisant ; il faudra trouver d’autres moyens. C’est néanmoins une vraie question qui est posée, et j’ai du mal à comprendre la position du Gouvernement. S’il s’agit de mesurer les effets de l’ANI, le terme de rapport n’est peut-être pas tout à fait juste. La publication d’une étude sur cette évolution et sur les moyens d’éviter une telle dérive me paraît néanmoins nécessaire.

Pour ma part, je soutiens l’amendement dans sa rédaction actuelle, et ce serait regrettable qu’il soit retiré.

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je vais retirer l’amendement.

M. Patrick Hetzel. Enfin un peu de raison !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Vous aurez compris, je pense, que le but n’était pas tant la remise d’un rapport que le fait de débattre de ce sujet dans l’hémicycle. L’évolution de notre système de santé est à mes yeux un sujet éminemment démocratique. Beaucoup de choses sont en train de se jouer et nous devons régulièrement évoquer la question des liens entre assurance maladie obligatoire et complémentaire santé.

Face à l’évolution en cours, il y a deux besoins indispensables. Le premier est un besoin de régulation : il faut éviter que les inégalités se creusent au sein du bloc de la protection sociale complémentaire. La fiscalité me paraît être un outil plus discriminant que d’autres pour encourager les bonnes pratiques au sein du bloc de la complémentaire santé, et j’assume cette position.

M. Bernard Accoyer. Toujours la fiscalité ! Il y a autre chose que les impôts, dans la vie !

Mme Valérie Boyer. Pourquoi pas le salaire unique ? C’est beaucoup mieux !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Le second est un besoin de marges de manœuvre financières : l’utilisation de la fiscalité peut être un levier pour aider davantage les non-salariés, notamment les retraités, à accéder à la protection sociale complémentaire ; voilà un vrai sujet sur lequel nous devons continuer d’avancer.

Par conséquent, je retire mon amendement, monsieur le président.

(L’amendement n823 est retiré.)

Article 14

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 14.

La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le secrétaire d’État, vous proposez avec cet article une sombre et perverse opération de tuyauterie.

M. Bernard Accoyer. Très juste !

M. Jean-Pierre Door. Cela participe à ce que nous avons appelé lors de la discussion générale un numéro d’acrobatie budgétaire mathématique assez curieux.

M. Bernard Accoyer. Indécent !

M. Jean-Pierre Door. En effet, ce sont 6,3 milliards d’euros d’allégements de charges votés dans le cadre projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale de juillet dernier qui sont compensés, d’une part par le transfert de la charge des APL de la caisse des allocations familiales vers le budget de l’État, qui représente 4,3 milliards, et, d’autre part, par la ponction dans la poche des salariés du BTP de 1,5 milliard d’euros.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Ce que vous dites est faux !

M. Jacques Myard. Scandaleux !

M. Jean-Pierre Door. Tel est le sens de l’article 14 : vous fragilisez le système du droit à congés payés qui, dans le BTP, existe depuis 1937 et permettait à un million et demi de salariés de prendre le congé acquis dans une précédente entreprise. Ce système permet en outre la mise en commun de cotisations versées au titre des congés payés par environ 200 000 ou 220 000 entreprises du BTP qui emploient du personnel en France et le financement partiel des primes de vacances. Pourquoi faites-vous cela ?

M. Jacques Myard. Il cherche de l’argent !

M. Jean-Pierre Door. Pourquoi vous attaquez-vous aux salariés du BTP ? C’est un véritable tsunami – le terme est décidément bien choisi – pour le secteur du bâtiment public ! Et ce pour un simple gain de trésorerie qui ne jouera qu’une seule fois, cette année, et dont vous vous servirez uniquement pour compenser les allégements de charges que vous avez proposés en juillet dernier.

M. Élie Aboud. C’est du maquillage !

M. Jean-Pierre Door. C’est du maquillage. Lorsque nous vous avions interrogés sur la compensation des allégements, vous nous aviez dit de nous taire et de patienter jusqu’au projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Nous avons attendu trois mois pour trouver aujourd’hui cette tuyauterie ; c’est regrettable ! L’article 14 est très dangereux. Les salariés du BTP ne vous remercieront pas.

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Mes collègues du groupe UMP, à l’instar de Jean-Pierre Door, vont s’exprimer sur ce sujet car il s’agit d’un véritable hold-up ! On pique la trésorerie des congés payés des métiers du bâtiment ; il fallait oser, de la part d’un gouvernement de gauche ! Ce système est en effet un héritage direct des accords de 1936, et il fonctionnait parfaitement.

M. Jacques Myard. Scandaleux !

M. Dominique Tian. La preuve : il y a 1,5 milliard d’euros de trésorerie disponible. Celle-ci devait permettre de distribuer, entre autres prestations, une prime supplémentaire de 30 % à l’ensemble des salariés de ce secteur. Ce sont donc des milliers d’entreprises qui sont concernées, dont beaucoup de petite taille, 1 million de salariés du bâtiment, auxquels on va voler, ou plutôt emprunter leur trésorerie,…

M. Jacques Myard et M. Bernard Accoyer. Voler !

M. Dominique Tian. …ce qui est scandaleux. C’est d’ailleurs devenu une méthode de gestion, monsieur le secrétaire d’État : dès qu’on a un peu d’argent dans ce pays, dès qu’un système social est assez bien géré, on pique sa trésorerie. C’est arrivé aux mutuelles récemment, aux APL cette année, et c’est maintenant les métiers du bâtiment que vous ponctionnez. C’est évidemment inacceptable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Dans cet article 14, le Gouvernement s’en prend au secteur du bâtiment et des travaux publics, un secteur qui est frappé de plein fouet par une crise d’une gravité sans doute encore plus profonde que celle du début des années 90, dont on se souvient encore des conséquences. Il se trouve que, de surcroît, la crise qui frappe le bâtiment et les travaux publics, et qui s’accompagne d’ailleurs d’une crise du logement très aiguë, est en grande partie liée à l’action et aux erreurs du gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

M. Jacques Myard. Aux seules erreurs de ce gouvernement !

M. Bernard Accoyer. Je pense à la mise en place d’une fiscalité confiscatoire, aux conséquences de la loi ALUR, que le Premier ministre Manuel Valls essaie de détricoter aussi vite qu’il le peut alors qu’il est malheureusement trop tard, à l’augmentation des charges pesant sur les entreprises,…

Mme Valérie Fourneyron. Et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, cela ne fonctionne pas ?

M. Bernard Accoyer. …à la mise en place du compte pénibilité. Sont également en cause les restrictions et baisses drastiques de dotations aux collectivités publiques, qui ont diminué leur budget d’investissement.

Vous qualifiez ce dispositif de prélèvement à la source pour le différencier d’un prélèvement à la sortie, mais c’est de tout à fait autre chose qu’il s’agit. C’est non pas au moment où la provision est transférée des entreprises à la caisse des congés payés qu’il y a lieu de taxer, mais lorsque le salarié bénéficie de ses indemnités de congés payés et que le salaire de substitution, en quelque sorte, est versé. Ce que vous proposez est une dérive particulièrement grave.

Savez-vous, mes chers collègues, à quoi sert la trésorerie de ces caisses de congés payés ? Tout simplement à payer les salariés des caisses. Comment feront les caisses à l’avenir ? Nul ne le sait. Cette dérive qui consiste à détourner des ressources sans aucun fondement vous oblige, monsieur le secrétaire d’État, à légiférer, mais cet article est proprement irrecevable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Cet article 14 mérite peut-être un peu plus de mesure. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. C’est un spécialiste qui le dit !

M. Gérard Sebaoun. Il traite en effet des caisses de congés payés, non seulement pour les entreprises du bâtiment, soit 90 % de l’ensemble de ces caisses, mais aussi pour celles du transport, par exemple.

Cet article a deux objectifs : premièrement, revenir progressivement au droit commun s’agissant des cotisations liées aux congés payés et, deuxièmement, réduire la trésorerie des caisses. Il y a débat, nous allons en parler.

Des travaux très importants ont déjà été réalisés. Le sénateur Jean Arthuis, tout d’abord, a publié en 2009 un rapport extrêmement intéressant que je vous invite à lire. Ses préconisations commenceraient à être mises en œuvre par les caisses, selon les dires de ces dernières, qui s’appliquent à les considérer comme recevables.

La Cour des comptes, ensuite, a publié en septembre 2013 un rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale dans lequel il était montré qu’il convenait d’améliorer le fonctionnement des caisses ; celles-ci y répondent favorablement.

Pour réagir à la remarque de M. Tian, je rappellerai que, en 1936, la création des caisses de congés payés répondait à la nécessité de sécuriser les congés payés des ouvriers du bâtiment, dont le métier était nomade et intermittent. Très honnêtement, c’est moins vrai aujourd’hui, et chacun peut le constater. Je n’entrerai pas dans le détail de la gestion des autres caisses.

Mme Véronique Louwagie. Il faut supprimer les caisses, dans ce cas !

M. Jacques Myard. Et les compagnons ?

M. Gérard Sebaoun. Vous permettez que je poursuive mon propos ?

M. Jacques Myard. Bien sûr !

M. Gérard Sebaoun. Certes, il faut conforter la mutualisation des cotisations, qui permet d’octroyer aux salariés du bâtiment, notamment, des avantages conventionnels bienvenus pour des professionnels effectivement soumis aux intempéries, à la pénibilité. Mais les choses évoluent. Puisque la charge du paiement des cotisations au Fonds national d’aide au logement – le FNAL – et du versement transports a été transférée aux entreprises, l’article 14 vise à aller vers le droit commun dès le 1er avril 2015 et de façon progressive jusqu’en avril 2018 pour revenir vers un paiement à la source des cotisations, c’est-à-dire à leur fonction première. Aux termes du rapport de Gérard Bapt, cette réduction de trésorerie ne devrait pas mettre en danger les caisses.

L’impact financier de la mesure proposée est certes important, puisqu’il s’agit de 2 milliards d’euros sur deux ans.

M. Jacques Myard. Il n’y a plus un rond !

M. Gérard Sebaoun. Elle entre dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. Cependant, comme le remarque le rapporteur lui-même, et c’est la question clé, à laquelle nous attendons une réponse essentielle à nos yeux, cette opération est non reconductible. Il faudra donc trouver (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Accoyer. C’est un aveu ! C’est la définition même d’un vol !

M. Gérard Sebaoun. Veuillez me laisser terminer !

M. le président. La parole est à M. Sebaoun et à lui seul, chers collègues ! Veuillez conclure, monsieur Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Il conviendra de trouver d’autres ressources pour compenser les pertes de recettes du budget de la Sécurité sociale liées au pacte de responsabilité. Telle est la vraie question, mais cela ne mérite pas les cris d’orfraie que l’on entend ici.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. On pourrait intituler cet article : « Main basse sur les caisses ».

M. Bernard Accoyer. Absolument !

Mme Isabelle Le Callennec. En effet, il vise à prélever 1,5 milliard d’euros sur toutes les caisses de congés payés, et pas seulement celles du bâtiment et des travaux publics ; le spectacle, les transports sont également concernés. Le bâtiment a fait ses calculs : un tel prélèvement signifie une privation de trésorerie pour les caisses et la mise en péril de la prime de 30 % et des congés supplémentaires, cela a été rappelé par mes collègues.

Si cet article est voté, les employeurs devront acquitter les cotisations sociales non plus à la sortie mais à la source, c’est-à-dire avant le fait générateur, à savoir le règlement effectif des indemnités de congés payés.

Cet article, monsieur le secrétaire d’État, est présenté comme une simplification de l’architecture des prélèvements sociaux alors qu’il vise en réalité à compenser la perte de recettes de la Sécurité sociale consécutive aux allégements prévus dans le pacte de responsabilité et de solidarité.

D’un côté, vous annoncez un plan de relance pour le bâtiment – mes collègues ont rappelé à quel point le bâtiment souffre aujourd’hui dans notre pays, et ce, depuis deux ans – et, de l’autre, vous envoyez un très mauvais signal aux salariés de ces entreprises, vous qui vous targuez pourtant régulièrement de faire œuvre de justice sociale. Nous ne pouvons l’accepter, car les salariés de ces entreprises seront les premières victimes de cet article. Nous en demandons par conséquent la suppression.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. L’article 14 remet en cause le système de mutualisation de certaines caisses. Outre qu’elles versent des prestations, ces caisses assument aussi des missions de contrôle dans les entreprises, où elles vérifient si les jours de congé sont pris, si les jours de repos sont conformes aux prestations versées. Elles joueront demain un rôle dans la mise en œuvre du compte pénibilité dans le BTP, qui sera très compliquée. Il n’est pas certain que ces caisses, dont les frais de gestion sont très raisonnables – les contrôles l’ont montré – puissent être remplacées dans ces missions par de petites entreprises.

En outre, ce qu’a dit M. Sebaoun m’inquiète profondément. Ces caisses versent à leurs salariés une prime supplémentaire de congés payés de 30 %. Revenir au droit commun signifie, si j’ai bien compris, la disparition à terme de cette prime. Celle-ci, qui constitue une exception, ne peut en effet être financée que parce que les caisses placent l’argent des cotisations, qu’elles ne paient que lorsque les salariés prennent leurs congés. Or ce qui est demandé est un versement avant la prise de congés. C’est invraisemblable ! Est-ce à dire que toutes les entreprises devront payer les charges sur les congés payés que leurs salariés n’ont pas encore pris ?

M. Gérard Sebaoun. Vous n’avez pas compris l’article ! L’avez-vous lu ?

M. Jean-Pierre Barbier. En prélevant 1,5 milliard, juste pour cet exercice, vous mettez en péril un système qui fonctionne bien depuis 1936. Vous prenez le risque que ces caisses ne puissent plus assumer leurs missions et, surtout, que les salariés du bâtiment ne puissent plus percevoir la prime de 30 %. C’est dommage, quand on sait que vous auriez pu trouver cette somme ailleurs !

Mme Valérie Boyer. C’est antisocial !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Après le Front populaire, nous découvrons le front impopulaire ! Cet article, de façon très surprenante, signe la mort programmée des caisses de congés payés. Bravo la gauche !

L’article 14 contrevient au vote de l’article 40 du PLFSS pour 2013, qui prévoyait la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement au plus tard le 1er juillet 2013. Nous attendons toujours ce rapport ! Une fois de plus, ce gouvernement pratique une politique de gribouille, en prenant des décisions sans que nous disposions d’études d’impact sérieuses. C’est tout bonnement incroyable !

S’il était mis en œuvre, l’article 14 aboutirait arbitrairement à briser le lien qui existe entre le flux financier versé aux Urssaf et son fait générateur, entre le paiement des salaires et le versement des indemnités. Il s’agirait donc purement et simplement d’une captation, annonciatrice de pratiques tout à fait aléatoires et discutables.

La représentation nationale doit veiller à ce que la devise républicaine soit une réalité. Avec un dispositif tel que celui-ci, nous en sommes très loin. Il ne reste plus de la gauche que son nom. Une fois de plus, vous ne tenez pas compte des salariés, qui seront plus d’un million à être concernés. C’est scandaleux !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Ce qui reste de gauche, pour reprendre les propos de Patrick Hetzel, c’est la maladresse. Nous assistons à quelque chose d’inédit. Après avoir vu battre en brèche les fondements de la Sécurité sociale, où les bien portants cotisent pour les malades, les actifs pour les retraités et les célibataires pour les familles, nous assistons à un hold-up sur les caisses de congés payés. Vous êtes en train de détruire le pacte social français. C’est bien la gauche antisociale et gribouille qui est à l’œuvre avec l’article 14. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Hetzel. La vérité est toujours dérangeante.

Mme Valérie Boyer. Cette pratique est scandaleuse ; elle s’apparente à de la cavalerie budgétaire. En outre, elle ne représentera un gain qu’une seule fois : pour couvrir vos turpitudes sur la Sécurité sociale, vous allez détruire les caisses de congés payés qui existent depuis plus de soixante-dix ans, et qui permettent aux ouvriers du bâtiment de percevoir une bonification de 30 % pour leurs congés payés. Je suis particulièrement choquée de constater qu’aujourd’hui à gauche, la seule chose qui compte, c’est l’argent, la marchandisation. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Les vertueux ne sont jamais récompensés. Vous commettez un hold-up sur des gens vertueux, qui ont pris la peine de mettre de l’argent de côté et qui sont sanctionnés parce qu’ils se sont bien organisés. Tout cela pour combler le trou de la Sécurité sociale, compenser vos turpitudes budgétaires !

Après avoir affaibli le secteur du bâtiment avec la loi ALUR, vous détruisez ce qu’il reste à des personnes qui exercent un métier pénible, certes, mais qui avaient la possibilité, avec ces caisses de congés payés, d’être traitées différemment. D’un montant de 1,5 milliard d’euros, ce hold-up est sans précédent dans l’histoire de notre Sécurité sociale et de notre protection sociale. Après le front impopulaire, c’est la gauche antisociale qui est à l’œuvre.

Mme Monique Iborra. Que d’imbécillités…

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Si je comprends bien le Gouvernement…

M. Jacques Myard. Il n’y a rien à comprendre !

M. Francis Vercamer. …il s’agit de simplifier les modalités de recouvrement des cotisations sociales dans les secteurs où les employeurs sont affiliés à une caisse de congés payés. Le Gouvernement essaie de nous faire croire à une simplification administrative, mais il s’agit tout bêtement de capter 1,5 milliard d’euros pour combler le déficit de la protection sociale en l’absence de réformes structurelles.

Je rappelle que ce système, qui concerne 90 % des salariés du secteur du BTP, donne satisfaction aux professionnels qui le gèrent, aux adhérents des caisses et aux salariés. Ces caisses fonctionnent selon un mécanisme de mutualisation garantissant le financement des congés payés, des primes de vacances de 30 % et de jours supplémentaires d’ancienneté. La caisse de congés payés représente un peu plus de 1,5 million de salariés, qui apprécieront sûrement la ponction de 1,5 milliard d’euros – les socialistes comprennent mieux lorsque l’on parle de chiffres et d’électeurs –, eux qui ont la garantie de pouvoir prendre leurs droits à congés payés en cas de mobilité professionnelle, malheureusement accrue en cette période de crise.

En effectuant une ponction de plus de 1,5 milliard d’euros sur les fonds dont disposent ces caisses pour la seule année 2015, le Gouvernement prend le risque de déstabiliser sur le long terme un mécanisme sans doute perfectible, mais qui fonctionne correctement à ce jour, et de complexifier les charges administratives des entreprises concernées, tout cela parce qu’il ne veut pas engager des réformes structurelles.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. J’intitulerai cet article « Siphonnage de trésorerie ». Les caisses de congés payés, qui existent depuis plus de quatre-vingts ans, ont été créées pour que les salariés du bâtiment et des transports, notamment, puissent bénéficier de la loi sur les congés payés, dont l’intermittence de leurs conditions de travail risquait de les priver à l’époque.

L’institution fonctionne bien – personne ne l’a nié ici. Elle concerne 1,5 million de salariés et 215 000 entreprises, et permet à des salariés de percevoir des primes de vacances de 30 % ainsi que des jours d’ancienneté supplémentaires. Vous proposez aujourd’hui d’opérer, de façon arbitraire, une ponction comptable de 1,5 milliard de cotisations.

Monsieur Sebaoun, vous dites qu’il faut améliorer la gestion des caisses.

M. Gérard Sebaoun. Ce sont les caisses qui le disent !

Mme Véronique Louwagie. Pensez-vous y parvenir en prélevant 1,5 milliard sur leur trésorerie ? En fait, vous imposez aux entreprises de payer les engagements financiers de l’État, vous leur demandez d’être les banquiers de l’État. Ces fonds, versés par les entreprises, appartiennent pourtant aux salariés.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce ne sont pas eux qui les gèrent, ce sont les administrateurs des caisses !

Mme Véronique Louwagie. Vous effectuez une spoliation, une ponction, un pur hold-up sur un système de mutualisation. Si ce n’était pas l’État qui opérait ainsi, on pourrait parler d’abus de bien social, voire d’abus de bien antisocial, puisque vous vous saisissez de ces fonds au détriment des salariés !

Il est vrai que cela devient habituel, et peut-être même naturel pour cette majorité – en tout cas pour ce qu’il en reste. Rappelons qu’avec le projet de loi de finances et le PLFSS pour 2015, vous ponctionnez les fonds propres des chambres de commerce et d’industrie, des chambres de métiers, des chambres d’agricultures et des agences de l’eau. C’est inadmissible ! Nous ne pouvons accepter de telles dispositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous évoquez les fonds propres des chambres de commerce et d’industrie et des agences de l’eau : je vous rappelle que ces organismes sont financés par des contributions qui s’apparentent à des impôts de toute nature… un peu de mesure, s’il vous plaît !

Face à cette avalanche et à cette escalade verbale, les mots ne sont pas assez forts. Je me contenterai de refaire l’historique et de décrire précisément les changements que cet article opère.

Je remercie M. Sebaoun d’avoir rappelé que cette organisation date de 1936, époque où la mobilité des travailleurs, notamment dans les secteurs du bâtiment et des transports, était très forte. Il s’agissait de garantir que le droit aux congés payés puisse suivre le salarié, à une époque où la gestion des provisions pour congés payés n’était pas celle que nous connaissons aujourd’hui.

Qu’est-ce qui va changer pour les entreprises du secteur ? La réponse est simple : rien !

M. Dominique Tian. C’est une plaisanterie !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Aujourd’hui, l’entreprise paye immédiatement à la caisse de congés payés la partie qui correspond au principal – les congés payés – et les charges patronales. Cela ne changera pas à l’avenir.

M. Bernard Accoyer. C’est faux, puisque l’argent est placé aujourd’hui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Accoyer, permettez que j’aille au bout de mon raisonnement. Cela facilitera peut-être la compréhension de tous ici !

Plusieurs députés du groupe UMP. Du calme !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je n’ai pas bronché devant les contrevérités qui ont été développées, les unes après les autres !

Qu’est-ce qui va changer pour les salariés ? Vous dites qu’ils vont perdre leur prime. C’est faux. Le droit à la prime provient de la convention collective qui régit le secteur. Cette prime est versée par les entreprises à la caisse de congés payés et elle perdurera tant que perdurera la convention collective.

M. Gérard Sebaoun. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il est faux et mensonger de dire que cet article mettrait en danger le versement de la prime de 30 %.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est pourtant vrai.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La « prime de vacances », prévue par la convention collective, est versée par les entreprises au moment du fait générateur – comme vous dites. L’entreprise continuera à la verser, et le salarié continuera à en bénéficier. Je le maintiens et cela figurera au compte rendu : rien ne changera pour les salariés !

Qu’est-ce qui va donc changer ? Dorénavant, la part de cotisations patronales, et seulement elle, versée aujourd’hui dans un premier temps à la caisse de congés payés avant d’être reversée dans les budgets sociaux au moment où le salarié bénéficie de ses congés payés, reviendra directement au budget de la Sécurité sociale au lieu d’être conservée par la caisse jusqu’à ce que le congé soit effectivement pris et rémunéré. Ce nouveau dispositif nous paraît normal car, de toute façon, cet argent passe dans la comptabilité des entreprises dès lors qu’elles alimentent la caisse de congés payés, lors de l’ouverture des droits.

,C’est la différence entre le super-brut et le brut : les entreprises continueront à verser autant de cotisations, ni plus tôt ni plus tard qu’avant, mais au lieu de rester dans la caisse de congés payés pendant un certain temps, cet argent sera immédiatement versé au budget de la Sécurité sociale. Pourquoi en irait-il autrement dès lors que ces sommes sont d’ores et déjà sorties de la comptabilité des entreprises ? La situation actuelle déroge au droit commun et le Gouvernement souhaite y mettre un terme.

Pour autant, les caisses de congés payés vont-elles souffrir d’un déficit de trésorerie ? Pas du tout !

Mme Isabelle Le Callennec. Ce n’est pas ce qu’elles prétendent !

M. Patrick Hetzel. Vous leur prenez 1,5 milliard et cela ne changerait rien ? C’est incroyable !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Hetzel, 6 milliards se trouvent aujourd’hui dans ces caisses : une partie correspond à la part qui reviendra aux salariés, prime de 30 % incluse, et une autre aux 2 milliards de charges patronales. Ces 2 milliards, laissés aujourd’hui dans cette espèce de boîte noire (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Tian. Ce n’est pas une caisse noire !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je n’ai pas réagi à vos délires verbaux, soyez assez aimables pour me pardonner cette petite maladresse, que je retire si vous le souhaitez.

Revenons à ces 2 milliards qui, au lieu de transiter par la caisse de congés payés, seront directement versés au budget de la Sécurité sociale. Y a-t-il là un hold-up ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Est-ce un bouleversement pour les entreprises, qui devront payer au même moment les mêmes montants, ou pour les salariés qui bénéficieront toujours des mêmes prestations ? Non : ces 2 milliards, au lieu de rester dans cette caisse, sorte d’interface créée pour les raisons que chacun connaît et que M. Sebaoun a parfaitement rappelées, abonderont directement le budget de la Sécurité sociale, ce qui nous paraît normal en période de difficultés budgétaires – et je ne relancerai pas la polémique de savoir qui en porte la responsabilité !

C’est vrai, les caisses, qui sont plutôt bien gérées, placent cet argent et le font fructifier. Cela étant, est-ce bien normal alors même que nous devons recourir aux marchés financiers pour financer le budget de la Sécurité sociale ? Nous assumons pleinement notre décision.

M. Jean-Pierre Barbier. C’est invraisemblable ! Mesdames, messieurs, cachez vos économies !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je le répète : il n’y aura pas de changement pour les entreprises, pas de changement pour les salariés ! Au lieu de 6 milliards de trésorerie, une caisse de congés payés n’en aura plus que 4. Ce nouveau dispositif va plutôt dans le sens d’une bonne gestion. Parler de rapt ou de hold-up me semble bien excessif. Le Parlement peut comprendre le bien-fondé de cette mesure qui abondera la trésorerie de la Sécurité sociale de 1,5 milliard dès 2015 et probablement de 500 millions en 2016.

Merci, monsieur le président, de m’avoir laissé le temps de répondre aux nombreuses interpellations, parfaitement légitimes mais excessives au regard des objectifs poursuivis par cet article.

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques de suppression, nos 42, 100, 119, 183, 289, 376 et 452.

Je vous annonce d’ores et déjà que, sur le vote de ces amendements, je suis saisi par les groupes UMP et UDI d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n42.

M. Philippe Vitel. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez eu beau prendre votre ton le plus pédagogique, vous n’avez convaincu personne sur nos bancs, et pas davantage les professionnels du BTP qui sont vent debout contre votre réforme, ce qui explique que nous vous demandions de supprimer cet article.

Un jour, vous essayez de mettre à bas les principes du Conseil national de la Résistance, un autre jour ceux du Front populaire. Léon Blum, s’il vous entend, doit se retourner dans sa tombe !

En réalité, pour boucler des fins de mois difficiles, vous essayez de faire les poches de tous ceux qui se présentent à vous. Vous envisagez aujourd’hui de faire payer à la source des cotisations sociales dues sur des indemnités de congés versées par les caisses avant que le congé ne soit pris et l’indemnité versée. Vous prétendez que cette mesure sera sans conséquence pour les salariés et les entreprises, mais vous oubliez qu’une somme de 1 milliard placée aujourd’hui à 3 % rapporte 30 millions aux caisses qui les reversent directement, sous forme de primes, à ces salariés qui exercent des métiers pénibles, dans un secteur soumis de surcroît à une forte mobilité professionnelle.

Mme Valérie Fourneyron. Mais les salariés ne perdent rien !

M. Philippe Vitel. L’une des spécificités de ces caisses est justement de gérer les congés payés de plus de 1,5 million de salariés, qui cumulent les inconvénients de la pénibilité et de la mobilité, ce qui demande une approche particulière. Vous n’avez rassuré personne et nous souhaitons la suppression de l’article 14.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement n100.

Mme Dominique Nachury. Les caisses de congés payés, dans le secteur du BTP, assurent depuis de très nombreuses années la portabilité du droit à congé dans cette profession où les salariés sont amenés à se déplacer régulièrement au gré des chantiers et en changeant d’entreprise. De la TPE aux majors, c’est l’assurance pour 1,5 million de salariés de pouvoir prendre le congé qu’ils ont acquis dans une entreprise précédente.

La mise en commun des cotisations que versent à ce titre les 215 000 entreprises de BTP employant du personnel permet de mutualiser et de financer partiellement une prime de vacances de 30 % et des jours supplémentaires d’ancienneté.

Cet article, s’il était adopté en l’état, renchérirait mécaniquement le coût des congés par rupture de l’effet de mutualisation et complexifierait la charge administrative des entreprises, déjà bien compliquée.

Au moment où est décrétée une mobilisation générale pour la simplification des textes et la relance du secteur de la construction, un tel projet n’est pas acceptable.

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud, pour soutenir l’amendement n119.

M. Élie Aboud. Monsieur le secrétaire d’État, merci d’avoir retiré un mot malheureux qui aurait pu contrarier le Premier ministre, lui qui prétend aimer les entreprises. J’espère que ce mot aura dépassé vos pensées.

Je voudrais parler du respect du Parlement. Lors du vote de l’article 40 du PLFSS 2013, vous avez pris l’engagement de remettre un rapport au Parlement avant le 1er juillet 2013. Nous l’attendons toujours.

Surtout, alors que la tendance est à la simplification, pensez-vous vraiment que votre mesure aille dans ce sens ? Elle complexifie au contraire l’ensemble du dispositif. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l’article 14.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n183.

M. Bernard Accoyer. Non, monsieur le secrétaire d’État, vous ne nous ferez pas croire que le Gouvernement, par cette mesure, ne s’apprête pas à prendre une somme importante aux caisses de congés payés du bâtiment. Vous avez vous-même reconnu qu’il s’agissait de 2 milliards d’euros, qui sont aujourd’hui sur le compte de ces caisses. Cette somme, qui est placée, permet de dégager en intérêts entre 40 et 60 millions par an, qui servent à payer les salaires des agents de ces caisses.

Si vous détournez cet argent, il deviendra nécessaire de compenser la perte par une augmentation des cotisations à la charge des entreprises du BTP. Ce système, que vous appelez prélèvement à la source, correspond exactement à celui que le ministre du budget est en train d’annoncer aux épargnants français qui, au moment de placer leur épargne, seraient contraints de payer par anticipation les prélèvements sociaux. Je pense que vous n’avez pas mesuré, monsieur le secrétaire d’État, la gravité de votre décision, aussi demandons-nous la suppression de cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n289.

M. Jacques Myard. Monsieur le secrétaire d’État, vous connaissez mieux que moi la situation économique de la France et les difficultés du BTP que vous plongez dans un véritable désastre économique en ponctionnant les collectivités territoriales. Et aujourd’hui, à ce désastre vous ajoutez une spoliation !

Vous nous dites que les entreprises ont déjà comptabilisé ces sommes dans leur budget, mais vous oubliez que c’est le fait générateur qui entraîne le paiement des cotisations sociales. Or, le fait générateur n’existe pas dans votre spoliation par avance, ce qui pose un problème d’ordre constitutionnel. Je vous le dis franchement : vous terminerez dans l’enfer des apostats !

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n376.

M. Dominique Tian. La prime de 30 % ne sera plus versée par la caisse du bâtiment qui, pour son plus grand malheur, était bénéficiaire. Si elle avait été déficitaire, le problème ne se serait pas posé. Elle était trop bien gérée, par des gens responsables, et elle dégageait une trésorerie qui lui permettait de verser une prime de 30 %. Qui la paiera à présent ? Les entreprises du bâtiment, déjà fragilisées par une concurrence directe avec les autres pays européens.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n452.

M. Francis Vercamer. Monsieur le secrétaire d’État, à vous entendre, vous auriez trouvé la martingale ! Vous parvenez à dénicher 1,5 milliard ou 2 milliards – on ne sait plus exactement combien – sans que personne n’y trouve à redire, ni ne les paie ! Les entreprises ne subiraient aucun changement, les salariés non plus, les caisses non plus. Ce sont 2 milliards qui tombent du ciel, c’est extraordinaire ! Je vous donne un tuyau, monsieur le secrétaire d’État : faites la même chose à la Caisse d’épargne en demandant à tous les épargnants de payer à l’avance leurs cotisations, je suis certain qu’ils n’y verront que du feu. Ils seront au contraire très contents, comme les salariés du bâtiment !

M. Patrick Hetzel. Chapeau l’artiste !

M. Francis Vercamer. C’est se moquer du monde ! Si vous prélevez 1,5 ou 2 milliards, il faudra bien que quelqu’un paie ! Hélas, les salariés et les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics s’en apercevront et en seront très mécontents.

En outre, M. Accoyer signalait à juste titre que vous ouvrez là une brèche dans laquelle vous pourrez engouffrer d’autres prélèvements anticipés sur dépassements.

Enfin, M. Myard a raison : cette mesure pose un problème d’ordre constitutionnel, puisque le fait générateur n’existe pas. Selon moi, elle ne passera pas le cap du Conseil constitutionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le fait générateur existe, puisqu’il s’agit du versement de cotisations effectué par les entreprises.

M. Francis Vercamer. Quel est l’avis du Conseil d’État ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. M. le secrétaire d’État a présenté une argumentation très complète sur le fond de la réforme, qui contient non seulement une mesure de trésorerie, mais aussi une mesure de rationalisation de la gestion des caisses de congés payés qui courra jusqu’en 2018.

Au-delà de l’enflure des mots (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Est-ce une remarque autobiographique ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. J’ai bien entendu parler d’apostasie !

M. Jacques Myard. En effet : vous reniez vos credos !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Dans le contexte international actuel, monsieur Myard, peut-être devriez-vous éviter d’employer le mot « apostat » pour désigner le Gouvernement, car il est lourd de sens.

M. Jacques Myard. Certainement pas !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mme Louwagie a parlé de façon plus raisonnable de « siphonnage ». De fait, une mesure de trésorerie consiste toujours à siphonner d’un côté, mais c’est pour abonder de l’autre ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.) En l’occurrence, cette mesure abondera les recettes de la Sécurité sociale. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je vous remercie. Je m’attendais d’ailleurs à ce que M. Tian, comme il l’a fait en commission des affaires sociales, fasse le tour de l’hémicycle le poing levé pour défendre les acquis du Front populaire, car ce fut un grand moment…

M. Jacques Myard. C’est la lutte finale !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous avez prétendu, madame Boyer, que l’on n’avait jamais touché à la trésorerie de la caisse de congés payés. Permettez-moi de vous renvoyer au rapport que M. Jean Arthuis – une personne qui doit vous dire quelque chose – a fait paraître en 2009.

M. Christian Jacob. Ce n’est guère notre référence !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il y était fait état d’un audit sur le fonctionnement des caisses de congés payés. L’audit en question, réalisé par le cabinet KPMG, soulevait les problèmes suivants : déficiences en matière de gouvernance, qualité inégale du service rendu, insuffisante sécurité des systèmes d’information et hétérogénéité des moyens et des coûts y afférents, mise en cause possible de la responsabilité des administrateurs et, enfin, insuffisance du suivi budgétaire des caisses.

M. Jacques Myard. On croirait un portrait du Gouvernement socialiste !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Voilà ce que dit ce rapport n67 enregistré à la présidence du Sénat le 27 octobre 2009.

M. Jacques Myard. Mauvaise lecture !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous nous dites, madame Boyer, que cela n’avait jamais été fait, mais ce même rapport…

Mme Valérie Boyer. Ce n’était qu’un rapport, et non un texte de loi !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …nous apprend aussi qu’à l’époque, 20 % des fonds disponibles de la caisse des congés payés du bâtiment – soit 100 millions d’euros sur un total de 534 millions en 2008 –…

M. Patrick Hetzel. C’était il y a des années !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …ont été siphonnés par vous-mêmes, par votre propre gouvernement !

M. Jacques Myard. Insolent !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Et dans quel but ? Pour financer des emprunts gratuits servis aux entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics afin de favoriser la relance du bâtiment !

M. Christian Jacob. Eh oui !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ne nous dites donc pas que cela n’a jamais été fait, car vous l’avez fait vous-mêmes !

Mme Valérie Boyer. Votre réponse est spécieuse !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je vous rappelle aussi que la Cour des comptes a publié en 2009 et, plus récemment, en 2013 deux rapports concernant l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, dans lesquels elle critique la longueur des délais de versement des indemnités de congés payés aux salariés et le niveau élevé d’indemnités non payées.

Mme Valérie Boyer. Cela n’a rien à voir !

M. Gérard Bapt, rapporteur. La Cour signale en outre que certaines caisses pratiquent des abattements pour le calcul des cotisations sociales sans base légale – abattements qui amenuisent les droits des salariés.

Mme Valérie Boyer. C’est faux !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Voilà pourquoi, sans m’attarder sur l’enflure des mots…

M. Bernard Accoyer. Non ; une turgescence, tout au plus !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …je confirme que la commission a rejeté ces amendements de suppression de l’article.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jacques Myard. Il s’est déjà exprimé !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Rassurez-vous, monsieur Myard : je me contenterai d’indiquer que le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

M. Jacques Myard. Merci !

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le secrétaire d’État, vous invoquez le retour au droit commun : c’est tout à fait faux ! Le droit commun prévoit que l’on paie des cotisations au moment du fait générateur.

M. Jacques Myard. Bien sûr !

M. Christian Jacob. En l’occurrence, ce n’est pas le cas, puisqu’elles seront payées par anticipation.

Ensuite, vous prétendez que cela ne changera rien pour les entreprises, puisque le montant concerné est provisionné dans leurs comptes. Ce raisonnement ne tient pas debout ! En effet, l’entreprise pourrait parfaitement provisionner ce montant sur son compte d’exploitation, mais il est placé dans une caisse, et le fait générateur n’a nullement eu lieu ! Autrement dit, vous imposez une logique dans laquelle les cotisations doivent être payées avant même le fait générateur. De ce point de vue, M. Myard a tout à fait raison : la mesure n’est pas acceptable sur le plan constitutionnel. Il n’existe aucun autre exemple de cotisation appelée avant le fait générateur.

Par ailleurs, vous êtes dans une logique de sanction de la bonne gestion.

M. Jacques Myard. Eh oui !

M. Christian Jacob. Si cet argent avait été dilapidé, il n’y aurait aucun problème. Hélas, comme il a été géré correctement, la sanction tombe !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous voulez sans doute parler des finances de l’UMP ?

M. Christian Jacob. Voilà ce que vous êtes en train de faire !

M. Jacques Myard. Apostasie !

M. Christian Jacob. Vous prétendez en outre que tout cela ne changera rien, sauf si la convention collective change : là encore, c’est tout à fait faux ! Les caisses accomplissent en effet de nombreuses autres actions. Elles se chargent, par exemple, de la collecte des taxes d’apprentissage.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. L’UMP aurait-elle donc financé de l’apprentissage ?

M. Christian Jacob. Si vous supprimez des fonds, les caisses seront-elles encore capables demain d’organiser cette collecte ? De même, elles conduisent des actions de dématérialisation en faveur des salariés et des entreprises et se chargent du recouvrement des cotisations. Vous parlez d’un montant de 2 milliards : c’est donc environ 40 millions d’intérêts qui ne pourront plus être générés, et autant d’actions qui ne seront plus menées, au détriment des salariés. Autrement dit, vous sanctionnez les entreprises et les salariés du bâtiment qui se caractérisent pourtant par bien des spécificités – les intempéries, par exemple, n’existent pas dans les autres secteurs. Qu’importe : vous avez décidé de vous en prendre aux salariés et aux entreprises du bâtiment. Au nom de quoi voulez-vous ainsi leur taper sur la tête ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est tout de même un comble de s’en prendre ainsi à cette profession qui n’a eu qu’un seul défaut : celui de gérer correctement son argent ! Hélas, vous ne supportez pas la bonne gestion qu’il faut, selon vous, sanctionner !

M. Philippe Vitel. Ils ne connaissent pas la bonne gestion…

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Je veux soutenir la position du Gouvernement. J’entends beaucoup d’excitation sur les bancs de l’opposition.

M. Philippe Vitel. Non, c’est de l’exaspération face à la bêtise et à l’injustice !

M. Michel Issindou. Vous êtes tous montés au créneau – y compris le président Jacob, ce qui est remarquable – pour employer toute une panoplie de termes forts, du siphon au hold-up : votre enthousiasme est réjouissant. J’ai aussi entendu les propos bien plus calmes qu’ont tenus M. Sebaoun puis M. le secrétaire d’État, lequel a expliqué dans les termes les plus précis ce qu’était cette caisse de congés payés. Il a notamment indiqué qu’il n’y aurait aucune différence ni pour les entreprises ni pour les salariés.

M. Bernard Accoyer. Si !

M. Michel Issindou. Nous revenons donc à un système de droit commun.

M. Jacques Myard et M. Christian Jacob. C’est faux !

M. Michel Issindou. Voilà tout ce qui importe : qu’il n’y ait aucune perturbation, ni pour l’entreprise ni pour les salariés.

Nous avons nous aussi rencontré les entreprises du secteur du bâtiment, que la crise inquiète sur au moins deux points. L’investissement, tout d’abord, et notamment l’investissement public : le Gouvernement, me semble-t-il, a fait des propositions dans le projet de loi de finances afin qu’il ne baisse pas.

M. Bernard Accoyer. Il ne baisse pas ; il s’effondre !

M. Michel Issindou. Ces propositions sont tout à fait légitimes. Nous sommes en effet attachés au bon fonctionnement de ces entreprises.

Le deuxième point est bien plus important encore…

M. Bernard Accoyer. C’est la loi ALUR !

M. Michel Issindou. Il s’agit de la concurrence que ces entreprises estiment déloyale en raison de l’arrivée de travailleurs détachés provenant de certains pays européens. Nous avons pris des mesures en la matière.

Voilà ce qui préoccupe aujourd’hui les entreprises du bâtiment. Dans ces conditions et compte tenu des explications à la fois calmes et convaincantes du Gouvernement, le groupe SRC votera contre les amendements de suppression.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 42, 100, 119, 183, 289, 376 et 452.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants41
Nombre de suffrages exprimés40
Majorité absolue21
Pour l’adoption14
contre26

(Les amendements identiques nos 42, 100, 119, 183, 289, 376 et 452 ne sont pas adoptés.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous allez trop vite, monsieur le président ! Je n’ai pas eu le temps de me rendre à mon banc pour voter contre ces amendements !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement n101.

Mme Dominique Nachury. L’article 40 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 prévoyait la remise au Parlement, au plus tard le 1er juillet 2013, d’un rapport du Gouvernement sur le sujet dont nous venons de débattre longuement. Le Parlement attend toujours ce rapport, qui devait apporter des éclaircissements concernant les modifications éventuelles à apporter au fonctionnement des caisses de congés payés. Cet amendement vise donc à modifier l’article 14 afin que le Gouvernement remette ce rapport au Parlement au plus tard le 1er juillet 2015.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La Cour des comptes vient déjà de rendre public un rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, dont j’ai mentionné des extraits, mais si le Gouvernement souhaite remettre un rapport supplémentaire sur ce point, j’y serai tout à fait favorable à titre personnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je trouve les arguments du Gouvernement un peu courts… Il avait été prévu, lors du débat sur la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013, qu’un rapport soit rédigé. Il appartenait donc au Gouvernement de le faire ; il ne l’a pas fait.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il valait mieux…

M. Patrick Hetzel. C’est la raison pour laquelle Mme Nachury propose cet amendement : elle considère en effet que la moindre des choses serait de disposer d’éléments factuels. Le fait que le Gouvernement renonce à argumenter témoigne de sa faiblesse, car le présent article 14 aura de fortes incidences sur lesquelles nous n’avons aucune étude d’impact préalable. Voilà pourquoi je parlais tout à l’heure d’une politique de gribouille : le Gouvernement prend des décisions qui ne s’appuient sur aucune information susceptible d’accréditer en amont les thèses qu’il défend ! La moindre des choses est tout de même de s’appuyer sur des informations sérieuses et crédibles avant de prendre une décision ! C’était d’ailleurs la raison d’être du rapport prévu par la loi de 2013.

Je suis donc surpris par la manière dont le Gouvernement fonctionne. Il devait nous présenter un rapport ; je considère que c’est un cas de mépris du Parlement !

M. Jacques Myard. Bravo !

(L’amendement n101 n’est pas adopté.)

M. le président. Les amendements rédactionnels, nos 869 et 874, sont défendus par M. Gérard Bapt, rapporteur.

(Les amendements nos 869 et 874, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 14, amendé, est adopté.)

M. le président. Pour la bonne organisation de chacun, je vous informe d’ores et déjà que, à la demande du Gouvernement, nous examinerons dès le début de la quatrième partie du projet de loi, avant l’article 29, les amendements portant article additionnel avant l’article 65, les articles 65 et 66 et les amendements portant article additionnel après l’article 66. Nous reprendrons ensuite le cours normal de la discussion.

Article 15

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, inscrit sur l’article.

M. Dominique Tian. Cet article, qui concerne le renforcement et l’efficacité des contrôles, va plutôt dans le bon sens. Il porte en effet sur des modalités de contrôle destinées aux petites entreprises et prévoit notamment que les contrôles visant « les entreprises occupant moins de dix salariés ou les travailleurs indépendants ne peuvent s’étendre sur une période supérieure à trois mois ».

L’entame était bonne ; la suite se gâte quelque peu, hélas. Les alinéas suivants, en effet, atténuent largement la portée de cette disposition, puisqu’il est prévu que cette période de trois mois peut être prorogée une fois à la demande de l’employeur contrôlé – cela se conçoit – ou de l’organisme de recouvrement sans qu’aucun délai maximum soit fixé. Je le regrette, car il se serait agi d’une mesure de simplification pour les petites entreprises qui, par définition, font l’objet de petits contrôles.

M. le président. L’amendement rédactionnel n872 de M. Gérard Bapt, rapporteur, est défendu.

(L’amendement n872, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n377.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

(L’amendement n377, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement rédactionnel n870 de M. Gérard Bapt, rapporteur, est défendu.

(L’amendement n870, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n378.

M. Dominique Tian. Dans un souci de transparence, il est important que le cotisant soit informé de la limitation de la durée du contrôle. Or l’article ne le prévoit pas. Cet amendement a pour objet de le préciser.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, considérant que la question de l’information des cotisants pourrait être réglée dans le décret d’application.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cette obligation d’information, d’ordre réglementaire, existe déjà. De toute façon, si le délai est dépassé, le redressement sera invalidé. Cet amendement est donc superfétatoire et je prie M. Tian de le retirer. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Tian, souhaitez-vous maintenir cet amendement ?

M. Dominique Tian. À partir du moment où le rapporteur, pour qui j’ai beaucoup de respect, a estimé qu’il serait bon de compléter le dispositif, je maintiens cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit d’une disposition d’ordre réglementaire qui existe déjà. Et si le moindre doute subsistait, les paroles que je viens de prononcer feraient foi. Vous voulez inscrire dans la loi une disposition d’ordre réglementaire et qui existe déjà ?

Je n’y suis pas favorable ; la loi est déjà trop souvent bavarde.

(L’amendement n378 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n379.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n379 n’est pas adopté.)

M. le président. Les deux amendements rédactionnels, nos 871 et 881, de M. Gérard Bapt, rapporteur, sont défendus.

(Les amendements nos 871 et 881, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n883.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Les contrôles de l’URSSAF portant généralement sur une période de trois ans plus l’année en cours, la durée sur laquelle peut porter la transaction doit être fixée à quatre ans. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement de bonne coordination.

(L’amendement n883 est adopté.)

M. le président. Les amendements rédactionnels nos 882 et 880 de M. Gérard Bapt, rapporteur, sont défendus.

(Les amendements nos 882 et 880, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n380.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n380 n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement rédactionnel n873 de M. Gérard Bapt, rapporteur, est défendu.

(L’amendement n873, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n494 qui fait l’objet de trois sous-amendements, nos 938, 939 et 940.

La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n494.

M. Gérard Sebaoun. L’URSSAF a la possibilité de transiger, même si elle ne le fait que rarement. Les transactions peuvent permettre davantage d’efficacité, notamment en évitant des contentieux. Il est souhaitable d’y recourir uniquement dans la transparence, tant à l’égard de l’État que des administrateurs de l’URSSAF. C’est pourquoi nous proposons que toute transaction soit adressée à la Mission nationale de contrôle – MNC – et que le directeur de l’URSSAF en rende compte annuellement à son conseil d’administration.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir les sous-amendements nos 938, 939 et 940 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n494.

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’amendement n494 est digne d’intérêt puisqu’il vise à répondre à l’inquiétude des organisations syndicales concernant l’obscurité pouvant entourer les décisions prises par le directeur lorsqu’elles échappent à la commission de recours amiable – CRA.

Je vous propose néanmoins de le compléter en adoptant trois sous-amendements rédactionnels.

L’amendement prévoit, à juste titre, que les transactions soient communiquées à l’État. Les sous-amendements visent à préciser qu’elles devront être transmises à la mission nationale de contrôle – MNC – et à déplacer l’amendement afin qu’il s’intègre mieux dans le dispositif prévu à l’article 15.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable aux trois sous-amendements, essentiellement rédactionnels, présentés par le rapporteur. Sous réserve de leur adoption, il est favorable à l’amendement défendu par M. Sebaoun.

(Les sous-amendements nos 938, 939 et 940, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L’amendement n494, sous-amendé, est adopté.)

(L’article 15, amendé, est adopté.)

Après l’article 15

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n381.

M. Dominique Tian. Nous savons, s’agissant des URSSAF, que les commissions de recours amiables ne font qu’entériner les positions des organismes publics, leurs membres n’étant pas indépendants.

Il est donc indispensable d’ouvrir ces commissions en permettant aux cotisants, s’ils le désirent, de défendre leur dossier. Cette position n’est pas choquante puisqu’elle est prévue pour les commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires.

Cette solution, qui permettrait de renforcer le droit des cotisants, relève, me semble-t-il, du bon sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’intention est louable, mais la CRA est un organisme pré-contentieux et non une juridiction. Elle doit donc pouvoir rendre des décisions très rapidement, d’autant qu’elle est généralement très encombrée.

Si nous permettons aux cotisants de se défendre…

M. Dominique Tian. Ce qui paraît normal !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …ils pourront se faire représenter par des avocats ou des comptables, ce qui allongera considérablement les délais. Il ne faut pas alourdir les procédures devant la CRA et transformer celle-ci en organisme juridictionnel. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission. La procédure n’a lieu d’être contradictoire que lorsque le tribunal des affaires de sécurité sociale – TASS – est saisi.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le rapporteur, vous avez dit que cet amendement répondait à une vraie problématique.

Il est très important d’assurer le caractère contradictoire. Le droit de chacun à être entendu participe de la protection des personnes. Il s’agit là de permettre aux cotisants non pas de se défendre, mais simplement de se faire entendre et de pouvoir échanger.

Si le caractère contradictoire était assuré devant les CRA, cela permettrait d’éviter que certains litiges soient portés devant des juridictions qui sont déjà engorgées.

M. Jacques Myard. Très bien !

(L’amendement n381 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n955.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement vise à résorber la dette sociale qui freine le développement de l’agriculture corse. Il réactive les dispositions du plan de désendettement social de l’agriculture corse mis en œuvre par l’article 122 de la loi de finances rectificative de 2005, sous réserve de la prise en compte des conclusions d’une mission d’inspection générale.

Pour les petites dettes – moins de 10 000 euros –, les cotisations seraient prises en charge sur les crédits d’action sociale de la MSA, pour un montant estimé de 4 millions d’euros. Cette prise en charge serait strictement encadrée.

Pour les dettes plus importantes – supérieures à 10 000 euros –, il est prévu un effacement de la dette « ancienne », antérieure à 1996, hormis la part ouvrière des cotisations et la CSG sur les salaires, à la condition que soit mené à son terme un échéancier de paiement des dettes postérieures à 1995 et antérieures à 2014.

Faute de recouvrement des sommes relatives à des affaires souvent très anciennes, la situation de la MSA en Corse est particulièrement déséquilibrée et difficile pour les gestionnaires. Le Gouvernement souhaite remettre les choses à plat et permettre l’absorption d’une partie de cette dette sociale pour permettre à la MSA de Corse de repartir sur des bases plus sereines.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement, qui prévoit un plan de désendettement des dettes sociales corses.

Le Premier président de la Cour des comptes, que la commission a récemment entendu, souhaite un renforcement du recouvrement des cotisations sociales en Corse. J’imagine que l’amendement du Gouvernement s’inscrit dans une perspective de remise à plat d’un tel recouvrement. À titre personnel, je suis circonspect.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. J’entends bien les difficultés de la MSA en Corse et je peux comprendre que vous souhaitiez y remédier.

Néanmoins, quel message enverrions-nous si nous adoptions une telle mesure ?

Trouvez-vous normal de prélever 2 milliards sur les caisses de congés payés du bâtiment, qui sont bien gérées et excédentaires de 6 milliards d’euros, et dans le même temps de renflouer les caisses déficitaires, et certainement, à un moment ou à un autre, mal gérées ? Faut-il comprendre que dans notre pays on ponctionne ce qui est bien géré et on renfloue ce qui est mal géré ?

M. Bernard Accoyer. Il faudrait répondre à cette question !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je suis d’accord avec M. Barbier, d’ailleurs je m’apprêtais à utiliser le même argumentaire.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est le bon sens !

M. Francis Vercamer. Nous voyons arriver en séance un amendement qui n’a pas été examiné en commission et qui vise à « atténuer les conséquences économiques résultant de mouvements sociaux ». C’est assez curieux pour un gouvernement de gauche ! Est-ce que cela signifie que le Gouvernement s’engage à atténuer les conséquences d’une grève, par exemple ?

Le dispositif sera-t-il valable partout en France ou uniquement pour certaines caisses ? La politique consistant à atténuer les conséquences économiques des grèves dans les entreprises sera-t-elle dorénavant une politique générale du Gouvernement ?

M. le président. De quel amendement parlez-vous, monsieur Vercamer ?

M. Francis Vercamer. De l’amendement n960 rectifié, monsieur le président.

M. le président. Nous débattons pour l’instant de l’amendement n955.

M. Francis Vercamer. Je vous prie de bien vouloir m’excuser, monsieur le président. Cela étant, l’argument tient toujours !

(L’amendement n955 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n960 rectifié.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit là encore de traiter un problème ponctuel et grave. Des mouvements sociaux ont affecté le maintien de la continuité territoriale avec la Corse. Au cours des négociations visant à y mettre un terme, le Gouvernement s’est engagé à exempter des cotisations du troisième trimestre 2014 les entreprises se trouvant dans l’incapacité de les payer. Tel est l’objet de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Nous aimons tous la Corse et certains d’entre nous y ont même effectué leur service national.

M. Dominique Tian. Oui, dans la gendarmerie ! (Sourires.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Nous avons contribué tout à l’heure à dégonfler la dette agricole corse, il s’agit à présent d’indemniser l’entrave au fonctionnement touristique de la Corse qu’a constitué le mouvement social survenu au mois de juin et juillet derniers. Compte tenu de l’apport de la Corse à la capacité touristique française, je suis, à titre personnel, favorable à cet amendement que la commission n’a pas eu le loisir d’examiner. Pouvez-vous cependant, monsieur le secrétaire d’État, en évaluer le coût ?

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je traiterai cette fois-ci du bon amendement ! (Sourires.) Vous n’avez pas répondu à ma question, monsieur le secrétaire d’État. Les entreprises pénalisées demain par un mouvement social bloquant par exemple les autoroutes seront-elles exemptées de cotisations ? En outre, prendre une mesure ponctuelle valable à un endroit précis sans la généraliser n’est probablement pas constitutionnel, car il en résulterait une rupture d’égalité des Français devant l’impôt. Je doute que le Conseil constitutionnel l’approuve.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vais m’efforcer de répondre, fût-ce de façon insatisfaisante, à la question posée par M. le rapporteur. L’objectif est d’indemniser les entreprises ou le secteur d’activité ayant souffert d’un événement indépendant de leur volonté, en l’espèce la rupture de la continuité territoriale en raison de mouvements sociaux. Le dispositif est assez précis et il faudra, pour en bénéficier, faire valoir une baisse de chiffre d’affaires en fonction de laquelle sera accordée ou non une remise de cotisations.

C’est un dispositif mis en œuvre dans d’autres situations, par exemple en cas de calamités dues aux intempéries ou si un secteur subit les conséquences d’éléments extérieurs à son activité dont il n’est pas responsable – il n’est pas rare alors que la solidarité nationale l’aide à passer ce moment délicat. Je vous accorde, monsieur le rapporteur, que le coût d’un tel amendement est difficilement chiffrable, mais tel est son esprit et telle est la façon dont le Gouvernement entend l’appliquer.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’objectif du Gouvernement est d’indemniser les entreprises victimes de mouvements sociaux, selon les propos tenus par M. le secrétaire d’État. Le dispositif proposé, comme l’a dit mon collègue Francis Vercamer, laisse perplexe. Faut-il l’étendre à toutes les entreprises ? À tous les secteurs économiques ? Faut-il le pérenniser ?

M. Michel Issindou. Il ne faut pas exagérer !

Mme Véronique Louwagie. Cela ne revient-il pas à donner un blanc-seing à tous les mouvements sociaux dès lors que leurs conséquences économiques et financières sur les entreprises directement et indirectement concernées seront prises en charge par l’État ? Au détour d’un amendement déposé par le Gouvernement, on instaurerait là un dispositif à la portée considérable dont la mesure ne semble pas avoir été prise faute d’une attention suffisante. Un tel dispositif pourrait tache d’huile et serait porteur d’un message à mon avis pas très sain.

(L’amendement n960 rectifié est adopté.)

Article 16

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, inscrit sur l’article.

M. Denis Jacquat. Les auditions que j’ai menées en tant que rapporteur de la branche AT-MP ont montré que la mesure proposée par l’article, inspirée d’une recommandation formulée par la Cour de cassation dans son rapport d’activité de 2012, était réellement une mesure de simplification.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n382.

M. Dominique Tian. Le sujet est aride. En raison des nombreuses décisions administratives qui sont intervenues, l’amendement vise à rédiger ainsi l’alinéa 4 de l’article 16 : « Lorsque le remboursement desdites cotisations naît d’une décision administrative ou juridictionnelle qui modifie le taux de la tarification du risque, la demande de remboursement des cotisations d’accident du travail et des maladies professionnelles peut porter sur l’ensemble de la période à laquelle s’appliquent les bases ainsi rectifiées ». Il s’agit de mettre la loi en conformité avec les décisions de justice, comme le réclament d’ailleurs de nombreuses entreprises.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’amendement vise modifier la rédaction de l’article 16 concernant la prescription des cotisations AT-MP indûment versées. Cette question a déjà fait l’objet de plusieurs amendements au PLFSS 2014 et au projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale examiné l’été dernier. Le Gouvernement s’était alors engagé à apporter une réponse à cette question.

L’article 16 concrétise cet engagement. En effet, en cas de décision administrative ou juridictionnelle favorable à l’employeur, la demande de remboursement des cotisations AT-MP indues pourra porter sur l’ensemble de la période au cours de laquelle les taux sont rectifiés, par dérogation à la prescription triennale. L’amendement est donc satisfait par la rédaction actuelle de l’article 16.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je ne suis pas spécialiste du sujet, mais les dirigeants d’Air France m’ont fait savoir que la prescription de trois ans profitait à ceux qui ne répondent pas ou très tardivement, de sorte qu’ils ne sont pas obligés de payer, ce qui est tout de même extrêmement grave. Il me semble qu’il faut approfondir l’aspect juridique de la question. D’après les juristes d’Air France, les caisses doivent huit millions d’euros à la compagnie. Sans être spécialiste du sujet, j’ai tendance à penser qu’ils n’ont peut-être pas tort, monsieur le rapporteur. Nous avons déjà eu cette discussion l’année dernière, émaillée de quelques hésitations. Peut-être ai-je raison ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous aviez raison l’an dernier, mais cette année l’article 16 vous donne satisfaction. Sans doute vos interlocuteurs n’ont-ils pas eu le temps de l’examiner !

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Dans ces conditions, je retire l’amendement.

(L’amendement n382 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 791 et 790, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Dominique Tian, pour les soutenir.

M. Dominique Tian. Je les retire en raison de ce que vient de dire M. le rapporteur.

(Les amendements nos 791 et 790 sont retirés.)

(L’article 16 est adopté.)

Après l’article 16

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n491.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est un amendement de conséquence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n491 est adopté.)

Article 17

(L’article 17 est adopté.)

Après l’article 17

M. le président. La parole est à M. Philippe Armand Martin, pour soutenir l’amendement n6.

M. Philippe Armand Martin. L’article L. 731-23 du code rural institue une cotisation dite « de solidarité » à la charge d’un nombre important de petits dirigeants, en particulier des dirigeants viticoles exploitant de petites surfaces de vigne achetées tout au long de leur carrière ou héritées, ce qui bien sûr ne suffit pas pour vivre. Ces personnes paient donc une cotisation dite de solidarité très élevée, sans pouvoir prétendre à des droits en matière de couverture sociale ou de points de retraite, et alors qu’elles sont déjà souvent assujetties à la CSG et à la CRDS qui sont également des contributions de solidarité. Il semble tout à la fois inéquitable et inopportun de faire peser sur elles une cotisation de solidarité supplémentaire. Voilà pourquoi je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir supprimer cette disposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Les petits exploitants assujettis à la cotisation de solidarité ne paient ni la CSG ni la CRDS. De même, les associés non exploitants et les agriculteurs bénéficiaires de la CMUC en seront exonérés. La cotisation pèse donc uniquement sur les exploitants qui ne sont astreints ni à la CSG ni à la CRDS.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n6 n’est pas adopté.)

Article 18

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n941 rectifié.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement concerne une dizaine de salariés de la Caisse maritime d’allocations familiales travaillant non pas sur le site de La Rochelle mais dans d’autres villes, en particulier Saint-Malo, Lorient, Sète, Boulogne-sur-Mer et Le Guilvinec.

Mme Isabelle Le Callennec. Après la Corse, la Bretagne ! (Sourires.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Plusieurs collègues nous ont signalé leur situation. L’amendement vise à rattacher ces salariés à la caisse du département de leur lieu d’activité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Alaux.

Mme Sylviane Alaux. La décision de supprimer la Caisse maritime d’allocations familiales ne comble pas d’aise les marins et le monde maritime en général !

M. Dominique Tian. En effet !

Mme Sylviane Alaux. Elle se fonde sur deux critères, uniformité et économies. Uniformité peut-être, nous pourrions en discuter. Mais économies, si peu – et seulement la première année. Ainsi que cela est dit et écrit dans les textes, cette décision n’aura pas d’impact financier pérenne sur les dépenses des régimes. Dans les faits, elle ne constitue pas une « simplification » pour la vie des marins, et elle aura également un impact sur leur accompagnement social.

On m’a répondu qu’il s’agissait de conforter l’ENIM – Établissement national des invalides de la marine. À terme, c’est cet établissement – dont l’avenir est régulièrement remis en cause – qui est visé. Les documents dont nous avons eu connaissance évoquent d’ailleurs à plusieurs reprises l’intention de déléguer les missions de l’ENIM aux URSSAF. On y lit par exemple que « de possibles économies supplémentaires pourront être observées à terme, en fonction des possibilités de délégation de l’ENIM vers l’URSSAF. » Je tenais à le faire entendre.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Permettez-moi de répondre aux interrogations de Mme Alaux. Ce qui est en cause, c’est la multiplicité d’organismes de très petite taille qui gèrent un faible nombre d’ayants droit – souvent, d’ailleurs, en déléguant cette gestion à des organismes plus importants. Je rappelle que la CMAF – Caisse maritime d’allocations familiales – concerne aujourd’hui 6 513 foyers d’allocataires et gère 26 millions d’euros de prestations, et que l’ENIM compte 27 000 marins cotisants pour 521 millions d’euros de prestations maladie. Le rapprochement de ces organismes de petite taille permet une gestion plus rationnelle ; il ne s’agit pas de remettre en cause le niveau des prestations, mais de promouvoir des mesures de bonne gestion. Il y a d’ailleurs bien d’autres cas dans lesquels le faible nombre des ayants droits justifie des mises en commun de moyens. Il n’y aura pas de changement en ce qui concerne les prestations.

(L’amendement n941 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n209.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n209, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 18, amendé, est adopté.)

Après l’article 18

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir l’amendement n899 rectifié.

Mme Bernadette Laclais. Cet amendement concerne les cotisations d’un certain nombre de personnels religieux. Je propose que les ministres du culte et membres des collectivités religieuses, qui sont rattachés à la CAVIMAC – Caisse d’assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes – et affiliés au régime général, cotisent sur une assiette plus représentative de leurs revenus, afin de mieux préserver ultérieurement leurs droits à la retraite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission n’a pas eu le loisir de discuter de cet amendement, qui a été examiné au titre de l’article 88. Il propose que les ministres du culte et membres des collectivités religieuses puissent cotiser sur une assiette plus large que le SMIC mensuel lorsque leurs revenus d’activité sont supérieurs à cette base forfaitaire. Vous relevez notamment que cette catégorie d’assurés bénéficie d’un abattement du taux de droit commun pour la cotisation patronale maladie – 7,8 % ou 8,4 % au lieu de 12,80 %. La commission attend avec intérêt l’expertise du Gouvernement sur cette proposition.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ainsi que vous l’avez rappelé, madame la députée, les ressortissants des cultes ne sont pas des salariés, du moins pas partout – en Alsace-Moselle, le professeur Jacquat le sait, la situation est différente. Ils n’ont donc ni contrat de travail, ni salaire. C’est pourquoi un régime spécifique de cotisation a été mis en place. Il est fondé sur une assiette forfaitaire, pour tenir compte de la vie religieuse et de la mise en commun des biens, qui ne permettent pas de déterminer un revenu individuel aux membres de ces communautés. Cette assiette est fixée au niveau du SMIC et permet d’ouvrir des droits satisfaisants aux affiliés, même s’ils ont en réalité, comme c’est souvent le cas, de faibles rémunérations. Depuis le 1er janvier 1998, les taux de cotisation sont proches de ceux du régime général, et depuis le 1er janvier 2006, des cotisations de retraite complémentaire obligatoire ont été mises en place pour les ministres du culte qui déclarent percevoir une rémunération individualisée.

Il ne me semble pas opportun de remettre aujourd’hui en cause ces règles, qui tiennent compte des spécificités de ce régime. L’alignement sur le régime général que vous proposez ferait perdre à de nombreux assurés le bénéfice du mécanisme d’assiette forfaitaire. Je vous invite donc à retirer cet amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Permettez-moi de compléter le propos du secrétaire d’État. Nous avions abordé ici même il y a quelques années, à l’occasion de la discussion d’un texte dont j’étais le rapporteur, ce problème des prêtres et des religieux, et même celui des personnes ayant quitté les ordres ou la prêtrise. Ils cotisaient alors, pour la plupart, à des mutuelles comme la mutuelle Saint-Martin, et il s’agissait de les fédérer autour de la CAVIMAC. Nous étions parvenus à un consensus en ce sens. J’avoue ne plus en avoir entendu parler depuis, sachant en outre que le nombre de prêtres et de religieux diminue considérablement dans notre pays.

Michel Issindou m’a succédé en tant que rapporteur pour l’assurance vieillesse, mais ni lui ni moi n’avons entendu reparler de ce sujet ces dernières années.

Très sincèrement, il me semble que le secrétaire d’État a raison. S’il y a des cas résiduels ou des situations à résoudre, mieux vaut en discuter entre nous qu’au détour d’un amendement rapidement examiné au titre de l’article 88.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. J’en conviens, et je suis prête à retirer cet amendement, qui était un amendement d’appel. Il y a un certain nombre de dysfonctionnements ; des collègues – aussi bien députés que sénateurs – ont été saisis, notamment au sujet de la retraite des ministres des cultes, dont un certain nombre se trouvent en difficulté. La solution passe par des taux de cotisation plus élevés pour ceux qui cotisent actuellement.

Je veux bien retirer l’amendement, mais je souhaite que nous ouvrions sereinement ce débat. Il y a un intérêt à ce que l’ensemble des groupes parlementaires se saisissent de cette question, à l’Assemblée comme au Sénat.

(L’amendement n899 rectifié est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 383 et 453, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n383.

M. Dominique Tian. Cet amendement, que j’ai notamment déposé avec Élie Aboud et Valérie Boyer, est d’une grande simplicité. Il s’agit de mettre fin à une situation dite provisoire, qui ne dure que depuis soixante-dix ans. Il serait peut-être enfin temps de créer un régime de Sécurité sociale commun à l’ensemble des Français, ce qui suppose de mettre fin aux régimes spéciaux.

M. Jean-Yves Caullet. C’est vrai qu’en dix ans, vous ne vous en êtes pas aperçus !

M. Dominique Tian. Le législateur avait pris soin de préciser dans le code de la Sécurité sociale que certaines branches d’activité ne pouvaient demeurer que « provisoirement soumises à une organisation spéciale ». Soixante-dix ans après, on peut raisonnablement estimer que le provisoire a fait son temps.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n453.

M. Francis Vercamer. Si vous le permettez, monsieur le Président, je défendrai en même temps les amendements nos 453, 455 et 454.

Les régimes spéciaux sont mal compris des Français, qui cotisent pour la plupart au régime général. L’existence d’un certain nombre de régimes spéciaux, d’ailleurs très différents les uns des autres, crée en effet un sentiment d’injustice.

Le Gouvernement vient de créer le compte pénibilité. C’est l’occasion de remettre à plat tous ces régimes spéciaux, dont l’existence se justifiait hier par le fait que certains métiers étaient plus pénibles ou plus dangereux. Ils ne le sont plus nécessairement, mais on a conservé les régimes spéciaux. Pour éviter des conflits, on a refusé – et ce quel que soit le gouvernement en place – de remettre les choses à plat.

Ces régimes restent néanmoins injustes. Je vous en donne quelques exemples. Les adhérents du régime des professions libérales partent en moyenne à la retraite à 63,7 ans, contre 54,4 ans pour ceux du régime de la RATP – Régie autonome des transports parisiens. Il y a donc dix années d’écart entre les deux régimes. Le montant des pensions varie également fortement : alors que le montant mensuel brut moyen s’établit à 1 256 euros, il est de 2 366 euros, soit quasiment le double, pour les retraités de la Caisse nationale des industries électriques et gazières.

Je ne dis pas que les adhérents de telle ou telle caisse n’ont pas un travail pénible, mais simplement que la création du compte pénibilité est l’occasion de remettre tout cela à plat.

Les régimes spéciaux sont en outre très coûteux, puisque nous sommes contraints de leur verser des subventions d’équilibre. Ils sont ainsi financés à hauteur de 7 milliards d’euros par le régime général.

Nos amendements proposent donc plusieurs mesures, allant de l’alignement progressif sur le régime général à l’extinction progressive des régimes spéciaux pour l’amendement n453, qui prévoit qu’à partir d’une certaine date, les nouveaux personnels des branches d’activité ou des entreprises concernées relèvent du régime général, mais que ceux qui bénéficiaient du régime antérieur le conservent. Ces propositions nous semblent constituer une mesure de justice à l’égard des Français, surtout à l’heure où nombre de ceux qui cotisent au régime général souffrent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements nos 383 et 453 ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements, en appelant à faire confiance à la loi Fillon, qui a prévu un rapprochement progressif, dans la durée, des différents régimes. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Nous sommes un peu dans le même débat que tout à l’heure, à ceci près qu’il est aggravé par la situation économique que nous connaissons aujourd’hui. Il importe donc que nous fassions œuvre de justice sociale. Si ces régimes n’étaient pas déficitaires – ils ne l’étaient pas au moment où ils ont été créés, ce qui explique d’ailleurs qu’ils aient perduré –, il n’y aurait pas de problème. Mais aujourd’hui, nous ne pouvons faire supporter à un régime général lui-même très affaibli toutes les vicissitudes de ces régimes particuliers ou spéciaux. Il est plus que temps de remettre de la justice sociale dans notre système de Sécurité sociale, non en sanctionnant les plus vertueux, mais en revenant au bon sens. C’est d’ailleurs ce que les Français nous réclament. Il y a trop de souffrance aujourd’hui, et le système est devenu injuste à certains égards.

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou, rapporteur. Nous pourrions nous croire revenus un an en arrière, au moment de la discussion de la réforme des retraites.

Permettez-moi de dire quelques mots : nous ne pouvons laisser M. Vercamer et Mme Boyer s’exprimer sur le sujet sans leur apporter un brin de contradiction. Ce qu’ils appellent aujourd’hui de leurs vœux avec tant de conviction, ils ont eu dix ans et trois réformes pour le faire…

M. Francis Vercamer. Nous avons toujours défendu cette proposition !

M. Michel Issindou, rapporteur. …et ils ne l’ont pas fait. C’est tellement plus facile d’avoir des idées et de convaincre quand on est dans l’opposition !

Pour leur rafraîchir la mémoire, je leur rappellerai qu’en 2008, une réforme passée pour l’essentiel par décret a aligné progressivement les régimes spéciaux sur le régime général. Elle prévoit un allongement de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein, qui devrait rejoindre celle en vigueur pour le régime général à l’horizon 2020 ou 2017 – on pourra certes toujours partir plus tôt, mais avec une retraite tellement dégradée que de fait, les dates de départ en retraite se rapprocheront de celles du régime général.

Les taux de cotisation sont à présent les mêmes ; les régimes les plus spéciaux, si je puis dire, sont aujourd’hui en cours d’alignement.

Il n’est donc sans doute pas utile de relancer ce débat, en tout cas dans ce PLFSS. La réforme des retraites a été engagée, et je vous rappelle qu’elle a prévu de rétablir l’équilibre financier d’ici 2020 et d’allonger, par la suite, la durée de cotisation. La trajectoire du retour à l’équilibre du régime des retraites par répartition est assurée, et bien assurée. Ce n’est pas le moment de s’en inquiéter particulièrement.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je veux dire à M. Issindou que le groupe centriste a toujours déposé ces amendements, quel que soit le gouvernement en place, parce que nous considérons que ce n’est pas une question de gouvernement mais de justice sociale.

Par ailleurs, il existe de grandes différences au sein même des régimes spéciaux. Par exemple, les régimes agricoles ou les régimes des indépendants sont complètement décalés par rapport à d’autres régimes spéciaux. Cela ne concerne donc pas seulement les relations entre le régime général et les régimes spéciaux, mais les rapports entre les régimes spéciaux eux-mêmes.

C’est pour cela que nous souhaiterions consolider le régime général, de façon à ce que le traitement de ses bénéficiaires soit un peu amélioré, en diminuant légèrement les avantages offerts par les régimes spéciaux les plus avantageux, à l’image des pensions versées par certains régimes, que j’évoquais précédemment.

Le principe consiste donc à placer tous les Français sur un pied d’égalité, d’autant que vous avez créé le compte pénibilité, qui va peut-être permettre, à l’avenir, de réguler la pénibilité dans le cadre des régimes de retraite. Autant mettre la question à plat tout de suite, parce qu’une fois que votre compte pénibilité aura été mis en œuvre, vous aurez du mal à revenir en arrière sur les régimes spéciaux. C’est l’occasion ou jamais : voilà pourquoi j’ouvre ce débat aujourd’hui.

(Les amendements nos 383 et 453, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 455, 384 et 454, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 384 et 454 sont identiques.

Monsieur Vercamer, peut-on considérer que vous avez déjà défendu l’amendement n455 ?

M. Francis Vercamer. Oui.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n384.

Mme Véronique Louwagie. Le débat est à peu près de la même nature que celui que nous avons eu sur les amendements précédents. Par ces amendements, nous avons pour objectif de mettre fin à des disparités : non pas d’opposer les uns aux autres, mais d’aller vers une situation d’égalité de tous les Français. Il est important de l’expliquer.

Il a été dit précédemment que la loi sur les retraites allait se traduire par un alignement : je crois que l’on en est encore loin. Il existe des disparités sur les modalités de calcul des prestations : dans certains cas sont pris en compte les six derniers mois de traitement, dans d’autres les 25 meilleures années ; on peut bénéficier dans certains cas de possibilités de départ anticipé, pas dans d’autres ; certains Français bénéficient de bonifications d’annuités et de trimestres gratuits ; il existe des pensions de réversion calculées de manière très différente. Comment peut-on alors expliquer aux Français qu’à un moment donné, chacun n’a pas les mêmes droits et ne se trouve pas dans une même situation d’égalité ?

Il est un principe en vertu duquel les Français naissent et demeurent libres et égaux en droits. On peut s’interroger sur la pertinence de ce principe tout au long de la vie de nos compatriotes, car il existe une véritable injustice au moment du départ à la retraite et des droits qui sont alors générés. Telle est la raison de cet amendement, qui vous est proposé pour mettre fin à ces inégalités.

M. le président. Monsieur Vercamer, peut-on considérer que vous avez soutenu l’amendement n454 ?

M. Francis Vercamer. Oui.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable : c’est le même débat que celui que nous avons eu précédemment.

(Lamendement n455 et les amendements identiques nos 384 et 454, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n385.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

(L’amendement n385, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n386.

M. Dominique Tian. Il est également défendu.

(L’amendement n386, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n889.

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement est soutenu par plusieurs députés des Français de l’étranger appartenant à des groupes politiques différents ; il semble faire l’objet d’un consensus. Il a pour objet de demander au Gouvernement la remise d’un rapport sur la protection sociale des Français établis hors de France, qui porterait notamment sur l’activité de la Caisse des Français de l’étranger et la fameuse question de la délivrance des certificats de vie, qui semble se caractériser par des délais très courts, ce qui entraîne des décalages dans l’obtention des droits. Je ne détaille pas davantage la question car on en a déjà parlé dans cet hémicycle. On attend à présent la réaction du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement mais je souhaite vous apporter quelques précisions sur des aspects qui me paraissent déjà satisfaits.

S’agissant de la retraite et des certificats de vie, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 a constitué une avancée importante, puisqu’elle a espacé la périodicité à laquelle ces certificats doivent être envoyés : telle était, me semble-t-il, votre préoccupation.

En outre, aux termes de l’article 45 de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir de la justice et du système de retraite, « le Gouvernement remet au Parlement un rapport détaillant les conditions d’application des conventions internationales bilatérales existant en matière de retraite et évaluant les conséquences de leur mise en œuvre pour les Français ayants droit de systèmes étrangers dès lors qu’ils ne résident plus dans l’État concerné. Le rapport examine également les difficultés liées à la perception d’une pension de retraite à l’étranger. » Sur ce point, peut-être Mme la ministre peut-elle nous apporter des précisions.

Enfin, le rapport demandé porte sur un champ beaucoup plus large. Tous ces sujets pourraient plutôt justifier l’élaboration d’un rapport d’information. Nombreux sont les représentants des Français de l’étranger, dans cet hémicycle, qui pourraient demander la constitution d’une telle mission d’information. Peut-être Mme la ministre nous apportera-t-elle des explications supplémentaires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le député Jean-Louis Roumegas, je ne peux que faire écho à ce qui vient d’être dit par le rapporteur. C’est un sujet que vous évoquez d’ailleurs de façon extrêmement régulière dans le cadre de nos débats, quels qu’ils soient : nous en avons ainsi parlé lors du précédent PLFSS et lors de l’examen du projet de loi sur les retraites. Vous avez d’ailleurs fait adopter un article prévoyant la rédaction d’un rapport portant précisément sur ces enjeux de protection sociale pour les Français résidant à l’étranger. Ce rapport est en cours de rédaction. Aussi, aller dans le sens de ce que vous proposez aujourd’hui serait redondant par rapport au travail engagé à votre initiative, dans le cadre de la loi retraites.

Je vous demande donc de retirer l’amendement, puisqu’il porte exactement sur une disposition que vous avez déjà fait voter et à laquelle nous avions donné un avis favorable. À défaut, j’émettrais un avis défavorable, car cela reviendrait à demander la même chose que ce que vous avez déjà demandé et obtenu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Les députés les plus directement concernés par cet amendement, qui représentent les Français de l’étranger – je pense en particulier à Sergio Coronado, Pouria Amirshahi et Frédéric Lefebvre – ne sont pas présents ; je ne peux donc pas retirer l’amendement. J’aurais en effet aimé, à tout le moins, avoir leur sentiment car, si ce que vous dites est vrai, pourquoi cet amendement a-t-il été redéposé ? Je crois qu’en réalité, nous n’avons pas obtenu de réponse.

(L’amendement n889 n’est pas adopté.)

Article 19

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n388.

M. Dominique Tian. Je propose de supprimer cet article 19, car le dispositif suggéré par le Gouvernement pour faire face au déficit chronique du régime vieillesse des exploitants agricoles consiste, une nouvelle fois, à fuir en avant, autrement dit à octroyer à la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole – la CCMSA – une capacité d’endettement renforcée grâce aux facilités de financement offerte par l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale – l’ACOSS.

Cela ne me paraît pas une bonne solution. En effet, concrètement, la banque de la Sécurité sociale va, à travers son déficit de trésorerie, supporter de nouvelles charges – l’étude d’impact évalue le besoin pour 2014 à 3,5 milliards d’euros –, alors que ce type de dette sociale devrait logiquement relever de la Caisse d’amortissement de la dette sociale.

Par ce tour de passe-passe, le Gouvernement repousse une nouvelle fois la question d’une réforme structurante de l’ensemble de notre système de retraite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable car cet article répond à une demande des gestionnaires de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, dans la mesure où elle lui permettra de faire des économies, en s’adressant à l’ACOSS et non pas à une banque – au hasard, le Crédit agricole. Les gestionnaires ont évoqué une économie de l’ordre de 30 à 40 millions d’euros. Pourquoi se passer d’une telle économie pour la Mutualité sociale agricole ? Voilà pourquoi la commission a rejeté votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable, car je ne vois vraiment pas comment l’on peut s’opposer à des économies qui sont réalisées sur les frais de gestion des régimes concernés. Il s’agit là d’une question de cohérence de votre propre discours politique.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Madame la ministre, quel est le déficit de la CADES actuellement ? Il s’élève à plus de 135 milliards d’euros – je dis bien : plus de 135 milliards d’euros. Croyez-vous que financer le déficit des uns par l’accroissement du déficit de l’autre est une bonne solution ? En toute logique, cela ne me paraît pas être le cas. Si votre réponse contient une part de vérité, il faudrait néanmoins prendre des mesures structurantes. En effet, la disposition que vous proposez est assez absurde et s’apparente à une histoire de Shadoks.

(L’amendement n388 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n387.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 3 de l’article 19, au moyen des mêmes arguments que ceux qui ont été précédemment développés.

Madame la ministre, vous indiquez qu’il est tout à fait honorable de chercher à faire des économies. En l’occurrence, il ne s’agit pas tout à fait de cela. Certes, on fait faire des économies à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, mais – car telle est bien la question – comment le fait-on ? En allant chercher des fonds dans une autre entité…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Là où ils sont disponibles !

Mme Véronique Louwagie. …en proie également à des difficultés de trésorerie. Autrement dit, on met un pansement sur une jambe en appliquant un plâtre sur une autre jambe. Ce n’est pas comme cela que l’on peut intervenir de manière rationnelle et structurelle ; c’est un véritable tour de passe-passe. Il serait important de réformer structurellement l’ensemble de ces entités.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Madame Louwagie, je ne vous comprends pas : votre position tourne à l’absurde. Lorsqu’un particulier recherche un crédit, il se rend dans l’établissement qui lui propose le meilleur taux possible. Il ne s’agit pas, en l’occurrence, de déficit ou de dette, mais de gestion de trésorerie. C’est désormais une possibilité ouverte permettant de faire faire une économie de 30 à 40 millions à la Mutualité sociale agricole.

Vous recherchez partout des économies : vous voulez même en faire 120 milliards en trois ans, alors que, pour notre part, nous essayons d’en faire 50 milliards sur cette même durée. Votre position me paraît donc véritablement inexplicable.

Hier matin, j’assistais à la réunion du Haut conseil du financement de la protection sociale et me suis trouvé, par hasard, assis en face du représentant de la MSA, qui s’est précisément félicité des dispositions de cet article 19.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je donnerai un chiffre et un seul. Le taux de financement de l’ACOSS est de 0,137 %, celui de la Caisse centrale de la MSA est de 1,47 %, c’est-à-dire dix fois supérieur.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. M. le secrétaire d’État a découvert la gestion de trésorerie, profitons-en pour poser une question. L’ACOSS est gravement déficitaire. Combien cela coûte-t-il au contribuable ou à l’assuré social ? Je pense que 135 milliards d’euros de déficit, cela doit coûter un peu d’argent. Je crois même que ce sont des banques chinoises qui prêtent maintenant à la Sécurité sociale française. Il serait intéressant de savoir combien les banques chinoises gagnent grâce aux déficits cumulés, gigantesques, de la Sécurité sociale française : ça, c’est une bonne question.

Cela coûte peut-être moins cher si c’est l’ACOSS qui fait la trésorerie, mais cela dit, c’est catastrophique pour les finances publiques.

(L’amendement n387 n’est pas adopté.)

(L’article 19 est adopté.)

Article 20

(L’article 20 est adopté.)

Article 21

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, inscrite sur l’article.

Mme Isabelle Le Callennec. Cet article 21 tend à compenser les allègements de charges que vous avez votés dans la loi de financement rectificative, cet été.

Vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, ils représentaient 6,3 milliards d’euros. Le Gouvernement les a fait voter avant même d’en avoir prévu la compensation : c’est ce que nous lui avions reproché.

On peut observer, dans cet article 21, où vont les fonds. En premier, c’est le produit de la fiscalisation des majorations de retraite pour enfant, qui est affecté au fonds de solidarité vieillesse.

Deuxièmement, le prélèvement de solidarité de la CNAM est lui aussi réaffecté.

Et j’en viens au troisième point : la part des aides personnelles au logement payée jusqu’ici par la caisse d’allocations familiales, qui va être transférée au budget de l’État, pour plus de 4 milliards d’euros.

Dans l’exposé des motifs, il est question de 4,75 milliards d’allocations logement qui seront ainsi rebudgétisés de la Sécurité sociale – c’est le Fonds national d’aide au logement – vers le budget de l’État.

Lorsqu’on examine le volet « dépenses » du PLF pour 2015, à la page 47, on observe une hausse de 5,7 milliards des crédits du programme 109 qui sont affectés aux aides personnelles. Quand je fais la soustraction, je trouve 1 milliard. Je me permets de vous poser la question : d’où provient ce milliard ?

M. Bernard Accoyer. Elle a raison !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Sur cet article, on peut quand même se demander comment est financé ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale cette année : nous avons de réelles interrogations.

En effet, les 4,75 milliards que vous transférez sur le budget de l’État seront difficilement financés par un budget qui est largement déficitaire.

Quant au 1,5 milliard prélevé sur les caisses de congés payés, on ne va pas y revenir : nous savons très bien que ce ne sont pas des recettes pérennes.

Néanmoins, vous ponctionnez des caisses excédentaires qui ont mis de l’argent de côté pour payer des cotisations. Toutes les entreprises bien gérées font des provisions pour congés payés. Est-ce qu’un jour vous n’aurez pas l’idée d’aller chercher les provisions des entreprises, sur leur bilan, pour qu’elles paient leurs cotisations en avance ?

Mme Claude Greff. Si, si, si ! Ils vont avoir cette idée !

M. Jean-Pierre Barbier. Ce projet est vraiment une supercherie. La seule certitude, c’est le transfert de cotisations que vous effectuez, mais une nouvelle fois, ce sont des sommes qui ne se retrouveront pas dans le budget de l’État. Nous sommes aujourd’hui confrontés à un projet de loi de financement de la Sécurité sociale dont le financement n’est pas du tout assuré, ou en tout cas qui s’appuie sur un budget de l’État dont le financement n’est toujours pas assuré. Franchement, monsieur le secrétaire d’État, c’est un numéro d’équilibriste auquel nous ne pouvons souscrire.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 120, 184 et 456.

La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n120.

Mme Claude Greff. Pour compléter le propos de mon collègue Barbier, cette mesure est d’abord injuste, parce qu’elle n’est pas financée et qu’elle n’est envisagée que pour 2015. Qu’en sera-t-il pour 2016 ? Comment l’État va-t-il compenser ? Le fera-t-il une fois de plus par la dette ?

Véritablement, cet article met en place une tuyauterie très complexe qui a pour but de faire croire que les 6,3 milliards d’euros d’allègements de charges adoptés à la va-vite cet été seraient compensés par tout ce qui a été évoqué jusqu’à présent.

Aujourd’hui, sincèrement, on ne voit pas comment vous allez financer tout cela. C’est une solution qui va mettre à mal tous les acteurs sollicités. Ce Gouvernement est à mon avis tout à fait irresponsable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n184.

M. Bernard Accoyer. L’article 21 doit être supprimé, parce qu’il caractérise ce qu’on entend souvent dans cet hémicycle lorsqu’on parle de projet de loi de financement de la Sécurité sociale : insincérité, tuyauterie infernale du financement social, tours de passe-passe…

Mme Claude Greff. Irresponsabilité !

M. Bernard Accoyer. C’est exactement ça. Le Gouvernement a expliqué, lorsqu’il a présenté son pacte de responsabilité et de solidarité, qu’il fallait rester serein : les allègements de charges allaient être compensés.

Or, à quoi assistons-nous au sujet de ces allègements, qui s’élèvent tout de même à 6,5 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien ? Au branchement d’un certain nombre de tuyaux, le plus énorme étant le détournement de l’APL qui jusqu’alors était payée par les CAF et qui maintenant figurera au budget de l’État.

Ce ne sont pas des solutions sérieuses. C’est juste le contraire des réformes de structure dont le pays a besoin. Faut-il rappeler, une fois de plus, qu’il y avait une réforme de structure que vous avez abrogée ? C’était probablement une des premières décisions du gouvernement Valls : il s’agissait de la TVA anti-délocalisation, un moyen innovant de financer une partie de la protection sociale et en particulier de la branche famille. Vous y avez renoncé. Eh bien, aujourd’hui, on voit la faute que vous avez commise. C’est pourquoi il faut supprimer cet article.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n456.

M. Francis Vercamer. Je dois dire, monsieur le secrétaire d’État, que je suis surpris de cet article, parce que nous avions été nombreux cet été, dans cet hémicycle, à demander à plusieurs reprises comment vous alliez financer le déficit causé par ce que vous appelez le « pacte de responsabilité et de solidarité », même s’il n’en a que le nom.

Vous nous aviez indiqué que nous le saurions en examinant ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, mais, je vous cite, vous disiez : « Les économies perdues seront gagées par d’autres mesures. »

Eh bien, je ne trouve pas les autres mesures, monsieur le secrétaire d’État. Je trouve un transfert au budget de l’État pour financer le trou que vous avez creusé dans la loi de financement de la Sécurité sociale : 6,3 milliards d’euros compensés par un transfert, aucune mesure d’économies, aucune réforme structurelle.

Encore une fois, nous finançons des mesures peut-être intéressantes pour les entreprises – je ne dis pas qu’elles ne le sont pas, d’autant que nous avions participé à l’élaboration des articles qui baissaient les charges des entreprises et des salariés –, mais nous les finançons par la dette !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements de suppression, qui vous font oublier l’essentiel : l’engagement de compenser les effets du pacte de responsabilité et de solidarité sur le budget de la Sécurité sociale, que nous avions été unanimes à demander au Gouvernement, cet engagement est respecté, à l’euro près. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. Vous ne pouvez pas dire des choses pareilles !

M. Bernard Accoyer. N’importe quoi !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il faut partir de là. Ensuite, vous trouverez dans mon rapport le détail des transferts entre l’État et la Sécurité sociale destinés à assurer cette compensation. La rebudgétisation des APL, comment peut-on l’appeler « un détournement », alors qu’il s’agit de techniques budgétaires que vous avez amplement utilisées, et même sur-utilisées ?

M. Philippe Vitel. Non !

M. Bernard Accoyer. Ce ne sont pas des techniques budgétaires, c’est de la plomberie ! Il ne faut pas confondre !

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements et moi je rends hommage au Gouvernement et à Mme la ministre d’avoir tenu leur engagement de compensation intégrale pour le budget de la Sécurité sociale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je suis très surpris que vous vouliez supprimer cet article, parce que j’ai mesuré l’exigence de tous les commissaires aux affaires sociales, sur tous les bancs, de faire en sorte que les réductions de cotisations sociales organisées par l’État soient compensées. Vous veillez au retour à l’équilibre des budgets sociaux et vous êtes attachés à ce que les décisions prises par l’État pour des raisons économiques soient entièrement compensées. Et maintenant, voilà que vous proposez de supprimer l’article : il y a de quoi être surpris.

Deuxièmement, j’ai entendu plusieurs propositions pour reconvertir le CICE, c’est-à-dire des allègements d’impôts, en réductions de cotisations sociales. Je m’interroge toujours sur la manière dont vous, dans les différentes fractions qui composent l’opposition, vous auriez souhaité compenser.

M. Bernard Accoyer. Par la TVA anti-délocalisation !

Mme Claude Greff. Ce n’est pas le sujet : nous nous demandons comment vous allez faire, vous !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous nous dites : la TVA. Mais que je sache, la TVA est une recette de l’État.

Troisième point : s’agissant du montant, à l’euro près, je crois que les détails vous sont fournis. Je vous rappelle que la Constitution ne permettait pas, dans une loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, d’inscrire ce type de modification. C’est pourquoi nous vous les proposons aujourd’hui.

Nous aurons à nous reposer cette question, puisque la mise en œuvre du pacte de responsabilité comporte de nouvelles exonérations de contributions sociales des employeurs : il faudra bien entendu reprendre l’ouvrage pour 2016.

Enfin, vous contestez la rebudgétisation d’un certain nombre de prestations, notamment les APL. D’abord, une partie des APL est déjà prise en charge par le budget de l’État. Et je crains, dans cette affaire, mesdames et messieurs les députés, que ce soit le budget de l’État qui ait quelque peu à en souffrir. Pourquoi ? Parce que les APL sont généralement dynamiques, dans la mesure où le nombre des bénéficiaires et le coût des APL sont généralement en augmentation, de façon assez naturelle. Rebudgétiser les APL peut donc représenter pour l’État, à mon avis, une petite surcompensation, dans la mesure où on peut s’attendre à ce que les APL évoluent plus vite que la somme inscrite pour 2015.

Pour toutes ces raisons, et même quelques autres mais je souhaite ne pas être trop long, le Gouvernement est bien sûr défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Cet article 21 est intéressant. En en prenant connaissance, j’ai eu une bonne réaction, et une mauvaise ensuite.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il fallait rester sur la bonne !

Mme Véronique Louwagie. Une bonne réaction d’abord, parce que finalement, il apporte une réponse à la question que nous avons posée il y a plusieurs mois, quand nous examinions le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale. À maintes reprises, nous vous avons posé la question, monsieur le secrétaire d’État, de savoir où vous alliez trouver ces milliards dont vous nous parliez.

Vous avez fini par nous dire que ce serait par des économies que l’État allait réaliser. Je pense qu’on pourrait retrouver ces propos que vous avez tenus il y a quelques mois.

La mauvaise réaction vient de ce que, non, il ne s’agit pas ici d’économies et on peut le regretter. Quand on parle d’un transfert des APL de la branche famille vers l’État, il ne s’agit pas d’économies.

Monsieur le rapporteur, quand vous faites état de votre satisfaction que l’État ait tenu son engagement et quand vous parlez de « technique budgétaire », cela fait sourire. On ne peut pas aller dans ce sens en l’absence de réformes structurelles. Vous n’utilisez que des tours de passe-passe et vous n’apportez pas de réponse à une diminution des économies. Vous ne confirmez pas les propos que vous avez tenus en juillet, quand vous nous assuriez que vous alliez faire des économies sur le budget de l’État. Il n’en est pas ainsi et on peut le constater dans cet article 21.

M. Gérard Bapt, rapporteur. On ne constate rien du tout !

(Les amendements identiques nos 120, 184 et 456 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n159.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n159, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n160.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Amendement également rédactionnel.

(L’amendement n160, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n966.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit de préciser les modalités de répartition des droits tabacs entre les différentes sections de la CNSA pour la compensation des pertes de recettes occasionnées par le pacte de responsabilité. Le Gouvernement entend ainsi corriger un oubli.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. À titre personnel, avis favorable.

(L’amendement n966 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n965.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement est également assez technique puisqu’il précise les modalités d’entrée en vigueur du présent article pour assurer l’application du principe comptable des droits constatés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis favorable.

M. Denis Jacquat. À titre personnel également ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. À titre personnel, en effet.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. J’ai bien noté qu’à plusieurs reprises le rapporteur a dit fort justement qu’il était favorable à l’adoption de certains amendements « à titre personnel » mais je souhaiterais tout de même à l’avenir – comme je l’exprimais d’ailleurs lorsque les gouvernements que je soutenais exerçaient le pouvoir – que nous puissions examiner ces amendements en commission hors du cadre des articles 88 ou 91 afin que l’on puisse en discuter et que l’on ne se prononce pas à la dernière seconde.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Avec tous ceux que vous avez déposés…

M. Denis Jacquat. Je tiens à le préciser à nouveau, cette remarque concerne tous les gouvernements.

(L’amendement n965 est adopté.)

(L’article 21, amendé, est adopté.)

Après l’article 21

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l’amendement n630.

Mme Dominique Orliac. Cet amendement vise à instituer un crédit de taxe également sur les salaires pour les organismes sans but lucratif, et ce dans un souci d’égalité de traitement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement dans le cadre de l’article 88 mais je tiens néanmoins à faire remarquer à Mme Orliac que les organismes à but non lucratif bénéficient d’un abattement spécial de taxe sur les salaires ainsi que des mesures du pacte de responsabilité.

Compte tenu de ces observations, peut-être pourriez-vous retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable, madame la députée, pour les raisons qui viennent d’être dites.

Des dispositions spéciales sont prévues pour les établissements privés à but non lucratif. L’adoption de vos propositions ferait que les établissements les moins avantagés financièrement seraient les établissements publics.

Par souci d’équité, il nous apparaît peu opportun de nous engager dans cette voie.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, Mme Orliac ?

Mme Dominique Orliac. Je le retire.

(L’amendement n630 est retiré.)

Article 22

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n32.

M. Philippe Vitel. Il est défendu.

(L’amendement n32, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 22 est adopté.)

Article 23

(L’article 23 est adopté.)

Article 24

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement de suppression n457.

M. Francis Vercamer. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Alors, il est défavorable ! (Sourires)

(L’amendement n457, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais mettre aux voix l’article 24. Je vous informe que l’État C annexé sera mis aux voix avec l’article 26.

(L’article 24 est adopté.)

Article 25

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, inscrit sur l’article 25.

M. Bernard Accoyer. Je tiens à souligner une nouvelle fois l’ampleur des déficits prévus pour 2015.

Nous ne pouvons évidemment pas les cautionner par notre vote, d’autant plus que nous savons que le déficit du Fonds de solidarité vieillesse, quant à lui, sera également important.

Dans ces conditions, nous voterons contre cet article 25.

M. le président. Je vais mettre aux voix l’article 25. Je vous rappelle que l’État C annexé sera mis aux voix avec l’article 26.

(L’article 25 est adopté.)

Article 26 et annexe C

(L’article 26 et l’annexe C sont adoptés.)

Article 27

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, inscrit sur l’article 27.

M. Bernard Accoyer. Une nouvelle fois, le Gouvernement prévoit des plafonds d’emprunt qui témoignent de l’incertitude dans laquelle il se trouve quant à l’exécution du PLFSS, ce qui est bien entendu particulièrement préoccupant – d’autant plus que la dette souveraine devient maintenant l’une des plus importantes qui soit.

Il est d’ailleurs probable qu’en 2015 la France sera l’un des premiers pays emprunteurs en euros sur les marchés, si ce n’est le premier. Si les taux d’intérêt venaient à augmenter, nous voyons d’ores et déjà ce qu’il en serait.

En fait, en prévoyant une croissance de 1 %, le Gouvernement prend des risques, comme le Haut conseil des finances publiques l’a souligné en la personne de son président, M. Didier Migaud.

Par conséquent, il est normal, puisque vous serez confrontés à des trous en cours d’année, que vous prévoyiez d’augmenter le plafond d’emprunt.

(L’article 27 est adopté.)

Article 10 (précédemment réservé)

M. le président. Nous en venons à l’article 10, précédemment réservé. Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. La discussion quelque peu décousue de ce PLFSS nous ramène donc à l’article 10 relatif aux médicaments alors que plusieurs de nos collègues avaient bien évidemment prévu dans leurs agendas d’être présents afin de pouvoir s’exprimer.

Cet article comporte des mesures particulièrement préoccupantes.

Les gouvernements, c’est vrai, mais tout spécialement celui-ci, ont pris pour habitude d’avoir pour cible et bouc émissaire l’industrie du médicament, ce gouvernement y ajoutant de surcroît les familles.

L’industrie du médicament est en effet plus facile à mettre en cause parce qu’elle ne vote pas. Et pourtant !

Et pourtant, elle représente 100 000 emplois, 8 milliards d’euros d’exportations, un accès à l’innovation, l’excellence en matière de santé, la recherche et le développement, des progrès espérés par des millions et des millions d’hommes et de femmes malades ainsi que leurs familles dans le monde entier.

Dans ce PLFSS, vous réservez vos pires coups aux laboratoires pharmaceutiques en transformant la lettre K en lettre L, qui prévoit pourtant déjà des remises conventionnelles.

Vous aggravez le dispositif avec un objectif clair : faire baisser le poste « médicament » alors qu’évidemment, la consommation augmente nécessairement et mécaniquement,…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cela ne veut rien dire du tout !

M. Bernard Accoyer. …alors que des médicaments porteurs d’espérance arrivent sur le marché, en particulier ceux qui sont issus des biotechnologiques et qui contribuent à rendre possible des progrès considérables dans le traitement de maladies graves, à commencer par le cancer.

Nous avons vu hier ce qu’il en était pour soigner les hépatites, mais aussi un certain nombre de maladies dégénératives.

C’est donc un coup terrible que le Gouvernement décide de porter à ce secteur mais cela ne l’empêche manifestement pas de sourire alors que son action est d’une exceptionnelle gravité.

Le médicament représente 15 % de l’ONDAM et vous voulez lui faire supporter l’essentiel des réductions de dépenses que comporte ce PLFSS ! C’est là une faute grave, qui se paiera en destructions d’emplois, par le recul de la compétence et de la compétitivité de notre industrie pharmaceutique et, enfin, par l’impossibilité pour les malades admis dans les établissements français d’accéder à l’innovation thérapeutique.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Cet article porte sur la modification des outils de régulation des dépenses de médicaments.

Je souhaite intervenir à propos des critères de répartition de la clause de sauvegarde entre les laboratoires pharmaceutiques.

En effet, les clés de répartition en vigueur jusqu’ici accordaient une part plus importante à la progression du chiffre d’affaires qu’au chiffre d’affaires.

Or, la nouvelle répartition proposée – 60 % pour le chiffre d’affaires et 40 % pour la progression du chiffre d’affaires – minore l’importance de la seconde.

Je souhaite donc expliquer les raisons pour lesquelles une répartition inversée – 40 % pour le chiffre d’affaires et 60 % pour la progression du chiffre d’affaires – serait plus utile.

En effet, le principe visant à donner plus d’importance aux critères de progression doit être maintenu car l’objectif essentiel de la clause de sauvegarde est de sanctionner l’industrie pharmaceutique si son chiffre d’affaires dépasse le seuil prévu par les pouvoirs publics.

Suite à la politique menée par le Gouvernement, il est donc normal – c’est aussi ce que souhaite la majorité des députés – que ce soient les laboratoires pharmaceutiques qui ont le plus contribué à ce dépassement en raison de la progression de leur chiffre d’affaires qui soient le plus mis à contribution dans la clause de sauvegarde.

De plus, nous savons fort bien que les laboratoires dont la progression du chiffre d’affaires est la plus importante sont étrangers et coûtent déjà très cher à notre Sécurité sociale, nous en avons longuement débattu lors de la discussion de l’article 3 concernant le financement du traitement de l’hépatite C.

Ceux dont la progression du chiffre d’affaires a diminué, ou qui ont même connu une progression négative, sont en revanche français ou européens.

Enfin, j’appelle votre attention sur le fait que, dans les prochaines années, nous serons dépendants de molécules issues de brevets étrangers dont les prix seront élevés.

Un tel amendement est et sera donc très utile.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Cet article 10 soulève des interrogations évidemment très importantes sur ces problèmes et sur ces enjeux que sont l’accès aux soins et le maintien de notre système de protection maladie.

Je ne peux pas accepter les discours de nos collègues de droite selon lesquels les seuls enjeux seraient l’emploi, l’économie, l’industrie pharmaceutique, comme si nous discutions d’une marchandise parmi d’autres, comme s’il s’agissait d’un secteur économique comme un autre.

On oublie tout de même que la raison d’être du médicament est de soigner les gens et que la croissance de ce secteur, en soi, n’est pas une bonne chose, sauf à souhaiter que les gens soient malades pour que l’industrie pharmaceutique tourne mieux. J’espère que nous n’en sommes pas là.

Il n’est pas non plus possible de dire que la croissance de la consommation médicamenteuse doit augmenter mécaniquement, qu’elle est fatale et normale ou bénéfique. Non, au contraire !

La surconsommation médicamenteuse, en France, est patente et n’est pas toujours synonyme d’amélioration de la santé publique. Une comparaison avec d’autres pays est possible et je ne crois pas que le niveau de santé publique – je ne parle pas de la qualité des soins – soit meilleur dans notre pays parce que l’on consomme à outrance des médicaments qui, d’ailleurs, remplissent nos armoires et finissent dans nos rivières, etc. Parce que c’est aussi de cela qu’il s’agit !

Je crois vraiment que nous devons poser les questions de la surconsommation médicamenteuse et des gains de l’industrie du médicament. Celle qui est posée à propos du médicament contre l’hépatite C est révélatrice de ce dont il s’agit.

S’il s’agissait simplement de rémunérer les efforts de recherche et de développement du médicament, tout le monde approuverait. Mais regardez, en l’occurrence, ce qui se passe : les assurés sociaux devront payer la pure spéculation capitalistique d’une entreprise qui a acheté une start-up et qui l’a payée très cher parce qu’elle savait qu’elle allait gagner des milliards !

J’approuve donc la volonté gouvernementale de limiter la gourmandise de l’industrie pharmaceutique. On peut d’ailleurs se demander si le mécanisme qu’il a prévu sera suffisant. Nous verrons bien, mais il faut l’utiliser, faute de quoi l’accès à l’innovation thérapeutique, demain, sera impossible en raison des coûts.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Comme cela vient d’être dit, et comme je l’ai moi-même rappelé lors de la discussion sur l’article 3, le domaine du médicament n’est pas un secteur comme les autres. L’article 10 modifie le mécanisme du « taux K », sous la dénomination de « taux L », en instaurant une contribution versée par les laboratoires quand l’évolution de leur chiffre d’affaires hors taxes dépasse le taux K.

Le taux L est fixé à - 1 %, soit un taux négatif, or le taux K, depuis sa création en 1999, a toujours été positif : il était de + 1,4 % entre 2008 et 2009, de + 1 % en 2010, de + 0,5 % entre 2011 et 2012, puis de + 0,4 % entre 2013 et 2014. Ce signal, qui résulte de l’absence de véritables réformes structurelles, et qui fait porter sur le médicament et l’industrie pharmaceutique plus de 50 % des économies, quand ces derniers ne génèrent que 15 % des dépenses, est délétère pour une industrie aussi stratégique dans l’économie de notre pays, que ce soit en termes d’emplois, d’investissements ou de balance commerciale.

J’y insiste, car cela risque d’empêcher la France d’être en capacité d’accueillir les innovations thérapeutiques majeures à venir, en particulier pour la santé des Français.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Décidément, ce traitement contre l’hépatite C est vraiment l’arbre qui cache la forêt. Je veux dire tout d’abord que je suis très heureux pour les malades atteints d’hépatite C, car c’est là une belle innovation thérapeutique.

C’est l’arbre qui cache la forêt, disais-je, parce que vous allez l’utiliser comme un moyen de communication et comme un moyen de justifier les économies que vous allez demander à la filière du médicament. Je regrette, parce que c’est dramatique, que l’on se serve de cette molécule pour faire le procès de l’industrie pharmaceutique. Je suis triste que l’on en arrive à entendre dans cette enceinte les propos que vous avez tenus, monsieur Roumegas, car elle ne le mérite pas.

Cet article 10, qui vient astucieusement après l’article 3, un peu plus loin, et qui a été réservé pour que les deux articles ne soient pas examinés l’un après l’autre, est redoutable pour les industries innovantes, qui ont déjà été pénalisées par l’article 3. Avec cet article, vous les pénalisez encore plus, et c’est un très mauvais signal que vous donnez là. Toutes les industries pharmaceutiques innovantes vont très certainement éviter notre pays dans les années à venir.

L’article 10 pénalise l’ensemble de la filière pharmaceutique, puisque vous allez faire payer à l’ensemble de cette filière le traitement contre l’hépatite C. Cela a été dit : faire peser sur cette filière 50 % des économies, alors qu’elle ne représente que 15 % des dépenses, ce n’est pas acceptable ; d’autant plus, et M. Dominique Giorgi l’a dit, que le prix du médicament en France n’est plus le problème. Nous avons rejoint la moyenne des pays européens : la surconsommation dans notre pays n’est plus vraiment le problème. Encore un peu, mais beaucoup moins.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Oh la la !

M. Jean-Pierre Barbier. Mes chers collègues, cela fait trois ans que nous menons la même politique, et l’industrie pharmaceutique est passée sous la barre des 100 000 emplois. Monsieur Roumegas, si vous voulez que nos médicaments soient fabriqués en Inde, si vous voulez que nos médicaments soient contrefaits et si vous voulez que ces médicaments soient disponibles sur internet, la boucle sera bouclée. Nous aurons mis à mal notre système français, notre industrie pharmaceutique française, dont le Président de la République a dit qu’il s’agissait d’un secteur stratégique. Décidément, vous vous acharnez sur tout ce qui fonctionne bien : nous le constatons une fois de plus cet après-midi dans l’hémicycle.

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je tiens à répondre aux prédicateurs de l’Apocalypse qui se succèdent au micro pour décrier l’attitude de ce gouvernement vis-à-vis de la filière pharmaceutique. Vous avez déjà tenu les mêmes propos hier et je vous invite à publier les enregistrements vidéo sur vos blogs : je crois que le message est passé.

S’agissant de la mesure introduite par l’article 10, comme chaque année, le PLFSS prévoit des mesures d’économies avec des mécanismes de régulation – prix, volume – portant sur les médicaments. Le Comité économique des produits de santé est l’autorité compétente pour négocier une maîtrise médicalisée des médicaments, sur les prix et la diffusion des génériques, sur les biosimilaires, ou encore sur les dispositifs médicaux.

La mesure que nous prévoyons n’a pas vocation à s’appliquer, sauf si les objectifs précités ne sont pas atteints. Dès lors, une contribution est mise en place, dont le taux est voté chaque année au Parlement. N’essayez pas de faire croire que nous sommes en train de révolutionner le secteur. Au contraire, nous sommes en train de préserver la pérennité de la filière pharmaceutique, dont nous avons déjà dit hier, collectivement, tout le bien que nous en pensions. Elle pèse pour 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires et continuera d’évoluer d’une façon positive, rassurez-vous.

Concernant le traitement de l’hépatite C, qui a été évoqué tout à l’heure, l’assiette de contribution est minorée à concurrence des montants acquittés au titre de l’hépatite C. Les génériques, avec le « taux L », contrairement à ce qui était le cas avec le « taux K », seront épargnés de la contribution, de façon, précisément, à déployer les génériques sur l’ensemble du territoire.

Pour vous répondre, madame Orliac, mais nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la défense de votre amendement, le taux de la contribution était jusqu’ici fixé à hauteur de 30 % sur le chiffre d’affaires, 40 % sur l’évolution du chiffre d’affaires et 30 % sur la publicité. Comme la publicité, dans la filière pharmaceutique, a fortement baissé, il est maintenant proposé de faire participer le chiffre d’affaires à hauteur de 60 %.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous m’avez choqué, monsieur Barbier, lorsque vous avez dit qu’au fond, aujourd’hui, la masse de prescription médicamenteuse dans notre pays était satisfaisante et qu’il ne fallait pas y toucher. Cela m’a étonné.

M. Jean-Pierre Barbier. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il faut distinguer la juste prescription, le bon médicament au bon moment, dans la bonne pharmacovigilance, d’une part, et la régulation, dont vient de parler M. Véran, d’autre part. Je prendrai deux exemples, et d’abord celui de la prescription des médicaments anti-Alzheimer. Il y a trois ans, alors que la Haute autorité de santé disait que ces anti-Alzheimer étaient efficaces seulement en cas de diagnostic précoce de la maladie et qu’ils devenaient ensuite inutiles, le prédécesseur de Mme la ministre a agi en essayant d’intervenir sur la prescription et en en réduisant le prix. Nous avons fait ainsi 120 millions d’économies par an pour l’assurance maladie, grâce à une meilleure prescription.

Le deuxième exemple concerne l’obligation désormais faite aux médecins de demander un accord préalable à l’assurance maladie avant de prescrire du Crestor.

M. Jean-Louis Roumegas. Très bien !

M. Gérard Bapt, rapporteur. La prescription de Crestor est tout à fait aberrante en France, par rapport aux structures de prescription des pays qui nous entourent…

M. Jean-Pierre Barbier. Ce n’est pas en baissant les prix que vous changerez les choses ! Prenez-vous en aux prescripteurs !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …alors même qu’il apparaît de plus en plus clairement que la prescription de statines peut être efficace en seconde prévention, mais qu’elle est inefficace en prévention primaire – c’est ce à quoi veut aboutir le respect des recommandations de la HAS. Et nonobstant le fait qu’on sait maintenant que les statines favorisent ou induisent le diabète et qu’il pourrait y avoir 100 000 à 200 000 diabétiques déclarés dans notre pays sous statines.

M. Jean-Pierre Barbier. C’est hors sujet !

Mme Valérie Boyer et M. Pierre Lequiller. Cela n’a rien à voir avec la question posée !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Voilà pourquoi, monsieur Barbier, la bonne prescription, le bon médicament au bon moment, dans le cadre de la bonne surveillance, cela n’a rien à voir avec la nécessaire régulation du coût pour l’assurance maladie de la prescription médicamenteuse. Cela, c’est une bonne gestion, car c’est cette régulation qui nous permet de prendre en charge le traitement de l’hépatite C.

M. Philippe Vitel. Ce n’est pas ce que disent les économistes de la santé !

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Ce qui nous inquiète, à l’UMP, c’est que 100 000 personnes vivent de cette filière. Les entreprises françaises du médicament sont remarquables pour leurs innovations, pour leurs exportations…

M. Olivier Véran, rapporteur. Les exportations ne sont pas concernées !

M. Dominique Tian. …pour la qualité de leurs chercheurs. Or c’est une filière qui ne va pas très bien, monsieur Bapt. Chacun sait que des sites ferment, que des entreprises qui produisent et cherchent se délocalisent, partent aux États-Unis ou ailleurs et ont des brevets à l’extérieur.

Cette filière est fragile et, comme l’ont dit tout à l’heure certains orateurs, on fait supporter taxes, surtaxes et surtaxes chaque année sur le médicament, comme si le médicament était le seul responsable du déficit de la Sécurité sociale. À l’évidence, il existe d’autres gisements considérables ; la Cour des comptes vous en a indiqué un certain nombre, comme la gestion des hôpitaux notamment, ou la médecine de ville.

Cette obsession du médicament conduit à des raisonnements comme celui de M. Roumegas, qui donne à croire que les pharmaciens ne seraient pas des gens bien, pas plus que ceux qui fabriquent des produits pharmaceutiques, avec l’idée qu’il existerait une sorte de complot mondial – ces entreprises se seraient certes installées en France, mais elles seraient responsables de tous les déficits. Mais elles soignent aussi ! Elles guérissent ! Et en l’occurrence, on devrait tous se féliciter des progrès faits en France sur l’hépatite C et des médicaments innovants qui permettent d’éviter des greffes.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est un laboratoire américain qui a mis cela au point !

M. Olivier Véran, rapporteur. Il faut vous faire faire des fiches, monsieur Tian !

M. Dominique Tian. Il faudrait commencer, monsieur Roumegas, par féliciter l’excellence française et ses laboratoires, et se dire que si la filière ne va pas bien – et elle ne va pas bien, puisque les sites ferment –, nous devons tous nous en préoccuper.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Nous nous sommes préoccupés tout à l’heure de l’avenir des buralistes, lors de l’examen d’autres amendements.

Aujourd’hui, nous sommes extrêmement inquiets de l’avenir de la filière du médicament en France. C’est une filière d’excellence et d’innovation. Elle fait partie des fleurons de l’industrie et de la recherche françaises. Elle nous permet de créer des emplois, de guérir des gens, d’exporter, d’être dynamiques. Et à chaque fois, elle est présentée comme le grand Satan.

M. Olivier Véran, rapporteur. Toujours ces prédicateurs de l’Apocalypse !

Mme Valérie Boyer. À un moment donné, il faut aussi préserver ces entreprises et travailler avec elles ! Que des choses dysfonctionnent, d’accord, mais tout de même, nous avons la chance en France d’avoir cette filière et nous sommes en train de la détruire peu à peu ! Il faut garder un peu de mesure et de raison…

Mme Valérie Fourneyron. Faites-en preuve dans vos discours !

Mme Valérie Boyer. …et faire en sorte que cette filière ne soit pas systématiquement stigmatisée, parce que c’est une filière industrielle.

Arrêtons de casser les choses qui marchent ! On dirait que c’est systématique : à chaque fois que les choses fonctionnent ou que les gens sont vertueux, il faut les sanctionner ! La filière du médicament est une filière d’excellence française. Il faut la soutenir !

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 10.

Je suis saisi par M. Olivier Véran d’un amendement rédactionnel, n232.

(L’amendement n232, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 77 et 369.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n77.

M. Jean-Pierre Door. Nous venons de parler, dans la discussion sur l’article, du problème du médicament. Avec cet article 10, vous refondez en réalité le mécanisme de clause de sauvegarde et vous créez un nouveau système de régulation mutualisé, dénommé « L ». Le problème, c’est que vous incluez dans le déclenchement de cette clause de sauvegarde et dans son calcul le chiffre d’affaires spécifique aux médicaments de l’hépatite C, en particulier de ces nouveaux médicaments dont le prix est effectivement onéreux, et qui font déjà l’objet d’une régulation à l’article 3. On peut donc considérer que le Gouvernement inflige à ces entreprises une double peine : la première, à l’article 3, et l’autre, à l’article 10, avec la clause de sauvegarde.

Quand vous incluez la contribution W dans le dispositif du L, vous faites porter sur l’ensemble du secteur du médicament le coût lié à l’arrivée d’un produit exceptionnellement innovant au prix élevé, dont on sait l’intérêt thérapeutique. Comme l’ont dit mes collègues, quand on aime l’entreprise, on essaie de préserver l’outil de production. Il ne faut pas tuer davantage, madame la ministre, l’attractivité de la France, l’attractivité de votre territoire, qui est le même que le mien, et où il y a beaucoup de belles entreprises d’industrie pharmaceutique.

Mettons fin à cette trop grande agressivité envers l’entreprise. Dans le cas présent, avec cet article, il y a une double peine. L’article 3 suffisait, il a été voté. Dans l’article 10, nous vous demandons de rectifier le tir.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n369.

M. Dominique Tian. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Olivier Véran, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. Soustraire les chiffres d’affaires des médicaments de l’hépatite C de l’assiette de la contribution déclenchée en cas de dépassement du « taux L » ne nous semble pas la bonne solution. Je souligne que les chiffres d’affaires sont pris en compte dans l’assiette du « taux L » après soustraction de toutes les remises déjà versées. De même, l’assiette est minorée des montants acquittés au titre de l’hépatite C, ce qui écarte justement toute double taxation. Le prélèvement sur le chiffre d’affaires ne peut pas dépasser 10 % au titre du « taux L », et en aucun cas 15 % pour les entreprises qui sont dans le périmètre de l’article 3, au titre des deux dispositifs. Cela a été dit hier. J’ajoute que vous dites vouloir défendre l’industrie pharmaceutique, mais avec l’amendement que vous proposez, vous prenez justement le risque de mettre en péril l’ensemble de la filière pharmaceutique.

Avis défavorable de la commission, renouvelé ce jour en séance.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avant de répondre de façon spécifique, dans le prolongement de ce qu’a dit le rapporteur, à la question posée par M. Door, je voudrais faire une observation sur l’article dont nous parlons.

J’ai écouté les intervenants avec une certaine perplexité. Je voudrais tout de même rappeler de quoi il s’agit : il s’agit d’un taux, qui s’appelle maintenant le « taux L », qui existe depuis maintenant quinze ans et qui s’appelait avant le « taux K ». Et j’ai entendu à ce propos des expressions comme « mise en danger », « fin de l’industrie pharmaceutique », « mise à mort de l’industrie pharmaceutique », voire « grand Satan ». Je dois dire que je m’interroge sur les mots que vous emploierez le jour où nous ferons autre chose que rebaptiser le « taux K » en « taux L » !

Si vous montez aux extrêmes à ce point lorsque l’on change une lettre de l’alphabet, je me demande ce qui se passera lorsque l’on ira vers des changements de mécanisme ou des transformations un peu plus significatives.

J’en viens à votre amendement, monsieur Door. Votre interpellation est tout à fait explicite, et je veux y apporter une réponse en toute transparence. C’est une question juste que vous posez, monsieur Door, et je ne me résous pas à ce que vous soyez de mauvaise foi.

M. Jean-Pierre Door. Merci de l’amabilité !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je vais donc vous répondre de façon simple et directe, comme l’a fait le rapporteur. Il existe un taux spécifique pour les médicaments contre l’hépatite C. Les remises qui seraient amenées à être demandées au laboratoire concerné au titre de l’hépatite C seraient soustraites de l’enveloppe à laquelle on appliquerait le taux « L », comme c’est le cas pour tous les autres traitements et tous les autres médicaments.

Il n’y a donc en aucun cas un mécanisme de « double peine » – c’est votre expression – ou de double imposition. Le mécanisme spécifique pour le traitement de l’hépatite C dont nous avons débattu hier soir concerne une enveloppe à laquelle s’applique le taux « W ». Une fois que cette somme a été déduite, il reste éventuellement une autre somme à laquelle on applique, comme pour l’ensemble des médicaments concernés, le mécanisme du taux « L ». Il n’y a donc ni double peine, ni double imposition, monsieur le député, et je donne un avis défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Madame la ministre, vos explications nous laissent très perplexes.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Elles sont pourtant claires !

M. Jean-Pierre Barbier. Nous avons un peu de peine à croire qu’il s’agit de voter un nouvel article de loi juste pour changer un taux ou une lettre. Franchement, l’explication nous paraît un peu facile. On se demande pourquoi changer les lettres si cela ne change pas le mode de prélèvement sur l’industrie.

Ce n’est pas du tout l’analyse que nous faisons, nous persistons à dire que cet article va aggraver la situation et les prélèvements effectués sur l’industrie pharmaceutique.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Non, c’est le contraire !

M. Jean-Pierre Barbier. Quant à M. Véran, il nous dit d’une manière un peu triomphale que de toute façon, nous ne devrions pas nous tracasser car le taux de prélèvement sur les laboratoires est limité à 15 % du chiffre d’affaires. Mais avez-vous conscience de ce que vous dites ? Vous dites à une entreprise qu’elle ne doit pas se tracasser car on ne peut lui prendre que 15 % de son chiffre d’affaires ! Ce n’est rien du tout !

Vous vous plaignez d’entendre beaucoup de choses venant de la droite, j’ai le sentiment depuis un certain nombre d’heures que sur les bancs de la gauche, vous avez tendance à confondre rentabilité et chiffre d’affaires, ou marge et chiffre d’affaires.

Il est vrai que l’industrie pharmaceutique connaît des marges plus importantes que les secteurs industriels classiques, puisque ses marges se situent entre 35 % et 40 %.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est bien de le reconnaître !

M. Jean-Pierre Barbier. Mais lorsque l’on sait que ces industries investissent 20 % en recherche et développement pour nous permettre de trouver de nouvelles molécules, il ne reste pas tant que cela, surtout si en plus vous en prélevez 15 %. Sachez qu’au bout d’un moment, quand une industrie ne gagne pas d’argent – car le but d’une industrie est aussi de gagner de l’argent, il ne faut pas le nier –, je suis désolé de vous dire qu’elle ira voir ailleurs, en Europe ou plus loin.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Le procès sans arrêt intenté à cette majorité, qui voudrait mettre fin à l’industrie pharmaceutique, est insupportable. Je vais encore citer quelqu’un qui n’est ni Mme la ministre, ni un député parmi nous, il s’agit de M. Dominique Giorgi, qui est au cœur du mécanisme de décision de fixation des prix du médicament avec les industriels.

M. Dominique Tian. Qui est-ce, M. Giorgi ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur Tian, la commission a auditionné M. Giorgi pour la première fois depuis la naissance du CEPS, il y a vingt ans. C’est le président du Comité économique des produits de santé, monsieur Tian. Interrogé sur le point de savoir si la politique économique française du médicament défavorisait l’innovation, il a répondu : « Là encore, c’est inexact. C’est d’ailleurs un constat objectif que nous faisons sur les vingt années d’existence du CEPS. La politique économique du médicament menée en France ne freine pas l’innovation, qui est au cœur de nos choix médicaux. Contrairement à d’autres pays, dans un contexte difficile nous avons réussi à stabiliser les dépenses de médicaments grâce aux baisses de prix ou au développement des génériques. En contrepartie, le Comité a assuré et continue d’assurer l’accès de tous les malades qui en relèvent aux produits de santé nouveaux et innovants. À ce jour, aucune innovation confirmée ne manque à l’arsenal thérapeutique des médecins français. »

M. Jean-Pierre Barbier. C’était il y a un an !

M. Dominique Tian. Il a changé d’avis depuis !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ces propos rejoignent ce que Mme la ministre a déclaré : beaucoup d’associations de patients dans d’autres pays nous envient concernant l’accès de tous à des médicaments très chers et innovants. Nous mettons justement ces taux en place pour poursuivre cette politique du médicament en permettant un accès large pour ceux qui en ont besoin.

M. Jean-Pierre Barbier. Cela va donc changer quelque chose !

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Je comprends que mes collègues de l’opposition soient un petit peu à cran lorsque l’on parle de médicaments, mais restons objectifs sur ces questions. Pour répondre aux propos de M. Barbier, la nouveauté avec ce taux « L » est qu’il offre une garantie de rendement, et que l’on a sorti les génériques de l’assiette, dans le cadre d’un dispositif de déploiement des génériques annoncé par la ministre. L’objectif, par des remises, est d’encourager la politique conventionnelle afin que l’on ne se retrouve pas à appliquer des taux de façon mathématique, mais que les laboratoires soient encouragés à négocier par la voie conventionnelle.

Précisons également que les produits d’exportation des laboratoires ne sont pas concernés par la taxation sur le chiffre d’affaires, qui ne concerne donc que le marché national. Le taux de 15 % n’a naturellement pas vocation à être atteint, cela voudrait dire qu’il y a eu échec de la politique de négociation conventionnelle et qu’il y aurait une dérive du mécanisme de régulation prix-volume.

Force est de constater que tout est mis en œuvre pour que la régulation se fasse de manière douce et en concertation, via la convention. Si jamais ce ne devait pas être le cas, pour des raisons bien précises et spécifiques, alors il y aurait une contribution.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre, lorsque la lettre « W » est incluse dans le dispositif du « L », c’est un ensemble de médicaments, et la clause de sauvegarde va agir comme il est prévu qu’elle le fasse s’il y a un dépassement correspondant. Pouvez-vous nous confirmer que les médicaments nouveaux de l’hépatite C sont compris dans l’ensemble, ou en sont-ils exclus dès l’instant qu’ils sont entrés dans le cadre du mécanisme prévu à l’article 3, avec la limitation à 400 millions pour 2014, portée à 700 millions pour 2015 ?

Madame la présidente de la commission, monsieur Véran, ne nous faites pas de procès d’intention, nous ne vous en faisons pas. Nous aussi, nous connaissons le CEPS, qu’il s’agisse de M. Giorgi ou de son prédécesseur, M. Renaudin.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pas M. Tian !

M. Jean-Pierre Door. M. Giorgi a aussi déclaré que le CEPS est un acteur majeur de la politique du médicament qui a réussi à crédibiliser la politique conventionnelle. Avec ce genre de dispositions, vous démolissez la politique conventionnelle. Vous ne laissez pas l’accord-cadre et la convention avec le CEPS agir.

Madame la ministre, ces nouvelles molécules très onéreuses arrivent cette année. Seront-elles incluses dans l’enveloppe d’ensemble, et est-ce que toutes les entreprises subiront le fait que le niveau de cette enveloppe augmente ? Le problème est là. Si vous nous répondez que j’ai tort, tant mieux, mais il faut que cela soit dit.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Il y a deux sujets différents, deux mécanismes de régulation, qu’il s’agit précisément d’articuler. Tout d’abord, le mécanisme classique est celui prévu par cet article 10. Il s’agit du taux « K », que l’on appelle maintenant le taux « L », et qui a fonctionné au cours des années passées. Il ne venait s’appliquer que lorsqu’il n’y avait pas eu de négociation entre le CEPS et les laboratoires. C’était un mécanisme incitatif en direction des industries pour qu’elles passent des conventions avec le comité de régulation. C’est d’ailleurs ce qui se passe. Ce mécanisme continue, il fonctionne pour l’ensemble des traitements.

Un autre mécanisme de régulation est créé, spécifique aux médicaments qui concernent l’hépatite C. C’est le dispositif que nous avons examiné hier soir dans le cadre de l’article 3. Ce dispositif prévoit qu’au-delà d’un certain seuil, fixé à 700 millions d’euros en 2015, un mécanisme supplémentaire de contribution de l’industrie concernée interviendra. Ce mécanisme concerne uniquement ces produits contre l’hépatite C. C’est précisément pour que ce ne soit pas l’ensemble de l’industrie pharmaceutique qui ait à supporter une évolution à la hausse du prix des traitements contre l’hépatite C que nous avons mis en place ce mécanisme spécifique dans le cadre de l’article 3.

Il y a donc le mécanisme pour l’hépatite C et le mécanisme général. Se pose donc la question de la régulation et de l’articulation entre les deux dispositifs afin de s’assurer qu’il n’y aura pas de double imposition ou une double taxation.

M. Jean-Pierre Door. Ça va mieux en le disant !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je vous le confirme : il n’y en aura pas. Le mécanisme de régulation pour l’hépatite C s’applique, puis, déduction faite de la contribution éventuelle que seraient amenés à faire les industriels concernés, le droit commun s’appliquera.

M. Jean-Pierre Door. D’accord !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il ne s’agit pas de superposer les deux mécanismes de régulation. Il existe deux mécanismes différents, et nous nous assurons que l’industriel ne devra pas payer deux fois sur la même somme.

(Les amendements identiques nos 77 et 369 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n920.

M. Philippe Vitel. Il s’agissait d’un amendement de cohérence en cas de suppression de l’article 3, il aurait dû tomber. Je le retire.

(L’amendement n920 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel, n234, par M. Olivier Véran, rapporteur.

(L’amendement n234, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n472.

M. Philippe Vitel. Comme le précédent, cet amendement est devenu sans objet. Je le retire.

(L’amendement n472 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l’amendement n622.

Mme Dominique Orliac. L’article 10 prévoit d’inclure dans le mécanisme de clause de sauvegarde les produits pris en charge au titre d’une autorisation temporaire d’utilisation, ou ATU. Ces produits sont destinés à un très petit nombre de patients pour une période courte, en attente de leur autorisation de mise sur le marché.

Les taxer constituerait un signal délétère pour l’accessibilité précoce aux médicaments sous ATU, innovants et destinés à des patients dont le pronostic vital est souvent fortement engagé. Cet amendement prévoit donc d’exclure du calcul et du déclenchement les ventes de produits durant cette période.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Madame Orliac, les médicaments utilisés en ATU ont un prix fixé par le laboratoire lui-même. Ensuite, lorsque le prix définitif est adapté par le CEPS, il peut exister un différentiel. Le dispositif actuel tient compte de la remise qui est appliquée pour ce différentiel entre l’indemnité ATU et le prix fixé par le CEPS.

Comme vous l’avez dit, les médicaments ATU bénéficient à un petit nombre de patients. J’attire votre attention sur le fait que précisément, le médicament contre l’hépatite C dont il est question est en ATU. Le dispositif a donc vocation à s’appliquer pour les médicaments en ATU et post-ATU.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Il est défavorable si vous ne retirez pas votre amendement, madame la députée.

Tout à l’heure, M. Barbier ironisait en disant que, si nous ne changions rien, ce n’était pas la peine de modifier la lettre. En réalité, il y a un changement. Nous avions inclus les médicaments sous ATU dans le cadre de l’enveloppe précédente, mais ce point faisait l’objet d’un doute juridique. Avec l’article 10, nous confirmons juridiquement que les ATU font partie du dispositif, dont nous avons fait évoluer l’appellation, afin de lever toute ambiguïté.

Il n’y a pas de raison que les spécialités concernées soient exclues de la régulation. On a toujours considéré qu’elles étaient comprises dans le dispositif, même si, pour des raisons de rédaction ou d’interprétation des textes, elles ne l’étaient pas systématiquement. Il s’agit donc de les faire entrer dans le droit commun.

(L’amendement n622 n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n235 de M. Olivier Véran est rédactionnel.

(L’amendement n235, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L’amendement n153, présenté par M. Olivier Véran, rapporteur, au nom de la commission des affaires sociales, vise à rectifier une référence.

(L’amendement n153, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur, pour soutenir l’amendement n154 au nom de la commission des affaires sociales.

M. Olivier Véran, rapporteur. À l’instar de ce que nous avons voté hier dans le cadre de l’article 3, l’amendement n154 a pour finalité de préserver le secret des affaires. Lorsqu’un prix est négocié entre le CEPS et un laboratoire, il n’est pas possible de raisonner à partir du dernier prix fixé, à moins de contrevenir au secret de la discussion. Comme à l’article 3 hier, nous proposons donc de prendre en compte une marge de 30 % correspondant à l’écart habituellement constaté entre le prix libre pratiqué pendant les phases de prise en charge dérogatoire d’ATU et de post-ATU et le prix fixé in fine par le CEPS.

(L’amendement n154, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 224, 623 et 625, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 224 et 623 sont identiques.

La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir l’amendement n224.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit d’un amendement que je présente à titre personnel. Dans un souci de simplification louable, le Gouvernement a souhaité limiter à deux critères le mode de répartition de la contribution entre les entreprises pharmaceutiques, en éliminant le critère lié à la promotion. Mais il propose de modifier la répartition de la charge entre le critère lié au chiffre d’affaires, qui serait pris en compte à concurrence de 60 %, et celui lié à la progression de ce chiffre d’affaires, à concurrence de 40 %.

Une telle inversion de pondération ne paraît pas cohérente dans la mesure où, conformément à l’esprit de la clause de sauvegarde, qui intervient lorsque les dépenses de médicaments remboursées dépassent le seuil d’évolution autorisée, il est souhaitable que les entreprises le plus à l’origine de ce dépassement contribuent le plus au paiement de la contribution. Aussi, il est proposé que le critère lié à la progression du chiffre d’affaires joue pour 60 % et le critère lié au chiffre d’affaires lui-même pour 40 %. Cela revient à inverser les deux taux actuellement envisagés.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l’amendement n623.

Mme Dominique Orliac. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l’amendement n625.

Mme Dominique Orliac. Il s’agit d’un nouvel amendement relatif aux critères de répartition de la contribution due par les laboratoires pharmaceutiques au titre de la clause de sauvegarde.

Comme M. Véran l’a rappelé tout à l’heure, les clés de répartition actuellement en vigueur pour l’exercice 2014 sont de 30 % au titre du chiffre d’affaires, 40 % au titre de la progression du chiffre d’affaires et 30 % au titre des dépenses de promotion. Selon cette répartition, appliquée depuis plusieurs années, la part la plus importante revient donc à la progression du chiffre d’affaires. Or le Gouvernement propose une nouvelle répartition où le chiffre d’affaires serait pris en compte à concurrence de 60 % et la progression du chiffre d’affaires à concurrence de 40 %.

Nous avons déposé l’amendement n625, qui prévoit de répartir la contribution à 50 % sur le chiffre d’affaires et à 50 % sur la progression du chiffre d’affaires, dans la mesure où l’amendement n623 engendrerait visiblement une perte de rendement trop importante. Le fait d’équilibrer les clés de répartition et de ne pas minorer la prise en compte de la progression du chiffre d’affaires par rapport au chiffre d’affaires lui-même vise à permettre de sanctionner l’industrie pharmaceutique lorsqu’elle dépasse le seuil d’évolution des dépenses remboursées prévu par les pouvoirs publics. Il est donc normal que les laboratoires pharmaceutiques qui ont le plus contribué à ce dépassement, du fait de la progression de leur chiffre d’affaires, ne soient pas moins mis à contribution au titre de la clause de sauvegarde.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Olivier Véran, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable aux trois amendements. Le sujet est assez technique. Jusqu’ici, avec le taux K, la contribution portait à 40 % sur la progression du chiffre d’affaires, à 30 % sur le chiffre d’affaires et à 30 % sur la publicité. Avec le taux L, considérant que la publicité des laboratoires avait fortement diminué, la clé de répartition est de 40 % sur l’évolution du chiffre d’affaires et de 60 % sur le chiffres d’affaires lui-même.

Les amendements identiques nos 224 et 623 proposent d’inverser les taux et de répartir la contribution à 40 % sur le chiffre d’affaires et à 60 % sur la progression de ce dernier. Nous craignons que cela pose des difficultés aux laboratoires les plus innovants et à ceux qui ne sont pas les plus gros. L’inversion du rapport paraît donc assez délétère pour les petits laboratoires les plus innovants.

En revanche, l’amendement n625, qui vise à fixer le taux de pondération de chacun des critères à 50 %, a été examiné au titre de l’article 88. À titre personnel, et après avoir entendu la présentation de Mme Orliac, j’émets un avis de sagesse. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne suis pas favorable à l’inversion des critères de répartition dans le cadre de la mise en place du dispositif du taux L. Comme cela a été très bien dit, nous prendrions le risque de pénaliser des secteurs pharmaceutiques qui contribuent à l’innovation. Cette dernière se traduit par une augmentation plus rapide du chiffre d’affaires : il me semble donc que la répartition actuelle, qui me paraissait garantir un équilibre entre la nécessité de maîtriser les dépenses et celle de valoriser l’innovation, était juste. Cependant, j’ai entendu l’expression de certaines interrogations.

Je ne suis pas favorable aux amendements identiques nos 224 et 623, qui visent à inverser complètement la prise en compte des deux critères du chiffre d’affaires et de la progression de celui-ci. En revanche, je donne un avis favorable à l’amendement n625, qui aboutit à une prise en compte équilibrée des deux critères, soit 50 % pour chacun des deux éléments constitutifs de cette contribution.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, alors que l’on parle du médicament et des mutations profondes dont cette industrie est l’objet, du fait de l’arrivée des biothérapies, des anticorps monoclonaux et des progrès spectaculaires auxquels nous assistons année après année, en termes d’espérance de vie comme de confort de survie, on peut s’étonner que nous discutions simplement de sanctions et de répartition de taux dans le calcul des contributions. Jamais il n’est question de progrès thérapeutique ni d’innovation. Jamais il n’est question des économies que pourrait générer un nouveau médicament qui éviterait des pathologies chroniques ou des transplantations.

Nous examinons un PLFSS. Il y a quelques années, j’ai entendu un certain nombre d’entre vous déplorer la dimension excessivement comptable de l’évolution de la gestion de l’assurance maladie.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

M. Bernard Accoyer. Mais jamais, jusqu’à aujourd’hui, nous n’avions atteint une telle limitation de notre action au domaine de la pure comptabilité, de la pure arithmétique. Vraiment, rien n’est fait pour privilégier l’innovation et le progrès. C’est désolant.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je retire mon amendement n224 pour me rallier à l’amendement n625 de Mme Orliac accepté par Mme la ministre.

M. le président. L’amendement n623 est-il aussi retiré, madame Orliac ?

Mme Dominique Orliac. Oui, monsieur le président, je le retire.

(Les amendements identiques nos 224 et 623 sont retirés.)

(L’amendement n625 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n370.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

(L’amendement n370, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n952.

Mme Marisol Touraine, ministre. Il s’agit d’un amendement de clarification, qui explicite le fait que chaque entreprise ayant versé des remises correspondant à au moins 80 % de sa propre contribution théorique reste exonérée, à titre individuel, même si la clause de rendement n’est pas respectée collectivement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Cet amendement n’a pas pu être examiné par la commission, mais je lui donne bien sûr un avis favorable à titre personnel. Il s’agit d’une précision utile.

(L’amendement n952 est adopté.)

M. le président. Les amendements nos 236 et 237 de M. Olivier Véran sont rédactionnels.

(Les amendements nos 236 et 237, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 132, 196 et 371.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n132.

M. Jean-Pierre Door. Cet amendement concerne le vif du sujet du médicament. On l’a bien vu, le taux K consiste en une contribution versée par les laboratoires. Pour la première fois depuis que la clause de sauvegarde existe, ce taux sera négatif en 2015, puisqu’il sera fixé à -1 %,…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Oui, mais les génériques seront exclus.

M. Jean-Pierre Door. …contre 1,4 % en 2008 et 2009, 1 % en 2010, 0,5 % en 2011 et 2012 et 0,4 % en 2013 et 2014 – il était donc procédé à un lissage régulier. C’est un très, très mauvais signal que l’on adresse à l’industrie, monsieur Bapt. Cela revient purement et simplement à programmer la récession de ce secteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mais non ! Les médicaments génériques et les médicaments orphelins ne seront plus pris en compte !

M. Jean-Pierre Door. En termes d’investissements industriels, d’emplois et de risques de délocalisation, il est extrêmement dangereux de donner un tel signal négatif.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Non, c’est un signal positif !

M. Jean-Pierre Door. M. Accoyer l’a rappelé : l’innovation majeure va arriver dans quelques années, avec l’apparition de nombreux médicaments nouveaux. Comment voulez-vous que la confiance perdure entre l’industrie et le Gouvernement ? Ce signal négatif constitue une rupture de confiance totale.

M. Philippe Vitel. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n196.

M. Bernard Accoyer. Pour compléter les arguments particulièrement pertinents développés par mon collègue Jean-Pierre Door, je voudrais souligner le double langage du Gouvernement. D’un côté, le Gouvernement implore chaque jour le Ciel pour que la croissance revienne, de l’autre, il oblige les laboratoires à la décroissance.

M. Philippe Vitel. Bien sûr !

M. Bernard Accoyer. Où est la logique ? Comment voulez-vous que quiconque puisse avoir confiance dans un gouvernement qui dit blanc le matin et noir le soir ? C’est exactement ce qu’il y a dans cet article, qui condamne à la décroissance l’industrie pharmaceutique dans notre pays.

Je rappelle que l’industrie pharmaceutique est l’un des principaux secteurs exportateurs, que la santé est certainement l’un des domaines les plus porteurs pour l’avenir, avec l’industrie numérique, et que la France détient dans ce domaine une expertise d’excellence, que vous êtes en ce moment en train de détruire. C’est une catastrophe.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n371.

M. Dominique Tian. Ce taux négatif est évidemment un très, très mauvais signal. Il faudrait peut-être se poser une question : s’il y a beaucoup d’abus sur les médicaments, la prise en charge à 100 % n’incite-t-elle pas à la surconsommation, qu’on le veuille ou non ?

Mme Isabelle Le Callennec. Bien sûr !

M. Dominique Tian. L’on dépenserait trop pour les médicaments, mais dépense-t-on bien, monsieur Bapt ? Ce n’est pas sûr, notamment en milieu rural. Cela mériterait que l’on pose les véritables questions, notamment celle du remboursement à 100 %.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Quel dommage de tomber dans les clichés dès lors que l’on parle de l’industrie pharmaceutique. Vous oubliez, mes chers collègues, la mise en place du Conseil stratégique des industries de santé, le CSIS, qui permet de réunir autour d’une même table les acteurs industriels, la ministre de la santé, le Premier ministre,…

M. Bernard Accoyer et M. Denis Jacquat. On sait, on connaît !

M. Olivier Véran, rapporteur. …pour donner plus de visibilité et de lisibilité. À titre personnel, j’ai indiqué que j’étais favorable à la conduite de travaux afin de donner davantage de lisibilité – à deux, trois ans – aux laboratoires, de manière à lever les incertitudes. C’est extrêmement compliqué ; vous l’aviez du reste reconnu en commission et je veux croire que vous n’avez pas changé d’avis depuis.

Je rappelle également que nous avons instauré le crédit impôt recherche, qui soutient l’innovation, la recherche fondamentale, ou encore le transfert technologique dans le milieu pharmaceutique. Comme dans d’autres industries innovantes en France, il joue un rôle important ; le nier me paraîtrait assez déplacé.

S’agissant du taux négatif dont il est question dans votre amendement, je précise que le taux de moins 1 % correspond à une dépense remboursée qui est stable. En outre, je précise, car je ne suis pas certain que vous ayez lu l’intégralité de l’article, que les génériques n’en font pas partie, pas plus que les médicaments orphelins ou les médicaments exportés.

M. Bernard Accoyer. C’est heureux !

M. Olivier Véran, rapporteur. Dès lors pourquoi parler de frein à l’exportation avec le taux L ? Nous parlons du marché intérieur. Le taux L n’a pas vocation à intervenir en 2015 si les économies qui ont permis de construire l’ONDAM jouent à plein. Si la baisse des prix sur les médicaments princeps, le déploiement des médicaments génériques, la réévaluation du service médical rendu d’un certain nombre de médicaments par la Haute autorité de santé permettent de tenir les objectifs de l’ONDAM, le taux ne jouera pas.

Avis défavorable donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable également.

Le rapporteur a excellemment répondu. Pour ma part, je ne comprends pas très bien les récriminations que je viens d’entendre.

Livrons-nous à un petit rappel historique. Nous serions, pour reprendre les formules excessives de tout à l’heure, en train de commettre des actes irréparables, qui constitueraient une atteinte sans précédent contre l’industrie pharmaceutique.

M. Bernard Accoyer. Tout à fait ! Détruire l’industrie pharmaceutique, c’est irréparable !

Mme Marisol Touraine, ministre. Mais, monsieur le député, qu’avez-vous fait voter en 2011 pour le PLFSS 2012 ?

M. Denis Jacquat. Que des bonnes choses !

M. Bernard Accoyer. Jamais les taux n’ont été négatifs !

Mme Marisol Touraine, ministre. Quelle a été la traduction de vos décisions sur le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique ? Une diminution de 2,2 %. Lorsque, pour notre part, nous parlons de stabilité de la dépense remboursée, il s’agit d’une situation beaucoup plus maîtrisée.

Je vais reprendre en quelques mots ce qu’a excellemment exposé le rapporteur. Le mécanisme de sauvegarde ne s’applique que si nous sommes au-delà de la maîtrise attendue et des économies demandées. Nous nous inscrivons dans une perspective de lisibilité et de visibilité sur trois ans. Si nous fixons le taux à moins 1 %, c’est parce que l’ONDAM est en diminution, ce qui nécessite un taux plus serré. Nous avons une marche significative à franchir en 2015, mais cela ne préjuge en rien du niveau auquel nous situerons le taux L en 2016 et 2017.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Il y a de quoi être inquiets, mes chers collègues.

Mme Claude Greff. En effet !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous entretenez les inquiétudes !

M. Jean-Pierre Barbier. Mme la présidente de la commission a rappelé que nous avons auditionné M. Giorgi – c’est vrai et cela a été une très bonne audition. Cela étant, j’ai l’impression que nous n’ayons pas tous entendu la même chose pour ce qui concerne le prix et la consommation du médicament dans notre pays. J’invite chacun à réécouter cette intervention, d’autant qu’elle remonte à 2013.

M. Véran, quant à lui, vante le fonctionnement du CSIS. Or vous savez fort bien que ce conseil ne s’est pas réuni depuis juillet 2013 et que les industriels ne veulent plus y participer parce qu’ils n’ont plus confiance dans le Gouvernement, compte tenu des mesures que vous prenez depuis deux ans.

M. Bernard Accoyer. Exactement !

M. Jean-Pierre Barbier. L’industrie pharmaceutique est un secteur qui fonctionne, alors on le taxe ; comme il bouge encore un peu, on l’impose. Et demain, vous le subventionnerez parce qu’il n’y aura peut-être pas d’autres solutions.

Vous avez, madame la ministre, évoqué ce qui s’est passé en 2011. Ce qui m’inquiète, c’est que vous regardez sans cesse vers le passé. Or la situation actuelle n’est pas celle de 2011 et les modifications que vous apportez aux mécanismes qui sont en place depuis des années ne peuvent en aucun cas contribuer à préparer l’avenir ni permettre le financement des molécules innovantes.

Pouvez-nous dire, madame la ministre, si, dans les années à venir, vous envisagez un nouveau mode de financement de la Sécurité sociale, particulièrement pour ce qui concerne le médicament et l’innovation ?

(Les amendements identiques nos 132, 196 et 371 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n921.

M. Philippe Vitel. Il est défendu.

(L’amendement n921, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Véran, rapporteur, pour soutenir l’amendement n155.

M. Olivier Véran, rapporteur. Amendement de conséquence.

(L’amendement n155, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n372.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

(L’amendement n372, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 10, amendé, est adopté.)

Article 28 et Annexe B

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 28.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Si nous votions l’article 28, nous adopterions du même coup les tableaux figurant à l’annexe B et dont la lecture n’est pas inintéressante : même si tout est bien caché et apparaît en petits caractères, on mesure combien le Gouvernement a bâti son projet et les perspectives de maîtrise des dépenses et des déficits sur des hypothèses totalement irréalistes.

Celles-ci, en effet, font état d’un PIB qui augmenterait de 1 % en 2015. Or selon le Haut conseil des finances publiques et Didier Migaud, un tel pourcentage est pour le moins optimiste – on comprend ce que cela veut dire. Pour 2016, vous récidivez en le portant à 1,70 % et pour 2017 et 2018 à 1,85 %. Voilà qui est tout à fait irréaliste.

Les prévisions concernant la masse salariale sont elles aussi fondées sur des hypothèses extravagantes, atteignant d’ici à 2017 une croissance annuelle de 4,20 %. C’est un gros mensonge, pour ne pas dire une manipulation grossière. Cela vaut également pour l’inflation qui est bâtie sur des hypothèses complètement irréalistes.

Nous ne pouvons adopter des tableaux dont les hypothèses sont si peu crédibles. C’est pourquoi nous ne voterons pas l’article 28.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Mon intervention portera sur l’un des points évoqués dans l’annexe B, à savoir – vous l’aurez deviné – les allocations familiales.

Pour ce qui reste de votre majorité, totalement éclatée sur le plan idéologique sur à peu près tous les sujets – politique de l’offre contre politique de la demande, contrat de travail, austérité contre relance et j’en passe –, pour ce qui reste de votre parti, dont les principaux responsables passent leur temps à s’entre-tuer jour après jour devant les Français, quelle aubaine de pouvoir enfin se retrouver sur un sujet consensuel pour vous, mesdames et messieurs de la gauche : amputer les allocations familiales des familles les plus aisées ! Voilà, n’est-ce pas, qui tombe sous le sens et qui réconcilie tout le monde : faire payer les riches – ceux qui gagnent plus de 6 000 euros –, tout en faisant des économies. Et c’est sur ce point que vous vous apprêtez une nouvelle fois à frapper les familles des classes moyennes.

Ce faisant, vous vous apprêtez à commettre une double faute lourde pour l’avenir de notre pays.

La première, hélas ! les Français ont dû s’y habituer depuis l’alternance de 2012, puisque vous n’avez cessé de frapper la famille en général – je veux parler des assauts successifs auxquels vous vous êtes livrés contre elle.

Assauts politiques et presque philosophiques, à commencer par l’institution même du mariage, mise à mal par l’instauration très contestée dans tout le pays du fameux « mariage pour tous ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce sont encore les coups portés à l’idée même de famille par le soutien implicite que vous venez d’accorder à la marchandisation du corps des femmes, en ne faisant pas appel de la décision de la Cour européenne de justice sur la GPA, ou encore par la promotion rampante de la théorie du genre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Sylviane Bulteau. Quel rapport ?

M. Patrick Hetzel. Il est évident !

Mme Valérie Boyer. Absolument ! M. Lellouche a raison !

M. Pierre Lellouche. Mais des coups ont également été portés en matière fiscale – et de quelle manière ! Au fil des précédents budgets, vous n’avez cessé de frapper les familles moyennes : baisse du quotient familial, baisse de l’allocation de base de la prestation d’accueil des jeunes enfants, la PAJE, baisse du complément du libre choix de l’activité, modification du congé parental, fiscalisation des majorations de retraite versées aux parents ayant eu ou élevé au moins trois enfants. Bref, depuis votre arrivée ce sont 4 milliards et demi d’euros – excusez du peu – qui ont été pris dans les poches des familles de France, et 25 milliards d’impôts supplémentaires sur le revenu.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très juste !

M. Pierre Lellouche. Et voilà que vous vous apprêtez à ponctionner 700 millions d’euros supplémentaires, toujours aux mêmes ménages « moyens ». Selon les associations et unions familiales, ce sont 1 000 euros en moins par an pour une famille avec deux enfants et 4 000 euros pour une famille avec quatre enfants ; c’est autant de pouvoir d’achat en moins.

Ce matraquage supplémentaire des familles moyennes se double d’une faute plus grave encore, contre le fondement même du pacte social républicain…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le député. Vous avez déjà dépassé les deux minutes réglementaires qui vous sont imparties.

M. Pierre Lellouche. J’en ai pour une minute, monsieur le président. J’en arrive au point central de mon intervention.

M. le président. C’est peut-être important, mais alors il faut changer le règlement.

M. Pierre Lellouche. C’est une faute, disais-je, contre le pacte social républicain, fondé sur l’idée d’universalité, qui se distingue de la notion d’équité. C’est votre Président de la République lui-même, monsieur François Hollande,…

M. Gérard Sebaoun. Le Président de la République ! C’est le président de tous les Français !

M. Patrick Hetzel. Un peu de calme, cher collègue !

M. Pierre Lellouche. …qui à juste titre le rappelait il y a tout juste un an, le 29 novembre dernier à l’Élysée. Je ne rappellerai pas les propos du Président de la République – je suis sûr que mes collègues y reviendront.

Renonçant au principe d’universalité, la République va donc diviser les familles entre elles et subventionner tel bébé par rapport à tel autre, selon les revenus de ses parents. Voilà qui est exactement l’inverse du but recherché par les pères fondateurs des allocations familiales, pour lesquels cet instrument était d’abord destiné à relancer la natalité française après la guerre, avec un effet maximum à partir du deuxième enfant.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Le temps est écoulé, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Lellouche !

M. Pierre Lellouche. En échelonnant les allocations familiales en fonction du revenu, vous allez donc réorienter la politique de natalité, à destination de la partie la moins favorisée de notre corps social et donc singulièrement des familles issues de l’immigration.

Ce faisant, vous allez prendre un risque très important qui est celui de diviser encore plus la communauté nationale…

M. le président. Monsieur Lellouche, vous avez largement dépassé votre temps de parole.

M. Pierre Lellouche. …où s’exprime déjà, il suffit de voir les résultats des élections récentes, un ras-le-bol croissant des Français face à l’injustice ressentie, entre ceux…

M. le président. Monsieur Lellouche, vous avez très largement dépassé votre temps de parole.

Je vais donner la parole à M. Lurton. (L’orateur continue de s’exprimer alors que le micro a été coupé. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Olivier Véran, rapporteur. Quel manque de respect ! Et en plus, un ancien président de l’Assemblée applaudit lui aussi !

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Je ne vais tout de même pas interrompre mon collègue !

M. le président. Le règlement prévoit deux minutes par intervention. M. Lellouche ne peut pas s’affranchir du règlement.

M. Gilles Lurton. À chaque fois que nous discutons d’un projet de loi de financement de la Sécurité sociale et qu’il y a des besoins de financement pour équilibrer ce budget, c’est toujours, depuis deux ans et demi, le budget de la famille qui trinque d’une façon ou d’une autre.

Vous avez décidé de faire de la famille votre variable d’ajustement de notre politique sociale.

M. Bernard Accoyer. C’est vrai !

Mme Valérie Boyer. Un bouc émissaire !

M. Gilles Lurton. Ainsi, comme nous l’avons rappelé en discussion générale et comme M. Lellouche vient de le redire, ce sont plus de 4,5 milliards d’euros qui ont été pris dans les poches de famille depuis maintenant deux ans et demi.

M. Jean-Frédéric Poisson. Excellent !

M. Gilles Lurton. Décidément, ce gouvernement n’aime pas les familles.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. Gilles Lurton. Après des mesures comme le plafonnement du quotient familial, la fiscalisation des majorations familiales de pension et la diminution, l’année dernière, de la prestation d’accueil de jeunes enfants, vous vous apprêtez à porter un nouveau coup à la politique familiale en ponctionnant 800 millions d’euros sur les familles et en rompant avec le caractère universel des allocations familiales.

M. Patrick Hetzel. C’est scandaleux !

M. Jean-Frédéric Poisson. Inique !

M. Gilles Lurton. Les familles ne peuvent pas être continuellement une variable d’ajustement. C’est un manque de courage, qui montre l’incapacité de nos gouvernants à réformer le pays. Les familles ne l’acceptent plus.(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Depuis 1945, la politique familiale fait consensus, au-delà des clivages partisans ou syndicaux. Le consensus a porté ses fruits et la politique familiale française est une réussite. Hélas, depuis l’élection de François Hollande, l’idéologie est au pouvoir et les familles en sont les premières victimes.

Votre gouvernement, s’il persiste, prend trois risques majeurs. Le premier est celui d’abaisser encore davantage le pouvoir d’achat des familles. Le deuxième est d’affaiblir la solidarité nationale – car cette mesure conduira demain les familles à soutenir le régime des retraites par répartition. Ce sont en effet les enfants de demain qui paieront la retraite des actifs d’aujourd’hui. En s’attaquant aux familles, c’est tout l’édifice de notre protection sociale que le Gouvernement est en train d’attaquer. Troisièmement, cette démarche est gravissime pour l’avenir du pays, car elle se traduira inévitablement par l’effondrement de notre taux de fécondité et, par voie de conséquence, de notre taux de natalité.

Les familles ne peuvent en aucun cas être les variables d’ajustement du manque de courage de ce gouvernement et de son incapacité à réformer. Il est grand temps que cela cesse. Les familles sont un fondement essentiel de notre pays, il faut donc davantage les respecter. Avec ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, vous exprimez un véritable mépris des familles. C’est tout à fait scandaleux et nous ne pouvons que nous insurger contre de telles pratiques.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Ce dont nous débattons avec cet article, c’est l’instauration de la République sous condition de ressources – ou plutôt : de la solidarité sous condition de ressources. L’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui accompagne la Constitution de 1958 dispose en effet que, « pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable » et qu’« elle doit être également répartie entre tous les citoyens », ce qui signifie que les revenus sont taxés de façon progressive, l’esprit de la loi étant d’assurer l’équité de traitement entre les citoyens.

Aujourd’hui, les familles – ou du moins celles qui travaillent – sont soumises à une triple peine : elles doivent travailler, payer des impôts directs et des cotisations souvent plus élevés que les autres, car elles gagnent leur vie. Elles ne bénéficient d’aucun tarif réduit pour la cantine, les transports ou la piscine, ni des tarifs sociaux de l’électricité ou du gaz : les allocations familiales, dites « universelles », sont les seules prestations qui ne sont pas soumises à condition de ressources.

Les familles qui travaillent et qui ont des enfants, cette France qui se lève tôt, cette classe moyenne, paient des impôts, mais ne bénéficient jamais de contreparties. Au-delà de cette injustice et de la révolte fiscale – inédite – qui gronde dans notre pays, sur le plan des principes, la contribution aux services communs non-marchands, qui est au cœur de notre identité républicaine, est actuellement bafouée.

La France est aujourd’hui divisée, avec des riches qui gagnent 6 000 euros par mois pour une famille de quatre personnes – deux parents qui travaillent et deux enfants –, des possédants qui sont des sous citoyens, tout juste bons à travailler et à payer l’impôt.

M. Pierre Lellouche. Très juste !

Mme Valérie Boyer. La gauche distingue aujourd’hui deux catégories de Français : ceux qui cotisent sans recevoir et ceux qui reçoivent sans cotiser. (« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) C’est mépriser les Français et cela détruit notre système. Pour que celui-ci fonctionne, il faut de la justice et un service accessible à tous.

Notre système fonctionne par l’adhésion. Or, vous détruisez ce qui nous lie et portez un coup sévère au pacte républicain. Le rapport que vous avez aux familles est particulièrement inquiétant. Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation inédite en France, où les familles sont considérées comme justes bonnes à payer.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’article 28 présente les masses des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses par branche. Dans le rapport présenté en annexe de cet article, vous mettez à mal la famille, en écrivant : « La branche famille contribuera également à l’effort de maîtrise de la dépense publique ». En fait, la famille, plus encore qu’elle ne sert de variable d’ajustement, comme le relevait M. Lurton, fait les frais d’un rapport de force entre un groupe parlementaire – à supposer qu’il ait encore une unité – et un gouvernement en quête de majorité. Vous prenez la famille en otage, et c’est inadmissible.

Les allocations familiales sont des prestations d’un montant égal pour l’ensemble des familles et doivent le rester – c’est le sens même de la solidarité et de l’universalité. Remettre en cause le principe d’universalité, c’est fragiliser la solidarité et remettre en cause notre modèle social au plus profond de ses fondements.

Placer les allocations familiales sous condition de ressources a de nombreuses conséquences. La première est qu’elle contribue à diminuer le pouvoir d’achat des familles – plusieurs des dispositions prises en ce sens ont déjà été citées, comme le plafonnement du quotient familial ou la fiscalisation de la majoration pour pension. Deuxièmement, elle mettra fin à la cohésion sociale et entraînera une division de notre société. Vous fragmentez notre système et opposez les familles les unes aux autres. Troisièmement, elle signera la mort d’une politique familiale qui fonctionne plutôt bien – la France est en effet citée en exemple dans de nombreux pays, notamment d’Europe.

Des allocations familiales, il ne restera que le nom, car il s’agira en fait d’allocations sociales. Finalement, la gauche n’aime pas les familles. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est vrai !

M. Olivier Véran, rapporteur. C’est nul ! Qui vous regarde ? Combien de voix gagnez-vous à cela ?

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Je saisis l’occasion du débat sur cet article 28 pour revenir sur plusieurs points. Il est en effet question d’économies à réaliser sur la branche famille. Comme l’ont exprimé plusieurs de mes collègues, nous avons vraiment le sentiment que vous considérez la famille et la politique familiale comme une variable d’ajustement budgétaire, sans aucune considération pour la politique familiale, ni même pour les familles.

M. Pierre Lellouche. Exactement !

M. Christian Jacob. Depuis 2012, ce sont 4,5 milliards d’euros que vous avez prélevés sur le dos des familles et sur la politique familiale.

Cela a d’abord été, à deux reprises, la baisse du quotient familial – qui est, je le rappelle, un mécanisme de solidarité entre deux familles à revenu égal, dont l’une a des enfants et l’autre pas. Ce mécanisme de solidarité, vous l’avez fait voler en éclats.

Vous vous êtes également engagés sur la voie de la fiscalisation des majorations de retraite pour les familles de trois enfants et plus. Là encore, quel reniement de la solidarité !

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. Christian Jacob. Vous vous acharnez sur tout ce qui touche à la solidarité à l’égard des familles – j’ignore si c’est par dogmatisme, par sectarisme ou par volonté de vous attaquer aux familles, et pour quelles raisons vous le faites.

Pour ce qui concerne la PAJE, vous vous en êtes également pris aux familles et aux classes moyennes. Quant au congé parental, de quoi vous mêlez-vous ? Cette mesure touche à l’intime : c’est aux parents de décider comment ils s’organisent pour prendre ce congé, au lieu de quoi vous obligez un parent plutôt qu’un autre à le prendre.

Vous dites qu’il faut faire des économies – c’est un faux argument. En effet, il ne s’agit pas tant d’un problème budgétaire que de votre volonté de vous attaquer à la politique familiale et de la détruire. S’il s’agissait d’un problème budgétaire, il existerait beaucoup d’autres solutions possibles. Regardez par exemple l’explosion que connaît aujourd’hui le coût de l’aide médicale de l’État – l’AME.

Mme Claude Greff. Un milliard d’euros !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Non ! 700 millions d’euros.

M. Christian Jacob. Vous avez supprimé le droit de timbre et l’agrément. Oui, l’AME est en train d’exploser et atteindra vraisemblablement un montant d’1 milliard d’euros. Les trois jours de carence représenteraient également un montant de 700 ou 800 millions d’euros. Il existe donc bien d’autres possibilités de trouver l’équivalent des 700 à 800 millions d’euros que vous recherchez. On voit donc bien là votre volonté de vous acharner contre la politique familiale et de la détruire.

M. le président. Monsieur Jacob, veuillez conclure, je vous prie.

M. Christian Jacob. Pourquoi vous en prendre ainsi aux familles et aux classes moyennes ? Qu’est-ce qui justifie cet acharnement, chaque année, sur le budget de la politique familiale ? Depuis 2012, ce sont 4,5 milliards d’euros que vous avez prélevés sur le dos des familles.

M. Patrick Hetzel. C’est de l’idéologie !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Après avoir présenté des premières mesures tout à fait inacceptables pour la branche famille et repoussées par une grande partie des groupes politiques, comme la réduction de la prime à la naissance, la baisse des allocations familiales pour les enfants de 14 à 16 ans, l’attaque de la PAJE et de l’aide à l’embauche d’une assistante maternelle, voilà que vous avez ressorti de votre chapeau la modulation des allocations familiales suivant les revenus, et cela simplement parce que vous avez cédé à une partie du groupe socialiste – il s’agit peut-être des frondeurs.

Vous attaquez de plein fouet les familles modestes. Souvenez-vous, madame la ministre, que M. Jospin y avait renoncé par sagesse. Quant au président Hollande, il a déclaré voilà quelques semaines qu’on ne toucherait pas aux allocations familiales, avant de se dédire. Avouez que c’est curieux !

Tout a été dit par les orateurs précédents sur le caractère universel de la politique familiale, laquelle n’est pas destinée à assurer une redistribution verticale entre les riches et les pauvres. Vous taxez les riches à partir de 6 000 euros de revenus mensuels. Or, selon la maire de Paris, citée dans la presse de ce matin, une famille de 6 000 avec enfants n’est pas une famille privilégiée : elle est tout juste modeste. C’est cette famille-là que vous allez taxer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Eh oui !

M. Bernard Accoyer. Vous ne vous parlez même plus, au Parti socialiste ! Écoutez-vous !

Mme Sylviane Bulteau. Nous ne vivons pas dans le même monde !

M. Jean-Pierre Door. C’est Mme Hidalgo qui l’écrit noir sur blanc ; vous le lirez dans la presse de ce matin.

Enfants de riches contre enfants de pauvres : triste raisonnement du Parti socialiste !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Scandaleux !

M. Jean-Pierre Door. Vous prenez 700 millions d’euros aux familles, alors que, comme le rappelle M. Jacob, vous défendez l’aide médicale d’État, qui nécessite un montant très élevé pour des étrangers en situation irrégulière. Les Français jugeront entre l’attaque de la famille et le laisser-aller pour les étrangers en situation irrégulière.

M. Christian Jacob. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Où en est notre pacte social, qui faisait le ciment de notre nation ? Depuis 1945, notre politique familiale n’est pas une politique de solidarité ; c’est une politique destinée à favoriser la natalité dans notre pays, et elle fonctionne. La solidarité s’exprime par la progressivité de l’impôt sur le revenu et des cotisations.

Une fois encore, vous faites le choix d’appauvrir les classes moyennes. Vous avez beaucoup de peine à définir les riches et nous en parvenons à une scission dans notre société. Vous voulez absolument déterminer qui est riche et qui est pauvre, à tel point qu’on ne sait plus trop ce qu’il en est. Vous avez fixé le plafond à 6 000 et 8 000 euros et décidé que les foyers dont les revenus sont supérieurs à ces seuils percevraient moins de prestations. Il ne fait aucun doute que, ces gens-là, vous allez les appauvrir, et qu’ils créeront moins d’emplois à domicile : ce sera une spirale infernale. Si vous voulez créer un pays dont plus personne n’ait les moyens d’assurer le fonctionnement, vous êtes en train d’y parvenir.

Madame la présidente de la commission des affaires sociales, vous avez déclaré que, depuis que vous étiez aux affaires, vous avez apporté 2 milliards d’euros de plus aux familles. Pour ma part, j’ai constaté qu’en 2014, l’abaissement du plafond du quotient familial de 2 000 à 1 500 euros, la réduction de 50 % de l’allocation de base et la disparition de la majoration de 184 euros pour les familles se traduisaient respectivement par 1 milliard d’euros, 460 millions d’euros et 190 millions d’euros d’économies sur le dos des familles, soit un total d’1,7 milliard d’euros.

Vous nous proposez maintenant 800 millions d’économies supplémentaires : ce seront donc au total 2,5 milliards d’euros prélevés sur toutes les familles de France.

Mme Valérie Boyer. Eh oui !

M. Jean-Pierre Barbier. Ne nous dites pas que vous aimez les familles. Une chose est certaine, en tout cas, c’est que vous êtes en train d’opérer un nivellement par le bas ; cela n’est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Bulteau.

Mme Sylviane Bulteau. On ne peut pas ne pas réagir à ces propos, pour ne pas dire à ces insultes, lorsque vous prétendez que nous n’aimons pas les familles.

M. Christian Jacob. Vous, vous insultez les familles !

Mme Sylviane Bulteau. On pourrait aussi rappeler ce que vous n’avez pas fait, ou plutôt dans quelle situation vous avez mis les familles en laissant la Sécurité sociale en 2012 avec 116 milliards d’euros de dette. Il faut donc bien aujourd’hui réparer vos graves fautes de gestion.

Avec nous, en effet, ce n’est pas la République du bouclier fiscal ; c’est la République de la fraternité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Bulteau et à elle seule !

Mme Sylviane Bulteau. Oui, aujourd’hui, nous sommes obligés de demander à ceux qui ont le plus de bien vouloir participer à la solidarité de notre société.

Mais enfin, dans quel monde vivez-vous ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Et vous ?

M. Philippe Vitel. On n’a pas de conseil à recevoir de vous !

Mme Sylviane Bulteau. Est-ce que des gens comme nous, les députés, avec les salaires que nous percevons, avons besoin du même montant d’allocations familiales qu’une femme seule au SMIC avec deux enfants ? Il faut réfléchir un peu ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Barbier. Ça n’a rien à voir !

M. Christian Jacob. Mais les enfants, ce n’est pas qu’une question d’argent !

Mme Sylviane Bulteau. Nous avons donc fait des choses pour les familles, ne serait-ce qu’augmenter l’allocation de rentrée scolaire,…

M. Christian Jacob. Arrêtez donc de considérer les enfants comme une rente de situation !

Mme Sylviane Bulteau. …sans compter toutes les mesures qui vont être adoptées dans ce PLFSS. Aujourd’hui, je le répète, nous sommes obligés de réparer vos graves fautes de gestion ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame Bulteau, quand vous nous invitez à réfléchir sur ce sujet…

M. Marcel Rogemont. C’est parce que cela ne vous arrive pas souvent !

M. Jean-Frédéric Poisson. …comprenez que nous y réfléchissons depuis un certain temps déjà et peut-être, pour certains d’entre nous, depuis plus longtemps que vous !

Par ailleurs, ainsi que je l’ai dit l’autre jour à la tribune, en présence de Mme Rossignol, je ne sais pas si on peut dire de but en blanc que vous n’aimez pas les familles, parce que cela vous choque et vous vexe, ce que je comprends.

M. Olivier Véran, rapporteur. Merci !

M. Jean-Frédéric Poisson. Personne n’est hostile à la famille, ai-je précisé, ni à la sienne, ni à celles qui sont proches de nous, ni même sur le principe. Mais il faut tout de même préciser qu’il y a historiquement chez les socialistes – en France, mais pas seulement – une forme de réserve, de distance par rapport au fait familial, parce que la famille est le contraire de ce que les socialistes défendent depuis, sinon des siècles, du moins des décennies. Ils l’ont même écrit : je vous renvoie à un numéro de L’Hebdo des socialistes datant de novembre 1989, que vous retrouverez dans vos archives,…

M. Razzy Hammadi. Et dont vous êtes un lecteur assidu !

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais oui, monsieur Hammadi : je me documente, contrairement à ce que vous croyez !

M. Razzy Hammadi. Cela ne s’appelait pas L’Hebdo des socialistes en 1989 !

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est indiqué dans ce numéro, disais-je, que la famille est un creuset d’inégalités ; et c’est vrai, bien entendu. Je comprends que, de ce fait, vous soyez méfiants à l’égard d’un creuset d’inégalités : cette position est cohérente idéologiquement.

Dès lors, vous n’aimez pas l’idée selon laquelle il y a une politique redistributive des prestations familiales qui, elle, est sous condition de ressources et plafonnée pour les trois quarts des prestations délivrées par la Sécurité sociale ou par la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF,…

M. Marcel Rogemont. Il y a des familles riches et des familles pauvres, un point c’est tout !

M. Jean-Frédéric Poisson. …tandis qu’un quart de ces prestations est dispensé de ces conditions de ressources, à savoir les allocations familiales. Vous n’aimez pas cette disparité et vous êtes en réalité en train d’intégrer cette politique allocataire qui ne dépend pas des ressources des familles dans l’ensemble du dispositif qui en dépend. Vous êtes en train de supprimer la différence, pourtant fondatrice dans la politique française, entre ce qui relève de la politique redistributive, qui est sociale et légitime, et ce qui relève de la politique de reconnaissance du fait familial, qui ne peut pas être soumise à condition.

M. le président. Merci, monsieur Poisson !

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous ne sommes pas d’accord sur ce point et nous ne nous rejoindrons jamais, chère collègue Sylviane Bulteau. Le problème n’est pas de savoir si les enfants en ont besoin ou pas ; il est de savoir si un enfant riche égale un enfant pauvre. Pour nous, oui ; pour vous, non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales. S’il y a un point sur lequel nous pouvons être d’accord, c’est que la politique familiale est une réussite française.

M. Christian Jacob. Et c’est comme cela que vous la traitez !

M. Dominique Tian. C’était une réussite française !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. J’ajoute que beaucoup nous l’envient et que cela continuera puisque les dépenses de la branche famille ne baisseront pas en 2015, dans la mesure où la politique familiale demeure pour nous une priorité.

M. Philippe Vitel. Allez expliquer cela dans vos circonscriptions !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Je vous rappelle d’ailleurs que vous avez laissé en 2011 un déficit de plus 2,5 milliards d’euros dans la branche famille, alors que nous l’avions laissée à l’équilibre en 2002 !

M. Marcel Rogemont. Eh oui !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Par ailleurs, depuis deux ans, la CNAF a bénéficié de nouvelles recettes d’une ampleur inédite puisque – je l’ai rappelé mardi dans mon intervention liminaire –, ce sont plus de 3 milliards d’euros qui ont été attribués à la branche famille en recettes.

Dites-nous donc comment il faudrait faire pour trouver d’autres recettes et permettre à la branche famille de retrouver l’équilibre !

M. Christian Jacob. Arrêtez l’hémorragie de l’aide médicale d’État !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Cela étant, il nous faut considérer que la situation a évolué au cours des années et que nous ne sommes plus dans les années 1930.

M. Christian Jacob. Les allocations, ça ne date pas des années 1930 !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Tôt ou tard, il faut bien se demander comment opérer une meilleure répartition entre les familles les plus aisées – car il y en a, c’est une réalité ! – et celles qui sont les moins.

M. Christian Jacob. Ce n’est pas l’objet de la politique familiale !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Quant aux propos tenus par M. Lellouche tout à l’heure,…

M. Philippe Vitel. On lui a coupé le micro !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. …qui prétendait que nous souhaiterions encourager la natalité des immigrés, ils sont absolument insupportables dans cet hémicycle !

M. Pierre Lellouche. C’est pourtant la vérité : regardez les chiffres du regroupement familial !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Et puisque nous parlons de l’universalité des allocations familiales, j’aimerais bien qu’on prenne le temps de faire un petit rappel historique.

Je ne vous ai pas interrompu, monsieur Lellouche, alors laissez-moi faire ce petit rappel !

Pour certains, l’universalité signifierait la réalisation de l’égalité absolue ; or notre système d’allocations familiales n’a jamais réalisé cette universalité, même s’il s’en est approché, c’est vrai, à certains moments de son histoire. Je vais la rappeler rapidement : dans son histoire, l’universalité a-t-elle signifié que tous les enfants étaient concernés ? Non !

M. Christian Jacob. Si, pour les jeunes enfants, à partir du deuxième enfant !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. La loi du 11 mars 1932 rend obligatoire pour tous les employeurs du secteur privé l’affiliation aux caisses d’allocations familiales, et ces allocations sont versées à tous les enfants qui dépendent de ce secteur ; cela concerne donc une partie des salariés. Dès 1938, un décret-loi limite à cinq ans le versement des allocations familiales pour le premier enfant.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous sommes en 2014 !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Un décret-loi de 1939 supprime l’allocation au premier enfant au profit d’une prime de naissance ; le bénéfice des allocations familiales est alors réservé aux familles de deux enfants. Universalité pour tous les enfants ? Non.

M. Pierre Lellouche. L’universalité, c’était la politique de l’après-guerre !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. L’universalité s’entend-elle pour toutes les familles ? Les allocations familiales, ainsi que je l’ai indiqué, ont été créées en 1932 pour les salariés de l’industrie et du commerce. En 1934, alors que 6 millions de familles auraient pu toucher les allocations familiales, seules 1,1 million de familles les perçoivent.

M. Christian Jacob. Faites plutôt une comparaison entre l’avant et l’après-2012 !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. En 1939, le versement des allocations n’était effectué que si l’un des deux parents seulement exerçait une activité professionnelle ; les chômeurs et les rentiers en étaient exclus.

M. Pierre Lellouche. Parlez-nous de l’assurance sociale à partir de la Libération !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. En 1945, le versement des allocations familiales est étendu aux travailleurs indépendants et à tous leurs salariés à partir du deuxième enfant.

M. Pierre Lellouche. Voilà ! C’était fait pour cela : le deuxième enfant !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Mais là encore, toutes les familles ne touchaient pas les allocations familiales et ce n’est qu’en 1978 qu’est supprimée la notion d’activité professionnelle. Depuis, toutes les familles perçoivent ces allocations, mais seulement à compter du deuxième enfant.

M. Pierre Lellouche. Et qui était au pouvoir en 1978, madame ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Y a-t-il universalité pour toutes les familles ? Non.

M. Pierre Lellouche. Qui était à l’Élysée en 1978 ?

M. le président. Monsieur Lellouche, la parole est à Mme Clergeau et à elle seule !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. L’universalité signifie-t-elle uniformité des allocations familiales ? Pas davantage. En 1932, le montant des allocations varie selon les catégories professionnelles et même selon les départements.

Mme Isabelle Le Callennec. Vous récitez votre leçon !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Il faut attendre 1938 pour que les allocations deviennent progressives selon la taille de la famille et soient versées, quel que soit le revenu de celle-ci, avec un taux uniforme.

M. Christian Jacob. Parlez-nous plutôt d’aujourd’hui !

Mme Valérie Boyer. Que se passe-t-il en 2014 ?

M. Christian Jacob. Pensez un peu aux familles en 2014 !

M. Marcel Rogemont. Elle y arrive, soyez patients !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Il est toujours intéressant de remonter un peu dans le temps ! Ainsi, le caractère historique de ce taux uniforme n’a pas échappé au Conseil constitutionnel : dans sa décision de décembre 1997, il a rappelé que l’attribution d’allocations familiales à toutes les familles, quelle que soit leur situation, ne peut être regardée comme figurant au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et mentionnés par le Préambule de la Constitution de 1946.

Aujourd’hui, l’universalité sert donc d’argument politique à ceux qui veulent vitrifier le passé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), à ceux qui ne veulent pas répartir l’effort selon un principe de justice sociale ou encore à ceux qui préfèrent les efforts égaux pour tous, c’est-à-dire pesant relativement plus sur les plus modestes. Nous nous opposerons donc bien sûr aux amendements de suppression de cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Vous ne féliciterez pas celui qui vous a préparé cette note !

M. Pierre Lellouche. Relisez donc les promesses de campagne de François Hollande !

M. Marcel Rogemont. Ça vous en bouche un coin !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ah, ça ! Je ne sais pas si on va s’en remettre !

M. Jean-Pierre Door. Vous verrez bien aux prochaines élections pour qui les Français vont voter !

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Je souhaite tout d’abord rappeler brièvement qu’il y a un contexte global.

M. Dominique Tian. Il y a la mondialisation, aussi !

M. Razzy Hammadi. Je pense avoir été très attentif à l’ensemble de vos arguments ; si je peux obtenir en retour la même quiétude, j’en serais très heureux.

Je n’ai entendu, depuis le début du débat sur le PLFSS, tout comme sur le projet de loi de finances…

M. Bernard Accoyer. C’est la première fois qu’on vous voit dans ce débat !

M. Razzy Hammadi. C’est faux ! Vous, en revanche, vous n’étiez pas souvent là, ce qui peut vous amener à penser que j’étais absent ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Vous venez d’arriver !

M. Razzy Hammadi. Je n’ai entendu aucune proposition d’économie de votre part. Dans vos tracts, dans vos discours de candidature comme dans les propos que vous tenez à l’extérieur d’ici, vous exigez 100 milliards, 130 milliards d’économies ; mais dès qu’on évoque une économie, on retrouve parmi vous le syndicat de tous ceux qui veulent la remettre en cause,…

M. Patrick Hetzel. C’est faux !

M. Razzy Hammadi. …quels que soient les arguments – y compris les plus fallacieux, à l’image de celui que vous avez utilisé et qui consiste à nous accuser de ne pas aimer la famille !

Mme Valérie Boyer. Ce n’est pas un argument : c’est un constat !

M. Razzy Hammadi. Je voudrais illustrer mon propos avec quelques chiffres assez éloquents, qui démontrent à quel point vous aimez la famille : en 2002, nous vous avons laissé une branche famille à l’équilibre ; dix ans plus tard, vous l’avez laissée en déficit de 3 milliards.

Mme Sylviane Bulteau. Et voilà ! Vous l’avez ruinée !

M. Jean-Pierre Barbier. Cela prouve que nous aimons les familles : nous avons dépensé sans compter pour elles !

M. Razzy Hammadi. Admettons qu’on utilise le même argument fallacieux que celui que vous nous ressassez depuis 2012 à chaque débat, que ce soit pour le projet de loi de finances ou pour le PLFSS, sur la question de l’AME : cela ne représente qu’1 milliard, à supposer même qu’on atteigne cette somme.

Quoi qu’il en soit, vous avez donc laissé la branche famille en déficit. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hammadi et lui seul !

M. Razzy Hammadi. Par ailleurs, j’ai du mal à vous comprendre quand vous parlez de la famille : j’ai parfois l’impression que vous défendez une certaine forme de famille, en oubliant toutes les autres.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais non !

M. Razzy Hammadi. C’est ce gouvernement qui a fait un effort sans précédent, notamment avec la complémentaire pour les familles monoparentales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Razzy Hammadi. La prime de rentrée scolaire, c’est ce gouvernement qui l’a instituée ; pas vous.

Je considère de plus que vous avez agressé la famille lorsque vous avez supprimé la demi-part des veuves.

M. Denis Jacquat. Alors pourquoi ne pas l’avoir rétablie ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ce n’était plus possible, vu l’état dans lequel vous avez laissé les finances !

M. Razzy Hammadi. Nous ne l’avons pas rétablie parce que le contexte est difficile, et nous l’assumons.

M. le président. Merci de conclure, monsieur Hammadi !

M. Razzy Hammadi. Dernier point : j’ai entendu des propos assez scandaleux un peu plus tôt sur l’encouragement aux familles immigrées. La famille, c’est la famille dans son ensemble ; on ne peut pas faire le tri. Et la famille dans son ensemble, cela date de 1976.

C’est donc la droite, avec M. Giscard d’Estaing et son Premier ministre, M. Chirac, qui a mis en place le regroupement familial et les droits qui vont avec ; la gauche vous avait d’ailleurs soutenus.

M. Pierre Lellouche. C’est une chose qu’il faudra reconsidérer !

M. Razzy Hammadi. Pas besoin donc de remonter jusqu’à 1989 pour comprendre que, sur l’essentiel, la gauche et la droite peuvent se réunir. Mais cela ne peut se faire en stigmatisant, en caricaturant les chiffres, ou en éludant totalement ce que nous avons fait pour la famille depuis 2012 et le déficit que vous avez laissé dans le financement de la famille.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. En 2012, François Hollande a été élu sur une double tromperie.

M. Jean-Pierre Door. S’il n’y en avait eu que deux !

Mme Marie-Christine Dalloz. En effet ! Disons que deux d’entre elles sont particulièrement importantes. La première a consisté à annoncer qu’il allait casser les entreprises, qui insupportent la gauche.

Il crie : « Haro sur les entreprises ! » et augmente l’impôt sur les sociétés. Puis, il se rend compte que le pacte de confiance est rompu, que l’emploi s’effiloche…

Mme Sylviane Bulteau et M. Michel Issindou. Ah non ! Oubliez M. Filoche ! (Sourires.)

Mme Marie-Christine Dalloz. …et que le chômage progresse. Alors, il fait une vraie déclaration d’amour aux entreprises. Mais, parallèlement, il avait annoncé dans son engagement n16 qu’il ne toucherait pas aux allocations familiales. À chaque budget, vous avez donc tenté, par d’autres biais, d’attaquer les familles – on a d’abord subi la baisse du quotient familial, puis la remise en cause partielle de la prestation d’accueil du jeune enfant, celle du congé parental, et enfin des allocations familiales.

M. Marcel Rogemont. Vous, vous avez attaqué les familles en laissant 650 millions d’euros de déficit ! Et ce sont nos enfants qui vont devoir payer !

Mme Marie-Christine Dalloz. La réalité, mes chers collègues, c’est que tous les salariés contribuent au financement des allocations familiales en fonction de leurs revenus, les mieux rémunérés contribuant davantage, alors que la redistribution est égalitaire. C’est le principe de l’universalité, que vous le vouliez ou non.

M. Marcel Rogemont. Ce ne sont pas les salariés, ce sont les entreprises qui financent les allocations familiales !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est ce grand principe que vous êtes en train de remettre radicalement en cause. C’est pourtant lui qui fonde notre modèle social, à laquelle vous vous prétendez si attachés.

Alors non, nous n’avons pas les mêmes valeurs ; nous n’avons pas la même vision de la famille. Il y a quelque temps, vous stigmatisiez les familles hétérosexuelles. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Pas du tout !

Mme Marie-Christine Dalloz. Aujourd’hui, vous stigmatisez les familles avec enfants. (Mêmes mouvements.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. N’importe quoi !

Mme Marie-Christine Dalloz. Non seulement vous enlevez des droits à la famille, mais – et c’est plus grave –, mesdames et messieurs de la majorité, vous enlevez des droits à l’enfant puisque, à vos yeux, un enfant riche n’a pas la même valeur qu’un enfant pauvre ; c’est cela qui est inacceptable.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. On assiste à un phénomène très bizarre depuis le début de l’examen de ce PLFSS : comme vous êtes incapables de vous occuper des déficits,…

M. Razzy Hammadi et M. Philip Cordery. Vos déficits !

M. Marcel Rogemont. Ceux que vous avez creusés !

M. Dominique Tian. …comme vous êtes incapables de mettre fin à certains abus – l’aide médicale d’État, par exemple, qui coûte 1 milliard d’euros –, vous vous attaquez aux classes moyennes et à ceux qui sont un peu plus aisés.

Hier ce sont les 500 000 retraités dont la pension est supérieure à 1 200 euros que vous avez décidé de taxer davantage. Ce matin vous remettiez en cause l’autonomie de la caisse du bâtiment, qui grâce à sa bonne gestion dégage 1,5 milliard d’excédents et distribue des primes aux salariés de ce secteur pour qu’ils puissent partir en vacances. Désormais elle devra faire des avances à l’État et à la Sécurité sociale.

Il s’agit maintenant de remettre en cause les aides dont les familles de la classe moyenne dont les revenus dépassent 6 000 euros profitaient, au même titre que les autres, au mépris de ce principe d’universalité, pourtant essentiel, en vertu duquel un enfant ne doit pas coûter plus cher qu’un autre. Il s’agit de récupérer 800 millions au détriment d’une politique d’incitation que l’Europe entière nous envie et qui fonctionne à la satisfaction de tous.

Ces 800 millions sont à comparer au coût des abus de l’AME et aux dépenses totalement inutiles engendrées par un système devenu complètement déséquilibré.

La dette cumulée de la Sécurité sociale s’élève à 135 milliards d’euros ; tous les mois, elle coûte de l’argent aux assurés sociaux français. Si notre système était au moins aussi vertueux que la Sécurité sociale allemande, dont le budget est à l’équilibre, nous n’aurions pas à prendre ce type de mesures totalement démobilisatrices.

M. Razzy Hammadi. On voit ce qu’est la natalité allemande !

M. Christian Jacob. Alors pourquoi vous en prendre à notre politique familiale ?

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. Savez-vous, madame Clergeau, que les caisses d’allocations familiales avaient pour ancêtres les caisses de compensation ? Pour éviter de verser des salaires différents à leurs ouvriers, selon l’obligation qu’ils avaient de nourrir les membres de leur famille qui étaient à leur charge, les patrons avaient mis en place un sursalaire de compensation.

Depuis lors, l’objectif de la politique familiale est resté le même. On savait, même à cette époque, qu’élever un enfant coûtait de l’argent, mais que c’était utile à la société, parce que cela la rajeunissait.

Aujourd’hui, vous accusez le déficit de la branche famille. Dois-je vous rappeler que ce déficit est dû à un transfert de charges nouvelles qui devaient échoir au FSV, à savoir les majorations de pension des parents de trois enfants et les droits à l’assurance vieillesse des parents au foyer ?

Non seulement vous êtes incapables de tenir vos engagements en matière de réduction de déficit et d’assurer le redressement de notre pays, mais en plus vous vous attaquez par pur dogmatisme à notre politique familiale, dont l’efficacité est pourtant universellement enviée.

Vous invoquez en permanence la nécessité de faire des économies, mais, que ce soit dans le cadre du PLF ou du PLFSS, ce sont non pas des économies que vous nous proposez, mais des prélèvements sur ceux qui travaillent.

M. le président. Veuillez conclure, madame Greff !

Mme Claude Greff. Vous n’allez tout de même pas me dire ça ! Mes collègues socialistes ont largement dépassé leur temps de parole !

M. le président. Le règlement est le même pour tout le monde.

Je vous prierai, par ailleurs, de ne pas mettre en cause la présidence.

Mme Claude Greff. Je ne remets pas en cause la présidence. J’ai simplement voulu dire que le temps n’était pas compté pour mes collègues socialistes et que je ne voyais pas pourquoi il le serait pour moi !

M. le président. Les règles sont les mêmes pour tout le monde. Vous avez largement dépassé les deux minutes dont vous disposez. Veuillez vous acheminer vers votre conclusion.

Mme Claude Greff. Ce que vous voulez, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, c’est ni plus ni moins renvoyer les femmes au foyer. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Celle-là, elle est bien bonne !

Mme Claude Greff. Vous riez, mais votre promesse de créer 100 000 places de crèche supplémentaires ne sera pas tenue, tout simplement parce que ni les collectivités locales ni les CAF n’ont les moyens de les financer. Les femmes n’auront donc pas la possibilité de concilier vie familiale et vie professionnelle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Vous connaissez nos réserves quant aux recettes que vous nous proposez de voter. Je voudrais cependant préciser d’emblée qu’elles n’ont rien à voir avec les outrances et les incohérences que j’entends à la droite de l’hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

S’agissant de l’outrance, je crois qu’il n’est nul besoin d’épiloguer, tout le monde a pu s’en rendre compte. Mais vous faites également preuve d’incohérence. Tout comme moi, vous voulez qu’on préserve les dépenses de la branche famille, mais vous refusez de voter les recettes nécessaires.

M. Marcel Rogemont. Voilà !

M. Jean-Louis Roumegas. C’est peut-être le point où je suis en désaccord avec le Gouvernement. Si on voulait maintenir les aides de la politique familiale, il ne fallait pas accorder aux entreprises des allégements de charges sans condition, que vous, à la droite de l’hémicycle, vous avez approuvés. Ce sont bien ces allégements qui nous privent des recettes nécessaires au maintien de notre politique familiale.

À la suite du tollé qui a accueilli vos annonces initiales et le refus de cinq des six groupes parlementaires de voter vos propositions en commission, vous avez reculé et vous proposez désormais des mesures que je dirais de moindre mal.

Nous acceptons tout à fait de débattre de la nécessité d’adapter notre politique familiale aux évolutions de la famille, car oui, la famille a évolué. La question d’une modulation des allocations en fonction des revenus n’est pas un tabou pour nous et elle ne mérite pas que l’on pousse des cris d’orfraie. Ce que je regrette, c’est qu’on l’envisage dans un but de pure économie, sans l’inscrire dans une vision d’ensemble de la politique familiale.

Pourquoi ne pas envisager, par exemple, d’octroyer des allocations familiales dès le premier enfant, ce que pour notre part nous proposons depuis longtemps, en faveur de toutes les familles, même les plus riches, qui ont l’air d’avoir les faveurs de la droite de cet hémicycle ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Nous défendons toutes les familles !

M. Jean-Louis Roumegas. Il y a d’autres injustices dans la politique familiale, tel que le quotient familial, qui bénéficie aux familles riches, si chères à la droite de l’hémicycle.

M. Philippe Vitel. Vous pouvez vous les garder, vos leçons de morale !

M. le président. Merci de conclure, monsieur Roumegas !

M. Jean-Louis Roumegas. Nous ne sommes pas satisfaits des pertes de recettes entraînées par l’application du pacte de responsabilité, mais nous n’approuvons pas les cris d’orfraie poussés sur les bancs de la droite.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. L’annexe B expose que la branche famille contribuera à l’effort de maîtrise de la dépense publique. Ce seront en réalité 700 millions d’économies qui devront être réalisées sur le dos de certaines familles,…

M. Marcel Rogemont. Les familles riches !

Mme Isabelle Le Callennec. …auxquelles vous avez déjà confisqué 4,5 milliards d’euros ces deux dernières années. C’est autant de pouvoir d’achat, de consommation et de croissance en moins, et l’UMP le déplore vivement.

Ce que nous dénonçons aussi, c’est la succession d’annonces, de volte-faces, de zigzags, auxquels vous vous êtes livrés ces dernières semaines, jusqu’à jeudi dernier et cette formidable annonce de l’Élysée, qui a finalement tranché : il y aura bien une modulation des allocations familiales,…

M. Christian Jacob. Contrairement à ce que le Président de la République avait dit !

Mme Isabelle Le Callennec. …au détriment d’une certaine catégorie de familles. Pourtant ces familles cotisent. Vous franchissez là une ligne jaune, en violation des promesses du candidat Hollande.

En réalité, ce ne seront pas 700, mais 943 millions d’euros si on y ajoute les conséquences du rebasage que vous négociez actuellement avec la CNAF.

Il faut que les familles sachent quelles mesures vous vous apprêtez à prendre : réduction de la prime de naissance, réduction du complément de libre choix du mode de garde, substitution aux modalités actuelles du partage du congé parental d’une réglementation plus intrusive, versement de la PAJE après la naissance de l’enfant, diminution du montant des allocations pour les enfants de 14 à 16 ans.

Nous évoquons toutes ces mesures dès cet article, mais nous remettrons le couvert au moment de l’examen des articles 61 et 62, qui les concentrent toutes. L’examen de ces dispositions sera pour nous l’occasion de vous montrer la détermination de l’UMP à défendre la famille, toutes les familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Quand j’étais à la fois jeune adjoint aux affaires sociales de la municipalité de Metz, médecin spécialiste et père bénéficiant d’allocations familiales, je m’étais demandé si ce que je percevais ne devait pas plutôt être donné aux mères isolées qu’il m’arrivait de recevoir dans l’exercice de mes fonctions. Cependant les arguments des représentants d’associations familiales que j’avais eu l’occasion de rencontrer alors m’avaient rallié à la cause de l’universalité. Depuis ma position n’a jamais varié, quels que soient les mandats que j’ai exercés.

J’aurais pu comprendre si le principe d’universalité new-look que vous nous proposez consistait à donner aux pauvres ce qu’on prend aux riches, mais en réalité ces 800 millions ne seront pas restitués aux plus modestes.

Ma longue expérience politique me conduit à vous poser une question qui avait suscité quelques remous en commission : remettre ainsi en cause la véritable universalité ne risque-t-il pas d’ébranler ce qui fonde la Sécurité sociale, les transports publics et enfin l’école publique ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Quel rapport ?

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Vous permettrez au député de Roubaix, ville qui a vu naître les allocations familiales, d’intervenir dans ce débat.

Les allocations familiales sont en effet nées à Roubaix d’un accord entre le patronat et les syndicats locaux, notamment la CFTC. Il s’agissait de permettre aux familles des ouvriers des usines de Roubaix, qui vivaient sur place, de faire garder leurs enfants.

C’est ainsi que sont nées les allocations familiales. Il n’était pas question à l’époque de savoir si le bénéficiaire était ouvrier ou cadre : tous les salariés de l’entreprise avaient droit à ces dispositions.

M. Jean-Yves Caullet. Tu parles !

M. Francis Vercamer. Tels sont les éléments historiques que je voulais rappeler au sujet des allocations familiales.

Vous remettez en cause ce principe, et vous en avez tout à fait le droit puisque nous sommes en démocratie. Il s’agit néanmoins d’un acquis social qui existe depuis longtemps, qui avait été négocié à l’époque par le secteur textile – la lainière de Roubaix et d’autres entreprises – et qui repose sur l’universalité : ces avantages permettaient aux familles de travailler quel que soit le revenu du ménage.

Je rappelle tout de même que la branche famille finance le Fonds de solidarité vieillesse secteur 2 à hauteur de 9 milliards d’euros chaque année.

Mme Claude Greff. Ce sont plutôt 16 milliards !

M. Francis Vercamer. Et, comme par hasard, le budget de la branche famille est en excédent cette année de près de 800 ou 900 millions d’euros, ainsi que nous l’avons vu hier. On vient donc lui prélever 9 milliards d’euros uniquement parce que vous ne voulez pas réformer les retraites, et on en vient ensuite à supprimer l’universalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Martine Pinville, rapporteure. Ce n’est pas le sujet !

M. Francis Vercamer. Telle est l’explication de votre mesure !

M. Marcel Rogemont. Ils veulent prendre l’argent des retraités ! Il faut être gonflé !

M. Razzy Hammadi. Vous vous attaquez aux grands-parents ! En massacrant les retraites, vous vous attaquez aux familles !

M. Francis Vercamer. Pour ne pas avoir à prélever la branche famille, et donc à revenir sur l’universalité, il suffirait tout bêtement de réformer les retraites ; telle est la réalité, mesdames, messieurs les députés !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. J’entends dire qu’il ne faut pas traiter inégalement les enfants des familles riches et ceux des familles pauvres. Bien entendu, j’adhère à la proposition du Gouvernement. Analysons donc la situation.

Dans les familles dont les parents paient l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire les classes moyennes et supérieures, tout nouvel enfant permet de bénéficier de déductions d’impôts dont l’importance augmente en proportion des revenus. Des sommes importantes sont donc attribuées à l’éducation des enfants grâce à ce dispositif. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Vous avez abaissé le quotient familial !

M. Bernard Accoyer. Vous n’avez pas vu tout le film !

M. Jean-Louis Touraine. Est-ce équitable qu’à ces sommes importantes offertes à ces familles pour élever leurs enfants s’ajoute la même allocation que celle qui est donnée, sans autres avantages, aux familles pauvres ?

M. Marcel Rogemont. Il a raison !

Mme Claude Greff. Il n’a rien compris !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. J’aimerais en revenir quelques instants au concept d’universalité.

Qu’est-ce que le principe d’universalité ? Pour les allocations familiales, il s’énonce comme suit : à situation familiale égale, on perçoit le même montant d’allocation ; c’est très simple. L’introduction de conditions de ressources marque donc bien la fin de l’universalité des allocations familiales.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien vu !

M. Philippe Vitel. En revenant sur ce principe, vous ouvrez immédiatement une brèche dans l’ensemble de notre système de protection sociale.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

M. Philippe Vitel. Par exemple, la solidarité qui fonde l’assurance maladie s’exerce non pas des riches vers les pauvres mais des biens portants vers les malades.

M. Jean-Yves Caullet. Même les étrangers !

M. Philippe Vitel. Nous n’avons jamais dit le contraire, au sujet des étrangers ! Parlons-en, d’ailleurs ! Nous n’avons jamais refusé de soigner un malade ; lorsqu’on est médecin, comme moi, on a prêté le serment d’Hippocrate et on s’attache à le respecter jusqu’à la fin de ses jours.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Mais ce n’est pas le sujet !

M. Philippe Vitel. Nous n’avons donc pas de leçons à recevoir de vous !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Et nous, nous n’avons pas de leçons à recevoir de vous sur les familles !

M. Philippe Vitel. Au-delà de l’abandon du principe d’universalité, cette mesure est totalement injuste : elle pénalise les classes moyennes qui cotisent déjà sur une base progressive des montants supérieurs aux prestations qu’elles reçoivent. Elle ne pénaliserait d’ailleurs que les familles ayant des charges d’enfant. Elle viendrait s’ajouter à la réforme du quotient familial, qui était pourtant censée la remplacer. Enfin, elle ferait subir des pertes de revenus très importantes aux familles nombreuses.

Pour toutes ces raisons, symbolique et économiques, je considère que le dispositif que vous mettez en place aujourd’hui n’est ni plus ni moins qu’un impôt sur l’enfant.

M. Jean-Pierre Door. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Madame la ministre, vous avez donc décidé, après bien des contorsions et des renoncements, de remettre en cause le principe fondamental de l’universalité des prestations familiales, confirmant ainsi votre détermination à matraquer une fois de plus les familles des classes moyennes.

M. Marcel Rogemont. Votre disque est rayé !

M. Philippe Goujon. La vérité vous dérangerait-elle ?

M. Marcel Rogemont. Pas du tout !

M. Philippe Goujon. Nous continuerons néanmoins de la clamer. D’ailleurs, cher collègue, nous ne sommes pas les seuls à le dire : vous n’accordez peut-être pas de crédit aux déclarations du groupe UMP, mais plusieurs institutions partagent notre avis.

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh oui !

M. Philippe Goujon. L’UNAF, l’Union nationale des associations familiales, s’est dite « abasourdie » de cette « remise en cause brutale de la politique familiale de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle » développée avec succès depuis de nombreuses années.

La CNAF s’était également prononcée contre ces mesures, qui vont « aggraver les conditions de vie des familles ». Ce désaveu de votre politique est partagé par les instances de l’assurance maladie elle-même.

Vos propres alliés communistes et écologistes n’ont pas manifesté un vif enthousiasme à l’annonce de cette mesure ; ils viennent d’ailleurs de le dire. Ils ont eux aussi dénoncé cette remise en cause, s’inquiétant notamment que vous descendiez bientôt le seuil à 4 000 euros pour un couple avec enfants, situation que François Hollande qualifiait de richesse. D’ailleurs, aux termes des amendements que vous présentez, Bercy aura absolument tout pouvoir pour raboter encore les prestations familiales par la voie aussi discrète qu’efficace du décret.

Les caisses d’allocations familiales, de surcroît, nous alertent sur leur incapacité à mettre en place une telle modulation : leur système de gestion n’est absolument pas connecté au fisc. Alors qu’aujourd’hui la naissance d’un enfant déclenche tout simplement le versement de l’allocation, une gestion mensuelle par ménage poserait certains problèmes.

La modulation des allocations familiales vient s’ajouter aux vagues de mesures défavorables aux familles que vous avez adoptées depuis que vous êtes au pouvoir. L’abaissement du quotient familial a touché 12 % des familles.

M. Marcel Rogemont. Heureusement que nous l’avons abaissé !

M. Philippe Goujon. C’est le même public qui subira demain la modulation des allocations familiales.

Le seuil, que vous fixez à 6 000 euros, ne peut être considéré comme celui de la catégorie des privilégiés, notamment s’agissant des familles parisiennes. Je voudrais citer à ce propos – il me semble que notre collègue Jean-Pierre Door l’a fait lui aussi tout à l’heure – la maire de Paris, Mme Hidalgo : « […] la modulation proposée est problématique en ce qu’elle vise principalement les classes moyennes. À Paris, avec 6 000 euros de revenus mensuels, un ménage avec enfants peut difficilement être classé parmi les grands privilégiés. » Ce n’est pas nous qui le disons, chers collègues ; c’est la maire de Paris, qui est de votre couleur politique.

M. Pierre Lellouche. Pour une fois, Mme Hidalgo est citée par la droite ! Tout arrive !

M. le président. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. La politique familiale est un pilier de notre pacte républicain, issu du Conseil national de la Résistance. Depuis l’arrivée de François Hollande à la présidence de la République, vous sacrifiez les familles, qui sont la variable d’ajustement de vos choix budgétaires. Vous avez ainsi procédé à une baisse drastique du plafond du quotient familial.

La modulation du quotient familial que vous souhaitez introduire rompt avec l’un des principes fondateurs de la Sécurité sociale pour la branche famille, le principe d’universalité, selon lequel toutes les familles doivent bénéficier de la protection de l’État. Notre politique familiale est un modèle. Les autres pays nous envient ce paradoxe français qui se caractérise par la conjonction d’un taux de natalité élevé et d’un taux d’insertion professionnel des femmes parmi les plus hauts d’Europe. Vous allez donc pénaliser les familles, et plus précisément les femmes, qui seront les premières victimes de vos choix idéologiques.

Dans un contexte de croissance atone – 0,4 % – et avec des perspectives guère meilleures – l’INSEE et le FMI prévoient un taux de croissance de 1 % –, vous allez affaiblir encore un peu plus le pouvoir d’achat des familles.

Quel est au fond l’objectif sous-jacent de ces mauvais choix ? Voulez-vous diminuer le taux de fécondité dans notre pays ? Que proposez-vous aux femmes pour leur permettre de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle ?

M. Marcel Rogemont. Des crèches !

Mme Virginie Duby-Muller. Vous le savez, il n’y a pas suffisamment de places en crèche.

M. Marcel Rogemont. L’accueil dans les écoles maternelles à partir de deux ans !

Mme Virginie Duby-Muller. Et même si vous prévoyez d’augmenter le nombre de places d’accueil, ces engagements supplémentaires devront être financés par les collectivités territoriales qui, en ce moment, souffrent de vos désengagements successifs. Cette année, elles ont encore perdu 3,7 milliards d’euros.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Qu’avez-vous fait de votre côté ? Vous avez supprimé l’accueil des enfants de deux ans dans les écoles maternelles !

Mme Virginie Duby-Muller. Cette charge supplémentaire viendra encore grever leur budget.

Madame la ministre, nous regrettons vraiment vos choix idéologiques. Une fois encore, nous vous adjurons de ne pas remettre en cause le principe d’universalité.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont. (Rires d’exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Je voudrais seulement dire quelques mots. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) Vous noterez, monsieur le président, que les députés du groupe UMP veulent m’interdire de prendre la parole. (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Exprimez-vous, monsieur Rogemont !

M. le président. La parole est à M. Rogemont et à lui seul !

M. Marcel Rogemont. On nous interroge au sujet de la progression du pouvoir d’achat des Français. Pour ma part, je maintiens que quand on fait en sorte d’accueillir dans l’éducation nationale les enfants à partir de deux ans, on donne du pouvoir d’achat. Vous ne connaissez pas le coût d’une place en crèche et celui d’une place en maternelle !

M. Jean-Yves Caullet. Très bien !

M. Jean-Frédéric Poisson. Arrêtez donc avec cela !

M. Marcel Rogemont. Eh bien, je vous garantis qu’un enfant scolarisé en maternelle coûte beaucoup moins cher qu’un enfant inscrit en crèche. Quand on accueille leurs enfants à partir de deux ans dans les écoles maternelles, on donne donc aux parents du pouvoir d’achat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. C’est très mauvais pour les enfants !

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 28.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n389.

M. Patrick Hetzel. Le présent amendement vise à supprimer l’article 28.

En effet, le principe d’universalité est à nos yeux essentiel. Un enfant doit valoir un autre enfant. L’idéologie qui sous-tend cette mesure apparaît clairement. L’un de nos collègues disait tout à l’heure que nous avions sans doute une vision politique ; tel est bien le cas et, pour ma part, je l’assume pleinement. Cette vision consiste à dire que la politique familiale a précisément pour objet de favoriser la natalité et de soutenir les familles.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Vous n’avez pas le monopole sur ce point !

M. Patrick Hetzel. À cet égard, on ne saurait confondre politique familiale et politique fiscale. Pour cette raison, un enfant vaut à nos yeux un autre enfant.

Avec votre idéologie, et on le comprend bien en écoutant votre discours, vous opposez les familles : il y aurait selon vous des familles riches et des familles pauvres.

M. Philip Cordery. C’est bien le cas !

M. Patrick Hetzel. Pour nous, il n’y a en réalité que des familles qui élèvent des enfants ; nous ne cherchons pas à cliver, à séparer.

M. Marcel Rogemont. La famille Dassault et une famille qui touche le RSA, c’est donc la même chose ?

Mme Martine Pinville, rapporteure. Scandaleux !

M. Patrick Hetzel. Une politique familiale doit permettre aux familles qui élèvent des enfants de bénéficier du soutien de la nation pour le faire. C’est d’ailleurs l’objectif qui était à l’origine de la création de cette politique par le Front populaire en 1936. Je suis désolé de vous le dire, mais ce que vous faites relèverait plutôt du front impopulaire !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Ce n’est pas sûr !

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, bien entendu, et ce, d’autant qu’il aboutirait à supprimer les augmentations de dépenses de la branche famille inscrites dans les tableaux pour 2014, 2016, 2017 et 2018.

M. Jean-Yves Caullet. Heureusement que nous veillons !

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Mesdames, messieurs les députés de l’opposition, le Gouvernement est évidemment défavorable à votre amendement.

Personne n’est dupe : l’article dont nous discutons ne porte absolument pas sur la politique familiale, je tiens à le rappeler.

Mme Isabelle Le Callennec. Ce sont les alinéas 29 et suivants !

M. Bernard Accoyer. Cela figure dans l’annexe !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il s’agit d’un tableau d’équilibre. Certes, il comporte quelques éléments sur la politique familiale, mais j’aurais aimé vous entendre sur le fait que, d’ici à 2017, nous ramenons la branche vieillesse à l’équilibre, malgré tout ce que vous pouvez dire, et que nous poursuivons le rétablissement de l’équilibre des comptes en matière d’assurance maladie. Votre seule préoccupation reste cependant la politique familiale. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Je vous ai écoutés avec attention, mesdames, messieurs les députés de l’opposition ; je ne dirai que ceci : « tout ce qui est excessif est insignifiant. » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. C’est vous qui êtes excessive !

Mme Marisol Touraine, ministre. À vous entendre, nous procéderions à la destruction de la politique familiale, ce qui n’a évidemment absolument aucun sens. Vous mettez en avant des arguments qui ne tiennent pas un instant. Souhaitant être brève, je ne les reprendrai pas. Nous avons d’ailleurs déjà eu l’occasion d’en débattre lors des séances de questions au Gouvernement.

Je rappellerai que l’universalité n’est pas remise en cause.

Mme Claude Greff. Ah bon ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Toutes les familles qui peuvent prétendre aux allocations continueront de les toucher. Si pour vous l’universalité consiste à dire que tous les parents d’enfants doivent avoir la même chose, je m’étonne que, depuis 1945, durant toutes les périodes, assez longues, au cours desquelles vous avez été aux responsabilités, vous n’ayez pas jugé utile d’instaurer une allocation familiale pour le premier enfant, puisque dans notre pays les parents ne touchent pas d’allocation pour la naissance de leur premier enfant.

Mme Claude Greff. C’est reparti !

M. Pierre Lellouche. Mais cela n’a aucun sens sur le plan de la natalité ! C’est un mauvais argument !

Mme Marisol Touraine, ministre. Notre position ne remet donc pas en cause le principe d’universalité.

Nous faisons le choix de l’efficacité : notre politique doit répondre aux attentes de nos concitoyens, en augmentant le nombre de places de crèche, mais aussi en maîtrisant les dépenses. Cette maîtrise des dépenses doit être juste ; c’est pourquoi vous n’amènerez personne à penser qu’il est injuste qu’une famille qui gagne entre 3 000 et 5 000 euros perçoive des allocations familiales plus élevées qu’une famille dont les revenus dépassent 6 000 euros.

Mme Claude Greff. Vous êtes malhonnête ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. C’est vrai !

Mme Marisol Touraine, ministre. La seule famille qui vous intéresse, c’est votre famille politique ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Et il y a du boulot !

Mme Marisol Touraine, ministre. Agitez-vous ! Je pressens que vous allez vous agiter encore davantage dans un instant.

Expliquez-moi pourquoi, à 18 h 28, aujourd’hui, est parti un message électronique de l’UMP demandant à ses adhérents une cotisation exceptionnelle pour défendre la politique familiale. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Denis Jacquat. Je ne l’ai pas reçu !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. C’est que vous n’êtes pas à jour de vos cotisations… (Sourires.)

Mme Marisol Touraine, ministre. Pourquoi donc, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, sollicitez-vous de vos adhérents un don exceptionnel de 10, 20, 30 ou 120 euros ? Manifestement, vous êtes habitués à lancer des campagnes d’appel aux dons !

M. Marcel Rogemont. C’est la famille Bygmalion !

Mme Marisol Touraine, ministre. Les familles de France méritent mieux que la manière dont vous les traitez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Madame la ministre, vous avez expliqué que, dans l’article 28, rien ne fait référence à la politique familiale. Je vous invite à relire l’annexe. Il ne serait pas stupide que vous, ministre, preniez connaissance du PLFSS !

L’alinéa 31 de l’annexe B précise que les trajectoires de dépenses de la branche famille présentent un volet d’économies à venir sur les prestations. C’est à partir de là que nous avons rédigé nos amendements, puisque vous vous engagez, effectivement, à remettre en cause l’universalité.

M. Patrick Hetzel. C’est un cadrage !

M. Christian Jacob. C’est se ficher du monde que de dire que l’universalité est maintenue, madame la ministre !

Mme Claude Greff. C’est certain !

M. Christian Jacob. L’écart de cotisations est de un à quatre entre une famille au SMIC et une famille dont les deux revenus atteignent 6 000 euros. Vous comptez, en sus, diviser les allocations familiales par deux pour cette dernière. Quitte à maintenir l’universalité, pourquoi ne pas aller jusqu’à les fixer à 1 euro ? C’est vraiment se moquer du monde, ainsi que vous l’avez fait tout au long de la démonstration sur la politique familiale – nous avons eu l’occasion de vous le rappeler à plusieurs reprises.

Vous faites d’ailleurs une confusion, très révélatrice, en voulant systématiquement caricaturer. Pour vous, il y a d’un côté les familles pauvres, de l’autre les familles riches, d’un côté les bons, de l’autre les méchants. La politique familiale, c’est tout sauf cela ! Le principe de l’universalité, c’est de s’adresser à toutes les familles, c’est prendre en charge le coût de l’enfant. C’est pour cette raison que cette politique a été faite.

Pour corriger les revenus, il existe des politiques sociales et l’impôt sur le revenu. La politique familiale est l’un des fondamentaux de notre pacte républicain. Si vous vous attaquez aujourd’hui à l’universalité des allocations familiales, vous vous attaquerez demain à la retraite par répartition ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Continuez donc à faire peur !

M. Christian Jacob. Le principe de la politique familiale est de créer une solidarité entre les familles qui ont des enfants et celles qui, à revenu égal, n’en ont pas. Pour maintenir notre système de retraite par répartition, il faut que les familles aient des enfants. Or vous avez décidé de matraquer ces familles, de matraquer les classes moyennes par dogme, par sectarisme, et je ne sais par quel angélisme politique.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. C’est faux !

M. Christian Jacob. L’attaque que vous portez aujourd’hui est gravissime. Ce que vous êtes en train de faire en matière de politique familiale aura des répercussions sur la retraite par répartition et, demain, sur la politique de la santé. Vous êtes en train de tout ficher en l’air par dogme, par sectarisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Je vous ai bien connue, madame la ministre, lorsque vous vous occupiez de politique étrangère et d’affaires de défense ; j’avais d’ailleurs beaucoup d’estime pour vos analyses. Mais je dois vous dire mon désaccord sur la politique de natalité. Il est normal que les allocations familiales commencent au deuxième enfant, précisément parce que le choix de la politique de natalité était d’aider à repeupler la France.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Il y a soixante-dix ans !

M. Pierre Lellouche. Le principe d’universalité sert précisément à cela : donner un signal de politique nataliste en France. En clivant les familles, vous indiquez que les classes moyennes sont invitées à ne plus avoir de nombreux enfants et que les classes les plus modestes peuvent continuer à faire financer la famille par l’État,…

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. Quelle formule !

M. Pierre Lellouche. …ce qui est une aberration et un encouragement aux pires fantasmes et aux pires fractures. Je vous mets en garde solennellement : vous êtes en train de jouer avec le feu ! Ne mélangeons pas tout, madame Touraine : le fait qu’il n’y ait pas d’allocations au premier enfant n’a rien à voir avec le principe d’universalité. L’universalité et l’équité, comme nous n’avons cessé de vous le démontrer, sont deux notions différentes.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Démonstration surprenante !

M. Pierre Lellouche. Aujourd’hui, les familles modestes, outre qu’elles paient beaucoup moins d’impôts que les autres, bénéficient, dans toutes les communes de France, d’énormément d’aides – cantine gratuite, accès au sport, transport, santé –, modulées en fonction des revenus. Cela ne touche pas au principe de base de la République qui est que la politique de natalité doit concerner tout le monde.

Au moment où la France connaît des problèmes de fracturation sociale et que rentrent en France chaque année – parce qu’il faut le dire et en finir avec la cécité – 200 000 étrangers, dont 100 000 au titre du regroupement familial,…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ça suffit, ce discours !

M. Pierre Lellouche. …attention à ne pas créer, avec cette affaire de modulation des allocations familiales, une pompe aspirante et une fracture sociale et politique, qui seront gravissimes demain. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n389 n’est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly