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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 08 juin 2015

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix-sept heures.)

1

Juste appréciation des efforts en matière de défense et d’investissements publics dans le calcul des déficits publics

Discussion d’une proposition de résolution européenne

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne relative à la juste appréciation des efforts faits en matière de défense et d’investissements publics dans le calcul des déficits publics (no2737, 2841, 2829).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, rapporteure de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Marie-Françoise Bechtel, rapporteure de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire, chers collègues, le projet de résolution qui vous est présenté ce soir est le produit croisé de différentes réflexions sur les effets parfois inattendus de la règle budgétaire européenne, dite « règle d’or », qui a été instituée par le traité d’Amsterdam avec le pacte de stabilité, puis introduite dans notre législation interne lorsque la France a ratifié le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, le TSCG, en octobre 2012.

Quoi que l’on pense de la règle tendant à limiter à 3 % le déficit budgétaire des États signataires, force est de constater que les effets réels de cette règle n’étaient pas nécessairement connus de ceux qui l’ont approuvée. Certes, les prises de conscience sont lentes et difficiles, mais du moins certains effets pervers particulièrement manifestes sont-ils aujourd’hui devenus assez visibles pour que notre assemblée vienne à s’en soucier.

Tel est le cas de la question – maintes fois soulevée, à vrai dire, mais jusqu’ici jamais abordée de front, du moins dans un texte – des dépenses militaires françaises assumées dans le cadre des opérations extérieures, les OPEX. Soulignons que ces dépenses, qui sont engagées pour la troisième année, ne se sont imposées à notre pays qu’après la ratification du TSCG.

Tous ou presque s’accordent à le reconnaître aujourd’hui : l’absence de participation des autres États européens – hormis le timide effort connu sous le nom d’Athena – met la France en première ligne, notamment au Mali et en Centrafrique, alors même que l’effort national bénéficie à l’Europe tout entière. En effet, depuis la malheureuse expédition en Libye, l’éclatement de ce pays nous a contraints à des actions militaires ainsi qu’à une présence dont nous voyons bien aujourd’hui qu’elle ne se limitera pas à des interventions ponctuelles – comme c’est déjà d’ailleurs le cas. À l’évidence, le relais pris par les groupes terroristes depuis le Sahara jusqu’au Moyen-Orient ne conduit pas à limiter notre présence et nos interventions, dont l’intérêt européen n’est contesté par personne.

Il est donc du devoir du Parlement et au moins de cette assemblée, restant dans son rôle tel que l’a défini l’article 88-4 de notre Constitution, de demander au Gouvernement qui, dans la tradition française, est seul chargé de la conduite de nos relations extérieures, de faire en sorte de tirer les conséquences de cet état de fait dans le cadre des responsabilités qu’il assume au sein du Conseil européen. Notons à cet égard que ce raisonnement vaudrait tout aussi bien pour l’effort injuste pesant sur un pays tel que l’Italie, à raison des contraintes qu’elle assume face aux mouvements de migration devenus incontrôlables,…

M. Nicolas Sansu. Très bien !

Mme Marie-Françoise Bechtel, rapporteure. …contraintes qui, d’ailleurs, ont aussi pour origine l’éclatement de la Libye, tout particulièrement.

Le temps semble donc venu pour notre assemblée de dire clairement et fermement ce que certains disent ou pensent tout bas, voire par des déclarations publiques. C’est pourquoi je me réjouis que le groupe majoritaire ait accepté de soutenir le présent projet de résolution que je présente ce soir en son nom, même s’il a pour origine la réflexion que mènent avec Jean-Pierre Chevènement les députés – peu nombreux, reconnaissons-le – qui suivent son action.

M. Arnaud Richard. Ce sont les meilleurs !

Mme Marie-Françoise Bechtel, rapporteure. Le premier objet – modeste – de la résolution est d’appeler à ce que j’appellerais un effort de bon sens. Qui pourrait en effet contester les constatations aussi évidentes que celle de notre engagement, de son coût et du bénéfice qu’en tire notre continent tout entier pour sa protection ? Qui pourrait le contester au regard de la menace terroriste vis-à-vis de laquelle le bouclier que nous offrons, notamment en Afrique saharienne, reste une nécessité incontournable, même s’il est probable qu’il ne s’avérera pas suffisant ?

Le bon sens doit-il cependant s’arrêter là ? Faut-il le laisser aux seuls économistes, qui sont aujourd’hui largement d’accord pour constater la spirale négative que créent le manque d’investissement et son cortège d’effets désormais bien connus – croissance trop faible, absence d’emplois en nombre suffisant et donc de rentrées fiscales – et eux-mêmes générateurs de ce déficit budgétaire que nous nous sommes par ailleurs donné pour impératif de restreindre ?

Écoutons par exemple ce que dit Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, de la zone euro : « il est nécessaire de continuer à soutenir la demande pour compenser les effets de la faiblesse prolongée de la demande sur l’investissement et la croissance du capital, ainsi que sur le chômage » – l’économiste place ce phénomène en dernière position alors que, pour ma part, je le placerais volontiers en premier. De la même façon, le FMI indique que l’investissement fixe privé a décru à un tel point ces dernières années qu’il est à l’origine, pour l’essentiel, de la baisse de croissance dans la zone, et il ajoute que les politiques budgétaires et monétaires actuelles « ont peu de chances de ramener l’investissement à sa tendance d’avant-crise ». Ce n’est là, mes chers collègues, qu’une référence parmi d’autres, mais nous savons tous bien qu’il existe un accord des principaux économistes sur ce point.

Un écho de ces constatations concordantes a d’ailleurs été perçu par les autorités européennes, puisque le plan Juncker, présenté en ce premier semestre 2015 et qui doit être voté d’ici à la fin du mois de juin, aborde cette question cruciale de la nécessité des investissements dans l’Union européenne. Toutefois, nous savons bien qu’il ne faut pas se payer de mots et que les 21 milliards d’euros dont sera doté le Fonds européen pour les investissements stratégiques ne sont pas à la hauteur des besoins de l’ensemble des pays membres, même en tenant compte d’un effet de levier fort généreusement estimé – sans aucune garantie véritable et encore moins de preuve – à 315 milliards d’euros.

Dans sa communication du 13 janvier dernier, à laquelle nous reviendrons largement lors de l’examen de l’article unique de la proposition de résolution, la Commission européenne a proposé que soient prises en compte « trois dimensions politiques spécifiques » dans l’application des règles budgétaires afin d’intégrer les investissements prévus par le plan Juncker. Toutefois, les conditions fixées dans cette recommandation sont trop strictes et, de plus, elles ont pour effet d’en exclure la France. En effet, les États membres ne pourront s’écarter temporairement de leurs objectifs à moyen terme ou de leur trajectoire d’ajustement qu’en cas de croissance très faible de leur PIB et dès lors que l’écart lié aux dépenses d’investissements ne conduit pas à dépasser le seuil de déficit public de 3 % – d’où le fait que la France en soit écartée.

M. Nicolas Sansu. On ne prête qu’aux riches !

Mme Marie-Françoise Bechtel, rapporteure. Enfin, les dépenses nationales engagées pour de tels investissements ne peuvent concerner que des projets cofinancés par l’Union européenne ou par le Fonds européen pour les investissements stratégiques. C’est pourquoi la présente proposition de résolution vous propose d’élargir de façon limitée et réaliste cette vision encore très marquée par une forme d’académisme d’un droit européen étroitement borné par les services de la Commission. Afin de tenir compte des recommandations déjà citées des organisations internationales elles-mêmes, il serait désormais utile pour des pays comme le nôtre de permettre la prise en compte des investissements nationaux entrant dans le champ de la recommandation de la Commission lorsque ces investissements sont directement productifs et qu’ils sont réalisés dans des domaines d’excellence, pour qu’ils cessent d’être bridés par une vision budgétaire extrêmement étroite et, en réalité, très peu économique.

Cette vision anticipatrice est aujourd’hui cruciale, à l’heure où une reprise encore trop faible se manifeste dans notre pays grâce – disons-le – aux efforts de compétitivité déployés par les politiques gouvernementales. Nous savons tous cependant que ni la baisse de l’euro, grâce à l’ouverture par la Banque centrale européenne du robinet à liquidités, ni la baisse du prix du pétrole ne constituent un socle suffisamment solide. Ces deux tendances, surtout la seconde, sont d’ailleurs réversibles. Tel est le message de l’OCDE qui, en mars, avait certes relevé ses prévisions de croissance pour la zone euro en raison de la baisse de l’euro et de celle du prix du pétrole, mais avait aussi souligné que c’est la faiblesse de l’investissement qui sape la force de l’économie de cette zone. Selon l’OCDE, le marché du travail est « peu performant » et se caractérise par « une stagnation des revenus et un accroissement des inégalités », à quoi s’ajoute « une dissémination plus faible des innovations technologiques au sein de l’économie », ce qui est en soi un signe atterrant.

Mes chers collègues, est-ce cela, l’Europe que nous voulons ? Devons-nous, au nom même des efforts que notre pays consent pour satisfaire aux règles européennes, abandonner tout bon sens en matière de conduite de l’économie au risque même de voir notre pays dépassé, affaibli et, nous le savons hélas, politiquement miné ? Je vous invite à retrouver le bon sens, celui dont Descartes disait qu’il est « la chose du monde la mieux partagée – ajoutant, il est vrai, un membre de phrase qui détruit le premier, plus souvent cité : « car chacun pense en être si bien pourvu » qu’il n’a pas coutume d’en souhaiter plus qu’il n’en possède.

Cette proposition de résolution vous invite à partager le bon sens, c’est-à-dire une vision claire des réalités mais aussi une direction qui serait la bonne et qui contiendrait plusieurs rectifications et avancées dont j’espère que notre gouvernement sera prêt à demander l’approbation par le Conseil européen qui doit prochainement se réunir.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire.

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne se réuniront les 25 et 26 juin prochains à Bruxelles, dans le cadre du Conseil européen. Votre initiative intervient donc à un moment utile et elle constitue une contribution importante à la préparation de cette échéance.

Le texte qui est soumis à votre approbation pose une question fondamentale : quelle forme doit prendre la solidarité européenne en matière de défense ? Pour tous ceux, comme le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, et moi-même, qui sont de fervents partisans de l’Europe de la défense, je dirais même que c’est la question clé. Sans solidarité tangible entre États membres, l’Europe de la défense risque d’en rester au stade des slogans.

Au cours de ces trois dernières années, le Gouvernement français a été particulièrement actif pour remettre la défense au centre de l’agenda européen. Nous avons ainsi obtenu que les questions de défense soient à nouveau abordées au niveau des chefs d’État et de gouvernement – ce fut le cas lors du Conseil européen de décembre 2013, après une éclipse de cinq années. Outre un certain nombre d’avancées auxquelles je reviendrai, nous avons obtenu lors de ce conseil le principe d’une évocation régulière des questions de défense au plus haut niveau. Cette régularité des rendez-vous offre le gage du maintien d’une dynamique positive. C’est le sens de la clause que nous avions fixée pour juin 2015 et que, malgré un agenda de discussion très chargé, nous comptons bien respecter.

L’enjeu de ce Conseil européen est bel et bien de poursuivre ce réveil de l’Europe de la défense que nous avons amorcé. Sur le plan des opérations militaires, tout d’abord, nous observons en effet depuis deux ans une dynamique, encore timide mais néanmoins réelle, de réengagement de nos partenaires européens dans les opérations.

L’exemple le plus frappant est celui du Mali, où l’Europe est au rendez-vous – je pense à la mission de formation de l’armée malienne, EUTM Mali, aujourd’hui commandée par un général espagnol et qui, à partir du mois d’août, sera dirigée par un général allemand. Notre présence au sein de cette mission se limite à 10 % des effectifs, preuve que les Européens ont pris leurs responsabilités. Je pense également à l’opération des Nations unies au Mali, la MINUSMA, qui a été renforcée par les contributions remarquables des Pays-Bas et de la Suède. Tout cela, il y a seulement deux ans, était impensable, preuve que les lignes bougent dans le bon sens.

Je pourrais également citer le cas de la Centrafrique où, dans la foulée de notre intervention, nous sommes parvenus à mobiliser à la fois les Nations unies et nos partenaires européens. Depuis deux mois, c’est en effet une mission européenne, l’EUMAM RCA, qui a pris en charge le vaste chantier de la refonte de l’armée centrafricaine. Cette mission prend le relais de l’opération EUFOR RCA qui a contribué, avec un grand succès, à la sécurisation des zones les plus sensibles de Bangui. Nos troupes de Sangaris ont ainsi patrouillé, pendant neuf mois, aux côtés d’unités espagnoles, italiennes, lettones et estoniennes. Il ne faut pas sous-estimer la portée de cet engagement, dans un pays que la plupart de nos partenaires jugeaient jusqu’à présent très éloigné de leurs intérêts.

Sur le plan de la mutualisation des capacités, là aussi l’agenda européen a été redynamisé. L’une des principales lacunes, en termes de capacités, identifiées lors des récentes opérations, à savoir les capacités de ravitaillement en vol, est en passe d’être comblée. Les acquisitions d’appareils Multi Role Tanker Transport – ou MRTT –, annoncées par nos partenaires européens, notamment nos partenaires néerlandais, permettront à l’Europe d’être moins dépendante et de saisir des opportunités de synergie en termes de formation, de maintenance, voire d’emploi des appareils.

Une démarche vient également d’être engagée pour combler une autre lacune des armées européennes, celle qui affecte les capacités d’observation et de surveillance. Nous constatons tous les jours, dans le cadre de nos opérations au Sahel, le caractère clé des capacités ISR, c’est-à-dire en matière de renseignement, de surveillance et de reconnaissance. Le 18 mai dernier, le ministre de la défense a acté, avec ses homologues allemande et italienne, la première étape du développement à terme d’un drone de moyenne altitude et de longue endurance – dit MALE – européen. Cette première étape sera suivie de la signature, avant la fin de l’année, d’un premier contrat pour une étude de faisabilité. C’est un signal fort, pour l’autonomie stratégique de l’Union européenne mais aussi pour le renforcement de la base industrielle et de la défense européenne.

Nous ne devons toutefois pas en rester là. En dépit de ces avancées tangibles et concrètes, nous sommes encore loin de l’Europe de la défense que nous ambitionnons de bâtir. Comme le rappelle votre proposition de résolution, la solidarité européenne en matière de défense est encore embryonnaire.

Je pense au mécanisme Athena, qui a vocation à mutualiser une partie des coûts liés au déploiement d’opérations européennes. Aujourd’hui, ce mécanisme se limite à couvrir environ 10 % d’une opération, le reste revenant à la charge des États contributeurs. Dans ces conditions, il est difficile de parler de solidarité européenne. C’est d’ailleurs le constat que le Président de la République avait formulé lors du Conseil européen de décembre 2013, ce qui lui avait permis d’obtenir que le mécanisme soit revu de façon accélérée. Or, dix-huit mois plus tard, il faut bien nous rendre à l’évidence : les principales sources de blocage n’ont pas été levées. Si nous avons pu obtenir une meilleure réactivité concernant le déblocage des crédits européens, le périmètre des coûts pris en charge en commun n’a pas significativement varié.

Cette limitation de la solidarité européenne n’a pas seulement des conséquences financières : elle constitue également un obstacle majeur au principal outil de réaction rapide de l’Union européenne que sont les groupements tactiques européens – lesquels n’ont jamais été déployés.

Compte tenu de la constance des positions de certains de nos partenaires sur le sujet, il est peu probable d’envisager des percées majeures dans les prochains mois. Nous nous efforçons toutefois, avec l’appui de nombreux partenaires, de maintenir la discussion ouverte. Cela ne signifie pas pour autant que tout échange sur les questions de défense est voué au blocage. Au contraire, le travail que nous avons amorcé depuis plusieurs mois devrait nous permettre de franchir un nouveau cap dans des domaines moins visibles que le financement des opérations européennes mais tout aussi porteurs pour l’avenir de l’Europe de la défense.

Je pense en particulier à deux sujets sur lesquels le ministre de la défense s’est particulièrement engagé. Le premier est la possibilité de financer, sur fonds européens, des équipements militaires au bénéfice de pays tiers. Ainsi, au Mali, l’Union européenne ne se limiterait plus à former l’armée malienne : elle lui fournirait également l’équipement minimal pour que cette formation trouve sa pleine efficacité. Cette évolution, accueillie positivement par les ministres de la défense européens, doit être confirmée au niveau du Conseil européen. Si c’est le cas, il s’agira d’une percée majeure, dans la mesure où l’Union européenne sera dotée d’une capacité à agir, non plus seulement pour gérer les crises, mais aussi en vue du renforcement, dans la durée, des capacités des armées africaines.

Le second enjeu du Conseil européen est d’obtenir le feu vert pour le lancement d’un programme de recherche consacré aux questions de défense. Si nous y parvenons, ce sera la première fois que des crédits de recherche européens pourront financer des études directes dédiées au domaine de la défense. Là encore, il s’agirait d’un changement majeur dans l’approche par nos partenaires des questions de défense.

Au final, comme vous pouvez le constater, il existe bien chez nos partenaires européens une dynamique nouvelle en ce qui concerne les questions de défense. L’une des explications est notre capacité d’entraînement, qui se nourrit à la fois de nos engagements opérationnels mais aussi de la crédibilité et de la force de nos choix budgétaires.

À ce titre, le Conseil européen de juin s’annonce comme un moment important, une fenêtre d’opportunité qui devrait permettre de poser la question fondamentale du partage du fardeau de la sécurité européenne. Nous ne devons pas négliger les avancées déjà en cours mais, comme le souligne votre proposition de résolution, nous ne devons nous interdire aucune réflexion dans la perspective d’aller plus loin.

Je relève d’ailleurs qu’un nombre croissant de nos partenaires abordent la question de la spécificité du traitement des dépenses de défense. Nos collègues italiens ont d’ores et déjà soulevé cette question au niveau des ministres de la défense. Ce sujet mérite sans doute que nous en approfondissions les modalités et les implications, qui dépassent le cadre de la défense. Il est certain que le contexte international, qui confronte l’Europe à un nombre sans précédent de défis dans son voisinage, plaide pour que nous progressions sur ce sujet. À ce titre, je vous remercie pour votre contribution.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Nous aurions pu, en toute logique, accueillir le ministre du budget, néanmoins je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour les propos que vous avez tenus. Ils sont très axés sur la défense alors que nous débattons du sujet très structurel du budget de l’État et des investissements, sujet sur lequel portera la première partie de mon propos.

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance fut une réponse nécessaire aux crises qui ébranlaient l’Union européenne depuis 2008. Alors que l’explosion des déficits et de la dette affolait les marchés financiers et menaçait de faire exploser la zone euro, ce traité a mis en place des règles contraignantes incitant les États à redresser leurs finances publiques.

Il était donc nécessaire, nous le répétons aujourd’hui, de renforcer la coordination européenne et de revenir à une politique de sérieux budgétaire qui, à tort, avait été mise à mal pendant de nombreuses décennies.

Nous devions tirer les leçons de ces crises et tout mettre en œuvre afin qu’elles ne se reproduisent plus. Le groupe UDI en est convaincu : mettre fin à la spirale du désendettement est vital et permettra à notre pays de retrouver des marges de manœuvre, de reprendre le chemin de la croissance et de préserver sa souveraineté. Cela répond, selon nous, à trois impératifs qui devraient tous nous réunir et transcender les clivages politiques.

D’abord, un impératif éthique. Actuellement, c’est une facture de 30 000 euros qui pèse sur chaque Français. Nous ne pouvons faire supporter aux générations futures la mauvaise gestion passée.

Un impératif économique, ensuite. La dette de la France a franchi, depuis le 17 août 2014, la barre des 2 000 milliards d’euros. Il est donc impératif de réduire cette dette afin de ne pas amputer la quasi-totalité de l’épargne des ménages et de ne pas mettre de frein à la croissance de notre pays.

Un impératif politique, enfin, car il faut redonner aux élus et au Gouvernement la possibilité d’exercer leurs responsabilités dans de bonnes conditions.

Tels sont les objectifs qui devraient guider notre politique de réduction des déficits, en évitant que celle-ci soit menée à l’aveugle et en dépit de tout bon sens.

Or, afin de respecter le fameux objectif de 3 % fixé par les traités, l’Union européenne a demandé aux États membres de mettre en place des normes parfois drastiques. Certes, des réformes structurelles étaient nécessaires dans de nombreux pays – amélioration du fonctionnement du marché du travail, réforme des régimes de retraite, réduction du coût du travail : autant de chantiers qui étaient repoussés depuis de nombreuses années.

Toutefois, comme nous le soulignions, mon collègue Razzy Hammadi et moi-même, dès décembre 2012, « les ajustements de la politique budgétaire intervenant dans un contexte économique déjà déprimé ont des effets délétères sur la croissance des États européens. Ainsi, on constate dans certains pays, et tout particulièrement en Grèce toute l’absurdité d’une politique de réduction des déficits qui entraîne une diminution de la croissance et des recettes fiscales, aggravant le déficit qu’elle avait pour vocation de résorber ». Cette analyse a été confirmée en 2013 par des institutions aussi peu suspectes de laxisme que le FMI ou l’OCDE, qui ont considéré qu’une rigueur excessive peut, paradoxalement, être contre-productive et conduire à une aggravation et non à un allègement des déficits publics.

Malgré les efforts consentis, il faut le dire, par la plupart des pays de l’Union, aucun n’a réussi à renouer réellement avec la croissance, et les conséquences sociales de ces politiques se sont parfois révélées dramatiques. En Grèce, ce sont des suppressions massives dans la fonction publique, la hausse brutale de la fiscalité, la diminution massive des salaires, la hausse du taux de chômage, l’augmentation de la pauvreté et le retour de maladies qui avaient disparu depuis de nombreuses décennies ; la situation est similaire en Espagne, où le taux de chômage des jeunes est très important : la hausse de la TVA et la réduction des indemnités de chômage ont littéralement asphyxié la population.

Il est donc légitime de nous poser la question de la soutenabilité du rythme de réduction des déficits publics imposés par l’Union européenne aux États.

Tout en encourageant les États à mettre en place des réformes structurelles, qui produiront leurs effets dans plusieurs années, les institutions européennes devraient intégrer dans leur approche l’acceptabilité par les populations des sacrifices qui leur ont été demandés, c’est-à-dire le délai raisonnable dans lequel doivent être effectuées ces réformes pour être humainement et socialement supportables.

Nous craignons en fait qu’une application trop mécanique des pouvoirs donnés aux institutions européennes ne conduise à un développement massif du rejet de la construction européenne, phénomène que nous avons d’ores et déjà observé, particulièrement en Grèce et en Espagne.

Pour autant, l’approche de nos collègues socialistes au travers de cette proposition de résolution nous semble erronée. Dès lors que certaines dépenses peuvent être exclues du calcul du déficit, où placer le curseur ? Il serait préférable, à notre sens, d’engager un dialogue constructif avec la Commission européenne et nos partenaires afin que la réduction des déficits, sans être abandonnée, ne soit plus l’alpha et l’oméga de la politique européenne.

En outre, nous sommes convaincus que la véritable négociation avec nos partenaires européens doit porter non pas sur l’exclusion des dépenses militaires du calcul des déficits, mais bien – et vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État – sur la mise en place d’une véritable Europe de la défense, serpent de mer s’il en est, qui sera une nouvelle fois abordé lors du Conseil européen des 25 et 26 juin.

Alors, monsieur le secrétaire d’État, j’ai envie de vous dire : « chiche ! ». Êtes-vous prêt à présenter enfin cette Europe de la défense ? C’est une impérieuse nécessité, parce que tous les pays européens ont largement réduit leurs dépenses militaires, les Américains ont adopté une nouvelle stratégie pivot et les équipements coûtent de plus en plus cher. Même avec 175 milliards d’euros de dépenses militaires et 1,5 million d’hommes sous les drapeaux, ces chiffres doivent être divisés par le nombre de pays engagés dans des opérations. C’est le point de vue qu’a exprimé la semaine dernière le commissaire européen Pierre Moscovici lors de son audition par la commission.

Il est vrai que la France est largement engagée dans de nombreuses opérations extérieures, principalement en Afrique. Le groupe UDI dans son ensemble, dans un esprit de responsabilité et d’union nationale, a voulu apporter un soutien sans réserve au Président de la République et au Gouvernement dès le lancement de chacune de ces opérations. L’engagement de nos troupes est avant tout l’engagement de la France pour la défense de la démocratie, pour la liberté et la lutte contre le fondamentalisme. Je tiens à saluer ici l’engagement de nos hommes sur le terrain qui, par la qualité de leurs actions, font honneur aux armes de la France.

Pour autant, nous avons déploré l’isolement de la France et l’absence de soutien significatif de nos alliés européens. Les membres du groupe UDI croient fermement qu’une Europe de la défense est nécessaire et ils l’appellent de leurs vœux. La mise en commun de moyens à l’échelle européenne mènerait certainement à la formation d’un ensemble véritablement puissant, à même de prendre toute sa place sur la scène internationale ou plutôt sur les scènes internationales. En outre, une telle avancée constituerait sans nul doute pour la France un moyen de réaliser des économies réfléchies et pertinentes, en concertation avec ses partenaires.

Il est plus que temps de poser les pierres fondatrices d’une industrie européenne de défense, d’une politique de mutualisation des équipements et des troupes et surtout d’un rapprochement sans précédent de nos centres de décision et de nos priorités géostratégiques grâce à un budget dédié.

Je réaffirme ici le profond engagement européen du groupe UDI. Tandis que la menace n’a jamais été aussi élevée, à l’étranger comme sur le territoire national, la France doit promouvoir un véritable fédéralisme européen, en matière tant économique que militaire. Aussi regrettons-nous le manque d’ambition du texte présenté par nos collègues socialistes. Par conséquent, le groupe UDI votera contre la proposition de résolution.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, je fais tout d’abord observer, comme mon collègue Arnaud Richard, que la proposition de résolution ne porte pas seulement sur la défense : elle a, fort heureusement, une portée plus structurelle. Par ailleurs, lors du débat mené en 2012 sur la loi organique mettant en œuvre le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, nous regrettions déjà que la mesure du solde structurel retenue par Bruxelles ne préserve pas les investissements d’avenir dont les États assument la charge.

Ces investissements, en particulier dans la transition écologique, ne sont pas une charge pour l’économie ni une dette inerte pesant sur nos enfants. Ils sont au contraire les gages de la prospérité future car ils préparent l’économie et l’industrie aux mutations qu’elles devront affronter demain. L’économie devra être à la fois sobre en énergie et riche en emplois, inscrite dans le long terme et créatrice de bien-être pour le temps présent. Nous avions donc défendu des amendements au projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, transposant le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en droit français. Ces amendements visaient à exclure du calcul du solde structurel les investissements découlant des objectifs stratégiques européens.

Ainsi, afin de répondre à la crise écologique, des objectifs ambitieux avaient été définis en 2009 dans le paquet énergie climat 2020, que résumait la règle des trois fois vingt : une baisse des émissions de 20 %, une proportion d’énergies renouvelables de 20 % et des économies d’énergie de 20 % au niveau européen, ces objectifs étant déclinés de façon différenciée dans chaque État membre. Nous avons rappelé à plusieurs reprises que le plan restera lettre morte faute d’investissements. En France, les faits nous ont hélas donné raison. Faute d’investissements, les énergies renouvelables ne représentaient que 14 % de la consommation finale d’énergie en 2013. Si l’on peut se réjouir de la hausse du nombre de raccordements des installations éoliennes et photovoltaïques constatée au premier trimestre, due pour l’essentiel aux simplifications réglementaires opérées, cela ne semble pas suffisant pour atteindre l’objectif d’une proportion d’énergies renouvelables de 23 % en France d’ici à 2020 – objectif que nous nous sommes pourtant nous-même fixé dans le cadre du paquet énergie-climat 2020.

Depuis, un nouvel accord a été signé. Adopté le 24 octobre 2014, il définit un nouveau cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030 et complète les trois objectifs de l’Union européenne en allant encore plus loin. Les États européens se sont en effet donné l’objectif contraignant de réduire d’au moins 40 % avant 2030 les émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990. Ils se sont également donné pour ambition de porter à 27 % du mix énergétique la part des énergies renouvelables et de réaliser 27 % d’économies d’énergie. Afin d’atteindre ces objectifs avant 2020 et avant 2030 et plus généralement d’assurer la mutation de notre modèle économique, une amplification des investissements est plus que jamais nécessaire. Trois ans après le TSCG, un tournant s’amorce en Europe consistant à reconnaître l’importance des investissements publics et privés en vue de tracer un chemin de sortie de crise. Tel est l’objet du plan Juncker et de l’ouverture amorcée par la communication de la Commission européenne du 13 janvier dernier, laquelle introduit un peu de flexibilité dans l’interprétation des objectifs du TSCG – une flexibilité pertinente à l’échelle macroéconomique.

Les conséquences négatives des compressions budgétaires sur l’emploi et l’activité et particulièrement sur l’investissement sont ainsi en partie reconnues. En effet, on constate malheureusement que l’investissement a chuté d’un quart en Europe depuis la crise financière de 2008 et que le taux de chômage a atteint 11 % dans la zone euro. Notre objectif commun, par le biais de cette résolution, est de traiter ces deux enjeux majeurs. La consolidation de la reprise actuelle – très fragile et assise essentiellement sur des éléments extérieurs favorables tels que la chute du prix du baril et la parité euro-dollar – doit nécessairement s’appuyer sur une relance de l’investissement. Or, si le plan Juncker constitue effectivement un tournant dans la politique européenne, force est de constater qu’il n’est pas à la hauteur des enjeux. Il consiste seulement en un mécanisme de garantie de 8 milliards d’euros sur trois ans et une grande partie des fonds sera prélevée sur d’autres programmes d’investissement européens. C’est pourquoi il importe que les États amplifient le mouvement d’investissement initié au niveau européen.

La proposition de résolution y concourt car elle propose d’exclure certains investissements du calcul du déficit public national et donc de la limite de 3 %. Elle participe d’un mouvement européen favorable aux investissements et s’inscrit dans la droite ligne de la communication de la Commission européenne du 13 janvier 2015 visant à utiliser au mieux la flexibilité offerte par les actuelles règles du pacte de stabilité et de croissance. Elle ne vise donc pas à remettre en cause le pacte mais à préciser et approfondir les possibilités d’assouplissement offertes par la communication de la Commission européenne. Elle prend ainsi en compte le caractère spécifique et pluriannuel des dépenses d’investissement qui ne peuvent être assimilées aux dépenses de fonctionnement. Faut-il rappeler que la distinction entre dépenses de fonctionnement et dépenses d’investissement est de règle en comptabilité d’entreprise ? Nous soutenons donc non seulement le principe de la résolution mais également son périmètre issu des travaux de deux commissions, en particulier celle des affaires européennes.

Le travail en commission a en effet précisé les objectifs et les critères d’exclusion de certaines dépenses du plafond de 3 % de déficit. Si certaines dépenses doivent être exclues de l’encadrement budgétaire national, c’est qu’il est logique qu’elles soient assumées collectivement car elles sont d’intérêt européen. Les commissions les ont donc redéfinies selon deux axes constituant à nos yeux deux avancées majeures.

D’une part, l’exclusion du calcul du déficit des dépenses de défense est limitée aux seules opérations extérieures bénéficiant à l’ensemble des États européens. En effet, en l’absence d’une politique européenne de défense que nous appelons de nos vœux, les interventions françaises découlant des décisions de l’ONU bénéficient à l’ensemble des États européens. Il est donc logique que notre pays n’en assume pas seul la charge. Bien sûr, mettre en place une politique européenne de défense serait encore plus efficace mais à défaut une telle mesure va dans le bon sens. En vertu de cette logique, les dépenses relatives à la dissuasion nucléaire ne peuvent être exclues du calcul du déficit car elles relèvent d’un choix national et n’ont donc pas vocation à relever des dépenses assumées par tous les États européens.

D’autre part, le travail en commission a précisé le sort des investissements non militaires. Les dépenses nationales consacrées à des projets cofinancés par l’Union européenne, en particulier par le Fonds européen pour les investissements stratégiques, support du plan Juncker, seraient concernées, quelle que soit la situation de l’économie et des finances publiques de l’État membre qui les engage. Nous soutenons une telle proposition qui renforce la construction européenne et s’inscrit selon nous dans la logique de partage des investissements d’intérêt communautaire à l’échelon européen.

Bien entendu, tous les investissements n’ont pas vocation à être exclus de la limite de 3 %. Il faut donc définir des critères. L’existence d’un cofinancement par l’Union européenne constitue un premier point d’appui incontournable car elle démontre de fait l’intérêt supranational des investissements visés. Il nous semble néanmoins un peu restrictif. Nous défendrons donc des amendements visant à exclure plus largement les investissements contribuant aux objectifs fixés par l’Union européenne tels que la diminution des émissions de gaz à effet de serre ou l’amélioration du taux d’emploi.

En tout état de cause, les écologistes saluent la proposition de résolution et les améliorations apportées au texte lors des travaux en commission. En effet, il ne s’agit pas uniquement ici de desserrer la contrainte que constitue le seuil de 3 % du déficit afin de libérer l’investissement au niveau européen mais bien de réintroduire un raisonnement macroéconomique dans les règles budgétaires et de faire en sorte que la régulation budgétaire ne constitue pas un obstacle à la poursuite et à l’approfondissement des objectifs européens. Les écologistes soutiendront donc la proposition de résolution et espèrent qu’elle contribuera à une réorientation progressive de la politique budgétaire européenne.

M. le président. La parole est à Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, nous sommes invités à nous prononcer sur la proposition de résolution européenne déposée par plusieurs de nos collègues socialistes visant à modifier les modalités de calcul des déficits publics en fonction des efforts réalisés par les États membres dans deux secteurs, la défense et les investissements publics.

Cette idée, plus particulièrement promue par la France, a cheminé de façon tangible au cours des derniers mois parmi nos partenaires européens, en particulier au sujet des dépenses de défense et doit résolument figurer à l’ordre du jour du Conseil européen des 25 et 26 juin prochains. Les auteurs de la proposition rappellent en effet certains objectifs essentiels de l’Union européenne énoncés à l’article 3 du traité qui l’instaure, selon lequel l’Europe « contribue à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l’élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l’Homme, en particulier ceux de l’enfant, ainsi qu’au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la Charte des Nations unies ».

Ce cadre général engage l’ensemble des pays de l’Union européenne. Néanmoins, les États membres présentent des niveaux d’engagement concret très divers et donc des efforts budgétaires également bien variables. La France, tout particulièrement, s’est engagée depuis l’élection de François Hollande en 2012, sous mandat des Nations unies, dans de vastes opérations extérieures de maintien de la paix visant également à lutter contre le terrorisme, au bénéfice de l’ensemble du territoire européen. Toutefois, cette donnée essentielle n’est pas prise en compte par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé en mars 2012 par les États membres de l’Union européenne – à l’exception du Royaume-Uni et de la République tchèque. Cet accord intergouvernemental régi par le droit international comporte des engagements pris par les États contractants afin de « renforcer le pilier économique de l’Union économique et monétaire en adoptant un ensemble de règles destinées à favoriser la discipline budgétaire » et de « renforcer la coordination de leurs politiques économiques et améliorer la gouvernance de la zone euro ».

En effet, après la crise des subprimes survenue en 2008, de nombreux États de l’Union européenne se sont trouvés dans l’incapacité de respecter les règles fixées par le pacte de stabilité et de croissance, consolidé en 2011 par le six-pack, lequel renforce la procédure de surveillance des indicateurs macroéconomiques nationaux et a mis en place un mécanisme de sanctions beaucoup plus fermes. L’Union européenne a pris des mesures supplémentaires avec la signature du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, qui prévoit l’introduction dans le droit national des États membres de procédures garantissant le respect d’une règle d’or, définie comme une règle d’équilibre structurel. Le traité s’appuie sur la notion de solde structurel annuel des administrations publiques et exclut ainsi les variations conjoncturelles et les mesures ponctuelles et temporaires.

Il a été transposé en droit français par la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques du 17 décembre 2012, qui a donné lieu, ici même, à des débats nourris sur l’opportunité de tels carcans normatifs en l’absence durable de dynamisme économique.

Le renforcement de la discipline budgétaire est ainsi devenu la règle. Le principe novateur du texte, énoncé à l’article 3, qui fixe les principales dispositions ayant trait à la discipline budgétaire, est l’introduction d’une règle d’or. L’article 3 du traité pose en effet le principe selon lequel la situation budgétaire des administrations publiques – État, collectivités locales et administrations de sécurité sociale – est soit en équilibre, soit en excédent. L’équilibre est considéré comme atteint si le déficit structurel de l’État membre ne dépasse pas l’objectif, à moyen terme, de déficit qui lui est propre, dans la limite de 0,5 % du PIB pour les pays dont la dette publique excède 60 % du PIB. Si la dette publique d’un État est inférieure à 60 % du PIB, l’autorisation de déficit structurel est doublée et atteint 1 %. Par déficit structurel, on entend le solde budgétaire corrigé des variations de la conjoncture. La règle prévue par le traité complète donc la disposition du pacte de stabilité et de croissance disposant que le déficit effectif – c’est-à-dire conjoncturel et structurel – des États membres ne peut excéder 3 % du PIB.

Ce renforcement de la discipline budgétaire fait toutefois l’objet d’exceptions, en cas de « faits inhabituels » ou de « grave récession économique » : le c) de l’article 3 dispose que « les parties contractantes ne peuvent s’écarter temporairement de leur objectif respectif à moyen terme ou de la trajectoire d’ajustement propre à permettre sa réalisation qu’en cas de circonstances exceptionnelles ». Selon le b) du 3. de l’article 3 du traité, « les "circonstances exceptionnelles" font référence à des faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique telles que visées dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, pour autant que l’écart temporaire de la partie contractante concernée ne mette pas en péril sa soutenabilité budgétaire à moyen terme. » Ces dispositions permettent ainsi aux gouvernements de l’Union qui maintiennent leurs efforts structurels de déroger, avec l’accord de la Commission, aux carcans du traité et d’éviter les sanctions économiques associées en demandant des reports de leurs objectifs de déficit nominal de moyen terme.

Toutefois, rien dans le traité ne se rapporte, comme le remarquent justement les auteurs de cette proposition de résolution, aux efforts relatifs réalisés respectivement par les États membres en matière de défense afin de contribuer à la réalisation des objectifs généraux du traité sur l’Union européenne, notamment ceux visant le maintien de la paix et la lutte contre le terrorisme. Or ce n’est pas un mince sujet, tant les surcoûts annuels des opérations militaires extérieures françaises – les OPEX – engagent des montants importants : 873 millions d’euros en 2012, affectés principalement au maintien des opérations en Afghanistan, 1,25 milliard d’euros en 2013, année de l’opération Serval au Sahel et au Mali, et encore 1,12 milliard d’euros en 2014, avec, entre autres, l’opération Sangaris en République centrafricaine. Ces opérations non budgétées font l’objet d’un financement interministériel et ne pèsent pas sur le seul budget de la défense. Malgré tout, sur l’ensemble du PIB national, l’effort budgétaire de la France en matière de défense est considérable, puisque, depuis plusieurs années, il est légèrement supérieur à 1,50 % ; il n’est que de moitié en Italie et des deux tiers en Allemagne.

Ainsi, ces opérations conduites sous mandat de l’ONU fondent une inégalité de situation entre les partenaires européens que dénoncent les auteurs de la proposition de résolution, ce sur quoi nous les rejoignons, comme nous rejoignons le Gouvernement. En effet, ces disparités, stables dans le temps, peuvent être considérées comme structurelles et légitiment donc la demande d’une révision de la définition de l’assiette du déficit public structurel, qui figure à l’article 2 du protocole n12 du traité sur l’Union européenne, afin qu’elle repose également sur une juste appréciation des efforts consentis au titre des OPEX.

Le second sujet que soulève cette proposition de résolution concerne les conclusions de la Commission européenne remises le 3 juillet 2013 aux exécutifs nationaux, en vue de l’exclusion des investissements publics du calcul des 3 %, conclusions qu’il s’agirait maintenant d’inclure au protocole du traité. Cette idée, également essentielle et évoquée de manière récurrente, a été défendue par de nombreux économistes et élus avant d’être reprise par la Commission européenne, dans un contexte de reprise économique atone dans l’ensemble de l’Union.

La nouvelle interprétation par la Commission européenne de la flexibilité du pacte budgétaire, présentée dans une communication du 13 janvier de Pierre Moscovici et Valdis Dombrovskis, va en ce sens, même si elle est limitée à certains investissements et ne concerne que les pays dont le déficit public nominal est inférieur à 3 %. Les auteurs de la présente proposition de résolution demandent donc que cette communication soit révisée pour qu’elle s’applique indépendamment de la situation économique de l’État membre. En cas de croissance faible, et pour préserver le niveau d’investissements, l’ensemble des États membres pourraient ainsi déduire de leurs calculs les dépenses réalisées pour le cofinancement de projets européens sur leur sol, issus des fonds régionaux ou du futur Fonds européen pour les investissements stratégiques.

Vous l’aurez compris, le groupe RRDP soutient fermement cette initiative et votera en faveur de cette résolution européenne.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, la proposition de résolution en discussion revêt à nos yeux, députés du Front de gauche, une importance particulière. Il est de bon aloi, en effet, de débattre de la pertinence et du bien-fondé des règles européennes s’appliquant aux budgets nationaux, alors que le continent traverse sa plus grande crise économique, sociale et financière depuis des décennies.

Mes chers collègues, vous le savez bien, depuis 1993 et la mise en place de la monnaie unique, l’arsenal réglementaire de l’Union européenne en matière budgétaire s’est considérablement étoffé. Le traité de Maastricht a fixé le cadre général, instituant les fameux critères de convergence, autrement dit les limites de 3 % de déficit public annuel et de 60 % de dette publique maximale.

L’objectif de ces critères, qui n’ont – je me permets de vous le rappeler – absolument aucun fondement économique…

M. Thierry Mariani. Ce n’est pas vrai !

M. Nicolas Sansu. …était de coordonner les politiques budgétaires des États membres et d’éviter la constitution de déficits excessifs en vue d’assurer la cohésion monétaire.

Le pacte de stabilité et de croissance de 1997 a constitué une nouvelle étape importante, en renforçant la surveillance budgétaire et en mettant en place la procédure dissuasive dite de déficit excessif. Mais le tournant majeur a eu lieu en 2010-2011. Les États européens, déjà endettés par des politiques fiscales généreuses à l’égard des plus puissants et par le recours onéreux aux marchés pour se financer, sont alors confrontés à une chute sans précédent de leur activité. Les recettes fiscales s’écroulent, les dépenses sociales progressent et certains États prennent en charge des dettes d’origine privée. L’endettement public grimpe subitement en flèche. Les critères de convergence explosent. Le scandale des comptes grecs trafiqués avec la complicité de Goldman Sachs met le feu aux poudres. La crise des dettes souveraines européennes éclate.

Les déficits excessifs sont désormais dans le collimateur des instances bruxelloises. Pour rassurer les marchés, l’Union européenne décide de durcir le ton, en réformant le pacte de stabilité et en se dotant d’outils de surveillance macroéconomique, d’abord avec le six-pack, qui a instauré le semestre européen et a simplifié la procédure de sanction à l’égard des États qualifiés de « peu vertueux », ensuite avec le fameux TSCG, entré en vigueur en 2013 et auquel je reviendrai.

Je n’entrerai pas dans le détail de chaque évolution législative européenne en matière budgétaire mais, in fine, au cours de ces deux dernières décennies, force est de constater que l’autonomie budgétaire des États a été considérablement limitée. À nos yeux, une telle limitation est d’autant plus problématique que l’Europe est devenue progressivement le gendarme de l’austérité, avec pour seule règle le contrôle des déficits. Cette règle a été appliquée indépendamment de la situation économique et sociale des États, indépendamment de leurs efforts en matière d’investissements utiles pour l’avenir et, pire, indépendamment de leurs choix politiques, comme l’attestent les pressions actuelles sur la Grèce.

Aussi, en acceptant de s’imposer des seuils comptables aussi contraints dans des textes à valeur constitutionnelle, les États, sous le haut patronage de la Commission européenne et de la BCE, se sont privés de toute marge de manœuvre. L’orthodoxie budgétaire, sur le modèle de l’Allemagne, est devenue la clé de voûte des politiques européennes, traduisant ainsi une soumission des États aux marchés des capitaux. Pour leur part, les peuples se sont vus privés d’une part essentielle de leur souveraineté au profit d’une Commission européenne dont le contrôle démocratique est pourtant loin d’avoir évolué sensiblement.

Là où le bât blesse, c’est que l’intégration budgétaire des États européens s’est faite contre les populations. Ainsi, le chômage est au plus haut alors que les dividendes atteignent des sommets. In fine, les inégalités se creusent. Sur le plan économique, ces règles comptables ont eu pour effet de tasser significativement la consommation et l’investissement, en berne en France comme en Europe. Bref, alors que les indicateurs sont au rouge et que la déflation menace, les États européens continuent d’opérer des coupes budgétaires sur les recommandations de Bruxelles. La généralisation de l’austérité à tout le continent ne peut conduire l’Europe qu’à sa perte – une situation dénoncée par un nombre grandissant d’économistes, comme vous l’avez dit justement, madame la rapporteure. Toute reprise durable est aujourd’hui tuée dans l’œuf.

Mes chers collègues, là réside, à notre sens, le défaut essentiel de cette proposition de résolution européenne, dont le contenu a malheureusement été édulcoré ; elle n’appelle plus à une renégociation du traité, ce qui, pourtant, à l’origine, nous plaisait beaucoup. Le cadre actuel, même amendé, n’est pas et ne peut pas être adapté à la situation que nous connaissons aujourd’hui. On essaie de trouver des parades aux effets délétères d’un traité que François Hollande s’était pourtant engagé à renégocier au moment de la campagne de 2012, ce qu’il n’a pas fait.

En réalité, et nous continuerons à le dire avec force, ce n’est pas sur un point précis du TSCG, mais bel et bien sur l’ensemble des règles budgétaires européennes, sur ce carcan austéritaire, qu’il faut revenir. C’est bel et bien cette démarche que nous menions, il y a un mois, lorsque nous avions déposé une proposition de résolution européenne sur la dette souveraine des États de la zone euro, avec des propositions alternatives.

Madame la rapporteure, notre différence d’approche ne nous a pas empêchés d’étudier plus en détail votre proposition de résolution européenne, sachant, qui plus est, votre envie et votre connaissance des questions européennes. Après les modifications importantes apportées en commission, la proposition de résolution se focalise sur deux points principaux portant sur la prise en compte des dépenses nationales dans les soldes budgétaires calculés au niveau européen. Premier point : la question des dépenses militaires et, plus particulièrement la prise en compte, dans les soldes budgétaires, des dépenses liées à la participation aux opérations extérieures sous l’égide des Nations unies et présentant un lien avec la défense des États membres de l’Union européenne. Second point : les dépenses nationales mobilisées dans le cadre de projets cofinancés par l’Union européenne.

Au fond, la question est de savoir s’il est légitime de sortir du calcul des soldes budgétaires une partie des dépenses militaires réalisées par un État ainsi que des fonds qu’il mobilise dans des projets européens. Mes chers collègues, pourquoi n’agirait-on pas de la sorte dans les domaines de l’éducation et de la connaissance, ou bien s’agissant de dépenses relevant de la Sécurité sociale ou de la recherche ? Là aussi, ce sont des dépenses d’avenir, et ce serait également légitime.

Il serait opportun que les dépenses militaires mobilisées dans le cadre restreint des OPEX, sous l’égide de l’ONU, et en lien avec la protection d’autres États membres sortent du calcul retenu à Bruxelles, étant donné qu’elles contribuent à la défense des intérêts essentiels de l’Union européenne. Je crois qu’il y a consensus, au sein de notre assemblée, sur ce point.

À l’heure actuelle, c’est un peu la double peine pour les États mobilisant des fonds publics concourant à la défense des intérêts communs de l’Europe. D’une certaine manière, alors même que nous assurons – d’autres aussi, mais nous sommes les principaux concernés – la protection d’autres États, nous pouvons nous faire tancer par la Commission européenne pour déficit excessif : c’est profondément injuste et inapproprié, surtout si cela se traduit, in fine, par des réformes structurelles ou des coupes budgétaires inacceptables – car la conditionnalité, ça revient à cela.

La dissuasion nucléaire – domaine dans lequel des économies peuvent être réalisées, comme nous le disions la semaine dernière lors du débat sur l’actualisation de la loi de programmation militaire – occupe une part non négligeable du budget de la défense. Il est important de rappeler que l’effort budgétaire de la France en matière de défense est en baisse depuis une vingtaine d’années, tout en restant très supérieur à celui de ses voisins européens. La question de l’Europe de la défense – vous avez beaucoup insisté, monsieur le secrétaire d’État – mérite par ailleurs un large débat.

Au final, madame la rapporteure, votre proposition de résolution ne concerne qu’un ou deux pour mille de notre PIB : telle est la réalité.

Sur la non-comptabilisation, dans les déficits publics, des fonds nationaux mobilisés dans le cadre de projets européens, la démarche est également légitime, mais elle nous paraît inconsistante au regard des enjeux budgétaires actuels. Vous avez rappelé les 21 milliards d’euros déployés dans le cadre du plan Juncker et l’effet multiplicateur de quinze, extrêmement hypothétique, qui permettrait d’aboutir à un montant de 315 milliards d’investissements, lequel ne sera probablement pas atteint, vous l’avez vous-même concédé, madame la rapporteure ; c’est du moins ce que j’ai cru comprendre.

L’urgence en matière d’investissements d’avenir est de définir un plan d’investissement nettement plus ambitieux que le plan Juncker. Ce dernier est en effet particulièrement inadapté au regard des besoins actuels de l’économie européenne ; il ne permettra nullement d’assurer une transition écologique pourtant indispensable et il se déploie malheureusement dans un cadre budgétaire contraint, et ce, alors que notre pays est plombé par l’erreur originelle du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.

Enfin, nous estimons que la démarche envisagée au travers de cette proposition de résolution européenne doit avoir une résonance européenne en mettant fin à l’absurdité – que traduit la communication de la Commission européenne du 13 janvier – qui fait que l’on ne prête qu’aux riches. Les efforts réalisés par l’Italie et la Grèce, par exemple, dans le cadre de la politique migratoire devraient être exclus du calcul du déficit de ces deux États. Ce serait justice, et ce serait une manifestation de la solidarité européenne. Malheureusement, les règles budgétaires et monétaires mettent aujourd’hui en péril le projet européen de la solidarité et de l’enthousiasme.

Pour toutes les raisons exposées, et au vu des évolutions subies par le texte en commission, les députés du Front de gauche ne pourront que s’abstenir sur cette proposition de résolution européenne.

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, le 13 janvier dernier, la Commission européenne publiait une communication expliquant la lecture qu’elle comptait faire du pacte de stabilité et de croissance, en particulier des flexibilités offertes par ce dernier.

Aussi, alors que nous disposons désormais d’un certain recul sur la mise en œuvre de ce pacte et que la situation économique et sociale de la zone euro montre les limites de ce dispositif, il est apparu utile au groupe socialiste, républicain et citoyen d’affirmer la position de l’Assemblée nationale sur la mise en œuvre du pacte de stabilité et de croissance.

Convaincus de la nécessité de faire évoluer le pacte de stabilité et de croissance ou tout au moins sa lecture, nous proposons à la représentation nationale de défendre une position forte, demandant l’exclusion du calcul des déficits publics des dépenses liées aux opérations extérieures sous mandat de l’ONU et des investissements cofinancés par l’Union européenne.

En ce qui concerne tout d’abord la prise en compte des dépenses de défense dans le calcul du solde public, je crois qu’il est utile de rappeler, avant le conseil européen des 25 et 26 juin prochain, qui sera, pour une bonne part, consacré à l’Europe de la défense, combien il est justifié d’accorder un traitement particulier aux dépenses militaires engagées par les États membres et contribuant à la sécurité de l’ensemble du territoire européen.

La situation peut en effet être résumée en trois constats. Premièrement, nous sommes confrontés à une menace croissante aux frontières et sur le territoire même de l’Union européenne, qui appelle une mobilisation accrue pour assurer la sécurité du territoire européen. Ainsi, la France, qui est engagée actuellement dans dix-neuf opérations extérieures, dont la plupart participent à la sécurité de l’Union, n’a jamais été aussi impliquée dans des OPEX. D’ailleurs, le surcoût des OPEX pour la France a été doublé entre 2007 et aujourd’hui. Chaque État européen est toutefois susceptible d’être concerné, comme l’ont montré les récentes attaques terroristes en France, en Belgique et au Danemark.

Deuxièmement, nous ne sommes pas encore parvenus à mettre en place une Europe de la défense, ce qui rejaillit directement sur les budgets des États membres. Certes, la politique de sécurité et de défense commune s’est concrétisée dans la mise en œuvre de trente-deux missions depuis 2003, dont seize sont achevées, mais il s’agissait avant tout de missions civiles. Des missions essentielles pour la sécurité du territoire européen face à la menace terroriste, comme l’opération Serval menée par la France au Mali, sont demeurées des actions engagées en dehors du cadre européen.

Si l’Agence européenne de défense a joué un rôle déterminant dans la mise en place des projets de mutualisation approuvés par le conseil européen de décembre 2013, comme le ravitaillement en vol et la cyberdéfense, force est de constater que les outils de la politique de sécurité et de défense commune – la PSDC – les plus innovants n’ont pas été mobilisés. En particulier, ni la coopération structurée permanente ni la procédure de délégation de missions à un groupe d’États membres prévue par l’article 44 du traité sur l’Union européenne n’ont été mises en œuvre.

Par ailleurs, la solidarité financière ne trouve pas ou très peu à s’appliquer en matière de défense. En effet, les missions civiles menées dans le cadre de la PSDC, qui sont, en théorie, intégralement prises en charge par le budget de l’Union européenne, souffrent d’un manque de financement, comme l’a souligné M. Philippe Setton, notre représentant permanent auprès du comité politique et de sécurité de l’Union européenne lors de son audition par la commission des affaires européennes.

En ce qui concerne les missions militaires menées au titre de la PSDC, il faut rappeler que l’article 41 du traité sur l’Union européenne interdit le financement d’opérations militaires à partir du budget de l’Union européenne. Un mécanisme intergouvernemental de financement des coûts communs aux États, dénommé Athena, a certes été créé en 2004, mais sa portée demeure limitée, puisqu’il ne prend en charge que 10 % à 15 % des coûts d’une mission. Les discussions de ces derniers mois pour améliorer ce dispositif n’ont pas permis de réelles avancées.

Par conséquent, la charge des opérations militaires pèse avant tout sur le budget des États membres, et les engagements sont bien entendu très différents selon les États. Ainsi, la France consacre 1,91 % de son produit intérieur brut à ses dépenses de défense alors que la moyenne s’établit, pour les vingt-sept États membres de l’Agence européenne de défense, à 1,45 % du PIB. La France assure ainsi 21,2 % du total des dépenses de défense des États membres de l’Union européenne hors Danemark.

Troisièmement, alors que les besoins en matière de défense sont croissants, les États membres réduisent leur budget de défense, notamment sous la pression des règles posées par le pacte de stabilité et de croissance. Ainsi, depuis sept ans, les budgets de défense des États membres diminuent de manière continue, et se sont établis, en euros courants, à 186 milliards en 2013 contre 201 milliards en 2006.

Considérant la conjonction de la montée des dangers et de la baisse des budgets de défense, le groupe socialiste plaide pour un desserrement de la contrainte financière pesant sur les dépenses nationales spécifiques qui contribuent directement à la défense de l’Union européenne.

Exclure l’ensemble des dépenses de défense du calcul du solde public nous paraît une position difficile à défendre auprès de nos partenaires européens. Cela pourrait en effet être perçu comme une volonté française de se soustraire à ses engagements dans le cadre du pacte et de faire financer l’ensemble de sa défense par l’Union. Il nous a paru plus crédible et plus justifié au regard des objectifs fixés à l’Union européenne de demander à ce que soient exclues du calcul du solde public les seules dépenses nationales entraînées par la participation aux opérations extérieures réalisées sous mandat de l’Organisation des Nations unies et qui présentent un lien avec la défense des États membres de l’Union européenne.

Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres. Les dépenses concernées en matière d’OPEX se situent dans une fourchette allant de 1,1 milliard à 5,8 milliards d’euros si l’on adopte une conception plus large en incluant le coût complet des OPEX ainsi que celui des forces prépositionnées et des moyens du renseignement militaire.

S’agissant à présent des investissements, nous sommes tous convaincus de la nécessité de les soutenir au sein de l’Union, afin de relancer la croissance et l’emploi.

À cet égard, pour garantir l’efficacité du plan d’investissement lancé par la Commission européenne, le groupe socialiste souhaite à tout prix éviter qu’une lecture trop stricte du pacte de stabilité et de croissance entrave les investissements. Aussi est-il nécessaire que la Commission européenne aille plus loin dans la lecture du pacte qu’elle nous a présentée le 13 janvier dernier.

La Commission européenne a en effet précisé deux points importants s’agissant des investissements. Elle a tout d’abord indiqué que la contribution d’un État membre au Fonds européen pour les investissements stratégiques devrait être neutre s’agissant du pacte de stabilité et de croissance.

Elle a ensuite précisé la portée de ce qu’elle nomme la « clause d’investissement ». Cette clause prévoit que les seuls États membres soumis au volet préventif du pacte, c’est-à-dire ceux qui respectent les seuils de 3 % de déficit public et de 60 % d’endettement public, peuvent s’écarter temporairement de leur objectif de moyen terme ou de la trajectoire d’ajustement qui doit permettre d’y conduire, pour tenir compte des investissements. Cependant, plusieurs conditions sont posées qui concernent la croissance de leur PIB, le respect d’une marge de sécurité, le niveau d’investissement et la période de correction.

Les investissements éligibles sont les dépenses nationales consacrées à des projets cofinancés par l’Union européenne au titre de la politique structurelle et de cohésion, des réseaux transeuropéens et du mécanisme pour l’interconnexion en Europe, ou à des projets cofinancés par le Fonds européen pour les investissements stratégiques.

Bien que légèrement assouplie dans la communication du 13 janvier 2015, cette clause d’investissement apparaît encore trop restrictive, en particulier parce qu’elle exclut les États faisant l’objet d’une procédure pour déficit excessif.

Pour favoriser réellement l’investissement en Europe, le groupe socialiste propose d’étendre le champ de cette clause en y incluant l’ensemble des États, qu’ils relèvent du volet préventif ou correctif du pacte de stabilité et de croissance, et en visant la totalité des dépenses nationales consacrées à des projets cofinancés par l’Union européenne.

J’aimerais aborder un dernier point. La commission des affaires européennes avait décidé, à l’unanimité, de demander que les contributions nettes des États membres au budget européen soient exclues du calcul des déficits. J’avais donc déposé un amendement afin d’inscrire cette proposition dans la présente résolution.

Les commissaires aux finances ont cependant une opinion différente. Ma collègue Estelle Grelier a néanmoins souhaité déposer un amendement afin de rétablir une position que la commission des affaires européennes, que je représente ici aujourd’hui, défend depuis longtemps. Il me paraît important de rappeler cette demande, car l’objectif de la résolution est également d’enrayer la baisse continue de la part de la richesse des États consacrée aux politiques de l’Union.

Pour conclure, je souhaiterais rappeler l’engagement qui est le mien et que nombre de mes collègues de la commission des affaires européennes, et plus largement de cette assemblée partagent.

Depuis plusieurs années, il est de bon ton d’attaquer, de blâmer l’Union européenne, accusée tout à la fois de ne pas en faire assez et d’imposer ses volontés aux peuples et aux gouvernants. Oui, notre Union est perfectible, et nous essayons de le montrer au travers de la présente résolution. Oui, il est de notre devoir d’agir pour rendre le projet européen plus juste et plus démocratique, mais nous devons sans cesse rappeler que dans un monde qui n’est ni aussi simple ni aussi paisible que nous le souhaiterions, nous sommes plus fort ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, la crise économique et financière a révélé les insuffisances de la gouvernance économique et de la surveillance budgétaire au sein de l’Union européenne.

Dans ce contexte, la France, comme la grande majorité des pays de la zone euro, a ratifié le pacte de stabilité et de croissance mis en place lors du traité d’Amsterdam en 1997. Celui-ci impose aux États membres de ne pas avoir un déficit budgétaire supérieur à 3 %. Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, entré en vigueur le 1er janvier 2013, a confirmé cette règle en instaurant davantage de discipline budgétaire dans la zone euro.

Disposer d’un temps de parole de dix minutes présente l’avantage de pouvoir faire état de certaines recherches. Un orateur qui s’est exprimé avant moi affirmait que la règle des 3 % n’avait aucun fondement. J’ai effectué une recherche sur internet, car je faisais jusqu’à présent partie de ces députés naïfs qui croient que ce seuil a été choisi pour des raisons d’équilibre budgétaire. Je ne résiste pas, puisque le temps me le permet, au plaisir de vous lire les propos de M. Guy Abeille, alors chargé de mission au ministère des finances, qui nous explique comment ce seuil a été choisi, ce qui fait tout de même un peu peur, et je le dis cela sans viser personne en particulier.

En 1981, il fallait trouver un ratio ; ce sera celui du déficit rapporté au PIB. M. Guy Abeille écrit dans La Tribune : « Ce sera ce ratio. Reste à le flanquer d’un taux. C’est affaire d’une seconde. Nous regardons quelle est la plus récente prévision du PIB projetée par l’INSEE pour 1982. Nous faisons entrer dans notre calculette le spectre des 100 milliards de déficit qui bouge sur notre bureau pour le budget en préparation. » Je rappelle que l’on est alors en 1981 ; en matière de déficit, on a fait mieux que les 100 milliards évoqués ici !

Je poursuis la lecture : « Le rapport des deux n’est pas loin de donner 3 %. C’est bien, 3 % ; ça n’a pas d’autre fondement que celui des circonstances, mais c’est bien. 1 % serait maigre, et de toute façon insoutenable : on sait qu’on est déjà largement au-delà et qu’en éclats a volé magistralement ce seuil. 2 % serait, en ces heures ardentes, inacceptablement contraignant, et donc vain ; et puis, comment dire, on sent que ce chiffre, 2 % du PIB, aurait quelque chose de plat, et presque fabriqué. Tandis que trois est un chiffre solide ; il a derrière lui d’illustres précédents (dont certains qu’on vénère). Surtout, sur la route des 100 milliards de francs de déficit, il marque la dernière frontière que nous sommes capables de concevoir (autre qu’en temps de guerre) à l’aune des déficits d’où nous venons et qui ont forgé notre horizon. »

Compte tenu de l’évolution de nos économies, vous conviendrez que ce texte est assez savoureux, monsieur le secrétaire d’État, et on peut partager ce point de vue que l’on soit de gauche ou de droite.

Parce qu’elle vise à contourner le TSCG, cette proposition de résolution est un appel à s’exonérer de notre responsabilité. Au travers de ce texte, la majorité considère que l’impact budgétaire des interventions militaires de la France, qui contribuent à la sécurité de l’Europe, doit être soustrait de l’assiette du calcul des 3 % de déficit.

Vous allez encore plus loin puisque la proposition de résolution suggère que certains investissements publics en soient également exclus.

Cette volonté de s’affranchir de nos engagements de maîtrise de notre trajectoire budgétaire doit être dénoncée, à un moment où notre pays reste la lanterne rouge en Europe pour ce qui est de la réduction de son déficit public. Avec un déficit à 4 % du PIB en 2014, la France reste nettement au-dessus de la moyenne de la zone euro – 2,4 % en 2014 contre 2,9 % en 2013 – et de l’Union européenne – 3,0 %.

Si notre déficit public demeure très élevé, le déficit budgétaire de l’État s’aggrave quant à lui de 10,7 milliards d’euros par rapport à 2013. Dans son rapport sur l’exécution du budget de l’État en 2014, la Cour des comptes rappelle que c’est la première fois depuis 2010 que la baisse de ce déficit est interrompue. Une telle progression résulte de l’inquiétante réduction des recettes nettes de 6 milliards d’euros en 2014 et de l’augmentation des dépenses nettes du budget général.

Pis, toujours selon la Cour des comptes, les dépenses exceptionnelles – en particulier le deuxième programme d’investissements d’avenir – ne suffisent pas à expliquer ces très mauvais résultats. Même sans ces dépenses, le déficit budgétaire de l’État s’aggrave de 5,5 milliards d’euros par rapport à 2013, pour atteindre 73 milliards en 2014.

Tenir une politique budgétaire rigoureuse doit également permettre à notre pays de réduire sa dette abyssale. Celle-ci a atteint 95,6 % du PIB en 2014, et non 95 % comme le Gouvernement en fait l’estimation dans le programme de stabilité, soit plus de 2 000 milliards d’euros. Nous sommes loin des 100 milliards de francs évoqués au moment de la fixation de la règle des 3 % ! En un an, notre dette a progressé de 3,3 points de PIB.

Monsieur secrétaire d’État, cette proposition de résolution est un très mauvais signal envoyé à nos partenaires européens. Une fois de plus, vous engagez la crédibilité de notre pays.

Rappelons que, depuis 2012, votre gouvernement ne cesse de négocier avec la Commission européenne des délais supplémentaires pour ramener notre déficit sous la barre des 3 % du PIB. Un nouveau délai de deux ans a ainsi été accordé par Bruxelles en février dernier, fixant l’échéance à 2017. En 2013, la Commission avait déjà accordé un délai supplémentaire. À l’époque, le Gouvernement promettait d’y parvenir dès 2015 !

Monsieur le secrétaire d’État, il est incontestable que la France assume une partie de l’effort militaire pour le compte de nos partenaires européens à travers ses opérations extérieures, notamment dans des zones d’Afrique subsaharienne. Cependant, cet engagement supporté par notre pays ne doit pas être l’occasion d’un relâchement de notre discipline budgétaire, d’autant que les opérations extérieures de la France ne sont en aucun cas un problème européen. Notre pays est souverain. Le chef de l’État est également celui des armées. La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a par ailleurs institué une procédure d’information et de contrôle du Parlement sur les OPEX.

À ce titre, votre texte fait fausse route. Au lieu de chercher des excuses pour contourner les règles budgétaires, votre gouvernement devrait s’orienter vers une plus grande mutualisation des dépenses induites par les OPEX et soutenir l’émergence d’une industrie européenne. La mutualisation est plus que jamais l’une des pistes pouvant nous permettre de résoudre l’impossible équation entre la situation géostratégique et la situation budgétaire.

Cette perspective européenne suppose une dynamique, alors que la France, seule, est à l’arrêt, se demandant dans le même temps si elle a encore les moyens de son ambition militaire. L’Europe peut nous servir à nous projeter : profitons-en !

Aussi, au lieu de faire porter la responsabilité de vos échecs en matière de réduction du déficit public sur les règles qui ont été unanimement acceptées par les États membres de l’Union européenne, votre gouvernement devrait plutôt s’attacher à mettre en œuvre de véritables réformes structurelles, courageuses, qui permettront de renouer avec la croissance, de réduire le chômage et de corriger durablement nos déséquilibres économiques et budgétaires.

Monsieur le secrétaire d’État, au regard de notre poids économique – la France est la deuxième économie de la zone euro – et politique, nous devons, plus que tout autre, faire preuve d’une grande responsabilité. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains ne votera pas cette proposition de résolution européenne.

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Marie-Françoise Bechtel, rapporteure. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des signaux encourageants que vous avez envoyés, même si, en tant que rapporteure, je reste un peu sur ma faim, craignant que l’Europe de la défense, invoquée également par plusieurs intervenants, ne soit un mantra et n’équivaille en réalité à une fuite en avant. Comment, en effet, penser une Europe de la défense sans avoir une diplomatie commune ? Car la défense n’est jamais que l’arme des relations extérieures. C’est un vaste sujet et je ne suis pas sûre que l’Europe de la défense soit autre chose, à ce jour, qu’une sorte de fuite en avant.

Reste la question de la mutualisation, qui est importante. Si le Conseil européen permet d’avancer dans cette direction non seulement en matière d’équipements mais aussi dans ce qui touche au fonctionnement de nos expéditions et interventions militaires, ce sera une bonne chose.

Vous n’avez pas répondu, monsieur le secrétaire d’État, au sujet des investissements, que vous avez laissés hors champ. J’aimerais savoir s’il existe une position gouvernementale. Le sujet est plus large que ce qui sera discuté par le prochain Conseil européen : il s’agit de la déductibilité sous certaines conditions – des conditions moins drastiques que celles que pose la Commission – des investissements.

M. Arnaud Richard, au nom du groupe UDI, a très bien parlé des effets délétères des politiques économiques européennes de type « austéritaire ». Il reproche au texte une approche erronée : où placer le curseur, se demande-t-il, pour déterminer si nous retirons certains types de dépenses et pas d’autres ? Pourtant, nous avons été plusieurs à montrer que certains cas sont évidents. Au moment de la négociation et de la ratification du TSCG, les effets pervers des OPEX n’étaient à l’évidence pas envisagés. Je crains donc que la perspective d’une mutualisation pour demain – ce que j’ai appelé aussi la fuite en avant – ne résolve pas aujourd’hui la question d’engagements budgétaires qui, depuis trois ans déjà, dépassent le milliard d’euros de dépenses sans que soit justifiée par ailleurs l’absence très large, reconnue par M. le secrétaire d’État malgré quelques points encourageants, des États membres dans la prise en charge du surcoût résultant de ces opérations.

Je vous remercie, madame Sas, d’avoir souligné à quel point il est injuste que certains investissements ne soient pas comptabilisés aujourd’hui hors déficit. Comme vous l’avez très bien dit, un investissement d’avenir pour notre économie n’est pas une dette inerte que nous léguons à nos enfants, bien au contraire ! Comment peut-on à la fois ne pas vouloir transmettre la dette à la génération future et laisser cette génération dans un état tel que, faute d’investissement, elle n’aura pas d’emplois pour participer à la richesse nationale et, partant, à l’effort fiscal dont le pays a besoin pour redresser ses comptes et à la réduction de la dette ? Il y a là une contradiction sur laquelle je vous remercie d’avoir attiré mon attention.

Permettez-moi de préciser par parenthèse que la garantie apportée par le plan Juncker s’élève à 21 milliards d’euros. Le montant de 8 milliards que vous évoquez correspond à la contribution de la France.

Au sujet de cette proposition de résolution, vous avez parlé d’« avancées majeures » dans le principe et dans le périmètre. Je vous remercie pour votre soutien.

Au nom du groupe RRDP, madame Hobert, vous avez parlé d’une idée qui a « cheminé ». Cette notion de chemin me plaît. J’avais moi-même adopté la métaphore de la voie pour souligner que nous sommes dans une démarche empirique – « inductive », auraient dit les pères de l’Europe – consistant à améliorer et à assouplir brique par brique des règles européennes qui ne sont actuellement pas satisfaisantes et que personne ne peut trouver telles. Lorsque vous parlez d’un effort budgétaire de 1,5 % du PIB, il s’agit, nous en sommes bien d’accord, de l’effort de défense dans son entier et non du seul coût des opérations extérieures.

J’approuve largement les analyses formulées par M. Nicolas Sansu au nom du groupe GDR. En tant que députée du Mouvement républicain et citoyen, j’ai voté comme lui contre la ratification du TSCG. Je pense encore aujourd’hui que ces règles sont inopportunes, mais, à la différence de M. Sansu, j’essaie d’être constructive et d’examiner, compte tenu du cadre qui nous est imposé, comment on pourrait assouplir ce cadre. Je ne crois pas aux politiques proclamatoires. L’empirisme a parfois du bon, même quand il est, comme ici, très modeste : pour ma part, j’aurais préféré que nous allions vers une renégociation du TSCG ou, au moins, du protocole n12 annexé au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, celui qui définit le déficit. Il était possible, je pense, de concevoir une définition plus intelligente !

Mais cette critique s’adresse aussi à ceux qui ont négocié le TSCG. La France était la seule puissance nucléaire partie prenante au traité, puisque le Royaume-Uni avait refusé d’y entrer – ce qui explique, du reste, que nous ayons un traité intergouvernemental. Elle aurait pu considérer alors qu’elle était dans une position singulière par rapport à d’autres pays !

M. Joaquim Pueyo, rapporteur au nom de la commission des affaires européennes, a donné son accord à la proposition de résolution après un certain nombre d’allers et retours du texte entre nous, et je l’en remercie. Dans son intervention, il souligne à juste titre le contexte nouveau des OPEX mais aussi – phénomène qui m’avait échappé – la baisse des budgets de défense des États membres, qui donne une actualité encore plus forte à la demande que nous formulons ici. Cette baisse ne peut en effet apporter une solution à la multiplication des dangers qui menacent l’Europe. Par contraste, elle met encore plus en valeur notre effort national.

Vous souhaitez également, monsieur Pueyo, que l’on revienne sur la « neutralité » du plan Juncker, en vertu de laquelle ce que nous apportons ne peut être déductible car nous ne sommes pas dans les clous, notamment au regard de la règle des 3 %. Vous demandez que les règles d’investissement soient moins restrictives. Sur ce point comme sur d’autres, nous nous rejoignons largement.

Vous avez cité, cher monsieur Mariani, mon ami Guy Abeille. Il y a longtemps que je n’avais pas lu son récit de la genèse des 3 %, un récit intéressant et original tant il est rare que l’on dise la vérité dans ce domaine. Vous voyez bien que l’administration peut être parfois utile : là où les politiques ne peuvent pas dire les choses, il arrive que les membres de l’administration le fassent !

Cette résolution serait, selon vous, un mauvais signal : parce qu’elle est en trop mauvaise posture, la France ne doit pas donner le sentiment de vouloir s’affranchir de règles par rapport auxquelles elle serait un mauvais élève. Permettez-moi tout de même de vous faire amicalement remarquer, mon cher collègue, que ce sont les décisions prises par la majorité précédente qui sont largement à l’origine de la mauvaise position de la France, tout particulièrement s’agissant de problèmes que nous traitons ici. L’expédition en Libye, sous l’impulsion de MM. Sarkozy et Cameron, a dépassé le mandat donné par l’ONU et a abouti à l’éclatement de l’État libyen.

M. Thierry Mariani. François Hollande l’avait approuvée !

Mme Marie-Françoise Bechtel, rapporteure. Certes, mais elle a été conduite par qui nous savons.

Nous subissons aujourd’hui les effets de cet éclatement, et c’est précisément ce qui nous conduit aux OPEX au Mali et en Centrafrique. Vous auriez pu y penser lorsque vous parliez de la mauvaise position de la France !

Par ailleurs, c’est bien la majorité précédente qui a négocié le TSCG dans un paysage où elle ne s’était donné aucune visibilité pour fixer des indicateurs de redressement à la France, notamment en matière de compétitivité. Elle s’est bornée à baisser la tête devant l’Europe, prenant tout ce qu’il y avait de punitif et ne réfléchissant pas à ce que serait la compétitivité de demain. La majorité actuelle, elle, a fait cet effort. C’est pourquoi je ne crois pas que la France soit moins crédible aujourd’hui pour demander un assouplissement des règles européennes, ne fût-ce que par la voie d’un assouplissement des recommandations de la Commission – c’est ce que regrette M. Sansu – et non par une renégociation du TSCG, qu’elle ne l’était au moment de la négociation dudit traité.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je me contenterai de revenir sur les critiques formulées au sujet de la crédibilité de nos engagements européens.

La discussion sur le traitement des dépenses de défense dans le calcul des déficits n’est pas propre à la France : un nombre croissant de nos partenaires se pose des questions à ce sujet. Aussi aurais-je aimé que l’on fasse l’économie, dans ce débat utile, de certaines attaques simplificatrices. Au reste, j’ai apprécié l’intervention de M. Richard qui, au nom de l’Union des démocrates et indépendants, évoquait comme Mme la rapporteure ces déficits publics dus, nous disait-il, à une mauvaise gestion depuis de nombreuses années.

Vous qui souteniez les gouvernements de l’époque, monsieur Mariani, vous ne devriez pas avoir la mémoire si courte ! Nous débattons, je le rappelle, des formes que peut prendre la solidarité européenne en matière de défense, et ce sujet important mérite nettement mieux que cette critique politicienne.

En général, nous sommes d’accord. J’ai fréquenté, avec vous, d’autres assemblées, et nos clivages, sur ce sujet, se trouvaient gommés. Aujourd’hui, alors que vous êtes porte-parole des Républicains, ce n’est malheureusement pas le cas.

Cette discussion sur les modalités de calcul du déficit de la dépense publique ne remet pas en cause la dynamique du rétablissement des comptes publics, qui sera poursuivi par le Gouvernement conformément au programme de stabilité 2015-2018.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de résolution.

Article unique

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à M. Philip Cordery.

M. Philip Cordery. Je veux remercier Marie-Françoise Bechtel d’avoir déposé cette proposition de résolution européenne et saluer le travail accompli par Joaquim Pueyo, rapporteur pour la commission des affaires européennes. Tous deux ont permis d’améliorer ce texte.

C’est la première fois qu’un texte spécifique est consacré à la question budgétaire des 3 %, même si elle est récurrente dans les travaux de la commission des affaires européennes, et que plusieurs rapports, notamment ceux d’Estelle Grelier sur le prélèvement sur recettes, en font état.

Lorsque les critères de Maastricht ont été instaurés, nous traversions une période de forte croissance ; la limitation du déficit à 3 % était parfaitement justifiée. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. En situation de quasi-déflation, on ne peut plus considérer un pourcentage de déficit de la même manière. C’est la raison pour laquelle nous souhaitions davantage de flexibilité.

La Commission européenne l’a compris et a présenté une communication sur les flexibilités budgétaires du Traité. Cela ne signifie pas que nous sommes contre la rigueur budgétaire ; bien au contraire, nous la prônons au niveau européen. Mais rigueur budgétaire n’est pas synonyme d’austérité : avoir les mains liées par des objectifs identiques, quel que soit l’environnement économique, rend le risque de déflation réel.

C’est pourquoi la proposition visant à soustraire de son déficit public les efforts de la France en matière de défense, lorsque ceux-ci portent sur des OPEX sous mandat de l’ONU ou qu’ils bénéficient à toute l’Union européenne, est équilibrée. De la même manière, on pourrait imaginer que l’Italie soustraie certaines de ses dépenses lorsqu’elles sont liées, par exemple, à l’accueil des réfugiés. Dans le même esprit, il convient d’ouvrir ces possibilités aux dépenses effectuées par les États membres dans le cadre de programmes européens.

Cette proposition de résolution européenne est une bonne nouvelle pour la relance européenne, désormais à l’ordre du jour grâce à la réorientation de l’Union européenne amorcée par le Président de la République.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Je me félicite à mon tour de l’initiative prise par le groupe SRC, et surtout par Marie-Françoise Bechtel et les députés du MRC, pour faire reconnaître les efforts consentis par la France dans le domaine militaire. J’ai eu l’occasion d’aborder cette question jeudi dernier, lors de l’examen en séance publique de l’actualisation de la loi de programmation militaire.

Je veux dire l’importance que les députés du MRC attachent à cette proposition de résolution, qui vise à ce que les efforts consentis par la Nation soient reconnus par nos partenaires européens. En participant à l’effort de défense, au travers des OPEX, mais aussi des actions menées sur notre propre territoire, nous contribuons à défendre l’ensemble du continent, ce dont bénéficient tous les pays de l’Union européenne.

Ce texte, monsieur le ministre, doit être défendu de manière résolue auprès de nos partenaires, afin que soient prises en compte les modalités judicieuses de calcul proposées par notre rapporteure.

M. le président. Nous en venons aux amendements.

La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n1.

Mme Eva Sas. La commission des affaires européennes a souhaité supprimer toute référence à la dissuasion nucléaire dans ce texte, car celle-ci relève essentiellement d’une politique de défense nationale et non d’une mutualisation au niveau européen. Nous proposons de revenir à la rédaction voulue par la commission des affaires européennes en supprimant cette référence, ajoutée inutilement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Françoise Bechtel, rapporteure. Le projet de résolution que j’avais rédigé préconisait que l’effort spécifique nucléaire de la France soit intégré dans un assouplissement des règles du TSCG. Je me suis laissée convaincre qu’il n’était pas utile de l’inclure dans le champ. Comme je l’ai dit tout à l’heure à Thierry Mariani, contrairement aux OPEX, la dissuasion nucléaire existait lorsque nous avons négocié le TSCG : la majorité d’alors aurait bien fait de s’aviser que la France était une puissance nucléaire et n’aurait jamais dû accepter que l’appréciation du solde public nominal et structurel puisse intégrer les dépenses liées au maintien de la dissuasion nucléaire.

Il convient donc, pour des raisons de pure logique, de laisser la dissuasion nucléaire hors du champ de ce texte. Cela demeure une question que le ministre de la défense se chargera peut-être un jour d’évoquer devant le Conseil européen. Pour ma part, je le souhaite.

La commission des finances a été sensible à mon argumentation et a considéré qu’il s’agissait simplement d’une incidente, introduite dans le texte à l’alinéa 18. Ainsi, la négociation auprès de la Commission portera sur les dépenses en matière de défense, « indépendamment même du coût lié à l’entretien d’une force de dissuasion nucléaire ». Je pense que cette rédaction est suffisamment claire. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Comme je l’ai dit, le traitement des dépenses de défense est un sujet qui mérite d’être approfondi dans ses modalités et dans ses implications. La dissuasion nucléaire, garantie ultime de la protection et de l’indépendance de la Nation, contribue aussi par son existence à la sécurité de l’Europe. Certes, il n’est pas opportun de porter le débat au niveau européen pour exclure du calcul du déficit des dépenses qui seraient liées à la dissuasion.

Mais à l’inverse, je ne peux partager la logique qui consiste, par principe, à exclure de ce texte la simple référence à l’effort de la France en matière de dissuasion. Je demande le retrait de cet amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Philip Cordery.

M. Philip Cordery. La commission des affaires européennes a considéré qu’il fallait exclure du domaine de cette proposition de résolution la question du nucléaire. En Europe, les avis divergent sur la dissuasion nucléaire française et personne n’estime souhaitable de débattre de cette question au niveau européen. Cela doit rester une discussion nationale. C’est le sens de cet amendement, que je soutiens.

(L’amendement n1 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement n5.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Cet amendement tend à supprimer le considérant relatif aux objectifs de la Commission européenne en matière de climat et d’énergie. Je ne suis pas opposée à ce que ces objectifs existent, mais je pense les désigner revient à restreindre le champ, et à indiquer que le Gouvernement ne devrait négocier que sur la question des investissements en matière énergétique. Mme Sas aura satisfaction par la suite, puisque l’amendement n6, dont je suis l’auteure, introduit dans le texte une allusion à la transition énergétique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. À trop vouloir élargir la portée de ce texte, on risque de perdre en lisibilité. Dans le contexte actuel, et alors que plusieurs partenaires s’interrogent sur l’opportunité d’un traitement différencié des dépenses de défense, il conviendrait d’éviter de multiplier à l’excès les points de discussion. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, dont émane la résolution.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. L’alinéa 19 a été introduit par la commission des affaires européennes. Il ne s’agit que d’un considérant, qui souligne simplement que l’Union européenne compte parmi ses objectifs la transition énergétique, un sujet central dans les politiques européennes. En aucun cas il ne pointe une dépense qu’il s’agirait d’exclure du calcul du déficit. Il serait dommage de supprimer cet alinéa.

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. La commission des affaires européennes a souhaité rappeler les objectifs fixés à l’ensemble des pays de l’Union. Il s’agit d’appuyer l’idée qu’il serait légitime d’exclure du calcul du déficit les investissements cofinancés qui iraient dans le sens de ces objectifs. Le but est de rappeler ces enjeux, sans s’écarter de notre volonté de conserver une vision large des investissements que nous pouvons exclure. Je propose de maintenir l’alinéa 19.

(L’amendement n5 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philip Cordery, pour soutenir l’amendement n4.

M. Philip Cordery. Avec Estelle Grelier, je propose par cet amendement de revenir au texte adopté par la commission des affaires européennes. La logique de l’alinéa 22 était d’exclure de l’appréciation du solde public nominal et structurel les contributions nationales nettes au budget de l’Union européenne. Il ne s’agit pas d’exclure des investissements qui seraient réalisés par un seul État membre, mais ceux qui permettent de contribuer à la construction européenne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Françoise Bechtel, rapporteure. Comment peut-on vouloir exclure du calcul du déficit le solde de notre contribution au budget de l’Union européenne, dans la mesure où c’est, en quelque sorte, le résultat de tout ce qui n’aurait pas été fait ? C’est une manière contournée, presque punitive, d’aborder les choses, qui ne s’inscrit pas du tout dans l’esprit de la résolution.

Autant l’on pouvait discuter des autres amendements, autant la logique de celui-ci m’échappe. Il serait plus logique de dire que les 8 milliards d’euros dont la France abonde le plan Juncker devraient être déduits du déficit. C’est ce que proposeront les amendements suivants. Mais j’avoue que je ne comprends pas pourquoi soustraire du calcul du déficit le solde net de notre contribution au budget de l’Union, alors que cette question a été amplement examinée lors de la définition du déficit.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Là encore, cet amendement conduirait à ouvrir largement le champ des dépenses exclues du calcul des déficits, ce qui serait peu lisible et inefficace. Je m’en remets toutefois à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Je soutiendrai cet amendement car il est logique que la contribution à l’Union européenne soit extraite du calcul du déficit, l’idée étant d’en retirer tout ce qui contribue aux objectifs européens et tout ce qui est mutualisé. Or, la première chose à mutualiser est bien entendu la contribution au budget européen.

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Je soutiens également cet amendement. Il ne s’agit pas de retirer du déficit la contribution de la France mais le solde. C’est différent.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Marie-Françoise Bechtel, rapporteure. Je maintiens que cet amendement est sans rapport avec le texte. J’irai même jusqu’à dire qu’il jure avec sa logique. C’était en tout cas l’avis de la commission des finances.

(L’amendement n4 est adopté et l’amendement n2 tombe.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, rapporteure, pour soutenir l’amendement n6.

Mme Marie-Françoise Bechtel, rapporteure. Cet amendement tend à prévoir que certains investissements nationaux pourraient être déduits du calcul du solde nominal et du solde structurel. Des conditions précises seraient fixées par les instances compétentes – Conseil de l’Union européenne et Commission européenne – afin de déterminer des règles communes relatives à l’effet positif de l’investissement sur les finances publiques, ce qui suppose une évaluation à moyen terme et non à l’année. Les règles fixeraient aussi le principe selon lequel il ne peut s’agir que d’investissements directs et bien entendu vérifiés, selon des méthodes appropriées et communes. Quant au contenu de ces investissements, il devrait également être précisé dans les mêmes formes avec l’énumération des domaines auxquels ils peuvent s’appliquer, tels que la transition énergétique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Je m’en remets, là encore, à la sagesse de l’Assemblée, tout en rappelant que, dans le contexte actuel, il serait préférable de ne pas élargir les sujets de discussion.

M. le président. La parole est à M. Philip Cordery.

M. Philip Cordery. Nous proposons d’en rester au texte de la commission des affaires européennes qui prévoit, en son alinéa 22, des assouplissements en faveur des dépenses réalisées dans le cadre de programmes européens – les projets cofinancés par le fonds européen pour les investissements stratégiques, c’est-à-dire dans le cadre du plan Juncker. Nous ne souhaitons pas élargir la mesure aux dépenses réalisées individuellement par certains États, ce qui est l’objet de cet amendement. Nous voterons donc contre.

(L’amendement n6 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement n7.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Il s’agit d’un amendement de repli. Compte tenu du vote précédent, je ne nourris guère d’illusions. Cet amendement visait simplement à préciser davantage les conditions auxquelles devraient répondre les investissements positifs, directs et vérifiés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Sagesse.

(L’amendement n7 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n3.

Mme Eva Sas. Par cet amendement d’appel, nous voulons ouvrir le débat sur la prévention sanitaire, en vous proposant d’exclure les dépenses d’investissement liées à la prévention sanitaire. Bénéfiques pour la société, elles permettent de réaliser des économies, au titre notamment de la Sécurité sociale, à court et moyen terme.

La tendance étant plutôt à la restriction du champ et à une définition claire du périmètre, on me demandera sans doute de retirer cet amendement, mais je voudrais que l’on comprenne bien que la prévention sanitaire est un investissement porteur d’économies sur l’avenir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Françoise Bechtel, rapporteure. Je remercie Mme Sas d’avoir repris ma notion d’effet budgétaire positif direct ou indirect et vérifié. Il me semblerait paradoxal qu’après avoir rejeté mon amendement, nous adoptions celui-ci qui concerne des investissements ciblés. Le risque d’exposition aux toxiques est très sérieux mais il a sa spécificité. De surcroît, l’amendement va très loin car il ne s’agit plus de demander à la Commission de réviser sa recommandation mais de revoir le TSCG lui-même, idée initiale de votre rapporteure mais par la suite abandonnée au profit d’une action du Gouvernement vers la Commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Même avis. Il ne me semble pas utile d’alourdir par une énumération trop précise le texte. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Dans un souci de consensus et afin de respecter le périmètre défini par la commission des affaires européennes, je retire cet amendement. Le texte est suffisamment équilibré et précis.

(L’amendement n3 est retiré.)

Vote sur l’article unique

M. le président. Je mets aux voix l’article unique de la proposition de résolution.

(L’article unique, amendé, est adopté, ainsi que l’ensemble de la proposition de résolution.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Prévention et lutte contre le tabac

Discussion d’une proposition de résolution européenne

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne appelant à une coordination des politiques européennes en matière de prévention et de lutte contre le tabac (nos 2716, 2838, 2805).

Présentation

M. le président. La parole est à M. Philip Cordery, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Philip Cordery, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de résolution européenne appelant à une coordination des politiques européennes en matière de prévention et de lutte contre le tabac vous est présentée dans le texte adopté par la commission des affaires sociales, lui-même conforme au texte amendé par la commission des affaires européennes. C’est en qualité de rapporteur de ces deux commissions que je m’exprime.

La consommation de tabac constitue la première cause de décès prématuré en Europe : selon le périmètre des affections prises en compte, le tabac tue entre 650 000 et 750 000 Européens chaque année, soit plus que la population du Luxembourg. On estime que le tabac tue entre 73 000 et 90 000 fumeurs par an en France. Pour notre pays, le coût social du tabac est estimé à 47 milliards d’euros par an alors que la fiscalité du tabac représente seulement 11 milliards d’euros de recettes en 2014.

Nous le savons, dans l’espace européen, les actions de lutte contre le tabagisme sont fragilisées par la disparité des politiques nationales et en particulier par les différences de prix du tabac dans les différents États membres.

La coordination de l’action au plan européen, et en particulier entre États frontaliers, paraît donc indispensable. Mais affirmer l’importance d’une harmonisation par le haut en Europe ne constitue en aucun cas un argument pour négliger les possibilités que nous offre d’ores et déjà la législation nationale. C’est la raison pour laquelle, lors de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, nous avons refusé de faire de la coordination européenne un préalable à toute mesure ambitieuse. Notre majorité a résolument refusé l’inaction.

Au contraire, nous avons choisi de faire de la lutte contre le tabagisme un des domaines d’action prioritaire de la prévention en santé. Nous avons adopté des mesures extrêmement volontaristes pour mettre en œuvre le programme national de réduction du tabagisme et aller au-delà de mesures de coordination déjà prévues au plan européen.

Cette impulsion nouvelle au niveau national autorise notre pays à appeler nos partenaires européens à être plus ambitieux contre le tabagisme.

S’agissant du tabac, les traités européens pâtissent d’une ambiguïté, pour ne pas dire une contradiction : le tabac constitue en premier lieu une marchandise licite et bénéficie à ce titre des garanties de la libre circulation. Mais en même temps il est reconnu par l’Union européenne comme un fléau de santé publique. L’Union européenne a donc réglementé les produits du tabac ainsi que les droits assis sur leur consommation, au même titre que pour les autres produits, mais l’Union a également adopté des actes visant à développer les espaces non-fumeurs, à lutter contre le commerce illicite et à développer les campagnes antitabac. En matière de santé publique, il s’agit au demeurant d’une simple compétence d’appui aux États membres.

La lutte contre le tabagisme nécessite d’actionner deux leviers : d’une part les mesures de santé publique qui préviennent l’entrée ou aident à sortir du tabagisme et d’autre part, l’action sur le prix du tabac, dans lequel les taxes sont déterminantes. C’est sur ce second point que la situation est la plus délicate au niveau européen.

Nous le savons, des augmentations importantes des prix permettent d’obtenir des baisses significatives de la consommation de tabac : en dernier lieu, cela a été illustré en France par le plan cancer engagé en 2003 et 2004. Une hausse rapide du prix atteignant 40 % a alors entraîné une baisse des ventes de près de 30 %.

Mais depuis 2007, la diminution de la consommation de tabac s’est interrompue, et on peut même constater une hausse. Parmi les adultes, la consommation quotidienne de tabac a augmenté de deux points entre 2005 et 2010 pour atteindre 30 %. Chez les jeunes âgés de 17 ans, elle dépasse 31 %, soit une augmentation de 2,6 points en trois ans à la fin de la dernière décennie.

Or nous rencontrons aujourd’hui des difficultés à mobiliser de nouveau l’outil tarifaire. Nous en connaissons la cause : le commerce hors réseau, alimenté à la fois par la contrebande organisée par les industriels et par les ventes transfrontalières licites résultant des différences de prix de chaque côté de la frontière.

Dans les pays d’Europe occidentale au niveau de vie comparable, le prix du paquet de cigarettes le plus demandé s’étale de 4,80 euros au Luxembourg à 9,94 euros au Royaume-Uni. En France, ce prix est de 7 euros : il est donc plus élevé que chez chacun de nos voisins d’Europe continentale – 5,47 euros en Belgique ou en Allemagne, 4,75 euros en Espagne.

Différents facteurs entrent en ligne de compte. Si le prix fixé par les producteurs est libre, il tient compte du niveau de vie des populations et fait toujours l’objet d’un agrément, de droit ou de fait, par les autorités nationales. Cependant, à niveaux de vie équivalents, c’est la fiscalité, dont la part dans le prix de vente varie de près de 20 points entre pays comparables, qui joue un rôle décisif. Par exemple, le minimum de perception pour 1 000 cigarettes est de 210 euros en France, mais de 105 euros au Luxembourg, 128 euros en Espagne ou 137 euros en Belgique.

On mesure les effets de ces différences pat l’écart entre le chiffre d’affaires lié au tabac par fumeur enregistré par le réseau des buralistes en zones frontalières et ce même chiffre d’affaires sur le reste du territoire. Pour une dépense annuelle d’environ 300 euros par fumeur, l’écart était de 12 euros en 2002 mais a atteint 76 euros moins de dix ans plus tard : il a donc été multiplié par plus de six. Cet écart représente un chiffre d’affaires de 1,4 milliard d’euros, absorbés par le commerce transfrontalier, soit près de 200 millions de paquets de cigarettes.

L’harmonisation par le haut ne peut venir que de la coopération entre États. Les décisions en matière de droits d’accises sur le tabac sont régies par la règle de l’unanimité, et l’Union européenne ne dispose pas de compétence fiscale permettant de définir, par exemple, des taux de taxes additionnelles sur le prix du tabac.

La directive de 2011 concernant la structure et les taux des accises applicables aux tabacs manufacturés comporte des mesures très limitées : l’accise globale minimale sur les cigarettes a été portée de 57 % à 60 % du prix de vente, et le niveau minimal des droits sur le tabac à rouler passera de 47 euros par kilo en 2014 à 67 euros en 2020.

Nous ne pourrons apporter une réponse à la hauteur du défi sanitaire auquel nous sommes confrontés que si les États membres coordonnent véritablement leur action en matière fiscale. Aussi cette proposition de résolution appelle-t-elle à l’harmonisation des politiques menées au sein de l’Union européenne dans les différents domaines de la lutte contre le tabagisme.

Tout d’abord, l’aboutissement ultime de la lutte contre toute publicité pour le tabac est la mise en place du paquet neutre. La proposition de résolution demande donc à la Commission européenne de fournir à l’ensemble des États membres des éléments d’évaluation a posteriori de l’introduction du paquet neutre par certains États membres. Dans la mesure où certains États auront adopté le paquet neutre et que d’autres se seront contentés de mettre en place le paquet « directive », la Commission européenne pourra comparer les effets respectifs de ces deux paquets en matière de santé publique, mais aussi analyser leurs conséquences sur le commerce transfrontalier ou sur la contrebande. Cette demande d’évaluation est d’ailleurs cohérente avec l’article 5 duovicies du projet de loi de modernisation de notre système de santé adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, issu d’un amendement de notre collègue Bernadette Laclais, qui prévoit la remise d’un rapport sur les effets du paquet neutre.

Logiquement, la proposition de résolution invite également le gouvernement français à promouvoir le paquet neutre auprès de ses partenaires européens.

Mes chers collègues, ceux d’entre nous qui ont refusé l’adoption du paquet neutre, par crainte de voir la France s’engager seule dans cette voie en Europe continentale, devraient à tout le moins soutenir cet aspect de la proposition de résolution. Puisque le paquet neutre sera appliqué en France, autant s’assurer que le Gouvernement s’efforcera d’y rallier le plus grand nombre de nos partenaires européens, en particulier nos voisins, afin de maximiser les effets de la mesure. Au demeurant, la France n’est pas seule dans ce combat : elle pourra s’appuyer sur l’action du Royaume-Uni ou de l’Irlande.

Par ailleurs, la proposition de résolution mobilise l’outil tarifaire en appelant à une harmonisation par le haut de la fiscalité, avec une attention particulière pour les zones frontalières. Malgré les contraintes budgétaires, le texte invite la Commission européenne à accroître sa participation financière aux campagnes nationales de lutte contre le tabac. En raison des spécificités du rapport social au tabac dans les différentes nations européennes, cette approche paraît plus efficace que d’engager des campagnes de prévention au niveau européen. Elle est, en outre, conforme au principe de subsidiarité.

Cette politique doit être complétée par un renforcement de la lutte contre les achats transfrontaliers illicites de tabac. L’article 18 de la directive du 3 avril 2014 autorise les États membres à interdire la vente à distance transfrontalière de produits du tabac destinés aux particuliers. Cette mesure est largement transposée par la France : en dernier lieu, l’article 93 de la loi de finances rectificative pour 2014 interdit et réprime non seulement la vente – ce qui était déjà le cas –, mais aussi l’achat à distance de tabac. Cet article définit également les moyens opérationnels utilisables par les services des douanes, en liaison avec les sociétés de distribution. Mais la coopération entre les administrations des douanes des différents États membres peut encore être améliorée : la proposition de résolution demande donc à la Commission européenne de préciser les modalités pratiques de mise en œuvre de cette interdiction.

Enfin, je salue l’initiative de notre collègue Michèle Delaunay, qui a proposé, lors de l’examen de ce texte par la commission des affaires européennes, l’ajout d’un ultime alinéa appelant la Commission européenne « à élaborer des recommandations destinées à harmoniser les procédures civiles en matière de recours des victimes du tabac et à promouvoir les actions de groupe ». La procédure civile relève de la compétence nationale : l’Union européenne ne peut donc émettre que des recommandations, mais nous aurons tout à gagner à comparer les approches nationales afin de mieux contrer les stratégies des multinationales.

Je vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, 78 000 morts par an en France, c’est 214 morts chaque jour ou neuf morts toutes les heures. Le tabac est à l’origine d’une hécatombe silencieuse, insidieuse, dont le monde entier est victime. L’Organisation mondiale de la santé le rappelle : si aucune mesure d’urgence n’est prise, le nombre annuel de décès liés au tabac pourra dépasser 8 millions d’ici 2030.

Cette situation est d’autant plus inacceptable qu’elle est évitable – le tabac n’est pas une fatalité –, et d’autant plus insupportable qu’elle est socialement injuste. Les classes populaires et les personnes au chômage fument davantage que les autres. Cancers, maladies cardiovasculaires, insuffisance respiratoire, maladies infectieuses : ces maux viennent les frapper durement et durablement. Lutter contre le tabagisme, c’est donc se battre pour la santé publique, mais aussi s’engager en faveur d’une société plus juste. Ce sujet dépasse les clivages politiques : il doit nous rassembler. Cet enjeu a pleinement sa place dans les débats de cet hémicycle.

C’est pourquoi, au nom de Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, dont je vous prie d’excuser l’absence, j’apporte le soutien du Gouvernement à cette proposition de résolution soutenue par le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Depuis 2012, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour mener ce combat. Marisol Touraine a présenté, en septembre dernier, un plan de lutte contre le tabagisme. Ce programme national de réduction du tabagisme – PNRT – a été salué par l’ensemble des associations de lutte contre le tabac, parce qu’il comprend des mesures concrètes, ambitieuses, loin des caricatures hygiénistes, et parce qu’il établit une stratégie coordonnée, articulée autour de trois axes : protéger les jeunes, aider les fumeurs à arrêter, agir sur l’économie du tabac. L’objectif est clair : nous voulons faire de la génération d’enfants qui naissent aujourd’hui la première génération d’adultes sans tabac. La prévalence du tabac devra diminuer de 10 % en cinq ans et être descendue sous la barre des 20 % de fumeurs quotidiens dans dix ans.

Depuis la présentation du PNRT, plusieurs mesures ont déjà été mises en œuvre. Une campagne d’information choc a été diffusée. Le montant de l’aide financière pour arrêter de fumer a été triplé pour les jeunes de 20 à 25 ans. L’obligation de faire figurer sur les contenants de tabac un pictogramme informant du danger de fumer pendant la grossesse entre en vigueur cette année. Je veux rappeler que la France est l’un des pays européens où les femmes fument le plus pendant leur grossesse. À compter de septembre 2015, tous les paquets devront comporter ce pictogramme. Enfin, Marisol Touraine a récemment annoncé que, dès cet été, les enfants pourront librement jouer dans les aires de jeux sans être exposés à la fumée de cigarette ni aux mégots.

M. Thierry Mariani. Très bien !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. D’autres mesures du plan nécessitent une base législative : elles figurent donc dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé, que vous avez adopté en première lecture. Avec ce texte, nous faisons le pari de la prévention en matière de santé. Nous agissons en direction des jeunes. La mise en place du paquet neutre va permettre de casser l’attrait du tabac. Cette mesure a fait ses preuves en Australie, tandis que plusieurs de nos voisins européens ont fait part de leur volonté de l’adopter. En France, le paquet neutre sera la règle dès le mois de mai 2016. Toujours pour protéger les jeunes, il sera désormais interdit de fumer dans des véhicules en présence de mineurs, dont les poumons, encore en croissance, sont particulièrement perméables à la fumée. Enfin, avec ce texte, la France engage un mouvement historique pour la transparence des activités de lobbying de l’industrie du tabac, qui devront désormais faire l’objet d’une publication.

La présente proposition de résolution appelle à une action européenne. Le Gouvernement partage pleinement cet objectif. Il est indispensable d’agir au niveau européen : l’harmonisation et la coordination des législations sont essentielles. Il s’agit là d’une garantie d’efficacité sur le long terme pour nos politiques nationales.

La directive européenne dont la plupart des mesures seront effectives le 20 mai 2016 s’inscrit dans cet objectif et constitue un progrès indéniable. Elle agit dans le domaine de la prévention en interdisant les arômes visant à masquer l’âpreté du tabac pour en faciliter la consommation. Elle prévoit ensuite le développement de la traçabilité des paquets, afin de lutter contre la contrebande qui remet en cause nos politiques nationales et déstabilise le réseau des buralistes. Parallèlement à la directive, le troisième programme d’action de l’Union dans le domaine de la santé pour la période 2014-2020 fait de la lutte contre le tabagisme actif et passif une grande priorité.

Mais il nous faut aller plus loin. L’Union européenne doit agir d’une seule voix. Les législations des différents États membres doivent être coordonnées.

S’agissant des prix, la France est le pays d’Europe continentale où le paquet de cigarettes est vendu le plus cher – 7 euros en moyenne, contre 4,80 euros au Luxembourg ou 4,75 euros en Espagne. Le Gouvernement s’attache donc à rechercher les voies d’une convergence au sein de l’Union européenne, afin que les différentiels de prix du tabac entre pays de l’Union aillent en diminuant. Il en va de l’efficacité de la politique de lutte contre le tabagisme menée par la France.

S’agissant des achats transfrontaliers, nous savons que la politique de prix ne peut tolérer que chaque particulier puisse rapporter en France un grand nombre de cartouches de tabac. Nous devons donc poursuivre notre effort au niveau européen afin de rendre plus stricte la limitation des importations privées de tabac.

La lutte contre le commerce illicite de tabac doit également être renforcée. Le projet de loi de ratification du protocole de l’OMS pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac sera prochainement inscrit à l’ordre du jour de votre assemblée. Ce protocole vise à combattre le trafic illicite du tabac grâce à une meilleure traçabilité des produits, au renforcement des sanctions pénales et à la coopération internationale des services de répression des fraudes et des services judiciaires. La France l’a signé en janvier 2013 à Genève, et le Conseil des ministres a adopté le projet de loi prévoyant sa ratification le 29 avril dernier. À ce jour, huit États, dont l’Espagne et l’Autriche, ont ratifié ce protocole. La France doit envoyer un signal fort au sein de l’Union européenne en le ratifiant rapidement.

Enfin, la communication sur les risques liés au tabac est aussi un enjeu européen. La Commission européenne a déjà mené plusieurs campagnes. La campagne « Les ex-fumeurs, rien ne les arrête » ciblait par exemple les fumeurs de 25 à 34 ans : un coach en ligne analysait le comportement tabagique des utilisateurs et leur prodiguait des conseils pratiques et personnalisés. Ces initiatives doivent être renouvelées et multipliées.

Mesdames et messieurs les députés, cette proposition de résolution s’inscrit dans un vaste mouvement de mobilisation de la communauté internationale pour lutter contre le tabagisme. Il y a quelques jours, à l’occasion de la soixante-huitième assemblée mondiale de la santé à Genève, Marisol Touraine appelait la communauté internationale à se mobiliser sur ce sujet. Elle réunira prochainement en France les représentants des pays les plus avancés dans la lutte contre le tabac, qui sont en grande partie européens.

Le Gouvernement s’engage donc résolument et soutient pleinement cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de résolution européenne est la parfaite illustration de l’absence totale de méthode qui caractérise l’action de la majorité concernant les sujets cruciaux. Vous allez me dire que ça commence bien. (Sourires.)

M. Thierry Mariani. En effet !

M. Arnaud Richard. Nous sommes ici toutes et tous confrontés à un véritable fléau, responsable du décès de 215 personnes par jour en France. Nous sommes face à un drame sanitaire qui coûte 47 milliards d’euros par an à la solidarité nationale et ne rapporte que 11 milliards d’euros en fiscalité ! Un drame qui frappe les plus jeunes, pour lesquels les messages de prévention sont insuffisamment efficaces, et qu’il faut pourtant impérativement protéger de l’entrée dans le tabagisme.

Nous sommes tous convaincus qu’il est nécessaire de muscler notre arsenal de lutte contre le tabagisme, car le tabac demeure la première cause de décès prématuré évitable dans l’Union européenne. Il continue de tuer 700 000 personnes chaque année, ce qui démontre clairement l’insuffisance des politiques publiques européennes et nationales menées jusqu’ici, aussi nécessaires et indispensables soient-elles.

Et que nous propose aujourd’hui la majorité ? Une résolution en faveur de la coordination des politiques européennes en matière de prévention et de lutte contre le tabac ! C’est un peu fort de café, monsieur le rapporteur !

Vous souhaitez une coordination des politiques européennes alors qu’en votant la mesure phare du Programme national de réduction du tabagisme lors de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, vous avez, avec l’instauration du paquet neutre, mis en place un dispositif qui va plus loin que celui proposé par la directive européenne. Comprenne qui pourra !

Notre groupe a évidemment conscience que le statu quo n’est plus tenable et qu’il convient de passer à la vitesse supérieure pour lutter contre le tabagisme.

J’y ai modestement concouru lors de l’examen du projet de loi santé en faisant adopter un amendement prévoyant que les buralistes seraient tenus d’exiger le justificatif de l’âge de l’acheteur. J’avais également fait adopter un amendement, évoqué par Mme la secrétaire d’État, prévoyant l’interdiction de fumer en voiture en présence d’un jeune de moins dix-huit ans.

Pour autant, disons-le sans détour, nous ne sommes pas persuadés que le paquet neutre, au centre de cette proposition de résolution, puisse être l’alpha et l’oméga de la lutte contre le tabagisme, comme vous semblez le croire.

Nous sommes même convaincus que vous avez pris un risque important en allant au-delà des dispositions de la directive avant que la France ait entrepris des démarches auprès de la Commission pour favoriser l’harmonisation européenne dans la lutte contre le tabagisme.

Car le paquet neutre n’aura en effet aucun impact sur le marché parallèle, qui représente 25 % de la consommation de tabac, et qui fragilise le réseau de buralistes présents sur tout notre territoire.

En outre, comment pouvez-vous fermer les yeux sur le fait que le paquet neutre puisse favoriser une guerre des prix en France, au détriment de nos tabaculteurs ?

Enfin et surtout, vous avez isolé la France alors qu’elle aurait dû inscrire sa lutte contre le tabac dans une démarche collective, sans chercher à mettre en œuvre des mesures excessives, sous peine de favoriser la contrebande et le commerce transfrontalier que votre proposition de résolution entend pourtant combattre.

La politique de lutte contre le tabac conduite au niveau national ne saurait être efficace sans qu’elle soit également relayée au niveau de l’Union européenne.

La réciproque est vraie : l’Union européenne ne disposant que de prérogatives limitées dans le domaine de la lutte contre le tabac, la politique européenne ne peut avoir d’impact que si les plans d’actions nationaux sont mis en œuvre de manière coordonnée.

Faire de la France le moteur de la lutte contre le tabac en Europe ne signifie pas qu’il faille avancer tout seul. Il faut coordonner les actions. Or l’instauration du paquet neutre ne va pas dans ce sens.

Ce n’est pas la démarche qui a été privilégiée par le Gouvernement et cette proposition de résolution est en quelque sorte une session de rattrapage.

Vous érigez l’Australie, qui a mis en œuvre le paquet neutre, en véritable modèle. Est-il nécessaire de souligner combien les situations de la France et l’Australie sont différentes, ne serait-ce que parce qu’elles ne sont pas soumises à la même pression concernant la contrebande et la contrefaçon ?

Faut-il vous rappeler qu’en Australie, l’instauration du paquet neutre s’est accompagnée d’une hausse significative des prix ?

Or comme le soulignent les auteurs de la proposition de résolution européenne et comme le défend le groupe UDI, la fiscalité est l’arme la plus efficace pour prévenir le tabagisme ou inciter à l’arrêt du tabac.

Pour autant, ces hausses de fiscalité, qui doivent être au cœur de notre politique de santé publique, doivent être envisagées en tenant compte de la diversité des taux de fiscalité appliqués au tabac au sein de l’Union européenne.

La politique fiscale de la France en la matière soulève d’ores et déjà des problématiques majeures : des pertes de recettes conséquentes pour nos finances publiques, la disparition des bureaux de tabac qui sont des commerces de proximité avant tout – ce qui n’est pas le cas en Australie –, l’explosion de la contrebande et des approvisionnements frontaliers.

En revanche, une harmonisation européenne permettrait de renforcer les effets positifs de la hausse du prix du tabac sur la consommation et neutraliserait les effets négatifs de notre politique fiscale. Nous le savons : l’Europe ne peut pas s’emparer de l’outil fiscal sans l’accord des États membres.

Il appartient par conséquent à la France de promouvoir cette démarche auprès de nos partenaires européens. Je souhaite que cette proposition de résolution puisse y contribuer.

Vous le voyez, si nous partageons certains des objectifs poursuivis par cette proposition de résolution européenne, nous demeurons pourtant sceptiques quant à ses recommandations qui, en creux, donnent à voir les contradictions de la politique du Gouvernement en matière de lutte contre le tabac.

Néanmoins, je tempérerai mon propos. Les ravages du tabac exigent que la représentation nationale soit unie face à ce fléau. Aussi, en dépit des réserves que nous avons exprimées, le groupe UDI soutiendra-t-il cette proposition de résolution européenne.

M. le président. La parole est à M. Rémi Pauvros.

M. Rémi Pauvros. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de résolution européenne que nous examinons aujourd’hui est un appel pressant à la coordination européenne en matière de lutte antitabac et d’harmonisation des prix du tabac.

Le Gouvernement français s’est engagé à défendre une politique de lutte contre le tabagisme ambitieuse, comme en témoignent les récentes mesures qui ont été adoptées dans le projet de loi santé voté il y a quelques semaines dans notre Assemblée.

L’instauration du paquet neutre répond à un impératif premier dans la lutte contre le tabac : protéger avant tout les jeunes et les enfants pour qu’ils ne commencent pas à fumer et qu’ils ne soient pas exposés au tabac ; empêcher que la promotion de ce produit ne soit un vecteur d’influence néfaste.

Rappelons aussi que depuis plusieurs années, notre pays utilise principalement l’outil fiscal pour réduire le nombre de consommateurs de tabac.

Néanmoins, une forte fiscalité sur le tabac ne doit pas être l’unique outil utilisé pour lutter contre le tabagisme parce qu’il touche plus durement les classes les plus défavorisées, qui ont difficilement accès aux soins, qui sortent plus difficilement d’un état d’addiction. La prévention doit être un outil renforcé à ce titre.

Le constat regrettable que nous devons faire aujourd’hui est que cette politique nationale ambitieuse ne tient pas le rôle moteur parmi les pays européens qu’elle devrait jouer.

Il existe une disparité néfaste des politiques pratiquées par les pays européens pour endiguer le tabagisme, à commencer par une instauration différenciée du prix du tabac, mettant la France en porte-à-faux et exposant les buralistes français, détenteurs du monopole de vente du tabac en France, à une concurrence que l’on peut qualifier de déloyale.

Lorsqu’un paquet de cigarette coûte 3 euros en Croatie, 4,80 euros en Espagne, 7 euros en France et 11 euros au Royaume-Uni, on ne peut reprocher à un consommateur européen d’être tenté de privilégier un lieu d’achat qui sera le moins douloureux pour son porte-monnaie ! Et pourtant, les conséquences de cette disparité de prix et de comportement des consommateurs de tabac qui en découle sont particulièrement alarmantes : le marché parallèle des achats illicites sur internet ou les achats licites transfrontaliers se sont considérablement développés.

Aujourd’hui, le marché parallèle représente un quart de la consommation nationale, soit un paquet de cigarettes sur quatre acheté en dehors du réseau officiel.

L’ampleur du phénomène est encore plus inquiétante dans les territoires transfrontaliers où l’activité de nos commerçants de tabac est menacée par le développement de ce marché parallèle.

Sur mon territoire, dans le Nord, le problème posé par l’achat de tabac en Belgique est bien connu. Les buralistes, que j’ai eu l’occasion de rencontrer à plusieurs reprises, subissent une véritable distorsion de concurrence !

Lorsque, à quelques kilomètres, le paquet de cigarette belge est deux euros moins cher que le prix pratiqué en France, les buralistes installés en France peuvent difficilement rivaliser et espérer pérenniser leur activité.

Le problème ne se pose pas uniquement au regard de l’activité des buralistes français, mais se pose aussi pour l’État. Le manque à gagner fiscal provoqué par le développement du marché parallèle est estimé à 2,5 milliards d’euros par an. C’est une perte que nous ne pouvons nous permettre, sachant que le coût social du tabac est estimé à 47 milliards d’euros par an, dont au moins 18 milliards pour les seuls coûts de santé.

C’est finalement l’efficacité même de nos efforts nationaux en termes de lutte contre le tabagisme qui pâtissent de la disparité des prix du tabac dans les zones frontalières puisque le prix attractif du tabac pratiqué par les pays voisins et les ventes par internet ne dissuadent pas les jeunes populations d’en consommer.

Dans ce contexte, l’instauration d’un paquet neutre par la France, de façon unilatérale, a soulevé des inquiétudes légitimes chez les buralistes français. La banalisation des produits du tabac au sein de nos frontières n’en renforcera que plus l’attrait et l’exotisme des produits vendus à l’étranger.

Ce problème se pose d’autant plus qu’aucun de nos proches voisins n’envisage l’instauration du paquet de cigarettes neutre alors que la directive européenne de lutte antitabac de 2014 incite les États membres à le mettre en place, sans pour autant les y contraindre.

Cette proposition de résolution tient donc lieu de plaidoyer pour une mobilisation collective pour lutter contre le tabagisme au niveau européen et pour l’instauration d’une véritable politique européenne uniformisée en la matière.

Bien que la politique de santé publique reste une prérogative nationale, une coopération de l’ensemble des États membres reste la solution la plus adaptée pour endiguer le problème de la vente au marché noir. L’Europe doit instaurer les mêmes règles pour tous, des règles qui ne doivent pas être minimalistes.

Enfin, il est urgent de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour renforcer le contrôle effectué par les services de douanes, en particulier un contrôle des camions transfrontaliers, qui sont davantage susceptibles d’organiser une contrebande massive de tabac que les particuliers !

Pour lutter efficacement contre le tabac et faire en sorte que l’Europe soit enfin au cœur d’une initiative commune, nous vous invitons à voter la proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le tabac n’est pas un produit comme les autres : sa consommation constitue aujourd’hui, et de loin, la première cause de mortalité évitable en France, avec environ 73 000 décès chaque année, soit 200 morts par jour. Il est actuellement responsable de plus d’un décès sur cinq chez les hommes.

La baisse du tabagisme, en particulier chez les jeunes, est un enjeu majeur de santé publique : il y a un consensus large sur ce sujet quels que soient les bancs où nous siégeons.

C’est d’ailleurs une majorité de droite qui a redonné de la vigueur aux politiques de lutte contre le tabagisme avec, notamment, le plan Cancer en 2003 et le décret interdisant de fumer dans les lieux publics.

En outre, la politique de hausses régulières du prix du paquet de cigarettes, qui est un des moyens les plus efficaces pour dissuader nos concitoyens de fumer en faisant du tabac un produit « pas comme les autres », a été lancée par le Président Jacques Chirac et jamais interrompue depuis.

Pour autant, la France compte toujours 13 millions d’adultes qui fument régulièrement, et si la consommation en volume des cigarettes baisse, la proportion de fumeurs a augmenté depuis la fin des années 2000 au sein de certaines catégories de population : les femmes, les jeunes, les précaires.

Les raisons en sont diverses et complexes. Il est donc indispensable de s’y arrêter si nous voulons être efficaces dans nos préconisations.

En cela, le rapport de nos collègues Jean-Louis Touraine et Denis Jacquat, relatif à l’application des politiques publiques de lutte contre le tabagisme – travail effectué dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, qui avait été lancé par l’ancien président de notre Assemblée, Bernard Accoyer et maintenu par le président Bartolone – est particulièrement intéressant. Il montre bien que nous arrivons à un tournant.

Alors que notre pays pratique des prix très sensiblement supérieurs à ceux des pays limitrophes, un marché parallèle très important s’est installé pour environ 20 % des ventes et il rend de moins en moins opérantes les mesures que nous pouvons mettre en œuvre sur notre territoire pour lutter contre le tabagisme.

Il est donc indispensable d’amplifier la lutte contre les achats hors du réseau des buralistes, qu’ils soient uniquement transfrontaliers ou à plus forte raison, illicites.

Il faut développer les coopérations internationales pour réprimer plus efficacement le trafic de tabac et renforcer les moyens de lutte contre les achats sur Internet.

Il faut également promouvoir, et c’est ce qui nous est proposé ici, une meilleure harmonisation de la fiscalité et des prix, en particulier au niveau européen et viser à l’introduction de dispositions communautaires spécifiques permettant un strict encadrement quantitatif des importations privées de tabac.

Nous souhaitons également que soit ratifié le protocole de l’OMS sur l’élimination du commerce illicite du tabac, signé en janvier 2013 par la France et toujours pas transposé à ce jour dans le droit français. Un projet de loi a été déposé sur le bureau de notre Assemblée : madame la secrétaire d’État, quand sera-t-il inscrit à l’ordre du jour par le Gouvernement ?

Nous aurions presque pu rédiger la proposition de résolution que vous nous proposez, monsieur Cordery, si vous n’aviez décidé d’y introduire un sujet moins consensuel : le paquet neutre.

En effet, votre texte fait, pour le moins, apparaître un problème de méthode : alors que, dans la première recommandation, il est demandé, très justement, une étude d’impact sur l’introduction du paquet neutre, dont la mise en œuvre est prévue à ce jour dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé, toujours en navette, la recommandation suivante appelle le Gouvernement à en faire dès à présent la promotion auprès de nos voisins, qui n’ont pas adopté cette mesure. Ne serait-il pas plus judicieux d’attendre d’être sûrs de son utilité, lorsque l’étude d’impact aura été publiée, avant d’aller en faire la promotion chez nos voisins ?

L’Australie, seul pays à avoir adopté cette disposition depuis assez longtemps pour avoir un peu de recul, n’a, comme chacun sait, pas de frontières terrestres – – et ce qui n’est pas notre cas.

Ce pays relevant de ma circonscription, j’ai la chance de pouvoir m’y rendre trois fois par an – et c’est loin, madame la secrétaire d’État, surtout avec le décalage horaire – et je ne suis pas persuadé, pour avoir évoqué ce sujet avec mes interlocuteurs australiens, que le paquet neutre ait été si dissuasif que cela.

Ce qui est vraiment dissuasif, c’est le prix : 15 euros le paquet, soit quasiment le double du prix français. D’autre part, la contrebande est techniquement impossible, car la géographie donne à l’Australie des frontières mieux protégées que celles de la France. En outre, la répression en cas de contrebande est très dure.

Voilà, selon moi, les trois recettes qui ont fait diminuer la consommation et je ne suis pas certain que le paquet neutre soit un outil aussi efficace. Par ailleurs, il n’existe pas en Australie de buralistes ayant le monopole de la vente du tabac. On peut acheter presque partout du tabac – dans la moindre des stations-service, lesquelles sont ouvertes quasiment en permanence.

Je sais que, sur ce sujet, l’opinion semble aujourd’hui unanime mais, pour en avoir discuté avec des parlementaires australiens, il me semble que les seuls arguments catégoriques aient été le prix et, je le répète, l’isolement géographique. De fait, M. Pauvros évoquait tout à l’heure la contrebande dans sa région et, pour ma part, à Marseille, lorsqu’il m’est arrivé de me rendre au Conseil régional en jeans et sans cravate, on m’a proposé plusieurs fois des cigarettes de contrebande, car elles existent, hélas, partout.

Mme Michèle Delaunay. Il ne faut pas les acheter !

M. Thierry Mariani. La mise en place d’un paquet totalement neutre, et donc très facilement imitable tant que nous ne disposons pas d’un système efficace de traçabilité, comporte le risque de favoriser la contrebande et la contrefaçon, contre lesquelles nous voulons lutter et qui, nous le savons, alimentent divers réseaux terroristes. Dans le contexte actuel, il est nécessaire de se prémunir contre des mesures qui contribueront mécaniquement à augmenter les sources de financement de ces activités criminelles.

Je vois certains d’entre vous sourire, mais je vous rappelle que cette question a été évoquée mercredi dernier par M. Nicolas Dhuicq dans le cadre d’une question au Gouvernement assez mouvementée. Selon les spécialistes, la contrebande de cigarettes fait partie des ressources des réseaux terroristes.

En outre, il semble que le paquet neutre soulèvera des difficultés en termes de droit des marques. Or, cette problématique n’a pas été approfondie, car ceux qui la soulèvent sont accusés de reprendre les arguments des fabricants sans autre forme de procès. Elle mériterait pourtant de l’être, si nous voulons éviter que la mise en œuvre du paquet neutre devienne contreproductive. Elle pourra faire l’objet de l’étude d’impact.

Un paragraphe a également été ajouté, à la demande de Mme Delaunay, sur les actions de groupe. Est-il juridiquement possible d’intenter des actions de groupe envers des entreprises étrangères ? Qu’en est-il de nos accords bilatéraux avec les pays d’origine des entreprises fabriquant du tabac ? Dans quelles conditions ces actions de groupe pourraient-elle être rendues possibles ?

Permettez-moi d’émettre des réserves. De telles actions seraient-elles légitimes, hormis le cas du tabagisme passif ? De fait, les fumeurs sont très bien informés des risques de la cigarette. Tout cela pose la question de la responsabilité individuelle. L’information pouvait être un argument dans les années 1950, mais qui peut aujourd’hui prétendre sérieusement ne pas être informé des dangers du tabac, qui s’étalent 24 heures sur 24 dans l’ensemble des médias et sont répétés sans cesse ?

Bref, s’il s’agit de mettre en œuvre des mesures exigeantes pour agir simultanément en direction des non-fumeurs, afin d’éviter la première cigarette, et en direction des fumeurs, pour soutenir au mieux ceux d’entre eux qui souhaitent s’arrêter et donner envie aux autres de s’engager dans cette démarche, nous sommes bien d’accord.

Faire une priorité du renforcement de la prévention et de l’aide à arrêt, en particulier auprès des plus jeunes et des femmes enceintes, est également essentiel. Sur cet objectif-là, nous vous rejoignons.

Cependant, sur ce sujet où il nous faut concilier liberté individuelle et protection collective, ne déresponsabilisons pas nos concitoyens. Une véritable politique de santé publique ne saurait en effet se résumer à un empilement de taxes et d’interdictions. Dans cette perspective, nous avons déposé un amendement de suppression de la deuxième recommandation.

Toutefois, la coordination des politiques européennes en matière de prévention et de lutte contre le tabac est à ce point indispensable, en raison notamment de notre géographie, que nous soutiendrons, malgré nos réserves, votre initiative.

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le tabac est un fléau sanitaire et un risque pour nos comptes sociaux. Sur le plan économique, la Cour des comptes, dans son rapport de décembre 2012, fait état d’un coût pour la collectivité de 47 milliards d’euros, soit 772 euros par Français et par an, à comparer aux 14 milliards d’euros perçus grâce aux taxes. Nous ne pouvons cependant pas regarder le tabac qu’à travers ce prisme économique : il nous faut le regarder d’abord, comme vient de le rappeler M. Mariani, en considérant son impact sanitaire. Le tabac cause en effet 200 morts par jour en France – terrible chiffre.

Le tabac est en augmentation parmi les plus vulnérables – mineurs, femmes, chômeurs. Un Français sur trois fume. Pour l’assurance maladie, l’impact est de 18 milliards d’euros.

Après le vote positif de soutien à la loi de modernisation de notre système de santé, le 14 avril dernier, la France a incontestablement marqué des points en matière de prévention et de lutte contre le tabac.

Le groupe écologiste a, de concert avec les membres du groupe d’études contre l’ingérence de l’industrie du tabac, présidé par Jean-Louis Roumégas, soutenu des mesures emblématiques en matière de prévention et de lutte contre le tabac.

Les mesures adoptées en première lecture ont vocation à réduire le risque de tabagisme des plus jeunes, particulièrement sensibles de manière tant active que passive.

Ainsi, la France mettra en œuvre le paquet neutre dès mai 2017, ainsi que l’interdiction de fumer en voiture en présence d’enfants de moins de 12 ans, la limitation des opérations de marketing croisé par l’industrie du tabac ainsi que l’interdiction prochaine de fumer en proximité d’enceintes scolaires ou sportives et des parcs de jeux – autant de lieux que fréquentent nos enfants.

La France s’honore également d’appliquer la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac, entrée en vigueur le 27 février 2005 et ratifiée par 172 pays, qui prévoit la présence de mises en garde sanitaires sur le conditionnement des produits du tabac, l’interdiction de la publicité et de sa promotion, ainsi que des activités de parrainage et, bien évidemment et surtout, la lutte contre la contrebande.

La proposition de résolution européenne en matière de prévention et de lutte contre le tabac présentée ce jour prend acte de ces évolutions législatives françaises en la matière. Il s’agit d’un préalable nécessaire avant la recherche d’une harmonisation et d’une bonne coordination européenne.

La politique de santé publique n’est pas la seule à intégrer des mesures destinées à freiner le tabagisme : notre politique fiscale doit y travailler de concert, ainsi que le prescrit désormais la loi de santé publique, sur proposition d’un amendement écologiste.

Il est en effet prouvé que des taxes élevées sur les cigarettes et les autres produits du tabac comptent parmi les instruments les plus efficaces pour en réduire la consommation, en particulier chez les jeunes. C’est pourquoi la mise en œuvre d’une législation communautaire relative à la taxation du tabac est de plus en plus perçue comme un instrument, non seulement fiscal, mais aussi de santé publique.

La Commission européenne a proposé de relever le niveau minimal des taxes sur le tabac. Cette proposition est en cours de discussion. Il convient de l’encourager dans cette voie – ce que propose précisément la résolution soumise à notre examen –, car il existe en Europe de très grandes divergences dans les prix du tabac. Les fabricants de cigarettes ne se lassent pas d’utiliser cette faille, liée à la différence de prix entre les États, pour faire pression sur les parlementaires et les pouvoirs publics en démontrant qu’une action nationale ne conduit finalement qu’à une augmentation des ventes transfrontalières, licites ou non, et donc à une contraction des recettes fiscales nationales.

Non ! Il est temps d’y mettre bon ordre. Je rappelle à cet égard que l’article 5.3 de la convention-cadre pour la lutte antitabac, promue par l’OMS et ratifiée par la France en 2004, est notre légitimité à agir. J’en citerai les termes suivants : « En définissant et en appliquant leurs politiques de santé publique en matière de lutte antitabac, les parties veillent à ce que ces politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac. »

Il s’agit donc de lever toute ambiguïté entre les pouvoirs publics et l’industrie du tabac. Des avancées ont été réalisées par des dispositions nouvelles permettant de garantir l’indépendance de la traçabilité du tabac. Au-delà, les écologistes soutiennent le principe du pollueur-payeur et veillent à ce qu’il soit appliqué, évidemment et en premier lieu, à l’industrie du tabac.

C’est ainsi que nous soutenons l’amendement de Mme Delaunay visant à instaurer une action de groupe, initiative soutenue par tout le groupe d’étude sur l’ingérence de l’industrie du tabac, votée en commission des affaires européennes et en commission des affaires sociales, et qui fait écho, dans l’actualité récente, à la condamnation de Japan Tobacco au Québec, où la mobilisation de plus d’un million de victimes du tabac a permis une indemnisation à hauteur de 2,5 milliards d’euros.

Le prix du tabac est un facteur décisif pour changer durablement les comportements. Cependant, le commerce illicite et les distorsions de prix sont des freins à la baisse de consommation. Il est ainsi primordial d’établir des règles communes : lutte contre la vente à distance, contrôle transfrontalier accru, amélioration de la coopération douanière européenne, répression de tous les achats illicites en dehors du réseau des buralistes.

Aussi soutenons-nous la présente proposition de résolution européenne appelant à une coordination des politiques européennes en matière de prévention et de lutte contre le tabac, en souhaitant qu’elle puisse être massivement, unanimement, votée. Cette étape constituerait un signal fort, surtout si le vote est unanime, face à la puissance des lobbies des industries du tabac, ainsi qu’un gage d’éthique et de consolidation de nos politiques de santé, qui ne sauraient s’accommoder plus longtemps des rentes établies sur nos comptes sociaux et sur la santé de nos concitoyens.

M. Philip Cordery, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Mes chers collègues, permettez-moi de saluer très simplement l’initiative de notre collègue Philippe Cordery, à l’origine de cette proposition de résolution européenne. En effet, le problème de la lutte contre le tabac est certes européen, mais il n’est pas seulement européen et nous ne devons jamais nous défausser sur l’Union.

Il ne s’en agit pas moins, cependant, d’un problème européen et, bien que nous sachions que seules les maladies épidémiques, les maladies contagieuses, relèvent de l’Union européenne, nous devons œuvrer dès aujourd’hui à ce que les maladies addictives, qui ont un véritable caractère épidémique dans nos pays, entrent également dans les compétences européennes. Le jour où ce sera le cas, nous pourrons être totalement efficaces.

Le tabac provoque en effet un véritable carnage sanitaire et financier : 750 000 citoyens de l’Union européenne en meurent chaque année, dont 128 000 en Allemagne et 78 000 en France – ces chiffres ont été rappelés. Nous ne pouvons plus le tolérer, pas plus que nous ne pourrons, du reste, assumer longtemps le coût financier des dégâts du tabac – estimé à 47 milliards d’euros en France, avec la même énormité à l’échelle européenne.

Nous ne pourrons financer les progrès technologiques et thérapeutiques de la médecine que si nous savons réduire le coût des maladies évitables sur nos budgets.

Cette résolution réunit les cinq principaux piliers de la politique antitabac. La hausse des prix et l’harmonisation des fiscalités constituent l’arme maîtresse, comme le démontrent toutes les études épidémiologiques. Mais cette arme majeure n’est efficace que si elle est associée à une lutte exemplaire et assumée contre le commerce illicite, en intensifiant les contrôles aux frontières – j’insiste sur ce point – et en renforçant également les diverses pénalités et sanctions.

Troisième pilier : le paquet neutre. Celui-ci est d’autant plus efficace, monsieur Mariani, qu’il est associé à une augmentation du prix du tabac ; l’évaluation proposée par M. Cordery permettra de se faire une idée précise de son impact.

Quatrième pilier : nos politiques de prévention, qui doivent être harmonisées, cohérentes et convergentes pour avoir encore plus d’impact.

Cinquième pilier, qu’il ne faut pas négliger : la création de l’action de groupe pour les victimes du tabac. Imagine-t-on le nombre de ces familles victimes du tabac ? Devrions-nous les laisser seules, sans le secours de la loi, sans le secours de procédures civiles alors que, et il faut nous en réjouir, nous avons récemment voté la création des actions de groupe pour les victimes des produits de santé ? Rappelons que, durant toute sa période commercialisation, le Mediator a tué probablement à hauteur de deux semaines de consommation de tabac en France.

Ces cinq piliers étant aujourd’hui réunis, nous devons soutenir l’harmonisation des politiques au niveau européen sans renoncer à être le moteur de ces politiques et sans nous dédouaner – le mot est justement choisi – des actions que nous pouvons mener dans notre pays. J’ai remarqué de manière très positive l’engagement, lors de l’examen de la loi santé, de notre Gouvernement sur une révision de nos politiques fiscales.

Très clairement, nous sommes tous conscients que la lutte contre le tabagisme est aujourd’hui un sujet majeur, transpartisan, qui nous réunit, ainsi que nous l’avons démontré. Je suis sûre qu’un vote unanime de cette résolution portera cet enjeu et manifestera son caractère à la fois transpartisan et universel.

Au regard des chiffres, nous pouvons en effet affirmer que la lutte contre le tabac est aujourd’hui à l’égal de la lutte pour l’abolition de la peine de mort, même si les termes en sont différents. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philip Cordery, rapporteur. Je me réjouis tout d’abord du consensus large qui règne dans cette Assemblée sur cette proposition de résolution européenne. Je remercie tous les groupes pour ce soutien car les objectifs de santé publique sont d’un intérêt supérieur. Avec cette proposition de résolution européenne, nous pouvons mettre au niveau européen les mesures que le Gouvernement a eu le courage d’adopter dans la dernière loi santé.

Je remercie M. Pauvros, qui connaît bien la problématique de la distorsion de concurrence pour la vivre au quotidien à la frontière entre la France et la Belgique. Il a raison de souligner que la lutte contre la contrebande est primordiale et qu’il faut renforcer les contrôles effectués par les services de douane.

M. Lambert et Mme Delaunay ont apporté leur appui, Mme Delaunay insistant notamment sur la question des actions de groupe, que nous avons ajoutée dans la proposition de résolution européenne. Pour répondre à M. Richard, les actions de groupe pourront être intentées contre les grands groupes qui vendent en France et pourront être coordonnées au niveau européen, ces groupes étant des multinationales. Dès lors que des actions de groupe existent dans les différents pays, le fait de coordonner l’action au niveau européen les renforcera.

Je souhaite enfin répondre à MM. Mariani et Richard sur la question du paquet neutre. Si nous sommes tous d’accord sur l’existence de distorsions de concurrence, rappelées par tous sur ces bancs, il existe deux façons d’envisager le problème : soit on arrête tout au prétexte qu’il y a distorsion de concurrence, et alors on ne se situe pas dans l’action ; soit on se place dans l’action, comme nous l’avons fait dans la loi santé, et on porte la question au niveau européen.

Cela est aujourd’hui permis par la directive « tabac », dont l’article 24 permet aux États d’adopter des mesures supplémentaires en matière de santé publique, telles que le paquet neutre – mesure votée par trois pays : le Royaume-Uni, l’Irlande et la France. Nous proposons que la Commission européenne puisse non pas faire une étude d’impact, parce que des expériences seront réalisées, mais observer comment cela se passe et quels effets le paquet neutre aura dans les pays dans lesquels il est instauré, afin d’en informer les autres États membres. Notre proposition n’est donc pas contradictoire, bien au contraire : elle va dans le sens et dans le prolongement de la directive « tabac » et de la loi santé que nous avons votée.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de résolution.

Article unique

M. le président. La parole est à M. Frédéric Barbier, pour soutenir l’amendement n2.

M. Frédéric Barbier. Cette proposition de résolution européenne – je salue ici l’initiative de mon collègue Philip Cordery – vise à coordonner des politiques européennes en matière de prévention et de lutte contre le tabac.

Le tabac tue chaque année 78 000 personnes en France, soit 215 personnes par jour : c’est la plus grande cause de mortalité évitable. Les jeunes sont les plus concernés : on estime en effet entre 200 000 et 300 000 le nombre d’enfants et de jeunes adolescents qui tombent chaque année dans le piège de la cigarette ; or les jeunes fumeurs d’aujourd’hui sont les accros de demain. L’industrie du tabac continue à élaborer des stratégies de publicité, de marketing, de promotion et de techniques de vente visant en tout premier lieu les jeunes.

Le considérant n7 de la recommandation du Conseil de l’Union européenne du 2 décembre 2002 relative à la prévention du tabagisme et à des initiatives visant à renforcer la lutte antitabac affirme en effet que certaines stratégies semblent s’adresser aux jeunes en âge de scolarité afin de remplacer le grand nombre de fumeurs qui meurent chaque année. Il a en effet été démontré que 60 % des fumeurs commencent à fumer avant l’âge de 13 ans et 90 % avant l’âge de 18 ans. Pour une meilleure coordination des politiques européennes en matière de prévention et de lutte contre le tabac, il m’a paru nécessaire, par cet amendement, d’apporter cette précision dans la résolution.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philip Cordery, rapporteur. Je remercie M. Barbier d’avoir déposé cet amendement que la commission n’a pas examiné, mais auquel je donne un avis favorable à titre personnel. En effet, la précision que vous apportez par cet amendement est utile, les fumeurs ayant très majoritairement été rendus dépendants au tabac au plus jeune âge. Les chiffres que vous citez figurent au considérant n7 de la recommandation du Conseil de l’Union européenne du 2 décembre 2002, qui est mentionné à l’alinéa 8 de la proposition de résolution. Cette précision étant utile, je lui donne un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Les précisions que vous apportez, monsieur le député, sont justes, la durabilité du tabagisme étant liée à la précocité de l’âge d’entrée en tabagisme ; merci de l’avoir précisé. Avis favorable du Gouvernement.

(L’amendement n2 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Barbier, pour soutenir l’amendement n5.

M. Frédéric Barbier. Il s’agit d’un amendement de précision. Je souhaite une harmonisation au niveau des publicités mais également au niveau des pratiques commerciales. Lorsque je me suis rendu au Luxembourg, dans le cadre de ma mission sur l’avenir des buralistes, j’ai été particulièrement choqué par les pratiques commerciales agressives mises en œuvre à la frontière : ventes avec cadeaux, contenances distinctes, packaging attractif pour les jeunes, affichages comparant les prix entre les différents pays. Au-delà de la publicité, ce sont aussi, selon moi, les pratiques commerciales qui sont problématiques.

À titre d’exemple, sur la contenance du tabac, la directive européenne du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac, affirme qu’une unité de conditionnement pour cigarettes contient au moins vingt cigarettes ; mais il n’y a pas de maximum imposé. J’ai ainsi vu des récipients, comme des seaux entiers de tabac à rouler, qui pouvaient être achetés par les consommateurs, être présentés dans des vitrines, au milieu de la surface de vente, comme s’ils étaient en libre-service.

Or, l’Union européenne doit protéger le consommateur. L’article 169 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne affirme en effet que « l’Union contribue à la protection de la santé, de la sécurité et des intérêts économiques des consommateurs ». Ces pratiques commerciales ne sont pas acceptables ; c’est pourquoi je pense que l’ensemble des États européens doivent travailler de façon coordonnée sur ce point, afin de lutter efficacement en faveur de la prévention et de la réduction du tabagisme. Cela passe par une harmonisation et une coordination des règles en matière de publicité, mais également en termes de pratiques commerciales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philip Cordery, rapporteur. La commission n’a pas eu l’occasion d’examiner cet amendement, mais je vous donne un avis favorable à titre personnel car vous avez raison de souligner les pratiques commerciales divergentes, qui ont des conséquences importantes, notamment dans les zones frontalières évoquées tout à l’heure par M. Pauvros – vous connaissez vous-même cette réalité. Votre amendement allant dans le sens d’une meilleure harmonisation, vers le haut, de la lutte contre le tabac, je donne donc un avis favorable.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Avis favorable pour cet amendement qui complète très utilement cette résolution.

(L’amendement n5 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n1.

M. Thierry Mariani. Comme annoncé dans mon intervention, je propose de supprimer l’alinéa 19. Alors que dans la recommandation précédente, il est prévu une étude d’impact sur l’introduction du paquet neutre, les signataires demandent dès à présent au Gouvernement de faire, auprès de nos voisins qui ne l’ont pas adoptée, la promotion d’une mesure dont l’efficacité n’est pas encore étudiée. Il serait plus judicieux d’attendre les résultats de l’étude d’impact avant de faire la promotion de cette mesure, raison pour laquelle je propose de supprimer cette recommandation.

Selon le rapport de nos collègues Jacquat et Touraine du 4 juillet 2014, l’empressement dont certains ont fait preuve pour promouvoir en Australie la mesure du paquet neutre ne peut que susciter des interrogations : il est, de toute façon, trop tôt pour tirer un bilan définitif.

Je ferai une simple remarque, madame la secrétaire d’État : en Australie, personne ne montre son paquet ! Tout le monde possède un étui, fourni par les marques, dans lequel on glisse son paquet, masquant ainsi toutes les photos les plus horribles que l’on peut voir sur les paquets – à juste titre ! Le paquet dit « neutre » est en réalité totalement détourné.

À titre personnel, si je me suis arrêté de fumer, ce n’est pas en Australie. Un autre pays m’a inspiré : le Turkménistan, où les cigarettes étaient tellement mauvaises qu’il n’y avait pas d’autre solution que de s’arrêter de fumer !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philip Cordery, rapporteur. L’avis est défavorable, comme cela a été le cas en commission. Nous ne proposons pas une étude d’impact, mais une évaluation par la Commission, sur le modèle de ce qui va se faire au Royaume-Uni, en Irlande et en France, pour mieux informer les autres pays européens.

À partir du moment où nous sommes d’accord sur la question de la distorsion, il y a deux options : soit on ne fait rien et c’est l’immobilisme ; soit on agit, et c’est ce que nous faisons. Nous avons déjà commencé à agir au travers du projet de loi de santé. Cette action sera portée au niveau européen. L’expérience française pourra servir d’exemple aux autres pays européens et saura, j’en suis certain, les convaincre dans un avenir proche.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Comme vous le savez, monsieur le député, la discussion sur le paquet neutre a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale le 14 mai dernier et votre assemblée a adopté l’article de la loi de santé qui l’impose.

J’entends votre perplexité : vous n’y croyez pas. Néanmoins on ne court aucun risque à essayer. Cela ne va pas faire des fumeurs supplémentaires mais ne peut faire que des fumeurs en moins. Pourquoi attendre l’évaluation de cette mesure, alors que des pays européens comme le Royaume-Uni et l’Irlande l’ont déjà inscrite dans leur législation et que d’autres pays y réfléchissent ?

Par ailleurs, cela peut donner toutes ses chances à cette mesure que de l’harmoniser au plan européen, où coexistent différents packagings. Plus les pays européens seront nombreux à choisir cette option, plus elle aura de chances d’être efficace.

(L’amendement n1 n’est pas adopté.)

Vote sur l’article unique

M. le président. Je mets aux voix l’article unique amendé de la proposition de résolution.

(L’article unique, amendé, est adopté, ainsi que l’ensemble de la proposition de résolution.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Proposition de loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly