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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 16 décembre 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Compte pénibilité

M. Gilles Lurton

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Investissements dans le secteur de l’espace

Mme Chantal Berthelot

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche

Traite des êtres humains

Mme Marie-George Buffet

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Fin de vie

M. Stéphane Saint-André

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Situation économique

M. Gérard Menuel

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Politique de l’eau

M. François Sauvadet

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Situation de la Bretagne

M. Marc Le Fur

M. Manuel Valls, Premier ministre

Inauguration du musée de l’immigration

Mme Sandrine Mazetier

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Immigration

Mme Marie-Louise Fort

M. Manuel Valls, Premier ministre

Politique sanitaire et sociale

Mme Émilienne Poumirol

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Investissements étrangers en France

M. Dominique Dord

M. Manuel Valls, Premier ministre

Régime de solidarité de la Polynésie française

M. Jean-Paul Tuaiva

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

Mode de scrutin

Mme Marion Maréchal-Le Pen

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Difficultés du secteur du BTP

M. Laurent Furst

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Pêche en eaux profondes

M. Jean-Louis Roumegas

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Inscription sur les listes électorales

Mme Elisabeth Pochon

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Suspension et reprise de la séance

2. Réforme de l’asile

Explications de vote

M. Noël Mamère

M. Noël Mamère

Mme Jeanine Dubié

M. André Chassaigne

Mme Marie-Anne Chapdelaine

M. Éric Ciotti

M. Arnaud Richard

Vote sur l’ensemble

3. Projet de loi de finances pour 2015

Explications de vote

M. Dominique Lefebvre

Présidence de M. Denis Baupin

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Philippe Vigier

Mme Eva Sas

M. Paul Giacobbi

M. André Chassaigne

Vote sur l’ensemble

4. Projet de loi de finances rectificative pour 2014 - Programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019

Présentation commune

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Discussion générale commune

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Charles de Courson

M. Éric Alauzet

M. Ary Chalus

M. Alain Fauré

M. André Chassaigne

M. Razzy Hammadi

Mme Marion Maréchal-Le Pen

Projet de loi de finances rectificative pour 2014

Première partie

Article 1er bis

Article 3

Amendement no 41

Article 3 ter

Article 5 et état A

Amendement no 82

Vote sur l’ensemble de la première partie

Seconde partie

Article 6 et état B

Amendements nos 77 , 91

Article 7 et état D

Article 8

Article 9 bis

Amendements nos 42 , 84

Article 12 ter

Amendement no 43

Article 13 bis

Article 14

Amendements nos 24 , 44 , 1 , 88

Article 15 bis A

Amendements nos 64, 45

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Compte pénibilité

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gilles Lurton. Monsieur le Premier ministre, alors que l’énergie de votre gouvernement devrait être concentrée sur le financement des retraites à la suite du rapport de la Cour des comptes, vous n’avez de cesse d’empoisonner la vie des entreprises avec la mise en place du compte pénibilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Gilles Lurton. Non, les entreprises ne sont pas opposées à la prise en compte de la pénibilité. Mais force est de reconnaître que l’application de votre loi risque de leur coûter fort cher. Comment seront traitées les périodes d’arrêt maladie, les périodes de congés, les heures supplémentaires, la situation des intérimaires ? Autant de questions auxquelles les entreprises n’ont toujours pas de réponse !

Pis encore, comment seront calculées les cotisations dues au titre de la pénibilité, et surtout la majoration au titre des poly-expositions ?

Votre gouvernement prépare une circulaire visant à calculer les cotisations sur la totalité de l’année salariale. Vous prévoyez de mensualiser la pénibilité sur l’année civile, sans tenir compte de la durée d’exposition des salariés, ni même de la variabilité du nombre des critères auxquels ils seront exposés.

Ce projet de simplification n’est pas conforme à l’esprit de la loi qui, elle, vise les périodes d’exposition réelle. Il n’est pas supportable financièrement pour les entreprises, notamment les plus petites, qui se verront taxer la totalité des salaires au taux le plus fort.

Les entreprises sont très inquiètes : sous couvert de simplification, le montant des cotisations dues risque d’être beaucoup plus élevé que ce que prévoit la loi.

Alors que nous discutions hier d’un texte sur la simplification de la vie des entreprises, c’est tout le contraire que vous faites au quotidien !

Non, monsieur le Premier ministre, la pénibilité, ce n’est pas simple comme un clic ! C’est une véritable usine à gaz pour les entreprises, source de contentieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, vous nous interrogez semaine après semaine sur la mise en œuvre du compte pénibilité.

M. Bernard Accoyer. Il a raison !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je veux vous le dire, monsieur le député : vous cherchez à inquiéter, nous voulons rassurer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Rassurer d’abord les salariés, en leur disant que le compte pénibilité sera mis en œuvre au 1er janvier prochain…

M. Bernard Accoyer. Irresponsable !

Mme Marisol Touraine, ministre. … parce que c’est une avancée sociale majeure.

M. Bernard Accoyer. Irresponsable !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je veux vous rappeler, monsieur le député, que si cette disposition a été votée, c’est parce que des hommes et des femmes qui sont exposés à des conditions de travail pénibles ont une espérance de vie en bonne santé jusqu’à dix ans inférieure à celle des autres salariés.

Mais nous voulons rassurer aussi les entreprises, et c’est pour cela que nous avons engagé une concertation, au terme de laquelle le Gouvernement a décidé de mettre en œuvre le compte pénibilité en deux temps.

M. Bernard Accoyer. C’est de la folie !

Mme Marisol Touraine, ministre. À partir du 1er janvier prochain, les quatre critères de pénibilité qui ne donnent lieu à aucune difficulté d’appréciation, par exemple le travail de nuit ou le travail posté, donneront droit à des points pour les salariés concernés. Les entreprises n’auront à faire qu’une seule déclaration annuelle par poste de travail. Pour les autres critères de pénibilité, des missions ont été constituées. La première a été confiée à Michel de Virville. La seconde, qui sera conduite par un parlementaire et un chef d’entreprise, permettra de déterminer les conditions les plus simples ( « Usine à gaz ! » sur les bancs du groupe UMP) pour mettre en place ces six critères de pénibilité.

Nous avons la volonté, monsieur le député, de réconcilier l’exigence sociale et la simplicité de mise en œuvre ; et je crois que nous devrions, tous ensemble, nous rassembler pour défendre cette grande avancée sociale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Investissements dans le secteur de l’espace

M. le président. La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Chantal Berthelot. Ma question s’adresse à Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Au cours des derniers mois, l’Europe spatiale a remporté deux succès historiques. Tout d’abord la réussite de la mission Rosetta et de son robot Philae, suivie en direct par des millions de personnes en Europe et dans le monde. Cette mission a été décidée par les pouvoirs publics, il faut le rappeler, il y a maintenant vingt ans.

Le second succès a été remporté avec l’accord passé par les ministres européens lors de la conférence ministérielle de l’Agence spatiale européenne. Cet accord, prôné par la France, permettra à l’Europe spatiale d’anticiper politiquement et industriellement les futurs enjeux, les futures innovations technologiques et, plus encore, les futures évolutions du marché satellitaire, notamment par l’engagement pris sur le programme Ariane 6, qui devrait remplacer l’actuel gros lanceur Ariane 5 d’ici à 2020.

Madame la secrétaire d’État, en tant que députée de Guyane et présidente du Groupe des Parlementaires pour l’Espace (GPE), et au nom de l’ensemble de ses membres, je ne peux que saluer ces succès majeurs, fruits de l’excellence française et porteurs d’espoirs pour les hommes et les femmes qui travaillent pour le secteur spatial en France, et m’en réjouir.

Je souhaite vous interroger sur deux points. En période de crise, les lourds investissements consentis dans le secteur spatial peuvent être considérés par certains de nos compatriotes comme accessoires. Notre responsabilité, en tant que décideurs politiques, est d’assurer un niveau d’information pertinent sur les choix et les stratégies définis. Pouvez-vous, devant la représentation nationale, nous éclairer sur les retombées de tels investissements en termes de croissance et d’amélioration du cadre de vie de nos concitoyens ?

Quelles sont les impulsions que le Gouvernement souhaite donner pour permettre à la Guyane de développer les filières scientifiques, industrielles et de services qui composent le secteur spatial ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée et présidente du Groupe des Parlementaires pour l’Espace, l’année 2014 a en effet été une année formidable pour l’espace, d’abord avec la performance scientifique et technologique, à 510 millions de kilomètres de la terre, du petit robot Philae, qui s’est posé sur la comète Tchouri, puis avec la décision prise à Luxembourg, le 2 décembre dernier, de lancer un nouveau lanceur Ariane 6 sans passer par une étape intermédiaire. Nous sommes confrontés à une forte compétition internationale, dans laquelle les pouvoirs publics américains sont très impliqués, même si ce pays est dit libéral. Nous devions donc absolument, nous Européens, réagir et rattraper le temps perdu sous le précédent quinquennat.

Nous avons donc décidé de lancer un nouveau lanceur plus modulaire, compétitif. C’est un investissement de 4 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent les 4 milliards prévus pour l’ensemble de la filière des lanceurs, soit un total de 8 milliards d’euros d’investissements, le lanceur devant être prêt en 2020.

Cela a été rendu possible grâce au groupe de travail que j’ai mis en place avec mes collègues de l’industrie, de l’économie et de la défense pour unifier l’offre française entre les acteurs privés et les acteurs publics. Ne vous en déplaise, cela n’avait pas été fait auparavant, et je me suis trouvée face à une situation très difficile et à un paysage peu unifié en 2012.

Quant au Centre spatial guyanais, il va bénéficier d’un investissement de 600 millions d’euros pour un nouveau pas de tir dans les cinq années à venir. Cela veut dire de l’emploi pour les jeunes et des filières à développer pour l’institut universitaire de technologie (IUT), présidé par le directeur du centre spatial de Kourou ; cela va aussi permettre à des jeunes de se qualifier à l’université autonome de Guyane, que j’ai créée il y a quelques mois. C’est une expérience positive et une décision formidable pour l’Europe, pour la Guyane et pour la France, et cela montre notre dynamisme lorsque nous sommes unis ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Traite des êtres humains

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le ministre de l’intérieur, est-il pensable qu’aujourd’hui, en France, des femmes soient encore victimes de la traite, par de nouveaux exploiteurs, de soi-disant employeurs qui les font travailler plus de quatorze heures par jour, dans des conditions d’hygiène et de sécurité déplorables, sans réelle aération malgré l’emploi de produits toxiques, pour 200 à 400 euros par mois – quand elles sont payées.

C’est pourtant ce que viennent de mettre au jour les « coiffeuses du boulevard de Strasbourg ». Oui, on peut parler de traite, quand, non seulement on surexploite des êtres humains, mais qu’en plus on les prive de la liberté de circuler, voire d’exister en tant que personnes, en profitant de leur situation d’étrangères sans papier.

Ces « femmes courage » ont décidé de se battre pour leur dignité. Elles se sont mises en grève et, avec la CGT (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), ont porté plainte pour traite. Ces femmes ont dévoilé un système sur lequel notre pays ne peut fermer les yeux.

L’inspection du travail a d’ailleurs indiqué que les infractions constatées pouvaient relever du délit de traite des êtres humains, défini et réprimé par l’article 225-4-1 du code pénal.

Monsieur le ministre, cette plainte pour traite des êtres humains est un appel à protéger ces salariées et tous ceux et celles qui subissent la même exploitation.

Une pétition lancée par des élus et des personnalités affirme que, contre la traite des êtres humains, au nom de la dignité humaine, un État de droit se doit de protéger tous ceux qui travaillent sur son territoire.

Monsieur le ministre, allez-vous entendre cet appel ? La France, fidèle à ses valeurs, va-t-elle, une nouvelle fois, agir avec fermeté pour le respect des droits des êtres humains ? Allez-vous, comme la loi l’autorise, en attendant que la justice passe, régulariser la situation de ces femmes qui ont eu le courage de dénoncer un système de traite, et ainsi dire à ces odieux trafiquants : « stop, la France ne vous laissera pas faire ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme Nicole Ameline. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Madame la députée, vous posez une question très juste et je partage totalement l’indignation que vous venez d’exprimer à la suite de la révélation de cette affaire épouvantable, où des femmes sont exploitées dans des conditions indignes par de véritables réseaux de traite des êtres humains.

Dès que cette affaire a été portée à notre connaissance, nous avons décidé d’appliquer les dispositions prévues par la loi, qui répondent d’ailleurs parfaitement aux préoccupations que vous venez d’exprimer à l’instant.

D’abord, dans le cadre de la circulaire prise par Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, le 28 novembre 2012, qui définit des critères de régularisation très précis, j’ai demandé aux autorités préfectorales d’examiner chaque cas et d’ouvrir le droit au titre de séjour à ces femmes, qui relèvent des dispositions de la circulaire.

Mais nous devons aller plus loin. Comme vous l’avez souligné, il existe un article – l’article L 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile –, qui permet de régulariser la situation des étrangers qui dénoncent des actes de traite des êtres humains, par l’attribution de cartes « vie privée et familiale », pour des raisons qui tiennent aux combats menés et à l’exploitation dont ces personnes ont fait l’objet. Le déclenchement de l’action publique par le procureur de la République ouvre immédiatement la possibilité pour ces personnes de bénéficier des titres précités. Je suis personnellement très attentif à cette situation, dans l’esprit que vous avez indiqué.

De manière générale, nous sommes déterminés à lutter contre la traite des êtres humains. En 2014, conformément aux instructions données par le Premier ministre, ce sont vingt-huit filières qui ont été démantelées, contre quatre l’an dernier, ce qui témoigne de la détermination du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Fin de vie

M. le président. La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Stéphane Saint-André. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, deux députés, MM. Claeys et Leonetti, viennent de soumettre au Président de la République un rapport visant à proposer une nouvelle loi sur la fin de vie.

Le groupe RRDP ne peut se satisfaire des conclusions de ce rapport, qui ne prévoit qu’une loi Leonetti bis. Nous ne pouvons nous satisfaire de voir l’hypocrisie perdurer. Nous devons entendre les aspirations profondes de la société sur ce sujet. Notre devoir est d’y répondre avec courage.

Le vote d’une loi à ce sujet est une demande très ancienne du parti radical de gauche. Henri Caillavet fut notamment l’auteur, dès 1976, d’une proposition de loi contre les abus de l’acharnement thérapeutique. Les radicaux ont été les premiers à déposer des propositions de loi relatives à l’assistance médicalisée pour une fin de vie dans la dignité, la dernière datant du 26 septembre 2012.

Un sondage IFOP d’octobre 2014 indique que 96 % des Français sont favorables à la dépénalisation de l’euthanasie et que 40 % d’entre eux ne voteraient pas ou hésiteraient à voter pour un candidat opposé à l’euthanasie ou au suicide assisté.

Un député du groupe UMP. Ce ne sont pas les sondages qui commandent !

M. Stéphane Saint-André. Rien dans ce nouveau texte ne prend en compte la douleur psychologique, la même qui a mis sur le devant de la scène médiatique des affaires telles que celles de Vincent Humbert, de Vincent Lambert ou, plus récemment, de Jean Mercier.

Rien, dans ce texte, ne permet de faire face aux situations humainement insupportables de personnes en état végétatif chronique, qui ne sont pas, à proprement parler, en fin de vie, mais dont l’absence totale de perspective d’évolution médicale rend la survie psychologiquement inenvisageable.

Rien, dans ce texte, n’offre de solution humaine quant au choix ultime du moment et des conditions de sa propre mort.

Madame la ministre, allons-nous longtemps laisser perdurer cette situation indigne de notre volonté de progrès sociétal ? Allons-nous enfin essayer de résoudre toutes les composantes des problèmes qui se posent à nous et cesser de nous satisfaire d’un consensus mou ?

Nous vous exhortons, soit à proposer un projet de loi qui, comme c’est déjà le cas dans de nombreux pays, réponde enfin aux besoins des patients, soit à faire inscrire notre proposition de loi à l’ordre du jour. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et écologiste.)

M. Christophe Sirugue. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, vous avez raison de souligner que les Français expriment la volonté d’une fin de vie qui se déroule dans des conditions conformes à la dignité. Ils veulent pouvoir maîtriser davantage leur sort si, par malheur, ils sont malades ou ne peuvent plus assurer l’ensemble des gestes du quotidien. À cette fin, le Président de la République a demandé à plusieurs personnalités de poursuivre la réflexion et de proposer des rapports.

Dernièrement, deux parlementaires – Jean Leonetti et Alain Claeys – ont proposé un rapport dont je veux souligner la très grande qualité. Sur cette base, nous devons réfléchir à la manière de faire évoluer notre droit, parce que le statu quo ne répond pas aux attentes de nos concitoyens.

La proposition qui doit très prochainement faire l’objet d’un débat parlementaire permet un changement de perspective majeur et, en cela, constitue une avancée très importante. Il s’agit en effet de se placer du point de vue des malades, et non des droits et des devoirs des médecins. C’est à partir de la demande des patients qu’il faut faire avancer nos propositions, en faisant en sorte de faciliter l’édiction de directives anticipées et de leur reconnaître une grande force, en réaffirmant le droit à l’arrêt des traitements et des examens et en donnant la possibilité à une personne atteinte d’une maladie grave et incurable de demander à bénéficier d’une sédation profonde et continue jusqu’à la mort.

Monsieur le député, le Gouvernement vous présentera ses propositions dans le cadre du débat prévu le 21 janvier. À partir de là s’engagera la réflexion parlementaire. Je suis sûre que, tous ensemble, nous parviendrons à répondre aux attentes et aux préoccupations de nos concitoyens.

Situation économique

M. le président. Je vais maintenant donner la parole, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, à M. Gérard Menuel, (Les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements nourris sur les bancs du groupe UDI) dont l’élection a été annoncée hier à l’Assemblée nationale. Je tiens à lui souhaiter, au nom de tous, un bon retour dans cet hémicycle.

M. Gérard Menuel. Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur le Premier ministre, les élections municipales, les élections sénatoriales, les élections législatives partielles, dont celle qui a eu lieu dans l’Aube dimanche dernier, sont autant de messages clairs qui vous sont envoyés par les électeurs.

En termes de pouvoir d’achat, votre prédécesseur a commencé par supprimer les heures supplémentaires non fiscalisées et exonérées de charges sociales. Près de 9 millions de salariés – ils y pensent, à quelques jours de Noël – en bénéficiaient. Ils étaient 15 000 dans ma seule circonscription.

Les ménages, les classes moyennes, les retraités subissent ce que l’on peut appeler un matraquage fiscal.

Les entreprises sont exsangues. Le secteur du bâtiment – la loi ALUR, loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, y est pour quelque chose – est très mal en point et, au vu de la baisse drastique des dotations, ce ne sont pas les collectivités territoriales qui vont améliorer la situation.

Dans chaque région, vous avez le don de remettre en cause des projets qui sont depuis longtemps attendus, des projets structurants qui ont été finalisés au prix de plusieurs années de travail. Ainsi, dans mon département, une prison devait être construite et un terrain était réservé à cette fin, mais Mme la garde des sceaux en a décidé autrement.

L’électrification de la ligne Paris-Troyes,…

M. Christian Jacob. Ah ! Parlons-en !

M. Gérard Menuel. …dont le bouclage financier a été réalisé en 2011, serait, à en croire ce qui a été publié ce matin dans la presse locale, remise en cause.

Monsieur le Premier ministre, alors que le niveau du chômage est élevé et que les Français attendent de vraies réformes structurelles, tout cela donne l’impression qu’il y a beaucoup d’improvisation et pas de cap défini. Le pays est en souffrance. Ne croyez-vous pas qu’il est temps d’écouter les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Veuillez garder votre calme, chers collègues !

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, permettez-moi à mon tour de vous féliciter pour votre récente élection. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Rochebloine. Très bien !

M. François Rebsamen, ministre. C’est ainsi que doit fonctionner la démocratie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Je rappelle par ailleurs que la fédération du parti socialiste de votre département a appelé à voter pour vous (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP) et que, d’une certaine manière, vous avez été élu en partie par des voix de gauche. Vous vous devez donc aujourd’hui de représenter l’ensemble des électeurs de votre circonscription qui, il est vrai, n’étaient pas très nombreux à se déplacer pour vous élire. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Sylvie Tolmont. Tout à fait !

M. Gilbert Collard. Très bien !

M. François Rebsamen, ministre. Vous avez soulevé au début de votre question un certain nombre de problèmes qui n’ont pas été résolus en douze ans. Je pense notamment à l’électrification de la ligne Paris-Troyes. Comment osez-vous aujourd’hui reprocher au Gouvernement ce que vous n’avez pas fait en douze ans ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je vous pose la question !

Alors que vous étiez aux affaires, deux contrats de plan ont été signés dans lesquels vous auriez pu inscrire l’électrification de la ligne Paris-Troyes. Et je me rappelle parfaitement que votre prédécesseur, que je connais et que j’estime, avait lui aussi demandé l’électrification de cette ligne et qu’il ne l’avait pas obtenue.

M. Christian Jacob. Et Ségolène Royal, c’est l’UMP ?

M. François Rebsamen, ministre. Aujourd’hui, 100 millions d’euros de crédits dans le cadre du contrat de plan sont prévus au budget de l’État pour ce projet.

Alors, monsieur le député, si vous souhaitez commencer votre mandat sur ces bancs de la meilleure façon possible, je vous conseille tout simplement de soutenir tous les projets avec une égale volonté, comme vous l’ont demandé vos électeurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Politique de l’eau

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. François Sauvadet. Je voudrais tout d’abord féliciter notre nouveau collègue de son élection (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP). Ce qui compte, ce n’est pas la sensibilité politique supposée des électeurs qui se sont exprimés mais bien qu’il ait été élu ; c’est cela, la démocratie.

Monsieur le président, ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie.

Madame la ministre, vous avez fixé une feuille de route ambitieuse pour protéger notre ressource en eau. Cette ambition, nous la partageons tous car, vous le savez, la France n’a pas atteint les objectifs de bon état écologique de l’eau qu’elle s’était fixés malgré nos efforts.

Cependant, madame la ministre, il est parfaitement incompréhensible que, au moment où vous fixez cette feuille de route, le Gouvernement s’apprête à ponctionner le budget des agences de l’eau à hauteur de 175 millions d’euros chaque année pendant trois ans.

M. Dominique Bussereau. Eh oui !

M. François Sauvadet. Cela représente 10 % des investissements dans le domaine de l’eau, sans lesquels il va falloir malgré tout accompagner l’extension des zones vulnérables qui, selon les annonces, vont concerner 3 800 communes supplémentaires, ce qui est beaucoup trop. Il va falloir aussi poursuivre le combat contre la prolifération des algues vertes, veiller à la qualité de nos rivières, de notre littoral et de nos nappes phréatiques. Il va falloir en outre engager, vous l’avez dit, une réduction des fuites sur les réseaux d’eau, et les communes rurales ne pourront pas y faire face. Il va falloir enfin venir en aide aux communes au moment où elles se voient confier de nouvelles responsabilités liées à la prévention des inondations.

Toutes ces actions devront être menées en veillant à ce que la hausse du prix de l’eau payée par les consommateurs soit stoppée, ce qui est un sujet important. Je vous le dis tout net au nom des six agences de l’eau : on ne saura pas faire avec cette ponction financière inopportune. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. Jean Lassalle. Très juste !

M. François Sauvadet. Ce que je vous demande donc au nom du groupe UDI c’est de revenir sur cette décision et de ne pas réduire l’effort que nous avons à consacrer à l’eau au moment même où les collectivités sont elles aussi ponctionnées d’une manière inédite et ne sont pas en mesure d’investir seules.

Je veux également redire aux consommateurs qui payent l’eau qu’un principe a été rappelé plusieurs fois par le législateur : l’argent des redevances de l’eau doit aller à l’eau ; il doit servir non pas à ajuster ou à boucher les trous du budget de l’État, mais à investir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, vous êtes aussi président du comité de bassin de Seine-Normandie et j’ai eu l’occasion de recevoir récemment vos homologues des autres comités de bassin et vous-même (« Ah » sur les bancs des groupes UDI et UMP) et même de déjeuner avec vous. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Avouez-le, monsieur le député ; vous l’aviez donc caché à vos collègues ? (Sourires.)

M. le président. Ne compromettez pas M. Sauvadet, madame la ministre ! (Sourires.)

Mme Ségolène Royal, ministre. Il n’y a pourtant aucune honte à cela, vous savez. Nous sommes en République, et nous pouvons travailler conjointement au service de l’intérêt général.

J’ai eu l’occasion de vous dire lors de cette entrevue que, malgré le prélèvement de 175 millions d’euros sur le fonds de roulement des agences de l’eau par mesure d’économie pour la période 2015-2017, celles-ci auront au cours du dixième programme les mêmes moyens financiers qu’au cours du programme précédent.

M. Sylvain Berrios. Ce n’est pas vrai !

Mme Ségolène Royal, ministre. Tous les organismes placés sous mon autorité doivent contribuer aux économies et recentrer leurs actions sur leurs priorités. J’ai donc, vous le savez, redéfini la politique de l’eau autour de deux priorités essentielles.

La première est la protection de la qualité de l’eau potable et des masses d’eau. La seconde priorité est la lutte contre les gaspillages. La Caisse des dépôts et consignations a prévu une ligne budgétaire de 20 milliards d’euros pour la réalisation de travaux sur les réseaux d’eau. L’ensemble des communes pourront puiser dans ces ressources pour faire en sorte que l’on n’ait plus, comme aujourd’hui, sur trois litres d’eau traités et pour lesquels les Français paient les taxes prévues sur leurs factures, seulement deux litres d’eau qui arrivent au robinet, et parfois même un litre sur trois.

Je ne doute pas que vous comprendrez ces priorités et que nous pourrons continuer à travailler ensemble. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Situation de la Bretagne

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Le Fur. Dans quelques heures, monsieur le Premier ministre, vous vous rendrez en Bretagne où nous vous réserverons l’accueil républicain qui vous est dû. Vous faites déjà mieux que le Président de la République qui, en deux ans et demi de mandat, n’est pas parvenu à consacrer une seule journée à la Bretagne ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous découvrirez une région très déçue par la réforme territoriale, une région en crise – ce n’est pas la seule – : crise du bâtiment, en particulier, mais surtout crise provoquée par les décisions que vous prenez. Je pense notamment à votre décision anti-gasoil, monsieur le Premier ministre, alors que 90 % des véhicules qui sortent de l’usine PSA de Rennes sont des véhicules diesel.

Vous allez trouver également une région qui ne comprend pas un certain nombre des décisions prises par votre Gouvernement. Voici un an, votre prédécesseur était venu, avec force médias, signer le Pacte d’avenir pour la Bretagne. On nous parlait alors de deux milliards d’euros. Évidemment nous n’en avons rien vu. De surcroît, plusieurs décisions antérieures, prises il y a plus d’un an, n’ont pas été appliquées. Je pense en particulier aux décisions de financement concernant la route nationale 164. Même dans le domaine culturel, où nous demandons très peu d’argent, aucune décision n’a été prise.

Vous réservez votre visite, monsieur le Premier ministre, à nos belles métropoles, Brest et Rennes, qui sont tenues par vos amis politiques.

M. Marc Francina. Eh oui !

M. Marc Le Fur. Sachez qu’en Bretagne, il existe aussi un monde rural très actif, ainsi que de petites villes qui se débrouillent très bien !

M. Bernard Accoyer et Mme Catherine Vautrin. Bravo !

M. Marc Le Fur. Certaines d’entre elles gagnent même contre Paris : voyez ce qui s’est passé dimanche dernier à Guingamp ! (Sourires.)

Hélas, vous ignorez totalement cette réalité de l’aménagement de notre territoire. Qu’allez-vous donc nous annoncer, monsieur le Premier ministre ? Nous n’attendons pas de vous de la communication. Nous n’attendons pas davantage des décisions octroyées. Nous attendons des échanges, des décisions négociées, dans l’intérêt de la Bretagne et de l’ensemble de notre pays. Les Bretons ne demandent qu’à bien travailler, dans l’intérêt de tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il est heureux que vous me promettiez un accueil républicain car vos propos m’inclinaient plutôt à mettre mon casque lourd avant de rejoindre la Bretagne, où je vous retrouverai jeudi… (Sourires.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Enfilez plutôt votre bonnet rouge !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous devez sans doute, monsieur Le Fur, être non pas seulement le seul parlementaire breton, mais même le seul Breton qui considère que Brest et l’île de Sein ne se trouvent pas en Bretagne, puisque le Président de la République s’est déjà rendu dans ces deux lieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, puis huées à l’endroit des bancs de l’opposition.)

Si je me rends à Brest et à Rennes, c’est pour faire le point sur le pacte d’avenir signé il y a un an par Jean-Marc Ayrault. Le but du pacte d’avenir, comme vous le savez parfaitement, était de répondre à des situations d’urgence : soutien à des salariés licenciés, plan d’aide à l’agriculture et à l’agroalimentaire – nous évoquerons ces questions à l’occasion de ce déplacement, puisque Stéphane Le Foll m’accompagnera –, mais aussi mesures en faveur de l’aménagement du territoire destinées à construire l’avenir de la Bretagne, une région qui, comme d’autres, éprouve des inquiétudes. Mais, par tempérament, les Bretons savent aussi affronter l’avenir avec volontarisme, sinon optimisme.

Un député du groupe de l’UDI. Vous êtes à l’ouest !

Mme Claude Greff. Quels sont vos résultats depuis deux ans ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je ne veux pas tout dévoiler ici, et uniquement pour vous, monsieur Le Fur. Sachez cependant que non seulement les engagements ont été tenus, mais qu’ils seront renforcés par la signature du contrat de plan 2015-2020, qui mobilisera plus d’un milliard d’euros, dont 520 millions apportés par l’État et le reste par la région. La région bénéficiera en outre de 630 millions d’euros provenant de l’État et de l’Union européenne.

En somme, l’État, l’Union européenne et la région elle-même apportent des réponses concrètes et précises aux secteurs économiques bretons qui connaissent des difficultés, mais aussi à ceux qui vont de l’avant et, d’une manière générale, à la Bretagne.

Je ne partage pas votre pessimisme, monsieur Le Fur. Je pense que la Bretagne a été entendue à propos de la réforme territoriale, de même qu’en ce qui concerne les questions économiques et sociales ou sur les problématiques culturelles. Je sais qu’une campagne électorale aura lieu dans un an à l’occasion des élections régionales, mais ce n’est pas une raison pour porter un regard négatif sur la situation de cette région qui compte tant pour la France. À Brest comme à Rennes, j’aurai l’occasion de dire que la Bretagne va de l’avant et que l’État est à ses côtés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christophe Priou. Et la Loire-Atlantique ?

Inauguration du musée de l’immigration

M. le président. Pour le groupe socialiste, républicain et citoyen, la parole est à Mme Sandrine Mazetier, à qui je souhaite un joyeux anniversaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Sandrine Mazetier. Je vous remercie, monsieur le président.

Hier, monsieur le ministre de l’intérieur, à l’occasion de l’inauguration de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, le Président de la République a, dans un discours fondateur, donné de la hauteur à un débat que certains s’acharnent à tirer vers le bas. Il a parlé de la France, de son histoire et de son avenir. Il a parlé aux Français.

Le Président de la République a rappelé à chacun d’entre nous à la fois un héritage et une mission. Il est temps que notre pays assume ce qu’il est et la force que cela lui donne dans le siècle. Oui, la France est une terre qui depuis longtemps accueille des femmes et des hommes de tous horizons. Cela fait de notre pays une grande nation qui peut parler au monde parce qu’elle pense le monde, l’humanité et le progrès humain. ( « Bla bla ! » sur les bancs du groupe UMP.) Cela s’appelle l’universalisme, chers collègues : hier une arme contre le despotisme, aujourd’hui contre la barbarie ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Julien Aubert. On n’est pas à l’Académie française !

Mme Sandrine Mazetier. D’Europe d’abord et désormais du monde entier, des femmes et des hommes venus de tous horizons rêvent la France, parfois la rejoignent, la servent et peuvent mourir pour elle. Contre les démons du repli, du rejet et des fantasmes, le Président de la République a tenu un discours de vérité : sur les chiffres, que certains voudraient manipuler, sur Schengen, qui n’est pas un espace de non-droit, sur l’intégration, qui demeure un combat. Il a tenu un discours de vérité sur ce que nous devons aux chibanis, comme à toutes celles et tous ceux qui ont construit la France. Il n’y a pas de grand remplacement : il y a un grand enrichissement. Non, il n’y a pas de grand remplacement parce que la République universelle est tout simplement irremplaçable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC ; Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Francophobe !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et Valls, il en pense quoi ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Vous avez raison, madame la députée, de rappeler qu’hier, le Président de la République a tenu sur la question de l’immigration un discours extrêmement fort qui réconcilie profondément notre pays avec ses valeurs et la République avec ses principes. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

S’agissant de tous ceux qui prennent le chemin de l’exode, non pas parce qu’ils sont tombées amoureux du code frontières Schengen quelque part sur une côte libyenne, syrienne ou irakienne, mais simplement parce qu’ils sont persécutés, torturés, emprisonnés dans leur pays, comme c’est le cas d’un certain nombre de minorités de Syrie et d’Irak, notamment chrétiennes, le Président de la République a rappelé avec force que la France, conformément à la belle tradition qui est la sienne, a vocation à les accueillir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Claude Goasguen. Cela n’a rien à voir avec la question !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est la raison pour laquelle sera, dans quelques minutes, proposée au vote de l’Assemblée nationale un texte qui permettra de raccourcir la durée de traitement des dossiers des demandeurs d’asile, afin de la ramener de vingt-quatre à neuf mois, de sorte que la tradition de l’asile en France retrouve sa force, en résonance profonde avec les valeurs de la République.

M. Claude Goasguen. Et le renvoi de notre territoire ? Comment le ferez-vous ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cette loi nous permettra aussi de mieux reconnaître les droits des demandeurs d’asile, notamment en généralisant le caractère suspensif des recours aussi longtemps que le juge n’a pas tranché.

M. Claude Goasguen. Et le renvoi ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cette loi permettra également que les droits des demandeurs d’asile soient davantage reconnus devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, et que les demandeurs soient assistés par des conseils. Cette loi entérinera la décision prise par M. le Premier ministre de créer davantage de places en centre d’accueil pour demandeurs d’asile, de manière à ce que les conditions de leur accueil en France soient dignes.

C’est cela, la République ! C’est cela, la tradition républicaine qu’a rappelée le Président de la République ! C’est cela, la grandeur de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C’est tout cela que le Président de la République a défendu hier, dans un très beau discours. C’est cela qui doit nous rassembler par-delà ce qui nous divise, autour des valeurs de la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Guy Geoffroy. Foutaises !

Immigration

M. le président. La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Louise Fort. Monsieur le Premier ministre, il aura fallu pas moins de deux ans et demi pour que le Président de la République donne enfin son avis, à défaut de vision, sur la politique d’immigration de la France. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on n’est pas déçu !

Cela se voulait un beau discours « feuille de route » mais ce n’est en réalité qu’une succession de lieux communs et de formules éculées, cent fois rabâchées par une gauche qui n’évolue pas. Pas d’actes, pas de décisions, pas de perspectives et au final, on ne sait pas ce que le Gouvernement compte faire. Pire, aucune réponse concrète n’est apportée aux questions que se posent légitimement les Français confrontés aux réalités de notre pays, de l’Europe et du monde d’aujourd’hui.

Après avoir divisé les Français sur les problèmes sociétaux, après les avoir réunis dans un même désaveu de sa politique en général et de sa personne en particulier, voilà que le Président de la République, pour des raisons sans doute bassement électoralistes, tente à nouveau de cliver nos compatriotes plutôt que de les rassembler sur des sujets hautement importants. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

S’agissant du droit de vote des étrangers, le Président de la République vous a, en réalité, monsieur le Premier ministre, adressé un message : « Je suis votre chef, donc je vous suis ! ». Évoquant une vieille promesse de campagne remisée au rang des accessoires, comme beaucoup d’autres, il vous a dit en substance : « Trouvez une majorité, nous verrons ensuite ce que nous pourrons faire ! » – manœuvre politicienne destinée à diviser pour mieux régner, mais n’est pas Machiavel qui veut et l’on sait ce que valent les ersatz !

Monsieur le Premier ministre, allez-vous tenter de réunir une majorité sur le droit de vote des étrangers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, depuis deux ans et demi, comme le ministre de l’intérieur vient de le rappeler, nous menons une politique à la fois ferme et humaine dans le domaine de l’immigration,...

M. Julien Aubert. Une politique catastrophique !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …grâce aux choix que nous avons faits alors que j’étais ministre de l’intérieur, et que Bernard Cazeneuve poursuit au travers des textes qu’il présente, en particulier celui relatif à l’asile, qui doit beaucoup au travail de Sandrine Mazetier et du Parlement. Le ministre de l’intérieur aura également l’occasion de présenter dans quelques semaines un texte de loi relatif à la maîtrise de l’immigration qui généralise le titre pluriannuel de séjour afin de lui conférer davantage de stabilité.

Votre question est plus générale. Dans le contexte de crise économique et sociale, de crise de confiance aussi que nous traversons, le courage consiste à dire la vérité aux Français et c’est ce que le Président de la République a fait hier à l’occasion de l’inauguration du musée de l’immigration, d’ailleurs présidé par le passé par l’un des vôtres, mais que peu d’entre vous, à commencer par celui qui préside aux destinées de l’UMP, ont visité tant il y avait une certaine honte à assumer la réalité de ce pays et l’immigration qu’il a connue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous pouvons regretter, madame la députée, puisque vous voulez vous emparer de ces sujets, que les discours tenus par Nicolas Sarkozy il y a quelques années sur le droit de vote des résidents étrangers – peut-être parce qu’il se disait lui-même Français au sang-mêlé – ne soient plus les vôtres aujourd’hui, comme si votre problème était de courir derrière l’extrême droite.

Or, en ce moment même, nous devons assumer pleinement un discours de rassemblement, qui rappelle comment ce pays s’est construit, ce que nous devons aux Français nés étrangers. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Franck Gilard. Quel mépris pour le peuple !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Un pays qui retrouve un discours de générosité, cela n’est en rien incompatible avec la fermeté, avec la maîtrise des flux migratoires, avec une politique européenne digne de ce nom ; c’est un discours profondément républicain. Je vous en conjure, n’abandonnez pas ce discours républicain, ne vous égarez pas sur la réforme du droit de la nationalité, n’oubliez pas comment ce pays a été construit ! Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.– Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Devedjian. Dites cela au Front de gauche !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La seule réponse possible à la montée de l’extrême droite et au discours de repli sur soi, c’est le discours que le Président de la République a tenu, un discours qui retrouve pleinement les valeurs de la République et qui appelle les Français, quelles que soient leurs origines, à se rassembler autour d’elles. C’est la seule réponse possible à l’extrême droite. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et GDR)

M. Guy Geoffroy. Il n’a pas répondu à la question !

Politique sanitaire et sociale

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Émilienne Poumirol. Madame la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, aujourd’hui, en France, près de 8,5 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Pas moins de 3,8 millions sont allocataires de minima sociaux et ce nombre a augmenté de 25 % entre 2009 et 2013. Fin 2012, un quart d’entre eux ont déclaré s’être privés sur des achats alimentaires ou avoir renoncé à des soins de santé.

Au-delà de la crise économique, cela est la conséquence des choix politiques passés dans notre pays. Dès 2012, le Gouvernement a pris des mesures d’urgence destinées aux plus modestes, comme la revalorisation du RSA, l’extension des tarifs sociaux de l’énergie, la sanctuarisation du budget de l’aide alimentaire ou le plan pauvreté.

D’ici peu la loi relative à la santé permettra de combattre les inégalités à la racine en garantissant un accès équitable aux soins pour tous. Sur ce point, les députés socialistes s’indignent du lobbying mensonger mené à grands frais par certains représentants des cliniques privées.

S’appuyant sur une campagne d’affichage scandaleuse, ces derniers cherchent à instiller la peur et à tromper les Français quant aux objectifs réels de la réforme. À cette solidarité nationale portée par la majorité s’ajoute une solidarité au plus près des personnes, au sein même des territoires.

Le projet de loi « NOTRe », actuellement examiné au Sénat, fait du département le pivot de cette solidarité entre les hommes et les territoires. Petite enfance, adolescence, troisième âge, handicap, épreuves personnelles ou difficultés de logement, nous sommes tous susceptibles de recourir un jour à l’aide du conseil départemental.

Les conséquences de la crise remettent plus que jamais à l’ordre du jour la solidarité sociale et la cohésion entre les territoires. La gauche doit s’honorer de conduire une telle réforme, car elle est la seule à estimer qu’il faut un rempart social contre la crise.

Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que ce projet de loi permet d’assurer une solidarité partout et pour tous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Avant de donner la parole à Mme la ministre, je tiens à saluer Mme Émilienne Poumirol qui s’apprête à nous quitter puisque son titulaire va retrouver sa place. (Les députés des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent)

La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la députée, à mon tour de saluer le travail que vous avez accompli dans cette assemblée au cours de ces dernières années. Vous avez raison de souligner le rôle essentiel des conseils généraux dans le domaine de la solidarité et de l’action sociale en direction de ceux de nos concitoyens qui en ont le plus besoin.

Dans le cadre des nouvelles compétences des collectivités territoriales, le rôle de chef de file en matière sociale des conseils généraux sera réaffirmé. Pas moins de 33 milliards d’euros sont engagés par les conseils généraux dont les actions de solidarité et de proximité ciblent les enfants en danger, les personnes en situation de précarité et de pauvreté, les personnes en situation de handicap et les personnes âgées.

Le Gouvernement accompagne et soutient ces politiques. Nous avons ainsi annoncé avec Laurence Rossignol l’attribution de 25 millions d’euros aux conseils généraux pour revaloriser l’aide à domicile. En effet, 230 000 salariés travaillent au plus près des personnes qui en ont besoin et leurs rémunérations étaient bloquées depuis six ans.

Au-delà, vous avez indiqué, madame la députée, que les politiques sociales appellent des débats constructifs et non des contre-vérités comme nous en entendons parfois. Je souhaite que les responsables en matière de santé soient attentifs aux conditions d’accessibilité financière de nos concitoyens. C’est cela, être responsable aujourd’hui. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Investissements étrangers en France

M. le président. La parole est à M. Dominique Dord, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Dord. Monsieur le Premier ministre, les grandes fortunes, c’est tabou ! Aussi, beaucoup de Français, notamment de gauche, sont choqués de vous voir dérouler le tapis rouge depuis plusieurs mois sous les pieds des grandes fortunes étrangères. Lorsqu’ils ont voté pour vous, ils n’imaginaient pas une minute que cela se passerait ainsi ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Peu importe qu’elles acquièrent des clubs de football, des grands palaces parisiens ou que sais-je encore ! Mais que vous-même vous vous glorifiez de vendre nos aéroports de province à des grandes fortunes chinoises, que le Président de la République accepte de porter le chapeau, pour complaire aux grandes fortunes kazakhs, dans cette grande et fameuse démocratie qu’est le Kazakhstan… (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Bays. Et Kadhafi ?

M. Dominique Dord. Finalement, monsieur le Premier ministre, les seules que vous ne courtisiez pas, faute peut-être de les aimer suffisamment, ce sont les grandes fortunes françaises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Pour elles, ni chapka ni manteau de fourrure, mais des impôts, et l’opprobre, le plus souvent !

M. Nicolas Bays. Minable.

M. Dominique Dord. Ma question est donc simple : vous aviez promis de mettre à genoux la finance mondiale. Comment expliquez-vous que ce soit vous qui vous vous agenouilliez devant ces grandes fortunes étrangères, dont l’origine pourrait susciter des interrogations chez certains esprits chagrins ?

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Dominique Dord. Comment expliquez-vous que la France soit le seul pays à traiter moins bien les capitaux nationaux que les capitaux venant de l’étranger, même lorsqu’ils ne respectent aucune de nos règles, ni fiscales, ni sociales, ni environnementales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, j’ai hésité à vous répondre, car les bras m’en tombent ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

J’ai même cru un moment assister à une réunion interne de l’UMP où vous dénonciez ce que l’ancien président de la République a fait pendant des années ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)



Jamais je n’ai entendu, venant de la droite républicaine, une telle question sur la manière dont la France peut accueillir des capitaux étrangers ou discuter avec d’autres pays. Mais quelle vision avez-vous de notre pays ? Et quelle image de la France donnez-vous à l’extérieur ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Avec qui souhaiteriez-vous qu’elle traite ? Voulez-vous que je vous parle du Qatar, du Kazakhstan, de la Chine ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Devrions-nous vivre dans un pays fermé, sans relations économiques ou politiques avec l’extérieur ? Mais enfin, vous vous êtes trompé de formation politique ! Il y a une forme de régression dans votre propos !

M. Claude Goasguen. Répondez à la question !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui, la France est ouverte. Comme nombre de mes prédécesseurs, comme de nombreux ministres et comme la plupart des présidents de la République avant moi, je me rendrai dans quelques semaines en Chine, accompagné de chefs d’entreprise, et sans doute de Jean-Pierre Raffarin, à qui je ferai part de vos observations.

Monsieur Dord, on peut s’opposer sans céder à la démagogie, sans se placer hors de la réalité du monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Reprenez-vous : ce n’est pas parce que vous êtes dans l’opposition que vous pouvez vous permettre n’importe quoi et n’importe où ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. Huées sur les bancs du groupe UMP.)

Régime de solidarité de la Polynésie française

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Paul Tuaiva. Monsieur le Premier ministre, je tiens à vous rassurer : je serai plus courtois ! Ma question porte sur le financement du régime de solidarité de la Polynésie française.

Comme vous le savez, après dix années d’instabilité politique, une nouvelle majorité s’est installée à la tête du pays. Elle compte 38 représentants à l’Assemblée de Polynésie sur 57, dont cinq parlementaires issus du même parti.

Malheureusement, les précédents gouvernements nous ont laissé un lourd passif. La dégradation de l’emploi et la faillite de centaines d’entreprises ont creusé durablement le déficit du régime de solidarité. Ce régime compte aujourd’hui près de 80 000 ressortissants, soit un tiers de la population. Notre collectivité ne disposant pas d’allocations de chômage, ce régime de solidarité est le principal amortisseur social.

Dès sa prise de fonction, le nouveau gouvernement de Polynésie française s’est attelé à des réformes courageuses et impopulaires pour redresser les finances publiques.

Avec mes collègues parlementaires du Sénat et de l’Assemblée, nous avons à plusieurs reprises appelé votre attention sur les difficultés de notre territoire. Les ministres Marisol Touraine et George Pau-Langevin nous ont indiqué, dans un courrier en date du 13 septembre, que des mesures concrètes seraient annoncées d’ici la fin de l’année.

Monsieur le Premier ministre, lors de votre récente entrevue avec le président de la Polynésie française, M. Édouard Fritch, vous vous êtes engagé à accompagner notre collectivité dans la réforme de son régime de solidarité. Je tiens à vous en remercier sincèrement car ces mesures sont très attendues par la population polynésienne.

Afin de rassurer les Polynésiens à la veille des fêtes de fin d’année, pourriez-vous exposer les mesures concrètes que le Gouvernement entend mettre en œuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Nous sommes en effet très préoccupés, monsieur le député, par la situation du régime de solidarité polynésien. Ce régime, qui a permis une amélioration significative de l’état de santé des Polynésiens, rencontre des difficultés financières considérables, dues à la situation économique de la Polynésie mais aussi à la diminution significative de la contribution de l’État décidée en 2008.

Nous avons demandé à l’IGAS, l’IGA et l’IGF de rechercher des solutions dans le cadre d’une mission d’appui. Le rapport qui nous a été remis contient 66 propositions, et un groupe de travail examine les suites qui pourraient leur être données. Le ministère des outre-mer a tracé un certain nombre de pistes, en cours de validation auprès du ministère des affaires sociales. Le Premier ministre est tout à fait sensibilisé à cette question.

Le rapport indique également que des réformes structurelles doivent être entreprises par le territoire afin que ce régime retrouve l’équilibre. Je sais que vous vous y êtes attaqués avec résolution. Le Premier ministre et le Gouvernement se sont engagés à aboutir sur cette question du régime de la Polynésie. Vous pourrez dire au président Fritch, dont nous admirons le travail et le courage, que cet engagement sera tenu et que l’État sera au rendez-vous pour la Polynésie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mode de scrutin

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, au titre des députés non inscrits.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Monsieur le Premier ministre, vous indiquiez la semaine dernière que si la proportionnelle intégrale était instaurée pour les élections législatives, le Front national obtiendrait entre 150 et 180 députés. Il n’aura pas fallu plus d’arguments pour écarter définitivement la perspective d’une telle réforme puisque déjà à l’occasion du débat sur les élections départementales, vous aviez écarté le mode de scrutin proportionnel départemental par listes, au prétexte que certains départements pourraient tomber entre les mains du Front national, dont le Vaucluse.

Vous brandissez la menace, assez classique, de l’« ingouvernabilité ». Mais il ne vous aura pas échappé, monsieur le Premier ministre, que nous ne sommes plus sous la IVème République. De l’eau a coulé sous les ponts des institutions depuis Vincent Auriol ! Vos arguments, tirés du livre de Michel Debré, La mort de l’État républicain, datent de 1948 : autant vous dire qu’ils sont pour le moins dépassés.

M. Julien Aubert. Le FN est favorable au régime des partis !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Ce type de risque existe, il est vrai, dans un régime dominé par le Parlement, où le Gouvernement est véritablement responsable devant cette chambre. Mais sous la Vème République, le pouvoir est concentré entre les mains du chef de l’État et l’exécutif dispose d’un certain nombre de moyens d’action sur le Parlement qui lui permettent de gouverner, comme la maîtrise de l’ordre du jour ou le système des votes bloqués.

La vérité, c’est que vous tirez avantage, avec l’UMP, du mode de scrutin majoritaire, qui favorise le bipartisme et les vagues successives d’alternance. Les valeurs de la République, comme la démocratie, ne se récitent pas devant les caméras, elles se défendent. Et il ne suffit pas, pour se donner bonne conscience, de les clouer sur les murs, comme votre Charte de la laïcité dans les écoles.

Certes, il vous faudra apprendre à convaincre, à composer, à débattre véritablement en vue d’adopter un texte, ce qui n’est pas votre fort, ni celui de votre majorité, dont la suffisance et l’aveuglement sont inversement proportionnels à son succès dans l’opinion.

Monsieur le Premier ministre, dépasserez-vous les intérêts de votre camp ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Madame la députée, je vous remercie pour cette question extrêmement apaisante, truffée de références aux valeurs républicaines et qui appelle de notre part une réponse extrêmement simple.

Tout d’abord, madame la députée, le mode de scrutin n’est pas une affaire de convenance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Même pas en 1986 ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous avez fait référence à de nombreuses considérations constitutionnelles, mais un mode de scrutin traduit une conception de la République et de l’équilibre des relations entre les pouvoirs constitués.

Le Premier ministre a eu raison, la semaine dernière, de répondre à un parlementaire qui l’avait interrogé sur ce point, que la stabilité gouvernementale et politique était essentielle dans un pays confronté à autant de difficultés que le nôtre.

M. Guy Geoffroy. Vous êtes stables à 14 % !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il faut de la stabilité gouvernementale et de la stabilité politique pour affronter les difficultés économiques et assurer le redressement productif de notre pays et celui de nos comptes.

M. Christian Jacob. 14 % !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il faut de la stabilité politique si nous voulons rassembler les Français autour des valeurs de la République – mais je comprends que ce ne soit pas votre préoccupation. Il faut de la stabilité politique si nous voulons reconstruire notre système éducatif.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bla bla !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il est évident, et le Premier ministre a eu raison de le souligner, que le choix de tel ou tel mode de scrutin peut dans certaines situations politiques, accroître l’instabilité et ajouter des difficultés aux difficultés, alors que l’objectif de ce gouvernement est de rassembler les Français pour redresser le pays.

M. Jean-Pierre Gorges. Et avec quel succès !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le deuxième point sur lequel je voudrais insister, c’est qu’il existe des procédures et qu’un mode de scrutin ne se modifie pas comme ça. Ce n’est pas parce que cela vous arrange que c’est nécessairement bon pour le pays !

C’est la raison pour laquelle, s’il devait y avoir une modification du mode de scrutin, elle ne pourrait être engagée que dans le cadre d’une grande concertation réunissant l’ensemble des formations politiques avec un seul objectif : l’intérêt général du pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Comme en 1986 !

Difficultés du secteur du BTP

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Laurent Furst. Monsieur le Premier ministre, il y a deux ans, j’ai annoncé dans cet hémicycle que nous allions vers un véritable Waterloo économique.

Ce Waterloo, nous y sommes aujourd’hui, au moins dans un secteur : celui du bâtiment et des travaux public, qui souffre de l’effondrement de ses commandes. Les collectivités locales assurent 73 % de l’investissement public. Or cet investissement a baissé de 10 % en 2014 et il baissera encore de 10 % en 2015 sous l’effet du garrot budgétaire que vous leur imposez.

Près d’un quart du volume d’investissement perdu en deux ans : c’est du jamais vu, et cela n’est pas fini.

En ce qui concerne le logement, nous ne construisons aujourd’hui pas plus de logements par habitant qu’au sortir de la guerre : 100 000 logements de moins par an que sous l’ancienne majorité…

M. Razzy Hammadi. Ce ne sont pas les mêmes logements !

M. Laurent Furst. …et 200 000 de moins que le nombre promis par le candidat Hollande.

Quant à l’industrie, elle investit peu par manque de visibilité, mais aussi parce que les marges des entreprises françaises sont parmi les plus faibles d’Europe et qu’elles ont encore baissé, malgré la mise en place du CICE.

Collectivités locales, logement, industrie : trois secteurs dans lesquels votre échec est cruel pour notre pays.

Dans le bâtiment et les travaux publics, l’effet est désastreux. Il est dramatique pour les salariés, pour les artisans et pour les entreprises. Dans les travaux publics, ce sont 8 000 emplois qui ont été perdus cette année et nous devrions en perdre 16 000 l’an prochain.

Dans le secteur du bâtiment, depuis trois ans, les pertes d’emplois se chiffrent par dizaines de milliers.

Monsieur le Premier ministre, votre politique crée des dizaines et des dizaines de Florange de l’ombre.

M. Jean Lassalle. C’est vrai !

M. Laurent Furst. Ma question est simple : que comptez-vous faire pour ce secteur d’activité aujourd’hui sinistré ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le député, nous sommes parfaitement conscients des grandes difficultés que traversent plusieurs secteurs économiques, en particulier celui du bâtiment.

Plusieurs députés du groupe UMP. On ne le dirait pas !

M. Emmanuel Macron, ministre. J’apporterai à votre question deux éléments de réponse.

Il est vrai que les marges des entreprises françaises sont historiquement basses. Elles l’étaient déjà à l’été 2012 et ce n’est pas un fait nouveau.

M. Yves Nicolin. C’est pour ça que vous les taxez !

M. Emmanuel Macron, ministre. Des mesures ont d’ores et déjà été votées pour restaurer ces marges. Le CICE, qui est perçu depuis cette année par les entreprises françaises et dont la montée en charge va se poursuivre, permet la restauration à court terme de ces marges. De plus, en vertu du Pacte de responsabilité et de solidarité, les cotisations patronales pour les salaires du niveau du SMIC seront réduites à zéro à partir du 1er janvier 2013. L’effet de ces mesures sera sensible pour les entrepreneurs, en particulier ceux du secteur du bâtiment, dès le mois de janvier prochain.

Des efforts de court terme sont donc faits pour parer à l’urgence, mais je dois vous avouer, monsieur le député, qu’on ne restaure pas les marges des entreprises du jour au lendemain, après dix années d’inaction (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) …dix ans durant lesquelles on a laissé la compétitivité française et les comptes de nos entreprises se dégrader.

S’agissant donc de ce premier point, le travail continue mais il prendra du temps.

Quant aux difficultés que rencontre le secteur du bâtiment, monsieur le député, on ne peut pas tout mettre sur le compte des efforts d’économies, d’autant moins quand, comme votre majorité, on ne cesse de demander toujours plus d’économies. Il n’est ni sérieux ni cohérent de demander toujours plus d’économies tout en déplorant leurs dommages collatéraux. Les collectivités locales doivent, autant qu’elles le peuvent, faire porter les économies qui leur sont demandées sur leurs dépenses de fonctionnement. Il n’y a pas de fatalité sur ce point.

En outre, le Premier ministre lui-même s’est engagé à continuer à soutenir l’investissement local. Les 100 millions d’euros qui ont été mis sur la table pour les maires bâtisseurs sont une concrétisation de cet engagement.

Enfin, en ce qui concerne le logement, nous continuerons à aller plus loin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Pêche en eaux profondes

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour le groupe écologiste.

M. Jean-Louis Roumegas. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie. La France persiste, et hier encore au sein du Conseil des ministres européens de la pêche, à défendre le maintien de quotas de pêche excédant la capacité de renouvellement, contre les recommandations des scientifiques, contre les propositions de la Commission européenne, contre l’esprit de la Politique commune de la pêche, contre l’intérêt des pêcheurs, dont l’activité est avant tout menacée par l’épuisement des stocks. La même logique de court terme prévaut en matière de chalutage profond, considéré par les scientifiques comme la méthode de pêche la plus destructrice de l’histoire. En contradiction avec ses engagements internationaux, la France s’oppose pourtant à son interdiction.

Il faut rappeler l’absurdité économique et écologique qu’est la pêche en eaux profondes. Les dix chalutiers qui la pratiquent en France peuvent raser la surface de Paris en deux jours, alors qu’ils n’occupent directement que 0,5 % des marins pêcheurs ! Cette absurdité économique et écologique n’échappe pas aux Français, qui sont, selon un sondage, 73 % à souhaiter que la France soutienne la proposition européenne d’interdiction du chalutage profond, reprise par la proposition de loi de notre collègue Laurence Abeille. Vous avez déclaré le 20 octobre dernier, madame la ministre : « il faut arrêter le chalutage profond, c’est clair ». Quelle est aujourd’hui la position de la France sur ce sujet ? Comptez-vous défendre l’interdiction du chalutage profond au Conseil européen, en accord avec la volonté citoyenne et l’aspiration d’une France que François Hollande décrit comme la « nation de l’excellence environnementale » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Alain Marsaud. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Vous soulevez là, monsieur le député, une question en effet extrêmement sensible, sur laquelle les positions me semblent évoluer dans la bonne direction.

Rappelons que le chalutage en eaux profondes désigne la pêche à plus de 800 mètres de profondeur au moyen de filets mesurant entre soixante et cent mètres raclant en quelques jours ce qui a mis des millénaires à apparaître, les écosystèmes marins, les coraux, les rochers, les herbiers sous-marins, en un mot tout ce qui permet aux poissons de se reproduire et de se nourrir et dont dépend l’avenir de la ressource halieutique. Le Parlement européen s’est saisi du sujet et a mis en place une réglementation très stricte du chalutage en eaux profondes. je dis très clairement que la position du gouvernement français est celle du Parlement européen.

J’ai rencontré le 22 novembre dernier à Lorient les pêcheurs bretons. Ceux-ci se sont déclarés prêts, manifestant sur ce sujet une évolution que je salue, à se conformer à la réglementation issue du débat démocratique qui a eu lieu au sein du Parlement européen autour de quatre principes : le gel de l’empreinte, c’est-à-dire l’interdiction d’ouvrir de nouvelles zones de pêche quelle que soit la profondeur ; la création de zones fermées à la pêche en cas de présence avérée d’écosystèmes marins vulnérables, même là où elle est autorisée aujourd’hui ; l’amélioration de la cartographie et de l’évaluation des incidences, dont un bilan est rendu obligatoire – c’est le quatrième principe.

Comme vous le savez, j’ai décidé en outre de rendre publiques les données de l’IFREMER, qui jusqu’à présent ne l’étaient pas, afin de permettre le débat démocratique à ce sujet. N’oublions jamais que la ressource de pêche future dépend de la protection actuelle des fonds marins, lieux d’alimentation et de reproduction des poissons. En appliquant des règles responsables de protection des fonds marins, les pêcheurs…

M. le président. Merci, madame la ministre.

Inscription sur les listes électorales

M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Pochon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Elisabeth Pochon. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et j’y associe Matthias Fekl qui était chargé du sujet qu’elle évoque avant de devenir secrétaire d’État.

Depuis des décennies, l’abstention aux élections progresse régulièrement dans notre pays. Lors de l’élection législative partielle qui a eu lieu dimanche dernier, moins d’un électeur sur quatre s’est rendu aux urnes. Ce phénomène constitue l’une des manifestations d’une crise démocratique caractérisée par une défiance grandissante à l’égard des élus et des partis politiques et par la montée des extrêmes.

M. Alain Chrétien. C’est faux ! C’est de vous que les Français se défient !

Mme Elisabeth Pochon. Nous devons y apporter des réponses politiques de fond car si nous ne bloquons pas la progression de l’abstention, la légitimité démocratique de nos institutions risque d’être remise en cause. C’est une raison supplémentaire pour chercher tous les facteurs susceptibles de l’endiguer, y compris ceux qui semblent marginaux au premier abord.

Selon les conclusions de la mission de la commission des lois dont mon collègue Jean-Luc Warsmann et moi-même avons l’honneur d’être rapporteurs, la France se distingue par l’un des systèmes d’inscription les plus lourds et les plus contraignants en Europe, en contradiction avec l’ambition démocratique élémentaire qui veut que le plus grand nombre d’électeurs soient appelés aux urnes le jour du scrutin.

Exception très française, les listes électorales sont figées très longtemps à l’avance. De ce fait, les citoyens doivent accomplir les démarches d’inscription longtemps avant la tenue des élections, à un moment où ni le débat public ni l’attention individuelle ne sont centrés sur les questions électorales. Ainsi, les Français doivent savoir qu’il ne leur reste que quelques jours pour s’inscrire, ou se réinscrire s’ils ont déménagé, par Internet ou auprès de leur mairie, d’ici le 31 décembre 2014, afin de pouvoir voter aux élections départementales des 23 et 30 mars 2015. De même, en l’état actuel de notre droit électoral, seuls les électeurs inscrits avant le 31 décembre 2014 pourront voter aux élections régionales prévues en décembre 2015, soit dans plus d’un an.

Quels changements, quel calendrier et quelles voies envisagez-vous pour moderniser l’exercice du droit de vote en France et revitaliser la démocratie française, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je vous remercie d’abord du travail que vous avez accompli avec Jean-Luc Warsmann au sein de l’Assemblée nationale, madame la députée, et dont vous ferez connaître les conclusions très prochainement. L’inscription sur les listes électorales dont vous vous préoccupez, en particulier des jeunes, devrait en être facilitée. Je veux d’ores et déjà vous dire que le Gouvernement accordera le plus grand prix aux conclusions de votre mission parlementaire et que je suis à votre disposition pour vous recevoir, avec M. Warsmann, afin d’examiner les conditions de mise en œuvre de vos préconisations dès qu’elles auront été rendues publiques.

Par ailleurs, le Président de la République a récemment indiqué sa volonté que l’inscription des électeurs sur les listes électorales soit possible jusqu’à un mois avant le déroulement du scrutin. Les services du ministère de l’intérieur y travaillent et j’organiserai au cours des prochains mois une large consultation des grandes associations d’élus, en particulier l’association des maires de France, afin de déterminer d’ici 2017 les conditions d’une inscription des électeurs sur les listes électorales jusqu’à la dernière minute, objectif assigné par le Président de la République. Cela impliquera des investissements significatifs, informatiques en particulier, et un travail très important avec l’INSEE, en vue duquel le ministère de l’intérieur est très fortement mobilisé.

Enfin, les élections régionales ayant lieu à la fin de l’année 2015, nous examinerons, en concertation avec l’ensemble des organisations politiques, les conditions dans lesquelles nous pouvons adapter le dispositif d’inscription, de manière à ce que le maximum de personnes puissent s’inscrire le plus tard possible et voter aux élections régionales.

Je pense que c’est en suivant ces trois axes d’action que nous parviendrons à satisfaire votre très forte préoccupation de voir l’abstention reculer, notamment parmi les jeunes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Réforme de l’asile

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la réforme de l’asile (nos 2182, 2407).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe écologiste.

M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la réforme de l’asile intervient dans un contexte mondial extrêmement fragile. La preuve vient de nous en être donnée durant ces dernières heures avec l’attentat barbare commis à Peshawar au Pakistan où quatre-vingts enfants ont trouvé la mort.

Dans d’autres parties du monde – je pense au Proche-Orient, notamment à la Syrie et à l’Irak –, des conflits extrêmes conduisent au départ de très nombreux réfugiés. C’est la raison pour laquelle il nous semblait important que la réforme du droit d’asile confirme la vocation de la France, eu égard à la ratification de la convention de 1951 relative au statut des réfugiés, dans sa capacité d’accueil de ceux que Frantz Fanon appelait Les damnés de la terre.

Nous avons devant nous une ardente obligation que nous ne partageons pas forcément. Durant nos débats, nous avons constaté une ouverture de la part du ministre de l’intérieur et de nombreux amendements des écologistes ont été acceptés par le Gouvernement et par notre rapporteure Sandrine Mazetier.

Cependant, compte tenu de certains points choquants à nos yeux, nous nous abstiendrons sur le vote de ce projet de loi.

Le projet de loi intervient également au lendemain du discours du Président de la République sur l’immigration. Je déplore qu’au cours de nos débats, la droite dite républicaine ait procédé à des amalgames et voulu transformer le débat sur l’asile en un débat sur l’immigration qui serait présenté comme un fardeau pour la France.

Au regard des chiffres et de la réalité de ce que sont à la fois le droit d’asile et l’immigration dans notre pays, nous sommes très loin des fantasmes cultivés par la droite extrême et l’extrême droite qui, hélas, se rejoignent pour défendre une société de la peur et du repli identitaire se réfugiant derrière les thèses avancées par un extrémiste de droite, Renaud Camus, qui parle du fameux « grand remplacement ».

Le droit d’asile n’est pas une vertu française, malheureusement. Nous consacrons un millième de notre budget national à l’asile. En termes d’accueil des réfugiés, nous sommes derrière bien des pays de l’Union européenne, tels la Suède ou l’Allemagne.

Puisque nous versons des larmes de crocodile sur les réfugiés syriens, les chrétiens d’Orient, les Yézédis, rappelons que nous n’avons accueilli que 3 500 réfugiés syriens depuis le début de ce conflit alors que la Suède, l’Allemagne, le Royaume-Uni font des efforts beaucoup plus importants pour accueillir ces réfugiés, victimes de la barbarie de l’extrémisme religieux et de la guerre.

Finalement, avec ce texte, nous n’avons fait que mettre en œuvre des directives européennes que nous ne respections pas. Ne nous payons pas de mots ! Qu’on ne fasse pas croire que nous sommes en train de vivre l’une des plus grandes réformes du droit d’asile alors que nous nous contentons d’appliquer des directives européennes.

Certes, nous n’allons pas nous plaindre que la protection des demandeurs des droits d’asile soit plus grande ni qu’en apparence, les procédures soient accélérées. Mais à y regarder de plus près, cette accélération correspond davantage à une volonté du Gouvernement de gérer les flux que d’élargir le droit d’asile.

Un pays comme le nôtre, cinquième puissance mondiale, peut-il se permettre de se contenter d’une gestion des flux, de réduire sa vocation de droit d’asile, de réduire l’accueil des immigrés alors que nous savons que c’est une chance pour la France ?

Dois-je vous rappeler qu’un réfugié afghan, accueilli dans notre pays, demandeur d’asile en 1985, Atiq Rahimi a obtenu le prix Goncourt en 2008 ? Ce réfugié afghan qui a obtenu le droit d’asile est devenu l’un des plus grands écrivains français.

Dois-je rappeler ici que Costa-Gavras, l’un de nos plus grands cinéastes, avait fui le régime des colonels ?

On doit s’interroger aujourd’hui sur cette notion dangereuse et très floue, de pays sûr. Les homosexuels, dans l’Égypte du maréchal Al-Sissi, sont-ils protégés alors que, la semaine dernière, plusieurs d’entre eux ont été mis au ban et arrêtés ? Ces personnes ont le droit d’exiger le droit d’asile lorsqu’ils viennent dans notre pays.

Pour toutes ces raisons, nous approuvons certaines dispositions de cette réforme. Cependant, compte tenu des limites que j’ai tenté d’exprimer au nom du groupe écologiste, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure de la commission des lois, mes chers collègues, le Président de la République avait fait de la réforme du droit d’asile l’un de ses engagements de campagne. Et nous avons accueilli avec satisfaction le discours qu’il a prononcé hier à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, dans lequel il a notamment rappelé que l’asile faisait partie de l’identité de la France. En tant que radicaux de gauche, nous souhaitons réaffirmer ici notre attachement à ce principe, qui est au cœur de notre pacte républicain.

Depuis le début de l’examen de ce projet de loi, le débat s’est focalisé sur les chiffres de l’asile, tant en termes de volume que de coût. Il est de notre responsabilité de rappeler les vrais chiffres. Oui, la France fait face à une augmentation du nombre de demandes d’asile, mais ces chiffres doivent être relativisés, non seulement par rapport à la population française, mais également par rapport aux autres pays européens.

Nous avons ainsi reçu, en 2013, 985 demandes d’asile pour 1 million d’habitants, alors que le ratio est de 1 575 demandes pour 1 million d’Allemands et de 5 680 demandes pour 1 million de Suédois. Telle est la réalité de l’asile. Mes chers collègues, ne cédons pas aux sirènes du populisme et des discours sécuritaires. Pensons à notre histoire et surtout à l’avenir.

Oui, il est effectivement nécessaire de ne pas perdre de vue la souffrance et les difficultés rencontrées par les demandeurs d’asile lorsqu’ils quittent leur pays. Derrière ces profils se cachent en effet des histoires personnelles et familiales complexes, et des départs parfois précipités de pays en conflit. Conscients de ces situations, il est nécessaire de faire en sorte que toutes les conditions soient réunies pour garantir à ces personnes une vie meilleure, respectueuse de leurs droits et de la liberté.

Voilà les objectifs que nous nous étions fixés en abordant l’examen de ce texte, et je veux croire que nos recommandations ont été globalement entendues. Faisant droit au constat d’un système en crise et conformément à ses obligations européennes, le Gouvernement a souhaité réformer le système de l’asile. Nous ne pouvons que nous en satisfaire.

Nos échanges ont permis d’élaborer un texte équilibré et cohérent, visant à une garantie effective du respect des droits et des libertés des demandeurs, à une amélioration des délais de traitement des demandes, ainsi qu’à un meilleur accompagnement des demandeurs d’asile dans leurs démarches administratives.

Le but affiché du présent projet de loi est ainsi de faire chuter le délai de traitement des demandes d’asile à neuf mois en moyenne. C’est un objectif ambitieux, qu’il nous faut atteindre.

En outre, nous accueillons favorablement la suppression de la domiciliation préalable, actuellement exigée du demandeur d’asile pour l’ouverture de ses droits.

Nous sommes aussi satisfaits de la mise en place d’un recours suspensif pour l’ensemble des demandeurs d’asile, quelle que soit la nature de la procédure – normale ou accélérée. De même, nous notons que la situation sanitaire et familiale des demandeurs d’asile sera prise en compte lors de leur orientation vers un hébergement directif en centre d’accueil de demandeurs d’asile – CADA.

Du droit au travail des demandeurs d’asile, il a été longuement débattu dans cet hémicycle. Il nous semblait important de donner aux demandeurs la possibilité de subvenir à leurs besoins par leurs propres moyens. Le travail est source d’émancipation et permet l’exercice de la citoyenneté. Nous sommes donc satisfaits de l’insertion d’une section 5 relative à l’accès au travail, après un délai de neuf mois.

Sur ces différents points, nous tenons d’ailleurs à saluer le travail de notre rapporteure, Sandrine Mazetier, qui, notamment par son écoute, a su faire entendre l’ensemble des sensibilités et nous rassembler, dans le seul but de la nécessaire refondation du droit d’asile.

S’agissant des demandeurs d’asile déboutés après l’expiration de tous les recours, nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour traiter ce point dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif aux droits des étrangers en France.

Il n’en reste pas moins que, pour nombre de familles séjournant en France, dont les enfants sont scolarisés depuis de nombreuses années, ce qui contribue à leur intégration et à leur attachement aux valeurs de la République, il est nécessaire de trouver une réponse différente et plus appropriée qu’un renvoi dans leur pays d’origine.

Enfin, nous pensons qu’il faudra, à terme, réfléchir au niveau européen à une politique plus intégrée, harmonieuse et commune de l’asile. Les récents drames des migrants de Calais ou de Lampedusa témoignent d’un besoin de coordination des dispositions entre les différents États de l’Union européenne et de problématiques communes en cette matière.

Aussi, pour toutes ces raisons, les radicaux de gauche et apparentés voteront pour le projet de loi de réforme de l’asile que vous nous soumettez aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, le droit d’asile, en France, est en crise et la situation s’aggrave depuis plusieurs années. Malgré la consécration conventionnelle et constitutionnelle du droit d’asile, le respect de ce droit n’est plus assuré dans notre pays. Le système est engorgé, les procédures s’éternisent et les demandeurs d’asile sont nombreux à devoir patienter dans l’angoisse, plusieurs mois, dans des conditions indignes, avant d’obtenir une décision décisive pour leur avenir.

Les problèmes sont multiples : manque de places en centres d’accueil de demandeurs d’asile, saturation des dispositifs d’urgence, files d’attentes interminables devant les préfectures, procédures trop complexes, allongement des délais de traitement, manque d’accompagnement des demandeurs d’asile durant la procédure, et faible intégration des personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire.

En bref, la procédure d’asile est un véritable parcours du combattant, qui exclut tout au long du chemin des catégories entières de demandeurs. De nombreux rapports récents, tant associatifs que parlementaires, dressent le même constat alarmant de la situation dramatique des demandeurs d’asile, et s’accordent sur l’impérieuse nécessité de réformer le système en profondeur.

Les députés du Front de gauche plaident depuis plusieurs années pour une réforme ambitieuse du système d’asile, une réforme qui allie simplicité et qualité, rapidité et solidarité, et qui renforce les droits des demandeurs d’asile par la mise en place d’une procédure plus efficace et plus équitable.

Aussi, nous ne pouvons que nous réjouir de l’initiative de cette réforme. Elle répond à la fois aux condamnations de la France sur la scène européenne et à la nécessité, pour notre pays, de transposer d’ici juillet 2015 plusieurs directives du paquet « asile », qui visent à créer un véritable régime d’asile européen commun.

Nous partageons pleinement l’objectif affiché de simplification et d’accélération des demandes d’asile, afin d’améliorer la protection des demandeurs. Pour autant, nous regrettons, de manière générale, que ce texte ne mette pas clairement un terme à la confusion entretenue depuis des années entre asile et immigration, et qu’il ne dissipe pas le climat de suspicion à l’encontre des demandeurs d’asile.

Au terme de l’examen de ce texte dans notre assemblée, plusieurs avancées permettent de renforcer les garanties procédurales au bénéfice des demandeurs d’asile. Nous saluons ainsi la consécration d’un droit au maintien sur le territoire français au profit de tous les demandeurs d’asile et la généralisation du recours suspensif devant la Cour nationale du droit d’asile – CNDA.

Nous nous félicitons aussi de la consécration du principe de l’entretien individuel avec le demandeur d’asile et la possibilité pour celui-ci d’être assisté d’un tiers à l’occasion de cet entretien. De même, le renforcement de la protection des personnes vulnérables, et du droit à la réunification familiale, ainsi que la reconnaissance d’un droit à l’hébergement pour tous les demandeurs d’asile constituent de réelles avancées.

Pour autant, nous regrettons que plusieurs dispositions du projet de loi ne correspondent finalement qu’à une transposition a minima des directives, alors même que celles-ci offrent aux États la possibilité d’adopter des dispositions bien plus favorables.

Surtout, nous restons fermement opposés à la mise en place d’un schéma d’orientation directif et contraignant qui organise, en pratique, une surveillance des demandeurs d’asile au sein des centres d’hébergement. Nous sommes également vivement opposés à l’extension des hypothèses permettant un placement en procédure accélérée car celle-ci présente de moindres garanties, en particulier concernant les délais de dépôt de la demande et de recours, et le juge unique à la CNDA. Nous regrettons aussi la création de procédures d’irrecevabilité et de radiation des demandes d’asile.

Enfin, il convient d’insister sur la nécessité de déployer les moyens suffisants, afin que les garanties prévues dans ce texte – présence d’un avocat, augmentation du nombre de CADA – soient réellement effectives.

Pour conclure, vous l’aurez compris, l’appréciation des députés du Front de gauche sur cette réforme reste nuancée. Certes, le projet de loi présente des avancées indubitables, imposées par la législation européenne. Cependant, nous considérons que cette réforme manque d’ambition. Nous regrettons aussi que ce projet de loi constitue un outil de gestion des flux migratoires.

Ce sont ces raisons qui conduisent la majorité des députés du Front de gauche à s’abstenir sur ce texte.

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

M. le président. Sur l’ensemble du texte, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, au-delà de nos sensibilités, il y a, je n’en doute pas, l’héritage des Lumières, l’une des pépites de notre patrimoine politique. J’ose croire en effet que la tradition humaniste et civilisée d’accueillir celui qui vit sous le joug de la barbarie, celui qui est en souffrance sur sa propre terre, transcende nos rangs et nos opinions.

Hier, le Président de la République s’en est fait une fois de plus brillamment l’écho lors de son intervention inaugurale à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. Le projet de loi relatif à la réforme de l’asile, sur lequel nous sommes amenés à voter aujourd’hui, est dans cette veine. Il est au nombre des sujets qui donnent à notre pays le rang qui lui incombe dans le concert des nations. Et tenir ce rang est nécessaire, pour faire face aux tumultes qui percutent et violentent les valeurs que nous défendons.

En parlant de tumultes, je pense aux guerres de toutes sortes qui obligent des millions de femmes ou d’hommes à vivre quotidiennement sous le joug de la barbarie, à ces millions d’enfants qui font leurs premiers pas sur un tapis de bombes ou un champ de ruines.

Si j’insiste tant, ce n’est ni par angélisme, ni par sentimentalisme mais parce qu’il me tient à cœur de rappeler que notre débat n’a rien d’abstrait : il nous oblige à regarder sans fard une réalité cruelle, qui, à son tour, nous contraint à reconstruire des réponses politiques efficaces.

Notre texte répond à cette nécessité de protection. Il est parfaitement travaillé car il a fait l’objet d’une large consultation et de justes arbitrages. Il propose un toit, un droit, un accueil, une protection et des obligations à celles et ceux qui sont injustement chassés et persécutés.

Ses principales mesures incluent un traitement adapté des demandes d’asile, afin d’éviter que le système ne soit saturé par des demandes qui détournent la procédure d’asile. C’est aujourd’hui le cas et cela nuit en tout premier lieu aux personnes qui craignent réellement des persécutions.

Le projet de loi prévoit également la refonte des procédures, en améliorant les garanties procédurales par l’abrogation de la procédure dite prioritaire ; la possibilité pour le demandeur d’être accompagné par un tiers à l’entretien à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides – OFPRA –, conformément à la directive européenne « Procédures » ; l’instauration d’un schéma national d’hébergement, qui sera décliné dans chaque région en schéma régional.

Enfin, l’Office français de l’immigration et de l’intégration – OFII – sera chargé de piloter ce schéma et de proposer aux demandeurs des solutions d’hébergement en centres d’accueil de demandeurs d’asile ou en hébergement d’urgence des demandeurs d’asile.

Et si nous proposons ces mesures, c’est parce que nous constatons, – et nous le déplorons – que la majorité précédente ait fait le choix de l’inaction, après avoir décidé de céder aux sirènes de la démagogie. Pour preuve de ma démonstration, sachez qu’entre 2007 et 2012, le gel de la construction de places en CADA a fait de l’hébergement d’urgence, voire de la rue, le principe de la politique d’accueil des demandeurs d’asile.

À trop vouloir loucher sur son voisin de droite, notre droite républicaine s’est assise sur son propre héritage politique. Plutôt que de légiférer à tout va, comme nous en avons trop souffert dans un passé proche, nous proposons une réforme globale, élaborée et conçue à partir d’une large concertation. Notre projet est clair, juridiquement cohérent et porteur d’une ambition républicaine.

Aussi, je tiens à saluer ici le travail de la rapporteure Sandrine Mazetier – dont c’est aujourd’hui l’anniversaire ! – et de Pascale Crozon, responsable pour le groupe SRC. Leur mobilisation n’aura eu d’égale que leur détermination.

Monsieur le président, je conclurai mon propos en évoquant à nouveau la barbarie et en citant Hugo Grotius, philosophe et juriste des Pays Bas qui posa au XVIIsiècle les fondements du droit international, pour qui « le propre des Barbares est de repousser les étrangers ».

Mon groupe politique, parce qu’il fait encore une fois le choix de la civilisation contre la barbarie, votera donc pour ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Éric Ciotti. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le droit d’asile puise ses racines dans notre histoire, dans notre culture et dans notre civilisation. C’est l’honneur de notre pays, depuis toujours, que d’accueillir ceux qui sont persécutés et opprimés du fait de leurs engagements et de leurs convictions. C’est l’honneur de notre pays d’accueillir aujourd’hui les chrétiens d’Orient victimes de la barbarie de l’État islamique en Syrie ou en Irak. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il n’est nullement question ici de revenir sur un principe fondateur de l’universalité du message français, dont nous sommes et devons tous être légitimement fiers. Contrairement à ce que vous avez insinué, il n’y a pas dans cet hémicycle ceux qui seraient attachés au droit d’asile et ceux qui ne le seraient pas : nous sommes tous viscéralement attachés à ce principe fondamental de notre République.

Il ne faut pas pour autant manquer de lucidité : nous pouvons tous souscrire au constat que notre procédure d’asile est aujourd’hui à bout de souffle. Sa vocation a été dévoyée et elle a été transformée en véritable machine à légaliser des clandestins. Le système implose en raison du nombre croissant de demandes – plus de 66 000 en 2013 –, de la durée d’examen de ces demandes devant l’OFPRA et la CNDA – près de deux ans –, du stock de dossiers en attente – plus de 30 000 – et de son coût incontrôlable, proche d’un milliard d’euros.

Cette procédure est clairement et malheureusement détournée par des filières qui y voient un moyen comme un autre pour faire entrer sur le territoire national des immigrés qui se trouvent en situation d’attente et veulent gagner notre territoire ou celui d’un pays européen afin de s’y maintenir sans droit ni titre.

Monsieur le ministre, en dépit des ambitions que vous avez affichées pour ce projet de loi et de l’exposé de ses motifs, qui semblait indiquer un début de prise de conscience, les très nombreux amendements adoptés par votre majorité ne feront qu’aggraver le déséquilibre et dénaturer l’ossature de ce projet de loi.

Ce texte, et je le déplore profondément, n’est au fond qu’un faux-semblant, qui aura même, hélas, pour effet de rallonger les délais de traitement, alors que votre objectif était de les raccourcir. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Rendez-vous dans un an : on verra bien !

M. Éric Ciotti. Par exemple, votre majorité a très dangereusement allongé de 90 à 120 jours le délai séparant l’entrée sur le territoire et le dépôt de la demande d’asile. Ce n’est pas réaliste.

Monsieur le ministre, vous avez balayé d’un revers de main nos propositions, qui étaient pourtant les seules permettant de sauver ce système de l’asile, à bout de souffle. Vous avez ainsi repoussé avec force notre proposition de modification du code de l’entrée et du séjour des étrangers, visant à ce que la décision définitive de rejet prononcée par l’OFPRA ou la CNDA vaille obligation de quitter le territoire français.

Vous agissez comme si cette réalité n’existait pas. Actuellement, seuls 5 % des déboutés de la demande d’asile sont reconduits à la frontière.

M. Pascal Popelin. Ce n’est pas nouveau !

M. Éric Ciotti. Ce n’est pas tolérable : les déboutés du droit d’asile doivent, après le rejet de leur demande, retourner dans leur pays d’origine. C’est la règle républicaine et la condition indispensable pour sauver ce système de l’asile, auquel nous redisons notre attachement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Tout au long de nos débats, vous avez nié l’évidence en affirmant que ce texte n’avait rien à voir avec l’immigration, alors même que 75 % des demandeurs d’asile deviennent des étrangers en situation régulière. Tout au long de nos débats, vous avez fait preuve d’un aveuglement idéologique. Notre pays doit au contraire se donner les moyens de discerner les demandes d’asile opportunistes des véritables demandes. Au bout du compte, ce compromis bancal passé avec votre majorité aggravera le dysfonctionnement.

Votre projet de loi est, au mieux, inefficace et, au pire, dangereux. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP votera résolument contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Arnaud Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure – à qui je souhaite un bon anniversaire –, mes chers collègues, c’est l’honneur de notre pays qu’avec les Lumières et la Révolution l’asile prenne en France un caractère de droit. Héritage de la protection des persécutés, le droit d’asile est consubstantiel à notre République – un bien commun, précieux, inscrit dans le préambule de notre Constitution. C’est en toute lucidité, mes chers collègues, que je tiens à vous dire que, loin des anathèmes et des postures, fidèles à notre longue tradition républicaine, nous devons travailler ensemble à améliorer notre système d’accueil.

Les constats sur l’état actuel de ce système font l’objet d’un large consensus. M. Jean-Louis Touraine, Mme Valérie Létard en novembre pour le Gouvernement, M. Philippe Vigier récemment, dans son rapport budgétaire, Mme Jeanine Dubié et moi-même pour le Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, avons fait le constat d’un système en crise – un système fragilisé, comme l’ont souligné de nombreux orateurs, par des carences manifestes, des délais de traitement de plus en plus longs, des coupes budgétaires croissantes et une difficulté flagrante à faire face à une hausse constante de la demande. Ces dysfonctionnements fragilisent notre capacité à accueillir dignement et efficacement ceux qui en ont réellement besoin.

Pour le groupe UDI, entreprendre une réforme de l’asile est aujourd’hui indispensable pour redonner du sens au droit d’asile, pour mettre fin aux détournements et aux dérives des procédures et pour rendre notre droit conforme à la législation européenne, notamment au paquet « Asile » que la France doit transposer avant le 1erjuillet 2015.

Sur le fond, les dispositions de ce texte devraient objectivement améliorer notre système d’accueil – je pense notamment à la réorganisation du premier accueil, avec la simplification du parcours du demandeur d’asile, à la création du guichet unique et à l’application des procédures accélérées, même si elle a été quelque peu limitée lors de l’examen du texte en séance et en commission. La garantie d’un hébergement et d’un accompagnement adaptés des demandeurs d’asile, notamment avec l’instauration d’un schéma national d’hébergement, est une avancée, ainsi que la familialisation de l’allocation temporaire d’attente – ou ATA – et la généralisation du caractère suspensif du recours devant la CNDA.

Nous notons par ailleurs que le projet de loi n’a pas négligé l’après-asile. Pour les demandeurs, en effet, le parcours ne s’arrête pas à l’issue de l’autorisation de la demande d’asile et, durant cette période, les obstacles à leur insertion sont nombreux. Tout au long de nos débats, le groupe UDI a veillé à l’équilibre de ce texte initial afin de pouvoir tout à la fois garantir un accueil et un accompagnement adaptés et d’éviter les détournements et les instrumentalisations. Si cet équilibre était rompu dans les débats, ce système déjà très fragile serait bien mis à mal.

Nous n’avons certes pas été satisfaits sur tous les points et aurions préféré que certaines de nos propositions soient entendues, en particulier l’institution d’un lieu unique d’accueil des demandeurs et, surtout, la création d’un système d’information et de suivi des situations.

Ce texte n’est pas parfait, mais ne nous trompons pas : le droit d’asile n’est pas le droit des étrangers. En dépit de ses quelques imperfections, ce projet de loi ne peut qu’améliorer un système en crise. C’est donc dans le souci de préserver et de redonner du sens à cet héritage républicain que nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et SRC.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants541
Nombre de suffrages exprimés512
Majorité absolue257
Pour l’adoption324
contre188

(Le projet de loi est adopté.)

3

Projet de loi de finances pour 2015

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2015 (nos 2438, 2450).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre assemblée se prononce aujourd’hui en nouvelle lecture sur le projet de loi de finances pour 2015. Nous en connaissons l’enjeu : c’est celui du retour de la croissance – une croissance riche en emplois, une croissance durable qui s’inscrit dans la nécessaire transition énergétique. C’est aussi celui du redressement de nos finances publiques – un redressement indispensable, mais qui doit se faire à un rythme compatible avec nos objectifs de politique économique, à un moment où le risque de déflation menace l’Europe.

C’est donc la mise en œuvre du pacte de responsabilité : tout le pacte, mais rien que le pacte.

Trois enseignements peuvent être tirés de ce long débat budgétaire.

Le premier, c’est que la droite, après avoir laissé le pays dans l’état catastrophique que l’on sait, pour ce qui est de son économie et de ses finances publiques, est toujours aussi irresponsable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

En première comme en deuxième lecture, alors que ses ténors appellent régulièrement à une politique d’austérité mortifère de 100 à 130 milliards d’euros de coupes dans les budgets publics, elle a voté contre toutes les mesures d’économies de ce projet de loi de finances et n’en a proposé aucune qui fût sérieuse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pis, la majorité sénatoriale de droite n’a pas seulement adopté une loi de programmation sans trajectoire budgétaire pour les trois prochaines années mais aussi, et surtout, une loi de finances sans solde – ou plutôt, avec un solde qui n’avait plus de sens, en faisant abstraction de dépenses qui représenteraient 100 milliards d’euros – une espèce de « shutdown » à la mode de la droite française.

À cette irresponsabilité budgétaire, la droite sénatoriale a ajouté l’irresponsabilité économique et sociale. Elle a ainsi adopté pêle-mêle une réforme hasardeuse de l’aide médicale d’État, une ponction sur les fonctionnaires par la limitation de leur avancement, la suppression de 9 500 postes d’enseignants, le rétablissement du jour de carence dans la fonction publique…

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Dominique Lefebvre. … et la stigmatisation des demandeurs d’asile. Elle a aussi alourdi l’impôt des plus modestes en réorientant 550 millions d’euros de baisses d’impôts des ménages modestes vers les ménages aisés, supprimé 45 000 emplois aidés et diminué la péréquation entre collectivités territoriales, alors que nous appelons le secteur public local à l’effort.

Bref, la droite nous a proposé un budget incohérent, un faux budget – mais un vrai budget de droite marqué par l’injustice sociale et l’inefficacité économique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Au fond, le seul point positif de l’adoption cette année d’un texte financier par le Sénat, pour la première fois de cette législature, sera peut-être de permettre à celles et ceux qui auraient eu tendance à confondre un budget de gauche et un budget de droite de retrouver leurs repères.

M. Philippe Meunier. Nous en reparlerons en mars !

M. Dominique Lefebvre. Notre groupe et la majorité parlementaire ont donc rétabli en seconde lecture l’essentiel du projet de loi de finances tel qu’il avait été présenté par le Gouvernement et tel que nous l’avions amendé.

Le deuxième enseignement de cette discussion budgétaire ce sont la constance, la cohérence et l’esprit de responsabilité de notre groupe socialiste, républicain et citoyen et, plus généralement, de la majorité parlementaire.

Ce budget 2015 poursuit la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité engagé en juillet dernier avec l’adoption de la loi de finances rectificative pour 2014. Il soutient la demande et la consommation des ménages en redonnant du pouvoir d’achat aux familles modestes et à la classe moyenne par un allégement significatif de l’impôt sur le revenu, lequel bénéficiera à 9 millions de foyers fiscaux modestes et aux classes moyennes. Chacune et chacun doit mesurer l’importance de ce vote pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens comme pour le soutien à la croissance.

Ce budget 2015 incarne également notre objectif de maîtrise de nos dépenses publiques, un effort soutenable et adapté à la conjoncture économique. Il réaffirme et traduit surtout nos priorités essentielles pour l’éducation, l’emploi, le logement, la sécurité et la transition énergétique.

Enfin, troisième enseignement de ce débat : la qualité et la richesse du dialogue constant entre le gouvernement de Manuel Valls et notre majorité parlementaire, qui nous a permis d’affirmer nos choix et d’enrichir le texte gouvernemental ; je tiens une nouvelle fois à saluer le rôle qu’a joué dans cette discussion le secrétaire d’État Christian Eckert.

Les avancées sont nombreuses et significatives. Elles concernent le soutien à l’investissement des collectivités locales mais également l’emploi, avec la création de 45 000 contrats aidés supplémentaires. Elles concernent l’aide aux communes avec la pérennisation du fonds d’amorçage pour les rythmes scolaires,…

M. Sylvain Berrios. Vous ruinez les communes !

M. Dominique Lefebvre. …l’aide au développement, la poursuite de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale. Les engagements pris ont également été tenus en ce qui concerne le financement des transports du Grand Paris ou encore la modernisation de la taxe de séjour ; et pourtant, monsieur le secrétaire d’État, nous avons respecté l’engagement que j’avais pris devant vous au nom du groupe socialiste, dès l’ouverture de notre débat parlementaire. Cet engagement, c’était celui de ne pas dégrader le solde prévisionnel de ce projet de loi de finances et de tenir la trajectoire d’évolution des dépenses de l’État.

Retour de la croissance, soutien au pouvoir d’achat et maîtrise de nos finances publiques : c’est bien ce qu’incarne ce budget 2015. C’est pour l’ensemble de ces raisons que le groupe socialiste, républicain et citoyen votera en nouvelle lecture l’ensemble de ce projet de loi de finances pour 2015. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

(M. Denis Baupin remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la première fois depuis 2012, les sénateurs sont arrivés au terme de ce marathon budgétaire.

Mme Jacqueline Fraysse. Pour quel résultat !

Mme Marie-Christine Dalloz. La nouvelle majorité sénatoriale a rempli son rôle d’opposition constructive, en adoptant des amendements que les députés UMP avaient défendus à l’Assemblée nationale en première lecture.

Ces amendements visaient à redonner du pouvoir d’achat aux familles modestes, premières victimes de la politique fiscale du Gouvernement, notamment par un relèvement du plafond du quotient familial par demi-part fiscale ; ils visaient également à soutenir les entreprises par un avantage fiscal pour celles qui investissent pour se moderniser ; ils visaient à maintenir l’investissement local par la diminution de la baisse des dotations aux collectivités territoriales à hauteur de 1,4 milliard d’euros ; ils visaient à rétablir l’équilibre entre secteur privé et secteur public par l’instauration de trois jours de carence dans la fonction publique pour la prise en charge des arrêts maladie ; ils visaient également à rétablir une franchise afin de responsabiliser les bénéficiaires de l’aide médicale de l’État. L’ensemble de ces mesures a été rejeté lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, et c’est dommage !

Je voudrais revenir plus spécifiquement sur trois articles de ce projet de loi de finances qui sont problématiques. Je veux dire en effet notre opposition à certaines mesures, notamment à l’article 17 relatif au prélèvement exceptionnel sur les chambres de commerce et d’industrie, dites CCI.

M. Guy Geoffroy. Vous les asphyxiez !

Mme Marie-Christine Dalloz. À l’origine, le prélèvement était de 350 millions, monsieur le ministre ; vous l’avez augmenté par amendement de 150 millions supplémentaires, ce qui le porte à 500 millions. Or ce prélèvement sur les fonds de roulement des chambres de commerce et d’industrie est dangereux, au point que la rapporteure générale du budget, Mme Valérie Rabault, a signalé lors de la deuxième lecture que les prélèvements sur les fonds de roulement inférieurs à 120 jours mettraient en danger les chambres de commerce et d’industrie. Je ne comprends donc pas pourquoi vous prélevez ces 150 millions supplémentaires en fonction du poids économique des CCI.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Ce n’était pas mon idée !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il n’y a là, à mon sens, aucune équité ; en outre, vous allez mettre en cessation de paiement certaines CCI, tout en confortant des chambres de commerce et d’industrie régionales. Quelles négociations avez-vous menées avec le réseau national ? Et peut-on aujourd’hui valider la mise en péril de certaines structures départementales alors qu’elles apportent des conseils à nos entreprises au plus près, sur le terrain ?

M. Maurice Leroy. C’est vrai !

Mme Marie-Christine Dalloz. L’article 18 relatif au prélèvement sur le réseau des chambres d’agriculture me pose également problème : 90 millions pour les trois prochaines années, dont 60 millions pour 2015. Les chambres d’agriculture vont elles aussi beaucoup souffrir avec vous, dès l’année prochaine.

Enfin, l’article 47 remet en cause le contrat vendanges. Tous mes collègues de l’UMP concernés par les contrats vendanges se sont indignés, au premier rang desquels Hervé Mariton, ce cher collègue qui a pensé à ses viticulteurs. Cela aura dans les territoires de graves conséquences sur l’emploi saisonnier, qui permet pourtant une amélioration du pouvoir d’achat des jeunes, notamment des jeunes étudiants, qui font les vendanges.

Globalement, ce budget est l’illustration de l’échec de la politique du Gouvernement : échec dans la lutte contre le chômage, avec un demi-million de chômeurs de plus depuis 2012 ; échec dans la lutte contre la hausse du déficit public puisque pour la première fois depuis 2010, le déficit ne sera pas réduit en 2014 – c’est la première fois ! ; échec dans la lutte contre l’augmentation inexorable de la dette, qui a dépassé le cap symbolique des 2 000 milliards d’euros – le seuil d’une dette dépassant les 100 % de PIB se profile à brève échéance ; échec aussi de la parole présidentielle : contrairement au discours du Gouvernement et du Président de la République, il n’y a toujours pas de pause fiscale pour les Français et pour les entreprises.

Nul ne peut croire en la trajectoire budgétaire avec des prévisions de croissance et de recettes surestimées, ce que souligne d’ailleurs le Haut conseil des finances publiques. La dégradation de nos rentrées fiscales est à ce titre particulièrement inquiétante : en 2013, la moins-value a été de près de 15 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, et elle est de près de 12 milliards d’euros pour 2014. Le matraquage fiscal à l’encontre des ménages et des entreprises en est malheureusement la principale explication. Plus la pression fiscale augmente, plus le produit réellement perçu chute par rapport à la prévision.

Tout le monde est touché par ce budget 2015 : aucune mesure en faveur des entreprises, lesquelles sont au contraire frappées par des mesures antérieures. Les ménages sont également atteints, avec des hausses qui se chiffrent à près de 3 milliards d’euros pour 2015, ce qui n’est pas sans poser problème et qui surtout dément totalement la parole et l’engagement du Président de la République.

Pour échapper aux sanctions de la Commission européenne, la France doit mettre en œuvre des réformes structurelles et non des économies de pure constatation ou des hausses improvisées de la fiscalité. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre ce projet de loi de finances pour 2015. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, constat après constat, les indicateurs économiques sont au rouge. Je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler les prévisions de l’exécutif en termes de croissance pour les années 2014 à 2017 ; à l’époque, on nous annonçait deux points de croissance ! On sait ce qu’il en est advenu : nous en sommes à 0,4 % !

Vous annoncez pour 2015 une croissance à 1 % : même si nous souhaitons tous qu’elle soit au rendez-vous, le Haut conseil des finances publiques juge une fois de plus que vous êtes optimistes.

Dans un contexte de croissance nulle, la dette publique naturellement explose : elle vient de passer les 2 000 milliards d’euros. Vous avez souvent eu des mots très durs pour expliquer que cette dette avait augmenté de 600 milliards d’euros pendant les années 2007-2012 : or nous constatons que, depuis que vous êtes arrivés aux affaires, cette dette a continué d’exploser.

Quant au déficit public, il continue d’augmenter. Examinons ces chiffres, que vous connaissez mieux que quiconque : 4,1 % du PIB en 2013, 4,4 % en 2014. Annoncé à 4,3 % en 2015, il vient d’être rectifié il y a quelques jours à 4,1 % : cela signifie que l’on n’arrive pas à contenir le déficit public.

La France, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, est le mauvais élève de l’Europe, menacé tôt ou tard de sanctions de la part de Bruxelles. Qu’elle est loin, cette loi de programmation pluriannuelle des finances publiques que l’on a envoyée à Bruxelles, avec des prévisions et une trajectoire que nous ne respectons pas ! Nous avons abandonné ces objectifs qui avaient été transmis à la Commission.

Vous-même, monsieur le secrétaire d’État, vous avez le 13 octobre dernier, affirmé avec des mots forts : « On ne bougera pas, il n’y aura pas de modification. Je suis très clair là-dessus. » Or il a fallu s’engager auprès de Bruxelles à faire des économies supplémentaires. Plus grave encore, seule la Slovénie a, comme la France, reçu des admonestations, lui rappelant qu’il fallait respecter ses engagements dans le cadre de l’Union européenne.

Or tout cela, on le voit bien, est la conséquence du fait que la France n’accomplit pas de réformes structurelles. La Commission nous a tout récemment accordé trois mois supplémentaires, trois mois pour mettre en place des réformes structurelles « propices à la croissance en vue d’améliorer la viabilité des finances publiques à moyen terme. » Faute de faire ces réformes structurelles – on l’a encore constaté ces dernières heures dans la presse à propos des retraites –, c’est la politique familiale qui a été touchée : vous savez tous ce qui a été fait concernant les allocations familiales, le quotient familial ou la revalorisation des retraites.

M. Maurice Leroy. C’est vrai !

M. Philippe Vigier. Par ailleurs, concernant la dépense publique, nous vous avons malheureusement alerté à plusieurs reprises, monsieur le secrétaire d’État, sur votre incapacité à la contenir. En 2013, vous nous aviez annoncé une baisse de 10 milliards d’euros de baisse de la dépense publique ; en réalité, mes chers collègues, elle a augmenté de 10 milliards d’euros ! En 2014, on nous dit que l’année sera extraordinaire parce qu’on fait des efforts formidables, comme jamais auparavant ! Or, sur les 15 milliards d’euros d’économies annoncés, seuls 1,5 ont été réalisés.

Plus récemment, dans le cadre du pacte de stabilité, vous avez annoncé les fameux 50 milliards d’euros d’économies. Pour notre part, nous n’exigeons pas 85 ou 130 milliards d’économies : faites déjà les 50 ! Mais vous n’y parviendrez pas : vous n’en ferez pas plus de 20 ou 22 milliards !

De plus, nous savons très bien que ce sont les collectivités territoriales qui feront la moitié de l’effort : elles seront asphyxiées et leurs investissements s’en trouveront naturellement très affectés !

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Philippe Vigier. Vous connaissez bien le contexte : les efforts demandés aux Français n’ont jamais été aussi importants depuis quelques années. Les prélèvements obligatoires atteignent près de 45 %, et compte tenu de tout ce qui a pu être fait pour aider les contribuables les plus faibles – ces 6 millions de personnes qui, certes, paieront moins d’impôts –, seuls 1,5 % de la population paieront la moitié de l’impôt ! Pour 2015, les impôts sur les ménages continueront d’augmenter, contrairement à l’engagement du Président de la République : cela signifie, monsieur le secrétaire d’État, que la parole publique est balayée ! Et quand elle est balayée, ce sont les extrêmes qui progressent !

Avec fermeté, nous vous disons que ce pacte de responsabilité et de solidarité arrive trop tard et n’est pas assez puissant. Le Président de la République a d’ailleurs dit lui-même qu’il faudrait supprimer le crédit d’impôt compétitivité emploi et mettre le paquet sur la baisse des charges pesant sur le coût du travail dans les entreprises.

Par ailleurs, je m’étonne que la France ne fasse pas preuve de beaucoup d’entrain pour faire adopter la taxe sur les transactions financières à Bruxelles, alors qu’ici même, vous aviez fait adopter un texte avant les autres pays européens.

Il y a pourtant deux bonnes nouvelles, qui toutefois ne relèvent pas de votre responsabilité : la baisse des taux d’intérêt, qui nous arrange bien pour boucler nos budgets, et la baisse du coût des matières premières.

Le groupe UDI ne cesse de vous rappeler, avec solennité et avec fermeté, que tant que les réformes structurelles ne seront pas faites, les déficits continueront d’augmenter et la croissance ne repartira pas – et ce n’est pas avec cette réforme territoriale, dont on voit bien malheureusement qu’elle n’apportera rien du tout, que la croissance sera au rendez-vous. Dans ce contexte, nous voterons contre ce projet de loi de finances pour 2015. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Maurice Leroy. Excellent !

M. le président. Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste.

Mme Eva Sas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la deuxième lecture du projet de loi de finances n’aura malheureusement pas modifié les équilibres de ce budget 2015, des équilibres dégradés qui portent les conséquences des orientations prises depuis le début de la législature.

Les options prises depuis le début du quinquennat sont claires : augmenter la fiscalité des ménages et contenir les dépenses publiques en espérant ainsi réduire les déficits ; alléger l’imposition des entreprises de manière inconditionnelle en espérant des créations d’emplois. Hélas, à mi-mandat, les résultats sont là : ni la réduction des déficits, ni les créations d’emplois ne sont au rendez-vous.

Vous faites, dans ce budget, ce qu’on appelle un « geste » en faveur des ménages, mais ce geste reste modeste. En effet, tandis que les entreprises se voient exonérer de 19,2 milliards d’euros, les ménages ne verront leurs prélèvements baisser que de 2,9 milliards.

Les entreprises vont en effet bénéficier d’exonérations complètes ou d’allégements de cotisations patronales pour 4,5 milliards d’euros ; s’y ajoutent la réduction de la contribution sociale de solidarité des sociétés pour 1 milliard et bien sûr le crédit d’impôt compétitivité pour 16,3 milliards d’euros en 2015.

Les ménages, quant à eux, ne bénéficieront que de la suppression de la première tranche d’impôt sur le revenu et de la décote pour 3,2 milliards, mesures auxquelles il faut ajouter quand même la transformation du crédit d’impôt « Développement durable » en crédit d’impôt « Transition énergétique » et l’éco-prêt à taux zéro, dont les crédits sont augmentés de 500 millions d’euros.

Cette stratégie donnant la priorité aux baisses d’impôt sur les entreprises, qui n’a hélas rien de moderne, ne prouve pas son efficacité, puisque ce sont près de 60 000 emplois qui ont été détruits dans le secteur marchand depuis un an.

Quant au déficit, alors que nous étions à 4,1 % du PIB en 2013, vos prévisions annoncent un solde public qui se dégrade, atteignant 4,4 % en 2014, puis 4,3 % pour 2015.

Alors, y-a-t-il une politique budgétaire alternative qui pourrait nous faire reprendre espoir ? Il est certain que ce n’est pas du côté de l’opposition que nous la trouverons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

En effet, les propositions de la majorité sénatoriale sur ce budget sont riches d’enseignement : baisse des crédits de l’aide médicale d’État, suppression du financement de 45 000 contrats aidés ou encore suppression de 9 500 postes d’enseignant dans l’éducation nationale. Sacrifier la santé publique, l’éducation, l’emploi : voilà le projet de l’opposition. Un projet qui ne répond en rien à ce qu’attendent les Français : une politique efficace en matière d’emploi, un chemin de sortie de crise qui leur permette d’espérer des lendemains meilleurs.

Alors que même la Commission européenne a pris conscience de la nécessité de relancer l’investissement, la France, elle, n’en prend toujours pas le chemin et ne propose d’ailleurs à la Commission, dans le cadre du plan Juncker, que de financer des projets déjà lancés.

Pas de priorité à l’investissement, ni de priorité à l’écologie puisque – faut-il le rappeler ? – l’écologie paie le plus lourd tribut à la politique de réduction des dépenses publiques, avec une baisse de 6 % des crédits pour 2015.

M. Jacques Myard. C’est encore trop !

Mme Eva Sas. Nous attendions de ce budget qu’il rompe avec la logique à l’œuvre depuis le début du quinquennat, qu’il donne priorité à l’investissement, à l’emploi, au pouvoir d’achat, à l’écologie. Rien de tout cela n’est malheureusement à l’ordre du jour, c’est pourquoi les écologistes s’abstiendront majoritairement sur ce texte, comme en première lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Paul Giacobbi. Notre groupe est partagé.

M. Jean Launay. Cela ne fait pas beaucoup…

M. Paul Giacobbi. Plus exactement, il aborde ce vote – je dois le dire avec regret, surtout à vous monsieur le secrétaire d’État – entre exaspération et responsabilité.

À deux reprises, deux de nos amendements ont été adoptés par l’Assemblée nationale, assez largement d’ailleurs. Ils n’étaient pas démagogiques, ils ne pesaient même pas d’un centime sur le budget de l’État : ils se bornaient à desserrer le carcan de la ressource fiscale des chambres de commerce et d’industrie, pour permettre essentiellement aux petites chambres rurales de survivre.

Ces amendements, adoptés à deux reprises par cette Assemblée, lors des deux lectures, ont été rejetés à la suite des demandes réitérées de seconde délibération par le Gouvernement, bien qu’il y ait eu entre-temps une sorte de conciliation.

Notre groupe, vous le comprendrez, accepte difficilement cette manière de faire, assez rare, assez peu démocratique : il nous semblait pouvoir échapper, compte tenu de notre loyauté sans faille, à un comportement, je dois le dire, caporaliste, pour ne pas dire volontairement humiliant.

Notre groupe a longtemps débattu de l’attitude à adopter. Plusieurs d’entre nous, qui auraient voté pour, voteront contre, s’abstiendront ou ne participeront pas au vote. La majorité d’entre nous – votre serviteur le premier – sont tout aussi offusqués, mais, tout en comprenant la réaction de nos collègues, font prévaloir un sens de la loyauté et de la responsabilité à l’égard du Gouvernement d’autant plus méritoire qu’il est, à l’évidence, unilatéral.

Sur le fond, je dois rappeler, une fois encore, qu’en vertu d’un étrange paradoxe, nous débattons, selon la procédure parlementaire, du détail budgétaire, tandis que les autorités monétaires, hors de toute légitimité démocratique, prennent des décisions d’une tout autre portée, qualitative et quantitative, pour l’économie européenne.

Car enfin, notre débat budgétaire, même s’il passionne certains d’entre nous et porte sur la loi de finances de l’année à venir, se résume au plus à des arbitrages qui portent au total sur quelques milliards d’euros, peut-être une ou deux dizaines de milliards d’euros – et encore.

L’Union européenne nous parle d’un plan de relance de 350 milliards d’euros, plan optique, principalement sous forme de prêts, avec un impact budgétaire réel sans doute infiniment plus faible que la valeur affichée. La Banque centrale européenne prend des décisions, à la fois qualitatives et quantitatives, qui représentent des centaines, voire des milliers de milliards d’euros de crédits, de facto, automatiquement renouvelables, mis à la disposition du système bancaire pour un coût proche de zéro.

Nous débattons en public, avec la légitimité démocratique qui est la nôtre, tandis que la BCE débat en secret jusqu’à ce jour, même si elle a décidé de publier, à compter du 1er janvier 2015, les minutes du débat de son Conseil des gouverneurs, ce que fait son homologue aux États-Unis, la Fed, depuis des décennies.

Autrefois, battre monnaie était le privilège des princes, tandis que le consentement à l’impôt a fait naître les parlements.

Il est troublant de constater, après deux siècles de vie parlementaire et démocratique, que l’Europe a confié à des banquiers, publics mais indépendants, le privilège de diriger et d’organiser la création monétaire, tandis que les parlements n’interviennent guère plus qu’à la marge dans le cadre de la procédure budgétaire.

Le Gouvernement dispose de bien peu de marge de manœuvre budgétaire, vous le savez parfaitement, monsieur le secrétaire d’État. Il agit en responsabilité dans un cadre européen qui associe paradoxalement la plus extrême rigueur budgétaire à un laxisme monétaire sans précédent dans l’histoire. Votre Gouvernement ne peut guère échapper à cette contrainte.

Sur le plan politique, vous ne disposez que d’une faible marge de manœuvre, ici et maintenant. Il vous serait possible d’élargir, ou au moins de maintenir cette marge. Vous semblez vouloir tout faire pour la réduire. J’avoue ne pas comprendre.

Néanmoins, une majorité du groupe RRDP votera pour cette loi de finances (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe UMP), moins nombreuse qu’en première lecture, mais toujours au nom de la loyauté et de la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. François Rochebloine. Au nom de la loyauté !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Au terme de l’examen du projet de loi de programmation pour les années 2014-2019 et du projet de loi de finances pour 2015, un constat s’impose : dans le long et périlleux virage du néolibéralisme entamé dès la prise de fonctions du Président Hollande, vous aviez accéléré pied au plancher avec l’adoption du CICE – cadeau de la collectivité aux entreprises, sans contrepartie, conduisant inéluctablement à l’échec.

Aujourd’hui, vous amplifiez ce qui a échoué, en franchissant une nouvelle étape : de nouvelles coupes franches dans le budget de l’État sont proposées, assorties d’une baisse inédite de la dotation aux collectivités territoriales, à hauteur de 3,7 milliards d’euros. Ce sont pourtant ces collectivités qui réalisent plus de 60 % de l’investissement public. L’impact de cette baisse sera dramatique pour l’économie et l’emploi local. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Désormais, le projet de votre quinquennat, c’est le redressement : le redressement sans la justice !

Un seul exemple : comment ne pas s’indigner des mesures contenues dans ce projet de loi de finances en matière de construction et de logements ? Les reconfigurations de l’avantage fiscal accordé par le dispositif Duflot, désormais intitulé « Pinel », vont clairement favoriser l’hyper-concentration du patrimoine et renforcer la reproduction des inégalités de patrimoine. N’est-il pas scandaleux de voir de telles mesures mises en place par un Gouvernement qui se dit de gauche ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Les inégalités coûtent pourtant cher en croissance, comme l’a récemment montré une étude réalisée par l’OCDE ; une étude qui montre par ailleurs que les inégalités ont augmenté dans notre pays depuis l’éclatement de la crise.

Monsieur le secrétaire d’État, la sortie de route n’a jamais été aussi proche : chômage massif, précarité accrue, injustices grandissantes, avec des riches toujours plus riches et des pauvres plus pauvres.

Quel sentiment de gâchis ! Quelle déception pour tous ces citoyens qui vous soutenaient, aujourd’hui floués, trahis par votre renoncement face aux grandes forces de l’argent et la toute-puissance financière.

Mesdames et messieurs les députés, 2015 sera aussi l’année de la loi Macron. Permettez-moi de vous dire qu’on brasse très large avec ce projet de loi. Véritable fourre-tout, il tend à libéraliser à l’anglo-saxonne les professions réglementées, à élargir le recours au travail du dimanche, à privatiser des bijoux de famille de l’État, ou encore à déréglementer le transport par autocar plutôt que de réguler les prix du train.

Quelle est la cohérence d’un tel projet de loi ? Beaucoup se demandent, sur ces bancs, s’il y en a une. En réalité, cette cohérence existe bel et bien : dans le prolongement de ce projet de loi de finances, la loi Macron s’inscrit entièrement dans la soumission de notre pays aux injonctions de réformes structurelles réclamées par la Commission, par le Conseil européen, par l’Allemagne d’Angela Merkel, par le FMI et plus généralement par la finance, devant laquelle le Gouvernement se plie, plutôt que de la combattre.

C’est tout simplement la cohérence du seul chemin possible, pour les défenseurs de la doxa : la déréglementation de l’ensemble des marchés, en particulier celui du travail, et le détricotage des liens de solidarité entre les citoyens.

Ce n’est malheureusement pas la première fois qu’un gouvernement socialiste accompagne ou renforce de grands mouvements de dérégulation. On avait vu cela dans la deuxième moitié des années 80, avec la déréglementation massive des marchés financiers. On en connaît les conséquences.

Et pourtant, une fois encore, avec ce projet de loi, le Premier ministre ose parler de « redressement du pays dans la justice sociale ».

Mais comment pouvez-vous parler de justice sociale quand, d’un côté, vous entendez brader les droits des salariés avec le projet de loi Macron et, de l’autre, vous vous comportez en véritables gardiens du temple de la finance française ?

C’est ce que vous avez fait en tuant dans l’œuf toutes les récentes initiatives européennes en matière de régulation financière, que ce soit sur la séparation des activités bancaires, inopérante aujourd’hui en France, ou sur la taxe sur les transactions financières, que vous avez sacrifiée la semaine dernière à Bruxelles.

La situation dans notre pays est bien trop délicate, à l’heure actuelle, pour soutenir des orientations économiques et financières qui ne feront que l’aggraver. Pour toutes ces raisons, les députés du Front de gauche, tous les députés du Front de gauche, se prononceront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de finances pour 2015.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants533
Nombre de suffrages exprimés479
Majorité absolue240
Pour l’adoption257
contre222

(Le projet de loi est adopté.)

4

Projet de loi de finances rectificative pour 2014

-

Programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019

Nouvelle lecture - Discussion commune

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2014 (nos 2455, 2460) et de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 (nos 2350, 2449).

La Conférence des présidents a décidé que ces textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Présentation commune

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le président, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances, mesdames et messieurs les députés, après l’examen du projet de loi de finances, la semaine dernière, l’Assemblée nationale est réunie aujourd’hui pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi de finances rectificative pour 2014 ainsi que le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Je rappellerai brièvement les grandes orientations de ces deux textes.

Le projet de loi de finances rectificative, tout d’abord, comprend deux volets.

Le volet budgétaire, qui a pour objet de mettre en œuvre, avec le décret d’avance publié au début du mois de décembre, un ensemble d’ouvertures et d’annulations de crédits destiné à assurer le respect de la norme de dépense de l’État pour 2014, soit 276,9 milliards d’euros de dépenses hors charges de la dette et pensions.

Je rappelle qu’après le vote de la loi de finances rectificative de cet été, il s’agit de respecter ainsi une diminution de 3,1 milliards d’euros de la dépense sous norme par rapport à l’exécution 2013.

C’est une baisse en valeur qui n’a pas d’équivalent dans les années récentes et qui nécessite un effort de l’ensemble des ministères : le schéma proposé par le Gouvernement a été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture ainsi que par le Sénat et puisqu’aujourd’hui il n’y a pas d’amendement parlementaire à l’ état B, j’ai bon espoir qu’il le soit également en nouvelle lecture.

Le projet de loi de finances rectificative contient également un volet fiscal organisé autour de trois objectifs.

Le premier est la lutte contre la fraude fiscale avec notamment des mesures spécifiques sur la fraude à la TVA.

Le deuxième objectif est de faciliter l’accès au logement dans les zones tendues – c’est tout l’objet des majorations de taxe d’habitation sur les résidences secondaires et de taxe foncière sur les terrains constructibles, ces deux mesures s’appliquant uniquement en zones tendues pour y soutenir l’offre de logements.

Enfin, le troisième objectif est l’amélioration des conditions de vie des ménages les plus modestes : ce projet de loi engage la première étape de la réforme des aides aux travailleurs modestes avec la suppression de la prime pour l’emploi, la PPE, au 1er janvier 2016.

La PPE et le RSA activité actuels seront remplacés en 2016 par une nouvelle aide dont j’ai précisé les contours en première lecture.

Ce projet de loi de finances rectificative a également été le vecteur de plusieurs mesures qui auront un impact budgétaire en 2015 et qui contribuent à hauteur de 3,6 milliards d’euros au plan que j’ai détaillé vendredi dernier lors de la nouvelle lecture du PLF 2015.

Plusieurs d’entre elles étaient prévues par le projet de loi : ce sont les mesures en faveur du logement et contre la fraude à la TVA – que j’ai déjà mentionnées – ainsi que les mesures de non-déductibilité à l’impôt sur les sociétés.

Leur rendement total en 2015 est évalué à 800 millions d’euros.

Ces mesures ont été complétées par des amendements sur les prix de transfert, sur les conditions d’application du régime mères-filles et sur la taxe sur les surfaces commerciales dont le taux applicable aux seuls hypermarchés a été relevé : un produit de 550 millions d’euros est attendu en 2015 suite à l’ensemble de ces mesures.

Ce plan de 3,6 milliards d’euros a un impact sur 2015 mais, également, par effet base, sur l’ensemble de la période couverte par le projet de loi de programmation des finances publiques également examiné aujourd’hui : cette trajectoire doit donc être actualisée.

Elle l’a été en grande partie par votre commission des finances et le Gouvernement vous proposera d’ajuster modestement les quelques articles encore à modifier.

Les prévisions de déficit sont donc revues à la baisse par rapport au texte initial, à 4,1 % du PIB en 2015 et 2,7 % en 2017.

Cet ajustement est relativement limité et reste totalement cohérent avec les grandes lignes de la politique budgétaire proposée dès le stade du projet de loi ainsi qu’avec la trajectoire macro-économique.

Je conclurai en soulignant l’importance des règles de gouvernance prévues par le projet de loi de programmation des finances publiques et qui ont été enrichies par plusieurs amendements proposés par votre Assemblée ainsi que par le Sénat.

Ces règles sont indispensables pour donner des moyens tant au Gouvernement qu’au Parlement pour assurer le respect des objectifs budgétaires fixés par la loi.

C’est, par exemple, l’objectif d’évolution de la dépense locale, qui sera suivi par les commissions des finances et par le comité des finances locales et détaillé par niveau de collectivités à partir de 2016.

C’est aussi la règle d’encadrement des partenariats publics-privés, introduite à l’initiative de Dominique Lefebvre, qui constituera un puissant garde-fou contre une utilisation mal avisée de ces contrats particulièrement complexes.

C’est aussi la revue des dépenses, qui renouvellera profondément la procédure budgétaire en la fondant sur des analyses de fond des politiques publiques et en y associant la représentation nationale.

Sur ce dernier point, le Gouvernement souhaite engager le processus dès les prochaines semaines, par anticipation par rapport au calendrier d’application de la loi de programmation.

Une liste complète des thèmes proposés pour 2015 sera transmise à votre commission des finances au mois de janvier et les résultats des travaux seront disponibles à la fin du mois de mars ou au début du mois d’avril afin de contribuer à la préparation du débat budgétaire pour 2016.

D’ores et déjà, je puis vous indiquer que nous prévoyons de travailler sur certains aspects de la politique du logement mais, aussi, sur le patrimoine immobilier des caisses de Sécurité sociale et sur le financement des "dispositifs médicaux" par l’assurance maladie, sur les aides à l’innovation, sur les frais de justice ou, encore, sur l’analyse en profondeur de certaines normes coûteuses pour les collectivités locales, ce qui répondra à une attente légitime des élus – je la connais bien – et contribuera à clarifier le débat sur les finances locales.

Sur chacun de ces thèmes – la liste pourra être complétée en janvier – nous souhaitons initier un dialogue fructueux avec le Parlement et réfléchir en profondeur aux économies possibles.

Il faut donc aller vite et donner toute sa portée à cette loi de programmation, texte plus technique que d’autres mais qui sera notre référence pour plusieurs années.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, cette nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative et du projet de loi de programmation des finances publiques confirme le constat établi au moment de la nouvelle lecture du PLF : deux mois de discussions budgétaires au Parlement devraient conduire à améliorer nos prévisions de déficit public pour 2015 et pour les années à venir.

C’est un signe clair de l’engagement de la majorité et du Gouvernement en faveur de l’assainissement des finances et je crois que nous pouvons tous nous réjouir de ce constat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner deux textes en nouvelle lecture : le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ainsi que le projet de loi de finances rectificative pour 2014.

Le projet de loi de programmation tel que rédigé par le Gouvernement – par quoi je commencerai – comportait initialement trente articles et un rapport annexé. Notre Assemblée l’a adopté le 21 octobre dernier en modifiant neuf articles et en en ajoutant deux.

Le 6 novembre dernier, mes chers collègues, le Sénat a adopté un projet de loi de programmation… sans programmation.

En effet, seuls six articles ont été adoptés dans la même rédaction que celle de notre Assemblée nationale et onze ont été supprimés, dont l’ensemble des articles fixant les objectifs généraux des finances publiques de 2014 à 2019 – c’est donc un texte un peu contradictoire avec la loi organique du 17 décembre 2012, qui visait à ne proposer aucun objectif chiffré.

Tout naturellement, la CMP qui s’est réunie autour de ce texte le 11 décembre dernier a conclu à l’échec de ses travaux. Il nous revient donc d’examiner à nouveau le projet de loi de programmation dans le texte de la commission des finances, qui s’est réunie dans l’après-midi du jeudi 11 décembre.

La commission, monsieur le secrétaire d’État, a tout de même adopté dix articles dans la même rédaction que celle du Sénat.

Cependant, elle a particulièrement souhaité rétablir l’ensemble de la programmation et l’a modifiée afin de tenir compte de l’effort supplémentaire proposé par le Gouvernement de 3,6 milliards d’euros pour 2015 et de ses répercussions sur les années suivantes.

C’est ainsi que de nouvelles trajectoires de solde et d’effort structurels, de taux de prélèvements obligatoires et de taux de dépenses publiques ont été adoptées.

Le Gouvernement, me semble-t-il, devrait par ailleurs présenter des corrections afin de tenir compte des derniers votes intervenus pour le PLF 2015 et le PLFR 2014.

Ce texte, monsieur le secrétaire d’État, concerne également la gouvernance des finances publiques. Dans le texte initial, le Gouvernement a proposé un certain nombre de projets pour l’améliorer, de même que le pilotage des finances publiques. Nous les avons tous adoptés.

Notre commission et notre Assemblée ont néanmoins souhaité ajouter un article concernant la publication des dotations reçues par l’ensemble des communes de France, qu’il s’agisse des dotations de péréquation ou de la DGF.

Ce point nous paraît extrêmement important puisque, dans le cadre des efforts de transparence accomplis par le Gouvernement et notre majorité, nous souhaitons que les citoyens, les communes et les communautés de communes puissent se saisir de ces données afin de mieux comprendre la manière dont les dotations de l’État, à défaut d’être calculées par ces derniers, sont en tout cas perçues.

C’est le seul ajout de notre Assemblée quant à la gouvernance mais nous y tenons beaucoup.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2014, quant à lui, est passé de 35 articles lors de son adoption par le conseil des ministres à 105 – petite inflation ! – à la suite de son examen en première lecture par notre Assemblée.

Nous avons en effet ajouté 69 articles à ce PLFR, dont 34 – il faut le reconnaître – sont directement issus d’amendements du Gouvernement, qui a donc eu sa part de responsabilité dans l’inflation constatée.

Je regrette parfois que certains d’entre eux aient été déposés un peu tardivement, ce qui n’a peut-être pas permis d’avoir un débat aussi fructueux qu’il aurait pu l’être si nous avions eu le temps de les étudier.

Le Sénat a adopté 63 articles dans la même rédaction que celle de l’Assemblée nationale, en a supprimé quatre et en a ajouté seize.

La commission mixte paritaire qui s’est réunie hier a conclu à l’échec de ses travaux.

En effet, le présent PLFR présentait deux objectifs : assurer la fin de gestion de l’année en cours – comme il est de tradition pour un PLFR – mais, aussi, corriger la trajectoire de solde pour le prochain exercice pour faire passer le déficit nominal de 4,3 % à 4,1 % du PIB.

Or, le texte du Sénat conduisait à ne pas respecter le second objectif.

En effet, les modifications apportées prévoyaient, à l’article 14, la non-déductibilité de certaines taxes, notamment, celle concernant les établissements bancaires, ainsi que la suppression de l’article prévoyant une taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM.

Pour autant, la commission des finances a souhaité conserver une cinquantaine d’articles adoptés par le Sénat, qui s’inscrivent dans les propres priorités de la majorité de l’Assemblée nationale.

L’examen de ces deux projets en nouvelle lecture boucle ainsi l’examen d’une série de textes financiers qui, je crois, permettent d’atteindre notre triple objectif : soutenir les efforts d’investissement des entreprises, soutenir le pouvoir d’achat des ménages et, enfin, redresser nos comptes publics, mais à un rythme adapté, afin de ne pas anéantir les deux premiers objectifs.

Je vous invite donc à les adopter à la suite de la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le principal enseignement de ce « collectif » de fin d’année est la forte dégradation du déficit budgétaire – notamment si on le compare avec l’exécution de 2013 puisqu’il s’est accru de 13 milliards.

Si nous en sommes arrivés là, c’est malheureusement du fait d’une très forte érosion des recettes, même si je reconnais bien volontiers que la dépense publique a été tenue. Ce dérapage très important du déficit en 2014, qui est un très mauvais résultat, nous fait perdre en crédibilité vis-à-vis de l’Europe. Il ne faut donc pas s’étonner que la Commission européenne ait réagi en nous demandant des efforts supplémentaires. Mais le Gouvernement a été tellement pris par surprise lorsque la Commission lui a demandé de faire des économies supplémentaires – les fameux 3,6 milliards d’euros – qu’il a inscrit dans ce collectif budgétaire des mesures qui sont totalement improvisées, et surtout inappropriées, comme nous le verrons dans un instant, à l’occasion de la discussion des articles.

S’agissant des dépenses, il est vrai, monsieur le secrétaire d’État – et je suis le premier à le reconnaître – que l’évolution de la dépense publique a connu un ralentissement en 2014, puisque celle-ci n’augmente que de 16 milliards d’euros, alors que son rythme de croissance, au cours des dix dernières années, était plutôt de l’ordre de 30 milliards par an.

Néanmoins, deux constats s’imposent lorsqu’on y regarde de plus près. Le premier, c’est que ce ralentissement de l’augmentation de la dépense publique tient à des circonstances favorables, qui sont indépendantes des décisions du Gouvernement : je songe en particulier de la baisse considérable des taux d’intérêt…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Et notre politique n’y est pour rien, naturellement ? Si c’était le contraire, qu’est-ce qu’on entendrait !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …grâce à laquelle nous faisons une économie de constat de plusieurs milliards d’euros en 2014. Ce sont là des économies importantes, qui font plus que compenser l’augmentation du déficit, et donc de la dette.

Le deuxième constat, monsieur le secrétaire d’État, c’est que les décisions que vous avez prises en vue de réduire la dépense publique hypothèquent l’avenir de notre pays. Je prendrai un seul exemple, celui des dérapages très importants constatés sur les guichets sociaux. Sur les seuls guichets sociaux liés à l’immigration irrégulière, à savoir l’aide médicale d’État, les centres d’hébergement d’urgence et l’allocation temporaire d’attente liée à l’asile, ce dérapage avoisine les 600 millions d’euros. Et que fait-on pour compenser ce dépassement ? On annule près de 300 millions de crédits de paiement sur l’enseignement supérieur et la recherche, ce qui est quand même dommage, et l’on réduit les dépenses d’investissement du ministère de la défense, même si l’on appelle au secours le programme d’investissement d’avenir à hauteur de 500 millions d’euros.

Mme Marie-Christine Dalloz. Absolument !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le Gouvernement en est donc réduit, pour faire face au dérapage de ses dépenses – je songe aussi au dérapage de 500 millions d’euros sur la masse salariale, notamment à l’éducation nationale, qui est très préoccupant – à sacrifier des dépenses d’investissement et de recherche.

Je voudrais à présent dire un mot des recettes, car c’est en ce domaine que la dégradation est la plus forte. Nous enregistrons en effet, sur les recettes, 11 milliards de moins-value par rapport à la prévision initiale, après les 15 milliards de moins-value enregistrés en 2013. Or plus de la moitié de cette moins-value s’explique par le seul impôt sur le revenu.

Je vous remercie à ce propos, monsieur le secrétaire d’État, de m’avoir apporté rapidement des éléments de réponse sur ce sujet, qui nous préoccupe beaucoup, la rapporteure générale et moi-même. Vous avez énuméré plusieurs des causes de cette hémorragie de 6 milliards d’euros : l’effet base de 2013, une croissance spontanée inférieure à la prévision de croissance un peu trop optimiste faite en début d’année, et la baisse forfaitaire de 1,3 milliard d’euros décidée dans le collectif budgétaire de juillet dernier.

Mais cela n’explique pas tout : il reste 3 milliards d’euros, qui s’expliquent notamment – et vous le reconnaissez vous-mêmes – par les revenus des capitaux mobiliers, d’une part, et par les bénéfices industriels et commerciaux – BIC – et les bénéfices non commerciaux – BNC – d’autre part. Or ce phénomène est très inquiétant, car les capitaux mobiliers, qui sont extrêmement mobiles, sont aujourd’hui soumis à une fiscalité qui est devenue confiscatoire : de tous les pays européens, c’est en France qu’elle est la plus élevée, avec un taux marginal à 65 %, prélèvements sociaux compris. Je peux donc vous prédire ce soir que nous constaterons en 2015 la même hémorragie de nos recettes qu’en 2014.

S’agissant des BIC et des BNC, je pense qu’est en train de s’affirmer un comportement d’évitement de l’impôt, ou plus exactement d’adaptation de l’activité de ces professions indépendantes au degré de ponction fiscale qu’elles jugent excessif. Il importe donc, sur ces deux sujets, de regarder les choses de près.

Je vous demande à nouveau, monsieur le secrétaire d’État – et j’y reviens, car il s’agit d’un point très important – de nous fournir, dès le printemps prochain, des statistiques sur les délocalisations qui se sont produites en 2013, à partir de l’exit tax, de l’impôt de solidarité sur la fortune et de l’impôt sur le revenu. Il me revient en effet de toutes parts que le départ de gros contribuables a connu une accélération en 2013, or celui-ci peut se chiffrer en centaines de millions, voire en milliards d’euros.

Pour terminer, je voudrais adresser quelques remerciements, tout d’abord à la rapporteure générale (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC) que je félicite de l’esprit constructif avec lequel elle a travaillé avec nos collègues du Sénat.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Merci, monsieur le président.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Au cours de la commission mixte paritaire qui s’est réunie hier matin, nous avons pu discuter de façon sereine et progresser – une cinquantaine d’articles vont d’ailleurs être repris au cours de la discussion – et je dois dire que notre rapporteure générale a joué un rôle très positif dans tout cela. Je tiens donc à l’en remercier à cette tribune.

M. Charles de Courson. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Puisque c’est l’une de mes dernières interventions, si ce n’est la dernière, avant la trêve de Noël, je tiens également à remercier le service de la séance et les différents présidents qui ont présidé nos séances, notamment toutes les séances de nuit, au cours desquelles nous avons examiné, presque sans interruption depuis quelques semaines, la loi de programmation, le projet de loi de finances, puis ce collectif budgétaire.

Je remercie tous nos administrateurs et nos collaborateurs de la commission des finances, ainsi, enfin, que le secrétaire d’État et ses collaborateurs, pour la manière dont les débats se sont déroulés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Discussion générale commune

M. le président. Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture le dernier projet de loi de finances rectificative pour 2014, qui a été profondément amélioré par nos collègues sénateurs, et ce, contre l’avis du Gouvernement, cela va de soi. Le Sénat, monsieur le secrétaire d’État, a joué pleinement et parfaitement son rôle d’opposition sur ce texte.

La majorité sénatoriale a souhaité remanier largement ce projet de loi de finances rectificative, ce qui démontre, s’il en était encore besoin, que la politique que vous menez ne va pas dans le bon sens. Témoignent de votre échec la baisse drastique des recettes attendues – il manque 6 milliards d’euros pour le seul impôt sur le revenu des personnes physiques, ce qui est colossal ! –, tout comme l’explosion des dépenses de guichets et de la masse salariale de l’État, bien supérieure à ce qui était inscrit dans la loi de finances initiale. Tout cela démontre votre incapacité à tenir les dépenses, comme vous vous y étiez pourtant engagé en projet de loi de finances initiale. Mais le signe le plus patent de votre échec, c’est la baisse des dépenses d’investissement. Alors que ces dépenses créeront les emplois et la croissance de demain, vous rognez sur elles, comme à chaque fois.

Permettez-moi à présent de revenir, avec un certain enthousiasme, je dois bien le dire, sur les dispositions adoptées par le Sénat. Celui-ci a supprimé l’article 13 bis, qui avait été introduit pars l’Assemblée nationale, et qui met fin à l’exonération d’impôt sur les sociétés dont bénéficient les sociétés d’investissement professionnelles spécialisées. Selon le rapporteur général du Sénat, cet article a fait l’objet d’une concertation insuffisante et pose une série de problèmes non réglés.

Le Sénat est également revenu sur la non-déductibilité de la taxe systémique et de la taxe sur les bureaux en Île-de-France. En revanche, la non-déductibilité pour la contribution au fonds de résolution unique et pour la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d’assurances est conservée. La non-déductibilité de la taxe systémique est un mauvais coup que vous portez au système bancaire français, monsieur le secrétaire d’État, puisque celui-ci sera en quelque sorte soumis à une double peine. En effet, les banques seront encore soumises pendant deux ans à la taxe systémique, qui ne va pas à un fonds dédié, mais au budget de l’État, alors qu’on les empêche de déduire cette somme de leur résultat final, et elles vont par ailleurs devoir financer le fonds de résolution unique.

Troisièmement, le Sénat a décidé d’instaurer une majoration facultative – je dis bien « facultative » – de la valeur locative utilisée dans le calcul de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les terrains constructibles situés en zone tendue. Cet amendement du rapporteur général donne aux communes la faculté de moduler cette augmentation, en transformant la majoration imposée en un maximum. Il autorise par ailleurs les communes à délibérer jusqu’au 28 février 2015 pour instituer cette majoration au titre de l’année 2015.

Quatrièmement, le Sénat a décidé de supprimer l’article 20 nonies, adopté à l’Assemblée nationale, qui instaurait une majoration de 50 % de la taxe sur les surfaces commerciales – la fameuse Tascom – pour les grandes surfaces, supérieures à 2500 mètres carrés. Les sénateurs ont dénoncé une majoration qui alimentera, non pas les caisses des collectivités locales, mais celles de l’État. Alors que Mme la rapporteure générale a rappelé tout à l’heure combien il est nécessaire d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages, c’est sur les consommateurs que va peser cette mesure. Vous portez donc à nouveau atteinte au pouvoir d’achat des Français avec cette augmentation de 50 % de la Tascom.

Les sénateurs ont instauré un mécanisme d’amortissement exceptionnel sur vingt-quatre mois pour l’investissement des PME dans les matériels et outillages de production. Seront éligibles à ce dispositif les investissements réalisés entre le 1er décembre 2014 et le 1er décembre 2016.

Ils ont également mis en place une procédure d’information systématique du Parlement avant le dépôt de chaque candidature française à l’accueil d’une compétition sportive internationale relevant du régime fiscal favorable prévu par l’article 24.

Ils ont supprimé l’article 30 terdecies, qui soumettait, à compter de 2015, les sociétés d’autoroutes au mécanisme de plafonnement de la déductibilité des charges financières.

Enfin, les sénateurs ont décidé de supprimer les conditions d’emploi et de nombre d’associés ou actionnaires pour l’ensemble des holdings, exigées pour bénéficier des réductions d’impôt sur le revenu et d’impôt de solidarité sur la fortune au titre des souscriptions au capital de PME.

J’ai l’espoir – peut-être vain, monsieur le secrétaire d’État – que la majorité tiendra compte de ces avancées et ne les remettra pas systématiquement en cause, sous le seul prétexte qu’elles émanent de l’opposition actuelle.

Monsieur le secrétaire d’État, ce projet de loi de finances rectificative comportait, avant son passage au Sénat, trop de nouvelles mesures, trop de taxes néfastes et coûteuses. Malgré les promesses réitérées du Président de la République, du ministre de l’économie et de vous-même, de procéder à une véritable pause fiscale pour l’ensemble des contribuables français, ce texte comporte encore trop de nouvelles mesures fiscales : alourdissement de la fiscalité des banques, alourdissement de la fiscalité des entreprises, hausse de la taxe d’habitation, majoration de la taxe sur les surfaces commerciales, mise en place du passe Navigo à tarif unique, modification du calcul de la fiscalité du tabac. Le Sénat est fort heureusement venu corriger cette overdose.

Selon le ministre des finances et des comptes publics, M. Michel Sapin, le projet de loi de finances rectificative est un exercice qui procède à des ajustements classiques. Considérez-vous, monsieur le secrétaire d’État, que les mesures que je viens d’énumérer sont à la marge et infimes ? Ce projet de loi de finances rectificative ne mérite pas d’être considéré comme un exercice purement formel. Il est plutôt un moment de vérité, qui entérine, hélas, un nouveau dérapage du déficit de l’État, qui atteindra, comme chacun sait, 88,2 milliards d’euros à la fin de l’année 2014, soit 13 milliards de plus qu’en 2013. Cette dégradation est édifiante !

En maintenant des ratios et des taux de croissance surévalués, vous banalisez une forme d’insincérité des lois de finances. Vous laissez filer les déficits, vous renoncez à vos engagements européens : en réalité, vous banalisez vos échecs.

Naturellement, monsieur le secrétaire d’État, vous assumez pleinement ces échecs, et vous offrez de la France, à la face du monde, l’image d’un pays surendetté et incapable de s’adapter aux enjeux internationaux.

Les faits sont là : votre amateurisme menace même l’équilibre de la zone euro. Vos marchandages et rabotages ne donnent aucun sens ni ne fixent aucun cap à votre politique budgétaire et fiscale. Le Sénat a fort heureusement corrigé vos erreurs et vos échecs ; les modifications qu’il a apportées améliorent sensiblement ce projet de budget rectificatif. J’ose espérer que nous pourrons maintenir certaines de ces modifications opérées par le Sénat.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce collectif, qui clôt l’année 2014, signe indiscutablement l’échec de la politique budgétaire soutenue par votre majorité. Celle-ci a privilégié les choix de court terme aux réformes d’ampleur, et la hausse massive des prélèvements obligatoires aux économies sur la dépense publique.

Premier point : tous les indicateurs sont au rouge. La dette publique explose : elle représentera 95,1 % du PIB dès 2015, et vous prévoyez même qu’elle atteindra 98 % en 2016. Selon la Commission européenne, elle frôlera les 100 % dès 2016. L’objectif de réduction des déficits publics à 3 % en 2013, promis par François Hollande lors de sa campagne – c’était son engagement n9 – a été repoussé à 2017. Et pour 2014, le déficit, loin d’être réduit, repart à la hausse, à 4,4 % – peut-être 4,3 % – après 4,1 % en 2013 !

Quant à la croissance, elle demeure extrêmement faible. À votre arrivée au pouvoir, vous tabliez sur 2 % par an pour la période 2014 à 2017 : au nom du groupe UDI, je n’ai cessé de vous dire que le taux de croissance potentielle à long terme de la France est à peine de 1 %. Il n’y a pas besoin de réaliser des études sophistiquées pour constater que l’investissement ne repart pas à la hausse. Le taux d’investissement, en France, est de l’ordre de 16 %. Les économistes, depuis des années, savent que le coefficient de capital, dans nos économies, est d’environ 4, or pour maintenir le potentiel de production, il faudrait que ce rapport soit égal à 11. Si le taux d’investissement en France est de 16 %, notre économie ne pourra donc guère croître de plus de 1 % !

Nous avons toujours dénoncé – y compris, monsieur le secrétaire d’État, quand nous étions dans la majorité – ces prévisions de croissance surévaluées, qui emportent des conséquences désastreuses. Les budgets sont insincères : les prévisions de recettes sont surévaluées, certaines dépenses sont sous-évaluées. Les prévisions de déficits sont irréalistes, ce qui ne fait qu’aggraver la situation et pousse à différer les mesures indispensables. La Cour des comptes l’a d’ailleurs déploré à l’occasion de la loi de règlement pour 2013.

Deuxième point : incapable de sortir de la crise, la France est devenue l’un des mauvais élèves de la zone euro.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ça, c’est sûr !

M. Charles de Courson. Cette situation est lourde de dangers pour notre pays et pour l’Europe.

Bruxelles a placé la France sous surveillance renforcée en mars 2014, et le Haut conseil des finances publiques a déclenché le mécanisme de correction en juin 2013. Loin de prendre des mesures courageuses pour respecter les objectifs fixés en accord avec la Commission européenne, le Gouvernement a fait le choix de les différer, sans concertation préalable avec nos partenaires européens. La nouvelle loi de programmation des finances publiques consacre une trajectoire bien moins ambitieuse, qui renie d’ailleurs tous nos engagements européens. Aussi, craignant un « manquement grave » – au sens des traités européens – de la France à son engagement de réduction du déficit budgétaire, la Commission européenne a demandé que des mesures supplémentaires soient prises dès 2015, sous peine d’opposer un avis défavorable au projet de budget. C’est pourquoi le Gouvernement a dû présenter en urgence 3,6 milliards d’euros d’économies supplémentaires.

Ces dernières ne proviennent pas – nous le déplorons – de réformes structurelles. Elles sont au mieux des économies de constatation, pour ce qui concerne les intérêts de la dette. Elles sont également – nous le dénonçons – le produit de nouvelles taxes, malgré la promesse de « pause fiscale » maintes fois renouvelée par le Président de la République. Il semble que cette promesse ne sera tenue qu’à compter du 1er janvier 2015. Ces économies auront seulement permis au Gouvernement de gagner quelques mois, puisque fin novembre, Bruxelles a décidé d’accorder jusqu’à mars 2015 à la France pour présenter des réformes structurelles « propices à la croissance en vue d’améliorer la viabilité des finances publiques à moyen terme ».

Ces réformes structurelles, que nous appelons de nos vœux depuis deux ans et demi, ne doivent plus être repoussées. Le projet de loi Macron, qui est une sorte de patchwork législatif, ne constitue pas en lui-même une réforme structurelle : ce ne sont que des petits aménagements, pour faire croire à une réforme structurelle ! Au-delà des exigences de Bruxelles, des réformes courageuses et profondes doivent être menées pour préparer l’avenir de notre pays, pour lutter contre l’aggravation de la dette et des déficits, et pour favoriser le retour de la croissance.

La réforme de l’État et des collectivités territoriales, la réforme de la protection sociale et de la santé, la réforme du paritarisme, la transition écologique, la valorisation de la ressource humaine de notre nation sont autant de chantiers qu’il est urgent de lancer et sur lesquels vous piétinez. Il faut le répéter : sans ces réformes structurelles, il sera impossible de réaliser les 50 milliards d’euros d’économies sur les dépenses publiques dont dépendent pourtant notre souveraineté budgétaire et la survie de notre modèle social.

Troisième point : le Gouvernement ne parvient pas à réduire effectivement la dépense publique globale, mais seulement à freiner sa croissance. La Cour des comptes a pourtant indiqué que la France se place au plus haut niveau de dépenses de l’OCDE. Pour être plus précis, les dépenses publiques représentent 57,7 % du PIB selon la nouvelle comptabilité nationale, qui considère un certain nombre de crédits d’impôts comme des dépenses – thèse que l’UDI a soutenue sous cette majorité comme sous la précédente. Nous avons la médaille d’argent des dépenses publiques : vous avez de bonnes chances, monsieur le secrétaire d’État, d’obtenir la médaille d’or avant la fin de la législature !

Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes, fait remarquer qu’avec ce niveau de dépenses publiques, nous devrions avoir des services publics d’une très grande qualité. Or, selon lui, la qualité des services publics en France « n’est pas forcément à la hauteur » de ces prélèvements !

Vous aviez annoncé, en 2013, 10 milliards d’euros de baisse de la dépense publique. Or les dépenses publiques sont passées de 56,6 % du PIB en 2012 à 57,1 % en 2013, soit une augmentation d’environ 10 milliards d’euros. Il n’y a donc pas eu d’économies en 2013, seulement un léger freinage de la hausse des dépenses.

Pour l’année 2014, vous avez fièrement annoncé 15 milliards d’euros d’économies sur les dépenses. Mais regardons les chiffres du budget de l’État : la dépense totale était de 371,9 milliards d’euros en 2013, elle sera encore de 370,5 milliards d’euros en 2014. Vous ne faites donc pas 15 milliards d’euros d’économies, mais 1,5 milliard d’euros : c’est dix fois moins que ce que vous avez annoncé !

Par ailleurs, vous surévaluez les économies sur l’ONDAM, vous prenez en compte une fausse économie sur le gel du point d’indice – qui est pourtant gelé depuis quatre ans – et vous vous attribuez les économies dues aux décisions prises par les partenaires sociaux. À cela il faut ajouter les économies de constatation sur les intérêts de la dette, dont j’ai parlé tout à l’heure, et à propos desquelles la plus grande prudence s’imposerait. Enfin, vous utilisez de multiples fusils à un coup. C’est le cas de ce que l’on peut appeler le « hold-up budgétaire permanent » sur les opérateurs – vous prélevez notamment 175 millions d’euros sur les agences de l’eau, sans compter les sommes prises aux chambres consulaires. Nous dénonçons tous ces procédés douteux ! Par définition, vous ne pourrez pas utiliser chaque année tous ces fusils à un coup : vous aurez donc de plus en plus de difficultés à redresser effectivement les finances publiques.

Ce manque de courage conduit à une succession de non-choix, qui ne freineront pas le déclin du pays mais contribueront sans nul doute – hélas – à rendre toujours plus vulnérable notre modèle social. Ce PLFR le démontre : vous ne réussissez pas à tenir la masse salariale, puisque pour la moitié, les ouvertures de crédits de ce PLFR – soit 688 millions d’euros – sont affectées aux dépenses de personnel. Il s’agit principalement de la défense et de l’enseignement scolaire.

En outre, la situation de la défense est particulièrement critique : les OPEX, pour lesquelles 450 millions d’euros seulement avaient été budgétés dans la loi de finances initiale, dépasseront 1,2 milliard d’euros. C’était pourtant prévisible ! Dès à présent, nous demandons donc au Gouvernement d’inscrire dans le projet de loi de finances pour 2015 des crédits pour les OPEX cohérents avec nos engagements militaires, à savoir au moins 1 milliard d’euros.

Nous sommes par ailleurs très inquiets quant au respect de la loi de programmation militaire, d’autant que nous savons tous ici que les recettes exceptionnelles ne seront pas au rendez-vous. L’an prochain, en effet, l’État français n’encaissera pas un seul euro de la vente des fréquences hertziennes. Vous comptiez sur ces recettes, mais elles ne seront réalisées ni en 2015 ni en 2016.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pourquoi dites-vous cela ?

M. Charles de Courson. Malgré les promesses du Président de la République, nous voyons que le budget de la Défense, déjà partiellement contraint, est toujours soumis aux aléas les plus préoccupants.

Monsieur le ministre, ce projet de loi de finances rectificative pour 2014 est malheureusement la preuve de l’échec de votre politique. Il consacre les renoncements du Gouvernement en termes de croissance, de réduction du déficit et de la dette, de lutte contre le chômage et de baisse de la dépense publique. Il est également un reniement supplémentaire de la promesse de « pause fiscale » du Président de la République, puisque le Gouvernement instaure une énième taxe, cette fois-ci sur les résidences secondaires. Vous reconnaissez vous-même, d’ailleurs, que ce nouvel impôt est uniquement une mesure de rendement, visant à augmenter les recettes fiscales locales, essentiellement pour la Ville de Paris, alors qu’elle avait été présentée initialement comme une façon de transformer des résidences secondaires en résidences principales. Une taxe supplémentaire de 200 à 300 euros pour atteindre un tel objectif : cela n’avait pas de sens !

Au redressement dans la justice s’est substitué l’affaissement dans l’injustice, lorsque nous constatons que le Gouvernement préfère exonérer les organisateurs de compétitions sportives et augmenter les crédits d’impôt en faveur du cinéma et de l’audiovisuel plutôt que de redonner du pouvoir d’achat aux ménages et de la compétitivité aux entreprises, asphyxiés depuis le début du quinquennat.

Mes chers collègues, ce collectif budgétaire ne constitue en aucun cas le sursaut indispensable pour sortir la France de la crise économique, sociale et morale dans laquelle elle s’enlise un peu plus chaque jour. Nous le déplorons.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure, chers collègues, dans cette intervention en nouvelle lecture, je vous épargnerai nos analyses sur les équilibres budgétaires : nous les avons largement développées lors des précédentes lectures. Je me concentrerai donc sur des points précis. Avant cela, toutefois, je salue les efforts consentis par le Gouvernement pour que les 3,6 milliards d’euros supplémentaires de réduction des déficits ne pèsent pas trop lourdement sur la dépense et l’action publiques. Cette réduction supplémentaire n’est évidemment pas sans conséquences sur les activités et les acteurs économiques mis à contribution.

Deux mesures importantes ont été intégrées à ce projet de loi de finances rectificative lors de son examen en première lecture à l’Assemblée. Premièrement, l’augmentation de la taxe sur les surfaces commerciales de plus de 2 500 mètres carrés. Cette mesure vise notamment à lutter contre l’artificialisation des terres. Bien trop souvent, en effet, des terres agricoles sont transformées en zones commerciales, ce qui freine le développement de la prometteuse agriculture périurbaine. Cela favorise le grignotage inexorable d’espaces naturels de respiration et d’agrément, et représente une consommation excessive d’espace. Cette nouvelle mesure a un autre effet, sans doute plus important pour le Gouvernement : une recette de plus de 200 millions d’euros, qui corrige l’effet d’aubaine du CICE pour la grande distribution. Cette somme sera bien utile au budget de l’État : je pense notamment aux 200 millions d’euros supplémentaires en faveur de la dotation d’équipement des territoires ruraux, en faveur de l’investissement des collectivités territoriales.

La seconde mesure est relative à l’application du droit commun aux sociétés autoroutières en ce qui concerne la déductibilité des charges financières. Dans la loi de finances pour 2013, un mécanisme de plafonnement de cette déductibilité des charges financières a été mis en place. Seules les sociétés d’autoroute avaient été exemptées de cette obligation. Cet avantage injustifié et injustifiable devrait donc disparaître avec ce projet de loi de finances rectificative. J’ai bien employé le conditionnel, car il ne m’a pas échappé que le Sénat a supprimé ces dispositions, faisant au passage peu de cas des considérations d’équité fiscale, d’entretien et de développement des infrastructures de transport et de lutte contre le changement climatique.

Permettez-moi de vous donner un dernier exemple de décision incompréhensible prise par la majorité de droite au Sénat : la suppression de la non-déductibilité de la taxe systémique due par les banques. Cette mesure est pourtant de bon sens ; elle est en phase avec les attentes de la majorité de nos concitoyens ainsi qu’avec le discours du Bourget du candidat Hollande. Elle vise à mettre fin à la règle implicite selon laquelle ce sont les contribuables qui paient pour les erreurs des banques.

La contribution des banques au Fonds de résolution unique européen ne doit pas être supportée par le contribuable ; c’est seulement en mettant les banques face à leurs responsabilités que nous pourrons les amener à changer de comportement et les inciter à faire preuve de prudence à l’égard de la spéculation.

Mais si la finance n’a pas de visage, elle a un porte-voix : la droite parlementaire. Loin de tirer les enseignements de la crise, due en partie à l’impunité jusque-là accordée au secteur bancaire, l’opposition propose de soustraire les banques aux conséquences de leurs agissements, en dépit des risques qu’elles font courir à l’ensemble de l’économie et de la société. C’est regrettable.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas du tout ça !

M. Éric Alauzet. Les écologistes proposeront donc des amendements tendant à rétablir ces mesures essentielles.

Par ailleurs, à la suite du débat que nous avons eu hier en commission, nous présenterons un sous-amendement visant à étendre la taxe sur les surfaces commerciales aux établissements de stockage pour la vente à distance, afin que chacun soit soumis aux mêmes règles et que la concurrence reste libre et non faussée.

Nous proposerons également la suppression du système fiscal dérogatoire pour les institutions organisant de grandes compétitions sportives internationales. Cette mesure répondait à un engagement pris par l’ancienne majorité afin que la France puisse organiser la coupe d’Europe de football, mais le Gouvernement a malheureusement accepté de la prolonger. J’ai interpellé le ministre des finances lors des questions au Gouvernement, la semaine dernière, pour lui signaler que cela allait à l’encontre de la volonté gouvernementale de mettre fin à l’optimisation fiscale agressive. II ne s’agit nullement en effet d’une exonération exceptionnelle : l’Union des associations européennes de football – l’UEFA – et d’autres organisateurs de compétitions internationales font valoir qu’il s’agit d’un dispositif universel, s’appliquant à toutes les manifestations.

Il est temps de dire « non » au chantage et aux ententes fiscales. Le G20 a pris position en faveur du plan d’action de l’OCDE concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices ; même le Royaume-Uni a annoncé la mise en place d’une taxe sur les bénéfices détournés. Le mouvement est en marche : restons à la pointe du changement et abandonnons ces mesures de concurrence fiscale !

Enfin, nous soumettrons à l’Assemblée une mesure visant à maintenir l’attractivité des zones franches urbaines pour les PME. La création d’emploi doit en effet être notre principal objectif, notamment dans les zones les plus touchées par le chômage.

C’est comme toujours avec le souci d’être constructif que nous abordons cette nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificatif et que nous souhaitons, dans ces temps difficiles, apporter notre pierre à la redynamisation de l’économie et à la reprise de l’emploi.

Mme Eva Sas. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus.

M. Ary Chalus. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le second projet de loi de finances rectificative pour 2014, adopté en première lecture par notre assemblée le 5 décembre dernier, contient une série de mesures dont le groupe RRDP se félicite. À l’occasion de l’examen du texte, il y a quinze jours, plusieurs amendements présentés par notre groupe ont d’ailleurs été votés par la représentation nationale.

Sur le fond, ce projet de loi de finances rectificative permet, comme le Gouvernement s’y était engagé, de respecter la norme de dépenses de l’État, et cela grâce à une diminution de 3,3 milliards des dépenses, hors charge de la dette et des pensions, par rapport à la loi de finances initiale pour 2013 ; la loi de finances rectificative du 8 août 2014 avait d’ailleurs déjà procédé à l’annulation de 1,6 milliard de crédits.

Ce respect de la norme de dépenses a été obtenu malgré plusieurs dépassements sectoriels ; les prestations sociales et les opérations militaires extérieures ont ainsi dépassé de plus de 600 millions d’euros les provisions constituées, nécessitant des redéploiements importants.

Le groupe RRDP se félicite que la stratégie de réduction de la dépense publique commence à porter ses fruits. On constate en effet cette année une augmentation historiquement faible de celle-ci, d’environ 16 milliards d’euros, soit la moitié de la croissance moyenne constatée durant la décennie 2002-2012. La progression de la dépense publique est ainsi contenue à 1,4 % en valeur et 0,9 % en volume, hors crédits d’impôts ; cependant, son impact sur l’effort structurel est moindre qu’attendu, du fait de la faiblesse de l’inflation.

Concernant la trajectoire de nos finances publiques, le Gouvernement table, comme dans le projet de loi de finances pour 2015, sur une prévision de croissance de 0,4 % – jugée réaliste par le Haut Conseil des finances publiques – et sur un déficit des administrations publiques de 4,4 % du PIB – qualifié de « vraisemblable » par ce même Haut Conseil.

Dans ce second projet de loi de finances pour 2014, le Gouvernement soumet au Parlement une série de mesures, fiscales ou non, que, pour l’essentiel, le groupe RRDP soutiendra ; ce sera notamment le cas du renforcement de la lutte contre la fraude à la TVA grâce à l’intensification des moyens de détection et d’intervention.

Nous saluons également l’anticipation, via la suppression de la prime pour l’emploi, de la mise en œuvre du nouveau dispositif de soutien aux salariés précaires, qui sera applicable au 1er janvier 2016 ; nous serons attentifs à ce que ce dispositif soit lisible, efficace, ciblé et pérenne.

Le groupe RRDP se félicite du sort positif réservé à plusieurs de ses amendements en première lecture.

En premier lieu, nous avons obtenu le relèvement du taux de la taxe de risque systémique, créée à l’article 14 du texte, au profit des collectivités qui ont souscrit des emprunts dits « structurés ». Le fonds de soutien aux collectivités territoriales qui ont souscrit par le passé des emprunts toxiques a été institué par l’article 92 de la loi de finances pour 2014, mais, avec un taux fixé initialement à 0,021 %, le rendement attendu de 50 millions d’euros annuels n’était pas garanti. Afin de respecter l’esprit de la loi de finances pour 2014, qui prévoyait l’abondement du fonds de soutien pour moitié par les établissements de crédit et pour moitié par l’État, notre groupe a fait voter le relèvement du taux à 0,026 % – disposition maintenue par nos collègues sénateurs.

Il avait en outre été procédé au relèvement de 50 % de la taxe sur les surfaces commerciales – la « Tascom » créée par la loi n72-657 du 13 juillet 1972 –, uniquement pour les établissements commerciaux s’acquittant déjà de la taxe et dont la surface de vente excède 2 500 mètres carrés, c’est-à-dire les hypermarchés. Notre amendement, présenté conjointement avec un amendement identique du groupe écologiste, avait été soutenu par des députés socialistes. Le produit de cette taxe, estimé à 200 millions d’euros, devait être affecté au budget de l’État. Il nous faudra restaurer cette disposition en nouvelle lecture.

Nous sommes également satisfaits de la prorogation, à l’initiative de notre groupe, du crédit d’impôt en faveur des investissements en Corse. Un amendement adopté lors de la nouvelle lecture par la commission permettra, dans un objectif de compétitivité et d’emploi, d’en maintenir le taux à 20 % jusqu’en 2020, alors que l’article 39 de la loi de finances rectificative pour 2011 prévoyait de le ramener à 10 % à compter du 1er janvier 2015.

À la suite de la transposition, obtenue grâce à un amendement déposé par notre groupe et par le groupe SRC, et qui a été maintenue par le Sénat, de la directive 2014/86/UE du Conseil du 8 juillet 2014 visant à prévenir « les situations de double non-imposition découlant de l’asymétrie de traitement fiscal appliqué aux distributions de bénéfices entre États membres », nous nous réjouissons qu’il soit désormais interdit d’exonérer d’impôt sur les sociétés les bénéfices distribués par une filiale lorsque ces derniers sont déductibles du résultat de la filiale, et que soit ainsi consacré le principe selon lequel une distribution exonérée chez la filiale ne peut bénéficier du régime mères-filles, quel que soit le lieu d’implantation de la filiale.

M. le président. La parole est à M. Alain Fauré.

M. Alain Fauré. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, le projet de loi de finances rectificative vise à améliorer l’équilibre des comptes publics, tout en poursuivant la mise en œuvre des priorités du Gouvernement en matière de soutien à l’activité économique et au pouvoir d’achat des salariés modestes, de lutte contre la fraude, de politique du logement et d’éducation nationale.

Les prévisions du déficit public restent inchangées à 4,4 % du PIB, ce qui s’explique principalement par un contexte macroéconomique européen difficile, une croissance, faible, de 0,4 % et une inflation, très faible, de 0,5 % : tout cela plafonne, hélas, nos recettes fiscales.

La dépense publique continue de croître, mais elle a été largement réduite et est mieux contenue. La dépense hors charge de la dette et pensions devrait diminuer de 3,1 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2013. Nous devons plus que jamais rester vigilants sur l’impact de cette dette qui, en raison de son financement, peut s’emballer et devenir ingérable. C’est un fardeau dont les Françaises et les Français ne mesurent pas les conséquences.

J’aborderai dans mon intervention quelques points particuliers, relatifs à la fiscalité. Ce texte contient de ce point de vue plusieurs dispositions satisfaisantes.

D’abord, il met l’accent sur la lutte contre la fraude fiscale, car des flux trop importants se trouvent encore exemptés, de fait, de l’impôt. Depuis 2013, le Gouvernement progresse sur ce dossier avec constance et détermination.

Les moyens de la lutte contre la fraude à la TVA sont renforcés, pour un gain attendu de recettes fiscales de l’ordre de 150 millions d’euros. L’action est concentrée sur des canaux de fraude qui ont émergé relativement récemment, par exemple dans le domaine de la vente en ligne, de la construction ou des véhicules d’occasion. Nous devons poursuivre l’effort dans ce domaine en automatisant la surveillance, comme l’ont déjà fait certains pays.

Le texte du Gouvernement a été complété, notamment sur la question des prix de transfert, ces pratiques de facturation de services entre entités d’une même multinationale qui donnent lieu à des pratiques d’optimisation. Le problème est régulièrement évoqué dans le cadre des commissions d’enquête sur l’évasion et l’optimisation fiscales. Je salue l’initiative de Dominique Lefebvre, qui propose d’éviter les contentieux en s’inspirant du fonctionnement de la cellule de régularisation des avoirs détenus à l’étranger, le Service de traitement des déclarations rectificatives – STDR – créé en juin 2013 et qui donne des résultats très satisfaisants. Cette proposition intéressante pourrait aboutir à une fluidification du règlement des différends ou conflits, et assurer la rentrée effective des ressources fiscales de l’État.

Dans un autre domaine, des dispositions visant à mettre un terme à l’exemption fiscale dont bénéficient les sociétés concessionnaires d’autoroutes ont également été intégrées au texte. Je partage sur ce point l’émotion suscitée par les rapports successifs de l’Autorité de la concurrence et de la Cour des comptes. Le Gouvernement se trouve actuellement au cœur d’une négociation, et nous devons le soutenir en veillant à ce que nos initiatives ne soient pas contre-productives : l’objectif est que l’État n’en sorte pas affaibli et qu’il puisse reprendre la main sur le sort des autoroutes.

Le projet de loi de finances rectificative prévoit également la non-déductibilité de deux taxes acquittées par le secteur bancaire : la contribution au fonds de résolution unique – le FRU – et la taxe de risque systémique – la TRS. À la suite de la crise de 2008, les États européens ont en effet pris des mesures de prévention et adopté des méthodologies de résolution de crise. L’idée directrice du dispositif gouvernemental est de tenter de responsabiliser le secteur bancaire en le faisant contribuer au FRU, un fond à vocation assurantielle qui vise à éviter que les États, et par conséquent les contribuables, ne paient à nouveau le prix de la crise. Le projet de budget rectificatif propose que ces taxes ne soient pas déductibles du résultat imposable des banques.

Le présent projet de loi de finances rectificative traduit l’esprit de responsabilité du Gouvernement, tout en intégrant de vrais marqueurs de solidarité et de justice sociale. Je voterai donc ce texte et j’appelle tous mes collègues à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous entamons aujourd’hui la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2014.

Ce texte apparaît comme le reflet de la soumission de notre pays aux exigences néolibérales de Bruxelles : il présente une batterie de mesures destinées à répondre aux desiderata de l’exécutif européen, qui applique aujourd’hui une politique économique et financière mortifère pour les peuples européens.

Les échanges fréquents entre Paris et Bruxelles relèvent d’ailleurs de la pièce de théâtre, ou du jeu de rôles, aujourd’hui parfaitement rodé, où chacun se congratule, se renvoie la balle, critique, écoute ou dénonce l’autre.

Cet Opéra de quat’sous, qui dure depuis déjà trop longtemps, ne trompe plus personne.

Pour chercher le sou, le Gouvernement fait désormais les fonds de tiroir en pénalisant certains de ses opérateurs ou en coupant massivement dans la dépense publique. La suppression pure et simple du CICE permettrait pourtant de redonner à l’État les marges de manœuvre dont il a besoin pour mener une action utile économiquement et juste socialement. Il est encore temps de mettre un terme au dogme de la réduction de la dépense publique, et de prendre un chemin plus nuancé que celui de la politique unique de l’offre.

La suppression de la prime pour l’emploi – PPE – est l’une des mesures importantes de ce PLFR. Instaurée en 2001, la PPE n’a pas correctement fonctionné, contribuant, à l’inverse de son objectif initial, au renforcement d’une « trappe à bas salaires ». L’employeur n’a aucun intérêt à augmenter les salaires, puisque cela est pris en charge par la collectivité. Le résultat est déplorable, avec la multiplication du nombre de travailleurs pauvres dans notre pays.

Suite aux quelques annonces que le Gouvernement a formulées ces derniers temps, le champ du futur dispositif devrait être élargi, notamment aux jeunes, ce qui est une bonne chose. C’est suffisamment rare pour que nous tenions à le souligner.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quand même !

M. Régis Juanico. Très bien !

M. André Chassaigne. Toutefois, l’élargissement du dispositif ne peut se faire à fonds constants, à moins de faire des perdants, ce que nous ne souhaitons absolument pas.

Autre mesure phare de ce PLFR : celle qui fait de la France un paradis fiscal de l’organisation d’événements sportifs internationaux. Il est absolument scandaleux que notre pays s’asseye sur ses recettes fiscales pour obtenir l’organisation de tels événements. Un précédent est ici créé. Conforme aux exigences de l’Union européenne des associations de football – UEFA – et du Comité international olympique – CIO –, avec la possible candidature de Paris pour les JO de 2024, cette mesure est inacceptable.

Mes chers collègues, la situation est grave, en France et en Europe. Au-delà d’être urgente, la réorientation de l’Union européenne est nécessaire. Les résultats des dernières élections européennes ont sonné comme un avertissement dans bon nombre de pays : les mouvements populistes europhobes n’ont jamais été aussi forts, tout comme le rejet, plus général, de la classe politique dirigeante.

Servir la potion amère de l’austérité à tous les peuples ne peut constituer un programme politique fédérateur pour l’Europe. Soyons francs, mes chers collègues, l’Union européenne ne fait plus rêver. Elle oppose les peuples plutôt qu’elle ne les rassemble. Elle fait le jeu des grandes entreprises et du capital et favorise le moins-disant social et fiscal.

L’homme qui a pris les fonctions de président de la Commission européenne représente assez bien l’Union européenne d’aujourd’hui. Alors que plusieurs banquiers ont accédé à des fonctions gouvernementales clés en Italie, en Grèce, en Espagne, et désormais en France, on retrouve désormais à la tête de l’exécutif européen le roi des voleurs, le magicien de l’optimisation fiscale, la cheville ouvrière d’un système qui a tari massivement les recettes fiscales de nos États, celui qui se rend coupable d’ingérence grossière dans les affaires internes des Grecs en leur demandant d’élire aux prochaines élections des « visages connus comprenant la nécessité des processus européens ». La légitimité de M. Juncker, déjà faible, est aujourd’hui proche du néant. Cet homme doit démissionner.

Mes chers collègues, soyons toutefois précis au moment d’identifier les responsabilités de chacun dans le marasme actuel. Il paraît évident que les gouvernements jouent un rôle clé dans le détournement de l’Europe qui la mène vers sa destruction progressive. L’actualité nous montre d’ailleurs parfaitement le rôle obscur que joue le gouvernement français à Bruxelles et le double discours qu’il peut tenir en matière de régulation financière.

Loin de défendre l’intérêt général européen, il est désormais clair que notre gouvernement agit à Bruxelles en tant que porte-parole des intérêts du capital financier français, en contribuant à torpiller coup sur coup, à quelques jours d’intervalle, et le projet de séparation bancaire, et la taxation européenne des transactions financières.

Prônant, en interne, d’ambitieux projets de réforme, notre gouvernement est donc bel et bien celui qui, aux côtés des Britanniques, défend les intérêts de sa place financière et fait la promotion d’une régulation a minima du secteur financier.

Les réformes proposées par Michel Barnier lorsqu’il exerçait les fonctions de commissaire européen, bien que n’allant pas assez loin à nos yeux, avaient au moins le mérite d’aller dans la bonne direction. Le travail de celui-ci restera probablement inachevé. Il a été remplacé par un Britannique, Jonathan Hill, directement catapulté à Bruxelles par la City londonienne. Nul doute que celui-ci agira en fidèle serviteur de ceux qui portent la responsabilité de la crise actuelle.

Les leçons de la crise financière n’ont manifestement pas été retenues : sans réformes ambitieuses, la bombe à retardement que constitue la spéculation financière nous menace d’un nouveau cataclysme, qui aggraverait une situation déjà bien délicate.

Les chantiers ne manquent donc pas si nous voulons éviter la catastrophe : séparation effective des activités bancaires, régulation du trading à haute fréquence, des hedge funds et des produits dérivés, lutte contre les paradis fiscaux, la spéculation et la constitution de nouvelles bulles, taxation de l’ensemble des transactions financières, autant de chantiers sur lesquels l’Europe politique doit montrer sa force au lieu de céder à la défense de l’intérêt particulier de la finance.

Sans la crise de 2008 et le gouffre financier qu’elle a ouvert dans les pays occidentaux, nous n’aurions certainement pas le même débat sur les finances publiques aujourd’hui.

Après s’être imposé une cure drastique d’austérité, voilà que les États européens semblent s’étonner de la menace imminente de la déflation, que nous avons pourtant toujours dénoncée.

Les chiffres publiés la semaine dernière, conjugués à la baisse importante du prix du baril, montrent en effet que l’économie européenne flirte de plus en plus avec la déflation. Les signaux sont au rouge, monsieur le secrétaire d’État. Les orientations budgétaires telles que vous nous les proposez dans ce PLFR, ainsi que dans le projet de loi de finances pour 2015, ne changent absolument pas la donne et alimentent une crise qui nous mène tout droit vers une situation que le Japon a connue au cours des années 90, et dont il se remet bien difficilement. À force d’opérer des coupes drastiques, l’Europe s’oriente vers une décennie perdue, avec une spirale déflationniste qui pourrait faire très mal – vraiment très mal – socialement.

Une impulsion budgétaire doit être donnée si nous voulons redémarrer le moteur de notre économie. Les économistes s’accordent à le dire ; mais avec le Traité de stabilité, l’Europe s’est enfermée dans un carcan mortifère qui la condamne, à terme, à jouer les seconds rôles. Le Plan d’investissements Juncker n’est à ce titre qu’un vaste écran de fumée : faible montant, mesures budgétaires qui existent déjà, rien de nouveau en définitive. Selon l’OFCE, c’est une impulsion budgétaire de l’ordre de 200 milliards d’euros, représentant 2% du PIB européen, qui est aujourd’hui nécessaire – un montant bien supérieur au plan Juncker.

Par ailleurs, sur le plan monétaire, la BCE nage aujourd’hui à contre-courant. Les liquidités qu’elle met à disposition des banques ne servent pas l’économie réelle. Elles alimentent plutôt des bulles financières qui pourraient exploser et aggraver la situation actuelle.

Dans les prochaines semaines, conjointement avec nos homologues du groupe Die Linke au Bundestag, nous proposerons un projet de résolution visant à réorienter l’action de la BCE vers le financement de l’économie réelle.

C’est dans cet esprit, mais, disons-le tout net, avec peu d’espoir d’une réorientation budgétaire, que nous abordons la nouvelle lecture de ce texte. Peut-être vous ai-je convaincus, monsieur le secrétaire d’État et madame la rapporteure générale !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous faites peur, parfois !

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, un certain nombre de convictions, d’expressions, de revendications et d’exigences ont été évoquées à la tribune depuis le début de cette discussion. Mais je dois avouer qu’il y a de quoi être surpris, et même davantage, par les interventions provenant de la droite de l’hémicycle.

La façon dont l’UMP a sabré au Sénat dans certaines mesures importantes sur l’âge de la retraite, le nombre de postes dans l’éducation nationale, ou d’autres mesures sociales, tout en supprimant tout ou partie d’importantes ressources fiscales, sans jamais expliquer ni comment elle entendait maintenir un équilibre, ni comment elle pourrait assumer une telle responsabilité au regard des déséquilibres financiers constatés, n’est pas responsable : ce n’est pas à la hauteur de la situation qui est la nôtre, ni de ce que l’on est en droit d’attendre d’un grand parti de gouvernement.

Quoi qu’on en dise, les dépenses publiques baissent, et de 21 milliards d’euros. On peut débattre du rythme et du niveau de cette baisse. Des sensibilités différentes s’expriment ; elles sont connues, et partagées au quotidien avec nos concitoyens. Mais la charge de la dette représente 45 milliards pour cette année. Nous ne pouvons vivre durablement avec.

Nous devons aussi nous interroger sur l’efficacité du service public.

M. André Chassaigne. Ou sur l’annulation partielle de la dette !

M. Razzy Hammadi. Vous l’avez d’ailleurs fait à plusieurs reprises, monsieur le secrétaire d’État. Vous avez par exemple évoqué les milliards destinés au logement. Nous pourrions approfondir la réflexion en évoquant le déséquilibre que constitue le renversement entre l’aide à la pierre et l’aide à la personne, auquel nous sommes arrivés sous la pression de positions de droite libérales. Mais le fait que la crise du logement perdure malgré ces milliards doit nous conduire à nous interroger.

De même, notre budget de l’éducation est l’un des plus importants d’Europe. Je veux le dire ici, il redevient le premier budget de l’État dans le projet de budget pour 2015, avec 1,1 milliard d’euros de financements supplémentaires. On ne peut donc parler d’austérité : je ne connais aucun pays qui mènerait une politique d’austérité en consacrant 1,1 milliard de plus, d’une année sur l’autre, au financement de priorités telles que celle-ci. En même temps, cela doit nous interroger. Je regarde mes collègues ici présents…

M. Régis Juanico. Ce sera vite fait !

M. Razzy Hammadi. …notamment mon camarade Chassaigne. Il y a des questions que nous devons pouvoir nous poser ensemble de ce côté-ci de l’Hémicycle. Vous connaissez mon vote sur le Traité budgétaire européen. Il n’empêche, le débat doit être le suivant : comment faire mieux avec autant, voire avec moins, même si c’est compliqué ?

Prenons l’exemple de l’éducation nationale. Nous avons l’un des premiers budgets européens par élève, et nous sommes les champions d’Europe des inégalités scolaires ! Cela pose des questions, car cette situation est parfois liée à des rentes. La désectorisation est donc un enjeu : lorsqu’on se protège pour avoir les meilleures cartes scolaires, les meilleurs profs, les meilleurs remplaçants, cela vient miner la dépense de l’État.

Je ne reviendrai pas sur les priorités qui ont déjà été évoquées par mes collègues – l’éducation nationale, la sécurité et la justice, les 400 millions d’euros pour le logement et la transition énergétique, la solidarité, avec le financement du plan pauvreté, les emplois aidés.

S’agissant de la taxe sur les surfaces commerciales – la Tascom –, un débat aura lieu, mais force est de constater l’injustice qui la caractérise. En effet, les commerces de plus de 2 500 mètres carrés, en première et deuxième couronne, subissent une majoration de la taxe de 50 %, tandis que les petites surfaces en centre-ville, qui réalisent les marges les plus importantes, se voient complètement exonérées du fait de leur surface.

Cette situation est difficilement acceptable. En effet, si l’on compare les ratios entre le chiffre d’affaires et le nombre d’emplois créés – qui sont les emplois de nos quartiers –, on s’aperçoit que ce sont ces grandes surfaces de première et de deuxième couronne qui embauchent le plus par rapport à leurs marges. Or, ce sont elles que l’on va sanctionner le plus durement, contrairement aux petites surfaces de centre-ville, dont les marges sont importantes.

M. André Chassaigne. Ces grandes surfaces ont eu droit au CICE !

M. Razzy Hammadi. Oui, mais ces structures-là vont payer davantage que ce dont elles ont bénéficié au titre du CICE, puisque le critère retenu est la surface.

Cet état de fait est d’autant plus regrettable que la concurrence est rude avec les grands groupes pratiquant la vente en ligne, qui ne paient d’ailleurs pas d’impôts en France, et donc pas de Tascom.

Je nous invite collectivement à retravailler sérieusement la question.

M. Régis Juanico et M. François André. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Monsieur le secrétaire d’État, le déficit budgétaire atteint 88,3 milliards au lieu des 82,5 milliards prévus en loi de finances initiale 2014. Vous aimez battre les records : eh bien, avec les chiffres du mois d’octobre, vous voilà rassasié, puisque l’on dénombre 5,822 millions de chômeurs, selon les statistiques officielles, qui omettent volontairement les chômeurs de la France ultramarine, comme s’ils étaient des Français de seconde zone.

Les seniors sont les plus touchés, le nombre de demandeurs d’emploi relevant de cette catégorie ayant été multiplié par deux depuis votre arrivée aux affaires, alors que la durée de leur inactivité ne cesse de se prolonger, avec une moyenne de 511 jours. Près de 800 000 chômeurs chez les jeunes : encore un petit effort et vous franchirez bientôt la barre du million de jeunes chômeurs d’ici à la fin de l’année prochaine !

À ce stade, il devient difficile de sortir votre joker des contrats aidés, de laisser croire que les emplois subventionnés par le contribuable sont la solution au chômage massif et durable qui s’est installé dans notre pays.

Autre symptôme de la mauvaise santé socio-économique du pays, le RSA, dont le nombre de bénéficiaires a augmenté de 25 % au cours des cinq dernières années, soit 260 000 personnes supplémentaires. Alors qu’il ne parvient pas à soutenir la réinsertion dans le monde du travail, vous augmentez son enveloppe de 130 millions, sans contrepartie d’activité pour ses allocataires. La solidarité, tellement nécessaire par les temps qui courent, ne doit pourtant pas être dévoyée en assistanat ; elle redonner sa valeur au travail.

La France compte près de 8,6 millions de travailleurs pauvres alors qu’ils étaient 1,3 million en 2002. Les écarts de revenus entre les personnes percevant les salaires les plus faibles et celles touchant des salaires proches de la médiane se sont accrus. Ni la prime pour l’emploi ni le RSA, qui ont coûté environ 4 milliards par an, n’ont été des boucliers efficaces contre la paupérisation massive. Vous les remplacez par une prime d’activité ; certes, vous étendez cette nouvelle prime aux travailleurs de moins de 25 ans, mais la formation professionnelle, négligée, laisse aujourd’hui des milliers d’emplois non pourvus, alors que de plus en plus de jeunes non formés deviennent éligibles au RSA.

Pour panser les plaies, vous leur offrez quelques euros supplémentaires pour survivre, mais toujours pas d’emploi. En réalité, l’européisme qui vous envoûte empêche tout virage audacieux vers une politique économique et sociale fondée sur le patriotisme économique et le protectionnisme, sources de création d’emplois, tout comme la priorité nationale, source d’économies.

Propriétaires et entreprises, à vos porte-monnaie, une fois de plus ! Vous avez promis de ne plus augmenter les impôts ; alors vous permettez aux collectivités locales de les augmenter à votre place, afin de vous dédouaner. La surtaxe de 20 % sur la taxe d’habitation des résidences secondaires dans les zones tendues s’ajoute à la majoration de la taxe foncière des terrains constructibles dans les zones tendues, décidée l’an passé : nouvel exemple d’une politique de la chasse au possédant, toujours drapée dans les bons sentiments, à savoir favoriser l’accès au logement. Mais vous ne pensez pas un instant à réserver aux Français les centaines de millions que vous octroyez chaque année pour l’hébergement des clandestins, ni à réformer le droit, qui est, aujourd’hui, un frein à la location, pas plus qu’à revoir de fond en comble l’accès aux logements sociaux.

M. Valls dit aimer l’entreprise : avec des amis comme vous, pas besoin d’ennemis ! La taxe pour financer les transports en Île-de-France s’ajoute à d’autres taxes récentes, telles que le relèvement de la taxe de séjour, la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés ou l’accroissement de la taxation du diesel : on ne compte pas moins de 90 créations ou augmentations de prélèvements entre 2010 et 2014, et plusieurs milliards de charges supplémentaires depuis 2010, le tout en continuant de tendre la carotte du pacte de responsabilité.

Les annulations de crédits se font toujours au détriment de la communauté nationale, mais jamais on n’évoque les milliards que nous versons chaque année, comme contributeurs nets, à l’Union européenne. Les ministères régaliens sont les plus touchés – la défense en tête, qui subit une annulation de 572 millions : drôle de conception de la sanctuarisation, pourtant promise. La quote-part de la défense est beaucoup trop importante, ce qui suscite des doutes légitimes sur l’application de la loi de programmation militaire. L’armée est obligée de se sacrifier pour rectifier vos gabegies. L’intérieur est raboté de 160 millions, dont 35 millions sur le programme « Sécurité », au moment où les forces de l’ordre tirent la sonnette d’alarme au sujet d’équipements obsolètes et d’effectifs insuffisants. On note également une baisse de 15 millions pour la justice. Par ailleurs, les outre-mer, toujours oubliés, ne le sont pas quand il faut leur ôter des crédits. Enfin, la diplomatie d’influence, quant à elle, subit constamment des régimes d’amincissement.

Tous ne sont pas logés à la même enseigne : on ne dénombre pas moins de 300 millions de dépassement pour l’immigration clandestine et les demandeurs d’asile, dont 155 millions supplémentaires au titre de l’aide médicale d’État. Ces incessants rajustements, en projets rectificatifs, relèvent d’une minoration délibérée de la part de l’État, qui ne parvient pas à canaliser des flux de plus en plus importants et coûteux.

Vos choix réduisent le budget à la masse salariale, aux aides sociales et à la priorité étrangère : ce n’est pas comme cela que nous relancerons la croissance et l’investissement. Vos orientations sont toujours les mêmes : mêmes causes, mêmes effets. C’est pourquoi je voterai contre ce texte.

M. le président. La discussion générale commune est close.

Projet de loi de finances rectificative pour 2014

M. le président. J’appelle en premier lieu les articles du projet de loi de finances rectificative pour 2014, sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

Première partie

M. le président. Nous abordons l’examen de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2014.

Article 1er bis

(L’article 1er bis est adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n41.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Cet amendement vise à rétablir le texte adopté par notre assemblée en première lecture. Je rappelle que le Sénat avait ajouté une section au compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » pour les prêts non concessionnels, malgré l’avis défavorable du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n41 est adopté et l’article 3 est ainsi rédigé.)

Article 3 ter

(L’article 3 ter est adopté.)

Article 5 et état A

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n82.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objet de tirer les conséquences, sur le tableau de financement de l’État pour 2014, d’informations nouvelles sur le volume des primes à l’émission : ces ressources de financement sont revues à la hausse, à hauteur de 1,6 milliard d’euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous venons d’avoir connaissance de cet amendement. D’après ce que je comprends, les ressources de trésorerie seraient révisées à la hausse à hauteur de 1,5 milliard d’euros, ce qui est une bonne nouvelle. Avis favorable.

(L’amendement n82 est adopté.)

(L’article 5 et l’état A, modifiés, sont adoptés.)

Vote sur l’ensemble de la première partie

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2014.

(L’ensemble de la première partie du projet de loi est adopté.)

Seconde partie

M. le président. Nous abordons l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances rectificative pour 2014.

Article 6 et état B

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n77.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Afin d’apurer les dettes anciennes de l’État vis-à-vis de la Sécurité sociale, cet amendement a pour but d’ouvrir 182 millions d’euros supplémentaires au profit de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », plus précisément en faveur du Fonds national des solidarités actives et de l’allocation pour adultes handicapés, afin de diminuer ou, à tout le moins, de minimiser la dette « État-Sécu », comme on dit entre nous. À cette fin, on a fait le choix d’annuler des dettes anciennes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement vient également de nous parvenir. Comme l’a dit M. le secrétaire d’État, il procède à l’apurement de 182 millions d’euros de la dette de l’État vis-à-vis du Fonds national des solidarités actives, qui finance le RSA. Cet apurement est financé par des économies de constatation, qui portent essentiellement, me semble-t-il, sur la masse salariale de l’État. Je ne comprends pas très bien cette mesure, puisque nous votons des dispositions en sens contraire dans le présent projet de loi. Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement, effectivement très tardif, est quelque peu surprenant. Je comprends le trouble de Mme la rapporteure générale.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai deux questions à vous poser. Premièrement, y a-t-il d’autres dettes de l’État à l’égard de la Sécurité sociale qui ne sont pas encore réglées, comme votre propos semble l’indiquer ?

Je suis troublé par le dernier alinéa de l’exposé sommaire de votre amendement : « Ces ouvertures ne sont cependant pas gagées par l’annulation des crédits devenus sans objet, en raison de la dispersion sur un grand nombre de missions, des révisions à la baisse des prévisions d’exécution. Ces annulations seront portées, pour les crédits du titre II » – qui concernent, si ma mémoire est bonne, les crédits de personnel – « par un décret d’annulation au cours de la deuxième moitié du mois de décembre. » Or, nous y sommes déjà. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous éclairer sur cette procédure, que je vois pour la première fois en vingt et un ans ?

Seconde question : sur quels crédits vont précisément porter les annulations correspondant à l’ouverture de 182 millions de crédits supplémentaires ?

Telles sont les deux questions auxquelles nous aimerions avoir des réponses précises avant de voter.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans le même esprit, je remarque que le projet de loi accroît les crédits de 500 millions sur le titre II, c’est-à-dire s’agissant des dépenses de l’État sur la masse salariale. Or, vous opérez des révisions à la baisse des prévisions d’exécution sur un grand nombre de missions. C’est extraordinaire : pourquoi avoir ajouté 500 millions – somme qui était nécessaire pour boucler le budget de l’année – si l’on retire aujourd’hui 181 millions ? C’est une pratique assez inédite ; nous aurions bien besoin d’un éclairage de la part de votre administration, monsieur le secrétaire d’État.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous n’aurez l’éclairage, non pas de mon administration, mais du secrétaire d’État qui vous rappelle qu’il a souhaité gérer au plus près les dépenses de fin d’année. Au moment où le PLFR a été rédigé, nous avions des estimations de dépenses salariales, portant sur les derniers mois, que nous jugions prudentes. À présent que ces salaires sont en cours de liquidation, ils nous sont mieux connus et nous avons pu récupérer environ 182 millions sur la masse salariale, principalement sur deux ministères – l’éducation nationale et de la défense. Nous avions en effet établi, je le répète, une prévision prudente des salaires de décembre, qui sont maintenant peu ou prou connus.

Il s’agit là d’une exécution tout à fait classique, au plus proche des besoins. Il n’y a pas d’autres sujets à développer, sinon vous pourriez, tous les mois, nourrir le même questionnement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Incroyable !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Comment cela, incroyable ? Enfin, madame Dalloz, on vous a dit, il y a huit jours, que l’on avait prévu un besoin de quelques centaines de millions d’euros pour ajuster les paies de décembre. Celles-ci sont à présent calculées et connues. On vous dit que l’on avait prévu environ 180 millions de trop sur un total de 80 milliards de salaires. Ce sont des ajustements de fin d’année. En quoi est-ce incroyable ? Vous préféreriez que l’on n’en fasse pas usage ?

(L’amendement n77 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n91.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet incroyable amendement de dernière minute vise à minorer de 517 000 euros des annulations d’autorisations d’engagement. Nous n’y sommes pour rien : c’est une demande de vos collègues sénateurs, qui avaient oublié une ligne relative aux crédits de la réserve parlementaire. Voilà qui va complètement bouleverser l’équilibre budgétaire. (Sourires.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y a une différence entre 280 millions d’euros et 517 000 euros !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il faut tout de même garder le sens de la mesure !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission est favorable à cette minoration de 517 000 euros de crédits.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il est regrettable que le Gouvernement réponde aux parlementaires de cette façon.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est le style de M. le secrétaire d’État !

M. Charles de Courson. Monsieur le secrétaire d’État, vous aviez, dans le cadre de ce collectif budgétaire, ouvert 668 millions d’euros de crédits au titre de la rémunération des personnels, essentiellement pour les ministères de la défense et de l’éducation nationale, et voilà qu’au dernier moment, vous nous demander de réduire ces crédits de 182 millions d’euros. Avouez que c’est tout de même un peu étrange !

Mme Christine Pires Beaune. Il s’agit de l’amendement précédent, et nous l’avons désormais voté !

M. Charles de Courson. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cela trahit une certaine impréparation !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est de l’amateurisme !

M. Charles de Courson. Quant à cette importante minoration de 517 000 euros, elle est à comparer au montant total de la réserve parlementaire, qui doit être d’environ 73 millions d’euros, si je ne me trompe.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est un ajustement !

M. Charles de Courson. Que représente un ajustement de 517 000 euros au regard de plus de 70 millions d’euros de crédits ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les sénateurs ont oublié une ligne budgétaire !

M. Charles de Courson. Cela ne peut pas constituer un ajustement de la réserve parlementaire ! Ce n’est pas possible !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le député, je vous rappelle que les subventions accordées au titre de la réserve parlementaire doivent être inscrites ligne budgétaire par ligne budgétaire, pour chacun des ministères concernés, de façon à pouvoir être notifiées à leurs bénéficiaires. Il se trouve que, comme je viens de l’expliquer, vos collègues sénateurs ont oublié – cela arrive – d’inscrire une ligne budgétaire de 517 000 euros au titre de la réserve parlementaire du Sénat, dont le montant est en effet celui que vous venez d’évoquer.

Je reconnais que le Gouvernement a fait preuve d’un incroyable amateurisme ! (Sourires.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Tout à fait, je le maintiens !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je saisis cette occasion, monsieur le secrétaire d’État, de vous demander si nous pourrions envisager de concentrer la totalité des crédits relatifs à la réserve parlementaire sur le programme n122, au titre des dépenses d’investissement au bénéfice des collectivités locales. Outre que cela aurait l’avantage de satisfaire M. de Courson , cela nous simplifierait grandement la tâche. En effet, la rapporteure générale et moi-même devons chaque année signer chacun près de 120 parapheurs, soit entre 5 000 et 7 000 courriers – la rapporteure générale s’y est peut-être déjà attaqué ; pour ma part pas je n’ai encore eu ce courage.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai connu cela !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. D’année en année, ce nombre ne cesse d’augmenter parce que la réserve parlementaire sert de plus en plus à subventionner des associations plutôt qu’à financer des projets d’investissement de collectivités locales, conformément à ce qui était sa destination initiale.

Si l’on inscrivait les crédits de la réserve parlementaire, soit 90 plus 100 millions d’euros environ, au programme n122, avec la possibilité de les affecter en cours d’année, cela nous éviterait de recourir à cette gymnastique qui consiste à dispatcher, parfois à 1 000 euros près, ces crédits sur tel ou tel programme relatif au sport, à la culture, au social ou à je ne sais quoi.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’en remettra au choix des parlementaires, monsieur Carrez.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Aidez-moi, monsieur le secrétaire d’État, vous qui avez savez d’expérience de quoi je parle !

(L’amendement n91 est adopté.)

(L’article 6 et l’état B, modifiés, sont adoptés.)

Article 7 et état D

(L’article 7 et l’état D sont adoptés.)

Article 8

(L’article 8 est adopté.)

Article 9 bis

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 9 bis.

La parole est à Mme la rapporteure générale pour soutenir l’amendement n42, tendant à la suppression de l’article.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Le présent amendement a simplement pour objet de supprimer un article introduit par le Sénat. Celui-ci risquerait d’entraîner une rupture d’égalité entre candidats à un prêt à taux zéro, outre qu’il pose des problèmes sur le plan de la sécurité juridique. Il est notamment difficile d’imaginer que des banques s’engagent par avance sur un PTZ qui pourrait n’être sollicité que quelques années plus tard.

Je précise qu’il s’agit d’un amendement de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement n’est pas favorable à la suppression de l’article 9 bis, et ce, pour plusieurs raisons.

Premièrement, cette disposition traduit un engagement pris par le Premier ministre devant le congrès de l’Union sociale pour l’habitat. Il avait en effet été annoncé que, pour les locataires accédants, la réglementation du PTZ serait figée, non pas à la levée d’option d’achat mais dès l’entrée dans les lieux, afin de répondre au besoin de visibilité des ménages.

M. Charles de Courson. Sous réserve de l’accord du Parlement !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Deuxièmement, contrairement à ce que vous indiquez, madame la rapporteure générale, l’article 9 bis prévoit que le choix du barème applicable intervient sur accord commun au stade de l’émission de l’offre de prêt, c’est-à-dire de la levée d’option, et non pas au stade de la signature du contrat de location-accession. Par conséquent, le risque d’inégalité de traitement que vous pointez n’existe pas. Au moment de lever son option, un locataire accédant aura toujours la possibilité de choisir entre le barème en vigueur à la date de son entrée dans les lieux et le barème applicable au moment de la levée d’option.

Pour la même raison, il ne sera pas demandé à la banque de s’engager plusieurs années à l’avance sur le PTZ qui sera octroyé, mais simplement de choisir quel barème sera applicable au moment de la levée d’option.

L’article 9 bis répond à l’engagement acté dans l’agenda 2015-2018 pour donner de la visibilité aux locataires accédants signant un contrat à compter du 1er janvier 2015, sans ôter sa compétence au pouvoir législatif ou réglementaire.

Je vous propose en conséquence de rétablir l’article 9 bis en apportant des précisions qui permettront de lever toute ambiguïté à cet égard. C’est le but de l’amendement n84, que je voudrais vous présenter dès à présent, si du moins M. le président me le permet.

M. le président. Je vous en prie, monsieur le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le choix du barème applicable se fera sur option de l’emprunteur lors de l’offre de prêt.

Au vu de ces arguments, je vous saurai gré, madame la rapporteure générale, de bien vouloir retirer l’amendement n42. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

M. le président. Madame la rapporteure générale, acceptez-vous de retirer cet amendement ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’amendement n84 du Gouvernement n’a été déposé que cet après-midi, et je remercie les administrateurs qui l’ont examiné.

Il est vrai qu’il vise à lever un certain nombre d’incertitudes, qui subsistaient dans la rédaction proposée par le Sénat, au bénéfice des banques qui octroieront le PTZ.

Il reste que, pour certains PTZ qui auraient fait l’objet d’un tel accord, il pourrait y avoir un gel rétroactif des règles applicables dans l’état qui était le leur au moment de la signature du contrat de location-accession. Je comprends bien l’objectif de l’article, qui vient d’être rappelé par le Premier ministre : il s’agit de donner plus de visibilité aux personnes qui signent un contrat de location-accession. Il demeure cependant un risque d’inégalité devant la loi entre demandeurs de prêt à taux zéro, et une telle insécurité juridique est susceptible de poser problème.

Je souhaite donc maintenir l’amendement n42 de la commission et m’en remettrai à la sagesse de l’Assemblée quant à l’amendement n84.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il y a une chose que j’aimerais comprendre. De mémoire, il me semble que la clause d’option d’achat d’un contrat de location-accession peut être exercée au bout de dix ans. La rapporteure générale s’interroge donc à juste titre sur ce qui se passera si le prêt à taux zéro que l’on prévoit d’octroyer à l’avance n’existe plus à ce moment-là – ce qui est crédible, compte tenu des changements incessants qui affecte l’état du droit dans ce domaine du logement. Faudra-t-il alors le réinventer ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Tout à fait !

M. Charles de Courson. Je n’ai pas bien compris votre réponse à cet argument, monsieur le secrétaire d’État. En vingt ans, les modalités de ce type de prêts, qui sont délivrés par les banques, ont été modifiées environ sept fois. Il est donc certain que dans dix ans le PTZ n’existera plus sous sa forme actuelle. Voilà ce que j’aimerais comprendre avant de me prononcer au sujet de ces deux amendements concurrents de la commission et du Gouvernement.

(L’amendement n42 n’est pas adopté.)

(L’amendement n84 est adopté.)

(L’article 9 bis, amendé, est adopté.)

Article 12 ter

M. le président. L’amendement n43 de la commission est un amendement de précision.

(L’amendement n43, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 12 ter, amendé, est adopté.)

Article 13 bis

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 13 bis.

Article 14

M. le président. Sur l’article 14, je suis saisi de trois amendements, nos 24, 44 et 1, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n24.

M. Charles de Courson. La logique de cet amendement est simple : à partir du moment où les banques devront contribuer au fonds de résolution unique qui doit être créé au niveau européen, la taxe systémique n’ a plus de raison d’être maintenue.

Afin d’assurer le rendement initialement prévu, le Gouvernement souhaite maintenir une taxe systémique dégressive pendant trois ans. Cependant, comme nous l’avons expliqué en commission des finances, supprimer la déductibilité à la fois de cette taxe et des dotations au FRU européen aura pour conséquence de faire peser une surfiscalité sur les banques. Cela n’est pas raisonnable.

Par souci de cohérence, je propose donc, puisque la dotation au fonds de résolution européen ne sera plus déductible, qu’on supprime la taxe systémique.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n44.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement vise à rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture et à maintenir la non-déductibilité de la taxe de risque systémique et de la taxe sur les bureaux en Île-de-France.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n1.

M. Éric Alauzet. La création du fonds de résolution unique vise à libérer progressivement le contribuable de toute hypothèque qui pèserait sur lui en cas de mésaventure boursière ou financière dont les banques seraient à l’origine. Afin de protéger le contribuable, le présent amendement vise à faire peser la réparation d’un tel préjudice sur les banques en revenant sur la non-déductibilité de leur contribution à ce fonds de résolution.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons déjà débattu de cette question en première lecture. M. de Courson évoque une « surfiscalisation » du secteur bancaire – chacun appréciera. Le Gouvernement estime, après en avoir discuté avec la profession, que ces contributions sont tout à fait supportables.

La réduction graduelle du taux de la taxe de risque systémique est d’ailleurs contestée par un certain nombre de parlementaires, qui se demandent en quoi l’instauration d’une contribution au fonds de résolution, le FRU, appellerait nécessairement la suppression de la taxe de risque systémique. Le Gouvernement a fait le choix de mener concomitamment la montée en puissance de la contribution au FRU, et la baisse du taux de la taxe sur les risques systémiques, avec une légère « bosse », pour reprendre le terme que j’avais utilisé en première lecture.

M. de Courson, j’ai déjà suggéré à votre commission d’user des pouvoirs qui sont les siens, pour mesurer la prétendue « surfiscalisation » du secteur bancaire – je n’en dirai pas plus.

Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement de la commission, qui rétablit l’article dans sa rédaction initiale. Il aurait pu être favorable à votre amendement, monsieur Alauzet, mais il semble qu’il n’est pas aussi complet que la rédaction proposée par la rapporteure générale. Je vous invite donc à vous rallier à l’amendement de la commission. Ce dernier a la préférence du Gouvernement, qui est défavorable aux deux autres.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Certes, monsieur le secrétaire d’État, nous avons déjà eu ce débat en première lecture, mais la nouvelle lecture n’interdit pas de revenir sur ce qui nous semble être des incohérences.

S’il est établi que les banques françaises contribueront au fonds de résolution unique, la question du niveau de cette contribution et de sa part dans la contribution globale des banques européennes reste entière. Vous serez amené à y répondre lorsqu’il s’agira de fixer le montant de cette contribution.

Quant à la taxe de risque systémique, même si elle est appelée à décroître progressivement à compter de 2017 jusqu’à s’éteindre totalement, elle représente en attendant une charge, donc un décaissement pour les banques. Vous rendez cette taxe non déductible, alors que son produit n’alimente pas un fonds dédié, un dispositif destiné à parer à une défaillance des banques. Les banques ne pourront donc pas déduire de leurs impôts une charge qui est une recette pour l’État : c’est tout le non-sens de cette disposition. En procédant ainsi, vous affaiblissez le secteur bancaire, qui pourtant génère de l’emploi. Que l’on aime ou pas les banques, il y a des emplois dans ce secteur, et il faut penser à les protéger.

(L’amendement n24 n’est pas adopté.)

(L’amendement n44 est adopté et l’amendement n1 tombe.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n88.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement confesse un oubli dans la première rédaction de cet article, qui ne visait que les contribuables assujettis à l’impôt sur les sociétés. Le présent amendement a vocation à réparer cette omission et à étendre, dans un souci d’équité, cette non déductibilité à la détermination des revenus fonciers perçus par une personne physique.

(L’amendement n88, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 14, amendé, est adopté.)

Article 15 bis A

M. le président. Je suis saisi de deux amendements de coordination, nos 64 et 45, de Mme la rapporteure générale.

(Les amendements nos 64 et 45, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 15 bis A, amendé, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2014 ;

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ;

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly