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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 17 février 2015

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Nouvelle organisation territoriale de la République

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi, adopté par le Sénat, portant nouvelle organisation territoriale de la République (nos 2529, 2553, 2542, 2544, 2545, 2546, 2549).

Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, madame la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mes chers collègues, comme la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, puis la loi relative à la délimitation des régions, ce dernier volet de la réforme territoriale s’inscrit clairement dans la continuité de la loi du 16 décembre 2010, que l’ensemble de la gauche avait pourtant rejetée à l’époque.

Comme nous ne cessons de le dire depuis le début, la réforme territoriale en cours poursuit et aggrave la mise en concurrence des territoires. Elle organise un bouleversement institutionnel sans précédent, qui accroîtra les inégalités entre les territoires. Elle remet en cause les principes constitutionnels d’unité et d’indivisibilité de la République et d’égalité des citoyens devant la loi, pour installer en quelque sorte une autre République, que nous pourrions qualifier de technocratique, de fédéraliste et de concurrentielle.

Face à un tel bouleversement, il aurait été légitime d’engager un grand débat national, mais à aucun moment il n’a été envisagé de donner la parole au peuple et le Gouvernement a préféré engager une réforme élaborée sans véritable vision d’ensemble.

Cette absence de vision est manifeste au regard des incohérences du texte et des multiples revirements auxquels nous avons assisté.

Tout d’abord, la logique aurait voulu que nous examinions en priorité les fonctions et les compétences des régions, afin de déterminer en second lieu l’espace que celles-ci devraient occuper. Ensuite, la logique aurait voulu que nous examinions conjointement la réorganisation des compétences et les ressources des collectivités. Or, nous ne savons rien des moyens dont elles disposeront pour mettre en œuvre leurs compétences. Ce qui est sûr, c’est que la réforme s’inscrit dans un contexte de réduction drastique des dotations de l’État – moins 28 milliards d’euros entre 2014 et 2017 – et qu’une réforme de la dotation globale de fonctionnement est annoncée pour 2016 sans que nous n’en connaissions les orientations.

La loi MAPTAM prévoyait le rétablissement de la clause générale de compétence. Ce projet de loi la supprime pour les départements et les régions. Le Président de la République et le Gouvernement avaient annoncé la suppression des départements, avant de la démentir quelques mois plus tard. Finalement, à la lecture du présent projet de loi, leur disparition, à terme, ne fait pas de doute.

Ces contradictions en témoignent : dans l’esprit de la réforme, l’organisation du territoire est d’abord conçue comme une variable d’ajustement du budget de l’État.

Il s’agit de réorganiser l’action publique, c’est-à-dire ses structures et ses procédures, pour parvenir à la réduction de la dépense publique et répondre ainsi, quoi qu’on en dise, aux injonctions de Bruxelles. La réforme nous a ainsi été présentée comme un moyen de réaliser des économies à un niveau situé, dans un premier temps, entre 12 milliards et 25 milliards d’euros par an. Ces chiffres ont ensuite été revus à la baisse, au point que l’étude d’impact n’évalue plus précisément les économies attendues. Au contraire, plusieurs analyses, dont celle qui figure dans le rapport de la commission des finances du Sénat sur ce projet de loi, s’accordent désormais sur le fait que, à court terme, les transferts de compétences envisagés pourraient entraîner une augmentation des dépenses. Même l’agence de notation américaine Moody’s – c’est dire ! – estime que les mesures annoncées ne vont pas générer d’économies dans les années qui viennent.

Si le Gouvernement peut donner l’impression d’une certaine navigation à vue, il faut reconnaître qu’il n’en garde pas moins son cap : concentrer les pouvoirs locaux entre les mains des grandes intercommunalités, organiser l’évaporation des communes et des départements, renforcer les compétences des régions, restreindre la libre administration des collectivités territoriales, tenter de les hiérarchiser, réduire leurs ressources et mettre sous contrôle leurs dépenses. Sur chacun de ces points, notre désaccord est total.

Ce cap est éclairé de manière encore plus précise, madame la ministre, par le récent rapport du Commissariat général à l’égalité des territoires,…

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Exact !

M. Marc Dolez. …qui, probablement, écrit très clairement ce que le Gouvernement s’efforce de dire à voix basse : diviser le nombre d’établissements publics de coopération intercommunale par deux, transférer la compétence générale des communes à l’intercommunalité, transférer la DGF des communes à l’intercommunalité de rattachement et élire celle-ci au suffrage universel direct, ce qui signifie bien évidemment, à terme, la mort des communes.

Sur le projet de loi proprement dit, je me contenterai de faire quatre séries de remarques et d’observations.

Premièrement, le texte s’inscrit dans la perspective d’une disparition des départements qui les déshabille au profit des régions et des métropoles, et à laquelle nous sommes farouchement opposés. Nous déplorons ici le rétablissement par la commission des lois de la plupart des dispositions supprimées par le Sénat qui visaient à laisser au département ses prérogatives. L’architecture proposée ne permettra pas une gestion efficace de l’action publique locale. Les compétences transférées nécessitent en effet une proximité que les nouvelles régions ne pourront assumer. Ces transferts sont d’autant moins justifiés que les départements ont démontré leur expertise en matière de routes et de transports scolaires. Le département, c’est l’échelon pertinent en matière de politiques sociales, de cohésion territoriale et sociale, et c’est aussi, au quotidien – qui peut le nier ? –, le principal partenaire des communes, en particulier des communes rurales.

Deuxièmement, s’agissant du renforcement des compétences des régions en matière de développement économique, si nous n’y sommes pas opposés par principe, nous considérons cependant qu’il doit résulter d’une réflexion aboutie, accompagnée d’objectifs précis, en termes d’emploi et de formation notamment. En outre, un tel renforcement ne saurait se concevoir sans les moyens financiers et budgétaires correspondants, sachant qu’il risque de porter atteinte à la libre administration des communes et des départements en les plaçant ici, de fait, sous la tutelle des régions. Reste entière la question de l’articulation de l’action des régions et de l’État, lequel doit rester chargé de l’essentiel de la politique économique, tout comme reste posée celle de l’articulation de l’action économique des régions et des métropoles.

Troisièmement, s’agissant de l’élargissement contraint des intercommunalités, le texte engage la fusion des intercommunalités à marche forcée, au mépris de la concordance des EPCI avec les bassins de vie. La fixation d’un seuil à 20 000 habitants est une aberration.

M. Jean-Marie Sermier. C’est vrai !

M. Martial Saddier. Il a raison, surtout en montagne… et sur le littoral !

M. Marc Dolez. Elle est d’ailleurs critiquée de toutes parts, car c’est une mesure totalement déconnectée des réalités du terrain, à moins de considérer, comme le Commissariat général à l’égalité des territoires dans son rapport, que la notion de bassin de vie n’est pas pertinente.

J’ajoute que la carte intercommunale issue de la loi de 2010 vient seulement de s’appliquer. La logique et le bon sens auraient ici voulu qu’on laissât le temps aux nouveaux EPCI de se mettre en place et de mettre en œuvre les compétences dont, pour la plupart, ils viennent d’hériter.

M. Martial Saddier. Eh oui ! C’est l’apocalypse !

M. Marc Dolez. Le nouveau paysage intercommunal a besoin de stabilité. Il n’y a aucune urgence à le bouleverser à nouveau. Les intercommunalités doivent demeurer des outils de coopération volontaire, fondés sur des projets partagés pour mieux répondre aux besoins et aux attentes de la population, et non des outils d’intégration visant à la disparition des communes.

Enfin, quatrièmement, ce texte confirme en quelque sorte le vaste plan social qui se prépare dans nos collectivités territoriales, appelées à concentrer leurs services et nous comprenons et partageons les inquiétudes des personnels. Mutation et transfert d’office, éloignement, perte de responsabilités, changement de poste, carrière réduite, plan de licenciement des contractuels et vacataires, non-remplacement des départs en retraite : telles sont les sombres perspectives de ce bouleversement institutionnel pour les agents de la fonction publique locale, tout cela sans concertation réelle ni négociation sociale à la hauteur des enjeux.

Il s’agit ici de défendre non pas je ne sais quel corporatisme mais l’emploi local et la qualité des services publics partout sur le territoire de la République.

Pour conclure, nous continuons d’affirmer que l’avenir appartient aux communes, aux départements et aux régions travaillant avec un État stratège garant de l’égalité des citoyens. Pour cela, communes, départements et régions doivent disposer de compétences identifiées, mais non exclusives, d’outils de coopération, de moyens pour agir en faveur de projets partagés et de la possibilité d’intervenir librement, dans le cadre de la compétence générale.

Le groupe GDR ne nie pas le besoin et la nécessité de nouvelles avancées mais récuse les orientations de la réforme proposée, qui ne constitue en rien une nouvelle étape de la décentralisation. Il réaffirme au contraire son attachement à ce point d’équilibre que constitue le processus de décentralisation, pour concilier l’action de l’État unitaire garant de l’égalité républicaine et des libertés locales avec cet objectif, qui était déjà celui de la loi de 1982, de faire des communes, des départements et des régions des institutions majeures, c’est-à-dire libres et responsables.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Appéré.

Mme Nathalie Appéré. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en trente ans, le mouvement de décentralisation initié par la gauche a incontestablement modernisé notre pays. Il a rapproché l’action publique de nos concitoyens. Il a créé des réponses institutionnelles adaptées à la pluralité de nos territoires.

Cependant, au fil des années, force est de reconnaître que cette organisation territoriale est devenue de plus en plus complexe. Les compétences exercées par les différents niveaux de collectivités se sont enchevêtrées. La montée en puissance de l’intercommunalité, aussi indispensable qu’inéluctable, a modifié la répartition des rôles au sein de cette architecture, rendant aujourd’hui nécessaire sa clarification.

M. Jean-Marie Sermier. Où y a-t-il une clarification, dans ce texte ?

Mme Nathalie Appéré. Le groupe SRC se félicite donc de la décision du Président de la République et du Gouvernement de mener à bien cette réforme structurelle, dont il soutient pleinement les objectifs. Nous partageons votre volonté, madame la ministre, de rénover l’organisation territoriale de la République pour qu’elle devienne plus simple et plus intelligible pour nos concitoyens et nos entreprises au quotidien. De même, nous nous réjouissons de votre intention de mettre en place un service public plus solidaire, qui fasse vivre la promesse républicaine, mais aussi plus efficient dans un contexte de maîtrise de la dépense publique.

Une première étape avait déjà été franchie en ce sens par notre majorité en janvier 2014, avec la promulgation de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Ce texte a permis de répondre à l’urgence de l’affirmation des métropoles françaises comme moteurs essentiels du dynamisme et du développement de nos territoires. Cette loi, ne l’oublions pas, a également été l’occasion de garantir une meilleure prise en compte des spécificités locales et de réaffirmer notre confiance dans les élus locaux. Nous l’avons fait notamment en consacrant le principe de contractualisation entre collectivités territoriales au sein de la conférence territoriale de l’action publique.

Ces avancées, madame la ministre, sont autant d’acquis, vous l’avez rappelé tout à l’heure avec force, qui ne doivent pas être remis en cause lors de nos débats. Nous y veillerons tout au long de l’examen de ce texte.

Avec la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, nous sommes allés plus loin encore dans cette volonté de réformer par la clarification et l’optimisation.

Nous avons dessiné les nouveaux contours des régions françaises pour que celles-ci soient aujourd’hui en mesure de faire face aux enjeux économiques et de mobilité. Elles peuvent dorénavant être renforcées dans leurs compétences stratégiques et rivaliser avec les collectivités comparables au niveau européen.

Il nous revient maintenant de nous pencher sur le dernier volet de ce triptyque législatif, le projet de loi NOTRe, pour finaliser la démarche de réforme territoriale que nous avons engagée en 2012.

Avec ce texte, il faudra veiller à ne jamais dévier de l’objectif que nous nous sommes collectivement fixé : permettre à chaque échelon de se recentrer sur ses domaines d’intervention ciblés, pour éviter les doublons autant que les confusions.

Cet objectif, nous l’atteindrons notamment en confirmant la suppression de la clause de compétence générale pour les départements et les régions, pour recentrer l’action des départements sur la solidarité, condition essentielle de l’égalité républicaine, et les régions sur un rôle stratégique en matière de développement économique et d’aménagement du territoire, promesse d’emplois et de développement équilibré.

Si les régions s’avèrent à l’évidence être l’échelon pertinent pour la mise en œuvre d’une vision et d’une stratégie d’ensemble sur leur territoire, je tiens toutefois à rappeler ici l’importance de la concertation – certains diront de la co-élaboration – s’agissant des schémas régionaux, pour que l’exercice des compétences confiées aux régions ne se fasse pas au détriment d’autres intervenants dont le dynamisme n’est plus à prouver, et qui seront vigilants, à juste titre, sur le mécanisme de prescriptibilité des schémas. Je pense bien sûr au bloc local, au premier rang duquel figurent les intercommunalités, et singulièrement les métropoles.

M. Serge Grouard. Très important !

Mme Nathalie Appéré. J’insiste un instant sur ce point. Régions et pôles urbains ne sont pas des adversaires, mes chers collègues : ils doivent à l’inverse travailler de manière complémentaire. Cessons d’en faire des rivaux ! Les métropoles ne sont sûrement pas la réponse à tout : elles ont besoin des régions. Mais la réciproque est également vraie, tout comme les destins de l’urbain et du rural sont intimement liés.

J’en veux pour preuve les travaux édifiants du Conseil d’analyse économique et une note récemment publiée par Philippe Askenazy et Philippe Martin, deux économistes, qui plaident pour une approche renouvelée de l’égalité des chances à travers les territoires et non pas de l’égalité des territoires – approche bien plus adaptée, me semble-t-il, qu’une conception de l’égalité par l’uniformité, au risque d’une homogénéisation qui serait stérilisante.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Absolument !

Mme Nathalie Appéré. Si nous ne parvenons pas à dépasser cette opposition, si nous ne renonçons pas aux postures qui sont les nôtres, alors ces différents échelons ne pourront pas travailler conjointement et cela se fera fatalement au détriment de l’intérêt général, au détriment des Français, qui attendent beaucoup de nous.

J’en viens à la rationalisation de la carte intercommunale, sujet qui fait lui aussi couler beaucoup d’encre et sur lequel nos collègues sénateurs ont longuement débattu. Au Sénat, justement, le Gouvernement a proposé de mettre en place des adaptations au seuil de 20 000 habitants pour prendre notamment en compte la densité démographique. Cela n’a malheureusement pas satisfait la majorité sénatoriale qui s’est opposée au dispositif, préférant ainsi renoncer à la mutualisation des moyens et à la garantie d’un service public de qualité pour nos concitoyens.

En effet, mes chers collègues, comment peut-on sérieusement envisager de proposer un service public de qualité et indispensable au quotidien en maintenant le seuil démographique à 5 000 habitants ? Comment peut-on espérer que de tels EPCI soient audibles et puissent devenir les interlocuteurs de régions agrandies et renforcées s’ils ne gagnent pas en dimension et en compétences ?

J’ai eu beau suivre avec attention les interventions de nos collègues de la majorité sénatoriale, je n’ai pas trouvé de réponse à ces questions et j’espère que nous en aurons ici dans nos débats.

M. Jean-Marie Sermier. Vous avez mal lu !

M. Martial Saddier. On va vous aider !

Mme Nathalie Appéré. La proposition que vous formulez, monsieur le rapporteur de la commission des lois, et que le groupe socialiste a soutenue, permet, elle, de répondre à l’objectif d’instauration d’un seuil incitatif suffisant pour construire des intercommunalités fortes, capables de mettre en œuvre des politiques publiques adaptées à l’échelle des bassins de vie, tout en prenant en compte la diversité des territoires qu’ils rassemblent.

Toujours dans cet objectif de doter nos intercommunalités de pouvoirs étendus pour répondre aux besoins des habitants, la commission des lois a adopté un amendement du groupe SRC permettant aux communautés d’agglomération qui sont aujourd’hui chefs-lieux de région mais qui perdront ce statut en janvier 2016 en raison de la fusion des régions de se transformer en communautés urbaines, en dérogeant au seuil démographique de 250 000 habitants.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Exactement !

Mme Nathalie Appéré. Cette évolution statutaire donnera la possibilité à ces grandes agglomérations de continuer à renforcer leur intégration intercommunale pour demeurer attractives et dynamiques dans un environnement institutionnel modifié et sans doute plus concurrentiel.

Reste la question essentielle du déficit démocratique de nos intercommunalités. Là aussi, nous nous félicitons de l’adoption, en commission, d’un amendement que nous avons porté pour que le principe de l’élection au suffrage universel direct des élus intercommunaux en 2020 soit acté, tout en laissant le temps au Gouvernement de proposer à nos assemblées des modalités concrètes de ce scrutin.

M. Serge Grouard. Vous créez un nouvel échelon !

Mme Nathalie Appéré. Nous déplorons que certains sur ces bancs et en dehors de cet hémicycle y voient la volonté de marginaliser les maires ou de faire disparaître les communes.

M. Martial Saddier. C’est le cas ! C’est la vérité !

M. Jean-Marie Sermier. Ce sera la mort des communes !

Mme Nathalie Appéré. Nous y voyons plutôt une exigence démocratique face à la taille, aux ressources budgétaires et aux compétences croissantes de nos intercommunalités. Il nous semble d’ailleurs qu’en privant délibérément les Français d’un mode de désignation direct des élus intercommunaux,…

M. Jean-Marie Sermier. Vous n’avez plus qu’à nommer les maires !

Mme Nathalie Appéré. …nous encouragerions la défiance, voire le désintérêt de nos concitoyens envers l’action politique. Elle n’en a manifestement pas besoin, j’espère que chacun ici en conviendra, en mesurant les dangers qu’encourt notre démocratie. L’intercommunalité n’est pas une punition pour les communes,…

M. Martial Saddier. Ce sera pourtant le cas !

Mme la présidente. Un peu de calme !

Mme Nathalie Appéré. …elle est une condition de leur pérennité.

Les maires, dont on connaît l’engagement au service des habitants – certains d’entre nous les côtoient de près, tout autant que le président Carrez lorsqu’il en parlait tout à l’heure –, ont très bien compris l’intérêt de cette intercommunalité.

M. Martial Saddier. Alors ne les supprimez pas !

M. Serge Grouard. Autant fusionner, alors !

Mme Nathalie Appéré. Mes chers collègues, avec ce projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, le Gouvernement nous propose – je vois que cela gêne, manifestement – de franchir une nouvelle étape dans la modernisation de notre organisation décentralisée. Ce texte permettra aux collectivités territoriales d’intervenir dans un cadre rénové pour participer plus activement encore au redressement de notre pays.

M. Gérald Darmanin. On ne connaît même pas les compétences des conseils régionaux !

Mme Nathalie Appéré. Nous savons tous à quel point nos territoires sont sources de dynamisme, d’innovation et de solidarité. Nous devons réussir cette réforme structurelle pour que l’efficacité de leur action en ressorte renforcée.

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Xavier Bertrand. Madame la présidente, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, que de promesses à la tribune de cette assemblée lors de la première déclaration de politique générale ! Manuel Valls nous avait indiqué qu’il y aurait une réforme importante et que nous modifierions enfin le mille-feuille politico-administratif français.

Or nous nous sommes aperçus, au fil du temps, que les promesses s’envolaient et que la parole politique était manifestement devenue une langue morte puisque nous avons compris, à la deuxième déclaration de politique générale, que de changements, en définitive, il n’y en aurait que l’apparence !

Et pourtant, on nous avait indiqué qu’il y aurait à proprement parler deux niveaux de responsabilités, de pouvoirs, de collectivités : d’une part, les communes, et, par extension, l’intercommunalité, et d’autre part, les régions. En fin de compte, de calculs en reculs, on s’est aperçu qu’on est quasiment à un statu quo. Mais cette belle idée, cette bonne idée, cette ambitieuse idée qu’était celle de la fusion des régions avec de nouvelles compétences, vous l’avez abîmée, vous l’avez cassée, parce que vous avez fait les choses à l’envers, parce que vous n’avez pas su trancher, parce que vous n’avez pas fait de choix clair.

En définitive, au moment où s’ouvre la discussion et alors que, dans quelques semaines, il y aura des élections départementales, et dans quelques mois – même si nous n’avons pas d’assurance totale quant à leur date d’organisation – des élections régionales, nous examinons aujourd’hui un texte foncièrement incomplet, qui ne permet pas d’apporter les réponses qu’attendent nos concitoyens.

Je voudrais m’attarder plus précisément sur la question des nouvelles grandes régions, celles qui seront fusionnées. On voit clairement, madame la ministre, qu’aujourd’hui, sur les compétences, les choix ne sont toujours pas clairs.

Prenons l’exemple des compétences économiques. Normalement, c’est la première compétence, la priorité de ces régions : nous avons besoin de clarifier, et vous avez encore une fois hésité. Sur l’expérimentation du service public de l’emploi, on ne va pas jusqu’au bout des choses.

De même, des questions essentielles sont posées : tout d’abord, le financement. Quelle est la clé de financement, quel est le levier du financement ? Pour notre part, et je le dis au nom de ma famille politique, nous avons fait le choix de ne pas augmenter les prélèvements et les impôts tant l’overdose depuis 2012 a écœuré l’ensemble de nos concitoyens ; mais même si nous ne voulons pas augmenter les impôts, nous avons besoin d’y voir clair, pour savoir quel est le levier fiscal.

Deuxième interrogation essentielle : où est la réorganisation de l’État, madame la ministre ? Quand allez-vous nous en parler ? Comment voulez-vous que, dans les grandes régions, on puisse s’organiser de façon cohérente si, au moment où intervient cette nouvelle étape de décentralisation, rien n’est imaginé, rien n’est pensé sur la déconcentration qui va normalement de pair ? Où en est cette réflexion ? Quels sont les futurs leviers ? Les responsables administratifs vous disent aujourd’hui qu’ils y réfléchissent, qu’ils vont préfigurer – où est la clarté à laquelle nous avons droit ?

Ensuite vient la question de la méthode. Je ne prendrai qu’un seul exemple, qui arrivera très vite : les contrats de projet État-région. Quelle frénésie ! Il faut tout discuter, il faut tout signer, très vite, avant les élections – comme par hasard ! –, pour que certains, qui sont encore aujourd’hui à la tête des conseils généraux mais peut-être pas pour très longtemps, aient le sentiment d’avoir agi ou de préparer l’avenir.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. C’est la première fois ! Ce n’est jamais arrivé sous la VRépublique !

M. Xavier Bertrand. Comment voulez-vous qu’il y ait une discussion sereine et solide dans, par exemple, la nouvelle grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, quand on négocie en Normandie et en Picardie de façon totalement dissociée ? Le président Percheron, aujourd’hui même, au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, a tenu des propos très durs sur la vision actuelle du conseil régional de Picardie. La vérité, c’est que chacun continue à faire comme si rien n’avait changé, alors que tout va changer. Vous ne pouvez pas travailler de cette façon !

De même, concernant l’expérimentation, dont la possibilité est introduite par la Constitution, comment pouvez-vous vouloir un texte aussi ambitieux en allant aussi peu loin, alors que nous avons besoin aujourd’hui de véritables leviers d’expérimentation ? On fait confiance ou on ne fait pas confiance ; mais si on fait confiance, on fait confiance totalement, et pas à moitié.

C’est à la fois la façon dont s’imagineront les territoires et la responsabilité de l’État. Vous allez fragiliser certains territoires aujourd’hui en difficulté parce que vous n’avez rien prévu, notamment pour ces villes préfectures qui ne vont pas le rester, comme les préfectures de région. Qu’avez-vous imaginé ?

Mme Nathalie Appéré. Lisez le texte de la commission !

M. Xavier Bertrand. Il ne s’agit pas de saupoudrer : il faut savoir faire des choix clairs et les assumer. En attendant, vous ne pouvez pas faire en sorte que les fusions avec des régions redessinées aboutissent à la disparition d’emplois et à des difficultés plus importantes pour des territoires qui ont déjà souffert.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Vous ne connaissez pas le texte !

M. Xavier Bertrand. C’est vrai dans la grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, mais pas seulement dans cette région, et vous le savez. Toutes ces questions sont posées et n’ont pas de réponse.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Vous n’avez pas lu le texte !

M. Xavier Bertrand. Cette idée ambitieuse, pour laquelle il était possible de rassembler au-delà des clivages, cette idée foncièrement moderne, vous êtes en train de l’abîmer, par une absence de choix clair et surtout par une méthode qui est l’inverse de ce qu’il aurait fallu faire.

J’espère que les débats nous permettront d’apporter ces clarifications, d’obtenir ces réponses, parce que c’est à ce prix aussi que les républicains pourront clairement montrer que quand des choix sont assumés, on est capable, en dépit de nos différences, de relever les défis de l’avenir avec de nouvelles institutions, avec de nouvelles collectivités. Mais on ne peut pas, par impréparation ou par amateurisme, faire le contraire du but recherché.

Le défi est celui de la modernisation de notre pays, d’un renouvellement de la vie politique : nous devons nous montrer à la hauteur de ces exigences, madame la ministre. Voilà ce que j’attends des débats ; mais je ne vous cache pas mon inquiétude, si j’en juge par les débats passés.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, mes chers collègues, nous voici sur le point de discuter ce qui nous a été présenté comme le troisième volet de la réforme territoriale, après la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et la loi sur la délimitation des régions.

Ainsi en venons-nous à la phase supposée faire le lien entre le contenant – la carte – et le contenu – les compétences –, deux thèmes qui, je le rappelle, auraient dû être, selon le groupe UDI, abordés en même temps afin d’en mesurer tous les enjeux.

M. Martial Saddier. Bien sûr !

M. Michel Piron. Nous restons convaincus, en effet, que c’est ainsi et seulement ainsi que nous aurions pu définir une dimension optimale pour nos régions, visant une meilleure efficience publique.

J’avais évoqué, au cours de l’examen des périmètres régionaux, les non-choix du Gouvernement – je pense à l’Île-de-France. Avec le présent projet de loi, c’est bien le non-choix qui demeure, et même qui préside à nos débats. Je ne vous en ferai pas un reproche exclusif ni excessif, madame la ministre. Je me souviens vous avoir entendu rappeler, à l’issue de vos consultations, les injonctions contradictoires qui vous venaient du terrain. Mais je le redis ici : une fois entendues les différentes parties prenantes, qu’est-ce que gouverner, sinon choisir, c’est-à-dire arbitrer ? Or où est l’arbitrage ?

On l’a bien perçu à travers les multiples hésitations du Gouvernement, qui a varié à plusieurs reprises, sur un certain nombre de sujets. La suppression de la clause de compétence générale en est un exemple flagrant. Cette clause n’est certes pas un gage de rationalité, ni d’efficacité, ni de maîtrise des coûts et nous nous réjouissons de sa suppression. Nous n’oublions pas pour autant que c’est précisément cette clause que vous aviez rétablie dans la loi de modernisation de l’action publique territoriale voilà à peine un an !

M. Serge Grouard. Eh oui !

M. Michel Piron. C’est la même absence de cohérence s’agissant des départements : après avoir envisagé leur suppression à l’horizon 2012, puis 2015, le Premier ministre lui-même n’annonçait-il pas la création de trois catégories de département ? Votre projet leur retire aujourd’hui certaines compétences, mais sans plus de précisions sur leur avenir.

L’examen de ce texte commence donc dans un contexte lourd d’incertitudes et avec un parfum d’occasion ratée. Plus de trente ans après les lois de décentralisation de 1982, les députés du groupe UDI, profondément décentralisateurs, attendaient qu’on permît à la France de sortir enfin de cette situation de décentralisation inachevée dans une centralisation perpétuée.

Or le présent projet loi n’est pas un texte décentralisateur.

M. Paul Giacobbi. Tout à fait !

M. Michel Piron. C’est tout au plus un texte de partition de compétences, peu lisible et, craignons-le, inefficient.

Où est la vision d’ensemble, dans cette addition de mesures plus ou moins cohérentes ?

M. Martial Saddier. Nulle part !

M. Michel Piron. Où est l’arbitrage de la synthèse ? Je ne vois rien d’autre ici, hélas, que la marque du syncrétisme, et non la synthèse chère au Président de la République.

Ainsi, comment la mutualisation et le transfert des compétences pourront-ils être traités de la même façon lorsqu’il s’agira de régions très grandes ou de régions plus compactes ?

Les revendications départementales de proximité s’exprimeront plus fortement au sein d’une grande région, comme celle qui unira le Limousin à l’Aquitaine et à Poitou-Charentes, qu’au sein d’une région plus compacte comme la Bretagne.

S’agissant des transferts de compétences, l’UDI, qui est décentralisatrice, souhaiterait que la loi permette d’apporter des réponses diversifiées correspondant aux différentes situations régionales. Voilà des dizaines d’années que la question du pouvoir organisationnel et réglementaire régional est posée dans notre pays – et pas seulement par l’Association des Régions de France –, qui n’assume toujours pas le concept de décentralisation. Qu’en est-il ici ?

Aujourd’hui, avec des régions aussi différentes et des secteurs infrarégionaux encore plus différents, la question de la différenciation des réponses organisationnelles devient majeure. Pourquoi, par exemple, la réponse devrait-elle être uniforme en matière de transfert des routes ? Pourquoi les collèges devraient-ils rester une compétence des départements, alors que la formation professionnelle est de la responsabilité des régions ? Si les régions géraient les personnels des collèges et des lycées, elles pourraient au moins réaliser des économies d’échelle incontestables.

M. Marc Le Fur. Bien sûr !

M. Michel Piron. Notre débat portera donc à la fois sur la demande de proximité et sur la demande organisationnelle, afin de trouver le meilleur lien.

Les régions ont aujourd’hui à mettre en cohérence sept schémas différents, qui ne relèvent ni des mêmes arbitrages ni des mêmes logiques, et sont parfois contradictoires.

M. Jean-Marie Sermier. Eh oui ! Elle est où, la simplification ?

M. Michel Piron. Après les zones Natura 2000 et les trames vertes et bleues, on est allé inventer les schémas régionaux de cohérence écologique qui, au lieu de s’assurer que la trame verte et bleue est continue sur l’ensemble régional, ce qui serait naturel, prévoient en outre des corridors écologiques.

Mme Geneviève Gaillard. Ce n’est pas vrai !

M. Michel Piron. Je tiens à votre disposition des documents qui l’attestent, madame, y compris pour les Pays de la Loire !

Mme Geneviève Gaillard. Uniquement pour les Pays de la Loire !

M. Michel Piron. Rendre prescriptifs de tels schémas dans leur état actuel d’élaboration entre l’État, c’est-à-dire les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, les DREAL, et les régions, c’est courir à la catastrophe. Il conviendrait que les acteurs opérationnels que sont les régions et les intercommunalités puissent co-élaborer, co-délibérer et cosigner ces schémas, l’État se contentant du contrôle de légalité, et l’exerçant bien.

M. Éric Straumann. Très bien !

M. Michel Piron. Nous en sommes loin. C’est pourquoi nous proposerons en séance de renforcer le processus de co-élaboration du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, le SRDEII, et du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le SRADDET, dans la lignée de ce qu’a fait le Sénat.

De même, les départements et les communautés étant très différents, pourquoi ne pas laisser la définition des seuils aux commissions départementales de la coopération intercommunale, les CDCI ?

M. Jean-Marie Sermier. Très bonne remarque !

M. Michel Piron. Une telle mesure entrerait dans le cadre d’une véritable décentralisation. Alors que le seuil de 20 000 habitants est ridicule en Île-de-France – le rapporteur le sait bien : il nous l’a dit en commission –, son application à toute la France remettrait en cause 70 % des intercommunalités actuelles.

M. Martial Saddier. Très juste !

L’uniformité du seuil trahit elle aussi une vision jacobine, là où l’adaptation du seuil à chaque département au travers des CDCI relèverait, elle, d’une démarche décentralisatrice.

M. Michel Piron. Que dire enfin des compétences que l’État entend toujours assumer ou véritablement déléguer, voire accorder aux collectivités ? Le texte, qui vise des compétences que nous considérons comme régaliennes – je pense notamment aux services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, pour lesquels la lisibilité est faible –, s’apprête à transférer la compétence du plan de prévention du risque inondation pour un fleuve aussi modeste que la Loire à l’échelon des intercommunalités !

M. Serge Grouard. C’est totalement absurde !

M. Michel Piron. Où est la cohérence dans la réflexion et dans l’architecture générale des pouvoirs et des responsabilités ?

Que l’État ait la responsabilité de la péréquation ou du contrôle de légalité, c’est une impérieuse nécessité. En revanche, puisque les régions auront demain des responsabilités plus grandes en matière économique ou de formation professionnelle, pourquoi Pôle emploi demeurerait-il une compétence régalienne alors qu’elle gagnerait à être assumée par les régions ? Nous sommes bien dans le syncrétisme.

Quoi qu’il en soit, alors que la question des moyens, donc des ressources financières, demeure entière, notre contribution visera au moins à obtenir un éclairage plus satisfaisant : nous en avons en effet grand besoin.

Vous me permettrez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, de conclure ce propos liminaire par une interrogation plus large. Quand j’entends ce que j’entends dans les villes moyennes et les territoires ruraux ; quand je vois ce que je vois dans les banlieues des métropoles ; quand je mesure cette exaspération que les élus de tous les partis voient monter, notamment en province, je me demande si nous ne sommes pas, mes chers collègues, au bout d’un système usé, crispé sur la production de règles incapables d’épouser la diversité du réel.

M. Serge Grouard. C’est très pertinent !

M. Michel Piron. Que le fossé se creuse entre le pouvoir central et les territoires, on peut déjà le constater ici, quand on entend ce qui se dit dans les couloirs et les bureaux de la représentation nationale. Il ne me semble pas que ce soit le signe de l’affaiblissement d’un gouvernement quel qu’il soit, mais de quelque chose de bien plus grave : l’impuissance de notre système centralisé, le dernier et le seul en Europe démocratique, à se réformer comme à réformer.

Faute de le voir, faute de l’entendre, madame la ministre, le Gouvernement nous propose un ersatz bien éloigné de la réforme institutionnelle qu’appelle, qu’exige ce temps de gouvernance aussi fragile qu’incertain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mesdames et messieurs les rapporteurs pour avis, chers collègues, modifier l’organisation institutionnelle de notre République pour la rendre plus efficace, moins coûteuse et plus en adéquation avec les attentes citoyennes, voilà un objectif que nous sommes nombreux à partager sur tous ces bancs. Mais cet objectif, pour être consensuel, se devait de tenir compte des différents visages de la France.

La France est riche de ses territoires, de ses paysages, de sa géographie, de ses caractéristiques rurales et urbaines, de plaine ou de montagne, réalité qui, hélas, a totalement été oubliée dans l’élaboration des différents textes concernant la réforme institutionnelle.

M. Éric Straumann. Très bien !

Mme Jeanine Dubié. Et ce projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République n’échappe pas à ce travers. Nous attendons donc avec impatience l’examen des articles, qui va nous permettre de connaître les véritables intentions du Gouvernement et vous donner, madame la ministre, l’occasion de préciser le fil conducteur de votre réforme.

Nous sommes en effet convaincus de la nécessité de repenser l’action de nos collectivités territoriales, au travers d’une clarification des compétences et de la simplification de l’action administrative, au service de l’efficience des politiques publiques locales.

Ce projet de loi a été présenté le 18 juin dernier, quelques jours seulement après l’annonce de la suppression des conseils généraux à l’horizon 2020. Il visait alors à dévitaliser progressivement les départements.

Depuis, le Gouvernement a changé son fusil d’épaule…

M. Éric Straumann. Comme souvent !

Mme Jeanine Dubié. …en actant le maintien des conseils départementaux, mais le texte est resté inchangé. Pire encore, le travail effectué par nos collègues sénateurs, consistant à rééquilibrer le texte au regard de la nouvelle orientation gouvernementale en matière de répartition des compétences entre collectivités territoriales, a été purement et simplement ignoré lors des travaux en commission des lois, puisque, au fur et à mesure des amendements, nous sommes revenus quasiment au texte initial.

M. Éric Straumann. Ils n’en ont rien à faire, du Sénat !

Mme Jeanine Dubié. Nous le déplorons et nous nous interrogeons d’autant plus sur les intentions gouvernementales en la matière.

Alors que le Gouvernement s’apprête à agrandir notablement les régions, nous considérons que l’échelon départemental conserve toute sa pertinence, en particulier dans les territoires ruraux et de montagne.

Le département est un échelon incontournable en matière de développement local, de solidarité territoriale et de solidarité sociale. Depuis longtemps, les conseils généraux construisent et entretiennent des collèges, des routes, aident les personnes âgées, accompagnent les publics en difficulté sociale et professionnelle, compensent le handicap, organisent les transports. Ils apportent un soutien financier aux communes et aux intercommunalités pour la réalisation de leurs projets. Au travers de ces investissements, ils soutiennent l’activité du secteur de l’artisanat, du bâtiment et des travaux publics. Il me paraît utile de rappeler que plus de 53 % de l’activité du secteur des travaux publics relève de la commande publique locale.

Depuis des années, les conseils généraux innovent et expérimentent, dans un contexte budgétaire contraint. Il est profondément regrettable que tout ce travail de proximité, qui a largement contribué à limiter les effets des inégalités et des fractures territoriales produites par le désengagement de l’État depuis plusieurs années en matière d’éducation, de santé, de services publics ne soit pas reconnu, quand il n’est pas mésestimé.

C’est pourquoi, en cohérence avec la réforme de la carte des régions, qui agrandit leur périmètre d’intervention, nous serons attentifs à ce que les départements conservent les moyens d’assurer les services de proximité auprès des populations via notamment la gestion des collèges, des routes, des transports scolaires et des transports à la demande.

En tant que députée des Hautes-Pyrénées, territoire fortement concerné par l’économie touristique, j’aurai également à cœur de préserver dans sa totalité la compétence partagée en matière de tourisme.

Au cours de nos débats, nous veillerons également à protéger la démocratie de proximité, à laquelle nous sommes profondément attachés. À l’heure où l’éloignement entre les élus et les citoyens est de plus en plus important, nous attendons de cette réforme qu’elle redonne toute sa place aux territoires, aux élus locaux et à des populations qui se sentent parfois délaissées.

Chers collègues, vous le savez, les élections départementales auront lieu dans quelques semaines. Nous avions demandé s’il était possible de déplacer l’examen de ce texte après qu’elles se seront déroulées mais nous n’avons pas été entendus, ce qui met les candidats à cette élection dans une situation particulièrement inconfortable : il leur sera en effet très difficile de mobiliser les citoyens sans savoir ce qu’il adviendra véritablement des conseils départementaux et de leurs compétences.

M. Éric Straumann. C’est peu de le dire !

Mme Jeanine Dubié. Alors que les dernières élections locales ont été marquées par une forte abstention et par la montée des extrêmes, nous devons garder à l’esprit que légiférer dans de telles conditions encourage le désintérêt vis-à-vis de l’exercice démocratique.

M. Éric Straumann. Demain, il faut voter la motion de censure !

Mme Jeanine Dubié. En ce qui concerne l’intercommunalité, le regroupement des EPCI doit se faire en tenant compte des bassins de vie, lesquels doivent s’entendre comme le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès aux équipements et aux services les plus courants.

Les cantons, le plus souvent, sont déjà en décalage total avec les intercommunalités, ce qui est dommageable et incompréhensible pour les citoyens. N’accentuons pas encore cet état de fait !

Vouloir à tout prix introduire un seuil démographique de 20 000 habitants témoigne d’une méconnaissance patente de la ruralité et conforte la déprise démocratique.

J’ai toutefois bien noté qu’un amendement du rapporteur introduisant la notion de densité au kilomètre carré atténuera ce seuil dans certains cas, mais il ne répondra pas à la situation des départements alliant grosses agglomérations et hyperruralité.

En conclusion, vous l’avez compris, les députés du groupe RRDP attendent beaucoup du débat en séance publique car, en l’état, ils considèrent que ce texte n’est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Claude Buisine. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État à la réforme territoriale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite évoquer, dans le bref délai qui m’est octroyé, les dispositions de l’article 17 septies A et suivants du projet de loi qui, comme vous le savez, revisitent les dispositions de l’article 12 de la loi MAPTAM portant création et organisation de la métropole du Grand Paris.

Celui-ci prévoyait la mise en place d’une mission de préfiguration composée par tous les maires des communes et les chefs d’exécutif des intercommunalités inclus dans la métropole, pour préparer, en dialoguant avec le Gouvernement, la nouvelle organisation : définition des territoires, finalisation des compétences et des transferts, processus financiers – l’intégration des personnels étant au cœur de nos préoccupations.

La mission de préfiguration a eu lieu et fut coprésidée par le préfet Daubigny ainsi que par des présidents successifs du syndicat d’étude Paris métropole, Daniel Guiraud, puis Patrick Devedjian.

On peut certes s’étonner qu’au-delà des objectifs conférés par le législateur, la mission de préfiguration se soit investie dans un chantier comportant la reprise de certains aspects de la loi.

Cela a été fait avec l’accord du Gouvernement même si celui-ci a établi des limites à cette démarche, en partageant la conviction que, avant sa mise en œuvre, le dispositif législatif devait évoluer afin de mieux prendre en compte l’amplitude de la réforme, la complexité des problèmes et l’enjeu remarquable que constitue la construction de la métropole du Grand Paris, la progressivité de la montée en charge étant sans nul doute un passage obligé pour les élus de cette région capitale qui, c’est le moins que l’on puisse dire, n’ont pas été très exemplaires dans les stratégies et la démarche d’intercommunalité.

M. Jean-Luc Laurent. C’est très juste.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Bravo !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Une première résolution, adoptée à une très large majorité, a demandé au Gouvernement de reprendre certains points de l’article 12, ce que le Gouvernement a effectué dans le cadre de la loi NOTRe à travers un amendement déposé au Sénat.

Nos collègues sénateurs ont ainsi légiféré en faisant évoluer le dispositif sans trop s’éloigner des propositions gouvernementales.

M. Jean-Luc Laurent. C’est une bonne chose.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est à partir du texte du Sénat que nous allons reprendre le débat.

Sans détailler, à ce stade de la discussion générale, le contenu de ce dispositif, je me félicite que l’institution de la métropole du Grand Paris, son périmètre – dans sa définition la plus essentielle – et ses compétences fondamentales ne soient pas remis en cause, tout comme l’effectivité de sa création au 1er janvier 2016.

En revanche, seront travaillés des éléments portant sur le statut des territoires, l’entre-communes, les compétences réparties, les principes touchant aux ressources de la métropole des territoires et des communes – pour ne citer que les grands points de l’évolution législative qui nous est proposée.

À l’instant où nous entrons à notre tour dans l’examen de ce dispositif, je tiens à faire part de mon état d’esprit en évoquant l’engagement de beaucoup d’entre nous – et depuis très longtemps, à l’initiative de Bertrand Delanoë – dans la construction d’une métropole pour Paris et les communes qui l’entourent.

Au-delà du dialogue nécessaire entre la capitale et sa banlieue, les pouvoirs publics doivent engager une action forte afin de réduire les inégalités que subissent nombre d’habitants et pour rompre avec les modèles qui provoquent la ségrégation urbaine et les inégalités.

Les dysfonctionnements sont lourds et les risques d’une explosion sociale sont majeurs s’agissant des questions liées à l’accès au logement, mais aussi aux transports et à l’éducation – les élus de Paris Métropole tout comme ceux de la mission de préfiguration n’ont pas été capables de prendre la mesure des enjeux.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Personne ne l’a pu.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce territoire capital, le premier de notre pays et d’Europe, est emblématique de la France et est à juste titre regardé comme l’une de ses plus symboliques représentations, pour le meilleur et pour le pire.

J’ai toujours défendu l’idée d’une métropole intégrée, c’est-à-dire forte et responsable, solidaire, équilibrée, apaisée, à mes yeux seule susceptible de traduire dans les politiques publiques la mise en œuvre des solutions les plus pertinentes pour ceux qui y vivent et qui y souffrent.

À l’évidence, le texte initial de l’article 12, comme celui qui résultera du projet de loi sur lequel nous allons travailler, ne comblera pas cette exigence et je vais vous dire pourquoi.

Nous ne parvenons pas à surmonter les égoïsmes, à briser les baronnies, les potentats…

Mme Geneviève Gaillard. Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …les petites histoires médiocres que nous avons connues tout au long de ce travail de construction, pendant dix ans, et sur lesquelles vient buter tout ce qui permettrait à cette grande agglomération de faire système, de s’ordonner, de s’articuler plus et mieux au service des habitants.

Pour nombre de nos élus, la métropole n’est pas l’objectif majeur : nous ne sommes pas étonnés de les voir s’approprier le concept pour mieux lui tordre le cou.

Mais, malgré eux, j’en suis convaincu, la métropole sera demain l’espace dans lequel s’élaboreront les politiques publiques, ce dont je me réjouis.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Bravo !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. J’ai toujours voulu parler du chemin dont il fallait dessiner les perspectives et commencé à définir les traces, premières étapes qu’il appartiendra à d’autres, moins médiocres, de poursuivre. Et tous les esprits rétrogrades n’y pourront rien !

On avance, madame la ministre. C’est laborieux, c’est compliqué, mais on avance. Et je vous remercie de ce que vous aurez fait pour rendre cela encore un peu plus possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Bravo ! Certains font montre de courage !

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, ma collègue et amie Jeanine Dubié ayant parlé au nom du groupe et ayant tout dit de l’essentiel, je me bornerai à trois remarques, respectivement, européenne, maritime et insulaire.

Ma remarque maritime sera brève et concerne la taxe de mouillage dans les aires marines protégées qui a été proposée par le Gouvernement – fortement et justement inspiré – mais repoussée pour avoir été, semble-t-il, mal comprise et peut-être mal expliquée.

Cette taxe est très localisée et ciblée, elle ne comporte aucun risque pour la navigation de plaisance, ce que je démontrerai lors de la discussion de l’amendement.

Ma remarque européenne est quant à elle peut-être plus fondamentale et concerne le sort paradoxal qui a été très injustement réservé à une disposition protectrice du droit et des risques encourus par les collectivités locales au titre de certains contentieux européens.

Le droit positif actuel est simple, brutal et sans recours. En cas de pénalité financière consécutive à une procédure de manquement, l’article L. 1511-1-1 du code général des collectivités territoriales s’applique. Il prévoit notamment ceci – je ne le lirai pas intégralement : « Les collectivités territoriales et leurs groupements supportent les conséquences financières des condamnations qui pourraient résulter pour l’État de l’exécution tardive ou incomplète des décisions de récupération. Cette charge est une dépense obligatoire au sens de l’article L. 1612-15. »

J’ai été tout de même surpris de lire à la page 632 du rapport de notre commission qu’il n’existait en France « aucun dispositif d’action récursoire de l’État à l’égard des collectivités territoriales ». Mais il n’est pas besoin d’action récursoire ! Pour la bonne et simple raison que cela s’applique automatiquement et de manière totale, absolue et sans recours possible.

M. Martial Saddier. Tout à fait ! Il a raison !

M. Paul Giacobbi. Croyez-moi, j’en ai un peu l’expérience, parce que figurez-vous que la Corse a été en quelque sorte condamnée à récupérer environ 200 millions auprès d’une compagnie maritime trop célèbre. Dans le cadre de la procédure de manquement, en application du droit positif actuel, nous risquons de payer directement une amende d’un montant équivalent, et elle serait considérée comme une dépense obligatoire.

Je sais bien qu’il règne une grande confusion dans les esprits gouvernementaux sur ce point, que l’on prétend, de manière hallucinante, que les délégations de service public, les DSP, n’entrent pas dans ce cadre-là, mais ce n’est pas ce que disent la doctrine, ni les textes, non plus que la jurisprudence européenne. Je vous assure que la Commission des communautés européennes sait trouver l’adresse des collectivités territoriales pour leur envoyer des injonctions directes en cas de besoin.

Je souhaite donc que l’on en revienne au bon sens. Dans cette affaire, les dispositions proposées par le Gouvernement étaient protectrices du droit des collectivités territoriales et non attentatoires à leurs droits : elles n’ajoutaient aucune charge ; au contraire, elles tendaient à la diminuer.

Vous pensez bien, madame la ministre, que je vais en venir à ma remarque insulaire.

Sans entrer dans le détail du débat – nous aurons tout le temps –, je rappelle que l’Assemblée de Corse, à mon initiative et depuis le début avec votre soutien, travaille de manière précise, organisée, informée et documentée sur un projet d’organisation sous forme de collectivité unique.

Après tout, 300 000 habitants, deux départements, une région, un statut spécial, 360 communes, cela fait beaucoup. Après bien des débats, des études, des consultations, l’Assemblée de Corse a proposé au Gouvernement un schéma d’organisation en ce sens.

Vous y avez répondu favorablement, madame la ministre, tout comme le Gouvernement. Avec le ministre de l’intérieur, vous avez pesé, je crois, pour que le Gouvernement prenne en compte nos propositions. Je sais la part que vous y avez personnellement prise et je n’exprimerai donc aujourd’hui, sur ce point, que ma gratitude. Je me réserve, bien entendu, d’entrer dans le détail lorsque nous aborderons l’amendement relatif à la Corse que vous avez déposé.

M. Éric Straumann. Corse, oui ! Alsace, non !

M. Paul Giacobbi. Alors, mes chers collègues, la Corse, c’est compliqué. Souvent, des gens disent oui sur place et susurrent non à Paris, ou font mine d’exiger cela pour tout faire ensuite afin que cela ne s’applique pas.

Il n’en demeure pas moins que c’est une nécessité de simplicité, de bon sens et de cohérence. J’espère que, sur ce point, le Gouvernement tiendra bon. En tout cas, sur ce point-là comme sur les autres, votre serviteur sera totalement loyal à l’endroit de notre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

(M. Marc Le Fur remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, messieurs et madame les rapporteurs, chers collègues, ce texte reste flou, cela a été dit.

Il établit la centralisation de compétences vers la région tout en maintenant la présence de départements plus ou moins vidés de leurs compétences et, surtout, sans tenir compte de la complémentarité avec le bloc local, intercommunalités et métropoles.

Pourtant, cette complémentarité est le meilleur moyen de garantir un vrai dialogue de proximité, dialogue tant attendu par nos concitoyens.

Avec ce nouveau texte, madame la ministre, vous souhaitez finaliser une réforme territoriale. Malheureusement, il n’apporte pas toutes les réponses aux questions qui se posent et j’ose espérer que le débat sera l’occasion d’avancer.

Nous avons une certitude : nous passons de vingt-deux à treize régions.

Cela a été rappelé tout à l’heure : nous fûmes nombreux à demander qu’il soit discuté au même moment des cartes et des compétences. Je me souviens d’ailleurs en avoir parlé avec vous au mois de septembre : vous-même disiez souhaiter que nous parlions des compétences avant la deuxième lecture de la carte. Vous n’avez pas été entendue mais nous vous soutenons : c’était en effet une erreur que de ne pas procéder ainsi.

Au-delà, nous ignorons non seulement ce que sera l’organisation de nos territoires mais aussi ce que sera l’État au niveau local.

Aujourd’hui, force est de constater que les premiers effets se font sentir : un certain nombre de responsables de services et d’administrations quittent leur poste. On nous dit qu’ils ne sont pas remplacés parce qu’il faut attendre de voir ce qu’il en sera. Je dispose d’exemples précis que je pourrai vous citer, madame la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je vous crois.

Mme Catherine Vautrin. Bien évidemment, on nous demande de discuter des contrats de projet État-région avec des interlocuteurs qui ne seront plus là le 31 décembre et personne n’est capable de nous dire ce que deviendront ces CPER. Seront-ils fusionnés, juxtaposés ? Quelles seront les conséquences de cette situation, par exemple, dans l’enseignement supérieur tant en ce qui concerne l’immobilier que l’organisation de l’ensemble des universités sur les territoires ? L’échelon communal ne pourra pas, partout, répondre à toutes les attentes.

Alors, madame la ministre, quelle est votre vision d’ensemble ? Au Sénat, vous avez déclaré le 27 janvier : « Nous soumettrons à l’Assemblée un texte qui n’a pas beaucoup bougé, qui a ses équilibres. »

Pour autant, 431 amendements ont été adoptés en commission, dont le plus grand nombre émane de la majorité, du Gouvernement et du rapporteur. C’est dire combien le texte qui nous est aujourd’hui présenté a évolué. Il ne renforce pas pour autant la collaboration des schémas entre les régions et les départements, entre les intercommunalités et les métropoles.

Pourquoi, madame la ministre, nous imposer ces schémas prescriptifs, qui illustrent, si ce n’est un manque de confiance, du moins l’abaissement d’un principe fondamental, celui de la libre administration des collectivités territoriales ? Pourquoi, demain, un certain nombre de collectivités devraient-elles se voir imposer par la région des schémas prescriptifs ?

Vous avez accepté d’accorder aux anciennes capitales de région, et nous vous en savons gré, le statut de communauté urbaine, en les affranchissant du seuil de population. Force est de constater que c’est une bouffée d’oxygène pour les communes concernées. Cela étant, ces territoires doivent rebondir. Et nous savons que cela ne suffira pas.

Permettez-moi de prendre un exemple : madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes venus en septembre dernier à Châlons-en-Champagne et vous avez pu constater le désarroi de nos populations. Votre majorité, en deux semaines – je dis bien en deux semaines ! – a rayé Châlons-en-Champagne de la carte administrative, mais également de la carte militaire. Vous connaissez les difficultés auxquelles est confrontée cette commune, qui se retrouve isolée dans cette région qui compte quatre frontières. C’est aussi la seule région de notre territoire dont la nouvelle capitale, Strasbourg, ait été fixée ici, dans cet hémicycle. C’est un cas d’espèce.

À un cas d’espèce, répondons par un cas d’espèce. Sachons créer ensemble une nouvelle dynamique, montrons-nous capables d’innover. Que veut dire innover ? Peut-être s’inspirer de ce qui a été fait il y a peu de temps pour Brest, à savoir être capable d’accorder un statut de métropole à trois villes, Reims, Châlons-en-Champagne et Épernay. Ce territoire, ainsi regroupé, sera une véritable novation et permettra de constituer la porte d’entrée ouest de cette grande région Champagne-Ardenne-Lorraine-Alsace. Nous aurons non seulement apporté une novation, mais nous aurons aussi créé le lien indispensable entre, d’un côté, le Grand Est et, de l’autre côté, la région Île-de-France.

Ce faisant, vous montreriez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que, plutôt que d’opposer des territoires, plutôt que de jouer l’urbain contre le rural, ou le bloc régional contre le bloc communal, vous savez transformer la gifle en caresse et apporter un peu d’espoir, un peu de novation, aux territoires. Ce serait là une véritable réforme, une véritable novation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, voici donc la deuxième saison de votre série sur la réforme territoriale. Malheureusement, peu de surprise dans le script. Comme prévu, le département est en sursis. Comme prévu, les régions amorcent une autonomie politique qui se renforcera de réforme en réforme. Comme prévu, Bruxelles a soufflé à vos oreilles, en mai 2013, une organisation territoriale faisant table rase du passé en créant des super-régions administratives, sans aucune cohérence historique, en vidant petit à petit le département de ses compétences, en effaçant les communes derrière les intercommunalités, en favorisant l’émergence de métropoles mondialisées.

Un coup d’accélérateur est donné pour permettre cette fameuse Europe des régions où la nation disparaît au profit d’une collaboration interrégions ou euro-régionale. Demain – je prends date avec vous – se profilera la fusion de régions transnationales, et il en sera définitivement fini de nos frontières nationales. Quoi de mieux, pour affaiblir les résistances nationales, dernier rempart au fédéralisme européen, que de briser de l’intérieur le lien entre les Français et leur territoire ?

Un bel exemple de cette autonomisation des régions dans votre texte est l’expérimentation sur trois ans du transfert de l’État vers la région du service public d’accompagnement pour l’emploi, ou la possibilité d’utiliser un pouvoir réglementaire. Après avoir rétabli la clause de compétence générale à votre arrivée en 2012, vous proposez, dans ce projet, sa suppression pour les régions et les départements ! L’on pourrait s’en féliciter si la répartition des compétences ne se faisait pas tant au détriment des territoires ruraux et de la proximité.

Vous transférez des compétences phares du département à vos nouvelles régions. C’est ainsi que de nombreuses décisions concernant les territoires excentrés seront prises dans les grands centres urbains régionaux : les routes, les transports, les aides aux entreprises seront dorénavant exclusivement réservés à la région. Et pourtant, les routes nécessitent une gestion de proximité, pour parer à l’urgence des accidents ou des intempéries. Les territoires les plus difficilement accessibles paieront le prix de ce transfert, ce qui accentuera la dégradation des services publics dans les zones rurales. Même constat pour les transports scolaires : la complexité et le maillage des circuits de transport, certains élèves étant récupérés jusque dans les cours des fermes parentales, exigent une réactivité et une adaptation aux circonstances locales incompatibles avec la régionalisation.

En ce qui concerne le tourisme et les collèges, vous avez préféré une solution mi-chèvre mi-choux, en faisant de la région le chef-de-filat de la politique touristique, autrement dit le grand coordinateur, et en mutualisant les compétences scolaires sur les lycées et les collèges. La région, d’un côté, la métropole, de l’autre : le département se retrouve pris en tenaille. À l’article 23, vous contraignez le département à déléguer au moins trois compétences à la métropole. Faute d’accord sur ces trois compétences, ce sont sept compétences qui seront automatiquement transférées à la métropole. Si le département ne veut pas mourir par lui-même, il faudra l’euthanasier !

Drapée dans les habits de l’intérêt général, on voit néanmoins pointer l’idéologie. J’en veux pour preuve l’article 28, qui fait de la vie associative et de l’éducation populaire une compétence partagée. Cette disposition, proposée par les écologistes, a été reprise par les socialistes en commission, au prétexte que le texte initial ne permettait pas le financement croisé des associations antiracistes, d’éducation civique, de prévention de la violence ou de protection de l’environnement, dixit Mme Pompili. Que les copains des associations communautaristes et militantes d’extrême-gauche se rassurent : pas de tarissement des financements publics au programme !

La commune subit aussi les assauts du Gouvernement, qui fait de l’EPCI la nouvelle entité phare du bloc communal. Le relèvement du seuil de l’intercommunalité de 5 000 à 20 000 habitants conduira à fusionner un grand nombre de communes et à noyer les plus petites d’entre elles. Or pour garantir un processus décisionnel souple et efficace, il apparaît essentiel de conserver une intercommunalité resserrée, fondée sur le volontariat, gage d’une vraie démocratie locale.

Jusqu’ici, vos choix décentralisateurs n’ont fait qu’alourdir les dépenses publiques, les impôts locaux et les effectifs. Comment vous croire lorsque vous nous promettez les économies tant attendues ? C’est oublier le coût pharaonique qu’engendrera la mise en œuvre de ces réformes. C’est oublier que le transfert des personnels départementaux s’avérera coûteux pour la région, en raison des différences de régimes indemnitaires plus favorables pour les personnels de région. C’est oublier de dire que le transfert d’une politique d’un échelon à l’autre ne réduit pas le coût de cette politique, à moins d’en supprimer le contenu. C’est oublier de dire que vous avez, dans le Vaucluse, par exemple, diminué le nombre de cantons, mais augmenté le nombre d’élus.

Nous ne sommes pas dupes : la suppression du département était initialement prévue en 2020. Une révision constitutionnelle étant nécessaire, le Gouvernement a préféré une fin de vie sans douleur, en le vidant pas à pas de ses compétences, le réduisant au rôle d’assistante sociale. Le département est pourtant un formidable outil politique de proximité, plus adapté que la région, dont le centre de décision se trouve parfois à plusieurs centaines de kilomètres, mais aussi un outil de démocratie locale, dont les élus sont plus accessibles que les élus régionaux. Ils doivent demeurer les lieux d’expertise, de décision, de soutien à l’emploi, et leurs compétences en matière de gestion des services publics locaux doivent être renforcées. Il n’y a aucune cohérence à augmenter la taille des régions tout en affaiblissant considérablement l’échelon de proximité qu’est le département.

Ce projet méconnaît les réalités de terrain et les réalités historiques, tout en aggravant la fracture territoriale. Faute de temps, je ne peux aborder les contradictions, le flou et la complexité de certaines des dispositions. Je prends quand même le temps de vous dire que mon collègue Gilbert Collard et moi-même nous opposerons à ce texte, car il n’y a pas de sens à l’histoire, contrairement à ce que vous dites.

(Mme Catherine Vautrin remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à Mme Estelle Grelier.

Mme Estelle Grelier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, cher Olivier Dussopt, madame et messieurs les rapporteurs pour avis, chers collègues, le projet de loi NOTRe est un texte de clarification de compétences, entre région et département, intercommunalité et commune.

M. Jean-Paul Bacquet. Bravo !

Mme Estelle Grelier. Cette clarification est attendue depuis longtemps, pour accroître l’efficacité des politiques publiques et garantir un service public de qualité aux habitants. Nous devons, en effet, envisager des modes de décision plus lisibles pour nos concitoyens et les acteurs économiques et associatifs.

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

Mme Estelle Grelier. En rationalisant les schémas régionaux, en organisant l’accessibilité des services publics, en réduisant le nombre d’interlocuteurs des entreprises, ce texte apporte de réelles avancées.

M. Éric Straumann. Avec plus d’élus !

Mme Estelle Grelier. Il met en musique ce que beaucoup demandent, de manière incantatoire, depuis des années, sans en trouver le mode d’emploi, manifestement faute de volonté. Nos processus de décision sont aujourd’hui lents et lourds. Trop de pouvoirs s’enchevêtrent sur les mêmes sujets. C’est le cas entre les collectivités, mais ce l’est tout autant entre les services de l’État. C’est pourquoi nous devons être clairs sur ce que nous attendons de l’État dans nos territoires, sur son organisation et son périmètre d’intervention.

Les communes resteront le premier point de contact avec les habitants. Une évolution de nos 36 600 communes est possible, et même souhaitable, grâce à la formule des communes nouvelles, qu’une proposition de loi vient encourager. Mais cette recomposition du tissu communal n’est pas contradictoire, n’en déplaise aux conservateurs, avec le renforcement de l’intercommunalité, bien au contraire. Il faut des communes fortes, actives, jouant pleinement leur rôle, dans des intercommunalités tout aussi puissantes.

Notre pays a besoin de métropoles bien organisées – c’était l’objet de la loi MAPTAM – qui tirent la croissance. Mais la France ne se réduit pas aux métropoles. Les autres territoires ont tout autant besoin d’intercommunalités fortement intégrées, dotées de moyens humains et d’ingénierie pour agir. Il n’est plus possible d’entendre certaines personnes dénoncer à tout bout de champ la mort des communes lorsque l’on parle de transférer à l’intercommunalité des compétences qui sont exercées depuis trente ans par les communautés urbaines. Les communes y ont-elles disparu ? Non. Alors, regardons le fait intercommunal tel qu’il est, inscrit dans le quotidien des habitants, et apprécions-le sans fantasme.

La loi ALUR, la loi sur la politique de la ville, le projet de loi sur la transition énergétique, la loi MAPTAM renforcent tous le rôle des intercommunalités. Mais il faut encore progresser vers plus de lisibilité.

M. Jean-Marie Sermier. Faites confiance aux élus !

Mme Estelle Grelier. Le moment est venu de dire que dans les quatre grands champs de compétences que sont le développement économique, l’aménagement de l’espace, les mobilités et l’environnement, c’est à l’échelle des régions et des intercommunalités que doivent être pilotées les politiques publiques : une échelle des orientations stratégiques, à travers les schémas de planification régionaux, et une échelle de la mise en œuvre, au cœur des bassins de vie.

Mais il est encore de nombreux domaines où les communautés restent entravées dans leur action. La Cour des comptes a notamment constaté, dans son récent rapport sur les finances publiques locales, un émiettement excessif des compétences de développement économique au sein du bloc communal, qui complexifie les circuits de décision. C’est la raison pour laquelle je proposerai au cours des débats, avec plusieurs de mes collègues, de renforcer les compétences opérationnelles des intercommunalités en unifiant la compétence « développement économique », notamment en matière d’immobilier d’entreprises.

Mme Sophie Rohfritsch. À quel prix ?

Mme Estelle Grelier. L’action de nos communautés est souvent empêchée, aussi, par des minorités de blocage, qui constituent le plus souvent des quasi droits de veto. Que ce soit sur la révision des attributions de compensation, sur le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales ou encore sur le plan local d’urbanisme, la gouvernance de l’intercommunalité nécessite d’abandonner les pratiques d’unanimité et les règles de majorité qualifiée de plus en plus difficiles à atteindre, notamment avec l’entrée des oppositions municipales au sein des conseils communautaires.

L’efficacité des politiques publiques et leur visibilité pour les citoyens passent également par un état des lieux des compétences exercées par les syndicats techniques, qui interviennent aujourd’hui dans une foultitude de domaines. Les syndicats gèrent plus de 9 milliards d’euros de dépenses publiques et programment environ 6 milliards d’investissements. La transparence de la décision n’est pas toujours leur point fort, notamment du fait de la désignation de leurs élus au second degré.

M. Jean-Marie Sermier. Et leur nombre va encore augmenter !

Mme Estelle Grelier. Pour clarifier la situation, nous devons faire un pas en ce début de mandat local, pour généraliser le transfert aux communautés des compétences d’eau, d’assainissement, de gestion des déchets, ce qui conduira à la suppression mécanique de tous les syndicats exerçant ces compétences sur les périmètres communautaires.

M. Jean-Marie Sermier. Ce n’est pas vrai !

Mme Estelle Grelier. Je vous épargnerai les amendements révisant leurs règles de fonctionnement, notamment sur la question de la désignation des personnalités qualifiées, ô combien discutable au plan démocratique ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

En conclusion, et afin de nourrir le débat – je remercie Mme la ministre de l’autoriser –, il me semble qu’il faut discuter de l’avenir, à terme, du conseil départemental. Il faut dissocier le devenir institutionnel du conseil départemental et le cadre géographique d’action publique que constitue le département – ce dernier demeurera.

M. Serge Grouard. N’importe quoi !

Mme Estelle Grelier. Et je fais le pari de ceux qui pensent – et il y en a – qu’il faut rénover ce cadre départemental et en faire, à terme, un conseil des territoires, où siégeraient des élus intercommunaux. C’est en ce sens que le gouvernement de M. Renzi vient de transformer les provinces en Italie. Autant d’occasions de débattre de manière intéressante, dans les jours et les semaines qui viennent. Soyons ambitieux : après l’affirmation des métropoles et l’adoption d’une nouvelle carte régionale, assurons-nous de compléter cette réforme territoriale par un troisième volet ambitieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous allons vers un deuxième échec. Il y eut un premier échec lors de la loi découpant les treize régions. Échec à l’égard de l’opinion : vous avez réussi à vous mettre à dos les Alsaciens, qui sont pourtant des gens réservés et patients,…

M. Éric Straumann. C’est peu de le dire !

Mme Sophie Rohfritsch. Absolument !

M. Marc Le Fur. …vous avez réussi à décourager les Bretons, qui espéraient beaucoup de votre réforme…

M. Thierry Benoit. Oui, et ils n’y croient plus !

M. Marc Le Fur. …et en particulier que la Bretagne à cinq départements ait sa chance, et vous l’en avez privée. Quand je dis « vous », cela vaut aussi pour vous, madame la ministre.

Croyez-moi, nous allons vers un deuxième échec, parce que votre logique à la fois jacobine et technocratique se retrouve dans ce texte.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. C’est un avis d’expert !

M. Marc Le Fur. Vous voulez parler uniquement aux élus, alors que dans ce genre de réforme, il faut aussi parler au peuple, parce que c’est la démocratie qui est en jeu.

M. Éric Straumann. Ils ne savent pas ce que c’est !

M. Marc Le Fur. J’insisterai sur trois paradoxes de cette réforme. Le premier concerne le calendrier. Nous débattons en première lecture – c’est-à-dire que nous sommes loin du terme de l’examen du projet de loi – des départements qui vont désigner leurs représentants dans quelques jours.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Comme en 2004 !

M. Marc Le Fur. Les candidatures sont closes. Nous avons donc des candidats qui vont expliquer à leurs électeurs qu’ils ne savent pas ce qu’ils feront demain, mais qu’il faut voter pour eux. Vous comprenez que c’est une situation un peu bizarre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’était la même chose en 2004 !

M. Marc Le Fur. Les électeurs vont élire leurs représentants dans une collectivité sans savoir ce qu’ils feront.

M. Thierry Benoit. C’est grave !

M. Marc Le Fur. Deuxième paradoxe : cette loi est la première loi de décentralisation qui ne prévoit aucune décentralisation, aucun transfert de compétence de l’État vers les collectivités. Il n’y a rien, pas une seule compétence. La gauche avait critiqué le projet de M. Raffarin en son temps, mais au moins ce texte décentralisait les ATOSS et l’organisation des lycées et des collèges. Les personnels ATOSS étaient très inquiets il y a quelques années, maintenant ils sont très contents, ils ont constaté que même leur situation matérielle s’améliorait.

M. Philippe Baumel. Grâce aux régions !

M. Marc Le Fur. Troisième paradoxe, ce texte n’aborde absolument pas les moyens. On décentralise des compétences, c’est-à-dire que l’on décentralise des charges – enfin, on ne décentralise rien, on transfère d’une collectivité à une autre. En gros, c’est un transfert de 37 milliards d’euros qui va s’effectuer entre les différentes collectivités. Pour autant, on ne parle jamais des recettes qui permettront de financer ces dépenses. Mais ça, c’est classique chez les socialistes. En m’inspirant d’un grand poète et chanteur franco-belge, je dirai : « Chez ces gens-là, on ne compte pas, monsieur, on cause ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Que pouvions-nous attendre de ce texte ? Il y a eu de bonnes intuitions, en particulier dans les propos initiaux du Premier ministre. Je suis un régionaliste et j’y crois, peut-être parce que mon prisme est déformé. En Bretagne, nous avons une région identifiée et des communautés de communes fortes, qui ont pris leur place.

M. Thierry Benoit. Et des pays !

M. Marc Le Fur. Chacun se rend compte que le département n’a plus vraiment de marge pour se développer. Nous étions donc prêts à avoir d’un côté le bloc communal, communes et intercommunalités, et de l’autre une région forte. Nous comprenons parfaitement qu’avec les grandes régions que vous allez constituer, en particulier dans l’est de la France, on retrouve la nécessité d’une structure intermédiaire. Mais cette difficulté est la conséquence de votre premier texte.

J’attendais donc des régions fortes. Si je suis régionaliste aujourd’hui plus qu’hier, c’est pour une autre raison, dont personne ne parle. La réalité qui émerge aujourd’hui, ce sont les métropoles, qui prennent de plus en plus de place. C’est une réalité humaine et internationale, partout dans le monde. Dès lors, cette réalité s’est traduite en droit dans la loi MAPTAM. À partir du moment où les métropoles prennent de plus en plus de place, il est indispensable qu’elles aient, en contrepartie, des régions à l’échelle, pour équilibrer les territoires. Les départements ne sont plus à l’échelle de ces grandes métropoles, certains seront, de fait, cannibalisés. La solution qui est intervenue dans le département du Rhône, où la métropole a de fait cannibalisé l’essentiel du département, interviendra partout. C’est une donnée objective.

Donc, pour que ces métropoles ne rayonnent pas uniquement pour elles-mêmes, mais pour l’ensemble du territoire, il faut que nous ayons des régions fortes. La responsabilité de l’aménagement du territoire est aussi régionale. Cela me paraît tout à fait indispensable.

Écoutez les géographes, et en particulier Christophe Guilluy. Ce géographe est extrêmement intéressant, parce qu’il nous démontre qu’après la fracture sociale, le vrai sujet, aujourd’hui, est celui de la rupture territoriale.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est vrai !

M. Marc Le Fur. Les gens ont parfaitement compris cela, ils nous disent qu’à la télé, on parle des gens qui vivent à l’aise dans les métropoles, on parle des banlieues où il y a le feu, mais on ne parle pas de leurs territoires. Il y a ainsi 50 % des Français qui se sentent oubliés du message public,…

M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Ce que dit Christophe Guilluy, c’est justement qu’il faut garder les départements !

M. Marc Le Fur. …qui se sentent oubliés dans les services publics, que l’on ferme. Ces gens-là nous demandent de les écouter. Et je vous invite, madame la ministre, au lieu de morigéner dans votre coin, à lire La France périphérique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je l’ai lu !

M. Marc Le Fur. C’est un livre très intéressant. Nous devons faire en sorte que le rayonnement des métropoles n’aboutisse pas à faire partout des petits Paris, mais que nous ayons au contraire un véritable équilibre territorial. Je rêve de métropoles actives, qui rayonnent sur des villes moyennes elles aussi actives, qui rayonnent sur des petites villes elles aussi actives, avec un monde rural qui aura lui-même sa propre dynamique.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je ne veux pas de métropoles qui assécheraient le reste du territoire. Voilà pourquoi le sujet qui nous rassemble – et sur lequel vous allez échouer – est de faire en sorte que nous reconstituions un dynamisme et une efficacité sur l’ensemble du territoire.

Je crois que notre territoire peut être riche, à la condition d’accepter deux ruptures que vous n’envisagez même pas dans votre texte : la première est la décentralisation du pouvoir réglementaire. Je ne vois pas pourquoi nous nous interdirions de l’envisager. On brandit en permanence le risque du fédéralisme, mais ce n’est absolument pas le cas. Et puis acceptons le risque, comme l’a mentionné notre collègue Piron, d’une décentralisation variable selon les régions, car je comprends parfaitement que l’appétence à la décentralisation puisse être variable selon les régions. En tout cas, en Bretagne, nous y sommes prêts, et je crains que nous ne soyons très déçus par votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce deuxième volet de la réforme territoriale a été placé – par vous, madame la ministre – sous le sceau de l’égalité des territoires. En effet, c’est à la lumière de cet objectif que nous devons interroger le dispositif que vous proposez, et nous devons le faire avec bonne foi.

Un constat, tout d’abord : l’organisation d’ensemble de notre territoire national, qui devient maintenant visible, quoi qu’on ait dit, organise pour l’essentiel une véritable recentralisation de la périphérie vers le centre, avec un effet centripète des territoires vers des centres régionaux métropolitains et intercommunautaires. Je ne crois pas déformer les choses en les décrivant de cette manière. Mais cela engendre nécessairement une première inquiétude, celle du risque d’une relégation qui n’est certes pas programmée – je ne vous fais pas ce procès, madame la ministre – mais qui sera peut-être une fatalité.

Non seulement des départements aujourd’hui plutôt isolés du centre vivant de la région – comment pourrais-je ne pas songer au département de l’Aisne, dont je suis une des élues ? – se retrouveront très excentrés au sein de la nouvelle grande région ; non seulement la cohésion du tissu rural souffrira beaucoup dans une intercommunalité à marche forcée ; mais le risque est réel d’accentuer le phénomène périurbain qui commence à alimenter une inquiétude justifiée et qui concerne les territoires à la porte des communautés et des métropoles. L’effet de siphonnage vers le centre urbain y accentuerait encore le sentiment de relégation et le désespoir social qui peut parfois l’accompagner, avec les effets politiques que nous connaissons.

M. Éric Straumann. Il faut voter la motion de censure !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Deuxième inquiétude, liée elle aussi à cette égalité des territoires dont vous avez fait la justification centrale de la réforme : les compétences. Nous aurons des régions alourdies par des compétences de gestion – routes, établissements scolaires, ports – alors qu’il eût fallu les libérer pour en faire les vecteurs de grands projets économiques,…

M. Éric Straumann. Bravo !

Mme Marie-Françoise Bechtel. …de grandes infrastructures, de programmes de recherche et d’innovation.

M. Jean-Luc Laurent. Très juste !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Nous aurons ensuite des départements réduits à la portion congrue. Même si leur disparition est aujourd’hui moins actuelle, elle reste probablement programmée dans l’esprit des auteurs de la réforme.

M. Marc Dolez. Bien sûr !

M. Patrick Mennucci. Heureusement !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Le département ne peut être un pur centre de solidarité, il doit – c’est du moins la vision qu’en a le MRC – faire vivre des équipements et des services publics, faute de quoi c’est l’égalité citoyenne tout entière qui sera atteinte. L’organisation territoriale à géométrie variable, dans laquelle ce seront tantôt les métropoles, tantôt les départements, tantôt les intercommunalités qui assumeront les services publics, s’accorde mal avec le cartésianisme des Français, alors même que l’on parle beaucoup, par ailleurs, de lisibilité de la réforme.

Nos compatriotes sentent bien que les différences, prenant en compte des situations territoriales trop diverses, se traduiront par des inégalités accrues. Comment accepteront-ils qu’une réforme qui se veut lisible fasse que demain, les services ne soient pas délivrés aux mêmes niveaux – je parle de niveau territorial, pas du niveau de qualité, il ne manquerait plus que cela ! – en Auvergne ou en Rhône-Alpes, en Picardie ou en PACA ?

M. Éric Straumann. Et en Alsace !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je ne risque pas d’oublier l’Alsace, mon cher collègue, on en a beaucoup parlé, à mon avis.

Ces quelques réflexions n’ont d’autre but que de dire que le Mouvement républicain et citoyen, attaché à l’idée de modernisation de notre territoire, et d’abord de notre économie, ne croit ni en de grandes régions hétérogènes et très lourdement chargées en compétences de gestion au quotidien, ni surtout en une organisation à géométrie variable, en métropoles et intercommunalités très agrandies, là où la structure départementale, le cas échéant agrandie elle-même, offrait un cadre raisonnable, lisible, et qui n’empêchait pas le mouvement d’urbanisation de se poursuivre à un rythme raisonnable tout en palliant l’effet d’éviction par le « centripètisme » qui en résultera fatalement, et qui est au territoire ce que la centralisation excessive est à l’État national.

Ce projet de loi se trouve ainsi à la croisée des chemins. Il y aurait mauvaise grâce à ne pas noter certaines avancées, même si le Gouvernement, au fond de lui-même, les regarde peut-être comme des reculades. Je pense en particulier au maintien – mais pour combien de temps ? – du département.

La double inquiétude, que j’ai voulue raisonnable et dont je me suis fait l’écho, peut être palliée par un assouplissement dans la conception de l’intercommunalité. Son seuil n’est pas soutenable aujourd’hui dans ce projet de loi, et les dispenses de dérogations ne sont pas elles-mêmes très pertinentes. On pourrait pallier cela par une vision plus progressive des intercommunalités, gagée par les efforts de mutualisation des communes qui, elles, amèneraient des économies.

Un autre palliatif à nos yeux nécessaire serait que le schéma de développement durable et d’égalité des territoires comporte vraiment l’égalité des territoires, c’est-à-dire que les régions soient tenues de bien répartir les activités économiques, et pourquoi pas leurs services eux-mêmes.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous serons attentifs à l’évolution de ce texte qui nous semble moins erroné dans sa perspective générale que la loi sur le découpage régional, mais certainement encore perfectible à ce jour.

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, s’il est un domaine de notre vie publique où la prolifération de lois n’a d’équivalent que la vacuité de leur contenu, c’est bien celui de la réforme territoriale. Exactement vingt lois depuis exactement vingt ans. Et toutes poursuivent dans l’art de l’esquive et des fausses solutions. Malheureusement, le projet de loi NOTRe s’inscrit dans cette triste tradition.

Lourde, immobile, coûteuse. Voilà ce qu’est devenue notre organisation territoriale. Aux entités de base que sont la commune et le département sont venus s’additionner l’échelon régional, puis l’intercommunalité. À cela se sont ajoutés un enchevêtrement des compétences, une surréglementation paralysante et une dissolution des responsabilités qui nuisent à la cohérence des politiques publiques.

Le temps de réalisation des projets est de plus en plus long. Les effectifs de la fonction publique territoriale n’ont cessé d’augmenter : 1,2 million d’agents en 1990 ; 1,9 million en 2013. Tout cela n’a plus de sens et il faut remettre en concordance notre organisation institutionnelle avec la vie de notre société et de nos concitoyens. D’autant que ce système coûte cher : presque 250 milliards d’euros en 2014, contre 110 milliards en 1994.

Et voilà une réforme de plus. Simplifie-t-on le mille-feuille territorial ? Non. Clarifie-t-on les compétences ? Non. Fait-on des économies dans la dépense publique ? Non : la dépense des collectivités locales a plus que doublé en vingt ans. Stabilise-t-on les impôts locaux ? Non : la taxe d’habitation était en moyenne de 16,71 % en 1988, elle est de presque 24 % actuellement. La taxe sur le foncier bâti est passée de 20,74 % en 1988 à plus de 35 % en 2013.

Face à cela, vous proposez, comme le veut la tradition, une réformette de plus.

Aujourd’hui, de quoi avons-nous besoin ? Nous avons besoin de faire des économies dans la dépense publique, d’améliorer la légitimité des élus à l’égard de la population, et de retrouver un système simple, lisible et efficace.

Comment le faire ? Je pense profondément qu’il faut mener cinq actions fortes.

Premièrement : réduire le mille-feuille en le faisant passer de quatre à deux échelons. Faut-il oser le dire, à cette tribune ou ailleurs ? Cela passera d’abord par la fusion des départements dans leur région actuelle.

M. Éric Straumann. Très bien !

M. Serge Grouard. Cela passera aussi par la fusion des communes en milieu urbain, car les limites communales en milieu urbain n’ont plus aucun sens pour nos concitoyens. En retour, il faudra maintenir les communes rurales et développer une intercommunalité à périmètre humain, sans poursuivre cette logique centralisatrice et technocratique consistant à fixer un seuil de 20 000 habitants pour tout le monde – certains de nos collègues l’ont dit, cela n’a pas de sens.

Deuxièmement : clarifier enfin les compétences. La clause de compétence générale, qui fait l’objet d’allers et retours depuis des années, doit être enfin totalement supprimée pour le nouveau bloc région-département, qui devrait se concentrer sur quelques domaines stratégiques : le développement économique, l’enseignement supérieur, la formation professionnelle et quelques autres. Quant au bloc communal, constitué des intercommunalités et des communes, il conserverait la clause de compétence générale et devrait retrouver quelques compétences supplémentaires.

Pourquoi, en milieu urbain notamment, les collèges continuent-ils d’être gérés par le département ou la région ? Les villes gèrent les écoles : pourquoi ne géreraient-elles pas les collèges, voire les lycées ? Cette question est de l’ordre de l’évidence et du bon sens. À l’époque, il avait fallu assurer un équilibre et donner à chacun des trois nouveaux niveaux de collectivités un petit morceau de compétences, qui l’école, qui le collège, qui le lycée. Tout le monde sait cela, mes chers collègues !

Troisièmement : il n’en est toujours pas question, mais il faut réformer l’État pour le conforter. Dans le bloc région-département que j’appelle de mes vœux, le préfet doit devenir le seul patron de l’État pour les compétences déconcentrées. Le mouvement de déconcentration doit reprendre. Enfin, la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales doit être clarifiée ; elle pourrait d’ailleurs faire l’objet d’une contractualisation qui permettrait de définir le rôle de chacun.

Quatrièmement : clarifier la fiscalité locale. Le nécessaire équilibre entre la libre administration des collectivités et son encadrement par l’État est certes difficile à trouver, mais la contractualisation pluriannuelle peut en être le vecteur – elle devrait l’être. Elle donnerait aux collectivités locales une visibilité et une sécurité sur plusieurs années.

Cinquièmement : la légitimité retrouvée des élus suppose que l’on modifie les modes de scrutin. Je le crois profondément. Si la région se trouve ainsi renforcée, il est fondamental de conforter la légitimité de ses élus. Pour ce faire, il conviendrait d’adopter un scrutin uninominal à deux tours, sur la base géographique de grands cantons permettant à chacun de nos concitoyens d’identifier ses élus.

M. Michel Piron. C’était le conseiller territorial !

M. Jean-Marie Sermier. Ce n’était pas si mal, le conseiller territorial !

M. Serge Grouard. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes à la croisée des chemins. Si l’on poursuit dans cette logique malheureuse des réformettes que nous menons depuis vingt ou trente ans, alors le résultat est acquis d’avance : nous ne sortirons pas du cercle vicieux de la dégradation insidieuse du service à la population comme de la baisse des investissements préjudiciable à l’activité économique et à la modernisation du pays.

Il faut arrêter les faux-semblants. Une vraie rupture est nécessaire. Il ne peut donc être question de cette loi NOTRe, qui ne traite d’aucun des sujets essentiels. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est un peu exagéré !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les rapporteurs pour avis, depuis tout à l’heure, j’ai entendu beaucoup d’interventions, notamment certains propos qui pouvaient mettre en cause le Gouvernement à propos de la confusion dans l’organisation des pouvoirs publics. Est-ce le Gouvernement qui est responsable ?

M. Laurent Furst. Oui !

M. Alain Rousset. Ne sommes-nous pas responsables, mes chers collègues ? J’ai participé à de nombreuses commissions, j’ai mené beaucoup d’auditions au Sénat, mais je n’ai pas perçu de clarification venant de nos travées, et je n’en entends pas depuis tout à l’heure.

M. Serge Grouard. Je viens d’en proposer !

M. Michel Piron. Si, il y a des propositions !

M. Alain Rousset. Peut-être. Mais j’ai entendu tout à l’heure Hervé Gaymard parler de technocratie régionale. Comment peut-on accuser la région, qui est le plus petit acteur avec le moins d’emplois, d’avoir mis en place une technocratie régionale inexistante ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Straumann. Avec les futures grandes régions, on l’aura !

M. Jean-Marie Sermier. Elle existe déjà !

Mme la présidente. Un peu de calme, mes chers collègues !

M. Alain Rousset. Mes chers collègues, regardons la réalité. Tous, ici, nous avons des responsabilités. Nous sommes, quelque part, le reflet du jacobinisme. Nous ne voulons pas de clarification. Nous voulons nous occuper de tout, nous voulons tout faire, considérant que le voisin est moins bon que nous.

M. Laurent Furst. Quel dommage !

M. Alain Rousset. Et si nous disions simplement aux Français que le principe de responsabilité est, en 2015, un progrès de la démocratie ? Qui fait quoi dans la République décentralisée ? Qui est responsable de quoi ? Qui rend compte aux électeurs ? Qui évalue ses propres politiques ? Qui n’organise pas la promenade du chômeur, pour savoir à quel organisme il doit s’adresser, ou celle du chef d’entreprise, pour déterminer s’il doit passer par la BPI, par la région, par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, voire par l’État ? N’est-il pas possible d’adopter un modèle qui marche, à l’échelle européenne, et de se fixer quelques objectifs ?

Rappelons-nous d’abord que l’emploi est la première cause d’inégalités, et que le chômage est la première des souffrances humaines et territoriales. Ne peut-on pas regarder ce qui marche en Europe ? Ce qui fonctionne, c’est le couple région-PME. Et si nous sortions de cette culture un peu étatique des grands groupes pour nous occuper des entreprises qui créent réellement de l’emploi, c’est-à-dire des PME, des entreprises de taille intermédiaire, des start-ups et des petites entreprises ? Et si nous aboutions l’État et la région ? Et si nous faisions en sorte que le financement de l’économie soit réellement régionalisé, comme il l’est dans tous les autres pays d’Europe, avec l’efficacité que l’on sait ? Savez-vous, mes chers collègues, qu’entre une PME française et la même PME allemande, la différence d’accompagnement et d’aides varie de 1 à 10 ? Comment peut-on être compétitif malgré ce degré de différence ?

Quant aux inégalités territoriales, le modèle républicain actuel les a-t-il empêchées ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non !

M. Alain Rousset. L’appareil d’État, dans son organisation déconcentrée actuelle, a-t-il permis d’empêcher cela ? La formation et l’accompagnement des PME ne sont-ils pas des compétences qui pourraient être confiées aux régions ?

M. Michel Piron. Ah si !

M. Alain Rousset. Je pourrais vous citer dix exemples, dans toutes les régions françaises, qui montrent la réussite de ces collectivités dans l’exercice de ces compétences.

Allons plus loin et évoquons le service public de l’emploi – je parle ici de l’accompagnement des chômeurs. Pouvons-nous être satisfaits de notre système ?

M. Gérard Charasse. Certainement pas !

M. Alain Rousset. Devons-nous avoir peur d’une grève des agents de Pôle emploi pour réformer le système ? En Allemagne, 153 conseillers accompagnent 10 000 chômeurs, alors qu’en France, 173 conseillers accompagnent le même nombre de chômeurs, parce que les coûts de structure sont de 10 % supérieurs en France, parce que notre modèle d’accompagnement des chômeurs est complètement émietté.

M. Michel Piron. C’est un effet de la centralisation !

M. Alain Rousset. Ce chiffre est incroyable : 173 conseillers pour 10 000 chômeurs.

M. Éric Straumann. C’est de la bureaucratie !

M. Alain Rousset. Ce n’est pas de la bureaucratie, c’est de l’émiettement entre les missions locales, les agences de Pôle emploi, les plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi – les PLIE – et les maisons de l’emploi. Dans le cadre d’une réforme qu’il avait soumise aux régions, Jean-Louis Borloo avait voulu créer les maisons de l’emploi pour regrouper toutes ces structures et avoir un vrai patron. Or les maisons de l’emploi ont constitué un organisme supplémentaire.

M. Serge Grouard. Non, elles en ont regroupé d’autres !

M. Alain Rousset. N’est-il pas temps de passer à un autre système ?

Ne faut-il pas aussi, en matière d’environnement, de protection de la biodiversité et des espaces naturels sensibles, de développement des énergies renouvelables, déterminer un seul et même responsable ? Je pourrais égrener les compétences. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir contribué, d’une certaine manière, à préciser les compétences, même si, comme vous le savez, cela ne va pas jusqu’où je le souhaite.

La décentralisation, que je ne retrouve certes pas dans ce texte, même si c’est la volonté du Président de la République et du Premier ministre, n’est-elle pas aussi un moyen d’économiser de l’argent public…

M. Serge Grouard. Bien sûr que si !

M. Alain Rousset. …et de renforcer les moyens que l’État consacre aux missions régaliennes de sécurité et de défense ?

M. Serge Grouard. Cela devrait l’être !

M. Alain Rousset. J’ai déjà expliqué, en commission de la défense, que nous ne pourrons pas augmenter à nouveau les moyens de l’armée si nous ne touchons pas à la déconcentration. Dans les préfectures, 90 000 emplois doublonnent 24 000 emplois des régions. Cela ne doit-il pas nous faire réfléchir ?

N’est-il pas plus important d’attribuer des moyens aux collectivités locales, d’une manière claire, précise et démocratique, que de maintenir un réseau de sous-préfectures…

Mme Annie Genevard. Mais non !

M. Alain Rousset. …dont chacun des fonctionnaires n’a plus de moyens et ne peut plus intervenir ? Si l’on confie aux départements l’organisation de l’accompagnement des petites communes, pourquoi faut-il que nous maintenions d’autres structures ? Pourquoi cette culture du doublon, du triplon, de l’égoïsme, alors que nous devons aujourd’hui mutualiser tous ces moyens ?

J’en reviens à ce que j’évoquais au début de mon intervention. Nous avons nous-mêmes de grandes responsabilités dans l’échec à faire progresser la décentralisation à la française dans nos assemblées. Dans ce domaine, je ne sais pas si le clivage est entre la gauche et la droite ; je crois plutôt qu’il se situe entre les jacobins et les girondins.

M. Michel Piron. Tout à fait !

M. Alain Rousset. Peut-être devrions-nous placer le mot « responsabilité » avant tous les autres mots. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, UDI et RRDP.)

M. Laurent Furst. Ne tuez pas l’Alsace !

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis maintenant trois années, le Gouvernement n’a cessé de multiplier les annonces, souvent contradictoires, et les projets de loi dans le domaine des règles d’organisation de l’action publique locale, de modifier régulièrement les compétences et les périmètres des différentes collectivités territoriales et d’augmenter fortement les normes et les contraintes, faisant ainsi peser sur les élus locaux une incertitude totale quant à l’avenir de leurs territoires.

En effet, depuis 2012, le Gouvernement va de revirements en revirements. En témoignent notamment les nombreuses réécritures des trois textes relatifs à la décentralisation, annoncés initialement comme une grande réforme du quinquennat, voire un acte III de la décentralisation, dont les deux derniers projets, présentés en même temps que la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ont été entièrement refondus.

En témoigne également la volte-face du Gouvernement concernant la clause générale de compétence pour les départements et les régions, que vous aviez rétablie en janvier 2014. Mais voilà qu’à peine un an plus tard, vous avez finalement entériné, il y a quelques jours, sa suppression en commission des lois.

Au moment où je prends la parole à cette tribune, et puisque j’étais parlementaire lors de la législature précédente, comment ne pas faire allusion, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues de la majorité, à la suppression du conseiller territorial quand on vous entend aujourd’hui ?

Mes chers collègues, nous assistons aussi à quelque chose de totalement inédit, à une grande première pour notre République : à un mois des élections départementales, les candidats ne connaissent toujours pas les compétences qui seront finalement dévolues aux départements, ni l’évolution de la structure dans laquelle ils vont être élus après 2017.

Pouvez-vous tout d’abord, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, clarifier votre vision et vos véritables intentions concernant les départements ? Sont-ils amenés à disparaître, oui ou non, après l’échéance de 2020 ? Vont-ils être préservés dans certaines zones rurales, dans certaines zones littorales, dans certaines zones de montagne où il y a des lieux touristiques, de fortes disparités et des spécificités qu’il n’est pas nécessaire de rappeler ? Sur ces questions, nous avons assisté, en l’espace de quelques mois, à de nombreux revirements voire à des reniements sans que nous n’ayons à ce jour davantage de réponses claires et précises.

Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République manque également cruellement d’ambition pour nos territoires. Il souffre notamment de l’absence de réels objectifs quant aux principes de compétences, de gestion mutualisée, de subsidiarité et de complémentarité entre les communes et les intercommunalités.

Concernant le relèvement du seuil démographique des intercommunalités de 5 000 à 20 000 habitants, la vision que vous défendez est totalement déconnectée des réalités de nos territoires.

Si des dérogations pour les zones de montagne et les zones à faible densité de population ont été réintroduites dans le texte en commission, la formulation actuelle du projet de loi laisse cependant penser que ce seuil peut simplement être adapté dans ces territoires, la dérogation n’étant de ce fait pas de droit et pour le moins très compliquée si l’on en croit les débats que nous avons eus en commission.

Or une telle rédaction laisse une latitude trop grande au préfet qui pourra ainsi proposer, seul, d’appliquer ou non la dérogation pour les zones de montagne, la commission départementale de la coopération intercommunale – et c’est un rapporteur de CDCI qui vous parle – devant par la suite réunir une majorité des deux tiers pour s’opposer à cet avis.

Je vous pose solennellement la question, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État : est-ce que l’esprit de Chambéry va souffler sur nos débats ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Absolument.

M. Martial Saddier. Je rappellerai vos propos, madame la ministre, ainsi que ceux de M. le secrétaire d’État, qui est un montagnard, lorsque l’un et l’autre, vous vous êtes exprimés à Chambéry devant les élus de la montagne. Le Premier ministre, alors présent, a réaffirmé que « l’intercommunalité, c’est un moyen de favoriser les mutualisations et de faire émerger de nouveaux projets. Nous avons prévu un seuil minimal d’habitants pour les intercommunalités, mais ce principe sera adapté aux spécificités des territoires de montagne. »

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Tout à fait.

M. Martial Saddier. Il est donc impératif, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, d’inscrire explicitement dans le projet de loi NOTRe la dérogation d’abaissement du seuil pour les EPCI situés en zone de montagne ou à faible densité de population. Elle ne doit souffrir d’aucune ambiguïté. Dans les zones de montagne, elle doit être de droit, conformément à l’esprit de la « loi montagne » de 1985.

J’avais fait remarquer – et le président de la commission des lois m’avait soutenu, ce dont je le remercie – que nous ne pourrons pas respecter les délais d’adoption des schémas au 31 décembre 2015 compte tenu du délai d’adoption de la loi NOTRe.

Par ailleurs, je suis particulièrement favorable à l’inscription dans le texte d’un « temps de repos ». Je pense notamment aux derniers EPCI qui se sont créés. Certains EPCI ont été créés il y a un an et n’ont toujours pas défini leur intérêt communautaire. Laissons-leur temps de définir leur intérêt communautaire avant de leur demander de fusionner.

S’agissant des schémas départementaux de coopération intercommunale, les SDCI, n’inscrivons pas les communes nouvelles dans le schéma – et je m’exprime devant Jacques Pélissard qui, avec l’AMF, en est à l’origine. Laissons toute sa place au volontariat. Laissons faire les maires et les conseils municipaux. En outre, l’élection au suffrage universel direct en 2020 des délégués communautaires m’inquiète beaucoup. Que vous le vouliez ou non, cela conduira à la suppression des communes nouvelles, et des communes en général.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la France, dans la situation dans laquelle elle se trouve, a intérêt à faire confiance aux élus locaux et aux territoires de notre belle République. Donnez-leur une réelle ambition. Faites-leur tout simplement confiance. C’était le message que je souhaitais faire passer ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Dessus.

Mme Sophie Dessus. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, à bien réfléchir, la réforme territoriale ne devrait pas susciter tant d’inquiétudes, n’ayant vraiment rien de révolutionnaire.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ah non !

M. Jean-Marie Sermier. C’est bien le problème !

Mme Sophie Dessus. Redéfinir frontières et compétences de nos territoires n’est jamais qu’une histoire dans notre longue histoire.

Souvenez-vous : jusqu’à l’arrivée de l’automobile dans nos campagnes, la limite de ce que nous appelons aujourd’hui doctement les bassins de vie, c’était la distance qu’un homme était capable de parcourir en sabots, pour aller au bal du samedi soir se chercher une promise…

Et ce n’est qu’il y a 200 ans, avec les révolutionnaires, puis Napoléon avec sa vision cavalière de l’aménagement du territoire, que l’on décida que la limite d’un département ne devait pas être à plus d’une journée de cheval de la ville préfecture.

M. Serge Grouard. Cela date de la Révolution.

Mme Sophie Dessus. C’est ce que j’ai dit.

Alors, qu’au XXIe siècle, siècle des TGV, des Rafale et d’Ariane, il nous faille quatre heures, cinq heures maximum, pour traverser une région, semble rester dans l’ordre du raisonnable. Et surtout, cela va nous permettre de trouver l’équilibre entre l’indispensable rayonnement de notre pays et la nécessaire proximité avec les citoyens.

Aujourd’hui, il s’agit donc pour nous de définir les compétences et les pouvoirs de collectivités qui se superposent et parfois se concurrencent, et cela au détriment d’un développement économique plus efficace et rationnel, de la solidarité et de l’égalité que nous avons à assurer à chaque citoyen, où qu’il soit avec la volonté de mutualiser les dépenses, chaque fois que cela représente une source d’économie.

De même que dans la grande région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, nous sommes à la confluence de la Dordogne et de la Garonne, c’est à la confluence entre régionalistes et départementalistes, dans un esprit de convergence, que nous pouvons nous situer, afin de gommer les clivages.

Aussi, je dis oui aux régions, en ce qui concerne la compétence économique : à un moment où il faut de la clarté et savoir qui fait quoi,…

M. Hervé Gaymard. On en est loin !

Mme Sophie Dessus. …à un moment où il faut simplifier règles et normes, à un moment où il faut gagner la bataille pour l’emploi, et quand toutes les collectivités interviennent dans tous les domaines, alors trop d’interventions tuent l’intervention !

Je dis oui aux régions pour l’accompagnement vers l’emploi, ou son expérimentation ; les 3,5 millions de chômeurs attendent de nous efficacité et réactivité.

Je dis oui aux départements pour qu’ils gardent les compétences en matière de collèges au nom de la proximité et plus précisément du bloc de proximité que forment l’école et le collège, les régions ayant à se positionner sur le couple lycée-université, ce qui ne doit pas empêcher de mutualiser la gestion des cités scolaires, entre départements et régions.

Je dis oui aux départements pour qu’ils gardent la compétence routière.

M. Hervé Gaymard et M. Jean-Marie Sermier. Très bien.

Mme Sophie Dessus. Ils ont un savoir-faire, que ne peuvent avoir les régions, qui n’ont jamais eu de routes à gérer. Et si jamais Alain Rousset venait à me dire, un peu inquiet : « Je ne vois vraiment pas comment, depuis Bordeaux, je peux déneiger les routes de ta Haute Corrèze », je ne m’en offusquerai pas forcément. (Sourires.)

Je dis oui aux régions pour le transport aérien, ferroviaire, naval, et même, pourquoi pas, scolaire, quitte à ce qu’il puisse y avoir pour ce dernier un mécanisme de délégation aux départements et intercommunalités, qui permettrait une organisation rationnelle, et un soutien à nos petites entreprises locales.

Je dis oui à des intercommunalités, territoires de projet, avec un seuil de 20 000 habitants, s’il y a la possibilité d’y déroger en fonction de la démographie et de la topographie, mais avec un plancher de 5 000 habitants.

Par contre, je m’interroge sur une nouvelle modification du mode d’élection des conseillers communautaires. Le fléchage semblait avoir résolu le problème et répondre à la démocratie. Aussi, attention à ce que cela ne soit pas la cause d’une obsolescence programmée des communes, dernier bastion qui préserve les valeurs de la République, dernier rempart contre l’obscurantisme.

M. Jacques Pélissard. Bien sûr.

M. Martial Saddier. C’est évident.

Mme Sophie Dessus. Je dis oui à la culture et au sport partagés. Ils sont l’école du vivre ensemble, de la cohésion sociale, de la citoyenneté, et doivent être assurés partout et pour tous.

Je dis oui au maintien des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, les CAUE, dans les départements, et dans tous les départements, afin qu’ils puissent continuer à exercer leur rôle premier de formation et de sensibilisation, et j’ajouterai même de garde-fous, maintenant que nous avons confié l’instruction des documents d’urbanisme aux EPCI.

Oui, enfin, aux régions, sur l’aspect financier, qui préconisent des transferts de fiscalité plutôt que des compensations à partir des dépenses des départements. La logique pourrait être simple : à compétence économique, fiscalité économique. Mais si ce raisonnement ne pouvait pas être retenu, alors oui au département qui préconise que la période de référence pour les compensations versées par les départements ne soit pas de dix ans, comme prévu, mais de cinq ans. Dix ans, c’est très long.

Ayant épuisé mon temps de parole, je m’arrête, consciente que ma proposition pour une nécessaire convergence peut s’apparenter, aux yeux de certains, à une recherche de synthèse. Mais, que voulez-vous, quand on est députée de Corrèze, terre des Présidents, la synthèse, c’est évident et naturel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Laurent Furst. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Calmette.

M. Alain Calmette. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, supprimer un niveau de collectivité dans l’organisation territoriale de notre République, ce n’est pas encore pour cette fois-ci.

Je dois dire pourtant que l’idée de supprimer un échelon, celui du département, pour faire évoluer l’organisation territoriale du pays autour de deux niveaux très renforcés, à savoir, la région d’une part et l’intercommunalité d’autre part, me semblait une belle perspective de simplification, de clarification, d’économies et, pour tout dire, d’efficacité de l’action publique.

Substituer, au rapport souvent de dépendance des communes vis-à-vis des départements à l’œuvre depuis plus de deux siècles, une coopération réciproque et une complémentarité entre intercommunalités renforcées et régions puissantes me paraissait une vision beaucoup plus adaptée à l’évolution de la société, des flux économiques et sociaux, des comportements de nos concitoyens.

Cette ambition est donc abandonnée. Provisoirement ou définitivement, je ne sais pas.

M. Serge Grouard. Cela fait vingt ans qu’elle est abandonnée !

M. Alain Calmette. Il existe au moins trois raisons à cela. D’abord, la Constitution, puisque cela aurait nécessité une révision constitutionnelle. Ensuite, les réticences des élus de tous bords, quelquefois par corporatisme, souvent par conviction, inquiets qu’ils sont, surtout en milieu rural et j’y reviendrai, d’une métropolisation accentuée laissant de côté des territoires livrés à eux-mêmes.

Enfin, dernière raison, le temps d’avance, la précocité d’une telle évolution dont les préalables ne sont aujourd’hui pas réunis. En effet, si le renforcement de la taille et des compétences des régions est en cours, celui des intercommunalités n’en est qu’à ses balbutiements.

De ce point de vue, d’ailleurs, je salue l’initiative de la commission des lois qui a rétabli le seuil minimum à 20 000 habitants, tout en l’adaptant pour des territoires peu denses ou de montagne. Pour ces derniers, je souhaite que l’on puisse fixer un seuil, à 5 000 habitants, en dessous duquel, je crains que le statu quo ne perdure et en dessous duquel, il est difficile de concevoir une intercommunalité de projets et de développement.

Réforme constitutionnelle nécessaire, réticences des élus, intercommunalités pas encore prêtes et à qui il faut donner le temps de s’organiser : le Gouvernement a donc eu la sagesse de temporiser et de présenter un texte qui conserve tous les niveaux avec en particulier l’ambition de clarifier qui fait quoi. Trouver un point d’équilibre entre l’ambition modérée du texte présenté finalement par le Gouvernement et la position très frileuse du Sénat en première lecture, voilà l’exercice que nous devons tenter de mener à bien durant ces prochains jours.

Pour en revenir à la ruralité, il est vrai que le sentiment de relégation est fort. Je dirai d’abord qu’il préexistait à cette réforme et que si le maintien de l’organisation actuelle était le rempart absolu contre ce sentiment et le vecteur d’une ruralité épanouie et sans inquiétude, cela se saurait.

Mais ce sentiment existe. Il nourrit le vote extrême et il faut que le Gouvernement en prenne conscience et en tienne compte. Il existe en particulier dans les territoires ruraux que j’appelle les espaces interstitiels, ceux qui sont loin de toute métropole et échappent à tout effet d’entraînement, ceux qui cumulent, en plus, déprise démographique et enclavement. C’est le cas de mon département, le Cantal.

À l’heure de la loi relative à l’affirmation des métropoles, de celle relative au renforcement des régions, il conviendra de prendre des mesures spécifiques, voire de légiférer sur ces espaces interstitiels qui ont besoin de la solidarité nationale et de la solidarité régionale.

La solidarité nationale peut passer par un État départemental renforcé, la solidarité régionale doit être une obligation imposée aux régions, auxquelles il faut donner un rôle majeur en matière de cohésion et d’équilibre des territoires qui les composent.

J’espère que le prochain comité interministériel à l’égalité des territoires consacré à la ruralité, annoncé en mars, sera l’occasion d’avancer concrètement vers une prise en compte spécifique et forte des difficultés particulières de ces territoires, que ce soit au niveau de l’accès aux services, de la santé, de l’éducation ou encore de la profusion et de l’inadaptation des normes.

Cette loi, qui doit être, je l’ai dit, un texte de consensus, un point d’étape dans la rénovation de notre organisation territoriale, va dans le bon sens en clarifiant, dans l’équilibre, les compétences respectives des intercommunalités, des départements, des régions et des métropoles.

Si l’avancement des adaptations nécessaires pour les métropoles et les régions semble être largement accompli, il n’en est pas encore de même pour les départements et le bloc communal, pour lesquels quelques années sont nécessaires pour faire évoluer et stabiliser les choses, avant d’aller plus loin.

En attendant, après la loi MAPTAM, celle relative à la délimitation des régions et avec le texte d’aujourd’hui, je crois que nous façonnons de manière irréversible l’organisation territoriale de la République et que nous faisons collectivement œuvre utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis vient malheureusement confirmer l’absence totale de cap du Gouvernement quant à l’avenir de nos territoires. Ce texte, c’est d’abord celui des reniements et des contradictions. Il supprime la clause de compétence générale des départements et des régions après l’avoir rétablie par la loi du 27 janvier 2014.

Bref, ce texte refait ce que le Gouvernement avait défait. Où est la lisibilité pour nos concitoyens ? De même, après que le Premier ministre eut annoncé dans son discours de politique générale la suppression des départements, il a admis, sept mois plus tard, à Pau, que notre pays « a besoin de cet échelon intermédiaire ». Dès lors, votre projet de loi s’inscrit naturellement dans la continuité de la confusion, avec un étrange entre-deux : d’un côté, on retire au département des compétences telles que la voirie départementale mais, de l’autre, on lui en confie de nouvelles, avec notamment l’assistance technique aux communes, qui vient pallier le dramatique désengagement de l’État.

Le tout se fait en pleine campagne électorale, pendant les élections départementales : 4 128 conseillers départementaux seront élus en France les 22 et 29 mars prochains sans connaître de façon certaine leur mission et leurs attributions.

M. Martial Saddier. Absolument !

M. Jean-Marie Sermier. Cette situation ubuesque et inédite révèle à la fois l’amateurisme du Gouvernement dans sa façon de réformer le pays, son absence de vision pour l’organisation de nos territoires et, pour tout dire, un certain mépris des élus locaux.

Le projet de loi qui nous est soumis fait de victimes : les communes, qui sont pourtant l’unité territoriale de base de notre pays, et la ruralité, qui sortira considérablement affaiblie de l’examen de ce texte.

M. Martial Saddier. Il a raison !

M. Jean-Marie Sermier. Je voudrais évoquer plus particulièrement deux points essentiels. Tout d’abord, le texte cherche à affaiblir les communes pour privilégier le fait intercommunal. La restriction de la minorité de blocage dont disposent les communes pour refuser, par exemple, le transfert de PLU à l’intercommunalité est une bonne illustration. Je suis personnellement favorable au PLUI,…

Mme Nathalie Appéré. Quelle cohérence !

M. Jean-Marie Sermier. …mais cela ne peut se faire, comme vous le prévoyez, en privant automatiquement les petites communes de leurs compétences en matière d’urbanisme.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, laissez les maires et les conseillers municipaux décider par eux-mêmes ! Faites confiance aux élus locaux.

M. Martial Saddier. Tout à fait !

M. Jean-Marie Sermier. Ensuite, le fait de prévoir l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct traduit tout simplement la volonté d’écarter les communes de la vie intercommunale. Le système de fléchage, mis en place pour la première fois à l’occasion des élections municipales de mars 2014, a pourtant donné satisfaction ; on a su trouver un bon équilibre tout en conférant une légitimité démocratique aux conseillers communautaires.

Le Gouvernement a tort d’affaiblir la commune. Dans un environnement anxiogène, dans un monde en mouvement, dans une société de plus en plus globalisée, la commune est un repère pour un très grand nombre de nos concitoyens. Elle suscite un sentiment d’appartenance fort, qu’on ne retrouve à aucun échelon national, sauf peut-être au niveau de notre pays.

En outre, les 560 000 conseillers municipaux de France, dont l’immense majorité ne sont pas indemnisés, sont les premiers des bénévoles de la République.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ça, c’est vrai !

M. Jean-Marie Sermier. Ils ont un rôle fondamental dans le lien social et dans le vivre ensemble.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, la deuxième erreur de votre texte consiste à méconnaître la ruralité. Affaiblir le département comme vous le faites au profit de la région, c’est oublier que tous les départements n’ont pas une grande ville sur leur territoire et que, parfois, la capitale régionale est à plusieurs heures de route du chef-lieu de département, a fortiori avec de grandes régions, comme chez nous en Bourgogne et Franche-Comté. Dans un département comme le Jura, la commune chef-lieu, Lons-le-Saunier, a moins de 20 000 habitants et 527 communes en comptent moins de 2 000.

Dans ce monde rural, le conseiller général n’était alors pas une administration de plus ; c’était un interlocuteur privilégié des communes, un facilitateur, un acteur majeur de l’aménagement du territoire. Retirer aux conseils généraux la gestion de la voirie, par exemple, c’est évidemment complexifier les décisions que l’on peut prendre.

Enfin, un autre coup bas porté à la ruralité, et non des moindres, est la volonté de relever la taille minimale d’une intercommunalité de 5 000 à 20 000 habitants. D’abord, le principe même d’une nouvelle refonte de la carte intercommunale est insupportable. Nous venons seulement, après des mois de négociations, et souvent des crispations, d’achever cette dernière réforme. Les nouveaux exécutifs intercommunaux viennent d’être élus et, déjà, vous remettez tout en cause. Vous voudriez que, dès le 31 décembre prochain, les préfets arrêtent de nouveaux schémas interdépartementaux de coopération intercommunale. Laissez le temps aux élus locaux !

M. Martial Saddier. Exactement !

M. Jean-Marie Sermier. À vouloir la création de communautés de communes trop vastes, vous contribuerez à relancer la création de solidarités bilatérales entre quelques communes seulement, souvent sur le dos des plus petites et des plus pauvres. Nous verrons bientôt renaître les syndicats intercommunaux que vous souhaitiez faire disparaître.

La ruralité, nous devons tous ensemble l’encourager, la soutenir et, par-dessus tout, croire en elle. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Carlos Da Silva.

M. Carlos Da Silva. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la réforme territoriale est au cœur de ce quinquennat.

Depuis 2012, madame la ministre, vous êtes venue plusieurs fois devant cet hémicycle avec vos collègues de l’intérieur. Métropole, nouvelle délimitation des régions, élections départementales enfin paritaires, non-cumul des mandats : depuis 2012, nous avons fait davantage qu’au cours des vingt dernières années. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Annie Genevard. Pour détruire, oui !

M. Carlos Da Silva. Je veux saluer la constance et la ténacité dont vous avez fait preuve et vous redire ma confiance pour parachever cette réforme, avec pour objectif la clarté, l’efficacité et la transparence, pendant que nos collègues de droite s’époumonent, depuis 2012, avec un unique sujet : le retour au conseiller territorial.

M. Laurent Furst. Très bonne idée ! Bravo !

M. Carlos Da Silva. Avec ce projet de loi, nous commençons enfin à faire le ménage dans une organisation trop compliquée,…

M. Éric Straumann. Ce sont les Français qui vont faire le ménage : ils vont vous sortir !

M. Carlos Da Silva. …éparpillée, tout simplement incompréhensible pour nos concitoyens.

Cela passe par une répartition plus claire des compétences entre collectivités, pour que chacun sache qui est responsable, qui décide, qui finance, pour que chacun sache à qui s’adresser sans crainte, comme c’est aujourd’hui le cas, d’être baladé d’une administration à une autre.

Cette articulation repensée entre les collectivités se traduira très concrètement par une plus grande qualité de service public et par plus d’efficacité dans la façon de mener nos politiques publiques dans tous les territoires, urbains ou ruraux.

Le temps qui nous est alloué en discussion générale ne permet pas chacun d’embrasser tous les sujets. Aussi limiterai-je mon propos à deux d’entre eux.

Je veux tout d’abord appeler votre attention sur la métropole du Grand Paris. Elle continue certes à faire débat mais, madame la ministre, prenons une fois pour toutes nos responsabilités et ayons le courage d’aller au bout de ce qui est déjà enclenché. Les Franciliennes et les Franciliens ne nous ont pas attendus pour vivre ce Grand Paris au quotidien. Sortons de ces interminables querelles institutionnelles que détestent nos concitoyens.

Oui, cette métropole devra composer avec ce territoire extrêmement divers et composite qu’est le cœur francilien. C’est peut-être une de ces faiblesses, mais c’est surtout ce qui fait sa grande force. Elle sera nécessairement solidaire, car c’est sa raison d’être.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Carlos Da Silva. Pour faire cesser des inégalités toujours criantes, en petite comme en grande couronne, que ce soit pour trouver un logement abordable ou pour sortir de la galère des transports, elle doit être dotée de compétences fortes, car c’est le seul moyen pour qu’elle soit attractive.

Madame la ministre, respectons les élus locaux,…

M. Laurent Furst et M. Éric Straumann. Bravo !

M. Carlos Da Silva. …mais ne déshonorons pas le Parlement et son ambition initiale. Ne tolérons pas une métropole faible, des intercommunalités qui ségrèguent, qui ghettoïsent – oui, qui ghettoïsent ! Ou cette métropole sera forte, ou elle ne sera pas. Cette métropole sera le moteur de toute l’Île-de-France, mais aussi de toute la France. Il appartient au Parlement de ne pas céder aux égoïsmes locaux qui alimentent toujours et encore l’apartheid territorial et social qui sévit dans notre région. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Un autre sujet, largement délaissé, trouve parfaitement sa place en ce projet de loi : les syndicats intercommunaux. Au 1er janvier 2014, il en existait encore 13 392, pour un budget de 17,8 milliards d’euros et avec 65 000 agents, soit plus du tiers des agents intercommunaux, dans les domaines de l’eau, des déchets, de l’électricité et du gaz. Rien qu’en Île-de-France, on en dénombre près de 600, alors même que le Gouvernement demande 11 milliards d’euros d’économies aux collectivités territoriales – et je soutiens cet effort.

Il n’est pas acceptable de laisser perdurer un enchevêtrement aussi complexe. Ce bloc est largement invisible pour nos concitoyennes et nos concitoyens. Il est souvent inopérant et très coûteux.

Soyons précis : ce ne sont pas les agents que nous mettons en cause, mais bien les structures dans lesquelles ils opèrent. Il faut des efforts, mais ces syndicats aussi doivent en fournir. La rationalisation ne peut être un vain mot. Les avancées sont déjà concrètes dans la loi, mais j’ai la certitude que nous pouvons aller plus loin. C’est la raison pour laquelle, avec Mme Estelle Grelier et certains de nos collègues, nous déposons plusieurs amendements pour remettre de l’ordre dans ce bazar, qui est une honte pour la République. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Au moment où nous demandons de la transparence et de la clarté, où nous faisons voter le non-cumul des mandats, cette situation ne peut perdurer. Je ne doute pas, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que ces amendements pour une métropole plus forte et intégrée, mais aussi pour faire des économies, mettre de l’ordre et rendre l’organisation territoriale plus transparente, rencontreront chez vous un écho favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Je commencerai par une réflexion générale, que vous m’excuserez peut-être d’avoir faite : si M. Vallini et moi-même alignions, par famille politique, toutes les propositions formulées dans les interventions que nous venons d’entendre, nous serions incapables de faire une loi d’une grande simplicité.

M. Éric Straumann. Si : la loi Macron !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. En effet, les uns et les autres défendent divers aspects mais, comme je l’ai dit au début de nos débats, la situation actuelle nous interroge. Comme l’ont souligné MM. Da Silva et Le Bouillonnec, en particulier à propos de la métropole du Grand Paris, elle n’est pas acceptable.

M. Éric Straumann. Et en Alsace ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. La grande fracture territoriale que nous observons nous interpelle, parce que des poches de pauvreté côtoient des poches de richesse et qu’on ne peut jamais se poser la question de savoir pourquoi. La situation n’est pas acceptable, parce que les syndicats intercommunaux sont beaucoup trop nombreux.

Je répondrai aux interventions dans l’ordre inverse de celui dans lequel elles ont été faites, sans citer leurs auteurs. Je salue d’abord le courage des deux intervenants qui se sont exprimés sur la métropole. Je lisais dans une presse bien connue qu’il ne fallait plus faire la métropole, parce qu’elle n’avait plus assez de compétences ni de moyens. Or, ce sont ceux qui ont enlevé à la fois les compétences et les moyens qui se plaignent aujourd’hui de leur insuffisance. Il faut être en accord avec soi-même !

Je serai attentive à ce qui sera proposé pour les métropoles du Grand Paris, comme j’ai été attentive à la construction de la métropole de Lyon ou à celle d’Aix-Marseille-Provence.

Concernant les communes, vous disiez que certaines n’ont pas de moyens et seront perdues dans des intercommunalités trop fortes, en prenant l’exemple du PLU. Aujourd’hui, certaines communes n’ont aucune ingénierie, aucune possibilité de maîtriser leur foncier, aucun document d’urbanisme et en sont d’ailleurs à l’application du règlement national d’urbanisme – le RNU.

Nous sommes parvenus à un moment de notre histoire où continuer à dire que ces communes doivent être respectées en tant que telles et que l’intercommunalité ne doit pas intervenir de façon un peu plus « imposée », pour reprendre le mot que vous avez utilisé, ce n’est pas leur rendre service, car ces communes ont des habitants, lesquels ont besoin de moyens.

Si l’on poursuivait dans ce sens, certains territoires de France, en particulier ruraux, connaîtraient des difficultés croissantes. Ce n’est pas défendre ces territoires que de demander qu’ils soient « épargnés » par l’intercommunalité au motif qu’ils sont ruraux. Ayant la grande chance d’habiter un territoire rural, je témoigne que c’est précisément parce qu’il bénéficiait d’une intercommunalité forte qu’il a pu apporter certains éléments de développement à la population.

Ne condamnons pas les communes rurales, au prétexte qu’elles ne pourraient pas bâtir des intercommunalités, ce qui, au demeurant, n’est pas exact.

Quant aux dérogations, monsieur Saddier, l’état d’esprit du congrès de Chambéry était précisément de les refuser. Le Gouvernement a entendu l’Association nationale des élus de la montagne, dont les membres ne veulent plus de dérogations, mais des adaptations. Le texte initial, et celui issu de la commission des lois, contiennent ces adaptations. Nous avons tenu parole !

M. Martial Saddier. Il faut qu’elles soient de droit !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Elles le sont, puisqu’elles figurent dans le texte de loi. La loi ne génère-t-elle pas le droit ?

M. Martial Saddier. Il faut enlever les mots : « peut être » !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Les adaptations sont possibles. Ce qui fait débat, c’est la question du plancher : faut-il le fixer à 5 000 habitants ? Doit-on au contraire laisser certaines intercommunalités de 1 500 habitants vivre – ou plutôt survivre ? La question est posée ; nous pouvons en discuter.

Je fais confiance aux élus de ces territoires.

M. Martial Saddier. Justement !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous qui avez évoqué l’esprit de Chambéry, rappelez-vous comme certains se sont opposés sur des constructions. Dans les couloirs du congrès se dessinaient certaines intercommunalités du Béarn ou des Alpes ! Allons, nous y arriverons !

M. Martial Saddier. La montagne vous tend les bras, madame la ministre !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il faut simplement relire le texte issu de la commission des lois, que le Gouvernement proposera d’amender sur quelques points. Il a fait l’objet de longues discussions – ce dont le président de la commission s’est félicité – et nous échangerons encore.

Mais attention ! À force de dire que le respect des communes est l’alpha et l’oméga de l’aménagement du territoire, certaines d’entre elles risquent d’être abandonnées.

Les positions peuvent être très différentes. Vous avez été courageux, monsieur Grouard.

M. Serge Grouard. D’ailleurs, j’ai été peu applaudi !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous avez osé dire que vous n’étiez pas d’accord, que vous souhaitiez ne conserver que deux strates. Vous avez fait preuve de courage, mais vos collègues ne vous ont pas suivi.

M. Serge Grouard. Personne !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Continuons, autour des propos de M. Grouard, à parler d’économie, de mutualisation, de rationalisation, d’efficacité.

M. Martial Saddier. Orléans, que je sache, ne se situe pas en zone de montagne !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Si nous acceptons de parler de clarté, de cohérence, si nous faisons preuve de courage, nous allons y arriver ! Encore faudra-t-il beaucoup – j’ose le mot – de bonne foi.

Vous avez demandé une vraie rupture. Alain Rousset est partant. Ainsi, il est proposé de rationaliser les compétences des régions. Mais il faut être prudent : gardons-nous, au fur et à mesure que nous essayons de rationaliser les compétences – ce qui va de pair avec la suppression de la clause de compétence générale –, par exemple en affirmant que le développement économique est de la compétence de la région, de préciser dans la loi – et même de le redire, car c’est déjà le droit depuis la loi MAPTAM – que telle ou telle délégation de compétence sera tout de même possible, par convention ou par accord. Ce faisant, on démantèle l’idée même de clause de compétence générale. On ne peut à la fois exiger la clarté et accepter le retour de propositions qui vont à l’encontre de cette exigence.

Je vous demande pardon de prendre du temps pour répondre, madame la présidente. Vous-même avez posé de bonnes questions. Le Gouvernement s’est engagé à ce que les contrats de projets État-région, dans le cadre des grandes régions, soient strictement respectés. Mais vous avez eu raison de citer le cas de ces collectivités qui perdent leur statut de siège du conseil régional. M. Apparu avait soulevé la question en commission et vous êtes nombreux ce soir, avec Michel Piron, Nathalie Appéré, Estelle Grelier notamment, à demander ce qu’il va advenir des services de l’État. J’ai la même inquiétude. On ne peut enlever à une ville tout à la fois le siège du conseil régional, de la préfecture de région, de l’agence régionale de la santé et du rectorat.

La feuille de route du Premier ministre est claire : il faut réussir à trouver un équilibre et faire déménager le moins possible les services de l’État. Nous ne souhaitons pas imposer une mobilité et reloger des fonctionnaires dans une capitale régionale éloignée, alors même qu’ils auront la possibilité soit de se déplacer soit d’utiliser les nouveaux outils, comme la visioconférence, pour travailler ensemble sur des sites différents. Dans le schéma de préfiguration de Bourgogne-Franche-Comté, le Président de la République a initié l’idée selon laquelle le siège de l’ARS ne se trouverait pas nécessairement dans la même ville que celui du rectorat.

C’est la moindre des choses que de proposer le statut de communauté urbaine pour les villes qui perdent un siège de conseil régional et donc un certain statut. C’est là une question de solidarité nationale. Le président de la commission des lois et le rapporteur ont tenu à insister sur ce point. Nous sommes un certain nombre à habiter des régions où nous n’avons pas à vivre cette situation, ce qui nous rend plus attentifs aux autres encore.

Plusieurs députés ont évoqué le caractère prescriptif des schémas. Il convient de rappeler qu’il existait au moins une dizaine de schémas par région. Ceux-ci ne s’opposaient à personne et finissaient dans les tiroirs… un peu comme les rapports qu’affectionne la commission des lois de cette assemblée. Puisque des compétences importantes, en matière de développement économique et de mobilité, sont confiées aux régions, deux schémas seulement s’opposent. J’entends ici ou là dire que l’autonomie des collectivités territoriales ne serait pas respectée. Mais quelle est l’autonomie des collectivités qui mettraient un pôle gare dans leur PLU ou dans leur SCOT, alors que la région n’a aucunement l’intention d’y installer une plate-forme de mobilité ?

Il est de bonne rationalisation, de bonne clarté, que d’avoir dans chaque collectivité territoriale le schéma de ce que fera la région pour s’y adapter et, peut-être y participer. La conférence territoriale de l’action publique, que réclame tant le président de l’ARF, sera précisément le lieu où l’on pourra discuter de ces petits ajustements entre régions, métropoles, villes et intercommunalités. Je n’y vois pas d’inconvénient, à condition que tous acceptent de « jouer le jeu ».

S’agissant du pouvoir réglementaire des régions, je pensais avoir précisé en commission la position du Gouvernement. Il n’y est pas opposé, et a même répondu favorablement à la collectivité territoriale de Corse, sur la question des mouillages dans les parcs marins ou de la création de l’assemblée unique. Mais cela appelle l’attention des parlementaires, car il faudra désormais que chaque loi prévoie précisément ce qui est adaptable par les régions et ce qui ne l’est pas.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est là que résidera toute la difficulté de l’exercice : des lois sans doute plus courtes, mais très précises quant aux adaptations possibles.

L’on me dit qu’il faudrait se servir de l’expérimentation, telle que la prévoit la Constitution. J’ai rappelé en commission que l’expérimentation oblige le Gouvernement : si elle donne de bons résultats au bout de cinq ans, elle est imposée à l’ensemble des régions. C’est la raison pour laquelle nous préférons les délégations expérimentales de compétence, qui nous permettent de nous adapter à toutes les régions.

J’en viens aux départements. Je crois profondément, comme le Président de la République, le Premier ministre et beaucoup d’intervenants ce soir, que la situation actuelle n’est pas bonne.

M. Éric Straumann. Elle s’est beaucoup dégradée depuis deux ans !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous en sommes collectivement responsables, et depuis longtemps, mais prenons garde aux réflexions de fin de soirée dans l’hémicycle… (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

Si tout allait bien dans ce pays en matière d’organisation territoriale et de développement économique, il n’y aurait pas de fractures territoriales. Il n’y aurait pas de grandes inégalités, des intercommunalités qui souffrent d’absences de moyens et d’autres qui font des provisions, avec des communes qui affichent zéro emprunt, une faible pression fiscale et une situation très enviable.

Si les départements avaient répondu à toutes les questions de proximité, il n’y aurait pas de sentiment d’abandon.

M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis. L’abandon vient aussi de l’État !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous avez raison, monsieur le rapporteur pour avis. L’État s’est sans doute rendu responsable en fermant tel ou tel service public,…

Mme Jeanine Dubié. Par exemple les hôpitaux !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …comme il le reconnaît d’ailleurs, par la voix même du Premier ministre, lequel a dit refuser toute réforme de type RÉATE, qui concentrerait tout au niveau régional et abandonnerait les territoires, mais au contraire vouloir restaurer la présence de l’État sur les territoires. Toutefois, cela ne suffit pas pour répondre au sentiment d’abandon.

Le rôle du département fait débat, c’est vrai. J’estime qu’il y a quelque chose de magnifique – j’allais dire : de « socialiste » – à répondre à la solidarité. La France est l’un des seuls pays européens, et peut-être du monde…

M. Jean-Marie Sermier. À tuer les régions !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …à avoir un système de solidarité qui tienne le coup et qui n’abandonne personne sur le bord du chemin. Nous voudrions même qu’il soit fait davantage sur l’aide sur l’allocation personnalisée d’autonomie, sur la prestation de compensation du handicap, sur l’organisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, sur les centres médico-sociaux, sur l’aide sociale à l’enfance. La France est l’un des seuls pays à pouvoir tenir ce langage, et c’est aux départements que nous confions cette responsabilité – sans doute l’une des plus extraordinaires qu’un élu local puisse exercer.

M. Jean-Marie Sermier. Avec quels moyens ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’ai entendu sur tous les bancs poser la question de la solidarité territoriale à l’égard des communes rurales ou des intercommunalités qui ont besoin de soutien ou d’ingénierie. On peut très bien répondre à ce grand enjeu qu’est l’inégalité des territoires au niveau du département. C’est ce qui a conduit le Premier ministre à indiquer que nous nous donnions cinq ans pour analyser, avec le Parlement, les conséquences de cette réforme. Nous verrons si le schéma fonctionne, sans clause de compétence générale, mais avec des compétences fortes en matière de développement économique et de solidarité, ou s’il faut le revoir.

Nombreux sont les orateurs qui ont souligné que l’examen de ce texte commençait juste avant les élections départementales. Mais cela n’a pas choqué grand monde à l’UMP que la réforme territoriale de 2004 ait été examinée en première lecture avant les élections ! Certes, j’aurais souhaité que nous allions plus vite, mais il faut respecter le temps parlementaire, qui invite parfois à plus de lenteur.

M. Martial Saddier. Quelle sera la date limite d’adoption du schéma ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous y reviendrons. Je pense que beaucoup de collectivités territoriales sont prêtes. Je pense aussi que le seuil des 20 000 habitants est un chiffon rouge que l’on agite. Il existe peu de territoires, en dehors des zones rurales et de montagne, où ce seuil pose problème. Il faut plutôt se poser la question des intercommunalités qui viennent de se créer et qui approchent de ce plancher. Le rapporteur a parlé à leur sujet de « repos ». Mais attention à ne pas prendre prétexte de ce repos pour garder trop longtemps des collectivités qui n’auront jamais les moyens de rendre service à leurs habitants et de participer au redressement du pays !

Nous avons une responsabilité collective. Nous ne bâtirons pas des métropoles en concurrence – c’est la stratégie de Lisbonne – et nous ne mettrons pas tout dans les territoires urbains. Nous croyons au contraire que chaque territoire peut et doit participer au redressement de ce pays. Si nous n’y prenons pas garde, si nous n’avançons pas ensemble, si nous ne rationalisons pas les compétences, si nous ne répartissons pas les moyens, si nous ne mutualisons pas, si nous ne répondons pas au problème du chômage, nous aurons sans doute raté une occasion. J’espère que ce ne sera pas le cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. Jean Jacques Vlody.

M. Jean Jacques Vlody. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, chers collègues rapporteurs, le sujet était bien nommé puisque nous parlions d’adaptabilité. Le projet de loi que nous examinons représente, nous le savons, un nouvel équilibre territorial, une recomposition du fonctionnement de nos territoires. Sur plusieurs aspects, les territoires ultramarins sont avant-gardistes puisque nombre de mesures de ce projet de loi sont des réalités depuis longtemps chez nous, qu’il s’agisse de ce débat qui m’amuse autour des intercommunalités – elles comptent en moyenne 160 000 habitants à La Réunion – ou de l’opposabilité du schéma d’aménagement régional, qui fonctionne très bien depuis vingt ans.

C’est sur un autre point que le projet de loi NOTRe revêt un caractère particulier à La Réunion et sur lequel je souhaite attirer votre attention. L’article 1er vise à conférer un pouvoir réglementaire aux régions dans le souci de mieux adapter la loi aux réalités locales.

Pour des raisons historiques, La Réunion est le seul territoire d’outre-mer à être exclu du champ de l’adaptabilité législative, c’est-à-dire qu’elle n’a pas la possibilité d’adapter elle-même les règles et lois sur son territoire pour un certain nombre de compétences. Victorin Lurel vient de partir, mais l’exemple de la Guadeloupe en matière d’énergie témoigne d’un domaine où l’outre-mer peut intervenir – sauf La Réunion.

Or, les réalités climatiques, géographiques, démographiques et sociales étant chez nous très différentes de celles de l’Hexagone, nous avons absolument besoin de pouvoir adapter les normes, sinon les règles, vidées de leur sens, en deviennent incohérentes. Comment considérer une seconde que des normes d’adaptation – par exemple l’épandage de lisier –, définies sur le territoire national pour un climat tempéré tel que celui de la Bretagne ou de la Manche, puissent être transposées aux outre-mer, soumis pour la plupart au climat tropical ou équatorial ? Vous souriez, mais cette législation conduit en réalité à de quasi vides juridiques sur certains domaines puisque bon nombre de décrets ne sont pas applicables chez nous.

C’est pour faire respecter le sens même de la décentralisation, à savoir une organisation territoriale et administrative permettant de prendre en compte les réalités et la diversité de la France, que je vous demande de transférer le pouvoir réglementaire aux régions ultramarines. Le Gouvernement doit être plus en phase avec les réalités de notre territoire car le transfert aux régions de ce pouvoir réglementaire nous permettrait d’être réactifs. Quand bien même ces dispositions pourraient être prises au cas par cas dans la loi, comme je l’ai entendu dire, ce ne serait pas suffisant.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. J’approuve la suppression de la clause de compétence générale à condition qu’elle ne soit pas un leurre. Il ne faudrait pas, en effet, que les dérogations assez larges que l’on trouve dans ce texte à cette suppression ne permettent de financer à nouveau, subrepticement, des politiques qui n’auraient pas pu l’être.

Prenons ainsi les dérogations liées à la politique de la ville. Qu’entend-on par « politiques de la ville » ? S’agit-il des politiques conduites avec l’ANRU, ou bien s’agit-il d’une conception plus large, permettant, en se faufilant, de financer un certain nombre d’autres choses ?

Par ailleurs, les régions, presque toujours, pratiquent la contractualisation avec les autres échelons de collectivités territoriales. Cette contractualisation aura-t-elle pour conséquence de supprimer la clause de compétence générale ou non ? Là encore, nous pourrions nous retrouver avec des compétences élargies, mais si ce n’est pas le cas, comment la compensation financière sera-t-elle prise en compte ? Les régions, par exemple, participent souvent au financement de la politique culturelle ou de la politique sportive. Elles aident financièrement des clubs. Si l’on supprime demain la compétence sportive des régions mais qu’elles contractualisent, elles pourront participer par ce biais au financement des politiques sportives. Si cette pratique est interdite, comment sera-t-il possible de compenser la perte de ce financement qui se reporte du même coup sur les autres niveaux de collectivités locales – la plupart du temps, d’ailleurs, les villes moyennes et grandes ?

Enfin, ce texte pose la question de la cohérence entre les différents textes et schémas comme le schéma régional d’aménagement du territoire et le schéma de cohérence territoriale. N’y a-t-il pas là le risque de retrouver une clause de compétence générale, notamment en matière d’urbanisme ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, les régions sont devenues des collectivités territoriales pleines et entières en 1982 et il me plaît de rappeler la mémoire d’Edgar Faure, qui fut non seulement le président de notre assemblée, mais aussi le premier président du conseil régional de Franche-Comté.

D’après les observations de la Cour des comptes, livrées au Comité des finances locales le 13 novembre dernier, 20 % des dépenses des régions ne concernent plus leurs compétences socles, ce qui est beaucoup. En mettant fin à la clause de compétence générale, l’une des finalités de ce texte est sans doute aussi de mettre un terme à cette inflation des dépenses – en dix ans, les dépenses des régions ont augmenté de 74 %, ce qui est énorme.

Cependant, ce projet de loi offre la possibilité aux régions d’intervenir en matière de logements, d’habitat, de politique de la ville, de rénovation urbaine – autant de domaines extrêmement budgétivores. La compétence partagée pour le tourisme, la culture et le sport a été augmentée en commission de la vie associative, de l’éducation populaire et des langues régionales. Convenez que tout cela manque singulièrement de clarté.

Alors que le président de la Cour des comptes appelle au « recentrage » des interventions des régions « sur leurs compétences prioritaires », alors même que l’échelon régional est celui dont le poids budgétaire est le plus faible et la place de la fiscalité très réduite, il y a là une réforme en trompe-l’œil.

Est-ce que le chef de filat économique constitue une innovation majeure pour la région ? Je ne le crois pas. Beaucoup de présidents de région ont espéré que la clarification des compétences répondrait à leurs difficultés budgétaires, mais je crains qu’ils ne soient fortement déçus.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Chers collègues, au moment où commence l’examen de ce texte très attendu, je veux m’insurger contre les conditions déplorables dans lesquelles nous travaillons. À peine arrivé du Sénat, ce projet de loi a été débattu – pour ne pas dire bâclé – en commission, dans la plus totale improvisation et sans aucune étude d’impact sérieuse. Il est vrai que la procédure accélérée a été engagée.

Depuis l’imposition au forceps des méga-régions de la réforme territoriale, les députés de toutes sensibilités répètent qu’il ne fallait pas mettre la charrue avant les bœufs. Pauvres binômes ! Leurs thèmes de campagne pour les élections de mars prochain sont de véritables casse-tête puisqu’ils ignorent toujours les compétences des futures assemblées départementales. Sans doute tenteront-ils de réenchanter le rêve des Français, mais le réveil risque d’être brutal, d’autant plus que, dans une invraisemblable course à l’échalote politicienne entre le Premier ministre et le Président de la République, on ne sait toujours pas ce qu’il adviendra des départements et des conseillers départementaux en 2020 ou 2021, ce qui est surréaliste.

L’article 1er tend à supprimer la clause de compétence générale. Il faut reconnaître que notre pays est caractérisé par un enchevêtrement de compétences et une multiplication de financements croisés qu’il convient d’éviter. L’article 73 de la loi du 16 décembre 2010 avait introduit le caractère exclusif des compétences exercées par les départements et les régions et instauré un partage possible pour le tourisme, le sport et la culture. Malheureusement, cette réforme qui instaurait le conseiller territorial a été frénétiquement et idéologiquement balayée par la majorité arrivée au pouvoir en 2012.

Cet article 1er limite la compétence des méga-régions aux domaines expressément prévus par la loi, mais à y regarder de près, ce sont de véritables usines à gaz qui se préparent.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni.

M. Claude Sturni. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous voici donc au début de nos débats sur ce projet de loi censé répondre à toutes les questions restées sans réponse lorsque nous avons travaillé des mois durant la carte des régions jusqu’en décembre dernier.

Nous voici enfin, pensions-nous, près de comprendre les raisons et les motivations du Gouvernement qui s’est acharné à découper la France en treize régions. Enfin pensions-nous découvrir la vision du Gouvernement quant à la nouvelle organisation territoriale qui devait relancer notre pays, favoriser la croissance et le développement de l’emploi en France, justifier les économies à réaliser et crédibiliser la réduction drastique des dotations imposées aux collectivités territoriales dès à présent et pour plusieurs années.

Quelle déception, chers collègues ! Au lieu de ce véritable acte III de la décentralisation, nous voici avec un texte insignifiant, fourre-tout, dépourvu de colonne vertébrale. Le titre Ier s’intitule : « Des régions renforcées ». Permettez-moi d’en douter. Vous avez voulu des régions grandes par la taille parce qu’elles seraient à l’égal des plus puissantes régions européennes, mais vous leur retirez en même temps la clause de compétence générale, celle-là même que vous aviez décidé de rétablir il y a un an. Cherchez l’erreur !

D’autres avant moi ont relevé tous les paradoxes de ce texte. Deux hypothèses, dès lors, sont envisageables : soit on nous cache la réalité de votre projet, laquelle nous apparaîtra au printemps, avec des curseurs ajustés au vu des résultats électoraux de fin mars, soit vous n’avez pas vraiment tranché, ce qui expliquerait l’absence d’analyse pertinente quant aux effets de cette nouvelle organisation.

Alors que nous déplorions l’année dernière, comme l’a rappelé Frédéric Reiss, que le Gouvernement mette la charrue avant les bœufs, nous regrettons en ce début d’année 2015 que vous n’ayez toujours pas retrouvé le bon sens. Nous ne tarderons pas à le voir bien vite. Parler de nouvelle organisation sans réexaminer le problème des moyens budgétaires et des leviers fiscaux est tout simplement incompréhensible et insensé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Fabrice Verdier.

M. Fabrice Verdier. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, au travers de ce projet de loi, le Gouvernement démontre son ambition de réformer la France sur le long terme, dans le souci de l’intérêt général. Nous le savons tous, cette réforme est nécessaire en raison de l’empilement successif, au fil des années, de nouvelles strates administratives, jusqu’à devenir un mille-feuille institutionnel parfaitement incompréhensible et indigeste.

Cette réforme est indispensable dans un contexte européen et global, en constante évolution et marqué par la mondialisation et la structuration de grands ensembles économiques. Nous devons progresser à notre tour et concevoir, à l’instar des autres régions européennes, des régions plus vastes, plus fortes, mieux armées pour résister à la concurrence internationale.

Clarifier les compétences et les responsabilités de chaque niveau de collectivité, éliminer les doublons et renforcer les compétences des régions, voilà la future formule de l’organisation territoriale pour plus d’efficacité, de cohérence, de lisibilité, de proximité et de prise en considération de la vie des citoyens dans la conduite des affaires publiques.

Je tiens à saluer le choix de confier à la région le pilotage du développement économique et de l’accompagnement des entreprises au travers de deux schémas intégrateurs. C’est une avancée majeure dont je me réjouis particulièrement. Nous aurons ainsi une région stratège qui connaît parfaitement son tissu économique et les réels besoins des entreprises tout en étant capable, grâce à sa taille élargie, de déployer une stratégie économique cohérente et d’une envergure suffisante. En somme, ces régions renforcées permettront enfin d’en faire des moteurs de croissance.

C’est précisément pour ces mêmes raisons que je vous propose d’aller plus loin, en commençant par octroyer aux régions un pouvoir réglementaire. Il ne s’agit pas ici d’une folie régionaliste jusqu’au-boutiste ; votre texte initial le prévoyait, madame la ministre. Cela permettrait aux régions d’adapter les mesures nationales à leur propres conditions spécifiques, dans l’intérêt de tous.

De même, je soutiens l’idée de transférer aux régions la politique de l’emploi, à titre expérimental. Je souhaite aussi appeler votre attention sur le rôle que peuvent jouer les régions en matière d’aménagement du territoire. Nous devons en effet veiller à ce qu’aucune concurrence de leadership n’oppose les régions aux métropoles dans ce domaine. Là encore, une règle de bon sens s’impose : les régions doivent s’appuyer sur les métropoles, sans pour autant oublier la responsabilité qui leur incombe de gérer un territoire parfois très hétérogène et très éloigné des centres de décision. Les régions sont les garantes d’un développement équilibré entre les territoires et de la redistribution des richesses.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Avouons-le : le projet de loi qui nous est soumis manque cruellement de lisibilité, car cette deuxième phase de la réforme territoriale aurait dû être examinée en même temps que le projet de délimitation des régions. Ce deuxième volet s’apparente davantage à un simple texte de répartition des compétences, sans grande vision d’ensemble.

La réforme territoriale, telle qu’elle nous est présentée, aurait également dû fixer des objectifs clairs et évaluer préalablement les incidences financières. Les réalités du terrain auraient dû constituer le point de départ de l’organisation de nos territoires, car cela aurait permis de s’appuyer davantage sur la dynamique des politiques conduites par les communes, les intercommunalités et les départements en tenant compte de la diversité de nos territoires, plutôt que de recourir à une approche verticale, du sommet vers la base, qui est trop décalée par rapport à la réalité.

C’est d’autant plus important que plus de 33 000 des 36 680 communes qui composent notre pays comptent moins de 3 500 habitants, et représentent le tiers de la population nationale. C’est donc bien le monde rural qui sera la première victime de votre projet de loi.

Par ailleurs, la mutualisation et le transfert des compétences ne pourront être traités de la même manière dans toutes les régions. Or les dispositions prévues ne permettront pas d’apporter des réponses diversifiées qui correspondent aux différentes situations régionales.

Enfin, ce projet de loi aurait dû comprendre une réforme de la fiscalité locale permettant d’aborder la question des ressources et d’accroître l’autonomie fiscale des collectivités territoriales.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Le projet de loi qui nous réunit ce soir illustre parfaitement le manque de cohérence de ce gouvernement. Qu’avons-nous entendu votre gouvernement dire depuis des mois à propos de cette réforme des collectivités territoriales ? Tout et son contraire. Selon le Président de la République, le département était essentiel à notre démocratie ; quelques mois plus tard, il prévoyait sa disparition pour, quelques semaines plus tard encore, admettre la nécessité d’en maintenir certains. Vous avouerez qu’il y a de quoi désorienter nos concitoyens, d’une part, et les élus, d’autre part – c’est d’ailleurs aujourd’hui le cas.

Vous avez créé une situation ubuesque. Dans quelques semaines auront lieu des élections départementales qui font suite à un redécoupage des cantons des plus discutables, et à un changement du mode d’élection qui l’est tout autant – avec l’instauration de l’improbable binôme paritaire. Le plus incroyable, pourtant, est que les candidats à ces élections ne savent pas à quoi ils vont servir ni quelles seront les compétences des départements dans les prochaines années. Avant de discuter du principe essentiel des compétences, vous avez préféré redécouper les régions, et ce sans aucune cohérence.

L’article 1er, que nous allons examiner, vise à renforcer les responsabilités de ces régions. Or vous vous apercevez – un peu tard – qu’il existe des compétences de proximité qui ne peuvent être dévolues à ces grandes régions. En tant qu’élu d’un département rural, je veux rappeler l’importance que nous accordons à la proximité. Hélas, ce gouvernement ne fait que malmener cette notion, et le présent projet de loi aggrave encore le phénomène, puisque certaines communautés de communes devront atteindre le seuil de 20 000 habitants, ce qui est très éloigné des réalités territoriales.

Alors que tous les Français attendent une véritable réforme territoriale, une clarification, une simplification du mille-feuille territorial, un allégement des coûts et une véritable baisse de la dépense publique, vous nous proposez un amalgame de mesures dont l’impact n’a pas été évalué. C’est donc encore un acte manqué de la part de ce gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. William Dumas.

M. William Dumas. Voici enfin l’aboutissement d’un travail engagé depuis 2012 sur la nouvelle organisation de nos territoires. Il s’agit bien d’une réforme structurelle de notre organisation républicaine, qui démontre et assume pleinement nos engagements et notre volonté de changement.

Nombreux sont les points de cet article qui pourraient être évoqués, mais j’ai fait le choix de concentrer mon intervention sur la nouvelle donne culturelle que cette réforme doit enclencher. En effet, cette approche nouvelle de l’organisation et de la gouvernance de l’action publique doit nous inciter à clarifier et à répartir les compétences relatives aux politiques culturelles.

Pour que ce renforcement devienne une réalité, il faut imposer la culture et le patrimoine comme compétences obligatoires des régions. S’il est important de conserver une administration culturelle déconcentrée en régions, le périmètre actuel des directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, a vécu et n’est plus pertinent. Pour plus d’efficacité, les régions doivent désormais piloter les politiques de soutien à la création et à la diffusion artistiques – en relation étroite avec l’État s’agissant des labels nationaux. Elles doivent conduire les politiques en faveur de l’éducation artistique et culturelle.

Pour réaliser ce transfert de compétences, elles pourraient bénéficier des moyens humains et financiers de l’État qui étaient jusqu’à présent alloués aux DRAC et aux opérateurs. Certaines compétences doivent faire l’objet d’un transfert pur et simple afin d’enclencher une nouvelle étape de la décentralisation. L’État conserverait son pouvoir réglementaire et nominatif, mais l’efficience relèverait des régions.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Nous avions trouvé un équilibre avec le conseiller territorial, lequel a été victime de la frénésie destructrice qui, au cours des deux premières années du mandat en cours, a frappé tout ce qui a été fait pendant la précédente législature.

Vous aviez à cette occasion rétabli la clause de compétence générale, que vous supprimez dès le présent article : c’est un signe de confusion.

Le premier reproche que je vous adresse est de procéder à cette manipulation à l’article 1er pour les régions, et de la répéter plus tard pour les départements – sans doute pour éviter toute discussion commune concernant la vision que vous avez des futures compétences des départements et de celles des régions.

Ensuite, nous n’avons cessé de signaler que, dans les immenses régions que vous avez créées – la population de Rhône-Alpes-Auvergne, par exemple, atteindra 9,3 millions d’habitants –, les territoires ne se ressembleront pas tous. Vous éprouvez donc le besoin de rappeler dans la loi que les sensibilités en matière de politique de la ville, d’habitat, de logement et d’éducation varieront au sein même de ces grandes régions.

Enfin, vous superposez dans tous les articles des schémas régionaux dont nous ne savons toujours pas s’ils seront réellement prescriptifs, et vous jurez la main sur le cœur de préserver la libre administration des collectivités territoriales.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même le Sénat a apprécié cette mesure !

M. Martial Saddier. Vous comprendrez donc, chers collègues, qu’à ce stade, la plus grande confusion règne autour de cet article 1er !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Je saisis l’occasion de cet article, madame la ministre, pour vous interroger une nouvelle fois, comme lors de la discussion générale, sur le récent rapport du Commissariat général à l’égalité des territoires, qui propose un certain nombre des mesures choc dont le seul résultat serait de dissoudre les communes. Je les rappelle brièvement : elles visent à transférer la clause de compétence générale des communes aux EPCI, qui seraient élus au suffrage universel direct, et à attribuer globalement, à l’échelle des EPCI, les politiques publiques, notamment les outils de financement et de péréquation tels que la dotation globale de fonctionnement et les autres dotations.

C’est un rapport, madame la ministre, que vous avez demandé au Commissariat général avec votre collègue ministre de l’intérieur. Au début de l’examen de ce projet de loi, il est très important que vous nous disiez si les options qui y sont présentées reflètent sérieusement ce qu’envisage le Gouvernement, et quel crédit vous leur accordez.

M. Jean-Luc Laurent. Excellente question !

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 1165 et 1568, tendant à supprimer l’article 1er.

La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1165.

M. Martial Saddier. Mme la ministre ne répond donc pas à nos questions ?

Mme la présidente. Je vous remercie de me laisser présider !

M. Marc Dolez. Je défendrai cet amendement en espérant que Mme la ministre profitera de l’avis qu’elle donnera à son propos pour répondre à la question très importante que je viens de lui poser.

M. Martial Saddier. Et aux nôtres !

M. Marc Dolez. Ainsi qu’aux vôtres, cher collègue, mais vous comprendrez que je m’inquiète avant tout de la question que j’ai posée moi-même. (Sourires.) Chacun défend ses convictions…

M. Jean-Marie Sermier. C’est cela, la solidarité !

M. Marc Dolez. Cet amendement vise à supprimer cet article, car nous sommes très attachés au maintien de la clause de compétence générale. Nous estimons qu’il est quelque peu incohérent de la supprimer aujourd’hui après l’avoir rétablie il y a à peine un an. Les principaux arguments formulés à l’appui de sa suppression ne nous convainquent pas ; nous considérons au contraire que la clause de compétence générale est un principe essentiel pour l’action locale de proximité, et qu’elle constitue un pilier de la décentralisation et du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. En somme, cette clause est consubstantielle à la notion de collectivité territoriale.

Pour défendre cet amendement, madame la ministre, je n’ai pas trouvé meilleure formule que celle que le Gouvernement a utilisée voilà un an pour rétablir ladite clause : « La clause de compétence générale des départements et des régions est rétablie pour préserver les capacités d’action de chaque catégorie de collectivité territoriale au bénéfice de l’ensemble des citoyens ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Martial Saddier. Très bien !

M. Michel Piron. Errare humanum est

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n1568.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er, relatif à la clause de compétence générale.

Cette clause est sur le banc des accusés depuis 2010, lors du vote de sa suppression à compter du 1er janvier 2015. Ensuite, le législateur a supprimé cette suppression par la loi du 27 janvier 2014. Le présent projet de loi propose de supprimer la suppression de la suppression. (Sourires. – « Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Au contraire, cet amendement de suppression vise à maintenir la clause de compétence générale.

La Constitution prévoit que les collectivités s’administrent librement ; c’est une nécessité qui s’impose à tous. De plus, la suppression de la clause de compétence générale n’est déterminante ni pour clarifier l’action locale ni pour améliorer la lisibilité pour le citoyen – si légitimes que soient ces objectifs.

L’augmentation de la dépense locale a été principalement alimentée par les transferts de l’État et la montée en puissance de l’intercommunalité,…

M. Martial Saddier. Tout à fait !

M. Jean-Luc Laurent. …bien davantage que par une dispersion locale dont la clause de compétence générale serait la cause.

Notons que le projet de loi qui nous est présenté assortit cette suppression de très nombreuses exceptions,…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est vrai ! Beaucoup trop nombreuses !

M. Jean-Luc Laurent. …qui en limitent immédiatement la portée. Plutôt que de faire mine d’abattre un symbole, il me semble préférable de conserver la clause de compétence générale, qui constitue pour les collectivités locales une garantie de souplesse, de liberté et d’innovation, au bénéfice de l’ensemble des citoyens.

À mon sens, la principale compétence de la région – l’aménagement – serait en effet incomplète sans une capacité d’action et d’innovation rendue possible par la clause de compétence générale au profit des politiques d’aménagement du territoire qui, selon le projet de loi, relèvent de la compétence de la région. Telle est la raison qui justifie la proposition de supprimer cet article.

M. Martial Saddier. Excellent !

Mme la présidente. Sur les amendements identiques nos 1165 et 1568, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements de suppression.

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission a repoussé ces amendements et validé la proposition du Gouvernement de supprimer la clause de compétence générale des régions, et ce pour trois raisons.

La première raison est que l’amendement, tel qu’il est rédigé, vise à supprimer l’intégralité de l’article 1er. Or en le supprimant, on supprimerait aussi les compétences en matière d’accès au logement, d’amélioration de l’habitat, de soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine, et de soutien aux politiques de l’éducation qui apparaissent au c) du 2° de l’article. Ce n’est certainement pas l’objectif que poursuit M. Laurent qui demandait tout à l’heure que la région bénéficie de compétences suffisamment larges pour compléter celle qu’elle détient en matière d’aménagement.

M. Jean-Luc Laurent et M. Marc Dolez. Vous pouvez sous-amender l’amendement !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La deuxième raison qui a amené la commission à repousser ces amendements est elle aussi liée à la construction de l’article, lequel donne aux régions la possibilité d’adapter le pouvoir réglementaire et les dispositions réglementaires en application de lois votées par le Parlement. Je ne crois pas, après avoir entendu les signataires des amendements, qu’ils aient réellement la volonté de priver les régions de cette possibilité d’adaptation.

M. Marc Dolez et M. Jean-Luc Laurent. Si !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Dans ce cas, je vous propose d’engager un débat sur l’adaptation locale des dispositions réglementaires.

Enfin, il y a une raison de fond. La commission des lois, en tout cas la majorité de ses membres, considère que la clarification de la répartition des compétences nécessite la suppression de la clause de compétence générale. C’est la raison pour laquelle l’article 1er propose de la supprimer pour les régions et que nous examinerons plus tard un article qui la supprime aussi pour les départements.

Quelles sont les attentes de nos concitoyens ? Savoir qui fait quoi et dans quel domaine, retrouver de la clarté et de la lisibilité et faire en sorte que l’adaptation, tant des compétences que des modalités de leur mise en œuvre, puisse être réglée région par région, au sein des conférences territoriales de l’action publique prévues par la loi MAPTAM.

Pour toutes ces raisons, la commission des lois a exprimé un avis défavorable à ces amendements de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis que le rapporteur, qui a brillamment exposé les raisons de son désaccord.

Monsieur Dolez, le rapport du CGET, d’une grande qualité, donne un certain nombre d’orientations pour les territoires, mais je n’ai pas l’impression que le texte que nous avons déposé au Sénat, pas plus que celui dont nous discutons ici – lequel est issu de la commission des lois de l’Assemblée nationale –, en ait repris toutes les propositions.

Le rapport du CGET a éclairé un certain nombre de nos arguments, par exemple en ce qui concerne la taille des intercommunalités, mais ses conclusions ne sont pas les nôtres. Si cela avait été le cas, nous aurions repris l’ensemble des propositions du Commissariat pour les faire figurer dans le projet de loi déposé au Sénat, ce qui n’a pas été le cas.

Vous ne devez pas faire des procès d’intention au Gouvernement pour des textes dont il n’est pas l’auteur. Dans cinquante ans, la question sera à nouveau posée, peut-être même avant, mais quoi qu’il en soit la position du Gouvernement s’exprime uniquement à travers le contenu du projet de loi qui a été déposé il y a déjà plusieurs mois.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. La clause de compétence générale est une question absolument passionnante. Nous allons, semble-t-il, vers la suppression de cette clause, tant pour les régions que pour les départements.

Cela dit, il faudrait savoir si nous avons procédé dans notre pays à l’évaluation des dépenses, hors compétences obligatoires, des départements et des régions, notamment quant à l’utilité de ces dépenses. Après tout, si les élus décident d’engager des dépenses, c’est qu’ils considèrent qu’elles sont utiles et leur suppression posera peut-être de nombreux problèmes. En l’absence d’estimation, nous sommes face à un vide sidéral.

Certes, les collectivités se sont peut-être engagées dans des dépenses dépassant le cadre de leurs compétences obligatoires depuis les lois de décentralisation de 1982 et 1983, mais elles ont connu des années de prospérité. Quelle est leur situation aujourd’hui ? Elles doivent réaliser 11 milliards d’euros d’économies puisqu’elles recevront 11 milliards d’euros de dotations en moins, au nom de la rigueur absolue à tous les niveaux. Dans la mesure où elles auront des compétences obligatoires, les collectivités, dans leur gestion, iront à l’essentiel.

Vous allez donc supprimer la clause de compétence générale sans nous ayons évalué les conséquences de cette suppression et alors même que, de toute façon, avec la rigueur budgétaire, la question se posera beaucoup moins. En prenant cette décision drastique, simplement parce qu’elle vous fait plaisir à un instant donné, vous allez peut-être empêcher les territoires de régler de vrais problèmes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Nous avons été plusieurs, notamment sur les bancs du groupe UMP, à rappeler l’équilibre que nous avions trouvé en créant le conseiller territorial. En effet, ce nouvel échelon permettait de supprimer la clause de compétence générale tout en garantissant la transparence sur les objectifs de rationalisation et de répartition des compétences entre le bloc départemental et le bloc régional.

Madame la ministre, plusieurs députés de notre groupe sont intervenus sur l’article 1er, mais vous n’avez pas daigné répondre aux questions que nous avons posées. En cohérence, nous allons donc soutenir la suppression de cet article afin d’obliger le Gouvernement à réaffirmer les objectifs de rationalisation et à clarifier les objectifs de ce projet de loi.

Vous indiquez que les compétences du département seront évoquées dans les articles suivants, mais dès l’article 1er nous attaquons les compétences de la région. Je ne vois aucune clarification sur les schémas prescriptifs ni sur ce qui sera laissé au bloc local à travers les intercommunalités. C’est, encore une fois, la confusion la plus totale.

À ce stade, nous soutenons la suppression de l’article 1er, en espérant que ce signal permettra à la majorité – et surtout au Gouvernement – de clarifier les objectifs de ce projet de loi en ce qui concerne la répartition des compétences entre le bloc départemental et le bloc régional.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1165 et 1568.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants36
Nombre de suffrages exprimés35
Majorité absolue18
Pour l’adoption11
contre24

(Les amendements identiques nos 1165 et 1568 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n843.

M. François de Rugy. Cet amendement vise à donner à la conférence territoriale de l’action publique, en présence du préfet de région, la possibilité d’intervenir sur des compétences d’État sans envisager une délégation de compétence. Cela permettrait d’assouplir l’action publique et de défricher de nouveaux sujets que le législateur n’a pas pu inscrire dans le projet de loi. Cet amendement a pour objectif d’apporter de la souplesse par rapport à la rédaction actuelle du texte.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. L’amendement vise en effet à permettre à une collectivité d’intervenir en complément d’une compétence d’État. Cette possibilité existe déjà lorsqu’une collectivité désire obtenir une délégation, mais notre collègue souhaite supprimer la délégation formelle.

S’il s’agit d’un concours financier dans une action de développement économique, la possibilité est déjà prévue par l’article L. 1115-5 du code général des collectivités territoriales – d’autres articles y font également référence. S’il s’agit de toute autre chose, c’est-à-dire de l’exercice d’un service public qui n’est décentralisé d’aucune manière, nous nous rapprocherons nécessairement d’une compétence dite régalienne. Or on peut difficilement imaginer qu’une action en complément ne passe pas par les conventions financières que j’ai évoquées.

Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Acceptez-vous de retirer cet amendement, monsieur de Rugy ?

M. François de Rugy. Je le maintiens.

(L’amendement n843 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 844 et 1331.

La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n844.

M. François de Rugy. Cet amendement a trait à la composition de la conférence territoriale de l’action publique, la CTAP. Telle qu’elle est prévue par le texte, cette commission est tout bonnement pléthorique, ce qui rend difficilement envisageable un réel travail collaboratif.

Le texte de la loi MAPTAM prévoit la possibilité de créer des commissions, mais celles-ci, si nous laissions leur composition à la seule appréciation des membres de la CTAP, pourraient ne rassembler que des représentants de communes ou d’EPCI. Nous proposons donc, par cet amendement, de créer une commission plus restreinte, mais dont la composition soit le gage d’un travail réel accompli entre les réunions de la CTAP et de l’intérêt des débats qui y sont menés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement n1331.

Mme Chantal Guittet. Cet amendement est identique à celui que notre collègue M. de Rugy a fort bien présenté. Je considère donc qu’il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à ces amendements, pour deux raisons.

La première est qu’ils sont satisfaits, dans la mesure où les CTAP sont libres de créer des commissions en leur sein. C’est la raison pour laquelle je serai également amené à émettre un avis défavorable sur des amendements prévoyant de créer des commissions thématiques au sein des conférences : nous avons voulu, dans la loi MAPTAM, laisser chaque conférence s’organiser librement.

La seconde raison est que la composition qui nous est ici proposée pour la commission restreinte écarterait de facto les représentants appartenant au collège des EPCI ou des communes de moins de 30 000 habitants. En effet, la loi MAPTAM prévoit que tous les présidents d’un EPCI de plus de 30 000 habitants et tous les maires d’une commune de plus de 30 000 habitants sont membres de droit de la CTAP. Dans une logique d’équilibre et avec la volonté de couvrir tout le territoire, nous considérons qu’il ne serait pas pertinent de réserver le traitement des affaires traitées par les CTAP aux seuls représentants des collectivités ou des établissements les plus importants et d’écarter les représentants du collège des communes plus petites ou des EPCI comptant un nombre moins élevé d’habitants.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je souhaite que les auteurs de ces amendements les retirent dans la mesure où l’article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que les travaux de la conférence sont librement organisés.

Ici, l’idée est au fond de faire en sorte que, puisque la CTAP comprend un nombre de membres important, l’on crée une sorte d’exécutif chargé de préparer les travaux. Cela peut être dangereux : comment déterminer précisément la commission restreinte ? Quels sont les représentants qui n’en font pas partie ?

Soyons raisonnables : laissons la CTAP fixer son règlement intérieur, faute de quoi nous allons créer une forme d’exécutif qui proposerait à la délibération telle ou telle proposition. Cela amènerait un certain nombre de collectivités, en particulier des communautés de communes rurales et des communes rurales, à se plaindre de ne pas être représentées au sein de la commission restreinte et de ne pas avoir la maîtrise de l’ordre du jour.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Ces amendements touchent à deux questions fondamentales qui continueront d’inspirer un certain nombre d’interventions.

Le premier thème est le degré de liberté que nous laissons aux collectivités territoriales pour s’organiser. En la circonstance, la CTAP se situe à l’interface entre des régions qui ont un devoir organisationnel, même si elles n’en ont pas toujours le pouvoir, et des acteurs qui, eux, sont parfaitement opérationnels et ont en main l’urbanisme et l’utilisation des sols. À ce titre, il semble évident que la libre organisation des CTAP est un outil majeur pour tenir compte de la diversité des territoires.

Cela m’étonne de votre part, monsieur de Rugy : vous nous proposez une espèce de formatage uniforme qui relève, si j’ose dire, du jacobinisme. Habituellement, vos interventions me semblent plus respectueuses des territoires !

M. Jean-Luc Laurent. Jacobinisme ! Mais quel mot avez-vous donc employé ! D’habitude, M. de Rugy est plutôt girondin !

M. Michel Piron. Ce n’est qu’un motif d’étonnement parmi d’autres – même si, naturellement, ma capacité d’émerveillement n’est pas encore épuisée. (Sourires.)

Deuxième observation : les CTAP devront mettre en rapport ceux qui tentent d’organiser, à l’échelle des régions, une occupation plus harmonieuse et plus efficace des territoires. Pour ne prendre que l’exemple de l’urbanisme, des réserves foncières, ou encore des zones d’activité – en un mot : l’utilisation des sols –, la présence des EPCI est essentielle. Nous avons déjà, malheureusement, trop tendance à séparer ceux qui pensent de ceux qui font ; si nous le faisons à nouveau, nous savons bien où cela nous mènera : à l’inefficacité, voire à la paralysie !

Pour ces deux raisons, il me semble que ces amendements recèlent plus de dangers qu’ils n’apportent de solutions.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je ne répondrai pas en détail à M. Piron, parce que cela risquerait de durer longtemps, mais je tiens à dire que notre amendement n’est en rien jacobin : au contraire, il s’agit de renforcer le rôle des régions. Par ailleurs, nous ne proposons pas de séparer ceux qui pensent de ceux qui font, comme vous l’avez dit, car dans tous les cas il s’agit d’élus, qui dirigent des collectivités.

Par souci de consensus, et compte tenu des arguments avancés par M. le rapporteur et Mme la ministre, je retire cet amendement.

(L’amendement n844 est retiré.)

Mme la présidente. Madame Guittet, retirez-vous votre amendement identique ?

Mme Chantal Guittet. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n1331 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 36, 48 et 1699.

La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n36.

M. François de Rugy. Je ne suis pas intervenu, tout à l’heure, dans le débat sur les amendements de suppression de l’article 1er, car je crois que cet article dépasse très largement la question de la clause de compétence générale. Notre amendement vise à rétablir la clause de compétence générale pour les régions. Comme je l’ai dit cet après-midi au cours de mon intervention dans la discussion générale, pour ce qui nous concerne, nous écologistes, nous avons toujours été clairs : cette loi – qui aurait dû être principalement une loi de décentralisation, ou à tout le moins de réorganisation des pouvoirs locaux – doit conduire au renforcement des régions.

De ce point de vue, dans une optique de renforcement durable des régions – car, dans une véritable perspective de décentralisation, elles ont vocation à exercer des compétences qui reviennent aujourd’hui à l’État –, nous considérons que les régions doivent garder un pouvoir d’initiative pour un certain nombre de politiques publiques. Elles devraient donc conserver la clause de compétence générale. S’il y a un niveau de collectivité territoriale qui devrait la conserver, c’est bien le niveau régional.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour soutenir l’amendement n48.

Mme Sophie Rohfritsch. Nous revenons à la charge au sujet de la clause de compétence générale. De deux choses l’une.

On peut donner réellement aux régions les moyens d’aller au bout de leur spécialisation. Pour cela, on pourrait leur conférer, en matière de développement économique, la gestion des fonds encore gérés par l’État pour les pôles de compétitivité, ou encore ceux qui relèvent du programme d’investissements d’avenir. Dans cette hypothèse, ces fonds seraient agrégés aux aides au développement économique que les régions accordent déjà aux entreprises de leur territoire. De cette manière, on confierait aux régions l’ensemble des fonds destinés au développement économique, qui sont actuellement dispersés entre différents acteurs ; on pousserait ainsi les régions à une certaine forme de spécialisation.

On peut aussi – c’est le sens de votre projet de loi – ne pas aller au bout de la logique, et laisser les régions entre deux eaux. Dans le cas du développement économique, on leur demande d’être responsables sans être réellement chefs de file. Comme l’a rappelé mon collègue, si l’on veut réellement leur confier le développement économique, alors il faut leur laisser une capacité d’initiative dans d’autres domaines.

Je vous laisse imaginer quel serait le paysage universitaire français si, jusqu’à ce jour, les régions n’avaient pas été en mesure de se saisir de l’enseignement supérieur et de la recherche, et d’accompagner de manière très volontariste des projets tels que le plan Campus, les pôles de compétitivité, et autres programmes liés aux investissements d’avenir. Je vous rappelle qu’aujourd’hui, pour 1 euro investi par les régions dans les pôles de compétitivité, 5 euros d’argent privés sont investis.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Pas 5 euros, 7 euros !

Mme Sophie Rohfritsch. L’effet de levier est donc bien établi. Il est nécessaire de donner aux régions la capacité d’investir dans toute une série de domaines dont elles seraient exclusivement responsables, ou au moins coordinatrices. Sinon, il faut leur laisser une liberté d’initiative : c’est pourquoi nous demandons qu’elles continuent de bénéficier de la clause de compétence générale.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n1699.

M. Jean-Luc Laurent. J’ai défendu tout à l’heure un amendement de suppression de l’ensemble de l’article 1er. Il s’agit à présent, comme l’ont proposé les deux orateurs précédents, de supprimer les alinéas 2, 4 et 5, qui ont pour objet de faire obstacle au financement, par les régions, d’opérations d’intérêt général menées par des collectivités territoriales.

Ils témoignent d’une vision étriquée de l’intérêt régional. Le postulat selon lequel les opérations financées par les communes et les départements ne pourraient relever de l’intérêt régional est erroné. L’interdiction des financements croisés n’est pas une bonne chose, car les projets d’investissement, surtout dans un contexte budgétaire contraint – avec la suppression, sur trois ans, de 11 milliards d’euros de dotations de l’État –, devraient reposer pour une large part, comme c’était le cas par le passé, sur la coopération des différents niveaux de collectivités territoriales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. L’objet de ce texte est de spécialiser les compétences des régions et des départements. Sans surprise, la commission est donc défavorable à ces amendements qui visent à maintenir la clause de compétence générale de la région. Il y a là une vraie logique, notamment pour l’amendement de M. de Rugy, puisque son groupe n’a pas déposé d’amendement similaire concernant les départements. Tout aussi logiquement, la commission a donné un avis défavorable à ces amendements, puisqu’elle est partisane de la suppression de la clause de compétence générale et, partant, opte pour la spécialisation.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

J’ajouterai simplement une précision à propos du programme d’investissements d’avenir et des autres crédits consacrés au développement économique. Cette question est posée dans le cadre de la révision des missions de l’État. Il faudra bien, en effet, envisager un certain nombre de transferts, mais on ne trouvera pas la réponse dès ce soir.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, les amendements identiques nos 36, 48 et 1699, mis aux voix par assis et levé, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philip Cordery, pour soutenir l’amendement n1469.

M. Philip Cordery. Il s’agit d’assurer l’égalité de traitement des collectivités françaises et de leurs homologues européennes qui participent à des projets de coopération territoriale. En effet, les règlements européens permettent au Fonds européen de développement régional – le FEDER – de cofinancer les projets de coopération territoriale à 85 %. Or le code général des collectivités territoriales soumet les collectivités à une obligation d’autofinancement minimum de 20 %. Cette restriction française pénalisera ceux de nos territoires qui participent à des projets européens, puisque leurs partenaires ne seront pas soumis à la même exigence.

Afin de faire jouer pleinement l’effet de levier du FEDER, nous proposons de prévoir une exception en abaissant à 15 % le seuil minimum d’autofinancement lorsque les collectivités sont engagées dans des projets européens de coopération territoriale cofinancés par le FEDER.

(L’amendement n1469, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n101.

M. François de Rugy. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au maintien pur et simple de la clause de compétence générale au bénéfice des régions que nous proposions tout à l’heure. Il s’agirait, cette fois-ci, de permettre au conseil régional de se saisir de tout objet d’intérêt régional pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique. Cet ajout avait été prévu par la loi lors de la suppression de la clause de compétence générale en 2010. Dans sa décision sur ce texte, le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs accepté la suppression de la clause de compétence générale, en s’appuyant sur cette mention.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de repli, auquel la commission est défavorable aussi bien qu’à l’amendement principal.

(L’amendement n101, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 1332 et 1718.

La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour soutenir l’amendement n1332.

Mme Audrey Linkenheld. L’article 1er de ce projet de loi vise à supprimer la clause de compétence générale, afin de fixer de manière limitative les compétences spécialisées de la région. Parmi celles-ci, le projet de loi tel qu’il est rédigé inclut l’accès au logement et l’amélioration de l’habitat. Cet amendement vise à clarifier cette rédaction, en ajoutant les mots : « le soutien à ». L’article 1er mentionnerait ainsi « le soutien à l’accès au logement et à l’amélioration de l’habitat ».

Chacun sait, en effet, que le logement et l’habitat sont des compétences partagées, exercées en particulier par les intercommunalités. Cet amendement, qui n’est en quelque sorte que rédactionnel, permet d’empêcher toute confusion sur ce sujet. Il place sur un pied d’égalité les questions liées à l’accès au logement et à l’amélioration de l’habitat avec celles de la politique de la ville et des politiques d’éducation. Dans le texte, en effet, il est bien question du « soutien à la politique de la ville » et du « soutien aux politiques d’éducation ». De la même manière, cet amendement propose de parler du « soutien à l’accès au logement et à la politique de l’habitat ».

M. Michel Piron. C’est tautologique !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n1718.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Cet amendement est identique à celui qu’a présenté Mme Linkenheld. Je n’ai pas besoin de préciser que la commission est favorable à ces deux amendements identiques !

(Les amendements identiques nos 1332 et 1718, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1166.

M. Marc Dolez. Cet amendement vise à faire référence, à l’alinéa 6 de cet article 1er, à « la gestion équilibrée et durable des ressources en eau par bassin versant ». Il nous semble en effet qu’une gestion équilibrée et durable des ressources en eau nécessite de mettre en place une complémentarité entre les actions menées par les communes et les EPCI à fiscalité propre au titre de leurs compétences propres, et les actions menées à l’échelle du bassin versant. La région nous semble, à cet égard, être une échelle pertinente.

M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis. C’est totalement faux ! Le bassin versant de la Dordogne s’étend sur quatre régions !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La gestion de l’eau est une compétence partagée, à l’exception du bloc GEMAPI – gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations – qui a été confié aux intercommunalités. Surtout, la commission des lois a admis le rôle important des régions dans l’animation et la coordination des politiques de l’eau, en lui conférant une compétence explicite en la matière, qui figure à l’article 6 bis AA, sur l’initiative conjointe de nos collègues Michel Lesage et Paul Molac. Votre amendement est donc satisfait par l’article 6 bis AA : je vous invite à le retirer.

(L’amendement n1166 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n1249.

Mme Brigitte Allain. Par cet amendement, je propose d’insister sur le rôle des régions dans la maîtrise foncière, tout en prenant en compte la nécessaire subsidiarité. Dans un contexte d’étalement urbain, la région peut favoriser une vision transversale de ce sujet, grâce à ses compétences qui dépassent la seule question de l’aménagement du territoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Le code général des collectivités territoriales confère déjà aux régions une compétence en matière d’aménagement du territoire. Nous examinerons à l’article 6 de ce projet de loi les dispositions relatives au schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le SRADDET. Ce schéma s’imposera aux documents d’urbanisme tels que les SCOT et les PLU, qui devront être compatibles avec lui. Aussi vous conviendrez, madame la députée, que la région dispose déjà, par ce bais, d’une compétence en matière de maîtrise du foncier.

Par ailleurs, nous avons dit, à l’occasion de l’examen de la loi MAPTAM, que c’était le bloc local qui devait mettre en œuvre les politiques de gestion du foncier.

D’une part, votre amendement paraît satisfait par l’article 6. D’autre part, sa rédaction risquerait d’introduire une confusion avec le chef de filat que nous avons confié au bloc local. Aussi je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, madame Allain ?

Mme Brigitte Allain. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n1249 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 537, 1167, 1300 et 1842.

La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement n537.

M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1167.

M. Marc Dolez. Cet amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 7, qui confie à la région la promotion de l’égalité des territoires. En effet, il nous paraît hasardeux de lui attribuer explicitement cette compétence, dans la mesure où cela peut induire de la confusion dans la répartition des responsabilités entre les différents échelons de collectivités.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n1300.

Mme Jeanine Dubié. Comme il a été dit, cet amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 7, en vertu duquel la région a compétence pour promouvoir l’égalité des territoires. En effet, il nous semble que cette disposition trouble l’esprit du projet de loi, qui a pour objectif de clarifier les compétences des différents échelons de collectivités. Ces compétences s’articulent à trois niveaux : la région est renforcée dans son rôle stratégique de développement du territoire ; le département est renforcé dans son rôle de garant des solidarités sociales et territoriales ; enfin, les communes et les intercommunalités sont renforcées dans leur rôle d’échelon de proximité avec les habitants.

Il nous semble que cet alinéa risque d’altérer cette répartition des responsabilités entre les différents échelons et contredit le chef de filat des départements en matière de solidarité territoriale.

Mme la présidente. Monsieur Peiro, je suppose que votre amendement n1842 est également défendu ?

M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La commission des lois a dit son attachement au principe d’égalité des territoires, à telle enseigne que le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire a été renommé « schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires », en cohérence avec l’adjonction de cette mention à l’article 1er.

Il faut avoir à l’esprit que cette idée d’égalité des territoires n’enlève rien aux compétences du département en matière de solidarité territoriale et, notamment, d’aide aux communes. D’ailleurs, en commission des lois, nous avons reconnu cette notion comme étant l’une des priorités de la région et comme faisant partie de ses champs d’intervention, tout en veillant, notamment à l’article 24, à mieux définir la compétence relative à la solidarité territoriale et à l’aide aux communes. Cela montre que ces notions ne sont pas antagonistes.

La volonté de voir figurer l’égalité des territoires comme l’un des objectifs poursuivis par la région a été soutenue et introduite dans le texte au Sénat, sur l’initiative de sénateurs qui, pour la plupart d’entre eux, sont des élus de zones rurales ou de zones de montagne. Ces derniers tenaient à ce que les grandes régions issues des regroupements opérés respectent certains principes, certaines priorités, pour veiller à l’égalité des territoires entre eux. Je pense notamment aux sénateurs du Cantal, mais aussi, au sein de la commission des lois de notre assemblée, à notre collègue Alain Calmette, lui aussi élu du Cantal. Dans le contexte marqué par la création de la nouvelle grande région Rhône-Alpes-Auvergne, ces élus tiennent – je crois que c’est légitime – à ce que la région se préoccupe de l’égalité de l’ensemble des territoires, y compris de l’égalité entre les départements.

Dans la mesure où nous avons défini la solidarité et l’ingénierie territoriales à l’article 24, il n’y a pas de contradiction entre ces principes. Je pense qu’il est de bonne politique de demander aux régions de veiller à une égalité entre tous les territoires sur lesquels elles auront à mettre en place les documents d’aménagement.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il est vrai que le Gouvernement n’avait pas retenu cette hypothèse dans son texte d’origine. Il avait estimé que le schéma régional d’aménagement du territoire répondait à cette préoccupation. L’inquiétude de la grande majorité des sénateurs portait sur le fait que les régions pourraient être absorbées par les métropoles, les villes, les pôles de compétitivité, les centres de recherche, et oublient de ce fait un certain nombre de territoires, qui présentent aussi des potentialités en matière de développement économique, voire d’infrastructures. C’est donc pour éviter l’abandon, en particulier, des territoires ruraux, et à la demande d’un certain nombre de départements ruraux que cette disposition a été adoptée. Je pense qu’elle est raisonnable et utile pour prévenir la peur des territoires ruraux, même si, à notre avis, il n’était pas absolument nécessaire de l’adopter.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Pour des raisons de bon sens, je voudrais soutenir la position du rapporteur et du Gouvernement. Si l’on spécialise les compétences, comme je le souhaite, les régions vont s’occuper de développement économique. Si le développement économique ne joue pas un rôle en matière de solidarité territoriale, alors je ne comprends plus rien !

M. Dino Cinieri. Il a raison !

M. Alain Rousset. Je rappelle que 60 % des entreprises sont situées dans les territoires ruraux. La formation et le développement des entreprises dépendent, et dépendront encore plus demain, des régions : c’est la base de la solidarité. L’emploi est la base du développement des territoires. J’avoue donc – je le dis à notre collègue Germinal Peiro – être un peu surpris par cet amendement. Le pôle d’excellence de formation aux métiers du cuir de Thiviers aurait-il pu exister sans que la région le finance ? Elle l’a d’ailleurs financé seul.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. J’abonde tout à fait dans le sens de M. Rousset. Il ne faut pas se leurrer : il existe des concurrences entre les territoires ; certains sont pauvres et d’autres plus riches, mieux dotés ; certains sont bien placés et d’autres le sont moins. Que les départements jouent un rôle en matière de solidarité sociale, tout le monde le sait – c’est même l’essentiel de leurs interventions. Mais il existe des concurrences entre territoires, entre les départements d’une même région – qui plus est s’il s’agit d’une grande région – entre métropoles et villes moyennes, entre métropoles, villes moyennes et espaces ruraux. Qui mieux que la région, grâce à sa compétence d’aménagement du territoire, est en mesure de rééquilibrer et harmoniser l’ensemble – étant rappelé que ces solidarités territoriales ne se résument pas à uniformiser les réponses apportées ? De toute évidence, la région a les moyens stratégiques et, très certainement économiques, d’opérer une meilleure répartition des activités sur les territoires. Pour en revenir au débat que nous avons eu sur les approches jacobine et girondine, je souhaiterais même qu’elle ait davantage de moyens.

Mme la présidente. La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis.

M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis. J’ai senti une confusion dans les propos de mon collègue et ami Alain Rousset, qui a parlé de solidarité entre les territoires, alors que l’exposé sommaire de l’amendement évoque l’« égalité » des territoires, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Les promoteurs de cet amendement craignent, non pas que les régions veillent à l’égalité entre les territoires, mais qu’elles en soient les seules garantes. Je le répète, ce n’est pas tout à fait la même chose : il n’y a pas que la région qui dispose de compétences sur l’ensemble du territoire régional. Les autres collectivités – c’est vrai pour les départements comme pour les intercommunalités et les communes – veillent elles aussi à l’égalité des territoires. C’est en ce sens qu’il faut lire l’amendement, non dans le sens inverse.

M. Marc Dolez. Absolument !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Calmette.

M. Alain Calmette. Je voudrais corroborer les propos de M. Rousset et de M. Piron. Il serait illusoire de penser que, dans le cadre des grandes régions, un département pauvre, qui plus est éloigné de la capitale régionale, comme c’est le cas du Cantal, sera en mesure de pratiquer la péréquation infra-départementale. L’appropriation de cette réforme nécessite une inscription dans le cadre de la solidarité infra-régionale : la région doit prendre en compte ces préoccupations pour entraîner l’ensemble des territoires la composant sur la voie du développement. Il est en effet des départements à ce point excentrés qu’ils sont exclus de tout effet d’entraînement des métropoles ou des grandes villes. Seule la région a la capacité financière, en raison de sa compétence en matière de développement économique, de les conduire vers un développement harmonieux.

(Les amendements identiques nos 537, 1167, 1300 et 1842 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 18 février, à une heure dix.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly