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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 04 novembre 2014

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Démission d’un député

Mme la présidente. Le Président a reçu de M. Pierre Moscovici, député de la quatrième circonscription du Doubs, une lettre l’informant qu’il démissionnait de son mandat de député à compter du 1er novembre.

Acte est donné de cette démission, qui sera notifiée au Premier ministre.

2

Projet de loi de finances pour 2015

Seconde partie (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 (nos 2234, 2260).

Recherche et enseignement supérieur

Mme la présidente. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la recherche et à l’enseignement supérieur (nos 2260, annexes 37 et 38 ; n2261, tomes VIII et IX ; n2262, tome XIII ; n2266, tomes IX et X.)

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche pour 2015 est placé sous le signe de la stabilité.

Conformément aux garanties données par le Président de la République et le Premier ministre, les moyens de l’enseignement supérieur et de la recherche sont préservés, à hauteur de 26,06 milliards pour la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », la MIRES, et de 23,05 milliards pour le périmètre de l’enseignement supérieur et de la recherche – la MIRES sans les programmes recherche et enseignement supérieur des ministères de l’agriculture, de l’environnement, de l’économie et de la défense.

S’agissant, tout d’abord, du programme 150 consacré à l’enseignement supérieur, les crédits sont stables et s’élèvent à 12,8 milliards.

Toutefois, à l’intérieur de cet ensemble préservé, certaines dépenses immobilières connaissent une forte réduction, en l’occurrence, de 111 millions suite à la fin des travaux de désamiantage de l’université de Jussieu, ce qui a permis, à l’intérieur de l’enveloppe de l’enseignement supérieur, de consacrer 106 millions supplémentaires à la masse salariale et au fonctionnement des établissements.

Sont ainsi financés les grands engagements du Gouvernement en matière d’enseignement supérieur : les 1 000 emplois supplémentaires alloués chaque année jusqu’en 2017 aux universités pour 60 millions ; les mesures catégorielles en faveur des personnels de catégorie B et C pour 20 millions ; la compensation boursière, pour 13 millions, qui s’échelonnera par quart sur quatre ans – 25 % dès 2015, les 100 % étant je l’espère atteints en 2018 ; enfin, la prise en charge d’une partie significative du glissement vieillissement technicité, le GVT, afin de prendre en compte ce qui ne l’avait pas été auparavant lors du passage aux responsabilités et compétences élargies, les RCE, soit l’évolution des salaires des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Pour la première fois et pour une grande partie, ils seront en effet mis en base et non en fin de gestion comme cela avait été le cas jusqu’à présent, le reste étant pris en charge dans le cadre des crédits de fin de gestion. Auparavant, ils ne l’étaient d’ailleurs pas du tout, ce qui explique les difficultés qu’ont rencontrées les établissements d’enseignement supérieur et, singulièrement, les universités.

Par ailleurs, les mesures engagées par le ministère ont permis une évolution favorable de la situation financière des universités, laquelle s’était largement dégradée après leur passage aux RCE faute de l’accompagnement nécessaire.

C’est ainsi que le nombre d’universités en déficit est passé de dix-sept en 2012 à huit en 2013 et à quatre en 2014 – seules quatre étant en double déficit cette année.

Je peux vous annoncer que même l’Université de Versailles-Saint-Quentin qui, pourtant, avait cumulé tous les dysfonctionnements nés du quinquennat précédent, …

M. Patrick Hetzel. Quelle mauvaise foi !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. …retrouvera grâce à l’accompagnement que nous proposons une trésorerie positive dès 2015. Je ne pouvais pas passer sous silence cette nouvelle très positive !

Deuxième point : les crédits consacrés à la vie étudiante progressent de 45 millions par rapport à 2014.

Cette somme permet de financer la deuxième vague de la réforme des bourses, qui permet à 77 500 étudiants supplémentaires de bénéficier d’une bourse de niveau 0 bis.

Ces 77 500 étudiants s’ajoutent aux 57 000 qui, en 2013, avaient bénéficié de la première vague de cette réforme – je rappelle qu’il s’agissait des étudiants dits du niveau « 0 », soit, zéro euro de bourse.

Aujourd’hui, ils bénéficient de 1 000 euros, ce qui représente un effort exceptionnel – historique, même, et salué comme tel par les organisations étudiantes.

Au total, ce sont donc près de 135 000 étudiants qui sont concernés par cette mesure.

Il faut y ajouter 1 000 nouvelles aides de 4 000 à 5 500 euros pour les étudiants en rupture familiale et une augmentation de 0,7 % – soit deux fois le taux de l’inflation – du montant de l’ensemble des bourses sur critères sociaux.

Je répète que les aides aux étudiants sur critères sociaux sont le moyen le plus efficace pour agir en faveur de la réussite étudiante.

C’est pourquoi ce Gouvernement peut être fier d’avoir consacré depuis 2013 une somme cumulée de 458 millions d’euros aux aides aux étudiants sur critères sociaux, soit près des deux tiers de l’augmentation du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche depuis 2012.

Troisième volet de ce budget : la recherche.

Ses moyens sont préservés, avec 7,77 milliards d’euros, en légère hausse de 6 millions par rapport à l’année précédente.

Cette somme permet de maintenir les moyens des organismes de recherche à un montant identique à celui de l’année précédente – 5,78 milliards – et de maintenir ceux de l’ANR, l’Agence nationale de la recherche – 580 millions, somme qu’elle a toujours dépensée et qu’elle n’a jamais outrepassée en une année.

Nous avons remis cette institution à sa juste place dans un contexte démographique pourtant défavorable pour les quatre ans à venir avec la fin du départ à la retraite des baby-boomers, amplifié par l’impact de la loi Sauvadet que nous avons tous votée – quelles que soient les obédiences politiques – et que les représentants des personnels avaient soutenue mais dont l’impact sur la recherche n’avait pas été mesuré, et le trop faible recrutement de docteurs dans le privé – quatre fois moins qu’en Allemagne pour les docteurs académiques.

Le Gouvernement a donc anticipé cette situation et s’est donné les moyens de mettre en place un plan d’actions avec les organismes de recherche – qui sont les gestionnaires des chercheurs avec les universités qui, elles, gèrent 50 % de la part « recherche » des enseignants-chercheurs –, pour que tous les départs à la retraite de chercheurs et d’ingénieurs, techniciens et administratifs, les ITA, soient remplacés au taux de un pour un, avec un effort particulier, je l’ai dit, pour ces derniers – qui n’avaient jamais été remplacés de la sorte – ainsi que pour les jeunes chercheurs et l’insertion des post-docs.

La gestion des ressources humaines des organismes sera orientée en ce sens, nous y travaillons depuis neuf mois avec eux.

Au total, la priorité budgétaire à l’enseignement supérieur et à la recherche du budget pour 2015 s’inscrit dans le droit fil des efforts réalisés depuis 2012 qui ont conduit à une augmentation de 638 millions depuis trois ans des moyens accordés à ce secteur absolument déterminant pour l’avenir.

Dans la période que nous connaissons, une telle augmentation, en deux ans, montre que ce secteur constitue pour nous une véritable priorité. Nous procédons en effet à une réduction des dépenses publiques sur le plan ministériel aussi bien que sur celui des collectivités mais, ainsi, nous obérons moins l’avenir.

Je le répète : d’un côté, nous procédons à une réduction des dépenses publiques chaque fois que c’est possible, de l’autre, nous investissons pour l’avenir 638 millions supplémentaires pour l’enseignement supérieur et la recherche.

Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Nous en venons aux porte-parole des groupes.

La parole est à M. Patrick Hetzel pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Patrick Hetzel. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget accordé à la recherche par projets se situe en deçà du seuil critique comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner lors de l’examen des projets de budgets pour 2013 et 2014.

Le projet de loi de finances pour 2015 renouvelle cette erreur et n’améliore en rien la situation, ce qui est évidemment fort regrettable.

Quant au volet « enseignement supérieur » de la mission, notre collègue Mme Doucet évoque de manière succincte, page 10 de son rapport pour avis, la suppression des bourses au mérite, bourses qui, je tiens à le rappeler, ne concernaient que des boursiers sur critères sociaux.

Une fois de plus, je constate que c’est un Gouvernement de gauche qui porte un coup de canif au mérite républicain, ce que nous ne pouvons bien entendu que regretter car celui-ci est un ciment pour toute la Nation.

Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué votre action en faveur des boursiers mais nous retenons quant à nous la suppression de la référence au mérite, ce qui est fort regrettable quand, par ailleurs, vous parlez d’excellence dans l’enseignement supérieur et la recherche.

Le budget présenté par le Gouvernement manque de vision, de souffle et de constance, ce qui est dommageable pour un secteur tel que l’enseignement supérieur et la recherche, qui relève assurément de l’immatériel mais doit être considéré comme un investissement de la Nation.

Or, le dossier de presse du Gouvernement souligne que « l’optimisation de la gestion financière du secteur de l’enseignement supérieur » devrait rendre possible une nouvelle « contribution au redressement des finances publiques à hauteur de 100 millions d’euros ».

Cela est joliment dit mais cela signifie surtout que le Gouvernement met très clairement ce secteur à la diète.

Sans compter que le niveau des investissements est en baisse – et cela ne s’explique pas uniquement par la fin du chantier de Jussieu, comme vous semblez le laisser croire.

Il existe en effet un immense décalage entre l’affirmation du Gouvernement selon laquelle ce secteur serait sanctuarisé et les faits, à savoir, sa mise à la diète qui ne sera pas sans poser aux établissements d’enseignement supérieur un problème financier d’autant plus grave que la montée en puissance, en année pleine, de l’ordre de 45 millions d’euros, du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique creusera encore leur situation.

Là encore, il est clair que les personnes handicapées ne doivent pas constituer une variable d’ajustement financier.

Le manque de financements est donc patent puisqu’il manquera au bas mot 150 millions d’euros au budget des établissements d’enseignement supérieur.

Face à une telle situation, je n’ai pas entendu la moindre explication claire et précise. Belle performance pour un secteur considéré comme prioritaire par le Gouvernement !

De plus, le texte est muet sur le modèle d’allocation des moyens annoncé pour 2015 par Mme Fioraso. Il devrait inclure la masse salariale, or, le Gouvernement a gelé ce chantier pour 2015, ce qui ne fait que confirmer le décalage, là encore, entre les paroles et les actes !

Quant aux créations de postes, la belle affaire !

Entre 2012 et aujourd’hui, le nombre de postes vacants a tout simplement doublé dans ce secteur. Résultat des courses : non seulement il n’y a pas de créations nettes d’emplois, contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement, mais il y a même moins de personnes employées qu’en 2012.

Là encore, quel décalage entre les discours gouvernementaux et la réalité !

En commission élargie, madame la secrétaire d’État, j’ai évoqué la question du dégel des crédits et je n’ai pas obtenu de réponse précise. À quelle aune seront donc traités les établissements d’enseignement supérieur pour la fin de l’exercice 2014 – en effet, le péril est déjà là pour cette année, alors que nous évoquons le budget de 2015 ?

Cette situation mérite d’être traitée.

Pour finir, j’aimerais vous poser encore deux questions, madame la secrétaire d’État. Premièrement, où en est votre stratégie nationale de l’enseignement supérieur ? Le Parlement ne dispose d’aucune information à ce sujet, alors que vous nous aviez promis des informations au plus tard à l’été. C’est très regrettable, d’autant que, d’après les retours du terrain, tout cela semble patiner prodigieusement…

Deuxièmement, les lois Peillon et Fioraso nous promettaient une révolution en matière de formation des enseignants, or le dernier rapport de l’Inspection générale est extrêmement critique vis-à-vis de l’action du Gouvernement. Ma question est donc simple : où en est le Gouvernement sur ce dossier qu’il avait lui-même qualifié de stratégique ?

Vous l’aurez compris, pour toutes les raisons que j’ai évoquées, nous ne pouvons que nous opposer aux orientations gouvernementales, qui ne sont absolument pas à la hauteur des enjeux. On ne peut que le regretter, car le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche devrait être considéré comme un secteur stratégique. Les discours sont bien là, mais dans les actes, hélas, et en l’occurrence dans le budget, on ne trouve aucune trace de cette ambition. L’enseignement supérieur et la recherche méritent mieux que d’être considérées comme de simples variables d’ajustement.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Reynier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Franck Reynier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Recherche et enseignement supérieur » est au cœur de la préparation de l’avenir, de la compétitivité et du rayonnement de la France à l’étranger.

La recherche et l’innovation, qui ont été soutenues massivement sous le précédent quinquennat, avec, notamment, l’amplification du crédit d’impôt recherche et le lancement du grand emprunt, doivent en effet permettre à la France de sortir plus forte de la crise, et la préparer aux défis de la mondialisation.

En apparence, le maintien, pour 2015, des crédits alloués à cette mission en 2014 pourrait constituer un signal positif. Pour autant, notre groupe s’inquiète des orientations qui ont été privilégiées afin de faire participer la mission aux efforts partagés de rationalisation et d’économies. En effet, si l’innovation est au premier plan des trente-quatre mesures pour réindustrialiser la France et des sept ambitions pour la France de la commission « Innovation 2030 », nous déplorons qu’aucun choix structurant ne soit fait dans ce projet de budget.

En matière de soutien à la recherche et à l’innovation, le groupe UDI s’inquiète de la suppression du programme 410, « Recherche dans le domaine de l’aéronautique », secteur d’excellence qui emploie 320 000 personnes et qui représente le premier secteur exportateur de notre économie. Nous déplorons également que les moyens alloués au programme 191, « Recherche duale (civile et militaire) », n’aient pas été amplifiés. Ce programme concerne en effet des domaines de recherche dont les applications, à la fois civiles et militaires, représentent de véritables gisements d’emplois.

Nous regrettons aussi que la mission « Recherche et enseignement supérieur » n’affirme pas le rôle stratège de l’État en matière de recherche et d’innovation, au service de la compétitivité, alors qu’il conviendrait que l’État soutienne massivement les entreprises dans des secteurs d’excellence, tels que l’aéronautique, la chimie, la santé, la transition énergétique ou le numérique.

J’en viens au programme 150, « Formations supérieures et recherche universitaire », qui constitue l’assise budgétaire de la politique publique de l’enseignement supérieur. L’enseignement supérieur est à la croisée d’enjeux fondamentaux : celui des conditions de la réussite des étudiants ; celui de l’ambition pour la recherche et l’enseignement supérieur, de leur rôle en matière de cohésion sociale et de progrès, de compétitivité économique, de transition écologique et de rayonnement de la France ; celui, enfin, de la gouvernance des établissements.

À ce titre, les crédits alloués à ce programme et les priorités qu’il poursuit sont essentiels. En 2015, les moyens des établissements augmenteront de 234,7 millions d’euros en crédits de paiement, tandis que le programme « Vie étudiante » bénéficiera, à périmètre constant, d’un abondement de 44,2 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. L’enjeu, pour notre groupe, ne peut néanmoins se résumer au déploiement de moyens supplémentaires. Il convient surtout, en réalité, de créer des liens toujours plus forts entre l’université et le monde extérieur.

Ces évolutions sont vitales pour aller vers la création de véritables écosystèmes économiques susceptibles de rapprocher les universités, les entreprises et les centres de recherche, et de lier le développement des infrastructures et celui des bassins économiques. Si le programme promeut la coordination étroite, à l’échelle d’un territoire académique, des établissements publics d’enseignement supérieur, nous déplorons qu’il soit en revanche plus flou sur les partenariats avec le monde économique et social, pourtant indispensables.

Nous souhaitons enfin souligner que la suppression des aides au mérite marque un coup d’arrêt pour la logique de recherche de l’excellence. Cette logique doit pourtant demeurer celle de l’enseignement supérieur, qui assume un rôle fondamental en formant ce qui fait la plus grande richesse de notre nation, sa ressource humaine.

En conclusion, du fait de ce manque d’ambition en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur, le groupe UDI votera contre les crédits de cette mission.

Mme Catherine Vautrin et M. Patrick Hetzel. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour le groupe écologiste.

Mme Isabelle Attard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, que pourrais-je ajouter à ce que j’ai dit vendredi dernier, lors de la commission élargie ? Vous nous avez soutenu que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes pour nos étudiants, nos doctorants, nos post-doctorants, nos attachés temporaires d’enseignement et de recherche, nos enseignants-chercheurs, nos chercheurs, nos personnels administratifs, nos bibliothécaires, nos personnels sociaux et de santé, nos ouvriers, nos techniciens et nos ingénieurs.

Je peux comprendre qu’en tant que secrétaire d’État, vous soyez très occupée, c’est normal.

M. Patrick Hetzel. Excellent !

Mme Isabelle Attard. Je peux comprendre aussi que, lors de vos déplacements, vos hôtes cherchent à vous montrer le bon côté des choses, leurs plus beaux accomplissements, car ce n’est pas très valorisant d’étaler sa misère lorsque l’on reçoit des visiteurs de marque.

Je vous propose donc un contact bref et intense avec la réalité – cela risque de piquer un peu, je vous préviens. Devant l’Assemblée nationale se trouvent actuellement 200 membres du collectif « Science en marche ». Ils seraient ravis de vous rencontrer à l’issue de ces débats, et ce serait l’occasion pour vous de faire des rencontres très enrichissantes.

Je pense par exemple à ce doctorant de la Pitié-Salpêtrière qui doit utiliser son ordinateur personnel depuis six mois, parce que son laboratoire de myologie n’a pas les moyens de lui en fournir un.

Je pense à cette archéozoologue qui enchaîne, à l’Institut national de recherches archéologiques préventives – INRAP –, les contrats à durée déterminée de deux semaines à trois mois depuis trois ans. Après toutes ces années d’études réussies, et avec toute son expérience, elle peut tout au plus ambitionner d’être recrutée en contrat à durée indéterminée à 1 400 euros nets par mois. Et ce n’est pas parce que je suis moi-même archéozoologue qu’il faut me soupçonner d’un quelconque corporatisme servile lorsque j’évoque son cas.

Je pense à cet ingénieur d’études de trente-trois ans qui a enchaîné huit CDD en six ans, à Paris et en Auvergne, et qu’aucun laboratoire de recherche publique ne veut plus embaucher, de peur qu’il atteigne les conditions d’accès à un emploi stable.

Je pense à ce chercheur de l’université d’Angers qui m’a parlé des nouveaux postes que son université pourrait obtenir, au titre de vos « 1 000 postes créés par an ». Cette université, qui a été évaluée par vos services, aurait un déficit de 384 postes et de 8 millions d’euros. Votre ministère lui a attribué 35 des 1 000 postes créés chaque année, ce qui est beaucoup. Même s’il faudrait dix ans, à ce rythme, pour combler le déficit total, les choses iraient dans le bon sens si ces promesses étaient tenues. Le problème, c’est qu’en trois ans et demi, sur les 105 nouveaux postes promis, seuls 14 ont réellement été ouverts.

Qui peut blâmer la direction de cette université ? Avec un tel déficit budgétaire, elle affecte d’abord l’argent aux frais de fonctionnement. Elle fait ce qu’elle peut pour absorber les mille étudiants supplémentaires inscrits cette année. Elle fait ce qu’elle peut pour limiter les séances de travaux dirigés à cinquante étudiants.

Allez donc leur expliquer que vos 1 000 postes par an existent, à ces gens qui vous attendent dehors ! Ils ne demandent qu’à vous croire, mais ils sont sur le terrain, et ils savent bien que vos chiffres sont faux.

Vous nous avez vanté le merveilleux fonctionnement de l’Agence nationale pour la recherche, qui attribue des financements aux laboratoires sur appel à projets. Si le principe n’est pas fondamentalement mauvais, la réalité, elle, est exécrable. Les laboratoires n’embauchent plus que sur des contrats précaires, ce qui est logique, puisqu’ils savent que leurs financements seront temporaires. Les jeunes chercheurs enchaînent donc les CDD : ils se forment pendant un ou deux ans, puis ils sont mis à la porte, pour être remplacés par de nouveaux jeunes.

Allez en parler à ce maître de conférences de l’université d’Orsay, qui dirige des recherches en biologie sur des durées de quatre à cinq ans. Il forme un premier chercheur en CDD, qui part bientôt, puis un second, qui part à son tour. Peut-être le troisième produira-t-il des résultats. Le maître de conférences, en tout cas, entre la constitution de dossiers de financement et la formation des jeunes chercheurs en CDD, ne produira rien. Rien d’autre que des monceaux de paperasse, comme tous ses collègues, dans tous les laboratoires : des dossiers dans lesquels ils doivent non seulement annoncer, avant d’avoir cherché, ce qu’ils vont trouver, mais où ils doivent aussi décrire les conséquences sociétales de leurs trouvailles ! Comme si les découvreurs des ondes radio avaient pu prévoir la radio, la télévision et le téléphone portable !

Vous demandez aux chercheurs des talents de voyante ou de médium. Malheureusement, cela ne fait pas partie des critères de recrutement à l’entrée… Au mieux, le système d’attribution de financement récompense les meilleurs mentalistes, ceux qui vous font croire qu’ils peuvent tout savoir à l’avance. Ce n’est pas un bon critère pour financer la recherche publique.

C’est peut-être cela le plus déplorable : sous couvert de rendre la recherche publique plus efficace, on détruit les conditions de sa productivité.

Mme Huguette Bello. Très bien !

Mme Isabelle Attard. C’est d’autant plus déplorable que ce n’est pas une fatalité, car les financements existent. Et nous ne sommes pas les seuls à le dire : la Cour des comptes…

Mme Catherine Vautrin. Oui !

Mme Isabelle Attard. …l’Académie des sciences, dont tous les membres sont réputés être d’extrême gauche et de dangereux révolutionnaires (Sourires sur les bancs du groupe UMP), le rapport final des Assises de la recherche, présidées par Vincent Berger, aujourd’hui conseiller à l’Élysée pour l’enseignement supérieur et la recherche, et le candidat François Hollande lui-même, tous ont réclamé clairement et explicitement la remise à plat du crédit d’impôt recherche, dont le coût a largement dépassé les intentions initiales de ses créateurs.

Mme Marie-George Buffet. Eh oui !

Mme Isabelle Attard. Je sais que le Premier ministre a annoncé récemment, lors d’une visite à L’Oréal, que le crédit d’impôt recherche était intouchable et qu’il voyait un lien entre la construction d’un centre de recherche du groupe en France et cette niche fiscale. Si un groupe qui obtient plus d’un milliard d’euros de bénéfices par an a besoin du CIR pour innover, c’est que toutes les autres entreprises doivent connaître de sérieux problèmes !

En l’état, la position du groupe écologiste sur ce budget est l’abstention. Je choisirai ma position personnelle à l’issue de la discussion des amendements.

Mme Marie-George Buffet et Mme Huguette Bello. Très bien !

Mme Catherine Vautrin. Les écologistes sont-ils toujours dans la majorité ?

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Gérard Charasse. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, notre pays a eu cette année une reconnaissance méritée dans trois domaines d’excellence, avec l’attribution des prix Nobel d’économie et de littérature et de la très prestigieuse médaille Fields de mathématiques, preuve que la France continue à jouer un rôle important sur l’échiquier mondial, notamment en matière de recherche et d’enseignement supérieur.

Autre motif de satisfaction, la France a retrouvé son troisième rang dans le classement des pays accueillant des étudiants étrangers. Notre pays, qui œuvre à la promotion de son attractivité internationale, ne peut donc que se féliciter du nombre croissant d’étudiants étrangers inscrits en master ou en doctorat dans l’enseignement supérieur français : ils étaient près de 127 500 en 2012 et seront plus de 133 000 en 2015.

Madame la secrétaire d’État, il est nécessaire de continuer à soutenir notre recherche et nos établissements universitaires. Or le budget que vous nous proposez pose question sur quelques points. Ainsi, le programme 410, « Recherche dans les domaines de l’aéronautique », a tout simplement été abandonné, sans compter le programme 192, « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », qui a vu ses crédits chuter de 9,31 %.

L’abandon partiel de ces deux programmes paraît peu compréhensible, d’abord parce que l’aéronautique constitue un domaine d’excellence de l’industrie française, ensuite parce que la politique économique et industrielle de la France a besoin d’être relancée et qu’il n’est donc pas très opportun de diminuer les crédits de la recherche et de l’enseignement supérieur en la matière.

D’une façon plus générale la mission budgétaire pour 2015 est en recul par rapport à celle de 2014, puisque, d’un peu plus de 31 milliards d’euros, nous passons à un peu moins de 26 milliards. La France connaît certes une crise économique et financière qui n’encourage pas à la dépense, mais certaines économies sont aussi un frein à l’investissement, et il est bon de faire un effort d’investissement pour notre avenir et pour l’avenir de notre jeunesse.

Deux volets, dans la mission « Recherche et enseignement supérieur », sont malgré tout en progression : le programme 150 et le programme 213, ce dont le groupe RRDP se félicite. Le programme 150, « Formation supérieure et recherche universitaire », est, de loin, le plus conséquent de la mission budgétaire. Il représente plus de 12,79 milliards d’euros, soit 49,22 % du total de la mission budgétaire. Il reste relativement stable par rapport à 2014, car si son montant est en légère baisse, sa part au sein de la mission augmente sensiblement, d’environ 9 %. C’est une option fondamentale. En effet, ce programme est un gage de compétitivité de notre recherche et de notre enseignement supérieur sur l’échiquier mondial.

La loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a posé les jalons de la réussite d’un tel programme : regroupement des établissements universitaires et des pôles de recherche, afin de favoriser le dialogue avec les organismes de recherche et les régions, simplification de la nomenclature des diplômes nationaux, promotion, prévue dès l’article 2 de cette loi, des enseignements en langue étrangère dans le cadre d’accords avec une institution étrangère ou un programme européen.

Ce dernier point constitue un réel levier pour renforcer l’ouverture européenne et internationale des établissements français d’enseignement supérieur et de recherche. Vous l’avez compris, madame la secrétaire d’État, c’est grâce aux échanges internationaux qu’entretiennent nos établissements que la France reste dans la course.

Vous engagez à juste titre une politique d’encouragement à la mobilité étudiante, en envoyant nos étudiants à l’étranger et en accueillant en nombre croissant des étudiants étrangers dans nos établissements. Vous concentrez également cette dynamique au niveau de l’Europe, échelon auquel la France est aujourd’hui la plus compétitive. Le groupe RRDP se félicite de la direction que vous prenez en la matière et de la volonté affichée du Gouvernement d’assouplir les formalités de délivrance des titres de séjour des étudiants, doctorants et chercheurs étrangers. Cela fera l’objet d’un projet de loi prochainement présenté par M. le ministre de l’intérieur et que nous avons hâte d’examiner. Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, les députés du groupe RRDP soutiennent votre action pour l’essentiel, même si nous regrettons certains choix que vous avez dû opérer dans un contexte budgétaire contraint. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, plusieurs milliers de chercheuses et chercheurs, dont de nombreux jeunes, ont défilé le 17 octobre à Paris pour défendre l’emploi scientifique. Parmi eux se trouvaient de nombreux directeurs de laboratoires publics, des responsables nationaux du Centre national de la recherche scientifique – CNRS – et des soutiens importants tels le récent récipiendaire de la médaille Field, M. Avila, cité par vous ici même, madame la secrétaire d’État. Ils sont à nouveau mobilisés ce soir autour de l’association « Sciences en marche » et des organisations syndicales. Je suis allée à leur rencontre et ai pu mesurer leur mobilisation exacte. Leur demande est simple : être en mesure de continuer à servir la science. Or la recherche fondamentale est aujourd’hui corsetée par le règne du « tout transfert » et les chercheurs sont assujettis par le « tout appel à projet » !

Ainsi, le nombre de doctorants français ne cesse de chuter. Il a diminué de 15 % entre 2000 et 2011. Le CNRS a perdu 806 emplois en douze ans et la création annoncée de 1 000 postes par an ne s’est pas concrétisée par l’équivalent en enseignants-chercheurs dans les universités dont les difficultés les amènent à utiliser les moyens à d’autres fins. Ainsi, 2 080 postes autorisés n’ont pas été pourvus entre 2011 et 2013. La chute de l’emploi scientifique n’est pas due à la pyramide des âges des chercheurs mais à la pénurie qui gangrène le secteur. On me permettra de regretter ici l’opposition du Gouvernement aux amendements relatifs au crédit impôt recherche inspirés par la communauté scientifique. Le refus d’allouer certains crédits de ce dispositif dont les rapports de l’Organisation de coopération et de développement économique – OCDE – et de la Cour des comptes montrent la faible efficacité au développement de l’emploi scientifique constitue un choix politique qui ne sert ni la recherche publique ni l’indépendance intellectuelle des scientifiques ni l’intérêt général.

Le projet de budget ne répond pas aux besoins, pas davantage que votre loi, madame la secrétaire d’État, que nous avons contestée car elle est caractérisée par la mise en concurrence au nom de la compétitivité. Sur ces bases, la rentrée universitaire s’est déroulée dans des conditions extrêmement préoccupantes. On ne compte plus les universités aux travaux dirigés surchargés ni les réductions d’horaires et les options supprimées. Certains établissements se trouvent en grande difficulté, comme l’université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand dont le budget a baissé de 5 millions d’euros et où 148 postes ont été supprimés ou celle de Caen où 200 postes ont été supprimés en deux ans. La régionalisation des moyens crée celle des formations.

Mentionnons également les regroupements d’établissements à marche forcée. Les universités sont incitées à concevoir leurs projets en fonction de leur capacité à concourir aux appels à projets d’investissement d’avenir et non de leur utilité scientifique et pédagogique.

Nous nous dirigeons ainsi vers un modèle d’enseignement supérieur et de recherche à deux vitesses faisant coexister des universités de recherche à dimension mondiale et d’autres de taille régionale chargées du seul cycle de licence et déconnectées de la recherche. Vous évoquez un coup de pouce à la réussite étudiante, madame la secrétaire d’État. Qu’en est-il réellement ? L’austérité appliquée aux universités en a conduit certaines, à rebours des lois de la République, à trier en amont les étudiants. Dans ces conditions, il est vrai que le taux de réussite est assuré ! Du tirage au sort pour les inscriptions en première année au vrai-faux numerus clausus sur dossier en vigueur dans certaines facultés, il semble que la première difficulté s’opposant à la réussite des étudiants soit tout simplement celle à s’inscrire dans l’établissement d’enseignement supérieur de leur choix !

En outre, la sélection sociale n’est pas derrière nous. Le « bleu budgétaire » indique en effet que 30,7 % des étudiants, tous niveaux confondus, ont des parents cadres supérieurs pour seulement 16,6 % d’enfants d’ouvriers !

La réforme des bourses octroie certes à 77 500 nouveaux étudiants une bourse de 1 000 euros pour dix mois mais elle est insuffisante pour réduire les inégalités et la précarité. Ainsi, seuls 7 % des étudiants bénéficient d’une chambre en cité universitaire. Nous sommes loin des 40 000 logements promis et de l’allocation d’autonomie, réclamée par les associations de jeunesse telles que l’Union nationale des étudiants de France – dont je recevais aujourd’hui les représentants –, qui donnerait à tous les jeunes, quel que soit leur milieu social, les moyens de poursuivre des études sans être obligés de se salarier !

Décidément, le dogme de l’austérité budgétaire ne fait pas bon ménage avec l’université et la recherche qui sont pourtant des éléments clés de réponse aux besoins humains ! C’est donc avec de forts regrets que nous, députés du front de gauche, voterons contre le budget de la mission. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Emeric Bréhier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Emeric Bréhier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c’est avec grand plaisir que nous nous prononcerons dans quelques minutes, à l’issue de nos débats, sur les crédits budgétaires du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Le projet de budget marque une étape importante de la mise en œuvre de la priorité donnée à la jeunesse par le Gouvernement. On ne saurait toutefois l’aborder sans souligner qu’il s’inscrit dans le cadre d’une politique éducative globale. Les décisions budgétaires traduisent des décisions politiques et je suis fier, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, que ce gouvernement et cette majorité aient fait des choix courageux dans un contexte budgétaire contraint afin de donner un sens concret à cette priorité.

Ce sont donc les questions d’enseignement supérieur et de recherche qui nous intéressent ce soir, à défaut de passionner nos collègues en nombre. Nous ne devons nous poser selon moi qu’une seule question : le budget qui nous est présenté aujourd’hui permet-il à notre système éducatif de remplir ses deux missions essentielles de réduction des inégalités et de lutte pour notre compétitivité ? Je le crois.

Le budget du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche augmentera globalement en 2015 de près de 36 millions d’euros. Troisième budget de l’État, il répond efficacement et dans la durée aux deux objectifs fixés par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche : élever le niveau de qualification de notre jeunesse et favoriser son orientation et son insertion professionnelle. Nul n’ignore les difficultés rencontrées par nos universités et nos structures de recherche, mais nul ne peut ignorer non plus que le redressement nécessite le maintien d’une politique audacieuse et volontaire faite de petits pas qui valent toujours mieux que de grands discours incantatoires !

Mme Marie-George Buffet. Un peu de sous, ça fait du bien aussi ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Emeric Bréhier. À la rentrée 2014, l’enseignement supérieur en France métropolitaine et dans les DOM a accueilli plus 2,4 millions d’étudiants répartis dans les quatre-vingt-cinq universités, les IUT, instituts universitaires de technologie, les classes préparatoires aux grandes écoles et les sections de technicien supérieur. Ce sont eux que nous accompagnons vers la réussite au moyen du budget dont nous discutons ce soir mais aussi tous ceux aujourd’hui au collège ou au lycée qui les suivront.

C’est au cours des premières années d’études qu’échouent le plus grand nombre d’étudiants, vous avez insisté sur ce point à juste titre, madame la secrétaire d’État. Nous ne pouvons nous satisfaire d’une telle situation. Nous nous félicitons donc de voir augmenter les crédits dédiés aux trois premières années de licence, en particulier par la création de 1 000 postes. La réforme du cadre national des formations induit une simplification de la nomenclature des diplômes nationaux et de leurs intitulés, ce qui en améliore la lisibilité et facilite l’orientation des nouveaux bacheliers. Le travail effectué à ce sujet, loin d’être inutile, est absolument remarquable.

Cependant, pour fondamentale qu’elle soit, il ne faudrait pas que la priorité donnée au premier cycle pénalise les formations de niveau plus élevé. Si l’encadrement, les conditions matérielles d’études, la qualité des formations et le caractère innovant des méthodes pédagogiques constituent des outils importants et performants au service de la réussite des étudiants, de nombreux échecs ont aussi des raisons exogènes, sociales pour l’essentiel, comme le disait notre collègue Marie-George Buffet avec laquelle nous pouvons nous retrouver.

Aider les étudiants les plus défavorisés tout au long de leur parcours, voilà en effet ce que tous nous voulons, sur tous les bancs, je n’en doute pas une seconde, afin d’élever le niveau de qualification de l’ensemble de la société et de favoriser l’emploi des jeunes, le diplôme demeurant le meilleur rempart contre le chômage. À cet égard, nous ne pouvons que nous féliciter de l’augmentation continue et progressive des crédits destinés aux aides directes, en particulier aux bourses. C’est avec raison que vous avez fait tout à l’heure référence, madame la secrétaire d’État, aux 458 millions d’euros supplémentaires dédiés à cette action depuis deux ans.

L’un des moteurs de notre enseignement supérieur réside dans son appui sur la recherche et la force du système universitaire dans sa capacité à intégrer en temps réel aux cursus les découvertes récentes. Nous nous félicitons donc du maintien des conventions industrielles de formation par la recherche – CIFRE – à hauteur de plusieurs millions d’euros, même si cette avancée devra être confirmée au cours des prochaines années.

La France est une destination attractive pour les doctorants étrangers et nous devons nous en féliciter. Notre pays n’a jamais compté autant de chercheurs, ce qui constitue une chance pour l’avenir de nos capacités d’innovation comme de notre compétitivité.

En une période de redressement des comptes publics et de sérieux budgétaire impératif, un tel budget nous semble constituer un geste politique fort grâce auquel notre système éducatif redeviendra un pilier de l’ascenseur social et un élément de notre compétitivité ! Pour toutes ces raisons, le groupe SRC votera les crédits proposés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Alain Claeys, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Très bien !

M. Michel Ménard. Très bon budget !

Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.

La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Gérard Charasse. Cette année encore, madame la secrétaire d’État, j’évoquerai la place et le rôle des IUT dans la nouvelle organisation de la formation universitaire initiale et continue, la recherche et le transfert de technologie à présent que nous avons voté la loi que vous avez présentée. Vous avez déjà, dans un contexte budgétaire contraint, montré votre capacité d’écoute de certaines remarques émises par des parlementaires, des enseignants, des chercheurs-formateurs et des étudiants, dont récemment des étudiants boursiers sur critères sociaux au sujet de l’aide au mérite, aide sociale et républicaine. Plus que jamais, les IUT correspondent à un besoin de notre économie nationale comme de proximité, en particulier de nos PME-PMI qui plus que la grande industrie nourrissent économiquement et socialement nos territoires.

Je tiens à rappeler ici leur spécificité. Rattachés certes à une université, ils avaient et ont besoin de moyens pérennes, financiers en particulier mais aussi pédagogiques, afin de répondre à l’attente légitime des professionnels, des jeunes et des territoires qu’ils font vivre et où ils construisent un milieu attractif de développement économique, social et humain. Ces moyens résultent nécessairement d’un contrat d’objectifs et de moyens entre les universités et les IUT dans chaque région.

Vous avez promulgué au mois de juillet, madame la secrétaire d’État, un décret financier qui répond à cette attente en accordant aux IUT des moyens pour négocier avec les universités afin d’assurer la bonne réalisation des programmes nationaux, ce dont je vous remercie. Il s’agit d’un contrat positif sécurisant a minima l’avenir des IUT, composante spécifique des universités. Son efficacité est néanmoins conditionnée aux moyens délégués aux universités, aux processus d’accréditation desdites universités et à la visibilité et la place des IUT dans les regroupements d’universités. Quels engagements pouvez-vous prendre à ce sujet, madame la secrétaire d’État ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Monsieur le président de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, monsieur le député Gérard Charasse, merci de l’attachement que vous manifestez à l’enseignement formidable dispensé par les IUT. Il nous faut conserver ce qui fait son originalité et sa réussite, à savoir le lien particulier et privilégié que les IUT ont toujours su entretenir avec le milieu professionnel, au bénéfice de l’insertion professionnelle de leurs étudiants – d’autant que la loi, en favorisant les passerelles et en intégrant les IUT dans l’offre universitaire au sein de regroupements – le plus souvent des communautés d’universités et d’établissements, COMUE, mais pourquoi pas aussi des fusions ou des associations –, permet de reconnaître la valeur de cet enseignement.

Conformément à une certaine culture française, l’enseignement professionnel ou technologique, bref celui qui avait un lien avec le milieu socio-économique, a longtemps été dévalorisé par rapport à un enseignement plus conceptuel. Les IUT ont su démontrer qu’ils pouvaient dispenser un enseignement professionnalisant, tout en permettant à certains étudiants de rejoindre ensuite un enseignement plus conceptuel, leur assurant ainsi le bénéfice d’une formation complète et d’une bonne insertion professionnelle.

Impulsée par la loi du 22 juillet 2013, cette politique a permis de mettre en place des contrats d’objectifs et de moyens entre les IUT et leurs universités de rattachement. Disons-le, les relations entre les deux n’ont pas toujours été faciles, et nous avons dû à plusieurs reprises pallier des dysfonctionnements ; mais nous avons voulu faire reconnaître et respecter la place des IUT.

Le décret dont vous avez salué la parution, certes un peu tardive, met fin à ces décennies de malentendu. La place institutionnelle des IUT est aujourd’hui renforcée, leurs moyens sont consolidés et leurs perspectives pluriannuelles tracées. La loi de juillet 2013 crée donc les conditions d’une coordination de l’offre de formation, et les IUT, reconnus en tant qu’acteurs majeurs de l’enseignement supérieur professionnalisant, prennent toute leur place dans la mise en œuvre d’une offre de formation cohérente, simplifiée et plus lisible pour les familles, en particulier celles qui ne connaissent pas tous les arcanes parfois si complexes de notre enseignement supérieur. Ils peuvent ainsi faire réussir des jeunes issus de milieux moins favorisés. Nous savons qu’aujourd’hui, l’enseignement supérieur ne se contente pas de reproduire les disparités sociales, mais les aggrave dans un facteur de trois à quatre.

Merci, monsieur Charasse, d’avoir toujours su défendre les IUT. Je suis à vos côtés pour les accompagner dans cette reconnaissance au sein des regroupements d’universités, dans leurs spécificités, mais aussi dans leur intégration à une offre de formation beaucoup plus large, beaucoup plus fluide, et qui permet de progresser au-delà du niveau bac + 2.

Mme la présidente. Merci, madame la secrétaire d’État. Je rappelle que les questions et les réponses doivent se limiter à deux minutes.

Mme Catherine Vautrin. Quelle présidence ! (Sourires)

Mme la présidente. La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Huguette Bello. En août dernier, le secrétariat d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche a publié, pour la deuxième année consécutive, les taux de réussite par université.

Cette évaluation montre que l’échec reste massif en première année. Elle confirme que les écarts persistent selon les baccalauréats, et que les bacheliers technologiques et professionnels enregistrent les taux de réussite les plus faibles.

À la Réunion, en dépit des aides à la réussite proposées par l’université, les résultats globaux demeurent en deçà des taux nationaux : toutes filières confondues, le taux de réussite des étudiants en L1 ne dépasse guère les 20 %.

Ce pourcentage est dû en partie aux caractéristiques de cette jeune université, qui accueille un nombre très important d’étudiants boursiers. Mais il s’explique surtout par l’inadéquation entre l’offre de formation et les publics étudiants. Trop souvent, le choix d’une formation se fait par défaut, et le phénomène s’est aggravé durant ces dernières années.

Faute de places dans les sections de techniciens supérieurs et les instituts universitaires de technologie, les bacheliers technologiques et professionnels s’inscrivent à l’université, où leur taux de réussite en L1 est dramatiquement faible : 7 % pour les premiers et 1 % pour les seconds – oui, mes chers collègues, sur 100 jeunes, un seul passe en deuxième année.

L’Université de la Réunion est sans doute le seul établissement à accueillir autant d’étudiants titulaires d’un baccalauréat général que de bacheliers technologiques et professionnels. C’est l’université qui, en France, accueille le plus de bacheliers professionnels.

La loi de 2013 relative à l’enseignement supérieur a prévu des quotas pour que les STS – sections de technicien supérieur – et les IUT retrouvent leur vocation initiale et ne soient plus destinés quasi-exclusivement aux bacheliers généraux. Nous avons approuvé l’adoption de cette disposition. Mais outre les questions soulevées par l’excellent rapport de notre collègue Sandrine Doucet, son application à la Réunion se heurte aux capacités d’accueil limitées des sections existantes, mais aussi au nombre insuffisant de filières professionnelles et technologiques.

Pour qu’à la Réunion aussi, la démocratisation de l’enseignement supérieur s’accompagne de la réussite du plus grand nombre, il est devenu urgent de développer l’IUT de la Réunion, qui ne propose que cinq qualifications diplômantes, et d’augmenter l’offre de formations et de places de BTS – brevet de technicien supérieur.

Les jeunes Réunionnais peuvent-ils compter sur votre soutien, madame la secrétaire d’État ?

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour deux minutes.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Je vous remercie de votre question, madame la députée, car bien que la situation soit plus difficile à la Réunion ou en Guyane que dans d’autres territoires, votre question aborde le vrai sujet auquel est confronté notre enseignement supérieur.

Si nous considérons l’ensemble des bacheliers, les bacheliers professionnels sont en constante augmentation, les bacheliers technologiques en diminution, et les bacheliers généraux restent stables. Nous avons aujourd’hui 30 % de bacheliers professionnels qui trouvaient autrefois, avant que nous ne perdions plus d’un million d’emplois industriels, un emploi avec leur bac professionnel. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : un bachelier professionnel sur deux poursuit des études.

Néanmoins, les bacheliers professionnels sont trop souvent exclus des filières sélectives. C’est pourquoi j’ai introduit pour la première fois, il y a deux ans, une priorité à l’accueil des bacheliers professionnels dans les STS, qui mènent aux BTS, et des bacheliers technologiques dans les IUT.

Cela a eu un impact : 11 % de bacheliers professionnels de plus qu’en 2012-2013 sont aujourd’hui accueillis en BTS, et 6 % de bacheliers technologiques de plus le sont en IUT.

Cela suffit-il à résoudre le problème ? Sûrement pas. Le flux de bacheliers professionnels est en effet supérieur à l’offre mise à leur disposition. Et lorsqu’ils vont à l’université par défaut, ils se retrouvent en échec – et c’est un échec social, un échec économique, mais surtout un échec moral pour la nation, puisque ces jeunes sont souvent issus des milieux les plus défavorisés.

C’est pourquoi nous avons engagé, en plus de l’orientation dans les filières où ils réussissent le mieux – à plus de 60 % pour l’obtention d’un BTS ou d’un diplôme universitaire de technologie –, une réflexion qui vise à rendre plus lisible une filière professionnelle – depuis les années lycée jusqu’au doctorat – reconnue à sa juste valeur. Aujourd’hui, elle progresse plus en zigzag qu’avec une véritable cohérence et une véritable visibilité.

Certes, il y a 60 % de jeunes au chômage à la Réunion, 50 % en Guyane. Le problème est donc plus aigu qu’ailleurs, et nous avons bien conscience qu’il faut multiplier les places dans les IUT et en BTS. C’est une action à laquelle nous nous attelons, car c’est l’un des obstacles majeurs à la réussite des jeunes issus des milieux les plus modestes lorsqu’il s’agit d’obtenir une qualification supérieure, qui leur donne pourtant cinq fois plus de chances d’avoir un emploi que les autres.

C’est donc un problème que nous prenons à bras-le-corps, dont nous avons pleinement conscience, et qui doit tous nous mobiliser.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Féron, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Hervé Féron. Madame la secrétaire d’État, comme l’a montré Sandrine Doucet dans son excellent rapport pour avis, face à la crise, les jeunes passés par la voie de l’apprentissage sont ceux qui réussissent le mieux. Le Centre d’études et de recherches sur les qualifications – CEREQ – a montré que trois ans après la fin de leur formation initiale, les diplômés passés par la voie de l’apprentissage accèdent plus facilement à l’emploi, et qu’ils occupent des emplois plus rémunérateurs que ceux qui n’ont pas été apprentis. Or, même si les effectifs des apprentis dans l’enseignement supérieur ont progressé ces dernières années, la voie de l’apprentissage reste aujourd’hui sous-utilisée, trop souvent par manque d’information des jeunes et de leurs parents sur ce type d’orientation et sur le champ des métiers possibles.

Des initiatives voient le jour sous la forme de salons pour la promotion de l’apprentissage ; la ville dont je suis maire, Tomblaine en Meurthe-et-Moselle, en organise un chaque année. Il est important d’informer sur ce type de formations, mais aussi de montrer, voire de « démontrer » les métiers proposés.

Pour encourager le choix de l’apprentissage, de nombreuses pistes d’amélioration sont envisageables, notamment à l’école. On observe parfois une certaine crainte de la concurrence des centres de formation des apprentis et autres sections d’apprentissage chez les enseignants. Or, il faut comprendre que l’apprentissage est une opportunité non seulement pour les élèves décrocheurs, mais aussi pour ceux qui en feraient leur premier choix.

De plus, l’apprentissage peut être une bonne formule dans les formations post-bac. Il y a donc tout à gagner à l’établissement d’un pont entre le monde de l’école et celui de l’entreprise, au vu des résultats extrêmement positifs qui sont ceux de l’apprentissage.

Le Gouvernement en est bien conscient, et semble laisser libre cours à cette « volonté de s’ancrer dans le réel ». Lors de son discours de rentrée, la ministre de l’éducation nationale a évoqué l’attention « toute particulière » qu’elle comptait porter à l’apprentissage, en augmentant le nombre d’apprentis de l’éducation nationale de 40 000 aujourd’hui à 60 000 en 2017. La semaine dernière encore, le Président de la République annonçait la simplification d’un certain nombre de règles portant sur l’apprentissage, concernant par exemple les travaux en hauteur pour les moins de dix-huit ans.

Madame la secrétaire d’État, quelles autres mesures le Gouvernement prévoit-il pour encourager le choix de l’apprentissage ? Que penseriez-vous de la création d’une autorité administrative indépendante spécifiquement chargée de la question, idée que j’ai suggérée par courrier à Mme la ministre de l’éducation nationale ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Monsieur le député Hervé Féron, je souhaite à mon tour saluer la qualité du travail réalisé par Sandrine Doucet.

Je me permets par ailleurs de dire à Mme Huguette Bello, en complément de la réponse que je lui ai apportée, que nous avons attribué 50 postes supplémentaires aux établissements de la Réunion dans le cadre du budget – et je m’en félicite, car la situation y est vraiment difficile.

La loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche votée en juillet 2013 a pris plusieurs mesures pour rapprocher les universités et les établissements d’enseignement supérieur des milieux socio-professionnels. Elle a mis en place des regroupements plus ouverts aux milieux socio-économiques et renforcé le rôle des bureaux d’aide à l’insertion professionnelle, qui ont bénéficié pour beaucoup des emplois nouveaux. Il est vrai que certains postes ont été gelés, mais les 1000 emplois ont bien été ouverts chaque année sur nos priorités – parmi lesquelles la réussite en premier cycle, en particulier pour les jeunes issus des milieux les plus défavorisés.

La mission d’insertion professionnelle est pour la première fois inscrite dans les missions des enseignants-chercheurs et dans celles de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans le code de l’éducation.

M. Patrick Hetzel. C’était dans la loi LRU !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. D’autres mesures sont à citer : le développement des stages dans le premier cycle, ou la mise en place, dès cette rentrée, d’un statut d’étudiant entrepreneur pour développer la culture de la conduite de projet et du travail coopératif. Notre pédagogie privilégie plutôt la compétence personnelle et individuelle que la compétence de groupe ; or pour être pleinement opérationnel dans une entreprise ou un établissement public, ou dans quelque groupe que ce soit, y compris dans les groupes politiques, il faut avoir l’esprit de groupe et l’esprit de conduite de projet, que l’on cultive encore trop peu dans nos formations.

Je citerai enfin la reconnaissance en cours du doctorat, dans la fonction publique comme dans le secteur privé. Nous avons soutenu les conventions CIFRE, ou conventions industrielles de formation par la recherche, qui sont des doctorats en alternance qui permettent l’insertion de 75 % des docteurs dans le secteur privé, qui n’accueille en moyenne que 25 % des docteurs académiques.

Vous le voyez, l’apprentissage s’inscrit dans ce nouveau contexte très porteur. Toutefois, les étudiants issus des universités ne représentent encore que 25 % des 135 000 étudiants apprentis dans l’enseignement supérieur. Nous voulons passer de 135 000 à 150 000 apprentis d’ici deux ans et à 200 000 d’ici dix ans, en privilégiant le développement de l’apprentissage et de l’alternance dans les universités. C’est possible : certaines universités, comme Cergy et Marne-La Vallée, comptent près de 20 % d’apprentis. Nous voulons progresser dans l’ensemble des universités, d’autant que cela permet à des jeunes issus de milieux modestes de bénéficier d’une rémunération pendant leurs études, donc de démocratiser l’accès à l’enseignement supérieur.

Votre question rejoint donc la volonté du Gouvernement de développer l’apprentissage dans l’enseignement supérieur.

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions.

Mission « Recherche et enseignement supérieur » (état B)

Mme la présidente. J’appelle les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », inscrits à l’état B.

La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n355.

Mme Isabelle Attard. Par cet amendement, nous revenons sur le débat relatif au crédit impôt recherche. Nous proposons que 2,64 milliards d’euros soient prélevés sur le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ». Je précise que nous avons ciblé les montants correspondant à la dépense fiscale du crédit d’impôt en faveur de la recherche et attribués aux actions 1, 2, 3, 5 et 17 du programme 150 « Formation supérieure et recherche universitaire ».

Comme je l’ai déjà longuement expliqué, à l’instar des membres de notre groupe, le crédit impôt recherche, à son origine, n’était pas censé dépasser 2,7 milliards d’euros. Or, il coûte aujourd’hui à l’État quasiment 5,5 milliards d’euros.

Mme Marie-George Buffet. Eh oui !

Mme Isabelle Attard. Par ailleurs, vous savez, pour avoir lu son rapport, que la Cour des comptes a estimé qu’à terme, cette dépense atteindrait 7 milliards par an. Il convient d’enrayer cette inflation, que tous ont critiquée et jugé absurde : je pense en particulier à la Cour des comptes, à l’Académie des sciences et aux Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, où vous vous trouviez, madame la secrétaire d’État, ainsi qu’un grand nombre de collègues ici présents, lorsque Vincent Berger en a présenté les résultats.

Nous demandons simplement qu’une remise à plat intervienne et qu’elle puisse servir à toutes les entreprises, pas uniquement aux grands groupes, pas uniquement à Sanofi, qui a quand même licencié plus de mille chercheurs au cours des dernières années.

Nous ne nions pas que le crédit d’impôt recherche est utile, mais nous pensons qu’il doit être réétudié, réévalué, afin qu’il serve réellement la recherche, en particulier dans nos PME, qui en ont bien besoin et qui embauchent réellement des chercheurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Claeys, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.

M. Alain Claeys, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Chère collègue, cet amendement ne peut être retenu en l’état. En effet, le crédit d’impôt en faveur de la recherche ne fait pas l’objet d’une dotation budgétaire. Si l’on veut modifier ce crédit d’impôt, il faut porter son action à la fois sur l’assiette et le taux. Or, même si le crédit impôt recherche figure au sein du programme 172, raison pour laquelle j’y consacre un développement dans mon rapport, ces modifications d’assiettes ou de taux ne peuvent être discutées qu’en première partie de la loi de finances.

Mme Marie-George Buffet. Il aurait fallu nous entendre à ce moment-là !

M. Alain Claeys, rapporteur spécial. Si cet amendement, dans sa rédaction actuelle, était adopté, il reviendrait à priver de 2,6 milliards d’euros de crédits budgétaires le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », qui apporte notamment des ressources publiques essentielles au CNRS et à d’autres organismes de recherche. Je ne pense pas que telle soit la finalité de votre amendement.

Pour ces raisons, je ne peux que lui donner un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le Gouvernement partage le point de vue du rapporteur, d’autant plus que le Président de la République, comme le Premier ministre, ont eu l’occasion de rappeler à plusieurs reprises la nécessité de stabiliser le dispositif du crédit impôt recherche, dans les trois années à venir, pour les entreprises qui investissent dans la recherche. Cela a été confirmé tout récemment.

Je rappelle que le crédit impôt recherche est source d’effets positifs avérés sur la recherche-développement privée, qui crée 5 000 emplois supplémentaires chaque année. Ces effets sont exprimés par un coefficient multiplicateur de 1,51 : autrement dit, comme l’a indiqué un rapport plus récent que les comptes rendus et les analyses de la Cour des comptes et les divers rapports publiés sur le sujet, un euro accordé au titre du crédit impôt recherche se traduit par un investissement de 1,51 euro de la part du secteur privé ; cet effet de levier, en période de crise économique globale en Europe, est tout de même assez satisfaisant.

De surcroît, ce dispositif a également permis l’embauche de 1 305 docteurs par les entreprises du secteur privé, contre un peu plus de 400 en 2009.

Enfin, les deux tiers des bénéficiaires sont à présent des PMI – petites et moyennes entreprises de l’industrie –, des jeunes entreprises innovantes – dont nous avons rétabli le statut plein et entier – ainsi que des entreprises de taille intermédiaire, même si, de fait, en valeur absolue, ce sont les grandes entreprises qui continuent à être les premières bénéficiaires du crédit impôt recherche. Mais elles exercent aussi un effet d’entraînement et sont à l’origine de certaines découvertes majeures : je rappelle que Sanofi vient de mettre au point un vaccin contre la dengue, qui bénéficiera à de nombreuses populations aujourd’hui un peu dépourvues dans le monde.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien noté votre avis défavorable.

Monsieur le rapporteur, vous dites que ce débat aurait dû avoir lieu lors de la discussion des recettes : de fait, il a été engagé à ce moment-là ; plusieurs amendements des députés du Front de gauche et de nos collègues du groupe écologiste avaient trait à la question du crédit impôt recherche, à son utilisation et aux excès de certaines entreprises, qui créent des filiales pour percevoir des sommes qui ne sont pas toujours utiles au développement de la recherche.

Madame la secrétaire d’État, vous citez certaines études mais il y a aussi des travaux de la Cour des comptes et de l’OCDE qui montrent les limites de ce dispositif. En cela, il s’apparente à tous ces cadeaux fiscaux qui ne sont pas finalisés ni vraiment contrôlés dans leur utilisation.

Certes, ce n’est pas le moment de légiférer sur cette question mais vous auriez dû nous entendre, comme le demandaient les chercheurs, au moment de l’examen des recettes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Pour compléter les propos tenus par notre collègue Alain Claeys, je voudrais dire qu’il n’est pas normal que les dépenses fiscales ne soient pas inscrites dans les lignes budgétaires.

Madame la secrétaire d’État, vous indiquez que le crédit impôt recherche a permis 5 000 recrutements par an : nous nous en félicitons. Encore une fois, que ce soit en commission élargie ou lors des débats en séance publique sur le PLF 2015, nous n’avons jamais affirmé que nous souhaitions mettre fin à ce dispositif. Nous souhaitons simplement rétablir une forme de décence, ni plus, ni moins, et faire en sorte que l’argent aille là où il doit aller, c’est-à-dire vers les PME, les TPE et les PMI innovantes : vous en avez parlé, mais je pense que nous pouvons encore mieux faire et encore plus en faveur de ces entreprises.

À côté des 5 000 recrutements permis par le crédit impôt recherche, vous avez insisté sur les 1 000 postes annuels concédés théoriquement à la recherche publique : il me semble qu’il y a un gouffre entre ces deux chiffres et j’aurais bien aimé constater une situation inverse, en faveur de la recherche publique.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je ne soutiendrai pas cet amendement, étant favorable au crédit impôt recherche. Néanmoins, je remarque que, lors de la présentation de son amendement, Mme Attard a développé une double argumentation : elle s’est non seulement exprimée sur le crédit impôt recherche, mais aussi sur l’insuffisance du financement de l’enseignement supérieur.

Madame la secrétaire d’État, je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention : vous avez défendu le crédit impôt recherche mais êtes restée silencieuse sur la deuxième partie de l’argumentation de Mme Attard. Devons-nous en déduire que de façon implicite, vous jugez insuffisant le financement de l’enseignement supérieur ? En tout cas, pour ma part, c’est l’analyse que j’en fais. Cela montre, en creux, que, de toute évidence, vous êtes dans une situation très délicate. Pour reprendre le fil de mon argumentation de tout à l’heure, le financement de l’enseignement supérieur est insuffisant et, sur ce sujet, nous ne vous entendons nullement.

M. Thierry Benoit. Perspicace !

M. Emeric Bréhier. C’est une mauvaise analyse.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Alain Claeys, rapporteur spécial. J’ai répondu à notre collègue au sujet de son amendement, et je crois qu’elle a admis le bien-fondé de mes arguments. On pourra d’ailleurs revenir, le moment venu, sur le crédit impôt recherche. Mme la secrétaire d’État s’est exprimée clairement sur le sujet.

Mon cher collègue Hetzel, je ne vois pas quel débat vous voulez ouvrir. S’il y a un vrai problème, aujourd’hui, s’agissant du financement de la recherche, c’est le suivant : pour être capable de poursuivre dans le long terme un financement par projets, il faut que les laboratoires et les organismes de recherche disposent de suffisamment de crédits récurrents. C’est ce à quoi s’emploie, depuis maintenant deux ans, le ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur, pour rééquilibrer les crédits et trouver un bon équilibre entre les crédits financés par projets et les crédits récurrents.

(L’amendement n355 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n356.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement a pour objet de prélever un peu plus de 9 millions d’euros sur le budget de la recherche spatiale, qui connaît une augmentation de 0,38 % dans le PLF 2015. Cet amendement a pour objet d’affecter cette somme – qui s’élève précisément à 9,193 millions d’euros et représente environ 9,6 % du budget du programme « Recherche spatiale » – au programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ». Cette mesure a pour objet de soutenir les laboratoires et de préserver les budgets d’organismes tels que l’INSERM, le CNRS ou l’Institut national d’études démographiques.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué les fonds récurrents des financements sur projets, accordés par l’Agence nationale de la recherche. De fait, pour fonctionner, ces laboratoires, ces organismes de recherche doivent disposer de fonds pérennes pour pouvoir travailler, non pas sur un projet à un ou deux ans, mais bien sur cinq ou six ans, soit le temps nécessaire, aujourd’hui, pour obtenir des résultats et développer des recherches.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement n356 ?

M. Alain Claeys, rapporteur spécial. Je ne comprends pas l’utilité de cet amendement. En effet, la recherche spatiale est un secteur de la recherche comme un autre. Elle bénéficie du concours d’un organisme national, le Centre national d’études spatiales – le CNES –, et fait intervenir des chercheurs et des ingénieurs. Qu’elle fasse l’objet d’un programme plutôt que d’une action ne change rien à cette réalité. Alors qu’en 2015, les crédits destinés à l’espace augmentent modestement de 0,38 %, l’amendement a pour objet de les diminuer de 0,4 % par rapport à 2014.

Cet amendement est inopportun. Mme la secrétaire d’État a d’ailleurs eu l’occasion de s’exprimer longuement sur la recherche spatiale lors de la commission élargie. Elle représente un enjeu essentiel pour notre pays et pour l’Europe. Il faut bien reconnaître, sans aucunement polémiquer, que ce sujet avait été un peu laissé en jachère, au niveau européen, par le gouvernement français de l’époque. La secrétaire d’État a repris en main ce dossier et tout le monde reconnaît, au niveau européen, que la France a très largement avancé en ce domaine.

En effet, l’enjeu – qui, je le répète, est considérable, en particulier vis-à-vis des Américains – consiste à assurer l’évolution du lanceur Ariane 5, qui doit se muer en Ariane 6.

Par ailleurs, plusieurs des actions en faveur desquelles l’amendement répartit les crédits retirés à la recherche spatiale connaissent elles-mêmes une augmentation. Je pense aux recherches inter-disciplinaires et transversales, aux recherches dans le domaine de l’énergie et de l’environnement.

Pour toutes ces raisons, chère collègue, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Je remercie Alain Claeys de son témoignage de soutien à l’espace.

La recherche sur l’espace est souvent méconnue : si l’on perçoit l’aspect dual et les enjeux de souveraineté qui lui sont associés, on connaît assez mal ses applications. Or, le tiers d’entre elles concerne l’environnement. Aujourd’hui, si l’on a une idée précise de l’influence du réchauffement climatique ou de la dérégulation climatique sur la montée des eaux, sur la pollution – sur l’augmentation ou, au contraire la résorption des poches de pollution à certains endroits –, ainsi que de l’état de l’agriculture dans le monde ou des méfaits de la déforestation, nous le devons aux formidables images qui nous viennent de l’espace.

Sans les satellites, un certain nombre de pays, c’est-à-dire ceux qui figurent parmi les plus pauvres du monde et qui ne peuvent pas se permettre de déployer la fibre optique sur l’ensemble de leur territoire, verraient une partie de leur population coupée du reste du pays ou du reste du monde. L’éducation, certaines opérations médicales ne seraient pas possibles dans ces zones. Nous n’aurions pas l’horloge parlante. La régulation des trains ne serait pas possible. L’espace a le terrain d’application le plus interdisciplinaire qui soit et c’est vrai qu’il est insuffisamment connu. Il a également un rôle de diffusion de l’innovation dans l’ensemble du tissu industriel qui permet de préserver des emplois dans à peu près tous les champs d’application industrielle.

M. Thierry Benoit. Mme la secrétaire d’État a raison !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Tous les organismes que vous avez cités et que vous voulez créditer au détriment du spatial sont en réalité impliqués dans des coopérations avec celui-ci ; c’est le cas de l’INSERM, l’Institut de la santé et de la recherche médicale, mais aussi du CNRS, qui est impliqué dans la plupart des projets en partenariat avec l’ONERA, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales, ou avec le CNES. Tous les organismes que vous avez cités participent aux programmes spatiaux, dont les enjeux, loin de se cantonner au domaine militaire ou à la souveraineté nationale, sont aussi sociétaux, environnementaux, sanitaires et économiques, et touchent donc à l’emploi et à la solidarité.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à un tel amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. À la suite du rapporteur spécial Alain Claeys et de Mme la secrétaire d’État, je souhaite insister sur le fait que cet amendement est non seulement inopportun mais aussi dangereux.

La filière spatiale est aujourd’hui à la croisée des chemins, et doit faire face à une concurrence exacerbée avec les États-Unis, où les aides d’État sont considérables ; j’y insiste car, malheureusement, on reste très naïf sur ce sujet en Europe.

La France assume avec le CNES un leadership qui doit, comme le disait parfaitement le rapporteur, trouver les conditions de la poursuite des relations avec nos partenaires allemands, notamment – ce qui se fera au mois de décembre, me semble-t-il, madame la secrétaire d’État ; sur ce point, rien n’est joué, mais rien n’est perdu non plus. Ce n’est donc pas le moment de réduire la capacité dont la France dispose en matière de spatial. Je le répète : bon nombre de PME, de petites et moyennes entreprises de quatre, cinq, dix salariés qui travaillent une fois ou deux pour le spatial, et qui livrent des produits de haute technologie sont parvenues, grâce à ce référencement, à réaliser des performances tout à fait remarquables sur d’autres marchés.

M. Thierry Benoit. Il a raison, c’est de l’emploi !

M. François Brottes. Il faut préserver cette dimension publique de la recherche spatiale et conserver à cet organisme quasiment unique au monde et qui joue un rôle de leadership en Europe toute sa capacité à agir. Ce ne serait donc pas possible, pas acceptable et, de surcroît, très dangereux de lui retrancher des crédits.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. J’aimerais simplement que ni mes propos ni les amendements que je propose ne soient caricaturés. À aucun moment je n’ai suggéré de supprimer le budget de la recherche spatiale.

M. Alain Claeys, rapporteur spécial. Et heureusement !

Mme Isabelle Attard. Il faut rester mesuré. Nous demandons par cet amendement d’établir des priorités : enlever à un endroit pour ajouter ailleurs, équilibrer les budgets. Compte tenu des moyens dont nous disposons, le rééquilibrage est la seule chose sur laquelle nous pouvons vraiment jouer dans cet hémicycle ce soir.

Vous parlez de la recherche spatiale et des avancées merveilleuses dans ce domaine, c’est vrai ; mais que fait le CNRS ?

M. Patrick Hetzel. Elle a raison !

Mme Isabelle Attard. Le CNRS serait-il un repère de chercheurs qui musardent ? Veuillez m’excuser d’être si familière et de hausser le ton, mais je ne pense pas qu’on puisse opposer un secteur à un autre : il s’agit d’une mission de responsabilité, qui vise le rééquilibrage et la possibilité pour tous les chercheurs, quel que soit leur domaine, de travailler.

La sociologie ou l’archéologie vous semblent peut-être moins intéressantes aujourd’hui parce qu’elles ne permettent pas de réaliser de transfert économique, de transfert d’ingénierie immédiat, dans les six mois qui suivent. Les applications des recherches dans les sciences molles sont visibles au terme d’une, deux, voire dix années. Les résultats des orientations politiques et des orientations que nous prenons ici ce soir, nous les jugerons également dans trois, cinq ou huit ans, lorsqu’une partie de la recherche française n’attirera plus personne !

(L’amendement n356 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico, pour soutenir l’amendement n405.

M. Régis Juanico. Cet amendement concerne la vie étudiante et, plus précisément, la contribution de l’État au financement de la restauration étudiante.

Premier poste de dépenses après le logement, la restauration est un enjeu crucial pour les étudiants dans leur vie quotidienne. Elle garantit un service essentiel, à tarif social, dans la poursuite d’un cursus universitaire des études et détermine aussi l’état de santé de l’étudiant sur le long terme.

Cette activité est aujourd’hui en crise. Malgré les efforts considérables consentis par les CROUS, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, en termes de mutualisation et de rationalisation, ces derniers peinent à retenir un public qui s’éloigne d’une offre dont le prix, premier avantage compétitif face aux autres offres de restauration, a augmenté de 12,3 % en six ans. Comme cela est souligné dans le projet de loi de finances, l’apparente progression du chiffre d’affaires de l’activité « correspond en réalité, au regard de l’augmentation tarifaire, à une baisse de l’activité ».

Cet amendement vise donc à garantir à la restauration universitaire les moyens de fonctionner sans procéder à de nouvelles hausses de tarifs qui éloigneraient encore un peu plus les étudiants. Il est proposé une augmentation de 3,396 millions d’euros du programme à cet effet, qui correspond à la compensation de la baisse réelle d’activité de 1,3 % ajoutée à la compensation de l’inflation qu’auront à subir les CROUS sur les dépenses de fonctionnement hors personnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Claeys, rapporteur spécial. Je suis sensible, à l’instar de mon collègue, aux tarifs de la restauration étudiante. Je voudrais mentionner à cet égard l’effort que le Gouvernement, et en son sein la secrétaire d’État ont pu faire sur l’accueil des étudiants depuis maintenant deux ans et demi.

En revanche, je souscris moins à l’idée de faire financer la diminution des tarifs par une ponction sur l’activité de recherche, car c’est de cela qu’il s’agit. Le diable se niche dans les détails : les crédits destinés à la recherche duale – ceux que vous visez au travers de votre amendement – étaient initialement affectés au ministère de la défense. Je ne voudrais pas que ce type de transfert nous conduise à l’avenir à un retour des crédits de recherche duale au sein du budget du ministère de la défense.

C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. En complément de l’excellente réponse du rapporteur, je tiens tout d’abord à remercier Régis Juanico de se préoccuper de la santé des étudiants et de leurs conditions de vie, dont l’alimentation fait partie. Le problème de fond ne se situe toutefois pas à ce niveau. Il tient au fait que l’ancienne offre de restauration universitaire ne convient plus aujourd’hui aux étudiants et qu’il nous faut réfléchir à une nouvelle offre.

Le restaurant universitaire tel que la plupart d’entre nous l’ont connu – je m’excuse auprès des plus jeunes – ne correspond plus aux usages des étudiants. Nous devons réfléchir afin de proposer des offres davantage diversifiées. Tel est le véritable problème, car nous avons largement limité la hausse du prix du ticket de restaurant universitaire ; on ne peut pas dire que le gouvernement actuel ait augmenté le prix du ticket.

La vérité, c’est que les étudiants, y compris les boursiers, vont au maximum deux fois par semaine au restaurant universitaire et qu’ils se nourrissent, s’alimentent par d’autres moyens, peut-être pas d’une façon aussi équilibrée que nous le souhaiterions, mais c’est en tout cas leur usage. Il faut donc partir des usages des étudiants et proposer une offre plus légère. C’est ce que le CNOUS, le Centre national des œuvres universitaires et scolaires, a expérimenté sur un certain nombre de campus en coopération avec nous, parce que nous avons bien compris cette évolution des usages. Les étudiants préfèrent parfois prendre un snack sur la pelouse ou à un endroit où ils se retrouvent en plus petit nombre, par exemple dans des petites cafétérias qui ont été aménagées à cet effet notamment à l’occasion des plans campus ou de la rénovation des locaux. C’est à cette demande-là que nous devons nous adapter.

Il me semble qu’il serait plus sage de retirer cet amendement et de nous transmettre vos bonnes idées afin de contribuer au travail que nous avons entrepris pour mieux répondre aux demandes des étudiants tout en prenant soin de leur équilibre alimentaire, qui est aussi une condition de réussite, notamment dans le premier cycle.

Les universités ont fait beaucoup d’efforts et ont fait preuve de beaucoup d’imagination sur ce sujet. Il me paraît injuste qu’on parle d’elles de façon misérabiliste ou que ces efforts ne soient pas reconnus. Les universités s’adaptent aux changements, par exemple à l’arrivée en nombre d’étudiants titulaires d’un bac professionnel, ainsi qu’à l’évolution des usages. En particulier, à la rentrée universitaire, beaucoup d’entre elles ont organisé une semaine d’intégration…

Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Mais c’est dans le sujet !

Mme la présidente. Mais vous ne respectez pas votre temps de parole, madame la secrétaire d’État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Je souhaitais simplement préciser que les universités ont proposé des ateliers de cuisine, et je terminerai par ce point.

Les universités auront à cœur avec nous de proposer des solutions alternatives. C’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement, monsieur le député. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Nous touchons à un sujet extrêmement important, puisqu’il s’agit de la vie quotidienne des étudiants et des étudiantes, dont la gestion revient principalement aux œuvres universitaires.

La cafétéria n’est pas une invention de cette année : ce qui faisait la force des œuvres universitaires, c’était précisément la présence, sur le campus ou dans la cité universitaire, d’un restaurant universitaire et d’une cafétéria, …

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

Mme Catherine Vautrin. Bien sûr !

Mme Marie-George Buffet. … mais aussi d’une crèche pour les couples étudiants, et de salles d’études où les étudiants salariés pouvaient bénéficier le soir d’une aide de la part des étudiants en année supérieure pour poursuivre leurs études. Telle était la force du campus universitaire. Je pense donc qu’on a besoin de moyens supplémentaires pour les œuvres universitaires.

M. Patrick Hetzel. Elle a raison !

Mme Marie-George Buffet. Toutefois, monsieur Juanico, il ne faut pas pour cela prélever sur les crédits de la recherche. Nous débattons à présent des dépenses, mais nous sommes en réalité complètement coincés.

Mme Catherine Vautrin et M. Patrick Hetzel. Bien sûr !

Mme Marie-George Buffet. On nous demande à nous, députés, de choisir entre le transfert de crédits de la recherche vers la vie étudiante et le mouvement inverse. La question se pose cependant au moment de l’examen des recettes : est-ce qu’on essaie de combler le déficit par une réduction des dépenses ou est-ce qu’on cherche à réformer véritablement la fiscalité afin d’abonder le budget de l’État ? Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement, mais la question des œuvres universitaires est une vraie question.

Mme la présidente. La parole est à M. François André, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. François André, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. À mon tour, et dans la continuité de ce qui vient d’être dit par les uns et les autres, je voudrais indiquer à Régis Juanico, qui le sait sans doute, qu’on ne peut pas imputer la baisse de fréquentation des restaurants universitaires à la politique tarifaire des CROUS. En effet, les données de la dernière rentrée attestent d’un prix moyen du ticket repas de 3,20 euros, ce qui, à l’évidence, n’est pas excessif.

Dans le cadre des travaux que j’ai menés en qualité de rapporteur spécial, j’ai évoqué ce sujet avec le directeur du CNOUS. Celui-ci nous a expliqué que les difficultés étaient à rechercher plutôt du côté des changements d’habitudes et de l’organisation des cours, des emplois du temps ; la durée de la pause méridienne, notamment, a tendance à se réduire année après année. C’est vraiment sur ces sujets qu’il faut travailler collectivement, dans un dialogue permanent entre les CROUS et les établissements, et sur chaque site autour des différentes filières d’études. Ce n’est qu’en réfléchissant à ces questions que l’on résoudra dans la durée la diminution de la fréquentation des établissements des CROUS.

Mme la présidente. Monsieur Juanico, acceptez-vous de retirer votre amendement ?

M. Régis Juanico. Tout le monde l’aura compris, c’était un amendement d’alerte.

M. Patrick Hetzel. C’est original ! Ce n’était donc pas pour de vrai !

M. Emeric Bréhier. Vous connaissez bien cela, monsieur Hetzel !

M. Régis Juanico. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec François André, parce que l’augmentation des tarifs sur six ans montre tout de même qu’on est bien au-delà de l’inflation. L’inflation étant basse, voire très basse actuellement dans notre pays, il convient d’appeler l’attention sur cette question des tarifs, même si j’ai bien entendu la remarque de la secrétaire d’État au sujet des usages alimentaires des étudiants.

Je suis par ailleurs sensible à la remarque de M. le rapporteur spécial Alain Claeys. Je suis bien entendu tenu de respecter les dispositions de la loi organique relative aux lois de finance, la LOLF, pour trouver des crédits. Mon intention n’était pas d’aller toucher aux programmes de recherche duale.

Vous connaissez mes antécédents professionnels au ministère de la défense : ce n’est pas moi qui irai toucher aux crédits de la défense ! Je retire mon amendement, tout en soulignant que la représentation nationale a intérêt à rester très vigilante sur la restauration étudiante.

(L’amendement n405 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico, pour soutenir l’amendement n404.

M. Régis Juanico. C’est un amendement beaucoup moins cher, puisqu’il ne représente que 1 million d’euros, une goutte d’eau dans ce budget ! Il porte sur le logement, une préoccupation très importante dans la vie quotidienne des étudiants.

Comme vous le savez, le budget 2015 présente une baisse de 1 million d’euros des dépenses d’opérations financières, qui correspondent à des transferts du CNOUS vers les CROUS, dédiés à la réhabilitation des logements étudiants et des restaurants universitaires. Le Gouvernement s’est engagé à construire 40 000 logements étudiants. Cette baisse des transferts fragilise les CROUS dans leur capacité à proposer des lieux de logement et de restauration décents et aux normes de sécurité et d’hygiène.

Cet amendement vise à maintenir à un niveau équivalent à celui de 2014 le montant de ces dépenses, afin de ne pas pénaliser davantage les services de l’action 2 du programme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Claeys, rapporteur spécial. L’alimentation et le logement des étudiants font partie d’une politique de santé publique des étudiants très importante. Mais là encore, en tant que rapporteur du budget de la recherche, je ne peux accepter qu’un amendement retire des crédits à l’ANR. Si, comme je le disais tout à l’heure, le Gouvernement a bien fait de rééquilibrer financements sur projets et financements récurrents, nous sommes arrivés aujourd’hui – et je crois que Mme la secrétaire d’État partage cet avis – à un étiage sur le financement de l’ANR que nous devons maintenir, sous peine de difficultés ultérieures. Il m’est impossible de voir les crédits de l’Agence nationale de la recherche diminuer, c’est pourquoi j’émets un avis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Je n’ajouterai rien à ce que vient de dire M. le rapporteur spécial. En matière de recherche, comme dans d’autres domaines, il convient d’éviter de procéder à des changements brutaux, comme cela s’est produit lors du précédent quinquennat.

M. Patrick Hetzel. Ah ! Cela manquait !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Les appels à projets ont été mis en œuvre d’un seul coup, sans préparation ni accompagnement, et le passage aux RCE s’est fait sans conduite du changement, avec, pour résultat, 18 universités en déficit. Elles sont quatre fois moins nombreuses maintenant, les équipes de gouvernance ayant été accompagnées et formées. Nous avons pu constater aussi à quel point les appels à projets avaient occasionné des embauches en CDD, ces mêmes embauches qui, cumulées avec l’application de la loi Sauvadet et la démographie particulière des quatre prochaines années, posent problème – une conséquence directe des changements brutaux survenus lors du précédent quinquennat.

Nous avons trouvé un équilibre. Je m’inscris d’ailleurs en faux contre certaines déclarations : nous sommes le pays où la part des crédits récurrents, salaires compris, est la plus élevée – 90 %. Il faut bien sûr prendre en compte les salaires, puisqu’un chercheur travaille avec sa matière grise, son expertise. Les 10 % restants concernent les appels à projets.

M. Patrick Hetzel. Ah !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Nous devrions d’ailleurs augmenter cette part en allant davantage sur le terrain européen. Nous perdons aujourd’hui 600 millions d’euros par an. Avec le programme Horizon 2020, si nous conservons le même déficit en matière de réponse aux appels à projets européens, nous perdrons chaque année 700 millions. Nous ne pouvons pas nous le permettre, même si le budget est constant et mieux équilibré que le précédent.

S’agissant du logement étudiant, la mission, confiée à Marc Prévost, a analysé de façon très pragmatique toutes les opérations Campus, et celles menées par les collectivités territoriales. Les acteurs territoriaux ont été remis dans la boucle – sous la précédente législature, ils signaient des chèques mais ne pouvaient être intégrés ni aux plans Campus, ni aux partenariats public-privé, les PPP, ni à la réflexion sur le logement étudiant. Nous avons pu identifier la construction de 42 916 places pour les étudiants, à des tarifs accessibles, au 1er janvier 2018. Nous disposons désormais de la programmation précise et surveillons son évolution.

Nous avons renforcé aussi le secteur immobilier du ministère, qui était assez faible et entièrement dévolu aux PPP. Nous avons réduit la part des PPP – dont nous avons vu les conséquences néfastes, notamment à l’université Versailles Saint-Quentin – dans les plans Campus et mis la priorité sur les logements étudiants. Nous avons mis en place un dispositif de caution locative étudiante, qui permet à tous les étudiants de se loger dans le privé sans avoir à verser de caution, l’État, les régions et la Caisse des dépôts, grâce à une convention, se substituant aux étudiants. L’action en faveur du logement est très importante, en particulier dans les 10 métropoles en tension : j’y vois l’une des clés de la réussite des étudiants, car les colocations à 8 dans un F3 ne favorisent pas l’obtention du diplôme de premier cycle.

J’espère que cet amendement était aussi un amendement d’alerte – une alerte bienvenue. S’il devait être maintenu, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Je voudrais défendre le bien-fondé de cet amendement, même si je ne pense pas que cet effort doive être compensé par une diminution des crédits destinés à la recherche. Je voudrais prendre à témoin les collègues qui se trouvaient dans l’hémicycle hier soir : le ministre du travail a fait voter par la majorité un amendement à 480 millions d’euros – excusez du peu – sans être en capacité d’expliquer comment il allait compenser cette dépense !

M. Jean-Patrick Gille. C’était un très bon amendement !

Mme Catherine Vautrin. Le présent amendement porte sur 1 million d’euros, dans un budget de 26 milliards. Là où il y a une volonté, il y a un chemin, madame la secrétaire d’État : trouver 1 million doit être possible !

M. Jean-Patrick Gille. De mieux en mieux !

Mme Catherine Vautrin. Vous avez parlé des universités qui, pour nombre d’entre elles, ont un budget désormais en équilibre. Elles ne font pas toutes partie du plan Campus et ne sont donc pas toutes autorisées à emprunter. Pour autant, elles sont porteuses de projets importants, qu’elles ne peuvent réaliser sans cette capacité. Je voudrais connaître la position du Gouvernement sur cette question.

Dans l’exposé sommaire de son amendement, Régis Juanico fait allusion à la baisse des contrats de plan. Il y a une semaine, madame la secrétaire d’État, vous avez laissé entendre à la représentation nationale que le Gouvernement reviendrait sur les contrats de plan en matière universitaire. Où en est-on ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Nous soutenons cet amendement. Nous essayons tous de trouver des lignes qui puissent en compenser d’autres, mais nos moyens sont relativement faibles, vous l’avouerez, pour rééquilibrer ce budget !

Le logement étudiant est un problème très important. Dans le rapport pour avis pour le projet de loi de finances pour 2013, j’avais évoqué longuement la construction nécessaire de nouveaux logements étudiants et la problématique des CROUS, qui effectuent un énorme travail sur le terrain. Je souhaiterais savoir où nous en sommes, madame la secrétaire d’État. Lorsque j’avais posé la même question en octobre 2012, on m’avait parlé d’une mission commune au ministère du logement et à celui de l’enseignement supérieur et de la recherche pour comptabiliser les logements et analyser d’autres types de constructions que les logements traditionnels, comme la colocation organisée, qui, en Belgique, fonctionne très bien. Où en sommes-nous sur les différentes pistes pour l’amélioration du logement étudiant ?

Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Cet amendement, sur le plan financier, est modeste. Mais je suis, comme toujours, très attentif à ce que dit Alain Claeys, talentueux avocat du programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ».

Loin de moi l’idée de ponctionner celui-ci, même de 1 million d’euros. Je voulais simplement que l’on puisse réaffirmer – Mme la secrétaire d’État l’a fait – l’objectif ambitieux de construction de logements étudiants, entre 40 000 et 42 000 à l’horizon 2017-2018.

Je voudrais dire à Mme Vautrin que je soutiens l’amendement voté hier soir sur les crédits de la mission « Travail et emploi », même s’il est plus onéreux.

Mme Catherine Vautrin. Mais il n’est pas équilibré pour le moment !

M. Régis Juanico. Il représente 50 000 contrats aidés supplémentaires en 2015 dans les secteurs marchand et non marchand et 5 000 nouveaux volontaires du service civique, pour un coût de 25 millions d’euros. En tant que rapporteur spécial du programme « Jeunesse et vie associative », je suis très heureux que nous ayons pu voter hier soir cet effort en faveur de la jeunesse, qui correspond à un engagement présidentiel. Je retire l’amendement n404.

(L’amendement n404 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Je tiens à répondre aux question que l’on m’a posées, madame la présidente.

Mme la présidente. Rapidement, s’il vous plaît.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Madame Attard, la mission Prévost est bien cette mission commune au ministère du logement, à celui de l’enseignement supérieur et de la recherche et au secrétariat d’État à l’enseignement supérieur. Elle a permis d’identifier 42 916 places, qui seront construites en cinq ans.

Je dispose de la liste de ces logements et lorsque je constate un retard, comme c’est le cas à Antony, j’envoie une lettre, avec copie au préfet. Nous faisons notre possible pour que les délais soient respectés – cela n’est pas le cas dans la commune que je viens de citer, et nous veillerons à ce qu’elle rattrape son retard et tienne ses engagements.

Il ne s’agit pas de réhabilitation, mais de construction. Le plan précédent prévoyait la construction ou la réhabilitation de 50 000 logements en huit ans, et seule la moitié a été réalisée. L’objectif que nous visons est deux fois supérieur, sur un délai beaucoup plus court. Dix mille cinq cents logements ont déjà été construits, et nous allons accélérer le processus.

Madame Vautrin, lors de ma prise de fonctions, j’ai été très étonnée de constater que les universités n’avaient pas la possibilité d’emprunter pour investir.

Mme Catherine Vautrin. C’est toujours le cas !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Comme vous le dites, là où il y a une volonté, il y a un chemin. J’ai réussi à convaincre Bercy – chose peut-être plus aisée dans un gouvernement de proximité et de convictions – et j’ai obtenu que soit pris un décret en Conseil d’État. Celui-ci permet aux universités non seulement d’emprunter, mais d’emprunter à des taux préférentiels auprès de la Banque européenne d’investissement. Les universités le font désormais, et j’ai pu assister à plusieurs signatures de convention avec la BEI, à Lille ou à Marseille. Tout cela est très bipartisan !

Mme Catherine Vautrin. Et les contrats de plan État-région ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. La première proposition n’était pas satisfaisante. Nous continuons de négocier afin que le nouveau résultat soit plus satisfaisant pour l’ensemble des territoires amenés à contribuer à cet effort.

(Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sont adoptés.)

Après l’article 57

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n132.

M. Patrick Hetzel. Je saisis cette occasion pour revenir sur le sujet des bourses au mérite. Il a été dit que les nouvelles mesures en faveur des boursiers « à taux zéro », entre guillemets, justifiaient la suppression de la bourse au mérite. S’il ne s’agit que d’une question financière, nous apportons une réponse. Nous proposons de compléter le code de l’éducation avec la formulation suivante : « Le droit à la bourse cesse dès lors que la moyenne générale obtenue à l’étudiant à ses examens partiels ou finaux est inférieure à 3/20. L’étudiant peut cependant conserver ce droit s’il fait valoir des justifications médicales devant une commission de réexamen de l’octroi des bourses présidée par le recteur d’académie ou son représentant. »

En d’autres termes, nous voulons éviter tout abus ou dérive. Dans un souci d’équité, la question centrale du mérite républicain impose de retirer leurs droits à ceux qui ne respecteraient pas leurs devoirs.

Déjà en 2007 nous voulions, dans un esprit de liberté, renforcer la responsabilité des étudiants. À l’heure où les finances publiques sont rares, vous seriez bien inspirée, madame la secrétaire d’État, de soutenir cet amendement qui vous permettrait de disposer des moyens nécessaires pour rétablir les bourses au mérite.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François André, rapporteur spécial. La commission n’a pas été saisie de cet amendement mais à titre personnel, j’aimerais faire un peu d’humour et paraphraser Coluche : pour M. Hetzel, Mme Pecresse et tous les signataires de cet amendement, il vaut sans doute mieux être beau, riche, en bonne santé et bon élève, que moche, pauvre, malade et mauvais élève.

Cet amendement vise à supprimer leur bourse aux étudiants qui auraient obtenu une note inférieure à 3 sur 20 à leurs examens. Si, par malheur, cette mesure était adoptée, elle serait inopportune et stigmatisante. Inopportune car elle vise à pénaliser de prétendus fraudeurs alors que les étudiants boursiers sont déjà soumis à une obligation d’assiduité à leurs cours.

C’est vrai, les travaux préparatoires que nous avons menés avant de rédiger ce rapport ont révélé que cette obligation ne s’applique pas uniformément mais le Gouvernement souhaite renforcer le contrôle du respect de cette obligation.

Par ailleurs, les rapports annuels de performances remis chaque année au Parlement démontrent que les étudiants boursiers réussissent mieux, en général, aux examens que la moyenne des étudiants.

M. Patrick Hetzel. Justement !

M. François André, rapporteur spécial. Le ratio de réussite comparée des étudiants boursiers par rapport aux non-boursiers est favorable aux étudiants boursiers, et pour cause ! Leur obligation d’assiduité favorise leur réussite. Ainsi, en 2013, les chances de réussite d’un étudiant boursier étaient de 16 % supérieures à celles d’un étudiant non-boursier. C’est bien la preuve que les étudiants boursiers, en général, sont assidus et sérieux.

Cette mesure est du surcroît stigmatisante car elle vise à punir les mauvais étudiants ou ceux qui auraient rencontré des difficultés en cours d’année. Vous vous en êtes d’ailleurs vous-même rendu compte puisque vous avez prévu une exception pour raison médicale. Que feriez-vous donc en cas d’accident de parcours lié, par exemple, à un événement familial et qui pourrait avoir des conséquences sur les résultats scolaires ?

M. Patrick Hetzel. Votre argumentation est scandaleuse !

M. François André, rapporteur spécial. De toute manière, un vrai fraudeur, un tant soit peu malin, s’arrangerait toujours pour contourner la règle et obtenir une note supérieure à 3.

Et je ne parle même pas de la pression qui pèserait sur les enseignants peut-être tentés de donner un 3, 5 ou un 4 pour ne pas porter la responsabilité de la suppression de la bourse.

Vous aurez compris que mon avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. À force de répéter que les moyens baissent, certains finiront pas vous croire alors que ce n’est pas le cas ! Les moyens ont augmenté de 638 millions d’euros pour l’enseignement supérieur et la recherche depuis deux ans, ce qui en fait une priorité à un moment où votre groupe demande la réduction des dépenses publiques. Je me demande d’ailleurs comment vous pourrez diminuer les dépenses de 100 milliards d’euros (« Nous aussi ! » sur les bancs du groupe SRC) si, pour chaque budget, vous vous étonnez des baisses. En l’espèce, le budget ne diminue pas. Si vous vous voulez trouver ces 100 milliards, il faudra en effet vous attaquer au budget de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons préféré pour notre part l’augmenter de 638 millions d’euros.

Les bourses sont octroyées sur la base de critères sociaux, pas sur les résultats. La mesure que vous proposez est d’ailleurs anti-pédagogique car elle ne permettrait pas à un étudiant de progresser d’un semestre sur l’autre alors qu’une compensation peut s’opérer entre les notes que l’étudiant obtient tout au long de l’année. Un étudiant qui rate son début d’année doit pouvoir se rattraper ensuite.

Pour autant, le droit aux bourses ne s’exerce pas sans contrepartie et l’image que vous voulez donner d’un gouvernement de gauche laxiste contre une droite plus rigoureuse relève, comme beaucoup de vos assertions, du simple fantasme.

L’obligation d’assiduité est déjà prévue par le décret du 16 avril 1951 relatif au paiement des bourses d’enseignement supérieur et par la circulaire annuelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sur les bourses. Cette obligation s’applique aux examens, aux cours mais aussi aux travaux dirigés, aux travaux pratiques, aux stages obligatoires, sous peine, pour l’étudiant, de devoir reverser tout ou partie de sa bourse.

Rappelons, pour rassurer les auteurs de l’amendement, que le nombre d’ordres de reversement établi par les recteurs s’élève à 7 157 en 2013-2014, soit 1,1 % du nombre des boursiers. Rien, statistiquement, ne permet de distinguer une population d’étudiants fantômes inscrits à l’université pour le seul bénéfice des bourses. Le taux d’assiduité aux examens, signalé par l’obtention d’une note supérieure à zéro s’élève à 86,7 % en licence générale, 92,6 % en licence professionnelle, 95,4 % en IUT, 95,7 % en première année commune aux études de santé.

Le différentiel avec le nombre d’inscrits peut s’expliquer par les inscriptions multiples, le contrôle continu, les dispenses accordées à certains étudiants – salariés et sportifs de haut niveau – ou l’entrée précoce sur le marché du travail.

Pour toutes ces raisons, nous considérons que votre amendement est inopportun et inefficace, voire contraire à l’esprit des bourses sur critères sociaux. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Doucet, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Mme Sandrine Doucet, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur Hetzel, vous avez fait preuve d’audace si ce n’est de cynisme en évoquant cette sanction qui viendrait punir les étudiants ayant obtenu une note inférieure à 3 sur 20. Vous demandez finalement à des étudiants qui défailleraient de financer le mérite des autres. Nous retrouvons bien l’esprit dans lequel vous avez pris une telle mesure en 2007, transformant le parcours des étudiants en véritable course d’obstacles. Non contents d’instaurer le principe de la bourse au mérite, vous leur imposiez des conditions d’études en lycée dégradées – moins de postes, plus d’élèves par groupes, pas de surveillants, moins de personnels de vie scolaire. Finalement, le mérite républicain, c’était de survivre dans un tel milieu.

Notre politique est parfaitement cohérente. En augmentant, depuis deux ans, le nombre de postes dans l’éducation, depuis la maternelle jusqu’à l’université, nous restaurons un esprit républicain de justice sociale. La hausse, en deux ans, de 600 millions du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, nous permet de donner aux étudiants de bonnes conditions de travail alors que vous les avez dégradées les années précédentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Vous disiez tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, que ce n’est pas parce que l’on parle avec fermeté que l’on dit la vérité. Je dirai la même chose à propos de Mme Doucet.

Nous déplorons, au travers de cet amendement, la suppression des bourses au mérite. Vous ne cessez d’annoncer de nouvelles mesures, contrebalancées par la suppression d’autres dispositifs. C’est une logique de clivage : d’un côté, vous vous targuez d’avoir élargi les prêts garantis mais de l’autre vous supprimez les bourses au mérite. Que les choses soient claires : les bourses au mérite ne pouvaient être accordées qu’à des étudiants éligibles sur critères sociaux ! Ils n’étaient pas des enfants de riches, comme j’ai pu l’entendre ! Elles étaient au contraire accordées à des jeunes issus de milieux modestes mais très méritants. Je n’ai obtenu aucune réponse à cette question depuis le début des débats.

Quant à cette note de 3 sur 20, je ne vois pas pourquoi elle poserait problème car, le rapporteur spécial le reconnaît lui-même, les étudiants boursiers réussissent en général mieux que les autres, ce qui n’empêche pas une petite frange d’abuser du système. Les fraudes doivent être dénoncées car un système qui fonctionne est aussi un système qui responsabilise. Or, vous parlez de droits mais jamais de responsabilité. C’est l’un et l’autre. La République doit être égalitaire et, à ce titre, fonctionner avec des droits et des devoirs.

Votre vision porte préjudice à un certain nombre d’étudiants méritants. Vous êtes les fossoyeurs du mérite républicain, ce qui est dommage. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François André, rapporteur spécial. Quel sens de la nuance !

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Lorsque les bourses au mérite ont été mises en place par Claude Allègre, les mentions Très bien au baccalauréat se comptaient sur les doigts de la main et ne dépassaient pas 3 %. Deux ans plus tard, le taux est passé à plus de 12 % sans aucun effet levier pour les jeunes issus des milieux les plus modestes qui n’ont pas progressé en la matière.

L’honneur de la République est aussi de savoir évaluer les politiques publiques et les infléchir quand les résultats ne sont pas au rendez-vous, ce qui était le cas en l’espèce. Tous ceux qui ont enseigné savent bien que le déterminisme social s’inscrit au moment de l’acquisition des savoirs fondamentaux, dès le cours préparatoire. Certains ont eu la chance de crever le plafond de verre alors qu’ils étaient issus d’un milieu modeste, mais pas pour autant précarisé car, à y regarder de plus près, on remarque que ces boursiers au mérite sont, pour leur très grande majorité, issus des catégories « 0 », « 0 bis » et « 1 ». Il n’empêche qu’ils ont réussi, par leur mérite et leur travail, à échapper au déterminisme social et qu’ils sont à présent tirés d’affaire.

Si la République veut être juste et réguler les discriminations sociales – non seulement la reproduction mais aussi l’aggravation des déterminismes sociaux –, elle doit s’attaquer aux causes. Le fait d’avoir libéré 55 000 postes en direction de l’enseignement dès le primaire, là où s’acquièrent les savoirs fondamentaux, là où le déterminisme social joue et les destins se créent, était une excellente initiative.

De même, l’on sait que la réussite scolaire est liée à la qualité de l’enseignement et à l’expérience des enseignants, surtout en zones difficiles, en zones urbaines sensibles ou dans les territoires dépourvus de ressources ou très éloignés des métropoles. Or, alors que vous aviez supprimé le volet professionnalisation de la formation des enseignants et les stages in situ pour économiser 15 000 postes, le Gouvernement a consenti un effort particulier pour affecter les nouveaux postes dans ces territoires, là où la réussite sociale est en panne et où la progression scolaire d’un certain nombre de jeunes issus de milieux modestes entravée, dès le début de leur scolarité.

Mme Pécresse elle-même l’avait d’ailleurs compris, puisqu’elle avait commencé de réduire le nombre de boursiers au mérite en le ramenant de 20 % à 2,5 % lors du passage de la licence au mastère. Elle avait en effet compris les limites de l’exercice. Et pour cause : en licence, les modes de notation diffèrent grandement selon les universités et selon les disciplines et ne sont pas toujours justes. Il en est résulté un certain nombre de recours auquel le ministère, que vous connaissiez bien à l’époque, n’était pas en mesure de répondre.

C’est la raison pour laquelle Mme Pécresse avait déjà infléchi sa politique de bourses au mérite. Quant à nous, nous l’avons intégrée dans une politique d’aides plus juste et fondée sur des critères sociaux. Nous pourrons ainsi lutter contre ce déterminisme social absolument insupportable : c’est cela la méritocratie républicaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n132 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous avons terminé l’examen de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 : mission "Politiques des territoires" et mission "Égalité des territoires et logement".

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures trente.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly