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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 09 décembre 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Libération d’un otage français

2. Souhaits de bienvenue à Mme la présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

3. Questions au Gouvernement

Proportionnelle aux élections législatives

M. Bernard Accoyer

M. Manuel Valls, Premier ministre

Aéroport de Toulouse-Blagnac

Mme Catherine Lemorton

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Réduction du temps de travail

M. Thierry Benoit

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Aéroport de Toulouse-Blagnac

M. Noël Mamère

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Lutte contre le racisme et l’antisémitisme

M. Pascal Popelin

M. Manuel Valls, Premier ministre

Lutte contre le racisme et l’antisémitisme

M. Olivier Falorni

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Déclarations du Premier ministre

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet

M. Manuel Valls, Premier ministre

Compte pénibilité

Mme Catherine Quéré

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Crèches de Noël

M. Jérôme Chartier

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Relations entre la France et la Russie

Mme Marie-Line Reynaud

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Projet de loi santé

M. Jean-Pierre Door

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Opération Sangaris

M. Nicolas Bays

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Loi anti-burqa

Mme Valérie Pécresse

M. Manuel Valls, Premier ministre

Actes de vandalisme contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes

M. Christophe Priou

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Société nationale Corse Méditerranée (SNCM)

M. Gaby Charroux

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Suspension et reprise de la séance

4. Projet de loi de finances rectificative pour 2014

Explications de vote

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Jean-Christophe Fromantin

Mme Eva Sas

M. Paul Giacobbi

M. Gaby Charroux

M. Dominique Lefebvre

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

5. Délimitation des régions et modification du calendrier électoral

Explications de vote

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Marc Dolez

M. Hugues Fourage

M. Hervé Gaymard

M. Michel Piron

M. Paul Molac

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

6. Réforme de l’asile

Présentation

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales

Mme Maud Olivier

Motion de rejet préalable

M. Éric Ciotti

M. Bernard Cazeneuve, ministre

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure

M. Sergio Coronado

Mme Jeanine Dubié

M. Marc Dolez

Mme Marie-Anne Chapdelaine

M. Guy Geoffroy

M. Arnaud Richard

7. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Libération d’un otage français

M. le président. Mes chers collègues, nous avons appris, en fin de matinée, la libération de Serge Lazarevic (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement applaudissent), enlevé au Mali en novembre 2011. Il était le dernier Français retenu en otage dans le monde.

Je me fais votre interprète pour exprimer notre joie de le savoir bientôt de nouveau parmi nous. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)

2

Souhaits de bienvenue à Mme la présidente de l’Assemblée parlementaire

du Conseil de l’Europe

M. le président. Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à Mme Anne Brasseur, présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

3

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Proportionnelle aux élections législatives

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Accoyer. Le groupe UMP, comme tous les groupes de notre assemblée, avec le Gouvernement et comme tous nos compatriotes, se réjouit de la libération de Serge Lazarevic. Nous avons également une pensée émue pour Philippe Verdon, au destin tragique. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Monsieur le Premier ministre, interrogé dimanche soir à la télévision sur l’introduction d’une dose de proportionnelle pour les élections législatives, vous avez évoqué les obstacles techniques à la mise en œuvre de cette annonce électorale du candidat Hollande. Vous avez également exprimé votre opposition à l’élection des députés à la proportionnelle intégrale, qui « rendrait le pays totalement ingouvernable » et placerait les extrêmes en position d’arbitre du jeu démocratique.

En 1985, le Président Mitterrand avait fait ce choix de la proportionnelle, avant tout destiné à gonfler le poids des extrêmes, affaiblir la droite républicaine et sauver une gauche déjà en échec. La même année, votre mentor Michel Rocard avait démissionné du Gouvernement pour protester contre cette manœuvre qu’il qualifiait de « dangereuse pour l’équilibre des institutions et donc pour l’intérêt général de la France ».

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple, et je ne doute pas que, en adepte du langage de vérité, vous y répondrez sans détour. Si, comme François Mitterrand, et pour les mêmes raisons – par calcul –, François Hollande devait faire le choix de la proportionnelle, vous opposeriez-vous à cette manœuvre comme Michel Rocard en 1985 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Accoyer, monsieur le président Bartolone, vous l’avez exprimé avec force ; après les mots du Président de la République il y a un instant, et au nom du Gouvernement, je me réjouis évidemment à mon tour de la libération de notre compatriote Serge Lazarevic, et j’affirme encore, avec beaucoup de force, que la France n’abandonne pas, et n’abandonnera jamais ses ressortissants – ce sont évidemment des sujets que nous suivons attentivement, avec Laurent Fabius, Jean-Yves Le Drian et Bernard Cazeneuve. Nous nous réjouissons de la libération de Serge Lazarevic et je veux remercier des pays comme le Mali et le Niger qui, sur ce dossier comme sur beaucoup d’autres, nous ont aidés.

Monsieur Accoyer, j’ai répondu très clairement, dimanche dernier, à une question qui m’était posée, alors qu’elle n’est pas d’actualité. François Hollande, à l’occasion de la campagne présidentielle, s’est engagé sur l’introduction d’une dose de proportionnelle, et il y est revenu il y a quelques semaines dans une interview accordée au Monde. C’est d’ailleurs une proposition qui a déjà été faite sur tous les bancs, par toutes les composantes de l’échiquier politique de notre pays.

M. Jacques Myard. Non !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nicolas Sarkozy lui-même avait, il y a quelques années, évoqué cette possibilité d’une dose ou d’une part de proportionnelle dans nos modes de scrutin. À la question qui m’a été posée sur la proportionnelle intégrale, j’ai répondu en exprimant ma conviction personnelle, de la manière la plus nette, mais ne confondons pas les époques : la proportionnelle avait donné, en 1986, une majorité absolue à la droite.

J’ai répondu en disant qu’aujourd’hui, objectivement, oui, la proportionnelle intégrale, départementale ou régionale, rendrait l’Assemblée nationale ingouvernable, qu’elle y ferait entrer 150 ou 160 députés du Front national et que je ne me voyais pas assumer ce type de responsabilité dans notre débat politique, mais la question n’est pas à l’ordre du jour. Il fallait être clair sur ce sujet-là.

D’une manière générale, et je vous le dis aussi très franchement, combattre le Front national – je suis convaincu que ce doit être un objectif fondamental, en tout cas pour la majorité –, ce n’est pas qu’une question de mode de scrutin. C’est d’abord un combat sur des valeurs,…

Un député du groupe UMP. Cahuzac !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …un combat pour dénoncer les propositions irréalistes de cette formation politique, qui mettraient à genoux notre pays, notamment en le faisant sortir de l’Euro. C’est ce type de débat – Quelle société voulons-nous ? Quel chemin voulons-nous emprunter ? – qui doit évidemment nous rassembler, mais une question claire appelait une réponse claire sur les principes. Pour le reste, monsieur Accoyer, je ne fais pas dans la science-fiction, et je n’entre pas dans des jeux politiciens. J’ai dit sur France 2, dimanche soir, que j’étais là pour assumer la responsabilité du Gouvernement. C’est une tâche immense, et un honneur qui m’est fait. Croyez-moi, je conduirai jusqu’au bout l’action du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Aéroport de Toulouse-Blagnac

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Catherine Lemorton. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, Emmanuel Macron. J’y associe ma collègue Monique Iborra.

Monsieur le ministre, par un décret du 11 juillet 2014, le Gouvernement a autorisé – je reprends les termes mêmes de l’intitulé du décret – « le transfert au secteur privé d’une participation majoritaire au capital de la société anonyme Aéroport Toulouse-Blagnac », aéroport situé dans ma circonscription. Depuis lors, les questionnements et les inquiétudes – voire la colère et l’indignation – n’ont fait qu’augmenter, à la fois chez les citoyens, bien au-delà des limites de ma circonscription, mais aussi chez les personnels de l’aéroport et chez les industriels, au premier rang desquels les entreprises Airbus et ATR – Avions de transport régional.

Avec ma collègue Monique Iborra, dans la circonscription de laquelle Airbus exerce une partie de ses activités, nous sommes venues vous rencontrer, monsieur le ministre, pour nous assurer qu’il n’y aurait pas d’entrave au développement de ces entreprises, qui sont des fleurons de notre industrie. Nous avons également obtenu que les collectivités territoriales et la chambre de commerce et d’industrie soient associées au projet au terme de l’appel d’offres.

Le choix s’est porté sur l’acquéreur chinois. Le capital de l’aéroport devrait donc être réparti de la manière suivante : 49,99 % pour l’investisseur chinois, 10,01 % pour l’État, et 40 % pour les autres actionnaires publics.

Je vous poserai quatre questions précises, monsieur le ministre. Premièrement, en quoi l’ouverture du capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac était-elle nécessaire ? Deuxièmement, en quoi l’offre de l’investisseur chinois était-elle substantiellement préférable aux autres ? Troisièmement, qu’est-il prévu en matière d’augmentation du trafic aérien, sujet de fortes inquiétudes chez les riverains ? Quatrièmement, pouvez-vous nous assurer que la puissance publique restera majoritaire à court, moyen et long terme ?

J’espère que vos réponses ramèneront la sérénité et la confiance sur cette question sensible. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Madame la députée, je répondrai le plus clairement possible aux questions que vous avez posées. D’abord, oui, il a été décidé d’ouvrir le capital de l’aéroport de Toulouse. Il sera proposé d’ouvrir le capital d’autres aéroports de proximité,… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Un député du groupe UMP. Ultralibéral !

M. Emmanuel Macron, ministre. …car c’est une bonne façon d’utiliser l’argent public contenu dans certaines infrastructures…

M. Marc Dolez. Et les sociétés d’autoroute ? C’est scandaleux !

M. Emmanuel Macron, ministre. …sans pour autant en céder le contrôle.

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est complètement faux !

M. Emmanuel Macron, ministre. J’insiste sur ce point : ces ouvertures de capital ne sont en rien comparables aux privatisations des autoroutes. En effet, l’État demeure la puissance concédante, il continue à ouvrir des lignes sur ces aéroports, il détient toujours le terrain et les bâtiments. Les collectivités territoriales, elles, continuent à maîtriser l’éventuelle expansion des aéroports. Sur le fond, cette question n’est donc absolument pas comparable à celle des autoroutes. L’État conserve son rôle de régulateur économique : c’est donc une bonne affaire. (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe UMP.)

Deuxième point important : le consortium chinois qui a emporté l’appel d’offres, Symbiose, a présenté la meilleure offre non seulement sur le plan financier, mais aussi sur le plan industriel. Il a en effet proposé d’investir dans l’aéroport de Toulouse pour le développer. Je voudrais donc rassurer toutes celles et tous ceux qui travaillent dans cet aéroport : le projet de Symbiose est un projet de développement.

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est faux ! Quel scandale !

M. Emmanuel Macron, ministre. Troisième point : ce projet est en ligne avec l’évolution de l’activité de cet aéroport au cours des dix dernières années. Son activité n’augmentera ni plus, ni moins que la normale.

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est faux !

M. Emmanuel Macron, ministre. L’État et les collectivités territoriales le garantiront : l’État, car il garde la main sur les ouvertures de lignes, et les collectivités territoriales, car elles ont conservé – à leur demande – une minorité de blocage pour tous les aspects relatifs aux vols de nuit, au trafic aérien en général, et aux gênes qu’il occasionne.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Scandaleux !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je vous rassure : toutes les garanties que vous demandez sont prévues par l’opération telle qu’elle a été négociée par l’État et les collectivités territoriales.

Réduction du temps de travail

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Thierry Benoit. Tout d’abord, le groupe UDI se réjouit à son tour de la libération de Serge Lazarevic.

Monsieur le Premier ministre, la commission d’enquête sur la réduction du temps de travail a rendu son rapport aujourd’hui. Pour le groupe UDI, qui avait proposé sa création, il s’agissait d’évaluer les effets positifs et négatifs de la réduction du temps de travail, de formuler des propositions afin de mieux concilier performance économique, cohésion sociale et épanouissement personnel. Aujourd’hui, les Français attendent des responsables politiques qu’ils tiennent un discours de vérité sur ce sujet important, soit tout le contraire des hésitations et des déclarations contradictoires de la majorité !

Dois-je vous rappeler, monsieur le Premier ministre, que vous avez vous-même proposé en 2012 de déverrouiller les 35 heures ? Vous avez pourtant affirmé dimanche dernier que la durée légale du travail ne serait pas remise en cause ! Emmanuel Macron, quant à lui, demandait plus de souplesse pour les entreprises, tandis que François Rebsamen disait n’avoir aucun tabou sur l’assouplissement du temps de travail.

Ma question est simple : le Gouvernement soutient-il le statu quo, ou est-il prêt à avancer des propositions pour réconcilier les objectifs de compétitivité économique avec ceux du bien-être des travailleurs et du retour à l’équilibre des comptes publics ? Face aux nombreuses inégalités qui persistent, notamment entre les statuts de droit public et de droit privé, nous devons repenser la durée du temps de travail dans sa globalité, tout au long de la vie. Nous devons aussi proposer une réforme d’envergure pour prendre en compte le temps de travail, les congés, les stages, la formation et la retraite. Nous devons enfin renforcer les passerelles entre le secteur public et le secteur privé.

Monsieur le Premier ministre, les Français sont prêts à faire évoluer le consensus autour du temps de travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre François Rebsamen. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Laurent Furst. 530 000 chômeurs !

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, je salue d’abord le travail que vous avez accompli en tant que président de cette commission d’enquête sur le temps de travail, dont Mme Barbara Romagnan est rapporteure. Vérifier que les lois sont appliquées, évaluer leur application, cela fait aussi partie du rôle du Parlement. Vous m’avez d’ailleurs auditionné au cours des travaux de cette commission d’enquête, qui se sont déroulés – vous l’avez rappelé – dans un esprit très constructif.

Les lois relatives aux 35 heures, adoptées sous le gouvernement de Lionel Jospin, constituent une grande réforme,…

M. Philippe Armand Martin. Ah, ça…

M. François Rebsamen, ministre. …une belle avancée sociale qui a marqué notre pays et a permis de créer de l’emploi. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Quel baratin !

M. le président. S’il vous plaît, chers collègues, un peu de calme !

M. François Rebsamen, ministre. Je crois d’ailleurs savoir que le rapport de votre commission d’enquête évalue à 350 000 le nombre d’emplois créés par cette réforme.

Que vous le vouliez ou non, les 35 heures sont conformes à une tendance historique profonde, désormais bien ancrée dans notre société. (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe UMP.)

La remise en cause des 35 heures, ce n’est qu’un propos de tribune que la droite n’a pas traduit en actes lorsqu’elle était au pouvoir, de 2002 à 2012 ! C’est un discours très éloigné de la réalité !

Un député du groupe UMP. Et les heures supplémentaires ?

M. François Rebsamen, ministre. C’est très éloigné de ce que vivent les travailleurs, les salariés, dans les entreprises !

M. le Premier ministre l’a réaffirmé dimanche, et j’ai eu l’occasion de le dire devant votre commission d’enquête : il n’y aura pas de remise en cause des 35 heures, qui sont la durée légale du travail. Le vrai problème, celui dont nous devrions tous nous préoccuper, c’est la qualité du travail !

M. Sylvain Berrios. C’est votre job, cela !

M. François Rebsamen, ministre. Ce sont les conditions de travail ! Sur ce sujet, j’attends que nous sachions nous rassembler avec les partenaires sociaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – « Baratin » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Georges Fenech. Quel succès !

Aéroport de Toulouse-Blagnac

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe écologiste.

M. Noël Mamère. Au nom du groupe écologiste, j’indique que nous nous félicitons de la libération de Serge Lazarevic, à qui nous souhaitons, ainsi qu’à sa famille, paix et sérénité retrouvée.

Ma question, qui fait suite à celle posée il y a quelques instants par Mme Catherine Lemorton, s’adresse à M. le ministre de l’économie et concerne la vente de l’aéroport de Toulouse. En réalité, il s’agit, monsieur le ministre, d’un double scandale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), d’abord parce que vous vendez l’aéroport à un groupe que vous avez appelé Symbiose, groupe chinois dont le siège se trouve dans le paradis fiscal des Îles vierges (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et UMP) et qui est associé à un groupe canadien qui a été rayé pour une période de dix ans des listes de la Banque mondiale pour corruption. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Sylvain Berrios. Exactement !

M. Noël Mamère. On ne peut pas dire que vous ayez choisi le meilleur candidat parmi les quatre qui se présentaient.

En outre, vous nous dites qu’il s’agit d’une augmentation d’une ouverture du capital. Ce n’est pas vrai ! Vous mentez devant la représentation nationale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), pour la simple et bonne raison que vous n’avez pas évoqué le pacte d’actionnaires, dont nous avons ici le fac-similé, qui est très clair.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Mensonges !

M. Noël Mamère. Ce pacte d’actionnaires donne l’entière responsabilité à l’acquéreur chinois de faire ce qu’il veut dans le rachat de l’aéroport de Toulouse.

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est un scandale !

M. Noël Mamère. D’ailleurs, je vais vous en lire un extrait très facile à comprendre, que vous pourrez nous commenter en tant qu’économiste, monsieur le ministre : « L’État s’engage d’ores et déjà à ne pas faire obstacle à l’adoption de décisions prises en conformité avec le projet industriel tel que développé par l’acquéreur dans son offre, et notamment les investissements et budgets conformes avec les lignes directrices de cette offre ». Si ce n’est pas laisser une entière responsabilité au nouvel acquéreur ! Nous faire croire que les collectivités locales, telles que la région et le département, la Chambre de commerce et d’industrie – CCI –, et la communauté urbaine du grand Toulouse auraient encore leur mot à dire, c’est un mensonge, et nous le dénonçons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et GDR et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le député, je vais répondre point par point à vos propos, parce qu’ils sont des inexactitudes qu’il convient de corriger. Premièrement, le consortium Symbiose regroupe deux investisseurs chinois, qui ont certes des activités dans les paradis fiscaux (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP),

mais s’il s’agissait d’un critère dirimant, je vous inviterais à revoir une bonne partie de l’économie française !

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est incroyable !

M. Claude Goasguen. Et la vertu, qu’en faites-vous ?

M. Emmanuel Macron, ministre. En l’espèce, il a été prévu que le véhicule d’acquisition paiera, lui, des impôts en France. Vous le savez, ces investisseurs chinois achètent aussi des Airbus. En effet, l’un des deux investisseurs du consortium Symbiose vient d’acheter plusieurs dizaines d’Airbus et s’est engagé pour une centaine. Personne n’a alors trouvé à redire à cette opération !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Cela n’a rien à voir !

M. Emmanuel Macron, ministre. La fiscalité de ce consortium sera donc en France.

Deuxièmement, le groupe canadien Lavalin n’entre pas au capital, mais il est associé à l’exploitation. Il est déjà associé à l’exploitation d’une quinzaine d’aéroports de proximité en France aujourd’hui. Je vous invite donc à revisiter chacune de ces situations et à aller jusqu’au bout de votre raisonnement ! Prenez connaissance de la réalité du terrain, avant de nous attaquer ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Troisièmement, l’État reste à hauteur de 10 % du capital dans le pacte d’actionnaires. Je me réengage ici à ce que nous restions à hauteur de 10 % au capital. Oui, nous avons des conventions de vote, mais la négociation sur cette opération menée avec les collectivités territoriales, et à leur demande, leur a garanti une minorité de blocage sur le plan stratégique, sur le plan d’investissement et sur les grandes décisions.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Mensonges !

M. Emmanuel Macron, ministre. Là aussi, vous avez tort de vous fonder sur un seul document, incomplet, mis en ligne par Mediapart. Les collectivités territoriales peuvent en rendre compte.

Enfin, nous avons un contrat de régulation économique, qui préserve nos intérêts. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Jacqueline Fraysse. Zéro pointé !

Lutte contre le racisme et l’antisémitisme

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pascal Popelin. Permettez-moi tout d’abord, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, de saluer à mon tour la libération de notre compatriote Serge Lazarevic et d’exprimer le bonheur et le soulagement que nous avons tous éprouvés consécutivement à cette annonce. La France va retrouver l’un des siens et, sur tous les bancs de cette assemblée, nous nous en réjouissons.

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Il y a un peu plus d’une semaine, à Créteil, au principal motif qu’ils étaient juifs, une femme et un homme ont vécu une tragédie. Ce crime allonge l’insupportable liste des actes antisémites, qui s’inscrit elle-même dans le triste décompte de toutes les haines mortifères, racistes, xénophobes, islamophobes et antireligieuses.

Il témoigne non seulement de la violence, mais aussi de la perte de repères qui traverse notre société. Ne pas l’accepter est bien sûr de la responsabilité de l’État. C’est aussi l’affaire de la nation, de chaque Français, de tous les habitants d’un pays qui a su, si souvent, montrer le chemin au monde.

« Il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé », disait Albert Einstein. Au-delà de tout ce qui a déjà été entrepris pour combattre ces taches qui souillent notre drapeau, je vous remercie, monsieur le Premier ministre, de bien vouloir préciser à la représentation nationale la réponse qui doit être celle de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, j’imagine que chacun en convient ici et je veux le dire le plus clairement possible, le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie ne peuvent pas avoir leur place dans la République et n’ont pas leur place en France. Jamais le Gouvernement et la représentation nationale, j’en suis convaincu, ne pourront se résoudre à tolérer de tels actes, visant à détruire physiquement, moralement et psychologiquement leurs victimes. Chacune de ces agressions et chacun de ces actes commis en raison de la religion, des origines, est une insulte à la France.

La semaine dernière, la violence antisémite la plus abjecte a une fois de plus fait l’actualité. De même que M. le ministre de l’intérieur dimanche à Créteil, je fais à nouveau part de notre très grande compassion pour les victimes de ces violences, celles de Créteil bien sûr, mais aussi celles, trop nombreuses, qui ne font pas la une des journaux. Il est vrai que cette forme de violence a atteint de nouveaux sommets en 2014, car les faits ont été multipliés par deux par rapport à 2013.

Il y a un mal, ancien et perfide, qui transporte à travers les siècles la détestation du peuple juif. Ce mal est aussi parfois encouragé par des groupes politiques, notamment sur internet. Cela se fait souvent sous couvert d’antisionisme et de la haine d’Israël. Il y a aussi la menace terroriste qui, au-delà de ce climat détestable, ajoute le risque d’actes dirigés contre les symboles de la communauté juive et contre nos compatriotes juifs. Les drames de Toulouse ou de Bruxelles en ont été les manifestations les plus effroyables.

Nous entendons l’inquiétude de nos compatriotes de la communauté juive. Je sais que beaucoup pensent à partir, car ils sont inquiets et doutent de la capacité de la France à les protéger. Je veux leur dire, devant vous, comme j’ai déjà eu malheureusement l’occasion de le faire, que la France sans les juifs de France, ne serait pas la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP, UDI et UMP.)

C’est ce message de protection que nous devons leur adresser. Pour réduire cette menace qui pèse sur tant de concitoyens, bien sûr, les forces de l’ordre et de la justice ont un rôle à jouer. Bien sûr, il est important que le Gouvernement prenne des mesures. Il l’a d’ailleurs fait il y a quelques jours, en créant une délégation interministérielle renforcée et disposant de plus de moyens, car il y a un travail considérable à faire dans la société. Les responsables publics et le Gouvernement mènent ce travail, en s’appuyant sur l’État de droit.

Mais j’appelle de nouveau à la mobilisation de la société. Je ne vous le cache pas, j’ai été étonné que cet acte de violence à l’encontre d’une femme et l’agression d’un couple, commis parce qu’ils étaient juifs et qu’ils devaient avoir de l’argent, n’aient pas suscité une plus grande indignation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP, UDI et UMP.)

Il y a des années, il y aurait eu des dizaines de milliers de personnes dans la rue. J’ai été étonné que la presse n’en ait pas fait davantage sa Une. J’ai été étonné que les intellectuels, les forces de notre société, ne se soient pas davantage indignés. C’est d’un cri d’indignation que nous avons besoin.

J’évoquais dimanche dernier le très beau film Les héritiers, qui, par un hasard absurde, se déroule au lycée Léon Blum de Créteil ; il met en scène des enfants en difficultés scolaires, qui apprennent tout simplement ce qu’a été la Résistance et la Shoah, grâce à un travail pédagogique et à une rencontre avec un ancien déporté. Voilà ce que nous devons faire ! J’appelle à une rébellion de la société. Comment a-t-on pu laisser faire de tels actes ? Comment de tels propos peuvent-ils être prononcés ?

Je l’ai rappelé dimanche, quand j’ai engagé le combat contre M. Mbala Mbala, je n’ai pas été suffisamment soutenu. Voyez ce qui se passe sur internet ! Voyez les accointances entre les extrêmes qui appellent à l’antisémitisme ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP, UDI et UMP.)

J’appelle à une rébellion de la société, parce que nous ne pouvons pas accepter de tels actes dans la France des droits de l’homme, que l’on célébrait ce matin à Prague, dans le cadre de la commémoration de la rencontre entre Mitterrand et Havel. Il faut un mouvement d’indignation ! Certes, le droit, la justice et les forces de l’ordre ont un rôle à jouer, mais c’est toute la société qui doit dire non à l’antisémitisme et au racisme ! (Applaudissements sur tous les bancs. – Les députés des groupes SRC, écologiste et RRDP et quelques députés du groupe UDI se lèvent et applaudissent.)

Lutte contre le racisme et l’antisémitisme

M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Olivier Falorni. Ma question s’inscrit dans la continuité de la précédente. Elle porte en effet sur ce cancer qui ronge notre République : je veux parler de l’antisémitisme, dont les métastases s’appellent le racisme, l’islamophobie et la xénophobie.

Les agressions qui visent nos compatriotes de confession juive nous concernent tous, quelles que soient notre origine, notre croyance ou notre religion. Quand on entend « mort aux juifs », devant une synagogue, chacun d’entre nous doit entendre : « mort à la République ».

Alors, face à ce mal qui monte, il n’existe qu’une seule thérapie : celle de l’école et de la laïcité. L’éducation seule peut en effet vaincre les préjugés et la détestation de l’autre, car ils sont toujours les enfants de l’ignorance. La laïcité, dont nous fêtons aujourd’hui l’anniversaire en commémorant la loi de 1905, constitue, face à la haine, le remède le plus moderne.

Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez eu, dimanche, à Créteil, ces mots très forts : « Nous souhaitons que la lutte contre l’antisémitisme et le racisme devienne une grande cause nationale, car cela nous concerne tous ».

Je pense ainsi à ces mots que le pasteur antinazi Martin Niemöller, déporté à Dachau a écrits en 1942 : « Quand ils sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus chercher les juifs, je n’ai rien dit, je n’étais pas juif. Puis ils sont venus me chercher, et il ne restait personne pour protester. » (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, GDR et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, votre question revient, avec des mots forts, sur le problème qu’a remarquablement évoqué à l’instant, le Premier ministre, en rappelant les valeurs de la République, ces valeurs que nous devons systématiquement ériger en remparts lorsque les idéologies les plus funestes, qui ont déjà rongé la République de l’intérieur, recommencent à poindre.

Je me suis rendu dimanche matin, comme de nombreux parlementaires de différentes sensibilités, à Créteil. J’y ai rencontré, aux côtés de Laurent Cathala, député-maire de Créteil, une famille profondément brisée, habitée par la peur, désespérée que ses enfants aient pu être à ce point atteints.

J’ai aussi rencontré, lors de cette manifestation, une communauté chez qui l’inquiétude était omniprésente et l’indignation très grande. J’ai ressenti, comme l’a dit le Premier ministre, un très grand besoin de protection par la République de tous ses enfants, notamment des juifs de France, qui se sont sentis terriblement blessés par les attaques, les insultes et les violences dont ils ont été victimes.

Le Premier ministre l’a dit, il faut faire de la lutte contre le racisme et contre l’antisémitisme une grande cause et un grand engagement. Cela signifie que les forces de l’ordre continueront de protéger en nombre toutes les institutions et tous les lieux de culte, afin qu’aucune violence ne se produise.

Cela signifie également que la belle valeur de laïcité dont vous avez parlé et que nous avons célébrée ce matin, dans une école, avec la ministre de l’éducation nationale, doit constituer un creuset permettant à tous les enfants de France de se retrouver dans la République.

Comment définir cette valeur de laïcité ? C’est une valeur de profond respect à l’égard de ceux qui ne croient pas comme de ceux qui croient et qui ont fait, en conscience, le choix de leur religion. Ils doivent, au sein de la République, être respectés en raison de leurs convictions.

Cette grande cause nationale doit mobiliser toutes les administrations et tous les acteurs de la République pour remettre au cœur de la République et de notre pays une belle notion, dont les juifs de France, comme toutes les victimes de racisme, ont grand besoin : cette valeur porte un nom simple, le respect. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, GDR et écologiste.)

Déclarations du Premier ministre

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le Premier ministre, vous n’êtes pas avare de sentiments. Vous avez d’abord déclaré au MEDEF, au mois d’août, votre flamme à l’entreprise. Quelques jours plus tard, vous renouveliez ici, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, vos serments à l’attention des socialistes.

M. Bernard Roman. C’est normal.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Dimanche dernier, lors du journal télévisé de 20 heures, les Français apprenaient que vous aimiez aussi François Hollande et que cela allait durer puisque vous avez curieusement annoncé que vous resteriez jusqu’à la fin du quinquennat.

M. Henri Emmanuelli. Quel niveau !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Vous opposez donc aux rumeurs de départ, monsieur le Premier ministre, un engagement qui dépasse l’échéance fixée par notre Constitution. Celle-ci prévoit en effet que le Président de la République nomme et révoque le Premier ministre, à qui l’Assemblée nationale accorde, ou non, sa confiance.

M. Patrick Lemasle. C’est laborieux ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous en prie : écoutons la question.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le Premier ministre, à quel prix avez-vous acquis la garantie de l’emploi dont vous faisiez état dimanche ? Telle est la question : rester, oui, mais pour quoi faire ? Certains espéraient que votre nomination serait l’occasion d’insuffler un peu de dynamisme au quinquennat de François Hollande. Or le contraire s’est produit : vous êtes en effet gagné par le hollandisme.

Les symptômes en sont désormais connus : l’hésitation, l’incohérence et l’inaction.

M. Nicolas Bays. Caricature !

M. le président. Monsieur Bays, je vous en prie.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Comme François Hollande, vous allez de reculs en renoncements, qu’il s’agisse de l’écotaxe, de la réforme des départements, des déficits ou de l’Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Oui, on dirait que le maintien à Matignon a un prix : votre liberté d’agir et de réformer. L’allégeance à François Hollande lie votre main droite.

M. le président. Merci, madame la députée !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. La course après votre majorité lie votre main gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Loncle. C’est minable.

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Je vous demande d’écouter sa réponse.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, j’ai l’impression que la question m’était adressée.

M. le président. J’en ai également l’impression.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, j’aime beaucoup que l’on parle d’histoires d’amour. Je comprends que les relations personnelles vous intéressent. J’ai entendu votre interview au lendemain de votre nomination à un poste de grande responsabilité au sein de votre formation politique : vous avez passé toute cette émission à critiquer celui qui avait été nommé secrétaire général. (Rires sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Bravo !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je comprends donc parfaitement que ces questions des relations politiques et personnelles vous intéressent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

J’ai d’ailleurs rappelé dimanche soir les dispositions de la Constitution, que je connais parfaitement : je sais qui m’a nommé et qui me fait confiance. J’ai simplement rappelé, parce que, avec le Président de la République, nous l’avons ainsi décidé, qu’effectivement, je mènerai ma mission jusqu’au bout. Cela ne devrait pas constituer une surprise : je la mènerai ainsi avec la volonté de réformer notre pays dans le sens de la justice et de la lutte contre les inégalités, car telles sont, évidemment, les priorités de ce Gouvernement et de cette majorité.

Voilà le sens des propos que j’ai, tout simplement, tenus aux Français. Je vous remercie donc de vous intéresser à mon sort comme de me donner l’occasion de vous rappeler que, pour réformer la France, j’irai jusqu’au bout. En effet, ce pays en a besoin. Il a, pour être plus fort et plus compétitif, besoin de réformer son économie.

Nous avons besoin de nous appuyer sur nos entreprises comme sur nos salariés. Nous avons également besoin de nous rassembler, nous l’avons montré il y a un instant. J’ai en effet la conviction que nous nous situons à un moment clé du quinquennat. Pour cette raison, j’assume pleinement mes responsabilités.

Soit le pays choisit de regarder le passé et d’être gagné par les idées les plus sombres, soit il décide de considérer l’avenir avec plus d’optimisme. Le rôle de ce Gouvernement et de cette majorité, et, j’en suis convaincu, de tous les républicains, est de redonner une espérance à ce pays, or nous en sommes très loin. C’est pour cette raison que je ne déserterai jamais. C’est pour cela que j’assumerai mes responsabilités, au nom de l’amour de la France et au nom de l’idée que je me fais des responsabilités d’un chef de gouvernement.

Je ne serai guidé en cela que par la volonté de réformer la France et par celle de permettre aux Français d’avoir, demain, davantage confiance en eux-mêmes. C’est un souhait que je forme aussi pour vous, madame la députée, car je crois que vous manquez beaucoup de cette confiance en vous-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Compte pénibilité

M. le président. La parole est à Mme Catherine Quéré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Catherine Quéré. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, avec le pacte de responsabilité et de solidarité, nous avons voté la mise en place du compte pénibilité. Le compte pénibilité, c’est la garantie faite à chaque salarié que lorsqu’il a un travail difficile, qui l’use physiquement, il pourra partir à la retraite plus tôt ou se former rapidement pour faire évoluer sa carrière. C’est la garantie d’une meilleure prise en compte des spécificités de l’emploi de chacun.

M. Laurent Furst. C’est une usine à gaz !

Mme Catherine Quéré. C’est une mesure de justice sociale. C’est surtout la reconnaissance que tous les emplois n’ont pas les mêmes effets sur la santé.

La prise en compte du travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes la nuit, le travail répétitif et les activités exercées en milieu hyperbare seront pris en compte dès le 1er janvier 2015. Six autres critères s’appliqueront progressivement en 2016.

Nous devons réaffirmer haut et fort que nous ne reviendrons pas sur cet acquis social qui concernera, dès 2015, un million de salariés français. C’est une exigence de justice.

Cette mesure pour les salariés ne se fait pas contre l’entreprise. Le droit des salariés ne s’oppose pas au développement économique, bien au contraire. C’est un atout pour l’entreprise que de se préoccuper de la santé de ses salariés.

Le compte pénibilité n’est pas insurmontable : il s’agit d’une déclaration annuelle unique qui coûtera peu aux entreprises.

Une mission a été conduite par Michel de Virville en lien avec les professionnels et les syndicats. Le Président de la République a annoncé qu’une autre mission suivra l’application des décrets et que les parlementaires y seront pleinement associés.

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la députée, vous avez raison de souligner que la mise en place du compte pénibilité est d’abord et avant tout une réponse de justice à une réalité sociale que nous ne pouvons pas ignorer.

M. Sylvain Berrios. C’est une usine à gaz !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il y a des hommes et des femmes qui vivent moins longtemps parce qu’ils sont exposés à des conditions de travail pénibles. Il y a des hommes et des femmes dont l’espérance de vie en bonne santé est réduite parfois de dix ans par rapport à des cadres parce que leurs conditions de travail sont plus difficiles, et c’est pour cela que nous mettons en place le compte pénibilité à partir du 1er janvier prochain.

Un million de salariés seront concernés en 2015, 3 millions en 2016.

M. Laurent Furst. Et combien de chômeurs en plus ?

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est une avancée sociale majeure due à l’engagement de la majorité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Mais nous voulons évidemment que ce compte pénibilité se mette en place dans les conditions les plus simples : simplicité pour les salariés, simplicité pour les employeurs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière. C’est impossible !

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est la raison pour laquelle, après discussion, en particulier avec les petites entreprises, nous avons annoncé que ce compte se mettrait en place en deux étapes. Quatre critères de pénibilité seront pris en compte dès l’année prochaine, et les autres à partir de 2016.

Il faut réaliser que concrètement, ce sont des salariés qui portent des charges lourdes, ce sont des salariés qui travaillent la nuit, ce sont des salariés qui travaillent en trois-huit. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons mis en place une mission confiée à M. de Virville, dont je veux saluer le remarquable travail. Elle va se poursuivre, en particulier avec les petites entreprises, pour que tout se fasse de manière progressive, adaptée et sécurisée.

Vous avez raison, madame la députée, c’est une grande avancée sociale. Nous voulons qu’elle soit simple, mais pensons aux salariés auxquels elle s’adresse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Crèches de Noël

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jérôme Chartier. Le week-end dernier est née en France une polémique dont nous nous serions tous bien passés, une polémique que les Français n’ont pas comprise. Deux décisions sont à l’origine de cette polémique – l’une d’une autorité préfectorale, l’autre d’un tribunal administratif – concernant les crèches de Noël.

La décision de l’autorité préfectorale, placée sous l’autorité du ministre de l’intérieur, considère que les crèches sont une attaque contre le dispositif réglementaire et institutionnel de la laïcité. L’autre décision est celle du tribunal administratif pour lequel une crèche est un emblème religieux.

Messieurs les membres du Gouvernement, je voudrais rappeler deux ou trois faits. Le premier est que les crèches existent en France depuis le Moyen-Âge. Vous ne trouverez jamais mention d’une crèche dans aucun texte de la religion catholique.

Le deuxième fait est que la crèche appartient à notre histoire, c’est notre culture. Que ce soit vous, vos enfants ou vos parents, nous avons tous connu les crèches, et nous n’avons jamais considéré qu’il y avait là une atteinte au principe de laïcité.

Troisième fait : nombre de Français aujourd’hui se demandent pourquoi une telle polémique vient à émerger, et pourquoi les lois de la République ne permettent pas de faire la part des choses.

M. Michel Ménard. N’en faites pas l’objet d’une question !

M. Jérôme Chartier. Je voudrais vous citer une réflexion de deux Français de confession musulmane, qui disent : « Les crèches, cela ne nous pose pas de problème dès lors que cela fait plaisir aux enfants. On fête Noël et on offre des cadeaux. » Alors, s’il vous plaît, respectez les traditions de la France ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, je comprends de votre question que vous avez une préoccupation que nous pouvons très largement partager dans cet hémicycle et sur ces bancs : éviter qu’il y ait des polémiques sur tout. Vous avez raison d’ailleurs, mais la meilleure façon d’éviter les polémiques, c’est certainement de ne pas les alimenter en permanence, à tout instant, en oubliant ce que sont les principes fondamentaux de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Si l’on veut éviter des polémiques sur ces sujets, il faut s’en référer en permanence au droit, et à la manière dont il est interprété par le juge. L’article 28 de la loi de 1905 est extrêmement clair sur les conditions dans lesquelles des signes religieux peuvent exister ou être apposés dans des lieux publics.

C’est sur le fondement de cet article 28 de la loi de 1905 que, dans une décision du 14 novembre 2014, le tribunal administratif, interprétant cette loi, a fait connaître le droit. Quand on est attaché aux principes républicains, que l’on est parlementaire – donc membre d’un organe législatif – ou membre du Gouvernement, on se dispense de commenter les décisions des juges après qu’ils ont fait connaître le droit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) C’est cela la République ! Et si l’on veut éviter qu’il y ait des conflits dans la République, il faut se conformer scrupuleusement à tous les principes de droit, notamment ceux qui régissent la séparation des pouvoirs et qui nous obligent. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, un peu de calme s’il vous plaît !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. La deuxième chose que je tiens à dire est que l’autorité préfectorale à laquelle vous faites référence a simplement tenté, avec le maire de Béziers, d’engager un dialogue sur la base d’une décision de justice dans le souci de trouver des compromis et de l’apaisement. Si vous aussi vous cherchez des compromis et de l’apaisement, c’est dans le droit et non dans la polémique que vous les trouverez ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et GDR.)

Relations entre la France et la Russie

M. le président. La parole est à Mme Marie-Line Reynaud, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marie-Line Reynaud. Monsieur le secrétaire d’État en charge des affaires européennes, le Président de la République, de passage en Russie, a été invité à rencontrer le président Vladimir Poutine. Ils ont pu s’entretenir durant près de deux heures. Nous savons que les tensions entre le monde occidental et la Russie se sont ravivées ces dernières années, et plus encore depuis la crise ukrainienne.

La France a toujours eu une place particulièrement importante au sein de la diplomatie. Il est de notre devoir de ne pas laisser s’ériger de nouveaux murs, et le dialogue est primordial pour assurer une sortie de crise. Le conflit ukrainien a déjà fait des milliers de morts. La signature du protocole de Minsk, en septembre dernier, augurait d’un apaisement ; mais la confiance n’est pas là. Or, elle est la condition d’un cessez-le-feu durable. C’est en cela que notre rôle est d’encourager son application, ainsi que le respect des frontières et l’échange de prisonniers.

Monsieur le secrétaire d’État, chacun ne sortira la tête haute que lorsque le processus de paix sera engagé. L’action de l’Union européenne, de la France et de leur diplomatie est la meilleure arme contre les violences qui se déroulent en Ukraine. Nous avons reporté jusqu’à nouvel ordre la livraison des Mistral à la Russie et nous savons ce que ce refus pourrait coûter à la France ; mais c’est là aussi le prix de la paix. Tous les moyens de négociation doivent entrer en jeu. La presse internationale salue d’ailleurs l’initiative du Président François Hollande qui permet d’apaiser les tensions dans la région.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire quelles leçons doivent être tirées de l’entrevue de notre Président de la République avec le président Vladimir Poutine ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Madame la députée Marie-Line Reynaud, c’est en effet le rôle de la France de promouvoir la paix, le respect du droit international et la recherche de solutions politiques au conflit, en particulier quand il se déroule sur le continent européen. Il fallait donc reprendre l’initiative.

M. Alain Marty. Il fallait le faire plus tôt !

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Nous ne pouvions pas laisser les violences se poursuivre indéfiniment en Ukraine. C’est pourquoi le Président de la République a pris l’initiative de s’entretenir avec le président Vladimir Poutine, afin de faire valoir la nécessité d’une « désescalade » et d’une relance du processus politique entre l’Ukraine et la Russie. Les premiers résultats sont déjà visibles. Le président Porochenko, avec lequel le Président de la République s’est entretenu dimanche, vient d’annoncer que les tirs ont cessé dans le Donbass et que le cessez-le-feu était respecté. Des négociations vont se tenir prochainement à Minsk entre les autorités ukrainiennes et les séparatistes.

Il faut maintenant préparer les prochaines étapes destinées à assurer une paix durable en Ukraine, et c’est à cela que nous nous employons. Le protocole de Minsk du mois de septembre constitue en cela notre boussole. Notre conviction, que nous croyons largement partagée en Europe, est qu’il n’y a pas d’autre objectif possible que de préserver l’intégrité territoriale et la souveraineté d’une Ukraine démocratique et que la seule voie pour y parvenir passe par un accord politique. Comme le Premier ministre l’a rappelé hier, à l’occasion de sa visite en République tchèque, la priorité pour la France, c’est la construction d’une solution politique durable dans l’est de l’Ukraine.

S’agissant de la vente des Mistral, le Président et le Gouvernement ont parfaitement conscience de leur responsabilité. La décision du Président de reporter jusqu’à nouvel ordre la livraison du Mistral prend évidemment en compte les circonstances exceptionnelles. Nous ne voulons pas laisser s’ériger de nouveaux murs en Europe.

Projet de loi santé

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, votre projet de loi de santé publique, annoncé à grand renfort de médiatisation, voit son pilotage aujourd’hui sans contrôle. Le monde libéral de la santé, le secteur public hospitalier et le service territorial de santé, de même que les internes, le Conseil de l’ordre des médecins et l’Académie de médecine, sont vent debout contre ces dispositions : qu’il s’agisse de la tentative déguisée d’étatisation, de l’exclusion des cliniques privées, du retour de l’hospitalo-centrisme, de la généralisation du tiers payant, des sanctions financières annoncées avec le testing, mais aussi de la gouvernance des agences régionales de santé, comme de l’échec des négociations sur la rémunération des médecins généralistes.

Après un PLFSS 2015 sans grande envergure et sans réforme structurelle pourtant indispensable, vous réussissez ce que peu de ministres et de gouvernements avaient réussi avant votre projet de loi : susciter la création d’un front syndical de la médecine générale et réveiller avec elle les hospitaliers et les urgentistes. Tous appellent à des grèves en fin d’année ! Cela est d’autant plus inhabituel que votre projet de loi avait soulevé quelques espoirs, lors des premiers débats sur la stratégie nationale de santé. La grogne monte chaque jour et s’amplifie contre votre politique de santé. Vous aviez dénoncé la loi Bachelot, mais aujourd’hui c’est la loi Touraine qui est contestée.

Madame la ministre, quand est-ce que vos projets ne seront plus des illusions et quand aurez-vous conscience de la réalité du terrain ? Quand engagerez-vous enfin une politique de santé responsable et digne de regagner la confiance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député Jean-Pierre Door, la loi de santé qui sera présentée prochainement au Parlement vise à lutter contre les inégalités. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Sébastien Vialatte. N’importe quoi !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je pourrais de nouveau citer les écarts d’espérance de vie entre certains de nos concitoyens ou vous rappeler ce que vous savez très bien : à dix ans, un enfant d’ouvrier a dix fois plus de risques d’être obèse qu’un enfant de cadre. Pour lutter contre cela, nous devons mettre en œuvre des mesures résolues. Lutter contre les inégalités, c’est faire de la prévention la priorité, en créant un médecin traitant de l’enfant, en luttant contre le tabagisme, notamment grâce au paquet neutre, en reconnaissant pour la première fois un droit à l’information ainsi que le rôle essentiel des associations de patients dans les territoires.

Lutter contre les inégalités, c’est permettre à nos concitoyens de contacter un médecin de garde grâce à un numéro de téléphone unique ; c’est aussi leur permettre de s’adresser au service public hospitalier, enfin reconnu pour ce qu’il est ; c’est faire tomber les barrières financières, car nous ne pouvons pas accepter que des Français renoncent à des consultations médicales faute de ressources. C’est dans ce cadre que nous proposons la généralisation du tiers payant, en particulier, et que nous sommes en concertation avec l’ensemble des acteurs.

Mme Marie-Jo Zimmermann. N’importe quoi !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je sais que des inquiétudes existent, monsieur le député. Cette semaine, je reçois l’ensemble des acteurs du monde libéral, ainsi que le Conseil de l’ordre des médecins et je souhaite, dans l’intérêt des patients, lever toutes les inquiétudes et les incertitudes qui demeurent.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce n’est pas gagné…

Opération Sangaris

M. le président. La parole est à M. Nicolas Bays, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Nicolas Bays. Monsieur le ministre de la défense, il y a près d’un an, répondant à l’appel d’un peuple ami et sous mandat onusien, la France déclenchait l’opération Sangaris en République centrafricaine. Devant l’urgence de la situation et face au risque d’un massacre de masse sous les yeux de la communauté internationale, massacre perpétré au nom du fanatisme religieux, la France et son Président de la République, conscients de leurs responsabilités, ont répondu présents en optant pour une intervention militaire rapide. On ne pouvait pas laisser l’Afrique sombrer dans le chaos : c’était une question de sécurité commune.

Menée par les forces françaises avec l’efficacité, le professionnalisme et le courage qui sont les leurs,…

M. Bernard Accoyer. Et avec les restrictions budgétaires ?

M. Nicolas Bays. … – je pense que nous pouvons collectivement leur rendre hommage ici – cette opération a permis d’enrayer la spirale de violence qui rongeait le pays et menaçait la vie quotidienne des Centrafricains depuis des décennies. Loin d’un acte néocolonial, il s’agissait d’une action en faveur des intérêts de la République centrafricaine et de son peuple. Ce préalable était indispensable pour permettre aux forces internationales et onusiennes de monter en puissance et d’assurer leur déploiement opérationnel.

La France a su mobiliser la communauté internationale, en particulier les États africains. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Après un an de présence des forces françaises sur le sol centrafricain, avec des résultats probants et incontestés, pouvez-vous, monsieur le ministre de la défense, dresser, pour la représentation nationale et les Français, le bilan de l’opération Sangaris et nous éclairer sur les perspectives que le Gouvernement et le Président de la République souhaitent donner à l’action française dans la région afin de garantir la stabilité dans le temps et la sécurité des Centrafricains ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Allô ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, vous avez rappelé que les forces françaises sont présentes en République centrafricaine depuis maintenant un an, sous mandat des Nations Unies. Nous avons pu d’abord éviter le vide sécuritaire. En effet, un tel vide dans un tel pays aurait pu être le début d’aventures terroristes considérables. Nous sommes aussi parvenus à empêcher les massacres de masse que l’on envisageait comme très probables. Enfin, nous avons pu faire revenir à la normale les circulations dans ce pays enclavé, ce qui permet, entre autres, l’acheminement de l’aide humanitaire. Et puis la vie sociale de base a repris, les écoles sont ouvertes, l’université fonctionne, les commerces aussi. Cela est dû à la qualité et au courage de nos soldats, auxquels vous avez bien voulu rendre hommage, à leur sang-froid, à leur maîtrise et à la qualité du commandement.

Cette action a aussi permis une mobilisation internationale puisque, depuis le mois de septembre, les forces des Nations Unies, la MINUSCA, se déploient, avec aujourd’hui 8 500 militaires présents, et l’Europe a aussi contribué à la pacification par l’envoi d’une force de 700 militaires qui poursuivront leur mission en formant des forces armées de Centrafrique.

Tout cela permet un retrait progressif de nos forces : nous sommes aujourd’hui 2 000, et nous serons 1 500 au printemps, avec une capacité de réaction rapide si nécessaire.

Mais, monsieur le député, la situation reste fragile. La vraie stabilisation de la République centrafricaine, c’est la solution politique. Il s’agit d’aller vers une transition qui permettra des élections législatives au cours de l’année 2015. Nous en prenons le chemin. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Moignard. Très bien !

Loi anti-burqa

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Valérie Pécresse. Monsieur le Premier ministre, en 2010, le Parlement a voté une loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public. Cette loi anti-burqa n’est pas n’importe quelle loi : c’est une loi qui protège la dignité de la femme, une loi qui refuse les fondamentalismes, une loi qui garantit l’ordre public.

Or elle est aujourd’hui sciemment contournée par certains, dans le but revendiqué de défier nos institutions. Une personne, M. Rachid Nekkaz, se targue en effet d’avoir payé pour 180 000 euros d’amendes, ôtant ainsi aux sanctions prévues par la loi tout caractère dissuasif. Cet individu a annoncé qu’il se rendra demain à la trésorerie de Versailles pour payer sa huit cent soixante-dix-huitième amende anti-burqa, à la place de la femme qui a été verbalisée !

Monsieur le Premier ministre, vous qui avez voté la loi de 2010, pouvez-vous accepter de telles provocations ? Pouvez-vous accepter que des personnes mettent ainsi tout en œuvre, impunément, pour vider la loi de la République de son contenu ? Pour nous, la réponse est clairement « non ».

C’est pourquoi, avec une vingtaine de collègues, j’ai proposé un texte qui permet de mettre fin à ces actes.

M. Henri Emmanuelli. C’est lamentable ! Avec quoi jouez-vous ?

M. Éric Straumann. Et que faites-vous de l’unité nationale, monsieur Emmanuelli ?

Mme Valérie Pécresse. Nous proposons d’abord de rendre obligatoire un stage de citoyenneté pour toutes les femmes verbalisées ; ensuite, de créer un délit d’entrave à la loi, puni de trois ans d’emprisonnement et de 100 000 euros amende. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Soutiendrez-vous, en tant que chef du Gouvernement, notre proposition pour permettre l’application effective de la loi et des principes républicains ? (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, j’ai en effet voté cette loi, mais je rappelle que le vote avait été extrêmement large car chacun avait refusé l’idée même de ce voile intégral qui nie l’identité des femmes. À travers nos débats sur le sujet, y compris les questions posées dans cet hémicycle, je constate la très grande fragilité dans laquelle se trouve notre société. C’est une responsabilité collective. Nous l’avons déjà vu à l’occasion d’une autre question tout à l’heure.

Il y a des combats fondamentaux que nous devons mener. Je les ai rappelés, et ils sont partagés sur tous les bancs : combats contre l’antisémitisme, le racisme, la xénophobie.

Et puis, il y a un bien précieux qui doit nous rassembler. C’est la laïcité, et je peux le dire avec encore plus de force en ce 9 décembre. Elle n’a pas besoin d’avoir un adjectif accolé parce qu’elle est au cœur des valeurs de la République en permettant ce vivre ensemble.

Mme Pascale Crozon. Très bien !

Mme Claude Greff. Mais que faites-vous pour cela ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. La laïcité est un bien précieux et en même temps fragile. Je vous le dis très directement et le plus franchement possible, madame la députée : faisons attention à tous ces débats qui peuvent être instrumentalisés. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je me refuse à tomber dans ce piège ; c’est tellement facile. Faisons très attention,…

M. Éric Straumann. Comme avec les régions !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …eu égard à ce que j’ai décrit tout à l’heure et aussi à nos compatriotes musulmans, notamment dans une année électorale, à ne pas utiliser ces sujets pour diviser (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), pour vous permettre d’essayer de me placer au pied du mur dans cet hémicycle – l’habileté est tellement évidente ! – pour que je vous dise : « oui ». Cela voudrait dire que nous courons derrière vous ou que, sinon, nous serions en faveur du voile. Ce débat caricatural, ce piège que vous essayez de me tendre, ce n’est pas bon pour la démocratie, ce n’est pas bon pour la laïcité, ce n’est pas bon pour la concorde nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plutôt que d’essayer de diviser sur un tel sujet, madame Pécresse, je vous appelle au rassemblement autour de nos valeurs. il en va de l’unité même de ce que nous sommes. (Huées sur les bancs du groupe UMP.) Plutôt que de siffler, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, je vous appelle tous à nous rassembler le 9 décembre autour de nos valeur, pour protéger la laïcité qu’il faut défendre à chaque fois et sur tous les sujets. (Mêmes mouvements.)

Il n’y a pas une laïcité pour les juifs, une laïcité pour les chrétiens, une laïcité pour les musulmans ; il y a une laïcité pour tous les Français ! Ne divisez pas ! Nous, nous rassemblons ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupe SRC, RRDP, Écologiste et GDR. – Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)

Actes de vandalisme contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes

M. le président. La parole est à M. Christophe Priou, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christophe Priou. Monsieur le Premier ministre, pour que le capital d’un aéroport soit ouvert, encore faut-il que ce dernier soit construit. La semaine dernière, alors que vous étiez en visite en Loire-Atlantique, vous avez annoncé une rallonge de 71 millions d’euros pour la desserte routière du futur aéroport du Grand Ouest, à Notre-Dame-des-Landes. C’est une bonne nouvelle, mais encore faudrait-il que les routes actuelles soient libres d’accès et que celles qui sont prévues puissent être librement construites par des entreprises, sans que ces dernières ne soient menacées, harcelées ou vandalisées.

Dans la campagne autour de Notre-Dame-des-Landes, la situation d’anarchie a empiré : les squatteurs s’exportent désormais en Isère, comme l’a signalé notre collègue Barbier la semaine dernière, et dans le Tarn ; pire, la République est attaquée au travers de ses représentants : il y a quinze jours, la gendarmerie de Sautron a été vandalisée – je cite les assaillants : « Suite aux tentatives vaines, mais répétées de réprimer le mouvement de révolte actuelle […], il a été décidé la mise en quarantaine de la gendarmerie de Sautron pour une durée indéterminée ». C’est la République à l’envers !

Maintenant, ce sont des lettres de menace qui sont adressées aux entreprises susceptibles de répondre aux appels d’offres ; s’y ajoutent des destructions d’engins de chantier, des dégradations de bureaux, des vols de données et l’intimidation de salariés.

M. Philippe Le Ray. Scandaleux !

M. Christophe Priou. Mes questions sont simples, monsieur le Premier ministre : au-delà des recours – légitimes dans un État de droit – qui ont été introduits au niveau national et européen, allez-vous, oui ou non, rétablir la circulation dans toute la zone avant que ces coups de force illégaux ne fassent tache d’huile et n’aient force de loi ? Allez-vous, oui ou non, démanteler les points de contrôle illégaux ? Quelles suites comptez-vous donner à ce flot de menaces écrites, afin de protéger les entreprises, leurs dirigeants et leurs salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, je veux profiter de votre question pour rappeler un certain nombre de principes.

M. Yves Nicolin. Nous attendons des actes !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il est tout à fait normal – cela a été dit par la ministre de l’écologie, par le Premier ministre et par le Président de la République – que, sur les grands projets environnementaux, il y ait jusqu’au bout des débats qui permettent d’aboutir à un compromis et de trouver le bon équilibre, de manière à ce que le fil du dialogue ne soit jamais coupé – car, comme nous l’avons rappelé la semaine dernière, il vaut toujours mieux un bon compromis qu’une mauvaise querelle sur des sujets qui engagent durablement l’avenir d’une région.

M. Dominique Dord. Pour l’instant, il n’y a pas de compromis…

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cela étant dit, il faut aussi rappeler les principes du droit. Le Gouvernement n’acceptera jamais que des « zadistes » s’en prennent à des matériaux de chantier ou à des salariés d’entreprises, comme cela est aujourd’hui le cas.

M. Dominique Dord. Ce ne sont que des mots !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous n’accepterons jamais qu’il y ait des occupations illégales de terrain, avec des atteintes portées à la sécurité de certains riverains. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît : rien ne justifie ce genre de réaction !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est la raison pour laquelle, après que dix-huit actes de violence ont été portés à notre connaissance, notamment sur le territoire de Notre-Dame-des-Landes, l’action publique, sous la coordination du procureur de la République de Saint-Nazaire et du procureur de la République de Nantes et avec le concours des préfets, a été systématiquement engagée, pour que le droit passe et que l’ordre public soit respecté. (« Oh que non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

De même, nous avons donné des instructions pour que, lorsque des actes sont commis à l’encontre des biens et des personnes vivant à proximité de ces zones, la gendarmerie soit immédiatement à la disposition des habitants pour faire en sorte que leur protection soit assurée.

M. Dominique Dord. Ben voyons ! C’est un État de non-droit ! Laxisme !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Et d’ailleurs, elle l’est : nous recevons de très nombreux témoignages d’habitants qui remercient les forces de l’ordre pour leur présence et leur engagement sur le terrain.

Je vous le dis aujourd’hui avec la plus grande clarté – comme je l’ai déjà fait la semaine dernière en réponse à une question concernant Roybon : le dialogue pour trouver de bons compromis, oui, la violence prétendant s’opposer au droit voté par le peuple souverain et aux décisions de justice, jamais, car ce serait le contraire de la République ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Meunier. Et alors ?

M. Dominique Dord. Réagissez !

M. Yves Nicolin. Au travail !

Société nationale Corse Méditerranée (SNCM)

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gaby Charroux. Monsieur le président, mes chers collègues, je veux à mon tour saluer au nom du groupe GDR la libération de notre compatriote Serge Lazarevic.

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, et les députés des Bouches-du-Rhône, préoccupés, s’y associeront certainement.

La SNCM est au bord du gouffre ; la SNCM se meurt. Il faut arrêter de se cacher derrière l’Europe : la situation de la SNCM est le problème de la France. Comment a-t-on pu laisser ce fleuron du service public de continuité territoriale en arriver là ?

Sans doute en allant, dès 2006, de renoncements en privatisation, comme l’a dénoncé le rapport de la commission d’enquête de notre Assemblée intitulé : « SNCM, histoire d’un gâchis ». Cette privatisation, faite contre l’avis de la compagnie, des élus locaux et des salariés, n’a permis qu’une chose : faire réaliser à Butler une plus-value cinq fois supérieure à sa mise de fonds.

Sans doute aussi parce que la France a renoncé à ses prérogatives au bénéfice de l’Europe. Nous nous trouvons aujourd’hui suspendus au bon vouloir de celle-ci sur les pénalités et la transmissibilité de la délégation de service public au nom de la concurrence libre et non faussée.

La rencontre organisée la semaine dernière chez le secrétaire d’État chargé des transports – que je remercie – l’a confirmé : l’inquiétude est grande.

Monsieur le Premier ministre, 4 000 emplois sont en jeu. Un nouvel embrasement du port de Marseille-Fos ne serait profitable à personne. L’avenir d’une compagnie que la France a voué à l’échec est entre vos mains. Comment comptez-vous agir pour imposer à l’Europe le gel des pénalités, la poursuite de la délégation de service public et la formation d’une société nationale libérée du dumping social et dotée d’une flotte renouvelée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, sur plusieurs bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. François-Michel Lambert. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, vous avez raison de rappeler l’origine de la situation actuelle de la SNCM, à savoir une privatisation intervenue dans des conditions qui portaient en germe l’échec de l’activité de la société.

Aujourd’hui, cette situation est celle d’une entreprise qui cumule les déficits depuis dix ans et qui, parce que cette privatisation avait été mal conduite, a été condamnée à deux reprises à payer au total 400 millions d’euros à ceux qui avaient prêté de l’argent public.

Il ne sert à rien de s’exonérer de cette réalité, d’autant que la justice est intervenue. L’État a fait son devoir, notamment en avançant cette année 30 millions d’euros à la SNCM ; ce n’est que grâce à cette intervention que la compagnie a pu subsister jusqu’à aujourd’hui – mais le tribunal de commerce a prononcé la mise en redressement judiciaire.

Le problème est simple – vous l’avez rappelé et nous en avons débattu la semaine dernière avec les élus marseillais qui m’avaient saisi. Si nous obtenons que la délégation de service public fasse partie du cahier des charges de la reprise, alors nous aurons la possibilité de sauver, non pas toute la SNCM – car je ne veux pas tenir de discours irresponsable –, mais au moins la moitié des emplois. C’est un combat qui mérite d’être mené.

Il est vrai que ce combat se heurte aujourd’hui à des difficultés. La discussion est difficile. Mais que personne n’interprète mes propos, aujourd’hui comme hier, comme un constat d’échec. Le combat continue, la discussion se poursuit – notamment demain à Bruxelles. Le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement sont mobilisés ; nous voulons obtenir une décision favorable. Ce n’est pas facile compte tenu de l’histoire, mais je crois que nous devons aux salariés, qui sont aujourd’hui dans l’angoisse, la réponse qu’une reprise pourra se faire et que 800 emplois seront sauvés. En tout cas, vous pouvez compter sur ma détermination ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

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Projet de loi de finances rectificative pour 2014

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2014 (nos 2353, 2408).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote sur le projet de loi, la parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Le dernier projet de loi de finances rectificative de l’année corrige traditionnellement, en fin d’exercice, les dispositions de la loi de finances initiale. C’est en quelque sorte la « voiture-balai » du processus budgétaire : il permet des ajustements à la marge. Or nous avons vu apparaître de nouvelles mesures au fil des trente-cinq articles de celui-ci.

Nous pouvons faire les constats suivants. Le présent projet de loi de finances rectificative marque un dérapage du déficit – oui, un dérapage – de 4,3 milliards d’euros de plus que prévu dans la première loi de finances rectificative, votée en juillet. Notre déficit de clôture de 2014 sera en effet de 88,2 milliards. La prévision de déficit reste inchangée, à 4,4 % du produit intérieur brut. Les recettes fiscales sont en chute libre, avec moins 11,8 milliards par rapport à la loi de finances initiale : nous enregistrons une très nette dégradation pour la deuxième année consécutive, notamment sur l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Il faudra bien poser la question des raisons de cette chute des recettes fiscales.

La France est le seul pays dont le déficit s’est dégradé en 2014 par rapport à 2013, de 13 milliards d’euros en exécution, ce qui me conduira à quelques commentaires ultérieurs.

Dans cette loi de finances rectificative, certaines dépenses continuent à déraper par rapport aux prévisions. Je pense notamment à la masse salariale et aux dépenses de guichet.

Le Gouvernement se voulait crédible par rapport à Bruxelles en présentant une réduction des dépenses. Ce ne sera malheureusement pas le cas.

Nous pouvons en effet d’ores et déjà considérer qu’il a perdu sa crédibilité aux yeux de Bruxelles. La Commission européenne a octroyé un délai de quatre mois à la France pour lui permettre de rectifier la trajectoire budgétaire et de mettre en place les réformes nécessaires. Il a fallu trouver en urgence – et en catastrophe – 3,6 milliards d’euros pour montrer qu’il y aurait tout de même une petite amélioration – de 0,3 % – du solde structurel en 2015. Nous avons échappé provisoirement – et je l’espère définitivement – aux sanctions financières, qui pourraient représenter 4 milliards d’euros.

Selon les prévisions de la Commission européenne, le déficit public de la France va s’aggraver pour atteindre 4,7 % du PIB en 2016, et ainsi dépasser celui de nos voisins européens. Votre scénario d’un retour du déficit sous la barre des 3 % s’éloigne encore un peu plus.

La France est sommée de se réformer. Les voix s’élèvent et les jugements se durcissent. Notre pays est montré du doigt par la Commission européenne, par le FMI et, depuis le 27 novembre dernier, par un rapport économique franco-allemand, qui le met en garde contre le manque d’audace de son économie.

J’ai pris connaissance aujourd’hui des déclarations de certains membres de la majorité suite aux propos tenus par Angela Merkel. Permettez-moi de vous rappeler, chers collègues, qu’elle n’est pas « surveillante générale », mais chancelière, depuis neuf ans, d’une grande puissance économique, l’Allemagne, et qu’elle vient d’être réélue – pour la huitième fois – présidente de la CDU, avec 96,72 % des voix. N’en déplaise à la majorité, je vous appelle à un peu de modestie lorsque vous parlez d’Angela Merkel : par comparaison avec la cote de popularité de notre Président de la République, ces scores-là feraient plutôt envie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La Chancelière allemande Angela Merkel, donc, a récemment déclaré que les réformes engagées en France et en Italie étaient insuffisantes. Irritée par les déficits français trop élevés, l’Allemagne a multiplié les coups de griffe contre Paris ces dernières semaines, signe de vives tensions franco-allemandes sur fond de discussions sur le budget français et de différends sur la politique économique. La France s’isole de plus en plus au sein de l’Europe.

Mais votre crédibilité, monsieur le secrétaire d’État au budget, est aussi mise à mal aux yeux des Français. Le Président a annoncé le 6 novembre dernier qu’il n’y aurait plus de hausses d’impôts ; le ministre des finances a formellement réaffirmé mercredi dernier que hormis les textes connus, il n’y aurait plus aucune hausse d’impôts sur les particuliers et les entreprises en 2015, en 2016 et en 2017.

Cette pause fiscale est un leurre : les ménages et les entreprises sont confrontés à une constante progression de leurs prélèvements fiscaux. Citons, dans ce collectif, l’augmentation de la taxe d’habitation pour les résidences secondaires en zones tendues, l’augmentation de la fiscalité des entreprises avec la non-déductibilité de charges ou de taxes – je pense à la taxe de risque systémique ou à la future contribution au Fonds de résolution unique –, et enfin l’augmentation de 50 % de la taxe sur les surfaces commerciales – TASCOM – pour toutes les surfaces commerciales supérieures à 2 500 mètres carrés, dont les recettes nouvelles – 200 millions – seront perçues non par les collectivités, mais par l’État. Les trois amendements concernés ont été discutés dans la nuit, après l’article 15, alors qu’ils auraient dû l’être à l’article 20 : il y avait urgence si nous voulions être en conformité avec les propos de Michel Sapin.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État au budget, mes chers collègues, permettez-moi d’abord d’exprimer un regret, qui est structurel : celui que cet exercice budgétaire tende chaque année à surestimer les recettes et à sous-estimer les dépenses, à l’inverse de ce que l’on fait dans une entreprise, où l’on est plutôt, en début d’année ou l’année précédente, très pessimiste sur les recettes et très optimiste sur les dépenses. Nous gagnerions à nous imposer la même discipline dans les comptes de l’État. Cela nous éviterait la mauvaise surprise d’un déficit à 4,4 % du PIB, qui met en péril l’équilibre de nos comptes, mais surtout la confiance qu’ils devraient inspirer aux Français.

Ce projet de loi de finances rectificative, qui clôt l’année 2014, illustre l’échec d’une politique qui a fait le choix du court terme – et pour cause – et qui procède à des ajustements à mesure que l’année avance, au lieu de s’inscrire durablement dans un principe d’économies sur la dépense publique.

Le constat est sévère, et les chiffres en témoignent. La dette explose, la croissance est nulle, les déficits dérapent, les dépenses sont élevées, et l’absence de résultats économiques et sociaux a cassé la confiance de nos concitoyens, que j’évoquais il y a quelques instants. Ce projet de loi de finances rectificative ne peut donc nous satisfaire.

Bruxelles a placé la France sous surveillance renforcée en mars dernier, et demandé que des mesures supplémentaires soient prises dès 2015, sous peine de rendre un avis défavorable sur le projet de budget. Fin novembre, la Commission européenne a accordé trois mois à la France pour présenter des réformes structurelles « propices à la croissance en vue d’améliorer la viabilité des finances publiques à moyen terme ».

Ces réformes structurelles, monsieur le secrétaire d’État, nous les appelons de nos vœux depuis deux ans et demi. Hier encore, ce sont les ministres des finances de l’Eurogroupe qui nous ont rappelé la non-conformité de notre budget avec le Pacte de stabilité.

Au-delà de ces exigences, nous savons bien que des réformes courageuses, profondes, doivent être mises en œuvre pour préparer l’avenir de notre pays, lutter contre la dette et favoriser le retour de la croissance. Rappelons que cette dette atteint 2 000 milliards, sans parler des engagements hors bilan pris par l’État, rarement évoqués, qui s’élèvent à près de 3 000 milliards. Au total, la dette et les engagements hors bilan dépassent les 5 000 milliards. Or comme je le rappelais il y a peu, lors d’une question d’actualité, ces 5 000 milliards devront être remboursés : le tribut à payer sera lourd pour les générations futures et la compétitivité de notre pays.

Les réformes structurelles à mettre en œuvre, nous les connaissons : la réforme de l’État, celle de la protection sociale et de la santé, la réforme du paritarisme et celle, plus courageuse, de la transition écologique, la réforme de la gestion des ressources humaines dans un pays qu’il faut préparer à l’avenir. Ces grandes réformes de structure, nous les attendons. Elles sont indispensables si nous voulons atteindre l’objectif de 50 milliards d’économies que vous avez affiché : nous n’y parviendrons pas par des ajustements, mais par des décisions courageuses et structurelles, propres à faire avancer le débat budgétaire.

Les dépenses publiques représentent aujourd’hui près de 57 % du PIB ; les prélèvements obligatoires pèsent près de 45 % de ce PIB. Nous avons là les caractéristiques d’une économie encalminée, qui n’a pas la souplesse qu’exigent les défis de la mondialisation, et dont les parts de marché se dégradent jour après jour, tant vis-à-vis de la zone euro que vis-à-vis du reste du monde. C’est malheureusement un signe avant-coureur d’une dégradation globale de notre économie.

M. Guillaume Chevrollier. Tout à fait !

M. Jean-Christophe Fromantin. Sa traduction dans notre quotidien est lourde, avec ces 1 000 chômeurs de plus par jour, « alerte rouge » qui devrait s’imposer à nous et nous conduire à prendre les décisions courageuses qui font aujourd’hui défaut.

Ce projet de loi de finances rectificative comporte des demi-mesures très coercitives, comme la nouvelle taxe sur les résidences secondaires. Nous sommes là dans une triste caricature, qui tente de masquer l’absence de décisions courageuses par de petits ajustements, des mesurettes prises au jour le jour pour essayer de joindre les deux bouts…

M. Jean-Luc Laurent. Quelles sont vos propositions ?

M. Jean-Christophe Fromantin. …et d’atteindre l’équilibre, voire de ménager les marges de manœuvre dont nous avons besoin pour réformer la France.

Ce projet de loi de finances rectificative est non seulement le fruit d’un quiproquo, mais aussi, et c’est plus grave, le signe que le Gouvernement a renoncé à regarder la situation en face. C’est la raison pour laquelle, comme vous vous en doutez, monsieur le secrétaire d’État, les députés du groupe UDI voteront contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Laurent. Mais quelle est votre solution ?

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste.

Mme Eva Sas. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative est essentiellement un collectif destiné à redéployer les crédits et couvrir les dépassements de budget constatés sur les opérations extérieures, la masse salariale et les dispositifs de solidarité. Mais ces redéploiements de crédits sont porteurs de sens et significatifs des priorités budgétaires de ce gouvernement.

Une fois de plus, les crédits de la mission Écologie sont parmi les plus touchés, avec une baisse de 166 millions d’euros en crédits de paiement, qui viennent s’ajouter aux 288 millions d’euros déjà annulés lors du collectif budgétaire de juillet.

M. Noël Mamère. Très juste !

Mme Eva Sas. Les programmes « Innovation pour la transition écologique et énergétique », et « Ville et territoires durables » perdent ainsi respectivement 100 et 46 millions d’euros. Ces crédits retirés au budget de l’écologie sont redéployés vers les industries de la défense. Les choix du Gouvernement sont donc malheureusement clairs.

M. Noël Mamère. Très clairs !

Mme Eva Sas. Au-delà de ces choix budgétaires, ce collectif porte également une mesure de défiscalisation au bénéfice des entreprises chargées d’organiser des compétitions sportives internationales. Même si cette niche fiscale a été promise, avant tout vote du Parlement, par les autorités françaises lors de la candidature de notre pays à l’organisation de l’Euro 2016, il s’agit d’un précédent inacceptable qui conduira les États à renoncer systématiquement à leurs recettes fiscales pour accueillir de tels événements. Nous vous invitons donc au minimum à interpeller l’Union Européenne, pour qu’elle légifère et évite la course au moins-disant fiscal entre États dans ce domaine.

Enfin, nous ne pouvons que déplorer que le Gouvernement ait cédé à la pression des cigarettiers pour adopter un amendement renonçant à l’augmentation automatique du tabac au 1er janvier, amendement défendu, je suis obligée de le noter, par des députés de tous les groupes, sauf le groupe écologiste.

Ce collectif budgétaire comporte néanmoins des points positifs. Ainsi, la possibilité ouverte à la région Île-de-France d’augmenter le montant du versement transport permettra de mettre en œuvre la proposition phare des écologistes aux élections régionales de 2010 : le Pass Navigo à tarif unique. C’est une mesure de justice sociale et territoriale, une mesure d’égalité et de pouvoir d’achat pour tous les Franciliens.

Par ailleurs, l’augmentation de la taxe sur les surfaces commerciales – la TASCOM – de 200 millions d’euros vient reconnaître et corriger l’effet d’aubaine que constituait le crédit d’impôt compétitivité emploi pour ce secteur, effet que nous avions souligné dès la mise en place du CICE.

Enfin, nous saluons l’avancée que constitue l’augmentation de la garantie de l’État pour le Commissariat à l’énergie atomique, par l’augmentation du plafond de l’assurance de 19 à 700 millions d’euros par an et par accident nucléaire. C’est une première reconnaissance – même si elle reste très en deçà de la réalité – du coût des risques générés par la technologie nucléaire, sans même parler des risques en matière de santé publique ou d’environnement. Il s’agit également d’une mise en cohérence, par anticipation, avec la loi transition énergétique, ce dont nous nous félicitons.

Mais ces avancées restent d’une portée limitée. Et parce que ce collectif budgétaire ne présente pas la rupture que nous espérions, parce que les Français attendent toujours des mesures fortes en faveur du pouvoir d’achat, parce que l’écologie reste toujours le parent pauvre du budget national, le groupe écologiste, dans sa très grande majorité, ne pourra que s’abstenir sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le Président, cette loi de finances rectificative, comme d’ailleurs tous nos actes budgétaires depuis quelque temps, illustre l’axiome de la mathématique financière selon lequel il est impossible de retrouver l’équilibre sans croissance.

On pourrait y parvenir, bien sûr, grâce à un biais commode, classique, que nos rois et nos Républiques successives ont pratiqué avec succès depuis Philippe IV le Bel : l’inflation. Par je ne sais quel aveuglement collectif, nous avons cependant renoncé, sans trop nous en rendre compte, à la seule drogue existant en matière financière – finalement douce et inoffensive, à condition de respecter une posologie de 3 à 4 % par an et de ne jamais dépasser 10 % –, celle qui permet de taxer la rente et d’atténuer les dettes de l’entreprise et de l’État.

Secret perdu, enfoui dans une chambre secrète et inaccessible sous la pyramide de l’orthodoxie financière, l’inflation repose dans une paix éternelle. Quant aux pays de l’Union européenne, comme le Japon et bien d’autres, ils se trouvent dans la trappe à déflation.

Il reste aux grands prêtres de la finance, aux docteurs en sciences budgétaires à se disputer pour des riens, des détails, même si tout de même le diable et parfois Dieu peuvent, l’un ou l’autre, et parfois les deux à la fois, se nicher dans les détails.

Il y a tout de même un détail global qui n’est pas tout à fait rien : le Gouvernement réussit à présenter une nouvelle économie de 3,3 milliards d’euros au titre de cette loi de finances rectificative, un chiffre dont je ne doute pas qu’il sera contesté.

Nous nous rapprochons de la norme, mais d’une manière tangentielle, c’est-à-dire que, nous en approchant de plus en plus, nous n’y parviendrons que très fugitivement et qu’aussitôt après l’avoir atteinte, nous nous en éloignerons à nouveau inexorablement. Malheureusement, les choses sont ainsi.

Notre groupe, qui estime aussi que les détails peuvent être importants, même s’il ne croit guère au diable et laisse chacun croire en Dieu, se réjouit de l’adoption de plusieurs dispositions telles que le relèvement du taux de la taxe de risque systémique au profit des collectivités qui ont souscrit des emprunts structurés ainsi que celui de la taxe sur les surfaces commerciales – la TASCOM –, uniquement pour les hypermarchés.

Nous sommes également satisfaits – je le suis, personnellement à plus d’un titre – de la prorogation jusqu’en 2020 du crédit d’impôt investissement en Corse, sur l’initiative de notre groupe, à la suite d’une discussion franche et loyale avec le Gouvernement, et d’un arbitrage.

La loyauté, sinon l’enthousiasme, a conduit, de manière claire et nette, à l’adoption de ces dispositions, qui sont sages. Monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, je vous en remercie personnellement. Elles vont permettre de maintenir, dans une logique de compétitivité et d’emploi, le taux du crédit d’impôt investissement corse à 20 % jusqu’en 2020.

Par ailleurs, nous nous réjouissons de l’évolution complexe, par application d’une directive européenne, de l’exonération d’impôt sur les sociétés des bénéfices distribués par une filiale : les maisons mères pourront dès lors mieux contrôler leurs filiales.

Enfin, concernant le versement transport, le vote par notre assemblée du retour au droit antérieur à la première loi de finances rectificative de juillet 2014 permettra de poursuivre la réflexion en vue d’identifier une solution plus équilibrée pour chacune des parties prenantes.

Au-delà de ces détails, toujours importants, et parfois essentiels, et de ces satisfactions – elles sont si rares en ces temps difficiles que nous devons, une fois encore, remercier le Gouvernement de les avoir loyalement accordées –, le contexte est ce qu’il est. Au printemps, l’Europe jugera du caractère structurel de nos réformes. Je doute qu’elle se contente alors d’une loi qui n’aura identifié, comme freins à la croissance, que les professions réglementées et le repos dominical.

Mais à chaque jour suffit sa peine. Aujourd’hui, notre groupe, toujours loyal au-delà de ses manifestations de lucidité et de son esprit naturellement critique, votera cette loi de finances rectificative, à une quasi-unanimité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gaby Charroux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative, sur lequel nous avons à nous prononcer aujourd’hui, présente une série d’ajustements destinés à répondre aux exigences de Bruxelles, dans un jeu de rôle désormais parfaitement rodé entre les deux acteurs principaux que sont, d’un côté, l’exécutif européen et, de l’autre, notre gouvernement. Selon le sens de l’actualité, chacun se renvoie la balle, critique, félicite, dénonce ou écoute l’autre à tour de rôle. Ce jeu de rôle, qui dure maintenant depuis plusieurs mois, ne trompe plus personne.

Le sentiment général laissé par l’examen de ce texte est celui d’un gouvernement qui fait aujourd’hui les fonds de tiroir, opérant des prélèvements ici ou là, pour des montants dérisoires au regard du budget général, montants qui font néanmoins peser des incertitudes sur le bon fonctionnement des agences et opérateurs de l’État ciblés par ces ponctions. La suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – permettrait pourtant de trouver très facilement les moyens dont le pays a besoin pour prendre un autre chemin que celui du dogme de la réduction de la dépense publique et de la politique de l’offre.

La suppression de la prime pour l’emploi constitue l’une des mesures phares de ce projet de loi de finances rectificative. Il est aujourd’hui difficile de se prononcer sur celle-ci puisque les contours précis du futur dispositif qui se substituera à la PPE ne sont pas encore connus, même si, monsieur le secrétaire d’État, vous avez indiqué quelques pistes lors du débat, ce dont je tiens à vous remercier.

Instaurée en 2001, la PPE n’a pas fonctionné correctement : avec les nombreuses exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, elle a contribué, à l’inverse de son objectif initial, au développement d’une trappe à bas salaires, l’employeur n’ayant aucun intérêt à augmenter le salaire puisque celui-ci est pris en charge par la collectivité. Le résultat est que le nombre de travailleurs pauvres a fortement augmenté dans notre pays.

Aujourd’hui, nous sommes inquiets des contours que la majorité donne au futur dispositif. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous indiquez vouloir élargir le champ des bénéficiaires, ce à quoi nous sommes, évidemment, particulièrement favorables, notamment s’agissant des jeunes. Mais cette extension ne peut se faire à moyens constants, sauf à faire des perdants, ce que nous ne souhaitons pas.

Rares ces temps-ci, notons la présence dans ce projet de loi de finances rectificative de quelques mesures symboliques dites de gauche, notamment sur la taxation des banques. Toutefois, le chantier visant à mettre au pas « l’ennemi » financier désigné autrefois, qui n’a que peu évolué, reste considérable.

L’augmentation de la taxe sur les surfaces commerciales témoigne d’une prise de conscience des limites du CICE. Cette avancée nous conforte dans la conviction que ce dernier dispositif, mal calibré, est devenu votre bouclier fiscal, le morceau de sparadrap qui colle aux doigts de l’exécutif, quand il faudrait privilégier un crédit d’investissement et les dépenses d’intervention.

Autre mesure phare de ce projet de loi de finances rectificative : celle qui fait de la France un paradis fiscal de l’organisation des événements sportifs. Les fédérations sportives internationales ne paieront donc pas d’impôt. Conforme aux desiderata de l’Union des associations européennes de football – l’UEFA – mais aussi du Comité international olympique, le CIO, avec la possible candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024, cette mesure nous paraît tout bonnement scandaleuse. La limitation dans le temps de cette exonération, adoptée au cours de nos débats, apparaît tout de même bien limitée.

Parlons d’Europe. En plus d’être nécessaire, sa réorientation devient une urgence : les mouvements d’extrême droite xénophobes n’ont jamais été aussi forts ; le désaveu, terrible. L’arrivée à la tête de la Commission européenne, déjà peu démocratique, du magicien de l’évasion fiscale ne peut arranger les choses.

La réorientation de l’Europe passe pour nous par la définition d’un cadre réglementaire contraignant le secteur financier à servir l’économie réelle. C’est le sens des propositions que nous formulons, que ce soit sur l’évasion fiscale ou la taxation effective des transactions financières.

C’est aussi le sens de la proposition de résolution que nous déposerons dans quelques semaines au Parlement européen, conjointement avec nos homologues du groupe Die Linke, qui vise à réorienter l’action de la Banque centrale européenne – BCE. Comme le soulignait récemment l’économiste Steve Keen, les décideurs en Europe devraient a minima redevenir keynésiens au sens monétaire, en engageant un « assouplissement quantitatif pour le peuple », c’est-à-dire en utilisant la BCE pour injecter de la monnaie dans l’économie.

Si vous avez adopté notre amendement sur les pigeonniers, qui permettra aux « coulonneux » de ne pas être injustement taxés,…

M. Marc Dolez et M. Christian Hutin. Bravo !

M. Gaby Charroux. …cela ne saurait toutefois suffire à nous convaincre de voter en faveur de ce texte. Nous nous prononcerons donc contre le projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec le vote en première lecture du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2014, notre assemblée achève l’examen des textes financiers de la session parlementaire d’automne. C’est donc le moment, avant d’en venir aux avancées qu’aura permis notre débat parlementaire, de remettre en perspective l’ensemble de ces textes financiers, leurs objectifs et leur cohérence.

La loi de finances pour 2014 avait pour objectif de poursuivre le redressement des finances publiques dans le même temps qu’elle donnait la priorité à la croissance et à l’emploi. Les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles elle avait été établie n’ont été au rendez-vous ni en France ni en Europe, où le risque de déflation, que Manuel Valls avait relevé, ici même, dans son discours de politique générale, le 8 avril dernier, s’est vérifié.

Dès le mois d’avril, le Gouvernement a révisé ses prévisions de croissance et de déficit, ce qui a également été le cas en juillet, dans le premier projet de loi de finances rectificative, puis dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015.

Surtout, sous l’impulsion du Président de la République, le Gouvernement et notre majorité parlementaire ont décidé et mis en œuvre le pacte de responsabilité et de solidarité, dont les premières mesures ont été adoptées en juillet dernier, dans le projet de loi de finances rectificatives de la Sécurité sociale et dans le premier projet de loi de finances rectificative.

Aujourd’hui, nous assumons ces choix et nous les confirmons pour demain, tout simplement parce qu’ils sont adaptés à la situation économique de notre pays et à celle du continent. Nous entendons ici et là – les orateurs qui m’ont précédé l’ont affirmé – qu’il aurait fallu faire autrement face à la dégradation des déficits publics liée à une conjoncture économique défavorable, soit pour laisser filer le déficit et revenir sur le pacte de responsabilité et de solidarité, soit pour amplifier l’effort de maîtrise de la dépense publique. Bref, comme à chaque fois, on nous dit que nous en ferions trop ou trop peu.

Finalement, cette double critique nous laisse à penser que la politique économique et budgétaire conduite est sans doute la plus adaptée au contexte national et international que nous connaissons, et donc la plus pertinente.

Dans un contexte de faible croissance et de faible inflation, il est assez probable que les mesures d’austérité demandées par certains en France – à la droite de cet hémicycle – et parfois, également, en Europe, auraient eu pour seul effet de nous conduire rapidement à la déflation et à la récession, sans aucunement améliorer nos comptes publics, bien au contraire.

Au demeurant, comme l’illustre l’exécution du budget 2014 mise en œuvre par ce second projet de loi de finances rectificative, la dépense publique est tenue, et ce, bien en deçà de l’autorisation parlementaire votée en loi de finances initiale. Il n’y a donc pas de dérapage de la dépense publique, contrairement à ce que l’on vient d’entendre, mais, à l’exact opposé, une maîtrise qui n’avait jamais été réalisée jusqu’à présent.

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. Dominique Lefebvre. La réalité, c’est que les recettes budgétaires ne sont pas à la hauteur des prévisions du début de l’année, en partie parce que nous avons adopté en juillet dernier une mesure forte de réduction d’impôts pour les ménages, et, pour l’essentiel, en raison de la faible inflation et de la faible croissance.

De là à parler – comme l’a fait avec l’excès qui le caractérise parfois, hélas, le président de la commission des finances – d’effondrement des recettes fiscales, il y a un pas que la réalité interdit de franchir, puisque les recettes de l’État seront plus élevées en 2014 qu’en 2013.

Alors, oui, alors que la droite la réclame comme certaines et certains au plan européen, nous refusons l’austérité qui ne réglerait ni la question du déficit public, ni celle de la compétitivité de notre économie, pas plus que celle des services publics et encore moins celle de la justice sociale.

Oui, nous entendons poursuivre les réformes et maintenir une trajectoire de redressement des finances publiques cohérente avec nos objectifs de politique macroéconomique.

Le projet de loi de finances rectificative, aujourd’hui enrichi par notre débat parlementaire, répond à ces orientations et à ces objectifs. Il assure la bonne exécution du budget 2014 et porte donc la marque du sérieux budgétaire du Gouvernement et de la majorité parlementaire. Il traduit également l’engagement pris par le Gouvernement, dans le cadre d’un dialogue normal, naturel, avec la Commission et nos partenaires européens, d’augmenter l’effort structurel de redressement des finances publiques à hauteur de 3,6 milliards.

Je veux en particulier souligner ici les mesures adoptées par notre assemblée, à l’initiative de notre groupe, pour poursuivre et amplifier l’action conduite par notre majorité depuis 2012 en matière de lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale.

Par ailleurs, notre groupe a fait le choix de tenir la parole de la France, engagée par nos prédécesseurs dans des conditions assez hasardeuses, pour ce qui concerne l’organisation du championnat d’Europe de football en 2016. Il a surtout proposé de limiter dans la durée ce dispositif, en l’espèce jusqu’au 31 décembre 2017 pour les décisions d’attribution de ce type de manifestations, dans l’attente d’une directive européenne permettant de recadrer les débats avec les fédérations sportives internationales, tout en permettant à la France et à nombre de nos fédérations nationales de postuler pour accueillir de grandes manifestations sportives internationales.

Enfin, puisque je ne pourrai citer dans le temps imparti toutes les avancées de ce texte, je veux souligner l’avancée importante que représente la traduction dans ce projet de loi de finances rectificative de l’accord que le président de la région Île-de-France, Jean-Paul Huchon, et le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris ont conclu pour favoriser la mobilité, et donc l’activité et la croissance en Île-de-France. Le texte que nous allons voter permettra à cette région d’instaurer, en septembre prochain, le Pass Navigo unique. C’est une mesure de justice sociale, favorable à la croissance et à l’économie, preuve que l’une et l’autre ne sont pas inconciliables et ne doivent pas être opposées, mais bien au contraire conjuguées au service du pays.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe SRC, vous l’avez compris, votera donc ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de finances rectificative.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants553
Nombre de suffrages exprimés536
Majorité absolue269
Pour l’adoption298
contre238

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

5

Délimitation des régions et modification du calendrier électoral

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (nos 2412, 2417).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, nous voici donc enfin près du terme, après le lent déroulement d’un long parcours législatif, qui a connu nombre de zigzags et d’aléas.

M. Jean-Luc Laurent. Eh oui !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Au bout du compte, si l’on dresse un bilan au terme de ces quatre lectures au Parlement, on discerne à la fois des points de blocage, qui persistent, mais aussi quelques avancées.

M. Jean-Luc Reitzer. Beaucoup d’amertume pour les Alsaciens !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Le principal point de blocage consiste à imposer à certaines régions des délimitations qu’elles ne souhaitent pas…

M. Jean-Luc Reitzer. L’Alsace !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …en agissant d’une manière discrétionnaire, voire, parfois, arbitraire.

La plupart d’entre nous sommes maires ou l’avons été : nous savons qu’avant de déclarer un couple uni par les liens du mariage, il est de tradition de demander son consentement à chacune des deux personnes.

M. Jean-Luc Laurent. Très juste !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. L’agence matrimoniale gouvernementale, dédiée aux unions régionales,…

M. Jean-Luc Laurent. Et aux divorces !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …procède souvent autrement, en imposant à certaines régions des mariages forcés. C’est le cas par exemple pour le Nord-Pas-de-Calais, l’Alsace, Midi-Pyrénées, le Languedoc-Roussillon ou l’Auvergne.

À l’inverse, ce projet de loi comporte aussi des célibats imposés. La Bretagne reste seule…

M. Thierry Benoit. Hélas !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …et limitée à quatre départements, et non cinq, au lieu d’être rejointe par le département de la Loire-Atlantique ou par la région des Pays de la Loire.

M. Jean-Luc Laurent. Exact !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Second point de blocage : le droit d’option. Désormais, il faudra l’accord, à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, des trois assemblées délibérantes des trois collectivités concernées, au lieu de la majorité simple, comme le requiert le droit positif. Parmi ces trois votes, il y aura notamment celui de la région initiale d’appartenance, ce qui contribuera à rendre le droit d’option purement théorique et illusoire, aussi inatteignable qu’un mirage. Il y a là une prime au conservatisme et peut-être une référence implicite à la devise de Guillaume d’Orange : « Je maintiendrai ».

Mais, en dressant ce bilan, soyons équitables. Au fur et à mesure des différentes lectures, le Gouvernement a notamment accepté deux avancées importantes, qui correspondaient à nos demandes.

La première est le maintien, au moins jusqu’en 2021, des départements – ou plutôt des conseils départementaux – sans que l’on sache toutefois de façon précise ce qui adviendra de ces derniers après cette date. Or cet échelon intermédiaire entre les collectivités de base et les nouvelles grandes régions est plus que jamais nécessaire.

La seconde avancée concerne la garantie d’une représentation minimale de chaque département au sein des conseils régionaux. Le projet de loi prévoyait pour commencer un conseiller régional. L’Assemblée nationale, en première puis en deuxième lecture, avait tranché pour deux conseillers régionaux. Et depuis ce matin, deux heures quarante-cinq, l’amendement déposé par notre groupe et accepté par le Gouvernement double le nombre minimal de représentants pour le fixer à quatre conseillers régionaux pour tous les départements et à deux dans le seul département de moins de 100 000 habitants – et néanmoins très estimable –, la Lozère, qui, comme on le sait, compte 70 000 habitants. Cela vise à tenir compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui raisonne essentiellement selon des critères démographiques.

Les petits départements à faible démographie auront donc la garantie d’une meilleure représentation au sein des nouvelles grandes régions. Sans le vote d’un tel amendement, ils n’auraient pu y faire entendre leur voix et y exercer quelque influence. Les départements concernés sont le Cantal, la Creuse, l’Ariège, les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence.

Que faire à l’issue de ces lectures ? Selon que l’on considère plutôt les points de blocage, qui persistent, ou plutôt les avancées réalisées, le jugement à porter sur ce texte est naturellement différent. C’est pourquoi notre groupe a décidé de laisser à ses membres la liberté de choisir, le libre arbitre faisant partie de ses conceptions habituelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. Paul Molac. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette nouvelle lecture amène notre groupe à réitérer son opposition résolue au projet de loi et à l’ensemble de la réforme territoriale en cours.

M. Jean-Luc Reitzer. Très bien !

M. Marc Dolez. Alors qu’une réforme territoriale digne de ce nom devrait s’appuyer sur un bilan partagé de l’application des lois de décentralisation et se concevoir globalement en commençant par la révision des compétences et des fonctions, alors qu’elle devrait aussi faire l’objet d’un grand débat républicain sanctionné par un référendum et s’accompagner d’une indispensable réforme fiscale, le Gouvernement a fait le choix inverse en menant une réforme au pas de charge, au risque de faire voler en éclats la République.

Pour notre part, depuis le début, c’est la philosophie et l’architecture de cette réforme que nous contestons. Des super-régions, des super-métropoles, des super-intercommunalités, des départements et des communes vidées de leur substance, cette fuite en avant autour de grandes entités à des échelles concurrentielles se traduira par un bouleversement de notre édifice républicain lourd de conséquences.

M. Jean-Luc Laurent. Très juste !

M. Marc Dolez. Trente ans après les premières lois de décentralisation, c’est d’abord la démocratie locale qui est menacée, au prix d’un inévitable renforcement de la technocratie et de la bureaucratie.

M. Jean-Luc Reitzer. Absolument !

M. Marc Dolez. Car personne ne peut évidemment croire que l’on va renforcer la démocratie et répondre à la grave crise de la représentation que connaît le pays en réduisant le nombre d’assemblées élues, en réduisant le nombre d’élus locaux de proximité et en éloignant toujours plus les citoyens des lieux de décision et de pouvoir.

M. Jean-Luc Reitzer. Très juste !

M. Marc Dolez. Alors que les inégalités territoriales n’ont jamais été aussi fortes, personne ne peut croire non plus que ce bouleversement de notre organisation territoriale, conforme à la mise en concurrence demandée avec insistance par la Commission européenne, puisse répondre au défi d’un aménagement équilibré du territoire. Comment ne pas craindre que la fracture entre territoires ne s’élargisse encore et que la nouvelle carte territoriale ne dessine en réalité une France des territoires à plusieurs vitesses ?

Nous récusons pour notre part le choix d’une certaine « länderisation » de nos institutions,…

M. Jean-Luc Laurent. Eh oui !

M. Marc Dolez. …et au fédéralisme sous-jacent, nous opposons la décentralisation et le rôle de l’État, garant de l’égalité républicaine. À la compétition et à la concurrence, nous opposons la coopération et le partenariat autour de compétences partagées et de projets communs.

Comment, enfin, ne pas condamner le cadre de la réforme et l’asphyxie financière organisée des collectivités locales, qui porte atteinte à leur capacité tant à assumer leurs missions essentielles qu’à exercer leur droit de libre administration, qui est pourtant la garantie d’un espace de liberté dans lequel les collectivités peuvent agir dans l’intérêt des populations ?

En prévoyant une baisse des dotations de 28 milliards d’euros sur trois ans, c’est bien l’austérité que vous placez au cœur de la réforme, en ne laissant finalement aux collectivités que le choix mortifère entre, d’une part, une réduction drastique de leurs dépenses avec à la clé des suppressions massives d’emplois et de services de proximité et, d’autre part, une forte augmentation de l’impôt local.

M. Jean-Luc Reitzer. Très juste ! Très bien !

M. Marc Dolez. Un tel plan d’austérité se traduira inéluctablement par un fort recul de l’investissement, qu’une étude de la Banque postale évalue à environ 15 % pour 2014 et 2015, avec les conséquences que l’on imagine sur l’emploi, la croissance et le développement économique.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que les députés du Front de gauche, indéfectiblement attachés aux fondements mêmes de la République, combattent avec détermination et conviction la réforme territoriale en cours. C’est aussi pourquoi ils voteront une nouvelle fois contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Jean-Luc Reitzer et M. André Schneider. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Luc Reitzer. Le bourreau de l’Alsace !

M. André Schneider. L’exécuteur !

M. Jean-Luc Reitzer. Avec le ministre !

M. Hugues Fourage. Vous me faites trop d’honneur, mes chers collègues !

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette explication de vote intervient pour le troisième vote solennel sur le présent projet de loi, puisque nous en avons achevé hier soir la nouvelle lecture à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire. Celui-ci était d’ailleurs prévisible, car nous avions deux points de désaccord fondamentaux avec le Sénat : la carte et le droit d’option.

Concernant le premier point de désaccord, et cela a été dit à maintes reprises, il n’y a pas de carte idéale, mes chers collègues.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est la pire !

M. Hugues Fourage. La carte qui nous est proposée procède d’un certain équilibre et, à y regarder de plus près, elle n’est pas éloignée de celle que le Sénat avait retenue, à l’Alsace près, diront certains, mais c’est tout de même le cas.

M. Claude Sturni. Ce n’est rien, bien entendu !

M. Hugues Fourage. Elle n’est pas non plus éloignée des diverses propositions issues des différents rapports qui ont été rendus sur le sujet.

Une carte, une délimitation, cela ne fait pas tout ; encore faut-il préciser les compétences de chaque entité. Et nous avons bien entendu les critiques liées au fait que, pour certains, nous aurions dû commencer par là. Mais si nous l’avions fait, on nous aurait objecté, à l’inverse, que les compétences ne sont pas tout et qu’il faut savoir par qui elles sont exercées. Cette question est donc insoluble, et une telle critique procède davantage de la tactique politicienne que d’un argument véritablement déterminant.

M. Jean-Luc Reitzer. Ben voyons !

M. Hugues Fourage. Ainsi que je le disais à l’instant, une délimitation n’est pas tout ; ce qui compte, c’est le projet, la volonté des élus de travailler ensemble, d’élaborer des politiques publiques.

Cette délimitation, j’en suis persuadé, ne remet pas en cause les identités régionales,…

M. Laurent Furst. Il faut le demander aux premiers concernés !

M. Hugues Fourage. …qui pourront s’exprimer au travers de projets de territoire. Elles le font d’ailleurs déjà à l’échelle infrarégionale : certains ont parlé de produits bretons, je pourrais pour ma part mentionner de la même manière les produits et labels vendéens.

La vraie novation de ce projet de loi, et c’est ce qu’il faut saluer, car c’est un réel fait démocratique, c’est que, précisément, nous choisissons de passer par la loi plutôt que par le décret. Et, paradoxalement, on nous en fait la critique : certains auraient voulu que la participation passe par un référendum, tandis que d’autres auraient préféré que la carte soit établie par l’exécutif, au prétexte que nous, parlementaires, serions englués dans des contingences locales. Mais, mes chers collègues, nous sommes légitimes à le faire, car nous sommes des élus de la nation.

Le second point de désaccord avec le Sénat portait sur les conditions d’exercice du droit d’option. Notre assemblée a rétabli la délibération concordante du département, de la région de départ et de la région d’arrivée et la majorité qualifiée, majorité des trois cinquièmes. Cette disposition est équilibrée, car elle permet des majorités claires, fortes, non assujetties à quelque contingence opportune.

En nouvelle lecture, nous avons également, sous l’impulsion d’Alain Calmette, pris en compte la question de la représentation de la ruralité en permettant un minimum de deux représentants dans le département de moins de 100 000 habitants.

Pour terminer, je tiens à affirmer que c’est un honneur de mettre en œuvre cette réforme,…

M. Patrick Hetzel. Vous plaisantez !

M. Hugues Fourage. …car après que de nombreux rapports avaient été publiés sur la question, rien n’avait été fait.

M. Alain Chrétien. Et le conseiller territorial ?

M. Hugues Fourage. Cette réforme vise à créer des régions fortes, des régions à taille européenne. Cette réforme consiste à regarder l’avenir de notre pays et de nos régions plutôt que le passé. Elle consiste à prendre le parti de la réforme contre l’immobilisme.

M. Alain Chrétien. Quel enthousiasme !

M. Hugues Fourage. C’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe SRC votera bien entendu cette réforme avec enthousiasme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Myard. Laissez-moi rire !

M. le président. Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la pédagogie étant, dit-on, faite de répétitions, j’aimerais vous dire que, pour cette nouvelle lecture, avec regret et tristesse, les membres du groupe UMP ne voteront pas ce projet de loi.

La première raison de ce vote, monsieur le ministre, c’est que depuis 2012, ce gouvernement a fait perdre du temps à la France. En 2010, une réforme courageuse avait été adoptée, celle du conseiller territorial, qui permettait de diviser le nombre d’élus par deux et, surtout, de replacer les compétences au bon niveau entre l’échelon régional et l’échelon départemental. Si vous n’aviez pas abrogé cette réforme en juillet 2012, elle serait en application depuis mars dernier (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP),…

M. François Sauvadet et M. Rémi Delatte. Très bien !

M. Hervé Gaymard. …nous n’aurions plus à en parler et la nation pourrait consacrer son énergie à la lutte contre le chômage et pour le développement de notre économie.

M. Jean-Luc Reitzer. Très bien !

Mme Arlette Grosskost. Absolument !

M. Hervé Gaymard. J’ajoute que vous avez superbement tourné le dos aux engagements de campagne du candidat Hollande, notamment l’engagement 54, selon lequel il n’y aurait pas de baisse des dotations aux collectivités territoriales – elle sera en réalité de 15 milliards d’euros – et que vous avez joué avec les nerfs de vos amis socialistes présidents de conseil général, qui ont été passés à l’as dans cette réforme et qui n’avaient rien vu venir.

La deuxième raison, c’est que cette réforme repose sur de mauvaises fondations et sur des mythes, notamment celui de la grande région européenne, alors que les régions françaises sont déjà en moyenne plus grandes que la plupart des régions européennes et beaucoup d’États européens. Un autre mythe serait que les Länder allemands tirent l’économie allemande, alors que c’est en réalité l’économie allemande et les entreprises allemandes qui tirent les Länder allemands. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Troisième raison : votre réforme ne répond pas aux attentes des Français. Aucune économie n’est à l’ordre du jour : alors que vous parliez imprudemment naguère de 25 milliards d’économies, on sait aujourd’hui que cette réforme aura un coût. Elle n’apportera en outre aucune simplification, bien au contraire. Elle va opérer également une recentralisation, alors que vous êtes les hérauts de la décentralisation. Elle est de surcroît la négation de la proximité. Excusez-moi de vous le dire, mais ce n’est pas parce qu’en nouvelle lecture le nombre de conseillers régionaux est passé de deux à quatre dans les départements ruraux que la proximité s’en trouvera améliorée !

M. Jean-Luc Reitzer. Absolument !

M. Hervé Gaymard. En réalité, cette loi est une loi de recentralisation et un déni de proximité, alors que c’est ce qu’attendent nos citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Enfin, cette loi s’est faite sans concertation. Comme le disait le président Roger-Gérard Schwartzenberg, il n’y a pas eu de consultation des futurs époux.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est un diktat !

M. Hervé Gaymard. Les conseils régionaux n’ont même pas été consultés, et que dire des populations ! Pourquoi sur ce point n’écoutez-vous pas ce que vous disent les Bretons, les Alsaciens, les habitants de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais ?

M. Jean Glavany. L’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers !

M. Hervé Gaymard. C’est la force injuste de la loi, comme le disait votre maître François Mitterrand, qui prévaudra sur la démocratie, laquelle doit pourtant présider à nos décisions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Enfin, s’agissant du calendrier, c’est vraiment la Comédie des erreurs : les Français ne connaîtront la date des élections départementales que trois mois avant le scrutin, une première dans l’histoire de la République ! A-t-on déjà vu pareille désinvolture ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Maurice Leroy. Et sans avoir la moindre idée des compétences des futures élus !

M. Hervé Gaymard. Il est vrai qu’il y a eu un précédent en 1985, lorsque vous avez modifié la règle du jeu en introduisant la proportionnelle aux législatives neuf mois à peine avant le scrutin, et que vous avez terminé les redécoupages cantonaux quelques semaines avant les élections ! Vous venez de montrer, une fois de plus, que vous êtes les spécialistes de l’artifice électoral.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ce texte. Ce sera avec beaucoup de regrets et de tristesse, car nous étions dans une optique réformatrice. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Vignal. Nous allons pleurer !

M. Hervé Gaymard. À considérer cette loi, que je ne voudrais pas qualifier d’œuvre législative, me revient en mémoire la sentence du cardinal de Retz : « tel est le sort de l’irrésolution : elle n’a jamais plus d’incertitude que dans la conclusion. » (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après une commission mixte paritaire particulièrement dense et resserrée… qui a débouché sur une nouvelle lecture, tant de choses ont été dites sur la révision de la carte régionale et la réforme territoriale ! J’en rappellerai l’objectif initial, qui peut être partagé sur tous les rangs : gagner en matière d’efficience et de lisibilité de l’action publique. Cet objectif primordial est-il atteint ? Il est permis d’en douter. Comment ne pas craindre que l’agrandissement considérable de certaines régions ne justifie a posteriori le maintien en l’état des départements ? Dès lors, où seront les économies ? Quelles compétences pourra-t-on même envisager de transférer ?

La méthode fut pour le moins hésitante, sinon désordonnée. Avoir dissocié le contenant et le contenu – en d’autres termes, la carte et les compétences – pose d’énormes difficultés et nous laisse dans l’attente du texte qui portera sur le partage des compétences entre région, départements et intercommunalités. Quant au calendrier, je n’insisterai pas sur les hésitations, les tergiversations. Nous aboutissons à une dichotomie pour le moins étrange, là encore, entre le calendrier électoral départemental et le calendrier électoral régional.

Hier, jusque tard dans la nuit, nous avons à nouveau longuement débattu des périmètres alsaciens et bretons. Nous avons encore amplement discuté du droit d’option qui permet de corriger, de moduler la carte des régions.

Faute de clarté sur les objectifs, de réponses sur les compétences et, plus généralement, de décentralisation assumée, le groupe UDI s’exprimera majoritairement contre le texte qui lui est proposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.

M. Paul Molac. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, avec ce projet de loi nous sommes allés de déceptions en désillusions. Ce fut une nouvelle lecture pour rien, car rien, quasiment, n’a été modifié.

M. Paul Giacobbi. Tout à fait !

M. Paul Molac. Pourtant, le Sénat avait fait quelques propositions qu’il aurait fallu reprendre. Il était notamment revenu sur les choix faits par l’Assemblée s’agissant de l’Alsace.

M. Paul Giacobbi. C’était la sagesse !

M. Paul Molac. Je le dis : l’Alsace pouvait très bien – elle le devrait – rester toute seule. Si j’étais Alsacien, je le demanderais ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et UDI - « Démago ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Je serais même meurtri de me voir placé dans une grande région que je refuse.

Même après trois lectures, nous ne regretterons jamais assez la logique technocratique qui a conduit à ce qu’une telle carte soit imposée par le haut. Elle aurait très bien pu être construite comme l’ont été les communautés de communes, avec une période probatoire. Les élus s’arrangent localement, l’État n’intervenant que lorsque les choses ne peuvent se faire. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RRDP et UDI.)

Nous ne voyons pas la clarté et la cohérence de cette carte – en tout cas en ce qui concerne les deux extrémités Ouest et Est. Nous avons amplement parlé – pendant une heure hier soir – de la Bretagne, mais les problèmes ne sont pas réglés et ils ressurgiront, fatalement.

Tout en étant hostiles à la logique de la fusion bloc par bloc, nous avions proposé d’avancer sur la question, en rendant possibles des ajustements démocratiques grâce au droit d’option, garant d’une certaine souplesse. Sur ce point également, il aurait fallu écouter le Sénat, même s’il n’est pas allé aussi loin que nous l’aurions souhaité. Hélas, malgré des votes issus de tous les bancs de cet hémicycle, notamment des députés du groupe majoritaire – essentiellement bretons il est vrai –, conscients de la nécessité de donner davantage de respiration aux territoires, ce même groupe majoritaire a appelé hier soir en catastrophe le ban et l’arrière-ban pour assurer le verrouillage de ce droit d’option, véritable leurre. Une farce, ai-je dit hier soir ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

En effet, il faudra obtenir, avant le 31 mars 2019, un accord voté aux trois cinquièmes des deux conseils régionaux concernés et du département. Mission impossible ! Il est étonnant, d’ailleurs, que le Parlement impose aux élus locaux ce à quoi il est incapable d’aboutir, puisque ce texte n’a même pas reçu le soutien de la majorité absolue des députés en deuxième lecture, et qu’il est fort probable qu’il ne l’obtiendra pas davantage cette fois-ci, l’écart semblant très faible !

Ce verrouillage vient confirmer le caractère profondément jacobin du principe qui sous-tend cette réforme : il s’agit de redessiner dans un cabinet ministériel des régions désincarnées, au mépris des territoires et des populations ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Gérard Charasse. Très bien !

M. Paul Molac. Pour construire des régions puissantes, ce ne sont pas tant le poids démographique et la taille du territoire qui importent, mais le sentiment d’appartenance, la volonté d’un destin commun des populations qui y vivent, ainsi que, bien sûr, les compétences, les pouvoirs réglementaires et les moyens financiers.

Or c’est bien ce qui manque aujourd’hui aux régions. Nous espérons que le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République comportera des avancées substantielles sur la capacité financière et sur le pouvoir réglementaire, pouvoir dont dispose la Corse depuis douze ans et qu’elle n’a pu mettre en œuvre qu’à deux reprises, sans pouvoir aller jusqu’au bout d’ailleurs, ce qui prouve bien qu’il s’agit, là aussi, d’un leurre.

Sans l’ombre d’un doute, une région doit relever les défis d’aujourd’hui grâce à la démocratie, la légitimité, la culture, l’histoire et la volonté qui la fondent. Mais comment espérer cela de régions désincarnées et rejetées, dans certains cas, par la majorité des élus et des populations ?

Pour toutes ces raisons, et en attendant une décentralisation et une régionalisation véritables, le groupe écologiste votera majoritairement contre ce projet de loi qui fait la part belle à l’abstraction technocratique, au détriment de la démocratie territoriale. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur certains bancs des groupes UMP, UDI et RRDP.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants542
Nombre de suffrages exprimés512
Majorité absolue257
Pour l’adoption270
contre242

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante, sous la présidence de M. Christophe Sirugue.)

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

6

Réforme de l’asile

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la réforme de l’asile (nos 2182, 2407).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, madame la rapporteure et monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république, mesdames et messieurs les députés, c’est avec beaucoup d’engagement que je vous présente aujourd’hui la réforme du droit d’asile proposée par le Gouvernement.

Cette réforme est ambitieuse, progressiste et profondément républicaine. Depuis plus de deux siècles, la France accueille les opprimés et les persécutés d’où qu’ils viennent, fidèle en cela à une vieille exigence, comme l’humanité. Les anciens Grecs, les Romains, les Hébreux, les chrétiens du Moyen Âge connaissaient déjà l’asile et l’accordaient, sous des formes diverses, à ceux qui en avaient besoin.

C’est pourtant la France de la Révolution qui a donné au droit d’asile la forme et l’ambition que nous lui connaissons aujourd’hui. Bien avant la convention de Genève de 1951, notre pays a en effet apporté au monde une définition du droit d’asile dont la modernité ne s’est pas épuisée. La Constitution de 1793 proclame ainsi que le peuple français « est l’ami et l’allié naturel des peuples libres » et qu’il « donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté ».

C’est là sans doute qu’est née la tradition d’une France terre d’asile pour les opprimés du monde, qu’elle a accueillis tout au long des XIXe et XXsiècle. Patriotes italiens et polonais, Arméniens et Juifs persécutés, résistants antifascistes et républicains espagnols, dissidents soviétiques et boat people.

Le préambule de la Constitution de 1946 achève de consacrer le droit d’asile pour les combattants de la liberté en lui conférant une valeur constitutionnelle. La France se doit d’être aujourd’hui à la hauteur de cet héritage républicain.

Depuis plus de deux siècles, le droit d’asile est le miroir où nous éprouvons l’universalité de nos principes et de nos valeurs. Il nous invite en effet à déterminer les règles d’hospitalité que le citoyen d’ici doit respecter lorsqu’il est sollicité par un citoyen d’ailleurs. « Dis-moi comment tu accueilles l’opprimé, je te dirai qui tu es ».

La France qui, en 1789, s’est soulevée contre l’arbitraire et a proclamé à la face du monde ses idéaux de liberté et d’égalité, ne peut se dérober quand frappent à sa porte ceux qui lui font confiance pour les protéger contre l’injustice, contre l’oppression et contre la barbarie. Il y va de la singularité du message que notre pays adresse au monde et que les peuples du monde – pour reprendre une expression de François Mitterrand – ont « appris à aimer de lui ».

Néanmoins, l’énoncé des principes, si élevés soient-ils, n’est pas toujours suffisant : encore faut-il les appliquer. Aujourd’hui, l’exercice du droit d’asile est concrètement menacé en France. Trop souvent, nous n’accueillons plus les demandeurs d’asile comme nous le devrions. Or, notre époque n’ignore hélas pas l’oppression ni les persécutions de masse : la guerre civile en Syrie et en Irak, les massacres perpétrés par Daech, les exactions dont sont victimes les chrétiens d’Orient nous le rappellent chaque jour.

En France, le nombre de demandeurs d’asile a presque doublé entre 2007 et 2013. Selon les données collectées par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, 58 000 demandes ont été déposées au cours des onze premiers mois de l’année 2014 ; il devrait donc y en avoir un total de 63 000 au terme de cette année. En 2013, le nombre de demandeurs était de 66 000 environ ; 16 % de ces demandes ont reçu l’agrément de l’OFPRA, et même 27 % en tout après l’intervention de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA.

La France est donc loin de ployer sous le poids des demandes, comme il arrive de l’entendre trop souvent par le truchement d’un certain nombre de démagogues patentés. Je rappelle qu’en 2014, l’Allemagne accueillera presque trois fois plus de demandeurs d’asile que la France, et que la Suède en accueillera plus de 80 000 alors que sa population est six fois moindre que celle de notre pays. Cessons donc de nous percevoir comme une forteresse assiégée, car cela ne correspond tout simplement pas à la réalité des faits. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Nous n’avons qu’un seul objectif : offrir accueil et protection sur le territoire de la République à ceux qui nous en font la demande et qui sont les victimes de l’oppression ou de l’injustice, à ceux qui sont persécutés en raison de leurs opinions, de leurs convictions, de leurs croyances ou encore de leur orientation sexuelle. Nous ne pouvons supporter que notre système d’asile soit affaibli, ni qu’il soit détourné de ses fins. Nous devons avoir le courage d’analyser puis de corriger les dysfonctionnements profonds qui l’affectent. Tel est l’objet du projet de loi que le Gouvernement soumet aujourd’hui à votre examen et, je l’espère, à votre approbation.

Je voudrais insister sur le fait que ce projet de loi est le fruit d’une réflexion et d’une mobilisation de longue haleine à laquelle nous avons été nombreux à contribuer. En juillet 2013, mon prédécesseur, Manuel Valls, organisait ainsi une concertation nationale sur le droit d’asile, qui a rassemblé l’ensemble des acteurs concernés : l’État, naturellement, mais aussi les collectivités territoriales, qui ont leur part, les associations, qui font un travail remarquable et auxquelles la France a toujours réservé une place essentielle, ainsi que le Haut-commissariat aux réfugiés, l’OFPRA, la CNDA et l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII. Vos collègues parlementaires Jean-Louis Touraine et la sénatrice Valérie Létard ont également participé à ces travaux, démontrant par là même que l’on pouvait dépasser les clivages et les opinions partisanes pour rechercher ensemble des réponses qui soient efficaces. Je voudrais une fois de plus saluer leur travail : tout comme le travail effectué par Jeanine Dubié et Arnaud Richard, il démontre, s’il en était besoin, qu’il est possible sur ces questions de descendre ensemble au seul arrêt qui vaille, c’est-à-dire à l’arrêt République. La même rigueur d’analyse a inspiré d’autres travaux, et je veux ici remercier tous ceux qui ont contribué à faire avancer la réflexion. Enfin, avec le style si particulier qu’on lui connaît et qui le singularise, votre collègue Éric Ciotti a lui aussi signalé les mêmes dysfonctionnements dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2015, en formulant certains éléments que j’ai intégrés car ils correspondent à une réalité.

La volonté d’améliorer notre droit d’asile nous mobilise donc tous par-delà les clivages, et j’espère que nous pourrons aller au terme de ce débat ensemble pour atteindre sur ce texte ambitieux le consensus le plus large possible.

En effet, nous devons tous faire le même diagnostic : notre droit d’asile est aujourd’hui à bout de souffle. Il ne permet pas d’accueillir comme nous le voudrions ceux qui ont droit à notre protection. Il pénalise même les réfugiés authentiques tout en rendant possibles des dérives dont tentent de profiter les filières de l’immigration irrégulière, qui sont de véritables filières de la traite des êtres humains, dans lesquelles des individus cyniques font payer un tribut de plus en plus lourd à un nombre croissant de migrants en les exposant à des aléas de plus en plus grands au moment où ils prennent la mer, ce qui n’est pas acceptable. Nous devons donc protéger toux ceux qui relèvent de l’asile en France.

Nous connaissons toutes et tous, mesdames et messieurs les députés, les dysfonctionnements qui nuisent au système : la lenteur et le manque d’efficacité du processus d’examen des demandes, la trop grande hétérogénéité des conditions d’accueil, l’inégalité des garanties juridiques que la France offre aux demandeurs d’asile. Aujourd’hui, le demandeur d’asile doit en effet triompher d’un véritable parcours d’obstacles avant, peut-être, d’obtenir le statut de réfugié. Un tel parcours du combattant est épuisant, et la France ne s’honore pas en l’opposant à celles et à ceux qui remettent leur sort entre ses mains et qui ont souvent traversé de terribles épreuves. Personne ne s’exile par plaisir. Aussi, aux peines de l’exil, nous ne devons pas ajouter les blocages et les lenteurs d’une procédure qui superpose des difficultés et des drames humains à des souffrances déjà incommensurables.

Ces dysfonctionnements ne sont pas nouveaux et ne datent pas de 2012. Face à une telle situation, il y a ceux qui analysent et qui proposent des réformes, et il y a ceux qui ne les ont pas faites et qui, se prévalant de leurs propres manquements, n’hésitent pas aujourd’hui à fustiger un système qu’ils disent à la dérive. En réalité, si dérive il y a, c’est parce que nous avons trop longtemps manqué de courage et parce que nous avons trop longtemps tardé à prendre les mesures qui s’imposaient. Face à ce qu’est l’asile en France, nous ne pouvons plus fermer les yeux. Le temps de l’action est donc venu.

Voilà pourquoi notre projet de loi entend à la fois transposer dans notre législation trois directives européennes – les directives « Qualification », « Procédure » et « Accueil » – tout en corrigeant ces dysfonctionnements que nous n’avons que trop longtemps tolérés.

Comment y parvenir ? Les mesures que nous proposons constituent un ensemble cohérent : l’accélération des délais de procédure, l’amélioration des conditions d’accueil et d’hébergement, et l’augmentation des droits des demandeurs sont en effet trois objectifs qui se renforcent mutuellement et donnent toute sa cohérence à notre politique.

Tel est l’esprit de la réforme que je voudrais maintenant vous présenter dans le détail, après avoir remercié chaleureusement Mme la rapporteure du projet de loi, Sandrine Mazetier, pour son implication décisive dans notre réflexion collective, ainsi que M. le président de la commission des lois qui a accueilli les séances de travail où Mme la rapporteure a fait œuvre très utile. Le droit d’asile est un sujet complexe, mais le travail exigeant que Mme Mazetier a su conduire avec les parlementaires lors de l’examen en commission des lois nous a permis d’avancer considérablement et d’aboutir à un texte que je crois meilleur que le texte initial. Plus précis, plus clair, il lève en effet les doutes qui pouvaient subsister ici ou là sur certains aspects du dispositif proposé sans pour autant – j’insiste sur ce point – en modifier l’équilibre et la philosophie générale.

Nous entendons tout d’abord réduire à neuf mois en moyenne la durée totale de l’examen d’une demande. À l’heure actuelle, celle-ci peut atteindre deux ans, contre un an en moyenne dans la plupart des pays de l’Union européenne.

Ce premier objectif constitue un préalable à toute amélioration de la situation que vivent les demandeurs d’asile en France. La priorité est d’accélérer les délais d’examen devant l’OFPRA, qui examine comme vous le savez les demandes en première instance, mais aussi devant la CNDA, cour spécialisée que le projet de loi entend maintenir et renforcer. En effet, à chaque étape, les délais sont aujourd’hui excessifs : devant l’OFPRA comme devant la CNDA, sans parler du temps que prennent les échanges d’informations entre toutes les institutions concernées, ou bien de certains délais « cachés » tels que les délais d’enregistrement de la demande en préfecture. Il n’est pas acceptable de laisser pendant si longtemps dans une telle situation d’incertitude des femmes et des hommes qui ont souvent enduré les pires souffrances et qui font confiance à la France pour les protéger. En outre, de tels délais rendent plus difficile l’éloignement des déboutés, pour ceux qui ne relèveraient pas du droit d’asile. Nous ajoutons là des drames aux drames.

Voilà pourquoi l’OFPRA et la CNDA seront dotées en 2015 d’importants moyens humains supplémentaires. De tels renforts permettront à l’OFPRA d’accélérer ses procédures en 2016 afin de limiter à trois mois la durée moyenne d’examen d’une demande d’asile.

Cependant, avant même que nous n’en passions par la loi, des progrès extrêmement importants ont été réalisés par l’OFPRA sous la conduite de son nouveau directeur, Pascal Brice, dont je veux ici saluer l’action : 68 000 décisions ont ainsi été prises par l’Office en 2014, contre 62 000 en 2013, ce qui représente une augmentation de plus de 12 % du nombre de dossiers traités. Par ailleurs, cette année et pour la première fois depuis 2007, le volume des dossiers en attente a diminué. Ces résultats sont très encourageants, et nous devons continuer dans cette direction en amplifiant les réformes conduites au sein de l’OFPRA et en le dotant des moyens dont il a besoin pour exercer ses missions dans de bonnes conditions.

La CNDA, quant à elle, bénéficiera d’un renfort de magistrats et de rapporteurs afin d’accompagner la réforme de ses procédures et d’en garantir le succès. Les demandes en procédure accélérée devront être examinées en moins de cinq semaines par un juge unique ; les demandes en procédure normale, en moins de cinq mois par une formation collégiale. Pour ce faire, nous prévoyons d’une part d’adapter les formations de jugement de la CNDA en mettant en place des audiences devant un juge statuant seul et, d’autre part, de simplifier un certain nombre de règles devant la cour, notamment celles qui concernent l’aide juridictionnelle.

Je voudrais d’ailleurs répondre aux quelques inquiétudes qui ont été exprimées ici ou là concernant le juge unique – car il faut répondre à toutes les inquiétudes, même lorsque l’on est convaincu de présenter un texte qui constitue une source de progrès. Pour le demandeur d’asile, il ne s’agit pas d’une perte de droits, au contraire. Il disposera devant le juge unique des mêmes garanties que devant la formation collégiale. Toutefois, il faut répondre aux quelques cas dans lesquels le juge unique se retrouverait face à une situation complexe qui poserait une difficulté sérieuse d’interprétation. Le texte amendé par la commission prévoit donc clairement que, s’il considère que la situation et les moyens invoqués posent une difficulté sérieuse, le juge peut renvoyer la demande d’asile devant une formation collégiale. En revanche, pour les dossiers qui ne posent pas de difficulté, le juge unique pourra statuer plus vite et permettra ainsi aux délais d’être tenus.

Nous devons également simplifier nos procédures d’asile en amont. Les délais d’enregistrement des demandes par les préfectures sont beaucoup trop longs : ils devront être ramenés à trois ou six jours selon les cas de figure, grâce à la création de guichets uniques de l’accueil du demandeur d’asile, qui regrouperont sur un même site les agents de l’OFII et ceux des préfectures.

Enfin, nous devons savoir distinguer entre les demandes d’asile qui méritent un examen approfondi et celles pour lesquelles la réponse semble évidente, et qui donc peuvent être traitées plus rapidement – même s’il va de soi que toutes doivent faire l’objet d’un examen particulièrement attentif et rigoureux. C’est aussi de cette façon que nous réduirons les délais de procédure : l’OFPRA sait traiter rapidement des demandes qui sont manifestement fondées, telles celles des Syriens ou des chrétiens d’Irak. À l’inverse, d’autres demandes ne nécessitent pas un examen approfondi dans la mesure où elles ne reposent sur aucun motif sérieux.

Pour cette raison, le texte réforme les placements en procédure prioritaire, celle-ci devenant la procédure accélérée.

Ces placements seront décidés en dernière instance par l’OFPRA et non plus par la préfecture, même si cette dernière pourra effectuer un premier tri en fonction de critères étrangers au contenu de la demande.

C’est le même souci d’accélération des délais qui nous anime lorsque nous permettons à l’OFPRA de déclarer certaines demandes irrecevables ou de les clôturer lorsque le demandeur ne coopère pas suffisamment avec l’Office.

Notre deuxième objectif est d’améliorer l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile. Actuellement notre système est beaucoup trop inégalitaire et en cela il n’honore pas la République et ses principes. Certains demandeurs sont hébergés en centre d’accueil pour demandeurs d’asile et bénéficient d’un accompagnement administratif, social et juridique approprié. Ce n’est en revanche pas toujours le cas des trois quarts d’entre eux qui sont soit pris en charge dans les structures d’hébergement d’urgence, qui font pourtant ce qu’elles peuvent, soit tout simplement livrés à eux-mêmes et survivent tant bien que mal dans des campements de fortune. Cette différence de traitement n’est pas tolérable.

D’ici à 2017, l’hébergement en CADA doit donc devenir la norme et l’hébergement d’urgence l’exception. Nous allons pour ce faire augmenter significativement le nombre de places en CADA. Nous en avons déjà créé près de 4 000 supplémentaires en deux ans et nous avons l’ambition d’en ouvrir encore 5 000, si possible dès 2015, par création nette ou en transformant, pour un millier d’entre elles, certaines places d’hébergement d’urgence.

Nous devons ensuite en finir avec les allocations éclatées dont bénéficient les demandeurs d’asile : l’allocation temporaire d’attente et l’allocation mensuelle de subsistance seront fondues en une allocation unique qui prendra en compte la situation familiale de chaque demandeur.

Enfin, et c’est un point indissociable des deux précédents, nous allons mettre en place un véritable hébergement directif. Comme vous le savez, l’accueil des demandeurs d’asile peut être difficile à gérer, dans certains territoires, lorsqu’un trop grand nombre de demandeurs convergent en même temps vers un même point du territoire. Ceux d’entre vous qui ont eu la gentillesse de m’accompagner à Calais savent parfaitement de quoi nous parlons – mais ce n’est pas le seul cas que j’ai à l’esprit.

Aujourd’hui, deux régions – la région parisienne et la région lyonnaise – concentrent plus de la moitié des demandes d’asile. L’Île-de-France concentre à elle seule 42 % des demandeurs, et je ne méconnais pas la situation difficile rencontrée en Bretagne ou en Lorraine. Cette situation, qui n’est pas acceptable, a fait l’objet d’un signalement de la part des élus des territoires concernés.

C’est la République qui offre l’asile à ceux qui en ont besoin, et non telle ou telle région, ni telle ou telle ville. Par conséquent, afin de mieux répartir l’effort sur l’ensemble du territoire, nous prévoyons de mettre en place une orientation directive des demandeurs d’asile. Mieux orienter leur accueil permettra également de mieux les accompagner et de leur offrir de meilleures conditions d’hébergement.

Concrètement, le versement d’une allocation dépendra de la sollicitation, puis de l’acceptation d’un hébergement. Les places de CADA seront attribuées en fonction des besoins des demandeurs, notamment de leur situation familiale et de leur état de santé. Si l’un d’entre eux ne souhaite pas bénéficier des conditions d’accueil prévues par la République, il aura naturellement droit à un examen de sa demande d’asile dans les mêmes conditions qu’un autre demandeur. En revanche, il ne pourra bénéficier ni de l’hébergement ni des allocations prévues.

J’insiste, il s’agit là d’un point crucial qui conditionne le succès de la réforme. Si nous ne sommes pas capables de respecter cet équilibre, nous verrons se concentrer les demandeurs d’asile dans certains territoires sans que des solutions dignes de ce nom soient apportées et nous ne serons pas en situation d’offrir des conditions d’accueil et d’hébergement dignes à ceux qui relèvent du droit d’asile en France.

Enfin, le troisième objectif de cette réforme consiste à renforcer, dans un souci d’égalité, les droits des demandeurs d’asile. Nous savons que les filières d’immigration clandestine tentent de tirer profit des lenteurs et des dysfonctionnements de notre système.

M. Guy Geoffroy. C’est vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Pour autant, la lutte que nous menons pour les démanteler ne doit pas nous conduire à nourrir des soupçons contre la masse des réfugiés. C’est pourquoi, tout en continuant de limiter, comme il est normal de le faire, les possibilités de réexamen d’une même demande, la loi garantira d’abord à chaque demandeur d’asile dont la demande est recevable le droit d’accéder à un recours suspensif.

Jusqu’à présent, 35 % des demandeurs, c’est-à-dire tous ceux qui ne bénéficiaient pas de la procédure normale, pouvaient être éloignés sans même que le juge de l’asile se soit prononcé. C’est dire l’importance du changement introduit par cette réforme.

M. Pierre Lellouche. Ce n’est pas comme cela que nous allons réduire leur nombre !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Par ailleurs, le demandeur d’asile pourra bénéficier, à l’OFPRA, d’un conseil de son choix de même qu’il pourra, s’il le souhaite, accéder de plein droit à l’aide juridictionnelle devant la CNDA.

Les demandeurs d’asile en situation de vulnérabilité pourront également bénéficier d’un examen et d’une prise en charge adaptée à leur situation – je pense bien sûr aux mineurs, mais également aux femmes victimes en tant que telles des pires atrocités.

Je voudrais insister sur ce point car parler de l’asile, c’est aussi parler des droits des femmes. On oublie trop souvent que les persécutions ciblent en particulier les femmes.

Grâce à l’asile que la République leur accorde, 3 500 jeunes filles sont ainsi protégées contre l’excision.

M. Guy Geoffroy. Bravo !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Dans un autre registre, pensons également aux viols de guerre, ces viols comme armes de guerre qui, depuis le début du conflit syrien, ont détruit la vie de nombreuses femmes et par là même brisé des communautés entières.

Enfin, la loi permettra à tous les demandeurs d’asile, en procédure normale comme en procédure accélérée, de bénéficier d’un droit au maintien sur le territoire pendant l’examen de leur demande, c’est-à-dire, j’insiste sur ce point, de bénéficier de l’ensemble des droits qui sont aujourd’hui reconnus aux demandeurs en procédure normale.

Concrètement, tout demandeur d’asile dont la demande est recevable pourra désormais, tant que son recours devant la CNDA n’a pas été rejeté, accéder à la couverture maladie universelle, à un hébergement en CADA et à une protection contre les éloignements. Actuellement, seuls les demandeurs d’asile en procédure normale bénéficient de ces protections. Là aussi, vous pouvez mesurer l’étendue du changement.

M. Pierre Lellouche. Cela coûte cher !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je sais que beaucoup d’entre vous s’inquiètent de ce que la notion de pays d’origine sûre soit maintenue dans le projet de loi. Mais il ne faut pas oublier que le demandeur ressortissant d’un pays réputé sûr bénéficiera en réalité des mêmes droits que le demandeur d’asile en procédure normale. Comme lui, il aura accès au centre d’accueil et à l’allocation et pourra se maintenir sur le territoire jusqu’au terme de son recours. Enfin, si sa demande est sérieuse et nécessite un examen approfondi, l’OFPRA pourra décider de le placer en procédure normale. Rien de commun, là non plus, avec la situation actuelle.

Je voudrais pour conclure dire quelques mots au sujet des amendements adoptés en commission des lois.

M. Jacques Myard. Intéressant !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Comme je l’ai déjà indiqué, le travail réalisé par la commission mérite d’être salué car il a permis d’améliorer le texte dont nous allons débattre.

M. Jacques Myard. Cela commence mal !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Loin d’opposer entre elles des postures stériles, le débat qui a eu lieu a en effet permis un examen scrupuleux et efficace du contenu même de la réforme, dans un climat de profond respect entre l’ensemble des parlementaires de toutes sensibilités – y compris Jacques Myard, qui s’est beaucoup impliqué dans ce débat.

Plusieurs amendements de clarification ont été adoptés, qui portent sur la définition et la détection des vulnérabilités, sur le rôle du conseil devant l’OFPRA, sur le délai d’enregistrement de la demande d’asile ou encore sur l’assistance juridique dont peuvent bénéficier les personnes en rétention qui font une demande d’asile. Je me réjouis de ces évolutions.

D’autres amendements ont permis de garantir l’efficacité du projet de loi, sans en modifier ni l’équilibre ni l’état d’esprit. Tel est par exemple le cas de l’amendement qui, pour les demandeurs d’asile placés sous procédure dite « Dublin », étend à six mois, renouvelables une fois, la durée d’assignation à résidence.

Tel est également le cas de l’amendement supprimant la procédure d’autorisation administrative de sortie du CADA qui, telle que le Gouvernement l’avait envisagée, apparaissait trop lourde d’un point de vue administratif.

Une troisième catégorie d’amendements apporte des garanties supplémentaires, conformes à l’esprit du texte, et qui sont autant d’améliorations substantielles réalisées par la commission des lois. Je tiens vraiment à remercier l’ensemble des parlementaires qui ont participé à la réflexion : leur esprit constructif et leur volonté de consensus nous ont permis de progresser, sans que jamais il ne soit question de dénaturer la réforme.

L’amendement limitant la clôture de demande d’asile aux demandeurs qui quittent leur hébergement sans laisser d’adresse – et non, d’une manière générale, à l’ensemble des demandeurs quittant leur hébergement – va ainsi dans le sens du texte, de même que celui qui réécrit les cas d’irrecevabilité en zone d’attente.

De nombreux amendements ont été déposés pour marquer la nécessité d’être attentifs, dans le cadre de l’examen de la demande d’asile, à la situation des femmes victimes de violences ou en situation de vulnérabilité. Là aussi, de tels amendements rejoignent les préoccupations du Gouvernement. Plusieurs propositions ont ainsi été faites : que le ministère chargé des droits des femmes puisse faire partie du conseil d’administration de l’OFPRA ; que, dans certains cas limités, un demandeur puisse bénéficier d’un entretien avec un agent du même sexe ; que l’OFPRA soit tenu de communiquer des éléments sur les données sexuées, etc...

Enfin – et c’est une grande première –, il a été proposé que la procédure de réunification familiale soit également ouverte aux concubins de réfugiés, ce qui nous semble en effet nécessaire et ce que d’ailleurs prévoit la jurisprudence : quand une personne est persécutée, son concubin peut l’être aussi, et il n’y a alors aucune raison de s’opposer à la réunification familiale sous prétexte que les personnes en question ne seraient pas mariées.

M. Jacques Myard. Certains ont plusieurs femmes !

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. C’est un fantasme !

Mme Marie-Louise Fort. Des femmes et des filles !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Néanmoins, d’autres amendements, certes peu nombreux, sont à mes yeux susceptibles de poser des difficultés : la rédaction adoptée en matière de droit à la formation professionnelle semble peu opérante ; la disposition permettant à la CNDA de ne pas soumettre au contradictoire certaines pièces de la procédure, lorsque cela mettrait en jeu la sécurité nationale ou la vie de certaines personnes, soulève également de très délicates questions juridiques.

Le Gouvernement soumettra bien sûr ces diverses difficultés à l’appréciation de la représentation nationale, de même qu’il s’efforcera de clarifier, au cours des débats, tous les autres points qui méritent encore de l’être. Je pense notamment au régime de la domiciliation, ou encore à celui de l’apatridie, qui nécessite une base législative plus claire, même si ce n’est pas l’objet du présent projet de loi.

Mesdames, messieurs les députés, en la matière, nous n’avons pas le droit de fuir nos responsabilités, ni de nous complaire dans des postures maximalistes, quelles qu’elles soient, qui peuvent certes flatter nos egos ou nos organisations politiques, mais ne rendent pas service aux authentiques demandeurs d’asile. Voilà pourquoi nous proposons une réforme à la fois globale et équilibrée.

Il ne suffira pas de voter des dispositions, même ambitieuses, pour transformer la demande d’asile en France. Je peux vous l’assurer : chacune des institutions concernées est aujourd’hui prête à participer pleinement à cette grande réforme que nous sommes nombreux à juger nécessaire. L’OFPRA, comme je l’ai dit, a déjà obtenu des résultats tangibles et va poursuivre son traitement vigilant et adapté des dossiers des demandeurs d’asile. Les missions de l’OFII sont progressivement redéfinies pour coïncider avec les exigences affirmées par la loi. La CNDA est engagée dans un effort de raccourcissement des délais de jugement, qui doit se poursuivre. Les préfectures sont à pied d’œuvre pour enregistrer la demande d’asile dans des délais compatibles avec les directives.

Avec l’amélioration de nos dispositifs d’intégration, l’accueil des étudiants et des talents étrangers, la lutte contre les filières d’immigration irrégulière, la réforme du droit d’asile est l’un des quatre piliers de notre politique à l’égard des étrangers en France. Elle est aussi la plus symbolique.

En effet, le droit d’asile n’est surtout pas l’expression de la mauvaise conscience qu’un pays nourrirait à l’égard des misères du monde. C’est un droit qui nous oblige, parce qu’il est l’incarnation de ce que nous sommes : une République fière des valeurs universelles qu’elle défend en toute occasion, et solidaire de l’humanité qui souffre.

Voilà pourquoi la présente réforme est indispensable si l’on veut rendre au droit d’asile le rôle fondamental qui est le sien, conformément à la vocation historique de la France et aux valeurs de la République.

Le 28 mars 1933, à la Chambre des députés, le socialiste Jules Moch apostrophait ainsi le ministre de l’intérieur de l’époque, Camille Chautemps : « La France, j’en suis sûr, voudra rester, dans cette Europe en folie, le refuge de tous les persécutés. Des ordres, n’est-ce pas, monsieur le ministre, seront donnés à toutes nos frontières, pour que ceux qui ont pu fuir les fusils nazis ou les mitrailleuses de la Reichswehr, là où on en a déjà placé, trouvent chez nous cet accueil fraternel qui a été de tout temps la gloire et l’honneur de la France ».

M. Pierre Lellouche. Ce qui n’a pas toujours été le cas à l’époque !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Telle est l’ambition de la loi que je vous propose, mesdames, messieurs les députés. C’est la raison pour laquelle j’espère que vous serez nombreux à la voter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. Marc Dolez et M. Arnaud Richard. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. «Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde », disait en 1943 un exilé, le général de Gaulle. Au lendemain de la guerre, toutes les forces politiques qui ne s’étaient pas compromises dans la collaboration ont proclamé ensemble dans le Préambule de la Constitution de la République que « tout être humain possède des droits inaliénables et sacrés ».

Oui, la République française s’identifie au droit d’asile, et est identifiée partout dans le monde au combat pour les droits de l’homme. Celles et ceux qui le déplorent aujourd’hui sont décidément bien les héritiers de ceux qui, dans les années 30 puis dans les années noires, conspuaient la République qu’ils appelaient « la gueuse » ! Ne l’oublions pas à l’orée du débat sur la réforme de l’asile !

M. Pierre Lellouche. Ça commence bien !

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. La réforme est indispensable non seulement parce qu’il faut transposer le « paquet Asile » conformément à nos engagements européens, mais surtout parce que la France a depuis longtemps cessé d’accueillir dignement les personnes fuyant les persécutions et les guerres. J’ai rappelé l’histoire, faisons un peu de géographie, une bien triste géographie !

M. Guy Geoffroy. Rappelé l’histoire, pas vraiment !

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Contrairement à une idée tenace, ni la France ni même l’Europe n’accueillent toute la misère du monde. Selon le Haut Commissariat pour les réfugiés, le nombre de personnes ayant besoin de protection a dépassé l’an dernier le seuil de 50 millions. Les pays industrialisés n’en accueillent qu’une très faible part, inférieure à 15 %. La France n’est que le neuvième pays de destination des demandeurs d’asile dans l’Union européenne.

Certes, on dénombre plus de 60 000 demandes d’asile en 2013, contre 35 000 en 2007, mais on en comptait plus de 61 000 en 1989 et pourtant on accueillait mieux alors ! Que s’est-il donc passé ? D’où vient que la situation est devenue insupportable et qu’on trouve en France au XXIe siècle des familles méritant protection errant sans droit ni toit ni titre pendant des mois au cœur ou aux marges de capitales régionales où tous les dispositifs d’hébergement sont saturés ? Deux facteurs dont les effets se cumulent en sont la cause : la concentration dans l’espace et la dilution dans le temps. C’est à eux que s’attaque la réforme et j’espère, chers collègues, que vous préserverez ces deux piliers comme l’a fait la commission des lois.

Celle-ci a proposé de très nombreuses améliorations. Sans remettre en cause le principe d’accélération des procédures et d’hébergement directif des demandeurs d’asile, elle a adopté un grand nombre d’amendements visant à améliorer le texte. Elle s’est montrée étonnamment fidèle à l’esprit de Daniel Mayer et de nos prédécesseurs dans cette assemblée qui ont créé, en 1952, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides en prévoyant son indépendance ainsi qu’une commission de recours, ancêtre de la Cour nationale du droit d’asile. La commission, très inspirée par la Délégation aux droits des femmes et par tous les groupes de la majorité, a également pris en compte des persécutions spécifiques dont nos augustes aînés étaient peu conscients comme les mutilations sexuelles, le viol, le féminicide comme arme de guerre et les persécutions en raison de l’orientation sexuelle. De l’enregistrement de la demande à l’Office français de l’immigration et de l’intégration jusqu’à l’examen par la CNDA en passant par l’entretien à l’OFPRA, ces dimensions sont désormais prises en compte.

Mme Pascale Crozon. Très bien !

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. La commission a diversifié la composition du conseil d’administration de l’OFPRA en y introduisant un représentant du ministère chargé des affaires sociales et de la santé et un autre du ministère chargé des droits des femmes. Elle a donné voix délibérative aux personnalités qualifiées qui y siègent, a souhaité inscrire dans la loi l’obligation d’un examen régulier de la situation dans les pays considérés comme sûrs et a prévu une saisine par les parlementaires et par les associations membres du conseil d’administration de l’OFPRA.

La procédure accélérée n’a plus grand-chose à voir avec l’actuelle procédure prioritaire mais a été davantage encadrée, les garanties procédurales bénéficiant aux demandeurs d’asile lors de l’entretien à l’OFPRA ont été renforcées et les cas de clôture d’examen ont été plus strictement encadrés. Nous avons par ailleurs tordu le coup au concept très « Éric Bessonien » de « militant d’opportunité ».

La commission a amélioré les garanties procédurales pour l’asile à la frontière, en particulier par la suppression de deux cas d’irrecevabilité, pour l’asile en rétention en garantissant le droit à une assistance juridique et linguistique, et même pour les « Dublinés » dont la demande d’asile ne relève pas de la compétence de la France et qui auront deux fois plus de temps pour contester de façon effective la décision de transfert vers un autre État membre.

M. Pierre Lellouche. Comment donc !

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Les députés souhaitent consacrer la procédure d’examen par la CNDA. La commission a donc adopté de nombreux amendements visant à renforcer les droits des requérants et à harmoniser les décisions. Ainsi, le juge unique peut désormais renvoyer en formation collégiale l’examen de toute demande d’asile présentant une difficulté sérieuse. L’obtention de la qualité de juge unique a été soumise à des critères d’expérience.

En outre, la commission a ménagé au demandeur d’asile la possibilité d’être entendu par la Cour à huis clos et même prévu que celui-ci est de droit si la demande d’asile repose sur des faits de viol, de torture ou d’actes de barbarie.

S’agissant de la procédure d’enregistrement de la demande d’asile, la commission a explicitement supprimé le verrou de la domiciliation préalable et a inscrit dans la loi le délai de trois jours prévu par la directive.

En matière d’hébergement directif, la commission a été attentive à la prise en compte des besoins de tous les demandeurs d’asile. Les agents de l’OFII seront formés à l’évaluation de la vulnérabilité, effectuée lors d’un entretien individuel avec le demandeur. La notion de vulnérabilité ayant suscité beaucoup de questions, nous avons clairement distingué ce qui relève de l’OFII chargé de proposer un hébergement adapté de ce qui relève du fond de la demande et demeure de la compétence exclusive de l’OFPRA. La commission, très attachée au modèle du CADA, mais consciente que l’offre est encore sous dimensionnée, s’est assurée que les demandeurs d’asile en hébergement d’urgence bénéficieraient aussi d’un accompagnement juridique et social. Enfin, la commission a supprimé le régime d’autorisation administrative d’absence des lieux d’hébergement.

Les députés ont été très attentifs à l’élaboration du schéma national et régional et à l’association de tous les ministères concernés, comme à celle des collectivités. De l’amélioration de la répartition territoriale dépend celle de la prise en charge des demandeurs d’asile. Elle est donc l’une des clés de la réforme. À ce sujet, des doutes subsistent.

La commission a adopté de nombreuses dispositions visant à améliorer l’intégration des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire, comme l’accès des demandeurs d’asile à la formation professionnelle que je proposerai de compléter par l’accès au marché du travail sur autorisation après un délai de neuf mois et non d’un an comme prévu par le droit actuel. La commission a également renforcé le droit fondamental à la réunification familiale en l’étendant au concubin ainsi qu’au partenaire lié au réfugié par une union civile.

M. Pierre Lellouche. De mieux en mieux !

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je proposerai également d’allonger la durée de validité de la carte de séjour délivrée aux bénéficiaires d’une protection subsidiaire après un premier renouvellement afin de leur assurer une stabilité accrue et de limiter les passages en préfecture.

La commission a précisé les conditions applicables au contrôle médical destiné à protéger durablement les mineures auxquelles l’asile a été accordé en raison d’un risque d’excision dans leur pays d’origine. Il nous a paru important d’indiquer qu’un constat de mutilation ne saurait entraîner la perte par la victime de son statut au titre de l’asile.

Afin de compléter le combat pour les droits de l’homme, les membres de la commission ont également veillé à la lutte contre l’impunité en renforçant les droits de communication entre la justice, l’OFPRA et la CNDA. Aucun tortionnaire, aucun génocidaire, si dissimulateur soit-il, ne doit pouvoir imaginer échapper à la sanction de ses crimes !

Ce projet de loi opère une réforme profonde de notre système de l’asile. Le nombre et la qualité des rapports parlementaires en témoignent, restaurer le droit d’asile constitue une attente forte. L’intense activité de la commission des lois l’a également montré, même si tout n’est pas réglé et si des débats restent ouverts à l’issue de dix heures de discussion en commission. Je remercie ici toutes celles et tous ceux qui travaillent dans des associations, institutions, offices et administrations et qui n’ont pas ménagé leur peine, en audition ou par des contributions et des témoignages, pour expliquer la situation, défendre leurs convictions, répondre à nos questions et forger avec nous des solutions. Je salue aussi l’immense et excellent travail des administratrices et administrateurs de la commission.

Nous avons la conviction que notre pays peut et doit accorder plus rapidement et plus efficacement sa protection aux personnes qui en ont besoin en agissant, comme le prévoit le texte, à la fois sur le temps et l’espace. C’est pourquoi la commission vous invite, mes chers collègues, à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérard Charasse. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères.

Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis du projet de loi, comme elle l’a fait lors des précédentes réformes en 2003 et 2007. La garantie du droit d’asile en France est doublement ancrée dans la convention de Genève de 1951, relative au statut des réfugiés, et dans une série de directives européennes. Le projet de loi vise à assurer la transposition d’un nouveau « paquet Asile » finalisé en 2013. Sur ce point, certains éléments essentiels font encore défaut, en particulier des règles qui permettraient d’établir une véritable solidarité au plan européen. Malgré la création d’un Bureau européen d’appui, certains États membres supportent des charges démesurées par comparaison avec celles pesant sur les autres.

La refonte des directives « Qualification », « Accueil » et « Procédures » a le mérite de favoriser une harmonisation accrue des conditions d’octroi de la protection internationale, des modalités d’examen des demandes et du contenu de la protection accordée. Nous transposons une sorte de moyenne européenne et non plus des normes a minima comme autrefois.

Le projet de loi se saisit très largement des possibilités offertes par la nécessaire transposition des directives européennes afin d’engager une rénovation en profondeur de notre système d’asile. Le diagnostic a déjà été dressé : des délais excessivement longs en dépit du travail remarquable de l’OFPRA et de la CNDA, un dispositif d’accueil sous-dimensionné et mal adapté aux besoins malgré l’augmentation du nombre de places depuis 2012 et de nombreux déboutés du droit d’asile plongés dans des situations inextricables.

Les dysfonctionnements sont indiscutablement causés par l’augmentation du nombre de demandes d’asile en France, mais il faut manier cette explication quantitative avec une précaution qui fait parfois défaut sur certains bancs.

Tout d’abord, une telle augmentation des demandes n’est pas sans précédent en France. La demande d’asile est un phénomène cyclique dépendant des crises internationales et de l’évolution interne de certains régimes.

Ensuite, l’augmentation des demandes d’asile est une réalité qui dépasse largement nos frontières. La France n’est qu’au neuvième rang des pays européens accueillant des demandeurs d’asile après Malte, Chypre ou la Bulgarie, ce qu’ignorent manifestement ceux qui dénoncent le prétendu laxisme de notre système d’asile.

Enfin, il importe de rappeler que les dysfonctionnements actuels ne doivent jamais être imputés aux demandeurs d’asile. C’est notre système qui est inadapté et qu’il faut rénover sans renoncer à notre tradition d’accueil des étrangers ayant des motifs légitimes de demander la protection de la République française. Tel est l’objet du texte qui nous est soumis.

Un système d’asile plus efficace ne doit pas être un système au rabais. Le projet de loi laisse donc intacts les principaux éléments constitutifs de notre droit d’asile, qui sont désormais stabilisés.

Les articles 2 à 4 ne font ainsi que préciser et compléter les conditions d’octroi de la protection internationale.

En revanche, vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, les modalités d’examen des demandes sont appelées à évoluer en profondeur. Une nouvelle procédure dite « accélérée », plus efficace et plus équitable, de nouvelles procédures d’irrecevabilité et de clôture d’examen seront mises en place.

Si le fonctionnement de notre système d’asile doit être rendu plus efficace, ce que personne, ici, ne conteste, il ne doit pas devenir expéditif pour autant. Est ainsi prévue, notamment, la possibilité, pour les demandeurs d’asile, d’être accompagnés par un tiers lors de leur entretien avec un officier de protection de l’OFPRA.

Alors que ce projet de loi comprend de nombreuses mesures de modernisation du fonctionnement de l’OFPRA, la question de la professionnalisation de la CNDA est toujours posée. En matière d’asile, les décisions sont souvent prises par des juges vacataires peu présents dans la juridiction et quelquefois peu au fait des problèmes d’asile.

Nous devons par ailleurs réfléchir à la question de l’équilibre entre juge unique et collégialité, ce second principe devant à mon sens rester la norme dans le traitement de la demande d’asile. Le risque existe de voir une minorité de recours examinés en formation collégiale, alors que celle-ci constitue une garantie pour le demandeur.

La commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l’adoption des dispositions dont elle s’est saisie pour avis.

Elle a prêté une attention particulière à l’article 19, qui améliore les droits des personnes auxquelles une protection internationale a été reconnue. Nous avons notamment adopté plusieurs amendements visant à étendre aux apatrides l’application de certaines dispositions. Le texte proposé par le Gouvernement concernait déjà les apatrides sur quelques points, notamment aux articles 5 et 19 pour la délivrance de documents de voyage. Je vous proposerai, par voie d’amendement, de saisir l’occasion pour consolider les dispositions applicables aux apatrides.

Le droit d’asile est l’honneur de la République. J’espère que nous montrerons, par la qualité de nos débats, que nous sommes fiers de notre héritage révolutionnaire, inscrit dans notre Constitution, laquelle déclare : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Chacun s’accorde à reconnaître qu’il y a urgence à réformer en profondeur notre système d’asile, puisque nous désirons tous fortement le préserver. Les délais de réponse sont devenus très excessifs, dépassant parfois deux ans. Le statut de réfugié politique n’est accordé qu’à environ un quart des demandeurs. Pour ces réfugiés, ce sont deux ans d’attente, dans l’incertitude, sans pouvoir ni accéder au travail ni s’insérer dans la société française. Quant aux 75 % des déboutés, ils doivent eux aussi attendre plus de deux ans, et la perspective d’un retour au pays semble assez peu probable. Par ailleurs, les coûts de notre dispositif actuel ont également explosé.

Les capacités d’hébergement sont complètement saturées par des personnes qui occupent les places très longtemps. Cela a conduit à multiplier les dispositifs d’urgence, comme les nuitées d’hôtel, tous plus coûteux les uns que les autres.

Les suites données aux dossiers ne sont pas satisfaisantes, elles non plus. Les réfugiés, une fois leur statut obtenu, ne bénéficient pas d’une organisation optimale. L’hébergement et l’accès à l’emploi demeurent notamment des questions difficiles. Quant à ceux qui sont déboutés, ils multiplient les recours et invoquent souvent des problèmes sanitaires, et, au bout de quatre ans, on réalise qu’il est difficile de prévoir leur retour dans leur pays d’origine, car ils se sont peu à peu implantés en France. Ce sont des problèmes sans issue : ils deviennent des sans-papiers, dans des hébergements de fortune, sans accès à un travail légal, et vivent dans des conditions peu humaines. Rien de cela n’est satisfaisant.

Je voudrais insister sur les conditions qui ont présidé à la préparation de cette réforme. Une large concertation, très constructive, a été menée au cours de l’année 2013 – j’en suis heureux –, qui a permis aux différentes associations en charge des demandeurs d’asile de faire leurs propositions et de discuter de ce qu’il fallait améliorer.

En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, j’aimerais aborder les trois points essentiels que sont les conditions d’hébergement, les conditions d’attribution de l’allocation et l’appréciation de la vulnérabilité des personnes qui demandent l’asile.

Changer les conditions d’hébergement, c’est d’abord favoriser les CADA et accroître progressivement le nombre de places qu’ils proposent, jusqu’à ce qu’il soit suffisant. C’est aussi réduire la durée de séjour dans les CADA – en statuant plus rapidement sur les demandes et en rendant effective la libération de la place dès la décision prise, qu’elle soit positive ou négative. Il faut aussi éviter les solutions développées dans l’urgence, inefficaces, mal maîtrisées, et dont le coût est exorbitant.

Un lieu d’hébergement sera proposé de façon quelque peu directive : les endroits vers lesquels seront dirigés les demandeurs sont ceux qui leur permettront d’avoir les plus grandes chances d’obtenir une réponse positive, s’ils la méritent, et, ensuite, de s’insérer au mieux dans notre société. Nous agissons là dans l’intérêt des demandeurs d’asile eux-mêmes. La plupart des pays européens adoptent cette attitude : en Allemagne, par exemple, ils sont assignés à résidence dans un Land, qu’ils n’ont pas le droit de quitter pendant le temps de l’examen de leur dossier.

M. Jacques Myard. C’est très bien !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur pour avis. Nous ne proposons rien de tel ;…

M. Jacques Myard. Hélas !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur pour avis. …les demandeurs d’asile restent libres de leurs mouvements, même s’ils doivent pouvoir en permanence être joints à partir de leur centre d’attache.

M. Pierre Lellouche. Ben voyons !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur pour avis. Il me paraît normal que les demandeurs aient à signaler leur absence afin que les directeurs de CADA puissent gérer au mieux les places disponibles sans en laisser certaines indûment vacantes.

Le texte adopté en commission des lois alourdit quelque peu, au risque de la ralentir, la procédure présidant à l’adoption du Schéma national d’hébergement ou d’accueil et des schémas régionaux en associant plusieurs ministères et les conférences territoriales de l’action publique. L’essentiel est d’aboutir rapidement à un système d’hébergement plus efficace et plus équitable. De même, un amendement adopté en commission des lois dispose que le directeur du lieu d’hébergement sera consulté sur chaque admission. Cette mesure ralentira l’admission et risque de conduire à ce que certains directeurs considèrent comme indésirables des demandeurs en raison de leur origine ethnique ou autre.

La détection de la vulnérabilité est une question très délicate. Félicitons-nous du fait que le projet de loi prévoie une procédure particulière pour que les besoins spécifiques des personnes vulnérables soient pris en compte. Les demandeurs d’asile étaient autrefois des hommes seuls, qui venaient de pays en guerre ; aujourd’hui, de plus en plus souvent, ce sont des familles avec des enfants, des mineurs isolés ou des femmes seules qui ont subi des violences et savent qu’elles peuvent faire valoir leurs droits dans notre pays.

En revanche, il ne me paraît pas très opérationnel de proposer aux personnes vulnérables de passer un bilan de santé de droit commun car les médecins qui font passer ce bilan connaissent très mal les problématiques de l’exil et les risques qui y sont souvent associés. Je regrette que l’on fasse un procès d’intention aux médecins de l’OFII, qui restent avant tout des médecins à la déontologie rigoureuse. Il faut que les professionnels de santé travaillent en réseau pour orienter les patients vulnérables vers les services spécialisés qui ont déjà travaillé sur les actes de torture ou sur la problématique des viols de guerre, par exemple. Il importe que soient également dépistés et traités le plus tôt possible les états infectieux éventuellement contagieux, dans l’intérêt même des demandeurs d’asile.

Enfin, le projet de loi instaure une allocation unique, qui prend en considération la charge de la famille. Aujourd’hui, une personne seule perçoit la même allocation qu’une personne isolée avec trois enfants ; c’est injuste car, vous me l’accorderez, les besoins ne sont pas les mêmes. Cette nouvelle allocation devra permettre, pendant le temps de l’examen du dossier de demande d’asile, que les conditions de vie de chacun soient décentes. C’est pourquoi je défendrai un amendement qui, dans sa version initiale, avait été adopté par la commission des affaires sociales et auquel j’ai ajouté des précisions pour indiquer qu’il n’entraînerait aucune charge supplémentaire. Son adoption n’introduirait qu’une évidente justice dans la répartition des ressources.

Ce projet de loi représente une réelle avancée. Il accorde de nouvelles garanties aux demandeurs, notamment dans le déroulement de la procédure devant l’OFPRA, au cours de laquelle ils auront la garantie d’être accompagnés et assistés par une personne ressource. Des délais d’instruction plus brefs permettront aux réfugiés de s’organiser pour leur nouvelle vie, notamment en ayant la possibilité d’accéder à un emploi au bout de neuf mois. La durée d’hébergement en CADA sera plus courte, ce qui permettra de satisfaire davantage de demandeurs.

Cette réforme demande un effort de mobilisation pour l’OFPRA, pour l’OFII et pour la CNDA, mais ce mouvement est déjà amorcé, comme le prouvent les chiffres récents, très significatifs, que vient de nous donner M. le ministre de l’intérieur. Améliorer le droit d’asile en France sera notre fierté, notre honneur.

M. Jacques Myard. Et notre défaite !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur pour avis. Nous pouvons donc entreprendre en confiance l’examen des divers articles de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Maud Olivier, au nom de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Maud Olivier. Le droit d’asile est au cœur de notre pacte républicain, parce qu’il marque l’attachement de la France aux valeurs fondamentales de liberté, de solidarité, de respect de la dignité humaine et donc aussi, nécessairement, d’égalité entre les femmes et les hommes. C’est un droit qui nous oblige, mais un droit aujourd’hui fragilisé par de nombreux dysfonctionnements. Le projet de loi soumis à notre examen porte une réforme ambitieuse de l’asile, selon deux axes indissociables : renforcer les garanties des personnes ayant besoin d’une protection internationale et statuer plus rapidement sur les demandes d’asile.

La délégation aux droits des femmes, animée par la volonté constante de promouvoir une prise en compte transversale de l’égalité dans toutes les politiques publiques, a souhaité se saisir de ce texte. Ainsi, il nous est apparu nécessaire d’interroger les pratiques et procédures actuelles sous ce prisme, parce qu’en effet, comme vous l’avez souligné avec force, monsieur le ministre, lorsque l’on parle du droit d’asile, on parle des droits des femmes.

On ne saurait réformer en profondeur le dispositif actuel sans prendre en compte, d’une part, la féminisation croissante de la demande d’asile et, d’autre part, les besoins de protection liés à des persécutions et violences subies par les femmes parce qu’elles sont femmes : mutilations sexuelles, mariages forcés, traite des êtres humains, menaces liées au militantisme en faveur des droits des femmes ou bien encore persécutions liées à l’orientation sexuelle, par exemple.

Or, si la spécificité des demandes d’asile liées au sexe a été reconnue au niveau international, on a pu observer, dans le même temps, une certaine frilosité sur le plan législatif et dans nos pratiques nationales. L’avis rendu à ce sujet par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes va dans ce sens. De fait, il existe des écarts entre les femmes et les hommes en termes de type de protection accordée, avec des interprétations parfois restrictives. Et les femmes peuvent être victimes de plusieurs formes et motifs de persécution qui se cumulent. Il serait donc souhaitable que l’interprétation de chaque motif de persécution prévu par la convention de Genève prenne en compte la dimension du genre, dans le prolongement des préconisations du HCR et de la convention d’Istanbul.

Nous avons pu relever aussi que les femmes rencontraient des difficultés particulières dans le cadre de la procédure d’examen des demandes d’asile, et ce malgré les progrès réalisés à l’OFPRA, que je tiens à saluer.

Quant aux conditions d’accueil, il est important de considérer les besoins particuliers des femmes et des personnes vulnérables en matière d’hébergement. Je voudrais saluer plusieurs avancées que comporte ce projet de loi. Elles bénéficieront plus particulièrement aux demandeuses d’asile, conformément à la directive Qualification. Et, bien sûr, je salue la réduction des délais d’examen des demandes, qui constitue un axe majeur de cette réforme.

Pour compléter ces avancées, la délégation aux droits des femmes a formulé une série de recommandations, dont plusieurs ont été suivies. Ainsi, le texte adopté par la commission des lois dispose que les demandeurs d’asile pourront être accompagnés à l’entretien par une association de défense des droits des femmes ou de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe ou l’orientation sexuelle. Il dispose aussi qu’une information préventive relative aux conséquences médicales et judiciaires des mutilations sexuelles féminines devra être fournie aux parents de la mineure protégée. En revanche, les dispositions prévoyant un délai minimal de trois ans entre deux examens m’inspirent quelques réserves : il me semble que des contrôles plus fréquents seraient de nature à mieux garantir l’effectivité de la protection accordée.

Le texte prévoit désormais également que le huis clos soit de droit à la CNDA, notamment pour des faits de viols. Je vous proposerai de préciser que cela s’applique aussi aux cas de traite des êtres humains. Les ministères chargés des affaires sociales et des droits des femmes seront représentés au conseil d’administration de l’OFPRA et les associations pourront saisir ce conseil en vue d’inscrire ou de radier un État sur la liste des pays considérés comme « sûrs ». Au cours de nos débats, nous aurons l’occasion d’améliorer encore le projet de loi sur quelques points, notamment sur les persécutions liées au sexe dans les procédures d’octroi de l’asile, l’amélioration de la définition de la liste des pays d’origine sûrs, par la prise en considération de la situation des femmes dans ces pays, et les conditions d’accueil et d’hébergement des demandeuses.

Au-delà du texte qui nous est soumis, cette réforme majeure pourrait s’accompagner de mesures concrètes, telles que l’élaboration d’une brochure spécifique à l’attention des demandeuses d’asile ou une réponse à la problématique des gardes d’enfants à l’OFPRA et à la CNDA. Il faudra aussi que la France établisse ses principes directeurs concernant la prise en compte du genre dans la demande d’asile, comme le recommande le HCR et comme l’ont déjà fait, par exemple, le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni et la Suède.

Mes chers collègues, la délégation a souhaité ainsi apporter sa contribution à cette réforme majeure pour favoriser une égalité réelle dans l’accès à la protection internationale et défendre, encore et toujours, sans relâche, pas à pas, les droits des femmes en France et dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le droit d’asile puise ses racines dans notre histoire, dans notre culture, dans notre civilisation. Il nous vient des Grecs, qui l’ont expérimenté les premiers. Le terme grec asulon d’où vient le mot français « asile », signifie « ce qui est inviolable ».

Le droit d’asile a traversé le Moyen-Âge français, pendant lequel des personnes poursuivies et persécutées pouvaient bénéficier d’immunités. Il a été affirmé avec force par la Révolution française. Et en 1946, cinq ans avant la signature de la convention de Genève de 1951, le préambule de notre Constitution a proclamé que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ».

C’est à ce principe fondamental que nous sommes tous viscéralement attachés.

M. Jacques Myard et M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Éric Ciotti. Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, la demande d’asile a évolué en fonction des crises nationales ou internationales qui ont contraint des populations à fuir la répression politique, les guerres civiles, ou les violences armées. Souvenons-nous de l’exode de milliers de ressortissants hongrois fuyant la répression soviétique à la suite du soulèvement de Budapest en 1956 ! Souvenons-nous aussi de leurs voisins tchèques réprimés par les troupes du pacte de Varsovie lors du printemps de Prague de 1968 ! Notre pays s’enorgueillit de toujours les compter sur son territoire ; ils sont aujourd’hui devenus citoyens européens à part entière.

Souvenons-nous des peuples martyrs du Sud-Est asiatique, contraints de s’entasser dans des bateaux de fortune, les boat-people, cherchant à échapper aux camps de rééducation ! Notre pays les a protégés, et 30 000 d’entre eux vivent aujourd’hui en France. De même, 15 000 réfugiés originaires d’ex-Yougoslavie vivent en France après avoir fui l’épuration ethnique. De même, la France accueille 20 000 ressortissants des pays d’Afrique centrale en proie à des conflits. De même, l’honneur de notre pays est d’accueillir les chrétiens d’Orient irakiens et syriens, qui sont martyrisés par l’État islamique, comme François Fillon, Pierre Lellouche et moi-même avons pu le constater début septembre, lors d’un déplacement à Erbil. Nous y avons mesuré l’immense détresse des minorités persécutées, chrétienne et yézidie. Certaines femmes de ces minorités ont été vendues et se trouvent enfermées dans des geôles à Mossoul, où les tortionnaires de l’État islamique en disposent au gré de leurs envies.

La France a toujours su offrir sa protection aux opprimés et aux victimes des régimes bafouant les droits de l’homme. C’est notre honneur, mais il ne faut pas manquer de lucidité : déjà, par le passé, notre pays a connu deux crises majeures de l’asile, en 1989 et en 2003. Le nombre de demandeurs d’asile a plus que doublé entre 1987 et 1989, passant de 28 000 à 61 000. Il a de nouveau connu une forte augmentation à cause de la situation en ex-Yougoslavie, passant de 30 000 en 1999 à 52 000 en 2003.

Face à ces deux crises, des réformes courageuses ont été menées : la législation sur le séjour des étrangers a été révisée, le droit au travail pour les demandeurs d’asile a été supprimé, la procédure d’examen des demandes d’asile a été réformée. Ces mesures ont alors fait la preuve de leur efficacité.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. De leur inhumanité !

Mme Pascale Crozon. Si ces mesures avaient été si efficaces, nous n’en serions pas là !

M. Éric Ciotti. Aujourd’hui, mes chers collègues, notre système d’asile est à la dérive : nous en avons perdu la maîtrise. M. le ministre, lui aussi, a fait ce constat.

En tant que rapporteur pour avis de la commission des lois sur le budget de l’asile, j’ai eu l’occasion de dire, au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, que la situation de notre système d’asile était devenue extraordinairement préoccupante – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, lors de votre propos introductif. L’actualité récente, que ce soit à Calais ou à Menton – où vous vous êtes rendu il y a quelques semaines, monsieur le ministre – l’a hélas amplement démontré. L’explosion de la demande d’asile est la principale cause de cette aggravation.

M. Pierre Lellouche. Absolument !

M. Éric Ciotti. Or, l’augmentation actuelle présente une particularité : elle ne se traduit pas par une augmentation du nombre de personnes obtenant le statut de réfugié. Cela démontre clairement, de façon imparable, que notre système d’asile est victime d’abus, qu’il est détourné par des demandes formulées à des fins d’immigration économique. Ces demandes s’appuient fréquemment, vous le savez bien, sur des filières organisées.

M. Pierre Lellouche et M. Guy Geoffroy. Bien sûr !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Vous aviez pourtant bien commencé…

M. Éric Ciotti. Peut-on, objectivement, contester cela ?

Il n’est pas excessif d’affirmer que notre procédure d’asile, à bout de souffle, s’est transformée en véritable machine à légaliser des clandestins. La demande d’asile est devenue une procédure légale pour l’immigration illégale ! Comme je le rappelais au début de mon intervention, il est légitime d’accueillir les réfugiés, mais – d’autres l’ont dit avant moi – nous n’avons plus les moyens d’accueillir tous ceux qui souhaitent s’installer dans notre pays pour d’autres motifs, et qui utilisent la procédure d’asile pour entrer en France puis s’y maintenir sans droit ni titre.

Mes chers collègues, notre pays doit se donner les moyens de discerner clairement les demandes d’asile opportunistes des véritables demandes qui, elles, doivent déboucher sur l’obtention du statut de réfugié. Nous devons tirer les conséquences des décisions définitives de rejet pour les déboutés.

Une politique réaliste doit reposer sur deux piliers : premièrement, accueillir dignement les réfugiés, et assurer le respect de leurs droits ; deuxièmement, reconduire à la frontière, dans les délais les plus brefs, les déboutés du droit d’asile qui, par leur nombre, minent la soutenabilité financière et sociale de l’asile dans notre pays.

M. Pierre Lellouche et M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Éric Ciotti. Votre projet de loi, monsieur le ministre, n’est pas à la hauteur de ce défi ; il n’est pas à la mesure de la gravité de la situation actuelle. Pis, je crains qu’il n’aggrave les dysfonctionnements actuels. Les enjeux de ce texte sont pourtant considérables, tant notre dispositif d’asile est à la dérive. L’exposé des motifs rappelle ce constat ; je n’y reviendrai pas, car je le partage.

Pour l’essentiel, ce projet de loi transpose des obligations issues des récentes directives européennes dites « Procédures » et « Qualification ». Il comprenait même – j’emploie l’imparfait à dessein – quelques avancées intéressantes, comme la création de guichets uniques dans chaque région ou l’élargissement des critères de placement en procédure accélérée.

En dépit de ces quelques dispositions objectivement positives, le projet de loi ne répond malheureusement plus, après son passage en commission, aux impératifs que j’ai évoqués. Madame la rapporteure, vous vous êtes prononcée favorablement à quelque 140 amendements, qui ont été adoptés en commission des lois par votre majorité ; ces amendements aggraveront mécaniquement la situation. Je vous avertis solennellement, monsieur le ministre, depuis cette tribune : si ce projet de loi, dans sa rédaction issue des travaux de la commission des lois, était adopté par le Parlement, il aggraverait la situation. S’il était adopté en l’état, vous serez contraint de revenir sur ces dispositions – ou plutôt, c’est nous qui serons contraints de le faire une fois que les Français vous auront signifié la fin de votre bail – car elles menacent gravement notre système d’asile. La lucidité dont témoignait votre exposé des motifs, monsieur le ministre, n’a malheureusement pas franchi le cap de la commission des lois, ni convaincu la majorité socialiste de cette assemblée.

Deuxième point : l’implosion de notre système d’asile est essentiellement liée à la hausse de la demande, elle-même due aux demandes infondées. Quelques chiffres : en 2013, l’OFPRA a reçu 66 251 demandes d’asile, soit une hausse de 7 % en un an, pour la deuxième année consécutive. Je tiens à saluer le travail de l’OFPRA, en présence de son directeur général, M. Pascal Brice ; je salue plus particulièrement l’action des officiers de protection.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Quand même !

M. Éric Ciotti. En visitant les locaux de l’OFPRA, j’ai pu me rendre compte de la qualité de ses travaux. Mais à chaque fois que des améliorations sont apportées au fonctionnement de l’Office, à chaque fois que celui-ci bénéficie de nouveaux moyens, ces évolutions sont immédiatement gommées par l’augmentation du nombre de demandes inopportunes et infondées.

Le Conseil d’État a récemment annulé l’inscription du Kosovo sur la liste dite des « pays d’origine sûrs ». Cette décision devrait – hélas ! – augmenter encore très significativement le nombre de demandeurs d’asile dès 2015. Rappelons que le Kosovo était en 2013, avant que le conseil d’administration de l’OFPRA l’inscrive sur la liste des pays sûrs, le deuxième pays d’origine des demandeurs d’asile. Rappelons aussi que le Kosovo, comme l’Albanie ou le Bangladesh, sont des plates-formes privilégiées pour les filières et les passeurs.

M. Pierre Lellouche. Bien sûr !

M. Éric Ciotti. Ceux-ci détournent nos procédures ; les officiers de protection de l’OFPRA nous ont ainsi montré, au cours d’une visite effectuée l’année dernière, avec quelques collègues parlementaires, des lettres stéréotypées relatant les mêmes récits de vie, à la virgule près. Ces récits sont vendus par des réseaux implantés dans des pays tels que le Kosovo. C’est donc par manque de vigilance que le Conseil d’État l’a retiré de la liste des pays d’origine sûrs.

Plus généralement, cette hausse des demandes ne s’explique qu’en partie par la multiplication des conflits internationaux. Je n’ignore pas que la situation géopolitique est particulièrement troublée et inquiétante, notamment dans certaines zones – j’ai évoqué tout à l’heure l’Irak et la Syrie. On ne peut cependant expliquer l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile par cette seule situation : c’est une augmentation structurelle, car elle repose essentiellement sur des demandes infondées, provenant de filières qui utilisent l’asile comme un moyen légal d’entrer sur le territoire national.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, ne prévoit pas les moyens nécessaires pour répondre à cette hausse des demandes. Vous ne vous affrontez nullement à la réalité de ce détournement de procédure, qui conduit pourtant notre système d’asile, inexorablement, à l’embolie, et qui menace l’existence même de celui-ci !

J’insisterai sur un troisième point : l’allongement des délais de traitement, qui entraîne un effet d’aubaine.

Ainsi, vous précisez dans l’exposé des motifs que « l’allongement des délais de traitement de la demande d’asile […] ouvre aux demandeurs une période de droits […] qui incite au dépôt de demandes abusives ». Vous avez raison. Vous ajoutez que ces demandes abusives « contribuent à engorger davantage le dispositif. »

En effet, l’augmentation des demandes d’asile se traduit par une hausse du stock d’affaires en instance à l’OFPRA. Au total, 30 000 dossiers sont en attente, malgré les efforts que j’ai évoqués il y a quelques instants, et le délai global d’examen atteint une durée moyenne supérieure à seize mois.

Le système est devenu tellement protecteur des droits des demandeurs d’asile et, plus largement, de ceux des réfugiés, que de nombreuses familles parviennent, en utilisant toutes les voies de droit, à se maintenir cinq ans sur le territoire, avant d’avoir accès à une régularisation « Valls », selon le nom de la circulaire publiée par votre prédécesseur place Beauvau, aujourd’hui Premier ministre.

Mes chers collègues, je vous invite à suivre le parcours type d’un demandeur d’asile. Il peut d’abord, sans trop se presser, déposer sa demande d’asile plusieurs semaines après son arrivée en France, ce qui facilite déjà la fraude, voire la favorise. Le texte initial proposait un délai de quatre-vingt-dix jours, délai qui a été allongé à cent vingt jours par les commissaires de votre majorité. Nous proposerons d’ailleurs des amendements visant à revenir à un délai décent et de bon sens.

Ensuite, s’il est débouté par l’OFPRA, ce qui est le cas dans 75 % des demandes, l’étranger peut faire appel devant la Cour nationale du droit d’asile – la CNDA. Si celle-ci rejette sa demande, ce qui correspond à 78 % des cas en moyenne, le préfet peut prendre par arrêté une obligation de quitter le territoire français – OQTF –, qui peut elle-même être contestée par l’étranger devant le tribunal administratif.

Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis. Il a des droits, quand même !

M. Éric Ciotti. Hier, le président du tribunal administratif de Nice, nouvellement installé, me disait qu’un tiers des contentieux des tribunaux administratifs relevaient du droit des étrangers et du droit d’asile, ce qui crée une embolie dans le traitement des affaires.

En cas de rejet par la cour administrative d’appel de l’OQTF, il peut déposer une demande « d’étranger malade ».

Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis. Il faut qu’il soit malade !

M. Éric Ciotti. Après avis médical, la préfecture peut prendre de nouveau une OQTF et le processus redémarre. Ces logiques confinent aujourd’hui à l’absurde et dévoient le principe fondamental du droit d’asile. Cette situation est tout simplement incroyable et vous ne proposez rien, monsieur le ministre, pour rationaliser cette procédure kafkaïenne, qui nourrit pourtant le commerce des filières. C’est cela qui est particulièrement grave !

M. Pierre Lellouche. C’est très grave !

Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis. Vous n’avez rien proposé pendant dix ans !

M. Éric Ciotti. Vous n’avez pas prononcé une seule fois tout à l’heure, si je ne m’abuse, le mot « éloignement ».

M. Guy Geoffroy. C’est révélateur !

M. Éric Ciotti. Or, tout est là, monsieur le ministre : vous ne réformerez et n’améliorerez pas le système, vous ne répondrez pas aux maux qu’il subit, qui le paralysent et le menacent, si vous n’avez pas la volonté politique clairement affirmée de procéder à l’éloignement des déboutés dans les meilleurs délais. Aucune autre solution n’apportera de réponses tangibles et efficaces à cette situation. Vous n’avez pas le choix ! Or, tel n’est pas le choix que vous avez fait. C’est pour cela que votre texte n’apportera aucune réponse crédible et tangible à cette situation.

Compte tenu de la longueur de ces procédures, déposer une demande d’asile offre la garantie, même en cas de rejet, de rester sur le territoire tout en bénéficiant des aides accordées aux demandeurs d’asile, et d’obtenir in fine, grâce à la circulaire Valls, le sésame de la régularisation administrative.

M. Pierre Lellouche. Absolument !

M. Éric Ciotti. Voilà comment le parcours s’achève. Ainsi, aujourd’hui, 95 % des déboutés du droit d’asile se maintiennent définitivement sur le territoire national. À peine 5 % d’entre eux sont éloignés.

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas possible !

M. Éric Ciotti. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les trois corps d’inspection, qui ont rédigé il y a deux ans un rapport essentiel sur la question du droit d’asile.

En définitive, monsieur le ministre, je pense que votre projet aura pour effet d’allonger les délais de traitement.

M. Pierre Lellouche. Absolument !

M. Éric Ciotti. Le texte prévoit ainsi la généralisation du recours suspensif devant la CNDA, que le groupe UMP souhaite supprimer.

M. Guy Geoffroy. C’est indispensable !

M. Éric Ciotti. Ces garanties procédurales auront, par nature, pour effet mécanique d’allonger le délai de traitement des dossiers de demande d’asile. La commission des lois a même adopté des mesures aggravant la situation actuelle, comme l’allongement du délai de dépôt des demandes ou l’obligation d’avoir un traducteur. Monsieur le ministre, lorsque nous avons visité ensemble le poste-frontière de Menton, il y a quelques semaines, le directeur de la police aux frontières a évoqué l’arrivée massive d’Érythréens. Or, il n’y a que deux traducteurs en France pour les langues érythréennes.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ils parlent anglais !

M. Éric Ciotti. L’obligation de traduction, prévue par un amendement de la commission des lois, allongera donc considérablement les délais.

On voit bien que l’objectif fixé par le Président de la République lors de sa campagne d’un délai de six mois incluant le délai de recours devant la CNDA apparaît aujourd’hui complètement hors d’atteinte – comme tant de ses fameux soixante engagements, me direz-vous. Même vous, monsieur le ministre, vous y avez renoncé !

M. Guy Geoffroy. C’est irréaliste !

M. Éric Ciotti. L’exposé des motifs fixe d’ailleurs l’objectif « à terme » d’une décision définitive dans un délai de neuf mois. Ce serait déjà bien, mais je crois vous avoir démontré que cet objectif était devenu totalement irréaliste et inatteignable, compte tenu des concessions idéologiques que vous avez faites à votre majorité.

Le quatrième point qui motive cette motion de rejet préalable est celui de la longueur des délais, qui rend problématique l’éloignement des déboutés et est au cœur des dysfonctionnements actuels. Entre 2011 et 2013, le taux global de déboutés a varié entre 75 % et 78 %. Or, nous le savons, à peine 5 % des déboutés seront effectivement éloignés.

Chacun a le droit de déposer une demande d’asile qui soit examinée avec la plus grande attention. Mais les déboutés du droit d’asile doivent, après le rejet de leur demande, retourner dans leur pays d’origine. C’est la règle républicaine qui doit prévaloir. Ce retour est nécessaire pour assurer la pérennité et la crédibilité de notre système d’asile.

Monsieur le ministre, nous avons formulé des propositions très concrètes en ce sens, notamment par le biais d’un amendement visant à ce que la décision de rejet de l’OFPRA ou celle de la CNDA vaille automatiquement OQTF. Oui ou non, monsieur le ministre, allez-vous accepter cet amendement ? C’est l’une des recommandations figurant dans le rapport des trois corps d’inspection évoqué il y a quelques instants. Les arguments pseudo-juridiques que vous avez avancés en commission des lois pour vous y opposer ne sont absolument pas convaincants. Nous y reviendrons sans doute lors de la discussion des articles.

Cette longueur des délais conduit incontestablement à un détournement de la procédure à des fins d’immigration. Le cercle vicieux se met en place : en renforçant l’attractivité de notre système d’asile et en contribuant donc à son engorgement, l’allongement du délai s’auto-entretient.

Enfin, votre inertie a pour conséquence une charge insupportable pour nos finances publiques, que le projet de loi ne permettra certainement pas de réduire. Certes, des efforts budgétaires s’imposent à tous, mais, comme nous l’avons rappelé lors de l’examen du budget de l’asile, le coût de l’asile est évalué à 576 millions d’euros. Si on ajoute à cela le coût lié à l’hébergement d’urgence de droit commun, estimé par un rapport du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques à 90 millions d’euros, on atteint déjà officiellement 666 millions d’euros. Mais si on ajoute le coût de l’hébergement d’urgence, pris en charge notamment par les collectivités territoriales,…

M. Pierre Lellouche. Surtout à Paris !

M. Éric Ciotti. …on atteint un chiffre proche d’un milliard d’euros.

Lors de l’examen du budget de l’asile, les représentants d’Adoma, qui ont la responsabilité de beaucoup de centres d’accueil de demandeurs d’asile – CADA – et d’hébergements d’urgence, nous ont indiqué que, chaque jour, 10 000 chambres d’hôtel sont financées par l’État en Île-de-France, pour loger 32 000 demandeurs d’asile.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. On ne va pas les laisser dans la rue !

M. Éric Ciotti. Ce coût devient inacceptable et insupportable pour le budget de l’État. La politique actuelle de l’asile n’est donc plus tolérable. Il faut prendre, monsieur le ministre, des mesures fortes, qui n’ont rien à voir avec celles que vous nous proposez, lesquelles peuvent s’assimiler à des mesurettes qui seront en définitive complètement inefficaces.

Nous souhaitons, par exemple, la création de structures d’accueil pour les demandeurs d’asile, qui soient distinctes des hébergements d’urgence de droit commun. Il faut également exclure les déboutés de la demande d’asile des hébergements dédiés aux demandeurs d’asile et des dispositifs d’hébergement d’urgence généraliste. On sait que certaines places dans les CADA sont aujourd’hui encore occupées par des déboutés – jusqu’à 20 % des places, selon les rapporteurs des corps d’inspection. À titre d’exemple, dans mon département, les services de l’État m’ont indiqué récemment, puisque je suis président du conseil général, que 20 % des places d’hébergement d’urgence réservées aux sans-abri étaient aujourd’hui occupés par des déboutés de l’asile. Est-ce tolérable, logique et pertinent ?

Il conviendrait donc de prévoir la création de structures dédiées, dans lesquelles ils seraient assignés à résidence, et dont l’objet sera de préparer le retour aux pays d’origine. De la même façon, il apparaît nécessaire de limiter l’aide médicale d’État – l’AME – aux soins urgents et vitaux ou de prévoir une condition de résidence de trois mois pour l’accès à la couverture maladie universelle pour les demandeurs d’asile. Son coût doit également être contenu.

Pour conclure, monsieur le ministre, je répète, au nom du groupe UMP, que le droit d’asile est un bien précieux, dont nous sommes fiers, et que nous voulons préserver. Nous ne sommes pas les seuls à nous faire cette réflexion : d’autres pays d’Europe ont reformé leur système d’asile pour éviter les abus et les détournements. Ce projet de loi nous offre l’opportunité d’y remédier, mais l’ambition n’est pas au rendez-vous. Il risque même d’aggraver ces dysfonctionnements, en dépit de vos discours. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, le groupe UMP vous demande d’approuver la motion de rejet préalable que nous avons déposée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député, merci beaucoup pour cette intervention, qui était un jugement sans appel sur le bilan que vous avez laissé, après avoir longtemps exercé les responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Excellent !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je voudrais d’ailleurs reprendre quelques éléments de ce bilan, pour que nous soyons bien d’accord sur les chiffres et les faits évoqués. D’abord, monsieur Ciotti, vous parlez de l’augmentation très importante du nombre de demandeurs d’asile, que vous considérez – comme toujours lorsque vous vous exprimez sur ces sujets – comme le résultat d’un laxisme ou d’une forme d’angélisme, qui serait la marque de fabrique de la majorité, alors que l’opposition serait systématiquement raisonnable, prévoyante et pertinente sur ces questions.

Je voudrais quand même vous rappeler qu’entre 2007 et 2012, le nombre de demandeurs d’asile n’a cessé d’augmenter. Vous avez fait référence à de nombreuses périodes, mais vous avez simplement oublié de citer celle pendant laquelle vous vous trouviez en situation de responsabilité. J’imagine que vous n’avez fait cette omission que par honnêteté intellectuelle. (Rires sur quelques bancs du groupe SRC.)

Je me permets de vous rappeler qu’entre 2007 et 2012, alors que vous vous trouviez en situation de responsabilité, le nombre de demandeurs d’asile n’a cessé, en France, d’augmenter. Il a même doublé.

M. Éric Ciotti. Grâce au Kosovo.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Depuis 2014, il diminue puisque nous avons enregistré pour cette année une baisse de 4 %. Or, dans le même temps, le nombre demandeurs d’asile originaires de pays où se déroulent des persécutions, des exactions, des emprisonnements et des actes de torture – je pense notamment à la Syrie – augmente.

Cette idée que nous serions atteints, lorsque nous nous trouvons au pouvoir, d’une irresponsabilité congénitale qui nous conduirait à ouvrir toutes les frontières ne résiste pas à l’examen des éléments statistiques. N’y résiste pas plus celle selon laquelle, lorsque vous vous trouvez en situation de diriger le pays, vous traiteriez ces questions de façon pragmatique et réaliste. Je voulais que nous soyons, vous et moi, bien d’accord sur ce premier élément de réponse.

Je souhaite ensuite vous donner des éléments de réponse quant au nombre de places et au délai de traitement des demandes. Vous affirmez qu’aucune amélioration n’est à attendre des mesures que nous prenons.

M. Guy Geoffroy. Les choses vont au contraire s’aggraver.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je veux rappeler, monsieur Ciotti, pour quelle raison nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation dans laquelle un très grand nombre de demandeurs d’asile ne trouvent pas de places dans les centres d’accueil qui leur sont destinés, et se voient contraints de dormir dans la rue ou d’être hébergés dans des structures d’urgence.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. La faute à qui ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous considérez en effet que les places en centre d’accueil pour demandeurs d’asile devraient constituer le droit commun tandis que l’accueil dans les structures d’urgence serait l’exception.

Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, il existait un décalage d’à peu près 20 000 places entre les besoins d’accueil des demandeurs d’asile et le nombre de places ouverts en centres d’accueil spécialisés : voilà comment s’explique la situation que nous connaissons aujourd’hui.

Quel est le gouvernement qui a décidé de créer des places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile ? Le nôtre : nous en avons en effet créé 4 000 au cours des deux premières années du quinquennat. Nous avons, de plus, décidé d’inscrire au budget de l’État la création de 5 000 places en 2015. S’il existe un gouvernement bien décidé à faire en sorte que l’accueil en structures d’urgence soit l’exception et celui en centre d’accueil pour demandeurs d’asile la règle, et qui crée les conditions budgétaires pour que puissent être créées les places d’accueil nécessaires à l’accueil, dans la dignité, des demandeurs d’asile en France, c’est bien le nôtre.

Si nous avons à le faire, c’est précisément parce que vous ne l’avez pas fait. Votre discours serait plus légitime si vous disiez : nous n’avons pas fait ce que nous aurions dû faire, mais, comme nous constatons que vous le faites, nous allons vous soutenir.

Mais pour tenir un tel discours il faudrait que vous adoptiez une autre position que celle de la posture.

M. Pierre Lellouche. En matière de posture, vous êtes surqualifiés !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. En effet, votre discours, monsieur Ciotti, était un discours de posture.

Je voulais vous dire que la meilleure manière de faire en sorte que les dossiers des demandeurs d’asile soient traités rapidement est de donner à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ainsi qu’à l’Office français de l’immigration et de l’intégration les moyens dont ils ont besoin pour traiter correctement ces dossiers.

Vous ne l’avez pas fait.

M. Éric Ciotti. Si. Nous en avons fait plus que vous.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Écoutez les propos du ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Et ce Gouvernement le fait, puisque nous avons décidé de créer une cinquantaine de postes équivalent temps plein au sein de l’OFPRA. Cela permettra que les dossiers soient traités dignement et humainement, mais aussi dans un délai plus court.

Nous nous trouvons dans l’obligation de le faire à cette hauteur, monsieur Ciotti, parce que les gouvernements que vous avez soutenus pendant dix ans sont restés inactifs. Voilà la réalité. Je vous apporte cette réponse afin de montrer que, derrière votre discours, se cachent beaucoup de postures et d’approximations.

M. Éric Ciotti. C’est faux.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Enfin, vous faites quand même des propositions qui, au regard du droit, s’avèrent assez singulières.

M. Guy Geoffroy. Ah bon ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Oui, très singulières, même. Vous dites qu’il va falloir appliquer, dans son intégralité, le texte des directives au moment où nous procéderons à leur transposition. Vous proposez, notamment, que les décisions de refus de l’OFPRA et de la CNDA valent immédiatement obligation de quitter le territoire français.

Vous l’avez dit.

M. Éric Ciotti. Absolument. Les corps d’inspection le disent aussi.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. J’ai bien entendu ce que vous avez dit : nos débats sont retranscrits dans un compte rendu qui fait foi. Je l’ai parfaitement entendu. Je comprends, monsieur Ciotti, que vous soyez ennuyé parce que vous avez tenu certains propos et que vous vous rendez compte que je vais avancer des arguments qui leur seront néfastes. D’où votre déni. Or vous l’avez bien dit.

Je vais donc vous répondre. Il ne paraît pas possible, d’un point de vue juridique, d’envisager de mettre en œuvre le dispositif que vous proposez. Il revient à considérer qu’une décision de rejet émanant de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d’asile vaudrait forcément obligation de quitter le territoire français.

Cela paraît impossible pour trois raisons extrêmement précises. Ce serait d’abord, pour ce qui concerne l’appréciation du bien-fondé d’une demande d’asile et du droit au séjour, un mélange des genres. La première est en effet du ressort exclusif de l’OFPRA et, le cas échéant, de la CNDA. La seconde relève, elle, de l’autorité préfectorale.

Cette confusion que vous proposez est infondée en droit et n’est pas conforme à l’esprit des directives. Elle n’est pas compatible avec leur transposition en droit français.

Il s’agit d’un premier élément de réponse.

M. Pierre Lellouche. Vous avez oublié votre doctorat en droit.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. En cas de rejet d’une demande d’asile, cette décision vaudrait mesure d’éloignement. Or l’éloignement, phase ultérieure éventuelle, ne relève ni des missions de cette institution ni de celles de cette juridiction, mais d’un besoin de protection. Il faut donc laisser l’OFPRA et la CNDA travailler en toute sérénité. Si nous voulons transposer en droit français le contenu des directives, il faut faire l’exact contraire de ce que vous proposez.

Mais une deuxième raison rend votre proposition absolument incongrue.

Alors même que la demande d’asile se voit finalement rejetée, la situation du demandeur a pu connaître des changements lui donnant droit à prétendre à un titre de séjour pour un autre motif, par exemple, professionnel, familial ou lié à sa santé.

Quels seraient, alors, les fondements de cette obligation de quitter le territoire français, à peine prononcée et déjà illégale ? Quel sens a, en droit, la proposition que vous faites ? Or nous sommes là pour faire le droit.

M. Éric Ciotti. Ce n’est pas vous qui faites le droit, c’est le législateur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous sommes là pour le faire, avec toute la rigueur intellectuelle et juridique qui s’attache au travail de législateur. Et bien, votre proposition n’a, en droit, pas de fondement ni de cohérence : elle est une incongruité absolue.

M. Pierre Lellouche. Un peu de modestie !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je poursuis la démonstration. La législation sur l’éloignement, votée en 2011 afin de transposer en droit français la directive dite « retour » de 2008, ainsi que les principes de notre droit, imposent, en matière d’éloignement, à la fois une appréciation de chaque cas individuel et la prise d’un certain nombre de décisions.

Dans tous les cas, il revient aux préfets d’agir et de prendre les décisions appropriées, qu’il s’agisse de la mesure d’éloignement en elle-même, du délai de départ, volontaire ou non, qui doit être fixé dans chaque cas, de la décision déterminant le pays de renvoi, de l’interdiction de retour sur le territoire français, qui appelle là encore une appréciation au cas par cas, enfin, des mesures de surveillance.

Le dispositif que vous proposez n’apporterait rien du point de vue de la simplification des procédures d’éloignement. Il créerait partout de la confusion et de la lourdeur. Il aurait un effet exactement contraire à celui que vous avez prétendu atteindre dans votre démonstration.

Tout, dans votre motion de rejet préalable, monsieur Ciotti, est à côté de la plaque : le droit, les faits et les objectifs. Pour cette raison, je propose que nous sortions, dans ce débat, des postures classiques et que nous tentions de l’aborder de façon pragmatique et rationnelle. Je propose, également, que pour bien commencer ce débat, nous descendions tous collectivement à l’arrêt République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Monsieur le ministre vient de rappeler, monsieur Ciotti, en prenant le contrepoint du réquisitoire que vous avez échafaudé, le bilan accablant du gouvernement Fillon. Je tiens à verser au débat quelques éléments, car il me semble que le ministre de l’intérieur a fait preuve de mansuétude à votre égard.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ah ?

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je veux rappeler une politique qui conduisait les forces de police à concentrer leur action sur droit des étrangers et les mesures d’éloignement : la politique du chiffre. Sa mise en œuvre se faisait au détriment d’autres missions, comme celle qui consiste à s’occuper de la sécurité de nos concitoyens. Les forces de police étaient donc tenues de procéder chaque mois, chaque année, ou lorsque les chiffres n’étaient pas jugés bons, à des arrestations d’étrangers en situation irrégulière. En effet, dans ce cas, le taux d’élucidation du délit est instantané...

Au lieu de permettre aux forces de police de s’occuper de la sécurité des Français, vous les poussiez à faire du chiffre. Elles l’ont, d’ailleurs, beaucoup regretté. Vous procédiez de façon massive à des mesures d’éloignement, qui ont pu, parfois, frapper des personnes volontaires. Cela s’est vu.

Vous avez oublié que les gouvernements que vous avez soutenus ont également procédé à des régularisations d’étrangers en situation irrégulière. Alors même que vous forciez la plupart des étrangers en situation irrégulière à la clandestinité, vous avez dû constater qu’un certain nombre de secteurs d’activité ne pouvaient fonctionner sans avoir recours à une main-d’œuvre étrangère.

Vous avez donc donné instruction aux préfets de procéder à ces régularisations pour des motifs liés au travail. Je tenais à rappeler ces quelques vérités que vous avez tendance à occulter.

Vous avez même réussi à éloigner, de manière absolument scandaleuse, des étrangers qui, s’ils étaient renvoyés dans leur pays d’origine, risquaient leur vie. La terre entière pouvait le constater, mais M. Besson n’en a pas moins procédé au rapatriement, sans sauf-conduits ni laissez-passer consulaires, de deux Afghans dans leur pays d’origine, à Kaboul.

M. Guy Geoffroy. Quel était le parti d’origine de M. Besson ?

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Deux jours plus tard, un attentat, dans lequel des personnels de l’ONU ont trouvé la mort, était perpétré en Afghanistan.

M. Pierre Lellouche. Il y a des attentats tous les jours.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Vous disiez à l’époque que Kaboul était une zone sûre. Oui, effectivement, vous avez tendance à oublier certaines choses que vous avez faites.

Je voudrais également dire quelques mots du processus extrêmement sophistiqué et de niveau infralégislatif mis en œuvre afin de dissuader les demandeurs d’asile de déposer leurs demandes, donc d’emboliser tout le système. L’absence continue de financement des places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile, pourtant nécessaire, participait de ce processus.

Vous avez, d’une certaine manière, organisé l’embolie, pour donner naissance, chez nos concitoyens, à je ne sais quel sentiment. Mais cela sautait aux yeux.

M. Pierre Lellouche. Merci. Tout est de notre faute, évidemment.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Ne vous inquiétez pas, monsieur Lellouche, je répondrai également à votre motion de renvoi en commission... Oui, nous avons mis un terme à cette situation absolument scandaleuse, dans laquelle des consignes de niveau infralégislatif étaient données.

Elle aboutit à ce qu’aujourd’hui des personnes nécessitant une protection n’en trouvent pas, du fait de votre bilan.

M. Éric Ciotti. Vous êtes au pouvoir depuis trois ans !

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. À votre place, je me ferais un peu plus discret. Enfin, puisque vous avez évoqué l’Érythrée, je ne peux m’empêcher de rappeler la situation de ce pays qui est, en Afrique, une sorte de Corée du Nord. Je m’étonne qu’alors que depuis vingt ans des camps de réfugiés existent aux franges de l’Érythrée, l’Europe, et pas simplement la France, ne se pose pas un certain nombre de questions.

M. Éric Ciotti. Vous n’en avez plus que pour quelques mois : parlez de l’avenir.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je veux rendre hommage au merveilleux travail de Delphine Deloget et Cécile Allegra qui ont réalisé un documentaire absolument exceptionnel : Voyage en barbarie. Il met au grand jour un système affreux de maisons de tortures dont sont victimes les exilés érythréens qui vivent en marge des camps de réfugiés pourtant gérés par le Haut commissariat aux réfugiés.

J’ai rencontré ses auteurs et je vous invite à voir ce film. Peut-être tiendrez-vous alors, monsieur Ciotti, des propos plus modérés sur le problème que pose l’absence d’interprète pour traduire les propos des personnes originaires d’Érythrée. Je vous assure que beaucoup d’entre elles vivent dans leur pays, comme en dehors, des choses absolument épouvantables.

Je vous invite donc à découvrir Voyage en barbarie, ce qui vous amènera peut-être à porter un autre regard sur le besoin de protection de notre planète et sur la façon dont nous pouvons, en Europe, y répondre.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Nous évoquerons peut-être la dimension européenne si M. Lellouche se souvient des responsabilités qu’il a occupées…

M. Éric Ciotti. Brillamment ! Et ce n’est pas fini !

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. …au Gouvernement, mais, franchement, l’enjeu mérite une autre approche.

Le ministre vous a proposé de sortir des postures…

M. Guy Geoffroy. Commencez !

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. …et d’être fidèles à ce qui figure dans le préambule de notre Constitution comme dans les discours des figures qui devraient normalement inspirer la droite républicaine. or, je ne retrouve cela ni dans vos propos ni dans vos propositions.

Oui, nous voulons défendre l’État de droit, nous respectons aussi nos engagements européens avec la transposition des directives européennes du paquet Asile. J’ai l’impression que vous avez fait l’impasse également sur ce point.

Pour toutes ces raisons, je propose à mes collègues de rejeter votre motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. L’appel lancé par M. le ministre à sortir de la démagogie et des caricatures n’a malheureusement pas été entendu puisque vous avez renoué avec les vieux démons, monsieur Ciotti, mêlant asile et discours sécuritaire, expliquant la situation de la France par deux éléments.

Selon vous, il y a d’abord le laxisme. Je vous renvoie simplement au nombre d’expulsions, qui, malheureusement, n’a pas baissé. Certes, le Gouvernement n’a pas fait de la politique du chiffre un objectif, comme par le passé, mais il se vante régulièrement d’avoir procédé à des expulsions, au grand dam des associations, vous le savez. Il y a donc une sorte de continuité, qui devrait vous réjouir. Las, vous n’en prenez pas la mesure.

Vous prétendez également que l’augmentation du nombre de demandes est due à la fraude et que la procédure de demande d’asile ne serait au fond qu’une manière détournée de recourir à l’immigration illégale.

Ma collègue de la commission des affaires étrangères a rappelé que les demandes étaient cycliques : on avait dépassé les 60 000 dans les années 80, l’augmentation n’est donc pas constante.

Par ailleurs, vous semblez balayer d’un revers de main ce qui est une évidence. Il suffit de faire la corrélation entre les conflits géopolitiques, les situations de guerre et le nombre de demandes pour s’apercevoir que de telles situations expliquent le nombre de demandes auxquelles nous devons faire face. Pour les primo-demandeurs, par exemple, la République démocratique du Congo arrive en tête. Quant à l’augmentation que nous avons connue en 2013, elle est due en grande partie à l’afflux de demandes en provenance du Mali et de la Syrie.

Sur ces deux points, laxisme et fraude, la posture que vous adoptez tend à transformer le débat en espèce de foire d’empoigne et de conversation du café du commerce. Ce n’est pas la position qui est défendue par le groupe écologiste, même si nous avons des désaccords avec le projet de loi et si nous souhaitons l’améliorer. Pour ces raisons, qui me paraissent assez évidentes et assez simples, nous rejetons votre motion.

M. le président. Pour le groupe RRDP, la parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Cette demande de rejet préalable n’est pas justifiée et les arguments développés ne sont pas fondés. Pour le groupe RRDP, au contraire, le travail de la commission des lois a permis un examen approfondi du texte et les amendements acceptés ont amélioré le texte sans en modifier fondamentalement l’objectif.

Sur tous les points forts, le raccourcissement des délais d’instruction de la procédure, l’amélioration de la répartition des demandeurs sur le territoire national, le renforcement des droits et l’amélioration de la sécurité juridique, des progrès ont été accomplis en commission, ce qui contribuera à traiter les demandeurs plus humainement et plus équitablement.

Et puis, l’amalgame, en filigrane, entre politique d’immigration et droit d’asile n’est pas acceptable. Ce texte tend à redonner tout son sens au droit d’asile, c’est le sujet ce soir. Les flux migratoires et l’immigration feront l’objet ultérieurement d’un autre texte.

Pour toutes ces raisons, le groupe RRDP votera contre la motion de rejet préalable.

M. le président. Pour le groupe GDR, la parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Le groupe GDR ne va pas voter cette motion de rejet préalable parce que son adoption signifierait le rejet du texte avant même que nous en discutions alors que, pour notre groupe, il y a une urgente nécessité à engager une réforme de fond de l’asile dans notre pays.

Comme de nombreux rapports, associatifs ou parlementaires, l’ont montré, les dysfonctionnements sont nombreux et notre système est indubitablement défaillant. Il ne respecte d’ailleurs pas les normes européennes en la matière.

C’est la raison pour laquelle nous voulons discuter sans tarder des réponses qu’apporte le projet de loi à ces différentes questions, même si nous pouvons avoir des réserves sur un certain nombre d’entre elles et si nous proposerons des améliorations sur d’autres.

M. le président. Je vous informe que, sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Pour le groupe SRC, la parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. La motion de rejet qui nous est proposée reprend pour l’essentiel les thématiques classiques de la dernière législature, amalgame entre immigration clandestine et droit d’asile, confusion entre droit d’asile et immigration, suspicion vis-à-vis de l’autre, coupable potentiel de tous les maux et de tous les vices. Je n’oublie bien entendu ni les effets de manche ni les postures qui, à défaut d’avoir été efficaces, permettent à peu de frais de faire oublier l’échec criant d’une politique inefficace, répressive et discriminante.

Les Français, monsieur le député, ne soupçonnent pas celui qui, parce qu’il était persécuté, a dû abandonner la terre de ses ancêtres de tricher. Les Français n’ont pas la solidarité honteuse. Nos concitoyens sont fiers d’accueillir les femmes, les hommes et les enfants victimes de la tyrannie et de l’oppression. Ils ne craignent pas l’étranger, ils n’ont pas peur de vivre en République.

Nous ne courons pas après les extrêmes, la France et les Français valent mieux que cela, car la France, monsieur le député, c’est celle qui honore son adhésion à la Convention de Genève, celle qui soutient tous ceux et toutes celles pour qui la liberté est non un droit mais un combat.

Vous reprochez en définitive à ce projet de loi de respecter l’esprit et la lettre du droit d’asile tel que nous l’avons imaginé après la Seconde guerre mondiale : accueillir et protéger les plus vulnérables, ceux qui sont persécutés en raison de leur sexe, de leur couleur de peau, de leurs opinions politiques.

Ce texte propose un toit, un droit, un accueil, une protection, et les besoins en la matière sont immenses, la majorité précédente en portant clairement la responsabilité. Une seule illustration : entre 2007 et 2012, le gel de la construction des places en CADA a fait de l’hébergement d’urgence le principe de la politique d’accueil des demandeurs d’asile. Ce sont des choix dont nous payons chèrement le prix.

Vous avez superbement ignoré pendant cinq ans les nécessités d’une politique du droit d’asile digne de notre pays et de ses engagements internationaux. Vous avez ainsi sciemment laissé se dégrader les conditions de travail des personnels des préfectures, des agents de l’OFPRA. Cette parenthèse d’incurie, nous allons aujourd’hui la refermer.

Nous nous engageons par ce texte à respecter le droit, à rendre efficaces la loi et les procédures, à mettre en place un dispositif d’accueil et d’hébergement pérenne, auquel tous vont contribuer, c’est-à-dire à être dignes de nos valeurs, de notre pays et des responsabilités qui sont les nôtres.

Le groupe SRC votera contre cette motion.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe UMP.

M. Guy Geoffroy. À posture, posture et demie, mes chers collègues de gauche, et, à incongruité, incongruité et demie, monsieur le ministre.

Vous parlez d’incongruité juridique, monsieur le ministre, lorsque Éric Ciotti vous rappelle les conclusions d’un rapport qui vous a été remis en avril 2013 – ce n’était pas sous la précédente législature...

Ce rapport vous a été remis par l’inspection générale des finances, l’inspection générale des affaires sociales, l’inspection générale de l’administration, tous des « incongrus », dont la proposition n11 est de modifier le CESEDA afin que la décision définitive de rejet prononcée par l’OFPRA ou la CNDA vaille obligation de quitter le territoire français.

Vous avez été particulièrement incongru dans la manière dont vous avez repris pour les déformer les propos de notre collègue.

M. Pierre Lellouche. Et arrogant !

M. Guy Geoffroy. Cela pourrait confiner effectivement à une certaine forme d’arrogance, d’où la posture et demie que je dénonçais au début de mon propos.

M. Pierre Lellouche. Arrogant et discourtois !

M. Guy Geoffroy. Le droit d’asile, c’est le respect d’un certain nombre de règles. Ceux qui méritent le droit d’asile doivent être protégés le plus possible mais ceux qui en sont déboutés ne doivent pas être tolérés plus longtemps sur le territoire national (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP), ce que vous vous apprêtez à faire, avec la transposition des directives, qui, loin d’en dégager le vrai esprit, les aggrave, et le travail de la commission n’a pas aidé à redonner confiance à nos concitoyens dans la manière dont vous traitez les sujets.

Au moment où, à quelques mois près, vous vous apprêtez à quitter le pouvoir (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), vous continuez à parler du quinquennat précédent. Dans le budget de 2011, que vous n’aviez pas voté, le gouvernement de l’époque avait créé quarante-cinq postes supplémentaires à l’OFPRA. Vous avez oublié de le dire parce que vous aviez tellement besoin de dénoncer de manière artificielle ce que vous prétendez être une caricature que vous en avez vous-même fait une, qui est énorme.

Pour ces raisons, parce que nous voulons le droit d’asile, rien que le droit d’asile, il faut voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Pour le groupe UDI, la parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. En matière d’asile, au-delà des anathèmes que peuvent se lancer les groupes ce soir, ce que je trouve dommage, nous faisons tous le même constat, notre système est à bout de souffle.

La forte pression sur la demande d’asile a contribué à désorganiser les procédures, qui souffrent de nombreux dysfonctionnements, chacun l’a souligné dans la discussion générale.

C’est une situation qui, M. Geoffroy l’a très bien dit, fragilise en général notre capacité à accueillir dignement et efficacement les gens qui en ont le plus besoin. Entreprendre une réforme de l’asile est donc indispensable si nous voulons redonner un vrai sens à ce droit, mettre fin aux détournements, aux dérives des procédures. Cette réforme s’impose, parce qu’il y a lieu de transposer le paquet Asile au 1er juillet 2015.

même si je peux entendre un certain nombre de critiques de nos collègues de l’UMP, il serait donc illogique, monsieur Ciotti, de rejeter d’emblée ce texte, sous peine de laisser en l’état notre système, alors qu’il a réellement besoin, tout le monde en convient, d’être rénové.

Le groupe UDI, sauf changement majeur dans les débats, souscrit aux objectifs du texte, qui tend à raccourcir les délais d’examen des demandes, à renforcer les garanties offertes aux demandeurs et à améliorer les conditions d’accueil, en particulier d’hébergement, au titre de la protection internationale.

De la mise en œuvre de ces objectifs, nous aurons l’occasion de discuter au cours de cette séance. En tant que député d’une circonscription qui a été représentée à l’Assemblée nationale par Michel Rocard, je ne peux pas ne pas citer sa phrase, en allant jusqu’au bout : la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit y prendre sa juste part.

En l’occurrence, nous ne voterons pas cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je mets aux voix la motion de rejet préalable

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants56
Nombre de suffrages exprimés56
Majorité absolue29
Pour l’adoption24
contre32

(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

7

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la réforme de l’asile.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly