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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 19 novembre 2014

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

1

Délimitation des régions et modification du calendrier électoral

Deuxième lecture (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (nos 2331, 2358).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de deux heures et trente-neuf minutes pour le groupe SRC dont quarante-six amendements sont en discussion, deux heures et douze minutes pour le groupe UMP dont soixante-dix-neuf amendements sont en discussion, trente-quatre minutes pour le groupe UDI dont dix-huit amendements sont en discussion, trente et une minutes pour le groupe écologiste dont seize amendements sont en discussion, vingt-huit minutes pour le groupe RRDP dont huit amendements sont en discussion, trente minutes pour le groupe GDR dont quatre amendements sont en discussion et six minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n91 rectifié à l’article 1er.

Article 1er (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 91 rectifié, 92 rectifié et 122, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou, pour soutenir l’amendement n91 rectifié.

Mme Martine Lignières-Cassou. Tout d’abord, je suis de celles qui se retrouvent dans la volonté du Gouvernement de fusionner les régions. À la fin de cette mandature, avec la reconnaissance des métropoles, l’élargissement des régions et de leurs compétences, ainsi que le renforcement des intercommunalités, nous aurons réalisé un travail considérable pour réformer l’organisation de notre territoire.

Je voudrais, au travers de l’amendement n91 rectifié, appeler plus particulièrement votre attention sur l’Aquitaine. Je milite avec d’autres, des députés de l’Aquitaine mais aussi de Midi-Pyrénées, comme Mme Jeanine Dubié, pour que ces regroupements soient le plus cohérents possible. Or, en l’espèce, la solution la plus logique, en termes économiques, culturels et géographiques, commanderait de fusionner l’Aquitaine et Midi-Pyrénées. Nous partageons la même langue occitane et nous menons depuis des années d’importantes coopérations entre Aquitaine et Midi-Pyrénées, que ce soit dans le domaine de l’aérospatiale avec Aerospace Valley, pôle de compétitivité de portée mondiale, ou de l’agro-alimentaire avec Agri sud-Ouest Innovation. Les deux régions ont développé une marque spécifique sur des produits du sud-ouest. Elles partagent aussi les mêmes enjeux, en particulier dans le domaine du transport ferroviaire avec la ligne à grande vitesse Sud-Atlantique – l’enquête publique est en cours sur les sections Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax – et une autre ligne ferroviaire, la ligne TET Hendaye-Toulouse.

D’autre part, la fusion entre ces deux régions permettrait de mettre en valeur notre massif pyrénéen. Nous avons la chance d’avoir les plus belles montagnes de France, mais ce massif est partagé entre trois régions, essentiellement l’Aquitaine et les Midi-Pyrénées. Or, une politique commune est nécessaire, dans le domaine touristique ou pour gérer les bois et l’eau, en particulier le bassin Adour-Garonne.

Enfin, tant sur le plan du développement que de l’aménagement du territoire, la cohérence impose de fusionner ces deux régions. Une seule objection nous est opposée, celle de la concurrence entre deux métropoles, Bordeaux et Toulouse. Je regrette que l’on ne puisse envisager les relations entre deux grandes villes autrement que sous l’angle de la concurrence. Pourquoi ne pourraient-elles pas être complémentaires ? Je ne nourris pas trop d’illusions quant au sort qui sera réservé à cet amendement mais je regrette pour le développement de l’ensemble de ce territoire que cette fusion n’ait pas été étudiée avec davantage d’attention.

Mme la présidente. Voulez-vous soutenir l’amendement n92 rectifié ?

Mme Martine Lignières-Cassou. L’amendement n92 rectifié tend à adjoindre le Limousin à l’Aquitaine et Midi-Pyrénées car nous ne pouvons pas réaliser simplement une fusion de riches. Nous devons au contraire partager les richesses. Cette proposition est cohérente car Brive par exemple est tout autant attirée par Bordeaux que par Toulouse.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bies, pour soutenir l’amendement n122.

M. Philippe Bies. Je le répète à mon tour : la carte idéale n’existe pas. On en compte autant de différentes qu’il y a de géographes ou de députés. Cela étant, un travail important est mené depuis plusieurs années pour engager la réforme nécessaire de notre carte territoriale – je vous renvoie aux rapports de M. Balladur, à celui de MM. Raffarin et Krattinger, aux travaux de la DATAR ou plus récemment, à ceux réalisés par l’ancien commissariat général au plan, appelé maintenant France Stratégie, qui dépend du Premier ministre. Contrairement à ce que certains collègues ne cessent de répéter, pensant que la répétition finira par devenir vérité, la carte initiale présentée par le Président de la République et le Gouvernement ne devait rien au hasard. C’est pourquoi cet amendement tend à y revenir car, au regard des débats qui ont eu lieu ici et au Sénat, elle nous apparaît instaurer un équilibre qui en vaut d’autres, notamment celui proposé par la commission.

Je vous propose que nous en discutions, étant entendu que la délimitation proposée pourra évoluer si le droit d’option est assoupli.

Mme la présidente. La parole est à M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je voudrais tout d’abord remercier le ton et l’esprit avec lesquels Mme Lignières-Cassou et M. Bies ont présenté leurs amendements et défendent leurs convictions, avec constance du reste depuis l’examen en première lecture, en commission ou en hémicycle.

C’est vrai, une majorité du groupe SRC mais également un certain nombre d’autres députés, sont convaincus que la carte adoptée en commission présente un meilleur équilibre, puisque c’est ce que recherche Mme Lignières-Cassou.

Monsieur Bies, je vous ai écouté avec attention hier soir. Votre nouvelle proposition, inspirée par le sort réservé aux conseils départementaux et la simplification des modalités de rassemblement offertes aux départements, ainsi que vos suggestions au sujet de Strasbourg, aujourd’hui commune européenne, devraient permettre aux élus alsaciens de s’accorder sur une solution plus équilibrée.

M. Laurent Furst. Aucune chance !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Pour toutes ces raisons, la commission a rendu un avis défavorable sur les trois amendements dont nous débattons.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. S’agissant de la proposition de rétablir la carte présentée par le Gouvernement au Parlement et issue du conseil des ministres, son acceptation reviendrait à nier toutes vos contributions au débat. Or, le Gouvernement respecte trop le Parlement pour agir ainsi.

Le Gouvernement a proposé une carte, que vous avez largement discutée, modifiée, à l’issue d’un dialogue qui a permis d’aborder tous les sujets. Je me refuse à considérer que tout le travail accompli par le Parlement depuis des semaines n’aura servi à rien.

M. Patrick Hetzel. Vous êtes moins précautionneux d’habitude.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Madame Lignières-Cassou, vous nous proposez de votre côté une tout autre carte en retenant un regroupement de régions que le Gouvernement n’avait pas suggéré. Nous pensons que la fusion entre Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon a du sens et qu’elle permettra à une région disposant de grandes métropoles, de quarante-trois laboratoires, de six pôles de compétitivité, d’axes de transport cohérents, d’une façade maritime, de 5,5 millions d’habitants de se structurer pour compter en Europe et nouer des partenariats avec la Catalogne, les Baléares et d’autres territoires.

Pour toutes ces raisons, nous ne sommes pas non plus favorables à cet amendement.

Mme la présidente. Sur l’amendement n122, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Je ne reviendrai pas sur les arguments évoqués qui militent pour la constitution d’une région du sud-ouest entre l’Aquitaine et Midi-Pyrénées. En effet, depuis des décennies, un travail a été mené en commun par ces deux régions qui souhaitent valoriser une identité, une culture, mais aussi des axes de développement économique.

Une université est déjà à cheval sur ces deux régions qui comptent des dispositifs en commun, à mettre en perspective avec la proximité avec l’Espagne.

M. le ministre met en avant la qualité du travail parlementaire pour ne pas revenir à la position initiale du Gouvernement qui était de laisser l’Aquitaine seule pour lui permettre, comme cela fut évoqué pour d’autres régions de l’ouest, de devenir une grande région à proximité de l’Espagne. Je pense surtout qu’il s’agit là d’un argument habile, bien éloigné de considérations géographiques ou économiques.

En vérité, vous n’avez pas voulu opposer deux métropoles, Bordeaux et Toulouse. Vous avez au contraire voulu les séparer en constituant deux ensembles, l’un autour de Bordeaux, l’autre de Toulouse. Il reste que la région Aquitaine ne se résume pas à Bordeaux. Elle recouvre cinq départements dont quatre se sont exprimés largement en faveur de relations institutionnelles avec Midi-Pyrénées. Vous avez fait allusion à la carte de la DATAR : celle-ci révèle bien que les axes de développement, de dialogue, sur tous les plans, universitaire, hospitalier, administratif, vont d’est en ouest, entre la façade atlantique et la capitale régionale, Midi-Pyrénées.

Je sais bien qu’avec ce type d’intervention se pose la question de la vue d’ensemble, et M. le ministre a rappelé la nécessité de trouver un équilibre. Je ne vois cependant pas en quoi l’union des régions Aquitaine et Midi-Pyrénées rompt un équilibre culturel et économique. Demain, face à la Catalogne et face au Pays basque, nous devrons affirmer une grande ambition nationale. La création de cette grande région Midi-Pyrénées-Aquitaine nous permettrait d’y parvenir.

En outre, l’amendement n92 rectifié qui vise à adjoindre le Limousin à cet ensemble nous permet d’affirmer une véritable solidarité avec un territoire dont la culture est orientée vers le Sud, tout en institutionnalisant une région de grande puissance économique.

Mme la présidente. La parole est à M. Kléber Mesquida.

M. Kléber Mesquida. J’apprécie votre tempérament, monsieur le ministre, et je respecte vos qualités, votre engagement et votre travail, mais vous venez de prétendre qu’adopter l’un de ces amendements annulerait tout l’effort que nous avons fourni depuis plusieurs semaines. Est-ce à dire que nous ne pouvons plus amender le texte et qu’il faudrait le voter en l’état ? C’est inquiétant : tant que le vote solennel n’est pas définitif, la représentation nationale doit pouvoir exprimer ses sensibilités.

Je me contenterai donc de rappeler que l’Assemblée n’a adopté le présent texte en première lecture que par 261 voix pour, tandis que la somme des voix contre et des non votants s’élevait à 316 : autrement dit, il n’existe pas de large consensus.

Inspirons-nous du passé. La loi de 1992 sur les intercommunalités, par exemple, a laissé aux communautés le temps de s’organiser – et l’on continue de la peaufiner encore aujourd’hui. Je ne prétends pas qu’il faille une vingtaine d’années pour appliquer une loi, mais il ne s’est écoulé que quelques mois depuis l’annonce de la présente réforme. Le rapport Balladur préconisait que les pouvoirs publics puissent, en concertation avec les élus régionaux et départementaux, mener à bien une réflexion afin de doter notre pays d’une quinzaine de régions dans un délai raisonnable. À ma connaissance, pourtant, il n’y a eu aucune concertation avec lesdits élus.

Les amendements de Mme Lignières-Cassou ont du sens. Le Gouvernement et la commission envisagent de rassembler les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, deux régions dotées des mêmes éléments structurants et qui, si elles sont géographiquement limitrophes, se tournent le dos s’agissant de l’activité économique, des bassins de vie et des échanges. De ce point de vue, je rappelle à M. Valax, élu du Tarn qui a activement plaidé en faveur de ce rassemblement, qu’il existe deux versants : le versant atlantique, où se trouvent le Tarn, le Tarn-et-Garonne et le reste de la région Midi-Pyrénées, et le versant méditerranéen où se trouve la région Languedoc-Roussillon. Il s’opère entre ces deux versants un véritable changement de culture et de climat. Le Languedoc-Roussillon privilégie la viticulture et sa façade méditerranéenne s’étend de Port-Vendres à Sète et au-delà. Son économie est bien différente de la région Midi-Pyrénées, au point que l’on est en droit de s’interroger sur la complémentarité de ces deux régions.

M. Habib indiquait tout à l’heure que si l’on ne peut pas bâtir le Grand Sud-Ouest, c’est parce que s’y trouvent deux grandes métropoles. Pourtant, il se trouvera aussi deux métropoles dans une région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon : Toulouse et Montpellier. En outre, la richesse, le PIB et la population des deux régions se valent. Le Languedoc-Roussillon consacre 44 % de son budget à l’investissement et, de ce point de vue, ce dynamisme, là encore équivalent à celui de la région Midi-Pyrénées, est bien supérieur à celui d’autres régions nouvelles comme la Bourgogne-Franche-Comté, la Normandie ou le Centre.

Voilà donc plusieurs éléments qui vont dans le sens du maintien en l’état de la région Languedoc-Roussillon. J’approuve donc pleinement les amendements présentés par Mme Lignières-Cassou en faveur d’une grande région du Sud-Ouest, car elle a du sens : Bordeaux et Toulouse constituent une unité, et je souhaite que l’Assemblée réfléchisse dans cette direction.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Assaf.

M. Christian Assaf. Comme M. Mesquida, je soutiens les amendements de Mme Lignières-Cassou. Je n’interviendrai pas d’un point de vue identitaire ou culturel, car il existe plusieurs identités et plusieurs cultures en Languedoc-Roussillon, qu’il s’agisse des Catalans, des Occitans ou encore des Provençaux et parce qu’au fond, les différences culturelles avec la région Midi-Pyrénées ne sont pas importantes – nous partageons l’Occitanie.

Je veux néanmoins vous rappeler qu’au fil de l’histoire, ces deux régions se sont construites dos à dos – ce qui n’est pas le cas avec l’Aquitaine. Seule une route à deux fois deux voies relie Montpellier et Toulouse ; quant au réseau ferré, il n’est que de constater son état. À l’heure où l’argent public est rare, je m’inquiète des infrastructures qui seront nécessaires pour que ces deux régions qui se sont tourné le dos pendant tant d’années parviennent à une certaine homogénéité.

D’autre part, je ne reviendrai pas sur la concurrence qui nous oppose en termes économiques, sociologiques et structurels. Je me ferai simplement le porte-voix des élus du conseil régional du Languedoc-Roussillon qui, à l’unanimité, ont souhaité que leur région demeure en l’état. Dès lors, les amendements défendus par Mme Lignières-Cassou recueillent non seulement l’agrément de nos amis de l’Aquitaine, mais aussi celui d’élus languedociens.

Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Fourage.

M. Hugues Fourage. J’entends bien les arguments de nos collègues des régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, mais comme ils l’ont indirectement suggéré, il faut adopter une vision globale. M. le ministre a rappelé tout le travail accompli – notamment le travail d’écoute de M. le rapporteur – pour aboutir à un équilibre.

Je crois néanmoins qu’un élément a été oublié, chers collègues : la région Poitou-Charentes.

Mme Martine Pinville. Eh oui !

M. Hugues Fourage. C’est pourtant un élément très important de ce débat. Il y a tout autant de sens à associer La Rochelle et Royan avec Bordeaux.

M. David Habib. Oui, avec Bordeaux, mais pas au-delà !

M. Hugues Fourage. Je n’ai interrompu personne et je vous ai écouté avec attention, cher collègue. Quoi qu’il en soit, des synergies peuvent se créer. Pourquoi retenir le Limousin dans la région du Sud-Ouest, et non pas le Poitou-Charentes ? La réflexion globale que nous avons menée a abouti à la proposition de créer une région rassemblant l’Aquitaine, le Poitou-Charentes et le Limousin. C’est la position du groupe SRC, qui souhaite le rejet de ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Comme je l’ai fait en première lecture, je voudrais en tant qu’élue de la région Midi-Pyrénées apporter tout mon soutien aux amendements de Mme Lignières-Cassou, également soutenus par M. Habib. En effet, si la réflexion avait été plus aboutie et si les acteurs locaux avaient été consultés, la région Midi-Pyrénées serait aujourd’hui unie à l’Aquitaine, et non pas au Languedoc-Roussillon.

M. Kléber Mesquida. Eh oui !

Mme Jeanine Dubié. Bordeaux est certes proche de La Rochelle, comme on vient de l’entendre, mais Bordeaux n’est pas toute l’Aquitaine, de même que Toulouse n’est pas toute la région Midi-Pyrénées.

M. David Habib. Exactement !

Mme Jeanine Dubié. Il aurait donc été utile de tenir compte de tous les paramètres.

Pour aller dans le sens de l’amendement, je précise que le rapprochement entre l’Aquitaine et Midi-Pyrénées placerait la nouvelle région au troisième rang des régions françaises, avec un PIB potentiel de plus de 171 milliards d’euros.

Ces deux régions n’ont d’ailleurs pas attendu la réforme des collectivités territoriales pour nouer des liens de coopération et donner de la visibilité aux entreprises, qu’elles soient petites, moyennes ou multinationales. Voici longtemps que nous promouvons ensemble une identité commune et des projets d’avenir qu’il serait regrettable d’entraver. En effet, nous partageons des filières industrielles reconnues comme celle de l’espace et de l’aéronautique. Nous avons d’ailleurs mis sur pied un pôle de compétitivité « Aéronautique-Espace-Systèmes embarqués » qui contribue à notre développement économique. Il paraît peu rationnel de le séparer entre deux régions, alors qu’il est l’un des pôles de compétitivité les plus importants de France et qu’il est essentiel à nos territoires.

Nous partageons également des pôles universitaires et des centres de recherche, notamment à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, qui rassemble des étudiants venus d’une zone allant de Bayonne à Tarbes. De même, nous avons fédéré sous la marque N’Py la gestion des stations de ski des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Atlantiques. Enfin, le Bureau de développement économique des Pays de l’Adour soutient les acteurs économiques du Pays basque à la Bigorre en passant par le Béarn.

Mme Lignières-Cassou a évoqué les infrastructures ; je n’y reviens donc pas. Pour toutes ces raisons, il me semble opportun de revenir sur la décision prise et de soutenir ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Je croyais avec quelque naïveté qu’au terme de la première lecture, les propositions les plus absurdes avaient été mises de côté. Que nenni ! Il ne s’agit pas ici des Pays de la Loire, cher monsieur Piron, mais revoilà l’union de l’Aquitaine avec le Poitou-Charentes et le Limousin – ou peut-être le Poitou-Charentes seulement, car rien n’est encore établi. Pourquoi ne pas proposer un amendement pour y ajouter la Corse ? À défaut de continuité territoriale, ce ne serait pas plus absurde.

M. André Schneider et M. Jean-Luc Reitzer. Nous proposons l’Alsace !

M. Serge Grouard. Je l’ai déjà dit : la région Centre n’a pas vocation à être la variable d’ajustement des desiderata des uns et des autres. Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir tenir compte de la supplique que je vous adresse. Nous ne pouvons évidemment pas souscrire à ce type d’amendements !

(Les amendements nos 91 rectifié et 92 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n122.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants70
Nombre de suffrages exprimés68
Majorité absolue35
Pour l’adoption6
contre62

(L’amendement n122 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement est donc rejeté. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Laurent Furst. Si le ridicule tuait, il y aurait un mort !

M. Bernard Roman. Ces propos sont affligeants !

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements, nos 7, 47, 28 et 96, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n7.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à redessiner une carte des régions plus cohérente en évitant des fusions bloc par bloc, dont on vient encore une fois de constater qu’elles posaient de nombreux problèmes. Il aurait mieux valu laisser aux territoires le temps de choisir eux-mêmes entre un certain nombre d’options.

Ainsi c’est au département des Pyrénées-Atlantiques, qui entretient des liens évidents tant avec Toulouse qu’avec Bordeaux, qu’il appartiendrait de se déterminer. Ce département qui réunit le Béarn et le Pays basque, je le connais bien : il a une histoire singulière, due au fait que les Basques de basse Navarre – le royaume de Navarre...– estimant qu’ils n’étaient pas Français, n’ont pas envoyé de représentants à Paris en 1789. Ils auraient voulu leur propre département, mais évidemment, ils ne l’ont jamais eu.

Je veux simplement souligner qu’il faut tenir compte de l’avis des habitants et qu’il aurait été bon de repartir sur d’autres bases.

Nous devrions nous racheter en votant le droit d’option, qui permettra à certains départements de choisir la région à laquelle ils seront rattachés.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n47.

M. Patrick Hetzel. Ce débat montre assez clairement le vice de la méthode suivie par le Gouvernement. S’il avait pour une fois davantage tenu compte de la volonté de nos concitoyens, nous ne nous retrouverions pas dans une telle situation.

J’avais soumis à M. Vallini quelques problèmes posés par ce texte en termes de constitutionnalité et j’ai noté avec effroi qu’on ne m’avait toujours pas répondu sur ce point – il est vrai que, par un jeu d’entrées et de sorties digne d’un vaudeville à la Feydeau, c’est désormais M. Cazeneuve qui se trouve au banc du Gouvernement. C’est pourquoi je profite de l’occasion qui m’est donnée par la défense de cet amendement pour reposer la question de la constitutionnalité de ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour soutenir l’amendement n28.

Mme Sophie Rohfritsch. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Bleunven, pour soutenir l’amendement n96.

M. Jean-Luc Bleunven. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont déjà été avancés pour défendre le rattachement de la Loire-Atlantique à la Région Bretagne.

J’ai entendu par ailleurs ce qu’a dit M. Vallini sur le droit d’option et les évolutions qu’il devrait permettre. En tout état de cause, nous ne devons pas rater cette occasion de poursuivre la marche en avant de la décentralisation.

Nous devons également répondre à l’attente très forte des populations. Il est fondamental d’entendre les territoires et de desserrer le carcan que représente la centralisation des pouvoirs. C’est aussi un objectif de cette réforme que de donner aux populations la possibilité de s’exprimer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. La commission s’est pleinement inscrite dans le cadre fixé par le Gouvernement. Celui-ci nous propose de partir des régions existantes, et ce pour une raison simple : dessiner une nouvelle carte de France à partir du niveau départemental aurait rendu la situation inextricable.

Jugeant la proposition du Gouvernement cohérente – non seulement la carte proposée, mais également le droit d’option, ouvrant la possibilité d’autres fusions – la commission a émis un avis défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.

(Les amendements nos 7, 47, 28 et 96, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n108.

M. Éric Straumann. On nous a expliqué que l’objectif essentiel de la réforme était de réaliser des économies d’échelle. Dans ces conditions, on peut bien dessiner sans grand souci de cohérence une vaste région à l’est de la France. L’ ’endettement de la France dépassant deux mille milliards d’euros, allons au bout de cette logique : en fusionnant l’ensemble des régions françaises, notre pays pourra espérer se retrouver avec des comptes en équilibre dès 2017. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. J’imagine que notre collègue Straumann présente cet amendement et le suivant pour prouver la grande ouverture d’esprit des députés UMP de la belle région d’Alsace. Son esprit est tellement ouvert qu’il va probablement retirer son amendement et accepter la carte que nous lui proposons. À défaut, l’avis de la commission sera défavorable.

(L’amendement n108, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n103.

M. Éric Straumann. Dans le même objectif d’équilibre des comptes publics en 2017, je vous propose de créer, à côté de la Région Île-de-France, une seule région couvrant toute la province.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Évidemment ce sont là des amendements d’humeur. (« Nous voilà rassurés ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Les lois de décentralisation votées en 1982 et en 1983, qui font partie des textes fondateurs de la vie de notre nation… (« Merci ! » sur les bancs du groupe SRC.) Cela ne me gêne pas de reconnaître qu’il s’agissait alors d’une grande avancée démocratique.

L’objectif de cette réforme était de rapprocher les citoyens des centres de décision et de donner du pouvoir aux élus : c’était un objectif légitime et vous avez eu raison de faire cette réforme.

Or quelle proximité pourrait subsister avec les élus et les centres de décision dans les régions immenses dont vous proposez aujourd’hui la mise en place ? Quelle sera la place du citoyen ?

En vérité, cette réforme est l’antithèse de la décentralisation des années 1982-1983. C’est le retour de la technocratie et du face-à-face entre l’administration et le citoyen. En cela, il s’agit d’un texte extrêmement dangereux pour l’avenir de notre démocratie. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n103 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 90, 30, 116, 9, 70, 87, 88, 89, 102, 137, 157, 160, 165, 219 et 124, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 30, 116, 9, 70, 87, 88, 89, 102, 137, 157, 160, 165 et 219 sont identiques.

La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n90.

M. Éric Straumann. L’amendement est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Benoist Apparu, pour soutenir l’amendement n30.

M. Benoist Apparu. Le schéma que nous vous proposons vise à structurer un territoire autour des métropoles que sont Strasbourg et Lille, afin de mettre en place un Grand Lille et un Grand Strasbourg sur le modèle du Grand Paris, soit de petites régions centrées autour de très grandes villes.

Nous considérons qu’en l’absence de grande métropole, la Région doit être beaucoup plus vaste et structurée par un réseau de villes. C’est la raison pour laquelle nous proposons de fusionner la Lorraine, la Champagne-Ardenne et la Picardie dans un vaste ensemble.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal, pour soutenir l’amendement n116.

M. Jacques Krabal. Cet amendement propose le même schéma territorial, mais pour des raisons différentes.

La Picardie est un partenaire historique de la Champagne-Ardenne, et l’est encore de nos jours, puisque le « G 10 » regroupe autour de Reims la communauté d’agglomération de Laon, la ville de Soissons, et toutes les communes limitrophes de Reims – excusez du peu.

En outre, les terres qui constituent le département de l’Aisne ont appartenu, en des temps éloignés, à la Champagne.

Enfin cet amendement reprend la proposition originelle du Président de la République. À ce propos, je demande à nouveau qu’on m’indique pourquoi on a décidé tout à coup de ne plus fusionner la Picardie avec la Champagne-Ardenne et la Lorraine mais avec le Nord-Pas-de-Calais. Il doit bien y avoir une explication rationnelle à ce changement de cap

M. Patrick Hetzel. Pour des raisons purement partisanes !

M. Jacques Krabal. Pour que nous puissions aboutir, il faudrait qu’il y ait des règles. Cela nous épargnerait tous ses débats qui peuvent sembler inutiles et où on ressasse les mêmes arguments depuis juin.

Adopter cet amendement serait rendre hommage au Président de la République et reconnaître qu’il a eu raison d’engager cette réforme.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n9.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à créer deux régions, soit l’Alsace, d’une part, et  la Champagne-Ardenne et la Lorraine d’autre part, comme l’avait prévu le Sénat.

Le grand ensemble proposé par la commission est trop large pour constituer une structure efficace, outre qu’il est très largement rejeté par les élus et la population, surtout alsacienne.

L’adoption de cet amendement permettrait l’aboutissement du projet de conseil unique d’Alsace, unifiant les compétences départementales et régionales des trois collectivités concernées. Cela ouvrirait la voie à la simplification et à la suppression de départements.

Par ailleurs, les collectivités locales qui défendent leur spécificité culturelle peuvent légitimement craindre qu’il soit mis fin à des politiques publiques dont la mise en place leur a demandé du temps. Il n’est pas certain qu’une vaste région englobant l’Alsace ait le même souci qu’elle de défendre la langue alsacienne.

Autre exemple, l’Office public de la langue basque est le fruit d’une initiative des communes du pays basque, qui l’ont toutes financé à travers la création d’un GIP. Ce n’est qu’ensuite que le département, la Région et l’État se sont associés à cette initiative. S’ils avaient eu une collectivité locale, cela aurait été bien plus simple.

Mme la présidente. Sur les amendements identiques nos 30, 116, 9, 70, 87, 88, 89, 102, 137, 157, 160, 165 et 219, je suis saisie par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n70.

M. Patrick Hetzel. Je voudrais d’abord noter que l’amendement présenté tout à l’heure qui prévoyait une région Alsace-Lorraine n’a été voté par aucun collègue lorrain ici présent, ce qui est révélateur. Cela montre que ce grand ensemble Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne est problématique.

Nous nous sommes exprimés sur l’élan qui nous a poussés à soutenir la création d’un conseil unique d’Alsace. Nous défendrons un certain nombre d’amendements en ce sens. Ce serait là une véritable contribution à la réforme territoriale.

Nous souhaitons réformer, moderniser, créer une structure administrative nouvelle et efficace.

M. Laurent Furst. Monsieur Bies, ne sortez pas, il faut rester !

M. Patrick Hetzel. Mais nous devons demeurer dans une optique de proximité à l’égard de nos concitoyens.

Nous plaidons en faveur d’une expérimentation. Je voudrais rappeler qu’expérimenter constitue un droit constitutionnel. Je n’ai entendu pour le moment, de la part du Gouvernement, aucun argument contre cette expérimentation. C’est l’occasion de faire preuve d’un peu d’ouverture.

Mes collègues alsaciens défendent le même amendement et vous aurez peut-être noté que j’ai comme co-signataire de cet amendement n70 Frédéric Lefebvre, député des Français de l’étranger.

M. Frédéric Cuvillier. Remarquable !

M. Patrick Hetzel. Il a tenu à cosigner cet amendement, parce que cette question concerne aussi les Français de l’étranger. Il y a une mobilisation extrêmement forte sur cette question qui devrait être abordée avec sagesse.

Si le Gouvernement pouvait faire preuve d’un petit peu d’ouverture, c’est le moment de faire en sorte que l’Alsace ne soit pas traitée comme une variable d’ajustement. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

En réalité, on se livre à un jeu de dominos. On considère que l’Alsace est une variable d’ajustement, tout comme la région Champagne-Ardenne et peut-être même la région Lorraine. Je n’ose pas imaginer que le raisonnement du Gouvernement consiste à considérer que quelques régions françaises puissent servir de variables d’ajustement. Chacun de nos régions mérite un meilleur traitement.

Nous avons la volonté de réaliser une réforme de proximité aboutie et réaliste, conforme aux objectifs annoncés par le Gouvernement comme aux grands principes constitutionnels.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n87.

M. Éric Straumann. Nous sommes au cœur du débat qui agite l’Alsace depuis plusieurs mois. Les socialistes alsaciens nous ont expliqué qu’ils allaient trouver un accord avec les Lorrains. M. Bies, malheureusement, vient de quitter la salle des séances.

M. Patrick Hetzel. C’est révélateur !

M. Éric Straumann. Je pense qu’il ne veut pas participer au vote qui va probablement entraîner la disparition institutionnelle de notre région. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

Je sais que le problème alsacien va être le caillou dans la chaussure du Gouvernement pendant de long mois encore.

M. Alexis Bachelay. Pendant quelques minutes !

M. Éric Straumann. Je vous rappelle ce que nous avons déjà dit : je fais appel, monsieur le ministre, à votre esprit républicain et à votre souci d’une bonne administration de la République. À la prochaine alternance, nous remettrons en cause ce découpage, comme vous l’avez fait pour le conseiller territorial, que vous le vouliez ou non. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alexis Bachelay. Vous rêvez éveillé !

M. Éric Straumann. Mesdames et messieurs les députés socialistes, le maire de Strasbourg, qui est tout de même une référence dans vos rangs, a indiqué une préférence. Il a dit qu’elle allait à l’Alsace-Lorraine. Ce soir, aucun Lorrain n’a voté l’amendement qui prévoyait ce regroupement. Un seul Alsacien l’a soutenu, avec trois autres socialistes qui ont dû se tromper de bouton. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

Le maire de Strasbourg a dit qu’il avait un deuxième choix : si la région Alsace-Lorraine n’est pas possible, il est favorable au maintien de l’Alsace actuelle.



En tout cas, les options prises par le maire de Strasbourg, qui n’est pas n’importe qui, montrent qu’il faut voter pour le maintien de l’Alsace et je suis sûr que M. Bies, qui vient de revenir, va confirmer mes propos et approuver cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement n88.

M. Claude Sturni. Permettez-moi de citer l’un de mes prédécesseurs, député du Bas-Rhin en 1827 : Benjamin Constant de Rebecque.

M. Thierry Benoit. Excellente référence !

M. Claude Sturni. Il a dit : « La multiplicité des lois flatte dans le législateur deux penchants naturels, le besoin d’agir et le plaisir de se croire nécessaire. »

J’inscrirai ses propos dans notre actualité et je dirai : la multiplicité des cartes flatte dans les majorités législatives deux penchants, le besoin de s’agiter et le plaisir de se croire indispensables.

Nous voici dans une telle agitation. J’ai eu plaisir à lire, après nos travaux de juillet, M. Vallini lui-même déclarant, dans une interview publiée en septembre, que « le temps n’est plus où un modèle uniforme doit s’imposer sur l’ensemble du territoire ».

Eh bien, nous les Alsaciens, nous sommes prêts à répondre à cette attente : treize députés alsaciens, 96 % des conseillers régionaux d’Alsace, des conseillers généraux du Bas-Rhin et de ceux du Haut-Rhin sont prêts à passer à l’acte.

Monsieur le ministre, comme vous le savez, nous sommes prêts à réformer, nous sommes prêts à innover, nous sommes prêts à oser un projet ambitieux, en réduisant d’un niveau le mille-feuille institutionnel.

Comme mes collègues alsaciens sur ces bancs, je ne peux donc que vous inciter à nous donner droit à cette expérimentation : c’est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n89.

M. Antoine Herth. Dans le même esprit que mes collègues alsaciens, je voudrais revenir sur les motivations des collectivités alsaciennes qui ont souhaité mener une expérimentation. Celle-ci n’a pu avoir lieu en raison des résultats du référendum l’année dernière. Je voudrais témoigner de mon expérience personnelle, puisque je suis par ailleurs vice-président du conseil régional d’Alsace, en charge des transports.

Je suis interpellé par la communauté urbaine de Strasbourg, future métropole, qui souhaite que les conseils généraux unissent leurs compétences pour améliorer l’interface entre transports collectifs ruraux et urbains. Elle souhaite une plus grande cohérence dans la prise de décision, pour assurer le bon fonctionnement des transports.

Mes concitoyens veulent pouvoir aller rapidement à Belfort, mais aussi à Nancy, à Metz. C’est d’ailleurs la région Alsace qui a délégation pour les lignes TER desservant ces villes voisines. Il n’y a pas de souci en matière d’ouverture vers les régions voisines. La ligne de Saint-Dié est elle aussi gérée par la région Alsace.

Mais ils me demandent aussi une bonne liaison vers Bâle, une bonne articulation avec les transports publics suisses. Ils me demandent aussi de meilleurs échanges avec le Bade-Wurtemberg. Ils me demandent que les trains puissent poursuivre au-delà de Lauterbourg pour aller desservir le Palatinat.

Pour entrer dans une logique de réduction des coûts, ce qui est l’objectif du Gouvernement et était aussi celui du précédent, tout en améliorant le service, il faut raccourcir la chaîne décisionnelle. C’est ce que nous avons souhaité faire. Cela n’a pas marché.

Vous voulez maintenant dessiner de grandes régions, pour définir ensuite leurs compétences. Je pense quant à moi qu’il n’est pas trop tard pour reprendre l’expérimentation. Nous n’avions pas eu la possibilité de convaincre suffisamment de nos concitoyens l’année dernière. Aujourd’hui, les sondages nous disent que 96 % des Alsaciens ne veulent pas de la grande région, et ce n’est pas nous qui commandons ces sondages, mais les médias. Le contexte est donc plus favorable aujourd’hui qu’hier et il faut saisir cette opportunité. C’est pourquoi, avec parfois un peu de véhémence, nous sommes amenés à insister en faveur du maintien de la région Alsace, ce qui ne perturberait pas le reste de votre réforme.

Mme la présidente. La parole est à M. André Schneider, pour soutenir l’amendement n102.

M. André Schneider. Messieurs les ministres, puisque M. Vallini nous a rejoints, mais je m’adresse plus spécialement à M. Cazeneuve, je connais votre respect du droit. J’apprécie également, comme Alsacien, votre grand attachement à l’Europe. Pour défendre l’amendement commun, je voudrais présenter un argument européen.

Vous pourrez trouver, dans le Journal officiel du 5 août dernier, la question que j’ai adressée au Premier ministre et qui jusqu’à présent n’a pas reçu de réponse. Mais je suis sûr, monsieur le ministre de l’intérieur, que vous allez m’en apporter une.

Parmi les traités signés par la France dans le cadre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, l’article 5 de la charte européenne de l’autonomie locale est ainsi rédigé : « Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet. »

Je rappelle que ce traité signé par la France le 15 octobre 1985, ratifié le 17 janvier 2007, entré en vigueur le 1er mai 2007, a en vertu de l’article 55 de notre Constitution une autorité supérieure à celle des lois. La consultation qu’il prévoit est à la fois obligatoire et préalable : seules les modalités sont laissées à la discrétion des États. Il est évident qu’elle doit être formelle et ne saurait se résumer à des entretiens politiques avec quelques présidents ou élus des régions.

Monsieur le ministre, nous attendons que la France honore sa signature et respecte cette charte européenne. Sinon, je crois qu’il serait bon que la majorité et le Gouvernement approuvent notre amendement, ainsi que notre volonté d’avoir droit au référendum ou de rester une région, l’Alsace. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n137.

M. Frédéric Reiss. Sans surprise, cet amendement propose également de dissocier l’Alsace des régions Lorraine et Champagne-Ardenne.

La manière dont ce débat se déroule, par moment, est surréaliste.

Monsieur le ministre, vous avez souhaité que nous parvenions à un compromis lors de votre intervention liminaire mais force est de constater que les débats sont toujours aussi vifs.

Je regrette que la majorité ait pour consigne d’imposer non la carte que le Gouvernement a proposée mais celle qui comprend 13 régions et que le groupe SRC de l’Assemblée nationale a dessinée.

Le Sénat, qui représente pourtant légitimement les collectivités locales et territoriales via les grands électeurs a proposé une carte de 15 régions maintenant l’Alsace comme une région à part entière. C’est ce qu’elle souhaite.

Certains collègues aimeraient d’ailleurs connaître ce soir l’avis des conseillers généraux et celui des populations. C’est précisément ce que nous avons fait en Alsace où 82 % des conseillers généraux et régionaux se sont exprimés en faveur du Conseil unique d’Alsace et de la fusion des deux départements et de la région avant le référendum du mois d’avril 2013 et, il y a un mois encore, 96 % d’entre eux.

Monsieur le ministre, chers collègues, nos concitoyens attendent certes plus de simplification, plus d’efficacité et de lisibilité mais, aussi, plus de proximité pour ces grands enjeux que sont la réduction des déficits publics, le redressement économique et de la situation de l’emploi dans notre pays.

Alors, votons en faveur de ces amendements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour soutenir l’amendement n157.

Mme Sophie Rohfritsch. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, à l’instar de mes collègues je défends aussi cet amendement qui vous rappelle le bien-fondé de la carte que nous vous proposons.

Bien-fondé sur le fond, puisque nous avons amplement démontré que la réforme institutionnelle que l’Alsace vous présente et vous propose est un progrès.

C’est une réforme qui, dès l’adoption de la carte que vous avez entre les mains, sera susceptible de produire des effets en matière de développement économique, de création d’emplois et de valorisation de la recherche mais, aussi, pour favoriser l’entrée de nos régions dans un système particulier, sur le plan trinational, dont les conséquences sont d’ailleurs déjà palpables.

Au-delà de cette démonstration qui, je pense, a été pertinente, je souhaite rappeler – comme un certain nombre de mes collègues l’ont déjà fait – que le territoire est un des éléments essentiels de la vie des collectivités. C’est en effet lui qui fonde la communauté qui y habite à s’administrer librement.

Dès lors, chaque fois que l’on touche à cet élément fondamental qu’est le périmètre géographique, on atteint finalement le principe de libre administration de la collectivité territoriale.

Par là même, on touche à un principe constitutionnel absolument établi dans le droit français, et même européen, à travers la Charte européenne de l’autonomie locale adoptée et ratifiée par la France en 1985 comme l’a rappelé tout à l’heure André Schneider, et applicable depuis 2007.

C’est là le principe de base de notre Constitution eu égard à cet autre principe qu’est la décentralisation.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons parfois échangé des invectives, nous avons connu des moments plus ou moins solennels ou ironiques mais nous les avons vécus chaque fois gravement. Nous espérons, en tout cas ne pas avoir à les vivre, dans quelques instants, avec beaucoup de tristesse.

Je vous en prie, monsieur le ministre, acceptez la main tendue que constitue de notre part la présentation de cette carte !

Hier soir, j’ai évoqué un proverbe populaire d’Alsace, que j’espère ne pas être prémonitoire, selon lequel celui qui sème la discorde travaille pour la grange du diable.

Ce soir, je mentionnerai un autre proverbe alsacien, tout aussi populaire, qui peut vous paraître simpliste mais qui convient aux circonstances assez graves que nous connaissons : il vaut mieux arriver tard, monsieur le ministre, qu’arriver en corbillard.

Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Christ, pour soutenir l’amendement n160.

M. Jean-Louis Christ. À l’instar de mes collègues, je rappelle que cet amendement vise à préserver le périmètre de l’Alsace dans le cadre d’une collectivité territoriale unique.

Aujourd’hui, l’opinion alsacienne ne comprend pas les différences de traitement que réserve ce projet de loi en fonction des régions.

Ainsi, la Bretagne et la Corse gardent leurs contours alors que l’Alsace est diluée dans une région énorme, deux fois plus grande que la Belgique.

Rappelons que l’Alsace est une région de France ouverte sur l’Europe, souvent bilingue, où se pratiquent donc les langues de Voltaire et de Goethe, ce qui constitue un atout particulier.

L’histoire de l’Alsace est également singulière, parfois douloureuse, mais elle reste fondée sur une identité unique. L’Alsace aurait donc au moins mérité le même traitement que les deux régions précitées, sinon le respect de la revendication qu’elle porte.

Chers collègues, il n’est pas trop tard : aujourd’hui, l’Alsace se sent bafouée mais vous pouvez encore voter ces amendements !

Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Furst, pour soutenir l’amendement n165.

M. Laurent Furst. Monsieur le ministre, madame la présidente, on pressent ce qui va advenir. Je crains fort que, ce soir, nous ayons quelques bleus à l’âme.

Il n’en reste pas moins que l’histoire, dans notre région, occupe une place particulièrement importante. Elle nous a appris à vivre des moments difficiles, douloureux, mais elle nous a aussi appris à ne jamais rien lâcher et à faire montre de patience.

Nous savons, en effet, que le succès est au bout de la route, et nous ne lâcherons jamais.

Monsieur le ministre, chers collègues, je souhaite que, ce soir, vous nous donniez simplement acte d’une chose : en première et en deuxième lectures, nous avons témoigné de l’engagement de chaque instant, sans faille, de la population que nous représentons.

Nous sommes engagés à ce degré-là parce que ce combat est essentiel et qu’il est révélateur de ce que nos concitoyens ressentent. Cela, aucune délibération ne pourra jamais l’effacer, et c’est absolument essentiel.

Je souhaite vous dire une deuxième chose.

En première lecture, le Sénat a refusé de travailler sur une carte. Le Gouvernement a demandé à la nouvelle majorité sénatoriale qu’il n’en soit pas ainsi et des efforts ont été accomplis : la présentation d’une carte est un geste en votre direction, geste que vous aviez donc vous-mêmes demandé.

Vous y avez répondu en affirmant que vous ne tiendrez pas compte des propositions que nous avons formulées et que vous nous aviez vous-mêmes demandé de formuler.

Réfléchissez bien à ce que vous avez demandé et à la réponse que vous avez apportée ! C’est essentiel si l’on veut une République apaisée. Une telle logique, monsieur le ministre, n’est pas tenable.

Troisième réflexion : Strasbourg est capitale européenne et, comme telle, l’une des capitales françaises. Si elle a été choisie comme capitale européenne – et vous devez, nous devons collectivement la soutenir en tant que capitale – c’est parce que, depuis la guerre, elle a toujours été défendue par des couples franco-allemands : de Gaulle et Adenauer, Schmidt et Giscard, Chirac et Kohl, Sarkozy et Merkel.

M. Frédéric Cuvillier. Et Mitterrand ?

M. Laurent Furst. Si vous voulez, de même que Hollande et Merkel.

Si cela constitue un symbole, c’est en raison des guerres territoriales franco-allemandes qui ont eu lieu et qui ont été extraordinairement douloureuses.

Or, depuis la dernière guerre, l’État, la France ont demandé à l’Alsace de construire une région binationale et d’être un trait d’union avec nos voisins allemands. Toutes les politiques publiques, dans notre région, ont été déterminées par cela. Il y a là un fil conducteur, quelque chose de très fort.

Or, aujourd’hui, on nous demande de regarder de l’autre côté…

Mme Marie-Françoise Bechtel. L’autre côté ! Avez-vous honte de la France ?

M. Laurent Furst. …et, au bout de soixante ans, de ne plus faire ce qui nous avait été demandé : constituer ce trait d’union à chaque instant, dans toutes nos politiques publiques. C’est là quelque chose d’éminemment douloureux pour nous.

Face à cette situation, notre économie est également en danger.

Je terminerai, monsieur le ministre, en répétant ce que j’ai dit hier à la tribune : on peut rire du malaise d’une partie de la population de notre pays, on peut en sourire, on peut même dire que ce n’est pas important…

Mme Brigitte Bourguignon et M. Frédéric Cuvillier. Personne ne dit cela.

M. Laurent Furst. …on peut prendre les choses ainsi, chers collègues.

Mais je veux simplement vous dire que, très bientôt, des élections cantonales puis régionales se dérouleront, et que je n’aimerais pas qu’à leur terme, nous soyons tous en larmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sordi, pour soutenir l’amendement n219.

M. Michel Sordi. Je vais essayer d’être bref, monsieur le ministre, mais je me permets tout de même d’insister.

Il est vrai que l’Alsace est une région particulière en raison d’une histoire que seuls ceux qui l’ont vécue, peut-être, peuvent bien comprendre. Il faut en tenir compte en votant les mesures dont nous discutons. Nous assumons cette histoire qui, depuis 1870, n’a pas été simple. Entendez-le !

Nous en parlions cet après-midi : il est vrai que le défi économique, pour l’Alsace, se concentre plus vers nos voisins allemands que vers nos amis de Champagne et d’Ardenne.

Dans un autre domaine, nous avons discuté des zones franches urbaines. Nous les avons développées dans le Haut-Rhin et le Bas-Rhin et j’espère qu’elles seront maintenues. La discussion avec le Gouvernement, de ce point de vue-là, avance bien. Ainsi, nous avons pu retenir les entreprises qui devaient s’en aller grâce à une baisse du coût du travail.

Vous le voyez, le vrai défi se situe sur un plan économique et c’est avec nos voisins allemands que nous nous confrontons.

Enfin, le périmètre de l’Alsace est pertinent.

Les deux assemblées – conseils généraux du Haut et du Bas-Rhin mais, aussi, 96 % des conseillers régionaux – sont favorables à l’expérimentation de la fusion. Laissez-nous donc la développer, chers collègues !

Bien entendu, madame Bechtel, nous revendiquons notre appartenance à la République française.

Mme Marie-Françoise Bechtel. C’est gentil.

M. Michel Sordi. Lorsque je compare le sort qui est réservé à la Bretagne avec le nôtre, je remarque qu’il y a un peu de sectarisme et que nous ne sommes pas traités de la même manière…

M. Jean-Luc Laurent. C’est un vrai argument.

M. Michel Sordi. …ce qui n’est pas bien.

Monsieur le ministre, la procédure régulière de révision des limites d’une collectivité territoriale exige une solide motivation, fondée sur des études approfondies, dont les termes sont soumis aux collectivités concernées afin que leurs conseils élus se prononcent après un débat et un avis publics formulés sur un projet précis, de manière éclairée et transparente.

Or, tel n’est pas le cas actuellement.

Je souhaite que les arguments que nous développons depuis des heures soient entendus par l’ensemble de mes collègues, que nous prenions en compte ces spécificités et cette problématique et que vous acceptiez que l’Alsace mène cette expérimentation dans le périmètre qui est le sien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bies, pour soutenir l’amendement n124.

M. Philippe Bies. Si M. Armand Jung n’est pas parmi nous ce soir, c’est qu’il est rentré à Strasbourg – cela vous fera plaisir, chers collègues – pour présider la commission du droit local qui s’y déroulera demain matin.

M. Patrick Hetzel. Il aurait pu la reporter !

M. Philippe Bies. Premier point.

Deuxièmement, j’entends M. Schneider qui nous parle du respect du droit et M. Hetzel qui nous donne des cours de droit constitutionnel, mais ce que je constate, c’est que ces mêmes députés qui nous donnent des leçons de droit ont contrevenu cet après-midi, avec dix, onze, peut-être douze de leurs collègues, au règlement de l’Assemblée nationale en envahissant la salle des quatre colonnes… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. C’est faux !

M. Philippe Bies. …et pourraient d’ailleurs, pour cela, être sanctionnés. (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Luc Reitzer. C’est scandaleux !

Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. Bies a la parole.

M. Philippe Bies. Quand vous vous exprimez au nom des Alsaciens, tout le monde vous laisse parler. J’aimerais que la réciproque soit vraie et que vous fassiez preuve, à mon égard, du même respect que l’ensemble de la représentation nationale à votre égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je suis par ailleurs étonné que vous vous acharniez à proposer une solution dont vous savez pertinemment, en votre for intérieur, qu’elle n’est plus possible aujourd’hui, à savoir une Alsace isolée, une Alsace seule. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Straumann. Pourquoi ne serait-elle plus possible ?

M. Philippe Bies. Vous avez cru bon, monsieur Straumann, de parler au nom de Roland Ries, ce qui m’a un peu étonné : vous le combattez toute l’année, mais quand vous avez besoin de lui, vous le citez !

M. Éric Straumann. Pas du tout !

M. Philippe Bies. Permettez-moi de dire un mot de Philippe Richert, lui qui, très rapidement, a plaidé pour l’Alsace-Lorraine.

M. Éric Straumann. Vous l’avez trompé !

M. Philippe Bies. Nous y reviendrons à l’occasion de l’examen d’un amendement. Lui-même a dit récemment qu’il ne fallait pas injurier l’avenir et que le débat devait rester serein. Or il ne me semble pas que tel soit aujourd’hui votre état d’esprit.

Je suis étonné, aussi, que vous appeliez systématiquement à la rescousse ce fameux référendum, qui a finalement rejeté ce que vous essayez aujourd’hui de faire passer dans la loi.

Résumons, mes chers collègues : vous qui parlez au nom du peuple alsacien…

M. Michel Sordi. Au nom du peuple d’Alsace !

M. Philippe Bies. …ou de ce que vous considérez comme le peuple alsacien, vous proposez quelque chose que vos concitoyens ont refusé le 7 avril 2013 ! Ce n’est pas très raisonnable, ni très démocratique !

M. Éric Straumann. Et vous, vous nous proposez la fusion des départements !

M. Philippe Bies. Je voudrais ajouter encore deux choses. Vous parlez souvent, monsieur Straumann, de critères identitaires, et vous l’avez encore fait cet après-midi, lors d’une interview télévisée sur une chaîne privée. Mais, mes chers collègues, cette réforme n’est pas fondée sur des critères identitaires ! Dans quelle langue faut-il vous le dire ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Cette réforme vise à redécouper nos régions de manière à leur donner une puissance économique suffisante pour affronter la compétition des régions européennes !

Par ailleurs, vous citez souvent la Bretagne, région que nous apprécions tous. Laissez-moi vous donner quelques précisions, car il importe, sur ces sujets, d’être précis. Le PIB de la Bretagne, en 2012, était de 83,4 milliards d’euros, soit 4,1 % de la richesse nationale, tandis que celui de l’Alsace était, à la même époque, de 53,6 milliards, soit 2,7 % de la richesse nationale.

M. Éric Straumann. Et le PIB par habitant ?

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas la taille qui fait la richesse !

M. Philippe Bies. Mes chers collègues, Armand Jung l’a rappelé hier soir, l’Alsace est en perte de vitesse. Il importe donc que nous nous associons à d’autres pour être plus forts, plus puissants.

J’ai fait hier une proposition…

M. Éric Straumann. Qui a été rejetée !

M. Philippe Bies. …il faut que nous avancions et que chacun cesse de camper sur ses positions, afin que nous arrivions, sinon à un consensus, du moins à un compromis.

J’ai proposé hier que, dans une région agrandie, les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin fusionnent pour constituer un grand département alsacien. Je suis tout de même très étonné que vingt-quatre heures plus tard, alors que vous êtes si attachés à l’Alsace, aucun d’entre vous n’ait repris cette proposition, à l’exception peut-être d’Arlette Grosskost, afin de montrer votre attachement à notre région.

Mme Sophie Rohfritsch. Ils seront tout de même noyés dans une immense région !

M. Philippe Bies. Mes chers collègues, faites preuve d’un peu de cohérence : l’Alsace s’en sortira, mais avec d’autres, et jamais seule.

M. Laurent Furst. N’importe quoi !

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Hetzel. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1 de notre règlement. Vous avez, monsieur Bies, fait référence à des faits survenus tout à l’heure dans l’enceinte du Palais-Bourbon. Je voudrais vous poser une question très directe : puisque vous mettez en cause un certain nombre de députés alsaciens, pouvez-vous nous dire à quel article du règlement vous vous référez ? Le règlement de notre assemblée ne concerne que ce qui se passe dans cet hémicycle. Vous devriez être extrêmement prudent, car tout cela s’est fait dans le strict respect de notre règlement.

Votre argumentation ne vise finalement qu’à nous entraîner vers des questions secondaires et à nous éloigner de notre débat de fond. Et c’est un vrai problème, car ce qui est en jeu, c’est le devenir de cette réforme territoriale et notre capacité à partager une vision commune de celle-ci. À cet égard, les choses sont très claires et nous l’avons répété à plusieurs reprises : nous défendons un véritable projet de réforme, et prétendre, comme vous le faites, qu’il serait condamné par avance, c’est faire insulte à ce qui doit se passer dans cet hémicycle.

M. André Schneider. Absolument !

M. Patrick Hetzel. Chacun doit pouvoir, jusqu’au bout, s’exprimer en son âme et conscience, et si vous considérez que les dés sont jetés d’avance, vous avez une vision erronée de ce que doit être le travail parlementaire. C’est bien dommage, et en tout cas, les Alsaciens espèrent sans doute un peu mieux que cela !

Article 1er (suite)

Mme la présidente. J’ai donné la parole à M. Hetzel car nous étions dans le cadre d’un rappel au règlement, qui sera d’ailleurs décompté du temps de parole de son groupe.

Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Madame la présidente, mes chers collègues, mes chers collègues alsaciens, je tiens à dire que j’ai du respect pour les arguments que vous avez exposés ; je tiens également à vous témoigner le respect de l’ensemble des membres de la commission des lois et de la représentation nationale pour les Alsaciennes et les Alsaciens.

Si nous accordons de l’importance à l’histoire lorsque nous travaillons dans cet hémicycle – les ministres l’ont rappelé longuement l’un et l’autre, à chaque fois qu’ils en ont eu l’occasion –, je suis convaincu aussi que nous sommes ici pour écrire l’histoire à venir. Or cette histoire à venir peut, tout en s’enracinant profondément dans le passé, être différente de ce qui s’est fait jusqu’ici.

De nombreux arguments peuvent être avancés en faveur de la région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne. C’est aujourd’hui le territoire retenu par l’État pour l’organisation de sa défense et de sa sécurité ; c’est le territoire retenu par Réseau ferré de France ; je pourrais vous dire aussi que c’est le territoire retenu par plusieurs grandes banques. Les arguments, vous le savez, sont extrêmement nombreux.

M. Michel Sordi. Cela n’en fait guère que trois…

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Cette histoire à venir, nous ne serons capables de l’écrire ensemble que si vous saisissez les potentialités qu’offrira cette loi, lorsqu’elle aura été votée. Car il y aura, je le crois, une majorité dans l’hémicycle, et une majorité en commission mixte paritaire, pour aboutir à la grande région que nous proposons.

La possibilité sera également donnée aux conseils départementaux – on a moqué ce dispositif, alors qu’il constituera une autre opportunité pendant les années à venir, et au moins pendant le prochain mandat – de se réunir ou de fusionner. C’est d’ailleurs la démarche, vous l’avez souvent rappelé, qu’avaient engagée les conseils généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin.

M. Antoine Herth et M. Michel Sordi. Avec la région, oui, mais pas tous seuls !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Je ne vous ai pas interrompus, je vous ai écoutés, alors permettez que je poursuive. Ce que vous défendez pourra exister au sein de la nouvelle région.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, au nom de la commission et à titre personnel, j’émets un avis défavorable à ces amendements. Je veux pourtant croire que des convergences sont possibles, car même si le débat parlementaire donne parfois lieu à des excès, ce n’est pas cela que je veux en retenir.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous débattons de cette réforme depuis maintenant de nombreuses semaines, et même de nombreux mois. Le débat est passionné, et je le comprends, car tout ce qui touche à la question de l’identité, du sentiment d’appartenance, de la relation à l’histoire et du dialogue que l’on entretient avec ses racines touche à ce que les territoires et ceux qui les représentent ont d’ancré au plus profond d’eux-mêmes.

Mais je voudrais vous exposer, avec la plus grande sincérité, la démarche du Gouvernement, comme l’a déjà fait le Premier ministre lorsqu’il a présenté l’architecture globale de la réforme territoriale devant le Sénat, et lorsqu’il a répondu à l’une de vos questions, il y a de cela quelques semaines, devant l’Assemblée nationale.

Je pense d’abord très sincèrement que nous avons tort d’opposer ce qui relève de la singularité de l’histoire et des racines, d’une part, avec les exigences de la modernité, d’autre part. Nous avons tort de considérer que tout ce qui fait notre identité profonde nous serait retiré subitement si nous faisions le choix collectif d’inscrire nos régions dans des territoires de projet plus vastes, qui ont vocation à leur permettre de compter davantage dans l’Europe. Nous créerons en effet les conditions de l’émergence de laboratoires et de centres de transferts de technologies ; nous créerons les conditions du développement de relations entre les universités de ces régions et des universités de l’Union européenne, à une époque où l’usage du numérique, entre autres, conduit la jeunesse de notre pays, quel que soit l’endroit où elle naît et l’endroit où elle apprend, à vouloir rester fidèle à ses racines, tout en découvrant de nouvelles frontières.

Et je suis convaincu que l’Alsace ne se verra rien retirer, ne perdra rien de son histoire, ne perdra rien de ses formes urbaines, ne perdra rien de l’architecture de ses bâtiments…

M. Laurent Furst et M. Michel Sordi. Mais pourquoi l’Alsace ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …et que Strasbourg ne sera pas moins forte, mais plus forte demain si, en plus de son statut de capitale européenne, elle devient aussi la capitale d’une grande région, possédant des atouts économiques, une cohérence et un sens…

M. Benoist Apparu. Alors c’est déjà décidé, monsieur le ministre ? Cela va faire plaisir aux autres villes !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il y aura des amendements sur ce sujet et nous en discuterons.

C’est aussi l’intérêt national qui est en cause. Lorsque j’étais ministre des affaires européennes, vous m’avez tous interpellé, et pas seulement les députés alsaciens, pour savoir comment nous comptions faire face aux attaques d’un certain nombre de parlementaires européens, pour défendre le statut de capitale européenne de Strasbourg. C’est un sujet qui ne concerne pas les seuls Alsaciens : c’est un sujet qui concerne le pays tout entier. Le statut de Strasbourg comme capitale européenne est un sujet national.

Mme Sandrine Mazetier. Absolument !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est un sujet qui compte pour les Alsaciens, naturellement mais c’est aussi un sujet national, parce que si nous n’étions pas capables de donner demain à Strasbourg toute la force dont elle a besoin pour demeurer capitale européenne, qu’adviendrait-il de son Parlement ? Qu’adviendrait-il des institutions européennes ? Qu’adviendrait-il des grandes écoles que Strasbourg a réussi à faire venir sur son territoire et qui accueillent en leur sein des étudiants venant de toute l’Europe ? La dimension de Strasbourg n’est pas une question alsacienne, mais une question nationale, et même, bien au-delà, une question européenne, compte tenu de la place particulière de Strasbourg comme ville de réconciliation, après les horreurs de la guerre.

M. Laurent Furst. Pas seulement Strasbourg, mais l’Alsace !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Par ailleurs, je veux dire aux Alsaciens, mais aussi aux Mosellans, que le droit particulier dont ils bénéficient ne se trouvera en rien altéré par la création de cette grande région. Alors qu’il se décline aujourd’hui dans deux régions différentes, il se déclinera désormais dans une seule et même région, ce qui donnera d’ailleurs à ce droit une force et une pertinence territoriale que pour l’instant il n’a pas.

Pour conclure, je voudrais vraiment répéter à tous les parlementaires qui sont attachés, en Alsace, mais pas seulement en Alsace, au principe de l’identité, qu’il n’y a pas d’antinomie entre l’identité et la modernité ; que concevoir les choses de cette manière, c’est voir l’identité se recroqueviller, s’étioler et perdre de sa force.

Mme Marie-Françoise Bechtel. C’est vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Parvenir à créer les conditions du dialogue entre identité et modernité, c’est donner à notre pays la force dont il a besoin, dans l’unité et l’indivisibilité de ses institutions, mais aussi dans le respect profond que la République doit réserver à ses identités, à ses territoires, à leur singularité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Reitzer.

M. Jean-Luc Reitzer. Messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, je pense que vous avez ressenti dans la solennité des propos tenus par nos collègues alsaciens que nous sommes désormais au cœur du débat qui va sceller – au moins jusqu’en 2017 – l’avenir de notre région, l’Alsace.

Messieurs les ministres, avez-vous entendu, tout au long de ce débat qui dure maintenant depuis plusieurs heures, une région aussi unie, aussi présente, aussi active que l’Alsace ? Assurément, non !

Plusieurs députés du groupe SRC. La Bretagne !

M. Jean-Luc Reitzer. J’ai volontairement tendu la perche à nos amis bretons, pour qu’ils puissent de nouveau rappeler leur volonté !

Avez-vous entendu une région aussi active que la Bretagne et l’Alsace ? Assurément non !

M. Frédéric Cuvillier. Le Pas-de-Calais !

Mme Marie-Françoise Bechtel. La Picardie !

M. Jean-Luc Reitzer. Pourquoi en est-il ainsi, mes chers collègues ? Tout simplement parce que vous touchez par votre proposition d’Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne à l’âme même de notre Alsace (exclamations sur les bancs du groupe SRC), comme l’a rappelé hier soir notre collègue André Schneider.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est ridicule !

M. Jean-Luc Reitzer. Il n’y a rien de ridicule dans mes propos, croyez-le !

M. Marc Le Fur. Ce sont eux qui sont ridicules !

M. Jean-Luc Reitzer. Ne l’oubliez pas : nous sommes aussi la voix de celles et ceux que nous représentons. On nous dit que nous devons nous marier avec la Lorraine et avec la Champagne-Ardenne pour avoir une taille à la hauteur des régions européennes.

Mais le problème de fond n’est pas la taille de nos régions, ce sont les compétences que l’on attribuera demain à ces régions, et des moyens. Quels moyens financiers va-t-on donner demain à nos régions ? Vous étranglez nos communes et nos départements par la baisse des dotations de l’État. Quels seront les moyens que vous donnerez demain à nos régions, et tout particulièrement à la région Alsace ?

Monsieur le ministre, je suis le dernier orateur alsacien à m’exprimer avant le vote sur ces amendements identiques. Je vous conjure, mes chers collègues, d’écouter les élus alsaciens et l’immense majorité des Alsaciennes et des Alsaciens qui se sont exprimé lors de manifestations, par des motions et des sondages qui affichent clairement leur position et leur souhait. Les Alsaciennes et les Alsaciens refusent le diktat du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous sentons que vous avez été touchés par l’attachement des élus alsaciens à leur région, mais quelles que soient vos belles paroles, nous sommes inquiets. Nous voulons une Alsace unie, non pas une Alsace repliée sur elle-même, mais ouverte au monde et au cœur de l’Europe.

M. Pascal Popelin. Mais l’Alsace ne disparaîtra pas !

M. Jean-Luc Reitzer. Dois-je rappeler que la région Alsace est, avec la région parisienne et la région Rhône-Alpes, la région de France qui accueille le plus grand nombre d’entreprises étrangères, qu’elles soient européennes ou asiatiques ? Messieurs les ministres, dans quelle société peut-on marier les gens contre leur gré ? Les députés alsaciens vous conjurent de ne pas commettre l’irréparable ! (Mêmes mouvements.) Nous ne sommes pas loin de l’arbitraire !

Je vous en supplie, ne faites pas le jeu des extrêmes, ne réveillez pas les vieux démons qui existent encore dans un certain nombre de nos régions. Laissez l’Alsace et la Bretagne maîtres de leur destin !

M. Marc Le Fur M. Thierry Benoit M. François de Rugy et Mme Barbara Pompili. Très bien !

M. Jean-Luc Reitzer. Ces régions de France vous disent ce soir avec tout leur cœur et toute leur conviction qu’elles sont attachées à leur terre, mais en même temps fidèles à la mère patrie, la France, que nous représentons ici. Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que ces amendements soient adoptés, pour que l’Alsace, la Bretagne et toutes les régions de France puissent être entendues et écoutées, ici à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Thierry Benoit. Excellent plaidoyer !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Mes chers collègues, je suis venu hier et ce soir pour entendre l’argumentaire de nos collègues alsaciens. J’espère l’avoir fait avec la plus profonde écoute. Mais au fur et à mesure que vous présentiez vos arguments avec passion, conviction, et parfois quelques dérapages, je repensais à la dernière visite que j’avais effectuée en Alsace, quelques jours avant un référendum.

Moi qui venais de l’extérieur de l’Alsace, j’en attendais beaucoup. Était-il possible qu’une région souhaite devenir une collectivité territoriale unique, rassemblée, avec son histoire, son économie et sa culture ? Il y avait là quelque chose d’exemplaire pour les autres territoires de la République.

M. Éric Straumann. Bravo !

M. Jean-Louis Dumont. Mes chers collègues, le résultat du référendum a été négatif. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. André Schneider. Le quorum n’a pas été atteint !

M. Jean-Louis Dumont. Nous savons dans quelles conditions les choses se sont déroulées.

J’ai rencontré lors de ce périple alsacien différentes personnes d’un milieu professionnel et militant particulier. Tous les bords politiques étaient représentés, du Haut-Rhin, du Bas-Rhin, des villes et des campagnes. Quand je suis rentré dans le train, j’étais satisfait de ce que j’avais entendu du mouvement HLM, mais dépité par rapport au référendum qui se déroulait. Et je me suis souvenu alors que lorsque j’étais rapporteur de la contribution française au budget de l’Europe, lors d’un tour de France des régions, j’avais choisi de terminer par l’Alsace. À l’époque, Adrien Zeller en était le président. J’avais passé une journée avec lui et j’avais rencontré un Européen profondément convaincu, ambitieux, et qui se projetait vers l’avenir pour sa région. Et je vous rappelle que c’était la seule région qui avait la délégation de gestion, la seule qui ait été pratiquement autonome dans ses choix, sa gestion et son avenir. Adrien Zeller a disparu trop tôt pour nous, car il était exemplaire dans sa démarche, et plus encore pour l’Alsace. Je ne fais pas référence à ce qu’il aurait fait, mais à ce qu’il faisait à l’époque.

Vous avez le droit de contester le rattachement, l’union – pas un mariage, c’est une union avec deux autres régions – je suis Lorrain, nous sommes de la Lotharingie – si vous me permettez de faire un peu d’humour historique – et nous sommes attachés au droit local.

Il m’est arrivé, lors de la discussion de la loi sur les caisses d’épargne, alors qu’il n’y avait pas de collègues de Moselle ou d’Alsace, de prendre la défense du droit local afin de l’étendre dans le cadre de la réforme des caisses d’épargne. Sincèrement, nous n’avons pas de réticence par rapport à toute cette histoire qui nous est rappelée. Elle démontre notre fragilité face aux vicissitudes de l’histoire.

Mes chers collègues, vous auriez pu être un peu plus respectueux par rapport à certaines régions. Il est vrai que deux présidents de région ont commencé à dialoguer, et tout le monde a adhéré à cette démarche. De deux présidents de région, nous sommes passés à trois. Si demain, vous avez la capacité de négocier avec le ministre, le Gouvernement, le Président de la République, l’Europe, ou peut-être d’attendre des jours meilleurs et une future majorité alternative comme cela a été dit hier, libre à vous.

Mais qui, aujourd’hui, prendrait le pari d’une déconstruction de la loi que nous sommes en train de discuter ? En tant que Lorrain, je voudrais simplement dire que ces trois régions rassemblées sont une chance pour cette nouvelle unité. C’est peut-être plus encore une chance pour l’Alsace. J’ai ressenti, à certains moments, que certains de vos responsables avaient conscience des fragilités qui se mesurent, aujourd’hui, sur les plans économique et social.

Des choix doivent être faits. Pour moi, le choix, c’est toujours l’union autour de projets porteurs d’une ambition collective et commune. Vous faites référence à la République, elle vous offre aujourd’hui un nouveau palier.

Hier, j’étais en Bretagne. Dans la salle, il y avait mille Bretonnes et Bretons rassemblés. Et chaque fois que dans cette salle, quelqu’un faisait référence aux quatre départements, il y avait toujours une voix, comme un écho, pour dire : « Et le cinquième ! »

Ne gâchons pas notre avenir, je voulais simplement témoigner que l’on peut vous écouter, que l’on peut entendre certains arguments mais que ce ne sont pas des arguments qui préparent l’avenir de la République, de l’Alsace, de la Lorraine et de la Champagne-Ardenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bies.

M. Philippe Bies. Je ne souhaite pas relancer le débat. Simplement, monsieur Hetzel, nous ne sommes pas ici à la fac et je ne suis pas votre élève en droit.

M. Patrick Hetzel. C’est bien dommage, vous en auriez bien besoin ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Monsieur Hetzel, s’il vous plaît !

M. Philippe Bies. Décidément… Je constate qu’alors que vous prétendiez respecter le règlement, vous avez été évacué par les huissiers. C’est bien qu’il y a un problème quelque part.

Pour le reste, je suis autant alsacien que vous. Et ce n’est pas parce que l’on dit des choses avec des trémolos dans la voix ou que l’on appelle l’histoire à la rescousse au risque de réveiller certains vieux démons, n’est-ce pas messieurs Reitzer et Schneider…

M. Jean-Luc Reitzer. C’est vous qui réveillez ces démons !

M. Philippe Bies. Méfiez-vous, car vous risquez de réveiller des choses que vous auriez du mal à maîtriser. Vous pointez le risque du Front national, du vote extrême. Mais faut-il vous rappeler, à vous, le niveau du vote extrême dans les secteurs les plus ruraux depuis dix ou vingt ans ?

M. Jean-Luc Reitzer. Pas grand-chose !

M. Philippe Bies. Je pense que nous, Alsaciens, devrions éviter de donner des leçons. Faisons preuve de pragmatisme et voyons quelle est la meilleure solution pour l’avenir de l’Alsace. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je l’ai déjà dit, le groupe écologiste n’a pas de parlementaire dans les trois régions concernées, Lorraine, Champagne-Ardenne et Alsace. Mais nous nous targuons de pouvoir avoir un point de vue sur un découpage même quand nous ne sommes pas directement concernés.

M. François Rochebloine. Nous sommes tous les élus de la nation !

M. François de Rugy. Il nous a parfois été reproché de défendre avec passion notre région, quand nous sommes directement concernés, mais nous défendons aussi une certaine vision qui a un écho dans plusieurs régions de France, et pas simplement dans les nôtres.

Si nous en sommes là aujourd’hui, c’est tout de même parce qu’il y a eu ce que je serais tenté d’appeler un jeu de bonneteau avec la carte des régions. Souvenons-nous, chers collègues, quelle que soit la région pour laquelle nous prenons la parole, qu’il était prévu au départ de fusionner la Champagne-Ardenne avec la Picardie. Tout le monde a alors dénoncé l’absurdité de cette fusion « champicardienne », comme certains l’avait appelée.

De ce fait, les choses ont bougé et l’on a proposé la fusion du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie, ce qui n’a pas forcément plu à tout le monde, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais, je pense que nous allons y revenir.

On se retrouve ainsi avec cette région Champagne-Ardenne-Lorraine-Alsace.

Je le répète tranquillement : certains collègues prétendent qu’une région est plus forte parce qu’elle est plus grande, mais ils savent que ce n’est pas vrai. En réalité, une région est plus forte si elle a plus de moyens et plus de compétences.

M. Thierry Benoit. Bien sûr !

M. François de Rugy. Le budget des régions est d’environ 400 euros par habitant en France, contre 4 000 euros par habitant en Allemagne. Voilà la vraie différence ! La force d’une collectivité ne réside pas dans la superficie de son territoire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. François de Rugy. Quand on a été élu local, on le sait bien : un territoire très étendu implique aussi des charges très lourdes. Nous ne sommes plus à l’époque où l’on faisait des conquêtes pour avoir le territoire le plus grand : ce n’est pas là que se joue aujourd’hui le développement de nos régions.

Par ailleurs, quelle sera la solidarité dans des régions où le sentiment d’appartenance sera faible ? En réalité, il n’y aura pas de projet partagé, mais un collage de projets différents, comme si plusieurs régions existaient à l’intérieur d’une seule.

Je comprends donc ce que vivent les Alsaciens, qui ont l’impression d’être les victimes collatérales d’un jeu de découpage touchant à d’autres régions.

M. Jean-Luc Laurent. Dans ce cas, il faut laisser la Bretagne telle qu’elle est ! Quelle incohérence !

M. François de Rugy. Je comprends les Alsaciens, qui étaient à la pointe d’une idée qui pouvait initialement nous rassembler, me semble-t-il, au-delà des clivages entre la gauche et la droite : celle de la fusion des départements et des régions. Le Premier ministre avait déclaré fort justement que l’aboutissement de cette réforme devait être la disparition des conseils généraux. C’est ce que nous continuons de penser. Monsieur le rapporteur, une collectivité qui regrouperait les compétences régionales et départementales, avec une identité forte, n’a rien à voir avec une collectivité régionale composée de deux conseils généraux, auxquels de nombreuses compétences auraient par ailleurs été retirées, qui n’aurait pas le même découpage et qui serait noyée au sein d’un ensemble beaucoup plus grand.

M. Frédéric Reiss. Bien sûr !

M. François de Rugy. Il faut le dire très clairement ! En regardant les choses à tête reposée, chacun peut le comprendre.

Enfin, permettez-moi de vous faire part d’une expérience. Le découpage auquel nous allons procéder est-il réversible ? Pourra-t-il être modifié par la suite ?

Mme Isabelle Le Callennec. Le mieux, c’est de ne pas le voter !

M. François de Rugy. J’ai parfois entendu dire qu’en cas d’alternance, dans quelques années, un nouveau gouvernement et une nouvelle majorité parlementaire pourraient revenir sur cette réforme. Or tout le monde sait très bien que ce serait très difficile. Nous sommes bien placés pour le savoir : l’expérience bretonne nous apprend que, plusieurs dizaines d’années après la création de la région Bretagne à quatre départements, à chaque fois que nous voulons modifier ce découpage, on nous répond que ce n’est plus possible à cause de solidarités qui se seraient créées, à cause de services communs, de plans, de schémas, de tous les machins qui lient un département à d’autres et dont il serait impossible de sortir.

M. Thierry Benoit. Absolument !

M. François de Rugy. Il faut entendre cela. C’est pourquoi le groupe écologiste a déposé l’amendement n9 visant à permettre à l’Alsace de vivre comme une collectivité pleine et entière, une collectivité régionale qui pourrait ensuite prendre en charge les compétences départementales, et même hériter de compétences de l’État – nous le répétons à chaque fois que c’est nécessaire, car nous pensons que la décentralisation ne consiste pas simplement à redistribuer les compétences entre les régions, les départements et les intercommunalités.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. François de Rugy. La décentralisation consiste aussi à transférer des compétences de l’État vers des collectivités suffisamment fortes pour qu’elles soient légitimes et qu’elles puissent hériter de compétences nouvelles.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous appelons à prendre toute la mesure de l’importance du vote auquel nous allons procéder ce soir pour la région Alsace. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs des groupes UDI et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Denaja.

M. Sébastien Denaja. L’un de nos collègues rappelait tout à l’heure les qualités universitaires de M. Hetzel. Même s’il a juridiquement raison, je crains malheureusement qu’il ait politiquement tort ce soir, puisqu’il est politiquement minoritaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Gaymard. Il ne faut pas dire ça ! Cela porte la poisse !

Mme la présidente. Si vous pouviez intervenir sur le fond, monsieur Denaja, cela nous permettrait d’avancer.

M. Sébastien Denaja. C’est sur le fond du problème que porte mon intervention, madame la présidente. Je respecte la mobilisation de nos collègues alsaciens du groupe UMP, je respecte les arguments qu’ils ont avancés ce soir, mais je constate qu’ils sont seuls. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Ce n’est pas vrai ! Des députés du groupe UDI les soutiennent !

M. Sébastien Denaja. À part quelques députés d’autres régions qui sont présents, il n’y a personne dans votre groupe !

M. André Schneider. Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Sébastien Denaja. Vos électeurs sauront que c’est l’UMP qui vous a abandonnés au sort que vous semblez déplorer. Vous avez bénéficié ce soir du soutien d’un prétendant à la présidence de l’UMP, mais ce n’est qu’un soutien moral. Où sont les troupes qu’il aurait pu dépêcher ce soir pour tenter d’assurer à l’Alsace l’avenir que vous lui souhaitez ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous ne voulons pas d’une Alsace qui soit seule. C’est ce message que je veux assumer, au nom du groupe SRC. Vous avez entendu les engagements forts que le ministre de l’intérieur vient de réitérer quant à la place de Strasbourg, dont nous faisons un enjeu national, et à son statut de capitale européenne.



La carte des régions est aussi un enjeu national, un enjeu républicain.

M. Philippe Le Ray. Non, c’est du blabla !

M. Sébastien Denaja. C’est un enjeu pour la République. Je le dis très sincèrement : la France a besoin d’un équilibre entre ses régions.

M. Laurent Furst. Le parti socialiste, ce n’est pas la France !

M. Sébastien Denaja. La France a besoin que se forme, au nord-est, une région grande et puissante. Pour que cette région puisse se constituer, elle a besoin de l’Alsace, d’une Alsace forte. Là encore, la majorité vous donne des gages quant à la capacité que vous aurez, à l’avenir, à faire valoir votre identité, votre culture et votre histoire dans l’unité. La loi vous permettra de forger l’unité alsacienne au sein du grand ensemble qui va se former à l’est de notre pays. Il faut saisir ces opportunités et savoir se tourner vers l’avenir avec un enthousiasme plus fort que celui dont vous faites preuve aujourd’hui. C’est parce qu’ils ne veulent pas laisser les Alsaciens seuls que les députés du groupe SRC voteront contre ces amendements. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Demandez des comptes à vos amis !

M. Claude Sturni. Que vous êtes bons avec nous !

M. Alexis Bachelay. Vous devriez nous remercier ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Je veux commenter les propos de notre collègue Sébastien Denaja, qui vient de nous rappeler cette merveilleuse formule qui date de 1981, si je ne m’abuse,…

M. Jean-Louis Dumont. En effet ! J’y étais !

M. Hervé Gaymard. C’était au congrès de Valence !

M. Benoist Apparu. …en nous disant que nous avions juridiquement tort parce que nous étions politiquement minoritaires.

M. Bernard Roman. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

M. Benoist Apparu. J’avais espéré que cette formule ne serait plus prononcée dans cet hémicycle. Elle me rappelle une citation tout aussi célèbre de Louis Mermaz, je crois : « II ne faut pas non plus dire : des têtes vont tomber, comme Robespierre à la Convention, mais dire lesquelles et le dire rapidement ! » (« Quilès ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, merci de laisser l’orateur s’exprimer.

M. Benoist Apparu. Si vous le voulez bien, évitons le retour de ce type de formule qui n’élève pas le débat dans notre hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Laurent. Encore faudrait-il connaître l’auteur des formules que l’on cite !

M. François Lamy. C’est comme si vous confondiez Sarkozy et Juppé !

Mme la présidente. Un peu de calme, s’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Benoist Apparu. Revenons au fond du débat. Le ministre vient de déclarer que l’objectif du Gouvernement était de donner de la puissance aux régions. Un certain nombre d’orateurs lui ont répondu, à juste titre, qu’il y avait une confusion gigantesque entre la taille et la puissance. Jusqu’à preuve du contraire, la puissance des régions allemandes, espagnoles ou italiennes ne tient pas à leur taille, mais aux compétences qu’elles exercent et à leur poids financier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Il s’agit là de confusions très masculines ; il n’en demeure pas moins qu’elles ne reposent sur aucune réalité. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Je veux revenir au débat que les Alsaciens viennent d’évoquer. En ce qui me concerne, je ne suis pas alsacien. L’histoire, les identités ont une signification, et on ne peut pas les rayer d’un trait de plume. Si vous aviez réalisé une étude d’impact démontrant la pertinence de la fusion que vous programmez en termes démographiques, économiques et de transport, nous pourrions peut-être vous suivre. Si vous aviez indiqué que vous faisiez le choix de l’autonomie plutôt que celui de la décentralisation pour muscler les compétences des territoires, nous pourrions éventuellement vous suivre. Mais, à compétences identiques ou quasi-identiques hier et demain, votre carte ne tient pas la route. Les identités doivent être respectées.

M. Paul Molac. C’est vrai !

M. Benoist Apparu. Enfin, monsieur le ministre, je vous ai entendu il y a quelques instants préciser quelle serait, si j’ai bien compris, la capitale de cette future région. Apparemment, les décisions ont été prises. Peut-être devriez-vous publier le nom des futures préfectures de région. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Sur l’ensemble de nos bancs, j’imagine que nous attendons tous avec impatience de savoir quelles seront les préfectures des nouvelles régions. Monsieur le ministre, vous venez d’annoncer quelle ville sera la préfecture de la région Champagne-Ardenne-Lorraine-Alsace, dont notre assemblée décidera sans doute la création dans quelques instants. Je vous remercie de donner à tout le monde la liste des préfectures de région, afin que nous puissions voter en sachant qui sera quoi sur votre future carte. Il me semble que cette information est importante pour tout le monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alexis Bachelay. Voulez-vous aussi les noms des préfets de région ?

(L’amendement n90, repoussé par la Commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 30 et 116 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix, par scrutin public, les amendements identiques nos 9, 70, 87, 88, 89, 102, 137, 157, 160, 165 et 219.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants87
Nombre de suffrages exprimés87
Majorité absolue44
Pour l’adoption30
contre57

(Les amendements identiques nos 9, 70, 87, 88, 89, 102, 137, 157, 160, 165 et 219 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n124 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 141 et 218, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Kléber Mesquida, pour soutenir l’amendement n141.

M. Kléber Mesquida. Après l’ouest breton et l’est alsacien, nous revenons dans le grand sud. Un soir, le Président de la République avait fixé le nombre de régions à quatorze. À l’issue des travaux de la commission, nous en sommes à treize : nous pouvons donc en rétablir une.

L’amendement n141 vise à séparer la région Languedoc-Roussillon de la région Midi-Pyrénées, en proposant un nouveau découpage fondé sur des critères à la fois économiques et historiques respectant mieux l’équilibre de ces territoires. Une réelle disparité existe entre ces deux territoires, dans leur développement économique et urbain. Le Languedoc-Roussillon a fait le choix d’un maillage territorial organisé autour de l’arc méditerranéen, composé de plusieurs pôles urbains dynamiques, tandis que Midi-Pyrénées se caractérise par une concentration de la population dans la grande agglomération toulousaine, la densité étant beaucoup plus faible dans le reste de la région.

La région Languedoc-Roussillon est dynamique. Sa croissance démographique lui permettra très probablement d’atteindre une population de 3 millions d’habitants en 2025. Cette région est la quatrième région touristique de France, grâce notamment au succès de la mission Racine qui a structuré les stations du littoral méditerranéen. Elle est également la première région en termes de créations d’entreprises innovantes. Grâce à une politique volontariste, ce territoire a mis en place un label « Sud de France » qui rayonne maintenant dans le monde entier et contribue largement au dynamisme de son commerce extérieur. Avec un PIB de plus de 60 milliards d’euros, cette région, classée sixième en termes de création nette d’emplois, est dotée d’un budget de plus de 1,2 milliard d’euros, dont elle consacre 44 % à l’investissement et aux équipements, comme je l’ai rappelé tout à l’heure. C’est pourquoi les huit parlementaires du Languedoc-Roussillon ayant cosigné cet amendement considèrent que cette région a tous les éléments pour rester autonome.

Elle ne fait pas ombrage à la région Midi-Pyrénées qui présente les mêmes critères, les mêmes paramètres et qui peut poursuivre son développement. David Habib et Martine Lignières-Cassou ont rappelé qu’elle est davantage tournée vers une coopération interrégionale avec l’Aquitaine qu’avec le Languedoc-Roussillon.

Enfin, cette région est dotée d’une métropole… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC car des députés alsaciens se font photographier par l’un de leurs collègues.)

Mme la présidente. Je vous en prie, chers collègues. Nous sommes en séance publique. Veuillez poursuivre, monsieur Mesquida.

M. Kléber Mesquida. À partir du 1er janvier 2015, Montpellier deviendra métropole. Nous avons donc une locomotive métropolitaine pour irriguer cette région. Les cinq départements de la région Languedoc-Roussillon ont suffisamment de consistance pour faire en sorte que la nouvelle carte des régions procède de la volonté des assemblées délibérantes.

Je rappelle que, dans une délibération, la région Languedoc-Roussillon a, à l’unanimité, voté en faveur du maintien de la situation actuelle. Les collectivités alentour ont également l’intention d’appuyer cette démarche, et je ne parle pas des populations. Depuis quelques semaines, je me déplace chaque week-end dans l’une des grandes villes de ce territoire héraultais et partout, les Héraultais souhaitent rester rattachés à la région Languedoc-Roussillon.

La démocratie consiste à écouter la voix du peuple et c’est le porte-parole d’une partie du territoire héraultais qui le dit aujourd’hui. Mes chers collègues, je vous remercie de l’appui que vous apporterez à cette démarche réfléchie, volontaire et pesée.

M. Christian Assaf. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n218.

Mme Jeanine Dubié. Le présent amendement propose de revenir sur la carte des régions adoptée par le Sénat, en séparant les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. Nous vous avions proposé d’autres scénarios, notamment une grande région Sud Pyrénées qui aurait regroupé Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Cette entité aurait pris en compte l’ensemble de la chaîne des Pyrénées, de la Méditerranée jusqu’à l’Atlantique et aurait eu une véritable dimension européenne en travaillant dans le cadre des relations transfrontalières avec l’Espagne.

Vous avez refusé cette proposition, vous n’avez pas entendu nos arguments. Nous avons ensuite proposé une fusion avec la région Aquitaine. Nous n’avons pas davantage été entendus. Alors plutôt que d’être mariés de force avec une région dans laquelle nous ne nous retrouvons pas, nous préférons rester seuls.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Hélène Fabre.

Mme Marie-Hélène Fabre. Nos deux régions, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, sont complémentaires et leur fusion tombe sous le sens. Rien ne justifie que le Languedoc-Roussillon reste isolé au moment où les autres régions fusionnent. À l’image du canal du Midi dont l’un des objectifs était, au XVIIe siècle déjà, de resserrer les complémentarités économiques entre ces deux régions, les coopérations se sont multipliées ces dernières années.

Ce n’est pas un hasard. L’euro région Pyrénées-Méditerranée associant Catalogne, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et Baléares, le pôle de compétitivité « Eau » qui réunit Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon ou encore le pôle de compétitivité Derbi consacré aux énergies renouvelables dans le bâtiment et l’industrie, ces exemples témoignent que la force des complémentarités interrégionales s’impose déjà à nous.

Il me semble bénéfique pour tous d’additionner les forces de ces deux régions pour en faire un nouveau territoire à l’échelle des grandes régions européennes avec un PIB de 144 milliards d’euros. La nouvelle région qui résultera de cette fusion constituera un exemple d’une région plus grande, plus efficace, plus attractive avec près de six millions d’habitants et un PIB moyen par habitant de l’ordre de 25 000 euros.

Elle sera située à la convergence d’axes économiques importants au cœur de la grande euro-région Pyrénées-Méditerranée avec la puissante Catalogne et les îles Baléares. Cette nouvelle région dispose déjà de six pôles de compétitivité et de quarante-trois laboratoires d’excellence dans bien des domaines, la viticulture, l’agriculture bien sûr, mais aussi le tourisme ou l’aéronautique.

Nos atouts respectifs ou communs nous donneront une réelle force de frappe et avec l’ouverture qu’offre la plupart des départements de la région Languedoc-Roussillon sur la Méditerranée, nous disposerons bien entendu d’un fort potentiel de développement dans la fonction logistique et les transports.

Enfin, et cela me semble un point fondamental, les deux régions actuelles ont très longtemps formé une seule et même province. Nous avons une histoire et une culture communes. Cette fusion sera un véritable levier pour le développement de nos langues régionales et l’épanouissement de notre identité occitane. C’est pourquoi, mes chers collègues, je ne voterai pas l’amendement de notre collègue Mesquida car je ne veux pas laisser passer cette chance historique, cette nouvelle architecture territoriale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Émilienne Poumirol. Bravo.

(L’amendement n141 n’est pas adopté.)

(L’amendement n218 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman, pour soutenir l’amendement n110.

M. Bernard Roman. Notre débat est loin d’être médiocre, mes chers collègues. Le dernier débat relatif au périmètre de nos régions remonte maintenant à plus de trente ans, au moment où celles-ci ont été érigées en collectivités territoriales et vingt ans après la création des territoires régionaux, assez peu modifiés au début des années 1980.

Il n’est pas inutile – même si les arguments sont parfois contestables et contestés de part et d’autre – d’entendre des députés sur tous les bancs demander que l’on réexamine une carte qui a été modifiée depuis que l’exécutif en a fait une première présentation.

S’agissant du présent amendement, je m’autorise à vous demander, monsieur le ministre, de ne pas répondre de façon mécanique et j’adresse la même demande au rapporteur.

M. Kléber Mesquida. Très bien.

M. Bernard Roman. Vous serez tentés de répondre qu’en première lecture, vous avez présenté une carte à treize régions laquelle a recueilli une majorité relativement nette et que l’Assemblée aura le dernier mot. Et si vous proposez la même carte, en deuxième lecture, vous obtiendrez la même majorité, et c’est sans doute vrai.

Cela dit, c’est minorer le rôle du Parlement que de penser que, parce qu’un texte a obtenu une large majorité en première lecture, il ne doit pas être modifié au cours de la navette parlementaire et par les débats entre la première lecture et la lecture définitive.

M. Jean-Marc Germain. Très bien.

M. Claude Sturni et M. Laurent Furst. Très juste.

M. Bernard Roman. Je défends modestement cette proposition non pas au nom d’une identité, car tel n’est pas le cas, ni au nom des parlementaires unanimes de la région Nord-Pas-de-Calais, car tel n’est pas le cas non plus, mais au nom d’une réflexion que nous sommes un certain nombre à partager. Le présent amendement dont la portée est assez modeste, n’entraînera aucune conséquence en cascade, car il ne conduira pas à réexaminer la situation d’autres régions si nous l’adoptons.

Il propose de passer de treize à quatorze régions sans abandonner l’idée de fusionner le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie – ce qui n’était pas envisagé dans la carte initialement proposée par l’exécutif – mais d’inscrire cette fusion dans le temps, et d’y parvenir progressivement en se référant aux clauses relatives à la fusion prévues à l’article 3 pour les départements et que l’on pourrait étendre aux régions.

Pourquoi une telle proposition ? Je ne reviens pas sur les arguments liés à l’identité, il y a des gens qui se sentent Picards ou Flamands dans le Nord-Pas-de-Calais. Il ne s’agit nullement d’une question d’identité. Nous appartenons tous à une région. Et en Picardie, certains sont dans la sphère d’attractivité de Lille, la capitale actuelle de la région Nord-Pas-de-Calais, et d’autres, du côté de l’Oise ou de Compiègne, dans celle de Paris. Cela n’empêchera pas de construire une grande région, si nous souhaitons le faire, au nord du pays.

Nous faisons cette proposition car nous avons besoin de construire les complémentarités entre les deux régions. En nous donnant trois ans, comme cela est prévu à l’article 3 pour la clause d’adhésion de départements à une autre région, nous mettons tous les atouts de notre côté pour construire au mieux cette région et cette complémentarité.

L’histoire de la région Nord-Pas-de-Calais et de la région Picardie ces trente dernières années, a plus été faite de compétition que de complémentarité, je le dis sans aucune intention de heurter quiconque. Nous avons une chance immense aujourd’hui de construire cette complémentarité, si l’on nous accorde le temps nécessaire.

Avec le canal Seine-Nord, le Gouvernement a décidé de lancer le premier projet européen d’infrastructures de transport au nord du pays. Si l’on nous en donne la possibilité, nous pouvons construire cette complémentarité autour de ce projet. Les rivalités ont marqué l’histoire de nos deux régions dans le cas de l’aéroport, comme du combat épique et digne qu’ont mené Pierre Mauroy, au nom de la région Nord-Pas-de-Calais, et Gilles de Robien au nom de la région Picardie pour le trajet du TGV nord entre Lille et Amiens – débat que Jacques Chirac a ensuite tranché en faveur de Lille.

Cet esprit de compétition, nous voulons l’anéantir si l’on nous en donne le temps et les moyens. Je ne parle pas au nom de la population qui n’a pas été consultée, ni au nom de la majorité des parlementaires de la région à laquelle j’appartiens, la région Nord-Pas-de-Calais, même si je pense qu’une majorité d’entre eux soutient notre proposition. Je parle au nom du président de la région Nord-Pas-de-Calais, au nom des conseillers régionaux du Nord-Pas-de-Calais qui ont voté unanimement, hormis le Front national, pour demander que la région Nord-Pas-de-Calais reste seule dans un premier temps, et au nom des deux présidents des conseils généraux du Nord et du Pas-de-Calais.

M. Frédéric Cuvillier. Non.

M. Bernard Roman. Ils l’ont fait dans un esprit constructif, et non exclusif. Il ne s’agit pas de dire non. Il s’agit de dire oui, mais mieux. Il ne s’agit pas de procéder à des modifications en cascade. Il s’agit seulement, monsieur le ministre, de passer de treize à quatorze régions pour trois ans afin de nous permettre, dans les meilleures conditions possibles, de réaliser cette grande région au nord de la France.

La majorité à laquelle nous sommes parvenus sur la carte en première lecture était transpartisane, ce qui montre que le débat n’est pas médiocre. Ce n’est pas un débat politicien. Il porte sur l’aménagement du territoire et la construction de la nation décentralisée que nous voulons pour demain.

Un amendement présenté par un membre de l’opposition, absent ce soir, allait dans le même sens que le nôtre. J’aurais aimé que nous puissions confronter nos arguments et vérifier que la belle majorité qui a été obtenue en faveur d’une carte à treize régions, nous ne pourrions pas l’obtenir pour une carte à quatorze régions, cela uniquement dans un esprit constructif.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Quelle belle critique de la méthode gouvernementale, monsieur Roman ! Il y a eu en effet un manque total d’écoute des élus des territoires.

Cela étant, ce que vous demandez pour le Nord-Pas-de-Calais, vous ne l’accordez pas à l’Alsace.

M. Patrick Hetzel. Très juste.

M. Daniel Fasquelle. S’il suffit de s’en remettre à l’avis unanime des élus d’un territoire pour changer la carte, il faut le faire pour tous.

M. Bernard Roman. J’ai dit le contraire.

M. Daniel Fasquelle. Et il fallait commencer pour l’Alsace.

M. Jean-Luc Laurent. Vous n’avez pas bien écouté.

M. Daniel Fasquelle. Vous refusez d’écouter les élus d’Alsace et les élus bretons, mais vous voulez que l’on écoute les élus du Nord-Pas-de-Calais !

Mais vous en avez parlé un peu vite. Je fais partie des élus du Nord-Pas-de-Calais, et nous sommes nombreux à ne pas être d’accord avec votre proposition. Nous pensons que s’il doit y avoir une fusion, la région Picardie a davantage vocation à fusionner avec la région Nord-Pas-de-Calais qu’avec la région Champagne-Ardenne.

Mme Marie-Françoise Bechtel. C’est vous qui le dites.

M. Daniel Fasquelle. En réalité, la vraie solution, que j’ai proposée par des amendements que votre majorité a malheureusement refusés, était de rattacher la Somme à la région Nord-Pas-de-Calais, l’Oise, comme le souhaite M. Woerth, à la région Île-de-France et l’Aisne à la région Champagne-Ardenne. Ce dispositif aurait été cohérent, mais vous n’avez pas voulu descendre au niveau des départements. C’est une erreur, qui est à la source d’un bon nombre des problèmes que nous rencontrons dans ce découpage. Il eût pourtant été beaucoup plus intelligent, en termes de méthode, de descendre au niveau des départements et d’écouter les élus des territoires, plutôt que de griffonner une carte sur un coin de table à l’Élysée, un dimanche après-midi, en rapprochant de force des régions qui ne veulent pas se rapprocher. Dans la Creuse, où je me trouvais hier soir, les élus sont scandalisés qu’on les rattache à la région Aquitaine, et vous retrouverez les mêmes remarques formulées par de nombreux élus partout en France.

Toujours pour ce qui concerne la méthode, il fallait d’abord savoir quelles compétences donner aux régions et aux départements, avant de vous lancer dans ce découpage administratif qui n’a aucun sens et sur lequel, bien évidemment, nous reviendrons en 2017 – je le dis notamment pour nos amis bretons et alsaciens.

Pour ce qui est de la fusion, il faut attendre, dites-vous. Pourquoi attendre pour la région Nord-Pas-de-Calais et pas pour les autres régions en France ? Vous nous dites que vous ne voulez pas vous marier avec les pauvres de Picardie …

M. Bernard Roman. Je n’ai pas dit ça !

M. Daniel Fasquelle. C’est ce que dit Mme Martine Aubry …

Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas ce qu’elle dit !

M. Daniel Fasquelle. … et ce qui figure dans l’exposé des motifs de votre amendement. Vous dites aussi que cette grande région renforcera le Front National. Ce sont là des arguments pauvres et dangereux utilisés par certains socialistes, dont Martine Aubry et par vous-même ce soir, pour refuser de la fusion Nord-Pas-de-Calais-Picardie.

Plusieurs députés du groupe SRC. Non !

M. Daniel Fasquelle. Il faut regarder les choses d’une manière complètement différente. Je ne suis pas favorable à une région Nord-Pas-de-Calais qui va se recroqueviller et se refermer sur elle-même. Je crois au contraire qu’elle doit s’ouvrir aux autres, notamment à la région Picardie, avec laquelle nous avons beaucoup à partager. Le picard, même si on ne le parle pas dans toute la région Nord-Pas-de-Calais ni dans toute la région Picardie, est ainsi un patrimoine que nous avons en commun, comme l’histoire, la géographie et même l’économie, à commencer par le tourisme, secteur d’activité porteur qui sera dynamisé par la fusion de nos deux régions – je pense par exemple au tourisme de la Côte d’Opale et de la côte picarde qui, par bien des aspects, peuvent se rejoindre. Je pense également à l’agriculture, à l’agroalimentaire et aux transports, auxquels vous avez fait allusion.

Vous avez, en réalité, plusieurs guerres de retard. Si vous vous intéressiez à ce que font aujourd’hui les entreprises, vous sauriez qu’il ne s’agit pas de compétition, comme vous le prétendez. Il y a longtemps, en effet, que les acteurs de terrain ne sont plus dans la compétition – c’est vous qui y êtes –, mais dans le rapprochement et dans l’union entre les deux régions. Je vous renvoie à la liste impressionnante que j’avais établie lors de l’examen du texte en première lecture, recensant les entreprises qui, dans tous les domaines, ont déjà réalisé la fusion entre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie. Je tiens également à votre disposition la liste tout aussi impressionnante des organisations professionnelles qui ont également réalisé cette fusion, ainsi que des organismes publics, comme la chambre régionale des comptes – « régionale » en ce qu’elle couvre une région Nord-Pas-de-Calais-Picardie – et l’IFREMER. Là encore, la liste est longue. En réalité, les acteurs publics ou privés ont déjà réalisé cette fusion. Vous avez franchement du retard par rapport à la réalité économique et vous ne prenez pas assez en compte la réalité historique, géographique et sociale.

Oui, s’il doit y avoir une fusion, la logique veut que cette fusion se fasse entre la région Nord-Pas-de-Calais et la région Picardie, même si je regrette qu’on n’ait pas détaché les départements ni fusionné, comme je le souhaitais, la Somme avec la région Nord-Pas-de-Calais.

M. Marc Le Fur. C’était ça, la solution !

M. Daniel Fasquelle. Puisque vous nous obligez à faire se rapprocher des régions tout entières, je maintiens que c’est la bonne solution, comme le pensent du reste aussi des députés socialistes du Nord-Pas-de-Calais et de Picardie, car il ne s’agit pas d’un débat droite-gauche, mais d’un débat de bon sens.

Écoutons les habitants, soyons à l’unisson des réalités économiques, géographiques et sociales et prenons ce soir une décision de bon sens. Puisque vous voulez à tout prix rapprocher les deux régions, rapprochons les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie pour faire une grande région ch’ti.

M. Jean-Louis Bricout. Bravo !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ? Je vous prie de m’excuser, monsieur le rapporteur, car j’aurais dû vous le demander avant de donner la parole à M. Fasquelle.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Je ne répondrai pas de façon mécanique aux arguments de M. Roman, par ailleurs questeur de notre assemblée. Je ne veux pas non plus que le débat soit travesti par des propos qu’il n’a tenus ni en commission, ni dans cet hémicycle, ni lors de l’examen du texte en première lecture, ni en deuxième lecture. Il faut entendre les arguments de M. Roman, qui sont respectables.

M. Roman demande du temps pour fusionner les deux régions. Il sait tout ce qui lie déjà les deux régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie, notamment le travail accompli depuis fort longtemps par différentes agences et institutions, ainsi que par le Gouvernement, autour du canal Seine-Nord. Nous sommes désormais au pied du mur et il faut maintenant décider – je le dis avec amitié et avec respect pour le travail de M. Roman et des élus du Nord, du Pas-de-Calais et de Picardie. Je pense qu’ils pourront faire ensemble, dans le même hémicycle, le travail commun qu’ils ont à faire et que ce qui a déjà été mis en place par l’État et par des entreprises pourra trouver son juste prolongement dans ce futur conseil régional.

C’est ce qui a poussé une majorité de nos collègues, en commission et dans l’Hémicycle en première lecture, puis en commission en deuxième lecture, à maintenir la carte proposée. Cette position ne s’explique pas par d’autres arguments ou considérations qui pourraient peut-être se révéler très importants, mais qui ne se sont pas exprimés au sein de notre hémicycle.

Pour toutes ces raisons, je formule au nom de la commission un avis défavorable. Je pense cependant, comme M. Roman, que notre débat peut se maintenir à un bon niveau de qualité d’arguments et ne pas tomber dans la médiocrité.

M. Daniel Fasquelle. Qu’est-ce que ça veut dire ?

M. Jean-Patrick Gille. Que vous avez été médiocre ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous sommes parvenus à un stade du débat sur la carte régionale où non seulement tous les arguments doivent être entendus, pour nous assurer que le choix que nous ferons ensemble sera le bon, mais où nous devons aussi, en nous écoutant et en essayant de nous mettre à la place de l’autre lorsqu’il développe ses arguments, être capables de vérifier que tous les arguments que nous développons sont bien les bons.

Pour moi, cette fusion doit être regardée à travers le seul prisme de la réalité des coopérations et des synergies qui existent déjà et de celles qui sont susceptibles d’être développées demain si ces deux régions se rapprochent davantage. C’est du reste l’argument que vous avez développé vous-même : vous ne dites pas qu’il n’y a pas de raison de fusionner ces deux régions, vous vous dites prêt à le faire, mais vous considérez que les synergies qui existent aujourd’hui entre elles ne sont pas suffisantes pour que l’on puisse déjà procéder à cette fusion. C’est donc à partir de votre argument que je développerai le mien pour cheminer avec vous et voir s’il est utile de le faire ou non.

Je prendrai quelques exemples très concrets de coopérations qui existent entre les deux régions, pour les examiner au regard de l’ambition de fusion exprimée par le Gouvernement et par le Parlement – car c’est ce dernier, et non pas le Gouvernement, qui l’a initialement proposée et votée.

D’abord, la situation géographique des deux régions offre objectivement de vraies opportunités de regroupement. Le Nord-Pas-de-Calais se situe au carrefour des relations européennes, avec des ouvertures maritimes et terrestres très significatives vers certains pays d’Europe du Nord, qui permettent à la région de développer des relations privilégiées avec ces pays. De son côté, la Picardie est adossée à la région Île-de-France, qui est l’une des premières régions économiques européennes. La future région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, si elle était constituée, constituerait donc un pôle économique assurant l’articulation entre un pôle de développement très important – la région Île-de-France – et les zones les plus dynamiques de l’Europe du Nord. Sa population globale bénéficierait des retombées économiques du principal axe commercial intracommunautaire de France. C’est là un élément très structurant que nous constatons ensemble.

Cette future grande région est en outre déjà structurée du Nord au Sud par des axes routiers et des infrastructures qui existent et que nous n’aurons donc pas à faire pour conforter la fusion : les autoroutes A1, A16 et la ligne à grande vitesse Thalys. Combien de régions qui vont fusionner bénéficient-elles d’infrastructures routières et ferroviaires aussi structurantes ? (Exclamations sur divers bancs.) Ce n’est en tout cas pas la Normandie.

Cet axe sera renforcé en 2023 grâce au percement du canal Seine-Nord que vous venez d’évoquer et qui constituera un moteur supplémentaire du développement de la région en permettant un renforcement important du transit économique vers le Nord de l’Europe. Une grande région située au Nord de la France et reliée à la région parisienne renforcera par ailleurs l’attractivité et le rayonnement d’une métropole européenne qui s’appelle Lille et son rôle de carrefour entre Londres, Paris et Bruxelles, compte tenu de son positionnement barycentrique.

Le rapprochement permettra en outre aux entreprises picardes de bénéficier d’un meilleur accès aux infrastructures du port de Dunkerque, ce qui, en termes de relations entre les grandes infrastructures portuaires et les hinterlands, n’est pas totalement négligeable. Dunkerque est en effet le troisième grand port maritime national, premier port français pour le trafic, hors produits pétroliers, et deuxième port français pour les échanges avec la Grande-Bretagne.

Enfin, d’autres synergies existent entre les deux régions – je le dis par honnêteté dans le débat. Les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie présentent des similitudes économiques importantes. Toutes deux disposent en particulier d’un fort secteur industriel et manufacturier, qui représente 21,7 % et 24,4 % de la population active, contre 20,4 % environ au plan national. Des collaborations interrégionales fortes existent également dans le domaine des transports – je parle sous le contrôle des parlementaires qui connaissent bien ce sujet. L’Association des industries ferroviaires Nord-Pas-de-Calais-Picardie ne regroupe pas moins de 130 entreprises du secteur et le pôle de compétitivité i-Trans, spécialisé dans le domaine des transports terrestres durables et de la logistique, fédère depuis 2005 les principaux acteurs de l’industrie, de la recherche et de la formation dans les deux régions concernées. Ces coopérations existent également dans le domaine de l’industrie textile, comme l’atteste le pôle de compétitivité UP-tex, actif depuis 10 ans et totalement interrégional.

Des synergies existent également d’un point de vue institutionnel. Les espaces couverts par les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie ont déjà associé les deux régions au sein de nombreux programmes de coopération, dont trois programmes établis dans le cadre du programme Interreg IV : « France-Wallonie-Vlaanderen », « 2 mers, sees, zeeën » et « Manche-Channel ».

Ce projet reçoit par ailleurs un petit soutien de l’opinion publique : selon un sondage BVA pour la presse régionale, publié en 2014, les deux tiers des habitants de Picardie et du Nord-Pas-de-Calais sondés se disent favorables à un regroupement de leurs régions. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Le Fur. Vous utilisez des sondages ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Les habitants de la Picardie se déclarent favorables à cette fusion à hauteur de 64 % et ce chiffre atteint 66 % pour les habitants du Nord-Pas-de-Calais sondés. Je précise que ce n’est qu’à la fin de mon propos que j’évoque l’argument du sondage, car il ne s’agit pas là d’un argument prévalent.

M. Marc Le Fur. Vous nous rassurez !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Les arguments prévalents, ce sont tous ceux que j’ai évoqués précédemment.

Voilà les éléments objectifs. On peut les juger insuffisants, mais on ne peut pas considérer qu’ils n’existent pas. Je les intègre donc au débat de façon objective, afin de dire au Parlement, qui a fait le choix de cette fusion – laquelle ne figurait pas sur la carte initiale du Gouvernement –, qu’il l’a certainement fait après avoir réfléchi aux éléments que je viens d’indiquer et qui ne sont pas certainement pas négligeables car, s’ils l’étaient, j’imagine que le Parlement n’aurait pas fait ce choix. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Je viens d’écouter avec attention M. le ministre, lequel a dressé une longue liste qui témoigne des coopérations et des synergies existant d’ores et déjà entre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie. Il nous a demandé d’attester avec lui le fait que ces coopérations existent, mais il nous a dit aussi qu’on pouvait considérer qu’elles n’étaient peut-être pas suffisantes – en effet ! C’est la raison pour laquelle nous avons, avec un certain nombre de mes collègues du Nord, déposé cet amendement car nous considérons que si ces coopérations et ces synergies existent aujourd’hui, elles ne sont pas suffisantes pour que le rapprochement auquel nous sommes favorables s’opère dans le même délai que le rapprochement d’autres régions.

Nous sommes, et je voudrais le souligner à nouveau, favorables à cette réforme territoriale ; nous sommes favorables à la fusion d’un certain nombre de régions et à ce découpage régional ; nous sommes favorables également au rapprochement entre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie. Mais nous considérons que les coopérations sont insuffisantes au regard d’un certain nombre de difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Bernard Roman a rappelé combien la concurrence n’a pas encore tout à fait réussi à s’effacer derrière les complémentarités ; peut-être pourrions-nous parler, je pense que ce n’est pas injurieux que de le faire, des difficultés existant dans ces deux régions, Nord-Pas-de-Calais et Picardie à côté de ces coopérations et de ces synergies.

J’ai écouté attentivement tout à l’heure le débat concernant tant l’Est que le Sud ; j’ai entendu des collègues parler de la richesse de leur région, du PIB, de la manière dont certains souffraient, dont d’autres souffraient moins, des raisons pour lesquelles les partenariats devraient se faire ou se défaire. Je pense que ce sont des arguments que l’on peut aussi entendre pour le Nord-Pas-de-Calais et pour la Picardie.

Parler de ces difficultés, évoquer la pauvreté d’un certain nombre de territoires, pour un élu du Touquet, cela signifie peut-être stigmatiser la Picardie ; mais je peux vous dire, monsieur Fasquelle, que quand on est comme moi, comme Bernard Roman, comme Anne-Lise Dufour, députés des quartiers populaires de Lille ou de Denain, parler de pauvreté ne signifie pas stigmatiser la Picardie : nous pensons à nos propres quartiers, à nos propres territoires, nous nous demandons si la métropole lilloise, si dynamique, si forte soit-elle, est réellement en capacité de tirer une région encore plus grande que la région Nord-Pas-de-Calais – région que nous avons déjà du mal à tirer malgré les efforts que nous pouvons faire les uns et les autres, sur tous les bancs et dans toutes les collectivités.

Se poser la question n’est ni injurieux, ni stigmatisant : il s’agit juste de tenir compte d’une réalité économique et sociale qui se trouve être particulièrement difficile, dans le Nord comme dans le Pas-de-Calais et en Picardie. Telles sont les raisons pour lesquelles, en dépit des synergies et des coopérations, nous sommes certes favorables au rapprochement, mais à la condition, comme l’a très bien dit Bernard Roman, d’obtenir un peu de temps.

Nous pensons que le chiffre treize, qui pour certains porte bonheur et pour d’autres porte malheur, n’est pas un chiffre indépassable. Nous faisons une proposition constructive car, contrairement à ce que vous dites, monsieur Fasquelle, le Gouvernement et le Parlement essayent d’être à l’écoute des territoires : ils entendent qu’il n’y a pas d’unanimité en Alsace pour un découpage, pas d’unanimité non plus en Bretagne et pas davantage en Nord-Pas-de-Calais et en Picardie.

Mme Isabelle Le Callennec. Cela ne change rien ! On en est toujours au même point !

Mme Audrey Linkenheld. Si nous avons reconnu tout à l’heure que nous n’étions ni unanimes, ni même forcément majoritaires dans notre région pour cette proposition, nous sommes toutefois à l’écoute. C’est justement parce qu’il n’y a pas d’unanimité que nous faisons nous aussi une proposition constructive, comme l’a fait Philippe Bies tout à l’heure dans le débat sur l’Alsace : nous disons oui à un rapprochement Nord-Pas-de-Calais Picardie ; mais laissez-nous un peu de temps, parce qu’il se trouve que nos territoires souffrent un peu plus que d’autres. Donnez-nous cette chance, encouragez-nous plutôt que de renforcer ce qui est aujourd’hui pour nous difficile à surmonter.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Buisine.

M. Jean-Claude Buisine. Vous ne serez pas surpris d’apprendre que je ne partage pas cette proposition. L’objet de cet amendement est de ne pas fusionner les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie.

M. Philippe Le Ray. Cela permet d’attendre l’alternance en 2017 !

M. Jean-Claude Buisine. La modification apportée par l’Assemblée nationale en juillet dernier en faveur de la région Nord-Pas-de-Calais et Picardie est pertinente, avec une cohérence administrative entre la région parisienne et les frontières européennes, comme vient de le souligner M. le ministre.

Une telle réforme ne peut réussir que si elle est comprise et portée par les acteurs de la société civile et par les populations concernées ; M. le ministre vient d’ailleurs de nous donner les prévisions et le ressenti de la population. En effet, plus on éloigne la décision du citoyen, moins ce dernier peut exercer son contrôle et participer à la vie de la cité.

La décentralisation existe pour faciliter la vie de nos concitoyens et favoriser les initiatives dans une vision équilibrée de l’aménagement du territoire. Le territoire du Nord-Pas-de-Calais Picardie sera un lieu d’action, de coopération et de relation. Il doit y avoir une cohérence pour que l’action publique y trouve un sens et pour se projeter dans l’avenir. Or, ce que vous proposez avec cet amendement, c’est un mouton à cinq pattes !

Du point de vue de l’aménagement du territoire et des infrastructures, les complémentarités existent avec les autoroutes A1 et A16, le TGV du Nord, le tunnel sous la Manche et, demain, le canal Seine-Nord. Oui, le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie sont historiquement, géographiquement et économiquement liés !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Tout d’abord, je voudrais féliciter M. Roman et les cosignataires de cet amendement pour leur excellent exposé des motifs. Il suffit d’ailleurs de lire ce plaidoyer en faveur d’un mécanisme de progressivité car il montre bien le vrai problème de fond : la logique de ce texte est d’effectuer un découpage de manière extrêmement arbitraire. De ce fait, certains collègues de la majorité se trouvent dans la situation fort désagréable de vouloir procrastiner.

Il est extrêmement intéressant de noter qu’une telle échéance de trois ans recèle sans doute un vœu secret : celui d’envisager que d’ici trois ans, il pourrait y avoir une alternance. Comme nous sommes un certain nombre à dire qu’il faudra certainement revenir sur cette carte, il est intéressant de relever que M. Roman et ses collègues sont implicitement en train de faire en plaidoyer en faveur de l’opposition,…

M. Marc Le Fur. C’est vrai !

M. Patrick Hetzel. …tablant sur le fait que nous allons leur donner un coup de main pour ne pas procéder à la fusion des deux régions Nord-Pas-de-Calais, d’une part, et Picardie, d’autre part.

M. Thierry Benoit. Bien sûr ! Ils le souhaitent !

M. Patrick Hetzel. C’est assez intéressant.

Autre élément que je voudrais avancer ici : le plaidoyer de M. Roman, fort brillant d’ailleurs, insiste également sur la nécessité de prendre en compte les élus locaux. Si je ne m’abuse – mais je parle sous votre contrôle, monsieur Roman –, vous avez indiqué que cet amendement était également sous-tendu par un vœu unanime des élus locaux.

Pour en revenir à mon affaire alsacienne, 96 % des élus locaux, en l’occurrence les conseillers généraux et les conseillers régionaux, sont en faveur d’un conseil unique d’Alsace. J’ai juste une petite interrogation : pourquoi les collègues qui soutiennent cet amendement ne nous ont-ils pas, selon le même principe, soutenus lorsque nous avons insisté sur le rôle des élus locaux ?

M. Marc Le Fur. Bonne question !

M. Thierry Benoit. Ils auraient dû vous accorder le même répit !

M. Patrick Hetzel. Je rappelle, car c’est important de le dire ici, que nous avons lu avec beaucoup d’intérêt les promesses de campagne du candidat François Hollande : il indiquait lui-même qu’il fallait se montrer très respectueux de la démocratie locale et des élus locaux. Or, lorsque vous, membres de la majorité, avez l’occasion de prendre en considération ces élus locaux, vous en faites fi ! C’est pour moi un véritable paradoxe, et votre mutisme à l’instant présent illustre parfaitement votre gêne !

Je pense que nous devrions arrêter ce projet de loi, dont nous avons eu l’occasion de vous dire qu’il pose un vrai problème de constitutionnalité. De toute évidence, cet amendement est un aveu d’échec du Gouvernement, porté par des membres de la majorité, ce qui est extrêmement intéressant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député Hetzel, un mot très rapide : il n’y a pas de problème de constitutionnalité ! Vous avez à plusieurs reprises évoqué cet argument…

M. Patrick Hetzel. Nous verrons !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Non ! Il n’y a pas de problème de constitutionnalité : il y a un texte européen qui dit que les collectivités locales peuvent être consultées, mais ce texte européen n’a pas d’impact constitutionnel en France et rien dans la Constitution n’oblige à consulter les collectivités locales. Je suis donc absolument convaincu que l’argument que vous avez développé à plusieurs reprises depuis hier n’est pas, me semble-t-il, fondé en droit. Je pense qu’il n’y a aucun problème constitutionnel, et il n’y a pas de problème résultant du fait que les collectivités locales n’ont pas été consultées préalablement à l’élaboration de cette loi.

Plusieurs députés du groupe UMP. Nous verrons bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Si nous avons tous un avis sur les régions, sur les autres régions, j’ai beaucoup regretté, lorsque nous avons tenté d’exprimer notre vrai malaise concernant l’Alsace, d’avoir subi nombre d’observations.

Pour ma part, j’ai du mal à dire ce qui est bien pour le Nord-Pas-de-Calais ou ce qui est bien pour la Picardie ; mais en démocratie représentative, nous avons des élus des territoires et des élus nationaux.

Votre réforme part d’un postulat profondément erroné : les grandes régions européennes, c’est un argument de vente qui ne correspond pas à grand-chose ! Il suffit de regarder la taille des régions européennes et le PIB corrélé avec la taille en Europe : cela dément tous les propos que nous avons entendus ! Mais ce n’est pas l’objet de ma prise de parole.

Votre réforme a un aspect positif, monsieur le ministre : elle a ouvert des débats là où nous demeurions sur des positions conservatrices. Je pense que c’est utile ! Si, en Alsace, nous avons rêvé, voulu le Conseil d’Alsace, nous n’avons pas eu en revanche cette réflexion dans d’autres régions. Or aujourd’hui, cette réflexion apparaît, on a entendu parler de fusion de départements et de régions dans le Nord-Pas-de-Calais, en Picardie, en Bourgogne. Faire évoluer le débat, c’est utile pour l’avenir, parce que la réalité, c’est l’exercice de compétences très importantes à un niveau qui permet néanmoins cette proximité que vos grandes régions ne permettent pas.

Ce débat est utile et nécessaire : finalement, ce n’est pas une mauvaise chose que d’avoir permis d’ouvrir ce débat ! Mais votre démarche comporte une immense faiblesse : celle de ne pas prendre en compte les élus locaux, les élus territoriaux.

M. Jean-Luc Reitzer. Très juste !

M. Laurent Furst. Vous auriez pu, à titre d’information, consulter les conseils généraux, les conseils régionaux, juste pour recueillir leur sentiment ! Vous auriez pu consulter les conseils municipaux, juste pour avoir leur sentiment ! C’est ça, la démocratie !

M. Claude Sturni. Ils en ont eu peur !

M. Laurent Furst. Ce n’est pas quelque chose qui est dessiné à Paris, adopté dans une salle de l’Assemblée nationale par soixante-treize députés contre onze, émanant d’un seul groupe politique – car c’est cela, la réalité de cette carte ! La démocratie consiste aussi à consulter, et nous sommes dans une République décentralisée : c’est dans la Constitution ! Voilà votre grande faiblesse !

Certes, il y a une qualité : les lignes bougent et les territoires réfléchissent. Mais si on ne donne pas l’occasion aux élus de participer à ce grand mouvement, il ne faudra pas s’étonner s’il y a demain une grande désillusion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Et une grande colère !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Je voudrais revenir sur cet amendement. Tout d’abord, quand on lit l’exposé des motifs, on le trouve effectivement plutôt poli, plutôt sage, constructif, presque précautionneux ; il nous invite à une préparation préalable, à prendre le temps, le temps de la fusion. Ce sont des préliminaires : il ne faut pas bousculer trop vite les périmètres, ne pas ralentir trop les projets, ne pas ralentir trop les investissements, avec un argument de fond : le temps de la complémentarité – mais j’y reviendrai plus tard.

Sur un plan opérationnel, il s’agit d’une véritable utopie. Il faut imaginer deux conseils régionaux, qui seront peut-être de sensibilité politique totalement opposée, mais qui devront décider ensemble cette fusion, que nous avons envie de voir mise en place, pendant ces trois années. Quid de la gouvernance lorsque, dans le meilleur des cas, la fusion sera actée ? Comment gouverneront-ils jusqu’à la fin du mandat ?

Je ne vois pas comment cela pourra fonctionner. J’ai plutôt le sentiment que nous procédons à une deuxième lecture de l’amendement qui traduisait une sorte de refus de la Picardie d’intégrer le Nord-Pas-de-Calais, avec pour argument de fond le manque de complémentarité. Sur ce point, le ministre a parfaitement répondu. Nous avons effectivement beaucoup d’éléments en commun et de vraies complémentarités. Nous avons également un projet commun avec le canal Seine-Nord qui cimentera nos territoires.

Si nous voulons aller jusqu’au bout d’un tel projet, nous devons parler d’une seule voix. Sur ce point, je ne me fais pas de souci. Je ne suis pas pessimiste, je pense au contraire que ce sont ces projets qui nous aideront à sortir de nos difficultés.

Autre argument, nous voulons rapprocher deux régions pauvres. C’est vrai, nous avons des difficultés, mais j’en appelle à la solidarité nationale car nous sommes en France, où la péréquation existe, et nous avons des outils pour soutenir les régions les plus en difficulté.

J’ajoute, si c’est le fond du débat, que je n’ai pas peur du Front National. Il faut simplement que nous prenions en compte les populations qui souffrent au quotidien et que nous réussissions ensemble. Pour y parvenir, je fais confiance aux Picards et aux gens du Nord.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Le Ray.

M. Philippe Le Ray. Cet amendement vient à point. M. Roman voit juste et je suis très étonné de la réponse du ministre et du rapporteur.

Ont-ils lu l’amendement ? Son exposé des motifs précise que la fusion « ne peut s’effectuer sans une préparation préalable », qu’« un mécanisme de progressivité doit être mis en œuvre » – ce sont des mots forts – et que « la future région doit disposer des ressources nécessaires ».

Je voudrais faire un parallèle avec la loi portant réforme des collectivités du 16 décembre 2010. Nous sommes nombreux ici à avoir vécu des fusions de communautés de communes. Ces fusions reposaient sur l’avis des CDCI, les commissions départementales de la coopération intercommunale, et des élus locaux. Mais la plupart des fusions n’ont pu être effectives qu’après trois ans, ce qui a eu de lourdes conséquences en termes de ressources humaines. Personne n’a parlé de moyens financiers, mais avec le lissage de la fiscalité ils deviendront vite un argument puissant.

M. Roman voit juste et je tiens à l’en remercier, car ce qui est valable pour le Nord et la Picardie l’est également pour toutes les régions qui sont amenées à fusionner quasiment dans l’urgence.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Cuvillier.

M. Frédéric Cuvillier. Monsieur le ministre, je suis heureux, à un double titre, de prendre la parole ce soir pour saluer vos propos qui sont forts, donnent des perspectives à cette réforme et permettent de fixer un cadre pour assurer l’efficience des politiques publiques.

Celles-ci sont importantes pour toutes nos régions et la qualité des débats, même si, selon les spécificités locales, cela amène parfois à quelques excès compréhensibles.

Disposer d’un cadre adapté à l’efficience des politiques publiques présente un intérêt républicain. Vous en avez fixé l’enjeu. C’est vrai pour les politiques d’aménagement du territoire, l’activité économique ou encore la mobilité des transports, qui est essentielle.

Mme la présidente. Sur l’amendement n110, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Frédéric Cuvillier. Je vous remercie de me redonner la parole, madame la présidente, pour aller au bout de ma démonstration et reprendre les remerciements que j’adressais au Gouvernement, d’autant que j’ai été privé de parole sur ce texte, pour une raison simple : j’étais alors membre du Gouvernement et la parole était donnée au Parlement.

M. Philippe Gosselin. L’enfer du pouvoir !

M. Frédéric Cuvillier. Je me suis bien gardé d’intervenir, ce qui aurait pu entretenir une certaine forme de confusion.

Mais désormais il est important de replacer les perspectives données au territoire et à ses habitants et de faire de ce texte une perspective susceptible de mobiliser les régions.

Il existe naturellement des différences entre nos deux territoires, qui sont grands et divers, mais surtout ils sont grands de par leur diversité, ce qui doit être une ambition commune qu’il convient de renforcer.

S’agissant de la fusion du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie, je salue la façon dont Bernard Roman a rédigé et présenté son amendement, qui n’est pas une remise en cause de la nécessité de cette fusion. Il était important de le souligner car nous pourrions en douter.

La réalité est que cette fusion est nécessaire, tout d’abord pour des raisons de cohérence territoriale, et le ministre l’a rappelé de belle manière en insistant tout d’abord sur la cohérence territoriale. Nous avons en effet en commun une façade maritime qui demain alliera les 70 km de côtes de la Picardie et les 120 km de côtes du Nord-Pas-de-Calais. Nous avons également une complémentarité portuaire, qui profitera à ce qui devrait être un enjeu national pour la France, à savoir la croissance bleue, perspective de développement durable.

Je sais, pour avoir exercé certaines responsabilités, que notre région est l’une des rares en France à disposer d’un parc naturel commun avec le Parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d’Opale, qui en assure la préservation.

Cette complémentarité, ce sont aussi des projets structurants. Il n’y a donc pas d’oppositions entre nos régions mais des coopérations – coopérations universitaires, mais aussi grands projets structurants.

Je voudrais évoquer quelques instants ce qui doit être l’une des ambitions de cette grande région, à savoir la réussite du projet de canal Seine-Nord et celle d’autres projets similaires.

Cette région se trouve au cœur des enjeux d’aménagement, de mobilité, au cœur du triangle des grandes capitales que sont Paris, Londres et Bruxelles, ce qui en fait un territoire pertinent pour les grands flux européens de personnes et de marchandises, quel que soit le mode de mobilité utilisé – terrestre, maritime, et demain fluvial.

Cette région est le lieu d’une cohérence économique puisqu’elle accueille plusieurs pôles de compétitivité, qu’il s’agisse d’I-Trans et de son rayonnement international, dont j’ai été le témoin, et d’une complémentarité assurée par un grand nombre de PME et de PMI dans les domaines de l’innovation, des transports, de la mobilité. Les industries ferroviaires dans le Nord, l’aéronautique en Picardie, le pôle UP-Tex et l’industrie du textile : tels sont les principaux enjeux de notre rayonnement. Voilà pour la cohérence.

La cohérence des acteurs économiques n’attend pas que nous retrouvions la confiance, et surtout elle ne se limite pas à des frontières administratives, qui sont évolutives, ni à des frontières qui pourraient être figées ou prorogées.

Nous devons tenir compte d’une réalité que l’on ne peut gommer. J’ai entendu, hier et aujourd’hui même, les discours et les débats dont a fait l’objet la région Alsace. Mais lorsqu’une région possède une identité forte et un patrimoine commun, il est important de le souligner et de donner toute sa chance à l’ambition.

Le ministre de l’intérieur a souligné que la rénovation des cadres doit nous redonner confiance. Il a raison, car, comme M. Bricout le rappelait à l’instant, nos territoires sont marqués par des doutes et des craintes car ce sont des territoires qui souffrent, peut-être plus que d’autres. Mais pour répondre à la souffrance, si nous voulons éviter qu’elle soit exploitée par des mouvements extrémistes, il faut donner des perspectives, de la confiance, de la volonté et un grand dessein pour une grande région et un grand projet.

M. Thierry Benoit. La vie en blanc !

M. Frédéric Cuvillier. Cela passe par une mobilisation républicaine, qui ne soit pas celle de quelques-uns, les autres étant condamnés au repli sur soi et à la crainte en l’avenir, mais qui repose au contraire sur une véritable volonté, une conviction pour l’avenir.

M. Philippe Le Ray. Quel est votre avis personnel ?

M. Frédéric Cuvillier. C’est pourquoi il me paraît nécessaire d’adresser aux populations qui doutent un message pour les assurer de la volonté de la représentation nationale de créer une grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Frédéric Cuvillier. C’est la volonté de l’Assemblée, que nous devons répéter avec conviction, tout en affirmant notre confiance en l’avenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n110.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants68
Nombre de suffrages exprimés65
Majorité absolue33
Pour l’adoption15
contre50

(L’amendement n110 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sordi, pour soutenir l’amendement n179.

M. Michel Sordi. Souhaitant aller jusqu’au bout du raisonnement que nous avons tenu tout au long de la soirée pour la région Alsace et suivre notre démarche de fusion des départements et du conseil régional, je vous propose, par cet amendement, de préciser que si, avant le 1er mars 2015, tous les conseils départementaux et le conseil régional d’une région existante avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi demandent à fusionner en une collectivité territoriale unique, cette fusion sera prononcée par décret.

D’autre part, que la collectivité territoriale unique visée à l’alinéa précédent exercera l’ensemble des compétences attribuées par la loi à la région et aux départements qu’elle regroupe et qu’elle leur succèdera dans tous leurs droits et obligations.

Enfin, que le premier alinéa s’appliquera par dérogation à l’article L. 4124-1 du code général des collectivités territoriales et par dérogation aux autres articles de la présente loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Je souhaite, en quelques mots, soutenir l’amendement de M. Sordi. Cet amendement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous permet de sortir de la mauvaise situation dans laquelle se trouve le Gouvernement et l’ensemble de la représentation nationale. Certes, une majorité a voté tout à l’heure la suppression de l’Alsace de la carte régionale.

Certains s’en réjouissent, mais c’est en réalité assez triste. Il faut prendre en considération ce que pensent les élus alsaciens, nationaux comme territoriaux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. Bravo !

M. Hervé Gaymard. La proposition de Michel Sordi favorise la simplification car on agrège à la fois les deux départements et la région, ce qui correspond complètement au concept d’innovation territoriale qu’on entend vanter sur tous les bancs de cette assemblée. Je suis d’ailleurs tout à fait d’accord avec Laurent Furst qui disait tout à l’heure que le mérite de nos débats, quoi que l’on pense du résultat des votes sur les sujets particuliers, sera de soulever dans le pays la question de l’organisation optimale des territoires. Pour toutes ces raisons, il s’agit d’un excellent amendement de compromis qu’il serait bon que l’Assemblée nationale adoptât.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni.

M. Claude Sturni. L’amendement a le double mérite de la cohérence et de l’efficacité. Il tire sa cohérence de tout ce que nous avons défendu sur ces bancs depuis de longues semaines et dès la première lecture, en particulier la nécessité d’aller vite. Ce sont, monsieur le ministre, vos propres mots mais aussi ceux de certains collègues qui siègent sur les bancs de la majorité, tels M. Gagnaire qui a dit cet après-midi qu’« il n’y a plus de temps à perdre ». Nous savons exactement ce qu’il nous faut et ce que souhaitent les conseillers régionaux d’Alsace et généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin. L’amendement constitue une option pour aller vite et être efficace. Je l’ai dit lorsque nous avons entamé nos débats, je crains une France à deux vitesses.

Dans l’une, des régions intouchables et organisées, qui ne doutent pas et ont en main tous les outils de leur développement, ayant même sans doute déjà négocié les contrats de projets État-région, ont des priorités claires car on ne touche pas à leurs limites ni à leur territoire géographique. Dans la France de deuxième catégorie, dont apparemment l’Alsace est appelée à faire partie, on trouve des régions où tout est à inventer, y compris les priorités des trois contrats de projets État-régions en cours d’élaboration dont les négociations sont sans doute à peu près bouclées. Il existe pourtant, tout le monde en conviendra, une priorité évidente pour nos territoires, nos entreprises et notre population, c’est l’aménagement numérique.

Qu’advient-il des schémas élaborés ? Il se trouve qu’en Alsace le conseil régional et les deux conseils généraux ont travaillé de longue date pour aboutir à un schéma unique, cohérent et global. Nous sommes prêts à l’action en la matière. Je propose, dans un souci d’efficacité, de souscrire à l’amendement de mon excellent collègue Michel Sordi afin d’aller vite, d’être efficaces pour nos concitoyens et en fin de compte faire ce que tout le monde souhaite, à commencer pour le Gouvernement, c’est-à-dire créer de façon efficace de la croissance et de l’emploi dans nos territoires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Tout à fait ! Voilà qui lui enlèverait une épine du pied !

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je profite du débat sur l’amendement pour tenter de sortir de son mutisme le président de la commission des lois qui a rédigé à propos de la Bretagne un manifeste pour une mutation institutionnelle auquel j’ai fait allusion hier au début de nos débats.

M. Laurent Furst. Excellent ouvrage !

M. Patrick Hetzel. Très bonne contribution !

Mme Isabelle Le Callennec. Vous restez curieusement silencieux, monsieur le président de la commission ! Vous proposez une assemblée de Bretagne que vous justifiez par le caractère unique de cette région. Nous proposerons nous aussi un amendement visant à fusionner les départements dans la région. Nous sommes prêts à soutenir ici les déclarations que vous faites à l’extérieur et l’idée d’une assemblée unique de Bretagne est assez largement partagée dans notre région.

M. Jean-Marie Beffara. C’est le moment ! L’assemblée de Bretagne, c’est maintenant ! (Sourires.)

Mme Isabelle Le Callennec. Néanmoins, la Loire-Atlantique risque de ne pas être rattachée à la Bretagne et il n’y aura pas non plus d’alliance entre la Bretagne et les Pays de la Loire. Si on continue ainsi, il ne se passera absolument rien pour au moins deux régions, la Bretagne et les Pays de la Loire, alors même que vous dites vouloir doter les régions de pouvoirs renforcés, monsieur le ministre ! Pourquoi ne se passera-t-il rien dans ces deux régions ? C’est absolument contradictoire avec la volonté affichée de faire évoluer les limites des régions !

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Gilbert Le Bris. Ne soyez pas pessimiste !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sordi.

M. Michel Sordi. Je me permets simplement d’insister. Vous avez annoncé, monsieur le ministre, la fin des départements en 2020. Nous nous inscrivons par anticipation dans cette démarche. Les délibérations concordantes arrêtées par les conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et la région vont dans le sens de la simplification, de l’efficacité et de l’économie. Le nombre d’élus s’en trouvera en outre diminué. Expliquez-moi les raisons de votre refus, monsieur le ministre !

M. Laurent Furst. C’est qu’il faut absolument treize régions !

M. Sébastien Denaja. Douze exactement !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je tiens à faire une simple observation : on ne peut pas dire qu’il ne se passera rien en Pays de la Loire et en Bretagne ! Je rappelle qu’il existe quarante-sept coopérations interrégionales dont quarante-trois signées avec la Bretagne par les Pays de la Loire et elles continueront !

M. Gilbert Le Bris. On l’a déjà dit !

M. Michel Piron. À propos des universités et de la recherche, l’achèvement de la mise en réseau se poursuivra ! La Bretagne et les Pays de la Loire continueront, je l’espère, à se développer et construire des projets ensemble. Il se passera bien quelque chose en Bretagne et dans les Pays de la Loire !

Mme Isabelle Le Callennec. L’occasion est inespérée !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann.

M. Éric Straumann. Les trois collectivités alsaciennes ont pris trois délibérations concordantes en fonction du droit positif existant. Il s’agit donc d’un acte juridique, à propos duquel nous n’avons pas de réponse des services de l’État alors même qu’il doit entraîner un processus, en l’espèce la convocation d’un collège électoral en vue d’organiser un référendum. Nous attendons toujours que les services de l’État nous répondent à propos de cette saisine qui respecte les règles du droit existant.

Mme Marie-Françoise Clergeau. N’importe quoi !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Plusieurs d’entre nous ont souligné lors de la discussion générale l’ambiguïté voire les contradictions entre certains membres du Gouvernement et certains hauts dignitaires du principal parti de la majorité présidentielle. L’amendement de notre collègue Sordi sort le Gouvernement du mauvais pas dans lequel il s’est lui-même mis après avoir supprimé le conseiller territorial, dont la logique était de faire confiance aux élus du territoire afin qu’ils organisent leur schéma de compétences. On s’acheminait alors dans certaines régions de France vers la mise en extinction de certains conseils généraux et la fusion de conseils généraux et de régions afin de renforcer la construction des régions appelées à devenir des eurorégions dans le cadre de la construction européenne.

M. Philippe Le Ray. Ils le savent très bien !

M. Thierry Benoit. À titre personnel, je milite pour le retour du conseiller territorial, c’est-à-dire pour que l’on fasse confiance aux élus des territoires afin qu’ils organisent d’une part leurs schémas de coopération intercommunale, comme cela se passe en France actuellement pour la carte des intercommunalités, et d’autre part un schéma de réorganisation des régions comme ils l’entendent, à partir de compétences déterminées par les uns pour le niveau régional et par les autres pour le niveau local. Tout cela vise à reconfigurer la carte des régions de France sans ce chiffre arbitraire de treize régions qui vient de je ne sais où !

M. Sébastien Denaja. Du ciel !

M. Thierry Benoit. J’aimerais par ailleurs que les membres du Gouvernement ou le président de la commission des lois nous aident à comprendre et à sortir du piège qu’est le droit d’option. Le droit d’option tel qu’il est défini aujourd’hui, j’en suis convaincu, est un piège et un verrou qui empêche les départements de France de se prononcer sur leur destin et sur leur avenir quant à leur région d’attachement.

M. Laurent Furst. Sans faire le lit du Front National !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je comprends parfaitement l’objectif de votre amendement, monsieur le député Sordi. Mais par-delà ce que nous voulons pour nos propres régions et territoires et selon les sensibilités à partir desquelles nous nous exprimons, nous pouvons convenir tous ensemble que nous ne pouvons rien faire qui ne soit parfaitement constitutionnel. Or vous proposez de créer une collectivité territoriale nouvelle par décret. Je vous renvoie au texte de la Constitution dont l’article 72 dispose que seul le législateur peut créer une collectivité territoriale à statut particulier. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons eu à débattre des conditions dans lesquelles nous avons doté la métropole de Lyon d’un statut spécifique. Par conséquent, on ne peut pour des raisons constitutionnelles décider par décret de mettre en place une collectivité à statut spécifique. C’est tout à fait inconstitutionnel comme le précise l’article 72 de la Constitution. Même si nous étions en accord avec l’idée qui sous-tend l’amendement, sa rédaction nous empêcherait de le soutenir. Par conséquent, il vaut mieux me semble-t-il le retirer, au lieu de prendre collectivement, en en ayant conscience, le risque de produire des textes législatifs dont on sait que le contenu n’est pas constitutionnel.

M. Éric Straumann. Et les délibérations alsaciennes ?

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Votre réponse me semble exacte, monsieur le ministre. Mais vous adoptez actuellement d’autres lois par lesquelles l’État s’impose d’apporter des réponses. Les trois collectivités ont délibéré, il appartient à l’État d’apporter une réponse.

(L’amendement n179 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n64.

M. Marc Le Fur. Il existe des systèmes de péréquation entre régions. Quels seront les effets des regroupements de régions sur les systèmes de péréquation ? On m’objectera que les finances des régions ne sont pas l’objet de la loi, ce dont je conviens aisément. Il n’empêche que nous traitons de regroupements de régions qui auront des effets directs sur les finances de ces mêmes régions. Je demande donc à ce titre une réponse, peut-être pas dès ce soir mais en tout état de cause le plus vite possible, à la question de savoir comment les choses se passeront afin que nous soyons éclairés dans toute la mesure du possible.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. En vertu d’une jurisprudence constante de la commission des lois, indépendante de son président, M. Le Fur le sait, nous n’intégrons pas à la loi les demandes de rapport. Par ailleurs, M. Le Fur le sait, une étude d’impact a été menée et de nombreux rapports, auxquels je le renvoie, ont été cités. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous vous reprochons depuis des semaines de ne pas avoir présenté d’étude d’impact sur les conséquences de la re-délimitation des régions ; nous vous reprochons de ne pas avoir débattu de la clarification des compétences avant de procéder à ce redécoupage ; et nous vous avons alertés à plusieurs reprises sur la nécessité de préciser de quels moyens financiers disposeront les régions « nouvelle version ».

Cet amendement pose en effet la question de la péréquation. Or dans son rapport d’octobre 2014, la Cour des comptes recommande de revoir les dispositifs de péréquation verticale et horizontale afin d’en réduire le nombre et de les faire reposer sur un nombre limité d’indicateurs de richesse. Souhaitez-vous aller dans ce sens ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale. Nous travaillons en ce sens, madame la députée. Une réforme globale de la dotation globale de fonctionnement est prévue pour 2016. Nous y travaillons en lien avec le Comité des finances locales. Nous associerons le Parlement à cette réforme importante, et nous espérons être prêts à temps pour la présenter dans le projet de loi de finances pour 2016, c’est-à-dire dans un an. D’ici là, nous avons encore beaucoup à travailler ensemble.

(L’amendement n64 n’est pas adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Discussion, en procédure d’examen simplifiée, de cinq conventions et accords internationaux ; suite de la deuxième lecture du projet de loi relatif à la délimitation des régions ; projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel ; projet de loi relatif à la désignation des conseillers prud’hommes.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 20 novembre 2014 à une heure.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly