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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 25 juin 2015

SOMMAIRE

Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Approbation de conventions et d’accords internationaux

Convention France-Andorre dans le domaine de l’enseignement

Accord avec Andorre relatif à la création d’un bureau à contrôles nationaux juxtaposés à Porta

Accord avec Andorre relatif à la gestion commune de la ressource en eau dans le bassin hydrographique des sources de l’Ariège

Accord avec Andorre portant délimitation de la frontière

Coopération transfrontalière entre la France et la Belgique en matière policière et douanière

Ratification de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Afrique du Sud, d’autre part, modifiant l’accord sur le commerce, le développement et la coopération.

Accord de partenariat économique d’étape entre la Côte d’Ivoire et la Communauté européenne

2. Accords d’association UE-EURATOM-Ukraine et UE-EURATOM-Géorgie

Présentation commune

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur de la commission des affaires étrangères

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes

Discussion générale commune

M. Olivier Falorni

M. Philippe Baumel

M. Nicolas Dhuicq

M. François Rochebloine

M. Guy-Michel Chauveau

M. André Chassaigne

Mme Chantal Guittet

M. Rémi Pauvros

Mme Marie-Line Reynaud

Discussion des articles ( Accord d’association avec l’Ukraine )

Article unique

Explications de vote

M. Rémi Pauvros

Mme Dominique Nachury

Vote sur l’article unique

Discussion des articles ( Accord d’association avec la Géorgie )

Article unique

Vote sur l’article unique

Suspension et reprise de la séance

3. Élection des conseillers métropolitains de Lyon

Présentation

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale

M. Patrick Mennucci, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Discussion générale

Mme Pascale Crozon

Mme Dominique Nachury

M. François Rochebloine

M. Olivier Falorni

M. Jean-Louis Touraine

Discussion des articles

Article unique

Amendements nos 7 , 8 , 6

Vote sur l’article unique

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Approbation de conventions et d’accords internationaux

Procédure d’examen simplifiée

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifié, en application de l’article 103 du règlement, de sept projets de loi autorisant l’approbation de conventions et accords internationaux (nos 2648, 2769 ; 2491, 2768 ; 2489, 2766 ; 2490, 2767 ; 2184, 2882 ; 1239, 2876 ; 1163, 2889).

Ces textes n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je vais mettre aux voix chacun d’entre eux, en application de l’article 106 du règlement.

Convention France-Andorre dans le domaine de l’enseignement

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Accord avec Andorre relatif à la création d’un bureau à contrôles nationaux juxtaposés à Porta

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Accord avec Andorre relatif à la gestion commune de la ressource en eau dans le bassin hydrographique des sources de l’Ariège

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Accord avec Andorre portant délimitation de la frontière

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Coopération transfrontalière entre la France et la Belgique en matière policière et douanière

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Ratification de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Afrique du Sud, d’autre part, modifiant l’accord sur le commerce, le développement et la coopération.

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Accord de partenariat économique d’étape entre la Côte d’Ivoire et la Communauté européenne

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

2

Accords d’association UE-EURATOM-Ukraine et UE-EURATOM-Géorgie

(Discussion de deux projets de loi)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, après engagement de la procédure accélérée, la discussion du projet de loi, autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et l’Ukraine d’autre part (nos 2758, 2890) et du projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres d’une part, et la Géorgie d’autre part (nos 2791, 2891).

La Conférence des présidents a décidé que ces textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Présentation commune

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie.

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous sommes réunis ce matin pour l’examen en première lecture par votre Assemblée, des projets de lois autorisant la ratification de deux accords d’association conclus par l’Union européenne avec l’Ukraine, d’une part, et la Géorgie, d’autre part.

Dans les situations difficiles que traversent l’Ukraine et la Géorgie, l’examen de ces textes revêt une importance toute particulière. La mobilisation de votre Assemblée pour vous en saisir dans des délais brefs est un message fort d’amitié, de soutien et de solidarité à leur égard.

Très similaires, ces accords visent à établir une « association politique et une intégration économique » entre l’Union européenne et, respectivement, l’Ukraine et la Géorgie. Ils constituent de puissants leviers de modernisation et de réforme au service des citoyens ukrainiens et géorgiens, et dans l’intérêt de la stabilité du voisinage de l’Union.

Les accords d’association permettent d’améliorer le cadre de nos relations par deux biais. Le premier consiste à renforcer le dialogue politique et la coopération en matière de réformes intérieures, de politique extérieure et de sécurité, dans un large éventail de domaines d’intérêt communs.

Ce dialogue est fondé sur les valeurs et principes fondamentaux de l’Union européenne, à commencer par le respect des valeurs démocratiques, des droits de l’Homme, de l’État de droit, de la bonne gouvernance et du développement durable.

Le deuxième biais tient au développement des échanges commerciaux, alors que l’Union européenne est le premier partenaire commercial de l’Ukraine – 31 % des échanges commerciaux –, comme de la Géorgie – 27 %.

L’accord permettra en effet à terme une libéralisation quasi-totale des échanges, assortie d’un calendrier de diminution des droits de douane, calendrier asymétrique afin de prendre en compte les différences de développement économique entre l’Union et ses partenaires.

En contrepartie, l’accord d’association prévoit la reprise progressive et la mise en œuvre par l’Ukraine et la Géorgie de l’acquis européen en matière de réglementations, normes et standards. C’est le cœur du dispositif : pour chaque domaine, les accords décrivent le périmètre et le calendrier de l’acquis à reprendre, véritable feuille de route pour les réformes que les gouvernements ukrainien et géorgien se sont engagés à mener.

Sont concernées, de manière non-exhaustive, les normes en matière sanitaire et phytosanitaire, de droit du travail, d’égalité entre les femmes et les hommes, de propriété intellectuelle et particulièrement de protection des indications géographiques.

La ratification des accords d’association avec l’Ukraine et la Géorgie revêt donc un triple enjeu.

Le premier est de manifester concrètement, au-delà des déclarations, notre soutien à la démocratie, au développement économique et social et à la stabilité de nos voisins. Je sais que vous êtes nombreux, dans cette Assemblée, à partager cette préoccupation.

Pour les autorités et les citoyens ukrainiens et géorgiens, l’Europe et le lien avec l’Union européenne sont synonymes d’État de droit, de démocratie, de liberté, de solidarité, de lutte contre la corruption mais aussi de nouvelles perspectives sociales et économiques. Notre responsabilité est d’encourager cet élan réformateur.

Le deuxième enjeu est de souligner l’engagement de la France en faveur d’une politique européenne forte et ambitieuse pour soutenir le développement et la stabilité de son voisinage oriental, dans un contexte marqué par la crise en Ukraine mais également par la persistance de conflits gelés dans la région.

C’est le message qu’a souhaité adresser le Président de la République en participant au sommet du partenariat oriental les 21 et 22 mai derniers à Riga.

Le troisième enjeu, enfin, est de consolider nos relations bilatérales, notamment en intensifiant nos échanges économiques.

Les entreprises françaises, qui comptent parmi les principaux fournisseurs et investisseurs dans ces pays, croient au potentiel de l’Ukraine et de la Géorgie. Elles profiteront de l’amélioration attendue de l’État de droit, de conditions d’investissement facilitées ainsi que des avancées réglementaires permises par l’accord dans de nombreux domaines, par exemple en matière de protection des indications géographiques. La France y a accordé une attention particulière au cours des négociations.

Ce lien privilégié tient aussi à l’action inlassable de la France en faveur du règlement des conflits aux frontières de l’Union européenne. Il y a six ans, la France, qui assurait alors la présidence de l’Union européenne, conduisait une médiation décisive lors du conflit russo-géorgien d’août 2008. Elle n’a cessé, depuis, de rappeler son attachement à l’intégrité territoriale de la Géorgie, où j’ai eu l’occasion de me rendre plusieurs fois car, à l’époque, je siégeais au Conseil de l’Europe.

Depuis le début de la crise en Ukraine, la France se mobilise sans relâche pour obtenir une solution pacifique durable. La situation reste aujourd’hui très fragile dans l’Est de l’Ukraine et de fortes tensions persistent. Le processus de sortie de crise, négocié le 12 février à Minsk avec le Président de la République, la Chancelière Merkel, le Président Porochenko, et le Président Poutine, est la seule feuille de route pour la paix. Nous tenons à ce qu’elle soit pleinement respectée d’ici à la fin de l’année, dans ses aspects sécuritaires comme politiques : le cessez-le-feu, le retrait des armes lourdes, le volet politique concernant le statut futur des régions de l’Est, le respect de l’intégrité territoriale, de l’indépendance et de la souveraineté de l’Ukraine.

M. Laurent Fabius a accueilli le 23 juin à Paris ses homologues allemand, ukrainien et russe pour faire le point sur la mise en œuvre des mesures agréées. S’agissant de la Géorgie comme de l’Ukraine, les accords d’association doivent affermir la souveraineté de nos voisins et renforcer leur attractivité.

Je voudrais être complète et dissiper devant vous deux motifs d’interrogation qui ont été soulevés par certains lors des débats en commission.

Permettez-moi, tout d’abord, de préciser que ces accords ne prévoient pas de perspective d’adhésion à l’Union européenne. Ce n’est pas leur objet et il n’y a pas d’ambiguïté sur ce point. Le Président de la République l’a rappelé lors du sommet de Riga : l’association n’est pas l’adhésion.

Deuxième motif d’interrogation : les liens avec la Russie. Je veux là aussi être très claire. Pour la France, comme pour l’Union européenne, la conclusion de ces accords d’association avec l’Union européenne n’implique en aucun cas que l’Ukraine et la Géorgie doivent renoncer à leurs relations avec la Russie. Les accords ne les remettent nullement en cause.

Les Européens l’ont dit également lors du sommet de Riga : le partenariat oriental n’est dirigé contre aucun pays et ne vise pas à créer de lignes de fracture sur le continent européen. Son seul objet est la modernisation politique et économique de nos voisins au bénéfice de tous, au service et dans le respect de la souveraineté de chacun.

Les consultations trilatérales conduites par la Commission européenne avec l’Ukraine et la Russie sur la mise en œuvre de l’accord d’association doivent permettre, à cet égard, de rassurer la Russie quant à l’impact potentiel de cet accord sur son économie, et de mettre en évidence la compatibilité entre un rapprochement économique de l’Ukraine avec l’Union européenne et le maintien de relations commerciales étroites avec la Russie.

Tels sont, mesdames les présidentes de commission, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, les grands objectifs des accords d’association entre l’Union européenne et, respectivement, l’Ukraine et la Géorgie, qui font l’objet de ces projets de loi.

En apportant votre soutien et votre approbation à ces textes, vous témoignerez de l’amitié profonde qui lie la France et ces pays. Vous soutiendrez le développement de ces pays dans le cadre d’une relation nouvelle qu’ils ont souhaitée avec l’Union européenne et contribuerez à renforcer la stabilité et la paix aux frontières de l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen et Union des démocrates et indépendants.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, chers collègues, de même que l’accord avec la Moldavie que nous avons examiné il y a quelques semaines sur le rapport de M. Thierry Mariani, les accords d’association avec la Géorgie et l’Ukraine s’inscrivent dans la politique de partenariat oriental de l’Union européenne – partenariat qui est lui-même l’une des deux déclinaisons de la politique de voisinage.

L’offre principale du partenariat oriental aux six pays ciblés – Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie et Ukraine – était la signature d’accords d’association. Trois des six pays précités les ont donc conclus.

Ces pays ont en commun d’avoir engagé un effort considérable pour se rapprocher des standards démocratiques et économiques européens. Pour entreprendre cette démarche, leurs peuples se sont battus et ont versé leur sang – la dernière fois, sur la place Maïdan.

Ces pays ont aussi en commun d’avoir perdu le contrôle d’une partie de leur territoire et d’être de ce fait en situation de confrontation plus ou moins ouverte avec la Russie.

S’agissant de la Géorgie, chacun se souvient que depuis son indépendance, ce pays est confronté au séparatisme de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. Ce fut même la cause en 2008 d’une guerre russo-géorgienne, comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État. Les armes se sont tues depuis lors, mais le règlement politique du conflit n’a connu aucun progrès.

L’arrivée au pouvoir en 2012 et 2013 de dirigeants moins hostiles à la Russie a permis un apaisement entre les deux pays et le règlement de problèmes mineurs, notamment le rétablissement d’échanges commerciaux normaux. Cependant, le dossier n’a connu aucune avancée sur le fond, bien au contraire : le contexte actuel de tension avec la Russie a produit un durcissement de la situation.

Cet hiver, la Russie a en effet signé des traités avec les soi-disant gouvernements des deux régions séparatistes, traités qui reviennent de fait à les intégrer à la Russie du point de vue économique et sécuritaire, ce qui est évidemment inacceptable pour la Géorgie.

Dans ce contexte, la Géorgie a, depuis une décennie, fait le choix de l’Europe, ainsi que celui de se rapprocher de l’OTAN. Elle a mené de nombreuses réformes qui, même si tout n’est pas parfait, lui ont assuré des succès économiques relatifs et qui, aujourd’hui, en font certainement l’un des plus démocratiques des pays issus de l’ex-URSS. L’alternance au pouvoir de 2012 et 2013, que j’ai évoquée, s’est faite normalement et dans les urnes. De même, la lutte contre la corruption a produit des résultats significatifs. À l’exception des pays baltes, il semble que la Géorgie soit devenue de loin le plus efficace des États issus de l’ex-URSS dans ce domaine.

J’en viens à l’Ukraine, où je me suis rendu avec quelques collègues voici plusieurs semaines, la commission des affaires étrangères ayant par ailleurs reçu récemment des représentants de la Rada. Je ne mentionnerai que quelques lignes de force.

Il faut tout d’abord souligner que la crise politique au niveau central, qui a culminé en février 2014 sur la place Maïdan, est pour le moment surmontée. J’entends par là que l’Ukraine a actuellement un président, M. Porochenko, qui a été largement élu dès le premier tour en mai 2014, et un Parlement, démocratiquement issu des élections d’octobre dernier et comportant une très forte majorité proeuropéenne. Cela rompt avec la période précédente où le pays était profondément clivé entre sa partie occidentale, très nationaliste et proeuropéenne à la fois, et sa partie orientale et méridionale, largement russophone. L’Ukraine est aujourd’hui plus unie qu’elle ne l’a jamais été – si l’on fait naturellement abstraction de la Crimée et du Donbass.

S’agissant du Donbass, précisément, nous traversons actuellement une période assez indéterminée dans laquelle il est difficile de prévoir l’avenir. Les combats se sont apaisés depuis les accords de Minsk 2 en février dernier, mais ils n’ont jamais cessé. La situation économique et humanitaire est très difficile, même si le pays ne connaît ni la famine ni les camps de réfugiés qui existent ailleurs. Quant au règlement politique, il est aujourd’hui difficile de pronostiquer ses chances de succès, car les positions des protagonistes demeurent très éloignées. Cependant, il se déroule aussi en ce moment de véritables négociations dans le cadre du groupe de contact tripartite et de ses groupes de travail. Nous ne sommes plus dans une situation où tout le monde s’ignore, comme c’est le cas dans trop de conflits.

Le dernier point qu’il faut rappeler concernant l’Ukraine tient au fait que ce pays ne traverse pas seulement une crise nationale, mais aussi une crise économique très grave. En 2014 et 2015, le PIB ukrainien devrait connaître une baisse cumulée de 12 % à 15 %. La monnaie a perdu plus de la moitié de sa valeur face à l’euro et au dollar. Le déficit public est de l’ordre de 10 % du PIB si l’on tient compte de l’entreprise publique gazière Naftogaz, et le ratio entre la dette publique et le PIB est passé de 40 % à 94 % entre 2013 et 2015.

Face à cela, l’Ukraine bénéficie d’aides internationales massives, notamment du FMI et de l’Union européenne. Au total, l’aide internationale s’élèverait à 41 milliards de dollars d’ici 2018, soit l’équivalent de la moitié du PIB annuel de l’Ukraine. Par ailleurs, le gouvernement ukrainien a adopté des mesures budgétaires très rigoureuses. Le prix du gaz à la consommation a été augmenté de 285 % en avril dernier.

En dehors de ces mesures douloureuses, l’Ukraine s’est engagée dans un ensemble très complet de réformes politiques et économiques qui touchent de nombreux domaines : réforme constitutionnelle, décentralisation, indépendance de la justice et des médias, lutte contre la corruption, marchés publics, marché de l’énergie, banques ou encore privatisations. Soyons bien conscients du fait que, du point de vue de la majorité au pouvoir à Kiev, cet agenda de réformes est indissociablement lié à l’engagement européen du pays. Il s’agit de se conformer aux standards européens afin que l’Ukraine soit en mesure de présenter une candidature à l’Union européenne en 2020 – c’est son souhait.

J’en arrive aux deux accords qui nous occupent, et qui sont bâtis sur le même modèle défini à Bruxelles. Ils commencent par établir un certain nombre de valeurs communes autour de la démocratie, des droits de l’homme et de l’économie de marché. Ensuite, ils instaurent une coopération politique qui comprend notamment une « convergence progressive » en politique étrangère et de sécurité. Ils prévoient aussi de nombreux domaines de coopération technique.

Enfin et surtout, leurs stipulations les plus nombreuses et les plus opérationnelles sont économiques et commerciales : chacun de ces accords est aussi un accord de libre-échange dit « complet et approfondi » tel que le promeut la politique commerciale de l’Union. Les deux accords comportent donc l’établissement d’une zone de libre-échange entre leurs signataires et l’Union : les droits de douane doivent être supprimés sur la quasi-totalité des flux commerciaux – entre 98 % et 100 % selon les cas – et seules quelques dérogations seront prévues.

Par ailleurs, conformément à la notion de libre-échange « complet et approfondi », ces accords traitent de beaucoup d’autres questions concernant plus ou moins directement le commerce, en ce sens qu’elles sont susceptibles d’entraver son développement : procédures douanières, réglementations techniques, sanitaires et phytosanitaires, liberté d’établissement des entreprises et de prestation de services, accès non discriminatoire à des marchés publics transparents, droit de la concurrence ou encore protection de la propriété intellectuelle et, en particulier, des indications géographiques. Sur toutes ces questions, les accords imposent à des degrés divers et selon des échéanciers précis un alignement des pays partenaires sur « l’acquis communautaire ».

Il faut aussi souligner en creux ce que ces accords ne sont pas. Tout d’abord, ni l’un ni l’autre n’ouvrent de perspective d’adhésion prochaine aux pays signataires. À cet égard, leur préambule est explicite : compte tenu de la forte demande exprimée par l’Ukraine et par la Géorgie sur cette question et soutenue par un certain nombre d’États membres de l’Est et du Nord de l’Europe, il reconnaît certes « l’identité européenne », les « aspirations européennes » ou encore la situation de « pays européen » des deux pays. Toutefois, à la demande de la France et d’autres grands États membres, ce préambule précise aussi que les accords d’association ne préjugent en rien de l’évolution future des relations de l’Union avec ses partenaires orientaux.

Ensuite, ces accords ne sont pas davantage des alliances militaires et n’ont pas d’incidence sur la question controversée du souhait de l’Ukraine et de la Géorgie d’adhérer à l’Alliance atlantique.

Enfin, ils ne traitent pas non plus de la mobilité des personnes, en particulier de la levée de l’obligation de visa pour les courts séjours, laquelle fait actuellement l’objet d’un processus distinct.

Dans ce contexte clair et précis, c’est pour trois raisons que je vous invite à adopter, comme l’a fait la commission des affaires étrangères, les projets de loi qui permettront la ratification des accords d’association avec la Géorgie et l’Ukraine.

C’est tout d’abord au nom de l’idéal européen. La Géorgie depuis une décennie, et l’Ukraine depuis un an, ont des majorités politiques fortes et démocratiquement élues, qui ont fait le choix de l’Europe, laquelle est vue comme un modèle politique et économique. Ce choix détermine à la fois leur politique étrangère et un agenda interne très ambitieux de réformes démocratiques et de modernisation économique. L’Union européenne doit accompagner ces réformes dans le cadre d’un pacte de confiance avec l’Ukraine et la Géorgie. Cette coopération devra s’accompagner de réelles contreparties en termes de droits de l’homme, de bonne gouvernance ou encore de lutte contre la corruption.

C’est ensuite en raison de notre attachement aux principes fondateurs du droit international. Nous regrettons que l’actuelle confrontation avec la Russie n’ait pu être évitée et devons souhaiter qu’un nouveau partenariat puisse être trouvé avec ce grand pays. Néanmoins, nous ne pouvons transiger ni sur le respect de la souveraineté des États internationalement reconnus, ni sur celui de leur intégrité territoriale. L’Ukraine et la Géorgie sont libres de faire leurs choix sans être contraints par l’ingérence d’un voisin trop pressant.

Enfin, nous devons être conscients que les positions de la France comptent particulièrement pour l’Ukraine et la Géorgie. Elles comptent en raison de l’image générale de notre pays, de son attachement séculaire à la liberté, de son statut international, des spécificités de sa politique étrangère, et aussi, ajouterai-je, en raison de la francophonie.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Elles comptent aussi et surtout à cause de l’implication personnelle de ses dirigeants dans la médiation des crises qui ont frappé ces pays au cours des dernières années : le président Nicolas Sarkozy en 2008 lors de la guerre russo-géorgienne, le ministre Laurent Fabius dans la résolution de la crise de Maïdan en février 2014, et le président François Hollande dans le processus de Minsk pour résoudre le conflit du Donbass.

Aujourd’hui, nous ne devons pas manquer l’occasion qui nous est offerte de manifester notre soutien aux peuples d’Ukraine et de Géorgie. En approuvant les deux accords d’association, l’Assemblée nationale sera la voix de la France en Europe et dans le monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de l’Union des démocrates et des indépendants et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. La commission des affaires étrangères s’est beaucoup impliquée, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, dans le suivi des événements en Ukraine, qui ont provoqué plus de 6 400 morts et 16 000 blessés, et qui ont obligé près de deux millions de personnes à abandonner leur logement. Nous ne pouvons pas non plus oublier les épreuves que la Géorgie a traversées en 2008 et le fait que son intégrité territoriale est affectée par le séparatisme des régions d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie.

L’approbation de ces accords d’association est une manière de saluer la mémoire de tous ceux qui, en Ukraine comme en Géorgie, ont lutté pour que leur pays s’engage sur la voie des réformes. Elle est aussi une manière d’aider concrètement ces pays à surmonter leurs difficultés et à se rapprocher le plus possible des standards européens. C’est sans doute la meilleure réponse que nous puissions apporter à la Russie, qui voudrait maintenir ces deux pays dans une position de subordination au prétexte qu’ils seraient incapables de prendre leur destin en main.

Cependant, je voudrais surtout évoquer à cette tribune la question de la révision de la politique de voisinage de l’Union européenne. Sur le rapport de Pierre-Yves Le Borgn’, la commission des affaires étrangères a adopté une proposition de résolution concernant cette politique. Je voudrais replacer notre débat dans ce cadre plus large, car la question des relations avec l’Ukraine et la Russie me paraît constituer un test déterminant de la capacité de l’Union européenne à mener une politique étrangère efficace.

Je le dis d’emblée : il y a des points très positifs dans la réaction de l’Union à cette crise, en particulier le fait qu’elle a su rester unie et conduire une politique commune de fermeté vis-à-vis de la Russie, en décidant de sanctions. En effet, un coup de force tel que l’annexion de la Crimée ne pouvait et ne peut rester sans réponse collective.

Mais il faut aussi avoir l’honnêteté d’admettre que la crise ukrainienne actuelle illustre les faiblesses de la politique européenne de voisinage.

M. François Rochebloine. Eh oui !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Si cette politique est aujourd’hui l’objet d’une révision générale en vue d’une réforme profonde, c’est bien, hélas, parce qu’elle a échoué.

À l’Est, en particulier, elle n’a pas su offrir d’alternative crédible à l’élargissement et a gravement péché par la méthode. Elle a été menée de manière bureaucratique, sans vision ni leadership politique, sans lien suffisant avec la politique étrangère et de sécurité de l’Union et les diplomaties des États membres. Elle ne s’est pas adaptée aux situations particulières des partenaires, a proposé à tous le même accord d’association et a ignoré leurs propres voisins – en l’espèce, évidemment, la Russie. À ce titre, la politique de voisinage a sa part dans le déclenchement des événements en Ukraine. Depuis lors elle a, malheureusement, montré son impuissance relative puisque c’est finalement l’initiative de deux États membres, la France et l’Allemagne, et non celle de l’Union qui a permis de lancer le processus de Minsk en vue d’un règlement du conflit du Donbass. Et nous savons que le processus de Minsk est la seule chance pour la paix : il doit donc être appliqué.

Il nous faut donc, c’est le premier point, une politique de voisinage complètement rénovée, assise sur une vision stratégique, avec une direction politique forte, un volet sécurité renforcé, des priorités recentrées, une prise en compte des réalités géopolitiques et une réponse beaucoup plus différenciée aux attentes de nos partenaires, à la fois les gouvernements et les sociétés civiles. Cela vaut à l’est, mais aussi, bien sûr, au sud de l’Union européenne.

Second point, la refondation de la politique de voisinage ne nous permettra pas d’éluder définitivement le débat sur l’élargissement de l’Europe.

Nous allons aujourd’hui approuver les deux accords d’association en sachant qu’ils ne préjugent en rien – ils le disent textuellement – de la perspective d’une éventuelle adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie à l’Union européenne et qu’ils sont également dépourvus de tout lien avec la question de la candidature de ces pays à l’OTAN. Il est très important d’établir cette distinction car il y a eu trop de confusion au cours des dernières années, comme si le processus d’association devait inévitablement conduire à l’adhésion à l’Union et que celle-ci devait inévitablement conduire à l’adhésion à l’OTAN. Cette distinction est maintenant faite et je m’en réjouis.

Mais ces questions peuvent d’autant moins être ignorées que les intentions des gouvernements ukrainien et géorgien sont tout à fait claires et affichées. S’agissant de l’Union, leur objectif avoué est de mettre leurs pays respectifs en position de présenter leur candidature d’ici quelques années.

Pouvons-nous écarter d’emblée ces futures candidatures ? Je crois que l’idéal européen et les traités européens ne nous le permettent pas. Mais pouvons-nous attendre tranquillement que des candidatures se déclarent sans nous soucier du contexte géopolitique ? Ce serait aller de nouveau au devant d’une crise grave.

C’est pourquoi je crois qu’il est essentiel que l’Union européenne cherche, même si c’est difficile, à rétablir le dialogue avec la Russie et à définir un vrai partenariat avec ce pays.

En disant cela, et j’en terminerai par-là, madame la présidente, je ne suis pas contre l’idée d’un éventuel élargissement à l’est de l’Union à long terme, je suis au contraire convaincue de servir ainsi l’Union. Car quand bien même elle surmonterait tous ses problèmes internes, qui l’amènent aujourd’hui à freiner le processus d’élargissement, qui peut raisonnablement imaginer une adhésion de l’Ukraine qui se ferait dans un contexte de crise entre l’Union européenne et la Russie ?

La Russie est un partenaire économique et politique majeur. Il faut maintenir le dialogue afin, espérons-le, lorsque la crise en Ukraine sera surmontée, dans le respect de son intégrité territoriale, de construire ce partenariat Union européenne-Russie que nous appelons de nos vœux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après l’avoir fait, le 16 avril dernier, pour la Moldavie, nous sommes appelés ce matin à nous prononcer sur les projets d’accords d’association souscrits par l’Union européenne avec la Géorgie et l’Ukraine.

Ces trois textes, je le rappelle, ont été conçus dans le cadre d’une démarche globale visant, au sein du partenariat oriental, à renforcer le dialogue politique bilatéral et à instituer une zone de libre-échange approfondi et complet.

Soulignons une nouvelle fois, comme vous l’avez fait, madame la secrétaire d’État, qu’accord d’association ne signifie pas antichambre pour l’adhésion. Compte tenu du contexte économique, social et géopolitique, il serait même déraisonnable d’ouvrir des perspectives d’élargissement. Il faut que les pays baltes s’en rendent compte.

Nous ne saurions cependant rester sourds à l’envie d’Europe des Républiques post-soviétiques qui ont fait le choix d’intégrer ses valeurs politiques et économiques, de se rapprocher de ses normes de droit et de développer les échanges commerciaux bilatéraux.

Tel est le cas de l’Ukraine et de la Géorgie, qui ont besoin de nous pour encourager leurs institutions démocratiques et créer les conditions d’un développement économique et social durable. C’est pourquoi la commission des affaires européennes a adopté, dès le 10 juin de l’année dernière, des conclusions favorables à l’adoption de ces deux accords d’association.

D’un point de vue général, depuis le début de la crise politique en Ukraine, la commission des affaires européennes a suivi avec la plus grande attention les évolutions de la situation en produisant de nombreuses communications et surtout, l’été dernier, en effectuant une mission à Kiev et à Odessa où nous nous sommes rendus, avec le président du groupe d’amitié Rémi Pauvros, de façon à voir sur place comment les choses se passaient. Nous envisageons de nous y rendre à nouveau, début 2016, avec nos collègues du Bundestag et de la Diète polonaise pour montrer aux Ukrainiens que l’Europe, dans sa diversité, les soutient.

Près de quatre mois après sa signature, l’application de l’accord de Minsk 2 demeure difficile et la situation n’est pas encore stabilisée, loin s’en faut. Des progrès sensibles ont certes été enregistrés dans la plus grande partie du Donbass par rapport à l’état de violence généralisée qui prévalait juste avant. Cependant, le cessez-le-feu n’a jamais été parfaitement respecté et l’OSCE, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, n’a pas les moyens de surveiller de façon draconienne l’immense territoire pour lequel elle a reçu mandat.

Des problèmes demeurent, ne serait-ce que la question des prisonniers, en particulier des prisonniers ukrainiens en Russie. Il subsiste une dizaine de « points chauds » où les tirs d’artillerie lourde n’ont jamais cessé, occasionnant des pertes humaines quotidiennes parmi les forces loyales ukrainiennes comme parmi la population civile.

Le niveau d’inquiétude est remonté d’un cran, début juin, avec le déclenchement par les séparatistes à Marinka, au sud-ouest de Donetsk, d’une attaque d’une violence sans précédent depuis la mi-février.

L’enjeu est donc plus que jamais de consolider et de sécuriser les acquis de l’accord de Minsk 2, notamment en persévérant dans le soutien à l’économie ukrainienne, conformément aux décisions prises lors du dernier sommet du partenariat oriental qui s’est tenu à Riga il y a un mois.

Dans un souci d’apaisement vis-à-vis de la Russie, l’entrée en vigueur de l’accord liant l’Union européenne à l’Ukraine a été repoussée au 1erjanvier 2016 et des négociations trilatérales ont été ouvertes, ce qui rend son échéance acceptable.

L’économie géorgienne a bien résisté au conflit d’août 2008 avec la Russie mettant en jeu les régions séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. Ces territoires, qui représentent environ 20 % de la superficie du pays et sont majoritairement peuplés de russophones, ont en effet obtenu leur indépendance de fait il y a sept ans, suivant, me semble-t-il, une logique du même type que celle qui a conduit à l’annexion de la Crimée. Ces événements ont poussé le pays à se tourner vers l’Union européenne, qui est désormais son premier partenaire commercial.

La Commission européenne a salué les progrès significatifs accomplis par Tbilissi en 2014 dans la mise en œuvre de son agenda d’association avec l’Union européenne, particulièrement en ce qui concerne les institutions, l’État de droit et le système judiciaire.

Par ailleurs, la Géorgie affiche un volontarisme louable en matière de coopération à la PSDC, la politique de sécurité et de défense commune, à travers un accord-cadre, effectif depuis mars 2014, qui l’a amenée à participer à l’opération militaire EUFOR RCA en République centrafricaine ainsi qu’à la mission de formation des forces armées maliennes.

En conséquence, au sommet de Riga, les dirigeants européens ont donné un gage important à la Géorgie en s’engageant à supprimer, à un horizon très proche, les visas pour l’entrée dans l’espace Schengen. C’est une mesure essentielle très attendue et riche de sens sur le plan politique.

À la lumière de ces remarques, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les présents projets de loi autorisant la ratification des accords d’association UE-Géorgie et UE-Ukraine et je n’ai aucun doute quant au large assentiment qu’ils emporteront. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Discussion générale commune

Mme la présidente. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Olivier Falorni.

M. Olivier Falorni. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les présidentes de commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en 2007, le Conseil européen a autorisé la Commission à ouvrir des négociations avec l’Ukraine et, en 2010, avec la Géorgie en vue de la conclusion de nouveaux accords destinés à remplacer les précédents accords signés dans les années 1990 en matière de partenariat et de coopération.

Pour l’Union européenne et ses États membres, il s’agissait, dans ces négociations, de soutenir la mise en œuvre de réformes visant à moderniser en profondeur l’économie ukrainienne et géorgienne, au moyen notamment d’un rapprochement avec l’acquis de l’Union, de promouvoir de nouveaux domaines de coopération correspondant à des enjeux globaux tels que le développement durable ou la paix et la sécurité, la démocratie et les droits de l’homme ainsi que le développement social, et enfin d’obtenir des garanties quant à la protection de la propriété intellectuelle ainsi qu’en matière de protection des indications géographiques.

Ces négociations ont débouché sur des accords d’association entre l’Union européenne, la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et l’Ukraine et la Géorgie d’autre part, accords signés à Bruxelles lors des Conseils européens de mars et juin 2014.

Ces accords sont riches de plusieurs objectifs.

Le premier de ces objectifs est politique. En établissant une « association », l’accord donne une nouvelle impulsion à la dynamique de rapprochement entre l’Union européenne et l’Ukraine et la Géorgie puisqu’il prévoit : le développement et le renforcement du dialogue politique sur les réformes intérieures ; l’intensification du dialogue et de la coopération dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité, y compris la politique de sécurité et de défense commune ; l’engagement de l’UE et de la Géorgie de parvenir à un règlement pacifique et durable des conflits dans les régions géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, dans le plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Géorgie, et de soutenir la réhabilitation après le conflit.

Ces accords ont également des objectifs commerciaux. L’accord ouvre des perspectives majeures de développement des relations entre l’Union européenne et les deux États en prévoyant la libéralisation quasi-totale des échanges des lignes tarifaires en valeur commerciale. Le calendrier de diminution des droits de douane est asymétrique afin de prendre en compte les différences de développement économique entre l’Union européenne et l’Ukraine.

En sus des démantèlements tarifaires, l’accord comporte des engagements en vue d’une élimination progressive de certains obstacles techniques au commerce et d’une facilitation des procédures douanières.

Par ailleurs, il couvre la plupart des sujets commerciaux non tarifaires d’intérêt offensifs parmi lesquels les mesures sanitaires et phytosanitaires, les services, la concurrence, les marchés publics et la propriété intellectuelle, qui font l’objet de chapitres spécifiques. L’accord prévoit ainsi la reconnaissance et la protection de toutes les indications géographiques européennes.

Ces accords d’association visent enfin à renforcer la coopération entre l’Union européenne et l’Ukraine, et l’Union européenne et la Géorgie.

Un large éventail de domaines d’intérêt commun sont concernés, en s’appuyant sur la reprise progressive et la mise en œuvre par les deux États d’une partie de l’acquis de l’Union et sur l’assistance de l’Union aux réformes. Il s’agit en particulier de soutenir la mise en œuvre de réformes en profondeur, de promouvoir la croissance économique, de contribuer au renforcement de la bonne gouvernance et de renforcer la coopération dans vingt-sept secteurs tels que la réforme de l’administration publique, la gestion des finances publiques, l’énergie, les transports, l’environnement – pour ne citer qu’eux.

Ces accords ne pourront donc qu’avoir des conséquences positives.

Sur le plan économique tout d’abord. En effet, les accords d’association, qui comprennent un accord de libre-échange complet et créent un nouveau cadre pour les relations économiques entre l’Union européenne, l’Ukraine et la Géorgie, doivent favoriser l’essor de ces pays. D’autant que l’Union européenne est le premier partenaire commercial de l’Ukraine et réalise en Géorgie 20 % de ses exportations.

À l’échelle de notre pays, les accords renforceront les liens économiques. Avec 2,2 % de part de marché, la France est le quatrième fournisseur européen de l’Ukraine qui est elle-même notre premier partenaire commercial dans la région après la Russie. L’Hexagone est en outre le huitième investisseur étranger en Ukraine et plus de 160 entreprises françaises sont implantées dans les secteurs de l’agroalimentaire, des services, de l’industrie et des mines. Quant à la Géorgie, la portée économique de l’accord pour les entreprises françaises y sera sans doute relativement limitée mais nos relations commerciales en seront néanmoins intensifiées et de nouvelles opportunités seront créées. Les accords auront en outre des conséquences sociales indéniables car ils procèdent de l’idée selon laquelle le développement social doit aller de pair avec le développement économique afin d’assurer le renforcement de la cohésion sociale et lutter contre la pauvreté, les inégalités, les injustices et l’exclusion sociale.

Ils visent donc à contribuer au développement socio-économique de l’Ukraine et de la Géorgie, au moyen notamment d’une vaste coopération en matière d’emploi, de politique sociale, d’égalité des chances, de santé publique, d’éducation et de formation. Ils prévoient par ailleurs l’engagement des deux États de rapprocher progressivement leur législation de celle de l’Union européenne et des instruments internationaux en matière de droit du travail, de non-discrimination, d’égalité entre les femmes et les hommes, de santé et de sécurité au travail. L’objectif de contribution au développement socio-économique de l’Ukraine et de la Géorgie est également décliné dans le volet commercial des accords affirmant la volonté des parties de promouvoir le développement du commerce international en vue de le rendre propice au plein-emploi productif et à l’obtention par tous d’un travail décent. Des engagements sont pris en matière d’application de normes sociales, en particulier la mise en œuvre des conventions internationales en la matière dont celles qui découlent de l’adhésion des parties à l’Organisation Internationale du Travail.

Les accords visent par ailleurs à renforcer la participation de la société civile aux relations entre l’Union européenne et les deux États, en particulier par la mise en place dans le volet commercial de l’accord d’un forum mixte avec les organisations de la société civile et de l’institution d’une plate-forme de la société civile disposant d’un pouvoir de recommandation auprès du conseil d’association. Enfin, les accords d’association comptent parmi leurs principaux objectifs la réponse aux besoins en matière d’environnement. Le renforcement de la coopération entre l’Union européenne et l’Ukraine et la Géorgie en matière d’environnement et de lutte contre le changement climatique doit contribuer à la réalisation de l’objectif à long terme de développement durable et d’économie verte. Celui-ci fait l’objet d’un chapitre spécifique du volet des accords relatif à la coopération prévoyant l’engagement des deux États de rapprocher progressivement leur législation de celle de l’Union européenne et des instruments internationaux. Les textes relatifs à la gouvernance environnementale et à la prise en compte des questions environnementales dans d’autres domaines d’action comme la qualité de l’air et de l’eau et la gestion des déchets et des ressources sont particulièrement visés.

Cet objectif est incorporé de façon transversale dans les accords, en particulier dans leur volet commercial dont le chapitre XIII est consacré au lien entre les politiques commerciales, sociales et environnementales. Promouvant une approche globale du commerce et du développement durable, ce chapitre réaffirme l’engagement à prendre des mesures en faveur du développement durable compte tenu de l’interdépendance du développement économique, du développement social et de la protection de l’environnement. En outre, des engagements sont pris en matière d’application de normes environnementales, en particulier la mise en œuvre des conventions internationales en la matière. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient les deux projets de loi car les autorisations de ratification d’accords d’association dont ils sont porteurs visent à renforcer le dialogue politique et les échanges économiques et commerciaux entre l’Union européenne d’une part et l’Ukraine et la Géorgie d’autre part. Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur des deux textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. François Rochebloine. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Baumel.

M. Philippe Baumel. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les présidentes de commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, j’évoquerai surtout l’Ukraine dont l’étymologie« U-Kraïna », littéralement le pays de des confins, rappelle qu’elle a toujours été tiraillée entre plusieurs influences, polonaise ou russe, orientale ou occidentale, comme en témoigne son histoire. La situation actuelle, de plus en plus instable et inquiétante, rappelle s’il en était besoin le poids de l’histoire comme les relations complexes qu’entretient ce pays avec la Russie voisine. En raison de l’annexion de la Crimée par la Russie et de la perte de contrôle d’une partie de la région du Donbass, l’Ukraine est confrontée à une crise majeure et doit relever simultanément un défi économique immense. En dépit des accords de Minsk et de Minsk 2, la situation reste confuse dans l’Est du pays et de fortes tensions persistent autour de Donetsk et Marioupol. D’ores et déjà, les combats ont fait plus de 6 100 morts. Avant-hier, alors même que les chefs des diplomaties russe, ukrainienne, française et allemande se réunissaient à Paris pour évoquer les accords de paix, les combats s’intensifiaient dans la région de Donetsk. Les quatre ministres ont cependant appelé à une désescalade rapide, sans réel écho à ce jour.

Ce matin même, la Russie se prétendait impuissante à bloquer les volontaires russes qui partent au combat. L’Union européenne a donc décidé dès lundi de prolonger jusqu’en 2016 les sanctions économiques visant la Russie dont le rôle dans le conflit ukrainien n’est malheureusement plus à démontrer. Il faut aussi rappeler que la politique de voisinage de l’Union européenne, dans cette affaire, n’a pas été à la hauteur, se résumant à une gestion bureaucratique sans véritable vision politique dont nous mesurons aujourd’hui toutes les cruelles conséquences sur le peuple ukrainien. Tel est le contexte de fortes tensions dans lequel nous examinons les accords d’association avec la Géorgie et l’Ukraine dont l’objectif est de renforcer le volet oriental de la politique européenne de voisinage envers six anciennes républiques soviétiques, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Moldavie, la Géorgie et l’Ukraine. Les négociations d’un éventuel accord d’association avec l’Ukraine ont commencé en 2007 et celles de son volet commercial en 2008. Nous connaissons le rôle de l’accord d’association dans la crise politique ukrainienne. Le refus de l’ex-président ukrainien Viktor Ianoukovytch de le parapher en novembre 2013 a été à l’origine de manifestations ayant mené à la « révolution de la dignité » ou de Maïdan en février 2014.

Le nouvel exécutif ukrainien a aussitôt repris la négociation de l’accord d’association qui a été ratifié le 16 septembre 2014. Celui-ci n’est évidemment pas responsable de la situation actuelle dont les racines profondes sont d’abord à chercher dans les divisions internes du pays, dans sa mauvaise gouvernance, en particulier au cours des années ayant précédé la récente révolution, et dans l’attitude de la Russie. L’accord constitue la dernière phase d’un processus qui pour être long et difficile n’en a pas moins montré le profond désir de l’Ukraine de s’ancrer dans les valeurs européennes et de nouer avec l’Union européenne un partenariat privilégié. Il vise à établir une association politique entre l’Union européenne et l’Ukraine ainsi que leur intégration économique et constituera un puissant levier de modernisation et de réforme. Les accords d’association avec la Géorgie et l’Ukraine que nous examinons comportent surtout des clauses économiques et commerciales mais leur portée politique est majeure. Les trois volets à peu près identiques des deux accords sont destinés à renforcer le dialogue et les réformes politiques, promouvoir la coopération et le commerce et enfin favoriser l’adoption d’une grande partie de l’acquis communautaire. Le premier volet vise à approfondir le dialogue politique entre l’Union européenne, l’Ukraine et la Géorgie, notamment en matière de réformes intérieures, de politique étrangères et de sécurité.

Le troisième volet porte sur la nécessité de renforcer la coopération en matière de liberté d’établissement des entreprises et de prestation de services, de protection de la propriété intellectuelle, de politique industrielle, d’énergie, d’environnement, d’éducation et de culture. Comme l’ont clairement rappelé Mme la secrétaire d’État et M. le rapporteur, les accords ne prévoient aucune adhésion à l’Union européenne. Il s’agit d’accords de voisinage visant à développer la coopération entre l’Union européenne et les deux pays. Il faudra cependant construire sans délai une autre politique de voisinage de l’Union européenne et travailler à une autre stratégie relationnelle avec le grand voisin russe. Dans le contexte que connaît l’Ukraine, les accords d’association sont nécessaires au renforcement de ses liens avec l’Union européenne et la France et même indispensables pour reconstruire la stabilité du pays et faire face aux défis économiques. Il existe là-bas une forte demande d’Europe, ne la décevons pas et votons sans réserve les accords d’association ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères, et, M. Jean-Pierre Dufau et , rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, chers collègues, quelle est la situation actuelle ? Avant de répondre à cette question, permettez-moi de présenter les excuses de mon excellent collègue Thierry Mariani, retenu dans les transports. Manifestement, tous les citoyens de notre beau pays niché au cœur de l’Union européenne ne sont pas pleinement satisfaits de leur situation sociale et économique ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Guy-Michel Chauveau. Ou du libéralisme sauvage !

M. Nicolas Dhuicq. Le groupe Les Républicains, ex-UMP, votera ces textes mais nous serons nombreux, issus en particulier de la famille gaulliste, à nous opposer résolument à ce type de provocation. Car c’est bien de provocation qu’il s’agit ! Quelle est la situation actuelle ? Les 1 200 entreprises françaises installées dans la Fédération de Russie, avec laquelle l’Occident a systématiquement refusé depuis le 11 septembre 2001 toute coopération sérieuse, en particulier en matière de lutte contre le terrorisme, en ont assez des sanctions dont elles sont les premières à souffrir !

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Il n’y a pas d’effet sans cause !

M. Nicolas Dhuicq. Comme le montre bien l’exemple de l’ancien chancelier Schröder qui travaille désormais pour Gazprom, l’Allemagne a parfaitement compris la situation et ses échanges économiques ne faiblissent pas. Pire encore, nous sommes passés derrière les entreprises italiennes au sein de la Fédération de Russie et nos banques timorées n’osent pas prêter à nos entreprises, tant aux grands groupes comme Total qu’aux PME, uniquement par peur des mesures de rétorsion des banques américaines ! Telle est la situation actuelle ! Il faudrait au moins cinquante milliards d’euros pour reconstruire l’économie ukrainienne. Avons-nous l’argent nécessaire ? L’Union européenne abondera-t-elle en monnaie sonnante et trébuchante l’économie de nos frères ukrainiens ? Que nenni !

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Il faut lire le rapport !

M. Nicolas Dhuicq. Et puisqu’il est question de valeurs européennes, qui ici s’interrogera sur la situation du président Porochenko dont la fortune personnelle a été multipliée par trois ou quatre depuis les derniers événements et qui commerce directement ou indirectement avec la Fédération de Russie à titre personnel ?

Mme Chantal Guittet. Ce n’est pas le sujet !

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Quel talent !

M. Nicolas Dhuicq. Qui, dans cet hémicycle, s’interrogera sur son gouvernement, issu d’un véritable coup d’État, et sur l’action des services secrets à Maïdan, en particulier ceux de Varsovie, ce que je regrette ? Je ne comprends plus la diplomatie polonaise qui au contraire aurait tout intérêt, historiquement, à retrouver une zone d’influence forte sur une partie de l’Ukraine. Qui mènera les enquêtes sur certains assassinats perpétrés à Maïdan ? Qui s’interrogera sur la présence dans le gouvernement de M. Porochenko de trois ministres qui étaient encore de nationalité américaine trois jours à peine avant d’être nommés et dont l’un travaillait pour le département d’État ? Ces accords, je ne les comprends pas !

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Alors votez contre !

M. Nicolas Dhuicq. Il s’agit, nous dit-on, d’ouvrir en grand les portes d’un libre-échange censé résoudre tous les problèmes alors que prévaut une situation de guerre civile dans laquelle des familles sont torturées et divisées de chaque côté de la frontière, dont certaines, russes orthodoxes, souhaitent dans leur âme profonde être rattachées à la grande patrie russe !

Mme Pascale Crozon. Incroyable !

M. Nicolas Dhuicq. Tant que nous n’aurons pas compris cela, nous nous tromperons sur l’Ukraine ! Tant que nous n’aurons pas parlé librement ici de la division Galicia de triste mémoire, qui massacra Polonais et Juifs pendant la Seconde guerre mondiale et continue aujourd’hui à y défiler en uniforme officiel, nous nous tromperons sur l’Ukraine !

Qui vous parlera ici de ces affiches de propagande du gouvernement ukrainien appelant à écraser le cafard russe ?

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Si on parlait du sujet ?

M. Nicolas Dhuicq. Qui vous parlera de cette guerre civile qui divise les familles ?

Pour en venir à l’économie, madame la secrétaire d’État, je me souviens de la qualité des terres ukrainiennes ! Je me souviens que notre agriculture régresse au sein même de l’Union européenne et que l’Allemagne est désormais au premier rang pour la production de protéines animales, car tous les abattoirs ferment chez ses voisins – il n’y a plus d’abattoirs au Danemark. Des pays souverains abandonnent ainsi leur souveraineté première, qui est leur liberté d’alimentation.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Hors sujet ! À refaire !

M. Nicolas Dhuicq. Je redoute qu’avec la nouvelle PAC, le verdissement de celle-ci, le délétère traité de libre-échange transatlantique et ces accords, nos agriculteurs français soient à nouveau pénalisés.

Plus cocasse, l’accord proposé avec la Géorgie. Qui ici dira que M. Saakachvili, qui lança son pays dans une opération funeste, dans une aventure terrible, a été nommé citoyen ukrainien et est désormais gouverneur de la ville et de l’oblast d’Odessa ?

Mme Pascale Crozon. Et que voulez-vous qu’on y fasse ?

M. Nicolas Dhuicq. N’est-ce pas là un motif majeur d’interrogation ? Comment se fait-il que l’ancien président géorgien soit désormais ukrainien et administre une ville ukrainienne ? Ne pensez-vous pas, mes chers collègues, que ces accords sont une véritable provocation ? Que l’Ukraine, zone frontière, anciennement possession du royaume polono-lituanien, anciennement frontière du tsar, a toujours vocation à être une zone frontière entre la Fédération de Russie et nous ?

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. C’est le cas.

M. Nicolas Dhuicq. Je vous ai entendue ce matin, madame la présidente de la commission. Oui, on peut envisager une extension de l’Europe, mais pas de l’Union européenne. C’est une véritable provocation.

Mme Chantal Guittet. Ce n’est pas le sujet !

M. Nicolas Dhuicq. L’Europe se construira de l’Atlantique à l’Oural ; elle ne se construira pas contre la Russie,…

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Nous n’avons jamais dit cela !

M. Nicolas Dhuicq. …car je le répète, mes chers collègues : si vous votez ce texte, c’est une provocation !

M. Philippe Baumel et M. Guy-Michel Chauveau. C’est vous qui faites de la provocation !

M. Nicolas Dhuicq. Vous allez faire couler plus de sang, raviver la haine, et vous n’avez pas les moyens d’offrir à nos frères ukrainiens ce que vous prétendez leur offrir ! Voilà pourquoi nous serons plusieurs à voter fermement contre cette ratification.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Voilà qui est intéressant ! Ce n’est pas ce que nous a dit M. Mariani ! Vous prenez une lourde responsabilité !

M. Olivier Falorni. Exercice solitaire ! (Sourires)

Mme Chantal Guittet. Où est M. Lellouche ?

Mme la présidente. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les deux textes qui nous sont présentés ce matin vont bien au-delà d’une simple ratification d’accords internationaux.

À travers ces deux projets de loi, c’est de l’avenir de nos relations avec l’Ukraine et la Géorgie, mais aussi de l’avenir des relations entre l’Union européenne et la Russie, dont nous parlons. Il y va de nos intérêts politiques, économiques et diplomatiques.

Face aux bouleversements majeurs que le monde connaît actuellement, nous ne pouvons pas nous permettre de négliger nos relations diplomatiques avec la Russie. La stabilisation et la pacification de la zone, et au-delà, passeront obligatoirement par un dialogue renforcé et équilibré entre l’Union européenne et ces trois partenaires.

Pays à l’histoire mouvementée et à l’identité complexe, la Géorgie et l’Ukraine sont toutes deux d’anciennes républiques soviétiques, qui ont acquis leur indépendance au début des années 1990.

Jeunes démocraties, ces pays se sont tournés vers l’Europe avec la volonté de se développer. S’ils connaissent une situation politique sensible et d’importantes faiblesses économiques, leur engagement pro-européen leur vaut un niveau élevé d’aide européenne. Enfin, ils ont chacun connu une importante crise avec la Russie et semblent sans cesse divisés entre leurs orientations pro-européennes et pro-russes.

L’Ukraine subit encore de plein fouet les effets de la crise avec la Russie et les événements, malgré la signature des accords de Minsk II , ne sont toujours pas pacifiés. En dépit du cessez-le-feu, elle doit encore faire face aux forces russes, et, depuis la mi-mars, la situation s’est hélas à nouveau dégradée. La prolongation des sanctions de l’Union européenne contre la Russie en atteste.

La Géorgie et la Russie, en 2008, se sont affrontées sur la question de l’Ossétie du sud, qui voulait affirmer son indépendance. Si l’intervention de la France a permis l’arrêt des combats et la signature d’un plan, les relations entre Moscou et la Géorgie ne sont toujours pas rétablies.

Aussi, nous le savons, la signature d’accords d’association avec d’anciennes républiques soviétiques fait l’objet de réserves de la part de la Russie. Pour autant, la ratification de ces deux accords ne doit pas devenir un facteur de rupture entre les deux parties de l’Eurasie. La coopération avec l’Ukraine et la Géorgie doit être perçue comme une richesse, une source de complémentarité. Elle devrait permettre de créer une meilleure synergie entre l’Union européenne et la Russie.

Si, à ce jour, le choix de l’Europe n’est pas clairement fait par l’Ukraine et la Géorgie, elles s’en sont néanmoins rapprochées depuis maintenant quelques années. Dès 1994, un accord de partenariat a été signé entre l’Ukraine et l’Europe, concrétisant son choix européen. En 1996, c’est au tour de la Géorgie d’instituer un partenariat avec la Communauté européenne. De plus, l’arrivée au pouvoir de majorités pro-européennes, notamment en Ukraine en 2014, a accéléré le processus d’alignement de ces pays sur les standards européens et occidentaux.

Ces projets de loi s’inscrivent dans le contexte du partenariat oriental de l’Union, lancé en 2009, par lequel il a été proposé à six pays, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Belarus, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine, une association politique, assortie d’une intégration économique.

L’Ukraine et la Géorgie ont démontré leur volonté de se rapprocher des standards européens. De nombreuses réformes ont été menées en ce sens.

En Ukraine, sous l’impulsion de l’accord d’association et du FMI, de nombreuses réformes ont été adoptées concernant notamment la politique monétaire, le secteur bancaire, la fiscalité, les dépenses publiques ou encore la politique énergétique. Une stratégie anti-corruption a été mise en place sur la période 2014-2017, et un programme ambitieux a été adopté concernant les services de sécurité, la défense, l’éducation ou encore le système électoral.

La Géorgie, dès 2003, a souhaité alléger et simplifier sa fiscalité. Elle a permis le développement du secteur privé en faisant diminuer la corruption et a lancé une stratégie Georgia 2000 visant à moderniser le pays.

Outre qu’il constitue pour nous une chance d’approfondir nos relations économiques et commerciales avec ces deux pays mais aussi un renouvellement du dialogue politique, cet accord doit permettre aux deux pays de s’adapter aux normes européennes et d’en tirer une prospérité économique et politique. Il faut accompagner la Géorgie vers sa modernisation, encourager l’Ukraine dans la mise en place de réformes ambitieuses et structurelles, afin qu’elle s’oriente vers une sortie de crise à la fois politique et financière.

Le texte prévoit enfin un alignement des réglementations économiques, techniques et sanitaires géorgiennes et ukrainiennes sur le droit européen. C’est un enjeu essentiel et, sur ce point, ces deux pays ont d’importants efforts à faire s’ils veulent atteindre les standards de qualité de l’Union.

Au-delà, ces deux accords témoignent de la volonté de ces pays de nous tendre une main amicale. En signant cet accord, c’est un message de soutien et de solidarité que nous leur envoyons. Tel a été le sens de la construction européenne, autour des valeurs de la liberté, de la solidarité et du partage.

Pour autant, nous sommes bien conscients que l’Ukraine a encore de nombreux problèmes à résoudre. La paix et la sécurité ne sont plus assurées sur son territoire, les règles du droit international ne sont toujours pas rétablies et son intégrité territoriale n’est, hélas, plus respectée.

La Géorgie, quant à elle, doit encore régler la situation en Abkhazie et en Ossétie du sud, en particulier la question de la reconstruction de frontières sur les lignes de jonctions avec ces deux territoires.

Si ces questions restent en suspens, le renforcement de la coopération économique est l’occasion unique pour ces deux États de devenir des éléments centraux du renouvellement des relations avec la Russie, et plus généralement entre les deux branches de l’Eurasie.

Mes chers collègues, l’Ukraine et la Géorgie attendent de l’Europe les moyens concertés de leur développement, afin de ne plus être des pays que l’on aide, mais de devenir de véritables partenaires commerciaux. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI votera en faveur de ces projets de loi, et sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy-Michel Chauveau.

M. Guy-Michel Chauveau. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les présidentes de commission, monsieur le rapporteur, inscrit dans le cadre du partenariat oriental de l’Union européenne initié en 2009 dans le but de renforcer le volet oriental de la politique européenne de voisinage, la PEV, cet accord poursuit l’objectif de promouvoir la prospérité, la stabilité et la sécurité aux frontières de l’Union. Il est donc destiné à renforcer la coopération économique et politique, et il n’est pas à ce jour – les uns et les autres l’ont dit – un instrument de la politique d’élargissement de l’Union européenne.

La signature de cet accord d’association, rédigé dès 2012, a été différée en raison de l’évolution de la situation en Ukraine. L’Union européenne et l’Ukraine ont signé les chapitres politiques lors du Conseil européen du 21 mars 2014, tandis que le volet commercial a été signé le 27 juin 2014. L’ensemble a été ratifié par le Parlement européen et la Rada concomitamment en septembre 2014.

Ces étapes et ces initiatives fructueuses méritent d’être saluées, car l’Ukraine, compte tenu de sa superficie et de sa population, représente un partenaire prioritaire et incontournable de l’Union européenne dans le cadre de la politique européenne de voisinage. L’Union est d’ailleurs devenue son premier partenaire commercial.

Abordé par le Préambule et les Titres I, Il et III, le volet politique définit les conditions du dialogue politique et énonce les grandes orientations à mettre en œuvre. L’Ukraine est ainsi contrainte de prendre des réformes intérieures et de respecter les principes démocratiques, les droits de l’Homme, l’État de droit – articles 2 et 3 –, les principes de bonne gouvernance, et de lutter contre la corruption.

Ce volet politique de l’accord réaffirme les valeurs européennes et la nécessité d’une coopération institutionnelle. Le Titre III concerne des points importants comme la justice, la liberté et la sécurité et comporte des avancées intéressantes.

Le volet économique et commercial prévoit quant à lui la libéralisation des échanges grâce à la suppression des droits de douane sur la quasi-totalité des lignes tarifaires et à des mesures non tarifaires visant à faciliter l’accès aux marchés.

Répétons que cet accord n’a pas pour conséquence d’empêcher tout autre partenariat commercial de l’Ukraine, par exemple avec la Russie ou l’Union eurasiatique.

Naturellement, la ratification permet de répondre aux attentes et à la bonne volonté de l’Ukraine, et de ne pas décevoir les aspirations de son peuple à l’égard de l’Europe. Dans la perspective de la mise en œuvre de l’accord, Kiev a d’ailleurs déjà su engager des réformes dans de nombreux domaines : fiscalité, secteur bancaire, politique énergétique, lutte contre la corruption, dépenses publiques notamment.

Il faut aussi saluer la création par le Président Porochenko d’une commission sur la Constitution en mars 2015, accompagnée de la production d’importants travaux législatifs relatifs au paysage institutionnel ukrainien, et bien sûr les projets en cours en matière de décentralisation et d’élections locales, ces dernières étant prévues à l’automne malgré les difficultés actuelles.

Toutefois, des efforts importants devront encore être accomplis, avec un devoir de vigilance renforcé dans certains domaines, notamment la refonte de la procédure pénale et l’amélioration de l’indépendance de la justice. La consolidation des institutions judiciaires et de sécurité et la lutte contre la corruption apparaissent comme des priorités, des urgences, mais pourraient s’avérer longues et complexes si la volonté politique venait à faiblir – même si nous savons qu’elle existe aujourd’hui. La mise en œuvre de l’article 22 relatif à la lutte contre la criminalité et la corruption fait d’ailleurs l’objet d’un suivi attentif et particulier.

Mais en dépit des difficultés, nous pensons qu’une authentique volonté réformatrice peut s’affirmer et s’amplifier encore, et cet élan mérite bien sûr d’être encouragé.

Enfin, la ratification doit permettre à la France d’illustrer avec force le rôle fondamental qu’elle joue en faveur du règlement en Ukraine ainsi que l’engagement personnel du Président de la République dans le cadre des accords de Minsk 2 des 11 et 12 février derniers. D’ailleurs, madame la secrétaire d’État, vous avez à juste raison rappelé, dans votre introduction, les douze ou treize points de ces accords, que l’on a quelquefois tendance à oublier.

L’accord dont nous discutons constitue une base pertinente à partir de laquelle nous pouvons consolider nos relations avec l’Ukraine. Il incarne le choix délibéré d’un peuple souverain de se rapprocher du projet européen et de promouvoir des valeurs chères à l’Union, telles que la démocratie, l’état de droit et le respect des libertés fondamentales. Nous devons nous en réjouir et soutenir ces aspirations.

Enfin, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, je voudrais soutenir votre analyse sur la politique européenne de voisinage. Cette analyse est, de fait, partagée aujourd’hui par de très nombreux pays. À Riga, dernièrement, mais aussi à Bruxelles, à la commission des affaires étrangères du Parlement européen, de nombreux collègues se sont exprimés sur les voisins des voisins, qu’ils se situent d’ailleurs à l’est ou au sud. Comme vous l’avez dit, dans le cadre de la révision stratégique qui est à présent engagée, et qui doit être présentée au printemps prochain, beaucoup de travail et d’avancées restent à accomplir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les deux accords internationaux dont nous sommes aujourd’hui saisis ne sont en rien d’ordinaires accords économiques et commerciaux. Leur portée géopolitique est majeure, précisément parce que les nuées de la guerre demeurent toujours aussi vivaces sur le sol ukrainien et l’ensemble des franges orientales de l’Europe.

Dans ce débat, les députés du Front de gauche n’ont qu’une – je dis bien : qu’une seule – préoccupation : déterminer si la ratification de ces accords est de nature à aider la paix, ou au contraire à attiser les tensions.

En 2009, l’Union européenne lançait les négociations en vue d’un accord d’association avec l’Ukraine, la Géorgie et quatre autres pays de l’espace post-soviétique. Quatre ans après, l’interruption de ce processus de négociation par le président Ianoukovitch, sous la pression de la Russie, mettait l’Ukraine à feu et à sang, conduisant à une guerre civile et une quasi-partition de ce pays, qui a causé 6 000 victimes et réduit un million de personnes à l’état de réfugiés. C’est à l’aune de ce processus dramatique que nous devons aujourd’hui nous interroger sur le bien-fondé d’un nouvel accord et, plus largement, sur le rôle que la France peut jouer dans la stabilité de cette région.

Le rapport de notre collègue Jean-Pierre Dufau souligne à juste titre – je cite – « le rôle déclencheur qu’a joué la question de l’accord d’association dans la crise politique […] que traverse l’Ukraine ». Il admet – je cite encore – sa « portée politique majeure », au-delà de ses dimensions économique et commerciale. En ratifiant cet accord, ne prenons-nous pas le risque d’envenimer le conflit ukrainien et les séparatismes géorgiens ?

M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

M. André Chassaigne. Car, malgré la signature des accords de Minsk 2 en février dernier, le cessez-le-feu demeure précaire dans une région située au cœur d’un affrontement géopolitique ancien et vivace entre l’ancien espace soviétique et l’OTAN. En 1994, la Russie s’était engagée à s’abstenir de toute menace ou pression économique sur l’Ukraine en vue d’influencer sa politique, par le mémorandum de Budapest, également signé par les États-Unis. Cet accord garantissait l’indépendance et la souveraineté ukrainienne dans ses frontières, un principe que nous devons défendre avec la plus grande fermeté. Puis en 1997, l’acte fondateur OTAN-Russie avait défini un modus vivendi entre les deux blocs militaires, l’OTAN s’engageant à ne pas déployer d’armements nucléaires chez ses futurs membres. Cet équilibre a été rompu, les engagements bafoués de part et d’autre, et l’Ukraine, comme la Géorgie, sont devenus le terrain d’affrontement des grandes puissances.

Les États-Unis portent une responsabilité première de cette situation pour n’avoir jamais renoncé à étendre la sphère d’influence du bloc atlantique. Si l’OTAN a perdu sa raison d’être avec la fin de l’URSS, elle a pourtant poursuivi sans frein sa doctrine stratégique impérialiste, profitant de chaque faiblesse russe pour avancer ses pions.

M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Non, pas vous, monsieur Dhuicq !

M. André Chassaigne. Ce furent les adhésions de la République tchèque, de la Hongrie et de la Pologne en 1999, puis celles de la Bulgarie, de la Slovaquie, des pays Baltes, de la Roumanie et de la Slovénie en 2004. Et que dire du projet d’adhésion de l’Ukraine, ravivé périodiquement par l’OTAN, notamment par Bush en 2008 ? La Russie de Poutine, obnubilée par son désir de puissance, n’espérait pas tant pour justifier sa politique de « grande Russie ».

Aujourd’hui, tous nos efforts doivent converger pour refuser un embrasement géopolitique dont l’Europe serait la première victime. La mère des menaces, c’est évidemment la militarisation du conflit ukrainien et de l’ensemble de l’espace post-soviétique. Fort heureusement, l’accord de Minsk y a mis un coup de frein, mais il est impératif que nous obtenions des autorités russes la fin des livraisons d’armes aux insurgés.

M. Guy-Michel Chauveau. Bien !

M. André Chassaigne. Dans le même temps, la France doit peser de tout son poids pour empêcher les provocations aux frontières russes. L’installation, en février dernier, de six nouvelles bases de l’OTAN, dotées de 40 000 hommes, entre la Baltique et la mer Noire, ne fait que contribuer à l’escalade, et les démarches engagées en décembre dernier par les nouvelles autorités ukrainiennes pour rejoindre l’Alliance atlantique risquent de conforter – je dis bien : conforter – la Russie dans son sentiment d’isolement.

Nous le savons tous, il n’y aura pas de réussite des accords de Minsk sans un abandon de ce projet. Dans ce contexte géopolitique brûlant, les accords d’association entre l’Union européenne, l’Ukraine et la Géorgie seront inévitablement interprétés comme un nouveau pas vers le rattachement de l’espace post-soviétique au bloc atlantique.

M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

M. André Chassaigne. Est-il bien raisonnable de se prêter à un tel engrenage ? Est-ce le rôle de la France ?

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ?

M. André Chassaigne. Monsieur le rapporteur, on pourrait discuter de manière plus approfondie du droit des peuples, surtout dans ce cas. Le droit des peuples a bien souvent été avancé comme une justification pour des actes qui ne répondaient pas forcément à l’intérêt et à la volonté des peuples.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. C’est le contraire !

M. André Chassaigne. Pour en venir au contenu de cet accord, il est bien difficile de ne pas interpréter le partenariat oriental lancé par l’Union européenne comme une prolongation de l’entreprise du bloc atlantique en matière économique. Cette politique de voisinage offensive, pour ne pas dire plus, recouvre la même sphère géographique post-soviétique et les mêmes objectifs.

Premier partenaire commercial de l’Ukraine, l’Union européenne propose, aux termes de cet accord, le bénéfice des acquis communautaires et la baisse des droits de douane, en échange d’une sécurisation de son approvisionnement énergétique. Il s’agit d’ancrer l’Ukraine dans une économie de marché totalement déréglementée et, en contrepartie, de lui fermer les portes de l’économie russe, ce qui a déjà fait chuter, sur un an, le PIB ukrainien de 17,6 % et sa monnaie de 70 %.

Si le peuple ukrainien voit l’Europe comme l’horizon d’une vie meilleure, ces mesures préparent des lendemains qui déchantent pour la majorité et, à n’en pas douter, de formidables profits pour une nouvelle caste d’oligarques ukrainiens.

M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Et les oligarques russes, c’est mieux ?

M. André Chassaigne. En échange de 25 milliards de dollars d’aide, le FMI, la BCE et la Commission européenne – aujourd’hui, l’évocation de ces institutions éveille chez tout le monde la même pensée – souhaitent ainsi la libéralisation des entreprises publiques – notamment dans l’énergie – le gel des salaires et la baisse des dépenses publiques, un scénario à la grecque, en somme, qui produira le même marasme économique et les mêmes effets dévastateurs pour la population ukrainienne. Nous ne pouvons que déplorer que l’Union européenne se fasse ainsi le héraut d’un capitalisme sauvage au lieu de promouvoir un espace de coopération et de progrès.

Tout aussi inévitablement, la ratification de l’accord avec l’Ukraine marquera un encouragement décisif à un régime contestable. Malgré les déclarations vertueuses contenues dans ces accords d’association en matière de diffusion de la démocratie et de respect des libertés, nous ne pouvons passer sous silence les dérives réactionnaires qui travaillent le gouvernement ukrainien de l’intérieur. Le président Porochenko entend réécrire l’histoire au profit des forces nationalistes et fascistes qui ont collaboré avec l’armée nazie.

M. Nicolas Dhuicq. Oui !

M. Philippe Baumel. Rien que ça !

M. André Chassaigne. En retour, le parti communiste, et tout ce qui a trait au communisme, pourrait prochainement être interdit et condamné à la clandestinité, comme aux pires heures de l’histoire. Enfin, les relents antisémites trouvent à s’exprimer comme jamais.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Et voilà pourquoi votre fille est muette ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. Comment la France pourrait-elle apporter un blanc-seing à ces égarements ?

Je voudrais terminer par quelques appréciations sur la position de notre diplomatie. Au cours des récentes crises entre la Russie et les États-Unis, la France a su peser en faveur d’un apaisement, notamment en freinant le processus d’élargissement de l’OTAN. Au cœur du conflit ukrainien, notre pays a pleinement – je dis bien : pleinement – joué son rôle, avec l’Allemagne, en étant artisan du compromis de Minsk. C’est lorsque la France parle en toute indépendance qu’elle est le plus écoutée. C’est lorsqu’elle privilégie la solution politique au règlement militaire qu’elle est le plus utile au concert des nations.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. On est d’accord !

M. André Chassaigne. C’est pourquoi nous regrettons que les pas de notre diplomatie se soient, sur d’autres dossiers – j’insiste sur ces mots – placés dans ceux des Américains…

M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

M. André Chassaigne. …alors que l’intérêt de la France n’était pas celui-là.

Qu’on le veuille ou non, la paix mondiale et l’équilibre des forces supposent un dialogue avec la Russie. Un dialogue ferme et exigeant, bien sûr…

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Oui, mais aussi réciproque !

M. André Chassaigne. …mais, quoi qu’il en soit, un dialogue. Trop souvent, notre politique étrangère a mis de côté les autorités russes : je pense à la crise syrienne, aux négociations sur le nucléaire iranien, mais aussi au boycott impensable des célébrations du soixante-dixième anniversaire de la victoire sur le nazisme à Moscou, vécu comme un véritable affront par le peuple russe.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Laurent Fabius y était !

M. André Chassaigne. Enfin, la réintégration de notre pays au sein du commandement intégré de l’OTAN, qui n’a pas été remis en cause par ce gouvernement, a affaibli notre indépendance nationale.

Mes chers collègues, vous aurez compris que nous émettons les plus grandes réserves quant à la ratification de ces accords. Ils portent en eux un potentiel de déstabilisation que nous ne pouvons pleinement mesurer, et que l’esprit de responsabilité nous invite à repousser. Je regrette d’ailleurs que le Parlement ait été contraint de se déterminer dans une telle précipitation, inhabituelle pour un accord international, alors même que ces textes engagent l’avenir du continent.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Ce n’est pas la première fois que l’on traite de ce sujet !

M. André Chassaigne. En effet, l’urgence est aujourd’hui à l’apaisement en Ukraine.

Parce que nous estimons que la paix est un enjeu bien plus élevé que l’intensification de nos relations commerciales, les députés du Front de gauche voteront contre la ratification de ces accords.

M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les présidentes des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes saisis aujourd’hui du projet de loi autorisant la ratification des accords d’association entre l’Union européenne et la Géorgie et l’Ukraine.

Ces accords s’inscrivent dans le cadre de la politique de voisinage menée par l’Union européenne et consistent à proposer aux pays concernés une association politique à l’Union, des mesures facilitant la mobilité des citoyens et une quasi-intégration économique au marché unique. Ils ne concernent en aucun cas, plusieurs d’entre nous l’ont rappelé, l’élargissement futur de l’Union européenne ou, a fortiori, de l’OTAN. Ils ne constituent nullement une tentative d’isolement de la Russie, même si, et je rejoins Mme Guigou sur ce point, nous aurions intérêt à réfléchir à la façon dont nous négocions nos accords d’association en prévoyant d’y inclure les voisins concernés.

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Absolument !

Mme Chantal Guittet. Plusieurs raisons me conduisent à soutenir ces accords d’association.

En premier lieu, ce rapprochement fait écho à une volonté exprimée à la suite de deux révolutions : celle de Maïdan, qui a eu lieu en février 2014,…

M. Nicolas Dhuicq. Coup d’État !

Mme Chantal Guittet. … et la révolution des roses de novembre 2003 en Géorgie.

M. Nicolas Dhuicq. Coup d’État !

Mme Chantal Guittet. Elles ont amené au pouvoir des gouvernements pro-européens qui ont fait le choix stratégique du rapprochement avec l’Union européenne.

L’alternance politique en Géorgie n’a pas entraîné de modification sensible quant à la volonté de s’arrimer au bloc politique européen, alors qu’en Ukraine, au contraire, les débats restent vifs au sein de la population. La révolution de février 2014 et l’arrivée au pouvoir du président et du Premier ministre actuels ont entraîné une accélération incontestable des réformes destinées à rapprocher l’Ukraine des standards européens. La Géorgie a fait de même et a réalisé des réformes d’envergure, notamment en matière de commerce et d’investissement.

Le pouvoir d’attraction de l’Europe constitue un vrai défi pour la politique extérieure européenne. En contrepartie des progrès démocratiques et des réformes économiques qu’ils ont réalisés, ces deux pays attendent de notre part davantage d’intégration économique, d’aide financière et d’aide à la mobilité des personnes. Après tous ces efforts, nous ne pouvons les décevoir.

En second lieu, nous devons soutenir le rapprochement entre l’Union européenne et la Géorgie et l’Ukraine afin de montrer la capacité de l’Europe à stabiliser son voisinage et à promouvoir la paix. Ces deux républiques, depuis leur indépendance, ont connu plusieurs conflits. Ceux de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, très violents, sont considérés comme gelés depuis plusieurs années en l’absence de progression dans les pourparlers. L’Ukraine connaît les mêmes difficultés, et nous pourrions être tentés d’établir un parallèle entre la guerre éclair de 2008 en Géorgie et la crise ukrainienne, avec l’annexion de la Crimée par la Russie et le conflit du Donbass, qui dure encore.

Ces différentes situations créent un potentiel de déstabilisation important dans ce que la Russie considère comme l’une de ses zones d’intérêts privilégiées. Dans un tel contexte, ces deux pays ont fait du rapprochement européen une priorité absolue.

L’accord d’association, cela a été expliqué, fixe un cadre pour la coopération. Il prévoit, dans de très nombreux domaines, un programme complet visant à rapprocher progressivement les législations géorgienne et ukrainienne des acquis européens. La Géorgie et l’Ukraine ont engagé de nombreuses réformes : réforme du secteur judiciaire, dispositions anti-corruption. Il faut poursuivre sur cette voie, et le dialogue politique prévu par l’accord d’association y contribuera.

L’accord de libre-échange, qui est le pilier de l’accord d’association, vise à supprimer environ 90 % des droits de douane en valeur commerciale. L’accord d’association pourrait, de ce fait, susciter une volonté d’avancer dans la résolution du conflit, puisqu’il est stipulé qu’il ne s’appliquera pas aux territoires non contrôlés effectivement par les états géorgien et ukrainien. L’intérêt économique pourrait, dans un contexte où la démarche politique n’a pas débouché, être plus fort que les armes, plus fort que le conflit. Il faut aller au bout de cette démarche.

En troisième lieu, nous devons soutenir le rapprochement de l’Union européenne avec ces deux pays pour consolider nos relations. La France a peu d’intérêt commercial en Géorgie et en Ukraine, et de ce point de vue la portée de l’accord est donc limitée. La France est un investisseur important en Géorgie, elle l’est un peu moins en Ukraine.

Surtout, ces deux pays sont attirés par la culture française. Le réseau culturel français y est bien implanté au travers de lycées et d’écoles, et de son réseau d’alliances françaises. Une politique de soutien à l’enseignement du français a été mise en place en Géorgie. La coopération culturelle prévue dans le cadre de l’accord d’association pourrait donc constituer un atout, un outil parmi d’autres de promotion des échanges entre nos pays. En l’absence d’une volonté politique forte, le déclin prévisible et annoncé de la francophonie au sein des jeunes générations sera difficile à enrayer.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à approuver ces accords d’association, qui témoigneront de notre soutien fort à des pays situés dans une région soumise à de fortes pressions, à un risque d’instabilité politique et à un contexte de ralentissement économique.

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Pauvros.

M. Rémi Pauvros. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les présidentes des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes, monsieur le rapporteur, dont je veux souligner la qualité du rapport, qui présente la situation ukrainienne de façon exhaustive et holistique, j’aimerais intervenir quelques minutes pour m’adresser, au-delà de cet hémicycle, à celles et ceux qui nous écoutent, nous regardent, et je sais qu’ils sont nombreux.

Je veux dire en particulier aux citoyens ukrainiens, notamment aux plus jeunes, que nous avons confiance en eux.

Je veux leur adresser un message positif : nous n’oublions pas d’où ils viennent, d’où vient leur pays, qui fut souvent marqué par l’obscurantisme et a connu les pages parmi les plus noires de notre histoire européenne.

M. Nicolas Dhuicq. Voilà qui est fort sympathique !

M. Rémi Pauvros. La confiance que nous plaçons en eux est mesurée : nous connaissons tous les difficultés qui se présentent et les limites de l’accord qu’il nous est proposé de ratifier aujourd’hui. Il est néanmoins important que notre assemblée s’exprime clairement vis-à-vis d’eux après les propos que nous venons d’entendre.

Je veux saluer les élus de la Rada, en particulier Alexeï Gontcharenko, président du groupe d’amitié Ukraine-France de cette assemblée, aujourd’hui présent dans les tribunes aux côtés de M. Oleg Shamshur, ambassadeur d’Ukraine en France.

M. François Rochebloine. Il était présent hier au Conseil de l’Europe, à Strasbourg !

M. Rémi Pauvros. Il est très présent, et nous suit avec une attention toute particulière.

L’accord d’association avec l’Ukraine demeure aujourd’hui à l’état de projet. Son parcours est déjà hautement symbolique pour l’avenir de ce pays. Son examen dans notre hémicycle est le fruit d’un combat douloureux mené depuis plusieurs mois par de nombreux citoyens ukrainiens, un combat pour la liberté et pour la démocratie.

C’est avec beaucoup d’émotion que je souhaite ici saluer ce combat, car c’est l’esprit du mouvement de Maïdan qui résonne aujourd’hui dans cet hémicycle, l’esprit de ce mouvement né à Kiev par la volonté de citoyens ukrainiens qui se sont insurgés contre les velléités du président ukrainien de l’époque de s’opposer à la signature de cet accord d’association, un mouvement qui a porté haut et fort la voix des citoyens ukrainiens aspirant à un idéal européen de liberté, de démocratie et de modernité. Ce mouvement est à l’origine de la transition engagée aujourd’hui en Ukraine vers l’instauration d’un État de droit.

Que reste-t-il de ce mouvement ? Demeure d’abord inscrit dans notre mémoire le souvenir de celles et ceux qui ont perdu la vie pour mener ce combat. Puis, restent un mouvement démocratique fortement engagé, un président élu démocratiquement, des nouveaux parlementaires, élus à la Rada depuis octobre 2014 et représentant dans leur grande majorité des partis favorables à un rapprochement avec l’Union européenne et à une réforme constitutionnelle pour l’instauration d’un État de droit en Ukraine. Ce sont ces nouveaux élus, forts de leur légitimité démocratique et engagés pour la modernisation de leur pays, qui ont approuvé à l’unanimité le 16 septembre 2014 l’accord d’association que nous examinons à notre tour.

En tant que président du groupe d’amitié France-Ukraine, j’ai eu l’honneur il y a deux semaines d’accueillir à l’Assemblée nationale avec plusieurs collègues une délégation composée de sept parlementaires ukrainiens de la Rada.

M. Guy-Michel Chauveau. Ils parlaient presque tous français !

M. Rémi Pauvros. Elles et ils sont jeunes ; je précise « elles et ils », car la parité est désormais la règle à la Rada. Nos riches échanges, ainsi que la grande curiosité de nos homologues ukrainiens à connaître les expériences de notre pays afin d’en tirer une source d’inspiration pour les réformes engagées par l’Ukraine m’ont assuré de leur engagement à construire progressivement une démocratie moderne. En témoignent également les nombreuses réformes menées par le Parlement ukrainien depuis l’élection des représentants du peuple : loi sur l’indépendance des juges, loi sur l’indépendance des médias audiovisuels publics, lutte contre la corruption.

Pour ce pays marqué par une instabilité politique et une corruption galopante depuis de nombreuses années, c’est une véritable transformation de la société qui est amorcée. Laissons donc le temps au temps et ne soyons pas plus exigeants avec ce peuple qu’avec d’autres.

Nous ne pouvons faire abstraction des heures sombres qui ont accompagné l’octroi de ces belles avancées dans le pays. L’Ukraine connaît depuis bientôt deux ans une grave crise politique qui ravive les divisions profondes héritées du poids de son histoire et de ses relations avec la Russie. L’année qui vient de s’écouler a été marquée par un nouveau conflit meurtrier ; le chiffre de 6 000 morts que nous reprenons dans cet hémicycle a certainement été largement dépassé aujourd’hui.

Le 12 février dernier, l’accord de Minsk 2, dont la conclusion a été rendue possible grâce à la forte impulsion des chefs d’État français et allemand, a permis de réunir les parties prenantes au conflit autour de la table des négociations et d’élaborer une solution pacifique viable en Ukraine. Bien plus qu’un simple accord militaire, c’est un véritable accord politique global qui a été signé. Sa mise en œuvre doit faire l’objet d’un suivi attentif et d’une mobilisation de tous les instants. C’est le gage de sa nécessaire réussite.

En conclusion, madame la présidente, je tiens à insister sur le fait que la ratification de l’accord d’association est un acte important, très important, et ressenti comme tel par le peuple ukrainien. C’est pourquoi je vous invite à voter son autorisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Olivier Falorni Mme Chantal Guittet et M. François Rochebloine. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Line Reynaud.

Mme Marie-Line Reynaud. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les présidentes des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons ce matin deux accords d’association entre d’une part, l’Union européenne et, d’autre part, l’Ukraine et la Géorgie.

L’Ukraine, nous le savons tous, traverse une situation difficile, et le mot est faible. J’ai pu m’en rendre compte récemment à l’occasion d’une visite que j’ai effectuée avec notre rapporteur et deux autres collègues dans ce pays dans le cadre d’une mission d’information parlementaire.

Ces deux accords d’association s’inscrivent dans le cadre du partenariat oriental, lancé pour donner une dynamique nouvelle à la politique européenne de voisinage avec les pays de l’Est, plus particulièrement avec six d’entre eux : la Moldavie, la Biélorussie, l’Ukraine, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

La Géorgie et l’Ukraine ont fait le choix de se tourner vers l’Union européenne, zone de paix et de prospérité. Je veux rappeler ici, comme l’a fait avec force la présidente de la commission des affaires étrangères lors de l’examen en commission, que ces deux accords ne constituent en aucun cas une étape vers l’entrée dans l’Union européenne. Nous devons le répéter, le marteler : un pays peut signer des accords de partenariat avec l’Union européenne sans qu’aucun processus d’adhésion ne soit mis en œuvre.

De même, ces deux accords ne contiennent aucune disposition relative à une hypothétique ou future adhésion de ces deux pays à l’OTAN.

À ce jour, neuf États membres – la Roumanie, la Lituanie, Malte, la Bulgarie, la Lettonie, la Slovaquie, la Suède, l’Estonie et le Danemark – ont successivement ratifié les deux accords. Nous sommes le premier grand pays de l’Union à le faire.

Cette ratification constitue la dernière phase d’un long processus que notre rapporteur et la secrétaire d’État viennent de rappeler. C’est un accord économique traditionnel entre nos deux pays, sur la base de valeurs communes. Il permettra de renforcer le dialogue politique entre nos deux États et de développer les échanges commerciaux. Comme cela a été rappelé, l’Union européenne est le premier partenaire commercial de l’Ukraine, dont elle représente 31 % des échanges commerciaux. Une libéralisation des échanges sera mise en place ainsi qu’une diminution des droits de douane asymétriques. Enfin, concernant l’Ukraine, l’accord contient une clause de coopération en matière de nucléaire civil – nous connaissons tous ici l’état du parc nucléaire ukrainien, et je ne parle pas de la centrale de Tchernobyl.

Pour l’Union européenne, ces deux accords ont l’avantage de favoriser le développement économique et la stabilité de pays voisins. Mais ils permettent aussi des avancées au bénéfice des pays européens, notamment en ce qui concerne la lutte contre la contrefaçon et la protection des indications géographiques protégées.

En effet, des dispositions dans le domaine de la propriété intellectuelle figurent dans ces accords nous liant à deux pays où elle n’a pas toujours été respectée. Si j’insiste sur ce point, c’est que ces mesures auront des conséquences directes pour le territoire dont je suis l’élue et qui recouvre, pour l’essentiel, la zone de production du Cognac.

L’Ukraine et la Géorgie s’engagent notamment à reconnaître et à protéger toutes les indications géographiques protégées – appellations vitivinicoles et autres – de l’Union. Cette protection sanctionne, non seulement le détournement direct des appellations, mais aussi l’emploi de formules fallacieuses où ces appellations sont précédées de mots comme « type », « méthode » ou « imitation ».

L’article 208 de l’accord avec l’Ukraine prévoit une période de transition de dix ans, pendant laquelle cet État pourra continuer à utiliser pour ses produits nationaux certaines appellations génériques, notamment celle de « cognac ». Ainsi, la dénomination du Cognac ne pourra plus être utilisée pour nommer des vins produits sur le territoire géorgien et, à partir de 2025, en Ukraine. C’est une mesure bienvenue de protection des richesses de nos terroirs.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Vive le cognac !

M. Olivier Falorni. Cognac pour tous !

Mme Marie-Line Reynaud. La situation politique et économique en Ukraine est très difficile. Ce pays s’est engagé sur trois points essentiels : lancer un processus électoral prévoyant des élections locales à l’automne, mettre fin à la sélectivité de sa justice et mettre en place une politique de lutte contre la corruption.

En un an, deux élections ont eu lieu : les législatives et la présidentielle. La justice a été réformée et la lutte contre la corruption engagée. C’est encore loin d’être parfait, mais nous devons encourager l’Ukraine et la Géorgie à poursuivre leurs réformes pour que ces deux pays se tournent vers les valeurs de l’Union européenne, espace de paix.

Mes chers collègues, je vous invite donc à voter en faveur de la ratification de ces deux accords. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La discussion générale commune est close.

Sur le vote de l’article unique de chacun des deux projets de loi autorisant la ratification des accords conclus par l’Union européenne avec l’Ukraine et la Géorgie, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Madame la présidente, mesdames les présidentes de commission, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la discussion générale a marqué notre convergence sur l’essentiel. Les deux accords soumis aujourd’hui à votre examen sont bénéfiques pour l’Ukraine et pour la Géorgie, pour la paix dans notre voisinage oriental, pour l’Union européenne et pour la France.

Je laisserai de côté vos provocations, monsieur Dhuicq, pour vous répondre sur le sujet des sanctions contre la Russie,

M. Nicolas Dhuicq. Ce ne sont pas des provocations ! Ce que j’ai dit est parfaitement vérifiable !

Mme la présidente. Seule Mme la secrétaire d’État a la parole !

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. La politique de la France et de l’Union européenne est constante depuis le début de 2013 : fermeté et dialogue.

Fermeté, parce que les atteintes à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine ne peuvent rester sans réponse. Le régime de sanctions décidé par l’Union européenne est calibré, temporaire et peut être adapté à tout moment à l’évolution de la situation politique.

M. Nicolas Dhuicq. Ben voyons !

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Il est reconduit jusqu’à la fin de janvier 2016.

M. Nicolas Dhuicq. Hélas ! Demandez aux chefs d’entreprise ce qu’ils en pensent !

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Dialogue, parce que notre conviction est que seule la voie politique permettra de parvenir à une solution pérenne et à ramener la paix. C’est le sens des efforts que la France conduit dans le cadre des discussions en « format Normandie », qui se sont tenues à Paris il y a deux jours.

Les choses sont claires, monsieur Chassaigne : l’Ukraine et la Géorgie doivent pouvoir choisir souverainement leur avenir.

M. André Chassaigne. Tout comme la Grèce !

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Signer un accord d’association avec l’Union européenne ne signifie nullement que ces pays doivent renoncer à leurs relations avec la Russie. Le partenariat oriental n’est dirigé contre aucun pays et ne vise pas à créer de nouvelles lignes de fracture. Son seul objet est la modernisation politique et économique de nos voisins au bénéfice de tous et dans le respect de la souveraineté de chacun.

Mme Pascale Crozon et M. Olivier Falorni. Bien sûr !

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. S’agissant de l’OTAN, ne mélangeons pas tout. La question posée aujourd’hui est celle du renforcement des liens entre l’Union européenne et deux pays amis. L’Union européenne n’est pas l’OTAN.

Ces accords ont donc pour vocation de consolider les bases d’une réconciliation durable dans la région. Ils ont pour ambition de tendre la main et non d’exclure, de pacifier notre voisinage oriental et non d’étendre les frontières de l’Union européenne, de contribuer à la modernisation de l’Ukraine et de la Géorgie au moment où des forces centrifuges font peser la menace d’une régression.

Nos travaux ont montré l’importance que la France, membre fondateur de l’Union européenne, attache à son voisinage oriental et à des relations pacifiées, ouvertes et confiantes avec les États tiers. Au nom du Gouvernement, je vous remercie pour l’esprit de concorde qui a présidé à ces débats, à la mesure des enjeux dont il était question. Je salue également le travail des deux commissions qui ont été saisies et la grande implication du rapporteur Jean-Pierre Dufau. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Discussion des articles ( Accord d’association avec l’Ukraine )

Mme la présidente. J’appelle en premier lieu, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part.

Article unique

Mme la présidente. Aucun orateur n’est inscrit sur l’article unique.

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Rémi Pauvros, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Rémi Pauvros. Je crois, madame la présidente, que tout a été dit et bien dit. Permettez-moi simplement de revenir sur l’intervention de M. Dhuicq.

En vous écoutant, mon cher collègue, j’ai eu un cauchemar : vous étiez le ministre des affaires étrangères d’un gouvernement dont le président était Nicolas Sarkozy ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Olivier Falorni. Scénario compliqué !

M. François Rochebloine. Jamais le président Sarkozy n’accepterait une chose pareille !

M. Rémi Pauvros. Imaginez un peu le chaos que provoquerait en Europe cette recherche effrénée d’un accord avec la Russie – voire pire, s’agissant de ceux qui siègent sur des bancs un peu au-dessus du vôtre –, cette nécessité absolue de tout accorder à ce pays, comme si la Russie était exempte de toute responsabilité dans ce qui est en train de se passer !

M. Nicolas Dhuicq. La Russie, elle, a un président qui prend ses responsabilités !

M. Rémi Pauvros. Le groupe socialiste, républicain et citoyen soutient cet accord avec force, parce que nous pensons qu’il est un cap essentiel pour la construction d’une paix indispensable dans cette partie du monde. Je le dis sans esprit défensif : nous ne concluons pas cet accord pour ne pas aller plus loin car nous ne savons pas ce que réserve l’avenir. Il n’y a pas lieu de nous reprocher de ne pas permettre l’intégration de l’Ukraine dans l’Union européenne : ce n’est pas le sujet. Ce que nous savons, en revanche, c’est que cet accord est un acte important dans la construction de nos rapports avec un pays qui nous attend. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour le groupe Les Républicains.

Mme Dominique Nachury. Mon collègue Thierry Mariani devait intervenir dans la discussion générale, mais il en a été empêché en raison de transports quelque peu chaotiques aujourd’hui. Il me revient donc de donner ici la position de notre groupe.

Le groupe Les Républicains est favorable à cet accord, quelle que soit la position de mon collègue Nicolas Dhuicq. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Concertez-vous ! Monsieur Dhuicq, vous êtes désavoué !

M. Nicolas Dhuicq. Je suis libre, moi ! À droite on est libre !

M. Guy-Michel Chauveau. Vous n’avez qu’à aller en Russie, vous l’aurez, votre liberté !

Mme la présidente. Un peu de calme, s’il vous plaît !

Vote sur l’article unique

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants18
Nombre de suffrages exprimés18
Majorité absolue10
Pour l’adoption16
contre2

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Discussion des articles ( Accord d’association avec la Géorgie )

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la Géorgie, d’autre part.

Article unique

Mme la présidente. Aucun orateur n’est inscrit sur l’article unique.

Vote sur l’article unique

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants18
Nombre de suffrages exprimés18
Majorité absolue10
Pour l’adoption16
contre2

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Mme Danielle Auroi et Mme Pascale Crozon. Très bien !

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Élection des conseillers métropolitains de Lyon

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi adopté par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi adopté par le Sénat ratifiant l’ordonnance n2014-1539 du 19 décembre 2014 relative à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon (nos 2800, 2858).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale.

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, trois mois après l’adoption par le Parlement de deux projets de loi concernant la métropole du Grand Lyon, votre assemblée entame ce matin l’examen d’un troisième projet de loi visant à ratifier l’ordonnance du 19 décembre 2014 relative à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon.

Vous avez eu l’occasion de débattre longuement du cadre institutionnel de la métropole de Lyon lors des lectures du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – MAPTAM – du 27 janvier 2014, qui prévoit la mise en place de cette métropole sous forme d’une collectivité à statut particulier. Vous en connaissez donc l’ambition et l’économie générale et je souhaite simplement en rappeler quelques principes.

La métropole de Lyon, née le 1er janvier 2015, est une collectivité territoriale unique en France, créée par la fusion de la communauté urbaine de Lyon et du conseil général du Rhône, sur les 59 communes qui composent le territoire du Grand Lyon. Les ordonnances portant sur les différents aspects – institutionnel, budgétaire, financier et fiscal – de cette collectivité ayant déjà été ratifiées, il s’agit aujourd’hui de franchir la dernière étape, en précisant les modalités d’élection des conseillers métropolitains.

À partir de mars 2020, le conseil de la métropole de Lyon sera élu au suffrage universel direct. C’est la loi MAPTAM qui en a fixé le principe à son article 26. Le législateur a confié au Gouvernement le soin de préciser, par ordonnance, les modalités d’application de ce mode d’élection.

Cette ordonnance, qu’il vous est proposé de ratifier aujourd’hui, insère donc dans le code électoral un titre dédié à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon. Comme le prévoyait expressément l’habilitation, l’ordonnance fixe un mode de scrutin très proche de celui qui s’applique aujourd’hui dans les communes de 1 000 habitants et plus lors des élections municipales : un scrutin de liste avec parité des candidatures dans chaque circonscription ; deux tours de scrutin avec possibilité de fusion de listes entre les deux tours ; une prime majoritaire de la moitié des sièges attribuée à la liste parvenue en tête.

Ce mode de scrutin permet de dégager des majorités solides pour administrer les collectivités locales, tout en assurant le nécessaire pluralisme politique. Clair et lisible, connu des citoyens, il assure la bonne représentation de tous les électeurs par les futurs conseillers métropolitains lyonnais.

Ce nouveau scrutin s’appliquera à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux, c’est-à-dire en 2020. Jusqu’à cette date, les conseillers métropolitains sont les personnes élues au sein de l’organe délibérant de la communauté urbaine de Lyon lors des conseils municipaux de mars 2014.

L’élection des conseillers métropolitains de Lyon aura lieu dans le cadre de circonscriptions infra-métropolitaines, et non à l’échelle de tout le territoire de la métropole. Le législateur en a ainsi décidé à l’article 39 de la loi MAPTAM, en précisant que le territoire de ces circonscriptions devrait être continu et défini sur des bases essentiellement démographiques.

Ainsi, le territoire de la commune de Lyon est réparti en six circonscriptions métropolitaines. La ville de Villeurbanne constitue un cas particulier, puisqu’elle est composée d’une seule circonscription, d’une taille plus importante que les autres. Les sept autres circonscriptions regroupent entre quatre et neuf communes, à l’exception de la circonscription dénommée « Val de Saône », qui regroupe vingt-cinq communes situées au nord-est de la métropole, beaucoup moins peuplées que les autres.

Vous le savez également, les cinquante-neuf communes de la métropole ne seront pas toutes représentées au conseil métropolitain. Cette question est revenue lors de vos débats en commission, et je ne veux pas l’éluder.

La métropole est une collectivité territoriale de plein exercice : elle n’est pas une intercommunalité de droit commun. Elle entretient donc avec les communes regroupées sur son territoire des relations d’une nature différente de celles qu’un établissement public de coopération intercommunale, un EPCI, entretient avec ses communes membres.

Ainsi que l’a souligné très justement votre rapporteur, Patrick Mennucci – dont je salue la qualité du travail –, pour que toutes les communes soient représentées, il faudrait que la circonscription Val de Saône dispose d’au moins vingt-cinq conseillers, ce qui obligerait à élargir considérablement la taille du conseil métropolitain. Or l’article 39 de la loi MAPTAM a prévu que le nombre de conseillers métropolitains devrait nécessairement être compris entre 150 et 180 élus.

Nous avons donc tenu à ce que soient créées une conférence métropolitaine qui rassemble tous les maires ainsi que des conférences territoriales des maires, qui pourront être consultées à tout moment. Nous avons également précisé qu’un pacte de cohérence territoriale devrait être adopté par le conseil métropolitain, après proposition de la conférence métropolitaine et consultation de l’ensemble des conseils municipaux. Chaque commune a donc la garantie d’être représentée et entendue par le conseil métropolitain.

Le Sénat a examiné ce projet de loi au cours de sa séance du 21 mai. Il a accepté la ratification de cette ordonnance, après avoir constaté qu’elle respectait les limites de l’habilitation consentie par la loi MAPTAM. Sa commission des lois a simplement corrigé une erreur de dénomination pour une commune et introduit, dans un souci d’harmonisation avec le code électoral, des modifications rédactionnelles.

En séance publique, le Sénat a modifié le nombre et la répartition par circonscription des sièges de conseillers métropolitains de Lyon. Le nombre de conseillers métropolitains a été réduit, passant de 166 dans le texte initial de l’ordonnance à 150 dans le projet de loi adopté par le Sénat.

Par rapport au texte initial de l’ordonnance, la nouvelle répartition du nombre de sièges par circonscription modifie les écarts de représentation entre les circonscriptions, sans jamais excéder l’écart de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne métropolitaine toléré par la jurisprudence pour apprécier le respect du principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage.

Ces modifications de la répartition des sièges sont aussi fondées sur l’intérêt général, qui consiste à mieux prendre en compte la circonscription de Val de Saône, qui compte près de la moitié des communes de la nouvelle collectivité territoriale.

Ces modifications vont donc dans le bon sens. Partageant ce point de vue, votre commission des lois a adopté l’article unique du projet de loi sans modification. Le Gouvernement veut y voir un signe de plus que la métropole de Lyon résulte d’un consensus, aussi bien au niveau local qu’au Parlement, et il s’en félicite. C’est pourquoi, mesdames, messieurs les députés, je vous propose de ratifier cette ordonnance en l’état, en adoptant ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Olivier Falorni. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Mennucci, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Patrick Mennucci, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la métropole de Lyon a vu le jour le 1er janvier 2015, en application de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Collectivité territoriale à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, elle s’est substituée à l’ancienne communauté urbaine de Lyon et, sur son territoire, au département du Rhône. Elle compte 59 communes et environ 1,3 million d’habitants.

La loi du 27 janvier 2014 a défini le régime juridique de la métropole de Lyon. Mais elle a renvoyé à des ordonnances le soin de définir certains aspects techniques, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution.

Trois ordonnances devaient ainsi être prises par le Gouvernement dans l’année suivant la promulgation de la loi. La première ordonnance, tirant les conséquences financières et fiscales de la création de la métropole, a été prise le 6 novembre 2014. La deuxième ordonnance a été prise le 19 décembre 2014 afin de préciser les compétences de la métropole de Lyon, le fonctionnement de ses organes, ainsi que ses relations avec l’État, les collectivités territoriales et les autres personnes publiques et privées. J’ai eu l’honneur d’être le rapporteur, au nom de la commission des lois, du projet de loi de ratification de cette ordonnance, adopté le 3 avril 2015.

Aujourd’hui, nous sommes saisis du projet de loi de ratification de la troisième ordonnance, prise le 19 décembre 2014, qui traite du régime électoral de la métropole de Lyon. Ce régime sera applicable à partir de 2020. Jusqu’aux prochaines élections municipales, prévues en mars 2020, le conseil de la métropole est composé des anciens conseillers communautaires de la communauté urbaine de Lyon, élus en mars 2014 sur les listes municipales.

À partir de mars 2020, la loi du 27 janvier 2014 prévoit que le conseil de la métropole de Lyon sera élu au suffrage universel direct, dans des conditions prévues par le code électoral. Ce sont ces conditions que l’ordonnance du 19 décembre 2014 est venue préciser.

À vrai dire, la marge de manœuvre du Gouvernement était assez réduite car l’habilitation à légiférer par ordonnance délivrée par le législateur était précisément encadrée.

Premièrement, le nombre de conseillers métropolitains devait être compris entre 150 et 180.

Deuxièmement, ils devaient être élus au scrutin mixte aujourd’hui utilisé pour les élections municipales dans les communes de 1 000 habitants et plus, c’est-à-dire un scrutin de liste à deux tours, paritaire, à la représentation proportionnelle, tempérée par une prime majoritaire de la moitié des sièges.

Troisièmement, cette élection devait être organisée, non pas dans une circonscription métropolitaine unique, mais « dans des circonscriptions dont le territoire est continu et défini sur des bases essentiellement démographiques, toute commune de moins de 3 500 habitants étant entièrement comprise dans la même circonscription ».

L’ordonnance du 19 décembre 2014 respecte ces trois séries de dispositions législatives. D’une part, elle définit le mode de scrutin applicable à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon, conformément aux règles régissant les communes de plus de 1 000 habitants. Je signale d’ailleurs que l’élection aura lieu en même temps que les élections municipales, comme pour les autres métropoles.

D’autre part, dans l’ordonnance du 19 décembre 2014, le Gouvernement a retenu le nombre de 166 conseillers métropolitains, répartis en quatorze circonscriptions. À titre de comparaison, l’effectif actuel du conseil de la métropole est de 165 sièges, correspondant au nombre des conseillers communautaires de l’ancienne communauté urbaine de Lyon.

Toutefois, saisi du projet de loi de ratification de l’ordonnance, le Sénat a réduit à 150 le nombre de conseillers métropolitains, soit le niveau le plus bas fixé par le législateur. L’initiative en revient à un amendement de M. François-Noël Buffet, sous-amendé par le rapporteur de la commission des lois du Sénat, M. Jean-Patrick Courtois. Ce dispositif a été largement approuvé par le Sénat, notamment – il est utile de le préciser – par le maire de Lyon, M. Gérard Collomb.

Mme Pascale Crozon. C’est heureux ! (Sourires.)

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Le Sénat n’a, en revanche, pas remis en cause le découpage en quatorze circonscriptions, opéré par l’ordonnance dans le respect des conditions posées dans l’habilitation. La commune de Lyon regroupera six circonscriptions, correspondant à un ou plusieurs des neuf arrondissements lyonnais. Elle disposera de 55 sièges sur 150 conseillers métropolitains. Les 58 autres communes sont réparties en huit circonscriptions, correspondant à 95 sièges de conseillers métropolitains.

Par rapport au texte élaboré par le Gouvernement, la réduction du nombre de sièges décidée au Sénat a pour effet d’accroître les différences de représentation d’une circonscription à l’autre. Mais ces différences n’excèdent jamais l’écart de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne métropolitaine, toléré par la jurisprudence pour apprécier le respect du principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage.

Par ailleurs, l’ordonnance soumet les conseillers métropolitains aux règles d’inéligibilité et d’incompatibilité applicables aux conseillers départementaux. C’est tout à fait logique, dès lors que la métropole de Lyon se substitue, non seulement à l’ancienne communauté urbaine de Lyon, mais aussi à une partie du département du Rhône.

Enfin, l’ordonnance prévoit d’autres dispositions plus techniques ou plus classiques, qui n’appellent pas de commentaire approfondi de la part du rapporteur : elles concernent, par exemple, les déclarations de candidature, la propagande électorale, les opérations préparatoires au scrutin et les opérations de vote, les règles de remplacement des conseillers métropolitains ou encore le contentieux de l’élection, conformément au code général des collectivités territoriales.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce projet de loi, tel que modifié et adopté par le Sénat le 21 mai 2015, ne me semble pas poser de difficulté particulière. Il a d’ailleurs été adopté sans modification par la commission des lois. Je vous invite à faire de même et à adopter ce projet de loi.

Monsieur le secrétaire d’État, l’élu de Marseille que je suis est extrêmement admiratif de ce que le Gouvernement a fait pour la métropole de Lyon. J’admire aussi la façon dont les élus lyonnais de tous bords se sont mis d’accord sur une orientation pour développer leur territoire. Si j’ai un vœu à formuler, c’est qu’un élu lyonnais présente un jour dans cet hémicycle l’ordonnance qui permettra à notre métropole, Marseille, d’avoir une vie démocratique de ce niveau. ( Sourires. )

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la métropole de Lyon est, depuis le 1er janvier dernier, une collectivité territoriale de plein exercice. À ce titre, elle est soumise au principe de libre administration, qui suppose l’élection du conseil métropolitain au suffrage universel, dans le respect de l’égalité du suffrage.

Je crois important à ce stade de rappeler ce cadre constitutionnel qui s’impose à tous et que le Conseil constitutionnel a confirmé en nous donnant jusqu’en 2020 pour le respecter pleinement, dans le cadre des ordonnances prévues par la loi, principalement de celle dont nous discutons aujourd’hui.

Si je le rappelle, c’est que certains élus locaux semblent penser que nous dénaturons aujourd’hui une métropole qui aurait pu de toute éternité s’organiser comme une super-intercommunalité. Il a toujours été clair que nous étions dans une phase transitoire et que nous devions, dès cette année, clarifier les modalités d’une élection démocratique au moment du renouvellement de son conseil. On ne peut pas avoir soutenu la création d’une métropole qui concentre un éventail de compétences et une puissance financière inédits et refuser aujourd’hui d’assumer la transparence et le contrôle démocratique qu’une telle puissance suppose.

Sans doute vous souvenez-vous, monsieur le secrétaire d’État, que j’avais été l’une des rares dans cet hémicycle, au moment du débat du projet de loi MAPTAM, à considérer que cette évolution majeure aurait dû être centrale dans notre réflexion et que nous aurions dû profiter de ce texte pour organiser, dès le départ, une gouvernance moderne et démocratique ; …

Mme Dominique Nachury. Très bien.

Mme Pascale Crozon. … ; que nous aurions pu écarter les anachronismes qui vont présider à l’organisation de cette métropole jusqu’en 2020, en matière principalement de parité – vous savez que j’y tiens énormément –…

Mme Dominique Nachury. Très bien.

Mme Pascale Crozon. …et de cumul des mandats, notamment.

Mme Dominique Nachury. Bravo !

Mme Pascale Crozon. Mais ce débat est aujourd’hui derrière nous. La métropole existe et se construit jour après jour. Je ne peux que me féliciter du cadre fixé par le Gouvernement dans cette ordonnance, qui s’appuie d’ailleurs sur les mêmes principes que ceux que j’avais défendus dans cet hémicycle.

L’égalité du suffrage bien sûr est un impératif constitutionnel. Je veux rappeler qu’aujourd’hui, un habitant de Villeurbanne pèse huit fois moins dans chaque décision qu’un habitant des Monts d’Or. Il est important d’adopter un mode de scrutin qui permette de dégager une majorité politique claire et dotée d’une forte légitimité, tout comme il est important de respecter les territoires, ce qui suppose de respecter l’intégrité des communes, dans le découpage proposé.

Mme Dominique Nachury. Très bien.

Mme Pascale Crozon. Plus fondamentalement, le débat que nous avons aujourd’hui n’est pas une controverse entre grands-lyonnais, et je veux vous remercier, monsieur le rapporteur, de votre intérêt pour un sujet dont vous avez compris qu’il pourrait un jour faire école à Marseille.

Car c’est la question de l’organisation politique des agglomérations de demain, dans des bassins de vie de plus en plus interdépendants, et pour des populations de plus en plus mobiles, qui se dessine aujourd’hui dans le laboratoire lyonnais.

C’est aussi la question de la taille critique que ces agglomérations doivent atteindre. Cette question dépasse le vieux clivage, à mes yeux stérile, entre l’extension de villes-centre par absorptions successives et la construction d’intercommunalités gestionnaires, qui peinent souvent à se doter de légitimités politiques et démocratiques.

Avec la métropole de Lyon, nous voulons retenir le meilleur des deux systèmes. Nous voulons une agglomération forte, responsable démocratiquement, dont le président est élu par l’ensemble de la population et non pas simplement par les habitants de la ville-centre. Nous voulons la doter d’un mandat clair, débattu devant les électeurs, et qui ne soit pas simplement le produit d’un compromis au sein de majorités improbables. Mais nous voulons également qu’elle procède du dialogue, que nous avons institutionnalisé au sein de la conférence métropolitaine et des conférences territoriales, pour que chaque territoire soit pris en compte avec ses spécificités.

Cet équilibre est délicat à construire, monsieur le secrétaire d’État. Il dépend sans doute moins des outils que nous avons créés par la loi MAPTAM que de leur appropriation, dans la pratique, par les élus locaux. Mais c’est l’équilibre que cette ordonnance vient confirmer et renforcer et c’est pourquoi je la voterai très volontiers.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Nachury.

Mme Dominique Nachury. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, depuis le 1er janvier 2015, l’agglomération lyonnaise est une collectivité territoriale exerçant les compétences d’un conseil départemental et celles de l’ancienne communauté urbaine de Lyon. C’est une collectivité territoriale à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution ; c’est aussi, et encore, une collectivité à statut d’exception puisque bien des principes ne lui sont pas applicables : le cumul des mandats exécutifs est possible, ainsi que l’absence de parité dans l’exécutif ou l’absence de parité dans la commission permanente – ma collègue Pascale Crozon en a excellemment parlé.

La loi MAPTAM prévoyait également que les conseillers communautaires élus par « fléchage » en mars 2014 deviendraient conseillers métropolitains en janvier 2015.

À ce propos, il nous avait été affirmé qu’il était impossible de fixer dans la loi de mode de scrutin pour l’élection de 2020 et a fortiori pour mars 2015, date à laquelle tous les Français étaient appelés à voter pour de nouveaux conseillers départementaux. Je dois dire d’ailleurs que beaucoup de Lyonnais n’avaient pas très bien compris ce qui était prévu puisqu’ils étaient prêts à aller voter en mars 2015.

Sincèrement, je ne vois pas, dans ce qui est proposé, quelle complexité, quelle singularité justifiaient de tels délais d’étude et de mise au point. En réalité, il ne fallait pas déranger avant les municipales. Cela arrangeait le monde politique, pas nécessairement les citoyens !

M. François Rochebloine. Comme c’est bien dit !

Mme Dominique Nachury. Les conseillers communautaires devenus métropolitains par un coup de baguette magique, il fallait bien quand même envisager la suite, ce qui fut confié au Gouvernement et à l’ordonnance prise le 19 décembre 2014. La loi que nous examinons vise à ratifier cette ordonnance avec les modifications apportées par le Sénat, notamment quant au nombre de conseillers.

C’est le mode de scrutin de liste à deux tours applicable dans les communes de 1 000 habitants et plus qui a été retenue. Pourquoi pas ? La principale différence réside dans la circonscription électorale. Elle aurait pu être métropolitaine et donc unique. Il est vrai que loi parlant de « circonscriptions électorales » au pluriel, nous serions dans ce cas sortis du cadre.

Le Gouvernement a choisi quatorze circonscriptions. Pourquoi 14 ? Personne n’a pu répondre à cette question. Cela n’a pas de rapport avec les conférences territoriales des maires institutionnalisées par la loi puisque celles-ci sont au nombre de neuf. En outre leurs périmètres n’ont pas encore été entérinés par le conseil de la métropole.

Ce n’est pas non plus une question d’équilibre en nombre d’habitants puisque les circonscriptions sont de tailles très diverses, allant de 145 000 à 65 000 habitants.

Deuxième point : le nombre de conseillers par circonscription. Il est fonction du nombre d’habitants, ce qui est logique, mais il peut être, tantôt pair, tantôt impair, ce qui donne à la prime majoritaire une portée différente selon les cas. Je ne vais pas vous faire un cours d’arithmétique tant c’est évident. En effet que la circonscription compte onze ou douze conseillers, par exemple, la liste arrivée en tête gagne six sièges au titre de la prime majoritaire.

Je proposerai donc dans un amendement de ne retenir que des nombres pairs nous avons fait les calculs : c’est compliqué, mais nous y sommes parvenus.

Troisième point : Lyon, qui compte neuf arrondissements, six circonscriptions métropolitaines et un arrondissement – le troisième – divisé en deux circonscriptions. À cet égard, je ne comprends pas bien la note figurant en encadré à la page 9 du rapport. Il existe certes des différences démographiques entre les arrondissements mais, si le nombre de conseillers correspond à la population, où est le problème ? Je cite M. Dussopt : « certaines circonscriptions sont plus importantes que d’autres, mais elles éliront aussi plus de conseillers métropolitains. L’égalité des suffrages telle que l’entend le Conseil constitutionnel est donc parfaitement respectée ». C’est un député socialiste qui le dit !

Je prendrai à nouveau l’exemple d’un habitant de l’est du troisième arrondissement – depuis le temps que j’en parle, cet habitant anonyme de la rue du Dauphiné finira par être célèbre ! Pour les élections municipales, cet électeur vote dans le  troisième arrondissement, qui est, avec 100 000 habitants, le plus peuplé de Lyon et la deuxième ville de la métropole. Pour l’élection des conseillers métropolitains, il votera dans la plus petite circonscription, qui compte 65 000 habitants et ne correspond qu’à une partie de son arrondissement. Pour les législatives, il est rattaché au  sixième arrondissement, alors que ce dernier compose, avec l’ouest du troisième, la circonscription métropolitaine de Lyon Nord. Comprenne qui pourra !

Je présenterai donc deux amendements visant à faire de Lyon une seule circonscription ou des neuf arrondissements des circonscriptions métropolitaines. Pourquoi pas dix-sept circonscriptions en effet, puisqu’on ne sait pas pourquoi le chiffre de quatorze a été retenu ?

Je ne suis pas certaine que le plus important soit le mode d’élection des conseillers de la métropole de Lyon en 2020 – il pourrait bien d’ailleurs être modifié. Aujourd’hui, le plus important me semble être d’affirmer la nouvelle collectivité territoriale. En effet, vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, la métropole de Lyon n’est pas un EPCI.

Mais les incantations ne suffiront pas et parfois, les symboles sont utiles, d’autant qu’avec le « nouveau-Rhône » nous avons inventé le divorce avec garde commune de l’appartement et des enfants. (Sourires.)

Je suis fière d’être conseillère municipale et conseillère métropolitaine de Lyon, mais j’aurais souhaité pour elle un projet plus ambitieux.

Mme la présidente. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, alors que l’acte III de la décentralisation avait été annoncé dès 2012 par le Président de la République comme l’un des chantiers majeurs du quinquennat, force est de constater que la grande réforme territoriale tant attendue n’aura pas lieu.

La deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – NOTRe –, dont nous aborderons la discussion la semaine prochaine, démontre une nouvelle fois l’incohérence du Gouvernement sur un sujet pourtant primordial pour notre démocratie locale.

En choisissant de séparer le contenant – la carte – du contenu – les compétences –, le Gouvernement a privilégié une approche sectionnée, là où nous aurions préféré une vision d’ensemble. Devant un tel manque de logique, le groupe UDI n’a cessé de faire part de ses craintes quant à l’absence de perspective et, surtout, de vision globale de ce projet.

Notre groupe, profondément décentralisateur, n’a jamais caché sa déception face à des textes souvent illisibles et, malheureusement, très éloignés de l’objectif de simplification longtemps prôné par le Gouvernement. Après bientôt deux années de débat, nous nous interrogeons toujours sur l’efficience des mesures présentées jusqu’ici.

Le projet de loi soumis à notre examen est directement issu de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – la loi MAPTAM –, qui a créé la métropole de Lyon et laissé au Gouvernement le soin de fixer par ordonnance les modalités d’élection des conseillers métropolitains. Nous sommes aujourd’hui amenés à débattre de ces modalités.

Monsieur le secrétaire d’État, lors de la discussion du projet de loi MAPTAM, le groupe UDI avait regretté que vous n’ayez pas saisi l’occasion qui vous était offerte de revoir l’architecture des pouvoirs de notre pays. Nous avions néanmoins souligné que, même si elle était inaboutie, la partie consacrée à la métropole lyonnaise était certainement la plus réussie du texte.

Issue d’une fusion inédite entre la communauté urbaine de Lyon et le département du Rhône, la métropole de Lyon est née le 1er janvier dernier. Je tiens tout d’abord à saluer l’impulsion commune donnée par Michel Mercier, ancien président du Conseil général du Rhône, et par Gérard Collomb, président de la communauté urbaine de Lyon. La démarche innovante qui résulte du travail de ces acteurs locaux, fondée sur un accord qui dépasse les clivages politiques, a permis de tracer les contours d’une réforme en profondeur ouvrant enfin de réelles perspectives pour un territoire qui en a vraiment besoin.

La métropole lyonnaise exercera désormais l’ensemble des attributions qui relevaient auparavant de la communauté urbaine de Lyon et du conseil général du Rhône. Lui sont également transférées les compétences exercées dans le secteur communal par les métropoles de droit commun et celles que la région Rhône-Alpes lui déléguera.

La réorganisation territoriale constitue pour notre pays un enjeu important, au sein duquel la métropolisation doit occuper une place majeure, et le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui nous invite justement à nous pencher sur les modalités concrètes de l’organisation de l’élection des conseillers métropolitains de Lyon.

Les électeurs sont en droit d’attendre un système d’élection clair et lisible, adapté aux réalités d’une métropole en construction. À cet égard, le législateur se doit d’agir avec retenue. Bon nombre de nos concitoyens sont désemparés devant des modes de scrutin très différents et des règles électorales toujours plus complexes. Nous leur devons plus de lisibilité, si nous voulons conserver notre crédibilité et, surtout, notre légitimité dans l’action publique.

La loi MAPTAM dispose que les conseillers métropolitains sont élus au suffrage universel direct dans les conditions prévues par notre code électoral. Nous ne pouvons que nous féliciter du choix de ce mode de scrutin, à la fois clair et bien connu de nos concitoyens, car il permet d’impliquer les citoyens, qui élisent directement leurs représentants.

Par ailleurs, nous ne pouvons qu’approuver le choix d’un scrutin de liste à deux tours organisé en même temps que les élections municipales. Il est absolument primordial de ne pas multiplier les rendez-vous électoraux, sous peine de lasser nos concitoyens et de les pousser à l’abstention, comme c’est malheureusement le cas aujourd’hui. De plus, le mode de scrutin proportionnel permet d’assurer un certain pluralisme politique.

Si le choix du mode de scrutin nous satisfait, nous n’en resterons pas moins attentifs à ce que les modes de scrutin et les modalités de leur mise en œuvre soient strictement identiques pour les deux élections.

Nous regrettons cependant que toutes les communes ne puissent pas bénéficier d’un représentant au sein de la métropole lyonnaise. En effet, les communes qui ne sont juridiquement pas membres de la métropole n’y seront pas représentées.

Le groupe UDI est néanmoins satisfait de voir que la représentation territoriale sera fonction à la fois d’un critère démographique et d’un critère territorial, ce qui devrait garantir le bon fonctionnement de la métropole lyonnaise.

Lors de l’examen du texte au Sénat, le nombre de conseillers métropolitains a été modifié, comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État et M. le rapporteur : alors que le texte initial prévoyait l’élection de 166 conseillers métropolitains, leur nombre a été ramené à 150 via l’adoption d’un amendement. Il semble que le nombre de conseillers retenu par le Sénat soit amplement suffisant pour diriger efficacement la métropole de Lyon.

Cette baisse du nombre de conseillers devrait également permettre, en limitant les dépenses publiques, de dégager des économies substantielles et nous nous en félicitons. Pour le groupe UDI, la réduction du nombre d’élus est un signal fort et attendu par nos concitoyens, qui se perdent dans ce labyrinthe territorial.

Enfin, nous saluons le fait que ce projet de loi instaure de véritables incompatibilités de fonctions avec le mandat de conseiller métropolitain. Cette mesure est indispensable et participe à la légitimation du mandat politique.

Comme vous l’aurez compris, Le groupe UDI, que j’ai l’honneur de représenter ce matin, est globalement favorable à ce texte, qui comporte un certain nombre de dispositions de bon sens. C’est la raison pour laquelle il se prononcera en faveur de ce projet de loi.

Mme Pascale Crozon. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Falorni.

M. Olivier Falorni. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le projet de loi portant ratification de l’ordonnance du 19 décembre 2014 relative à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon. En effet, trois ordonnances ont été publiées en application de l’article 39 de la loi MAPTAM, autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives relatives à la mise en place de la métropole de Lyon.

Comme vous le savez, celle-ci a été créée le 1erjanvier 2015 et ses élus sont les anciens conseillers communautaires de la communauté urbaine de Lyon. Jusqu’en 2020, les conseillers métropolitains se trouvent dans une situation transitoire : ils sont désignés selon les mêmes modalités que les autres élus intercommunaux, par « fléchage » sur les listes électorales municipales, étant de fait élus au suffrage universel indirect, alors même que la métropole de Lyon est une collectivité territoriale à statut particulier, et non un simple établissement public de coopération intercommunale comme les métropoles de droit commun.

La métropolisation permet au territoire concerné de répondre aux enjeux de demain et de devenir un acteur effectif et efficace aux niveaux européen et international. En effet, l’une des spécificités de notre pays est de posséder un nombre important de communes – plus de 36 000 en 2015. Or, les métropoles correspondent aux aires urbaines, aux bassins d’emploi et au niveau de développement économique pertinents pour permettre un aménagement territorial et social efficace.

Nous considérons que la métropolisation, a fortiori de Lyon, permettra de répondre aux enjeux de demain. L’agglomération lyonnaise doit devenir un exemple, démontrant que les élus locaux sont conscients des besoins de leurs territoires et capables de surmonter leurs divergences pour permettre un dialogue concerté.

Or, comme l’a déjà dit ma collègue du groupe RRDP Mme Gilda Hobert, la création de la métropole de Lyon est le fruit d’une concertation féconde entre le maire et président de la métropole de Lyon et l’ancien président du conseil général du Rhône – une concertation qui dépasse les clivages partisans et correspond à la spécificité d’un territoire, ainsi qu’aux besoins et aux souhaits exprimés par ses habitants.

La création de cette métropole permet de rendre plus lisible l’action des collectivités pour les citoyens lyonnais, en fusionnant, en modernisant et en simplifiant, par voie de conséquence, l’organisation administrative locale. Il s’agit également d’une articulation plus efficace des politiques publiques menées sur le territoire.

Les élus lyonnais ont su faire prévaloir l’intérêt général local sur les intérêts partisans des élus. Ce chemin devrait être suivi par d’autres métropoles, notamment celles de Paris ou de Marseille – vous avez raison, monsieur le rapporteur – où des blocages récurrents persistent.

Cependant, la création de cette métropole lyonnaise résulte également d’une spécificité locale liée à l’existence, pour la ville-centre Lyon comme pour les cinquante-huit communes membres de l’ancienne communauté urbaine de Lyon, d’une gestion rigoureuse et dynamique.

La création cette métropole lyonnaise, issue d’un accord entre élus locaux de tous bords politiques et de différents échelons, démontre la capacité des représentants des citoyens à surmonter leurs simples prérogatives personnelles afin d’imaginer le développement d’un territoire prospectif sur le long terme.

Plus encore, le couple métropole-région répond aux besoins des territoires et constitue un outil important, dans une dimension européenne de gestion des politiques locales, de développement de partenariats avec nos confrères des grandes villes européennes.

Le fait urbain existe : nous ne pouvons l’ignorer. En effet, 80 % des Français vivent en ville et 95 % de nos concitoyens sont dans la sphère d’influence d’un pôle urbain. Mais, dans le même temps – et ce sujet est important pour les radicaux de gauche et apparentés –, la ruralité est essentielle pour assurer l’homogénéité de notre nation, où le conseil général joue un rôle majeur, notamment en termes de solidarité et d’équilibre des territoires.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Olivier Falorni. Ainsi, la métropole de Lyon est une collectivité territoriale particulière, sui generis, qui nécessite des mesures exceptionnelles. En application de l’article 26 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, a été créée, le 1er janvier 2015 la métropole de Lyon. Elle est autorisée à exercer, sur son territoire, la plénitude des attributions d’un département en lieu et place du département du Rhône, les compétences exercées dans le secteur communal par les métropoles de droit commun et les compétences que la région Rhône-Alpes lui délègue de façon volontaire ainsi que, par délégation, certaines compétences exercées par l’État en matière de logement.

Cette loi a aussi prévu l’adaptation de certaines institutions départementales, comme le service départemental d’incendie et de secours, le centre départemental de gestion de la fonction publique ou le service des archives départementales, les compétences étant désormais partagées entre la métropole et le département.

Mais la mise en place d’une collectivité territoriale unique nécessite l’adoption de mesures exceptionnelles quant à l’élection de ses représentants. Or il est apparu évident que l’élection des conseillers métropolitains par fléchage sur les listes des élections municipales, comme pour toutes les autres intercommunalités, ne permettrait pas de conforter cette spécificité. Le passage à un mode d’élection spécifique, avec des représentants élus au suffrage universel direct, permet la confirmation du passage de la métropole de Lyon d’une intercommunalité classique à une collectivité territoriale de plein exercice, à cette collectivité unique qu’elle deviendra, au sein de la région Rhône-Alpes-Auvergne. La métropole de Lyon peut ainsi, avec des élus impliqués et bénéficiant d’une confirmation par les urnes, devenir un acteur important et unique dans les enjeux locaux et régionaux.

Cela étant, la discussion du projet de loi a permis d’améliorer la rédaction initiale texte de l’ordonnance. Ainsi, si la délimitation géographique et la répartition des conseillers métropolitains au sein de quatorze circonscriptions n’ont pas été modifiées, le nombre des élus a été abaissé. Le nombre de conseillers métropolitains était initialement fixé à 166 dans l’ordonnance, alors que le nombre d’anciens conseillers communautaires était de 165 ; le Sénat a réduit ce nombre à seulement 150 conseillers métropolitains. Cette baisse du nombre de conseillers métropolitains va dans le bon sens, celui souhaité par les élus lyonnais eux-mêmes.

Nous sommes donc en accord avec cette nouvelle rédaction issue du Sénat, allant dans le sens d’une représentation semblable à ce qui se pratique dans les autres structures intercommunales. Nous ne pouvons avoir des intercommunalités comptant un nombre trop important de représentants par rapport au nombre d’habitants. Dans le cadre d’une collectivité territoriale à part entière et plus intégrée, limiter le nombre d’élus apparaît tout à fait justifié.

Enfin, je tiens à signaler que le débat lancé par l’opposition prétendant que le principe de parité risque de ne pas être respecté lors de la mise en place de ces élections à suffrage universel direct ne me semble pas tout à fait juste. Ces élections seront calquées sur le système des élections municipales, imposant la parité lors de la constitution des listes électorales. Nous ne pouvons donc pas laisser dire que la parité ne sera pas respectée.

Mme Dominique Nachury. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Olivier Falorni. Si certains continuent à le penser, nous tenons à les assurer de notre vigilance sur ce point. Je rappellerai en outre qu’à partir de 2020, l’organe exécutif de la métropole de Lyon sera nécessairement paritaire, alors que cette obligation ne s’applique pas aux établissements publics de coopération intercommunale de droit commun.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, que je représente aujourd’hui, votera en faveur de ce texte, qui doit nous inspirer pour l’avenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’ordonnance que nous sommes amenés à ratifier aujourd’hui constitue la dernière étape du processus de construction de la métropole de Lyon : la définition de son régime électoral.

Comme vous le savez, la métropole de Lyon est née le 1er janvier 2015 et, en tant que député de ce territoire, j’ai pu suivre de près sa création. Avec la ratification de cette troisième et dernière ordonnance, nous arrivons au terme d’une longue procédure législative qui a débuté par l’examen, puis l’adoption, de la loi dite MAPTAM.

Surtout, cette nouvelle collectivité n’aurait pas pu voir le jour sans l’important travail réalisé conjointement par le président du Grand Lyon, Gérard Collomb, et par l’ancien président du conseil général du Rhône, Michel Mercier. En effet, la métropole est avant tout le fruit d’un consensus entre des acteurs politiques issus de diverses formations politiques. Elle est la démonstration concrète du fait que les décideurs publics, habités par un réel sens de l’intérêt général, peuvent fournir d’importants efforts pour surmonter les considérations partisanes et faire corps pour une même cause.

M. François Rochebloine. Très bien ! Si cela pouvait arriver plus souvent !

M. Jean-Louis Touraine. La métropole de Lyon n’est pas simplement une collectivité territoriale. Sa création traduit la volonté de notre majorité de simplifier le mille-feuille territorial et de rationaliser l’action publique pour la rendre plus lisible et plus représentative de la diversité de nos territoires. De trois échelons territoriaux – commune, département et communauté urbaine –, nous avons donc abouti à la naissance du couple commune-métropole.

La métropole de Lyon, ce sont aussi des compétences accrues et clarifiées. À de nombreuses reprises, il a été reproché à la communauté urbaine de Lyon d’être déconnectée de ses 1,3 million d’habitants, ne se préoccupant que du développement économique et de la mise en œuvre de projets urbains. La métropolisation est la réponse à cette critique. En récupérant les compétences et les outils de cohésion sociale du conseil général, la métropole bénéficie désormais de nouveaux leviers lui permettant de mener une vraie politique sociale, de s’adapter et de répondre aux besoins quotidiens de la population. Comme nous le répétons souvent à Lyon, la métropole, c’est la réunion de l’urbain et de l’humain.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Bravo !

M. Jean-Louis Touraine. Dans un contexte de mondialisation et de concurrence toujours plus forte, la métropole est apparue comme l’échelon le plus à même de relever ce défi. Face aux grandes métropoles que sont Barcelone, Manchester ou Milan, la France doit prendre appui sur ses grandes villes et leur donner une dimension européenne. Mais si la métropolisation permet à nos villes d’être plus ouvertes sur le monde, la métropole doit inscrire son action dans une démarche de proximité où l’humain est au cœur des projets économiques, sociaux et urbains.

L’ordonnance qu’il nous est proposé de ratifier s’attache à définir le système électoral et les conditions d’éligibilité des conseillers métropolitains lyonnais à compter de 2020.

Le choix du suffrage universel direct pour désigner les futurs conseillers métropolitains de Lyon a particulièrement attiré mon attention. C’est, à mes yeux, le mode d’élection le plus respectueux du choix du citoyen. Il s’agit d’offrir à nos concitoyens la possibilité de porter un jugement sur la gestion de la métropole et sur l’action menée par son exécutif. Avec ce système électoral, les conseillers métropolitains de demain n’en seront que plus légitimes, mais aussi responsables devant les électeurs.

Cette ordonnance fixe par ailleurs un régime électoral cohérent, équilibré et représentatif. Je rappelle que l’élection des conseillers métropolitains aura lieu en même temps que les élections municipales. La décision d’instituer un mode de scrutin en tout point similaire à celui de la ville de Lyon s’inscrit dans cette démarche de cohérence et évite toute confusion dans l’esprit des électeurs.

Comme les conseillers municipaux, les conseillers métropolitains seront donc élus pour six ans, au scrutin proportionnel de liste à deux tours avec prime majoritaire pour la liste arrivée en tête de l’élection, dans quatorze circonscriptions. Certains dans cette assemblée ont relevé le fait que les cinquante-neuf communes ne sont pas directement représentées.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Jean-Louis Touraine. Je considère que le président de la métropole de Lyon a répondu par avance à cette objection en créant une conférence métropolitaine qui rassemble tous les maires, conférence dans laquelle ces maires ont un pouvoir de proposition et de délibération.

Enfin, je souhaite saluer le travail des sénateurs qui, dans un souci de réduction des dépenses publiques, se sont mis d’accord pour revoir à la baisse le nombre de conseillers métropolitains.

M. François Rochebloine. Ils n’ont pas fait la même chose pour le Sénat !

M. Jean-Louis Touraine. Ainsi, à l’horizon 2020, ce ne seront pas 166, mais 150 élus qui siégeront au conseil de la métropole. C’est ce que le peuple attend de ses représentants : un meilleur usage de l’argent public.

De même, les sénateurs ont fait la démonstration d’un débat apaisé et j’ai bon espoir que les députés de tous bords politiques sauront mettre leurs considérations partisanes de côté, ne serait-ce que par respect pour le consensus trouvé au niveau local.

Pour toutes les raisons que je viens de citer, je vous invite, chers collègues, à adopter ce projet de loi.

Mme Pascale Crozon. Très bien !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi.

Article unique

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement n7.

Mme Dominique Nachury. Il est proposé par le présent amendement de créer une circonscription unique pour la ville de Lyon. Ainsi que je l’ai dit tout à l’heure lors de la discussion générale, le découpage proposé pour Lyon pose un certain nombre de problèmes. Si je ne conteste pas le mode électoral choisi, je pense néanmoins qu’on peut l’améliorer. C’est dans ce but que je propose une circonscription unique lyonnaise avec cinquante-six sièges pour représenter la ville de Lyon.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrick Mennucci, rapporteur. L’amendement de notre collègue Dominique Nachury a été repoussé par la commission.

Mme Dominique Nachury. C’est dommage !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. En effet, retenir systématiquement un nombre pair de sièges affaiblirait…

Mme Dominique Nachury. Non !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Si, madame la députée, vous ne proposez que des nombres pairs !

Je précise donc d’emblée, pour ne pas avoir à le répéter par la suite, que fixer systématiquement un nombre pair de sièges affaiblirait la prime majoritaire – c’est d’ailleurs l’objectif que vous poursuivez – puisque celle-ci est égale à la moitié des sièges à pourvoir arrondie à l’entier supérieur : quand on passe d’un nombre impair à un nombre pair, on affaiblit de facto la prime majoritaire.

Je vous ferai remarquer qu’il ne s’agit pas d’un scrutin de section mais de circonscription : la diversité politique de la métropole lyonnaise n’est donc pas en cause.

Il ne me paraît pas raisonnable de faire de la commune de Lyon une seule circonscription. Compte tenu de sa démographie, nous aurions alors une énorme circonscription de 496 000 habitants élisant cinquante-six conseillers métropolitains…

Mme Dominique Nachury. Et alors ?

M. Patrick Mennucci, rapporteur. …tandis que les autres circonscriptions n’éliraient que huit à seize conseillers.

Il serait singulier de ne pas tenir compte des arrondissements lyonnais. Vous avez dit vous-même fort justement que le troisième arrondissement formait une ville dans la ville. Je me permets juste de souligner, madame Nachury, très respectueusement, la contradiction dont vous faites preuve dans cette affaire, partagée que vous êtes entre cet élan presque affectueux pour le troisième arrondissement et votre volonté de le noyer dans les huit autres arrondissements lyonnais, pour lesquels manifestement vous n’avez pourtant pas la même considération.

Mme Dominique Nachury. J’ai la même considération pour tous !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Je vous taquine un peu, excusez-moi.

Voilà pourquoi il serait singulier d’approuver votre proposition. Je me permets de relever que nos collègues du groupe Les Républicains ne savent pas très bien ce qu’ils veulent, puisqu’ils nous proposeront par l’amendement, n8 de découper Lyon en neuf circonscriptions correspondant à ses arrondissements, ce qui est radicalement différent du système proposé ici. Puisque vous ne choisissez pas, madame, l’Assemblée va le faire pour vous.

L’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. L’article 39 de la loi MAPTAM, madame la députée, a autorisé le Gouvernement à définir les limites des circonscriptions métropolitaines sur des bases essentiellement démographiques. S’agissant de la commune de Lyon, les écarts démographiques entre arrondissements conduisent à prévoir le regroupement des moins peuplés et une répartition entre deux circonscriptions dans le cas de l’arrondissement le plus peuplé. L’équilibre, au regard du principe d’égalité, est obtenu par l’attribution variable, mais toujours en proportion des données démographiques, du nombre de sièges à pourvoir.

Votre amendement retient l’hypothèse d’une circonscription métropolitaine unique pour la commune de Lyon, sans égard pour la répartition entre arrondissements. Le Gouvernement considère qu’il n’est pas utile de renforcer le poids démographique déjà important de la commune de Lyon à l’intérieur de la métropole, et qu’il faut au contraire, dans le respect de l’habilitation et du principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage, essayer d’aboutir à des circonscriptions électorales où le nombre de sièges demeurerait limité. La répartition prévue, allant de sept sièges pour Lyon-Est à dix-sept sièges pour Villeurbanne, satisfait à cette condition d’une ampleur mesurée entre circonscriptions électorales.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à votre amendement, madame la députée.

(L’amendement n7 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement n8.

Mme Dominique Nachury. C’est précisément pour cette raison, monsieur le secrétaire d’État, que j’ai déposé cet amendement, qui vise à créer, pour chaque arrondissement lyonnais, une circonscription métropolitaine. Il est vrai qu’on arrive à des nombre réduits de sièges, mais à partir du moment où on respecte la proportion entre le nombre d’élus et la population on pourrait respecter les limites d’arrondissement.

Il n’est pas contradictoire de considérer Lyon de façon globale ou dans son découpage actuel en arrondissements. En tout état de cause, il faudra faire un choix : ou bien la loi PLM s’applique, ce qui signifie neuf arrondissements et des circonscriptions métropolitaines qui leur correspondent, ou bien on abroge la loi PLM et on ne garde que les circonscriptions métropolitaines, qui permettraient quand même des élections municipales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Cet amendement vise à modifier la répartition des sièges sans changer le nombre total de conseillers métropolitains, ce que nous ne pouvons pas faire.

J’ai déjà pointé l’étrangeté qu’il y avait à vouloir d’abord une circonscription unique avant de proposer de calquer la carte des circonscriptions sur celle des arrondissements. Dans ce dernier cas, compte tenu du faible nombre de conseillers dans les premier et deuxième arrondissements, la prime majoritaire serait très significative : la liste arrivée en tête emporterait trois sièges, contre un pour la deuxième. Cela irait à l’encontre de ce que vous voulez.

En outre, il n’est pas très rationnel de découper la commune de Lyon en neuf circonscriptions correspondant aux arrondissements. D’un arrondissement à l’autre, la démographie est extrêmement disparate. Ainsi, le troisième arrondissement si cher à votre cœur et très peuplé, élirait à lui seul dix conseillers métropolitains, contre quatre dans les premier, deuxième et quatrième, beaucoup moins peuplés. Nous aurions alors de gros écarts de représentation.

Il est plus logique de procéder, comme le prévoit le texte, au regroupement de certains arrondissements et à une scission du fameux troisième arrondissement, qui avait déjà été scindé lors du découpage cantonal de 2014.

Au passage, je me permets de relever que nos collègues du groupe Les Républicains ne savent pas très bien ce qu’ils veulent, une fois de plus, puisque dans l’amendement n7, ils nous proposaient une circonscription unique pour la commune de Lyon, ce qui est radicalement différent de la proposition que nous sommes en train d’examiner.

Enfin, même si la répartition des sièges que vous proposez respecte la fourchette des plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne métropolitaine, l’amendement tend à accentuer les écarts de représentation entre les circonscriptions. Par exemple, il est discutable de retirer un siège à Villeurbanne, qui n’en aurait plus que seize au lieu de dix-sept, alors que c’est la circonscription la plus peuplée.

C’est une raison supplémentaire, madame, de donner un avis défavorable à votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Pour les mêmes raisons, avis défavorable.

(L’amendement n8 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement n6.

Mme Dominique Nachury. Je pensais qu’il serait examiné avant les autres, puisque c’est celui qui prévoit que les sièges à pourvoir seront systématiquement en nombre pair, la portée de la prime majoritaire étant très variable selon que le nombre de sièges est pair ou impair.

Encore une fois, ce n’est pas parce qu’il y a actuellement des nombres pairs ou impairs d’élus suivant les arrondissements qu’on doit s’interdire de créer un système plus juste.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Madame la députée, j’ai déjà donné mon sentiment, mais j’ajouterai un nouvel élément : votre affaire de pair et d’impair vient un peu – passez-moi l’expression – comme un cheveu sur la soupe. En effet dans les trois grandes villes françaises, Paris, Lyon, Marseille, nous avons des élections par circonscriptions électorales, et non par sections, dans les arrondissements ou dans des regroupements d’arrondissements. J’ai vérifié pour Lyon et Paris : comme à Marseille, certaines circonscriptions comptent un nombre pair d’élus et d’autres un nombre impair.

Mme Dominique Nachury. Nous ne sommes pas obligés de faire pareil !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Le secteur de Marseille dont je suis l’élu désigne onze conseillers municipaux, alors que celui de M. Gaudin en désigne dix-huit.

M. François Rochebloine. C’est normal !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Bien sûr, puisque son secteur est plus peuplé.

Votre raisonnement devrait valoir aussi pour les arrondissements et les circonscriptions électorales de Paris et de Marseille, ce qui n’est pas le cas.

Pour cette raison supplémentaire, j’émets un avis défavorable.

(L’amendement n6, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Vote sur l’article unique

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

4

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la réforme du droit d’asile ;

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi tendant à clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly