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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Troisième séance du vendredi 24 octobre 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (suite)

Quatrième partie (suite)

Assurance vieillesse (suite)

Article 57 (précédemment réservé)

M. Gérard Sebaoun

Mme Jacqueline Fraysse

Accidents du travail et maladies professionnelles

Avant l’article 58 (amendement précédemment réservé)

Amendement no 487

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Article 58 (précédemment réservé)

Mme Jacqueline Fraysse

Amendements nos 443 , 787 , 431 , 174

Article 59 (précédemment réservé)

M. Jean-Louis Roumegas

Amendement no 175

Amendements nos 347, 468, 467

Rappel au règlement

M. Arnaud Richard

Article 60 (précédemment réservé)

Famille

Avant l’article 61 (amendements précédemment réservés)

Amendements nos 476 , 500 , 519 , 665 , 673 , 732 , 754 , 815 , 825 , 321 , 572

Suspension et reprise de la séance

Amendement no 324 rectifié

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales

Amendements nos 1005 (sous-amendement) , 981 (sous-amendement) , 985 (sous-amendement) , 997 (sous-amendement) , 983 (sous-amendement) , 986 (sous-amendement) , 999 (sous-amendement) , 1006 (sous-amendement) , 945 (sous-amendement) , 1007 (sous-amendement) , 812 rectifié

Suspension et reprise de la séance

Rappel au règlement

M. Arnaud Richard

Article 61 (précédemment réservé)

Mme Jacqueline Fraysse

M. Dominique Tian

M. Jean-Louis Roumegas

M. Marc Le Fur

Mme Martine Pinville

Mme Claude Greff

M. Jean-Pierre Barbier

M. Xavier Breton

M. Gilles Lurton

M. Pierre Lequiller

M. Gérard Bapt

M. Denis Jacquat

Amendements nos 140 , 199 , 325 , 432 , 440 , 653 , 678 , 738 , 777 , 799 , 813 , 820 , 827

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Après l’article 61 (amendements précédemment réservés)

M. Denis Jacquat

Amendements nos 226, 229

Amendements nos 141, 200, 655, 679, 739, 821, 831 , 776 , 139, 197, 677, 737, 819, 830 , 433

Article 62 (précédemment réservé)

Mme Sylviane Bulteau

M. Jean-Louis Roumegas

Mme Jacqueline Fraysse

Amendements nos 501, 675, 686, 734, 756, 817, 826, 887

Articles 63 et 64 (précédemment réservés)

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (nos 2252, 2303, 2298).

Quatrième partie (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles de la quatrième partie du projet de loi, s’arrêtant à l’article 57.

Assurance vieillesse (suite)

Article 57 (précédemment réservé)

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun, premier inscrit sur l’article.

M. Gérard Sebaoun. Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, mes chers collègues, je me suis permis de m’inscrire sur cet article parce que, de même que notre collègue Denis Jacquat s’est fait l’écho, au moment de la discussion sur l’article 50, des revendications du Syndicat national de chirurgie plastique, de même, je souhaiterais faire part à Mme la ministre des affaires sociales d’une interpellation que j’ai reçue de la part des organisations syndicales de la branche transport et logistique au sujet de leur congé de fin d’activité, dit CFA.

Cette branche dispose depuis 1997 d’un dispositif de cessation anticipée d’activité financé par l’État et les partenaires de la branche. Ils sont actuellement en désaccord avec l’URSSAF sur l’interprétation de ce CFA transport, que l’URSSAF assimile à un régime de pré-retraite, alors que les syndicats font valoir un point de vue différent. Je passe sur les modalités du dispositif, mais pouvez-vous, madame la ministre, nous donner des éléments de réponse, puisque ce secteur concerne 350 000 salariés aujourd’hui ?

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Dans le rapport de la commission des affaires sociales, nous lisons que, pour 2015, la commission des comptes de la Sécurité sociale estime que « la progression des dépenses de prestations devrait rester stable et contenue, sous l’effet combiné d’une faible revalorisation des pensions en raison de la faible inflation pour 2014 et du décalage de six mois de la date de la revalorisation prévue par la loi du 20 janvier 2014, qui engendrerait une économie de 600 millions d’euros en 2015 ».

Rappelons que la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale a reconduit ce gel injuste pour une année, à l’exception des retraites inférieures à 1 200 euros mensuels. Mais finalement, la revalorisation de ces petites retraites annoncée dans le PLFRSS n’a pas eu lieu. Vous avez donc décidé d’octroyer une prime exceptionnelle et forfaitaire de 40 euros, « par dignité vis-à-vis de ces retraités », selon les propos du Premier ministre ; une somme que je me permets de qualifier de dérisoire, car sans commune mesure avec les besoins de la plupart de ces personnes. D’autant, que ce geste très modeste de la part du Gouvernement intervient après six mois de gel de ces mêmes pensions.

J’ajoute que nous nous interrogeons sur le statut de cette prime. Je voudrais savoir si elle sera au moins prise en compte pour la revalorisation à venir. Autrement dit, si un retraité perçoit 1 000 euros, la revalorisation de sa pension sera-t-elle calculée sur la base de 1 040 euros ?

Je voudrais rappeler, avant de conclure, que les retraités ne quémandent pas de prime, mais qu’ils exigent, après une vie de labeur, d’avoir les moyens d’une vie digne. Je pense qu’il faut tout de même garder cette idée en tête.

(L’article 57 est adopté.)

Accidents du travail et maladies professionnelles

M. le président. Nous abordons les articles relatifs aux accidents du travail et aux maladies professionnelles.

Avant l’article 58 (amendement précédemment réservé)

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, pour soutenir l’amendement n° 487.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement est rédactionnel.

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Avis favorable.

(L’amendement n487 est adopté.)

Article 58 (précédemment réservé)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, inscrite sur l’article.

Mme Jacqueline Fraysse. Avec cet article 58, nous sommes amenés à débattre des fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. Sur ce sujet, je tenais à évoquer particulièrement la question de la prévention, sur laquelle il nous reste beaucoup à faire.

Depuis plusieurs années, nous savons, grâce à différentes études, dont certaines ont été commandées par le Gouvernement à l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, que toutes les fibres d’amiante, y compris courtes et fines, sont nocives, et que toute exposition représente un danger pour la santé. Les salariés en contact avec l’amiante sont donc tous en danger.

Un décret datant de 2012 a fixé, pour les salariés, des seuils d’exposition à l’amiante beaucoup plus drastiques qu’auparavant, puisque l’on passe de 100 fibres par litre à 10 fibres par litre sur une moyenne de huit heures de travail. C’est donc un point positif.

Mais cette partie du décret n’entrera en application qu’au 1er juillet 2015. Pour justifier cette décision, le ministre du travail de l’époque a avancé des arguments d’ordre économique : les marchés en cours seraient remis en cause, les contrats immobiliers seraient renégociés, bref, le marché immobilier pourrait être paralysé. Il prétendait également que des études sur les équipements de protection adaptés à ces nouveaux seuils sont en cours et non aboutis. Je ne vous cache pas notre surprise devant ces arguments d’ordre économique, alors qu’il s’agit de dizaines de milliers de personnes qui risquent de perdre la vie du fait de l’amiante.

Quant aux arguments d’ordre technique, nous considérons qu’ils ne sont pas plus recevables, car on peut utiliser dès maintenant le meilleur équipement disponible à ce jour, même si l’on cherche à l’améliorer. C’est le cas dans certains pays qui appliquent déjà ces nouvelles normes : des équipements de protection sont utilisés, même si l’on cherche à faire mieux.

Nous vous demandons de mettre en œuvre dès maintenant ce décret qui va dans le bon sens et de protéger ces salariés de la façon la meilleure possible, compte tenu des moyens dont nous disposons, et en attendant d’en avoir de meilleurs encore.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 443 et 787.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n443.

Mme Jacqueline Fraysse. Les militants, notamment des syndicalistes, nous font part d’une baisse des déclarations des maladies professionnelles dues à l’amiante.

De plus, la liste des établissements, fixée par arrêté ministériel, dans lesquels il faut avoir travaillé pour avoir droit à une cessation anticipée d’activité du fait de l’amiante est beaucoup trop restrictive et il est urgent de la réactualiser.

Car, pour ces raisons, tous les salariés en contact avec l’amiante n’ont pas accès au fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA. En accompagnant mieux ces salariés et en ouvrant la liste des établissements concernés, davantage d’entre eux pourront prétendre à ce fonds, ce qui exige évidemment de nouvelles recettes.

Dans cette perspective, cet amendement a pour but de rétablir la contribution des entreprises au financement des fonds de l’amiante mis en place par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2005 et supprimée dans la loi de finances pour 2009. Il s’agit donc, vous l’aurez compris, à la fois de dégager des moyens et de responsabiliser les entreprises dont les salariés travaillent avec, ou au contact de l’amiante.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n787.

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement défend la même idée, et je voudrais en profiter pour signaler les difficultés qu’ont certains salariés à faire reconnaître leurs années d’exposition. Même quand ils n’ont pas changé d’endroit, ils se heurtent à des difficultés administratives sans fin pour accéder à ce droit à une retraite anticipée. Il faudrait tenir compte de ce problème et réglementer davantage le système pour qu’on puisse les entendre.

Ce que nous défendons, c’est le rétablissement de cette contribution des entreprises, d’abord par principe, parce qu’il est normal que les entreprises responsables contribuent ; ensuite, parce que des besoins nouveaux apparaissent, notamment ceux liés au désamiantage ou au diagnostic, qui créent de nouvelles victimes et qu’il faut prendre en compte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. Ces amendements proposent de rétablir la contribution à la charge des entreprises au financement des fonds de l’amiante, créée en 2005 et abrogée en 2009. Cette contribution a été abrogée parce que son recouvrement était très complexe et avait suscité de nombreux contentieux de la part des entreprises. De plus, cette contribution n’a participé que très modestement au financement du FCAATA, à hauteur de 68 millions d’euros en 2005, l’année de sa mise en œuvre ; mais elle n’a rapporté que 21 millions en 2006 et 33 millions d’euros en 2007, alors qu’il était attendu le triple lors de la mise en œuvre de cette contribution, c’est-à-dire 120 millions d’euros.

L’intérêt de rétablir une contribution peu efficace n’apparaît pas. En commission des affaires sociales, où le président du groupe d’études sur l’amiante, Christian Hutin, ici présent, a posé la question, un consensus, et même une unanimité s’est dessinée entre les commissaires pour essayer de régler les problèmes résiduels concernant les personnes ayant travaillé dans l’amiante.

M. Christian Hutin. Absolument !

M. Denis Jacquat, rapporteur. S’est posé en particulier le problème des familles et des ayants droit, et notamment celui des femmes, qui, en nettoyant les habits de leur époux ou de leur compagnon, ont inhalé ou avalé de l’amiante.

Ces problèmes sont bien connus des membres du groupe d’études. Des auditions que j’ai faites ici, à l’Assemblée nationale, il est apparu, comme je l’ai indiqué dans mon rapport et dans l’intervention que j’ai faite en tant que rapporteur de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, que tout le monde était d’accord avec ces conclusions. Des problèmes résiduels existent, dont on doit s’occuper. Surtout, il y a, et c’est extraordinaire à l’Assemblée nationale, une volonté unanime d’y arriver.

La commission, qui a examiné ces amendements dans les conditions prévues par l’article 88, les a repoussés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Je tiens d’abord à remercier le Gouvernement, parce que ce qui importe dans cet article 58, c’est que le fonds amiante soit pérennisé au niveau du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et de la cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante. C’est une chose à laquelle nous sommes très attentifs et le Gouvernement est à l’écoute de ce que nous souhaitons et de ce que les victimes peuvent subir.

Deuxièmement, s’agissant de l’amendement de Mme Fraysse, qui réclame une contribution des entreprises, M. le rapporteur a eu tout à fait raison de rappeler que le fonds qui était prévu était d’une inefficacité remarquable et qu’il ne constituait donc pas une solution satisfaisante.

En revanche – Denis Jacquat a parfaitement raison et nous sommes sur la même longueur d’ondes –, il faudra réfléchir, peut-être dans un rapport, qui est encore à l’étude, à de nouvelles voies d’indemnisation pour un certain nombre de victimes. Nous pensons aux intérimaires, à un certain nombre d’entreprises sous-traitantes, à des individus qui ont été isolés, mais également à des chefs d’entreprise qui pourraient, eux aussi, bénéficier de cette cessation d’activité anticipée et du FIVA. Nous pensons aussi à des fonctionnaires qui sont encore exclus de ce dispositif, et mon petit doigt me dit que les choses pourraient évoluer dans les jours qui viennent.

Les choses seront peut-être possibles quand nous serons revenus à meilleure fortune. Un jour ou l’autre, le FCAATA pourra ne pas être réduit et contribuer à de nouvelles avancées sociales. De cela, je ne doute pas, et je pense que ce pourrait être aussi la volonté du Gouvernement lorsque nous serons revenus à meilleure fortune.

(Les amendements identiques nos 443 et 787 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 431 et 174, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n431.

M. Dominique Tian. Cet amendement a pour objet de maintenir le montant du versement à la charge de la branche accidents du travail et maladies professionnelles au profit de la branche maladie, maternité, invalidité, décès du régime général de la Sécurité sociale. Je vous propose de fixer cette somme versée au titre de la sous-déclaration des AT-MP à 790 millions d’euros, au lieu d’1 milliard d’euros prévus pour l’année 2015.

La contribution au titre de la sous-déclaration ne cesse d’augmenter alors même que des progrès sensibles ont été réalisés ces dernières années par les employeurs, par la CNAMTS, par les médecins, par les conseillers des salariés en matière de déclaration des accidents du travail, notamment grâce aux efforts sur la prévention et l’information des salariés et à l’accent mis sur la recherche en santé du travail. Les choses vont donc beaucoup mieux, et l’on incite les salariés de manière assez efficace à déclarer leurs maladies professionnelles.

Pour toutes ces raisons, je pense que le montant du versement au titre de la sous-déclaration pour l’année 2015 ne doit pas augmenter.

M. le président. M. Denis Jacquat, vous avez la parole pour soutenir l’amendement n174 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n431.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Monsieur Tian, vous proposez par cet amendement de diminuer le montant du versement à l’assurance maladie proposé pour 2015 afin de le ramener au niveau de 2014, soit 790 millions d’euros. Je comprends parfaitement votre inquiétude concernant l’augmentation de ce versement, j’en ai fait part à Mme la ministre lors de son audition par la commission des affaires sociales, et je l’ai rappelé dans le rapport ainsi que lors de la présentation de l’amendement que j’ai soumis à la commission.

La branche AT-MP est en excédent, c’est d’ailleurs la seule dans ce cas. Mais cette branche ne doit pas être une variable d’ajustement pour le déficit de l’assurance maladie, j’ai bien insisté sur ce point.

J’en conviens, l’augmentation du montant du versement n’est pas une réponse optimale au problème de la sous-déclaration, et j’appelle de mes vœux des réponses à ce problème. Mais ne pas augmenter ce montant ne serait pas responsable. Aussi, malgré toute l’amitié qui nous lie, cher Dominique Tian, je vous propose de retirer votre amendement, sinon j’émettrai un avis défavorable.

Pour mémoire, j’indique que cet amendement a été repoussé par la commission réunie en application de l’article 88 du règlement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n431 ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Par amitié pour M. Jacquat, je retire cet amendement, pour mieux le représenter l’année prochaine !

(L’amendement n431 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n174 ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable.

M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n174.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Monsieur le président, je ne l’ai pas encore défendu. Je tiens à le faire. Comme je l’ai dit en commission, c’est pour le fun ! Il faut bien se faire plaisir de temps en temps à l’Assemblée ! (Sourires.)

M. le président. Allez-y, je vous en prie.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Madame la ministre, j’avais déjà évoqué cette question lors de votre audition par la commission des affaires sociales. La rédaction actuelle de l’article 58 dispose que le montant versé à la branche maladie par la branche AT-MP au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles s’élève à 1 000 millions d’euros. Je soupçonne que ce chiffre de 1 000 millions soit une façon d’atténuer la visibilité de l’augmentation de plus de 25 % du montant de ce versement à la branche maladie.

Je ne remets pas en cause les conclusions de la commission instituée au titre de l’article L. 176-2 du code de la Sécurité sociale, rendues en juin dernier, mais je pense que l’augmentation continue du versement n’est pas une réponse optimale au développement de la sous-déclaration. Il faut trouver des manières de lutter contre la sous-déclaration, et il est urgent d’agir.

Je propose donc de remplacer les termes de « 1 000 millions » par « 1 milliard », ce qui me semble plus révélateur.

Mme Claude Greff. Ça, c’est le fun !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Pour terminer, je précise que cet amendement a été adopté à l’unanimité des membres de la commission des affaires sociales dans le cadre de l’article 86 de notre règlement.

M. Arnaud Richard. Non ! Je me suis abstenu !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Disons à l’unanimité des votants, monsieur Arnaud Richard !

(L’amendement n174 est adopté.)

(L’article 58, amendé, est adopté.)

Article 59 (précédemment réservé)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, inscrit sur l’article 59.

M. Jean-Louis Roumegas. Nous voulions souligner une avancée importante, qui concerne les conjoints des chefs d’exploitation et d’entreprises agricoles ainsi que les aides familiaux. Tous participent bien sûr aux travaux, mais ils ne bénéficient pas de la même couverture que les chefs d’exploitation en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Ils bénéficient d’une prise en charge des soins, mais pas des indemnités journalières.

L’article 59 ouvre le droit aux indemnités journalières aux conjoints et aux aides familiaux des exploitants agricoles lorsqu’ils sont obligés d’interrompre leur activité en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, et ce à partir du 1erjanvier 2015.

Environ 45 000 personnes vont en bénéficier. C’est une mesure de justice pour les agriculteurs, qui va dans le bon sens. Les agriculteurs se sentent trop souvent délaissés par notre politique sociale de solidarité, et à juste titre. Il est important de rappeler que les exploitants agricoles, et particulièrement les éleveurs, hésitent très souvent à s’arrêter pour des raisons de santé parce que leur travail ne le leur permet pas : le bétail et les cultures ne peuvent pas attendre.

Si nous attendons encore de vrais efforts en faveur des exploitants agricoles, dont une revalorisation de la retraite à hauteur de 85 % du SMIC, ou l’abaissement de sept à trois du nombre de jours de carence, proposé dans un amendement présenté par notre collègue Brigitte Allain, nous tenons néanmoins à saluer aujourd’hui cette mesure.

M. le président. Nous en venons à l’examen des amendements à l’article 59.

La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur, pour soutenir l’amendement n175.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de conséquence, adopté à l’unanimité par la commission.

(L’amendement n175, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements rédactionnels, nos 347, 468 et 467. Ils ont été acceptés par la commission.

(Les amendements nos 347, 468 et 467, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L’article 59, amendé, est adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour un rappel au règlement.

M. Arnaud Richard. Monsieur le président, je tiens à faire un rappel au règlement, sur la base de l’article 58, alinéa 1, concernant le bon déroulement de nos travaux. À huit heures moins cinq ce soir, M. Issindou m’a dit que l’on ne pouvait pas réformer les retraites dans notre pays par voie d’amendement. L’amendement en question, connu du groupe UDI, avait été débattu en commission.

Or le Gouvernement, par un sous-amendement, va toucher à un pilier de notre pays. Vous le savez comme moi, monsieur le président, un sous-amendement permet presque tout, il peut même être fait verbalement, il suffit de l’apporter au service de la séance. Je n’irai pas jusqu’à dire, comme l’un de nos collègues des Yvelines a pu le faire, que vous mettez à mal la République française. Je pense qu’il est allé un peu loin. Mais je comprends son propos, ce sous-amendement n’a pas été débattu en commission.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il faut reconnaître que c’était bien joué !

M. Arnaud Richard. J’ai conseillé à Mme Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la famille, pour qui j’ai le plus grand respect, d’adopter notre amendement de suppression de la mesure du Gouvernement. Vous auriez dû le faire, car cela rendait le groupe socialiste beaucoup plus fort vis-à-vis du Gouvernement.

En l’occurrence, ce soir, par un sous-amendement du Gouvernement, alors que Mme Clergeau a essayé de faire le boulot, un des piliers de notre République va tomber. Je tenais à le dire, monsieur le président, parce qu’à huit heures moins cinq, notre collègue Michel Issindou a refusé l’un de mes amendements proposant une vision progressiste, et surtout de long terme, de notre système de retraite.

Article 60 (précédemment réservé)

(L’article 60 est adopté.)

Famille

M. le président. Nous abordons les articles relatifs à la famille.

Avant l’article 61 (amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi d’un ensemble d’amendements portant article additionnel avant l’article 61, qui peuvent faire l’objet d’une discussion commune.

Nous allons commencer par l’amendement n476, de M. Marc Le Fur, premier d’une série d’amendements identiques.

Suivront les amendements n321 et n572, ainsi que les deux amendements identiques n324 rectifié et n812 rectifié, qui font l’objet de sous-amendements.

Vous avez la parole, monsieur Le Fur.

M. Marc Le Fur. Nous abordons le sujet qui choque l’opinion et qui mobilise les familles : la remise en cause d’un principe qui avait jusqu’à présent été un principe consensuel, admis pendant très longtemps, celui de l’universalité des allocations familiales.

Ce principe résulte d’une volonté nataliste de notre pays et consiste à venir en aide aux familles quelles qu’elles soient, à venir en aide aux enfants quels qu’ils soient. C’est ce principe que vous voulez mettre en cause.

Évidemment, cet amendement est un contre-feu, et notre assemblée se grandirait en l’adoptant. Il consiste à réaffirmer le principe d’universalité des allocations familiales. Nous sommes très nombreux à le dire, j’en veux pour preuve les propos de Thierry Lepaon. (L’orateur fait la diérèseExclamations sur de nombreux bancs.)

Plusieurs députés. Il ne prononce pas son nom ainsi !

M. Marc Le Fur. Eh bien il le prononce mal, que voulez-vous que je vous dise ? M. Lepaon a déclaré : « Cette mesure est contraire à l’esprit même de la Sécurité sociale. » Et Dieu sait si ses responsabilités syndicales l’amènent à respecter l’ensemble des familles.

Ce principe d’universalité était jusqu’à présent admis par le Président de la République. Alors qu’il était candidat, il avait répondu à un questionnaire de l’Union nationale des associations familiales, qui est très mobilisée en ce moment. Il avait alors déclaré ceci : « Je reste très attaché à l’universalité des allocations familiales, qui sont aussi un moyen d’élargir la reconnaissance nationale à toute la diversité des formes familiales. Elles ne seront donc pas soumises à conditions de ressources ». Ce sont les propos que tenait le candidat à la présidence de la République. Il a réitéré récemment ces affirmations.

M. le président. Merci, monsieur Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je cite le Président de la République, monsieur le président. Cela veut dire que chaque famille a les mêmes droits et que…

M. le président. Merci. L’amendement est défendu.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n500, identique à l’amendement n476.

M. Dominique Tian. Comme le signale Marc Le Fur, vous mettez en cause par cet article le principe même de l’universalité des allocations familiales en prévoyant 800 millions d’euros d’économies au détriment des familles. Vous n’en êtes pas à votre premier essai, vous aviez tenté le même coup l’année dernière mais vous aviez alors reculé devant la protestation des associations familiales.

Depuis votre arrivée au pouvoir, les familles n’ont pas été épargnées : plafonnement du quotient social, fiscalisation des majorations familiales de pension et diminution de la prestation d’accueil du jeune enfant. Il s’agit d’un véritable acharnement contre les familles. Cette mesure, qui met fin au principe d’universalité, restera probablement comme une marque sombre sur cette politique qui faisait l’unanimité depuis 1945. Le principe d’universalité n’avait jamais été remis en cause par personne. Vous osez le faire, c’est dramatique pour les familles.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n519, identique à l’amendement n476.

M. Xavier Breton. Cet amendement a pour objet de réaffirmer l’universalité de notre politique familiale. Le Président de la République indiquait il y a quelques mois, lors de la cérémonie de remise de la médaille de la famille à l’Élysée : « L’universalité, cela veut dire que chaque famille a les mêmes droits, et notamment pour les allocations familiales. » Nous voyons bien que la modulation que vous proposez remet en cause ce principe d’universalité : nous assistons à une véritable casse de notre politique familiale.

Ce qui est dommage, c’est que cette politique familiale a toujours, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, fait l’objet d’un consensus qui dépassait les clivages partisans et syndicaux. Aujourd’hui, nous nous rendons compte que vous allez faire de la politique familiale un objet de polémique.

Ainsi, le premier secrétaire du Parti socialiste déclarait le 15 octobre dernier : « La modulation, qui permet de faire avancer notre société et qui a l’immense avantage d’être une réforme de gauche. » La politique familiale, jusqu’à présent, n’était ni de droite ni de gauche, c’était notre politique familiale. Vous voulez faire un marqueur politique de gauche de cette modulation. C’est grave, car vous remettez en cause un consensus sur une politique qui fonctionne, qui nous permet d’avoir un bon taux de natalité, qui permet aux femmes de concilier vie familiale et vie professionnelle.

En fait, les familles sont pour vous des variables d’ajustement. Vous n’avez pas le courage de faire les réformes pour notre pays, alors vous touchez à la politique familiale en y voyant un gisement d’économies. Le grand risque est que l’on divise les Français sur ce sujet, et notamment de voir les classes moyennes abandonner le consentement à l’impôt et à ces politiques, puisque l’on se rend compte qu’il y aura d’un côté ceux qui contribuent, et de l’autre ceux qui ne contribuent pas.

Mme Elisabeth Pochon. Des revenus de 6 000 euros mensuels, ça ne concerne pas les classes moyennes !

M. Xavier Breton. Vous portez donc la grave responsabilité de cette casse de notre politique familiale.

M. le président. Toujours dans cette première série d’amendements identiques, la parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n665.

M. Pierre Lequiller. Comme l’ont dit mes collègues, on est en train de toucher aux fondations mêmes de la politique familiale définie en 1945. C’est très grave.

Lorsque je me déplace dans toute l’Europe,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous avez de la chance !

M. Pierre Lequiller. …je constate que tous nos partenaires admirent la politique familiale qui a été menée en France,…

Mme Elisabeth Pochon. C’est une politique de gauche !

M. Pierre Lequiller. …fondée sur le principe d’universalité auquel nous sommes attachés. Cette politique nous a permis d’avoir une démographie bien meilleure que celle de tous nos partenaires européens.

Mme Sylviane Bulteau. On ne fait pas des enfants pour les allocations familiales ! C’est méprisant !

M. Pierre Lequiller. Il y a peu de temps, je rencontrais justement des personnalités qui s’intéressent aux problèmes de la politique familiale en Allemagne : elles étaient extrêmement impressionnées par notre propre politique familiale. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Elles ont raison !

M. Pierre Lequiller. Quand quelque chose marche bien chez nous, je trouve un peu bête, pour tout dire…

M. Olivier Véran. L’Allemagne est un bel exemple !

M. Pierre Lequiller. Justement ! Je trouve un peu bête de démolir notre système, qui fait l’admiration des Allemands.

Mme Valérie Fourneyron. Vous voulez bien nous rappeler le déficit que vous avez laissé, sur la branche famille ?

M. Pierre Lequiller. Il est aussi stupéfiant d’observer les allers-retours de la gauche sur ce sujet. En effet, le Président de la République avait déclaré de façon extrêmement ferme que chaque famille devait avoir le même droit aux allocations familiales. Quelques jours plus tard, il a décidé de revenir en arrière, cédant à sa majorité en désaccord avec lui.

M. le président. Merci, monsieur Lequiller.

M. Pierre Lequiller. Vous avez été les ennemis de la finance. Aujourd’hui, vous êtes les ennemis de la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Solère, pour soutenir l’amendement n673, qui est identique.

M. Thierry Solère. Je voudrais bien sûr m’associer à ce que viennent de dire mes collègues, notamment sur la remise en cause de l’universalité des allocations familiales, qui est quand même absolument incroyable.

Dans votre raisonnement, madame la ministre, vous ne retenez que le critère des revenus. Vous ne cherchez pas à pondérer les allocations en fonction de l’endroit où vivent nos compatriotes. Une famille composée d’un couple et de deux enfants, gagnant 5 000 euros par mois, est-elle plus à l’aise à Aurillac, à Paris ou à Boulogne-Billancourt, dans ma circonscription ? La situation est différente, bien sûr ! Le coût de la vie en fonction du territoire où l’on habite est un paramètre qui devrait, de toute évidence, être pris en compte. Il est incroyable que ce critère soit totalement ignoré.

Vous suscitez des effets de ciseaux énormes. Depuis deux ans, des ponctions fiscales absolument considérables ont été mises en œuvre, sans oublier toutes les mesures qui touchent les familles. Aujourd’hui, vous ajoutez ce critère du revenu, sans tenir compte du fait qu’à certains endroits du territoire français, pour une famille avec deux enfants gagnant 6 000 euros par mois, la situation n’est pas si facile que cela, quand louer un appartement coûte 1 000 euros par pièce. Votre système n’est vraiment pas juste.

M. le président. Nous continuons d’examiner cette première série d’amendements identiques.

La parole est à M. Denis Jacquat, pour soutenir l’amendement n732.

M. Denis Jacquat. Comme je l’ai dit en commission des affaires sociales, comme je l’ai dit dans l’hémicycle hier lors de la discussion de l’un des articles, il faut reconnaître que l’ensemble de la population française considère, de façon unanime, que l’universalité des allocations familiales telle qu’elle existe jusqu’à présent dans notre pays est quelque chose qui marche. Or, en France, il est rare qu’il y ait une unanimité pour dire que quelque chose fonctionne. Par ailleurs, notre modèle était cité en exemple dans le monde entier.

L’universalité « new look » qui nous est proposée ne relève pas du tout du même esprit. On nous dit que les riches vont donner aux pauvres, mais ce ne sera pas le cas de l’ensemble de la somme économisée, car 800 millions d’euros ne seront pas redistribués aux personnes les plus pauvres.

Enfin, compte tenu de la longévité politique qui est la mienne, je me pose une question : à partir du moment où l’on rompt l’universalité dans un domaine, ne fera-t-on pas de même, demain, en matière de santé, dans les écoles publiques ou dans les transports publics ?

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n754, identique aux précédents.

M. Gilles Lurton. À travers un simple amendement, nous nous apprêtons à modifier profondément notre politique familiale. Je voudrais revenir à la base de notre texte. Que contenait ce PLFSS lorsque nous l’avons examiné en commission des affaires sociales ? L’article 61 proposait de diminuer la prime à la naissance pour le deuxième enfant, au motif que les parents ont pu acquérir, à la naissance du premier enfant, des biens qui peuvent servir à nouveau pour le deuxième. Cette proposition peut être contestée : c’est d’ailleurs ce que nous avons très largement fait en commission, puisque cet article 61 n’a été adopté par la commission des affaires sociales que par quatorze voix contre douze.

Aujourd’hui, vous nous proposez brutalement, sans que nous n’ayons pu l’examiner en commission, une nouvelle version du PLFSS. Cela revient à modifier profondément, de façon brutale, une politique qui fonctionne et qui nous a permis d’avoir un taux de fécondité que tous les pays nous envient. Cette procédure n’est pas acceptable. En conséquence, je vous demande d’adopter l’amendement que nous proposons.

M. Arnaud Richard. Très bien !

M. le président. Toujours dans cette première série d’amendements identiques, la parole est à M. Jean-Pierre Barbier, pour soutenir l’amendement n815.

M. Jean-Pierre Barbier. Décidément, sur la famille comme sur bien d’autres sujets, nous ne partageons pas les mêmes notions d’égalité et de justice dans ce pays.

M. Alexis Bachelay. Nous n’avons pas les mêmes valeurs !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous ne siégeons pas sur les mêmes bancs, en effet !

M. Jean-Pierre Barbier. Nous l’avons dit et répété : les allocations familiales devraient bien évidemment conserver leur universalité. Elles ne sont pas versées au titre de la solidarité. Cette dernière s’exprime, dans notre pays, par la progressivité des cotisations versées et par l’impôt sur le revenu.

S’agissant de l’impôt sur le revenu et des cotisations, permettez-moi de vous dire que, dans notre pays, les classes moyennes et les classes moyennes supérieures – puisque vous les appelez ainsi – ont été mises à contribution de manière incroyable depuis quelques années. Petit à petit, vous les appauvrissez. Non contents de les appauvrir par les cotisations et par l’impôt sur le revenu, vous avez aussi décidé de diminuer les prestations qui vont leur être versées. Je ne crois pas qu’en appauvrissant le riche, vous enrichirez le pauvre, bien au contraire ! Les ménages aisés embauchent des personnes à domicile pour garder leurs enfants ; ils font vivre l’économie. Vous grippez un peu plus la machine France. Vous décidez de ne pas contribuer à la relance et de ne pas poursuivre cette politique familiale que le monde entier nous envie. Je suis totalement opposé aux mesures que vous proposez.

Sous prétexte de justice, vous êtes en train de créer un sentiment d’injustice, dans notre pays, pour ces familles qui paient énormément et ne toucheront rien. Cela va susciter un sentiment d’injustice, et vous n’y pourrez rien.

M. Pierre Lequiller. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Barbier. Décidément, avec vous, égalité ne rime pas avec équité.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. le président. Nous poursuivons l’examen de la série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n825.

Mme Claude Greff. Pour ma part, je suis totalement opposée à cette modulation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cela ne vous échappera pas !

Mme Elisabeth Pochon. Non, madame Greff, pas vous !

Mme Claude Greff. En voulant instaurer la modulation des allocations familiales selon les revenus, vous voulez faire apparaître cette mesure comme une justice sociale. C’est bien joué, madame la ministre, car vous n’allez pas faire pleurer dans les chaumières quand vous parlez des ménages percevant 6 000 euros de revenus mensuels. D’ailleurs, on le voit bien : huit Français sur dix sont favorables à cette mesure.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. C’est tout dire !

Mme Claude Greff. Pourtant, cette attitude est tout à fait démagogique. Ce que vous cachez aux Français est très grave, et ils n’en ont pas encore mesuré toute l’importance.

D’abord, le principe d’universalité était un principe de solidarité, et vous faites voler en éclats cette solidarité.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Non, pas du tout !

Mme Claude Greff. Pourquoi ? Parce que les sommes retirées aux ménages dont le revenu est supérieur à 6 000 euros par mois, qui font donc partie des classes moyennes, ne seront pas redistribuées aux ménages qui gagnent moins d’argent.

L’universalité des allocations familiales avait pour but de reconnaître, par le versement d’une compensation, le travail éducatif et les dépenses supplémentaires de celles et ceux qui ont des enfants.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ça, c’était il y a un siècle !

Mme Claude Greff. Il n’y avait pas ceux qui étaient assistés et les autres. Demain, ce sera le cas : il y aura les enfants de ceux qui sont assistés (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Que ce mot est laid !

Mme Claude Greff. …et les enfants de ceux qui subissent la modulation des allocations familiales. Vous créez une stigmatisation supplémentaire entre les Français, dont nous n’avons pas besoin aujourd’hui, dans une période de crise.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Ce n’est pas sérieux ! C’est n’importe quoi !

Mme Claude Greff. Je veux avertir ceux qui sont favorables à cette modulation : ils ouvrent la boîte de Pandore. En effet, 500 millions d’euros d’économies sont prévus pour 2015, et 800 millions pour 2016. Mais comme, évidemment, cela ne suffira pas, notre dette étant un gouffre, il faudra solliciter celles et ceux qui gagneront moins de 5 000 euros par mois, c’est-à-dire beaucoup d’entre nous. Souvenez-vous, vous nous aviez dit qu’il n’y aurait pas d’augmentations d’impôts : on voit bien le résultat aujourd’hui.

M. Michel Issindou. Merci qui ?

Mme Valérie Fourneyron. Qui nous a laissé la branche famille avec un tel déficit ?

Mme Claude Greff. Une fois de plus, vous opposez les Français entre eux. Pourquoi ceux qui travaillent aujourd’hui, qui sont déjà lourdement imposés et qui seront encore pénalisés par cette modulation, accepteraient-ils de participer demain à la solidarité sociale de notre pays ? Ils ne voudront plus payer pour les autres sans jamais rien recevoir ! Ils adhéreront à des assurances privées pour leur santé,…

M. le président. Merci, madame Greff.

Mme Claude Greff. J’ai terminé, monsieur le président.

…pour leur retraite et pour leur famille, car la fin du monopole de la Sécurité sociale sera écrite avec vous. Ce seront les plus fragiles qui seront touchés.

M. le président. Nous en avons terminé avec cette série d’amendements identiques.

Nous en venons maintenant, toujours dans cet ensemble d’amendements en discussion commune, à l’amendement n321. Vous avez la parole, monsieur Jacquat.

M. Denis Jacquat. Où en sommes-nous, monsieur le président ?

Mme Claude Greff et M. Dominique Tian. Nous n’avons pas la feuille jaune !

M. le président. Monsieur Jacquat, vous êtes le premier signataire de l’amendement n321. Mais peut-être estimez-vous qu’il est défendu…

M. Denis Jacquat. Il y a quelques heures, ici même, dans cet hémicycle, nous avons déjà abordé ce problème. Je l’ai dit à l’instant : la politique familiale est un sujet extrêmement sérieux. J’ai déjà exprimé des éléments forts concernant l’universalité des allocations familiales, de même que les craintes qui peuvent résulter de l’abandon de ce principe. Je ne suis pas là pour faire traîner les débats en longueur, mais seulement pour faire prendre conscience au Gouvernement et à sa majorité des craintes que je ressens, en tant qu’élu de base.

Je défends la politique familiale, mais cette politique familiale « new look » qui nous est proposée me fait peur. Je comprends parfaitement qu’il fallait trouver de l’argent, mais il est grave de faire des économies en mettant en cause la politique familiale. Par ailleurs, je n’approuve pas le fait de ne pas redistribuer l’ensemble de l’argent économisé aux personnes dont la situation est la plus précaire.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n572.

M. Arnaud Richard. Monsieur le président, je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance. Comme mes collègues de l’UMP vous l’ont dit, il est très compliqué de suivre le débat, car nous n’avons pas la feuille jaune. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Tian. C’est vrai, monsieur le président !

M. Denis Jacquat. On vient de m’en donner une, mais elle est blanche !

M. Arnaud Richard. On me dit qu’elle arrive, mais elle est imprimée sur du papier blanc : il faut donc croire qu’il y a un problème. Pour ma part, je ne l’ai pas, et je suis perdu.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures dix, est reprise à vingt-deux heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Mes chers collègues, je vous rappelle que nous en étions à l’amendement n572, sur lequel je vous informe que je suis saisi par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n572.

M. Arnaud Richard. Le présent amendement a vocation à réaffirmer l’universalité des allocations familiales – c’est presque un engagement du Président de la République, c’est ce qu’il a déclaré, en tout cas, aux associations familiales.

La politique familiale permet – mais on n’en est pas sûr – d’avoir un taux de natalité extrêmement élevé par rapport au reste de l’Europe. On n’en est pas sûr du tout, mais pour autant, en la mettant à mal, ne risque-t-on pas, dans le même temps, de porter un coup d’arrêt à ce taux de natalité, avec toutes les conséquences que cela aurait en termes de compétitivité et d’atouts pour notre pays ?

La modulation des allocations familiales, qui présente un caractère redistributif, est une grave erreur, madame la ministre, eu égard aux objectifs poursuivis par la politique familiale. Vous réalisez des économies budgétaires qui sont infondées. La politique familiale n’est déficitaire, madame la ministre, que parce qu’elle finance les retraites. On peut ne pas le dire, mais c’est la réalité, madame la présidente de la commission.

M. Marc Le Fur. Exactement.

M. Arnaud Richard. On peut ne pas le dire, sauf que c’est la réalité. Vous ponctionnez les familles pour financer les retraites que vous n’avez pas réformées, mon cher collègue Issindou. L’argument budgétaire est donc proprement mensonger, mes chers collègues, car notre politique familiale fonctionne !

Que vous n’ayez plus de famille politique, je le comprends. Mais je considère que – même si je n’ai rien contre les comptables – le socialisme qui est exercé aujourd’hui dans ce pays est un socialisme comptable. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Avec cet amendement, le groupe UDI veut réaffirmer le caractère universel des allocations familiales.

M. le président. Toujours dans cet ensemble d’amendements en discussion commune, nous en venons aux amendements identiques nos 324 rectifié et 812 rectifié.

L’amendement n324 rectifié fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour la famille, pour soutenir l’amendement n324 rectifié.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales. Nous avons posé un regard réaliste sur la branche famille. Car il faut regarder cette réalité en face : nous avons reçu un déficit en héritage en 2012 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et les recettes sont moins bonnes que prévues du fait de la faiblesse de la croissance.

M. Jean-Pierre Barbier. Ça, c’est grâce à vous !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Un effort est donc nécessaire. La branche famille, comme les autres branches de la Sécurité sociale, y participe. Deux solutions s’offraient à nous pour répartir cet effort.

La première consistait à le répartir sur plusieurs prestations, y compris celles sous conditions de ressources. Même s’il était possible d’aménager ces mesures, leur impact demeurait important sur le pouvoir d’achat de toutes les familles, notamment celles percevant des prestations sous conditions de ressources. C’est pourquoi j’ai écarté cette solution.

La seconde solution, celle du présent amendement, consiste à concentrer l’effort de solidarité sur les familles les plus aisées en modulant les allocations familiales en fonction du revenu. Je mesure les trois termes : modulation, effort et solidarité.

Modulation : cela signifie qu’aucune famille ne se verra privée d’allocations, mais que celles-ci seront réduites. Cela représente 65 euros de baisse pour une famille d’actifs avec deux enfants et un revenu de 6 000 euros.

Effort, ensuite, parce que la modulation proposée touchera 12 % des familles, qui ont déjà été concernées par la réforme du quotient familial de l’année dernière.

Solidarité, enfin, parce qu’avec un seuil de 6 000 euros de revenu pour un couple avec deux enfants, ces familles sont bien au-dessus du revenu médian français qui est de 1 700 euros. Ces familles sont bien au-dessus du niveau de vie moyen des familles d’actifs avec deux enfants, qui est de 2 100 euros. Rappelons également que près de 90 % des Français gagnent moins de 3 000 euros par mois.

Ces chiffres ne sont pas évoqués pour montrer du doigt certaines familles…

Mme Claude Greff. Bien sûr ! Il faudrait avoir l’esprit mal tourné pour croire une chose pareille…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. …mais pour les rallier à l’effort de solidarité qui leur est demandé. Les allocations peuvent être modulées. Il nous revient de vérifier que leurs montants seront fixés en respectant le principe d’égalité devant la loi, principe qui peut intégrer la situation sociale et économique de chacun.

M. le président. Cet amendement n324 rectifié fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

Nous commençons par le sous-amendement n1005.

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. La manière dont est gérée cette affaire est des plus surprenantes. C’est la principale question qui est posée à l’occasion de ce PLFSS. Elle ne figurait pas dans le texte initial. Cela signifie que le Conseil d’État n’a pas été interrogé.

M. Arnaud Richard. La commission non plus. Il n’y a pas eu d’étude d’impact.

M. Marc Le Fur. Cela signifie que les précautions les plus élémentaires en termes juridiques n’ont pas été prises.

On connaît votre acharnement contre les familles, mais en l’occurrence, il se manifeste ici on ne peut plus clairement et dans le désordre le plus absolu : pas d’étude d’impact, pas de consultation du Conseil d’État, ni du Conseil économique, social et environnemental alors que s’y trouvent des représentants des familles. Il n’est pas sollicité. Peut-être le sera-t-il par les familles concernées – je l’espère.

On note également une absence totale de définitions les plus élémentaires : quels revenus prenez-vous en compte ? De quoi s’agit-il ? Sur quelles sommes ? Comment cela s’organisera-t-il au niveau des caisses d’allocations familiales ? On me dit qu’il faudra recruter 600 personnes supplémentaires. Sur quelle année fiscale allez-vous prendre en compte ces questions ? On n’a pas de réponse à tout cela ! On travaille n’importe comment, monsieur le président, je tiens à le dire et à le dire très explicitement.

M. le président. Sur l’amendement n324 rectifié, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Nous poursuivons avec une première série de sous-amendements identiques, no981, 985 et 997 à l’amendement n324 rectifié. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n981.

M. Marc Le Fur. Ce sous-amendement ne vise aucunement à cautionner cette affaire. Vous rendez-vous compte de ce que vous faites ? Vous êtes en train de fixer des normes générales et de laisser une latitude considérable à l’autorité gouvernementale. L’Assemblée, le Parlement, abandonne ses propres compétences. Il faudrait au moins que nous déterminions cela chaque année et que nous ayons un débat, ne serait-ce que pour nous permettre, demain ou après-demain, de ne pas accepter de telles évolutions.

Vous en voulez aux familles alors même qu’elles concourent au financement de la retraite. C’est de cela qu’il s’agit. Les études sont concordantes : plus une famille a élevé d’enfants, moins elle a de retraite. Une fois de plus, vous allez pénaliser les familles.

En fait, vous oubliez l’essentiel. Notre système de Sécurité sociale a été fondé sur de la solidarité : pas seulement entre les gens qui ont les moyens et ceux qui n’en ont pas, mais en fonction des aléas de la vie. La maladie, la naissance sont des aléas de la vie.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Un enfant, c’est un aléa ? C’est nouveau ! Un sacré progrès !

M. Marc Le Fur. Il faut le prendre en compte et le respecter. Si vous ne le respectez pas, madame Clergeau, cela voudra dire que, demain, il n’y aura plus aucune raison de prendre les aléas de la vie. On prend simplement en compte les revenus et on ne rembourse plus les médicaments au-delà d’un certain seuil de revenus, comme le disait notre collègue Jacquat, tout comme on ne verse plus les allocations familiales au-delà d’un certain seuil de revenus, alors même que ces allocations, chacun le sait bien, résultent de cotisations auxquelles les salariés concourent tous. Cela fait partie de la part patronale, mais peu importe, car tout cela, c’est la masse salariale. C’est pourquoi la remise en cause de l’universalité nous paraît tout à fait funeste.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir le sous-amendement n985.

M. Dominique Tian. Je voudrais revenir sur l’amendement de Mme Clergeau. Faisons un peu d’histoire. Rappelons d’abord qu’il n’est pas passé en conseil des ministres – mais cela, vous n’y êtes pour rien, j’en conviens. Il n’est pas non plus passé en commission des affaires sociales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il n’a pas été, chers collègues, soumis à la discussion au cours des réunions de la commission des affaires sociales. On le saurait, pour y avoir passé des jours et des nuits.

Nous le découvrons en séance et vous revendiquez même en être à l’initiative, madame Clergeau. Il est tout de même surprenant, s’agissant d’une mesure qui concerne douze millions de familles, que les députés soient informés au dernier moment et en prennent connaissance dans des conditions exceptionnelles.

Je tenais à souligner votre manque de respect envers l’institution. Travailler dans de telles conditions n’est pas très satisfaisant. Nous serons bien évidemment contre l’amendement.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai qu’on vous sent accablé, monsieur Tian.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir le sous-amendement n997.

M. Xavier Breton. Le présent sous-amendement vise à dénoncer le fait que vous êtes en train de casser la politique familiale. Vous n’avez mené aucune concertation au sein de la commission des affaires sociales, ni avec la société ou les associations familiales.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Mais si !

M. Xavier Breton. Avez-vous peur du débat ? Avez-vous rencontré les associations pour entendre ce qu’elles ont à dire ? Non.

Mme Martine Pinville. Nous les avons rencontrées, ainsi que les familles, les citoyens.

M. Xavier Breton. En un claquement de doigt, vous cassez toute notre politique familiale. Depuis des mois et des mois, ce gouvernement se livre à un véritable family bashing.

Mme Martine Pinville. Ce n’est pas sérieux.

M. Xavier Breton. Nous en avons assez de ces méthodes. C’est du mépris à l’égard des familles. Je peux vous assurer qu’elles n’oublieront pas ce qu’elles entendent et ce qu’elles voient dans ces débats. Cela donne l’impression que, voyant désormais vos jours comptés, vous êtes en train de casser ce qui ne vous plaît pas. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous prenez là une grave responsabilité et vous en serez redevables devant les électeurs. En fixant un seuil de 6 000 euros de revenus à partir duquel les allocations seront modulées, vous ouvrez une brèche.

Mme Martine Pinville. Mais non !

M. Xavier Breton. L’année prochaine, on abaissera le curseur. C’est d’ores et déjà écrit.

On comprend bien que vous utilisez la politique familiale comme une variable d’ajustement pour équilibrer votre budget.

La politique familiale, ce n’est pas une politique sociale. Ce sont deux logiques différentes.

M. Jean-Pierre Barbier. Exactement.

M. Xavier Breton. Les transferts horizontaux ne sont pas les transferts verticaux. Dans le cas de transferts horizontaux, les familles qui ont des enfants sont aidées par celles qui n’en ont pas et qui ont le même revenu. Mais cela, vous ne le comprenez pas car ce n’est pas dans votre culture. Vous êtes socialistes et vous le restez.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. J’en suis fière.

M. Jean-Pierre Barbier. Certains commencent à douter parmi vous !

Mme Martine Pinville. Et pas chez vous ?

M. le président. Nous continuons avec la seconde série de sous-amendements identiques à l’amendement n324 rectifié. Il s’agit des sous-amendements nos 983, 986 et 999.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n983.

M. Marc Le Fur. Nous aimerions avoir des réponses, monsieur le président, puisque nous posons des questions.

M. le président. Vous les aurez à la fin de la discussion commune, cher collègue. Vous le savez bien, monsieur le président.

M. Marc Le Fur. L’amendement Clergeau pose un problème de fond, à savoir une distorsion entre la dépense et la recette. Dans votre logique, la dépense sera soumise à conditions de ressources alors que la recette est payée par les familles en fonction des revenus salariaux, à 5,4 % de la masse salariale.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ce sont les patrons qui paient, pas les familles.

M. Marc Le Fur. C’est là une difficulté majeure. J’en tire toutes les conséquences et je dis très clairement qu’à partir du moment où l’on soumet le bénéfice à des conditions de ressources, on soumet aussi la cotisation à un maximum. Cela relève d’une logique de type « retraite ». Vous savez que pour les retraites, il y a un maximum de cotisations, et au-delà, ce sont les complémentaires. Il faut être logique et en tirer les mêmes conséquences.

Le système qui est le nôtre était très logique. Ce n’est pas un système à l’anglaise, madame la rapporteure, qui n’imagine qu’un filet de sécurité pour tout le monde. C’est un système d’assurance générale. Chacun doit y trouver son compte. Il n’est pas question d’exclure une catégorie.

Mme Martine Pinville. On n’exclut personne.

M. Marc Le Fur. Et la catégorie que l’on exclut, n’allez pas dire que ce sont des gens si riches que cela !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. On n’a pas dit que c’étaient des riches, mais des gens aisés.

M. Marc Le Fur. On raisonne en termes de revenus. Mais 6 000 euros pour un couple, cela veut dire deux salaires à 3 000 euros. Ce ne sont pas là des revenus si considérables, que l’on soit dans une grande ville, dans une ville moyenne ou dans une petite ville. Ce sont des gens qui ont travaillé, qui ont progressé, qui ont fait des heures supplémentaires, qui bénéficient de mutuelles – et je vous rappelle que les mutuelles figurent désormais dans les revenus depuis les décisions que vous avez su prendre.

M. le président. Merci.

M. Marc Le Fur. Il y a quelques années, pour le Président de la République, on était riche à partir de 4 000 euros. Maintenant, c’est à partir de 3 000 !

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir le sous-amendement n986.

M. Dominique Tian. L’exposé sommaire de votre amendement, madame Clergeau, est un tissu de contrevérités. D’abord, vous oubliez que l’on contribue à la Sécurité sociale en fonction de ses possibilités et on reçoit en fonction de ses besoins.

M. Marc Le Fur. Exactement.

M. Dominique Tian. « Les économies demandées à la branche famille sont nécessaires afin de contribuer au redressement des comptes de la Sécurité sociale », dites-vous. Mais cette branche y participe déjà de façon extrêmement importante : la branche famille est équilibrée. Votre premier argument est faux.

« L’effort demandé doit être réparti entre tous les ménages en fonction de leurs moyens », affirmez-vous. Mais, madame Clergeau, c’est déjà le cas. On ne cotise pas de la même manière que l’on soit riche ou pauvre. Pour les impôts, c’est pareil. On acquitte des impôts en fonction de ses revenus.

Selon vous, ce n’est pas rompre avec le principe d’universalité que de moduler les allocations familiales. Qu’est-ce alors que le principe d’universalité ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Vous allez me l’expliquer.

M. Dominique Tian. J’ignore qui a écrit l’exposé sommaire de cet amendement, mais il est faux de A à Z.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Merci !

M. Dominique Tian. La mesure est un hold-up, une mauvaise manière ; quant à la rédaction, elle est très approximative et c’est un tissu de contrevérités.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir le sous-amendement n999.

M. Xavier Breton. Madame la ministre, vous prenez la responsabilité de casser l’un des principes de notre politique familiale, en établissant une distinction entre les enfants selon les ressources de leurs parents. Vous rendez-vous compte de la responsabilité historique que vous prenez ? On peut éprouver ce soir un sentiment de tristesse devant la manière dont cette question est traitée.

Nous considérons quant à nous – et il semble donc que ce « nous » n’englobe plus les députés qui siègent sur les bancs socialistes – qu’un enfant vaut toujours un autre enfant.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure et Mme Martine Pinville. Nous aussi !

M. Xavier Breton. Vous, vous allez faire des différences entre les enfants et casser la cohésion sociale qu’assurait notre politique familiale.

Mme Martine Pinville. Les enfants vivent dans des conditions différentes !

M. Xavier Breton. Prenez cette responsabilité, interrogez-vous, demandez-vous pourquoi cela n’a pas été fait auparavant. Vous n’avez pas pris seulement une minute pour réfléchir, car votre seule logique consiste à casser la politique familiale telle qu’elle existe. Vous prenez ce soir une grande responsabilité.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Voilà un argument original !

M. le président. Nous en venons à un autre sous-amendement, n1006. La parole est à M. Marc Le Fur, pour le soutenir.

M. Marc Le Fur. Votre politique anti-familiale a pris plusieurs dimensions – on l’a vu, bien sûr, dans les débats de société que nous avons eus (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC), …

Mme Martine Pinville. Nous y sommes !

M. Marc Le Fur. …mais aussi dans d’autres dispositifs fiscaux. C’est la même logique. Nous sommes très cohérents et vous l’êtes aussi, mesdames les ministres – je vois d’ailleurs Mme Rossignol se réjouir. Cette cohérence se traduit aussi en matière fiscale, avec la réduction sensible du quotient familial, qui était depuis longtemps la logique constante de notre système fiscal et qui se situe maintenant à 1 500 euros, et la diminution de certaines prestations. Au total, ce sont 4,5 milliards d’euros qui ont été prélevés sur la branche famille depuis que vous êtes au pouvoir.

Je ne sais pas si vous êtes socialistes ou si vous êtes « maison commune », mais vous êtes au moins cohérents sur la mise en cause de la politique familiale. Or, c’est aussi une mise en cause de l’avenir. Car les enfants se valent tous, comme l’a très bien dit Xavier Breton, mais les enfants ce sont aussi l’avenir.

M. Michel Issindou. Ça, alors ! C’est une révélation !

M. Marc Le Fur. Ce sont eux qui préparent la France demain. Ce sont eux qu’il faut aider – et il faut d’abord aider leurs parents, afin de leur permettre de s’épanouir, de progresser et d’accéder à l’autonomie et à l’indépendance. C’est cela que vous mettez en cause en pénalisant le budget des familles. Comme toujours, vous commencez par les familles relativement moyennes et aisées et, comme chacun sait, cela se poursuivra. En tout état de cause, ce sont les classes moyennes qui remettront en cause l’ensemble de notre dispositif de solidarité. Un jour ou l’autre, elles constateront qu’il y en a beaucoup pour l’aide médicale d’État (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), et rien pour elles et leurs familles.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement n945.

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce sous-amendement tend à introduire un mécanisme de lissage qui a été annoncé durant le débat. Le Gouvernement, je le rappelle, soutient pleinement l’amendement présenté par la rapporteure, Mme Clergeau, et par les parlementaires du groupe socialiste.

Nous voulons éviter que le franchissement d’un seuil ne se traduise par une rupture complète du niveau des prestations versées. Nous voulons ainsi éviter que, pour une famille qui a deux enfants, un revenu de 6 001 euros ne donne lieu immédiatement à une division par deux du montant des allocations familiales. Un dispositif de lissage automatique en gestion sera mis en place : pour un euro au-dessus du seuil de référence, un euro sera déduit des allocations familiales versées.

Mme Claude Greff. Qui va faire ça ? La CNAF ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Par exemple, pour une famille de deux enfants qui perçoit 6 010 euros de revenus, les allocations ne seront pas réduites de moitié, mais de 10 euros, et ainsi de suite jusqu’à l’extinction du dispositif de lissage.

Mme Claude Greff. Avec quels moyens ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Celui-ci nous paraît nécessaire pour éviter des effets de seuil trop brutaux. Ce dispositif aura un coût de 20 millions d’euros environ en année pleine.

Mme Claude Greff. Aucune augmentation des effectifs de la CNAF n’est prévue : vous ne pourrez pas le faire !

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n1007.

M. Marc Le Fur. Je souhaiterais quelques explications pratiques. Comment les choses vont se passer pour les couples séparés, lorsque l’enfant est partagé entre son père et sa mère, dans des foyers différents ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ça recommence ! Vous n’aimez pas les familles séparées, monsieur Le Fur. Votre modèle, c’est la famille du XIXsiècle.

M. Marc Le Fur. Comment cela se passera-t-il pour les CAF ? Comment résoudront-elles les problèmes ? Comment seront traitées les contestations ? Quel est le revenu fiscal de référence pris en compte ? Qu’adviendra-t-il en cas d’évolution des revenus. En effet, la prise en compte du revenu fiscal induit un décalage très important entre le moment où la ressource est appréciée et celui où l’allocation est versée et il peut se passer beaucoup de choses dans l’intervalle. Ces derniers jours, on enregistrait 20 000 chômeurs de plus : ce qui compte pour eux, ce ne sont pas les revenus qu’ils percevaient voilà deux ans, au moment où ils les ont déclarés, mais ceux qu’ils percevront demain, du fait des évolutions économiques dont vous êtes responsables. Veuillez donc nous donner des précisions.

M. Jean-Pierre Barbier. Bon argument !

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville, pour soutenir l’amendement n812 rectifié.

Mme Martine Pinville. En proposant cet amendement, nous avons voulu, comme l’a dit Mme la rapporteure et comme l’a précisé Mme la ministre, maintenir une politique familiale forte, une politique de justice, notamment à l’égard des familles les plus modestes et aux familles monoparentales qu’évoquait M. Le Fur.

Dans un contexte économique difficile, …

M. Marc Le Fur. Que vous avez créé !

Mme Martine Pinville. … parce que nous sommes en responsabilité…

M. Dominique Tian. Vous voulez dire que vous êtes responsables de la situation !

Mme Martine Pinville. …et que nous avons à assurer la maîtrise de notre budget, nous avons souhaité protéger les familles les plus modestes.

M. Jean-Pierre Barbier. Qu’est-ce que vous leur apportez, aux familles les plus modestes ? Rien du tout !

Mme Martine Pinville. Dans le même temps, nous avons maintenu l’universalité des allocations familiales. Pour une famille qui perçoit des revenus de l’ordre de 6 000 euros, les prestations familiales pour deux enfants seront diminuées de moitié, c’est-à-dire de 60 euros par mois.

Les associations, que vous évoquiez tout à l’heure, monsieur Breton, ont en effet formulé certaines remarques, mais que nous disent nos concitoyens lorsque nous les rencontrons ?

M. Marc Le Fur. Ils vous disent de prendre des vacances !

Mme Martine Pinville. Ils nous disent que les mesures que nous avons prises et que nous proposons sont de bon sens.

M. Jean-Pierre Barbier. Aucun courage !

Mme Martine Pinville. Quant à la fiscalité, que vous évoquiez tout à l’heure, la diminution de l’imposition pour une demi-part est de l’ordre de 1 500 euros, ce qui bénéficiait plutôt aux familles les plus aisées, qui avaient la capacité de payer plus d’impôts.

Voilà pourquoi nous soutenons bien évidemment la position du Gouvernement et de notre collègue Marie-Françoise Clergeau.

M. le président. Sur le sous-amendement n945, je suis saisi par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur cet ensemble d’amendements et sous-amendements ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Je vais m’efforcer de répondre de mon mieux au plus grand nombre possible des nombreuses questions qui ont été posées.

Je précise tout d’abord que l’économie pour la branche famille sera de l’ordre de 800 millions d’euros en année pleine et de 400 millions d’euros en 2015. Elle permettra de maintenir dès l’âge de 14 ans la majoration des allocations familiales et de maintenir le montant actuel de la prime de naissance ou d’adoption, quel que soit le rang de l’enfant.

La modulation des allocations familiales permettra également de ne pas modifier le montant du complément de mode de garde de la prestation d’accueil du jeune enfant. La politique familiale continuera donc de favoriser la conciliation entre vie familiale et professionnelle, y compris pour les jeunes parents qui retirent des revenus élevés de leur activité professionnelle. Force est de reconnaître qu’au fil des ans, les besoins des familles et les aides qui leur sont apportées ont évolué. C’est ce qui démontre que l’uniformité n’existe pas et qu’il faut pouvoir tenir compte des besoins réels des familles et de tous les enfants – c’est ce que vous avez fait pendant quelques années et c’est ce que nous faisons.

M. Jean-Pierre Barbier. Il fallait renvoyer le texte en commission !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Notre objectif est bien de nous acheminer vers plus grande justice sociale, qui sera accentuée lorsque les comptes de la CNAF seront revenus à l’équilibre.

M. Marc Le Fur. Ce ne sont pas des arguments !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Quant à savoir pourquoi l’amendement n’a pas été présenté au titre de l’article 86, ce n’est pas à des parlementaires avertis comme vous qu’il faut rappeler qu’il est de l’initiative de parlementaires de déposer des amendements. Celui-ci est l’aboutissement d’un travail très construit, co-construit avec le Parlement. Vous n’avez donc pas à mettre en doute la réalité du travail qui a présidé au dépôt de cet amendement.

M. Dominique Tian. Avec qui avez-vous travaillé ?

M. Jean-Pierre Barbier. Avec le Gouvernement.

Mme Claude Greff. C’est avec nous qu’il fallait travailler !

M. Dominique Tian. On n’y était pas !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. La modulation des allocations familiales en fonction des ressources sera-t-elle difficile à mettre en œuvre ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. C’est une bonne question. En effet, les ressources d’une partie des bénéficiaires d’allocations familiales – environ 1,5 million sur les 5 millions d’allocataires – ne sont pas connues des CAF. Il faudra donc rapidement y remédier. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. Au début, c’était risible, mais ça devient dramatique !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Depuis 2008, un travail important a été engagé et un échange automatisé a été instauré une fois par an – au mois d’août – avec la direction générale des finances publiques pour obtenir communication de ces revenus. Il sera donc procédé à un échange exceptionnel destiné à obtenir de la DGFIP les ressources du million et demi d’allocataires concernés en 2013 dès la promulgation de la loi.

M. Pierre Lequiller. Quel cafouillage !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Pour ce qui est de savoir comment s’opérera la révision de la modulation si la composition d’une famille change ou si sa vie connaît des aléas, la réponse est simple, car des règles s’appliquent déjà pour les autres prestations et la CAF devra tenir compte des changements de situation, notamment en cas de chômage, de longue maladie, d’invalidité, d’admission à la retraite, de veuvage ou de divorce, comme c’est le cas actuellement. La CAF est outillée pour le faire.

Mme Claude Greff. On fait déjà beaucoup la queue dans les CAF ! C’est le quotidien des familles !

M. Jean-Pierre Barbier. Vous essayez de justifier l’injustifiable !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Je ne vous ai pas interrompus à chaque instant ! Je vous remercie donc de me permettre de répondre aux questions que vous m’avez posées.

M. Denis Jacquat. Nous commentons en direct !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Quant à l’amendement que vous avez été nombreux à déposer sur la prestation universelle, à propos de laquelle vous avez également été nombreux à intervenir hier, j’ai rappelé l’historique de l’universalité : vous avez bien vu qu’elle n’a jamais été réelle …

Mme Claude Greff. On l’a vu ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. … et que, selon les moments, elle concernait un peu plus les parents ou les enfants. Toujours est-il qu’il n’y a jamais eu d’universalité totale, à quelque moment de l’histoire que ce soit.

Mme Claude Greff. C’est du grand n’importe quoi !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Du reste, l’exposé des motifs de l’ordonnance du 4 octobre 1945 définit l’universalité comme le but final à atteindre afin de couvrir l’ensemble de la population du pays contre les facteurs d’insécurité. Or, la naissance d’un enfant ne représente pas le même facteur d’insécurité selon le revenu des familles. Les allocations familiales ont dès le départ été conçues comme un moyen de « compléter les ressources des travailleurs ou familles défavorisés » à partir des sommes prélevées « sur le revenu des individus favorisés ». Chacun contribue selon ses moyens et perçoit selon ses besoins.

Verser la même somme à tout le monde, c’est évidemment plus simple et cela a pu être justifié par le passé, par exemple quand il n’y avait pas d’aide publique à la garde d’enfant à domicile, utilisée principalement, comme vous le savez, par les familles aisées. Aujourd’hui, alors que des économies sont demandées à la branche famille, il est normal de répartir cet effort en fonction des capacités de chacun.

Je ne sais pas si j’ai répondu à toutes les questions, mais je voudrais juste ajouter un point concernant la natalité, qui a été évoquée tout à l’heure. Nous avons la chance d’avoir une politique familiale que tous les pays d’Europe, et même au-delà, nous envient.

M. Dominique Tian. Eh bien oui, justement !

Mme Claude Greff. Alors pourquoi voulez-vous tout casser ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Nous continuons à avoir cette ambition, qui est une priorité du Gouvernement et qui le demeurera. Si nous avons toujours un taux de natalité très élevé en France, ce n’est pas dû essentiellement au montant des allocations familiales mais à toute la politique d’accompagnement qui est menée.

Mme Claude Greff. Justement, parlons-en !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. On peut parler de votre bilan, madame Greff ! On peut en parler ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. Je n’ai pas dépouillé la politique familiale, moi !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Sous la précédente législature, le bilan de la droite sur le nombre de places créées dans le secteur de la petite enfance est neutre ! (Mêmes mouvements.)

Mme Claude Greff. Précisément : nous n’avons rien détruit !

M. le président. S’il vous plaît !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Il n’y a pas eu de création si on enlève le nombre de places en classes maternelles pour les moins de trois ans que vous avez supprimées ! Nous, nous avons une ambition : nous allons continuer à créer de très nombreuses places et nous allons répondre aux besoins des parents. Cela veut dire que la politique familiale est basée essentiellement sur l’accompagnement qui est fait, à côté des allocations familiales, concernant les gardes d’enfants,…

Mme Claude Greff. Parlez-nous des places en crèche !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. …les bourses, l’allocation de rentrée scolaire et tant d’autres que je ne vais pas citer, mais que vous connaissez parfaitement.

Mme Claude Greff. On a plein d’autres arguments !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Si nous avons une natalité élevée, nous avons également un taux d’activité des femmes très élevé…

Mme Claude Greff. Justement, il faut avoir les moyens d’exercer une activité !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. …puisque le taux d’activité est de plus 82 % pour les femmes entre 25 et 49 ans, un taux que personne ne connaît ailleurs dans le monde.

Mme Claude Greff. Alors pourquoi voulez-vous le casser ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Notre politique familiale continuera à évoluer en fonction des besoins des familles et ainsi, nous arriverons à répondre de mieux en mieux à l’ensemble des demandes.

Pour conclure, monsieur le président, je vais récapituler les amendements…

M. Marc Le Fur. On n’y comprend rien !

M. le président. Je vous demanderai de récapituler votre avis lors du vote de chaque amendement. Comme cela, ce sera plus simple. Ne vous inquiétez pas !

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet naturellement un avis favorable aux amendements identiques nos 324 rectifié et 812 rectifié, qu’il a proposé de sous-amender.

M. le président. Après les présentations qui viennent d’être ainsi faites, je vous rappelle le règlement de notre assemblée afin que les choses soient bien claires : la règle, c’est une intervention « pour » et une intervention « contre ». Je considère que, vu l’importance du nombre d’amendements, je pourrai aller au-delà d’un « pour » et d’un « contre », mais je ne donnerai pas la parole à tout le monde car ce n’est pas possible !

Pour l’opposition, sont donc inscrits M. Le Fur, Mme Greff et M. Richard, et je me contenterai de ces interventions. Par ailleurs, ont également demandé la parole M. Roumegas, Mme Fraysse et Mme Carrey-Conte, et je m’en tiendrai là.

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Mme la rapporteure nous a confirmé l’absence d’étude d’impact, l’absence de consultation du Conseil d’État, l’absence de travail en commission – vous avez dit que vous avez travaillé, mais cela, c’est entre vous ! Au Parlement, on travaille avec tout le monde !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. M. Fragonard a écrit de nombreux rapports, qui nous ont beaucoup éclairés !

M. Marc Le Fur. Elle nous a également confirmé que les 800 millions d’euros qui résulteraient de cette ponction sur les familles serviraient à éviter d’autres mauvaises nouvelles pour les familles. Je ne vois pas d’autres explications : c’est un peu court, madame la rapporteure !

Vous nous avez également confirmé que les CAF allaient être confrontées à des travaux considérables, avec des échanges de données pour le coup assez redoutables entre les services fiscaux et les CAF et qui risquent d’entraîner la diffusion d’un certain nombre d’informations. Vous nous avez également confirmé, madame la rapporteure, que cela risquait de remettre en cause, par capillarité, bien d’autres réalités de notre politique familiale !

Je prends un exemple : il existe dans la fonction publique le supplément familial de traitement. Je crois que c’est une bonne chose que l’employeur accompagne ses propres fonctionnaires, mais vous comprenez bien que le supplément familial de traitement qui, lui, évolue avec les réalités familiales et le salaire des fonctionnaires, sera en contradiction totale avec l’évolution qui est celle des allocations familiales ! C’est finalement un second système d’allocations familiales au bénéfice des fonctionnaires – c’est une bonne chose de l’avoir fait, et je ne le remets pas du tout en cause –, mais vous comprenez bien que l’évolution des allocations familiales risque d’avoir des conséquences extrêmement négatives sur le supplément familial de traitement.

Enfin, Mmes les ministres, qui s’expriment d’ailleurs très peu, je tiens à le souligner,…

M. Arnaud Richard. Très peu, en effet !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il faut dire que vous occupez tout l’espace !

M. Marc Le Fur. …devraient lire ce que dit le président du conseil général du Jura, qui n’est pas « maison commune » mais socialiste, lui : « Les hommes et les femmes de gauche, les socialistes en particulier…

M. le président. Merci, monsieur Le Fur !

M. Marc Le Fur. …ont un devoir de désobéissance, de résistance face à ce désastre politique conduit par le Premier ministre actuel ».

M. Jean-Pierre Barbier. On est lucide, dans le Jura !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Qu’on me permette d’apporter une parole équilibrée, moins outrancière que ce que nous venons d’entendre, et néanmoins en désaccord avec ce qui est proposé. Tout d’abord, sur la méthode, il faut le reconnaître, il s’agit d’une solution de rattrapage face au tollé qu’avaient soulevé les premières annonces de Mme la ministre sur la branche famille. Cette solution vient du groupe socialiste mais nous n’avons de fait pas eu le temps d’en débattre réellement, ni en commission, ni dans cet hémicycle. Tout cela est donc relativement improvisé.

M. Jean-Pierre Barbier. Ah ! Merci, monsieur Roumegas !

M. Jean-Louis Roumegas. Sur le fond, je tiens à dire que le principe même d’une modulation des allocations familiales en fonction du revenu n’est pas pour nous un tabou : nous pouvons bien sûr réfléchir à cette question, mais pas dans ces conditions. Il fallait mener une véritable réflexion sur la branche famille et poser par exemple la question de l’allocation dès le premier enfant : une modulation en échange d’un accès aux allocations dès le premier enfant serait une vraie réforme, que nous appelons de nos vœux, parce que c’est aussi cela, l’évolution de la famille dans nos sociétés.

Aujourd’hui, vous déguisez en fait un coup de rabot en réforme de la politique familiale ; il est un peu dommage d’aborder les choses de cette façon ! Cela apparaît dès la deuxième phrase de votre exposé sommaire : vous voulez faire contribuer la famille au redressement des comptes de la Sécurité sociale. Or on aurait pu éviter cela car, au même moment, avec votre pacte de responsabilité, vous allez consacrer 6,3 milliards à l’allégement des cotisations sociales des entreprises. On aurait pu éviter tout cela et préserver la politique familiale. Sur le plan social, les dégâts ne seront pas énormes, mais sur le plan politique, ils sont désastreux !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Il est difficile d’intervenir sur autant d’amendements ! Je partage tout d’abord l’avis de M. Roumegas : personne sur ces bancs n’est pour ou contre la famille ! Laisser entendre qu’on serait pour ou qu’on serait contre, ce n’est même pas le sujet : il s’agit en fait de sous, de comptabilité ! Le parti socialiste, s’il vote la proposition du Gouvernement, cherche de l’argent et laisse entendre que ce serait une position idéologique. Mais je ne le crois même pas, et je me mets à la place de celles et ceux dans le groupe socialiste qui vont devoir voter ces amendements :…

M. Jean-Pierre Barbier. Ceux qui sont présents dans l’hémicycle ne sont pas nombreux !

M. Arnaud Richard. …je suis mal à l’aise pour eux (« Oh ! » sur divers bancs du groupe SRC) parce que je pense qu’ils ne croient pas à ce qu’ils vont voter. Ils savent très bien que ce n’est même pas une question de riches, de pauvres ou de familles : ce n’est pas le sujet ! Il s’agit simplement d’un hold-up financier du Gouvernement sur la politique familiale ! L’argument du Gouvernement sur le lissage avait l’air sympathique, mais le sous-amendement n945 présenté par Mme la ministre revient sur tout ce que Mme la rapporteure a tenté de faire pendant ces quelques semaines – celle-ci nous a même dit en commission à quel point il était difficile de travailler avec ce gouvernement sur ce sujet !

Dans notre pays, monsieur le président, la famille est une richesse incroyable, qui n’est pas négociable ! Je ne partage pas l’avis de mes collègues et néanmoins amis de l’UMP consistant à sous-amender la proposition du Gouvernement. Je considère en effet, ainsi que je le leur ai dit avant la séance, que sous-amender l’amendement n° 324 rectifié revient à accréditer la position du Gouvernement. Pour ma part, je ne voterai pas ces sous-amendements, et c’est pour cette raison que le groupe UDI a demandé un scrutin public sur ce vote, car il s’agit tout simplement d’une attaque contre la famille pour des raisons strictement comptables !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Si je ne me reconnais évidemment pas dans les gesticulations de la droite, qui en est réduite à citer M. Lepaon à longueur de discours,…

M. Denis Jacquat. Eh oui !

Mme Jacqueline Fraysse. …comme vous le savez, notre groupe est hostile à la modulation des allocations familiales en fonction des ressources. Je voudrais dire d’abord qu’il ne s’agit pas seulement, ni même essentiellement, de combler le déficit de la branche famille. Ainsi que M. Roumegas vient de le rappeler – à juste titre, parce que personne ne parle de cela ! –, il s’agit en réalité de faire des économies pour financer le pacte de responsabilité !

M. Jean-Pierre Barbier. Il n’y a que le groupe socialiste qui l’ignore !

Mme Jacqueline Fraysse. Il faut quand même dire les choses : ce n’est pas une mesure de justice sociale, c’est une mesure d’économie pour financer le pacte de responsabilité ! Il faut assumer ce que l’on fait !

M. Arnaud Richard. Très bien ! Exactement !

M. Alexis Bachelay. Il s’agit de réduire les déficits !

Mme Jacqueline Fraysse. Par ailleurs, concernant l’universalité, il faut rappeler une fois pour toutes que l’uniformité n’existe pas : elle n’a jamais existé et elle n’existera jamais. Ce n’est donc pas le débat.

On peut ergoter sur tout un tas de choses, mais il suffit de lire ce qu’indique l’INSEE : « Certaines prestations sont universelles – les allocations familiales –, c’est-à-dire sans condition de revenus, d’autres sont soumises à une condition de revenus – le complément familial, l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE –, enfin une dernière partie est modulée suivant les ressources des familles – le complément de mode de garde de la PAJE. » C’est donc clair : il faut assumer ce que l’on fait !

J’ai également entendu dans le débat général que rien n’interdisait de moduler les allocations familiales. C’est sûr, rien ne l’interdit ici, puisque c’est nous qui faisons la loi ! La question n’est donc pas de savoir si c’est autorisé ou si c’est interdit, mais de bien prendre la mesure des conséquences à attendre de ces décisions,…

M. le président. Merci…

Mme Jacqueline Fraysse. …tant au niveau des principes de solidarité qu’au niveau du pacte républicain dans notre société.

M. Xavier Breton. Tout à fait !

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. J’apprécie beaucoup ce que vient de dire Mme Fraysse. Nous constatons aujourd’hui une contradiction majeure du Président de la République, lequel, je vous le rappelle, avait dit dans son engagement n16 que les allocations familiales ne seraient pas soumises à conditions de ressources. M. Valls n’en tient aucun compte aujourd’hui quand il parle de cela. L’impréparation est par ailleurs totale : nous avons ainsi appris par les médias que des éléments allaient changer dans la politique familiale.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ce n’est pas vrai ! Je l’ai dit en commission !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Elle l’a annoncé en commission, mais vous n’étiez pas là !

Mme Claude Greff. Il n’y a eu aucune préparation ici, avec les parlementaires.

On nous a parlé de justice sociale – je m’adresse à Mme Fraysse, qui a dit que ce n’était pas du tout dans un but de justice sociale, mais dans le but de faire des économies. Non ! Mme la ministre Marisol Touraine nous a toujours parlé de justice sociale. Or, les Français et la famille participent déjà à la justice sociale ; j’en veux pour preuve que les classes moyennes, au titre de la justice sociale, ne perçoivent déjà pas l’allocation de rentrée scolaire, et en particulier celles et ceux qui vont être pénalisés une deuxième fois avec la diminution des allocations familiales. Ils subissent également une diminution de la prestation de petite enfance et des frais de garde, de la prestation jeunesse, de l’aide au logement et du complément familial.

De plus, ces gens qui gagnent prétendument beaucoup d’argent ne peuvent même pas bénéficier de places en crèche puisque tout cela est justement basé sur les ressources des parents. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est faux ! Totalement faux !

Mme Claude Greff. Mais si, madame !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Les places en crèche, c’est pour toutes les familles ! C’est la date d’inscription qui compte !

Mme Claude Greff. Sortez un peu, et vous constaterez que les places en crèche sont attribuées en priorité à celles et ceux qui ont des difficultés ! Les autres passent après et doivent plutôt chercher une assistante maternelle ! (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alexis Bachelay. Vous n’avez jamais cherché une place en crèche !

Mme Claude Greff. Rendez-vous compte que la politique familiale en particulier a déjà été touchée à trois reprises, à hauteur de 3 milliards d’euros, avec la réforme du quotient familial.

M. le président. Merci…

Mme Claude Greff. La justice sociale existe donc. Il est impossible de toucher à l’universalité ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je voudrais commencer par dire à nos collègues de l’opposition que, outre le fait que nous avons parfois l’impression ce soir d’être tombés dans une faille spatio-temporelle qui nous ramène…

Mme Claude Greff. À la réalité !

Mme Fanélie Carrey-Conte. …à des débats que nous avions eus il y a deux ans sur d’autres textes, il est assez insupportable de vous entendre dire que vous aimez les familles : je crois pour ma part que vous n’aimez pas « les familles » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), vous aimez une certaine conception de la famille, une conception rétrograde et conservatrice de la famille,…

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est vrai !

Mme Fanélie Carrey-Conte. …qui par ailleurs exclut et stigmatise. S’il vous plaît, cessez de dire que vous aimez les familles car je crois que ce n’est pas vrai !

Quant à la modulation des allocations familiales, c’est une question complexe.

Mme Claude Greff. Oh, que oui !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je comprends le souci de notre collègue Marie-Françoise Clergeau de trouver une solution plus juste que ce qui était initialement proposé, en essayant d’accroître le caractère redistributif des allocations familiales.

M. Marc Le Fur. Cela ne redistribuera rien du tout ! Qu’est-ce qui ira aux familles modestes ?

Mme Claude Greff. C’est un hold-up !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Toutefois, pour ma part, je crois que les allocations familiales doivent demeurer du même montant et que la redistribution devrait se faire par l’impôt, dans le cadre d’une réforme fiscale globale, qui devrait notamment revenir sur le quotient familial, à propos duquel il y a beaucoup à dire.

Au-delà, il me semble que cette question devrait être traitée dans le cadre d’un débat beaucoup plus large sur les objectifs et les principes devant fonder notre politique familiale, et non dans la seule perspective de faire des économies. Il ne s’agit pas d’une bonne méthode, alors même qu’un certain nombre de questions fondamentales se posent sur l’avenir de la politique familiale.

M. Arnaud Richard. Très bien ! Bravo !

M. Pierre Lequiller. Tout à fait d’accord !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je suis d’ailleurs persuadée que les 700 millions euros d’économies imposées à la branche famille pourraient être évitées si l’on faisait d’autres choix, notamment en matière d’aides aux entreprises, ce que nous avions souligné en présentant nos amendements relatifs à la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas l’amendement.

M. Arnaud Richard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le président, nous demandons une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures, est reprise à vingt-trois heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme Martine Pinville.

Mme Martine Pinville. Je l’ai souligné tout à l’heure : c’est une mesure de justice sociale et de cohérence de la politique familiale que nous mettons en place. Je voudrais à ce propos rappeler en quelques mots la politique familiale que nous menons depuis que nous avons accédé aux responsabilités : augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire ; hausse de 50 % sur cinq ans du complément familial pour 400 000 familles ; hausse de 25 % de l’allocation de soutien familial pour 750 000 familles monoparentales – ce qui concernera plus d’1 million d’enfants – ; expérimentation puis généralisation sur tout le territoire, dès 2016, d’un mécanisme de garantie contre les impayés de pension alimentaire ; revalorisation et élargissement de l’accès aux bourses étudiantes ; plan visant à créer 175 000 solutions d’accueil des jeunes enfants, avec une aide exceptionnelle, notamment à l’investissement, pour chaque nouvelle place de crèche. Voilà ce qu’est notre politique familiale ! Pour la maintenir, effectivement, nous proposons la modulation des prestations – et, plus précisément, celle des allocations familiales.

Mme Marie-Arlette Carlotti. Très bien !

M. le président. Nous en venons maintenant aux mises aux voix.

Je commence par celle des amendements nos 476 et identiques.

Sur ces amendements, l’avis de la commission est… ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Et celui du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(Les amendements identiques nos 476, 500, 519, 665, 673, 732, 754, 815 et 825 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Sur l’amendement n321, l’avis de la commission est… ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Et celui du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(L’amendement n321 n’est pas adopté.)

M. le président. Sur l’amendement n572, l’avis de la commission est… ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Et celui du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n572.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants27
Nombre de suffrages exprimés26
Majorité absolue14
Pour l’adoption8
contre18

(L’amendement n572 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons aux amendements identiques nos 324 rectifié et 812 rectifié.

Je vais commencer par mettre aux voix les sous-amendements.

Le sous-amendement n1005…

M. Marc Le Fur. Il est retiré, monsieur le président !

(Le sous-amendement n1005 est retiré.)

M. le président. Sur les sous-amendements nos 981 et identiques, l’avis de la commission est… ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Et celui du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Je voudrais indiquer que je retire les sous-amendements nos 997 et 999, monsieur le président. L’objectif était simplement de lancer le débat et de montrer que nous entrons dans une logique de curseur.

(Le sous-amendement n997 est retiré.)

(Les sous-amendements identiques nos 981 et 985 ne sont pas adoptés.)

(Le sous-amendement n999 est retiré.)

M. le président. Sur les sous-amendements identiques nos 983 et 986, l’avis de la commission est… ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Et celui du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(Les sous-amendements identiques nos 983 et 986 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Sur le sous-amendement n1006, l’avis de la commission est… ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Et celui du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(Le sous-amendement n1006 n’est pas adopté.)

M. le président. Sur le sous-amendement n945, quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. La commission n’a pas examiné le sous-amendement du Gouvernement, mais à titre personnel, j’y suis favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n945.

M. Arnaud Richard. Je souhaiterais avoir la parole, monsieur le président !

M. le président. Je ne peux pas vous la donner, cher collègue, car le scrutin est ouvert.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants33
Nombre de suffrages exprimés29
Majorité absolue15
Pour l’adoption19
contre10

(Le sous-amendement n945 est adopté.)

M. le président. Sur le sous-amendement n1007, l’avis de la commission est… ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Et celui du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(Le sous-amendement n1007 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à la mise aux voix des amendements identiques, qui viennent d’être sous-amendés.

La commission y est… ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Favorable.

M. le président. Et le Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable.

M. Arnaud Richard. Je demande la parole, monsieur le président !

M. le président. Cher collègue, le débat est clos.

M. Arnaud Richard. On ne peut donc pas parler ?

M. le président. Monsieur Richard, tous les amendements ont déjà été présentés. Nous procédons maintenant aux votes.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 324 rectifié et 812 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants32
Nombre de suffrages exprimés29
Majorité absolue15
Pour l’adoption18
contre11

(Les amendements identiques nos 324 rectifié et 812 rectifié, sous-amendés, sont adoptés.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour un rappel au règlement.

M. Arnaud Richard. Ce sera mon deuxième dans la soirée – mais, comme c’est seulement le deuxième depuis que je suis député, j’ai de la marge !

Il s’agit donc d’un rappel au règlement au titre de l’article 58, alinéa 1.

Monsieur le président, je tiens à dire que vous avez excellemment présidé ce soir, et je tiens à m’excuser si j’ai remis en cause la présidence au moment des votes : c’était de bonne foi.

Toutefois, même si vous avez très bien présidé au regard de notre règlement, vous conviendrez que, sur un sujet aussi important, je puisse avoir le sentiment que la parole n’a pas été suffisamment abondante. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Claude Greff. Eh oui ! On n’a même pas entendu la mienne !

M. Arnaud Richard. À 18 voix contre 11, c’est-à-dire par trois voix de plus que la majorité requise, on vient de mettre à mal la politique familiale de notre pays, au travers d’un sous-amendement du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je tenais à le dire.

M. le président. Je me permets de rappeler à toutes et à tous que, si nous n’avions pas procédé à une discussion commune, l’adoption de l’amendement de la rapporteure aurait fait tomber tous les autres : vous n’auriez donc pas pu intervenir du tout. D’où l’intérêt de cette discussion commune – permettez-moi de vous le rappeler.

M. Denis Jacquat. C’est vrai !

Article 61 (précédemment réservé)

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 61.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je vais poursuivre le propos que j’ai entamé tout à l’heure.

Je disais qu’il fallait mesurer les conséquences de ces décisions, tant sur le plan du principe de solidarité de la Sécurité sociale que sur le plan du pacte républicain.

S’agissant des principes, on va passer avec ces mesures d’un salaire différé, finançant une assurance sociale universelle, à un dispositif étatique d’assistanat, progressivement réservé aux plus modestes d’entre nous.

Pour ce qui est de la société, une telle transformation va opposer les citoyens entre eux et remettre en cause la légitimité de notre système de protection sociale ; les catégories moyennes et supérieures risquent d’être conduites à ne plus soutenir un système dont elles ne bénéficieront plus, se montrer réticentes à le financer et se tourner vers des assurances individuelles, tandis que les bénéficiaires, de moins en moins nombreux, seront de plus en plus stigmatisés.

Ce faisant, on ouvre une boîte de Pandore : le barème de la progressivité étant fixé par décret, il sera nécessairement appelé à diminuer de plus en plus au fil du temps, puisque nous vivons une période de disette. On voit bien que l’on change complètement de conception, s’agissant de l’accueil des enfants dans les familles de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. L’article 61…

M. Denis Jacquat. Qui est sur le point d’être supprimé !

M. Dominique Tian. Oui, mais cela, nous ne le savons pas encore ! (Sourires.)

Dans la mesure où l’amendement de Mme Clergeau n’a pas été discuté en commission, nous sommes censés ne pas savoir que vous allez prendre une décision intelligente dans quelques minutes… (Rires.)

Pour l’instant, donc, l’article 61 prévoit de diviser par trois la prime à la naissance à partir du deuxième enfant.

Concrètement, cela signifie que, à partir du deuxième enfant, la prime à la naissance ne sera plus que de 308 euros, contre 923 euros à l’heure actuelle. De plus, il est faux de dire que les ménages les plus favorisés seront seuls touchés, car le versement de cette prestation est soumis à condition de ressources. C’est donc une très mauvaise mesure, que nous contestons. À moins de quelque bonne nouvelle, nous nous apprêtons donc à voter contre cet article 61. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Cet article 61 fait l’objet d’amendements de suppression. Vu le nom de leurs signataires, il ne fait aucun doute que cette disposition, qui a soulevé un tollé, sera supprimée à la faveur de la modulation des allocations familiales que notre assemblée vient d’adopter.

Je relèverai cependant que d’autres mesures, qui concernent elles aussi la branche famille et relèvent du pouvoir réglementaire, ont été envisagées. Nous aimerions donc que le Gouvernement nous donne des certitudes à leur propos.

Je pense notamment au report de la majoration des allocations familiales à seize ans au lieu de quatorze. Cette mesure extrêmement pénalisante devait toucher toutes les familles, dans la mesure où la prestation n’est pas soumise à conditions de ressources. Que compte faire le Gouvernement à ce propos ? Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, vous devez des réponses claires à la représentation nationale. Il en va de même du paiement différé de la prime à la naissance et de la création d’une tranche supplémentaire pour l’aide à la garde des jeunes enfants. Tous ces projets ne seront peut-être pas abandonnés à la faveur de la modulation des allocations familiales.

La politique familiale subit donc un fort coup de rabot. Tout cela pour financer, au moyen d’un jeu de tiroirs – pour ne pas dire un jeu de bonneteau –, le pacte de responsabilité. Plutôt que de faire un cadeau de 6,3 milliards d’euros aux entreprises sur les cotisations sociales, on aurait dû maintenir notre politique familiale. Certes, les allégements de cotisations sont compensés, mais ils le sont avec l’impôt des Français, lesquels ne comprennent pas vos choix.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Vous avez donc cassé le principe de l’universalité des prestations en matière d’allocations familiales. Ne nous leurrons pas : tout cela aura de très graves conséquences pour les familles – j’évoquais tout à l’heure la mise en cause inéluctable du supplément familial de traitement et la mise sous condition de ressources d’autres prestations, en particulier s’agissant de la santé.

Mme Fraysse a parfaitement dit les choses : vous allez casser un système dont chacun tirait un bénéfice, fût-il modeste, en matière assurantielle. Désormais, certains paieront, certains bénéficieront, et certains de ceux qui paieront auront un retour extrêmement faible. De fait, on va stigmatiser les bénéficiaires des allocations familiales. J’entends déjà les propos qui seront tenus demain : « Pourquoi continuer, puisque ça va essentiellement à des gens très modestes, voire des migrants ? ». Jusqu’à présent, on pouvait répondre à ce type de propos, parce que les allocations familiales profitaient à tous. Je crois donc que vous commettez une erreur fondamentale.

Pire encore, les 800 millions d’euros que vous prenez aux familles moyennes n’iront même pas aux familles modestes, puisque le seul intérêt de cette mesure est, comme vous allez nous l’expliquer bientôt, d’éviter d’autres mauvaises nouvelles. En gros, tape ton chien et, comme ça, quand tu arrêtes de le taper, il est content.

Selon votre logique, grâce à cette mesure, on évite peut-être d’autres mauvaises nouvelles, mais, en tout état de cause, aucune bonne nouvelle n’est à attendre pour les familles modestes. C’est là une vraie difficulté. Il est bien triste que ce gouvernement socialiste ait mis à mal tout un système qui avait sa cohérence, sa logique, qui résultait d’un travail relativement consensuel des différentes majorités qui se sont succédé dans notre pays.

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville.

Mme Martine Pinville. Nous souhaitons effectivement supprimer cet article. La prime à la naissance sert aux familles. Le fait de moduler cette prime en fonction du rang de l’enfant ne correspond pas à ce que nous souhaitons. Je le rappelle : cette prime à la naissance sert à financer les frais que peut occasionner la venue d’un enfant, que ce soit le premier, le deuxième, etc. Il est donc important de maintenir cette prestation à son niveau actuel, ce que nous permet précisément la modulation des allocations familiales.

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. Je suis ravie d’avoir entendu ce que vient de dire Mme Pinville, car nous nous acheminions effectivement vers une situation dramatique.

Ce qui me déplaît considérablement dans cette discussion aujourd’hui, c’est d’abord de ne jamais entendre la ministre et la secrétaire d’État.

M. Marc Le Fur. Eh oui ! C’est surprenant !

Mme Claude Greff. Cela témoigne d’un mépris total pour les familles et, bien sûr, pour les parlementaires aussi – mais nous sommes habitués. Le fait, mesdames, que vous n’interveniez même pas sur un sujet aussi important que la modulation des allocations familiales, c’est même plus que du mépris : c’est insultant pour les familles !

Deuxième point, j’ai le sentiment que vous n’envisagez la famille que sous l’angle économique, financier. Votre rapport à l’argent est insupportable, et cela d’autant plus qu’il vous conduit à détruire toutes les familles.

Je donne souvent, quand je parle de vous, l’exemple suivant : dans une équipe de basket, si un joueur réussissait à marquer un panier, il faudrait lui couper le bras pour éviter que les autres ne soient empêchés de gagner. Eh bien, avec la politique familiale, on est exactement dans cette situation. C’est insupportable.

En l’occurrence, il était question de la prime à la naissance. La disposition envisagée montrait une totale méconnaissance de la vie au quotidien des Français. Je me réjouis de ce qu’a dit Mme Pinville, mais comment a-t-on pu considérer qu’il était possible de diviser la prime par deux pour le deuxième enfant en alléguant qu’il n’engendre pas de coût supplémentaire – c’était en tout cas ce que les médias rapportaient, puisque le sujet n’a pas été traité en commission et que les parlementaires ne sont toujours pas officiellement au courant ? Franchement, il fallait réfléchir un tout petit peu ! Un enfant peut naître en janvier, un autre un été ; les besoins ne sont évidemment pas les mêmes. Pensons aussi aux poussettes : un deuxième enfant peut naître alors que le premier ne marche pas encore. Il faut aussi changer de voiture, voire d’appartement. C’est la réalité, ça ! Vous avez l’air tellement éloignée de la réalité des Français, madame la ministre… J’ai le sentiment que vous êtes dans un autre monde – mais, ça, c’est une évidence, ça se voit… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ça veut dire quoi, ça ?

Mme Claude Greff. Essayez au moins de connaître la vie des Français. C’est tout bête !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Je m’associe à mon collègue Arnaud Richard pour vous adresser des félicitations, monsieur le président, ainsi qu’à vous, madame Clergeau, non pour ce que vous avez fait – vous avez voté ce que nous ne voulions pas voir adopter – mais pour la manière dont vous l’avez fait.

Nous vous l’avons dit, madame Clergeau, chère collègue, en commission : les conditions dans lesquelles s’est monté le PLFSS pour 2015, particulièrement cet article sur la famille, ne sont franchement pas dignes de l’Assemblée nationale. Cette manière de travailler n’est vraiment pas digne des parlementaires.

Mme Claude Greff. Un travail au forceps !

M. Jean-Pierre Barbier. Ce qui s’est passé sur ce sujet justifiait à soi seul ma motion de renvoi en commission, car nous aurions dû en parler en commission. Les choses auraient alors été différentes.

L’ensemble des mesures représente un montant de 2,5 milliards d’euros pris sur la famille, en comptant les 800 millions d’euros prélevés cette année : avec la baisse du plafond du quotient familial pour 1 milliard d’euros, la modulation de l’allocation de base pour 460 millions d’euros et la baisse du complément de libre choix d’activité pour 190 millions d’euros, on arrive à 1,7 milliard d’euros, ce qui fait bien 2,5 milliards si l’on ajoute les 800 millions.

Regardez notre hémicycle ce soir : même si ce n’est pas pour les mêmes raisons, il n’en reste pas moins que l’UMP n’est pas d’accord, que l’UDI n’est pas d’accord, que les écologistes ne sont pas d’accord, que le Front de gauche n’est pas d’accord – et les radicaux non plus. Bref, l’ensemble des groupes, y compris ceux de la majorité, sont en désaccord avec votre décision.

Mme Martine Pinville. Ils ne sont pas majoritaires !

M. Jean-Pierre Barbier. Comment donc a-t-on pu la prendre, alors même que les formations politiques, dans leur grande majorité, ne sont pas d’accord ?

Mme Martine Pinville. On écoute les Français !

M. Jean-Pierre Barbier. Vous allez dans un mur, et nous y allons tous ensemble !

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Les discussions autour de cet article 61 sont assez surréalistes, puisqu’on va le supprimer à la suite de petits arrangements entre socialistes.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Oh !

M. Xavier Breton. On est en train de revoir complètement, de fond en comble, notre politique familiale, en cassant ses principes, tout cela pour des arrangements et combinaisons purement politiciens.

Avez-vous entendu le message des associations familiales ?

Mme Martine Pinville. On a entendu celui de nos concitoyens !

M. Xavier Breton. Voici ce qu’a écrit l’Union des familles laïques à chacune et chacun d’entre nous : « Le 17 octobre, le gouvernement et la majorité se sont engagés en faveur de la modulation des allocations familiales. Cette décision de moduler les allocations familiales en fonction des revenus est une nouvelle offensive visant à casser le système d’allocations. Nous nous opposons à la dénaturation de la politique de prestations sociales en un instrument des politiques redistributives. Elle est un mode de couverture égalitaire des charges de famille et l’universalité des allocations familiales est une reconnaissance politique que certaines situations sociales doivent avoir une signification commune. Par conséquent, le projet de modulation des allocations familiales constitue une grave menace en termes de cohésion sociale de notre pays. Non seulement elle entraînera un délitement de l’attachement à notre modèle social de la part des classes moyennes mais surtout elle constitue un précédent grave, qui pourrait préfigurer une possible mise sous condition de ressources des remboursements de l’assurance maladie. »

Entendez-vous ce message qui, je le répète, émane d’associations familiales de tous ordres, de toutes origines philosophiques – en l’occurrence, je citais l’Union des familles laïques ? Pour les besoins de vos équilibres internes, vous êtes en train de révolutionner notre politique familiale. Tout le monde est contre, tous les groupes, sauf le groupe socialiste, il est vrai.

M. Pierre Lequiller. Et encore !

M. Xavier Breton. Dans les associations familiales, c’est une levée de boucliers unanime, et vous pensez avoir raison tout seuls contre le reste de la France. Prenez le temps de vous interroger !

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Je crois comprendre, j’ai même compris depuis, déjà, un petit bout de temps, à la lecture de la liste des amendements à l’article 61, que vous allez nous proposer de supprimer celui-ci. Mme Pinville vient d’ailleurs de nous l’annoncer. C’est exactement ce que nous vous demandions mercredi soir, en commission des affaires sociales, et que vous avez refusé, par quatorze voix contre douze. Aujourd’hui, vous vous apprêtez à voter le contraire. Comprenne qui pourra ! Selon moi, beaucoup auront du mal à retrouver leurs petits dans cette affaire.

Toujours est-il que nous touchons à un principe essentiel de nos allocations familiales, lesquelles, pour moi, n’ont pas pour but d’aider des enfants au détriment des autres ni d’introduire des distinctions entre eux en fonction de la situation de leurs familles respectives. Ce que nous faisons ce soir est très grave, et je le regrette. Cela nous oppose fondamentalement. Vous avez votre discours, vous défendez votre point de vue – avec, d’ailleurs, beaucoup de contradictions depuis le début de ce débat – ; nous défendons le nôtre. Il appartiendra aux citoyens de juger.

M. Jean-Pierre Barbier. Et ils jugeront durement !

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller. Comme vient de le dire mon collègue M. Lurton, on peut d’ores et déjà être scandalisé de la façon dont on avance dans ce dossier : la preuve en est que vous faites aujourd’hui le contraire de ce que vous avez fait en commission.

C’est un sujet capital que celui de la politique familiale. Elle recueillait l’assentiment de l’ensemble de la population depuis 1945 – il n’y avait jamais eu de contestation –, et ce principe avait d’ailleurs fait l’objet d’une promesse de François Hollande, réitérée encore il y a quelques jours.

J’ai envie de vous demander, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, comment vous faites pour suivre les méandres de la pensée du président et de la majorité. Je vous admire : il faut vraiment du talent pour se contredire à ce point à trois jours d’intervalle !

Sur la forme, pas de consultation du Conseil d’État, pas d’étude d’impact, des amendements ou des sous-amendements qui arrivent directement dans l’hémicycle…

Encore une fois, je ne vois pas ce qui, à l’avenir, vous empêchera d’appliquer à la santé ou aux transports ce que vous appliquez aujourd’hui aux prestations familiales ! Comme le disait très justement Mme Fraysse, en plus, ce sera fait par décret, ce qui signifie que les dispositions pourront évoluer au cours des années à venir.

On aurait pu penser que tout cela servirait à faire de la redistribution, mais ce n’est même pas le cas ! Vous sacrifiez un principe tout simplement pour faire des économies, parce que vous avez mal géré la Sécurité sociale. Je trouve cela très grave.

M. le président. Merci, monsieur le député.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je voudrais réagir à un certain nombre de déclarations que nous venons d’entendre, et donner quelques points de repère.

M. Le Fur nous a reproché d’amputer les prestations familiales, de ne pas redistribuer aux familles modestes les économies réalisées par la modulation. Il ignore sans doute que nous avons prévu une hausse de 50 % sur cinq ans du complément familial et une hausse de 25 % de l’allocation de soutien familial.

M. Denis Jacquat. Vous jouez au rapporteur ? Ce n’est pas votre partie du texte !

M. Gérard Bapt. Nous avons généralisé sur tout le territoire un mécanisme de garantie contre les impayés de pensions alimentaires. Nous avons revalorisé les bourses étudiantes.

Mme Claude Greff et M. Jean-Pierre Barbier. Vous avez voulu supprimer les bourses au mérite !

M. Gérard Bapt. Nous avons aussi augmenté…

Mme Claude Greff. Les impôts !

M. Gérard Bapt. …l’accès à la couverture médicale universelle complémentaire. Nous avons augmenté le plafond et le montant de l’aide à l’acquisition de la complémentaire santé.

Monsieur Barbier, je pourrais citer les noms de membres éminents de l’UMP qui s’étaient prononcés pour la modulation des allocations familiales.

Mme Claude Greff. Nous, nous pourrions citer les noms de membres éminents du Parti socialiste qui n’en veulent pas !

M. Gérard Bapt. Si vous n’étiez pas dans l’opposition, il y aurait beaucoup plus de voix, dans vos rangs, en faveur de la modulation des allocations familiales.

M. Roumegas nous a reproché de financer nos réformes par l’augmentation de l’impôt.

Non, monsieur Roumegas, il n’y a pas eu d’augmentation d’impôt, ni de hausse de cotisations ou de diminution des remboursements. Au contraire, il y a eu des baisses d’impôt sur le revenu, notamment pour les familles les plus modestes.

Mme Carrey-Conte a estimé que la modulation des allocations familiales avait pour objectif de financer le pacte de solidarité.

Non, madame Carrey-Conte : le pacte de solidarité est financé et compensé à l’euro près par le budget de l’État.

Mme Claude Greff et M. Jean-Pierre Barbier. Comme si c’était le problème ! Vous faites exploser la dette de l’État !

M. Gérard Bapt. Cette mesure est faite non pour financer le pacte de responsabilité, mais pour limiter le déficit de la branche famille de la Sécurité sociale, lequel s’établira malgré tout l’an prochain à 2,3 milliards d’euros – vous trouverez ces chiffres dans mon rapport. Les dépenses de la branche famille continueront à augmenter. Ne dites pas que nous sacrifions les familles,…

M. Pierre Lequiller. Vous êtes des ennemis de la famille !

M. Gérard Bapt. …car dans le contexte actuel, les dépenses de la branche famille augmenteront en 2015 de 900 millions d’euros.

M. Jean-Pierre Barbier. Belle réussite ! Vous voudriez qu’on vous félicite ?

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. J’ai cette particularité d’avoir assisté à l’examen de tous les PLFSS depuis que ce type de texte existe. Eh bien, c’est la première fois que cela se passe dans une ambiance aussi surréaliste : nous sommes en train d’accomplir un travail de commission en séance publique, et nous découvrons les documents très tard.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas la première fois que les choses se passent ainsi !

M. Denis Jacquat. Il est vrai qu’en commission, Mme Clergeau nous avait indiqué que ce sujet était en discussion avec le Gouvernement, et que nous aurions plus d’éléments par la suite. Elle nous avait même demandé de ne pas nous prononcer sur certains amendements,…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Pour être précise, je vous avais demandé de les retirer !

M. Denis Jacquat. …car la réponse devait être imminente. Or nous l’avons reçue plus tard, par la presse.

M. Bapt, qui s’est mis à répondre à tous les orateurs, tel un rapporteur adjoint officieux, nous reprochait ne pas savoir telle ou telle chose.

Je vous rappelle que nous sommes membres du groupe UMP, pas du groupe socialiste : nous n’avons pas été invités à vos réunions internes au cours desquelles vous avez décidé comment vous accommoderiez la politique familiale.

M. Jean-Pierre Barbier. On préfère d’ailleurs ne pas y assister !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Occupez-vous plutôt de vos problèmes de trésorerie : vous avez 80 millions d’euros à trouver !

M. Jean-Pierre Barbier. Chacun sa croix !

M. Denis Jacquat. Si j’ai bien compris, madame Clergeau, vous avez déposé un amendement visant à supprimer l’article 61, pour en rester aux dispositions actuellement en vigueur concernant la prime à la naissance.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Oui.

M. Denis Jacquat. C’est bien : j’en dormirai plus tranquille !

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 61.

Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 140, 199, 325, 432, 440, 653, 678, 738, 777, 799, 813, 820 et 827, tendant à supprimer l’article.

La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n140.

M. Dominique Tian. Si Mme Clergeau défendait directement le sien, nous gagnerions du temps !

M. Gilles Lurton. Cet amendement vise à supprimer un article qui n’existe déjà plus. Je tiens simplement à relever un argument donné tout à l’heure par Mme Clergeau : elle nous a dit que les caisses d’allocations familiales étaient suffisamment dotées pour faire face au travail supplémentaire que la mesure que vous avez décidée ce soir fera peser sur elles.

Or j’ai participé aux travaux préparatoires au rapport réalisé par M. Vercamer et par M. Hutin sur les caisses d’allocations familiales. J’ai assisté aux auditions auxquelles ils ont procédé ; j’ai rencontré à la fois les personnels et les directions des caisses d’allocations familiales. Eh bien, je peux vous assurer qu’aujourd’hui, les CAF sont débordées ; elles ont du mal à assumer toutes les missions qui leur sont confiées. Je me demande donc comment elles parviendront à assumer ce surcroît de travail. Nous verrons bien, d’ici à quelques semaines ou quelques mois, ce qu’il en sera.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n199.

M. Xavier Breton. Je tiens à souligner encore une fois à quel point les conditions dans lesquelles se déroule ce débat sont surréalistes. Ce texte, à l’origine, proposait de réduire la prime à la naissance. Des gens ont dû monter au créneau, il y a eu des accords internes au groupe socialiste, et l’on aboutit à une remise en cause totale de notre politique familiale. On marche vraiment sur la tête.

J’insiste encore une fois sur la responsabilité que vous prenez ce soir en cassant la politique familiale. On sait bien que vous avez un problème avec les familles : depuis le début du mandat du Président de la République, elles tiennent lieu de bouc émissaire. Réforme après réforme, qu’il s’agisse de réformes de société, de réformes économiques ou de réformes techniques, ce sont toujours elles que vous visez. Je le répète, vous en serez responsables devant nos concitoyens.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure, pour soutenir l’amendement n325.

M. Denis Jacquat. Ah ! On va tout savoir !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. C’est assez surprenant : ceux-là mêmes qui se plaignent du fait que le Parlement serait bridé nous reprochent de prendre des initiatives au Parlement. C’est un comble !

M. Denis Jacquat. Nous ne disons pas que le Parlement est bridé ; nous constatons qu’il manque d’informations.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Cela relève du fonctionnement normal du Parlement. Ce n’est pas la première fois que les choses se passent ainsi. Sur beaucoup d’autres textes, heureusement, l’initiative parlementaire permet de faire avancer les choses, dans une démarche de co-construction avec le Gouvernement. Nous nous inscrivons tout simplement dans cette démarche.

J’ai été très claire en commission : j’ai expliqué que nous étions toujours en train de discuter avec le Gouvernement, et qu’aucune décision définitive n’avait été prise.

M. Pierre Lequiller. Nous sommes prisonniers des divisions du parti socialiste !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. La décision était imminente, mais au moment de la réunion de la commission je ne disposais pas de tous les éléments nécessaires pour faire des propositions complètes. C’est pourquoi j’ai alors donné un avis défavorable sur les amendements de suppression de l’article 61 : nous étions à la recherche de financements. Si la piste de la modulation des allocations familiales n’avait pas été retenue, la division par trois du montant de la prime à la naissance aurait permis d’économiser 250 millions d’euros.

Le présent amendement de suppression vise donc à mettre le texte en cohérence avec l’adoption de la modulation des allocations familiales.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n432.

M. Dominique Tian. Il est assez extraordinaire de discuter de cet article, alors qu’il disparaîtra dans quelques instants.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si cela vous paraît si extraordinaire, contentez-vous de dire : « Défendu » !

M. Dominique Tian. Malgré cela, je défends bien volontiers cet amendement.

Il aurait peut-être suffi que le Gouvernement prenne ses responsabilités, au lieu de se livrer à ce jeu de rôle hallucinant. Il aurait suffi de dire : « Écoutez, c’est idiot, nous ne diviserons pas par trois la prime à la naissance, ainsi nous éviterons de traumatiser tout le monde ».

Je me permets de vous féliciter, madame Clergeau, madame la ministre, pour la rédaction des exposés des motifs des articles et des amendements ; ils nous font beaucoup rire. Celui qui accompagne l’article 61, par exemple, justifie la division par trois du montant de la prime à la naissance à partir du deuxième enfant en ces termes : « l’arrivée du premier enfant est particulièrement coûteuse pour un ménage, [mais] les dépenses réalisées pour ce premier enfant, notamment en matériel de puériculture, bénéficient aux enfants suivants. » En fin de compte, vous considérez qu’il ne vaut pas la peine de donner de l’argent aux mères pour les enfants suivants. On ne peut pas dire qu’il s’agit d’une politique dynamique d’encouragement de la natalité.

Vous vous êtes aperçue, madame Clergeau, que tout cela est complètement stupide, et vous avez décidé de supprimer cet article : permettez-nous de vous en féliciter.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n440.

Mme Jacqueline Fraysse. Le Gouvernement et le groupe majoritaire ont brusquement et unilatéralement changé leur fusil d’épaule en abandonnant la division par trois de la prime de naissance, pour la remplacer par la modulation des allocations familiales en fonction des revenus.

L’argument avancé par les promoteurs de cette mesure est celui de la justice sociale et de la redistribution. Je me permets de dire que ce n’est pas sérieux.

Nous sommes bien sûr favorables à la distribution, mais ce n’est pas le rôle des allocations familiales ; c’est celui de la fiscalité.

Mme Claude Greff. Très bien, madame Fraysse !

Mme Jacqueline Fraysse. C’est bien parce que nous sommes favorables à la redistribution que nous sommes opposés au gel des pensions de retraite et à celui du point d’indice des fonctionnaires, à l’absence de revalorisation du salaire minimum, à la mise en cause des droits des chômeurs, et surtout à la hausse de la TVA, impôt le plus injuste qui soit, puisqu’il s’applique au même taux à toutes les familles, indépendamment de leur revenu, y compris pour les produits de première nécessité.

Je répète que la véritable justice passe par une remise à plat de l’ensemble de notre fiscalité, en particulier une réforme de l’impôt sur le revenu. Cette réforme était promise, mais vous ne l’avez pas réalisée.

Concernant la famille, par exemple, une réforme de justice sociale aurait pu consister à supprimer le quotient familial, qui bénéficie pour près de la moitié aux 10 % des foyers les plus aisés, alors que les autres n’en captent que 10 %, sans parler des millions de Français non imposables qui n’en bénéficient pas du tout.

J’invite donc le Gouvernement à avoir le courage de réformer le barème de l’impôt sur le revenu comme il s’y était engagé, ce qui permettrait un progrès très net vers la justice sociale. Nous assistons, ce soir, au contraire ; j’en suis profondément désolée.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement n653.

M. Stéphane Claireaux. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n678.

M. Pierre Lequiller. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, pour soutenir l’amendement n738.

M. Denis Jacquat. Je me réjouis de cette suppression : c’est la seule bonne nouvelle dans cette soirée catastrophique pour la politique familiale française.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n777.

M. Jean-Louis Roumegas. Je voudrais profiter de l’occasion pour préciser que, contrairement à ce qui a été annoncé au moment de l’examen de l’amendement visant à moduler les allocations familiales, la mesure adoptée ce soir ne permettra pas d’éviter le coup de rabot que représente l’ensemble des autres mesures annoncées en matière de politique familiale. De fait, celles qui relèvent du domaine réglementaire n’ont pas encore été annulées.

Il suffit d’ailleurs de comparer les chiffres : la feuille de route de Mme la ministre exigeait 700 millions d’euros d’économies sur la branche famille. Or la disposition que nous avons votée ne permettra de réaliser que 400 millions d’euros d’économies cette année, ce qui signifie que les mesures réglementaires devront permettre de réaliser 300 millions d’euros d’économies. Nous connaissons certaines d’entre elles : il s’agit, par exemple, de repousser de quatorze à seize ans la majoration des allocations familiales. Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, cette mesure sera-t-elle bien annulée ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. Oui !

M. Jean-Louis Roumegas. Il s’agit aussi de la modulation du congé parental.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. J’en ai parlé !

M. Jean-Louis Roumegas. Sous prétexte de moderniser le congé parental en faveur des femmes, on diminuera ce droit de six mois, voire d’un an.

Il s’agit encore du décalage du versement de la prime à la naissance au mois suivant.

Il s’agit, enfin, de la création d’une tranche supplémentaire pour le complément de libre choix du mode de garde.

Certaines de ces mesures seront maintenues, ne serait-ce que pour trouver les 300 millions d’euros manquants. Telle est la vérité des chiffres. Il n’y a aucune réforme structurelle de la politique familiale : ce n’est qu’un coup de rabot, alors même que, par ailleurs, on fait des cadeaux au titre du pacte de responsabilité. Ces économies ne sont donc pas nécessaires.

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement n799.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour soutenir l’amendement n813.

Mme Annie Le Houerou. La prime à la naissance a pour objet de compenser les coûts occasionnés par l’accueil du nouveau-né et il paraît très difficile d’établir que ces coûts diminuent en fonction du rang de naissance.

Cet amendement vise à maintenir le principe du versement d’une prime à la naissance de même montant, quel que soit le rang de l’enfant. La modulation du montant des allocations familiales permettra en effet de compenser cette disposition, de même d’ailleurs que d’autres mesures d’économie envisagées initialement.

Les députés de la majorité ont cherché avec Mme Clergeau la disposition la plus juste. Nous sommes satisfaits de l’écoute du Gouvernement, qui a permis d’aboutir à cette proposition.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier, pour soutenir l’amendement n820.

M. Jean-Pierre Barbier. Je remercie Mme la rapporteure pour la savoureuse description qu’elle nous a faite de notre travail. À l’entendre, nous avons discuté en commission d’un article qui va être supprimé, et elle a ensuite attendu la décision du Gouvernement, laquelle sera finalement validée ce soir dans l’hémicycle.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. C’est faux !

M. Jean-Pierre Barbier. C’est effectivement une bonne explication de ce qui s’est passé. On peut dire que le travail parlementaire a bien été respecté !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Vos amendements ont été examinés conformément aux articles 88 et 91 du règlement !

M. Jean-Pierre Barbier. S’agissant de l’article 61, vous pouvez le mettre au frais pour l’année prochaine car, vous l’avez expliqué, le déficit de la branche famille, qui atteint cette année 2,7 milliards d’euros, nous oblige à économiser 800 millions d’euros sur cette branche.

M. Gérard Bapt. Vous nous avez laissé 3 milliards de déficit sur la branche famille !

Mme Claude Greff. Il faut apprendre à compter, monsieur Bapt !

M. Jean-Pierre Barbier. Vous avez alors imaginé quelque chose qui n’a pas marché. Compte tenu de votre cote de popularité, vous avez préféré prendre une décision plus populiste. Mais, comme vous nous annoncez un déficit de 2,3 milliards d’euros pour l’année prochaine, je suppose que vous nous direz alors qu’il faut bien faire quelque chose sur la branche famille. Vous aurez fait le travail préalable, puisque vous savez très bien que vous nous présenterez à nouveau l’article 61.

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n827.

Mme Claude Greff. J’avais presque envie, madame la rapporteure, de vous féliciter d’avoir supprimé cet article, mais je n’y arrive pas, de même que je ne peux saluer aucune de vos propositions, car l’idée même que vous ayez pu les envisager me semble aberrante.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. N’essayez pas, alors !

Mme Claude Greff. Je rebondis sur les propos tenus à l’instant : les familles ont tellement été roulées dans la farine ces derniers temps, que je me demande jusqu’où vous irez. Là encore, elles ont été trompées de façon majeure car, je le répète, fixer le seuil de 6 000 euros est très populiste : ceux qui gagnent moins considéreront que les plus riches peuvent payer, sans réaliser que, l’année prochaine, ce sera leur tour.

Je voudrais que vous nous disiez, madame la rapporteure, si le précédent niveau de la prime à la naissance a été rétabli et ne bougera pas.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. On l’a déjà dit plusieurs fois !

M. Denis Jacquat. On a tellement été trompé qu’on ne vous croit plus !

Mme Claude Greff. J’aimerais bien que vous nous le répétiez ! Je ne sais pas si vous vous rendez compte que les familles ne savent plus où elles vont et à quelle sauce elles vont être mangées. Je pose aujourd’hui des questions concrètes : j’aimerais que vous nous disiez où vous voulez aller.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Vous le savez très bien, je l’ai déjà dit !

Mme Claude Greff. J’aimerais bien que vous le répétiez, car c’est très important pour les parlementaires.

M. Denis Jacquat. Le Gouvernement pourrait répondre aussi !

Mme Claude Greff. Effectivement, mais il est aux abonnés absents. Cela n’est pas étonnant de la part de la secrétaire d’État chargée de la famille, car cela fait longtemps qu’on ne l’a pas entendue. Mais Mme Touraine, sa ministre de tutelle, n’intervient toujours pas elle non plus : elle méprise toujours autant le Parlement et les familles. N’ayez crainte, les familles vont s’en rendre compte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ces amendements ont d’abord été rejetés par la commission mais, je le répète, l’adoption par l’Assemblée de la modulation des allocations familiales permet le maintien de la prime à la naissance ou à l’adoption au même niveau, quel que soit le rang de l’enfant.

Madame Greff, vous ne m’écoutez pas quand je vous parle, car je l’ai dit au moins trois fois ce soir.

Mme Claude Greff. Si, je vous écoute !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. La commission est désormais favorable à ces amendements.

Mme Claude Greff. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Je viens de le dire à l’instant, madame Greff, vous n’avez pas écouté !

M. le président. Je vous en prie !

Mme Claude Greff. Vous avez donné votre avis, non celui de la commission !

M. le président. Madame Greff, s’il vous plaît ! La rapporteure vient de s’exprimer au nom de la commission.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Au lieu de discuter avec vos collègues de l’opposition, vous auriez pu m’écouter, cela aurait été plus correct !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Bravo !

Mme Claude Greff. Ne vous énervez pas, madame Clergeau !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. Les questions que vous posez, monsieur Roumegas, méritent des réponses aussi claires que le sont vos questions. J’en reviens donc à l’ensemble des mesures concernant la famille qui ont été discutées dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Tout d’abord, il n’y aura pas de report de la majoration d’âge de quatorze ans à seize ans. La prime à la naissance, quant à elle, est bien maintenue à 923 euros pour les enfants, quel que soit leur rang. Elle est versée à la naissance de l’enfant avec la première prestation liée à la naissance de l’enfant. S’agissant du complément de libre choix du mode de garde, nous ne créerons pas la quatrième tranche que nous envisagions ; il reste donc en l’état.

Mme Claude Greff. C’est grave de l’avoir envisagé !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Enfin, conformément aux dispositions issues de la loi du 4 août pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, le complément de libre choix d’activité sera réparti entre les deux parents à raison de deux tiers pour l’un et un tiers pour l’autre, soit pendant une durée respective de vingt-quatre et douze mois.

À M. Barbier qui s’inquiétait de l’avenir, je réponds que la trajectoire de retour à l’équilibre de la branche famille est indiquée dans l’annexe B. Nous n’avons pas seulement un horizon d’un an ; nous travaillons sur un retour à l’équilibre s’appuyant sur des objectifs de réduction progressive et annuelle du déficit : de 2,3 % en 2015, de 1,4 milliard en 2016, de 0,9 milliard en 2017 et de 0,7 milliard en 2018.

M. Jean-Pierre Barbier. Me voilà rassuré !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Rien ne peut aujourd’hui justifier d’accélérer ce rythme de réduction du déficit de la branche famille. Il n’est pas utile de craindre que nous allions au-delà de ce dont nous discutons aujourd’hui avec le Parlement.

Mme Touraine et moi-même avons indiqué à plusieurs reprises que l’ensemble des mesures, qu’elles soient législatives ou réglementaires, seraient débattues avec le Parlement dans la plus grande transparence. C’est ce que nous faisons ce soir.

Le Gouvernement est bien sûr favorable à l’amendement de Mme Clergeau et à tous les amendements identiques.

(Les amendements identiques nos 140, 199, 325, 432, 440, 653, 678, 738, 777, 799, 813, 820 et 827 sont adoptés, l’amendement n657 tombe et l’article 61 est supprimé.)

Après l’article 61 (amendements précédemment réservés)

M. le président. Nous abordons une série d’amendements portant article additionnel après l’article 61.

Auparavant, je donne la parole à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. L’UMP veut ce soir jouer un rôle d’opposition constructive. Afin de ne pas allonger inutilement les débats en faisant des effets de manche, je vous propose, monsieur le président, que, s’agissant des amendements portant article additionnel après l’article 61, seul M. Lurton intervienne. Il a, en effet, déposé deux amendements auxquels il tient particulièrement et qui émanent d’une proposition de loi adoptée par le Sénat.

Pour le reste, les députés du groupe UMP n’interviendront plus ce soir, ni sur les articles ni sur les amendements qu’ils ont déposé.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement nos 226.

Monsieur Lurton, je vous propose que vous défendiez simultanément l’amendement n229.

M. Gilles Lurton. M. Jacquat l’a dit à l’instant, cet amendement est issu d’une proposition de loi que j’avais eu l’occasion de défendre dans cet hémicycle il y a quelques mois en votre présence, madame la secrétaire d’État chargée de la famille. Elle avait été votée par le Sénat à la quasi-unanimité, y compris par vous, alors que vous étiez encore parlementaire.

Les auditions que j’ai menées dans ce cadre m’avaient conduit à faire évoluer le texte voté au Sénat. Sur les conseils de la Défenseure des enfants, des associations de magistrats, de l’Association des départements de France et de vous-même, madame Clergeau, j’ai décidé de déposer ces amendements qui concernent la famille.

Le code de la sécurité sociale prévoit que le juge, à l’occasion du placement d’un enfant à l’aide sociale à l’enfance, peut décider de maintenir les allocations familiales versées à sa famille naturelle.

L’amendement n226 vise à donner la possibilité au juge de moduler les allocations familiales versées à la famille et de fixer une période d’observation de six mois, de façon à ce que celle-ci coïncide avec l’audience que doit tenir le juge au bout de ce délai, ainsi que de permettre le maintien total, partiel ou la suppression des allocations familiales à la famille.

L’amendement n229, quant à lui, vise à prévoir un réexamen du maintien total ou partiel, voire une suppression des allocations familiales allouées à une famille lorsque leur enfant est placé à l’aide sociale à l’enfance. Il s’agit de prévoir une révision au bout des six mois, lorsque le juge procède à une nouvelle audience.

Il s’agit de donner au juge la possibilité de moduler, de maintenir, de supprimer ou de répartir les allocations familiales entre la famille naturelle de l’enfant et le service d’aide sociale à l’enfance, sur la base d’un taux fixe défini par décret.

Je l’ai dit, la période de six mois correspond à une audience déjà programmée par le juge lorsqu’un enfant est placé à l’aide sociale à l’enfance. Elle doit permettre au juge de se prononcer sur la capacité de la famille naturelle à maintenir un lien avec l’enfant, toujours dans la perspective d’un retour de l’enfant au foyer familial. L’objectif est de conserver la possibilité pour l’enfant de revenir dans ce foyer familial et de tout mettre en œuvre pour qu’un lien soit maintenu entre la famille naturelle et l’enfant pendant la période de placement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Je suis vraiment désolée de faire à nouveau de la peine à M. Lurton, car nous avons déjà largement débattu de ce sujet.

M. Denis Jacquat. Il s’y attendait !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Cet amendement, comme le suivant, reprend les propositions que vous avez faites en juin dernier, en tant que rapporteur d’une proposition de loi d’origine sénatoriale. L’Assemblée nationale avait repoussé vos amendements et la proposition de loi, au motif que la remise en cause du cadre actuel, pourtant suffisamment souple, revient à jeter la suspicion sur des familles en difficulté. Il n’y a pas raison de donner un avis différent à peine trois mois plus tard.

N’oublions pas que 95 % des enfants placés reviennent dans leur famille. L’enfant ayant vocation à retourner dans sa famille, les allocations familiales doivent permettre de créer les conditions de ce retour. Avis défavorable sur les deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Je ne prolongerai pas inutilement les débats, mais je précise simplement que les amendements n’ont pas été repoussés car ils n’ont pas pu être examinés. En effet, vous aviez déposé des amendements de suppression des articles de la proposition de loi.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. C’est vrai !

M. Gilles Lurton. C’est d’ailleurs sur votre conseil que je les avais déposés à nouveau aujourd’hui.

(Les amendements nos 226 et 229, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Les amendements identiques, nos 141, 200, 655, 679, 739, 821 et 831 sont défendus.

(Les amendements identiques nos 141, 200, 655, 679, 739, 821 et 831, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n776.

M. Jean-Louis Roumegas. Mme la secrétaire d’État nous a confirmé que le congé parental serait modifié de façon substantielle, par décret, puisqu’il est prévu un partage, à hauteur de deux tiers et d’un tiers, contre trente et six mois aujourd’hui.

Cela veut dire en réalité que les femmes – et les hommes, même s’ils sont très minoritaires – qui profitent aujourd’hui du congé parental perdront six mois de droits, car, dans les faits, en l’absence d’une revalorisation de l’allocation de congé parental, on sait très bien que les parents n’ont pas le choix. Sous couvert d’une mesure d’égalité entre les hommes et les femmes, il s’agit en réalité d’une simple mesure d’économie, d’un coup de rabot social.

Même si nous avions proposé de revaloriser le congé parental – ce qui est le seul moyen de renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes –, nous nous serions évidemment vu opposer l’article 40 de la Constitution. Le Gouvernement doit donc s’engager en détaillant, dans un rapport remis au Parlement, les moyens de revaloriser le congé parental. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. La loi du 4 août 2014 a réformé le complément de libre choix d’activité de la PAJE, dans le but d’associer les pères aux tâches d’accueil et d’éducation de l’enfant, mais également pour lutter contre les effets des congés parentaux trop longs.

On voit bien, dans la pratique, que beaucoup de femmes ont du mal à réintégrer le marché du travail après un congé parental. Cette évolution ne va pas dans le sens de l’égalité entre les hommes et les femmes. C’est là un facteur d’exclusion durable des femmes du monde du travail, mais aussi de limitation de leur évolution de carrière et de leur niveau de salaire.

Ce dispositif constitue une trappe à pauvreté, car il concerne principalement des femmes ayant un niveau de qualification professionnelle faible. Une réduction de la durée du congé a donc été annoncée, dès l’année dernière. Plutôt qu’un partage accordant 18 mois à chacun des conjoints, on s’oriente vers la répartition suivante : 24 mois pour le premier parent et 12 mois pour le second, sachant que le père peut tout à faire prendre 24 mois de congé parental et la mère 12. Cette décision constituerait une étape plus réaliste ; le Gouvernement évolue dans ce sens.

M. Dominique Tian. C’est donc le Gouvernement qui décide !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Avant de rédiger un nouveau rapport, comme vous le demandez, il convient d’évaluer le dispositif. Il faudra aussi consacrer des moyens à l’accompagnement au retour à l’emploi, après le congé parental.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

Mme Jacqueline Fraysse. Moi, je voterai cet amendement !

(L’amendement n776 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques, nos 139, 197, 677, 737, 819 et 830.

M. Jacquat, peut-on considérer que ces amendements ont été défendus ?

M. Denis Jacquat. Oui, monsieur le président.

(Les amendements identiques nos 139, 197, 677, 737, 819 et 830, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n433.

M. Dominique Tian. Monsieur Jacquat avait annoncé que nous n’interviendrions plus, mais chaque règle comporte une exception. (Sourires.)

Devant la gravité de la situation, il est apparu important au groupe UMP que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les conditions de participation des caisses d’allocations familiales au financement des activités périscolaires mises en œuvre par les communes dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. On sait que les caisses d’allocations familiales participent au financement des heures d’accueil des enfants scolarisés dans les accueils de loisir sans hébergement, à la fois sur le temps périscolaire et extrascolaire, au moyen de la prestation de services dédiés et du contrat enfance jeunesse.

La CNAF participe également au financement de la réforme des rythmes scolaires à travers deux mécanismes, l’un transitoire, l’autre permanent.

À titre exceptionnel, la branche a versé une participation financière au fonds d’amorçage piloté par l’État. À titre pérenne, elle finance la mise en œuvre de la réforme grâce à une prestation de service qui dépend des dispositifs d’accueil organisés dans le cadre d’un projet éducatif territorial ; le nombre d’élèves est pris en compte et la prise en charge se fait dans la limite de trois heures par semaine et de trente-six semaines par an.

Cet amendement a été rejeté par la commission : j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Défavorable, même si je comprends votre intention, monsieur le député. Les éléments que vous demandez figurent déjà à l’annexe 2. Ils feront l’objet d’une réactualisation l’année prochaine.

M. Denis Jacquat. Quelle erreur !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Les crédits figurent dans le Fonds national d’action sociale, qu’a annexé la convention d’objectifs et de moyens de la CNAF. Tous les éléments que vous souhaitez obtenir sont d’ores et déjà accessibles.

(L’amendement n433 n’est pas adopté.)

Article 62 (précédemment réservé)

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 62.

La parole est à Mme Sylviane Bulteau.

Mme Sylviane Bulteau. Je voudrais réagir aux propos de M. Roumegas sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Il est assez étonnant d’entendre un écologiste réduire ce sujet à la revalorisation du congé parental. La véritable égalité, selon moi, consiste à avoir un salaire égal pour un travail égal, car cela garantit l’indépendance des femmes.

Je voudrais également rappeler à nos collègues de l’opposition un certain nombre de chiffres qui viennent démentir les propos qu’ils ont tenus tout au long de la soirée sur la famille. En 2011, les dépenses de la branche famille étaient de 54,9 milliards d’euros. En 2014, elles s’élèvent à 59,1 milliards d’euros et, en 2015, elles connaîtront encore une hausse de 200 millions d’euros, malgré les conditions économiques difficiles. Ces vérités sont bonnes à dire !

Au total, avec ce PLFSS, les objectifs sont donc atteints, notamment celui qui consiste à sauver la branche famille. Nous avons tous à cœur, ici, de continuer à préserver notre modèle social. C’est chose faite avec ce texte.

Enfin, je remercie tous nos collègues, quels qu’ils soient, d’avoir participé à nos débats, qui ont parfois été rudes. Nous avons tous des convictions chevillées au corps ; nous avons pu les exprimer ce soir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Dominique Tian. Voilà qu’ils se déchirent de nouveau !

M. Jean-Louis Roumegas. Chère madame Bulteau, c’est le Gouvernement lui-même qui, à propos du congé parental, a évoqué l’objectif de renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes.

Je précise en outre que, selon moi, l’égalité entre les hommes et les femmes sera complète, en matière de congé parental, lorsque les hommes s’arrêteront autant que les femmes, ce que ne permet pas votre mesure…

Mme Claude Greff. Exactement !

M. Jean-Louis Roumegas. …puisqu’aucune revalorisation de l’allocation n’est prévue. Nous défendons pour notre part une vraie égalité et pas des mesures qui, à l’image de celle-là, sont des faux nez destinés à masquer des économies. (« Très bien ! » sur certains bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je veux ajouter un mot après l’intervention de Mme Bulteau, car j’approuve tout à fait ce qu’elle a dit sur la vraie égalité entre les hommes et les femmes, laquelle passe par le travail, la formation et le salaire des femmes.

Le problème est qu’aujourd’hui nous sommes face à une réalité que vous connaissez : les salaires des femmes sont, encore aujourd’hui, très inférieurs à ceux des hommes. Cela empêche les familles, hélas ! de partager, comme je le souhaite, le congé parental à égalité entre hommes et femmes. Il est évident que, quand le partage ampute trop le budget de la famille, dans la mesure où le congé parental n’est pas suffisamment compensé, cela nuit à l’égalité.

M. Jean-Pierre Barbier. Nous partons pour les laisser discuter entre eux !

M. Gérard Bapt. Ne jouez pas les professeurs ! Vous ne dirigez pas les débats !

M. Pierre Lequiller. C’est un débat interne à la gauche !

Mme Jacqueline Fraysse. À cet égard, la disposition que nous venons de voter – avec les meilleures intentions du monde – aura forcément pour conséquence la perte de plusieurs mois de congé parental pour les familles. Cela représentera d’ailleurs une économie financière pour le Gouvernement. Bref, tout cela est assez paradoxal quand on se prononce – et je ne mets pas en doute votre volonté – en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes.

M. le président. Je suis saisi de huit amendements identiques, nos 501, 675, 686, 734, 756, 817, 826 et 887, qui visent à supprimer l’article 62.

Ils sont tous défendus.

(Les amendements identiques nos 501, 675, 686, 734, 756, 817, 826 et 887, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L’article 62 est adopté.)

Articles 63 et 64 (précédemment réservés)

(Les articles 63 et 64 sont successivement adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 28 octobre, après les questions au Gouvernement.

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Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 28 octobre, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Vote solennel sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 ;

Discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 : examen des crédits de la mission « Justice ».

La séance est levée.

(La séance est levée, le samedi 25 octobre 2014 à zéro heure dix.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly