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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 17 décembre 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement sur des sujets européens

Plan de relance européen

M. Arnaud Richard

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Directives "Qualité de l’air" et "Économie circulaire"

Mme Danielle Auroi

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Convention européenne des droits de l’homme

M. Jean-Claude Mignon

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Conférence de Lima

M. Michel Lesage

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Plan de relance européen

M. Joaquim Pueyo

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Condamnations de la France par la Cour européenne des Droits de l’homme

M. Pierre Lellouche

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Politique d’inclusion des personnes handicapées

Mme Martine Carrillon-Couvreur

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Examen du budget de la France par la Commission européenne

M. François Vannson

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Soutien aux PME

M. Christophe Léonard

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Plan de relance européen

M. Didier Quentin

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Taxe sur les transactions financières

M. Nicolas Sansu

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Transposition de la directive « Document unique »

M. Yves Nicolin

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

SNCM

Mme Marie-Arlette Carlotti

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Développement économique des outre-mer

M. Ary Chalus

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

Politique de l’immigration

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

2. Délimitation des régions et modification du calendrier électoral

Présentation

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Discussion générale

M. Ary Chalus

M. Marc Dolez

M. Sébastien Denaja

M. Hervé Gaymard

M. Michel Piron

M. Paul Molac

Texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture

Amendements nos 1 , 3 , 5 , 6

Explications de vote

M. Hugues Fourage

M. François de Rugy

M. Hervé Gaymard

M. Michel Piron

Mme Jeanine Dubié

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

3. Habilitation du Gouvernement à prendre les mesures législatives nécessaires au respect du code mondial antidopage

Présentation

M. Thierry Braillard, secrétaire d’État chargé des sports

M. Pascal Deguilhem, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Discussion générale

M. Ary Chalus

Mme Marie-George Buffet

Mme Brigitte Bourguignon

Mme Sophie Dion

M. Guénhaël Huet

Mme Barbara Pompili

Mme Valérie Fourneyron

M. François Rochebloine

M. Thierry Braillard, secrétaire d’État

Article unique

M. Thierry Mariani

Vote sur l’article unique

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement sur des sujets européens

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement sur des sujets européens.

Plan de relance européen

M. le président. Nous commençons par une question du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Avec le plan Juncker, la Commission européenne met enfin l’accent sur la croissance. Cela va dans la bonne direction et nous ne pouvons que nous en féliciter. Mais nous avons tous en mémoire le pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi de 120 milliards d’euros inventé par François Hollande pour justifier son revirement sur le traité européen. Plus de deux ans après ce pacte de 120 milliards d’euros, le bilan pour la France est assez calamiteux, ce que l’on ne peut que déplorer.

Le plan Juncker est donc présenté comme l’alpha et l’oméga du retour à la croissance. Les 300 milliards d’euros sur trois ans annoncés représentent, pour la France, environ 45 milliards d’euros.

Dans le même temps, aucun retour n’est garanti sur les fonds qu’apporteront les États au plan Juncker. On peut légitimement craindre – mais le Gouvernement va nous rassurer – que ces fonds viennent seulement compenser la baisse de certains crédits. Je pense notamment aux 5 milliards d’euros qui seront alloués à la rénovation urbaine : viendront-ils uniquement du plan Juncker ?

Enfin, monsieur le Premier ministre, le temps n’est-il pas venu de se poser la question du déficit structurel ? Ne faut-il pas profiter du plan Juncker pour que tous les investissements d’avenir passent sous les fourches caudines de ce plan et soient enfin retirés du déficit structurel, afin que l’on puisse préparer l’avenir de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupes UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le député, je ne peux pas vous laisser dire que le plan de croissance de l’été 2012 n’a donné aucun résultat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. La croissance est nulle !

M. Emmanuel Macron, ministre. Grâce à l’augmentation de capital décidée à ce moment pour la Banque européenne d’investissement, la BEI, la France a pu augmenter les crédits alloués aux territoires, qui sont passés de 4,5 milliards d’euros environ par an en moyenne à plus de 7,5 milliards d’euros dans les années qui ont suivi. Il y a bel et bien eu un résultat concret, dont plusieurs territoires ont pu constater la réalité. Il n’est donc pas vrai que nous n’avons eu aucun résultat depuis juin 2012.

Le plan proposé par le nouveau président de la Commission européenne sera débattu jeudi par les chefs d’État et de gouvernement. Il a été accueilli favorablement car, comme vous le disiez, il va dans la bonne direction.

À partir de 21 milliards d’euros d’argent public communautaire, d’une part, et de contributions de la BEI, d’autre part, ce plan a vocation à permettre de déclencher des contributions publiques et privées, avec pour objectif un montant total de 315 milliards d’euros.

La volonté du Gouvernement, comme le dira le Président de la République, est de faire en sorte que nous puissions aller plus loin, que ce plan soit plus ambitieux en termes de contributions européennes, afin de permettre davantage de de réalisations au niveau européen.

Il ne faut pas s’interdire de mettre davantage de fonds propres sur la table et qu’éventuellement l’instrument ainsi constitué possède des capacités d’émissions communes pour aller au-delà et avoir une capacité d’intervention publique supérieure.

Le débat s’ouvre. Il a été porté au niveau des ministres des finances par Michel Sapin et quelques-uns de ses collègues. Dès demain, il sera porté par le Président de la République pour favoriser une politique macroéconomique plus adaptée au contexte actuel,…

M. Arnaud Richard. Enfin !

M. Emmanuel Macron, ministre. …une meilleure coordination de nos politiques budgétaires et, même s’il ne faut jamais en parler, faire en sorte que, dès le mois de janvier, une politique monétaire plus appropriée accompagne nos efforts. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Directives "Qualité de l’air" et "Économie circulaire"

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi, pour le groupe écologiste.

Mme Danielle Auroi. Monsieur le Premier ministre, je tiens à saluer aussi Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, retenue à Bruxelles et que j’ai eu l’honneur d’accompagner à Lima. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Dans son projet de programme pour 2015, présenté officiellement hier, la Commission européenne envisage d’abandonner purement et simplement les projets législatifs consacrés à la qualité de l’air et à l’économie circulaire. Le supposé « mieux légiférer » du président Juncker ne peut aller à rencontre des choix des citoyens et risquer ainsi d’aggraver encore la crise de confiance envers l’Union. Car ces deux paquets législatifs ne sont nullement superflus – avec dix autres ministres de l’environnement et en phase avec les ONG environnementales, Ségolène Royal a justement appelé l’attention de la Commission sur leur importance.

La pollution de l’air est la première cause de mortalité prématurée dans l’Union européenne. Ces morts sont liées à l’augmentation des maladies respiratoires et des cancers provoqués par la dégradation de l’air extérieur et intérieur. Légiférer est donc non seulement une nécessité en termes de santé mais représente aussi une économie potentielle de plus de 140 milliards d’euros. Le groupe écologiste considère que revoir à la baisse l’ambition politique en la matière constituerait un recul inacceptable.

Quant à l’économie circulaire elle est déjà à l’œuvre dans l’Union, et, contrairement à ce que les lobbies industriels essaient de faire croire, elle est source d’innovation et de croissance. Songez, par exemple, que près des deux tiers des 2,5 milliards de tonnes de déchets produits chaque année en Europe ne font aujourd’hui l’objet d’aucun recyclage, alors que 70 % des déchets municipaux pourraient être recyclés d’ici 2030 : vous voyez bien le nombre d’emplois qui peuvent y être associés.

Sur ces deux grands sujets de santé environnementale et d’économie sociale, quelles suites le Gouvernement compte-t-il donner à cette démarche de protestation face à la Commission européenne ? Comment faire infléchir cette décision qui provoque inquiétude et colère ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme Delphine Batho. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Madame la présidente Auroi, je vous remercie de cette question relative au programme de travail adopté hier par la Commission européenne pour l’année 2015, et présenté aujourd’hui même devant le Parlement européen à Strasbourg.

La Commission européenne a décidé, parallèlement à l’identification de ses grandes priorités – la croissance, l’emploi et une politique d’immigration commune –, de faire le tri dans un ensemble de directives et de projets de législation européenne qui, pour certains, ne correspondent plus aux priorités d’aujourd’hui ou sont enlisés depuis des années faute d’un accord suffisant entre les États membres.

Nous partageons la démarche générale, très audacieuse, qui vise à la simplification et à l’efficacité et qui a conduit M. Jean-Claude Juncker à annoncer que 80 textes de projets de directives seraient mis de côté afin de ne pas encombrer l’agenda européen. Mais, et vous avez parfaitement raison de le souligner, cet exercice doit pas se transformer en un acte de renoncement de la part de la Commission européenne dans des domaines où nous avons absolument besoin d’agir ensemble. Vous avez rappelé à juste titre que les propositions relatives à plusieurs législations environnementales posent problème.

C’est la raison pour laquelle, dès avant l’adoption de ces programmes, à titre d’alerte, Mme Ségolène Royal, comme vous l’avez rappelé, a adressé au président de la Commission européenne, avec d’autres ministres de l’environnement, une lettre l’informant que nous n’accepterions pas de renoncer à avancer sur ces sujets. Lors de la réunion du Conseil des affaires générales, qui réunit les ministres des affaires européennes, j’ai moi-même demandé hier, avec le soutien de plusieurs autres États, que la Commission reconsidère sa décision, car les deux directives que vous avez mentionnées – relatives à la qualité de l’air et à l’économie circulaire, c’est-à-dire notamment au retraitement des déchets – sont absolument essentielles.

Nous demandons donc à la Commission, tout en respectant son monopole de l’initiative, de reconsidérer ses positions et de remettre ces deux sujets à l’ordre du jour. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.)

Convention européenne des droits de l’homme

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mignon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Claude Mignon. Monsieur le Premier ministre, le traité de Lisbonne prévoit l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. Je considère personnellement qu’il s’agit d’une avancée considérable, qui permettra la protection des droits de l’homme sur l’ensemble du continent européen.

Où en sont aujourd’hui ces négociations, qui ont été difficiles à mener au cours de l’année 2013 – j’ai en effet cru comprendre que certains États bloquaient cette adhésion ?

Lorsque cela sera chose faite, l’Union européenne aura l’obligation de faire élire un juge qui la représentera au sein de la Cour européenne des droits de l’homme. Aujourd’hui, certaines questions légitimes se posent sur le fonctionnement même de cette Cour.

Celle-ci a mis en place, afin de sélectionner ses juges, le « comité 255 », qui donne des résultats efficaces. Force est de constater que le panel que nous avons mis en place à cette fin avec M. Jean-Paul Costa, ancien président français de la Cour, n’est pas suffisant, car certains pays présentent la candidature de juges ne répondant pas forcément à tous les critères, notamment linguistiques.

La France, au sein du comité des ministres du Conseil de l’Europe, a-t-elle l’intention de faire entendre sa voix afin que puisse être traité ce problème qui ne l’a été ni à Interlaken, ni à Izmir, ni à Brighton ?

En outre, le fonctionnement de la Cour de justice de l’Union européenne représente un coût important – 355 millions d’euros, contre 67 millions d’euros pour la Cour européenne des droits de l’homme. Nous ne pouvons donc plus fonctionner comme nous le faisions voilà une cinquantaine d’années, lors de sa création. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, j’ai reçu la semaine dernière Mme Anne Brasseur, qui préside l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, institution que vous avez vous-même présidée. Avec elle, nous avons fait le tour de ces questions. Vous m’interrogez sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. Les représentants des pays membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne ont en effet finalisé en avril 2013 ce projet d’adhésion, qui contient quatre textes : un projet de rapport d’adhésion, un projet de rapport explicatif, un projet de déclaration et un projet de règles qui seraient susceptibles de s’ajouter aux règles du comité des ministres.

Le projet de rapport d’adhésion contient également des dispositions visant à préciser, outre la portée de l’adhésion, la compatibilité avec les protocoles et les réserves admissibles. Dès demain, la Cour de justice de l’Union européenne se prononcera sur la compatibilité entre ce projet et les traités de l’Union européenne. Ensuite, évidemment, les pays membres de l’Union européenne devront se prononcer à l’unanimité et la ratification aura lieu selon les règles internes de chaque pays.

Pour ce qui est de la nomination des juges, le protocole 14 modifie la Convention et indique que les juges seront élus pour neuf ans, qu’ils ne seront pas rééligibles, que leurs fonctions prendront fin lorsqu’ils atteindront l’âge de 70 ans et qu’ils ne pourront être relevés de leurs fonctions que si deux tiers des juges se prononcent en ce sens. Vous avez cependant souligné très justement qu’il nous faut être très attentifs aux conditions d’indépendance et de qualité de ces juges.

Quant aux moyens, le ministère des affaires étrangères est très mobilisé autour de la nécessité d’accroître les moyens propres à assurer l’effectivité de l’action du Conseil de l’Europe et des pays de l’Union européenne.

Conférence de Lima

M. le président. La parole est à M. Michel Lesage, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Lesage. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Dans un an, du 30 novembre au 11 décembre 2015, la France accueillera la vingt-et-unième conférence sur le climat, dite COP 21. C’est donc avec une attention particulière que notre pays et son gouvernement ont suivi le déroulement de la COP 20 qui vient de s’achever à Lima, au Pérou. Lima n’a pas vraiment répondu à nos attentes.

En 2015, en tant que pays hôte, il nous revient de coordonner l’agenda et le contenu des discussions climatiques qui se tiendront au cours des prochains mois. Le Gouvernement met tout en œuvre pour faire avancer les négociations, apaiser les tensions concernant notamment le clivage Nord-Sud et essayer d’avancer sereinement en vue d’aboutir à un accord qui satisfasse tout le monde l’année prochaine.

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Le regret visionnaire du président Chirac en 2002 (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) est en train d’être dépassé ; la prise de conscience se concrétise de plus en plus.

La France, comme dix autres pays européens – cela vient d’être rappelé à l’instant –, regrette la décision de la Commission européenne de ne pas inscrire à son agenda le paquet législatif « économie circulaire », présenté en juillet dernier – un texte ambitieux. Néanmoins, notre pays avance : après avoir voté la loi sur la transition énergétique, il examinera début 2015 la loi sur la biodiversité.

Chacun doit ajouter sa pierre à l’édifice. La France et l’Europe comptent y prendre toute leur part avec l’organisation de la COP 21 à Paris. Les autres États membres, le réseau diplomatique européen et les institutions européennes seront des alliés décisifs pour faire de Paris 2015 une réussite, au service de l’humanité.

Monsieur le ministre, notre pays veut être au rendez-vous de l’histoire. La lutte contre le réchauffement climatique est un combat universel, un combat de régulation. Pouvez-vous nous dire comment notre pays prépare ce grand rendez-vous international de 2015 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, quels sont les objectifs de la COP 21, qui aura lieu l’année prochaine, en décembre, et qui sera la plus vaste réunion diplomatique jamais organisée en France, avec 20 000 délégués, 20 000 invités et 3 000 journalistes – c’est dire l’ampleur de ce qui nous attend ?

Un député du groupe UMP. Combien cela va-t-il coûter ?

M. Laurent Fabius, ministre. Nous avons trois objectifs. Le premier est d’aboutir au premier accord mondial qui engage les 196 pays à agir pour que la température n’augmente pas de plus de deux degrés, compte tenu des gaz à effet de serre.

Deuxième objectif : quelque temps auparavant, chaque pays aura dû fournir ses engagements concernant cet objectif, et il s’agira de les juger.

Troisième objectif, portant sur ce que nous appelons « l’agenda des solutions » : on demandera aussi aux grandes collectivités locales, régions, villes, ainsi qu’aux entreprises et au secteur économique de dire ce qu’ils peuvent faire en ce sens.

Lima a montré qu’il est très difficile de mettre d’accord 196 pays, sur la différence Nord-Sud comme sur beaucoup d’autres sujets. La présidence française, en liaison avec l’Europe et avec les autres pays, devra déployer toute son énergie pour y parvenir. C’est évidemment un enjeu immense : vous avez rappelé la phrase du président Chirac, mais il faut bien reconnaître que depuis, les choses ne se sont pas améliorées et que c’est l’existence même d’une planète vivable qui est en jeu.

Je compte beaucoup aussi sur la diplomatie parlementaire – je vous ferai des propositions précises pour nous y aider. Soyez assuré que cette conférence est une priorité pour tout le Gouvernement et en particulier pour la diplomatie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Plan de relance européen

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Joaquim Pueyo. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

Notre majorité a placé la réorientation européenne au cœur de son action. Notre doctrine est simple : l’Europe est centrale dans la résolution de la crise mais, pour jouer pleinement son rôle, elle doit s’efforcer de sortir du statu quo qui a abîmé son projet.

Depuis 2012, la France est à pied d’œuvre pour construire des alliances permettant d’explorer de nouvelles dimensions. C’est le cas avec l’assouplissement de la politique monétaire : taux d’intérêt historiquement bas et baisse de la parité euro dollar ; c’est le cas avec l’union bancaire et la taxe sur les transactions financières, qui permettent de tirer les leçons de la crise ; c’est le cas, aujourd’hui, bien évidemment, avec le plan de relance de 315 milliards d’euros engagé par la commission Juncker pour relancer la croissance et l’emploi.

De quoi s’agit-il ? D’accélérer les projets d’investissement aux quatre coins de l’Europe. La France a déjà recensé 32 projets pouvant être intégrés au plan Juncker pour un montant de 48 milliards d’euros. Innovation, numérique, usine pilotes de nouvelle génération, rénovation urbaine, transition énergétique et rénovation thermique, développement des infrastructures de transport : ce programme est vraiment ambitieux. Avec le plan de relance de 315 milliards d’euros, l’Europe montre que le message des élections de 2014 a été entendu.

Monsieur le ministre, le plan Juncker est une étape décisive dans la réorientation européenne. Sa réussite doit permettre de démontrer ce que l’Europe peut faire concrètement et, par la même occasion, d’engager l’Union dans une dynamique de croissance. Ce sujet est au cœur des discussions du Parlement et du Conseil européen cette semaine. La France prendra toute sa part aux discussions à venir. Pouvez-vous nous indiquer quels seront les objectifs de la France en la matière ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, ce plan d’investissement de 315 milliards d’euros proposé par la Commission sera, comme vous venez de l’indiquer, présenté demain à l’adoption du Conseil européen. C’est un succès pour la France qui a souhaité que l’investissement soit désormais au cœur de l’agenda européen ; c’est un élément absolument majeur de la réorientation des politiques européennes. La priorité aujourd’hui, c’est l’investissement, et non l’austérité ; c’est le soutien à des projets structurants pour l’avenir de l’Europe.

Ce plan repose sur trois piliers. Premièrement, un fonds européen pour les investissements stratégiques qui, grâce à la garantie du budget de l’Union européenne et de la Banque européenne d’investissement, doit permettre de lever ces 315 milliards d’euros ; deuxièmement, une réserve de projets à forte valeur ajoutée européenne – nous avons présenté des projets, les autres pays également ; troisièmement, des mesures d’amélioration de l’environnement réglementaire pour rendre celui-ci plus favorable aux investissements, en particulier dans des domaines comme le numérique et l’énergie.

Notre premier objectif est l’adoption rapide de ce plan. Nous souhaitons donc que, demain, le Conseil européen donne mandat à la Commission pour présenter dès le mois de janvier une proposition législative pouvant être adoptée par le Parlement et le Conseil européen d’ici au mois de juin.

Notre deuxième objectif est de pouvoir renforcer ce plan. Ainsi que le ministre de l’économie, M. Emmanuel Macron, l’a indiqué, nous souhaitons que des contributions budgétaires des États ou des apports des banques publiques d’investissement, telles que la BPI France, la Caisse des dépôts ou la KfW allemande, viennent étayer et élargir ce fonds.

Notre troisième objectif est d’obtenir le soutien pour de bons projets français. Nous avons déjà présenté une première liste indicative portant sur des projets relatifs au Grand Paris, des projets transversaux portant sur la modernisation de notre tissu économique, sur l’aide aux PME qui innovent dans le numérique ou dans la transition énergétique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Un député du groupe UMP. C’est un peu nébuleux !

Condamnations de la France par la Cour européenne des Droits de l’homme

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Lellouche. Monsieur le Premier ministre, en l’espace de sept mois, la Cour européenne des droits de l’homme vient d’infliger trois camouflets à la France, sur des points centraux de son droit et de ses institutions.

En juin, la famille : la Cour impose à la France de reconnaître la filiation des enfants nés de mères porteuses à l’étranger dans l’état civil français.

Mme Annie Genevard. C’est une honte !

M. Pierre Lellouche. En juin, la même Cour a exigé de nos armées, monsieur Le Drian, la création de syndicats de soldats.

Et ce 4 décembre, cerise sur le gâteau, dans deux arrêts absolument ubuesques, Ali Samatar contre France et Hassan contre France, la Cour européenne impose à la France de payer 52 000 euros de dommages et intérêts pour le « préjudice moral » subi par des pirates somaliens qui avaient agressé des bateaux français dans le golfe d’Aden et que les commandos français avaient eu le tort d’intercepter. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Myard. On marche sur la tête !

M. Pierre Lellouche. Cette jurisprudence est d’autant plus insupportable que, dans chaque cas, le Gouvernement français n’a pas fait appel et que la Cour est totalement asphyxiée : 800 millions d’Européens peuvent la saisir directement, si bien qu’il y a 60 000 requêtes supplémentaires chaque année et 150 000 affaires pendantes.

La question qui se pose – pas seulement au Parlement français d’ailleurs, je pense au Parlement britannique et au Parlement suisse, par exemple – est la suivante : que pensez-vous, monsieur le Premier ministre, au moment où apparaît le divorce entre les peuples et les institutions européennes, de cette jurisprudence émanant d’un gouvernement des juges autoproclamé, que personne ne contrôle ? Tel est le sujet sur lequel nous aimerions vous entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député Pierre Lellouche, vous avez été en charge des affaires européennes et vous connaissez parfaitement le fonctionnement des institutions européennes. Vous savez que la Cour européenne des Droits de l’homme fonde ses jugements sur la base de la Convention européenne des droits de l’homme, que les pays membres ont signée et ratifiée. Et la France s’honore de l’avoir fait, d’avoir compté parmi les pays remarquables qui ont signé et ratifié cette convention.

M. Jacques Myard. Et alors ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les jugements de cette Cour sont fondés sur les articles de la Convention européenne des droits de l’homme. Souvent, cette convention contribue à préciser les libertés et les devoirs qui protègent nos concitoyens.

Vous savez, monsieur le député, que les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, dans laquelle siège un magistrat français de très grande qualité, les magistrats étant désignés par les pays membres, que ces décisions sont respectueuses des droits de ces pays.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas vrai !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par exemple, sur la famille, la Cour européenne a pris la peine de distinguer la situation des parents de celle des enfants, ce qui ne remet nullement en question la souveraineté de la France, qui est libre d’autoriser ou d’interdire la gestation pour autrui et conserve la totale liberté de maintenir dans son droit l’interdiction absolue de la GPA.

M. Philippe Goujon. Donc, tout va bien !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le divorce que vous évoquez est lié souvent à une méconnaissance du fonctionnement des institutions européennes.

Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Jean-Claude Mignon. C’est vrai.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous y contribuons lorsque nous laissons croire qu’il y a de l’opacité. Je ne pense pas qu’il soit sain, ni pour la démocratie française, ni pour l’Union européenne, que nous puissions contribuer à faire croire qu’il y a de l’opacité.

Mme Bérengère Poletti. On ne peut rien dire, alors ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’Europe, c’est un rassemblement de pays : les pays contribuent à l’Europe et tous les ministres vont régulièrement aux conseils des ministres européens. C’est nous qui contribuons à élaborer les lois européennes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

M. Pierre Lellouche. Vous n’avez pas répondu.

Politique d’inclusion des personnes handicapées

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

L’Union européenne a édifié, par sa Charte des droits fondamentaux du 7 novembre 2000, les fondations d’une société inclusive où toutes les personnes en situation de handicap doivent trouver leur place.

La ratification, par les instances communautaires, de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, le 5 janvier 2011, engage les États à garantir et à promouvoir le plein exercice de l’ensemble des libertés fondamentales protégées.

Parmi ces libertés, l’article 9 consacre l’accès des personnes handicapées à l’environnement physique, aux transports, à l’information et à la communication.

La France, mondialement identifiée pour son engagement en faveur de la défense des droits de l’homme, doit devenir le modèle d’une nation pleinement inclusive.

La Conférence nationale du handicap, qui s’est tenue jeudi dernier à l’Élysée, sous l’égide du Président de la République, dans le prolongement du comité interministériel de septembre 2013, constitue le symbole de cette ambition collectivement partagée.

Le Président vient d’ailleurs d’en officialiser le caractère annuel, pour que tous les acteurs publics et privés se mobilisent en ce sens.

Cette conférence a permis de faire émerger les grandes orientations politiques à mettre en œuvre pour la jeunesse, l’emploi, l’accès aux soins et l’accessibilité universelle.

Sur ce dernier point, nous attendons que les ordonnances respectent les conclusions de la grande concertation nationale conduite durant trois mois avec l’ensemble des acteurs concernés.

Pouvez-vous nous confirmer, madame la secrétaire d’État, la conformité de ces ordonnances à l’esprit de la loi d’habilitation, et que, sous votre impulsion, la France poursuivra ses engagements, pour devenir une nation accessible et inclusive, dans le respect des textes internationaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Allô ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la députée, vous citez la Charte européenne des droits fondamentaux du 7 novembre 2000 et la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées et je vous en remercie.

Vous citez également l’article 9 de cette convention, qui est extrêmement précis et qui dit que les États parties prennent des mesures appropriées pour assurer aux personnes handicapées l’accès à l’environnement physique, aux transports, à l’information et à la communication, y compris aux systèmes et technologies de l’information et de la communication, et aux autres équipements et services ouverts ou fournis au public, tant dans les zones urbaines que rurales.

C’est précisément, madame la députée, ce que nous faisons avec la mise en place des agendas de l’accessibilité programmée, qui sont, je le rappelle, des calendriers pluriannuels précis et chiffrés. Comme vous le savez, nous sommes encore en train de travailler ensemble à certaines améliorations du dispositif, avec vous et avec d’autres députés présents sur ces bancs.

Selon les configurations, les agendas seront déposés en mairie ou en préfecture, dans un délai de douze mois à compter de la publication de l’ordonnance. Un formulaire CERFA particulièrement simplifié permettra de formaliser l’agenda.

M. Christian Jacob. Virgule…

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Les services de transport public devront eux aussi élaborer un schéma directeur d’accessibilité et un Fonds national d’accompagnement de l’accessibilité universelle est créé par l’ordonnance.

M. Christian Jacob. Point, à la ligne…

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Ses ressources proviendront des sanctions prévues par le nouveau dispositif.

Sans ces agendas, la mise en accessibilité de notre pays n’avancerait pas, chacun le sait ici. Il ne s’agit donc en aucun cas d’un report de la loi de 2005 : il s’agit de se donner les moyens d’appliquer cette loi.

M. Yves Censi. Qu’elle donne son papier !

M. Bernard Accoyer. Une photocopie suffira !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Oui, nous respecterons le projet de loi d’habilitation et l’ordonnance. Je sais pouvoir compter sur vous et sur le dialogue que nous avons établi pour pouvoir améliorer ensemble ce qui peut l’être et pour permettre une accessibilité concrète en France, dans le respect de la convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées.

M. Bernard Accoyer. Quelle éloquence !

Un député du groupe UMP. C’est Sarah Bernhardt !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Comme prévu, le projet de loi de ratification de l’ordonnance sera déposé et débattu devant le Parlement début 2015. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Examen du budget de la France par la Commission européenne

M. le président. La parole est à M. François Vannson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. François Vannson. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Il y a quelques semaines, la Commission européenne octroyait à la France un sursis de quelques mois avant de rendre un avis définitif sur son budget et de décider ou non de sanctions.

Cette décision, loin d’être anodine, engage la responsabilité de la France : sans la mise en œuvre de réformes structurelles nécessaires – déjà engagées par bon nombre de nos voisins européens – notre pays risque d’être sanctionné.

Outre les sanctions économiques, dont l’impact risque d’être très important compte tenu de notre mauvaise santé financière, c’est la crédibilité de la France qui est en jeu.

Le déficit est reparti à la hausse en 2014 et plutôt que d’engager immédiatement les réformes structurelles nécessaires, vous avez décidé de reporter l’objectif des 3 % de déficit à 2017.

Par ailleurs, vous présentez le projet de loi Macron comme une loi de réforme et de croissance afin de répondre aux demandes et aux exigences de la Commission européenne.

Cependant, on ne peut que regretter de ne pas y voir figurer des réformes pourtant plusieurs fois esquissées par votre ministre de l’économie – sur le temps de travail, sur l’assurance chômage, ou encore sur le contrat de travail.

Il est donc à craindre que les mesures contenues dans ce texte dont nous discuterons en janvier ne soient pas suffisantes pour convaincre Bruxelles.

Aussi, monsieur le Premier ministre, et sans faire preuve d’aucun esprit polémique, ma question est très simple : que se passera-t-il au mois de mars, une fois que le délai accordé par la Commission à la France sera dépassé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le député, contrairement à ce que vos dites, la Commission s’est donné quelques mois pour apprécier – et elle a raison de le faire – la situation exacte non de la France mais de plusieurs pays européens qui, aujourd’hui, méritent son attention.

Je n’ai aucune inquiétude ni aucun doute : la France respectera les règles qu’elle s’est imposées, que nous nous sommes imposées.

Je trouve tout à fait dommageable que, dans cet hémicycle, vous présentiez l’Europe ainsi : la Commission n’aura pas à sanctionner tel ou tel pays.

M. Marc Dolez. Bien sûr que si !

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le député, j’aimerais vous inciter à prêter attention à ce qui est le plus important. Les questions comptables, certes, le sont toujours, et le respect des règles est nécessaire mais qu’est-ce qui, aujourd’hui, est décisif ?

M. Christian Jacob. Le chômage et l’emploi !

M. Michel Sapin, ministre. C’est la situation économique de la zone euro. Elle se résume d’ailleurs très simplement : une trop faible croissance, une trop faible inflation et un trop fort chômage…

M. Christian Jacob. Surtout, trop de socialistes !

M. Michel Sapin, ministre. …pendant trop longtemps.

M. Sylvain Berrios. Travaillez un peu !

M. Michel Sapin, ministre. C’est à cette situation, au niveau de la zone euro et des principaux pays qui la constituent, dont la France, qu’il convient aujourd’hui de répondre.

Mme Laure de La Raudière. Arrêtez de commenter la situation !

M. Michel Sapin, ministre. C’est sur ce point-là que chacun doit prendre ses responsabilités. Nous, la France, nous devons le faire, en particulier en réformant profondément la société et l’économie.

Mme Laure de La Raudière. Bla bla bla !

M. Michel Sapin, ministre. Emmanuel Macron engagera devant vous un débat sur la réforme, non parce que nous y serions obligés, mais parce que c’est bon pour la France, c’est bon pour notre économie, c’est bon pour nos entreprises et c’est bon pour notre société ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Sylvain Berrios. Et l’emploi ?

M. le président. S’il vous plaît, un peu de calme !

M. Michel Sapin, ministre. En outre, nous devons faire en sorte que le rythme de réduction des déficits et que les contractions budgétaires ne soient pas contraires aux besoins de stimulation budgétaire de notre économie.

Nous voulons de la croissance, nous voulons de l’emploi ; c’est cela, le plus important pour l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Soutien aux PME

M. le président. La parole est à M. Christophe Léonard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Léonard. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Dans une Europe qui souffre d’un défaut majeur d’harmonisation fiscale, sociale et environnementale, la compétitivité de la France est fragile.

C’est pourquoi, alors que Jean-Claude Juncker a présenté le 26 novembre dernier son plan de relance européen sur trois ans, qui s’élève à 315 milliards d’euros d’investissements et qui est fondé sur un hypothétique effet de levier, il est primordial que notre économie soit suffisamment armée pour faire face à une concurrence intra-européenne débridée.

M. Philippe Vitel. Ce n’est pas gagné !

M. Christophe Léonard. S’agissant des secteurs industriels, où les stocks constituent la majeure partie du besoin de financement à court terme, l’accès au crédit bancaire est de fait indispensable.

Or, en France, les banques sont réticentes à s’engager dans le financement des stocks car deux régimes du gage coexistent dans notre législation, tant dans le code civil que dans le code du commerce, sans que la jurisprudence ait pu en uniformiser l’application.

À titre d’exemple, le département des Ardennes, leader européen de la production de traverses en bois pour les infrastructures ferroviaires, mais aussi fleuron de l’industrie française du cuivre avec le groupe européen de taille mondiale KME, implanté à Givet, souffre d’une insuffisance économique chronique, en comparaison avec l’Allemagne notamment, laquelle autorise le gage sur stocks sans dépossession en garantie de financement.

Dès lors, quelles sont les intentions du Gouvernement pour lever les freins juridiques actuels et développer des outils de financement des stocks favorables aux entreprises de notre pays ?

Au-delà de la nécessaire harmonisation concurrentielle avec nos voisins européens, il s’agit d’un élément structurel de compétitivité. Le Conseil national de l’industrie soutient cette évolution. Votre réponse, monsieur le ministre, n’en est donc que plus attendue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le député, vous avez parfaitement raison d’insister : lorsque l’on compare les modes de financement de nos entreprises avec ceux de nos principaux concurrents européens, il existe une forme de distorsion de concurrence puisqu’il n’est pas possible, aujourd’hui, de financer en particulier les PME et les TPE par l’intermédiaire des gages sur stocks.

Or, dans certains secteurs industriels, en particulier pour les entreprises qui utilisent des stocks de cuivre ou de fer, un tel mode de financement serait extrêmement important et compléterait utilement certains dispositifs existants, dont le crédit-bail.

Aussi, le Conseil national de l’industrie, comme vous l’avez rappelé, a proposé la mise en œuvre d’une telle réforme de nos modes de financement dans le cadre des travaux qu’il a menés avec Mme Prost.

Lors des assises du financement des entreprises, le Président de la République lui-même a accueilli favorablement cette proposition.

Dans le prolongement des assises, j’ai saisi les services du ministère afin qu’en lien avec les professionnels de l’industrie et la Fédération bancaire française nous puissions travailler techniquement sur ce sujet. Comme vous l’avez rappelé, cela suppose en effet de modifier deux codes. De telles dispositions techniques sont en préparation.

Je propose donc que nous modifiions ces deux codes afin de mettre en place un tel système de financement et prendre également en compte ce mode de financement dans les procédures collectives – il convient en effet que cette modification soit intégrée dans toute la chaîne du financement.

Le projet de loi pour l’activité et la croissance comporte des dispositions qui vous permettront, par voie d’amendements, d’enrichir la législation sur ce sujet.

M. Christian Jacob. M. Léonard a l’air satisfait de la réponse ! (Sourires)

M. Emmanuel Macron, ministre. Si tel est votre souhait, je vous propose que, sur la base des travaux engagés par mon ministère et de ceux que vous-même pourrez conduire, de tels amendements nous permettent d’améliorer le mode de financement de nos entreprises et de les rendre – je pense en particulier aux entreprises industrielles – plus compétitives grâce à ce dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Et concrètement ?

Plan de relance européen

M. le président. La parole est à M. Didier Quentin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Didier Quentin. Monsieur le Premier ministre, je reviens sur une question qui vous a déjà été posée par notre collègue Joaquim Pueyo, mais la tonalité en sera peut-être un peu différente.

À l’initiative de l’Allemagne et de la France, la Commission Juncker a présenté un plan de relance et de croissance pour l’Union européenne, doté de quelque 315 milliards d’euros étalés sur trois ans, soit environ 100 milliards d’euros par an. Or on s’aperçoit, en y regardant de plus près, que seuls 5 milliards d’euros sont disponibles immédiatement, alors qu’en parallèle, un effort supplémentaire de 4 milliards d’euros de réduction des dépenses publiques sera sans doute demandé à la France par la Commission européenne en mars 2015. Je répète : entre 4 et 5 milliards d’euros de réduction des dépenses publiques.

S’ajoute à cela une chute des investissements, du fait de la baisse des dotations aux collectivités locales décidée par votre gouvernement, de 3,7 milliards d’euros sur la seule année 2015. Nous atteignons ainsi des sommes bien supérieures à la part qui pourrait revenir à la France dans le cadre de ce plan de relance européen.

Il en résulte malheureusement que ce plan, même s’il est bienvenu dans son principe, ne constitue qu’une goutte d’eau pour éteindre la récession profonde dans laquelle l’Europe et la France se consument.

Monsieur le Premier ministre, vous qui faites actuellement la tournée des capitales européennes, pouvez-vous nous indiquer les initiatives que vous entendez prendre, en liaison avec nos principaux partenaires européens, pour améliorer la pertinence et l’efficacité de ce plan de relance et de croissance ?

Autrement dit, et pour filer la métaphore, pour venir au secours de la maison Europe qui brûle, les pompiers semblent manquer d’eau.

M. Claude Goasguen. Quel talent !

M. Didier Quentin. Comme aurait pu dire Mac Mahon, que d’eau, que d’eau… nous manque ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Bernard Deflesselles. Après Mac Mahon, voici Macron !

M. Jacques Myard. Et son moulin !

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le député, je ne sais pas si je vous apporterai toute l’eau nécessaire, mais en tout cas je ne saurais suivre votre raisonnement, qui consiste à considérer que le sapeur Camember…

M. Jacques Myard. Excellente référence !

M. Emmanuel Macron, ministre. …réduirait les dépenses publiques en France, tout en les accroissant au niveau européen. Vous jugez souvent trop timorés les efforts que nous faisons en matière budgétaire. Nous cherchons à faire ces efforts, partout où c’est possible, en préservant la croissance et l’investissement.

Mes collègues Michel Sapin et Christian Eckert ont parfaitement démontré, me semble-t-il, que l’investissement en France est préservé, et que le plan Juncker n’a pas vocation à s’y substituer.

Pour répondre précisément à votre question, monsieur le député, le plan Juncker est un début, mais il est insuffisant. Nous avons 21 milliards d’euros mobilisables – 5 milliards provenant de la Banque européenne d’investissement, et le reste, des budgets communautaires. Il est clair qu’il faut exercer davantage de pression à court terme, afin que plus d’argent soit directement disponible, et que nous soyons capables de lever ensemble plus d’argent, pour démultiplier notre capacité d’investissement public.

Je l’ai dit, tel est le message que nous allons porter au niveau gouvernemental, et tel est le message que le Président de la République lui-même va porter au Conseil européen. Cette plus grande ambition en matière d’investissement est nécessaire. Ensuite, nous devons la décliner par des projets conjoints – vous avez raison de le souligner. C’est ce que nous faisons avec nos partenaires italiens, ainsi qu’avec nos partenaires espagnols, dans le cadre d’un sommet organisé il y a quelques semaines – des projets d’interconnexion seront, du reste, bientôt présentés. C’est ce que nous faisons, aussi, avec nos partenaires allemands.

Avec Michel Sapin, nous nous sommes rendus en Allemagne il y a quelques semaines. Nous avons défini une feuille de route commune, qui a fait l’objet d’un document conjoint franco-allemand. Et demain, la Chancelière et le Président de la République présenteront des projets franco-allemands extrêmement concrets en matière de transition énergétique, de numérique, et d’infrastructure, qui auront vocation à faire des propositions au plan Juncker.

Taxe sur les transactions financières

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le ministre des finances, il y a un peu plus de quinze ans, la gauche rassemblée portait la voix d’une taxe sur les transactions financières, s’appuyant sur les travaux de James Tobin, à l’origine d’un formidable mouvement citoyen pour un autre partage des richesses.

Le double objectif de cette taxe était, et demeure, de soutenir les pays en développement et de réguler un monde financier complètement fou. Cette volonté commune de dizaines d’ONG, de l’association ATTAC, des partis politiques progressistes en Europe et des forces syndicales s’est heurtée à des pratiques détestables et mortifères de la part des banques et des établissements financiers.

La réalité, c’est que la finance, loin d’avoir été mise au pas, continue ses pratiques délétères, où paradis fiscaux et produits dérivés sont encouragés, au détriment de l’économie réelle. Il est vrai que la nomination du chef des voleurs dans l’affaire Luxleaks à la tête de la Commission européenne conforte les apprentis sorciers, qui sont à l’origine de la crise, dans l’idée que tout est permis.

Aujourd’hui, le courage serait de s’attaquer vraiment à cet « ennemi sans visage ». Une véritable taxe sur les transactions financières, étendue à tous les produits dérivés, et une séparation effective des banques sont deux outils indispensables pour y parvenir. De toutes parts – ONG, médias, négociateurs des autres pays –, il nous revient que la France est aujourd’hui l’un des plus grands freins à la régulation et à la mise en œuvre d’une taxe sur les transactions financières ambitieuse et efficace. Une étude a pourtant montré qu’elle pourrait rapporter à la seule France entre 10 et 24 milliards d’euros par an.

Monsieur le ministre, ce n’est pas la gauche grecque qui menace l’Europe et son système financier. C’est le système capitaliste financier européen et ses pratiques irresponsables qui menacent aujourd’hui les peuples. Allez-vous enfin cesser de décourager nos partenaires européens, engager la France pour porter auprès d’eux la mise en œuvre d’une véritable taxation des transactions financières incluant tous les produits dérivés, et lever les freins à une véritable séparation bancaire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. André Chassaigne. Excellent !

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le député Nicolas Sansu, je vous remercie de votre question. Vous évoquez un sujet important, qui n’est pas entré dans le débat public aujourd’hui, mais il y a de nombreuses années, et dont nous souhaiterions tous qu’il quitte le débat public pour entrer enfin dans la réalité publique. Soyons au moins d’accord et rassemblés sur ce point.

Permettez-moi de vous rappeler clairement et fermement la position de la France, telle qu’elle a été exprimée par ce gouvernement, par le Président de la République et par les Premiers ministres qui se sont succédé au cours de ces dernières années. La France souhaite une taxation des transactions financières sur tous les produits dans l’ensemble des vingt-huit pays de l’Union européenne. Telle est notre position. Telle était aussi, du reste, celle de la Commission européenne, dont nous avons soutenu la proposition.

Qui s’y est opposé ? Ce n’est pas la France, contrairement à ce que vous laissez penser, mais la Grande-Bretagne, la Hollande, et la Suède qui, à l’époque, avait un autre gouvernement. C’est la raison pour laquelle ce que nous souhaitions tous, à savoir une taxe sur toutes les transactions financières applicable dans les vingt-huit pays, n’a pas pu voir le jour. Depuis lors, la France essaie de faire avancer cette belle idée – et j’y travaille aujourd’hui, en tant que ministre des finances. Le nombre de pays concernés est plus limité, puisque nous sommes onze, dans le cadre de ce que l’on appelle une coopération renforcée, mais la Grande-Bretagne, principale place financière de l’Union européenne, n’en fait pas partie. Nous essayons de faire avancer cette belle idée, pour qu’elle ne soit pas seulement une belle idée.

M. André Chassaigne. Ce sont des paroles !

M. Michel Sapin, ministre. J’ai fait des propositions pour avancer dans ce sens, et nous continuons d’y réfléchir avec nos partenaires italiens, allemands et espagnols, notamment. Nous avons décidé qu’avant le 1er janvier 2016, une taxe sur les transactions financière serait mise en œuvre pour les onze pays.

M. André Chassaigne. Une toute petite taxe !

M. Michel Sapin, ministre. Nous l’avons décidé, nous proposons, nous avançons. Et dès janvier prochain, je prendrai une nouvelle initiative pour faire en sorte que cette belle idée devienne une réalité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. André Chassaigne. Ce sont des paroles !

Transposition de la directive « Document unique »

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Nicolin. Monsieur le Premier ministre, il y a quelques mois, devant le MEDEF, vous avez crié votre amour pour les entreprises. Nous sommes bientôt à Noël, il serait intéressant de leur offrir une preuve d’amour !

Je souhaite appeler votre attention sur le DUER, ou document unique d’évaluation des risques, aussi appelé document unique. Il complexifie une fois de plus la tâche de nos entreprises. Le DUER est la traduction française d’une directive européenne – merci de nous quitter, monsieur le Premier ministre ! – qui a pour louable intention d’améliorer et de réduire les risques professionnels.

Personne ne conteste l’enjeu, mais je conteste la méthode qui consiste à créer une véritable usine à gaz – une de plus – faisant peser la menace d’une contravention de cinquième classe sur les chefs d’entreprise, avec possibilité de poursuites pénales.

Dans le même temps, l’Allemagne, soumise à la même directive, a mis en place un dispositif de normes souples, non directement contraignantes, pour leurs entreprises. Ainsi, le caractère incitatif du dispositif allemand, contrairement au dispositif répressif français, est d’un esprit bien différent. Alors que l’Europe est décriée, on se rend compte que c’est en fait notre haute administration qui vient complexifier les normes des directives européennes alors que l’on ne lui demande rien, et qui vient aujourd’hui embêter les chefs d’entreprise dans leur quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Lassalle. Tout à fait !

M. Yves Nicolin. Pendant que le Président de la République annonce avec force dans les médias un grand choc de simplification, j’aurais envie de demander à M. Macron – puisque le Premier ministre est parti – de reprendre la main sur ce sujet et d’aider véritablement les entreprises de notre pays plutôt que de leur casser les pieds.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mes chers collègues, modérez votre joie, s’il vous plaît !

M. Guy Geoffroy. Il reste jusqu’à la fin, lui ?

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, comme vous venez de le rappeler, le texte en question est la conséquence de la transposition d’une directive européenne relative à la protection des travailleurs – il s’agit de la directive 89/391, qui date de 1989.

Cette directive a été transposée en France en 2001. Elle porte sur un principe que nous partageons tous – d’ailleurs vous n’avez pas mis en cause le fond même de cette directive qui s’applique dans l’ensemble de l’Union européenne – qui consiste à faire une bonne évaluation des risques auxquels sont soumis les travailleurs, parce que c’est un élément fondamental de la santé au travail. Il s’agit donc d’éviter la multiplication des accidents du travail. Il y en a énormément en Europe, et il a été considéré que cela justifiait de prendre des mesures de protection de façon harmonisée dans toute l’Europe, car il ne doit pas y avoir de dumping social ou de concurrence déloyale sur la santé et sur les risques d’accidents au travail.

Les documents d’évaluation des risques qui sont exigés par la directive européenne doivent être consultables par tous les salariés, mais aucun modèle n’a été imposé : chaque pays, dans sa loi de transposition, a mis en œuvre les documents d’évaluation en question.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pourquoi faire compliqué si l’on peut faire simple ?

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Plus de dix ans se sont écoulés depuis la transposition de cette directive et plusieurs gouvernements se sont succédé en France. Il est vrai qu’il faut peut-être en tirer la leçon que nous avons besoin de normes européennes, mais peut-être pas de sur-transposer les directives.

Il est donc tout à fait légitime d’examiner les conditions dans lesquelles nous transposons les normes européennes et les directives – parce que nous approuvons le fait qu’il y ait un certain nombre de protections communes – et, s’il le faut, de réexaminer les documents qui méritent de l’être.

M. Sylvain Berrios. Vous allez donc le faire ?

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Mais nous sommes attachés à ce que cette directive soit bel et bien en vigueur, et qu’elle contribue à protéger les salariés des accidents du travail.

SNCM

M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marie-Arlette Carlotti. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Ce n’est pas la première fois que, dans cet hémicycle, des députés de tous bords, de Corse comme du continent, vous interrogent sur l’avenir de la SNCM, monsieur le secrétaire d’État.

Cette entreprise est fondamentale pour nous. Elle est fondamentale pour le développement du port de Marseille ; elle est fondamentale pour assurer la continuité territoriale entre la Corse et le continent, assurant ainsi une mission de service public et, ce faisant, développer économiquement la Corse. Plus encore, elle est vitale pour les centaines de salariés de la SNCM, sans parler de ses nombreux sous-traitants.

Je ne veux pas revenir ici sur ce qui nous a amenés à cette situation ; nous savons qu’elle était inscrite dès 2006 dans le processus de privatisation de la société. (Exclamations sur certains bancs du groupe UMP.) Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est l’avenir de l’entreprise. La SNCM a été placée en redressement judiciaire devant le tribunal de commerce, et l’issue de cette procédure nous inquiète car il est urgent de trouver très vite un repreneur.

L’entreprise a des atouts, des navires, des compétences et des salariés qui connaissent leur métier. Mais elle est sous le coup de deux condamnations de l’Union européenne – l’une est effective, l’autre non – qui portent quand même sur 440 millions d’euros.

Plus urgent et plus grave encore, la question du transfert de la délégation de service public nous inquiète, car nous savons que les services de la Commission européenne bloquent sur ce point. Nous savons que si ce transfert ne se produisait pas, cela écarterait toute perspective de reprise.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous sais extrêmement engagé dans les débats avec la Commission et déterminé dans les négociations que vous menez, et je vous en remercie. Permettez-moi de remercier également votre prédécesseur, Frédéric Cuvillier. Mais aujourd’hui, les salariés ont besoin d’être rassurés. Où en sont les discussions avec la Commission, et peuvent-elles aboutir ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la députée, vous avez rappelé quelle était la situation de la SNCM, entreprise en déficit depuis dix ans, qui a été privatisée dans des conditions ayant amené la condamnation de la France au remboursement, dans deux procédures distinctes, de 400 millions d’euros. Cette entreprise a été amenée à déposer le bilan. Une entreprise, ce sont des hommes et des femmes, ce sont des salariés, et cette entreprise est d’importance pour la ville de Marseille et tout ce territoire.

Le problème, que vous avez fort bien posé, est le suivant : pour qu’il puisse y avoir un repreneur, afin de sauver, non pas l’ensemble de l’entreprise, mais peut-être jusqu’à 800 emplois, il fallait que nous obtenions de la Commission européenne l’autorisation de transmettre la délégation de service public à cet éventuel repreneur.

Ces discussions ont été longues. J’ai été amené plusieurs fois à répondre qu’elles étaient difficiles. Elles ont été menées avec toutes les personnes concernées – je veux aussi, à cet égard, remercier le président de la collectivité territoriale de Corse, qui s’est associé à nos démarches.

Je peux vous indiquer aujourd’hui que la Commission européenne vient de donner son accord pour que la délégation de service public fasse partie, en plusieurs lots, de la reprise qui sera déposée dans le cahier des charges qui va être publié dans les heures qui viennent par les administrateurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)

C’est une étape importante ; elle n’est pas suffisante. Nous avons toujours à l’esprit de réussir cette transmission et de travailler pour la défense des autres salariés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)

Développement économique des outre-mer

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Ary Chalus. Monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, les institutions européennes devraient bientôt approuver le plan d’investissement pour l’Europe et établir un fonds européen pour les investissements stratégiques. Ce plan doit viser des projets viables offrant une véritable valeur ajoutée pour l’économie européenne.

Nous n’ignorons pas le contexte dans lequel a été bâti le budget pour 2015, qui vise à réduire les dépenses publiques et le niveau d’endettement. L’outre-mer entend et comprend cela. Respectueux des engagements pris auprès des instances européennes, nous prendrons part à l’effort demandé à la nation.

Dans le prolongement de votre projet de loi, je reviens sur quelques propositions que j’ai transmises au Gouvernement, en mettant en avant les secteurs innovants dans lesquels nous espérons créer de la croissance et de la compétitivité.

S’agissant de la transition énergétique, la ministre de l’écologie a très récemment pu vérifier sur place que nos réalisations pouvaient servir d’exemples.

Concernant l’agriculture, nous n’avons pas le sentiment d’avoir quitté le modèle traditionnel – rhum, sucre, canne – pour entrer véritablement dans un modèle de diversification agricole.

Enfin, j’aimerais redire la nécessité d’investir réellement dans l’innovation et l’économie numérique en encourageant les technopoles et les pépinières d’entreprises.

L’Union européenne incite les régions ultrapériphériques à investir ces champs d’action. Cette volonté devrait d’ailleurs se formaliser dans les nouveaux programmes opérationnels interrégionaux 2014-2020.

Faute d’un plan de relance de l’investissement, nous subirons les réductions de crédits.

Notre actualité est marquée par des incertitudes quant au financement du futur centre hospitalier en Guadeloupe, ou par la grogne des avocats sur la suppression de la territorialité de la postulation. Le moral et les carnets de commandes des entreprises atteignent des niveaux alarmants. Cette morosité ambiante tient plus du manque de visibilité sur les opportunités d’avenir que de la peur du changement.

Monsieur le ministre, ce n’est pas seulement de moyens supplémentaires que nous avons besoin, c’est surtout d’une nouvelle stratégie, d’un regard nouveau qu’il convient de porter sur l’outre-mer. Une plus grande concertation et une mobilisation des services permettraient d’obtenir des résultats, sans avoir recours à de nouveaux moyens financiers. Le moment n’est-il pas enfin venu de renforcer la concertation en amont, pour aller plus loin ensemble, dans l’intérêt de nos territoires, afin d’améliorer l’efficience des mesures prises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Monsieur le député, je partage un certain nombre de vos préoccupations concernant les difficultés que connaissent les outre-mer. Par exemple, des questions relatives à l’eau nous préoccupent aujourd’hui.

Nous savons aussi qu’au cours de la dernière période, les moyens mis à la disposition des outre-mer ont significativement augmenté. Pour mener des projets structurants, pour la formation des hommes, pour le développement durable, nous avons besoin de travailler ensemble de sorte que ces moyens soient utilisés le mieux possible.

Je tiens à rappeler que l’outre-mer est une priorité pour ce gouvernement, et que nous avons invité les instances européennes à partager cette priorité.

M. Yves Censi. Pour ce gouvernement, il n’y a que des priorités !

Mme George Pau-Langevin, ministre. Pour ce qui me concerne, cette priorité est absolument respectée. Elle se traduit d’ailleurs dans le budget. Dans le projet de loi de finances pour 2015, en effet, les crédits alloués aux outre-mer ont significativement augmenté. Quant aux crédits européens, là encore, nous constatons une augmentation de l’enveloppe puisque, pour la Guadeloupe, dont vous êtes l’élu, les crédits vont progresser d’environ 15,5 % entre 2014 et 2020. Dans le cadre du contrat de plan État-région, l’effort annuel moyen de l’État va progresser de 27 %. Autrement dit, les outre-mer disposent aujourd’hui de moyens qui ne sont pas négligeables.

Vous avez raison, nous avons besoin d’améliorer la concertation : la stratégie doit être définie d’une manière de plus en plus concertée. Vous savez que je suis à la disposition des élus. Nous travaillons ensemble. Ensemble, nous ferons en sorte que les outre-mer soient les bénéficiaires de la prochaine période. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et RRDP.)

Politique de l’immigration

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ma question s’adresse au Premier ministre.

M. Guy Geoffroy. Il n’est pas là !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Depuis l’élection de François Hollande, nous sommes habitués à ce que les choses ne changent pas beaucoup. Pas de réformes structurelles alors qu’elles sont très nécessaires, critique permanente du bilan de la précédente majorité : avec un tel programme, vous n’êtes pas près d’apporter des réponses concrètes aux questions que se posent aujourd’hui les Français. Le changement n’est clairement pas maintenant, et on a bien compris que, sur les sujets qui appellent des réponses immédiates, vous préférez la politique du statu quo.

Lors de son discours de lundi sur l’immigration, le Président de la République a exprimé, pour la première fois depuis deux ans et demi, sa position : la défense des accords de Schengen à tout prix, quelle que soit la réalité de l’immigration en Europe, quels que soient les problèmes auxquels sont confrontés les pays européens et quelles que soient les solutions que l’on pourrait y apporter. Surtout, ne rien changer !

M. Jean-Claude Perez. C’est le Muppet Show !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Mais, monsieur le Premier ministre, réformer n’est pas un gros mot et la maîtrise des flux migratoires impose de se poser de temps en temps des questions et de faire des propositions. Loin des caricatures, plutôt que de relancer des débats pour rassembler la gauche, vous feriez mieux de rassembler les Français et d’engager la France dans une position volontariste sur la question des flux migratoires en Europe.

Monsieur le Premier ministre, au-delà des beaux discours incantatoires, quelle va être la position de la France pour porter des solutions concrètes au niveau européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, j’entends dire, non seulement à l’extrême droite, mais également parfois de la part de responsables de partis républicains, qu’il faudrait abroger Schengen, que ce serait Schengen qui ferait venir des immigrés en France, et que, s’il n’y avait pas Schengen, nous pourrions mieux maîtriser la politique d’immigration. Tout cela est absurde.

M. Michel Vergnier. Bien sûr ! Et il le sait !

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. D’abord, je vous rappelle qu’aujourd’hui se trouvent à Calais des migrants qui veulent entrer en Grande-Bretagne, qui n’est pas un pays membre de l’espace Schengen. D’autres pays, à commencer par celui-ci, accueillent beaucoup plus d’immigrés que la France.

Schengen est, au contraire, un espace de coopération absolument indispensable si nous voulons apporter une réponse solide aux problèmes migratoires. Nous sommes absolument convaincus qu’il faut non pas amoindrir, mais renforcer aujourd’hui les coopérations européennes en matière de contrôles aux frontières. Nous avons besoin de renforcer en particulier l’agence Frontex, les opérations en Méditerranée, mais aussi de mener une politique européenne commune pour assurer la stabilité et le développement des pays d’origine et lutter contre les filières d’immigration clandestine.

M. Michel Herbillon. Cela ne marche pas !

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Le droit d’asile fait souvent l’objet de confusions : il relève d’autres accords, les accords de Dublin, qui s’appliquent à tous les pays de l’Union européenne, y compris à ceux qui ne font pas partie de l’espace Schengen. Mais qu’il s’agisse des pays de l’espace Schengen ou des autres pays de l’Union européenne pour lesquelles s’appliquent les conventions de Dublin, chacun est maître de sa politique d’immigration : chaque pays peut choisir d’accueillir plus ou moins d’immigrés, selon des critères relatifs au regroupement familial, des critères économiques ou des critères tenant au rayonnement – c’est pourquoi nous accueillons des étudiants étrangers.

Comme l’a dit le Président de la République, c’est une force pour la France d’être capable d’accueillir et d’intégrer des immigrés autour des valeurs de la République. Mais cette immigration doit être contrôlée, maîtrisée. Nous la maîtriserons davantage en agissant en coopération avec nos partenaires européens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement sur des sujets européens.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Christophe Sirugue.)

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

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Délimitation des régions et modification du calendrier électoral

Lecture définitive

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (nos 2461, 2462).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, monsieur le président et monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames, messieurs les députés, après plusieurs mois de débat, vous êtes appelés à vous prononcer en lecture définitive sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

C’est un jour important : pour la première fois, le Gouvernement modifie le découpage régional en fusionnant des régions, pour en réduire le nombre.

Si les débats furent longs, extrêmement passionnés, au cours des sept lectures au Parlement qu’aura nécessité ce projet de loi,…

M. Jean-Luc Laurent. Et pour cause !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …c’est justement parce que les conséquences de la réforme seront fondatrices, non seulement pour les régions concernées, mais aussi, plus généralement, pour l’ensemble de notre architecture territoriale.

Il est nécessaire d’agir. L’organisation de nos territoires est devenue anachronique : elle n’est plus adaptée à la réalité et aux enjeux du monde contemporain. Longtemps, nous avons en effet laissé les strates administratives s’accumuler, s’empiler les unes sur les autres, et, finalement, se concurrencer entre elles, au détriment de l’efficacité de l’action publique.

Comme l’affirme régulièrement le président Urvoas, laisser perdurer de tels dysfonctionnements risquerait d’affaiblir nos capacités dans la mondialisation et notre compétitivité face à la concurrence internationale.

Les nombreux rapports rédigés sur le sujet ces dernières années ont d’ailleurs tous abouti au même constat, par-delà les clivages partisans. Ils ont tous proposé des solutions pour réformer ce que M. le rapporteur appelle le mille-feuille territorial.

M. Éric Straumann. Le mille-feuille n’a pas été supprimé !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous n’avions que trop tardé. Il était donc temps de trancher.

Les treize nouvelles régions reposent sur un équilibre qui contribuera au développement de tous les territoires, qu’il s’agisse des territoires ruraux, des métropoles ou des territoires périurbains.

En effet, tout en consolidant les solidarités intrarégionales, nous renforçons grandement les métropoles, dont le rayonnement permettra aux territoires ruraux de mieux se développer. C’est de cette façon que nous réduirons les fractures territoriales, en articulant avec plus de cohérence et d’efficacité les différentes composantes de notre territoire, au bénéfice du pays tout entier.

Nous pouvons tous être fiers du résultat auquel nous aboutissons.

M. Éric Straumann. Ah ça, non !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Bien sûr, la carte à laquelle nous sommes parvenus à la suite d’un riche débat parlementaire et du vote de votre assemblée, n’est pas exactement celle que l’ensemble des parlementaires auraient souhaitée – comment aurait-il pu en être autrement ? C’est, malgré tout, une carte qui a sa force, sa cohérence, qui est soutenue par des parlementaires issus de l’ensemble des bancs de cette Assemblée…

M. Éric Straumann. C’est faux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …formant une majorité, et qui s’est affirmée lors de trois votes solennels successifs.

Une souplesse a été prévue : tout en respectant le principe de libre administration des collectivités territoriales, nous avons voulu assouplir le droit d’option accordé aux départements, afin d’assurer un juste équilibre entre la nécessaire stabilité du découpage déterminé par nos travaux et la volonté que pourrait exprimer tel ou tel territoire d’ajuster ce dernier pour satisfaire de légitimes aspirations locales.

Je voudrais remercier l’ensemble des parlementaires, de la majorité comme de l’opposition, qui se sont emparés de la loi avec passion et lui ont donné la forme et le contenu qui sont aujourd’hui les siens. Je remercie tout particulièrement l’excellent rapporteur Carlos Da Silva, qui a réalisé un travail absolument décisif et très remarquable.

Votre participation, votre contribution, mesdames et messieurs les députés, ont permis d’améliorer le texte que le Gouvernement vous avait soumis en première lecture. Les enrichissements que vous avez apportés à la réforme sont nombreux, qu’il s’agisse, bien entendu, de la carte et du nombre de régions, du droit d’option ou de la garantie de représentation des départements ruraux.

La question de l’organisation territoriale de la France dépasse en effet les clivages traditionnellement partisans. Loin de chercher à imposer sa carte, le Gouvernement a tenu compte des opinions, propositions et objections de tous ceux qui ont contribué au débat, et notamment de la nouvelle majorité sénatoriale lors de la deuxième lecture du texte.

M. Éric Straumann. Sa proposition n’a pas été retenue !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Gouvernement s’était engagé à ce que l’adoption de ce projet de loi suive une méthode plus claire, fondée sur le débat et la recherche d’accords avec les parlementaires. Notre méthode a porté ses fruits, et nous en sommes naturellement satisfaits.

Le Gouvernement et le Parlement ont eu le courage de conduire cette réforme jusqu’à son terme. C’est une réforme que les Français souhaitaient, qu’ils soutiennent dans leur grande majorité,…

M. Éric Straumann. On verra ça !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …et qui renforce notre organisation territoriale.

Cette nouvelle carte n’est qu’un début.

M. Éric Straumann. Ça, nous sommes d’accord !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Elle est en effet le premier pilier de l’acte III de la décentralisation, voulue par le Président de la République et le Premier ministre pour simplifier et clarifier notre organisation territoriale, et ainsi revivifier grandement notre démocratie locale.

Trois autres changements majeurs sont à venir, portant respectivement sur la clarification des compétences entre les différentes collectivités territoriales – il s’agira du débat autour de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République –, le développement des intercommunalités et l’avenir des conseils départementaux.

Alors que se conclut cette étape de la réforme de notre organisation territoriale, nous devons mesurer le chemin parcouru, tant les obstacles qui se dressaient devant nous étaient importants et pouvaient effrayer, voire laisser présager d’un échec. Nombreux ont été ceux qui prétendaient que jamais nous n’obtiendrions le vote d’une telle réforme. J’espère que nous y parviendrons, au terme de cette ultime lecture. Nous avons tenu notre cap, tout en écoutant les propositions et les objections de chacun, recherchant ainsi le meilleur compromis.

L’ambition initiale, définie par le Président de la République, a été préservée, tandis que le Parlement a eu toute latitude pour améliorer et renforcer la loi. Il y a là un message d’espoir…

M. Éric Straumann. De désespoir !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …pour tous ceux qui croient en la nécessité des réformes. Quel plus beau symbole de maturité de notre démocratie que ce dialogue constructif qu’ont su nouer le Gouvernement et le Parlement, au service de l’intérêt général. Cette réforme que l’on disait impossible, nous avons voulu la faire et je vous demande une ultime fois de l’approuver. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Reitzer. Et l’Alsace, vous ne l’avez pas écoutée !

M. le président. La parole est à M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, nous sommes à présent parvenus à la dernière étape de la navette parlementaire, avec l’examen, en lecture définitive, et le vote – le quatrième – de ce projet de loi, que l’Assemblée nationale a commencé d’examiner en juillet.

Les objectifs sont constants ; ils ont été maintes fois rappelés. Ce projet de loi marque une nouvelle et grande étape du processus de décentralisation, initié il y a plus de trente ans, qui permettra d’adapter notre pays aux enjeux de demain, avec des régions renforcées et plus puissantes, qui seront de véritables leviers pour le développement économique et la création d’emploi.

M. Jean-Luc Reitzer. Avec quels moyens ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Il sera complété par la loi portant nouvelle organisation du territoire de la République, dite loi NOTRE, examinée en ce moment même par le Sénat.

Le Gouvernement, principalement par la voix de M. le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a pris la bonne décision en laissant au Parlement le temps dont il avait besoin, non seulement pour permettre l’expression, parfois passionnée, de toutes les positions, mais aussi pour améliorer très sensiblement ce texte, qui engage notre pays pour les prochaines décennies.

M. Éric Straumann. Pour deux ans et demi !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Je tiens également à saluer le travail du rapporteur de la commission spéciale du Sénat, François-Noël Buffet, ainsi que la qualité de nos échanges, particulièrement constructifs de mon point de vue.

Les améliorations apportées par les différentes lectures ont été nombreuses. Elles portent non seulement sur la date des prochaines élections,…

M. Éric Straumann. Elles auraient dû se tenir avant Noël !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …et la désignation des chefs-lieux, capitales et hôtels de région, mais surtout sur les modalités d’évolution volontaire des limites régionales. Le Président de la République et le Gouvernement, tout en souhaitant laisser au Parlement la liberté de travailler, avaient proposé une carte initiale qui pouvait être améliorée selon les deux conditions : « pas plus de régions qu’initialement proposé » et « pas de découpage au sein des régions ».

M. Jean-Luc Reitzer. C’est « circulez, y’a rien à voir » !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Nous avons respecté ces deux principes, qui permettaient que la discussion se tienne, mais nous avons fait évoluer la carte, ainsi que, parfois, l’esprit de la loi.

Néanmoins – et c’est aussi le moment de liberté que doit s’octroyer un rapporteur –, je pense que cette carte aurait pu être encore meilleure. (Exclamations et applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Éric Straumann. Là, au moins, nous sommes d’accord !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Je ne parle pas ici de l’est de notre beau pays. Il a été question d’« arracher l’Alsace à l’espace rhénan »,…

M. André Schneider. C’est vrai !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …de la « diluer dans une méga-région » dans laquelle les économies locales « se tournent le dos »…

M. André Schneider. C’est vrai !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …et « tournent le dos à leur identité ». Ces arguments sont entièrement irrationnels. (Exclamations sur certains bancs du groupe UMP.)

M. André Schneider. Vous en avez pris d’autres en compte !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Car, précisément, ce qui fait les territoires et l’identité d’une région, ce ne sont pas des limites administratives, c’est l’histoire,…

M. Jean-Luc Reitzer. Et justement !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …c’est la vie des populations. Honnêtement, qui imaginerait que le Pays basque n’existe pas au sein de la région Aquitaine ? Ce n’est évidemment pas le cas.

Ce n’est donc pas à l’est, mais à l’ouest que j’aurais souhaité une carte plus aboutie. Le droit d’option permettra peut-être d’aller, soit vers une Bretagne à cinq, comme beaucoup l’ont défendue,…

M. Gilbert Le Bris. Très bien !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …soit, ce qui était ma position initiale – je le dis ici devant la représentation nationale – vers une Bretagne travaillant avec l’ensemble des Pays de la Loire. Tout est ouvert dans la loi,…

M. Jean-Luc Reitzer. Sauf pour l’Alsace ! Sauf pour nous !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …pour que les élus locaux s’en saisissent et parviennent à finaliser, dans les mois et les années à venir, cette carte qui dessine une nouvelle France.

Enfin, je suis particulièrement heureux que nous ayons réussi, notamment grâce au travail du député Alain Calmette, à mieux représenter, dans ces grandes régions qui vont naître, les départements ruraux les moins peuplés. Un nombre minimal de quatre conseillers régionaux a été fixé, qui pourront accomplir leur mandat dans le cadre des compétences actuellement dévolues aux régions, et à plus forte raison au titre des compétences qui leur seront données demain, à la fin de l’examen du projet de loi de Mme la ministre Marylise Lebranchu.

Le Gouvernement a fait son travail. Il a laissé le Parlement travailler. Nous avons eu l’occasion de défendre, de développer, d’améliorer ce texte.

J’espère que, cet après-midi, comme déjà à trois reprises, l’Assemblée nationale se prononcera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Reitzer. En tout cas, pas nous !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Ary Chalus.

M. Ary Chalus. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la discussion du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral s’achève aujourd’hui.

Au terme d’une procédure législative qui aura duré sept mois, du dépôt du texte le 18 juin sur le Bureau du Sénat au vote définitif d’aujourd’hui, le paysage administratif de notre Hexagone se trouvera profondément modifié. Je dis bien Hexagone, car, comme vous le savez, la réforme ne concerne les régions d’outre-mer que dans ses dispositions relatives au nouveau calendrier électoral, sur lequel je reviendrai dans mon propos. À ce titre, je n’ai d’ailleurs pas approuvé le découpage des cantons dans les outre-mer.

Vous le savez également, le groupe radical de l’Assemblée nationale, comme celui du Sénat, a exprimé, depuis le début de son examen, une opinion critique sur ce texte, que n’ont fait que renforcer les louvoiements du Gouvernement sur le calendrier électoral et les conséquences plus ou moins prévisibles de la réforme, en particulier du point de vue financier.

Il est maintenant communément admis qu’aucune économie budgétaire n’est à attendre de cette réforme, et que le maintien de la concomitance des futures élections départementales et régionales en décembre 2015 se heurtait à la rigueur du droit constitutionnel. Ce n’est pas faute, comme le groupe RRDP l’a fait, d’avoir constamment alerté le Gouvernement sur ces points.

S’agissant de la carte régionale, victime des vicissitudes de la vie parlementaire, le groupe radical de l’Assemblée pense qu’il aurait été judicieux d’adopter, en nouvelle lecture, la carte adoptée par le Sénat.

M. Jean-Luc Reitzer. Très bien !

M. Ary Chalus. Cela nous aurait évité d’écouter une seconde fois la complainte de nos amis alsaciens ou bretons (Applaudissements et « merci » sur quelques bancs du groupe UMP),…

Mme Arlette Grosskost. Comment ça, la complainte ?

M. Ary Chalus. …les uns s’enfonçant dans une posture identitaire qu’ils n’avaient pourtant pas entonnée en première lecture, les autres défendant une identité prédatrice en voulant accaparer un département voisin.

Cela nous aurait surtout permis d’élaborer une réforme sur la base d’un compromis entre les deux chambres, le Sénat ayant une certaine légitimité à représenter les collectivités territoriales,…

M. Éric Straumann. C’est vrai.

M. Ary Chalus. …puisque ce rôle lui est reconnu par l’article 24 de la Constitution.

Cette carte n’est pas parfaite et, de toute façon, elle ne pouvait pas l’être. Nous continuons de penser que la constitution d’une grande région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon n’est pas opportune. Notre collègue Jeanine Dubié, pour notre groupe, a eu l’occasion d’exprimer son opposition à ce mariage forcé…

M. Jean-Luc Reitzer. Mariage forcé, divorce assuré !

M. Ary Chalus. …et sa préférence pour la constitution d’une grande région sud-ouest qui comprendrait l’ensemble de la chaîne pyrénéenne. Nous regrettons également, comme l’a exprimé avec force notre collègue Jacques Krabal, que la région Picardie ne soit pas restée accolée à la région Champagne-Ardenne. Maintenir la proposition initiale aurait, de surcroît, évité de mettre le feu aux poudres dans le Nord et en Alsace,…

M. Jean-Luc Reitzer. Très juste !

M. Ary Chalus. …en poussant nos collègues de l’Est à oublier que la Lorraine compte un département soumis au Concordat et au droit local et qu’ils ne sont pas les seuls à jouir de cette particularité.

Le choix des grandes régions devrait correspondre à une communauté de projets reposant sur des flux économiques et humains partagés, tout en veillant à respecter l’identité culturelle et administrative des entités préexistantes.

M. Jean-Louis Christ et M. Jean-Luc Reitzer. Bravo !

M. Ary Chalus. C’est évidemment pour cela que nous nous félicitons, par la voix de notre collègue Alain Tourret, de la réunification de la Normandie. Dans les cas où la réforme pouvait permettre de servir l’identité des régions, il fallait agir en ce sens, au lieu d’opérer des regroupements peu rationnels ou illogiques – même si la pérennité du monstre Poitou-Charentes-Limousin-Centre prévu par le projet initial ne trompait personne.

M. Serge Grouard. C’est vrai !

M. Ary Chalus. C’est pour cela que, comme d’autres députés de l’ensemble des groupes parlementaires, les députés radicaux ont défendu un assouplissement du droit d’option, afin que les futurs ensembles régionaux puissent avoir une plus grande cohérence, tout en s’associant à l’objectif de réduire le nombre de régions dans l’Hexagone. La région Picardie n’a pas d’unité propre et ses départements auraient pu être rattachés à d’autres régions. La région Centre aurait pu subir le même sort. Symétriquement, certains regroupements allaient de soi, sans qu’aucune perte d’identité ne soit à redouter.

L’histoire de nos territoires se joue de leurs limites administratives. Les provinces de l’Ancien Régime ont été balayées par la Révolution française, mais elles n’ont pas disparu. L’Anjou, le Béarn et le Dauphiné n’existent-ils pas toujours ? Et les plateaux, les terres, avec leur topographie, leur histoire, leurs traditions, se résument-ils aux échelons qui les administrent ? L’Aubrac appartient-il plus à Julien Gracq qu’aux trois régions françaises aux confins desquelles il se situe ? La colline de Sion qui n’est située sur le territoire d’aucune commune appartient-elle exclusivement à Maurice Barrès et à sa mémoire archéologique millénaire ? Mon collègue Paul Giacobbi parlerait bien mieux que moi, en grand lecteur de Proust, de la mémoire des lieux et de leur nom. Cette mémoire ne s’évanouira pas avec cette réforme, pour imparfaite et critiquable qu’elle soit.

À ce stade de la procédure, la faculté d’amender le projet de loi est restreinte à l’article 7, qui fixe le seuil de représentation des sections départementales au sein des futurs conseils régionaux. Cet article a déjà été modifié par l’Assemblée, en nouvelle lecture, à l’initiative du groupe auquel j’appartiens. Comme nous sommes satisfaits de cette rédaction, qui va dans le sens d’une meilleure représentation des départements ruraux, nous n’avons déposé aucun amendement en lecture définitive. Cela ne signifie pas pour autant que l’ensemble du texte nous agrée.

Il ne vous aura pas échappé, monsieur le ministre, que la navette a permis de satisfaire un nombre croissant de députés radicaux et que leur satisfaction s’est manifestée lors des différents scrutins publics. Je fais partie de ceux-ci et je voterai donc le projet de loi qui nous est soumis en lecture définitive, même si mon vote ne traduit pas l’unanimité du groupe, comme vous le comprendrez.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour cette quatrième et dernière lecture, notre groupe, qui a fait le choix de se répéter plutôt que de se contredire, réitère son opposition résolue à ce projet de loi ainsi qu’à l’ensemble de la réforme territoriale en cours. Puisque j’en ai longuement et précisément présenté les raisons lors des lectures précédentes, je me contenterai de les résumer cette fois autour de deux idées principales.

Tout d’abord, que cela soit sous le précédent quinquennat ou sous l’actuel, les réformes de ces dernières années ne constituent pas une nouvelle étape du processus de décentralisation, lequel est un processus de recherche d’un point d’équilibre, soit d’une conciliation entre un État unitaire garant de l’égalité républicaine et les libertés locales. Les objectifs de la loi de 1982 étaient très clairs. J’en rappelle l’esprit en me référant à son exposé des motifs : « Les collectivités territoriales et leurs élus sont traités comme des mineurs, placés sous tutelle pour gérer les affaires locales. Le projet de loi […] a pour objet de transférer le pouvoir aux élus, aux représentants des collectivités territoriales librement désignés par leurs concitoyens. Il modifie fondamentalement la répartition des pouvoirs. Il fait des communes, des départements et des régions des institutions majeures, c’est-à-dire libres et responsables. »

Depuis 1982, l’histoire a montré que libérer la démocratie locale, c’est aussi dynamiser l’économie, les collectivités assurant aujourd’hui près des trois quarts de l’investissement public, avec un endettement inférieur à 10 % du PIB. Rien à voir avec les problématiques libérales des textes récents ! L’objectif n’est plus de dynamiser le pays, en donnant plus de pouvoir d’action aux élus locaux, ce qui impliquerait d’abord, bien sûr, qu’on leur en donne les moyens financiers ; or, ceux-ci font l’objet d’une réduction drastique.

Je reprendrai l’analyse éclairante du sénateur Pierre-Yves Collombat, dont je me permets de rappeler qu’il n’appartient pas au Front de gauche, mais qu’il est membre du groupe RDSE du Sénat : « Loin de renforcer l’action publique centrale ou locale, il s’agit au contraire de diffuser l’État minimum sur l’ensemble du territoire. C’est que, selon la vision libérale de ce que doit être une société moderne, les collectivités sont elles-mêmes des entreprises en lutte sur un champ concurrentiel, des entreprises dont il faut stimuler la compétitivité, par la concentration, la spécialisation, en débarrassant les plus performantes de la charge des territoires moins productifs. » Tout est dit !

Ensuite, si la politique d’austérité qui accompagne la réforme territoriale va à son terme, elle sera un coup très dur porté à la qualité du service public, à l’égalité, à l’investissement public, à l’emploi public et privé et aux capacités du pays à se relancer. Il n’est pas étonnant que, dans de telles conditions, la plupart des maires et des élus locaux de notre pays soient partagés entre colère et résignation, comme nous sommes nombreux à pouvoir en témoigner sur l’ensemble des bancs.

À l’approche de Noël, je ne résiste pas, messieurs les ministres, à l’envie de vous livrer quelques extraits de la lettre au Père Noël du président de l’Association des maires ruraux de France, laquelle résume parfaitement, à mon sens, l’état d’esprit général.

« Mon cher Père Noël (Sourires), j’ai été très sage cette année. J’ai suivi tes recommandations à la lettre. C’était un peu difficile au début mais j’ai fait de gros efforts et me suis bien appliqué. En particulier concernant mon argent de poche. J’ai été très attentif à ne pas dépenser plus que ce que j’avais mis patiemment de côté pour mettre aux normes mon assainissement. Mais ça m’a coûté tellement cher que je ne vais pas pouvoir réparer la toiture de l’église. »

M. Hugues Fourage. Et la crèche ?

M. Marc Dolez. « J’espère qu’elle tiendra encore quelques années. »

« […] J’ai lu dans les catalogues de fin d’année ces joyeuses propositions que tu m’invites à mettre en place pour agrémenter les rythmes scolaires. C’est super, ça donne envie. Mais ce n’est pas dans mes moyens. […] J’ai entendu dire aussi que tu as de grands projets pour moi en particulier que tu veux m’envoyer dans une colo à au moins 20 000 participants. C’était déjà pas facile d’avoir un goûter tous les jours mais alors là, je crains le pire parce que tu connais les défauts du groupe des grands, ils piquent tout pour eux au motif qu’ils ont de gros besoins […]. »

« Mon cher Père Noël, tu vas peut-être trouver ma lettre de cette année un peu morose. Mais ne m’en veux pas. Il est vrai que je suis inquiet car jour après jour, devant le peu d’intérêt manifesté à notre égard je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. »

M. Jean-Luc Reitzer. Excellent !

M. Marc Dolez. C’était la lettre au Père Noël de Vanik Berberian, président de l’Association des maires ruraux de France. Messieurs les ministres,…

M. Jean-Luc Reitzer. C’est le Père Fouettard, le ministre !

M. Marc Dolez. …vous l’avez compris, les maires et les élus locaux de notre pays ne demandent pas de cadeaux, ils ne souhaitent qu’un peu de considération pour leur engagement. Ils ne demandent qu’à disposer des moyens humains, juridiques et financiers pour assumer au mieux leur mandat et les missions qu’ils ont au service de la population et de l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Antoine Herth. Excellent !

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Sébastien Denaja.

M. Sébastien Denaja. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes le 17 décembre 2014,…

M. Jean-Luc Reitzer. Un jour noir pour l’Alsace !

M. Sébastien Denaja. …à l’exact milieu de notre mandat, puisque nous avons été élus le 17 juin 2012.

M. Charles de Courson. Comme le temps passe !

M. Sébastien Denaja. Or, je crois que comme la loi sur les emplois d’avenir, comme la loi sur la consommation, comme la loi sur le mariage pour tous, comme la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, la loi dont nous débattons ce soir en lecture définitive marquera de son empreinte le quinquennat de François Hollande…

M. Éric Straumann. Mariage forcé !

M. Jean-Luc Reitzer. Mariage forcé, divorce assuré !

M. Sébastien Denaja. …et, en tout état de cause, l’histoire administrative de notre pays. C’est aussi et surtout une loi d’avenir pour bâtir en région des politiques plus efficaces de développement économique, de développement touristique, de formation professionnelle ou encore de transport. Je veux saluer le volontarisme du Président de la République en la matière, car combien y a-t-il eu de rapports, de lois avortées et de projets repoussés sur ce sujet ? Une fois de plus, c’est parce que le Président de la République a eu la volonté de réformer le pays que nous sommes aujourd’hui amenés à examiner ce texte.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est un diktat !

M. Éric Straumann. Le Président s’était engagé à nous recevoir, mais il ne l’a jamais fait !

M. Sébastien Denaja. Il faut se féliciter également que le Parlement s’en soit pleinement saisi. Même après ses hésitations, le Sénat a fini par décider de s’atteler à la tâche de la réforme. Remarquons d’ailleurs et saluons le fait que tout le monde convient du bien-fondé de cette réforme. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Reitzer. C’est la méthode Coué !

M. Sébastien Denaja. Que la carte soit composée de quinze ou de treize régions, ce qu’a entériné le Sénat lui-même, en définitive, c’est l’idée qu’il fallait bien réduire le nombre des régions et fusionner un certain nombre d’entre elles pour bâtir des régions plus fortes. Les Français, quant à eux, ne s’y trompent pas.

M. Jean-Luc Reitzer. Cela s’est vu ce week-end à Troyes !

M. Sébastien Denaja. Un grand quotidien du soir montrait récemment encore que les Français adhèrent très majoritairement au principe de notre réforme et qu’ils sont favorables à l’avenir qu’elle va permettre de bâtir.

Certains sujets restent en débat : un sujet à l’est et un autre au sud.

M. Éric Straumann. Nous sommes d’accord !

Mme Isabelle Le Callennec. Et à l’ouest ?

M. Sébastien Denaja. La France, comme le revendique le groupe SRC, a besoin d’une grande région à l’est.

Mme Isabelle Le Callennec. Et pas à l’ouest ?

M. Sébastien Denaja. Et elle a besoin que l’Alsace lui apporte toute sa force, toute sa puissance, tout son rayonnement, toute son histoire et toute sa singularité. Elle le fera d’autant mieux que Strasbourg en sera reconnue capitale, parce que, dans un geste de concorde nationale, de compromis et d’unanimité,…

Mme Isabelle Le Callennec. C’est seulement un hochet !

M. Sébastien Denaja. …nous avons décidé tous ensemble, à gauche comme à droite, que Strasbourg, qui a une vocation européenne, serait d’abord une capitale régionale.

M. Jean-Luc Reitzer. Avec quels moyens ?

M. Sébastien Denaja. Nous avons également la volonté que cette carte de France soit équilibrée. Or, désormais, plus aucune région métropolitaine ne comportera moins de quatre départements.

M. Charles de Courson. Et la Corse ?

M. Sébastien Denaja. Toutes les régions auront une taille critique suffisante pour affronter l’avenir.

M. Jean-Luc Reitzer. Ce n’est pas la taille qui compte !

M. Sébastien Denaja. Au sud, puisque nous discutions aussi de la carte proposée par le Sénat, c’est la même volonté d’équilibre qui prévaut. Alors qu’au sud-est, il existe déjà un grand ensemble régional formé par la région PACA et qu’au sud-ouest se bâtit un grand ensemble régional formé par l’Aquitaine, le Limousin et le Poitou-Charentes, il était nécessaire de former au sud, par l’union du Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées, une région de taille critique équivalente.

M. Jean-Claude Perez. Absolument !

M. Sébastien Denaja. En effet, ce seront bien trois régions de près de six millions d’habitants qui formeront les ensembles régionaux du sud de la France,…

M. Jean-Claude Perez. Il a raison !

M. Sébastien Denaja. …reformant d’ailleurs ce qui, par le passé, était le Haut et le Bas-Languedoc. Le canal du Midi, qui passe par Toulouse et finit dans le bassin de Thau près de Sète, est le symbole de cette unité régionale.

Enfin, j’en viens à la question du droit d’option, dont nous avons débattu abondamment et sereinement. Nous avons souhaité une carte équilibrée, mais sans jamais prétendre, M. le ministre l’a rappelé, qu’elle serait idéale et figée pour l’éternité. C’est la raison pour laquelle le texte prévoit un droit d’option afin que les départements qui le veulent puissent quitter une région pour une autre.

Mme Isabelle Le Callennec. Ce n’est pas un véritable droit d’option !

M. Sébastien Denaja. À cette fin, ce droit a été assoupli en première lecture par la suppression de l’obligation d’avoir recours au référendum. Mais nous avons jugé sage de recourir alors à une majorité qualifiée des trois cinquièmes…

Mme Isabelle Le Callennec. Ce n’est pas une majorité qualifiée mais un droit de veto !

M. Sébastien Denaja. …parce que sur un tel sujet qui engagera très profondément les collectivités concernées, il sera nécessaire d’aller au-delà des majorités politiques conjoncturelles, vers un rassemblement, un consensus républicain. Une majorité de 60 % sera très facile à atteindre, et non le verrou dénoncé par certains. En effet, la liste arrivée en tête des élections régionales détient très souvent 60 % des sièges puisqu’elle bénéficie d’une prime majoritaire de 25 %.

Bref, il s’agit d’une réforme structurelle, d’une loi équilibrée, d’une loi d’avenir…

M. Jean-Luc Reitzer. Temporaire !

M. Sébastien Denaja. … parce qu’avec des régions plus fortes, nous allons bâtir une France plus forte. C’est pourquoi le groupe SRC votera avec conviction ce texte dont la « loi NOTRE », sera dans les prochaines semaines le prolongement pour compléter ce qu’il faut bien appeler l’acte III de la décentralisation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Reitzer. C’est un viol !

M. Antoine Herth. En tout cas, un caillou dans votre chaussure !

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, le groupe UMP, avec regret et tristesse, ne votera pas ce projet de loi portant redécoupage des régions.

M. Hugues Fourage. Quelle nouvelle surprenante !

M. Jean-Claude Perez. Comme d’habitude, quoi !

M. Hervé Gaymard. Tout d’abord, monsieur le ministre, il ne le votera pas parce que vous avez inutilement détruit la réforme que nous avions adoptée en 2010 et qui devait être appliquée en mars 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Si vous n’aviez pas eu une approche idéologique et politicienne en juillet 2012, elle serait désormais en application,…

M. Pascal Popelin. C’est vous qui le dites !

M. Hervé Gaymard. …les nouvelles assemblées territoriales fonctionneraient et auraient réparti harmonieusement leurs compétences entre l’échelon départemental et l’échelon régional.

M. François de Rugy. Vous y croyez vraiment ?

M. Hervé Gaymard. Je note au passage que la moitié des élus auraient été supprimés.

M. Pascal Popelin. C’est l’histoire des territoires racontée aux enfants !

M. Hervé Gaymard. Au lieu de quoi, en 2012, la nouvelle majorité a abrogé cette réforme et, depuis, elle zigzague, pataugeant et s’enlisant dans une réforme territoriale absolument illisible.

M. Pascal Popelin. Non, elle avance !

M. Hervé Gaymard. Il y a dans cette démarche un premier problème : celui de la méthode. En effet, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, vous avez envisagé le redécoupage territorial avant d’avoir examiné la question de la répartition des compétences, ce qui revient à mettre la charrue avant les bœufs. En plus, vous n’avez pas procédé à une étude juridique sérieuse. Dans son discours de politique général, le Premier ministre, souvenez-vous en, avait annoncé la suppression des départements, puis un juriste a dû lui dire quelques heures après que cela supposait de réviser la Constitution,…

M. Charles de Courson. Un détail !

M. Hervé Gaymard. …c’est-à-dire soit organiser un référendum, soit obtenir une majorité des trois cinquièmes au Congrès, seuil absolument inatteignable. Vous avez alors décidé d’éviscérer les départements, faute de pouvoir les supprimer. Il y a donc au départ un problème juridique.

Et puis je le dis devant mes collègues qui sont des membres éminents de la commission des finances : la dimension budgétaire et fiscale de la réforme n’a pas du tout été prise en compte, ni pour cette loi ni pour celle que nous allons examiner en janvier.

M. Éric Straumann. De la bricole !

M. Jean-Luc Reitzer. Quand c’est flou, cela veut dire qu’il y a un loup !

M. Hervé Gaymard. C’est tout de même un véritable problème. Vous envisagez d’énormes transferts de compétences… Pourquoi pas ? Mais nous aimerions en connaître les soubassements budgétaires et fiscaux. Or le Gouvernement ne sait pas du tout aujourd’hui dans quelle direction il va.

En outre, il y a un autre problème : celui du bien-fondé même de cette réforme et les présupposés sur lesquels elle repose. Vous nous parlez d’une mythique grande région européenne alors que les régions actuelles – hormis peut-être les deux Normandie – sont en moyenne au moins aussi grandes que les autres régions de l’Union, voire que certains États européens. Par conséquent, cet argument ne tient pas. On nous dit aussi que plus fortes, elles pourront mieux assurer le développement économique. Mais j’attends qu’on m’explique comment. Vous avez une vision complètement faussée de la vie des entreprises puisque pour croître et prospérer, celles-ci doivent avant tout être libérées des carcans qui les empêchent de se développer harmonieusement dans une économie moderne et compétitive. À cet égard, l’invocation permanente de l’exemple allemand et de ses mythiques Länder est complètement hors de propos,…

M. Jean-Luc Reitzer. Absolument !

M. Hervé Gaymard. …puisque ce qui fait leur force, ce sont les entreprises allemandes et non l’inverse. Vous raisonnez donc, là aussi, totalement à contresens.

Autre point faible : le défaut de consultation démocratique.

M. Antoine Herth. C’est le grand problème !

M. Hervé Gaymard. En 2010, nous avions mis en place un système qui prévoyait la délibération des assemblées concernées suivie d’une procédure référendaire. Vous l’avez abrogé en juillet dernier en commission des lois au motif que seule la loi pouvait réviser la cartographie territoriale. Même les assemblées délibérantes n’ont pas été consultées ! Certains conseils régionaux se sont saisis de la question et ont émis des vœux à l’initiative de groupes politiques, mais il n’y a pas eu de la part du Gouvernement une demande aux collectivités territoriales concernées de se prononcer sur leur avenir et sur le périmètre de leurs compétences futures.

M. Jean-Luc Reitzer. Passage en force !

M. Hervé Gaymard. Ce défaut de concertation est tout de même un vrai sujet pour une majorité qui se réclame toujours, avec des trémolos dans la voix, de la démocratie participative, de la citoyenneté, des valeurs de la République… En réalité, dans la plupart des régions, une telle démarche a fait défaut. En plus, vous conservez un certain nombre d’éléments urticants : mes collègues alsaciens, présents ici en masse, savent comme nous qu’à la fois les élus et la population alsacienne n’acceptent pas un tel redécoupage.

M. Jean-Luc Reitzer. Les Alsaciens sont révoltés !

M. Hervé Gaymard. Nous savons aussi ce qu’il en est de la question bretonne, évoquée à plusieurs reprises dans cet hémicycle,…

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Hervé Gaymard. …ainsi que du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie.

M. Éric Straumann. Les Bretons savent qu’ils ne peuvent pas compter sur la gauche !

M. Hervé Gaymard. Pour toutes ces raisons, cette réforme n’est ni faite, ni à faire, d’autant que les amendements constructifs que nous avons déposés ont tous été rejetés. Ce texte ne sera donc pas une grande loi de la république. Il tourne le dos à l’inspiration de vos maîtres, François Mitterrand et Gaston Defferre, puisque ce sera une loi de recentralisation et non de décentralisation. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Très juste !

M. Hervé Gaymard. Les députés qui le voteront signeront l’épitaphe que l’on lira dans les manuels de droit et d’histoire institutionnelle dans les années à venir, l’épitaphe de la séquence décentralisatrice qui aura duré de 1982 à 2014.

M. André Schneider. Ci-gît l’Alsace !

M. Hervé Gaymard. Vous enterrez aujourd’hui la décentralisation, et c’est pour cette raison que nous voterons sans hésiter contre ce texte. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de ce projet de loi sur la cartographie régionale. Commencées en juin dernier au Sénat, les différentes lectures de ce texte se sont déroulées dans des conditions parfois chaotiques de la première lecture à la commission mixte paritaire, laquelle a été conclue en moins de sept minutes et a montré des opinions si divergentes entre nos deux assemblées qu’aucun accord n’était envisageable. À l’issue d’une nouvelle lecture, c’est – comme il est normal – l’Assemblée qui a finalement imposé sa carte.

M. Jean-Luc Reitzer. Le mot « imposé » est celui qui convient !

M. Pascal Popelin. Cela s’appelle la démocratie !

M. Michel Piron. Elle l’a certes imposée par un vote.

Monsieur le ministre, je suis lucide : je sais bien qu’il n’existe pas de carte idéale, susceptible de satisfaire chacune et d’entre nous, quelle que soit sa région, sur tous les bancs de cet hémicycle. Cela justifie d’ailleurs le droit d’option. Mais redessiner la carte ne relève pas d’un simple exercice de style. Elle aurait dû être établie en tenant compte de paramètres veillant à ce que les régions restent en mesure d’arbitrer les équilibres entre métropoles, villes moyennes et territoires ruraux tout en recherchant leur dimension optimale. Cette carte aurait dû viser une meilleure efficience publique à un moindre coût, une mutualisation accélérée et renforcée, notamment entre départements et régions. La réforme aurait dû s’appuyer, à cette fin, avant tout sur les régions en leur accordant un réel pouvoir organisationnel et réglementaire, seul capable de répondre à la diversité de nos territoires. Mais quels seront leurs pouvoirs ? La question se pose si l’on en juge à l’aune des déclarations déjà faites sur Pôle emploi.

Donner aux régions un rôle à la fois stratégique et de proximité dans des matières aussi diverses que le développement économique, la formation professionnelle, l’aménagement du territoire, le logement, les transports, les grands équipements, l’enseignement, la recherche, le tourisme, la culture et les solidarités implique de réorganiser régions, départements et métropoles d’une part, intercommunalités et communes d’autre part. C’était déjà largement expliqué dans le rapport Balladur. La question des dimensions régionales ne peut se poser que dans ce cadre global en tenant compte de ces différentes thématiques.

C’est la raison pour laquelle je suis de ceux qui pensent qu’il aurait fallu lier compétences et périmètre, et aborder en même temps la question des ressources régionales.

M. Charles de Courson. Bien sûr !

M. Michel Piron. Comme le rappelait à l’instant Hervé Gaymard, vous auriez pu partir, monsieur le ministre, de l’ébauche de réforme – soyons modestes – que nous avions votée sous la législature précédente, non pour la récuser mais pour l’approfondir. En effet, comment ne pas craindre désormais que l’agrandissement considérable de certaines régions ne justifie demain le maintien en l’état des départements et ne transforme votre choix en non-choix ? (« Eh oui ! » sur certains bancs du groupe UMP.)

M. François de Rugy. C’est déjà écrit !

M. Michel Piron. Telle est l’impression que m’a laissée le Gouvernement lorsque j’ai constaté ses hésitations sur l’existence même des départements comme sur le calendrier des élections départementales et régionales. Dans de telles conditions, il est permis de douter que cette réforme soit en mesure de dégager les économies importantes pourtant annoncées comme l’un des objectifs du projet de loi.

À ce stade ultime de l’examen du texte, la question qui demeure, c’est bien de savoir quelle vision de la gouvernance du pays et donc de son architecture nous entendons promouvoir.

Pour les députés du groupe UDI que nous sommes, profondément décentralisateurs, une réforme territoriale ambitieuse aurait dû être liée à une réforme de l’État, permettant enfin à la France de sortir de cette décentralisation inachevée dans laquelle elle s’épuise depuis trop longtemps pour choisir enfin une décentralisation clairement assumée et affirmée.

Où est cette vision ? Où sont ces choix ? Alors que nos discussions s’achèvent, nous constatons, non sans regrets, que le projet de loi ne contient pas la réforme territoriale « mère des réformes structurelles » que nous appelions de nos vœux – ce pari de l’intelligence collective, d’une intelligence partagée entre l’État et les collectivités, entre les territoires et la capitale, entre nos concitoyens.

Faute de cela, faute d’une réelle ambition et, je le crains, de cohérence, les députés du groupe UDI se prononceront majoritairement contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Jean-Luc Reitzer. Voilà quelqu’un qui aime l’Alsace !

M. Laurent Furst. Un Alsacien d’honneur !

M. Paul Molac. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues : alea jacta est – le sort en est jeté ! La délimitation des régions est achevée, ou presque ; cela s’est fait en un temps record : moins de sept mois entre la publication du communiqué de presse du Président de la République annonçant une nouvelle carte de quatorze régions et la lecture définitive du projet de loi.

On nous dit que cette carte a vocation à demeurer stable durant les cinquante prochaines années. S’il est probable que pour certains territoires, comme la Normandie, ce sera le cas – et même pour beaucoup plus longtemps encore, je l’espère –, pour d’autres, on peut en douter. Je pense notamment aux unions forcées, dont le meilleur emblème est la fusion de l’Alsace, de la Lorraine et de la Champagne-Ardenne.

M. Jean-Luc Reitzer. En effet !

M. Paul Molac. Comment croire que cette région Grand Est pourra fonctionner alors qu’elle se heurte à l’opposition tant des élus que de la population alsacienne ?

M. Yves Fromion. Ce sont des malgré-nous !

M. Armand Jung. Oh ! Quelle honte !

M. Paul Molac. Ce qu’il adviendra de cette nouvelle région dans les années à venir, nous le verrons bien.

De même, nous souhaiterions que la carte ne soit pas figée pour les cinquante prochaines années pour la région Bretagne, que le département de la Loire-Atlantique a vocation à réintégrer.

M. Gilbert Le Bris. Tout à fait !

M. Paul Molac. Hélas, le Gouvernement a choisi de faire des fusions bloc par bloc et le processus improprement appelé « droit d’option » – que j’appellerais plutôt « droit de choisir » – est un leurre, puisque la région de départ disposera d’un droit de veto, à la majorité des trois cinquièmes ; en outre, la carte ne pourra être modifiée que pendant trois ans, du 1er janvier 2016 au 31 mars 2019.

Pourtant, nous avons été nombreux sur les bancs de l’Assemblée nationale – à commencer par le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Urvoas – à dénoncer le verrouillage de ce droit d’option et à demander que l’on permette à un département de rejoindre une autre région. Nous avions d’ailleurs fait remarquer que le principe d’un vote de la région de départ présentait un risque d’inconstitutionnalité : il n’y a aucune raison de demander l’accord d’une région pour le départ d’un de ses membres, sauf à admettre que la région puisse exercer une tutelle sur une autre collectivité territoriale – ce qui est inconstitutionnel puisque, le département n’ayant pas été créé par la région, celle-ci ne peut empêcher une collectivité considérée comme autonome par la Constitution de suivre sa voie.

M. Laurent Furst. Très bien !

M. Paul Molac. Le devenir d’un département regarde donc son conseil départemental et ses habitants, mais pas la région. Il regarde aussi l’État – et plus particulièrement le Parlement – ; mais le projet de loi a posé comme principe un regroupement bloc par bloc, sans jamais toucher aux départements qui composent chacune des régions : dont acte.

Je regrette que nous n’ayons pas pu déposer d’amendements en quatrième lecture. Les sénateurs ne seraient-ils donc pas au courant de la doctrine de l’Assemblée nationale concernant l’article 45 de la Constitution, qui nous empêche de présenter des amendements ayant été adoptés au Sénat en troisième lecture ? Diantre !

J’aurais pour ma part déposé deux amendements : le premier tendant à laisser l’Alsace seule, le second visant à assouplir le droit d’option, en prévoyant que la région d’origine ne peut pas s’opposer au départ d’un département.

Mme Isabelle Le Callennec. Deux excellents amendements !

M. Paul Molac. Une fois cette loi publiée, la balle sera dans le camp des élus locaux – même si nous espérons que le peuple aura son mot à dire.

M. Jean-Luc Reitzer. Il l’aura en 2017 !

M. Paul Molac. Nous avions également proposé des mécanismes d’initiative citoyenne, pour qu’en cas de blocage par les élus, la parole puisse être, in fine, rendue au citoyen. Tous ont été rejetés par le Gouvernement et par le rapporteur.

M. Jean-Luc Reitzer. Ils n’aiment pas le peuple : il leur fait peur !

M. Paul Molac. À l’ouest, en revanche, la Bretagne n’a pas été fusionnée contre son gré, et nous le devons aux ministres, au président de la commission des lois et à certains députés. Que l’on ne fasse pas de faux procès !

Néanmoins, que d’espoirs déçus et de blessures ravivées ! Voici un projet de redécoupage que nous attendions depuis des décennies, et qui ne répond pas à l’une de nos plus anciennes et plus fortes revendications.

Mme Isabelle Le Callennec. Quelle occasion manquée !

M. Paul Molac. J’avais participé à ma première manifestation en 1976, à l’âge de seize ans, à Nantes, précisément sur cette question : on ne pourra pas m’accuser d’être une girouette !

Qu’à cela ne tienne : nous sommes des penn kalet, comme on dit en breton. Nous poursuivrons donc notre travail de persuasion avec constance et ténacité, et pas seulement pour des raisons historiques ou culturelles, ou du fait d’un prétendu repli sur nous-mêmes : en Bretagne, ce n’est pas vrai !

M. Jean-Luc Reitzer. En Alsace non plus !

M. Paul Molac. La crainte de l’autre et l’islamophobie y sont ainsi moins présentes que dans le reste de la France. Selon une enquête réalisée par l’institut TMO Régions, en janvier 2004, 21 % des habitants de la Bretagne pensaient qu’il y avait trop d’étrangers en Bretagne – pour comparaison, 66 % des Français pensent qu’il y a trop d’étrangers en France ; et 63 % des habitants de la Bretagne considèrent que l’on peut devenir breton si l’on aime la Bretagne, même si l’on n’y est pas né ou que l’on n’a pas des parents bretons.

M. Éric Straumann. De même en Alsace !

M. Paul Molac. Cette conception ouverte de l’identité bretonne conduit 58 % des habitants n’ayant pas de parents bretons et n’étant pas nées en Bretagne à se sentir bretons. On aimerait rencontrer dans la population française la même confiance ; or entendre un essayiste stigmatiser les immigrés et un parti politique proposer de rétablir la torture laisse quelque peu rêveur sur la violence d’un repli identitaire qui n’est pas celui des régions !

Si nous persistons dans la conviction que la réunification de la Bretagne est un combat d’avenir, c’est parce qu’elle permettrait de mieux répondre aux besoins des personnes, des entreprises et des territoires, et de renforcer le développement économique, social, environnemental et culturel, ainsi que la cohésion sociale du territoire.

L’avenir de la Bretagne, cela pourrait être aussi une assemblée unique, qui fusionnerait les départements qui la composent.

Mme Isabelle Le Callennec. Exactement ! C’était une excellente idée de la part du président Urvoas !

M. Paul Molac. Mais au-delà du cas particulier de la Bretagne, ce qui suscite nos critiques, c’est la logique technocratique qui a conduit à imposer une telle carte d’en haut. Pourquoi ne pas l’avoir construite comme les communautés de communes, à l’issue d’une période probatoire, par des élus s’entendant localement ?

M. Claude Sturni. Eh oui !

M. Paul Molac. Nous ne voyons pas la clarté et la cohérence de cette carte, ni sur quels critères elle a été décidée. Pourquoi s’arrêter au chiffre arbitraire de treize régions ? Comment expliquer qu’une région ait été, en l’espace de quelques semaines, successivement fusionnée avec plusieurs autres ? Nous avions pourtant avancé sur la question du redécoupage en permettant un ajustement démocratique, via le « droit d’option » !

Revenons sur l’exemple du Pays basque.

M. Jean-Pierre Dufau. Qu’est-ce que le Pays basque vient faire là ?

M. Paul Molac. On nous a dit : ce n’est pas parce que le Pays basque est en Aquitaine qu’il n’est plus basque. Peut-être, sauf que la défense de la langue basque est assurée par des politiques publiques. Il a fallu pour cela que les Basques créent un syndicat, en y faisant adhérer les communes les unes après les autres. Ils ont été tenaces, mais ils ont mis longtemps avant d’obtenir satisfaction !

Un autre facteur contribue à l’efficacité de ces politiques publiques : c’est que la partie française du Pays basque est aidée par la partie espagnole, qui, elle, réalise des émissions de télévision en basque. Ce sont donc les Espagnols qui payent pour que l’on puisse regarder la télévision basque en France ; et ce sont eux aussi qui payent pour qu’un certain nombre de collèges assurent un enseignement par immersion.

Comme on le voit, la défense d’une identité suppose le soutien de politiques publiques. Il est erroné de dire qu’il suffit de faire partie d’une grande région : ce n’est pas par l’opération du Saint-Esprit que nous continuerons à être Bretons !

M. René Dosière. Le Saint-Esprit est pourtant bien présent en Bretagne !

M. Paul Molac. Ce qui fait qu’une région est puissante, ce ne sont pas son poids démographique et sa taille, ce sont le sentiment d’appartenance qu’elle suscite, ses moyens financiers, les compétences qui lui ont été transférées, les pouvoirs réglementaires qui lui ont été attribués. Or le projet de loi relatif aux compétences des régions en cours d’examen au Sénat ne nous rassure pas sur la volonté du Gouvernement de renforcer suffisamment cet échelon territorial.

C’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe écologiste votera une nouvelle fois majoritairement contre le présent texte. Si le dispositif que celui-ci met en place restait inchangé durant les cinquante prochaines années, cela laisserait des plaies béantes ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Jean-Luc Reitzer. Bravo !

M. le président. La discussion générale est close.

Texte adopté par l’Assemblée nationale

en nouvelle lecture

M. le président. J’appelle maintenant, conformément à l’article 114, alinéa 3, du règlement, le projet de loi dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Mme Arlette Grosskost. « Ce grand projet d’aménagement devra surtout provoquer un véritable débat national ; il sera examiné, débattu, complété par chacun » : cette phrase, écrite en 1993 par Charles Pasqua et Philippe Séguin, aurait dû inspirer le Gouvernement !

Force est de constater que son nouveau découpage du territoire a fait l’objet d’un débat tronqué, car destiné principalement à certains élus qu’il convenait de ménager. Il en ressort une carte des régions qui manque d’audace, de cohérence, et surtout qui fait abstraction de toute concertation avec les populations concernées. Ce serpent de mer aura provoqué beaucoup de remous pour, in fine, se contenter de sinuer entre jacobinisme et décentralisation illusoire ; de ce fait, il suscitera plus de débordements que de contentements.

Puisque nous en sommes à la dernière tentative pour trouver un équilibre entre des instances multiples, nous vous demandons avec insistance de ne pas abandonner la représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux. Il conviendrait également de rassurer des citoyens à l’esprit souvent échauffé par des esprits chagrins qui maudissent la rupture des traditions et la perte des identités. L’exagération n’est certainement pas bonne conseillère ; toutefois, il serait inacceptable que l’Alsace et la Moselle voient leur droit local amputé ou, pire, que celui-ci disparaisse.

M. André Schneider. Eh oui ! Il faut l’avoir vécu pour savoir ce que c’est !

Mme Arlette Grosskost. Aussi, monsieur le ministre, nous vous demandons avec insistance, par l’intermédiaire de cet amendement, de mettre fin une fois pour toutes à ce scénario catastrophe et de confirmer expressément le maintien intégral du droit local. Il est en effet dangereux de jouer avec la peur – la peur du changement, tout simplement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. André Schneider et M. Claude Sturni. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n3.

M. Patrick Hetzel. C’est avec beaucoup de tristesse que je prends la parole. Cette réforme, de toute évidence, est ratée. Le Gouvernement avait manifesté l’intention d’engager une réforme d’importance, mais la montagne accouche d’une souris ! De surcroît, cette souris est en totale contradiction avec la France réelle.

Notre territoire a été découpé de fort curieuse manière. Je le répète, une dernière fois, avec solennité : il est une région, l’Alsace, pour laquelle 96 % des conseillers régionaux et généraux s’étaient prononcés en faveur d’un conseil unique.

M. Armand Jung. Quid du référendum ?

M. Patrick Hetzel. En outre, au cours des trois précédentes lectures, aussi bien à l’Assemblée qu’au Sénat, il ne s’est pas trouvé un seul parlementaire alsacien, que ce soit dans la majorité ou dans l’opposition, pour se prononcer en faveur de la carte qui leur était soumise. Pas un seul !

M. Antoine Herth M. André Schneider et M. Jean-Luc Reitzer. Eh non !

M. Patrick Mennucci. La nation, elle, y est favorable !

M. Patrick Hetzel. Voilà qui aurait dû faire réfléchir le Gouvernement !

Mais voilà : comme M. Le Roux l’a déclaré à plusieurs reprises, cette carte correspond à un équilibre, qui ne saurait être modifié. Il s’agit d’une vision politicienne et idéologique, qui n’est pas conforme aux intérêts de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n5.

M. Frédéric Reiss. La défense de cet amendement en faveur d’une représentation juste et équilibrée des territoires est malheureusement le seul moyen de s’exprimer à l’occasion de cette dernière lecture.

M. Antoine Herth. Eh oui !

M. Frédéric Reiss. En proposant de revenir à la rédaction adoptée par le Sénat, nous souhaitons mettre l’accent sur la proximité, une notion totalement oubliée par le Gouvernement.

Monsieur le rapporteur, vous avez salué les échanges constructifs avec le Sénat : vous moquez-vous ? Les travaux de la chambre haute ont été royalement ignorés par la majorité socialiste de l’Assemblée nationale ! (« C’est vrai ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vouloir imposer au forceps une réforme qui confond, d’une part, taille d’une région et, d’autre part, attractivité et puissance économique est une erreur majeure. Soutenir que la région est le point de passage obligé de la modernisation de nos institutions politiques et administratives est hors sujet. Et pourquoi avoir supprimé le conseiller territorial ?

En Alsace, nous sommes aux antipodes d’un repli identitaire et, dans leur très grande majorité, les manifestants de ces dernières semaines ne sont pas des autonomistes. La région Alsace a démontré sa capacité à s’ouvrir sur l’Europe, à gérer des équipements, à développer l’apprentissage transfrontalier et la formation professionnelle. Elle est en outre pionnière en matière de transport régional – ferroviaire par exemple.

Monsieur le ministre, vous vous prétendez satisfait d’une réforme souhaitée par les Français. Eh bien, je peux vous dire que la grande majorité des Alsaciens y sont totalement opposés.

M. Jean-Luc Reitzer. Une majorité écrasante !

M. Frédéric Reiss. La région doit être non pas un immense espace géographique, mais un territoire auquel chacun peut s’identifier, et où chacun peut contribuer à la richesse nationale. Plutôt que de susciter un élan salutaire, dont notre pays aurait besoin, cette réforme brouille un peu plus notre avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n6.

M. Éric Straumann. Cette réforme témoigne de la déliquescence du pouvoir en place. Rideau de fumée destiné à masquer l’explosion du chômage et des déficits publics, elle ne simplifie en rien le mille-feuille institutionnel. Au contraire, elle va conduire, sans pour autant permettre de réduire le nombre d’élus, à la création de monstres bureaucratiques dépourvus de liens avec les territoires. Les régions mettront des années à s’organiser, et des batailles s’annoncent déjà à propos du siège de leurs institutions. Cette situation va accélérer la crise dans le secteur des travaux publics.

M. Pascal Popelin. Si on vous écoutait, on ne toucherait jamais à rien !

M. Éric Straumann. Et que penser de notre Président de la République qui, le 3 août, au Hartmannswillerkopf – lieu hautement symbolique de la souffrance dont l’Alsace fut le théâtre –, a solennellement promis de recevoir les élus alsaciens, sans jamais tenir son engagement, malgré de multiples relances ?

M. Patrick Mennucci. C’est faux !

M. André Schneider. Il n’a certes pas précisé en quelle année il les recevrait…

M. Éric Straumann. Cette attitude témoigne d’un mépris de la plus haute autorité de l’État envers l’Alsace dont les Alsaciens se souviendront. D’ailleurs, les socialistes n’ont jamais aimé l’Alsace (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), et ils l’ont encore moins comprise.

M. Patrick Mennucci. Oh, ça suffit !

M. Éric Straumann. Cette fusion en est la triste illustration, après l’affaire du synchrotron, transféré de Strasbourg à Grenoble par le pouvoir socialiste, au milieu des années quatre-vingt. Nous confinons au grotesque,…

M. Patrick Mennucci. En effet !

M. Éric Straumann. …lorsque François Hollande prône aujourd’hui la démocratie participative qu’il refuse aux Alsaciens.

Les Alsaciens savent attendre. Ils ont patienté quarante-huit ans, entre 1870 et 1918. Alors, nous saurons attendre deux ans et demi pour mettre fin à cette injustice. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. On a affaire à des factieux !

M. Arnaud Leroy. À des tarés, surtout !

M. le président. Sur l’ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe écologiste et le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. À l’instar de ce que proposait le Sénat en nouvelle lecture, les amendements défendus visent à porter à cinq le nombre minimal de conseillers régionaux élus par département.

Compte tenu des disparités démographiques entre les départements, une telle disposition aboutirait soit à rendre pléthorique l’effectif global de chaque conseil régional –que le groupe UMP semblait pourtant partisan de réduire –, soit à méconnaître le principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage, que le Conseil constitutionnel interprète de façon constante comme signifiant que les élections doivent être organisées « sur des bases essentiellement démographiques ». Le juge constitutionnel en déduit que les écarts de représentation de population par rapport à la moyenne de la circonscription concernée ne sauraient excéder 20 %. Le Conseil constitutionnel a contrôlé le respect de ce seuil, par exemple en 1986 et en 2009 pour l’organisation des élections législatives, en 2010 pour l’organisation de l’élection des conseillers territoriaux, et en 2013 pour l’organisation de l’élection des conseillers de Paris.

Mieux vaut en rester au compromis adopté en nouvelle lecture, auquel s’est d’ailleurs rallié le rapporteur de la commission spéciale du Sénat, soit un seuil fixé à quatre conseillers régionaux par département, sauf dans les départements de moins de 100 000 habitants – la Lozère étant seule concernée –, où il restera fixé à deux.

La commission est donc défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Vous savez, ces amendements sont des amendements de respect. Je parle de respect de la ruralité,…

M. Marcel Rogemont. Respectez aussi la République !

M. Laurent Furst. …de respect des territoires peu peuplés.

On sent bien que certains territoires – les territoires ruraux, mais aussi la région dont nous sommes les élus –sont l’objet de peu de compréhension, que l’on ne veut guère les écouter ou les entendre. L’Alsace n’a été ni écoutée, ni entendue. Elle n’a pas été respectée, elle a été piétinée, et elle va disparaître institutionnellement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’aimerais simplement vous dire une chose, mes amis : je fais le serment que, tant que je serai dans la vie publique, je me battrai pour réparer cette injustice. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Laurent Furst. Et j’aimerais dire aux Alsaciens : dans 912 jours, celles et ceux qui, sur ces bancs, ne représentent plus que 14 % des Français seront ailleurs, par la volonté du peuple de France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Claude Perez. C’était Déroulède !

M. Marcel Rogemont. On ne peut pas tolérer de tels propos !

M. le président. La parole est à M. Armand Jung.

M. Armand Jung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quand même des propos qui sont difficiles à entendre, surtout dans l’hémicycle.

M. Jean-Louis Christ. Il y a aussi des traîtres ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Faites attention à ce que vous dites, monsieur Christ !

M. Armand Jung. D’abord, quelle est la différence entre la Bretagne et l’Alsace ? En Alsace, il y a eu un référendum : vous l’avez voulu, et vous l’avez perdu. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) L’un de ses deux départements, qui est notamment celui de mon collègue M. Straumann, a voté non.

M. Éric Straumann. Organisez un nouveau référendum !

M. Armand Jung. Ensuite, je veux répondre aux propos tenus par Arlette Grosskost : non, le concordat n’est pas menacé, le droit local n’est pas menacé, notre identité n’est pas menacée.

Mme Laure de La Raudière. Vous faites une erreur !

M. Armand Jung. De telles affirmations relèvent du fantasme, tout cela est faux.

Par ailleurs, en ce qui me concerne, je ne participerais jamais à des manifestations au cours desquelles La Marseillaise est sifflée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je ne manifesterai jamais avec l’extrême-droite à mon côté ; vous l’avez fait, c’est scandaleux. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)

Je tiens également à informer la représentation nationale du fait que Philippe Bies a fait l’objet de menaces le visant personnellement et qu’il est, à l’heure actuelle, sous la protection de la police, notamment parce que vos alliés objectifs, chers collègues de l’UMP, l’ont menacé, et je le regrette.

Enfin, personne n’a le monopole de l’Alsace. L’Alsace, c’est au plus profond de la France. Tout le monde doit la respecter, en évitant tout simplisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bies.

M. Philippe Bies. Je suis un peu ému, mais je crois qu’il y a des paroles qu’on ne peut pas accepter dans cette enceinte.

Monsieur Straumann, monsieur Christ, monsieur Furst, des ancêtres de vos propres collègues, ceux que vous insultez ici, sont allés se battre pour libérer l’Alsace. Ils sont allés se battre, monsieur Straumann ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Alors, rappeler l’histoire, c’est bien, mais il faut dire toute l’histoire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Chers collègues, le ridicule et la suffisance ne tuent plus. Heureusement pour vous ! En revanche, la haine et l’oubli peuvent encore tuer et, ça, je vous demande de bien le retenir. Faites attention aux propos que vous pouvez tenir, ici et ailleurs, et aux manifestations auxquelles vous participez car, même quand elles se déroulent dans le calme, elles peuvent compter des éléments extrémistes dont vous cautionnez alors les idées.

Par ailleurs, je ne peux pas vous laisser dire que les socialistes n’ont jamais rien compris à l’Alsace ou qu’ils l’auraient abandonnée. Se tiennent actuellement les négociations du contrat triennal qui concerne spécifiquement la ville de Strasbourg, de même que celles qui portent sur le contrat de plan État-région. L’État n’a jamais donné autant que pour l’Alsace.

M. Éric Straumann. C’est faux !

M. Philippe Bies. Plus de 1 milliard d’euros, mes chers collègues ! Vous ne le dites pas, mais c’est inscrit dans les textes, et nos collectivités sont en train de délibérer à ce sujet, monsieur Straumann.

Je ne fais pas partie de ceux qui voulaient cette grande région Est, mais je prends acte de son existence. Au lieu de vociférer et de propager de la haine, j’appelle maintenant à tourner la page.

M. Jean-Louis Christ et M. Éric Straumann. Non !

M. Philippe Bies. Travaillons, construisons cette grande région qui doit participer au redressement de notre pays. Bâtissons ce grand département d’Alsace, dont je sais bien, monsieur Straumann, que, au-delà de vos grands effets de manche – pas très grands, en fait –, vous ne voulez pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Par souci d’équilibre, je vais donner la parole à M. André Schneider, puis nous procéderons au vote.

M. André Schneider. Je voudrais, monsieur le président, ramener un tout petit peu de sérénité dans cet hémicycle.

M. le président. Merci.

M. André Schneider. Je dirai avec beaucoup d’amitié et de respect à mon collègue Armand Jung que, si les esprits se sont un peu échauffés, c’est parce que nous avons tous nos convictions, et que tous, nous aimons notre région, même si c’est parfois de manières sensiblement différentes.

Cela étant, j’ajouterai deux choses.

Premièrement, il est vrai que, comme vous vous acharnez à le répéter, un groupuscule, composé de cinq ou six personnes, a sifflé l’hymne national au cours de la manifestation du 11 octobre. J’ai d’ailleurs fait partie de ceux qui ont immédiatement demandé aux fautifs de quitter le cortège. Devons-nous être tenus responsables de tels débordements ? Évitez, en tout état de cause, de les invoquer systématiquement dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Deuxièmement, monsieur le ministre, lorsque, en deuxième lecture, mes collègues et moi-même avons rappelé que 96 % des conseillers des trois collectivités territoriales alsaciennes avaient voté en faveur d’un conseil unique – et donc d’une région composée de la seule Alsace –, M. Vallini m’a très aimablement répondu que la procédure à laquelle ils avaient eu recours était celle de la loi de 2010, rendue ipso facto caduque par le texte que l’Assemblée s’apprête à adopter. Il en est donc de même du référendum organisé l’année dernière. Or vous n’avez pas consulté les Alsaciens dans le cadre de la préparation du présent projet de loi. Il faudrait savoir de quoi on parle ! La question est capitale et appelle une réponse.

Enfin, mes chers collègues, à l’issue d’un débat extrêmement long, au cours duquel les uns et les autres se sont parfois vivement affrontés, il me semble qu’il est temps d’envisager les choses avec plus de sérénité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(Les amendements identiques nos 1, 3, 5 et 6 ne sont pas adoptés.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Hugues Fourage, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Hugues Fourage. En ce moment particulier – la lecture définitive du projet de loi –, rappelons simplement que, oui, la France se réforme, et oui, la France de la décentralisation progresse…

M. Éric Straumann. De la recentralisation !

M. Hugues Fourage. …tout en prenant en compte les identités.

Il faut rappeler l’objectif : permettre aux régions de mener à bien leurs projets, et pour cela constituer des régions plus fortes, de taille européenne. Ce sont les élus qui font les politiques territoriales ; il faut avoir confiance en eux. Le groupe SRC votera donc avec enthousiasme pour ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. L’Assemblée nationale a aujourd’hui la responsabilité d’adopter définitivement ou de rejeter ce redécoupage des régions qui, après de nombreux mois de débats, reste très contesté.

Nous l’avons bien vu : ce sujet déchaîne les passions.

À l’origine, d’après les engagements pris par François Hollande avant son élection, il devait s’agir d’un nouvel acte de décentralisation. La majorité, en tout cas, était partie de cette idée, car tel est le mandat que nos concitoyens nous ont confié lors des dernières élections. Pour cela, nous, écologistes, avons toujours plaidé pour un renforcement des régions. Nous souhaitions une loi de régionalisation, car nous sommes régionalistes depuis toujours et l’assumons pleinement.

M. Jean-Paul Bacquet. Hors sujet !

M. François de Rugy. Nous considérons qu’il faut renforcer les régions, leur donner plus de compétences, plus de pouvoirs ; pour cela, elles doivent susciter une adhésion forte, fondée sur un sentiment d’appartenance partagée. L’existence d’un fort sentiment d’appartenance à une région est un atout, à la fois pour la région concernée, et pour la décentralisation dans son ensemble.

Là est, pour nous, le véritable enjeu : rendre légitime le transfert aux régions de compétences qui sont, à l’heure actuelle, exercées par l’État. Nous verrons bien, à l’occasion de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, quels transferts de compétence seront proposés, car il n’y a, dans ce projet de loi, aucune disposition de décentralisation de l’État vers les régions. C’est pourtant cela, la vraie question !

C’est pourquoi nous n’avons jamais été favorables au regroupement forcé des régions. Nous n’avons jamais souscrit à l’objectif de réduire, arithmétiquement et autoritairement, le nombre de régions. Cela a été dit et répété : cette rengaine sur les « régions de taille européenne » n’a aucun sens.

M. Jean-Luc Laurent. C’est bien vrai !

M. François de Rugy. Les vingt-deux régions françaises sont largement dans la moyenne européenne, aussi bien du point de vue géographique que démographique. La vraie question, je le répète, est donc celle des compétences et des moyens. Au-delà de cette question, certains souhaitent regrouper des régions. La Bourgogne et la Franche-Comté, par exemple, ont manifesté l’envie de se regrouper : les deux conseils régionaux s’étant exprimés en ce sens, il n’y avait évidemment aucune raison de s’y opposer. Nous saluons également la réunification de la Normandie. Grâce à ce texte, la Normandie est enfin reconnue comme une collectivité de plein droit, et n’est plus divisée artificiellement.

Mais quelle logique y a-t-il à regrouper des régions là où les citoyens ne le veulent pas, et à ne pas le faire là où les citoyens le veulent ? Quelle logique y a-t-il à inclure l’Alsace dans une région plus grande, alors que si l’on consultait par référendum les citoyens alsaciens, ils le refuseraient ? Si certains ont encore des doutes sur ce point, qu’ils organisent un référendum : ils verront que les Alsaciens se prononceront contre ce redécoupage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Bravo !

M. François de Rugy. Les élus alsaciens se sont exprimés contre ce redécoupage à la quasi-unanimité. À l’inverse, la Bretagne est la seule région de France à revendiquer, depuis plusieurs dizaines d’années, un redécoupage, afin que la collectivité régionale rassemble tous les Bretons, les cinq départements bretons, et corresponde pleinement au sentiment d’appartenance à la Bretagne.

Pourtant, vous renoncez à satisfaire cette revendication : plus que jamais, c’est une occasion manquée.

M. Jean-Pierre Dufau. Vous avez dépassé votre temps de parole !

M. François de Rugy. C’est une occasion manquée pour l’Alsace, et son projet de collectivité unique. C’est une occasion manquée pour la Corse, car l’Assemblée de Corse a adopté une délibération en faveur de la collectivité unique. C’est une occasion manquée pour la Bretagne, je le répète : le président de la commission des lois avait pourtant avancé le projet d’une Assemblée de Bretagne, qui aurait eu toute sa place dans ce texte.

M. Jean-Luc Laurent. Et la France, vous en parlez quand ?

M. François de Rugy. C’est une occasion manquée pour la liberté de toutes les collectivités territoriales ayant fait des propositions qui auraient pu être inscrites dans la loi. C’est une occasion manquée pour la régionalisation, et plus largement la décentralisation : c’est pourquoi nous voterons contre ce texte, et invitons tous les membres de cette assemblée à faire de même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Gaymard. Comme l’ont rappelé les orateurs précédents, tout a été dit sur ce projet de loi. Je le résumerai en quelques mots : il est bancal et fixe un cadre mal bâti, dans lequel nos concitoyens s’égareront et les élus territoriaux se disqualifieront. C’est pourquoi les membres du groupe UMP voteront résolument contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. Comme Hervé Gaymard, je ne reprendrai pas l’ensemble des arguments qui ont été largement exposés au cours des différentes lectures de ce projet de loi, y compris aujourd’hui. Je tiens simplement à dire que le groupe UDI, compte tenu des dispositions de ce texte, s’est exprimé majoritairement contre. Une minorité de ses membres s’abstiendra.

Je tiens en outre à rappeler qu’ici, sur tous les bancs de cette assemblée, nous sommes tous des élus et des représentants de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. André Schneider et M. Jean-Luc Reitzer. Nous sommes tout à fait d’accord ! Nous n’avons pas dit le contraire !

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Jeanine Dubié. Le groupe RRDP s’est déjà exprimé tout au long des différentes lectures de ce projet de loi. Pour toutes les raisons qui ont été rappelées, notamment la précipitation et le manque de concertation avec le niveau local, le groupe RRDP votera majoritairement contre ce texte.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants162
Nombre de suffrages exprimés151
Majorité absolue76
Pour l’adoption95
contre56

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Habilitation du Gouvernement à prendre les mesures législatives nécessaires au respect du code mondial antidopage

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi adopté par le Sénat.

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, habilitant le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour assurer dans le droit interne le respect des principes du code mondial antidopage (nos 2297, 2441).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des sports.

M. Thierry Braillard, secrétaire d’État chargé des sports. Monsieur le président, monsieur le président et monsieur le rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mesdames, messieurs les députés, je vous présente aujourd’hui le projet de loi d’habilitation à transposer par ordonnance le nouveau code mondial antidopage.

Sur la forme, si nous recourons aux ordonnances, c’est qu’il y a urgence : le code doit être transposé avant le 1er janvier 2015.

Je note que parmi les parlementaires présents aujourd’hui se trouvent deux anciens ministres des sports, qui ont marqué de leur empreinte la lutte contre le dopage. La France peut en effet s’enorgueillir d’être exemplaire sur cette question. Elle l’a montré il y a des années, en étant la première à mettre en place les outils de lutte contre le dopage, et en novembre dernier, en accueillant à Paris le conseil exécutif de l’Agence mondiale antidopage – l’AMA. À cet égard, je salue à nouveau la nomination de Valérie Fourneyron à la fonction de présidente du comité santé, médecine et recherche de l’AMA.

Je rappelle par ailleurs que je me suis engagé, avec Patrick Kanner, à présenter le projet d’ordonnance – dont le texte sera vraisemblablement examiné en Conseil des ministres au cours des premiers mois de 2015, voire dès le mois de janvier – aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

J’en viens au fond, c’est-à-dire aux évolutions que l’ordonnance apportera au code du sport. D’abord, il sera possible de prononcer des sanctions disciplinaires ou administratives à l’encontre de personnes complices de sportifs ou de toute autre personne qui enfreindrait les dispositions relatives à la lutte contre le dopage. C’est un élément important, qui permettra notamment de lutter contre les filières et contre ceux qui présentent toujours de bonnes raisons de fournir des produits interdits aux sportifs.

Ensuite, il est prévu d’imposer aux fédérations sportives de signaler à l’AFLD, l’Agence française de lutte contre le dopage, ainsi qu’à la Fédération internationale dont elles relèvent toutes les infractions portées à leur connaissance en matière de dopage.

De même, il serait interdit aux sportifs de faire appel à des personnes ayant fait l’objet de sanctions dans le cadre de la lutte contre le dopage, et ce, pendant la durée d’exécution de la sanction ou, dans certains cas, pendant six ans.

Il sera également possible d’assortir de sursis les périodes d’interdiction de participer aux compétitions si les sportifs frappés de cette sanction ont apporté une aide substantielle à la découverte d’autres infractions à la législation relative au dopage.

En outre, des contrôles antidopage pourront être effectués entre 21 heures et 1 heure du matin, et pas seulement, comme c’est le cas aujourd’hui, dans le cadre de manifestations sportives ayant lieu la nuit.

Le projet tend par ailleurs à porter de huit à dix ans le délai de prescription au-delà duquel aucune action disciplinaire ne peut plus être engagée.

Il prévoit aussi d’étendre la possibilité de reconnaissance par l’ALFD des autorisations délivrées par les organisations responsables de grandes manifestations. Toutes les manifestations devront ainsi s’adapter au code mondial antidopage.

L’AFLD pourra enfin, de sa propre initiative, procéder à des contrôles supplémentaires lors des manifestations sportives internationales dès lors qu’elle aura été choisie comme prestataire pour effectuer des contrôles sur le territoire par la fédération internationale dont la manifestation relève. Cette nouveauté importante ne remet pas en cause les contrôles additionnels que l’AFLD peut déjà effectuer à l’occasion de manifestations sportives internationales, mais elle lui donne un pouvoir supplémentaire d’intervention en cas de manifestations organisées sur notre territoire.

Je rappelle que ce projet d’ordonnance a été construit à la lumière des débats du Conseil d’État, en particulier s’agissant des contrôles pouvant être effectués au domicile des sportifs entre 21 heures et 6 heures du matin. L’assemblée générale du Conseil d’État a en effet considéré qu’après 21 heures, un contrôle devait répondre à trois exigences : être effectué avec le consentement du sportif ; se limiter au prélèvement d’échantillons ; garantir une proportionnalité entre les atteintes portées aux droits des sportifs et les enjeux liés à la lutte contre le dopage.

La note de l’assemblée générale du Conseil d’État du 26 juin dernier précise ainsi que « les dispositions de l’article 5.2, qui prévoient que "tout sportif peut être tenu de fournir un échantillon à tout moment et en tout lieu", ne peuvent être transposées qu’en garantissant une stricte proportionnalité entre les atteintes portées aux droits des sportifs et les enjeux de la lutte contre le dopage, en termes de loyauté des compétitions sportives et de santé publique, et qu’en conditionnant au consentement des sportifs les prélèvements effectués à leur domicile ».

C’est pourquoi le consentement des intéressés devra être recueilli lors de tout contrôle de nuit. Le Conseil d’État rappelle qu’il s’agit d’une liberté publique fondamentale, ce que nous pouvons comprendre. En outre, les contrôles ne porteront que sur les prélèvements d’échantillons, afin d’écarter toute ambiguïté quant à leur objet, en particulier au regard d’éventuelles procédures judiciaires. Enfin, la proportionnalité entre les atteintes portées aux droits des sportifs et les enjeux liés à la lutte contre le dopage sera garantie et les contrôles ne pourront donc être réalisés que si des indices graves et probants le justifient.

Tels sont les éléments que je voulais porter à votre connaissance. Au vu de l’importance du sujet et de l’intérêt des parlementaires envers le sport et la lutte contre le dopage, j’ai bon espoir, mesdames, messieurs les députés, que ce texte puisse être adopté à l’unanimité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Deguilhem, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Pascal Deguilhem, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si nous devions puiser dans l’actualité de ces dernières semaines en matière de révélations sur le dopage dans le sport, de nombreuses affaires, de nature et d’importance diverses, viendraient justifier à elles seules l’impérieuse nécessité de compléter notre législation nationale. Des soupçons de dopage d’État – l’AMA va diligenter une mission d’expertise dans un grand État de l’Europe – au silence affligeant de dirigeants d’équipes professionnelles mais aussi d’instances internationales ; du constat de la réalité du dopage, partagé par plusieurs responsables en charge de la lutte contre le dopage dans leur fédération respective, à la présence avérée de médecins et préparateurs physiques aux pratiques déviantes, l’éventail est large.

La France a toujours été l’un des pays les plus volontaires en ce qui concerne la lutte contre le dopage. Le Parlement français a adopté de nombreuses lois réprimant l’usage de stimulants – pour employer un euphémisme – dans le cadre de compétitions sportives. La loi de 1989 a permis de franchir une étape dans la politique antidopage, que nous défendons. Aux sanctions pénales succèdent alors des sanctions disciplinaires, plus adaptées et plus efficaces, à l’encontre des sportifs dont les contrôles se seraient révélés positifs. Cette même loi prévoit également d’importantes mesures de prévention. C’est également l’un des objectifs que nous poursuivons.

Puis, en 1999, à la suite de l’affaire Festina – et je ne fais en aucun cas une fixation sur le monde du vélo –,…

M. François Rochebloine. Le cyclisme a fait beaucoup d’efforts !

M. Pascal Deguilhem, rapporteur. …la loi que nous devons à Marie-George Buffet marque une étape supplémentaire, avec la naissance de ce qui deviendra l’AFLD et la création du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage. Grâce à la volonté des États les plus engagés – Marie-George Buffet n’y est pas étrangère –, l’Agence mondiale antidopage est créée, ce qui traduit la prise de conscience de la nécessité de mener ce combat de façon harmonisée au niveau international.

En 2003, cette instance produit le premier code mondial antidopage, qui sera transposé en France en 2006, peu après l’adhésion de la France à la Convention internationale contre le dopage. Une deuxième version du code a vu le jour en 2007, puis une troisième en novembre 2013. Ce sont ces modifications que le Gouvernement se propose de transposer par voie d’ordonnance, compte tenu de l’impérieuse nécessité de le faire rapidement.

Aujourd’hui, avec plusieurs représentants au sein de l’AMA – dont notre collègue Valérie Fourneyron, qui préside le comité santé, médecine et recherche –, mais aussi dans le comité des sportifs ou dans les groupes d’experts, nous devons faire preuve d’exemplarité dans la transposition de la nouvelle version du code mondial. Nous n’avons d’ailleurs pas attendu la révision de ce code pour appliquer des mesures importantes, comme, en 2012, le passeport biologique, sans doute appelé à se développer, même si cela requiert des moyens. C’est là un outil extrêmement important pour suivre les variables biologiques des sportifs et repérer ceux qui peuvent éventuellement se doper.

Mais le nouveau code mondial antidopage comporte aussi des nouvelles dispositions susceptibles de rendre la lutte contre le dopage plus ciblée et plus « intelligente », entre guillemets. La France, en signant la convention de l’Unesco contre le dopage, a pris un engagement vis-à-vis des autres États, et elle doit le respecter.

L’entrée en vigueur du nouveau code, comportant plus de 2 000 modifications, est fixée au 1er janvier 2015. Cela oblige donc à présenter ces ordonnances au Parlement et à appliquer ces nouvelles dispositions au plus vite. À défaut, nous risquerions de placer l’AFLD dans une situation difficile.

La grande pertinence des dispositions du code justifie aussi leur intégration rapide, par voie d’ordonnance, dans le droit interne. Dans un domaine qui est, par nature, toujours en avance sur le droit comme sur les techniques de dépistage, on ne peut se permettre de prendre du retard.

Le code mondial antidopage comporte donc plusieurs dispositions nouvelles, qui ont pour objet de rendre plus efficace la prévention et la répression : tout d’abord, les compétences des organisations nationales antidopage – ONAD – sont étendues, ce qui, je l’espère, facilitera le travail de l’AFLD ; elle pourra désormais effectuer des contrôles supplémentaires pendant les manifestations sportives internationales, en dehors du site de celles-ci.

Cela pourrait peut-être permettre de remédier à la mauvaise volonté de certaines instances internationales comme les fédérations. Je n’en dirai pas plus.

Le nouveau code mondial antidopage met l’accent sur le renseignement, sur la réalisation d’enquêtes ainsi que sur le partage d’informations. Il s’agit là d’une réelle nouveauté qui témoigne d’une volonté partagée et exprimée par l’ensemble des acteurs. Cela me paraît essentiel, car la lutte internationale contre le dopage mobilise de nombreux acteurs qui doivent, en tant que détenteurs d’informations, être mis en réseau.

Nous sommes partis d’un contrôle direct pour évoluer progressivement, sans bien entendu abandonner les contrôles sanguins et urinaires, vers un contrôle indirect. C’est la raison, d’ailleurs, pour laquelle l’Agence française de lutte contre le dopage a recruté, ou va recruter, un enquêteur expert issu de la police nationale.

Il ne faut pas systématiquement pointer les sportifs du doigt. Ils sont en effet souvent, mais pas toujours, victimes, car la répression du dopage passe par leur protection vis-à-vis de leur entourage qui peut se révéler défaillant, parfois véreux.

Une nouvelle infraction est créée : elle interdit à des sportifs de s’associer à des personnes ayant enfreint une ou plusieurs règles antidopage. L’actualité nous en a donné récemment un exemple, dont on ne connaît pas encore la pertinence : des médecins frappés d’une interdiction de fréquenter des sportifs, et ayant donc déjà été sanctionnés, exerceraient encore dans le milieu sportif.

Il faut pouvoir démasquer les vrais tricheurs, c’est-à-dire ceux qui violent de façon intentionnelle les règles antidopage. Ils se verront appliquer des sanctions disciplinaires plus lourdes. Porter la durée de la suspension de deux à quatre ans n’est pas rien : prononcer cette sanction reviendra à mettre fin à la carrière du sportif de haut niveau mis en cause. Il est en effet impossible, à l’issue de quatre ans de mise à l’écart, de revenir à un tel niveau.

À l’inverse, certains sportifs pourront contribuer à la découverte et à la mise en évidence d’une infraction : ils pourront, dans ce cas, voir leur sanction réduite.

Le code mondial antidopage n’a pas été élaboré uniquement pour la France : il l’a été pour l’ensemble des 177 pays signataires qui participent à la lutte antidopage. Ceux-ci ont tous des politiques de lutte contre le dopage de niveau et d’intensité variables : nombre d’entre eux sont aujourd’hui défaillants. Pour faire référence une nouvelle fois, car cela me paraît intéressant, à l’actualité, nous voyons bien aujourd’hui que certains États manifestent dans cette lutte de la mauvaise volonté. D’autres se trouvent dans l’incapacité de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour sanctionner leurs sportifs ou les entourages de ceux-ci.

Aussi, dans le cadre de la transposition qui fait l’objet du présent projet de loi, nous pouvons, dans une certaine mesure, adapter ces dispositions à notre tradition juridique, notamment aux principes constitutionnels. Un point, qui sera sans doute évoqué lors des interventions à venir, fait débat : la possibilité désormais offerte au contrôleur de procéder à des contrôles en tous lieux et à tout moment.

Au regard du droit actuel, cela signifie que les autorités en charge de la lutte antidopage pourraient diligenter des contrôles devant avoir lieu entre 21 heures et 6 heures du matin. Bien sûr, dans notre droit interne, cette possibilité contrevient au principe constitutionnel d’inviolabilité du domicile. En droit pénal, les perquisitions nocturnes ne sont d’ailleurs autorisées que pour des infractions particulièrement graves comme le terrorisme et la criminalité organisée.

Mais cette extension des pouvoirs de contrôle contreviendrait également au principe de respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Monsieur le ministre, vous avez rappelé l’avis du Conseil d’État : je crois qu’il faut le suivre à la lettre.

Cette mesure paraît répondre – nous pourrions en débattre d’un point de vue technique – à l’une des failles du droit actuel qui permet d’absorber des produits dopants au cours de la nuit. On sait très bien, par exemple, que l’hormone de croissance, qui constitue aujourd’hui pour certaines disciplines sportives un fléau, s’avère très rapidement, en moins de deux heures, indétectable. Je laisse naturellement aux spécialistes le soin de préciser cette durée.

En cas de très forte suspicion d’utilisation d’hormone de croissance, il n’existe pas cinquante solutions : il faut pouvoir intervenir le plus rapidement possible. La substance ne reste en effet présente dans l’organisme que quelques heures à peine. Le processus est identique pour les faibles doses d’érythropoïétine.

Au total, nous pensons que la transposition de la nouvelle version du code mondial antidopage devrait contribuer à renforcer l’efficacité de la lutte contre le dopage et à mieux préserver nos sportifs. Monsieur le ministre, il faudra néanmoins prendre garde, dans la mesure où les mesures induites par cette transposition coûteront peut-être plus cher, à ce que les moyens financiers et humains de la lutte antidopage – c’est-à-dire ceux de l’Agence française de lutte contre le dopage, du laboratoire de Châtenay-Malabry et des directions régionales – soient suffisants pour pouvoir les mettre en œuvre.

M. François Rochebloine. Il faut que tout se fasse au laboratoire de Châtenay-Malabry.

M. Pascal Deguilhem, rapporteur. Monsieur le ministre, de nombreux paramètres entrent en ligne de compte dans l’attribution des grandes compétitions internationales. J’ouvre une parenthèse : nous avons, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, il y a quelques jours, débattu dans cet hémicycle du paramètre fiscal. Or on sait combien le paramètre économique et financier reste déterminant dans l’attribution de ces compétitions.

Tous mes collègues seront d’accord avec moi : cet aspect ne doit pas occulter l’importance de la dimension éthique et morale qui, avec le projet de loi qui nous est soumis, reprendra toute sa place. La lutte contre le dopage en est un des éléments majeurs.

J’aperçois et salue plusieurs anciens ministres des sports, qui, au sein de plusieurs gouvernements successifs, ont su, avec le mouvement sportif, se mobiliser dans cette lutte. Cet engagement a été salué par l’ensemble des membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Cette procédure d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances s’avère cependant quelque peu frustrante pour les parlementaires.

Mme Marie-George Buffet. Un peu beaucoup...

M. Pascal Deguilhem, rapporteur. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, de bien vouloir porter à notre connaissance, avant sa parution, le contenu de l’ordonnance. Cela permettra sans doute de rallier l’ensemble de nos collègues à la nécessité de voter ce projet de loi.

Nous aurons, donc, monsieur le ministre, l’occasion de nous revoir très rapidement, car je ne doute pas que ce travail sera accompli dans les meilleurs délais. C’est pourquoi, chers collègues, je vous demande de bien vouloir adopter sans modification ce projet de loi. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État aux sports, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, les mesures relevant du domaine de la loi et qui s’avèrent nécessaires à la transposition, dans le code du sport, du nouveau code mondial antidopage.

Monsieur le secrétaire d’État aux sports, vous avez été député. De plus, au cours de votre mandat, vous n’avez pas été membre de n’importe quelle commission permanente (Sourires).

Je ne vous apprendrai donc rien en vous indiquant que les parlementaires ne sont jamais friands des projets de loi visant à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance.

M. François Rochebloine. C’est vrai.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Il reste que nous avons été naturellement convaincus de l’importance d’aller vite, au nom de l’intérêt général, qui seul commande ici même nos actes et nos décisions.

M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Toujours.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Vous l’avez souligné vous-même : il le faut, afin que la France demeure, comme elle l’a toujours été, parmi les pays les plus exemplaires et les plus actifs en matière de lutte contre le dopage.

Monsieur le rapporteur vient de le rappeler avec insistance et raison : la disparité d’application du code mondial entre les pays est naturellement un sujet de forte préoccupation.

La France devait donner un signe positif afin de ne pas se retrouver en retrait. Il s’agit, dès lors, de nous donner les moyens de transposer rapidement, dans le code du sport, la dernière rédaction du code mondial antidopage. Vous avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, le travail effectué par le Sénat.

Cette nouvelle rédaction comporte des dispositions nouvelles, tant en matière de prévention que de répression.

C’est la raison pour laquelle je me suis permis, à la suite de la réunion de la commission des affaires culturelles et de l’éducation du 10 décembre dernier, où la question des modalités précises de la rédaction de l’ordonnance a été largement évoquée, d’adresser à M. Patrick Kanner un courrier l’invitant à venir présenter le texte de l’ordonnance devant notre commission. Cette présentation ne pourra avoir lieu, évidemment, qu’une fois que ce texte aura pu être finalisé.

Je remercie M. Patrick Kanner d’avoir spontanément et favorablement répondu à mon invitation. Je le remercie également d’avoir anticipé ce débat en me transmettant la liste des principaux éléments qui ont vocation à figurer dans le texte de cette ordonnance. J’adresse donc toutes mes félicitations au Gouvernement, et j’associe évidemment M. Thierry Braillard à l’expression de ma gratitude.

Cette présentation nous permettra collectivement, non pas de lever une inquiétude, mais de satisfaire au mieux les attentes des parlementaires de notre commission. Vous le verrez au cours du débat, monsieur le ministre, ils sont particulièrement sensibles à la lutte contre le dopage et au fait de ses enjeux. Permettez-moi à cet instant de remercier notre rapporteur, Pascal Deguilhem, qui s’est investi avec le talent qu’on lui connaît sur ces sujets...

M. François Rochebloine. Et sur d’autres !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. …qui, il faut le dire, ne lui étaient pas étrangers. Il est entré dans le sujet comme il entre habituellement dans une mêlée. (Sourires.)

M. Marcel Rogemont. Il connaît bien le XV.

Mme Valérie Fourneyron. Il fait tourner le ballon.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Il passe effectivement le ballon, et avec talent.

Nous avons eu la chance de recevoir ensemble à l’Assemblée nationale, le 14 novembre dernier, Sir Craig Reedie, président de l’Agence mondiale antidopage et par ailleurs vice-président du Comité international olympique. Cette rencontre a eu lieu à l’initiative de Valérie Fourneyron, ce dont je la remercie vivement, et en présence de notre collègue Marie-George Buffet. Elle s’est tenue à l’occasion de la réunion en France du conseil de fondation et du comité exécutif de l’Agence mondiale antidopage.

Je le rappelle, dans la mesure où cet événement témoigne de la volonté de la France de rester, comme elle l’est depuis 1999, date de la création de l’Agence mondiale antidopage, chef de file sur ces sujets. Cet échange a été particulièrement fructueux, franc et direct. Il a porté sur les ambitions de l’Agence mais aussi sur les difficultés qu’elle peut rencontrer.

Je ne vais pas revenir sur les dispositions issues de la nouvelle rédaction du code mondial antidopage, car cela vient d’être fait par notre rapporteur. Cela le sera également au cours de la discussion générale. Cependant, je me réjouis de la philosophie globale de cette rédaction qui vise à protéger les sportifs d’eux-mêmes autant que de leur entourage. La question de l’environnement du sportif est, ô combien, essentielle.

Ce texte vise à rendre plus efficaces les sanctions tout autant que les contrôles. Vous le savez, la possibilité d’effectuer des contrôles antidopage entre 21 heures et 6 heures – en dehors du cas particulier actuellement prévu des manifestations sportives se déroulant la nuit – a fait l’objet de nombreux échanges, notamment lors de l’examen du projet de loi en commission.

Nous sommes certains que la précision apportée par le Conseil d’État quant aux exigences susceptibles de permettre cette transposition sera, dans la rédaction finale de l’ordonnance, respectée. Le Conseil a en effet posé deux conditions à cette transposition : le consentement du sportif au contrôle et la nécessaire garantie d’une proportionnalité entre d’une part les atteintes portées aux droits des sportifs, et notamment à leur droit à l’intimité, et d’autre part les enjeux liés à la lutte contre le dopage.

Comme toujours lorsque nous écrivons la loi, nous avons la main qui tremble et nous cherchons le bon point d’équilibre entre le droit à l’intimité des sportifs d’une part, et, bien sûr, l’efficacité de la lutte contre le dopage.

En tout cas, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat que nous avons ouvert s’avère utile et nécessaire pour le sport comme pour les sportifs. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Ary Chalus.

M. Ary Chalus. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État aux sports, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je débuterai mon intervention par trois mots en latin : « Citius, altius, fortius » – « Plus vite, plus haut, plus fort » : cette maxime fût proposée en 1894 par Pierre de Coubertin lors de la création à la Sorbonne du comité international pour les jeux Olympiques.

Le prêtre dominicain Henri Didon, proviseur du lycée Albert-le-Grand d’Arcueil, exhortait, en 1891, ses élèves à cultiver leur jeunesse dans la pratique du sport, à y donner le meilleur d’eux-mêmes et à tendre ainsi vers l’excellence.

Le sport est souvent vanté, à juste titre, pour les vertus et les valeurs qu’il véhicule. C’est un facteur positif en matière de santé. Il participe, de plus, à la promotion de la tolérance ainsi qu’à une certaine cohésion sociale. Je ne m’étendrai cependant pas sur tous les aspects positifs du sport car ils font largement consensus.

Je voudrais ouvrir une parenthèse sur des considérations sémantiques. Cette parenthèse éclaire, en partie tout du moins, les dérives dont souffre le sport, et plus précisément les pratiques du dopage.

Le vocabulaire sportif et le contexte des compétitions sportives sont souvent tirés du champ lexical propre à la guerre.

En sport, on parle ainsi de compétitions, de combats, d’adversaires, de victoires et de défaites, d’affrontements. Les équipes arborent des couleurs ; les compétitions internationales débutent toujours par les hymnes nationaux de chaque pays et les équipes nationales disposent le plus souvent elles-mêmes d’hymnes qui leur sont propres.

Le sport, en quelque sorte, peut être considéré, par sa sémantique, comme une guerre poursuivie par d’autres moyens… plus pacifiques, bien évidemment. Cette parenthèse sur la relation entre la guerre et le sport explique que des dérives en matière de dopage sont toujours de mise. La guerre se joue ici aussi.

Je garde en mémoire ces pays qui ont inscrit en politique étatique la pratique du dopage, notamment au moment de la Guerre froide. Ainsi, ces jeunes gymnastes des pays de l’Est, parfois très jeunes et en tout cas mineures, qui tombaient enceintes dans des conditions atroces, bien entendu, afin de bénéficier du climat hormonal du début de grossesse et de décupler leurs aptitudes physiques avant les compétitions internationales.

Mais le dopage ne peut se résumer à des politiques d’État. Il n’a en effet pas cessé avec la fin de la Guerre froide, bien au contraire. Le dopage existait avant la constitution des deux Blocs et il persiste aujourd’hui, répondant notamment à des enjeux économiques entre clubs sportifs.

En France, il aura fallu attendre le choc de l’affaire Festina en 1998 sur le Tour de France pour que les pouvoirs publics prennent conscience de l’ampleur du phénomène du dopage.

M. Marcel Rogemont. Grâce au courage d’une ministre !

M. Ary Chalus. En 1999, quinze ministres des sports de l’Union européenne, à l’initiative de la France, se sont ainsi rendus au Comité international olympique à Lausanne afin de lui demander de s’engager dans la lutte contre le dopage pour que soit reconnue la double responsabilité des États et du mouvement sportif dans cette lutte.

Aujourd’hui, le projet de loi qui est soumis à notre approbation vise à habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance en droit interne les dispositions du code mondial antidopage.

Bien que les parlementaires que nous sommes soient peu enclins à ouvrir la voie à la législation par ordonnances, la lutte antidopage justifie la mise en œuvre d’une politique efficace. En la matière, la fin justifie les moyens, car il est question de vie ou de mort pour des athlètes à qui l’on fait prendre, ou qui prennent eux-mêmes, des risques inconsidérés. L’éducateur que je suis en sait quelque chose pour avoir vécu une mort en direct sur un terrain de football.

En France, la lutte antidopage est une prérogative de puissance publique avec, au cœur du système, l’action de l’Agence française de lutte contre le dopage, autorité administrative indépendante. En 2013, 11 040 prélèvements antidopage ont été réalisés par l’AFLD sur les sportifs de cinq disciplines. Sur ces tests, 143 se sont révélés positifs. Ce chiffre est mince, mais force est de constater que le fléau du dopage touche aussi bien le sport amateur que professionnel.

La lutte contre le dopage, véritable enjeu de santé publique, doit donc répondre à une obligation d’efficacité. Car contrôler tous les sportifs de façon continue n’est pas un objectif viable en termes financiers.

Sur ce point, le présent projet de loi répond pleinement à cette obligation. D’une part, il étend les pouvoirs de contrôle des organisations nationales antidopage dans le cadre des manifestations sportives internationales. Ainsi, les organisations nationales seront habilitées à contrôler les sportifs sans avoir à demander l’autorisation préalable de la fédération internationale, y compris en dehors du site désigné par cette dernière.

D’autre part, l’ensemble des organisations nationales et internationales vont avoir la possibilité de partager leurs informations afin, notamment, d’obtenir une meilleure sélection des sportifs à contrôler.

Enfin, le texte accroît la sévérité des sanctions encourues. Ainsi, la sanction est portée à quatre ans de suspension en cas d’usage ou de possession d’une substance dite « non spécifiée », autrement dit une substance qui peut difficilement être présente par erreur dans l’organisme comme les hormones de croissance, les anabolisants ou les antagonistes hormonaux. Toujours sur le plan pénal, l’infraction de falsification est précisée et le délai de prescription passe de huit à dix ans.

Le groupe RRDP, monsieur le secrétaire d’État, est attaché aux valeurs républicaines. Elles font partie de notre ADN. Aussi, je souhaite appeler votre attention sur le fait que ce texte, qui est attendu par une large partie du milieu sportif, comporte des risques en matière de libertés publiques.

En effet, le projet de loi prévoit une remise en cause du principe d’inviolabilité du domicile du sportif car il prévoit que tout sportif peut être tenu de fournir un échantillon, à tout moment et en tout lieu, y compris à son domicile durant la nuit.

Certes, l’injection ou l’absorption de substances dopantes peuvent s’effectuer n’importe où et n’importe quand, mais l’efficacité de cette mesure justifie-t-elle une telle dérogation ?

Toujours est-il que cette préoccupation ne saurait, à elle seule, remettre en cause notre assentiment au texte qui nous est soumis aujourd’hui et qui a, d’ailleurs, largement emporté l’adhésion, durant les travaux en commission, de l’ensemble des forces qui composent notre Assemblée. Cela montre que, parfois, certains enjeux dépassent les clivages politiques.

M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. En effet.

M. Ary Chalus. Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, le groupe des radicaux de gauche et apparentés est, sans surprise, unanimement favorable à ce texte qui fait progresser à la fois l’éthique, la santé et le sport. Je voterai personnellement en sa faveur. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, je veux tout d’abord, monsieur le rapporteur, vous remercier pour la qualité de votre travail sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour assurer, dans le droit interne, le respect des principes du code mondial antidopage.

Ce texte est pour moi un témoin du chemin parcouru depuis la réunion du comité international olympique du 2 février 1999 à Lausanne, où, à l’initiative de la France, quinze ministres de l’Union européenne étaient venus affirmer la nécessité de créer une agence mondiale où États et mouvements sportifs assumeraient une responsabilité commune dans la lutte contre le dopage. Cette mobilisation visait à donner une réponse claire à toutes les affaires de dopage ayant sali le sport.

Le 23 mars de cette même année, notre Assemblé adoptait définitivement, avec l’appui de tous les groupes, la loi relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage que j’ai eu l’honneur de défendre.

La création de l’Agence mondiale antidopage et la signature par la France de la convention internationale contre le dopage dans le sport de l’UNESCO, en 2005, ont montré que, loin d’être isolée, loin de défavoriser ses sportives et ses sportifs, la France a pleinement mené la lutte pour des pratiques sportives respectueuses des règles et de l’intégrité physique et psychique des athlètes. Ce fut un combat âpre, difficile, mais le mouvement sportif français et l’opinion publique furent au rendez-vous ; je veux, une nouvelle fois les en remercier. J’associe à ces remerciements notre collègue Valérie Fourneyron qui poursuit avec force et qualité ce combat à l’Agence mondiale antidopage.

Les causes profondes du dopage ne sont toujours pas éradiquées : des calendriers sportifs surchargés, des questions liées à la formation, à la reconversion des athlètes, des millions d’euros cumulés sur les paris en passant par les enjeux financiers qui traversent le sport professionnel comme les candidatures aux grands événements sportifs.

Autant de réalités qui entremêlent enjeux sportifs, enjeux financiers ou politiques. Ces problématiques, il faut les affronter. Elles ne peuvent se réduire au sport santé ou au sport facteur de lutte contre les discriminations.

Mais mesurons, pour nous en féliciter, les avancées concrètes et la prise de conscience internationale, plaçant au cœur de la pratique sportive, à tous les niveaux, le respect des règles et des sportifs et sportives. Très massivement, les acteurs du sport considèrent que la priorité doit être donnée à ces deux enjeux : compétition équitable et respect des compétiteurs !

Les modifications apportées au code mondial antidopage vont pour la plupart dans le bon sens. Le Comité national olympique et sportif français, le CNOSF, par la voix de son président, Denis Masseglia,…

M. François Rochebloine. Excellent président.

Mme Marie-George Buffet. …a, lors des auditions, réaffirmé son souhait d’être pleinement acteur de la mise en œuvre du code mondial antidopage, et a exprimé son accord aux modifications apportées. Le Gouvernement le soutient également.

Mais en dépit de ces avancées notables, les affaires récentes de dopage ou de corruption montrent que ce combat n’est pas encore gagné. Il n’est pas mené avec la même vigueur dans tous les pays ; même en France où il l’est, nous ne sommes pas à l’abri, hélas, d’affaires de dopage.

Signalons également l’interdiction de s’associer à une personne qui fait l’objet d’une sanction. Cette mesure permettra d’assainir l’encadrement sportif. Un récent reportage télévisé a montré que des ex-docteurs sont toujours présents auprès de certains athlètes.

C’est par rapport à ces objectifs que nous nous penchons sur ce projet de loi qui nous demande, hélas, une nouvelle fois, au nom d’un calendrier contraint, de légiférer par ordonnance sur un sujet aussi complexe, touchant aux droits et devoirs de la personne. Je ne peux que profondément le déplorer.

Citons aussi l’incitation à une meilleure coopération entre les fédérations et les organisations nationales de lutte contre le dopage. C’est, en effet, par la coopération que le combat pourra être pleinement efficace.

Enfin, des pouvoirs supplémentaires ont été accordés à l’Agence française de lutte contre le dopage. J’en profite pour saluer l’excellence de son travail.

En revanche, deux mesures me semblent devoir faire l’objet d’un questionnement rigoureux. La première concerne l’utilisation de modes de preuves non analytiques.

Je ne vais pas revenir sur toutes des mesures positives. Notons cependant l’allongement du délai de prescription des actions disciplinaires : il permettra de bénéficier des progrès scientifiques en matière de lutte antidopage et de gagner la course de vitesse avec des tricheurs de plus en plus armés.

Les États-Unis, eux – l’affaire Armstrong en est l’exemple médiatique – ne s’inscrivent pas dans cette ligne spécifique et appliquent les règles d’investigation communes. L’esprit de la lutte antidopage, chez eux, s’est longtemps confondu avec la lutte contre les stupéfiants. Ainsi, les échanges d’informations, la délation, les témoignages occupent une place centrale dans la poursuite judiciaire des faits de dopage.

Le nouveau code nous pousse dans cette logique. C’est un choix. Faut-il en rester à la sanction sportive ? Je le pense, mais cette question nous sera posée, elle l’a déjà été en commission.

La loi française repose principalement sur le « contrôle positif » et sur le caractère spécifique de la lutte contre le dopage. Cela nous conduit à considérer que les sanctions pour le sportif convaincu de dopage, victime d’un système, devaient être d’ordre sportif sauf, s’il se révèle lui-même auteur de trafics.

Actuellement, l’AFLD peut prononcer une interdiction temporaire ou définitive de participation aux compétitions, entraînements et manifestations. Ces sanctions justifiées sont durcies et élargies par les modifications du code. C’est un arrêt de la carrière sportive qui sera de fait prononcé dans beaucoup de cas. Nous assistons également au développement du passeport biologique. Les outils dissuasifs sont donc disponibles.

Le rapporteur nous dit que le Gouvernement entend encadrer très strictement cette disposition du nouveau code. Mais comment ? Le ministère me répond que l’ordonnance précisera que le contrôle après 21 heures ne peut avoir lieu qu’avec le consentement du sportif, qu’il se limitera à un prélèvement d’échantillon, qu’il visera un public très ciblé.

En commission, notre rapporteur nous a dit que l’AFLD ne sera pas encline à pratiquer ces contrôles. J’entends toutes ces précautions, mais, cela ne répond pas pleinement à mon interrogation quant au respect ou non d’un principe constitutionnel envers ces citoyens que sont les sportifs.

Les dérogations à l’inviolabilité du domicile, que ce soit pour le terrorisme ou le grand banditisme, sont le fait de la décision d’un juge, excepté pour les flagrants délits. Nous observons là les limites à légiférer par ordonnances, ce qui nous ce qui nous prive du droit d’amendement et de la construction commune de la loi.

Autre question : dans une activité fondée sur la compétition, encourager le sportif à dévoiler des informations sur des pratiques illicites et à coopérer pour obtenir un sursis ne peut-il entraîner des dérives ? Je pose ces questions sans trancher entre les deux démarches. Je me demande juste si elles pourront cohabiter dans la durée. Je souhaite que l’option choisie par l’Agence mondiale antidopage soit pleinement efficace.

On nous dit que la France se doit d’appliquer les dispositions du code mondial antidopage, qu’elle doit être exemplaire. Néanmoins, je demande, pour mon pays, le droit de discuter toute transposition d’une décision d’un organisme international en restant fidèles à nos propres principes, précisément pour être exemplaire !

Une seconde mesure me pose un problème plus important.

Le droit français se veut protecteur ; les pouvoirs de contrôle reconnus de l’AFLD sont en effet encadrés. Le nouveau code mondial prévoit que « tout sportif peut être tenu de fournir un échantillon à tout moment, en tout lieu. » « En tout lieu » : il y a là le principe de la localisation. « À tout moment », cela signifie y compris entre 21 heures et 6 heures du matin, hors les compétitions sportives de nuit. Comment allons-nous faire évoluer le code du sport dans le respect du principe constitutionnel de l’inviolabilité du domicile ?

Quelle sera l’application de l’article 59 du code de procédure pénale disposant que « les visites domiciliaires ne peuvent être commencées avant 6 heures et après 21 heures », de l’article 9 du code civil affirmant que « chacun a droit au respect de sa vie privée » ? M. le rapporteur souligne que ces contrôles doivent respecter une proportionnalité entre les atteintes portées aux droits des sportifs et sportives et les enjeux liés à la lutte contre le dopage ! Se poser ces questions nous semble légitime.

Considérer, le sportif, la sportive comme un citoyen, une citoyenne : c’est ainsi que les politiques de prévention et de sanctions seront les plus efficaces.

Je conclurai en évoquant cette notion de prévention – prévention par l’information donnée aux athlètes, par la qualification des encadrements et en nous attaquant aux causes profondes des dérives qui traversent le sport comme la société et que j’ai rappelées au début de mon intervention. Le code du sport comporte des outils pour cela, mais n’est-il pas temps de les actualiser et de les renforcer par une nouvelle loi-cadre ? Je sais que M. Kanner y réfléchit.

Personne ici ne peut contester mon engagement dans le combat pour l’éthique dans le sport, mais je considère en toute conscience que le passage par les ordonnances ne permet pas de répondre avec la précision nécessaire au questionnement que je viens d’exposer. Nous aurons prochainement le projet d’ordonnances, et je vous remercie, monsieur le ministre, de cette rapidité, mais lorsque nous aurons ce projet, nous aurons déjà voté. À leur grand regret, les députés du Front de gauche s’abstiendront donc.

M. François Rochebloine. Tout ça pour ça !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon.

Mme Brigitte Bourguignon. Le dopage est un fléau qui abîme les valeurs du sport et la santé de nos sportifs. Depuis la création de l’Agence mondiale antidopage, en 1999, à l’initiative de la France, une volonté internationale et coordonnée de lutter contre le dopage et ses dérives a vu le jour. La France demeure à la pointe de ce combat grâce à son volontarisme politique en la matière, qui transcende nos sensibilités politiques, et au travail remarquable de 1’Agence française de lutte contre le dopage. Elle s’honore donc encore une fois aujourd’hui de se montrer exemplaire en termes d’éthique et de déontologie par la transcription des nouvelles dispositions proposées par l’Agence mondiale antidopage.

Avec ce texte, il s’agit de continuer de rationaliser et d’harmoniser à l’échelle mondiale les règles de lutte contre toute forme de dopage. Cette modification du code mondial antidopage, qui prend en compte l’évolution technologique du dopage, sera la troisième depuis son élaboration en 2003. Elle devra être respectée par l’ensemble des fédérations sportives internationales et des agences de lutte contre le dopage des différents pays signataires – 177 au total.

Certaines de ces nouvelles dispositions, certes très techniques, nécessitent une intervention législative et présentent, comme l’a rappelé notre rapporteur, un juste équilibre entre prévention et répression, avec un ciblage affiné qui permet de protéger le sportif à la fois de lui-même, lorsque la tentation est grande, et de son entourage, lorsque son intérêt est encore plus grand au regard des enjeux financiers que représente parfois le sport de haut niveau, notamment dans certaines disciplines.

Ainsi, cette nouvelle doctrine antidopage met l’accent sur les enquêtes, le recours aux renseignements durcit les sanctions et implique davantage les fédérations nationales. Toute une série de mesures graduées en fonction du type d’infraction et des circonstances aggravantes sont définies.

Nous avons débattu en commission de nos inquiétudes quant à quelques points qui restaient encore à préciser au regard de notre droit constitutionnel, comme l’a rappelé Mme Buffet – points que vous connaissez, monsieur le ministre, puisque nos collègues sénateurs avaient émis les mêmes interrogations lors du passage du texte au Sénat.

Il s’agit tout d’abord de la disposition concernant la disponibilité du sportif pour un contrôle antidopage en tout lieu et à tout moment, qui posait notamment le problème du contrôle entre 21 heures et 6 heures du matin, et de l’automaticité des sanctions, qui, pour ne pas s’opposer au principe d’individualisation des peines, devra être entendue comme la possibilité d’instaurer un régime de sanction maximale.

Nous comprenons que, comme cela avait été le cas pour la deuxième modification du code, le recours aux ordonnances soit nécessaire dans un souci de rapidité face à l’entrée en vigueur des dispositions nouvelles au 1er janvier 2015. Néanmoins, le président de notre commission, soucieux du travail des parlementaires, vous a alerté par courrier, monsieur le secrétaire d’État, de notre souhait de pouvoir être consultés sur l’ordonnance dès qu’elle sera définitivement écrite.

Ce contrôle ne devra donc être possible qu’avec l’autorisation du sportif, il se limitera à un prélèvement d’échantillon et devra trouver un juste milieu entre le droit à l’intimité du sportif et l’application de la lutte antidopage.

Continuons à protéger nos sportifs – le chemin est encore long. La France a toute sa place dans cette lutte et elle est reconnue internationalement. La nomination de Mme Valérie Fourneyron à la tête du comité « Santé, médecine et recherche » de l’AMA est du reste un atout pour notre pays et une véritable reconnaissance de son engagement.

La France doit être également une force de propositions. D’autres avancées sont envisageables. Il serait par exemple intéressant de travailler sur un rapprochement entre l’Organisation mondiale de la santé et INTERPOL pour la recherche sur les molécules utilisées frauduleusement et pour la lutte contre le trafic de médicaments. La création d’une structure indépendante d’arbitrage des conflits entre les fédérations et les États pourrait également être étudiée.

De même tout ce qui peut consolider le périmètre d’action de l’AMA et ne pas la réduire à des fonctions d’appui et de coordination doit être encouragé afin qu’elle dispose de la totalité du pilotage de la lutte contre le dopage.

L’actualité nous rappelle à l’urgence et à la constance de cette lutte nécessaire. Nous venons précisément d’apprendre que l’AMA diligentera, à partir du mois de janvier 2015, une enquête sur la situation de la Russie sur la base de graves allégations de dopage présentées dans une série de documentaires de la télévision allemande.

Tout ce qui permet de conforter l’éthique dans le sport doit être fait. Cependant, outre cette dimension, la lutte contre le dopage, la fraude, la triche, représente également un enjeu de santé publique, notamment vis-à-vis du sport amateur, dont les pratiquants ne sont pas épargnés par la tentation de la performance à tout prix au détriment de leur santé et de leur avenir.

Je me réjouis donc de la détermination de l’ensemble des parlementaires sur ces questions, car ce texte a été adopté à l’unanimité au Sénat et presque aussi unanimement au sein de notre commission. Aussi le groupe SRC souhaite-t-il que ce projet de loi soit adopté dans les mêmes conditions.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion.

Mme Sophie Dion. Le dopage, qui touche toutes les disciplines sportives, est un fléau majeur pour l’éthique du sport, l’équité des compétitions et la santé des sportifs, qu’ils soient amateurs ou professionnels, jeunes ou confirmés.

Le sport est porteur de messages – dépassement de soi, respect des règles, respect des autres, exemplarité, tolérance et honnêteté. Il ne peut s’accommoder d’aucune tricherie, et le dopage est une tricherie.

M. François Rochebloine. Très bien !

Mme Sophie Dion. Si nous voulons protéger ces valeurs et défendre l’image du sport propre et sain, il nous faut accentuer les moyens de prévention et de lutte contre le dopage et contre les trafics et pratiques qui portent atteinte à l’intégrité du sport et qui la menacent.

La mise en œuvre dans notre droit français des dispositions du code international antidopage, adopté en novembre 2013 lors de la quatrième conférence mondiale sur le dopage dans le sport, à Johannesburg, apporte une réponse à cet objectif.

Qui pourrait être défavorable à la mise en conformité de notre droit avec les nouvelles exigences de l’Agence mondiale antidopage ? La lutte contre le dopage dépasse tous les clivages politiques.

M. François Rochebloine. Très bien !

Mme Sophie Dion. Dans ce combat, la France a été aux avant-postes et a toujours mené une politique active et volontariste de lutte contre le dopage. Notre pays a été le premier à légiférer dans ce domaine, avec la loi Herzog du 1erjuin 1965,…

M. François Rochebloine. Eh oui !

Mme Sophie Dion. …suivie par de grandes lois, notamment celle du 23 mars 1999 qui a créé l’Agence française de lutte contre le dopage. Cette autorité administrative indépendante, présidée par M. Bruno Genevois – que je salue –, mène un travail de première importance pour que la France reste en pointe dans ce combat.

Mais, nous le savons, la lutte contre le dopage ne peut être que mondiale. Le sport est, par fonction, transnational et le sportif est un citoyen du monde. Nous devons œuvrer en harmonie et en coopération avec tous les pays et avec le mouvement sportif, au niveau tant national que mondial, qu’il s’agisse des organisations sportives, des fédérations sportives ou des agences. Il faut favoriser les échanges d’informations et sans cesse adapter notre cadre juridique aux nouvelles pratiques de dopage, qui évoluent vite – parfois trop.

La plupart des mesures du code mondial antidopage ne peuvent à cet égard que susciter un consensus. Je ne citerai que celles qui visent à étendre les pouvoirs de contrôle des organisations nationales antidopage, à allonger le délai de prescription des sanctions disciplinaires, à élargir l’échelle des sanctions et à instaurer une certaine clémence en cas d’aide à la découverte ou à l’établissement d’une infraction. Ce sont là de bonnes mesures.

Cependant, s’il n’y a pas d’opposition manifeste à ce texte de la part des députés du groupe UMP,…

M. Pascal Deguilhem, rapporteur. Ah !

Mme Sophie Dion. …nous avons néanmoins quelques réserves à formuler.

La première porte sur la procédure : nous ne sommes naturellement pas favorables à celle des ordonnances, qui prive le Parlement de son rôle de législateur – je tiens à le rappeler avec force et détermination.

M. François Rochebloine. Elle a raison !

Mme Sophie Dion. Dans ce contexte précis, en raison de l’urgence des délais impartis avec l’application prévue du code mondial antidopage à compter du 1erjanvier 2015, de la grande technicité des mesures à prendre et des nombreuses modifications à apporter au code du sport – j’en ai compté plus de 2 269 au total –, on peut comprendre cette méthode, même si nous la regrettons vivement.

La seconde remarque porte sur le fond des mesures prévues. Ainsi, la possibilité d’effectuer des prélèvements nocturnes, entre 21 heures et 6 heures du matin, au domicile d’un sportif est contraire aux principes constitutionnels d’inviolabilité du domicile et de respect de la vie privée. L’application littérale du code mondial antidopage pourrait donc nous poser un problème de respect des droits et des garanties reconnus à toute personne humaine.

Pour nous, juristes, la lecture de Flexible droit du doyen Carbonnier nous a appris que, la nuit, le droit sommeille – raison pour laquelle notre système juridique ne prévoit, par exemple, pas de perquisition ni d’arrestation avant le lever du soleil : la confiance que nous avons dans notre système de droit justifie qu’on le laisse s’assoupir quelques instants, car nous savons qu’il continue à veiller sur la protection des personnes.

Lors de l’examen du texte en commission, vous nous avez assurés, monsieur le rapporteur, que cette mesure serait strictement encadrée et qu’elle ne pourrait être mise en œuvre qu’avec le consentement du sportif.

Nous ne sommes toutefois pas pleinement satisfaits. Que signifie, par exemple, l’exigence du consentement ? En droit, il doit être totalement libre et éclairé : comment imaginer que le sportif refuse d’être contrôlé dans ces conditions et en pleine nuit, alors qu’on en tirera naturellement des conséquences fortes ? Je souhaiterais donc que vous nous apportiez à cet égard des garanties compatibles avec notre système de droit.

Quant aux « cas de très grande suspicion », c’est-à-dire où certains sportifs seraient particulièrement visés, il s’agit là d’une terminologie très vague.

Les députés du groupe UMP seront donc très attentifs à la rédaction de cette ordonnance. Bien que celle-ci ne doive nous être présentée qu’après le vote, nous vous faisons confiance, monsieur le secrétaire d’État,…

…et nous renouvelons fortement la demande déjà formulée en commission de pouvoir en consulter le texte et, le cas échéant, reparler avec vous des dispositions qui pourraient être amendées.

Nous devons être très vigilants sur les questions qui pourraient être en contravention avec nos principes fondamentaux et la garantie accordée à toute personne humaine, fût-elle un sportif !

Sous le bénéfice des réserves que je viens de formuler, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, SRC et écologiste.)

M. François Rochebloine. Bravo !

M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. J’apprécie !

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée examine aujourd’hui le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi, nécessaires pour bien assurer dans le droit interne le respect des principes du code mondial antidopage.

La lutte contre le dopage nous rassemble, sur tous les bancs de cet hémicycle, au-delà des clivages politiques, et l’on ne peut que s’en réjouir étant donnée l’importance de cette question, tant pour les sportifs que pour les amateurs de sport et les citoyens.

La lutte contre le dopage est une nécessité tant éthique que de santé publique. Elle doit être organisée au niveau international compte tenu de la mondialisation des principales disciplines sportives. Ainsi, on ne peut que se réjouir que le code mondial constitue un outil juridique pour 177 pays.

L’Agence mondiale antidopage et l’Agence française de lutte contre le dopage ont effectué des avancées scientifiques remarquables afin de permettre une lutte contre les tricheurs, et je souhaite souligner le rôle personnel qu’a joué et que joue encore notre collègue Valérie Fourneyron.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Guénhaël Huet. La France a joué un rôle primordial ; il était donc logique qu’elle transcrive les principes du code mondial antidopage dans son droit interne, même si la transcription pour le 1er janvier 2015 est une exigence davantage éthique que juridique.

Les axes du nouveau code mondial renforcent la lutte contre le dopage en instaurant des sanctions plus lourdes contre les tricheurs, en réaffirmant l’importance des enquêtes et du recours au renseignement entre les différents acteurs concernés, en renforçant les prérogatives des organisations nationales antidopage telle que l’Agence française de lutte contre le dopage, dont je veux saluer l’action très efficace depuis plusieurs années, en interdisant aux sportifs de s’associer à des encadrants qui ont été suspendus ou condamnés pour des faits de dopage, ou encore en assurant une meilleure articulation entre les rôles des acteurs internationaux.

Cependant, la lutte contre le dopage ne doit pas se concentrer sur une ou deux disciplines sportives ; elle doit au contraire concerner l’ensemble des sports, quelle que soit leur médiatisation. Cela permettra d’éviter la stigmatisation de certaines disciplines ou de certains sportifs par rapport à d’autres.

En parallèle, il faut également lutter contre le dopage sous l’influence de l’entourage qui joue avec l’absence de connaissances des sportifs en la matière. Il paraît donc très important de prévenir le dopage chez les sportifs mineurs, via les centres de formation et les établissements scolaires.

Enfin, il est nécessaire de trouver un bon équilibre entre la lutte contre le dopage et le respect de la vie privée des sportifs, dans la droite ligne de notre tradition juridique française, que vient de rappeler notre collègue Sophie Dion au nom du groupe UMP. C’est pourquoi il ne faut pas transiger sur les droits qui sont accordés à tout être humain. Les prélèvements nocturnes, tels qu’ils sont évoqués dans le code mondial antidopage, posent un problème de constitutionnalité par rapport au respect de la vie privée ; il faudra que la rédaction de 1’ordonnance en tienne compte. L’avis du Conseil d’État est à cet égard rassurant puisqu’il indique, comme l’a précisé M. le rapporteur, que les contrôles nocturnes ne pourront être effectués qu’avec l’assentiment des sportifs.

Même si j’ai noté que le Gouvernement laissera les parlementaires consulter son projet d’ordonnance, et même si j’ai bien conscience que le temps qui nous est imparti pour transcrire ces dispositions est relativement court, je regrette que le Gouvernement n’ait pas profité de ce texte pour élargir le champ de réflexion ; cependant, je voterai en faveur de ce projet de loi très utile.

Je ne voudrais pas finir sans féliciter Pascal Deguilhem pour son excellent travail, tout en regrettant qu’il n’aime pas suffisamment le sport cycliste ! (Sourires.)

M. Pascal Deguilhem, rapporteur. Je m’inscris en faux !

M. Guénhaël Huet. Je ne voudrais pas non plus finir sans remercier mon collègue François Rochebloine d’avoir accepté de me céder son tour de parole ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la lutte contre le dopage est un objectif partagé par tous, quelle que soit notre famille politique. En témoignent le large consensus, dont je me félicite, autour de ce projet de loi lors des discussions au Sénat, ainsi que les expressions, la semaine dernière en commission, des différents groupes politiques qui, sans exception, reconnaissent tous la nécessité d’aller plus loin dans la lutte contre le dopage.

Les scandales d’exploits accomplis par des sportifs dopés sont encore trop nombreux. Ils nuisent, bien entendu, aux personnes qui se dopent, avec des conséquences sur leur santé qui mériteraient d’être davantage prises en compte dans la politique de prévention. Mais les conséquences vont bien au-delà des seules répercussions pour la personne qui se dope : le discrédit entache l’ensemble des sportifs, toutes disciplines confondues. Ces pratiques portent atteintes à l’image du sport et aux valeurs sportives ; d’où l’absence de polémique partisane et le large soutien à ce projet de loi, lequel illustre la prise de conscience internationale de ce problème et propose que les principes du code mondial antidopage soient respectés par notre législation.

Or, si je partage bien sûr la volonté que la France soit exemplaire dans la lutte contre le dopage, je suis beaucoup plus dubitative quant à la méthode : le recours aux ordonnances empêche la représentation nationale d’exercer son mandat comme il se doit.

M. François Rochebloine. C’est vrai !

Mme Barbara Pompili. Ce point a été soulevé lors de la réunion de la commission. Toujours est-il que, sur le fond, nous soutenons complètement la volonté d’agir pour que la pratique du dopage cesse, en milieu sportif mais pas uniquement : ce même problème survient dans certaines professions, lorsque le stress est trop important ou lorsque la recherche effrénée de meilleures performances devient une règle absolue, faisant perdre pied avec la réalité. C’est cette course au rendement, à la performance et à l’exploit qui amène le plus souvent à se doper, pour arriver facticement et temporairement à dépasser ses propres capacités, ou juste à faire face.

M. François Rochebloine. Pas de cannabis, alors ?

Mme Barbara Pompili. Le phénomène est le même que l’on soit sportif, cadre dans certaines entreprises, artiste ou simple citoyen, obligé de faire face à une pression sociale débordante et de tenir dans une société qui impose un rythme et une culture de la performance outranciers.

Mais loin de moi l’idée d’adopter une politique répressive. Rappelons-le : celles et ceux qui se dopent sont d’abord des victimes de ce système. L’enjeu est la prévention, comme l’indique très clairement le récent rapport du Comité d’évaluation et de contrôle – ou CEC – relatif à l’évaluation de la lutte contre l’usage de substances illicites.

Ce rapport souligne aussi combien l’achat de substances illicites par internet n’est pas encore suffisamment pris en compte, alors que cela bouleverse totalement l’accès aux drogues, y compris dans le milieu sportif.

M. François Rochebloine. Exact !

Mme Barbara Pompili. L’utilisation d’internet complexifie d’ailleurs la tâche des pouvoirs publics dans la lutte contre ces trafics, notamment avec l’essor de l’achat de drogue via les réseaux clandestins en ligne que sont les darknets.

Ce rapport du CEC regrette également l’insuffisance de données quantitatives fiables sur les pratiques dopantes, leur ampleur et leurs évolutions, y compris pour le sport amateur qui n’est pas soumis au code du sport.

C’est là un point important sur lequel il convient d’insister. Nos collègues sénateurs Jean-François Humbert et Jean-Jacques Lozach indiquent très bien dans leur rapport sur L’efficacité de la lutte contre le dopage combien la pratique du dopage est de plus en plus fréquente parmi les sportifs amateurs.

M. François Rochebloine. C’est malheureusement vrai !

Mme Barbara Pompili. Ce constat est alarmant : il s’agit d’une véritable zone grise, d’où l’importance de renforcer la prévention dans tous les milieux sportifs – professionnel comme amateur – et la nécessité de soutenir toutes les volontés permettant de progresser dans la lutte contre le dopage.

Cela justifie, vous l’aurez compris, notre soutien à ce projet de loi. Le nouveau code mondial antidopage représente bel et bien un progrès parce qu’il va renforcer l’efficacité des contrôles en développant une nouvelle approche fondée sur le partage d’informations et la coopération. De ce point de vue, il est indéniable, comme d’autres l’ont évoqué ici même, que l’affaire Lance Armstrong nous aura au moins appris qu’on ne peut plus se limiter aux seules preuves scientifiques !

Progrès aussi, parce que ce nouveau code va renforcer les coopérations entre les fédérations et les institutions intervenant dans la lutte contre le dopage. Cet état d’esprit coopératif permettra d’être plus efficace pour venir à bout du dopage et des dynamiques mafieuses qui l’animent. Il faudrait d’ailleurs aller encore plus loin dans l’harmonisation des contrôles mais aussi de sanctions.

Et c’est aussi, bien sûr, un progrès parce que l’allongement des délais de prescription fera planer le spectre d’une menace plus grande et contribuera de la sorte à éviter les pratiques dopantes.

Sans revenir sur l’ensemble des avancées présentes dans ce code, je souhaite insister sur trois points. Tout d’abord, c’est vraiment par la prévention et par la coopération de tous les acteurs concernés – les sportifs et leurs équipes, mais aussi les fédérations ou encore les organisations – que l’on arrivera à lutter efficacement contre le dopage.

Pourquoi ? C’est là le deuxième point que je veux développer : parce que le dopage est un système qui dépasse l’individu lui-même. Nous faisons face en effet à des systèmes mafieux, eux-mêmes animés par des intérêts purement financiers. Les sommes en jeu sont énormes et dépassent de loin l’exploit individuel. Les enjeux financiers autour des droits de diffusion télévisuelle et des paris sportifs en témoignent ; et ce ne sont là que deux exemples !

Pour illustrer mon propos, permettez-moi de citer un chiffre qui parle de lui-même : 400 milliards ! C’est l’estimation du chiffre d’affaires mondial des paris sportifs !

Cela m’amène au dernier point que je souhaite évoquer : l’impérieuse nécessité de revoir le modèle économique et social du sport afin de véritablement remettre au premier plan les valeurs qu’il véhicule que sont le partage, la convivialité, l’émulation,…

M. François Rochebloine. Et l’effort, aussi !

Mme Barbara Pompili. …et non la compétition ! Sur ce point, j’ai l’impression que nous sommes tous d’accord mais que, dans les faits, ça ne change pas. Il serait sans doute nécessaire de commencer à s’interroger sur les calendriers des compétitions, afin de proposer un rythme prenant en compte non pas les intérêts financiers, mais les personnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Benoît Hamon. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Fourneyron.

Mme Valérie Fourneyron. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation – je vous remercie tout d’abord d’avoir accordé quelques minutes dans la discussion générale à un membre de la commission des affaires étrangères –,…

M. Marcel Rogemont. Mais vous n’êtes pas étrangère au sport ! (Sourires.)

Mme Valérie Fourneyron. …monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le nouveau code mondial antidopage est un instrument puissant au service du sport, qui vise moins à punir les tricheurs qu’à défendre l’essence même du sport et à protéger les sportifs propres.

Même si nous aimerions avoir des débats plus importants sur l’environnement et l’ensemble des circonstances qui conduisent les sportifs à dépasser leurs limites et à vouloir à tout prix gagner sans respecter l’éthique du sport, la seule question qui doit nous animer aujourd’hui est la suivante : comment se doter de l’outil le plus efficace pour mettre en application le nouveau code ?

La réponse doit être pragmatique. En adoptant ce texte aujourd’hui – avec la même unanimité qu’au Sénat, je le souhaite ! –, après l’excellent travail accompli par le rapporteur, la France pourra se targuer de faire partie des premiers pays au monde à se doter des outils nécessaires à la mise en œuvre du code.

Celui-ci entrera en vigueur au 1er janvier 2015 et, même s’il existe un délai incompressible pour que l’ordonnance de transposition entre en application – vous avez indiqué tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, que vous auriez un rythme de sportif pour publier cette ordonnance et pour nous permettre d’y avoir accès –, avec l’adoption de ce projet de loi, la France enverra un message clair aux sportifs du monde entier, à la gouvernance du sport mondial et à ses partenaires. Ce message dira : « Oui, la France respecte ses engagements ; oui, rester à la pointe du combat contre le dopage et assurer la défense d’un sport propre est une priorité de notre politique sportive nationale. »

La France a toujours veillé, cela a été rappelé par de multiples intervenants, à créer les conditions juridiques nécessaires à la mise en œuvre complète du code mondial antidopage. Il ne saurait en être autrement aujourd’hui ; merci, monsieur le secrétaire d’État, de votre engagement en ce sens et de nous permettre d’être une nouvelle fois au rendez-vous.

Notre engagement en matière de lutte contre le dopage a été constant, toujours en pointe, notamment sous l’impulsion de Marie-George Buffet,…

M. Marcel Rogemont. Très bien !

Mme Valérie Fourneyron. …qui a participé aux réflexions menant à la création de l’AMA, et de Jean-François Lamour, qui a été vice-président de l’AMA.

C’est cette histoire, cette intransigeance, cette réputation de la France que j’ai moi-même essayé de perpétuer, depuis deux ans, en tant que membre du comité exécutif de l’Agence, et que je continuerai d’incarner en tant que présidente du comité « Santé, médecine et recherche » de l’AMA à partir de janvier 2015.

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

Mme Valérie Fourneyron. Je n’ai donc pas peur de dire aujourd’hui que de l’adoption de ce texte dépendent l’image et la crédibilité de la France sur la scène sportive internationale.

Certes, dans le domaine du dopage, on est toujours tenté de vouloir apporter sa pierre à l’édifice. Mais ne nous trompons pas de combat : depuis la naissance du code en 2003, la lutte a beaucoup progressé, dans sa pratique et sur le terrain. L’AMA a accumulé de l’expérience, ses partenaires aussi : les agences nationales, les laboratoires, les gouvernements, le mouvement sportif. Ne serait-ce que ces derniers mois, avec la publication du passeport biologique et du module stéroïdien qui est un élément essentiel pour la lutte contre le dopage et le suivi des sportifs.

Il était temps que notre outil juridique commun reflète cette expérience accumulée. Car le dopage évolue constamment et très rapidement, hélas. Le succès de la lutte passe aussi par la capacité de nos outils collectifs à s’adapter à cet environnement.

Ce nouveau code était donc nécessaire pour ne pas céder de terrain, compte tenu des évolutions technologiques et médicamenteuses, dont on connaît les ravages, du point de vue de l’éthique sportive comme de la santé des sportifs. Dans quelques semaines, au mois de janvier, à Tokyo, nous aurons un rendez-vous important entre l’AMA et toute l’industrie pharmaceutique. Car il faut savoir que des produits pharmaceutiques qui ne sont pas encore mis sur le marché, qui sont parfois attendus depuis des années, par exemple pour lutter contre les myopathies des enfants, peuvent être détournés de leur utilisation avant même d’être commercialisés. Il est donc indispensable de conduire à son terme ce travail avec l’industrie pharmaceutique.

Nous sommes là dans un domaine extrêmement technique, qui exige un degré d’expertise poussé, à cheval entre le scientifique et le juridique. C’est cette complexité qui justifie le recours à une ordonnance pour transposer le code.

Le nouveau code, je veux le rappeler, est une arme. Et cette arme est le fruit d’un travail titanesque de l’AMA que je salue ici. Ce nouveau code a fait l’objet d’un travail consultatif d’une ampleur sans précédent, pendant près de deux ans.

Pendant deux ans, tous les partenaires de l’AMA, y compris des sportifs de haut niveau comme Tony Estanguet, triple champion olympique, des gouvernements, des agences nationales, l’Agence française de lutte contre le dopage, ont été encouragés à prendre part aux trois phases de consultation. Moi-même, en tant que représentante de l’Europe, j’y ai participé.

Ce processus préparatoire, ambitieux, minutieux, rigoureux, est le gage de la réussite de ce nouveau code et du large consensus qui l’entoure.

Je ne vais pas revenir sur les avancées qu’il contient. Le rapport les décrit très bien, qu’il s’agisse des preuves indirectes, du pouvoir d’enquête, de la proportionnalité des sanctions, de l’extension du délai de prescription, de la prise en compte de l’environnement ou de l’indépendance accrue des agences.

Plus intransigeant, plus juste, il garantit que tous les sportifs seront assujettis – et c’est là l’essentiel – aux mêmes procédures, aux mêmes protections, quels que soient leur sport, leur nationalité, le pays où ils subissent les contrôles. Nous voyons bien, avec les graves allégations qui viennent de s’exprimer à la télévision allemande, combien il était nécessaire – comme l’a rappelé le président de l’AMA, Craig Reedie, que vous avez reçu, monsieur le président Bloche – que tous les athlètes propres à travers le monde soient rassurés quant au fait que la lutte antidopage est menée dans leur intérêt.

Je reviens simplement sur un point, qui a été soulevé dans presque toutes les interventions ce soir et lors des auditions : le débat sur l’élargissement des contrôles en tout temps et en tout lieu. Le droit au respect de la vie privée et le droit constitutionnel à l’inviolabilité du domicile de 21 heures à 6 heures du matin ont été évoqués pour remettre en question, sur ce point, le code.

Il appartiendra à l’ordonnance de trouver le bon équilibre pour préserver l’efficacité de la lutte contre le dopage, tout en garantissant le respect des libertés individuelles et des droits constitutionnels de chacun. Mais il est évident que si les tricheurs savent qu’ils ne peuvent pas être testés de 21 heures à 6 heures, c’est une énorme faiblesse dans le dispositif, car on sait la sophistication des nouvelles techniques de dopage et les durées d’élimination extrêmement courtes, compte tenu des nouvelles modalités d’application de ces produits. Je dis bien « d’application », car il ne s’agit plus d’injections.

Je ne doute pas que le Gouvernement sera, comme vous l’avez dit, très attentif à cet aspect.

Il faut également savoir que le juge Jean-Paul Costa, ancien président de la Cour européenne des Droits de l’homme, a été étroitement associé à la rédaction du nouveau code et a émis un avis juridique sur sa force exécutoire. S’agissant des contrôles en tout temps et en tout lieu, il a estimé que c’était un principe acceptable s’il était exercé avec retenue. Nous y serons attentifs.

Je conclus en disant que l’adoption, aujourd’hui, de ce petit article unique permettra à la France de franchir un pas important dans la lutte contre le dopage, pour ainsi dire : de mettre à jour notre logiciel en un seul clic.

Cela ne nous exonère pas de regarder vers le futur et d’envisager, en complément, un travail plus approfondi, avec le Gouvernement, pour toujours améliorer notre dispositif. Je pense notamment à une évolution de notre agence nationale ou à une meilleure coopération en matière d’enquêtes. Pour citer Martin Luther King : « Celui qui accepte le mal sans lutter contre lui coopère avec lui. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. La lutte contre le dopage répond à un double impératif. Elle poursuit un objectif éthique, tout d’abord, puisqu’il s’agit de préserver les valeurs du sport, le sens même de l’effort et du dépassement de soi, sa vérité comme celle de la performance sportive.

Elle poursuit également un objectif de santé publique, puisque le dopage peut mettre en danger la vie ou la santé de celles et ceux qui y recourent, que ce soit avec leur consentement éclairé ou sous la pression de leur entourage.

La lutte contre le dopage doit également répondre à une double exigence en termes de méthode.

D’une part, elle ne peut s’inscrire que dans un cadre international. D’autre part, l’arsenal législatif et réglementaire doit sans cesse évoluer, pour combattre le plus efficacement possible l’inventivité sans limites et sans frontières des tricheurs.

Devant la persistance du dopage, les nouvelles dimensions qu’il prend, le Gouvernement a déposé au Parlement un projet de loi relatif à la transposition du code mondial antidopage, visant à mettre notre droit en conformité avec la troisième version de ce code, adoptée lors de la quatrième conférence mondiale sur le dopage dans le sport, qui s’est tenue à Johannesburg du 12 au 15 novembre 2013.

Les modifications proposées visent à renforcer l’efficacité du contrôle et à élargir la gamme des sanctions, tout en veillant à leur proportionnalité.

Notre groupe salue ces modifications qui nous donnent autant d’outils utiles et pertinents pour lutter contre le dopage. Les avancées introduites par le nouveau code mondial antidopage sont substantielles. Un nouveau régime pour les autorisations d’usage à des fins thérapeutiques est prévu. Il comporte l’obligation, pour les fédérations internationales ainsi que pour les organisations nationales, de reconnaître réciproquement les autorisations d’usage à des fins thérapeutiques délivrées à leurs sportifs.

Par ailleurs, les pouvoirs de contrôle des organisations nationales antidopage, dans le cadre des manifestations internationales, sont étendus à travers deux dispositions.

Premièrement, les organisations nationales antidopage pourront désormais contrôler des sportifs pendant la durée de la manifestation, en dehors du site désigné par la fédération internationale, sans avoir à demander l’accord de celle-ci.

Deuxièmement, le nouveau code mondial antidopage prévoit que, dans le cas où une fédération ou une organisation sportive internationale aurait délégué à une organisation nationale antidopage le soin d’effectuer les contrôles, elle peut alors prélever des échantillons supplémentaires ou effectuer des analyses supplémentaires à ses frais.

Les dispositions du nouveau code mondial antidopage permettront également de favoriser le renseignement et le partage d’informations. Il est ainsi prévu que l’ensemble des organisations antidopage doivent être en mesure d’obtenir et de traiter des renseignements antidopage pour établir un plan de contrôle efficace et ciblé.

En outre, le ciblage des contrôles antidopage sera accru, à travers une planification intelligente et proportionnée. Ainsi, pour évaluer les risques, les substances et les méthodes interdites étant les plus susceptibles de faire l’objet d’abus en fonction des sports et des disciplines, un niveau d’analyse minimum sera défini par substance et par discipline. Les laboratoires des organisations antidopage auront dès lors l’obligation de réaliser, au minimum, le pourcentage de tests prévu pour chaque discipline.

Enfin, le nouveau code mondial antidopage fait évoluer l’arsenal répressif, afin qu’il soit plus adapté aux pratiques de dopage, en permettant notamment d’incriminer les personnels d’encadrement.

La responsabilité de la tricherie ne pèse pas automatiquement sur le seul athlète. Notre arsenal répressif doit en tenir compte.

Notre groupe se réjouit de ces avancées. En revanche, nous ne pouvons que regretter le recours aux ordonnances, même si nous connaissons la raison comme les impératifs de calendrier. Cette méthode prive malheureusement le Parlement d’un débat approfondi sur cette question essentielle, aux conséquences significatives en termes de libertés publiques – même si vous viendrez présenter l’ordonnance devant la commission, comme vous venez de l’indiquer, monsieur le secrétaire d’État.

L’adoption sans modification et à l’unanimité du projet de loi par la nouvelle majorité sénatoriale démontre toutefois que le Gouvernement a su apporter les indications appropriées quant aux mesures qui figureront dans l’ordonnance, ce qui nous semble rassurant.

Nous regrettons également que le dopage fasse l’objet d’un projet de loi spécifique, au lieu d’être traité au sein d’une grande loi qui aurait permis d’aborder toutes les dimensions du sport.

Les enjeux sont pourtant majeurs : gouvernance, financement et économie du sport, infrastructures et équipements, emploi sportif, sport professionnel et amateur, rôle du sport comme vecteur d’éducation et de cohésion sociale, développement de nouvelles pratiques sportives, parcours des sportifs, formation, reconversion et lutte contre le dopage.

M. Pascal Deguilhem, rapporteur. Ce serait une grande, grande loi…

M. François Rochebloine. Pour autant, nous considérons que le code mondial antidopage, dans sa nouvelle rédaction, qu’il s’agit de traduire en droit interne, renouvelle et renforce les moyens de lutte contre le dopage et permet aux pouvoirs publics de ne pas être en retrait devant cet enjeu sanitaire et sportif majeur.

Vous l’aurez compris, le groupe UDI soutient et votera ce projet de loi. Mais je ne voudrais pas terminer, monsieur le secrétaire d’État, sans remercier notre rapporteur pour l’excellent travail qu’il a effectué et pour ses connaissances en matière de sport, et sans féliciter les fédérations qui ont engagé des moyens de lutte contre le dopage. Je pense notamment à deux fédérations qui ont été beaucoup attaquées : l’athlétisme et le cyclisme, qui ont fait énormément pour la lutte contre le dopage et qui n’ont pas toujours été bien récompensées.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. François Rochebloine. Les médias savent mettre sous le feu de l’actualité un athlète accusé de s’être dopé, mais lorsque les faits se révèlent inexacts, on ne trouve que deux lignes dans les journaux et je le déplore.

D’autres fédérations agissent, mais je tiens à féliciter encore l’athlétisme et le cyclisme pour l’excellent travail qui a été accompli. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et SRC.)

M. François Loncle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Je veux brièvement remercier la plupart des orateurs pour les mots qu’ils ont eus sur ce projet de loi d’habilitation. Nous pouvons ressentir une certaine fierté collective : avec Marie-George Buffet, puis Jean-François Lamour et Valérie Fourneyron, nous avons eu des ministres qui ont su persévérer et faire en sorte que la France soit leader dans la lutte contre le dopage.

Quand Valérie Fourneyron dit que le vote de ce texte constituera un signe fort, elle a parfaitement raison.

Je voulais reprendre ses propos.

C’est en effet un signe fort, tout comme lorsque je signerai au nom de la France l’accord du Conseil de l’Europe sur la manipulation des compétitions sportives. On nous assure que la signature de la France pèse et qu’elle entraîne nombre de nations s’inspirant ainsi de ce que nous pouvons faire, dire ou vouloir en matière de lutte contre le dopage.

C’est pourquoi je souhaite m’adresser principalement à Marie-George Buffet pour lui dire que je regrette l’abstention de son groupe sur un texte qui mériterait l’unanimité.

M. François Rochebloine. En effet.

M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Vient le moment, en effet, où il faut changer la défiance en confiance.

J’ai entendu ce qui a été dit sur les questions de forme et de fond. Nous ne sommes pas des irresponsables, nous sommes tous très consciencieux quant au respect des principes constitutionnels et des libertés publiques, lesquels ont été très pertinemment rappelés par Sophie Dion.

M. François Rochebloine. Excellemment !

M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Dès lors, la proposition qui vous sera faite et présentée préalablement à la ratification tiendra évidemment compte des libertés publiques et de la Constitution. Le consentement libre et éclairé sera demandé et respecté.

Je remercie donc l’ensemble des groupes – étant un peu têtu, je persiste à souhaiter le vote unanime de ce texte !

M. François Rochebloine. Nous sommes là aussi, monsieur le secrétaire d’État ! (Sourires)

M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Outre que je vous ai vus, je vous ai aussi beaucoup entendus ! (Sourires)

M. Pascal Deguilhem, rapporteur. Ils ont besoin d’amour ! (Sourires)

Article unique

M. le président. Nous passons à l’examen de l’article unique.

La parole est à M. Thierry Mariani, inscrit sur l’article.

M. Thierry Mariani. Je vous rassure, monsieur le secrétaire d’État : je ne dérogerai pas à l’unanimité.

Le présent article a vocation à habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance en droit interne les dispositions du code mondial antidopage.

Une telle transposition, de toute évidence, semble indispensable pour rendre la lutte contre le dopage plus efficace.

En effet, le spectre du soupçon de dopage pèse sur l’ensemble des compétitions sportives. Le dopage est devenu un immense fléau, tant pour les valeurs du sport que pour l’intégrité des compétitions et la santé de tous les sportifs.

Dès lors, si la lutte contre le dopage doit être effectuée au plan mondial, la France doit pour sa part – comme vous l’avez dit – se montrer exemplaire.

Aussi, il semble désormais évident que la lutte contre le dopage n’appelle pas de débat puisqu’il s’agit, comme je viens de le souligner, d’une obligation éthique et sanitaire.

Certaines modifications prises en compte par le présent article sont donc les bienvenues comme le développement du partage d’informations, l’octroi d’un pouvoir d’enquête propre à l’Agence mondiale antidopage, le renforcement de la coopération entre les fédérations sportives et les institutions intervenant dans cette lutte ou encore l’amélioration de la prise en compte des preuves indirectes.

Cependant, comme l’avait souligné ma collègue Sophie Dion en commission, nous devons rester très attentifs s’agissant de la disponibilité des sportifs à tout moment et en tout lieu pour des contrôles.

En effet, il ne faut pas oublier que les sportifs bénéficient des mêmes droits et garanties que tous. Or, force est de constater que l’exigence posée ici méconnaît le principe de l’inviolabilité du domicile ainsi que le droit au respect de la vie privée.

Une application littérale de ce code mondial pourrait donc soulever le problème d’un certain équilibre à respecter entre les enjeux de la lutte contre le dopage et la protection des droits fondamentaux.

Cette remarque faite, je salue à mon tour ce texte qui, comme vous l’avez dit, s’inscrit dans la lignée de l’action des gouvernements français, quelles que soient les majorités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vote sur l’article unique

M. le président. Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Proposition de loi relative à la modernisation du secteur de la presse.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly