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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 15 avril 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Politique culturelle

Mme Marie-George Buffet

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Carte scolaire en milieu rural

M. Gérard Charasse

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

Situation des finances publiques

M. Gilles Carrez

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Pacte de stabilité

M. Alain Fauré

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Finances locales

M. Hugues Fourage

M. Manuel Valls, Premier ministre

Ruralité

M. Jean-Pierre Vigier

M. Manuel Valls, Premier ministre

Politique de santé

Mme Martine Lignières-Cassou

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Politique en faveur de la jeunesse

M. Daniel Gibbes

Mme Myriam El Khomri, secrétaire d’État chargée de la politique de la ville

Naufrage d’un bateau de réfugiés en Méditerranée

Mme Danielle Auroi

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Pénurie de médicaments

M. Bernard Debré

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Situation à Radio France

Mme Michèle Fournier-Armand

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Investissement public local

M. Michel Piron

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Transport ferroviaire de voyageurs

M. Alain Gest

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Transition énergétique et réforme territoriale

M. Francis Hillmeyer

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Construction de logements en Île-de-France

M. Jacques Myard

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Marc Le Fur

2. Renseignement

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Amendements nos 15 , 157

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées

M. Philippe Nauche, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées

Amendements nos 13 , 226 , 265 , 397

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 438 , 354, 355

M. Michel Piron

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Amendements nos 402 , 57 , 398 , 356 , , 220 , 221 , 401 , 260 , 159 , 179 , 241 , 262 , 318 , 87 , 319 , 440 , 320 , 439 , 322 , 17 , 58 , 280 , 263 , 18 , 323 deuxième rectification , 427 , 234 rectifié , 235 , 19 , 379 , 325 , 281 , 282 , 183 rectifié

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Amendements nos 41 rectifié , 182 rectifié , 306

Après l’article 1er

Amendements nos 389 , 63 , 242 , 200 rectifié

Article 2

M. Lionel Tardy

M. Jean-Jacques Candelier

Mme Isabelle Attard

Mme Laure de La Raudière

M. Christian Paul

Mme Aurélie Filippetti

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Politique culturelle

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Madame la ministre de la culture et de la communication, commentant hier dans le quotidien L’Humanité la carte des 179 manifestations culturelles et artistiques annulées cette année faute de moyens, le comédien Philippe Torreton parle de débâcle culturelle, et, pour demain, d’artistes sans travail mais aussi de villes sans voix.

Des festivals meurent ou réduisent leur programmation. Ce recul fragilise le droit de chacun et de chacune de créer, de jouer, d’assister à une pièce de théâtre, à un concert ou à un spectacle de rue.

Les activités culturelles et artistiques ne sont ni des variables d’ajustement, ni des activités accessoires qui pourraient être ballottées au gré du diktat de l’austérité. Elles sont essentielles au plan humain comme au plan économique. Économiser sur la culture en période de crise, c’est prendre le risque de l’obscurantisme.

M. Marc Dolez. Très bien.

Mme Marie-George Buffet. Économiser sur la culture, c’est priver la République d’outils et d’espaces d’émancipation et d’imaginaire vitaux pour rendre les citoyens et les citoyennes acteurs de la démocratie et du vivre ensemble. Or le délitement auquel nous assistons est dû, en grande partie, au désengagement de l’État ainsi qu’à la baisse des dotations aux collectivités.

Votre ministère, par le biais de ses directions régionales, propose aujourd’hui à ces mêmes collectivités de signer des « pactes culturels » par lesquels elles s’engagent à maintenir leur effort en matière culturelle. Mais, madame la ministre, pour s’engager, les collectivités ont, de leur côté, besoin de moyens ! Dans cette période difficile où les pratiques culturelles sont, dans leur diversité, plus que jamais utiles, seul l’État peut garantir la qualité et la diversité de l’offre culturelle sur tous les territoires.

Madame la ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour sortir la culture de cette spirale et recréer les moyens d’une politique culturelle ambitieuse et accessible à tous et à toutes ?(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Madame la députée, vous l’avez dit, la culture est toujours un choix politique. Or c’est précisément le choix que fait le Gouvernement au moment où il met en œuvre un plan d’économie de 50 milliards d’euros pour les prochaines années. Le Premier ministre a en effet indiqué, il y a peu de temps, que le budget de la culture serait non seulement stabilisé pour cette année mais, à partir de l’année prochaine, augmenté.

Par conséquent, nous faisons ce choix. Il est, dans une période de contraintes financières, difficile : je le sais et ne minore pas les difficultés que peuvent rencontrer les collectivités locales pour maintenir leurs dépenses culturelles. Je crois cependant que ce choix politique doit être fait.

C’est la raison pour laquelle, vous l’avez dit, j’ai souhaité lancer cette initiative des pactes culturels par lesquels je m’engage, ainsi que le ministère de la culture, auprès des collectivités locales…

M. Guy Geoffroy. Elles sont à sec !

Mme Fleur Pellerin, ministre. …qui font le choix de la culture,…

M. Guy Geoffroy. Vous leur devez de l’argent !

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues, il y a trop de bruit !

Mme Fleur Pellerin, ministre. …à stabiliser pour les trois prochaines années les financements dédiés à ce secteur, de façon à donner de la visibilité aux acteurs culturels.

Madame la députée, vous avez évoqué les festivals. Pour la plupart, ils ont été créés par des collectivités locales sans le soutien financier de l’État. Ils permettent, effectivement, une grande vitalité et une grande créativité sur notre territoire.

Je constate avec tristesse, moi aussi, que les collectivités se désengagent de ces festivals. Mais le rôle que peut jouer l’État pour soutenir cette dynamique est de maintenir et de soutenir le régime de l’indemnisation chômage des intermittents du spectacle.

M. Guy Geoffroy. Vous êtes aussi la ministre du chômage !

Mme Fleur Pellerin, ministre. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a entrepris de consolider ce régime : ce sera le cas dans la prochaine loi relative au dialogue social qui sera présentée et discutée dans cet hémicycle avec mon collègue François Rebsamen et moi-même.

Madame la députée, soutenir le financement de la culture dans les prochaines années, s’engager concrètement auprès des collectivités et réformer le régime de l’indemnisation chômage des intermittents du spectacle : telles sont les réponses qui nous apportons à votre question. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Carte scolaire en milieu rural

M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Gérard Charasse. Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, tous les départements de France procèdent en ce moment à l’examen de leur carte scolaire – y compris l’Allier. Comme parlementaire et comme élu local, j’ai vécu pendant quelques années sous le régime de la proposition, de la discussion et de la concertation. Nous venons de passer sous le régime de l’injonction.

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. Gérard Charasse. L’administration ferme des classes y compris en montagne, y compris là où nous avions depuis des années trouvé une façon juste de progresser, y compris là où, demain, les projections présentées par l’administration seront démenties.

S’ajoute à cette nouvelle façon de considérer les élèves, leurs parents, les enseignants et les élus, des méthodes contestables qui sont notamment en contradiction avec la modification de la loi que nous avons effectuée ici même le 8 juillet 2013 afin que les enfants de moins de trois ans ne soient jamais décomptés dans les prévisions d’effectifs. C’est encore pire lorsque l’on inscrit systématiquement les enfants entrant en classe pour l’inclusion scolaire dans une école de l’aire urbaine afin de fermer une autre CLIS dans une école rurale.

Ma question est donc simple : sommes-nous face à de nouvelles orientations et méthodes de l’éducation nationale, notamment dans ces territoires ruraux, dont la mutation, jusqu’ici bien comprise par le ministère, avait recueilli une attention particulière qu’a saluée l’ensemble de la communauté éducative ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, UDI, écologiste et sur certains bancs du groupe UMP.)

M. Éric Straumann. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Gérard Charasse, la question que vous posez est particulièrement importante car, vous l’avez rappelé, l’accès à l’éducation – comme l’accès aux services publics – préoccupe les habitants et les élus des territoires ruraux.

Vous avez raison de rappeler combien l’école en milieu rural doit être un lieu de réussite éducative et citoyenne. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a choisi d’aborder ce sujet dans le cadre des assises des ruralités – notamment dans votre département, l’Allier – qui furent pour Mme Najat Vallaud-Belkacem l’occasion de dessiner avec les acteurs et élus locaux des propositions d’action adaptées aux spécificités démographiques et géographiques de nos territoires ruraux.

Ces propositions ont ensuite été annoncées par le Premier ministre lors du comité interministériel aux ruralités. Je tiens à vous rappeler que les académies à dominante rurale bénéficient d’un taux d’encadrement plus favorable afin de prendre en compte les spécificités de l’école en milieu rural, qu’il s’agisse de la taille des classes ou des diverses contraintes géographiques.

En outre, l’État accompagne en priorité les communes rurales dans la mise en place de leurs projets territoriaux éducatifs et, vous le savez, nous encourageons le regroupement et la mise en réseau des écoles pour répondre aux besoins des enfants.

Mme Vallaud-Belkacem est particulièrement attentive à la situation des écoles en milieu rural. C’est pourquoi elle a décidé de soutenir les élus locaux qui s’engagent dans la démarche de réorganisation du réseau. Mme la ministre a plusieurs fois rappelé dans cet hémicycle combien elle y est attachée pour maintenir tout ou partie des postes et des classes. C’est le cas dans votre département, qui a entamé ce travail. Les travaux se poursuivent dans l’intérêt de nos enfants ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

Situation des finances publiques

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Carrez. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Le budget pour 2015 que notre Assemblée a voté à la fin du mois de décembre dernier est devenu obsolète. C’est le constat qu’Éric Woerth et moi-même faisons.

Dès janvier, il a fallu prévoir de nouvelles dépenses pour lutter contre le terrorisme.

M. Pascal Popelin. Allons bon ! Cela passe mieux ainsi !

M. Gilles Carrez. En mars, la Commission européenne a demandé à la France un effort budgétaire supplémentaire de 4 milliards d’euros car elle estime que le déficit public est excessif. La semaine dernière, vous avez annoncé de nouvelles baisses d’impôt pour les entreprises.

Puisque notre budget est désormais caduc, il faut le corriger. Or, monsieur le Premier ministre, vous refusez de soumettre au débat de notre Assemblée le programme de stabilité. Pire encore, vous refusez de présenter un projet de loi de finances rectificative en milieu d’année.

Vous voulez donc entretenir l’opacité et le brouillard jusqu’à l’automne prochain, comme si vous aviez peur d’aborder les questions financières avec l’Assemblée, avec le Parlement, donc avec l’ensemble des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Il est vrai que nos finances publiques se portent mal, qu’il n’existe aucune réforme structurelle pour maîtriser les dépenses et que la dette s’envole.

M. Bernard Roman. Moins qu’avec vous !

M. Gilles Carrez. Ce n’est pas pour autant une raison d’agir comme l’autruche en se mettant la tête dans le sable !

M. Jean-Claude Perez. Parole d’expert !

M. Bernard Roman. La dette publique a augmenté de 600 milliards durant le précédent quinquennat !

M. Gilles Carrez. En outre, cela pose un véritable problème de démocratie. Je m’adresse au président de notre Assemblée, M. Claude Bartolone : à quoi sert l’Assemblée nationale, monsieur le président, si elle ne peut même pas débattre des problèmes budgétaires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Même votre porte-parole, M. Le Foll, souhaite un débat. Or, vous n’en voulez pas. Alors, monsieur le Premier ministre, qu’avez-vous à cacher sur nos finances publiques ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI - Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. Pour vous prouver que le débat existe, je donne la parole à M. le ministre des finances et des comptes publics. (Huées sur les bancs du groupe UMP.) Je vous en prie : il est tout de même bien placé pour répondre à cette question !

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Je vous remercie, monsieur le président. Mesdames et messieurs les députés, monsieur le président Carrez, j’ai pour votre personne et pour votre fonction de président de la commission des finances beaucoup de respect, comme pour l’ensemble du Parlement.

M. Guy Geoffroy. Ça commence bien !

M. Michel Sapin, ministre. Je vous répondrai donc avec tout le respect que mérite un tel sujet de la part de chacun d’entre nous.

M. Pierre Lequiller. Et avec clarté !

M. Michel Sapin, ministre. Le projet de loi de finances est-il caduc ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Roman. Écoutez donc la réponse !

M. Michel Sapin, ministre. La réponse est non. Je vais vous expliquer pourquoi : les initiés savent que le Gouvernement français présente à la Commission et à l’ensemble de nos partenaires européens des propositions qui sont également soumises à votre critique et à votre débat. Ces propositions sont-elles contraires à la loi de finances pluriannuelle qui a été votée ici même ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) La réponse est non. La stratégie de réduction de nos déficits est parfaitement conforme à ce qui a déjà été voté ici même. C’est le Parlement donc la France qui décide ! En lien avec la Commission, le Gouvernement met aujourd’hui en œuvre les décisions que la majorité de cette Assemblée a prises !

Les économies sont-elles supérieures à ce qui était prévu ? Il va de soi que cela nécessiterait un nouvel examen et un nouveau vote. Or, la réponse est non. Nous ne faisons que mettre strictement et scrupuleusement en œuvre les décisions et les orientations qui ont déjà été prises par cette Assemblée et par cette majorité, qui a voté un programme d’économies de 21 milliards d’euros pour l’année 2015.

M. Pierre Lequiller. Et les 4 milliards supplémentaires ?

M. Michel Sapin, ministre. Pour des raisons que vous connaissez bien et qui sont liées à la très faible inflation, nous n’avons pas pu constater une partie de ces économies. Des mesures nouvelles sont donc proposées dans le cadre – et dans le respect absolu – du règlement, de la loi organique et de la Constitution.

Mme Claude Greff. Cela mérite un débat !

M. Michel Sapin, ministre. Vous serez informés point par point de l’ensemble de ces décisions : c’est légitime et normal. Le débat aura lieu.

Monsieur Carrez, nous avons passé deux heures délicieuses en commission des finances (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe UMP.) et nous recommencerons la semaine prochaine ! Puis il y aura au début du mois de mai un débat dans cet hémicycle, car sur ces sujets, c’est vous qui avez beaucoup à cacher, et non pas nous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste ; – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Pacte de stabilité

M. le président. La parole est à M. Alain Fauré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Alain Fauré. Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, lorsque nous avons été élus en juin 2012, nous avons dû faire face à une situation économique et financière très difficile.

M. Yves Fromion. Parce que cela va mieux aujourd’hui ?

M. Alain Fauré. La dette augmentait à un rythme explosif, pour atteindre 1 850 milliards d’euros, dont 650 pour les dix dernières années. Le chômage explosait lui aussi, avec 35 000 chômeurs supplémentaires par mois. Un redressement des comptes publics s’imposait et il était impératif de relancer la croissance pour favoriser la création d’emplois. Vaste programme !

En premier lieu…

M. Philippe Cochet. Zorro est arrivé !

M. Alain Fauré. …nous avons engagé une politique de diminution des dépenses ainsi, hélas, qu’une augmentation des impôts, qui faisait suite à celle conduite par nos prédécesseurs.

M. Yves Censi. Pour les créations d’emplois, on n’a pas été déçus !

M. Yves Fromion. Nous voyons le résultat !

M. Alain Fauré. Ces mesures commencent à porter leurs fruits. Les premiers efforts nous ont permis de supprimer la première tranche de l’impôt sur le revenu, grâce à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales dans laquelle nous nous sommes engagés. De même, nous avons voulu une relance volontariste de l’investissement et de la production avec le crédit d’impôt compétitivité emploi et le pacte de responsabilité, sans oublier le grand plan d’investissement lancé par le Gouvernement.

Contre vents et marées, nous avons tenu cette politique d’efforts et de redressement. Le contexte économique international, dans lequel le Gouvernement occupe une part active, notamment sur le plan européen, ainsi que la baisse de l’euro et le prix de l’énergie et du pétrole viennent compléter les actions entreprises.

Tout cela laisse à penser qu’une croissance supérieure à 1 % est envisageable en 2015, ce qui rend caduque la demande du président Carrez.

Globalement, 2016 et 2017 pourraient se présenter beaucoup plus favorables, ce qui augure d’une meilleure situation des finances et de l’emploi, donc de notre pays.

Monsieur le ministre,…

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le député, l’objectif qui est le nôtre, et qui se traduit dans le document que nous appelons « programme de stabilité », se situe dans la continuité des votes qui sont intervenus ici même. C’est bien la France qui décide, en dialogue avec nos partenaires européens – ce qui est la moindre des choses puisque nous avons la même monnaie.

M. Guy Geoffroy. Nous aussi nous avons la même monnaie que vous, pourtant vous ne dialoguez pas avec nous !

M. Dominique Le Mèner. N’importe quoi !

M. Michel Sapin, ministre. …une croissance qui nous permette de réparer le tissu social, car l’objectif de toutes nos politiques, qu’il s’agisse de réformes ou de décisions dans les domaines budgétaire ou financier, c’est l’emploi. Nous voulons faire en sorte de retrouver une croissance suffisante pour faire reculer le chômage en créant des emplois.

Nous atteindrons à la fin de cette année un rythme de l’ordre de 1,5 % de croissance. J’ai émis ce matin des hypothèses qui ont été saluées comme étant crédibles et réalistes et qui constituent le plancher sur lequel nous devons nous appuyer : 1 % au total pour l’année, 1,5 % à la fin de l’année et 1,5 % l’année prochaine. Ce sont les chiffres qu’il nous faut atteindre pour commencer à faire reculer le chômage. C’est notre intention profonde et notre volonté, dont je sais qu’elle est largement partagée sur l’ensemble des bancs de cet hémicycle.

Pour cela il nous faut poursuivre une trajectoire de diminution des déficits, sans la moindre austérité, en mettant en œuvre le programme d’économies que nous avions prévu à hauteur de 50 milliards – mais pas plus, car nous ne voulons rien faire qui risquerait de briser la reprise.

Nous y parviendrons, et cela sans même augmenter les impôts car à partir de 2015 vous assisterez à une baisse des impôts et des prélèvements obligatoires. Quelle rupture avec ce qui a été fait au cours des années précédentes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Finances locales

M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Hugues Fourage. Monsieur le Premier ministre, l’opposition s’est présentée aux élections municipales et départementales comme la championne des baisses d’impôt. Dans une interview au Journal du dimanche, cette semaine, Nicolas Sarkozy a répété avec son arrogance coutumière (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : « Nous avons pris des engagements, nous devons les tenir. Pas d’augmentation des impôts ».

À l’évidence, la parole du président de l’UMP est aussi légère que l’action qu’il a menée en tant que Président de la République.

Nous venons en effet d’apprendre qu’à peine installés, les maires des grandes villes dirigées par la droite ont rompu leur promesse.

A Toulouse, à Bordeaux, à Nice, à Tours, à Marseille, c’est le tour de France des hausses d’impôt.

La palme revenant à notre collègue M. Moudenc, à Toulouse, qui prélève d’un seul coup 30 millions dans la poche des toulousains, soit une augmentation de 15 % ! Magnifique exemple de la schizophrénie de nos collègues de l’opposition, chantres de la défiscalisation à Paris mais promoteurs de la surfiscalisation dans leur commune ! Ces princes du double langage veulent nous faire porter le chapeau en invoquant la baisse des dotations financières de l’État. Sans doute n’ont-ils pas lu le programme de leur propre parti, car l’UMP veut réduire de 150 milliards les dépenses publiques, alors que leurs élus ne sont pas capables de les diminuer de 150 000 euros dans leur commune !

Plusieurs députés du groupe UMP. Rendez l’argent !

M. Hugues Fourage. Ces princes du double langage veulent nous faire porter le chapeau en invoquant la baisse des dotations financières de l’État. À Toulouse, à Bordeaux, à Nice, à Tours, à Marseille, c’est le tour de France des hausses d’impôt.

Sans doute n’ont-ils pas lu le programme de leur propre parti, car l’UMP veut réduire de 150 milliards les dépenses publiques, alors que leurs élus ne sont pas capables de les diminuer de 150 000 euros dans leur commune !

Monsieur le Premier ministre, il est temps de rappeler que le sarkozisme d’opposition n’est pas plus performant que le sarkozisme d’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.) C’est votre gouvernement qui a eu le courage d’engager la baisse des dépenses publiques et des impôts !

M. Jean-Claude Perez. Il a raison !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, vous l’avez rappelé, les villes et les intercommunalités sont en train de voter leur budget. Plusieurs municipalités ont justifié des hausses particulièrement élevées des impôts locaux par la baisse des dotations de l’État,…

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est vrai !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …ce qui a suscité des questions ici même.

Mais la hausse des impôts locaux n’est ni générale ni massive, contrairement à ce que je lis ou entends. De nombreuses villes et agglomérations respectent les engagements qui ont été pris vis-à-vis de leurs habitants. Je pourrais vous citer de nombreuses villes, de toutes couleurs politiques, qui font ce choix de ne pas augmenter les impôts : Metz, Rouen, Amiens, Besançon, Le Havre, Limoges, Montreuil, Rennes, Nantes, Brest, Saint-Étienne…

Il faut cesser les polémiques inutiles et la démagogie.

M. Bernard Deflesselles. Écoutez bien, monsieur Fourage !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Les élus sont libres de choisir leur gestion, mais s’ils augmentent les impôts locaux, qu’ils se justifient devant les électeurs par la politique qu’ils comptent mener sur leur territoire (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC) et surtout qu’ils respectent les engagements qu’ils ont pris au cours des campagnes électorales. Les renier, un an après, ce qui revient à avoir menti devant les électeurs pour gagner les élections, c’est mettre en cause la crédibilité de l’action et de la parole politiques. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Laurent Wauquiez. C’est surréaliste !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Gouvernement a en effet décidé une baisse de la dotation globale de fonctionnement des collectivités de 3,5 milliards d’euros en 2015, ce qui correspond à la part des collectivités dans la dépense publique. C’est vrai et nous l’assumons.

M. Laurent Wauquiez. Aucune envergure ! Quel petit monsieur !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Tous les acteurs publics – État, organismes de sécurité sociale, collectivités locales – doivent prendre leur part aux efforts d’économie.

M. Laurent Wauquiez. Parce que l’État fait des économies ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous ne pouvez pas nous donner des leçons sur les économies nécessaires et nous dire en même temps qu’il ne faut pas en faire partout, de la manière la plus juste et équilibrée possible.

M. Jean-Claude Perez. Bravo !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est cette politique de sérieux budgétaire qui nous permet de relancer l’investissement des entreprises…

Un député du groupe UMP. Menteur !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …grâce au pacte de responsabilité et de solidarité et qui nous permet, à la rentrée prochaine, de baisser l’impôt sur le revenu de 9 millions de foyers.

N’essayez pas, mesdames et messieurs de l’opposition, de brouiller les pistes, et assumez les augmentations d’impôt que vous décidez dans vos villes ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP. - Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je n’ai jamais, vous le savez, sous-estimé l’effort demandé aux collectivités locales dans le cadre de leur contribution au redressement des finances publiques. C’est pourquoi j’ai annoncé la semaine dernière des mesures de soutien à l’investissement des collectivités locales. Nous y travaillons actuellement avec l’Association des maires de France et les associations d’élus du bloc communal. Mais je n’accepte pas les contre-vérités, les mensonges et les campagnes qui visent à occulter devant les Français les vraies responsabilités. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Lorsque le maire d’une grande ville comme Toulouse annonce qu’il augmente la taxe foncière et la taxe d’habitation de 15 % pour obtenir 30 millions d’euros de recettes supplémentaires en 2015, alors que la baisse de la DGF s’élève à 12 millions, il ne peut pas dire que sa décision est contrainte par la baisse des dotations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. C’est scandaleux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Et je pourrais multiplier les exemples…

Plusieurs députés du groupe UMP. Et Lille ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Par ailleurs, je rappelle que le projet de l’UMP diminue la dépense publique globale de 150 milliards d’euros, et que le président de l’UMP, lorsqu’il était candidat à l’élection présidentielle, avait proposé une baisse supplémentaire des dotations de 10 milliards d’euros.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Nul !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Soyez cohérents ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Assez !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Soyez courageux ! Assumez le mensonge que vous avez commis en disant aux Français et aux électeurs que vous n’augmenteriez pas les impôts. (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Cochet. Taisez-vous !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui, monsieur le député, vous avez raison de parler de schizophrénie…

M. Philippe Cochet. Assez !

M. le président. Monsieur Cochet, cela suffit !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et de me permettre de rétablir la vérité, car c’est un débat que nous devons avoir devant les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.)

Ruralité

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Vigier. Vous avez oublié Lille dans votre réponse, monsieur le Premier ministre !

M. Claude Goasguen. Et Paris !

M. Jean-Pierre Vigier. Des dotations de l’État fortement réduites viennent d’être notifiées aux collectivités locales. La diminution est de 3,5 milliards d’euros pour 2015 et de onze milliards sur trois ans ! La baisse de la dépense publique, d’accord mais au bon endroit et par la concertation ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Claude Perez. Mais où ? Où ?

M. Jean-Pierre Vigier. La baisse des dotations est très mal vécue dans nos territoires ruraux. Vous nous tuez à petit feu ! Nos budgets de fonctionnement sont déjà très serrés et nous n’avons pas de marge de manœuvre pour les réduire. Ainsi, chaque euro en moins versé par l’État, c’est de l’investissement en moins dans l’économie locale et les mesures pansements relatives au fonds de compensation pour la TVA et à l’augmentation de la dotation d’équipement des territoires ruraux ne répareront pas le mal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Le monde rural a besoin de mesures justes et adaptées à ses réalités, au premier rang desquelles l’amplification de la péréquation. En outre, la répartition des dotations doit procéder d’un esprit d’aménagement du territoire. Notre monde est en transition : transition numérique, transition écologique et bien d’autres.

M. Yves Fromion. Transition politique !

M. Jean-Pierre Vigier. À quand, monsieur le Premier ministre, la transition rurale juste, équitable, budgétée et tenant compte des réalités des territoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. Je demande aux uns et aux autres de faire un peu moins de bruit. Certains cris sont insupportables, dans cet hémicycle.

M. Manuel Valls, Premier ministre. La ruralité, monsieur Vigier, est bien évidemment un vrai sujet. Je citerai les assises de la ruralité, les mesures exposées par Sylvia Pinel et moi-même à Laon il y a quelques semaines et l’augmentation de la dotation destinée aux communes rurales que j’ai annoncée au congrès des maires à l’automne dernier. Mais c’est à votre première remarque que je répondrai, car elle est intéressante. M. le président de la commission des finances demande de la clarté et de la transparence à l’heure où le Gouvernement présente ses perspectives budgétaires devant la Commission européenne. Mais comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, il importe, dans une démocratie, que l’opposition présente ses contre-propositions !

M. Yves Durand et M. Bernard Roman. Et voilà !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous dites, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, à l’unisson du président de l’UMP, qu’il faut faire des économies, à hauteur de 150 milliards d’euros. Dès lors, le vrai débat qu’il faut avoir, sincèrement et en transparence devant les Français, doit répondre à la question suivante : où fait-on ces économies ? Où fait-on porter l’effort ?

M. Jean-Claude Perez. Alors ? Répondez !

M. Yves Fromion. À vous de le dire !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il faut donc engager le débat et vous suivre ! Pour ma part, j’ai compris où vous voulez faire porter l’effort et me calque sur ce que vous avez fait quand vous étiez au pouvoir !

M. Yves Fromion. Ça n’a rien à voir !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous souhaitez diminuer les moyens alloués à la police et la gendarmerie alors que nous avons besoin de sécurité. Vous souhaitez diminuer les moyens alloués à l’éducation nationale, comme Nicolas Sarkozy l’a répété dans une interview ce dimanche, mais vous demandez depuis les bancs de l’opposition davantage de postes d’enseignants pour les territoires urbains et ruraux ! Où est la schizophrénie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Où voulez-vous faire porter l’effort ? Sur les retraites, les personnes âgées et les personnes handicapées car vous voulez tailler dans ce que vous appelez l’assistanat alors qu’il s’agit de politiques de solidarité que les Français demandent ! (Mêmes mouvements.)

M. Sébastien Denaja. Bravo !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui, monsieur Vigier, il faut débattre de l’effort car chacun doit y participer tandis que nous sommes en train de réussir non seulement à ramener la croissance mais à diminuer l’endettement du pays par rapport à l’état dans lequel nous l’avons trouvé. Mettez-vous donc au clair, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, et acceptez un vrai débat sur vos propositions afin que les Français puissent vraiment choisir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Yves Fromion. Vous l’aurez !

Politique de santé

M. le président. La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Martine Lignières-Cassou. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Nous avons voté hier à une très large majorité le projet de loi de modernisation de notre système de santé. Permettez-moi, madame la ministre, de saluer d’abord le courage et la détermination dont vous avez fait preuve au cours du débat, car vous vous êtes heurtée à toutes les corporations libérales de santé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Le projet de loi est porteur de grands progrès sociaux dont le plus emblématique est la généralisation du tiers payant d’ici 2017.

M. Bernard Roman. Très bien !

Mme Martine Lignières-Cassou. Il procède de la conviction que la politique de santé ne se limite pas aux soins et consiste aussi et peut être d’abord en la promotion de la santé et la prévention. Le texte vise également à accroître l’efficacité de notre système de santé par la refonte de son organisation territoriale et de son pilotage stratégique. Enfin, il affirme le caractère éminemment démocratique des enjeux de santé. C’est pourquoi il prévoit l’ouverture des données, l’action de groupe et à votre initiative, car vous avez déposé des amendements en ce sens, la lutte contre les conflits d’intérêts. Aussi, pouvez-vous détailler aux Français, madame la ministre, les mesures votées en matière de démocratie sanitaire, en particulier les dispositions relatives à la transparence ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. En effet, madame la députée Martine Lignières-Cassou, la loi de modernisation de notre système de santé porte aussi sur la qualité des soins. Il importe de donner confiance à nos concitoyens qui, dans certaines situations, se posent des questions sur la qualité de leur prise en charge et celle des produits proposés. Régulièrement, des affaires arrivent sur le devant de la scène et amènent à s’interroger sur l’impartialité de ceux qui proposent les décisions et sur les éventuels liens entre les professionnels de santé et les décisions publiques. C’est pourquoi un certain nombre de décisions ont été prises. J’ai mis en place au mois de juillet dernier le site transparence.sante.gouv.fr exposant les liens entre les médecins et les laboratoires pharmaceutiques.

Mais nous devons aller plus loin. C’est pourquoi le projet de loi, dont je dois dire qu’il a été voté avec un très large soutien, prévoit un ensemble de mesures dont la mise en évidence des relations conventionnelles entre les professionnels et les laboratoires. Désormais, le montant des sommes allouées aux professionnels figurera sur le site « Transparence ». Par exemple, les professionnels travaillant dans les agences sanitaires devront le mentionner dans leur déclaration d’intérêt. Mais il ne suffit pas de déclarer, il faut suivre la réalité des situations. Un déontologue sera donc nommé dans chaque agence sanitaire sur la situation de laquelle il devra rendre un avis. Comme vous le voyez, madame la députée, le Gouvernement est attentif à la confiance que placent les Français dans leur système de santé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Politique en faveur de la jeunesse

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Daniel Gibbes. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. À quelques heures de la limite de dépôt des motions du Parti socialiste, la présidente des Jeunes socialistes…

M. Jean-Claude Perez. De quoi je me mêle ?

M. Daniel Gibbes. …rappelait au Président de la République ses promesses de campagne en faveur de la jeunesse et invitait votre gouvernement à entendre « la déception des jeunes ».

Elle a notamment déploré l’absence de « grandes mesures structurelles qui s’adressent à tous » et l’abandon de la priorité donnée à la jeunesse, en parlant de « promesses passées à la trappe, au profit de mesures qui n’étaient pas annoncées. »

Alors même que le candidat Hollande assurait aux jeunes, en 2012, qu’ils étaient sa priorité absolue, force est de constater que ceux-ci n’en finissent pas de pâtir de la crise, et qu’ils semblent être sortis du radar de votre gouvernement. Ce constat est étayé par un rapport récent du Conseil économique, social et environnemental, le CESE, qui dresse le portrait alarmant d’une jeunesse qui se précarise et voit ses conditions de vie se dégrader.

La situation s’avère dramatique pour une partie non négligeable de cette population dans l’Hexagone, mais aussi outre-mer, où elle est plus sensible encore en matière d’emplois, mais aussi de logement et de santé.

Je rappelle pour illustrer mes propos quelques chiffres édifiants : un jeune sur cinq vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, 34 % des 15-29 ans ont un emploi précaire, un étudiant sur trois renonce à des soins pour des raisons financières. Les jeunes représentent également quelque 25 % des places d’hébergement d’urgence ; près de 2 millions d’entre eux sont sans emploi ni formation.

Malgré les quelques avancées de votre Plan priorité jeunesse, la mise sur pied d’une politique de la jeunesse digne de ce nom se fait attendre.

Alors que les chiffres du chômage confirment qu’ils sont les plus touchés, que fait le gouvernement d’un président Hollande qui disait vouloir « être jugé sur un seul objectif : est-ce que les jeunes vivront mieux en 2017 qu’en 2012 » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville.

Mme Myriam El Khomri, secrétaire d’État chargée de la politique de la ville. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Daniel Gibbes, permettez-moi tout d’abord d’excuser M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

Je comprends vos interrogations et vos inquiétudes, mais je ne peux vous laisser dire que la jeunesse est laissée de côté. C’est une priorité du Président de la République et du Gouvernement, et pas seulement dans les discours, mais bien dans les actes. Depuis 2012, les moyens consacrés aux jeunes, et particulièrement à ceux de 16 à 25 ans, ont augmenté : 85 milliards d’euros sont consacrés à nos politiques jeunesse, soit une augmentation de 12 % entre 2012 et 2015 – ce que la droite n’a pas fait et ce que vous, monsieur le député, n’avez pas fait ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour lutter contre la précarité, la Garantie jeunes couvrira près de 70 territoires et 50 000 jeunes à la fin de l’année. L’objectif fixé est de 150 000 jeunes en 2017. Plus qu’une allocation de subsistance, c’est aussi un accompagnement renforcé vers la formation et vers l’emploi.

Accompagner les jeunes, c’est également accroître les moyens de Pôle Emploi pour encourager leur emploi, notamment à travers les contrats d’avenir.

À la suite du comité interministériel qui s’est tenu le 6 mars dernier, nous avons également mis en place un contrat « Starter » pour les jeunes décrocheurs recrutés dans les entreprises, qui recevront à ce titre une aide renforcée. Enfin, la nouvelle prime d’activité se substitue à la prime pour l’emploi et au RSA activité. Il s’agit de droits nouveaux pour les jeunes.

Le rapport du CESE de février 2015 sur l’insertion professionnelle des jeunes ultramarins pose des questions essentielles. Sur ce point, Patrick Kanner travaille en lien direct avec George Pau-Langevin pour prendre en compte la spécificité de la situation des jeunes ultramarins. L’Agenda social de l’outre-mer est en préparation ; faire confiance à notre jeunesse et lui donner confiance est une priorité. Cela passe par plus d’autonomie, et c’est cela qui guide l’action du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Naufrage d’un bateau de réfugiés en Méditerranée

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi, pour le groupe écologiste.

Mme Danielle Auroi. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. Bernard Cazeneuve.

Monsieur le ministre, un nouveau drame s’est produit en Méditerranée, causant la mort de plus de 400 personnes fuyant la guerre et la misère pour rejoindre l’Europe. Déjà, avec le drame de Lampedusa, l’année dernière s’était illustrée par un épouvantable record : plus de 3 500 morts dans ces terribles naufrages à mettre au compte d’épouvantables naufrageurs.

La Méditerranée est devenue la voie migratoire la plus dangereuse au monde, et l’Europe ne pense qu’à fermer ses frontières ! Est-ce digne d’elle ?

Le rapport 2014 d’Amnesty international l’a montré, jamais le nombre d’individus fuyant les conflits et l’instabilité n’a été aussi élevé ; et ce sont les pays frontaliers qui assument la plus grande part de l’accueil des populations civiles.

La Turquie a accueilli près d’un million de réfugiés syriens, quand la France a répondu à l’appel du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés – HCR – de 2013 en s’engageant à en accueillir 500 ! Le Conseil de l’Europe a d’ailleurs épinglé notre pays, qui se situe au dernier rang européen.

Pourtant, la solidarité vis-à-vis des civils pris au piège est aussi un des piliers de notre propre sécurité.

L’opération de sauvetage Mare Nostrum, conduite par les Italiens, a permis de sauver des vies sans créer d’appel d’air. Preuve en est que depuis la fin de l’opération, le nombre de départs continue d’augmenter.

La difficulté d’accès aux procédures d’asile aux frontières extérieures terrestres de l’Union européenne, notamment en Hongrie et en Bulgarie, pousse ces désespérés à la dangereuse traversée de la Méditerranée pour tenter de trouver protection.

Nous ne pouvons pas abandonner les pays limitrophes comme l’Italie, la Grèce et l’Espagne en les laissant agir seuls.

Monsieur le ministre, devant ces drames humains à répétition, entendez-vous soutenir auprès des autres États membres la mise en place d’une opération européenne de recherche et de sauvetage en Méditerranée ? Et quelles mesures de soutien d’urgence aux pays limitrophes pouvez-vous engager ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et GDR et sur quelques bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Madame la députée, je veux d’abord, comme vous l’avez fait à l’instant, m’indigner des morts survenues hier, qui font suite aux 3000 disparitions à la suite de naufrages recensées au cours de l’année 2014. Ces drames, ces tragédies humaines, sont le résultat du cynisme d’organisations internationales de la traite des êtres humains, qui n’hésitent pas à mettre des migrants de plus en plus nombreux et vulnérables sur des embarcations de plus en plus frêles,…

M. Guy Geoffroy. C’est vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …dans des conditions de plus en plus aléatoires, après avoir prélevé sur eux un véritable impôt sur la mort, compte tenu du nombre de ceux qui perdent la vie en Méditerranée centrale.

Vous me demandez si la France est prête à agir au plan européen. Vous êtes présidente de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale : vous savez parfaitement que non seulement nous agissons, mais que nous inspirons la politique de l’Union européenne sur plusieurs points.

D’abord, nous sommes résolus à agir, et nous agissons, pour lutter contre les filières de l’immigration irrégulière en Europe et en France,…

M. Alain Marsaud. Avec quel succès !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …par le renforcement de la coopération entre nos services de police et de renseignement. En 2014, 226 filières supplémentaires du crime organisé et de la traite des êtres humains ont ainsi été démantelées en France ; nous avons enregistré une augmentation de 14 % du nombre des filières démantelées ; à Calais, où ces filières font des dégâts considérables sur le plan humain, l’augmentation est de 30 %.

Ensuite, la loi sur l’asile doit nous permettre d’accueillir les demandeurs d’asile en France dans des conditions plus dignes, pour des raisons d’humanité. À cet égard, je ne peux que regretter la décision prise par la commission des lois du Sénat de retarder l’examen de ce texte, qui relève de l’urgence humanitaire. C’est une décision totalement irresponsable.

M. Jean-Claude Perez. Absolument !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Enfin, nous avons absolument besoin de faire en sorte que les frontières extérieures de l’Union européenne soient protégées. Frontex, qui se substitue à Mare Nostrum, assurera aussi le respect des principes du droit de la mer et le sauvetage des populations en danger. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Pénurie de médicaments

M. le président. La parole est à M. Bernard Debré, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Debré. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, la situation du médicament est préoccupante. À l’heure où je vous parle, en France, la pénurie de certains médicaments et vaccins est majeure. Plus de 200 médicaments et de nombreux vaccins sont impossibles à trouver.

Je pense au BCG – le vaccin contre la tuberculose – ou au DT Polio pour les nouveau-nés. Ces vaccins sont pourtant obligatoires pour pouvoir inscrire son enfant dans une crèche. Ils ne sont plus disponibles depuis des mois à cause de l’explosion de la demande mondiale. Comment les parents peuvent-ils, dès lors, inscrire leur enfant dans une crèche ?

Je pense aussi aux médicaments contre la maladie de Parkinson, qui sont en rupture de stocks, mais il y en a bien d’autres : je le répète, plus de 200 médicaments, parmi les plus utiles, manquent aujourd’hui.

Madame la ministre, notre pays est tributaire de l’Inde et de la Chine, où sont fabriquées les molécules, qui sont ensuite transformées en Europe de l’est. La France ne fait que les conditionner, exception faite des nouvelles molécules qui sont certes efficaces – pour certaines – mais coûtent très cher. L’Inde et la Chine produisent à flux tendus et préfèrent vendre leurs produits prioritairement à des pays émergents, et plus cher.

En France, les laboratoires ne jouent pas le jeu.

M. Jean-Paul Bacquet. Ça, c’est vrai !

M. Bernard Debré. Certains préfèrent ne plus importer les anciens médicaments, trop peu chers, pour vendre les nouveaux, pas forcément meilleurs, mais beaucoup plus lucratifs. Les grossistes, eux aussi, pour gagner plus d’argent, vendent 10 % de leurs stocks hors de France.

Face à cette situation préoccupante pour la santé et la sécurité de nos concitoyens, quelles mesures concrètes et d’urgence comptez-vous prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gaby Charroux. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, il est vrai qu’il y a des tensions, parfois des ruptures, en ce qui concerne l’approvisionnement de certains médicaments. Ces tensions et ces ruptures, il faut le dire, ne concernent pas uniquement la France ; elles touchent beaucoup de pays, en particulier européens. C’est la raison pour laquelle il faut engager une démarche européenne, afin que nous puissions définir une politique de gestion concertée des stocks. C’est ce que nous faisons d’ores et déjà : lorsque viennent à manquer certains médicaments dans certains pays, nous nous entraidons pour faire face aux besoins.

Au-delà – vous le savez très bien – nous avons voté à l’article 36 de la loi adoptée hier une mesure qui porte spécifiquement sur les médicaments thérapeutiques majeurs, qui impose désormais aux laboratoires de prévoir et de proposer des options au moment de la mise sur le marché pour faire face à des ruptures d’approvisionnement. C’est ainsi que la manière dont les laboratoires répondront aux situations de rupture fait partie des conditions de la mise sur le marché.

De fait – et j’en viens à la question du BCG –, beaucoup de problèmes s’expliquent par des raisons purement industrielles. S’agissant du BCG, le problème rencontré vient du processus industriel et du vissage des bouchons sur les flacons. En France, nous avons pris des mesures pour orienter les vaccins de façon prioritaire en direction des protections maternelles et infantiles et des centres antituberculeux. Pourquoi les PMI ? Pour que les enfants puissent se faire vacciner et accéder, bien sûr, à l’école, ainsi qu’à des places en crèche. Nous faisons en sorte de garantir à tous les enfants qui en ont besoin ce vaccin, qui est essentiel pour la vie collective.

Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement assume ses responsabilités, y compris face à des enjeux internationaux.

Situation à Radio France

M. le président. La parole est à Mme Michèle Fournier-Armand, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Michèle Fournier-Armand. Madame la ministre de la culture, les Français aiment la radio. Ils ont bien raison, car ce média garde dans notre pays une richesse, une diversité et une qualité exceptionnelles.

M. Patrice Verchère. Ça coûte cher !

Mme Michèle Fournier-Armand. Cette qualité doit d’ailleurs beaucoup à la gauche (« Ah ! » et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) qui, à partir de 1981, avait libéré le corset dans lequel la droite avait enfermé le paysage radiophonique français.

Radios généralistes, radios musicales, radios jeunes, radios publiques, radios locales : en France, il y en a pour tous les goûts, pour tous les âges et pour tous les styles. À titre personnel, permettez-moi de le dire, j’aime France Bleu Vaucluse. (« Ah ! » sur de nombreux bancs.)

Madame la ministre, pour des millions de Français, la situation à Radio France est un sujet de préoccupation. Notre majorité a bien évidemment suivi l’évolution de la situation récente car elle est attachée à la préservation de cette belle maison.

C’est un sujet de préoccupation car, comme l’a montré la Cour des comptes, des erreurs graves ont été commises au cours de la période précédente, notamment dans le cadre la rénovation de la maison de la radio.

C’est un sujet de préoccupation car l’inquiétude des personnels doit être prise au sérieux.

Madame la ministre, vous avez récemment nommé un médiateur, Dominique-Jean Chertier, pour renouer le dialogue et trouver une issue à la crise. Hier, quatre syndicats sur cinq se sont prononcés pour l’arrêt de la grève. Aujourd’hui, les matinales ont repris.

Madame la ministre, ma question est simple : pouvez-vous partager avec nous votre appréciation de la situation ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Madame la députée, l’esprit de responsabilité, vous l’avez dit, a prévalu, et je m’en félicite, mais le conflit à Radio France et la médiation conduite par Dominique-Jean Chertier révèlent un malaise très profond, vous l’avez souligné dans votre question. Aujourd’hui, il ne faut plus le commenter ou le dénoncer à des fins polémiques, mais, comme vous le suggérez, il convient de travailler dans un esprit de service public. C’est le texte qu’a présenté le médiateur et les explications que j’ai apportées aux organisations syndicales qui ont permis d’ouvrir la voie à la fin de ce conflit. C’était le rôle de l’État que de proposer une méthode sincère, loyale et franche.

Face aux organisations syndicales, j’ai rappelé la nécessité des réformes, mais j’ai tenu également à lever certaines inquiétudes. Par exemple, j’ai insisté sur l’importance vitale du réseau local dans les missions de service public de l’entreprise. Comment puis-je le dire plus clairement : la mutualisation dans la production des programmes n’est pas et ne sera pas la règle de fonctionnement sur les antennes de France Bleu.

Tout au long de ces trois semaines de conflit, j’ai agi en responsabilité, d’abord en demandant que le président Gallet mette son projet sur la table et en me prononçant immédiatement pour faire connaître la position de l’État, ensuite en nommant Dominique-Jean Chertier comme médiateur – je veux ici saluer son grand professionnalisme –, enfin en mettant tout en œuvre pour que nous puissions sortir de ce conflit et que s’ouvre enfin la deuxième partie de la mission, qui doit permettre de penser l’avenir et d’élaborer le contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2015-2019.

Aujourd’hui, notre objectif commun doit être de rassembler tous les salariés de Radio France et de construire son avenir. Attaquons-nous maintenant aux racines profondes du malaise, continuons ce travail grâce à la méthode qui est née de la médiation, une méthode fondée sur l’écoute, le dialogue social et la volonté de retrouver la confiance.

M. Philippe Meunier. En 2017 !

Mme Fleur Pellerin, ministre. Il est certain que d’aucuns auraient voulu que la sortie de crise soit plus rapide mais je crois que les dix ans pendant lesquels rien n’a été entrepris (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour songer à l’avenir de Radio France nécessitaient que nous prenions le temps de poser les bases d’un dialogue social rénové. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Maurice Leroy. Ainsi font, font, font !

Investissement public local

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé la semaine dernière des mesures de soutien à l’investissement public local, notamment un préfinancement à taux zéro des remboursements de TVA aux collectivités.

Cette annonce révèle-t-elle une prise de conscience des graves problèmes auxquels ces dernières doivent faire face ? L’effondrement de l’investissement des collectivités – moins 14 % pour les communes et intercommunalités en 2014 – et les craintes pour les années à venir ont d’ores et déjà des conséquences dramatiques pour l’emploi, en particulier dans le secteur des travaux publics.

À cet état de fait, je vois deux raisons principales : la première, c’est la réduction sans précédent des dotations aux collectivités, certes contrainte par la dégradation des finances de l’État, et qui explique certaines hausses d’impôts ; la deuxième, peut-être plus déterminante encore, c’est l’incertitude majeure qui pèse sur notre organisation territoriale, tant en ce qui concerne le périmètre des intercommunalités que les relations de ces dernières aux communes, et qui commande désormais l’ordre du jour des élus locaux. Loin d’éclairer l’avenir des régions et des départements, des intercommunalités et des communes, la réforme en cours installe un véritable désordre institutionnel qui paralyse l’initiative publique. Ainsi, faute de visibilité, nombre de projets sont à l’arrêt.

Monsieur le Premier ministre, « il n’est pas de bon vent pour celui qui ne sait où il va », disait Sénèque. Aujourd’hui, les élus ont un urgent besoin de savoir où vous allez et où ils vont. Quand donc proposerez-vous une perspective claire aux collectivités territoriales et, plus largement, à toutes celles et tous ceux qui se soucient d’action publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le député Michel Piron, vous avez, il est vrai, participé aux débats sur la réforme que vous évoquez ; je dois néanmoins remettre quelques pendules à l’heure.

Vous soutenez que la baisse des dotations met en danger l’investissement local. Il faut toutefois rappeler, car l’ensemble de nos concitoyens ne le savent peut-être pas, que cette baisse correspond cette année très exactement à 1,6 % des recettes réelles de fonctionnement. Votre affirmation ne tient donc pas, même si cette baisse est difficile, et assumée, ainsi que l’a rappelé le Premier ministre.

Par ailleurs, nous avons ensemble discuté de l’organisation des collectivités territoriales et avancé sur ce sujet au plan structurel. Une organisation à treize régions permettra de conserver un même niveau de PIB par habitant ; nous avons donc comblé l’écart entre régions très pauvres et régions très riches, qui était un frein à l’investissement. Le Limousin est ainsi aujourd’hui en mesure d’investir avec l’Aquitaine.

En outre, nous avons décidé de mettre en commun, de mutualiser les moyens, ce qui est véritablement une réforme structurelle. En effet, lorsque nous avançons ensemble sur l’intercommunalité, sur une conférence sur l’investissement local, nous avançons structurellement vers une rationalisation des moyens, seule réponse à l’injonction contradictoire de nos concitoyens qui veulent payer moins d’impôt local mais souhaitent parallèlement plus de services publics.

Le Premier ministre s’est engagé de façon très forte. Le remboursement au titre du Fonds de compensation de la TVA n’étant pas possible à l’année n+1, tout le monde en convient, nous proposons pour le préfinancer des prêts à taux zéro, sans avance de trésorerie pour les collectivités. L’État versera également 600 millions d’euros supplémentaires pour la dotation d’équipement des territoires ruraux et 200 millions d’euros en plus pour la dotation de solidarité urbaine.

Grâce à toutes ces enveloppes, nous pourrons expliquer à nos concitoyens que la baisse des dépenses sera sept fois plus importante pour les collectivités les plus riches que pour les autres ; un euro d’effort pour celles-ci correspondra à sept euros d’effort pour celles-là. Tel est notre objectif : justice, solidarité, rationalité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Transport ferroviaire de voyageurs

M. le président. La parole est à M. Alain Gest, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Gest. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des transports et j’y associe mon collègue Éric Woerth.

Depuis quelques mois, à chaque fois que l’on entend parler des transports ferroviaires de voyageurs, quel que soit le lieu, les nouvelles sont inquiétantes, voire désespérantes. En Normandie, c’est l’inquiétude en raison du plan d’action de Guillaume Pépy remis à la commission présidée par notre collègue Duron, car celui-ci se traduirait par des suppressions de lignes ou la division par deux des liaisons Paris-Rouen-Le Havre. En Dordogne, le trajet quotidien des clients de la SNCF est une galère en raison de la suppression des trains ou de leur remplacement par des bus, des retards, des wagons bondés ; nombre d’entre eux ont entrepris une grève de la présentation des titres de transport. La région Nord-Pas-de-Calais a bloqué des versements à la SNCF pour protester contre la diminution des horaires d’ouverture des guichets dans les gares. Un récent sondage a montré qu’en dix ans le taux de satisfaction des usagers n’a cessé de baisser ; moins 19 %.

En Picardie, la semaine dernière, une association a utilement proposé d’accompagner les voyageurs, clients captifs de la SNCF car prenant le train en direction de Paris pour se rendre sur leur lieu de travail. Le constat est cruel : un matériel en mauvais état, très peu de trains de grande capacité, donc un manque de places et des voyageurs debout pendant plus d’une heure, des rames en panne qui tardent à être réparées car les services de maintenance sont surchargés, des trains annulés par manque de conducteurs, des transferts inopinés vers des cars en cours de voyage, des retards chroniques depuis la mise en place du cadencement.

Monsieur le secrétaire d’État, au quotidien c’est l’enfer, et le quotidien joue beaucoup sur le moral et le bulletin de vote de nos compatriotes. En Picardie, en particulier à Amiens, c’est la double peine, parce que le barreau Creil-Roissy qui pourrait enfin permettre une desserte TGV de la capitale régionale n’est toujours pas confirmé.

Monsieur le secrétaire d’État, vous qui êtes au pouvoir depuis trois ans et vos amis qui sont encore au pouvoir dans les régions, que pouvez-vous dire pour rassurer les citoyens excédés ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, la séance est extrêmement intéressante puisque nous apprenons au fur et à mesure que, pour diminuer la dépense publique, objectif que je partage, il ne faut toucher ni aux collectivités locales ni aux infrastructures ; quant à savoir où trouver les 150 milliards d’euros d’économies que vous entendez réaliser, le mystère reste entier… (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Coutelle. Très bien !

M. Éric Woerth. Tout va bien pour les usagers : c’est ça que vous voulez dire ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Vous avez raison, et c’est là toute la contradiction, de poser la question des infrastructures ferroviaires. Je l’ai dit dès que j’ai pris ma fonction : l’objectif doit être la sécurité, la maintenance et les trains du quotidien. Permettez-moi de vous faire remarquer que le vieillissement des voies que vous avez mentionnées ne s’est pas fait en trois ans ou accéléré ces trois dernières années. Le retard important que nous avons pris est une responsabilité collective : d’autres choix ont été faits à un moment donné, et nous avons probablement abandonné le management et la culture de la sécurité et de la maintenance, reconnaissons-le.

Aujourd’hui, nous sommes donc confrontés à des difficultés. Je partage notamment votre constat sur la ligne d’Amiens, une de celles qui posent le plus de problèmes, alors même qu’elle bénéficie du traitement des lignes sensibles. J’ai demandé expressément à la SNCF de me tenir informé des décisions qui sont prises pour répondre aux préoccupations des usagers.

S’agissant de la liaison Roissy-Picardie, je tiens à vous rassurer : ainsi que l’a confirmé le Premier ministre, l’ensemble des crédits nécessaires seront inscrits dans les contrats de projets État-région des deux régions pour sa réalisation. Une négociation est en cours entre la SNCF et les régions au sujet de la desserte et des financements, mais à l’issue de celle-ci, la déclaration d’utilité publique sera prononcée et le Gouvernement sera au rendez-vous ; les Picards peuvent nous faire confiance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Transition énergétique et réforme territoriale

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Hillmeyer. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Madame la ministre, la France affiche sa volonté de mener sa révolution énergétique par l’organisation de la prochaine conférence internationale du climat, la COP 21, mais aussi par sa grande loi de transition énergétique.

C’est une volonté et une ambition que nous partageons. À l’UDI, le Grenelle de l’environnement, la dynamique des territoires et la culture du résultat sont des éléments essentiels, loin des incantations dogmatiques.

Permettez-moi de vous dire cependant que cette volonté partagée n’est aujourd’hui portée par une politique énergétique digne de ce nom ni dans le projet de loi de transition énergétique ni dans le projet de loi NOTRe.

Pour que notre pays prenne le train de la révolution énergétique, il doit pouvoir s’appuyer sur ses territoires, ses régions, acteurs de terrain essentiels de la nouvelle donne énergétique. Or il n’en est rien. La nouvelle organisation territoriale, censée armer les nouvelles régions face aux défis du XXIsiècle, a été menée au mépris des identités territoriales. Le contenant, c’est-à-dire les régions, a été totalement dissocié du contenu, c’est-à-dire leurs compétences, sans que l’on se soucie des différentes situations régionales et sans que l’on en mesure tous les enjeux.

Vous avez ainsi créé artificiellement de nouvelles entités territoriales avant même de penser à leur organisation, et contre la volonté d’une grande partie de la population. Cette erreur de méthode, croyez-le bien, rendra les politiques régionales inefficaces !

C’est vrai pour la Bretagne mais aussi pour l’Alsace, deux territoires précurseurs grâce à leur conférence régionale de l’énergie et de l’atmosphère et à leur comité de concertation de l’énergie.

Madame la ministre, ma question est simple : comment comptez-vous concilier ces spécificités et ces initiatives régionales uniques, qui sont de véritables réussites, avec les schémas d’aménagement prévus dans la loi NOTRe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. C’est une question intéressante dont nous avons débattu en marge de la discussion du projet de loi NOTRe. Pour que cette réforme territoriale soit, conformément à son objet, structurelle, nous avons commencé ensemble, avec votre participation, à supprimer différents schémas – schémas régionaux d’aménagement du territoire, stratégies régionales de l’intermodalité, schémas régionaux climat air énergie, plans régionaux de prévention et de gestion des déchets – pour les rassembler en un seul schéma qui doit donner de grandes orientations politiques. Fortes de cet engagement collectif, les intercommunalités pourront ainsi répondre aux souhaits de nos concitoyens.

J’entends néanmoins votre interrogation. En effet, après accord de la majorité de la commission concernée, les schémas régionaux relatifs à l’environnement en général ont été exclus de ce schéma régional d’aménagement du territoire et du développement durable. Ma collègue Ségolène Royal et moi-même sommes toutefois très claires : si, en deuxième lecture, les commissions d’abord, l’Assemblée nationale et le Sénat ensuite, expriment la volonté d’intégrer ces schémas environnementaux, nous n’y sommes nullement opposées.

Vous avez en effet raison de le souligner : à l’heure où nous donnons aux régions le pouvoir de donner l’impulsion à certaines politiques spécifiques, il serait intéressant d’intégrer aux schémas régionaux des sujets tels que la transition énergétique ou le climat, l’air et l’énergie.

Je suis donc ouverte à la discussion, tout comme l’est Ségolène Royal. Si le Sénat puis l’Assemblée nationale nous orientent dans cette direction, nous n’y voyons aucun inconvénient. Nous sommes à votre disposition pour en discuter en amont car, si nous voulons réussir la COP 21, il faut que nos régions soient exemplaires !

Construction de logements en Île-de-France

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Ma question s’adressait au Premier ministre, mais celui-ci a visiblement pris peur et s’en est allé !

M. le président. Vous effrayez bien du monde, monsieur Myard ! (Sourires.)

M. Jacques Myard. J’y associe Mme Valérie Pécresse et les députés de la région parisienne.

Loger nos concitoyens est un objectif légitime auquel nous souscrivons tous. Mais cela ne signifie pas que l’on puisse faire n’importe quoi. Pis, saccager – je dis bien saccager ! – des sites qui constituent des patrimoines écologiques irremplaçables.

Sans qu’il ait été procédé à aucune concertation, nous apprenons par voie de presse l’apparition de trente-trois projets qualifiés d’« opérations d’intérêt national » – OIN – en région parisienne, consistant à construire, que dis-je, à bétonner des sites de verdure remarquables, comme celui de Mareil-Marly ou comme les hippodromes de Saint-Cloud, d’Enghien, de Rambouillet et de Maisons-Laffitte – un scandale ! Tout cela au mépris et en violation des règles publiques qui protègent ces sites, qu’il s’agisse de leur classement au titre des sites, de la coulée verte du SDRIF – schéma directeur de la région Île-de-France – ou des PPRI – plans de prévention des risques d’inondation –, qui interdisent toute construction en zone inondable.

Que comprendre de tout cela ? Que vous ne commandez pas à ces technocrates frustrés de l’AFTRP – agence foncière et technique de la région parisienne – qui vaticinent pour justifier leur existence !

Vous qui voulez loger les Français, monsieur le Premier ministre, sachez qu’il existe des centaines de milliers de logements vacants en province. (Rires sur les bancs du groupe écologiste.) Au lieu de bétonner à outrance la région parisienne et de la rendre invivable car on ne pourra plus y circuler, aidez les entreprises à s’installer dans les villes de province où il y a des logements vacants, notamment des logements sociaux ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Quand mettrez-vous en place une politique d’aménagement du territoire qui ne saccage pas la région parisienne et qui permette aux Français de vivre dans des conditions acceptables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité. Je voudrais vous répondre avec précision, monsieur le député, car beaucoup de contrevérités ont été soutenues à ce sujet.

M. Yves Fromion. Pas par lui, en tout cas !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Tout d’abord, la crise du logement sévit en Île-de-France sans doute plus qu’ailleurs. Les Franciliens qui peinent à trouver un logement adapté à leurs besoins apprécieront vos propos !

M. Jean-Luc Laurent. Il faut construire du logement diversifié à Maisons-Laffitte !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Hier, le Premier ministre a réuni le comité interministériel du Grand Paris pour faire le point sur l’avancée du volet aménagement et logement du projet. Avec 56 000 logements mis en chantier au cours des douze derniers mois, la tendance est à la hausse mais nous sommes encore loin des 60 000 logements nécessaires. Nous devons donc poursuivre et amplifier nos efforts.

Lors du comité interministériel d’octobre 2014, une trentaine de sites ont été identifiés selon deux critères simples, le potentiel de construction et la desserte en transports. Les services ont réalisé une étude approfondie qui donne lieu actuellement, au sein des ateliers du Grand Paris du logement, à une concertation avec les élus locaux et les aménageurs. En aucun cas les projets ne sont actés. Nous travaillons, j’y insiste, en partenariat avec les élus et les aménageurs pour réussir le Grand Paris de l’aménagement et du logement. Deux ateliers se sont déjà tenus. J’espère que le débat se poursuivra de manière constructive.

Les OIN constituent des outils qu’il convient d’apprécier au cas par cas. L’État travaillera avec les élus à un projet de développement partagé et l’annonce des sites retenus se fera en septembre.

M. Jacques Myard. Ben voyons !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Il est inutile de polémiquer sur un sujet aussi sérieux et aussi attendu par les Franciliens ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. Merci, madame la ministre, de ne pas avoir effrayé M. Myard ! (Sourires.)

M. Jacques Myard. Pardi !

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

2

Renseignement

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif au renseignement (nos 2669, 2697, 2691).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n15 à l’article 1er.

Article 1er (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 15 et 157.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n15.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, je défendrai également l’amendement n13.

Pour être efficace, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR, doit constituer un véritable contre-pouvoir. De ce point de vue, la question de sa composition est cruciale. Or nous avons là-dessus des avis très divers et des propositions variées, qui sont toutes recevables. Pour ma part, j’hésite entre deux options.

Concernant la présence de parlementaires, monsieur le rapporteur, je me suis rallié à votre avis : la tâche de la CNCTR sera si colossale que je vois mal comment des parlementaires pourront y siéger. Il s’agit effectivement d’un travail à temps plein, ne serait-ce que parce qu’on ne lui facilitera malheureusement pas la recherche de certaines informations.

Quand bien même le parlementaire n’exercerait pas d’autre mandat et serait placé en disponibilité, comment pourra-t-il à la fois exercer son mandat et remplir sa mission, même un jour par semaine, au sein de cette commission ?

Deux options se présentent à nous. Soit, comme le prévoit l’amendement n15, la commission ne comprend aucun parlementaire : elle ne compterait alors que cinq membres. Cette composition restreinte, conforme aux préconisations du Conseil d’État, lui conférerait une plus grande efficacité. Soit, et c’est le sens de l’amendement de repli n13, la commission comprend un parlementaire, ainsi que plusieurs de nos collègues le souhaitent, et un seul, afin que le quorum puisse être atteint. Il conviendrait que ce parlementaire soit un député de l’opposition car il serait ainsi plus à même de jouer un rôle de contre-pouvoir face à celui qui autorise les interceptions, à savoir le Premier ministre, chef de la majorité. Je n’ai rien contre les sénateurs, mais l’opposition parlementaire se définit à l’Assemblée, et n’est pas forcément la même qu’au Sénat – c’est d’ailleurs le cas aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n157.

M. Jacques Myard. La réponse à ce problème de la composition n’est pas évidente et a fait l’objet de débats au sein de tous les groupes.

Pour que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement soit efficace, elle doit travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre trois cent soixante-cinq jours par an et disposer des moyens humains -– notamment de spécialistes -– et matériels nécessaires.

La présence de parlementaires au sein de cette commission peut se justifier sur le plan politique, le caractère politique de leur mandat les habilitant à en contrôler le fonctionnement. Nous craignons cependant qu’ils ne soient accaparés par d’autres tâches liées à leur mandat et que cela ne les empêche de remplir correctement leur mission au sein de la CNCTR.

Notre position initiale était donc qu’il n’y avait pas à prévoir la présence de parlementaires au sein de la CNCTR, autorité administrative indépendante. Cela n’empêcherait pas la délégation parlementaire au renseignement – la DPR – d’auditionner les membres de la commission et de contrôler son travail. On pourrait au besoin envisager de donner à la DPR un pouvoir de contrôle sur place, même si la jurisprudence du Conseil constitutionnel laisse à penser que ce pouvoir ne pourra pas s’étendre aux opérations en cours.

Je comprends cependant que certains collègues et néanmoins amis puissent être d’un avis différent. Le débat devrait nous permettre de déterminer la meilleure solution. L’objectif est que cette commission puisse assurer sans discontinuer et efficacement sa mission de contrôle du recueil de renseignements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements identiques.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Sur ce sujet de la composition de la CNCTR, tous les points de vue peuvent s’entendre et beaucoup de nos collègues n’ont sans doute pas encore arrêté leur position. Je souhaite vous exposer ma position personnelle, celle de la commission des lois, la position de la délégation parlementaire au renseignement et même celle adoptée par l’Assemblée nationale lors d’un débat semblable, dans le cadre de l’examen du projet de loi de programmation militaire.

Cette nouvelle autorité administrative indépendante sera chargée de contrôler la légalité de la mise en œuvre des moyens techniques de renseignement que nous définissons. Elle contrôlera notamment la proportionnalité de l’utilisation de ces outils au regard de la menace qu’ils sont censés combattre.

La composition de la commission ne se comprend qu’au regard de l’architecture du contrôle que nous mettons en place depuis le début de la législature. Pour la première fois depuis 1945, nous faisons franchir un pas considérable à l’État de droit : pierre après pierre…

M. Pierre Lellouche. C’est le Petit Poucet !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. … nous construisons une architecture du contrôle, non seulement utile mais tout à fait comparable à celle dont se sont dotées toutes les démocraties occidentales.

En 2007, à l’initiative du Président Nicolas Sarkozy, nous avons créé la délégation parlementaire au renseignement, structure commune aux deux chambres, comprenant quatre députés et quatre sénateurs. Dotée d’un pouvoir de suivi de l’activité des services, elle avait à ce titre accès à ce que la loi appelle des « éléments d’appréciation ».

En 2013, sous la responsabilité de Jean-Marc Ayrault, la loi de programmation militaire a élargi les compétences de la délégation parlementaire au renseignement, lui conférant un pouvoir de contrôle de la politique publique du renseignement. À cet égard, étendre le périmètre de compétence de la délégation à tel ou tel domaine particulier, comme d’aucuns le proposent, reviendrait à réduire la capacité de contrôle de la délégation en matière de renseignement.

Depuis le début de la législature, et en vertu d’une règle de double alternance – entre l’assemblée et le sénat et entre le président de la commission des lois et celui de la commission de la défense –, la délégation parlementaire au renseignement a été présidée par la présidente de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, Patricia Adam, puis par son homologue au Sénat, Jean-Pierre Sueur. En tant que président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, je l’ai présidée l’année dernière. C’est Jean-Pierre Raffarin, mon homologue au Sénat, qui en assure aujourd’hui la présidence.

Je veux souligner le fait que la délégation parlementaire au renseignement est uniquement composée de parlementaires. Elle n’exerce pas un contrôle de légalité ni de proportionnalité et pas davantage un contrôle hiérarchique : elle exerce un contrôle de responsabilité, visant à s’assurer que l’activité des services de renseignement est conforme à leur vocation et aux moyens que l’État met à leur disposition.

La loi de programmation militaire a considérablement étendu ses capacités d’information, qui sont désormais, à mon sens, exhaustives. Ainsi, pour la première fois l’année dernière, le Gouvernement a communiqué à la délégation un document classifié détaillant la totalité des crédits dédiés au renseignement. C’est la première fois que le Gouvernement met à la disposition du Parlement une synthèse de cette nature, bien plus importante, par son exhaustivité, qu’un simple document de politique transversale. Les observations de la délégation sur ce document sont consignées dans le rapport de la DPR, que je vous invite à consulter. Cet exercice se répétera chaque année.

Le Parlement a aussi obtenu que lui soient communiqués tous les éléments qu’il jugera utiles : c’est un véritable bond qualitatif par rapport aux « éléments d’appréciation » dont pouvait disposer la délégation parlementaire au renseignement sous la précédente législature.

Ainsi, nous avons désormais accès au plan national des orientations du renseignement – le PNOR –, un document classifié établi par le Gouvernement. De la même manière, nous avons souhaité, et le Gouvernement l’a accepté, que la stratégie nationale du renseignement soit dorénavant rendue publique, de façon à ce que les citoyens puissent être informés de l’activité des services de renseignement dans ce pays. À cet égard, je redis avec la plus grande énergie que ces services ne sont ni secrets ni spéciaux. Ce sont des administrations qui exercent un pouvoir régalien au nom d’une autorité ; ce ne sont pas des administrations « hors sol », qui seraient animées par des barbouzes ou des mercenaires.

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Ce sont des fonctionnaires, civils ou militaires, animés, dans l’exercice de leur métier, par la même conception, la même éthique que tous ceux qui servent l’État, quelle que soit l’administration à laquelle ils appartiennent.

M. Yves Fromion. Bravo !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Voilà pour le contrôle de responsabilité désormais exercé par le Parlement par l’intermédiaire de la délégation parlementaire au renseignement.

En juillet 2014, le Gouvernement a créé un outil qui manquait à l’État : une inspection du renseignement, comme il existe une inspection générale des finances, un contrôle général des armées ou une inspection générale de la police nationale. Jusqu’ici l’État ne disposait pas d’outil hiérarchique lui permettant de s’assurer du bon fonctionnement des services de renseignement. L’inspection du renseignement a été créée à cette fin.

Ce n’est pas un corps supplémentaire, puisqu’il s’agit de fonctionnaires appartenant à différents corps de contrôle de l’État, habilités à mener des audits et des investigations dans ce domaine. Le Premier ministre a annoncé lundi que la première mission de l’inspection du renseignement avait été lancée et qu’elle rendrait ses travaux avant l’été. Naturellement, la délégation parlementaire au renseignement y aura accès une fois ce travail achevé.

Pour compléter le contrôle hiérarchique assuré par l’inspection du renseignement et le contrôle parlementaire assuré par la délégation parlementaire au renseignement, il manquait un dernier élément : le contrôle de légalité, qui vérifie la proportionnalité du recours aux techniques de renseignement par les différents services de renseignement. C’est le rôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Sa composition a fait l’objet d’un long débat au sein de la délégation parlementaire au renseignement – à laquelle participent Jacques Myard, Philippe Nauche et Patricia Adam pour l’Assemblée nationale – notamment en ce qui concerne l’articulation entre cette nouvelle structure et la DPR.

Nous avions aussi l’exemple d’un système plutôt abouti, celui de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, créée en 1991, la CNCIS. L’assemblée plénière de la CNCIS est composée d’un magistrat, alternativement de la Cour de cassation et du Conseil d’État – il s’agit aujourd’hui de Jean-Marie Delarue, issu du Conseil d’État, qui s’est abondamment exprimé sur ce projet de loi avant le travail de la commission – et de deux parlementaires. Le Sénat y est aujourd’hui représenté par François-Noël Buffet et j’ai le privilège de représenter l’Assemblée nationale durant cette législature. Avant moi, Daniel Vaillant avait siégé dans cette structure, et avant lui Bernard Derosier, Henri Cuq, Jean-Michel Boucheron. Le Gouvernement a estimé que la composition de la nouvelle structure devait s’inspirer de ce dispositif tout en l’élargissant.

À titre personnel, je considère que les parlementaires n’ont rien à faire dans la nouvelle structure, justement parce que nous exerçons déjà un tel pouvoir de contrôle via la délégation parlementaire au renseignement. Cependant l’amendement que j’ai défendu en ce sens a été repoussé par la commission et je ne l’ai pas redéposé.

Je n’ai d’ailleurs déposé quasiment aucun amendement de fond. C’est que je considère que si le rôle du rapporteur est de défendre ses convictions devant la commission, une fois que la commission a tranché, il n’y a plus d’opinion du rapporteur : il n’y a plus que l’opinion de la commission. Les seuls amendements que j’ai déposés sont les amendements rédactionnels dont vous avez pu mesurer la portée sémantique hier, sur des questions de ponctuation ou de vocabulaire. Je n’ai déposé que deux amendements de fond, l’un relatif aux lanceurs d’alerte et le second sur le droit de communication entre administrations, visant à supprimer le risque d’interprétation a contrario d’une disposition adoptée hier par l’Assemblée nationale.

La commission des lois a donc à mon initiative émis un avis défavorable aux amendements de nos collègues Jacques Myard et Lionel Tardy et a soutenu toutes les propositions visant à assurer la présence de parlementaires au sein de la CNCTR. La délégation parlementaire au renseignement souhaite aussi que la CNCTR compte des parlementaires.

Les différents amendements que vous allez examiner ensuite constituent un long catalogue de propositions couvrant un champ assez vaste. Sergio Coronado va nous proposer de diviser par deux le nombre de parlementaires pour ne retenir qu’un député et un sénateur, l’un des deux devant naturellement être de l’opposition. Éric Ciotti va au contraire nous proposer de renforcer le poids de la représentation parlementaire, en passant à six parlementaires, trois députés et trois sénateurs, contre quatre dans le texte du Gouvernement. Pascal Cherki va nous proposer d’aller encore plus loin en prévoyant un parlementaire pour chaque groupe politique de l’Assemblée nationale et du Sénat. Et si notre collègue Bompard accepte de participer à nos débats, il proposera de remplacer les parlementaires par deux des chefs de corps des trois armées et deux chefs d’état-major des armées – je ne vois pas bien pourquoi ils sont ainsi mis dans la même catégorie que les parlementaires. Quoi qu’il en soit, un tel éventail de proposition devrait vous permettre de construire votre jugement.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je ne reprendrai pas tous les arguments qui ont été excellemment développés à l’instant par le rapporteur, pour aller à l’essentiel : dégager des points d’accord entre nous sur la question du contrôle et du rôle de la CNCTR.

Notre objectif est d’encadrer par la loi l’activité des services de renseignement. Jusqu’à présent l’activité de ces services n’était que peu encadrée, alors que la technicité des moyens à leur disposition ne faisait qu’augmenter – je le dis en réponse à tous ceux qui se sont exprimés récemment sur ce sujet, notamment Hervé Morin, qui a été ministre de la défense sous la mandature précédente. Je souhaite pour ma part que toutes les techniques et toutes les finalités du renseignement soient mises sur la table et que tout cela soit contrôlé. Cette loi doit permettre à l’État de droit de progresser en encadrant l’activité des services de renseignement de la grande démocratie qui est la nôtre.

C’est pourquoi je souhaite que cette question fasse l’objet du consensus le plus large possible entre l’ensemble des différentes organisations politiques représentées dans l’hémicycle. Plus étendu sera l’accord entre les groupes, plus nous témoignerons de notre volonté commune d’assurer un équilibre démocratique dans le fonctionnement des services de renseignement.

Or les amendements qui arrivent en discussion prévoient des dispositions totalement orthogonales les unes par rapport aux autres.

M. Pascal Cherki. Eh oui !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Bien qu’issu d’une organisation qui a une grande habitude de la synthèse (Sourires.), je serais bien en peine de dégager un point d’équilibre entre tous ces amendements tant ils sont incompatibles. Il y a ceux qui ne veulent plus du tout de parlementaires, ceux qui veulent qu’ils soient majoritaires, d’autres qui veulent que leur nombre soit proportionnel à celui des personnalités qualifiées, dans le souci d’équilibres subtils.

Essayons d’abord de tomber d’accord sur les principes. Ce qui compte, c’est d’arriver à concilier deux objectifs. Le premier est celui de l’indépendance du contrôle : si nous n’apportons pas des garanties de son indépendance, une suspicion permanente pèsera sur son effectivité. Deuxièmement, il faut que la composition de cette nouvelle instance soit suffisamment plurielle pour que nul ne puisse penser que l’activité des services de renseignement pourrait être dirigée contre tel ou tel.

La conciliation de ces deux objectifs suppose que les parlementaires soient représentés au sein de cette instance. À défaut, nous ne pourrons pas garantir sa pluralité sur le plan politique et éviter que le procès du caractère politiquement tendancieux du contrôle ne continue à être instruit. Il ne faut pas non plus que les parlementaires soient majoritaires au sein de l’instance de contrôle, sinon on pourrait dire que les politiques contrôlent les politiques, et que son indépendance, notamment sur le plan juridique, n’est pas garantie.

Je propose donc que l’on écarte d’ores et déjà les amendements qui excluent totalement les parlementaires de la CNCTR, et c’est la raison pour laquelle, comme le rapporteur, je suis défavorable aux amendements qui viennent d’être présentés.

S’agissant des autres amendements qui viendront en discussion, je proposerai une suspension de séance au terme de laquelle nous essaierons de trouver un accord traduisant l’équilibre que je viens de proposer.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Je voudrais d’emblée vous remercier, monsieur le ministre, de l’ouverture d’esprit dont vous faites preuve : elle devrait nous permettre de trouver une solution au fameux problème du contrôle. Compte tenu de l’architecture que vous avez choisie, sa résolution dépend beaucoup -– mais non pas exclusivement : on parlera aussi du rôle du Conseil d’État – de la composition de cette commission.

Je vous remercie également, monsieur le président de la commission, de l’honnêteté intellectuelle avec laquelle vous avez exposé votre position personnelle et fait l’historique des moyens du contrôle de l’appareil sécuritaire de notre pays.

Il existe entre nous un désaccord sur la fameuse délégation parlementaire au renseignement, dans laquelle siègent quatre de nos collègues : les présidents des commissions des lois et de la défense, ainsi que MM. Myard et Nauche. Ne faisant pas partie de cette délégation, je n’en connais pas la pratique, mais comme je suis un petit peu juriste, je suis allé voir le texte de la loi du 9 octobre 2007, qui a créé cette instance. Vous parliez de contrôle politique, monsieur le président Urvoas, mais le moins que l’on puisse dire est que la loi est plutôt elliptique sur ce sujet, même si vous nous dites que l’on vous remet de temps en temps des documents classifiés. En effet le texte prévoit que « les ministres mentionnés adressent à la délégation des informations et des éléments d’appréciation relatifs au budget, à l’activité générale et à l’organisation des services de renseignement placés sous leur autorité. »

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Ce n’est plus le texte en vigueur.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. La loi de programmation militaire l’a complètement modifié !

M. Pierre Lellouche. Dont acte. Vous exercez donc un contrôle effectif sur l’activité quotidienne des services ?

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. A posteriori.

M. Pierre Lellouche. Est-ce que le contrôle est général, conformément à l’esprit de la loi de 2007, ou pas ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Nous avons, de mon point de vue, la possibilité d’avoir accès à ce que nous demandons : je ne connais pas de cas où nous auraient été refusés des éléments que nous aurions demandés. Cela dépend aussi de ce que nous demandons : si nous ne demandons rien, personne ne nous donnera rien.

La seule réserve est constitutionnelle, et elle est très ancienne. Elle est liée à une décision du Conseil constitutionnel de 2001. À l’initiative du gouvernement de Lionel Jospin avait été créée une commission de vérification des fonds spéciaux, la CVFS, composée de magistrats de la Cour des comptes et de parlementaires. Les sénateurs avaient cru pertinent de saisir le Conseil constitutionnel de cette disposition, estimant que le travail du Parlement n’était pas de contrôler les fonds spéciaux puisqu’ils étaient un outil à disposition de l’État et que les parlementaires n’avaient pas à connaître d’une capacité de l’exécutif.

Le Conseil constitutionnel a validé la commission de vérification des fonds spéciaux, tout en précisant que les parlementaires n’avaient pas à intervenir dans la réalisation d’« opérations en cours ». Mais le Conseil, dans sa malignité, n’a pas cru bon de préciser ce qu’était une opération en cours. La notion remonte en réalité à une circulaire d’Édouard Daladier du 4 octobre 1939, alors que le Parlement s’était mis à s’occuper des crédits de la guerre et que Daladier souhaitait réserver le contrôle du Parlement à ce qui n’était pas en cours.

Je termine à propos de la CVFS, car la question n’est pas anodine : dès 2001, de manière assez inadmissible, la Cour des comptes a refusé que des magistrats participent aux travaux de cette instance.

M. Pierre Lellouche. De même que Mme Taubira, hier soir… (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Mes chers collègues, vous me permettrez de poursuivre un rappel historique qui permettra d’éclairer tout le monde !

L’actuel Premier président de la Cour des comptes, que j’ai rencontré lorsque je présidais la délégation parlementaire au renseignement, a lui aussi refusé de désigner des magistrats pour siéger dans cette instance, ce qui m’a toujours surpris : la loi est la loi, même pour les magistrats de la Cour des comptes !

Constatant que ces magistrats ne participaient pas, sur ordre, aux travaux de la commission de vérification des fonds spéciaux, le Parlement, dans le cadre de la loi de programmation militaire et sous la responsabilité de Patricia Adam qui en était la rapporteure à l’Assemblée nationale, a décidé d’exclure les magistrats de la Cour des comptes de la composition de cette commission et d’intégrer cette dernière à la délégation parlementaire au renseignement qui, de ce fait, contrôle les fonds spéciaux. J’ai le privilège de présider la CVFS pour l’année 2015, après Philippe Nauche l’année dernière. La commission a d’ores et déjà rédigé des rapports.

M. Pierre Lellouche. Si vous le permettez, monsieur le président…

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour une brève intervention.

M. Pierre Lellouche. Je veux terminer ma démonstration, monsieur le président, parce que tout tourne autour de cette question.

M. le président. Huit orateurs doivent encore s’exprimer, monsieur Lellouche.

M. Pierre Lellouche. La délégation parlementaire au renseignement s’occupe-t-elle, oui ou non, des aspects opérationnels, comme le soutiennent M. Myard et M. Tardy ? Ou bien le contrôle opérationnel est déjà assuré par ailleurs – dans ce cas, il n’est pas nécessaire que des parlementaires soient membres de la CNCTR –, ou bien la délégation n’a pas la capacité de contrôler le renseignement. Soyons clairs, monsieur le rapporteur, puisque vous avez tiré argument de l’existence de la délégation pour dire qu’à votre avis, il n’y avait pas besoin de nommer des parlementaires au sein de la CNCTR.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

M. Pierre Lellouche. Si ! Il a dit que c’était son avis personnel…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Lellouche.

M. Pierre Lellouche. À mon sens, il est évidemment nécessaire d’assurer un contrôle politique. Au vu des textes et des explications de M. le rapporteur, la délégation parlementaire au renseignement n’a pas vocation à contrôler la proportionnalité des mesures mises en œuvre, qui est quand même l’élément clé du contrôle en matière de renseignement : soit c’est proportionnel à l’objectif recherché, soit on sort de l’État de droit. Si ce travail n’est pas fait par la délégation, il faut bien que quelqu’un d’autre s’en occupe ! Il faut alors mettre en place soit un contrôle entièrement technocratique,…

M. le président. Merci, monsieur Lellouche.

M. Pierre Lellouche. …qui fasse appel à des anciens juges ou à des personnalités qualifiées, soit un contrôle politique. À l’exception de quelques collègues dont nous respectons l’opinion, le groupe UMP incline à penser qu’il faut augmenter le nombre de parlementaires au sein de la CNCTR.

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Les interventions du ministre et du président de la commission comportent des éléments intéressants. Sans être convaincu du caractère salutaire de ce projet de loi, je reconnais qu’il y a des évolutions et que certaines dispositions sont positives.

L’idéal eût été de mettre en place un autre système. Un certain nombre d’États sont plus avancés que nous de ce point de vue. En Israël, comme l’a dit l’un de nos collègues, le renseignement – et Dieu sait s’il est important – est contrôlé par la cour suprême.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Claude Goasguen. Avec ce texte, nous sommes loin du système de surveillance du renseignement qui nous fait défaut.

Néanmoins, monsieur le ministre, ce que vous avez dit est intéressant. Comme vous l’avez vu, le groupe UMP a longuement discuté de ce sujet et la position de notre groupe est plus nuancée que l’interprétation souvent arbitraire qui en a été faite par la presse. Un accord de votre part, monsieur le ministre, pourra être décisif, et je vous remercie de proposer une suspension de séance afin que nous trouvions les conditions de cet accord.

Je ne suis pas persuadé que le système soit exempt de défauts. Il m’est arrivé d’enseigner le droit et d’être avocat, et j’ai encore vérifié hier qu’en toute hypothèse, une décision du Conseil d’État n’a pas l’autorité de la chose jugée.

M. Guillaume Larrivé. Bien sûr que si !

M. Claude Goasguen. Non, elle n’a pas l’autorité de la chose jugée. En cas de procès devant un juge d’instruction, je vous laisse imaginer ce que peut devenir la question de la responsabilité !

Il est vrai que ce projet de loi n’est pas un texte sur le terrorisme, mais sur l’amélioration du fonctionnement des « grandes oreilles », comme on dit dans le milieu policier. Essayez quand même de nous donner quelques éléments pour nous convaincre qu’un certain contrôle pourra être assuré. Je sais bien que le contrôle des parlementaires ne sera pas la solution absolue. Néanmoins, la présence de parlementaires au sein d’une commission de ce genre pourrait au moins donner l’apparence d’une responsabilité politique au niveau parlementaire, à côté de la responsabilité du Premier ministre. Cela ne mettra pas fin à toutes les difficultés mais ce sera tout de même très important.

M. le président. Merci, monsieur Goasguen.

M. Claude Goasguen. C’est la raison pour laquelle je plaide pour que des parlementaires siègent au sein de cet organisme de contrôle. Nous pourrons débattre de leur nombre.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Je souhaite intervenir en tant qu’orateur du groupe UMP et au nom du président du groupe.

Monsieur le ministre, vous avez rappelé, et je vous en remercie, votre souhait d’un consensus sur ce point essentiel qu’est pour nous la composition de la CNCTR. C’est un point essentiel, disais-je, car il convient de lever certains doutes, certaines réserves, certaines préventions. Nous avons déposé un amendement n265, cosigné par 194 membres du groupe UMP, qui exprime donc la position quasi-unanime de notre groupe sur cette question essentielle.

Comme vient de le dire notre collègue Claude Goasguen, nous serons très vigilants, monsieur le ministre. Nous avons pris acte de votre position avec beaucoup de satisfaction car nous souhaitons aboutir à un consensus. Un grand nombre de nos collègues ont besoin d’obtenir des garanties. Des inquiétudes ont été exprimées : pour ma part, je ne les partage pas, mais certains députés, en particulier sur les bancs des groupes de la majorité, ont évoqué le risque d’une police politique.

C’est pourquoi je plaide pour la présence de parlementaires – trois représentants du Sénat et trois représentants de l’Assemblée nationale – au sein de la CNCTR. La nomination de trois parlementaires de chaque chambre garantirait la représentation et de la majorité et de l’opposition : l’Assemblée nationale nommerait deux députés de la majorité et un député de l’opposition, et le Sénat ferait de même. Cette solution, qui permettrait d’assurer un équilibre entre la majorité et l’opposition, serait garante du caractère optimal du contrôle et de la traçabilité des procédures que nous souhaitons, et serait à même de lever toutes les suspicions, plus ou moins fondées, qui ont été exprimées – chacun a naturellement la possibilité d’exprimer, en conscience, ses réserves.

M. le président. Merci de conclure, monsieur Ciotti.

M. Éric Ciotti. Je vous demande quelques secondes supplémentaires, monsieur le président, car le débat est global. J’exprime ici ce qui est la position officielle du président du groupe UMP et des 194 députés de notre groupe qui ont cosigné l’amendement n265. Il s’agit pour nous d’un point essentiel en ce qu’il aura des conséquences importantes. Tout se joue dans la capacité de contrôle de cette commission.

M. le président. Merci, monsieur Ciotti.

M. Éric Ciotti. Vous avez voulu, monsieur le ministre, étendre le champ de ce contrôle. Pour beaucoup d’entre nous, le renforcement de la représentation des parlementaires constituerait une garantie supplémentaire.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Sur des sujets de cette nature, qui ne sont pas de questions classiques mais qui relèvent des intérêts supérieurs de l’État et de la nation, je suis convaincu qu’il faut adopter un positionnement républicain, rassemblant l’ensemble des formations et des groupes politiques au sein de la représentation nationale. Sur ces sujets, il faut pouvoir cheminer ensemble jusqu’à ce que nous trouvions un accord.

Si nous avons déposé ce projet de loi, c’est parce que nous souhaitons donner un fondement juridique à l’activité des services et les soumettre à un contrôle qui, jusqu’à présent, n’existait pas. Il ne faudrait pas que le Gouvernement, alors qu’il souhaite atteindre cet objectif et instaurer des garanties qui n’ont jamais existé jusqu’à présent, soit suspecté de vouloir mettre en place des dispositifs de « police politique » – vous n’avez pas repris cette expression à votre compte, monsieur Ciotti, mais elle a été utilisée par deux parlementaires de votre groupe, M. Le Maire et M. Marsaud, me semble-t-il.

Le consensus suppose une démarche collective, dans laquelle chacun se met à la place de l’autre. Je veux donc rappeler que nous donnons un fondement juridique et des capacités de contrôle à des services qui n’en avaient pas. Lorsque j’entends certains élus ayant exercé les responsabilités les plus éminentes, dans les ministères les plus régaliens, s’interroger publiquement sur les dispositifs que nous mettons en place, alors qu’ils n’ont jamais proposé au Parlement de débattre de ces questions lorsqu’ils exerçaient de telles responsabilités, je me dis que le compromis politique, que je souhaite et que j’appelle de mes vœux sur des questions aussi essentielles, nécessite un effort collectif de responsabilité.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je vous remercie d’ailleurs, monsieur Ciotti, pour votre intervention, qui va tout à fait dans ce sens. Je le répète : nous donnons un fondement juridique à l’activité des services de renseignement, et nous voulons que ceux-ci soient contrôlés et encadrés.

Par ailleurs, un amendement du groupe UMP, présenté à l’instant par Éric Ciotti, vise à augmenter le nombre de parlementaires au sein de la CNCTR. Cet amendement mérite d’être discuté : nous demanderons donc une suspension de séance et nous verrons si nous pourrons trouver l’accord que j’appelle de mes vœux.

Je souhaiterais enfin, mesdames et messieurs les députés, appeler votre attention sur deux points.

Dans le cadre de la discussion de ce texte, nous sommes constamment sous la pression d’injonctions contradictoires de la part des commentateurs. Le Conseil d’État, dans son avis sur la composition de la CNCTR, a estimé, pour des raisons tenant à l’efficacité du contrôle, que le nombre de représentants proposé par le Gouvernement était trop important au regard des objectifs qu’il se proposait d’atteindre. Nous en avions proposé neuf, il en a proposé cinq. De nombreux autres acteurs occuperont l’espace médiatique en expliquant que plus la commission comptera de membres, moins le contrôle sera efficace. Or, au nom de l’efficacité du contrôle, nous allons proposer d’ajouter d’autres représentants.

On peut tenir un raisonnement tout à fait inverse à celui du Conseil d’État et de certains observateurs : plus il y aura de personnes pour exercer le contrôle, plus il y aura de regards sur l’activité des services de renseignement et plus le contrôle sera efficace.

M. Jacques Myard. Et plus il y aura de fuites !

M. Guy Geoffroy. C’est ce qu’il faut faire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cela dit, si nous voulons trouver un équilibre entre l’indépendance du contrôle et la pluralité politique, il ne faut pas que les parlementaires deviennent à ce point majoritaires au sein de l’instance de contrôle que cette dernière risque d’apparaître comme moins indépendante qu’elle ne le serait si elle ne comptait pas de parlementaires en son sein.

M. Guy Geoffroy. Bien sûr !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Quand vous aurez présenté votre amendement, monsieur Ciotti, je demanderai  une suspension de séance afin que nous trouvions un bon accord sur ces questions.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. À mon tour, je veux saluer les propos constructifs du ministre sur ces questions. Je note toutefois que l’articulation entre la nouvelle instance, la CNCTR, et la délégation parlementaire au renseignement est un vrai sujet.

Indépendamment de tout ce que nous pourrons faire ici et maintenant sur ce texte, un point reste problématique, en raison du cadre qui a été défini : nous avons déjà abordé hier la question de l’équilibre à trouver entre, d’une part, la préservation de la sécurité nationale et de l’intérêt supérieur de la nation, et d’autre part le respect des libertés publiques et des libertés individuelles. Au vu du débat que nous venons d’avoir, je reste plus que jamais persuadé que nous serons obligés de discuter, un peu plus tard, d’un autre texte qui traitera de manière un peu plus large de la question du contrôle opérationnel de nos services.

En effet, lorsque nous nous sommes interrogés sur la manière dont travaillait la délégation parlementaire au renseignement, nous nous sommes rendu compte que son contrôle ne pouvait pas s’étendre à l’aspect opérationnel – et c’est normal. Or c’est là que peuvent se nicher les menaces pour les libertés publiques et individuelles.

À terme, il faudra sans nul doute prévoir un autre texte, celui-ci n’étant qu’une étape. Un cadrage juridique supplémentaire sera nécessaire afin de préserver les libertés publiques et individuelles.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Je voudrais, rebondissant sur les propos du ministre, y apporter une légère nuance. On l’a dit, le renseignement n’est pas une activité « hors-sol » : il est le fait d’institutions administratives de l’État et de fonctionnaires héritiers d’une forte tradition républicaine. Il faut le rappeler : il ne s’agit en aucune façon d’officines privées. Certes, les méthodes peuvent être parfois clandestines, mais les personnes qui agissent – sauf celles qui ne sont pas connues pour l’efficacité et la sécurité de leur action – sont avant tout des agents de l’État, soumis au contrôle hiérarchique de leur direction et, en dernière instance, au pouvoir politique.

Ce qui est le plus important dans l’activité du renseignement, c’est la tradition républicaine. Prenons l’exemple des États-Unis où le contrôle parlementaire du renseignement est assez important, ne serait-ce que parce que les budgets en cause sont énormes et que les commissions parlementaires, notamment du Sénat, sont souvent sollicitées. Cela n’empêche pas les dérives, qui échappent aux parlementaires.

M. Jacques Myard. Il n’y a pas de dérives. C’est légal !

M. Pascal Cherki. Aucun sénateur n’a dû approuver les dérives de l’énorme appareil de renseignement américain, révélées par Edward Snowden et d’autres, nourries par des techniques de renseignement faisant la part belle à l’hyper technologie et à la collecte massive de données. Mais c’est un autre débat.

Ce qui est important, c’est la tradition républicaine. On a évoqué le cas d’un pays où le contrôle est effectué par une cour suprême. Cela ne l’a pas empêché de compter au sein de son appareil d’État sécuritaire des barbouzes qui ont « liquidé » physiquement des opposants politiques – je pense aux groupes antiterroristes de libération, les GAL, espagnols. Cet exemple montre que ce qui compte, ce sont les traditions républicaines et la manière dont on développe une culture républicaine dans le renseignement et la connexion aux objectifs de renseignement.

Se pose une autre question, fil rouge du projet de loi et qui en fait tout l’intérêt. Pour la première fois, M. le ministre l’a rappelé, nous codifions de façon très formelle et organisée des pratiques de renseignement. Il nous faut trouver un équilibre entre la protection absolue des libertés et l’efficacité des pratiques de renseignement. Si ces pratiques ont toujours été secrètes, c’était précisément pour être efficaces, et non pour être contraires aux libertés. Dès lors que l’on codifie les pratiques, il ne faudrait pas pour autant mettre les services en difficulté.

Comme ces pratiques n’avaient pas de base légale, lorsqu’il y avait des dérapages, cela devenait des scandales.

M. le président. Merci de conclure.

M. Pascal Cherki. Permettez-moi de conclure, monsieur le président, d’autant que cela me permettra de ne pas présenter mon amendement.

Les affaires devenaient des scandales, disais-je. Or nous allons donner une base légale à un certain nombre de pratiques, et c’est sur ce sujet que nous devons travailler.

Puisque le Gouvernement se dit prêt à travailler plutôt dans le sens d’une augmentation que d’une restriction du nombre de parlementaires présents dans la commission, je retirerai mon amendement. J’attends la proposition du Gouvernement, mais j’ai confiance.

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Le débat tourne autour de la nécessité ou non de la présence de parlementaires au sein de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Pour ma part, j’ai été sensible à l’argument de la disponibilité évoqué par le rapporteur contre cette présence, même si on peut imaginer que le travail quotidien d’instruction des dossiers ne se fera pas en séance plénière.

Mais, outre les arguments fort justes développés par M. le ministre, la présence des parlementaires se justifie par le fait qu’il s’agit de contrôler des opérations de police administrative dans le domaine du renseignement, prérogative du Gouvernement. Or le contrôle de l’action du Gouvernement constitue une des prérogatives des parlementaires. Il n’est donc pas incongru qu’ils y participent via cette commission.

Notre groupe, au nom duquel je m’exprime, a considéré que les avantages de la présence des parlementaires au sein de la CNCTR l’emportaient sur les inconvénients. Nous trouvons que la proposition du Gouvernement est équilibrée, tant du point de vue du nombre de membres que du rapport entre le nombre de parlementaires et celui des non parlementaires, de la pluralité et de la parité – un amendement a été déposé sur ce point.

C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas déposé d’amendements. Cela étant, nous sommes ouverts à la discussion proposée par le ministre. Ce qui nous importe surtout, c’est d’assurer l’indépendance de celles et ceux qui siégeront au sein de la commission. Si elle va de soi pour les parlementaires, nous présenterons une série d’amendements visant à garantir l’indépendance des non parlementaires qui siégeront au sein de la CNCTR.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. J’ai, monsieur le président, déposé une série d’amendements auxquels je souhaite faire référence brièvement dans le cadre de cette discussion plus générale.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir rappelé l’historique de ce projet. Je m’étonne cependant que lors de l’examen de la loi de programmation militaire, vous ayez refusé que la commission des finances soit représentée par son président et le ou la rapporteure générale des finances au sein de la délégation parlementaire au renseignement, ce qui aurait compensé l’absence de participation de la Cour des comptes au contrôle des comptes spéciaux relatifs aux opérations spéciales.

Le rôle, essentiel, de la CNCTR est de s’assurer de la proportionnalité des moyens mis en œuvre et du respect des délais d’exploitation des données collectées ainsi que de destruction de l’ensemble de ces données.

Pour ma part, j’estime qu’il est normal, voire indispensable que la CNCTR garantisse le pluralisme politique à travers la présence de deux ou quatre parlementaires –– le chiffre de trois ne permettrait pas de garantir la parité et je ne vois pas au nom de quoi cette commission ne respecterait pas l’objectif de parité.

Après avoir entendu les arguments du rapporteur sur la question de la disponibilité des parlementaires, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, j’ai proposé que des parlementaires honoraires puissent être membres de la CNCTR.

M. Guillaume Larrivé. Ils ne sont plus parlementaires !

Mme Sandrine Mazetier. Si je n’ai pas souhaité que les parlementaires ou les professionnels de la justice soient particulièrement protégés, je souhaite en revanche que les professionnels de la justice – magistrats, avocats –, soient représentés par des bâtonniers ou d’anciens bâtonniers, nommés par le Conseil national des barreaux.

M. Pascal Cherki. Très bien !

M. Claude Goasguen. Article 40 !

Mme Sandrine Mazetier. Pour des raisons techniques, j’ai dû indiquer que ce serait à titre bénévole. Ce sont cependant des fonctions suffisamment importantes pour que leur exercice donne lieu à indemnisation.

M. Jacques Myard. Article 40 !

Mme Sandrine Mazetier. Mais le caractère limité de nos pouvoirs de parlementaires nous interdit de déposer de tels amendements.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Si l’Assemblée fait aujourd’hui preuve d’une grande maturité sur la question du renseignement, c’est en raison de la présence de parlementaires dans des instances comme la délégation parlementaire au renseignement, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, qui deviendra la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, ou encore la commission consultative du secret de la défense nationale. Les parlementaires, de la majorité comme de l’opposition, qui ont siégé au sein de ces instances au cours de plusieurs législatures successives y ont acquis une expertise qui nous permet d’examiner ce texte relatif au renseignement de façon responsable. C’est pourquoi il est à mes yeux très important que les parlementaires soient représentés dans ce type d’instance.

Philippe Nauche et Jean-Jacques Urvoas n’auraient sans doute pas le même degré d’expertise s’ils n’avaient pas fait partie de ces différentes instances. La délégation parlementaire au renseignement notamment a établi une relation de confiance et de responsabilité avec les services de renseignement, qui est particulièrement appréciée. Autre élément très important, les services de renseignement, qui se méfiaient de la présence des parlementaires s’en félicitent aujourd’hui et la réclament. La relation qui existe aujourd’hui entre les services de renseignement et les parlementaires donne une bonne image de notre démocratie.

Enfin, la présence de parlementaires au sein de ces instances constitue également une garantie aux yeux de la Cour européenne des droits de l’homme, qui la réclame.

M. le président. La parole est à M. Philippe Nauche, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Philippe Nauche, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Nous sommes, mes chers collègues, dans une phase de construction. Patrick Hetzel s’inquiétait tout à l’heure de l’absence de contrôle opérationnel. La délégation parlementaire au renseignement exerce un contrôle a posteriori sur l’opérationnel, ce qui me paraît bien normal. De la même façon, au sein de la commission de vérification des fonds spéciaux, nous avons, avec Jacques Myard, vérifié en 2014 les comptes de 2013, et non les comptes en cours.

La délégation parlementaire au renseignement, quant à elle, n’a qu’un an d’existence dans sa nouvelle modalité et ne s’est pas encore complètement approprié les nouveaux outils à sa disposition : il faut qu’elle apprenne à s’en servir afin d’entrer progressivement dans le détail de ce qu’elle doit connaître pour bien assurer le contrôle de responsabilité, à côté du contrôle hiérarchique de l’inspection des services de renseignement.

La présence de parlementaires, notamment de l’opposition, au sein de la CNCTR me semble une garantie nécessaire de  son indépendance.

La CNCTR intervient à trois niveaux. Premièrement, elle fixe les règles du jeu, notamment en définissant les critères d’autorisation. Deuxièmement, elle assure une permanence opérationnelle, un magistrat devant être joignable vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Enfin elle assure un contrôle au quotidien au travers de l’instruction des dossiers, qui relève de services très qualifiés aux plans technique et opérationnel, de façon, à l’image de la CNIL, à être en mesure de donner un avis au Gouvernement.

Comme la commission des lois, je suis favorable à la présence de parlementaires parce qu’elle est un gage d’indépendance de la commission.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je souhaite dire un mot sur le contrôle des opérations en cours. D’un point de vue constitutionnel, un tel contrôle n’est pas possible. En effet, dans une décision de 2001, le Conseil constitutionnel, se référant au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, a interdit que l’on procède au contrôle d’opérations en cours.

Ce principe, rappelé fortement par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2001, a par ailleurs un sens opérationnel. Notre pays est une grande nation, dont les services de renseignement doivent rendre des comptes, engagent la responsabilité politique de l’exécutif, doivent être contrôlés a posteriori, et qui conduisent des opérations pour lesquelles, nous devons, ensemble, avoir une attitude responsable.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. À la suite d’Éric Ciotti, qui s’est exprimé en tant qu’orateur du groupe, je m’exprimerai pour ma part en qualité de co-rapporteur de la commission des lois pour l’application éventuelle de ce texte.

On voit bien qu’une position d’équilibre semble se dessiner. Pour la résumer, je dirai qu’elle tient en deux points.

Pour ce qui est de la composition de la commission, nous tenons à renforcer la présence des parlementaires, en prévoyant la présence de trois députés et trois sénateurs, étant entendu que ces parlementaires seraient choisis de façon à refléter le pluralisme des opinions de chacune des deux chambres.

Afin d’éviter que la composition de la commission soit déséquilibrée au détriment des membres issus des juridictions de contrôle, nous serions très favorables à un accroissement du nombre de membres issus du Conseil d’État et de la Cour de cassation, qui serait également porté à trois pour chacune de ces institutions : la commission comporterait alors trois députés, trois sénateurs, trois membres du conseil d’État et de la Cour de Cassation, auxquels s’ajouterait une personnalité qualifiée, soit un collège de quinze personnes. Voilà pour le premier point.

Le deuxième porte sur les modalités de choix du président de la commission. À ce stade, le texte du projet de loi prévoit qu’il soit désigné par décret parmi les membres de la commission issus du Conseil d’État et de la Cour de cassation. Nous pensons quant à nous qu’il serait utile – et nous avons déposé des amendements en ce sens – que les commissions des lois des deux assemblées puissent donner leur avis et que, par hypothèse, si ces commissions s’opposaient par un vote des trois cinquièmes à la nomination du président, celui-ci serait récusé.

Ce mécanisme, qui s’applique à certaines nominations laissées à la discrétion du Président de la République, pourrait également être inscrit ici, dans une loi simple, dès lors que cette nomination relève d’un décret du Premier ministre, et non pas du Président de la République – auquel cas s’appliquerait l’article 13 de la Constitution.

Tout cela peut donc parfaitement trouver sa place dans une loi ordinaire. Ce serait là un point d’équilibre assez utile pour renforcer les modalités du contrôle tout en préservant l’efficacité des services de renseignement.

M. Dino Cinieri. Ce serait plus logique !

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Si nous voulons nous acheminer vers une solution de compromis, peut-être faudrait-il éviter d’en rajouter, faute de quoi nous n’aboutirons pas.

Porter à trois le nombre des parlementaires issus de chacune des deux assemblées est une bonne idée, qui confirme la volonté du Parlement d’assumer ses responsabilités. On aurait certes pu – et l’avis du rapporteur n’est, à cet égard, pas inintéressant – exclure les parlementaires mais, dès lors que nous voulons qu’ils fassent partie de cette commission, ils doivent peser d’un poids suffisant pour que l’affirmation de leur responsabilité soit claire.

Pour aller plus loin, je souhaiterais que nous évoquions la nomination du président de cette commission et je fais écho, en la matière, aux propos de l’orateur précédent. Il est anormal qu’une commission à dominante parlementaire ne soit pas présidée par un parlementaire. Pourquoi subordonnerait-on les parlementaires à un haut fonctionnaire, aussi brillant soit-il, a fortiori un fonctionnaire retraité ? Il y a là une forme de subordination voire de sujétion. Il est anormal que la volonté d’affirmation de la responsabilité parlementaire n’aille pas jusqu’à confier à un parlementaire la présidence de cette commission. Dire à des parlementaires qu’ils seront aux ordres de conseillers d’État ou de retraités de la Cour de cassation, aussi brillants soient-ils, me paraît en effet assez singulier. Il y a, là aussi, matière à approfondir notre réflexion, car on voit bien que le Parlement se saisit d’une responsabilité et veut véritablement l’assumer.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je comprends la logique de votre argumentation, monsieur Fromion, mais elle pose un problème. Il existe en effet une délégation parlementaire au renseignement, qui exerce des prérogatives de contrôle dont le rapporteur a rappelé à l’instant qu’elles avaient été considérablement renforcées. La lisibilité parlementaire du contrôle réside donc dans la délégation parlementaire au renseignement.

Si nous accédons à votre proposition, nous risquons de nous trouver confrontés à une autre forme de suspicion, consistant à dire que les politiques contrôlent les politiques, sous l’autorité des politiques. En effet, une autorité administrative indépendante – même si je conçois que l’équilibre de sa composition puisse être modifié – se caractérise par le fait qu’elle est présidée par une autorité suffisamment déconnectée des institutions politiques pour que le contrôle qu’elle exerce sur ceux qui exercent une responsabilité exécutive ne puisse pas être suspecté de défaut d’indépendance.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. La proposition du Gouvernement est déjà en elle-même équilibrée. Il nous faut parvenir à conjuguer équilibre, indépendance et responsabilité. L’équilibre consiste à faire siéger au sein de la commission le même nombre de magistrats ou anciens magistrats, appartenant à l’ordre administratif et à l’ordre judiciaire, que d’élus. Quoi qu’on en puisse dire, cet équilibre n’est pas si mauvais.

En ce qui concerne la présidence de cette commission, j’entends bien que, selon notre collègue, nous avons à prendre nos responsabilités, mais je suis sincèrement persuadé que la nomination d’un parlementaire aurait un effet désastreux sur l’opinion. Il est absolument indispensable que l’indépendance de la commission s’affirme aux yeux de tous, et pour cela il faut qu’elle soit présidée par un haut magistrat.

Quant à intégrer à la commission une personnalité qualifiée, je n’y vois pas d’objection, à condition que cette personne puisse démontrer ses compétences en la matière.

J’ai noté qu’il était envisagé que d’anciens magistrats puissent être membres de la commission. Je reprendrai l’argumentation de Mme Mazetier pour défendre l’idée que d’anciens élus puissent également en être membres. En effet, lorsque le président Urvoas nous explique qu’il s’agit d’un travail à temps plein, j’ai plutôt tendance à le croire, un rapporteur ayant rarement eu des avis aussi éclairés et aussi complets à nous présenter. Si donc il s’agit d’un travail à temps plein, qui parmi nous pourrait y consacrer plus de quatre heures par semaine ? Personne – ayons le courage de le dire.

Dès lors, si nous voulons que la commission travaille, il faut que puissent y siéger d’anciens sénateurs et d’anciens députés.

Avec ces propositions et celles qui s’exprimeront après la suspension, nous ne sommes pas loin du but.

M. le président. La parole est à M. Alain Marsaud.

M. Alain Marsaud. Au vu de la décision de 2001 du Conseil constitutionnel relative à la CVFS, je me demande, monsieur le président de la commission des lois, si vous ne vous êtes pas autocensuré. C’était déjà le contrôle opérationnel qui était en cause puisqu’il s’agissait alors d’éviter de devoir dire que tels crédits avaient été engagés pour financer telle opération – par exemple en Libye. Or, nous sortons ici du cadre du contrôle exercé par la seule CNCTR, car il s’agit aussi de celui qu’exerce la délégation parlementaire au renseignement : ne peut-on pas considérer qu’il s’agit désormais pour le Parlement de contrôler, non pas seulement l’affectation des sommes, mais bien les opérations engagées, et qu’il faut donc pouvoir indiquer à cette commission que, tel jour, on a monté une opération en Libye ?

On peut comprendre que le Conseil constitutionnel ait été restrictif à cet égard, mais la commission devra maintenant statuer en urgence. Ne faut-il donc pas considérer qu’elle ne doit pas tenir compte des dispositions du Conseil constitutionnel et que nous entrons désormais dans un monde nouveau, régi par une législation qui n’a strictement rien à voir – cette fameuse commission de vérification n’existe même plus – ?

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Il a raison !

M. Alain Marsaud. Ma deuxième question s’adresse à vous, monsieur le rapporteur pour avis de la commission de la défense. Vous avez évoqué tout à l’heure des permanences de magistrats. Les magistrats seront-ils donc seuls à être de permanences au sein de cette commission ?

M. Philippe Nauche, rapporteur pour avis. Je pense que oui.

M. Alain Marsaud. C’est la question qui se pose ! Du reste, des conseillers de la cour de Cassation et des conseillers d’État à la retraite sont-ils plus capables que des parlementaires d’assurer une permanence ? (Rires.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Je vais retirer mon amendement, car il est évident qu’il faut des parlementaires au sein de cette commission et qu’une majorité de notre Assemblée le souhaite. J’ai moi-même hésité entre les deux options – il y a des arguments pour et contre.

On pourrait imaginer que ce soient des membres de la DPR qui siègent au sein de la CNTR, étant donné qu’ils ont l’habitude de bien travailler avec les services et de contrôler leurs activités, comme ils le font aujourd’hui.

Pour ce qui est des opérations en cours, que vient d’évoquer M. Alain Marsaud, je ma bornerai à citer la décision du Conseil constitutionnel : « s’il appartient au Parlement d’autoriser la déclaration de guerre » – ce que, du reste, nous ne faisons plus car, aujourd’hui, on commence par taper avant d’examiner de quoi il retourne –, « de voter les crédits nécessaires à la défense nationale et de contrôler l’usage qui en a été fait, il ne saurait en revanche, en la matière, intervenir dans la réalisation d’opérations en cours ».

La formulation du Conseil constitutionnel est très large et je crains que, dans un cas comme dans l’autre, nous ne butions sur le fait que les parlementaires siégeant ès qualités au sein de la CNCTR devront se prononcer sur des opérations en cours : c’est la quadrature du cercle. Je retire cependant mon amendement pour que le débat continue.

(L’amendement n157 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Alain Rodet.

M. Alain Rodet. Je souhaite réagir à la suggestion de nos collègues du groupe UMP d’accroître l’effectif des parlementaires au sein de la CNCTR de façon paritaire entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Notre architecture constitutionnelle nous oblige-t-elle à veiller en permanence à la parité entre l’Assemblée nationale et le Sénat ? Avec tout le respect que j’ai pour l’assemblée qui siège de l’autre côté du boulevard Raspail, il faut bien reconnaître, à l’instar d’un ancien ministre de François Mitterrand, que « n’est pas le Sénat des États-Unis qui veut » ! À la Caisse des dépôts et consignations, on compte trois représentants de l’Assemblée nationale et un seul du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. À mon humble avis, la commission de contrôle ne doit pas être un « truc », un nouveau « machin » comptant de nombreux membre pour finalement ne servir à rien du tout. Cette commission sera certainement appelée à se réunir toutes les semaines, voire tous les jours : il faut donc des gens disponibles et je serais donc favorable à ce que l’on y nomme des parlementaires et des juges honoraires. Je suis par ailleurs opposé à la présence de membres du Conseil d’État au sein de cette commission, car celui-ci ne doit pas être juge et partie.

M. Pierre Lellouche. Il a raison !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je voudrais faire une remarque sur la question des parlementaires honoraires.

M. Jacques Myard. Attention, nous le serons tous un jour !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous avons tous envers les parlementaires honoraires, comme du reste envers les parlementaires en exercice, une incommensurable considération. J’entends cependant sur de nombreux bancs et depuis plusieurs jours un discours qui affirme que le sujet dont nous traitons mérite la plus grande vigilance, la plus grande attention et le plus grand contrôle. Par ailleurs, j’entends constamment les mêmes se plaindre que le Parlement n’a pas assez de pouvoir de contrôle. Or, lorsqu’on confie au Parlement, sur des sujets aussi graves et justifiant du plus grand contrôle, des prérogatives de contrôle, on nous explique qu’on n’a pas le temps de les exercer. (« C’est vrai ! » et « Il a raison ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Il faut choisir l’argument ! Dans les grandes démocraties auxquelles on fait souvent référence dans cet hémicycle, notamment la démocratie américaine, les parlementaires passent autant de temps à exercer leurs prérogatives de contrôle qu’à assurer leur mission législative, si ce n’est davantage. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. Il a raison !

M. Guy Geoffroy. Bravo, monsieur le ministre !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je suis donc extrêmement surpris. Cela fait des jours qu’on nous explique que toutes les précautions doivent être prises – sur ce point, le Gouvernement est du reste tout à fait disposé à avancer, puisque tel est son souhait et que c’est le but de ce projet de loi. C’est la raison pour laquelle on propose la participation des parlementaires – là-dessus notre souhait est également le vôtre. Mais dès qu’on envisage les modalités de mise en œuvre de cette participation, il semble que l’on soit trop occupé pour faire des choses pourtant essentielles et dont on nous explique qu’elles sont vitales pour la démocratie : ce n’est pas ma conception du Parlement !

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre remarque : j’ai présidé moi-même la Commission de vérification des fonds spéciaux pendant cinq ans avec Michel Sapin, qui est un homme très occupé, comme vous le savez, et il me semble que nous avons assez correctement fait notre travail, lequel nous a menés dans des endroits extrêmement exotiques,…

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ah voilà ! (Sourires.)

M. Yves Fromion. …bien loin de la métropole.

Vous avez donc tout à fait raison, monsieur le ministre, et vous devriez me suivre quand je propose qu’un parlementaire préside cette commission ! Affirmer qu’il vaut mieux qu’un magistrat la préside plutôt qu’un parlementaire, afin d’éviter de jeter la suspicion sur l’intégrité des parlementaires, cela revient à nous tirer nous-mêmes une balle dans le pied ! L’argument selon lequel seul un fonctionnaire devrait être président parce que nous ne pourrions pas l’être sans être mis en accusation, n’est pas acceptable !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Je trouve invraisemblable que l’on mette ainsi en cause la disponibilité des parlementaires. Étant membre de la délégation parlementaire au renseignement depuis le début de cette législature, je peux témoigner, pour compléter les propos d’Yves Fromion, que les parlementaires sont rarement absents : ils sont assidus et ont le sens des responsabilités qui sont les leurs. Je trouve invraisemblable d’entendre ce type de propos ici, dans cet hémicycle !

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien ! Bravo !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Aucune autorité administrative indépendante n’est présidée par un parlementaire, monsieur Fromion.

M. Jacques Myard. En effet, ce n’est pas possible !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Le seul exemple était la CNIL, quand Alex Türk la présidait, et la loi a été changée pour éviter que cela ne se reproduise.

J’ai précisé la notion d’opération en cours en réponse à la question de Pierre Lellouche, mais cela n’a pas d’impact sur notre débat.

M. Pierre Lellouche. Absolument ! Au contraire, même !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Dans le cadre de son travail, la CNCTR aura de toute façon affaire aux opérations en cours puisqu’elle sera amenée à donner des avis sur des opérations à venir.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. C’est la même chose pour la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité !

M. Alain Marsaud. Raison de plus : le Conseil constitutionnel ne peut donc pas censurer !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Cela fait certes partie du débat, mais ce n’est pas nous qui avons la réponse à cette question.

Vous avez dit, monsieur le ministre que les parlementaires français rechignaient un peu à exercer leur mission contrôle, en comparaison avec ce qui se passe dans d’autres parlements. Nous avons tout de même une spécificité en France : nous passons notre temps à déléguer le contrôle aux autorités administratives indépendantes ! Le Congrès américain, lui, exerce le contrôle dans son enceinte, et non pas au travers d’autorités administratives indépendantes. Cela peut expliquer qu’on ne soit pas toujours atteint par le besoin d’ubiquité qui caractérise ces parlementaires.

Enfin, monsieur Rodet, vous nous dites qu’il n’est pas nécessaire de respecter le parallélisme entre les deux chambres. Ayant le souci de faire aboutir la commission mixte paritaire, je préférerais que nous n’entrions pas dans ce genre de débat avec la seconde chambre, dont chacun aura bien compris que l’intérêt est tout aussi fort que le nôtre !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce serait une déclaration de guerre !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. En m’exprimant tout à l’heure sur le contrôle opérationnel, monsieur le ministre, je parlais effectivement d’un contrôle a posteriori : on se heurterait sinon, comme vous venez de le rappeler, au problème des opérations en cours.

Pour la clarté des débats et pour faire en sorte que la suspension de séance soit la plus fructueuse possible, tout comme notre collègue Myard a retiré son amendement, nous retirons les amendements nos 15 et 13, de sorte que la discussion puisse se poursuivre de manière constructive.

(L’amendement n15 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Je voudrais à ce stade préciser que la notion de « parlementaire honoraire » n’existe pas.

Mme Sandrine Mazetier. Ce n’est pas grave : au point où on en est, on n’a qu’à l’inventer !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Elle existe pour les élus locaux et pour les tribunaux de commerce. Si nous retenons votre proposition, madame la députée, il faudra y substituer l’expression d’« ancien député ».

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 13, 226, 265 et 397, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n13 est donc retiré, monsieur Hetzel ?

M. Patrick Hetzel. Oui, il est retiré.

(L’amendement n13 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n226.

M. Sergio Coronado. Il était prévisible, dès lors que la commission des lois n’avait pas tranché cette question, que le débat serait extrêmement long et assez riche, chacun faisant des propositions pour la composition de la future CNCTR.

J’ai essayé, au nom des écologistes, de tenir compte des contraintes et des souhaits exprimés par les membres de la commission des lois. Vous avez failli me convaincre, monsieur le rapporteur, en soulignant le fait que la présence de parlementaires n’était pas la garantie absolue de l’indépendance de l’instance, qu’elle ne rendait pas cette instance plus efficiente et que ce n’était pas sur ces critères qu’il convenait de réfléchir.

Je ne crois pas cependant que les parlementaires n’ont rien à y faire : ils ont beaucoup à y faire au contraire, surtout s’agissant de questions qui ne sont que peu débattues au Parlement, comme le renseignement.

Puisque la commission s’est exprimée clairement en faveur de la présence de parlementaires, je propose que ceux-ci soient au nombre de deux. Il a été aussi exprimé le souhait que la majorité et l’opposition y soient représentées : je propose donc qu’un membre de la majorité gouvernementale et un membre de l’opposition y siègent. Comme le rapporteur, je pense également qu’il ne faut pas fâcher nos amis du Sénat si on ne veut pas que la composition de la CNCTR devienne le serpent de mer de ce texte. Il faut donc un sénateur et un député, nommés respectivement par le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale.

Il me semble que c’est là un compromis susceptible de susciter l’adhésion, alors qu’augmenter considérablement le nombre de parlementaires ne respecterait pas le statut d’autorité administrative indépendante de la CNCTR.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n265.

M. Éric Ciotti. J’ai déjà défendu cet amendement. Je précise simplement notre proposition, qui s’inscrit dans la volonté de trouver un point d’équilibre garantissant l’exercice optimal de sa mission de contrôle par la CNCTR : six parlementaires, soit trois représentants de l’Assemblée nationale et trois représentants du Sénat.

Vous avez évoqué tout à l’heure dans votre intervention, monsieur le ministre, la nécessité d’une parité avec les magistrats du Conseil d’État et de la Cour de cassation : nous y sommes favorables. L’équilibre que vous avez proposé, avec une personnalité qualifiée en plus, ce qui porterait la composition de la CNCTR à treize membres – six parlementaires, six magistrats et une personnalité qualifiée –, nous convient à ce stade.

M. Guy Geoffroy. C’est bien et c’est lisible !

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n397.

M. Alain Tourret. Le texte prévoit la présence d’anciens conseillers à la Cour de cassation et d’anciens conseillers d’État. Or, monsieur le ministre, c’est entre 67 et 70 ans qu’on devient un ancien conseiller à la Cour de cassation ou un ancien membre du Conseil d’État : vous allez donc nous constituer une institution dont tous les membres seront septuagénaires !

M. Michel Piron. Ce sont des sages !

M. Alain Tourret. Comme modèle d’institution dynamique, ça se pose là ! Les députés, au moins, ne doivent pas attendre d’atteindre l’âge de soixante-dix ans pour devenir d’anciens députés !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Plutôt que de proposer de modifier ces propositions via des sous-amendements, je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance de quelques minutes afin que nous nous mettions d’accord sur une rédaction, par souci de précision.

M. le président. Je vais d’abord demander à la commission de donner son avis sur ces amendements, avant de passer la parole à M. Lellouche.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à la totalité des amendements, de façon à permettre l’écriture d’un amendement de synthèse.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Monsieur le ministre, je vous appelle à faire preuve d’un peu de modestie : c’est bien parce que votre texte pose un problème de suspicion que nous sommes en train de revoir la composition de la CNCTR.

Je voulais vous suggérer humblement de retenir la solution défendue par notre collègue Larrivé : pour assurer le caractère politique du contrôle, il convient que le président de la CNCTR soit agréé par les députés membres de la commission de la défense, de la commission des affaires étrangères et de la commission des lois. Cette validation donnera à cette personnalité incontestable un vrai poids dans le contrôle politique des opérations de renseignement dans le pays.

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

M. Pierre Lellouche. Je pense que l’association du Parlement à la désignation du président permettrait de lever tout risque de suspicion.

Vous m’opposerez peut-être que c’est le Président de la République qui, aux termes de votre texte, est supposé nommer le président de la CNCTR et que, dans ce cas, une loi ordinaire ne suffirait pas. Je répondrai alors que c’est le seul endroit où l’on trouve le Président de la République, tout le reste du texte affirmant le rôle du Premier ministre : il y a là un défaut du point de vue du parallélisme des formes. Puisque c’est le Premier ministre qui est chargé d’autoriser le recueil de renseignements, c’est lui qui doit nommer le président de la CNCTR. Dès lors, une loi ordinaire pourrait associer le Parlement à la désignation de ce président.

M. Pascal Popelin. Justement non ! Intellectuellement, cela ne tient pas du tout !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Si le texte fait du Président de la République l’autorité de nomination, c’est parce qu’il en va ainsi pour toutes les autorités administratives indépendantes ainsi que pour les emplois civils et militaires.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Je doute donc que nous soyons enclins à modifier ce point.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je demande une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Mes chers collègues, trois nouveaux amendements, nos 438, 439 et 440, ont été déposés : en discussion commune avec les précédents, ils peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur, pour les soutenir. Je donnerai ensuite la parole à M. Larrivé, cosignataire de ces amendements.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Nous avons mis à profit le temps de la suspension de séance pour tenter de rapprocher les points du vue. Nous avons abouti, dans l’esprit de ce que le ministre avait indiqué, c’est-à-dire le souci de parvenir à une proposition unique, sous la réserve que l’ensemble des collègues ayant déposé des amendements sur la composition de la CNCTR les retirent.

C’est la première fois depuis le début de la législature, me semble-t-il, que je cosigne un amendement avec un député du groupe UMP. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Non, ma mémoire m’indique que j’en ai cosignés avec Patrick Verchère sur la loi de programmation militaire, mais c’était sur le même sujet. Légiférer sur les services est une manière de manifester l’unité nationale.

L’amendement de synthèse n438 s’accompagne de deux amendements de conséquence sur le renouvellement des magistrats ainsi que sur le quorum nécessaire pour rendre valides les délibérations du collège.

Nous vous proposons de faire passer la CNCTR à treize membres : trois membres de l’Assemblée nationale, trois membres du Sénat, trois membres du Conseil d’État, trois magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation et une personnalité qualifiée.

Vous observerez un changement dans la nomination des magistrats du Conseil d’État : nous avons enlevé la qualité d’ancien membre et ils ne sont plus nommés « sur proposition du vice-président », mais « par le vice-président » du Conseil d’État. C’est une manière d’affirmer l’indépendance des magistrats qui siégeront dans l’autorité administrative indépendante.

Nous avons prévu de la même manière trois magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation, nommés conjointement par le Premier président et par le procureur général. Là encore, nous avons enlevé la qualité d’ancien membre.

Vous noterez que cet amendement ne précise pas la personnalité qualifiée, question qui n’entrait pas dans notre recherche de compromis. J’espère néanmoins que nous resterons sur la proposition d’un membre de l’ARCEP, parce que nous n’allons pas rouvrir le débat sur le nombre de personnalités qualifiées. En restant à treize membres, il n’y aura qu’une personnalité qualifiée. Nous pourrons discuter pour déterminer qui la nomme, mais le souhait personnel du rapporteur est que ce soit un membre de l’ARCEP.

S’agissant du quorum, l’amendement n439 fait passer de quatre à six le nombre de membres présents pour que la délibération soit valide.

Quant à l’amendement n440, il porte sur le renouvellement des magistrats. Il était prévu qu’ils soient renouvelés par moitié tous les trois ans. Ils le seront par tiers tous les deux ans.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Ces amendements excellemment présentés par le président de la commission des lois sont donc le fruit d’un travail conjoint, associant le groupe UMP.

Nous sommes parvenus à un mécanisme qui est à la fois opérationnel et très équilibré au plan politique, puisqu’il garantit l’indépendance de cette autorité ainsi que son efficacité.

Nous n’avons pas abordé, je le précise, la question du choix du président, qui sera nommé par décret signé du Président de la République. En effet, la matière ne peut être traitée par la loi ordinaire. Elle relèverait de la loi organique si, comme nous le souhaitons sur ces bancs, la nomination du président de la CNCTR devait être précédée d’un avis des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Dans l’exercice que constitue l’écriture de la loi ordinaire sur le renseignement, ces amendements utiles sont très attendus sur tous les bancs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je redis ce que j’ai dit avant que ces amendements soient rédigés de façon consensuelle par des parlementaires de sensibilité différente : encore une fois, nous traitons d’un sujet sur lequel rien n’existait. Nous n’avions aucune base juridique pour contrôler l’utilisation des techniques de renseignement par les services lorsqu’ils les mobilisent au nom d’un certain nombre de finalités.

La question du contrôle est au cœur du texte et des parlementaires ont souhaité que le dispositif soit renforcé. Je ne vois aucune raison pour que le Gouvernement s’oppose à ce qu’il a lui-même souhaité, puisque ce que vous proposez de renforcer est ce que nous avons mis au cœur du texte et ce qui a présidé à la conception de ce texte, au terme d’un travail parlementaire.

Par ailleurs, je pense sincèrement que sur ces sujets, il vaut mieux de bons compromis républicains que de mauvaises divisions.

M. Pierre Lellouche. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je suis donc favorable à de bons compromis républicains sur des sujets régaliens qui concernent les intérêts supérieurs de la nation et sur lesquels nous avons besoin de garanties démocratiques très fortes.

Ces amendements, au terme d’un processus de dialogue extrêmement utile et de bonne qualité, durant lequel chacun a pu apporter sa contribution, permettent d’aboutir au meilleur équilibre. Je remercie donc tous les parlementaires qui ont contribué à leur rédaction. Le Gouvernement ne peut que se réjouir de ce travail de coproduction législative.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Je me réjouis que ce compromis équilibré ait été trouvé. Il répond largement aux demandes que nous avons exprimées à travers l’amendement n265, déposé par cent quatre-vingt-quatorze membres du groupe UMP, qui visait à équilibrer davantage la composition de la CNCTR.

Nous arrivons à ce stade important du débat, qui conditionne l’examen de tous les autres aspects de ce projet de loi et qui apporte des garanties à tous ceux qui pouvaient nourrir des inquiétudes quant aux objectifs réels ou supposés de ce texte.

Je vous remercie donc, monsieur le ministre, d’avoir répondu à notre demande en nous permettant de trouver ensemble cet équilibre. Le texte sera respectueux aussi bien de l’efficacité opérationnelle du dispositif que de la protection des libertés publiques. C’est un équilibre auquel le groupe UMP est particulièrement attaché.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je voudrais à mon tour dire combien ce qui vient de se passer est positif et utile. Nos concitoyens ont besoin de clarté. Ce que nous sommes en train de faire permettra de sécuriser le travail de nos services mais aussi de renforcer la défense des droits et libertés de chacun.

Pour reprendre les propos du ministre, nous n’avons pas d’états d’âme à avoir sur notre volonté de nous inscrire dans un travail de contrôle. C’est le rôle des parlementaires de contrôler l’exécutif. Dans une instance comme celle que nous sommes en train de créer, le fait que les parlementaires soient en nombre égal à celui des magistrats n’est que la traduction de notre mission qui doit se développer de plus en plus : celle de contrôler l’exécutif.

Je voudrais, monsieur le ministre, revenir sur un point qu’a évoqué très brièvement Guillaume Larrivé et qui, à mon avis, ne pourra pas être éludé pendant longtemps. Nous votons une loi ordinaire ; il est clair qu’elle doit pouvoir entrer en application dès qu’elle aura été votée et qu’il ne faut pas compliquer le travail législatif par d’autres dispositions. Mais vous le savez, la question reste posée de la nomination du président de cette instance par le Président de la République. Je voudrais rappeler l’alinéa 5 de l’article 13 de notre Constitution : « Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. »

Nous ne pouvons pas l’inscrire dans la loi et nous n’exigeons pas que ce soit fait maintenant, parce que cela relève d’une loi organique, mais j’insiste : il faudra saisir la première opportunité pour que, dans un texte organique, soient précisées les conditions dans lesquelles intervient la nomination du président du CNCTR. Ce serait un effet encore plus positif du travail que nous venons d’effectuer.

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Dans ce moment de concorde…

M. Alain Marsaud. N’exagérons pas !

M. Pascal Popelin. …je voudrais à mon tour saluer le Gouvernement, qui vient une fois encore de démontrer, dans l’examen de ce texte qui est une loi de protection des libertés publiques, toute l’écoute dont il entend faire preuve à l’égard de la représentation nationale, dans sa diversité.

Je voudrais aussi saluer l’esprit de responsabilité de chacun, qui nous a permis de chercher et, je l’espère, de trouver un consensus sur ce dispositif.

Je l’ai dit tout à l’heure, le groupe SRC est porteur de deux amendements relatifs à la composition de la CNCTR, qui visent à lier le Gouvernement au choix du vice-président du Conseil d’État ainsi qu’à celui du Premier président de la Cour de cassation et du procureur général pour la désignation des magistrats issus de ces juridictions : c’était pour nous une garantie supplémentaire d’indépendance de la CNCTR. Ces dispositions ont été intégrées dans l’amendement que je dirai « de synthèse ». Je m’en réjouis et je retire donc les amendements dont j’étais signataire avec l’ensemble du groupe SRC et qui sont satisfaits par les nouveaux amendements. Notre groupe soutiendra bien évidemment le nouveau dispositif issu du travail collectif.

M. le président. ll s’agit des deux amendements nos 354 et 355.

(Les amendements nos 354 et 355 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. C’est un bon signal que d’arriver à un consensus rassemblant l’ensemble des forces politiques de l’Assemblée.

Il fallait au fond trouver un équilibre entre les responsables politiques et les responsables non politiques : c’est ce qui a été fait et c’est une excellente chose.

Il n’est pas inopportun de demander au vice-président du Conseil d’État comme au Premier président de la Cour de cassation et au procureur général de nommer des magistrats et non d’anciens magistrats, même si un usage fait qu’ils peuvent éventuellement désigner d’anciens magistrats.

Surtout, faisons en sorte que ce soit un magistrat qui préside la CNCTR. Il serait inconcevable qu’un élu préside une telle commission : ce serait un signal calamiteux auprès de l’opinion publique.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Madame, messieurs les ministres, je suis également satisfait qu’une solution ait été trouvée quant aux principes qui doivent guider le contrôle.

Tout à l’heure, le ministre les a listés assez justement et a évoqué deux critères – l’indépendance et le pluralisme – lesquels sont désormais acquis.

Reste le mode de désignation du président via une loi organique, qui me paraît indispensable comme nos collègues Guy Geoffroy et Guillaume Larrivé l’ont d’ailleurs rappelé. Je gage que le Gouvernement prendra des engagements sur ce point.

Je me félicite qu’en deux ou trois jours de travail acharné la tonalité de nos débats ait changé. Lundi, lors de la présentation du texte, le Premier ministre a considéré que ceux qui nourrissaient des réserves ne l’avaient pas lu ou qu’ils étaient animés par des fantasmes et des peurs, termes qui ont souvent été employés.

Aujourd’hui, il n’en est plus question : nous sommes en train de répondre sérieusement à une inquiétude de nos concitoyens.

J’ai quant à moi constamment insisté sur la notion de contrôle : dès lors que nous conférons des pouvoirs importants à nos services de renseignement – nul ne conteste que cela soit nécessaire pour lutter contre le terrorisme –, il faut en même temps accroître le niveau du contrôle politique, ce que permet l’arrangement qui vient d’être trouvé.

Un point important devra être traité – nous le ferons sans doute dans la suite de notre discussion : le mode de recours au Conseil d’État en cas de dérapage.

Compte tenu de ces deux points-là, de cette avancée, de la loi organique à venir s’agissant de la désignation du président, nous pourrons dire honnêtement aux Français qu’ils sont protégés, de même que leurs libertés.

Les critiques et les insuffisances sont bien entendu toujours possibles – ainsi conviendra-t-il de vérifier l’effectivité du contrôle par la commission – mais, comme l’ont dit Mme Adam et d’autres parlementaires, ceux qui y siégeront auront à cœur d’être fidèles à notre mission de contrôle au service des citoyens.

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Cette loi constitue une étape importante, monsieur le ministre, car notre système ne fonctionnait plus, les abus étant tous azimuts.

Je ne dis pas qu’elle sera définitive parce que d’autres problèmes se poseront, ne serait-ce d’ailleurs qu’en raison de l’évolution des techniques.

Il n’en reste pas moins que le geste qui a été consenti nous permettra d’assurer, sinon un contrôle, du moins notre présence afin de veiller au respect des libertés individuelles. Si tel n’avait pas été le cas, cela aurait cruellement manqué à la commission.

Bien entendu, je voterai ce texte.

Dans la pratique, la commission devra travailler avec la justice. Il ne faut pas non plus oublier le pôle antiterroriste, qui a beaucoup œuvré et qui ne doit pas se sentir exclu par cette loi sur les « grandes oreilles » car elle résulte pour partie de ce qu’il a accompli – les juges du pôle antiterroriste travaillaient en effet main dans la main et d’une façon très courtoise et efficace avec les services de police.

J’espère que ce travail-là continuera et que la loi sur les « grandes oreilles », dans les années à venir, sera parachevée au point d’être définitive s’agissant du contrôle des services de renseignement.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Au nom de l’UDI, je considère que, mieux qu’à un bon arrangement, nous sommes parvenus à un très bon compromis et quant à la composition de la commission et quant à la désignation de ses membres.

Nous le soutenons très volontiers.

M. le président. Monsieur Coronado, l’amendement n226 est-il retiré ?

M. Sergio Coronado. Quelques mots, si vous permettez. Tout à l’heure, nous avons eu l’impression que notre débat se résumait à la composition de la commission et à la place que les parlementaires devaient y tenir.

J’ai dit que tel n’était pas mon sentiment et que l’argumentation de M. le rapporteur avait failli me convaincre, considérant en effet qu’il convenait peut-être de s’intéresser à sa diversification – tel était le sens des amendements déposés par le groupe écologiste proposant la nomination d’une personnalité qualifiée, l’un par la CNIL, l’autre par le défenseur des droits.

Cela nous semblait élargir l’horizon du recrutement des personnalités siégeant au sein de la CNCTR afin de promouvoir un regard un peu différent et d’accroître son indépendance.

Tel n’est pas le choix qui vient d’être fait mais il est vrai que l’alliance de M. le rapporteur avec l’opposition est redoutable et qu’elle peut même parfois être victorieuse du Gouvernement ! Je ne m’aventurerai donc pas à la défier alors qu’elle a commis quelques dégâts ces derniers jours.

Je n’approuve pas pour autant le compromis qui vient d’être trouvé mais je ne pense pas que ce débat-là doive durer indéfiniment lorsqu’une très large majorité se dessine.

Je retire donc mon amendement n226 en regrettant que ce compromis ait été réalisé d’une manière un peu corporatiste…

M. Pierre Lellouche. Pas du tout !

M. Sergio Coronado. … même si la place des parlementaires est importante, et uniquement sur la base de leur nombre, non sur celle de la diversité de la composition.

(L’amendement n226 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Je retire l’amendement n265.

(L’amendement n265 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Je retire l’amendement n397.

(L’amendement n397 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Alain Rodet.

M. Alain Rodet. L’amendement n438 rédigé avec nos collègues de l’opposition qui confère un nouveau rôle ou un rôle différent au vice-président du Conseil d’État interdira-t-il à ce dernier de nommer un maître des requêtes ?

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Plusieurs amendements que j’avais déposés vont tomber car je ne doute pas de l’adoption des amendements Urvoas-Larrivé…

M. le président. Tous ne tombent pas, ma chère collègue.

Mme Sandrine Mazetier. … je les retirerai en tout cas si j’obtiens une réponse quant à la présence des bâtonniers au sein de la CNCTR. Il s’agit d’un vrai sujet.

Je peux retirer cet amendement par avance mais à condition que l’on discute de cette question. Je demande simplement une réponse.

M. le président. Nous y reviendrons peut-être tout à l’heure.

Mme Sandrine Mazetier. Par ailleurs, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de sous-amender l’amendement n438 en disposant qu’un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles la composition de la commission sera paritaire.

En effet, si l’on exclut la présidence, elle comptera donc douze membres et la parité peut être garantie. Mais ce serait très difficile de faire avec les amendements Urvoas-Larrivé.

Je propose donc que le rapporteur prévoie cette disposition.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. En rédigeant ce texte, le Gouvernement a été animé par un souci permanent : donner les moyens nécessaires aux services de renseignement et déterminer les conditions permettant un contrôle de qualité, crédible et efficace. C’est ainsi qu’a été conçue la CNCTR.

Les dispositions qui viennent d’être introduites renforcent les principes à partir desquels elle a été pensée.

Le premier est celui du pluralisme démocratique. Le Gouvernement lui-même a souhaité d’emblée la présence de personnalités de sensibilité différente issues des deux assemblées.

Cela ne suffit pas à éliminer une question qui revient chaque fois que la représentation de nos assemblées est en jeu : quid des groupes qui ne sont pas majoritaires ou qui ne sont pas très représentatifs de l’opposition ?

Quoi qu’il en soit, le pluralisme démocratique est assuré.

Le deuxième est celui de l’indépendance, également garantie par les modes de désignation – nous devons en débattre très clairement.

Troisième principe, enfin : l’expertise, soit, la mise à disposition d’une technicité spécifique au sein de cette commission.

Ces principes sont donc préservés.

La composition de la commission préfigure les trois niveaux de contrôle que le Gouvernement a tenu à assurer, respectivement sur les plans administratif – la CNCTR peut saisir le contrôle juridictionnel –, juridictionnel, précisément, et parlementaire – comme je l’ai rappelé au début de nos débats puisqu’il est important que la représentation nationale puisse s’exprimer sur ces sujets sensibles.

Nous pouvons donc considérer que la composition de la CNCTR est bien conforme aux principes qu’a posés le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Je souhaite répondre aux trois questions qui ont été posées.

Monsieur Rodet, la réponse est non : le niveau de recrutement est celui de conseiller d’État, non de maître des requêtes.

Monsieur Tourret, oui, je vous renvoie à l’alinéa 71 de cet article disposant que le président de la CNCTR sera issu des magistrats du Conseil d’État ou de la Cour de cassation.

Madame Mazetier, je n’avais pas d’hostilité de principe à votre amendement mais dès lors que la composition de la commission vient d’être fixée à treize membres et que je souhaite la présence d’un membre de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, je suis navré de ne pas être favorable à la présence de bâtonniers.

(Lamendement nos 438 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n402.

Mme Sandrine Mazetier. Il est retiré.

(L’amendement n402 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n57.

M. Lionel Tardy. Il est retiré.

(L’amendement n57 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n398.

M. Alain Tourret. Il est retiré.

(L’amendement n398 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n356.

Mme Sandrine Mazetier. Je suis prête à retirer cet amendement relatif à la parité mais peut-être M. le rapporteur pourrait-il répondre à la seconde partie de mon interpellation : comment garantirons-nous l’égal accès des femmes et des hommes à la CNCTR, conformément à l’article 1er de la Constitution, dès lors que les collèges comptent désormais un nombre de membres impair ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Originellement, j’étais évidemment favorable à votre amendement puisque seules deux personnalités devaient être nommées par chaque assemblée.

Avec trois personnalités, je n’y suis pas hostile mais cela sous-entend que l’Assemblée nationale et le Sénat se mettent d’accord puisque ensemble les deux assemblées nommeront six membres. Sur le principe, la parité - – trois hommes et trois femmes – est possible.

Je donne donc un avis favorable par principe – car je suis sensible à cette question – mais ce serait tout de même plus simple si vous acceptiez de retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Il est toujours possible de trouver des solutions…

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Oui !

Mme Sandrine Mazetier. … même si on nous explique toujours que c’est très compliqué. Des solutions sont en fait toujours possibles, mais il faut les écrire.

Lorsque les membres du collège sont en nombre pair, ce n’est pas utile de le faire pour garantir la parité mais lorsque l’on dispose, en séance, qu’un collège comprendra un nombre de membres impair, il est nécessaire de préciser en même temps la façon dont la parité sera garantie.

Les solutions existent, mais ce n’est pas à moi de les définir !

M. le président. Retirez-vous votre amendement, madame Mazetier ?

Mme Sandrine Mazetier. Oui.

(L’amendement n356 est retiré.)

M. le président. Les amendements n210, 118, 211, 278 et 279 tombent.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n16.

M. Lionel Tardy. Il est défendu.

(L’amendement n16, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n220.

M. Sergio Coronado. Je le retire.

(L’amendement n220 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n221.

M. Sergio Coronado. Je le retire.

(L’amendement n221 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n401.

Mme Sandrine Mazetier. J’ai déjà évoqué cet amendement relatif à la présence des bâtonniers au sein de la CNCTR.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Nommer deux bâtonniers aurait été une manière de reconnaître que les avocats, qui sont des auxiliaires de justice, sont aussi capables que des magistrats, y compris des magistrats du Conseil d’État, de vérifier la proportionnalité des moyens employés, ainsi que la destruction effective des fichiers, données et métadonnées. Je trouve dommage que l’on n’ait pas ainsi rendu hommage aux bâtonniers et, à travers eux, aux avocats. Cela étant dit, je retire évidemment mon amendement.

(L’amendement n401 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Sébastien Denaja, pour soutenir l’amendement n260.

M. Sébastien Denaja. Je voudrais, à mon tour, dire un mot sur la question de la parité. Pour avoir été le rapporteur de la loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, je veux dire, après Mme Mazetier, que les solutions existent. Nous avons réussi à réaliser les conditions de la parité dans tous les domaines – sportif, social, économique, institutionnel – et il n’y a pas de raison que cette commission échappe à la logique paritaire. Il me semble que la rédaction de cet amendement est suffisamment générale pour que le décret qui fixera les modalités précises permette la réalisation pleine et parfaite de la parité entre les femmes et les hommes au sein de cette instance. Je ne vois pas, en tout cas, pourquoi ce domaine échapperait à la logique de la parité entre les femmes et les hommes, qui n’a pas été mise en défaut depuis le 6 mai 2012 dans cette enceinte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. La commission a donné un avis favorable à l’amendement de M. Denaja et de Mme Coutelle, puisqu’il s’inscrit dans le cadre de la politique volontariste que mène ce gouvernement en faveur d’une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans nos institutions, et notamment dans les autorités administratives indépendantes. En votant cet amendement, nous satisferons aussi celui de Mme Mazetier.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est lui aussi favorable à cet amendement, et je veux prendre le temps de le dire d’une phrase, et pas seulement d’un mot. Je veux rendre hommage à Mme la vice-présidente de l’Assemblée nationale, Mme Mazetier, pour sa pugnacité. Elle réintroduit ce débat avec une régularité qui ne se dément jamais et qui nous oblige à être vigilants. Je tiens par ailleurs à remercier M. Denaja et Mme Coutelle.

Mme Mazetier a eu l’élégance de retirer son amendement, mais je sais qu’elle est extrêmement attachée à la question de la parité. Et vous avez tous raison de dire qu’il existe toujours une solution, quelle que soit la composition de ces structures.

M. Alain Marsaud. Dans ce cas, il faut aussi la parité à la DGSE !

M. Jacques Myard. Ce que je veux, moi, ce sont des gens de talent. Peu importe leur sexe !

(L’amendement n260 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 159, 179, 241 et 262, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n159.

M. Alain Tourret. Il est retiré.

(L’amendement n159 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n179.

M. Sergio Coronado. Mon collègue Guillaume Larrivé a déposé un amendement assez semblable au mien, tendant à ce que la nomination du futur président de la CNCTR soit plus encadrée et mieux formalisée. Il a beaucoup été question du rôle du Parlement et de la place des parlementaires au sein de la CNCTR et nous souhaiterions, dans le même esprit – même si je n’irai pas jusqu’à signer un amendement commun avec M. Larrivé – que son président soit auditionné par les commissions des lois des deux assemblées du Parlement et que celles-ci émettent un avis aux trois cinquièmes positifs.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n241.

M. Guillaume Larrivé. Je vais retirer cet amendement, mais j’aimerais, pour bien clarifier les choses, que le Gouvernement s’engage à accepter une modification de la loi organique, lorsque l’occasion se présentera, pour que le président de la CNCTR, nommé par décret du Président de la République, le soit après que les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat auront été mises en situation de donner un avis sur cette nomination, afin d’assurer le caractère parfaitement transpartisan et pluraliste de cette nomination.

(L’amendement n241 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n262.

M. Éric Ciotti. Il est retiré.

(L’amendement n262 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n179 ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à l’amendement de M. Sergio Coronado, non pas en raison de son objectif, cela va de soi, mais pour des questions de faisabilité. Cet amendement, en effet, implique de modifier l’article 13 de la Constitution, or celle-ci ne peut être modifiée que par un projet ou une proposition de loi organique.

M. Sergio Coronado. C’est un amendement d’appel !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. C’est un amendement d’appel, en effet, et à cet appel, je réponds défavorablement. J’adhère néanmoins à l’intention. Il me paraît en effet logique d’élargir, comme nous l’avons fait à chaque fois que nous en avons eu la possibilité depuis le début de cette législature, la portée de l’article 13 – on vient, me semble-t-il, de le faire pour l’Agence française pour la biodiversité.

En commission des lois, nous avons par ailleurs apporté un démenti à l’argument, souvent évoqué lors de la précédente législature, selon lequel la majorité pour empêcher une nomination était difficilement atteignable. Il existe désormais un précédent, puisqu’un membre du Conseil supérieur de la magistrature n’a pas recueilli l’assentiment de la commission des lois.

Je donne donc un avis défavorable, même si je pense, à titre personnel – et j’imagine que le Gouvernement ira dans le même sens – qu’il faudra, le moment venu, quand l’opportunité nous en sera offerte, modifier la loi organique, afin que les commissions des lois soient consultées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable à votre amendement, tout en étant sensible à votre préoccupation, monsieur Coronado. Vous savez que dans le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, le Gouvernement s’était déjà montré favorable au passage aux trois cinquièmes positifs, car cela garantit une solidité démocratique plus forte. Néanmoins, compte tenu de la complexité de la procédure, je ne suis pas sûre qu’il faille s’y engager maintenant.

M. le président. Monsieur Coronado, l’amendement est-il maintenu ?

M. Sergio Coronado. Je le retire.

(L’amendement n179 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur, pour soutenir l’amendement n318.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Il est rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. On va encore dire que je suis suspicieux, mais je voudrais que le Gouvernement s’engage à ce que l’article 13 de la Constitution soit modifié et que la nomination du président de la CNCTR soit bien validée par les commissions compétentes. Je comprends que l’on ne puisse pas le faire aujourd’hui par voie d’amendement, étant donné que nous examinons un projet de loi ordinaire.

Je voudrais néanmoins avoir cette garantie de la part du Gouvernement, car ce point me paraît crucial pour assurer la crédibilité de ce que nous sommes en train de construire, à savoir une commission de contrôle, ayant un vrai poids politique pour contrôler l’exécutif. Je souhaiterais entendre un engagement clair du Gouvernement sur cette question, or je ne l’ai pas entendu, ni de la bouche du ministre de l’intérieur, ni de la vôtre, madame la garde des sceaux. J’aimerais donc que vous preniez cet engagement.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le ministre, je viens de vous dire que le Gouvernement considère que la validation par les trois cinquièmes des assemblées parlementaires apporte, pour les nominations à la tête de ces autorités, une plus grande solidité démocratique.

Mais je suis étonnée que vous demandiez au Gouvernement de s’engager sur un projet de loi organique, dont l’aboutissement dépendrait des deux chambres du Parlement. Je vous le dis très clairement, au nom du Gouvernement : nous considérons qu’en toutes circonstances, et en particulier sur ces matières sensibles, il y a une plus forte solidité démocratique si les membres sont désignés sur la base des trois cinquièmes positifs.

Pour le reste, cela relève, vous l’avez dit vous-même, d’un projet de loi organique. Or vous savez dans quelles conditions les projets de loi organique sont adoptés – ce sont les conditions constitutionnelles. Le Gouvernement vous dit qu’il y est favorable, mais il serait démagogique de vous dire que l’on attendra, pour mettre en place la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qu’une loi organique ait modifié les conditions de désignation de son président. Prétendre cela ne serait ni raisonnable, ni respectueux à votre égard.

Je vous ai exposé la position de principe du Gouvernement sur cette question. Mais, s’agissant de la CNCTR, il n’est pas envisageable de procéder préalablement à une modification de la Constitution. Du reste, ce serait contradictoire avec le choix qui a été fait de recourir à la procédure accélérée, et qui dérange tout le monde, vous le savez parfaitement. Il est inenvisageable de subordonner la mise en place de la CNCTR à une modification de la loi organique.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Ce n’est pas cela que je demandais, madame la garde des sceaux, et je n’entendais nullement remettre en cause votre bonne foi. Il y a urgence, vous avez demandé la procédure accélérée, nous menons une guerre contre le terrorisme et nous allons mettre en place cette commission. Nous allons la mettre en place sur la base de la composition que nous avons décidée tous ensemble cet après-midi, et sans que l’Assemblée nationale valide la nomination de son président. Ce que je voudrais entendre de votre bouche, c’est que vous vous engagez à faire adopter la loi organique nécessaire dans les meilleurs délais.

M. Pascal Popelin. C’est nous qui la voterons, pas le Gouvernement !

M. Pierre Lellouche. Or, pour l’instant, je ne l’ai pas entendu.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous ne pouvez pas l’avoir entendu, puisque je ne l’ai pas dit.

M. Pierre Lellouche. Vous dites que vous êtes favorable à cette idée, mais vous ne vous engagez pas à la mettre en œuvre. Or vous donneriez un bon signal en faisant passer cette personnalité devant la représentation nationale, en la faisant passer devant la commission de la défense, la commission des affaires étrangères, la commission des finances et la commission des lois : cela renforcerait la capacité de contrôle de l’Assemblée sur le travail de renseignement de l’exécutif. Ce n’est pas un détail !

Du reste, il me semblait que cela faisait partie de notre accord de cet après-midi, or je n’ai pas entendu que vous alliez effectivement passer à l’acte.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je n’ai rien négocié du tout, moi !

M. Pierre Lellouche. Je souhaiterais que vous me disiez comment vous comptez faire.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Je voudrais, madame la garde des sceaux, préciser juridiquement l’objet de la demande formulée par le groupe UMP. Nous ne vous appelons pas à modifier la Constitution et, en l’espèce, le dernier alinéa de l’article 13, pour demander les trois cinquièmes positifs – il est question, dans la Constitution, des trois cinquièmes négatifs. Nous ne vous disons pas que nous voulons une modification constitutionnelle.

M. Pascal Popelin. C’est vous qui avez fait voter cette disposition !

M. Guillaume Larrivé. Ce que nous disons en revanche, c’est qu’il nous semblerait opportun qu’un projet de loi organique ou, le cas échéant, une proposition de loi organique acceptée par le Gouvernement, prévoie qu’à Constitution constante, parmi ceux des emplois soumis à la nomination du Président de la République faisant l’objet d’un passage devant les commissions compétentes des assemblées, figure l’emploi nouveau, que nous créons dans cette loi, de président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. C’est tout ce que nous demandons, dans la continuité des débats que nous avons depuis quelques heures maintenant.

M. Pierre Lellouche. Merci, cher collègue, d’avoir exposé clairement les choses !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. J’ai une relation que je crois assez claire avec le Gouvernement, et lorsque, tout à l’heure, nous avons abordé cette question durant la suspension de séance, il m’a semblé, ainsi que vient de le confirmer la garde des sceaux, que le Gouvernement n’était pas hostile à cette idée.

Les deux dernières modifications organiques sur cet article, monsieur le député, ont eu comme source des propositions de loi organique. La dernière émanait du président Jean-Paul Chanteguet, et j’ai moi-même eu l’occasion d’en déposer une, sur un sujet financier ou touchant à la SNCF. Ce que je vous propose, c’est que je dépose, en ma qualité de président de la commission des lois, une proposition de loi organique, qui pourra parfaitement être cosignée par les membres de la commission des lois.

M. Guillaume Larrivé. C’est parfait !

M. Pascal Popelin. Très bien !

(L’amendement n318 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir l’amendement n87.

M. Patrice Verchère. Il est retiré.

(L’amendement n87 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi par le rapporteur d’un amendement rédactionnel, n319.

(L’amendement n319 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi par M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur, d’un amendement de conséquence, n440. Je vous rappelle qu’il s’agit de l’un des amendements cosignés avec M. Larrivé durant la suspension de séance.

(L’amendement n440, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi par M. le rapporteur d’un amendement rédactionnel, n320.

(L’amendement n320, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi par M. le rapporteur d’un amendement n439, autre amendement de conséquence de l’amendement n438.

(L’amendement n439, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi par M. le rapporteur d’un amendement rédactionnel, n322.

(L’amendement n322, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n17.

M. Lionel Tardy. Une phrase, qui figurait dans la version initiale du projet de loi, a « sauté » en commission des lois, ce que je regrette. Cette phrase était la suivante : « Les agents des services de la commission sont choisis notamment en raison de leurs compétences juridiques, économiques et techniques en matière de communications électroniques et de protection des données personnelles. »

Je pense qu’elle n’est pas du tout superfétatoire. Certes, ce sera au règlement intérieur de la CNCTR de fixer les modalités de recrutement de son personnel, mais ce type de principes est nécessaire et n’empiète pas sur ce même règlement intérieur.

M. Pascal Popelin. Bien sûr, on va recruter des incompétents ! Voilà la loi bavarde et inutile !

M. Lionel Tardy. En effet, les compétences des agents sont tout aussi importantes que la qualité des commissaires. Encore une fois, il s’agit de renforcer le pouvoir de contrôle de la CNCTR. Si de telles compétences étaient inscrites dans la loi, la commission pourrait, je l’espère, disposer des personnes les plus scrupuleuses possible, mais surtout très calées sur le plan des techniques. Pour la vérification des dispositifs, il faudra, croyez-moi, des ingénieurs de haut vol : tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Il est défavorable : quand on crée une autorité administrative indépendante, on la laisse recruter qui elle veut. J’aurai le même avis sur la composition des rapports publics. Si l’autorité est indépendante, elle a alors la faculté de recruter ses personnels, et de rédiger des amendements, ou des rapports, comme bon lui semble. Pour le cas d’espèce, je peux faire état, s’agissant de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS, pour laquelle la loi ne prévoit absolument aucune disposition relative à la qualité de ses salariés. et il se trouve que les trois derniers salariés qu’elle a recrutés sont justement du niveau visé par l’amendement de M. Tardy.

(L’amendement n17, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n58.

M. Lionel Tardy. Je souhaite que la CNCTR soit informée en temps réel des modalités d’exécution des autorisations délivrées. Autrement dit, je souhaite qu’elle bénéficie d’une information au fil de l’eau, et non sur demande. Nous avons déjà eu ce débat hier soir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. C’est un sujet que nous avons déjà évoqué hier en effet. La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, son avis serait défavorable puisqu’elle a considéré, au cours de ses travaux, que ce type d’amendement, s’il était adopté, risquerait de noyer la CNCTR sous un flot d’informations. Il a même été évoqué l’idée que cela pouvait être fait sciemment, de façon à l’empêcher de réaliser un véritable travail de contrôle sur les éléments qu’elle aurait pu juger, elle, essentiels.

La commission a également jugé qu’il était beaucoup plus utile de prévoir dans la loi qu’étaient mis à sa disposition les éléments qu’elles souhaitait, et que personne ne pouvait les lui refuser. Cet amendement contribue à complexifier son travail, et sa valeur ajoutée ne saute pas aux yeux. La commission souhaite donc son retrait. Dans le cas contraire, son avis le concernant serait défavorable.

(L’amendement n58, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n280.

M. Denys Robiliard. Il est rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il semble plus que rédactionnel, alors que M. le député ne le considère que comme tel. Or son adoption aurait des conséquences allant au-delà de celles d’un simple amendement rédactionnel. Le résultat serait en effet que la CNCTR pourrait solliciter du Premier ministre, en vertu de l’alinéa 99 ainsi modifié, « les rapports de l’inspection des services de renseignement ainsi que des rapports des services d’inspection générale des ministères portant sur les services qui relèvent de leur compétence, en lien avec les missions de la commission. » et non plus « tout ou partie » de ces rapports.

Il s’agit donc d’une modification plus substantielle qu’une simple modification de rédaction. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Il me semblait que si la CNCTR pouvait solliciter tous les rapports, elle pouvait également en solliciter une partie. En prévoyant qu’elle puisse tout solliciter, elle s’autorisait à n’en demander qu’une partie. C’est pour cette raison que j’avais qualifié cet amendement de rédactionnel. Je le maintiens, car il me semble que mon analyse n’est pas inexacte et que je n’ai pas entendu le rapporteur ou Mme la ministre le réfuter.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Pour la commission, il ne s’agit pas du tout d’un amendement rédactionnel. Là encore, nous ne faisons que calquer ce qui existe dans la loi de programmation militaire concernant les documents auxquels a accès la délégation parlementaire au renseignement, la DPR. La rédaction que vous suggérez, monsieur Robiliard, empêcherait la CNCTR de bénéficier de ces rapports.

Il faut tenir compte de la pratique que nous avons déjà, c’est-à-dire que le Gouvernement pourra opposer un refus à la communication de la totalité d’un rapport, alors qu’il aurait pourtant pu donner un avis favorable à la communication de la moitié de ce même rapport. Plutôt que de n’avoir rien du tout, nous préférons avoir un peu.

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Compte tenu de ces explications, je retire mon amendement.

(L’amendement n280 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n263.

M. Éric Ciotti. Cet amendement du groupe UMP vise à ce que, à l’occasion de la présentation de son rapport annuel, la CNCTR soit auditionnée par la DPR, afin de répondre à la préoccupation qui a déjà été évoquée tout à l’heure, et dont nous avons utilement et longuement débattu, de renforcer le contrôle parlementaire. Cet amendement s’inscrit dans cette démarche, puisque nous souhaitons que la DPR puisse avoir ce rendez-vous annuel avec la CNCTR.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Il est défavorable formellement, car l’amendement aurait pour conséquence de restreindre, en réalité, la capacité d’organisation la DPR. Ses pouvoirs l’autorisent à auditionner la CNCIS, comme les directeurs de services et les autorités qu’elle souhaite entendre comme la Commission consultative du secret de la défense nationale, la CCSDN. Il en sera de même demain pour la CNCTR : prévoir une audition obligatoire lors de la remise du rapport semble une restriction aux capacités d’organisation de la DPR ainsi qu’à son modèle et à son programme de travail.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis, car le Gouvernement pense également que cet amendement limiterait les possibilités offertes par la loi à la délégation parlementaire au renseignement.

(L’amendement n263 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 18 et 323, 2e rectification, pouvant être soumis à une discussion commune. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n18.

M. Lionel Tardy. À l’initiative de la commission, le contenu du rapport public de la CNCTR a été élargi. L’objectif poursuivi par cet amendement est de disposer d’informations statistiques : il s’agit d’une question de transparence. Cela permettrait aux parlementaires que nous sommes d’exercer un droit de contrôle.

Figurent déjà dans ce rapport le nombre d’autorisations demandées, de recommandations, de réclamations, et de cas où l’avis de la commission n’a pas été suivi. Mais autant aller au bout des choses, afin de bien observer l’application de ce texte. Cet amendement vise donc à ajouter d’une part le nombre d’avis rendus par la commission, en distinguant ceux rendus par son président seul, et ceux qui, après que la commission se soit réunie, ont été rendus par l’ensemble de ses membres.

Il s’agit d’une distinction importante, car elle permettra de mesurer le pouvoir réel du président. D’autre part, cet amendement vise à ajouter le nombre de renouvellements d’autorisations demandés, car si on les oublie et que l’on se cantonne aux simples avis initiaux, on passe à côté de l’ampleur réelle de l’utilisation des techniques.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur, pour soutenir l’amendement n323, deuxième rectification.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Sur cet amendement, je propose que le rapport intègre une notion : celle du nombre d’autorisations. C’est le seul souhait que j’émets, et je donnerai un avis défavorable sur les autres amendements ayant trait à ce rapport. Mais cette notion-là me paraît importante, car elle va permettre de calculer les ratios sur le taux d’acceptation ou de refus des autorisations. L’amendement de M. Tardy ne concerne que les avis : or les avis ne sont pas les autorisations, qui sont, elles, intéressantes. Je préférerais que M. Tardy retire son amendement au profit de l’amendement n323, 2e rectification.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement fait la même proposition de retrait au profit, effectivement, de l’amendement n323, deuxième rectification, du rapporteur.

(L’amendement n18 est retiré.)

(L’amendement n323, deuxième rectification, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n427.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est un amendement de coordination.

(L’amendement n427, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir l’amendement n234 rectifié.

M. Patrice Verchère. Il paraît essentiel que la DPR, dans le cadre de sa complète information et de sa mission de contrôle, puisse être systématiquement destinataire des observations communiquées par la CNCTR au Premier ministre. En effet, je rappelle que, dans le cadre du rapport que j’avais rendu avec Jean-Jacques Urvoas, nous avions préconisé d’étendre les pouvoirs d’audition et de communication de pièces liées à l’activité de nos services de renseignement. Je préfère cette communication soit rendue obligatoire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Il est défavorable, et je vais expliquer à Patrice Verchère pourquoi. D’abord parce que je lui demande de faire confiance aux parlementaires qui sont membres de la DPR pour faire preuve de pugnacité. Nous avons par le passé, et notamment l’année dernière, eu une discussion assez soutenue avec le Gouvernement sur notre capacité d’audition. Nous avons abouti à une configuration satisfaisante pour la DPR.

Monsieur Verchère, ce que vous nous proposez, selon l’interprétation que j’en fais, peut s’analyser comme une injonction. Et je crains que nous ne puissions pas donner d’injonction à l’exécutif. Je vous demande donc de retirer votre amendement. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ajoute juste que la délégation parlementaire au renseignement étant une émanation du Parlement, le Parlement est censé ne pas avoir connaissance des opérations en cours. Il s’agit d’un élément de jurisprudence constitutionnelle qui s’oppose à la disposition que vous proposez, monsieur Verchère, d’introduire dans le texte. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Patrice Verchère.

M. Patrice Verchère. Je suis plus enclin à suivre la position défavorable du rapporteur que celle de la ministre. Je retire donc cet amendement.

(L’amendement n234 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir l’amendement n235.

M. Patrice Verchère. Lorsque que la CNCTR reçoit des demandes d’avis du Premier ministre, des présidents des assemblées parlementaires et de la DPR, elle répond à ces demandes de manière systématique afin d’assurer entre autre la meilleure information possible des assemblées parlementaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. La commission a sur cet amendement un avis extrêmement favorable, car il vise à renforcer la capacité de la DPR à pouvoir s’expliquer et à rendre des comptes sur son activité. Nous avions été extrêmement sensibles à ce que nos collègues anglais nous avaient dit lors d’un déplacement à la Chambre des communes, quand nous avions été reçus par l’Intelligence and Security Committee of Parliament, ou ISC : ils sont extrêmement satisfaits de son activité de contrôle des services britanniques.

Mais quand nous avions rencontré la commission des lois de la Chambre des communes, ses membres nous ont affirmé n’avoir que peu connaissance des activités des parlementaires membres de l’ISC.

Par conséquent, plus la DPR peut parler aux présidents des assemblées, et à ses autres interlocuteurs pour valoriser le travail qui est fait son nom, plus notre satisfaction sera grande. Votre amendement accroît, au contraire, la légitimité de la DPR. L’avis de la commission est donc favorable.

(L’amendement n235, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n19.

M. Lionel Tardy. L’alinéa 107 prévoit que la CNCTR peut consulter l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes., l’ARCEP, sans doute sur des sujets techniques ayant trait aux communications électroniques. Il me paraît logique qu’elle puisse faire de même avec la CNIL sur des questions relatives aux données personnelles, puisque ces données feront également l’objet de traitements.

Là encore, il s’agit de remettre la protection des données personnelles au cœur du texte. Dans tous les cas, il me semble important de renforcer les passerelles entre les différentes autorités administratives indépendantes qui seront concernées par toutes ces questions.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Défavorable.

M. Lionel Tardy. Pourquoi ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est également défavorable.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je suis assez étonné : pourquoi la CNCTR pourra-t-elle consulter l’ARCEP et pas la CNIL ? On l’a dit, la première s’occupe de communications électroniques, et la seconde de données personnelles. Ce texte traite de données personnelles : il faut donc que la CNIL puisse également être consultée par la CNCTR.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Il existe une différence entre les deux autorités : l’ARCEP contribue d’abord à la composition de la CNCTR, puisqu’elle désigne une personnalité qualifiée. Le Gouvernement et la commission des lois partagent le sentiment que les relations entre l’ARCEP, qui a une capacité de régulation des réseaux et la CNCTR, dont la vocation est restreinte aux techniques de renseignement, seront utiles. C’est la raison pour laquelle nous avions proposé cet d’amendement.

D’ailleurs, à titre personnel, je n’étais pas très favorable à cette rédaction. C’est un souhait, dans la mesure où je considère que, dans le silence de la loi, une autorité administrative peut consulter les autres autorités administratives.

M. Lionel Tardy. Alors mettez-le !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. C’est d’ailleurs ce que Jean-Marie Delarue pratique régulièrement avec la CNCIS. Mais, de façon à éviter de ne pas multiplier les autres autorités administratives, la commission a donné un avis défavorable à cet amendement. Dans le cas contraire, nous aurions été assaillis de questions : pourquoi la CNCTR ne discute-elle avec le Défenseur des droits ? Ou avec l’Autorité des marchés financiers ? Ou avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel ? Bref, nous aurions été contraints d’inscrire dans la loi une énumération qui oublierait nécessairement certaines autorités. Je préfère donc, dans ce cas, le silence de la loi.

(L’amendement n19 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n379.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 107 par les mots suivants : « ou répondre aux demandes de celle-ci ». Le texte prévoit déjà la capacité de la CNCTR de consulter l’ARCEP, que nous venons d’évoquer.

Il s’agit donc de permettre par symétrie à la CNCTR de répondre aux demandes de l’ARCEP, notamment dans le cadre de sa mission de vérification des obligations de permanence, de qualité, de disponibilité, de sécurité et d’intégrité des réseaux et des services de communications électroniques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Avis favorable par cohérence : ayant prévu le sens de l’aller, il est logique de prévoir celui du retour.

(L’amendement n379 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de coordination n325, qui est défendu par M. le rapporteur.

(L’amendement n325, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n281.

M. Denys Robiliard. Cette fois-ci, il s’agit d’un amendement strictement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Je le confirme : avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

(L’amendement n281 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n282.

M. Denys Robiliard. Il se défend par les mêmes arguments que le précédent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Il est satisfait par un amendement du Gouvernement.

(L’amendement n282 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n183 rectifié.

M. Sergio Coronado. Cet amendement a trait à une question qui nous a brièvement occupés en commission et qui, me semble-t-il, fera l’objet d’un amendement de M. le rapporteur. Il vise à assurer la protection des lanceurs d’alerte. Je rappelle en effet que l’affaire Snowden a mis en évidence la nécessité de protéger ceux qui témoignent de la dangerosité de certaines techniques de renseignement.

Cet amendement se rapproche de l’article 6 ter A de la loi n83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires adopté par la loi de lutte contre la fraude de 2013.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Je vous propose, monsieur le député, de retirer cet amendement au profit de mon amendement n388 qui couvre le même sujet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves le Drian, ministre de la défense, pour donner l’avis du gouvernement.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Cette question est légitime depuis l’affaire Snowden, mais le mécanisme proposé me laisse perplexe. Tout d’abord, les échanges que nous venons d’avoir et les votes auxquels l’Assemblée vient de procéder montrent que le véritable lanceur d’alerte, avec ses prérogatives et ses moyens de contrôle, est la CNCTR.

Mme Isabelle Attard. N’exagérons tout de même pas !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Elle l’est d’autant plus qu’elle se trouve en mesure de saisir un juge habilité au secret. D’autre part, l’application de cet amendement pourrait constituer une incitation à la délation ou au non-respect de la hiérarchie dans le cadre des actions – très souvent clandestines – menées par les agents des services. Il ne me paraît donc pas approprié.

C’est pourquoi le Gouvernement y est opposé compte tenu de la perplexité que suscite sa rédaction, même si nous comprenons la préoccupation qu’il reflète – j’ai d’ailleurs indiqué que le rôle de lanceur d’alerte était au premier chef exercé par la CNCTR. En revanche, le Gouvernement ne s’opposera par à l’amendement que défendra M. le rapporteur après l’article 3 bis, dont l’objet est de permettre à la CNCTR de jouer pleinement son rôle sans pour autant comporter une formulation qui pourrait in fine inciter à la délation, s’agissant pourtant d’activités pour lesquelles la hiérarchie de commandement est absolument essentielle.

M. le président. La parole est à M. Pouria Amirshahi.

M. Pouria Amirshahi. J’entends parfaitement votre préoccupation de ne pas mettre en difficulté les agents en exercice, monsieur le ministre. Cela étant, vous invoquez la défense d’un amendement ultérieur : pourrions-nous disposer de davantage d’éléments qui nous permettront de faire avancer le débat ? Sur ce sujet, en effet, particulièrement depuis l’affaire Snowden, les consciences sont mobilisées pour protéger des citoyens. Or, les agents des services publics du renseignement sont eux aussi des citoyens – même s’ils ont un statut particulier – lorsqu’ils dénoncent des atteintes graves non pas au bon fonctionnement de leur service en tant que tel, car cela relève de la hiérarchie interne – ce qui s’entend – mais à des libertés fondamentales, au respect de la vie privée ou à tout autre élément dont ils estiment en conscience et de bonne foi qu’il doit être dit et su.

Ainsi, nous pourrions sans doute avancer si vous nous communiquiez une rédaction alternative à celle qui est proposée dans le présent amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Puisque M. Coronado, qui est à l’origine de l’amendement, en est d’accord, je suggère que nous ayons ce débat sur les lanceurs d’alerte lorsque nous aborderons l’amendement n388. Ainsi, nous n’entraverons pas la marche de la commission : le Gouvernement y donnera en effet un avis sinon favorable, en tout cas de sagesse.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Un avis de sagesse, en effet.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Or, il nous faudra débattre de cet amendement. Nous éviterons donc d’avoir deux fois le même débat.

M. le président. La parole est à M. Eduardo Rihan Cypel.

M. Eduardo Rihan Cypel. Je voudrais sans attendre le débat sur un amendement ultérieur saisir l’occasion de la présentation de celui-ci pour rappeler que la question des lanceurs d’alerte est naturellement importante, et j’y suis sensible comme d’autres. Cela étant, je suis aussi très sensible à la question de l’activité des services, en particulier lorsqu’ils agissent dans la clandestinité. Il me semble important que nous puissions également protéger leur travail, qu’ils accomplissent au nom de la souveraineté nationale pour protéger les Français et notre pays.

Je rappelle en outre que les agents auront eux aussi la possibilité de dénoncer des choses qu’ils estiment illégales auprès de la CNCTR, qui a vocation à recueillir leurs observations.

Il n’est donc pas nécessaire d’adopter des dispositions supplémentaires. J’espère que le débat sur l’amendement de M. le rapporteur permettra d’éclairer cette situation et de trouver une solution.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Je ne reviendrai pas sur l’intervention de M. le ministre, selon qui la future CNCTR est un lanceur d’alerte : nous avons ce débat depuis plusieurs années. Autant je comprends que l’on soit critique à l’égard de la rédaction d’un amendement, autant il ne me semble pas que confondre une autorité administrative indépendante avec un lanceur d’alerte soit une manière très pertinente d’entamer le débat.

Nous souhaitons protéger les lanceurs d’alerte. La commission a entendu cette préoccupation, au sujet de laquelle M. le rapporteur a pris un engagement. Contrairement à ce qu’indique M. Rihan Cypel, je note que la commission a instauré une protection que l’on pourrait presque qualifier d’impunité pénale pour les agents agissant à l’étranger, mais qu’elle a laissé de côté la question des lanceurs d’alerte.

Je me réjouis que M. le rapporteur tienne pleinement la promesse qu’il a faite en commission et que son amendement permette aux lanceurs d’alerte de bénéficier d’un cadre suffisamment protecteur. Il y aura donc une modification du dispositif à l’initiative du rapporteur, monsieur Rihan Cypel ; or, comme je vous sais discipliné, je sais que vous voterez aussi cet amendement.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Très bien !

(L’amendement n183 rectifié est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 41 rectifié, 182 rectifié et 306, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n41 rectifié.

M. Sergio Coronado. Il s’agit là d’une discussion importante que nous avons entamée bien avant la présentation de ces amendements. Cet amendement vise à ce que certaines professions et certains élus soient particulièrement protégés, comme le prévoit actuellement le code de procédure pénale pour les interceptions de sécurité.

Dès lors que ce code prévoit un certain nombre de précautions et de garanties, il semblerait anormal qu’elles soient exclues en matière de renseignement. C’est pourquoi nous proposons par cet amendement une double précaution : un avis conforme de la CNCTR pour les parlementaires, les magistrats, les avocats et les journalistes, et une information des présidents des assemblées, premiers présidents, procureurs généraux et bâtonniers concernés.

Dans son avis, le défenseur des droits rappelle que la Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt du 8 avril 2014, reprochait à la directive du 15 mars 2006 sur les communications électroniques de ne prévoir aucune exception quant à son champ d’application, de sorte qu’elle s’appliquait même à des personnes dont les communications étaient soumises, selon les règles du droit national, au secret professionnel.

M. le président. Puis-je considérer que l’amendement n182 rectifié est défendu par la même occasion, monsieur le député ?

M. Sergio Coronado. Il l’est.

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l’amendement n306.

Mme Aurélie Filippetti. Cet amendement pose la question des professions protégées, dont nous avons déjà eu l’occasion de débattre. En effet, le projet de loi ne me semble pas assez respectueux du secret professionnel pour les avocats et pour les journalistes.

Pour ce qui concerne les avocats, tout d’abord, il va de soi qu’il faut protéger les conversations qu’ils ont avec leurs clients. Il faut pour cela que les autorisations accordées par le Premier ministre ne puissent pas s’appliquer aux avocats dans l’exercice de leurs relations professionnelles avec leurs clients.

Quant aux journalistes, je rappelle une fois de plus que je n’ai toujours pas obtenu de réponse à la question que j’ai posée pour savoir quand serait inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale la discussion du projet de loi relatif à la protection des sources, qui permettra d’améliorer la loi de 2010 dont nous avions à l’époque relevé les nombreuses insuffisances.

Il me semble qu’en matière de protection des sources des journalistes, nous devons aujourd’hui aller plus loin. Autrement, en l’état actuel de la loi, des journalistes pourraient être soumis à une surveillance particulière du fait de leur relation avec des personnes soupçonnées d’activités illégales alors même qu’ils ne font que leur travail.

J’ai par exemple noté que dans les sept finalités du projet de loi qui sont précisées à l’article premier figure notamment la question des entreprises, de la sphère économique et des intérêts économiques de la nation. Ainsi, un journaliste enquêtant sur telle ou telle entreprise française pourrait être soumis à une forme d’espionnage alors qu’il ne fait que son travail d’enquête. Il s’est hélas produit trop de cas dans le passé, y compris dans un passé récent – je pense naturellement aux journalistes du quotidien Le Monde – pour que nous ne soyons pas particulièrement vigilants sur cette question.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. S’agissant des amendements présentés par M. Coronado, qui concernent les professions protégées, nous avons déjà eu ce débat. Je lui suggère de les retirer, dans la mesure où ils me semblent déjà satisfaits par l’amendement n386 du Gouvernement qui instaure une triple protection – mais il est inutile de refaire le débat. Faute de retrait, la commission émet donc un avis défavorable, de même que pour l’amendement n306.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je voudrais dire à M. Coronado et à Mme Filippetti que nous partageons leur préoccupation et sommes convaincus de la nécessité d’encadrer la mise en œuvre des techniques de renseignement lorsqu’elles visent des professions protégées, mais cela a déjà été intégré dans le texte par le biais de l’amendement n386 que nous avons adopté hier et qui vise les professions concernées par le respect du secret – le secret des sources, le secret professionnel et tous les secrets qui protègent la démocratie comme le secret de l’enquête, de l’instruction, du délibéré. L’Assemblée connaît bien ce dispositif depuis la loi de janvier 2014 relative à la protection du secret des sources.

Je rappelle que des protections ont été introduites, notamment l’exclusion du recours à la procédure d’urgence, l’obligation pour la commission de contrôle de délivrer un avis exprès, de siéger sous forme collégiale, en réunissant l’ensemble de ses membres, ainsi que l’obligation de communiquer les transcriptions de façon à vérifier la proportionnalité de l’atteinte portée aux secrets.

Votre préoccupation, madame la députée, monsieur le député, est donc satisfaite.

M. le président. La parole est à M. Pouria Amirshahi.

M. Pouria Amirshahi. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais en attendant que ce texte soit soumis à délibération et adopté, peut-être pourrions-nous obtenir du rapporteur, par ailleurs président de la commission des lois, une réponse moins lapidaire.

Chacun, dans une démocratie, a conscience de la nécessité de protéger celles et ceux qui sont chargés de l’information, ceux qui réalisent des enquêtes préalables avec leurs propres moyens, mais également ceux qui sont dépositaires d’un certain nombre d’informations et de secrets personnels, comme les médecins et les avocats. Ils doivent être protégés par des dispositions législatives, et vous avez eu raison de le rappeler au cours des débats préparatoires à la discussion dans l’hémicycle. Il n’en reste pas moins important de préciser que ces professions sont protégées et que la loi républicaine leur garantit avec certitude le libre exercice, sans entrave, de leur fonction.

Il se peut toutefois que surviennent des situations très complexes. Nous n’allons pas les étudier maintenant, mais lorsque, dans la soirée ou demain, nous examinerons les conséquences des captations massives de données, quelles que soient les technologies utilisées, nous verrons qu’on peut être amenés à intercepter des communications qui concernent des professions de ce type – journalistes, avocats, médecins – puisqu’ils travaillent en liaison directe avec des individus potentiellement suspects.

C’est alors que se posera concrètement le problème. Faut-il, oui ou non, et de quelle façon, sans entraver l’enquête ou les recherches des services, protéger ces professions ? Je rappelle qu’elles méritent d’être protégées car elles garantissent de façon essentielle et fondamentale la vie privée, pour ce qui concerne les avocats et les médecins, le bon fonctionnement du droit et de la défense, pour ce qui est des avocats, et enfin la bonne information s’agissant des journalistes.

Dans ces domaines – le ministre de la défense ne me contredira pas – il est malaisé pour des journalistes de partir à la recherche d’informations. Souvent il leur faut frapper aux portes officielles, ne serait-ce que pour obtenir des autorisations, ce qui est toujours délicat dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Ils utilisent aussi leurs propres moyens d’investigation, de recherche et de compréhension.

Il ne s’agit pas simplement, pour les journalistes, de donner des informations au public mais de l’éclairer sur les enjeux du terrorisme, sur le terreau propice à son développement, sur ce qui fonde la radicalité, en prison ou ailleurs. Pour cela, ils doivent s’introduire dans certains milieux afin de connaître les acteurs et leurs motivations.

Si je comprends que certains services soient amenés à prendre des dispositions relevant de la surveillance ou de la filature, d’autres professions, comme celle des journalistes, sont obligées de recourir à l’immersion pour entrer en contact avec les personnes afin de comprendre ce qui, dans tel ou tel environnement social ou écosystème culturel, favorise l’extension de la radicalité.

M. le président. Vos amendements sont-ils maintenus, monsieur Coronado ?

M. Sergio Coronado. La seule différence est que nous proposons l’information des présidents de chambre et des bâtonniers. Le dispositif présenté par le Gouvernement nous convient, comme nous l’avons indiqué hier. Nous avons d’ailleurs été surpris que vous ne nous demandiez pas de retirer ces amendements. Quoi qu’il en soit, je les retire.

(Les amendements nos 41 rectifié et 182 rectifié sont retirés.)

M. le président. Le vôtre est-il maintenu, madame Filippetti ?

Mme Aurélie Filippetti. Il est maintenu.

(L’amendement n306 n’est pas adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur, pour soutenir l’amendement n389 portant article additionnel après l’article 1er.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Cet amendement, derrière une présentation quelque peu aride, vise à durcir les sanctions pécuniaires à l’encontre des pirates informatiques, comme par exemple ceux qui ont attaqué TV5 Monde cette semaine.

Il prévoit de doubler les sanctions pécuniaires applicables en cas de manœuvres frauduleuses à l’encontre d’un système de traitement automatisé de données, et de les tripler lorsque les pirates s’attaquent à un système de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par l’État.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cet amendement a déjà été déposé et adopté par votre assemblée au cours des débats préalables à la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Toutefois ces dispositions n’avaient pas été adoptées par le Parlement en raison de l’hostilité du Sénat, pour qui cette augmentation très sensible des peines d’amende rompait l’échelle habituelle des peines ainsi que la cohérence entre les plafonds d’amende et les peines d’emprisonnement encourues. Nous pouvons d’ailleurs observer que les peines d’amende sont déjà particulièrement sévères lorsque les faits modifient les données du traitement mis en œuvre par l’État – l’amende est alors de 100 000 euros – ou lorsque ces faits sont commis en bande organisée et vont à l’encontre du traitement mis en œuvre par l’État – elle s’élève alors à 150 000 euros.

Je rappelle par ailleurs que ces dispositions sont sans lien avec le renseignement.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Afin d’éclairer nos débats, je souhaite poser une question au rapporteur et au ministre : que faisons-nous lorsque l’attaque vient de l’étranger ? Encore une fois, nous légiférons à l’échelle franco-française, mais nous savons bien que beaucoup d’attaques viennent de l’étranger. C’est pourquoi cet amendement, même s’il présente un certain intérêt, est nul et non avenu.

(L’amendement n389 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n63.

M. Éric Ciotti. Cet amendement vise à proscrire le retour des combattants djihadistes qui ont quitté le territoire national pour se rendre sur des théâtres de guerre en leur retirant leur passeport.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Notre collègue ne sera pas surpris par l’avis défavorable de la commission car son amendement se situe a minima hors du champ du projet de loi que nous examinons. J’avais d’ailleurs indiqué lors de mon intervention pendant la discussion générale que tout amendement qui s’éloignerait du cœur du sujet, c’est-à-dire du renseignement, recevrait par principe un avis défavorable.

Sur le fond, j’émets également un avis défavorable, pour des raisons dont nous avons eu l’occasion de discuter en commission puisque l’objet de cet amendement a été repris dans une proposition de loi que l’Assemblée nationale a rejetée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Gouvernement partage l’avis du rapporteur, d’autant que les dispositions du présent amendement sont contraires aux engagements internationaux de la France, et plus précisément au paragraphe 2 de l’article 3 du protocole n4 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui dispose que « Nul ne peut être privé du droit d’entrer sur le territoire de l’État dont il est le ressortissant ». Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Le retrait pour une période de six mois de la carte nationale d’identité et du passeport pour les personnes qui, après s’être rendues à l’étranger sur des théâtres de guerre, souhaitent revenir sur le territoire national, s’applique aux binationaux, et non aux ressortissants français. Je n’ai pas forcément la même interprétation que vous s’agissant des binationaux mais le débat est ouvert, au moins sur le plan juridique.

Sur le fond, je considère qu’il est nécessaire d’introduire cette disposition, comme viennent de le faire les Britanniques. Nous devons rompre avec toute forme de naïveté. Ces personnes, dont on estime le nombre à un peu plus de deux cents, représentent aujourd’hui un danger extrêmement vif pour notre pays car ce sont autant de bombes humaines qui nous menacent. Face à cette menace, il serait préférable de leur interdire de revenir sur le territoire national pendant une période fixée par la loi.

(L’amendement n63 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n242.

M. Guillaume Larrivé. Cet amendement porte sur une question sensible que nous avons beaucoup abordée en commission : il s’agit de la définition du périmètre de la communauté du renseignement, d’une part, et d’autre part des services non spécialisés, qui appartiennent à un second cercle. C’est une question à la fois de fond et de forme.

Dans le projet de loi que nous sommes en train d’examiner, c’est un décret en Conseil d’État qui définit le second périmètre, tandis que le premier périmètre est défini par un décret simple pris en application de l’ordonnance de 1958 sur les assemblées parlementaires.

Étant adepte des jardins à la française, je considère qu’il aurait été bienvenu de prévoir qu’un décret en Conseil d’État et non un décret simple revoie le périmètre de la communauté du renseignement, au moment même où le Gouvernement sera amené à présenter au Conseil d’État un décret définissant le second périmètre.

Au-delà du débat formel, il existe une réflexion tout à fait légitime sur les frontières des deux périmètres. Le premier englobe six services spécialisés, le second comprend des services placés sous l’autorité des ministres de l’intérieur, de la défense, de l’économie et des finances et de la justice car aussi bien nous avons battu hier l’amendement présenté par Mme Taubira visant à exclure son propre ministère du second périmètre des services de renseignement, comme vous vous en souvenez, mes chers collègues !

M. Pascal Popelin. C’est le débat parlementaire !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Nous avons eu ce débat deux fois, en commission et hier en séance à propos d’un amendement présenté par Guillaume Larrivé. Celui qui est ici proposé est un amendement de cohérence avec le précédent, que nous avons repoussé. Par cohérence, la commission a repoussé le second amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

(L’amendement n242 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n200 rectifié.

Mme Isabelle Attard. Avant de défendre l’amendement et sans manquer de respect à qui que ce soit ni polémiquer, je vous demande, monsieur le président, comment il faut communiquer avec vous pour prendre part à la discussion, si ce n’est en levant la main.

M. le président. Dans le cas auquel vous pensez probablement, l’amendement avait été retiré l’est par son premier signataire, chère collègue.

Mme Isabelle Attard. Je ne parle pas du tout de l’amendement retiré mais des autres en discussion depuis vingt minutes.

M. le président. Je dois dire que je ne vous avais pas vu lever la main.

Mme Isabelle Attard. Cela dit, l’amendement n200 rectifié prévoit, comme l’ont proposé nos collègues du groupe UDI ainsi que nous-mêmes en commission, d’organiser un contrôle des fichiers de renseignement par la CNCTR et la CNIL. De tous les fichiers, les fichiers de renseignement sont les plus susceptibles de porter atteinte à la vie privée des citoyens. Pourtant, aucun contrôle n’est actuellement prévu. Nous sommes, me semble-t-il, en contradiction avec le droit européen. En effet, selon la Cour européenne des droits de l’Homme, le droit interne doit prévoir « des garanties de nature à protéger efficacement les données à caractère personnel enregistrées contre les usages impropres ». Ce contrôle pourrait être effectué dans des conditions particulières par la CNIL, en lien avec la CNCTR le cas échéant. Dans son avis rendu sur le présent projet de loi, la CNIL souligne la nécessité d’organiser un tel contrôle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Cet amendement vise à associer la CNCTR au contrôle effectué par la CNIL des traitements de données résultant de la mise en œuvre de techniques de renseignement. Il est source de confusion car il mélange les genres en associant deux autorités administratives indépendantes dont les missions sont distinctes. La CNCTR contrôlera la légalité de la mise en œuvre d’une technique mais pas l’exploitation que les services de renseignement sont susceptibles d’en faire, comme chacun l’a maintenant bien compris. Quant à la CNIL, chacun connaît bien son action, d’ailleurs exemplaire. Elle est chargée de contrôler le respect des dispositions de la loi informatique et libertés en matière d’utilisation des traitements de données. S’agissant des fichiers relatifs à la sûreté de l’État, les droits des citoyens sont garantis par la procédure du droit d’accès indirect exercé par certains membres de la CNIL au sujet de laquelle l’article 11 du projet de loi fournit encore davantage de garanties car le juge administratif aura désormais accès en cas de recours à l’ensemble des pièces avant de statuer. Par conséquent, la commission a repoussé l’amendement n200 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis pour les mêmes raisons.

(L’amendement n200 rectifié n’est pas adopté.)

Article 2

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 2.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. L’article 2 nous mène dans le vif du sujet, c’est-à-dire les techniques autorisées à proprement parler. Deux minutes ne suffiront pas à les évoquer mais nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen des amendements. Je répète que je suis favorable à l’encadrement légal du renseignement, comme nous tous me semble-t-il. Si nous donnons là un cadre légal à des techniques déjà utilisées, comme je l’ai entendu, cela signifie qu’elles étaient utilisées illégalement, ce que je ne peux croire. Nous allons donc étendre le champ des techniques et des possibilités offertes aux services de renseignement. Dès lors, il faut être très parcimonieux sur deux points.

Les choix que nous faisons, qui sont franco-français, auront des conséquences sur nos entreprises, en particulier les boîtes noires. C’est vrai pour les fournisseurs d’accès à Internet et surtout pour les hébergeurs dont les concurrents mondiaux se vanteront d’en être exempts. D’autre part, soyons attentifs à leurs conséquences sur les personnes qui n’ont rien à voir avec tout cela. Je ne crois pas au fameux slogan des néoconservateurs américains selon lequel « si vous n’avez rien à cacher, vous n’avez rien à craindre ». Je pense plutôt que chacun a droit au respect de sa vie privée et que l’État n’a aucun droit de regard particulier sur ses citoyens. Disons-le clairement, les garanties sur ce point ne sont pas satisfaisantes. Je proposerai donc plusieurs pistes afin d’encadrer davantage les nouvelles techniques qui feront l’objet des amendements que je présenterai.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. L’article 2 définit les techniques spéciales de recueil du renseignement dont la mise en œuvre est soumise à autorisation. Une technologie est particulièrement décriée, l’IMSI-Catcher. Ce dispositif technique de proximité, qui s’apparente à une valise, recueille certaines données de connexion. Certains modèles captent même des conversations à l’intérieur d’un périmètre déterminé. Certains militants de défense des droits de l’Homme soutiennent que le contenu même des conversations sera enregistré. Est-ce vrai ? En tout cas, cet outil pose un vrai problème en matière de respect de la vie privée. N’importe qui se trouvant dans le périmètre du tracker est concerné par les interceptions. Il ne s’agit plus seulement d’accéder aux données utiles au sujet d’une personne identifiée mais de collecter de façon indifférenciée un volume important de données relatives à des personnes tout à fait étrangères à la mission de renseignement.

Un amendement présenté par M. le rapporteur est venu encadrer cet outil de renseignement, proposant notamment de faire centraliser les informations recueillies par un service rattaché au Premier ministre. Mais selon M. le ministre de l’intérieur, la garantie n’est qu’illusoire car la transmission au Premier ministre serait techniquement impossible. En d’autres termes, le garde-fou proposé en commission des lois dans un amendement défendu par M. le rapporteur ne serait pas opérationnel en l’état actuel de la technologie, ce qui est très inquiétant. Nous devons être éclairés sur ce point afin de légiférer sereinement. Peut-on en savoir plus sur le contrôle de l’IMSI-Catcher ?

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Comme mon collègue Lionel Tardy, il me semble important de nous arrêter, avant d’entamer l’étude l’article 2, sur ces fameuses boîtes noires et sur la surveillance généralisée d’Internet qui en résultera. Les boîtes noires seront inefficaces, liberticides et économiquement néfastes. Elles seront inefficaces car quiconque utilise le chiffrement, dont les terroristes, sera invisible. Elles seront liberticides car ce n’est pas parce que nous vivons dans une société où nous partageons beaucoup d’informations, en particulier sur les réseaux sociaux, que nous n’avons rien à cacher. J’ai des choses à cacher que je ne partage qu’avec les personnes que j’ai choisies. C’est ma vie privée et j’y tiens, comme tous les Français. Sachant que nous serons tous surveillés, nos comportements changeront, les études psychologiques et le livre de Michel Foucault Surveiller et punir paru en 1975 en attestent.

Enfin, elles seront économiquement néfastes car les entreprises françaises du numérique, qui ont signé l’appel « Ni pigeons ni espions » dont je vous recommande à tous la lecture, verront leurs clients étrangers déserter car ils ne feront pas confiance aux systèmes français. Les hébergeurs français délocaliseront leurs data center alors qu’ils connaissent aujourd’hui une croissance à deux chiffres, de 30 %. Est-ce négligeable à vos yeux, monsieur le ministre ? Personnellement, je ne suis pas une fanatique du mot « croissance » mais quand elle est là, je ne crache pas dessus.

M. Éric Ciotti. Vous préférez la décroissance !

M. Guillaume Larrivé. La récession !

Mme Isabelle Attard. Enfin, économiquement parlant toujours, dès lors que nous sommes ici pour parler de chiffres et de conséquences économiques au point de se demander si les libertés individuelles ont encore un sens, je citerai l’exemple des conséquences de la révélation de l’affaire PRISM aux États-Unis. Dans ce pays qui promeut la surveillance généralisée, le climat n’est pas à la confiance et décourage les investisseurs étrangers. Les pertes subies par l’économie américaine de 2014 à 2016 en raison des révélations de l’affaire PRISM sont évaluées à vingt-et-un milliards de dollars en estimation basse. Je ne pense pas que nous visions un tel résultat ! Comme nos collègues, nous sommes capables de défendre les propositions du texte relatives au fonctionnement des services de renseignement qui sont justes, justifiées et d’actualité. En revanche, les boîtes noires et les algorithmes, nous nous dresserons systématiquement contre.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. L’article 2 du projet de loi relatif au renseignement suscite une vraie levée de boucliers de très nombreuses personnes aux profils très variés. Il met en place la surveillance dont vous dites, monsieur le ministre, qu’elle est un fantasme et non ce que vous envisagez. Mais l’article 1er a ouvert un champ très large au domaine d’intervention des services de renseignement, ce qui constitue en soi une surveillance politique de masse. L’article 2, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, met en place des techniques qui collecteront massivement des données bien au-delà des personnes ayant l’idée de devenir djihadistes.

Votre discours est contradictoire avec le texte. En effet, pour calibrer les recherches au moyen de l’algorithme, il faut nécessairement rechercher les profils suspects dans une base de données très vaste. Vous n’écouterez pas les conversations ni ne lirez les contenus, avez-vous dit en insistant sur ce point, mais selon tous les experts les métadonnées telles que les données de connexion analysées pour repérer les profils djihadistes décrivent parfaitement bien les individus et sont tout aussi intrusives. Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionneront les boîtes noires ? On a l’impression, à lire le texte, qu’elles analyseront l’intégralité des données.

J’ai aussi des questions un peu techniques à poser, afin de savoir précisément quelles sont les données que vous cherchez à collecter, monsieur le ministre. Pouvez-vous nous dire où sera placée la sonde sur les réseaux de télécommunications ? Pour faire court, il existe deux possibilités. Elles peuvent être placées en extrémité de réseau, ce qui suppose d’intervenir sur plusieurs dizaines de milliers d’équipements. Je ne pense pas que vous opterez pour cette solution. Vous interviendrez donc dans les cœurs de réseau ou sur les routeurs d’interconnexion.

M. Lionel Tardy. Bonne chance ! Ce ne sont pas des boîtes mais des armoires !

Mme Laure de La Raudière. Dès lors, ou bien vous collecterez seulement les données de connexion, c’est-à-dire les adresses IP de destination et l’horodatage, et alors le dispositif sera redondant avec ceux qui existent déjà pour les interceptions de sécurité, ou bien comme je le pense, car on ne voit pas l’intérêt d’écrire un texte redondant avec ce qui existe déjà, vous recueillerez des métadonnées comprenant les adresses de navigation et comme le réseau ne les conserve pas, vous devrez lui ajouter un équipement !

M. Lionel Tardy. Bien sûr !

Mme Laure de La Raudière. Cet équipement, c’est le Deep packet inspection qualifié par M. le ministre de l’intérieur lors de l’examen du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme de « disposition très intrusive » !

M. Lionel Tardy. La boucle est bouclée !

Mme Laure de La Raudière. Pouvez-vous, monsieur le ministre, préciser ce que vous allez faire, où sera placée la sonde, quelles seront les données recueillies et avec quel type d’équipement ? Ce sont des questions très importantes ! Je poserai lors de l’examen des amendements plusieurs questions sur l’algorithme lui-même.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Nous arrivons à l’examen de l’article 2 qui suscitera sans doute des débats abondants. À ce stade de la discussion, j’adresserai simplement quelques questions aux membres du Gouvernement et à M. le rapporteur. Nous échangerons ensuite lors de la discussion des amendements à propos de la façon dont il faut traiter cet article.

Je voudrais d’abord dire sans ambiguïté que comme beaucoup de mes collègues de la majorité et sans doute de l’opposition, je ne doute pas qu’il faille une loi pour encadrer les activités de renseignement. Elle était nécessaire et urgente, et nous la demandions.

Je ne doute pas non plus que ce texte marque un progrès dans l’encadrement à l’égard des techniques nouvelles, ni que ce gouvernement – le nôtre – ait à cœur tous les jours la préservation des libertés publiques et individuelles. Je ne doute pas non plus, enfin, que les menaces et les usages terroristes des réseaux numériques évoluent en permanence.

Cela étant dit, je souhaiterais interroger le Gouvernement et exposer quelques réserves sérieuses. Je ne le fais pas simplement à titre personnel, mais en tant que président de la commission de réflexion et de propositions créée par notre Assemblée sur le droit et les libertés à l’âge numérique, qui a émis à l’unanimité, tous groupes confondus, une recommandation exprimant des réserves et s’interrogeant sur l’usage de ces sondes algorithmiques. Je n’emploierai pas le terme de « boîte noire » : il a une connotation fantasmatique qu’il n’est pas utile d’importer dans cette assemblée.

Parlons cependant de façon plus précise de ces sondes – et je m’en tiendrai à l’examen des faits.

L’usage des sondes et le traitement par algorithme de volumes considérables de données de connexion constituent en effet un changement de modèle. Je regrette donc – et je le dis aux membres du Gouvernement ici présents – que sur un sujet de cette importance, ce changement complet de modèle ou de paradigme de la collecte des renseignements s’opère à partir d’une étude d’impact qui se résume à une vingtaine de lignes.

Il s’agit là d’une question importante, monsieur le président. Dans l’ambiance de l’affaire Snowden comme dans celle qui a suivi les attentats du mois de janvier, elle mériterait davantage que quelques minutes avant la levée de séance.

M. le président. Nous avons tout l’article 2 pour en parler, cher collègue.

M. Christian Paul. Permettez-moi tout de même d’interroger le Gouvernement. Comment cela fonctionne-t-il réellement ? Cela n’a pas été expliqué, en tout cas pas dans l’étude d’impact.

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

M. Christian Paul. Y a-t-il une collecte ? L’étude d’impact le dit incidemment : oui, car si l’on veut comparer des profils type et des informations, il faut le faire dans le temps, et pour intervenir dans le temps, il faut nécessairement une collecte. Se posent donc le problème de la collecte et celui du stockage de ces données.

Laure de La Raudière a déjà posé la question, cela se fait-il en cœur de réseau ou à l’entrée des grandes plateformes ? Lorsque celle-ci s’appelle Google, ce sont évidemment des milliards de données qui sont collectées.

Il s’agit donc bien d’une collecte, et elle est massive, d’où notre inquiétude, au nom des libertés comme au nom de l’économie numérique.

M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue.

M. Christian Paul. Avant d’aborder l’examen des très nombreux amendements à cet article 2, nous ne souhaitons donc pas seulement des précisions, mais une description précise de ces éléments par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, dernière oratrice inscrite sur l’article.

Mme Aurélie Filippetti. Je dois dire que cette « boîte noire » est en quelque sorte la boîte de Pandore de ce projet de loi sur le renseignement. Le texte ne prévoit malheureusement aucune possibilité de contrôle réel : nous n’avons aucune assurance sur la possibilité de contrôler l’algorithme, ni sur le fonctionnement des services qui utiliseront cet algorithme secret. Nous sommes là dans des dispositifs mathématiques extrêmement complexes et des dispositifs informatiques de pointe, que seuls ces services – en l’occurrence la DGSE – pourront utiliser et sauront comment utiliser. La présence d’un seul ingénieur de l’ARCEP au sein de la CNCTR et l’absence d’assurance sur les moyens qui seront donnés à la CNCTR en termes d’expertise technique ne sont évidemment pas pour nous rassurer.

On nous dit que l’ensemble, la masse, les pentaoctets de données qui vont transiter sur les réseaux ne seront pas des contenus de discussions et d’échanges entre les citoyens, mais uniquement des métadonnées. Or tous les chercheurs le savent, les métadonnées contiennent en fait plus d’informations sur la vie privée de nos concitoyens qu’une carte d’identité. Ce sont donc des ressources très précieuses qui seront ainsi confiées à nos services, à travers le filtre de cette « boîte noire » sur laquelle nous n’avons aucune maîtrise, donc aucune transparence démocratique.

On nous dit que ce n’est pas grave, puisque les données récoltées seront anonymes. Mais la CNIL elle-même a relevé qu’il y avait une forme de paradoxe à dire que ces données seront anonymes quand elles vont permettre d’identifier, le cas échéant, des terroristes ou des délinquants en puissance.

Qui va garantir que les lois fondamentales seront respectées dans les suites mathématiques ainsi créées par des services de renseignement habitués à exercer de manière clandestine en dehors du territoire national, qui agiront cette fois sur le territoire national, puisque – c’est l’ARCEP qui le dit – il est quasiment impossible de déterminer si une communication électronique est localisée sur le territoire national ou à l’étranger ?

Nous avons là de véritables difficultés techniques, sur lesquelles il nous faut des garanties.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

suite du projet de loi relatif au renseignement.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly