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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Séance du mercredi 06 juillet 2016

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Hommage à Michel Rocard

M. le président

2. Questions au Gouvernement

Projet de loi "Égalité réelle"

M. Bruno Nestor Azerot

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle

Lutte contre le terrorisme

M. Alain Tourret

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Politique générale du Gouvernement

M. Christian Jacob

M. Manuel Valls, Premier ministre

Lutte contre le terrorisme

M. Sébastien Pietrasanta

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Situation de la Société Le Nickel

Mme Sonia Lagarde

M. Manuel Valls, Premier ministre

Loi travail

M. Gérard Cherpion

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Sommet de l’OTAN à Varsovie

M. Gilbert Le Bris

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Programmation pluriannuelle de l’énergie

M. Éric Alauzet

Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat

Nomination du président de l’INRA

M. Patrick Hetzel

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Indemnisation des victimes des essais nucléaires en Polynésie française

Mme Maina Sage

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Situation des finances publiques

M. Bernard Perrut

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Fonds d’adaptation de la société au vieillissement

M. Guy Delcourt

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Difficultés du secteur touristique

M. Didier Quentin

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Accès anonyme et gratuit à la contraception

Mme Brigitte Bourguignon

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Traitement des bois exportés

M. Jean-Pierre Vigier

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

3. Travail, modernisation du dialogue social et sécurisation des parcours professionnels

M. le président

Suspension et reprise de la séance

4. Égalité et citoyenneté

Explications de vote

Mme Gilda Hobert

Mme Marie-George Buffet

M. Yves Blein

M. Sylvain Berrios

M. Michel Piron

Vote sur l’ensemble

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Hommage à Michel Rocard

M. le président. Michel Rocard est mort le 2 juillet à l’âge de 85 ans. (Mmes et MM. les députés, ainsi que les membres du Gouvernement, se lèvent.)

Avec lui, disparaissent un homme d’État et une partie de notre histoire politique. Engagé très jeune contre la guerre d’Algérie, dirigeant du Parti socialiste unifié, membre du Parti socialiste, il est une figure marquante de l’histoire de la gauche en France.

Député des Yvelines à plusieurs reprises de 1969 à 1988, devenu Premier ministre de François Mitterrand, il a su engager des réformes importantes comme le revenu minimum d’insertion, la contribution sociale généralisée, la transparence du financement de la vie politique. Son goût des idées, l’aisance de sa pensée, la rigueur de ses raisonnements et sa curiosité étaient connus.

Son désir de paix, comme l’a montré son action en Nouvelle-Calédonie, et sa capacité à porter le regard sur des horizons lumineux, ont fait de Michel Rocard un Européen aussi fervent que lucide.

Curieux de tout, il avait aussi consacré, ces dernières années, toute son énergie aux négociations sur les pôles arctique et antarctique. Il avait une certaine idée de l’unité et des facultés du genre humain.

La voix particulière de Michel Rocard, qui était si familière aux Français et portait une parole profonde, manquera à notre pays.

Au nom de la représentation nationale, j’adresse à sa famille et à ses proches nos très sincères condoléances et le témoignage de notre profonde sympathie.

Je vous invite à observer une minute de silence. (Mmes et MMles députés, ainsi que les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Projet de loi "Égalité réelle"

M. le président. La parole est à M. Bruno Nestor Azerot, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Bruno Nestor Azerot. Monsieur le Premier ministre, je tiens à saluer ici la mémoire de Michel Rocard, décédé ce samedi 2 juillet 2016. En particulier parce qu’il a représenté avec honneur et humanité un courant de la gauche ancré dans les valeurs chrétiennes qui nous est cher outre-mer, mais aussi parce qu’il fut un homme qui avait compris l’Outre-mer, en permettant le retour à la paix en Nouvelle-Calédonie, en favorisant le développement économique et social dans nos régions, et en initiant, par son discours de Miami, la coopération régionale autour de nos territoires caribéens ou de l’océan Pacifique.

Chaque fois que nous avons fait appel à lui pour défendre, à Bruxelles, nos productions bananières ou cannières, il a répondu présent.

Je connais, monsieur le Premier ministre, votre proximité avec Michel Rocard, et c’est pourquoi nous vous alertons sur la nécessité d’avancer rapidement sur le projet de loi sur l’égalité réelle. Non pas pour que l’égalité réelle soit, ce qui ne veut rien dire, mais, tout simplement, pour que l’égalité existe normalement entre les régions d’outre-mer et la France hexagonale.

Il n’est pas normal que nos agriculteurs n’aient pas droit à une retraite décente ! Il n’est pas normal que notre PIB le plus élevé représente la moitié du PIB moyen français ! Il n’est pas normal que le chômage des jeunes s’élève à 64 % à la Martinique !

La République et l’État doivent être présents et responsables outre-mer. Lorsqu’Aimé Césaire fit voter en 1946 la loi de départementalisation, il l’appelait « loi d’égalisation ». Monsieur le Premier ministre, l’outre-mer français attend toujours cette égalisation. Serez-vous, dans le sillage de Michel Rocard, celui qui y contribuera ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Monsieur le député, les outre-mer et les ultramarins sont une richesse immense pour la France. Chacun de ces onze territoires constituent des têtes de pont de la croissance française dans le monde. Soixante-dix ans après la départementalisation des quatre DOM historiques, c’est maintenant à nous de continuer le combat et de rappeler inlassablement notre ambition républicaine pour les outre-mer, qui sont un enjeu national.

Peut-on accepter que le taux de chômage y soit deux fois plus important que dans l’Hexagone, et que beaucoup plus de jeunes s’y trouvent en situation d’illettrisme ?

Depuis 2012, ce Gouvernement porte pour les outre-mer l’ambition d’une politique déterminée qui commence à porter ses fruits, notamment sur le plan de l’emploi. En 1991, Michel Rocard avait lancé le mouvement vers l’égalité sociale ; l’histoire doit continuer d’être écrite en ce sens. Cette page supplémentaire sera celle de l’égalité réelle, de la fraternité et du progrès social.

C’est pourquoi, à la demande du Président de la République, le Premier ministre a confié au député Victorin Lurel l’élaboration d’un rapport sur le principe de l’égalité réelle. C’est sur ce fondement qu’avec la ministre des outre-mer George Pau-Langevin, nous avons construit un projet de loi ambitieux qui traduit ces avancées : plan de convergence dans le titre I, mesures pour l’égalité sociale dans le titre II, opportunités économiques et initiatives entreprenariales dans le titre III.

Monsieur le député, mesdames, messieurs les députés, nous construirons ensemble cette nouvelle voie, celle du progrès social et de l’égalité réelle pour les outre-mer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Lutte contre le terrorisme

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Monsieur le ministre de l’intérieur, il ressort des travaux de la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015, dirigée avec talent par nos collègues Fenech et Pietrasanta, qu’il n’aurait pas été possible d’éviter les attentats du 13 novembre dernier. Les services de renseignement ne peuvent que très difficilement suivre des personnes aguerries aux méthodes de la dissimulation, qui profitent par ailleurs des faiblesses de l’Union européenne pour préparer depuis la Belgique des attentats destinés à frapper la France. Ces failles ne remettent pas en cause l’extraordinaire courage et le sang-froid de nos forces d’intervention.

La commission propose une refonte totale du renseignement de proximité, profondément désorganisé par la réforme de 2008, qui a abouti à la dissolution des Renseignements généraux au sein de la Direction centrale du renseignement intérieur – DCRI. Êtes-vous donc favorable, monsieur le ministre, à la création d’une direction générale du renseignement territorial ?

La commission conforte par ailleurs le rôle du ministre de l’intérieur comme responsable de la lutte antiterroriste et propose de créer une agence nationale antiterroriste, rattachée directement auprès du Premier ministre, création directement inspirée de l’agence américaine du National Counterterrorism Center et qui aurait pour compétence la coordination de l’ensemble des services antiterroristes, dont la Direction générale de la sécurité extérieure – DGSE.

Le président de la commission a déclaré qu’il faisait un constat objectif en observant que les trois assaillants du Bataclan étaient tous archiconnus, tout comme les frères Kouachi, auteurs de l’attentat contre Charlie Hebdo. À l’évidence, cette commission soulève des problèmes graves, puisqu’elle remet en cause la fiabilité même de nos services de renseignement.

Monsieur le ministre, que compte donc faire le Gouvernement ? Nous devons d’abord apporter une réponse à toutes les victimes et, plus largement, à l’ensemble des Français, alors même qu’on ne cesse de leur rappeler que la première des libertés est la sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, les sujets que vous évoquez appellent énormément de précision et de sérieux et je veux remercier le rapporteur Sébastien Pietrasanta pour la qualité et la précision du travail effectué.

D’abord, contrairement à ce que pourrait laisser penser votre question, ce rapport – que vous avez, je le pense, lu avec attention – ne dénonce pas de failles des services de renseignement. Ce qu’il dit, c’est qu’il y a eu, au plan européen, des dysfonctionnements tenant au fait que ceux qui ont franchi les frontières extérieures de l’Union européenne n’ont pas été identifiés par les services des pays traversés, dont c’était le rôle. Je rappelle en effet que la plupart des auteurs de ces attaques n’étaient pas des ressortissants français et ne résidaient pas en France, et qu’il n’appartient pas aux services intérieurs français d’assurer le suivi de tous les terroristes hors des frontières nationales. Il faut le dire, car c’est tout simplement une réalité du fonctionnement des services.

En deuxième lieu, le rapport formule plusieurs propositions, notamment de renforcer le renseignement territorial. Mais qu’avons-nous fait, monsieur Tourret, sinon créer 1 500 emplois dans le renseignement territorial depuis près d’un an et demi, augmenter de 236 millions d’euros les crédits de fonctionnement des services pour leur permettre d’être enfin numérisés et à la hauteur des enjeux, rééquiper les brigades anticriminalité et les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie– PSIG – pour permettre aux primo-intervenants d’être en situation d’agir dans des conditions satisfaisantes ? Qu’avons-nous fait pour améliorer la coordination des services, sinon créer un état-major qui permet désormais, pour chaque cas, un suivi individualisé et un échange de l’information entre tous les services de renseignement ? Qu’avons-nous fait en matière de renseignement, sinon augmenter très significativement les moyens de la Direction générale de la sécurité intérieure – DGSI ?

Ces sujets sont sérieux. Ils impliquent de la persévérance et il faut absolument éviter de se laisser aller aux idées faciles, qui ne sont pas nécessairement les plus efficaces. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Politique générale du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe Les Républicains.

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, en utilisant l’article 49.3, en passant en force, en piétinant ainsi l’Assemblée, vous reconnaissez que le pouvoir que vous exercez avec François Hollande est usé jusqu’à la corde. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

La France n’a jamais connu une telle déliquescence du couple exécutif dans son histoire politique récente. Durant quelques mois, vous avez certes joué un rôle de pare-feu pour François Hollande, mais vous ne le jouez plus. La réalité est que François Hollande est devenu Monsieur-88 % de défiance et vous Monsieur-80 % d’impopularité.

M. Jean Glavany. Et toi, Jacob ?

M. le président. Monsieur Glavany, je vous en prie !

M. Christian Jacob. Vous êtes le chef de gouvernement de la VRépublique le plus impopulaire, le plus rejeté par les Français, le plus honni par les vôtres. Ce rejet tient à l’image que vous renvoyez de vous-même, monsieur le Premier ministre – incapable de dialoguer, incapable de réformer –, mais il tient surtout à votre bilan de la France, qui n’est rien d’autre que le dépôt de bilan d’un pays qui a gravement décroché depuis quatre ans. Cette défiance tient aux mensonges de François Hollande, qui a trahi ses électeurs : sa campagne de 2012 a été une véritable imposture. Vous en payez le prix fort. Regardez ce que vous avez fait de votre majorité : elle est devenue un véritable champ de ruines.

Face à un tel bilan, les Français ont dépassé le stade de la déception. Ce qu’ils éprouvent, c’est de l’écœurement et de la colère, après quatre ans d’immobilisme et quatre mois de manifestations incessantes, de blocages dans le transport et de violences orchestrées par l’extrême-gauche.

Dans ce contexte de rupture totale avec les Français, pensez-vous, monsieur le Premier ministre, que ce soit encore une bonne chose que vous restiez à Matignon ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. François Loncle. Tout en nuances !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Jacob, vos questions se suivent et se ressemblent. Je m’efforcerai donc de m’inscrire dans la même veine. Je prends d’ailleurs vos attaques personnelles, à ce stade de la discussion et venant de vous, comme autant de compliments. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Christian Jacob. Et qu’en pensent les Français ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Jacob, je vous ai écouté et c’était agréable à entendre. Veuillez m’écouter à votre tour, si vous le voulez bien, quelques instants. Il est assez étonnant – mais peut-être pas tant que cela – de retrouver dans vos expressions les plus personnelles des arguments qu’on peut parfois entendre ailleurs.

M. Christian Jacob. À gauche ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais là n’est pas l’essentiel. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Même M. Wauquiez est là : c’est dire si c’est un moment important ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Christian Jacob. Il gagne les élections, lui !

M. Laurent Furst. Vous, il vous reste dix mois !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Jacob, il arrive à tout le monde d’en gagner et d’en perdre et si vous êtes là, minoritaires, c’est parce que vous avez perdu les élections de 2012. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Furst. On est toujours là !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Jacob, puisque vous parlez du peuple, il est au moins une chose qu’il faut respecter : c’est la parole du peuple. Il faut respecter le peuple. Les élections sont en mai prochain : attendez donc, car les Français sont souverains – mettons-nous au moins d’accord sur ce point.

Je répondrai maintenant très précisément à l’une de vos questions : oui, sur certains textes importants, nous n’avons qu’une majorité relative. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Je l’assume, car c’est une réalité.

M. Guy Geoffroy. Ça s’appelle une minorité !

M. Manuel Valls, Premier ministre. De la part de quelqu’un qui se réclame d’une formation gaulliste, votre position est du reste assez étonnante, car la Constitution nous permet de faire adopter des textes en engageant la responsabilité du Gouvernement. C’est la Constitution : une ou plusieurs motions de censure peuvent être déposées ; si elles sont adoptées – c’est arrivé une fois sous la VRépublique –, chacun en tire les conséquences. (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Je respecte la Constitution et il n’y a pas de majorité alternative, notamment sur ce texte. En effet, les critiques exprimées à l’égard de la loi travail défendue par Myriam El Khomri sont de nature différentes : certains lui reprochent d’être vide et proposent leur projet – ce qui est tout à fait normal et c’est ce que nous avons vu au Sénat –, tandis que d’autres lui reprochent d’en faire trop et expriment leur opposition, ici au Parlement ou dans la rue.

Dans ces moments difficiles pour le monde, pour l’Europe à la suite du Brexit et pour notre pays compte tenu des défis qu’il affronte, vous décrivez, en dépit de résultats économiques qui vont aujourd’hui dans le bon sens et de la maîtrise que nous avons de la situation – à propos de laquelle le ministre de l’intérieur aurait du reste pu lui aussi vous répondre –, une situation caricaturale, ce qui est, je le sais bien, le jeu de l’opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

On pourrait pourtant évoquer ceux qui proposaient par exemple, voici quelques semaines, de supprimer les fans zones », voire de reporter l’Euro de football, ou encore, voici quelques mois, d’annuler la COP21.

Mme Cécile Untermaier. Il y en avait en effet qui proposaient cela !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Soyons sérieux et tenons-nous en à la réalité du pays.

Monsieur Jacob, faute de majorité alternative sur ce texte, j’ai en effet engagé la responsabilité du Gouvernement. C’est ma responsabilité. C’est l’idée que je me fais de l’exercice du pouvoir et, en tant que Premier ministre, je continuerai à gouverner avec cette majorité relative, car c’est là le mandat que j’ai reçu des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Furst. Vous n’avez plus de majorité !

Lutte contre le terrorisme

M. le président. La parole est à M. Sébastien Pietrasanta, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Sébastien Pietrasanta. Monsieur le ministre de l’intérieur, hier, la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015, présidée par Georges Fenech et dont je suis le rapporteur, a présenté ses propositions.

Après cinq mois d’enquête, notre commission a adopté à l’unanimité moins deux abstentions le rapport que j’ai présenté. Nous avons travaillé pour éclairer les Français sur le déroulement des attentats de 2015.

Cette enquête montre l’impossibilité de définir le Bataclan comme une cible particulière ; le rôle héroïque de nos policiers de la BAC – brigade anti-criminalité –, qui ont mis fin à la tuerie de masse au Bataclan dès vingt et une heures cinquante-quatre ; le courage de nos forces d’intervention ayant permis lors de l’assaut la libération de tous les otages sans aucune perte humaine, que ce soit à l’Hypercasher ou au Bataclan ; l’efficacité des pompiers, SAMU, hôpitaux civils et militaires, qui a permis de sauver de nombreuses personnes. Je voudrais leur dire ici toute notre reconnaissance.

Comme tous les attentats, ceux de janvier et de novembre 2015 ont meurtri la France et doivent nous faire évoluer. Je mesure toute la difficulté pour nos services de renseignement, confrontés au quotidien à des choix difficiles et dont les réussites sont trop rarement saluées.

Il n’existe pas de risque zéro. Rappelons que les États-Unis, qui ont les meilleurs services secrets du monde, n’ont pu empêcher les massacres d’Orlando, de Boston ou en Californie.

La France n’a jamais autant été meurtrie et menacée. Nous avons légiféré, nous avons augmenté nos effectifs, équipé nos services de renseignement, réorganisé une partie de nos services. Notre rapport démontre qu’il faut amplifier collectivement cette action.

Notre commission a travaillé sans esprit partisan. Cet état d’esprit doit se poursuivre en évitant la petite politique politicienne, les raccourcis ou les mensonges indignes, qui ne correspondent pas à la réalité des faits tels qu’ils sont établis dans le rapport.

Parce que je considère que la lutte contre le terrorisme doit nous rassembler, j’ai formulé quarante propositions…

Mme Claude Greff. Vous n’étiez pas tout seul ! Et M. Fenech ?

M. Sébastien Pietrasanta. …qui ne sont ni de droite ni de gauche mais se veulent utiles pour notre pays. Monsieur le ministre, quelle suite accorderez-vous à ces propositions ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, je souhaite tout d’abord vous féliciter pour le travail que vous avez accompli en opérant la synthèse des travaux conduits pendant cinq mois.

J’esquisserai quelques pistes pour l’avenir sur le fondement de la réflexion que vous avez engagée. Tout d’abord, il convient de renforcer l’activité des services : ainsi que votre rapport le pointe parfaitement, la réforme supprimant les renseignements généraux, intervenue en 2008, a fait perdre à notre pays beaucoup d’efficacité en matière de suivi des signaux faibles dans les territoires. Vous décrivez ce processus avec beaucoup de précision, avec raison. Nous avons donc décidé de redonner au renseignement territorial énormément de moyens.

J’évoquais tout à l’heure les 1 500 emplois créés, les 233 millions d’euros d’investissement pour rehausser les matériels et les moyens des services de police et de renseignement, la réforme de la DGSI – direction générale de la sécurité intérieure –, ainsi que la mise en place de l’EMOPT – État-major opérationnel de prévention du terrorisme – afin de renforcer la coordination.

Ce dernier fait un travail très différent de l’UCLAT – Unité de coordination de la lutte antiterroriste. C’est la raison pour laquelle je ne suis absolument pas favorable à la fusion entre ces deux structures, qui constituerait une véritable perte en ligne par rapport à ce que nous faisons.

Vous proposez d’aller plus loin en confortant encore le renseignement territorial : c’est ce que nous faisons et que nous continuerons à faire.

Vous proposez ensuite de créer une agence auprès du Premier ministre et de créer un directeur général du renseignement, alors qu’il existe un coordonnateur national du renseignement. Dès lors que nous serons en situation d’établir en quoi un directeur général apporterait plus qu’un coordonnateur, nous pourrons évoquer cette question ensemble.

Quant à l’agence nationale, si elle devait être un guichet de plus là où vous constatez qu’il y en a déjà trop, nous aurions transformé le mille-feuille que vous regrettez en plum-pudding : ce n’est pas l’objectif du Gouvernement !

Je souhaite que nous nous retrouvions dans les semaines qui viennent, avec le président de la mission, pour examiner les conditions dans lesquelles nous réserverons les suites les plus utiles aux propositions que vous avez formulées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Situation de la Société Le Nickel

M. le président. La parole est à Mme Sonia Lagarde, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Mme Sonia Lagarde. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. La députée calédonienne que je suis tient à rendre hommage à Michel Rocard qui, en 1988, fut l’artisan de la paix en Nouvelle-Calédonie grâce à une mission du dialogue qui a abouti aux Accords de Matignon et à la célèbre poignée de main entre Jean Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, soit vingt-huit ans de paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Lors de votre récent déplacement en Nouvelle-Calédonie, vous avez tenu à nous rassurer sur la volonté de l’État d’être à nos côtés pour assurer la survie de la SLN – Société Le Nickel – face à la crise des cours du nickel. Vous avez annoncé l’octroi d’un prêt à la société territoriale calédonienne de participation industrielle – STCPI –, qui détient, à hauteur de 34 %, les participations des trois provinces au capital de la SLN. Ce prêt devait permettre à cette société d’assumer ses devoirs d’actionnaire, mais nécessitait au préalable l’acquisition d’une action par l’État au capital de la SLN.

Il y a quelques jours, la province Sud s’est prononcée favorablement, alors que la province Nord, à majorité indépendantiste, a décidé de voter contre l’octroi de ce prêt à la STCPI et donc contre la cession d’une action à l’État. Cela met en péril la SLN, ses emplois et l’économie calédonienne dont la situation n’est déjà pas brillante.

Cette position relève plus d’un calcul politique, celle d’une doctrine « nickel de la province Nord » qui, loin d’avoir fait ses preuves, ne recherche qu’une chose : récupérer les massifs miniers de la SLN au travers d’une augmentation à 51 % au capital de cette dernière.

Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : pouvez-vous nous donner l’assurance de l’État pour un nouveau plan visant à garantir la survie de la SLN et sauvegarder ses emplois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, la Nouvelle-Calédonie doit beaucoup à Michel Rocard : sans lui, sans Jean-Marie Tjibaou, sans Jacques Lafleur et quelques autres, jamais le miracle des Accords de Matignon n’aurait eu lieu.

Dans les hommages rendus ces derniers jours, la contribution personnelle de Michel Rocard au dossier calédonien a été soulignée – le président de l’Assemblée nationale l’a rappelée il y a un instant – comme un legs marquant son parcours d’homme public et aussi comme un exemple de sa méthode de gouvernement. Son entreprise a permis la poignée de mains historique que vous rappeliez, sincère, fraternelle, sur le perron de l’Hôtel de Matignon.

Honorer la mémoire de Michel Rocard en Nouvelle-Calédonie, c’est reconnaître le courage qu’il a fallu à tous pour négocier ; pour préférer, après les événements de mai 1988, la confrontation des idées à tout acte de violence ; pour construire la confiance par le respect, la franchise, le dialogue. Nous voyons bien qu’à deux ans à peine de la sortie des Accords de Nouméa, lesquels doivent beaucoup à Lionel Jospin, cet héritage reste d’une actualité brûlante.

L’avenir en Nouvelle-Calédonie est incontestablement lié au nickel. Face à l’effondrement des cours, la SLN est en situation de fragilité. Je rappelle qu’elle emploie aujourd’hui plus de 2 000 salariés et fournit indirectement du travail à plusieurs milliers d’autres. Elle doit donc trouver les financements nécessaires pour passer la crise.

Cela implique un effort de tous en Nouvelle-Calédonie, avec au premier rang les actionnaires, le groupe Eramet et la STCPI, dont le capital est détenu par les provinces.

Lors de ce déplacement à Nouméa, en avril, j’ai annoncé que l’État proposerait à la STCPI un prêt de 200 millions d’euros afin qu’elle assume pleinement ses devoirs d’actionnaire. Le montage juridique impliquait que l’État détienne une seule action, sans pour autant exercer de droit particulier dans la gouvernance de cette société de participation qui représente les intérêts publics calédoniens. Aucune remise en cause des équilibres passés n’était donc prévue – j’insiste sur ce point.

La province Nord s’est opposée à ce projet alors que l’unanimité était nécessaire. Sans méconnaître la dimension symbolique de cette décision, je la regrette car elle prive les acteurs calédoniens de leur rôle d’actionnaire aux yeux des salariés et du marché. Mais face au risque de solvabilité qui menace le plus ancien opérateur industriel de Nouvelle-Calédonie et l’emploi de milliers de Calédoniens, l’État ne reviendra pas sur sa promesse.

Aussi l’État a-t-il proposé de mettre en œuvre directement ce prêt de 200 millions d’euros auprès de la SLN sans passer par l’intermédiaire de la STCPI. Le dossier sera examiné le 11 juillet par le conseil d’administration de l’entreprise.

L’heure est à la sauvegarde du potentiel économique de la Nouvelle-Calédonie : vous pouvez compter sur ma détermination et sur celle de mon gouvernement à tout faire pour préparer cette date de 2018, à tout faire pour que le nickel reste l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Loi travail

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe Les Républicains.

M. Gérard Cherpion. Monsieur le Premier ministre, sous votre commandement, qui confond autorité et autoritarisme, le bateau France coule. Nous sommes face à un Gouvernement qui ne contrôle plus rien, avec des dissensions internes devenues publiques, une majorité qui a implosé, un paysage syndical éclaté, des manifestations ultra-violentes et une population qui ne comprend pas l’entêtement de l’exécutif.

Plus de 90 % des amendements sur la fameuse loi travail étaient issus de la gauche et de votre propre majorité – ou ce qu’il en reste ! Ce texte n’est plus que l’ombre de lui-même, à force de renoncements et de reculades – et Christian Jacob, ne vous en déplaise, l’a fort bien montré.

Vous avez engagé votre responsabilité non sur un texte qui renforce notre pays, mais sur un symbole. Oui, monsieur le Premier ministre, la loi travail n’est plus que le symbole de votre échec, qui aura pour conséquence un nouveau recul de la France en matière économique et sociale.

Vous vouliez donner plus de place aux accords d’entreprise, vous renforcez les branches. Vous vouliez réformer le code du travail, vous créez une commission placée sous l’autorité d’une autre commission chargée du dialogue social : une véritable usine à gaz !

Pire, vous avez supprimé toutes les avancées du Sénat en matière d’apprentissage. Monsieur le Premier ministre, nous savions que vous n’aimiez pas l’apprentissage : vous l’avez prouvé. Qui aimez-vous, monsieur le Premier ministre ?

M. Christian Jacob et M. Guillaume Larrivé. Macron !

M. Gérard Cherpion. Le Parlement ? Les partenaires sociaux ? Les entreprises ? Les salariés ? Les jeunes ? Cela se saurait.

Monsieur le Premier ministre, vous souhaitez prouver votre force avec le 49.3, vous démontrez votre faiblesse.

Quand allez-vous enfin écouter quelqu’un d’autre que vous-même ? Quand allez-vous entendre le peuple de France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, quelle caricature ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Alain Fauré. En effet !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Vous qui avez travaillé de façon studieuse au sein de la commission présidée par Catherine Lemorton, aux côtés de Christophe Sirugue, savez très bien que tout ce que vous venez d’indiquer n’est pas conforme à la réalité du texte. Vous le savez !

Si nous voulons véritablement que notre pays avance, et tel est notre souhait, il faut cesser ces caricatures : d’un côté, la loi serait vidée de son contenu, de l’autre, elle irait beaucoup trop loin.

Je vous assure, nous avons besoin de nous retrouver autour de l’intérêt général.

M. Yves Nicolin. Ce n’est pas vous qui l’incarnez !

M. Pierre Lequiller. Regardez les bancs de gauche quand vous dites cela !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Qu’est-ce que l’intérêt général ? Il consiste à faire en sorte que notre pays avance en trouvant de nouvelles formes de régulation sociale. (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Guy Geoffroy. En attendant, le pays rame !

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Geoffroy !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Cela signifie considérer que c’est par les accords d’entreprise, qui font le quotidien des salariés, que nous pouvons améliorer les choses.

Cela veut-il dire qu’il n’y a plus d’accords de branche ? Non. Le Gouvernement, en effet, a amendé le texte la semaine dernière, avec le rapporteur Christophe Sirugue, parce qu’il y avait des inquiétudes.

Justement, ce ne sont pas des reculs : ces amendements montrent que nous avons écouté, inlassablement, depuis février, trouvé un compromis avec les organisations syndicales réformistes, écouté également le pays, apporté des précisions et des clarifications.

Et vous, quel est votre projet ?

M. Christian Jacob. Nous l’avons présenté au Sénat !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Ce projet, nous l’avons détricoté, en effet, parce qu’il prévoit la durée légale renégociée par accord d’entreprise, les 36, 37, 38 ou 41 heures… payées 35 peut-être. C’est la fin de la garantie jeunes, ce sont les mini-jobs à l’allemande. Nous avons, nous et vous, deux projets de société complètement différents.

L’aptitude à gouverner, monsieur le député Cherpion, c’est à la fois parler vrai et agir juste. Je remercie quant à moi le Premier ministre d’avoir pris ses responsabilités avec courage, avec lucidité et avec une ambition pour son pays. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain – Exclamations persistantes sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Sommet de l’OTAN à Varsovie

M. le président. La parole est à M. Gilbert Le Bris, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Gilbert Le Bris. Monsieur le ministre de la défense, il y a trois semaines, vous étiez à Bruxelles pour une réunion des ministres de la défense des pays de l’OTAN.

Il y a deux semaines, le Royaume-Uni décidait de quitter l’Union européenne, mais pas l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord.

À la fin de cette semaine se tiendra à Varsovie un sommet des chefs d’État des pays membres de l’Alliance.

Dans ce contexte très changeant, la France ne manquera pas d’être concernée, elle qui a des soldats en Afrique et au Moyen-Orient qui assurent sa sécurité mais aussi celle de l’Europe contre le terrorisme – preuve s’il en faut que nous assumons en première ligne notre rôle dans la sécurité collective.

La France joue un rôle éminent dans l’OTAN, comme Philippe Vitel et moi-même l’avons montré dans un récent rapport, et comme le sait notre délégation à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN.

Le sommet de Varsovie, dans un lieu symbolique appelant davantage à de la réserve qu’à de la suffisance, verra les chefs d’État s’interroger sur la nouvelle donne sécuritaire et sur les moyens de faire face à la menace, qu’ils viennent du flanc sud ou du flanc est.

Concernant le flanc est et la Russie, il faut avoir une attitude de fermeté sur nos valeurs mais aussi d’ouverture au dialogue.

Concernant le sud, l’OTAN pourrait être mobilisée sur un concept dont la définition reste à élaborer, qui serait celui de projection de stabilité.

Monsieur le ministre, merci de préciser à la représentation nationale quelles seront les priorités de la France pour le sommet de Varsovie, qu’il s’agisse de la réassurance à l’est ou de la complémentarité au sud, pour nous aider dans nos actions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, le Président de la République se rendra à Varsovie les 8 et 9 juillet prochains, d’abord et avant tout pour réaffirmer l’unité de l’Alliance atlantique et notre détermination commune à garantir la sécurité collective et la sécurité de chacune des nations de l’OTAN.

M. Guy Geoffroy. Cela va être décisif !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Vous le savez, vous l’avez dit, les agissements récents de la Russie, certains incidents en mer Baltique, la résurgence de patrouilles à la limite de nos espaces aériens suscitent de l’inquiétude chez certains de nos partenaires.

Face à cela, la France prône une attitude à la fois ferme et ouverte, qui garantisse notre soutien à nos alliés tout en maintenant les échanges avec Moscou dans les enceintes appropriées.

Ainsi, nous assurons notre part dans les mesures d’assurance, en particulier dans la police du ciel au profit de nos alliés de l’est.

Nous le ferons aussi dans le cadre de ce qu’on appelle « la présence avancée renforcée à l’est », dont les modalités seront mises au point à Varsovie.

Nous allons aussi parler de l’adaptation de l’Alliance et vous avez raison de souligner qu’il faut agir pour que celle-ci soit capable de réagir à tout type de menace, venant de l’est comme du sud.

M. Lionnel Luca. Quel parallélisme scandaleux !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il faut aussi que sa capacité d’adaptation soit soutenable dans la durée.

Nous avons par ailleurs lancé plusieurs initiatives dans le domaine de la cybersécurité ou dans le domaine maritime qui feront l’objet, j’en suis sûr, d’avancées au sommet de Varsovie.

Enfin, de manière plus générale, la France s’attache à promouvoir la complémentarité entre l’OTAN et l’Union européenne en valorisant les compétences spécifiques de chacune et en s’abstenant de toute duplication.

Vous le voyez, l’Alliance évolue pour s’adapter aux nouveaux défis sécuritaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Lionnel Luca. C’est vraiment nul !

Programmation pluriannuelle de l’énergie

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Éric Alauzet. Madame la ministre de l’environnement, voilà près d’un an que notre Assemblée a adopté définitivement la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Cette loi, sur laquelle tous les écologistes ont largement travaillé, qu’ils ont soutenue et fièrement votée, fixe les grands objectifs de la politique énergétique de la France. Pour la première fois, notre pays acte la baisse de la part du nucléaire dans sa production énergétique.

Ces objectifs ont besoin d’un bras armé : tel est le rôle de la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE, que nous attendions avec impatience, madame la ministre, et que vous avez enfin dévoilée vendredi dernier.

Sobriété énergétique, baisse des émissions de gaz à effet de serre, baisse de la part du nucléaire : ce texte est essentiel pour l’économie et pour l’écologie,…

Un député du groupe Les Républicains. Encore un effort et il deviendra ministre !

M. Christian Jacob. Pas sûr !

M. Éric Alauzet. …en particulier au lendemain de l’accord de Paris suite à la COP21 – c’était d’ailleurs l’un des derniers combats de Michel Rocard.

Je souhaite insister aujourd’hui sur la question du nucléaire car, oui, il faut le dire : le nucléaire est un véritable gouffre financier. C’est pourquoi nous sommes rassurés que la PPE confirme la fermeture de Fessenheim (« Quelle erreur ! » sur certains bancs du groupe Les Républicains) et l’amorce du déclin de cette énergie. Cependant, des inquiétudes demeurent.

En effet, la réduction de la production nucléaire pour 2023 – dont nous regrettons par ailleurs qu’elle ne figure pas dans la partie « décret » de cette PPE – se situe entre 10 et 65 terawattheures. Concrètement, cela représente l’arrêt de deux à dix réacteurs seulement quand la Cour des comptes elle-même estime qu’il conviendrait d’en fermer dix-sept à vingt pour atteindre les objectifs de la loi de transition énergétique.

Madame la ministre, comment cette programmation pluriannuelle de l’énergie peut-elle satisfaire l’objectif d’une baisse de la part du nucléaire à 50 % en 2025 inscrite dans la loi de transition énergétique ? Concrètement, pouvez-vous nous dire quand pourrons-nous enfin observer une diminution du nombre de réacteurs en activité sur le sol français ?

M. François-Michel Lambert et M. Paul Molac. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. La transition énergétique repose sur trois idées très simples. Le processus démocratique tout d’abord : vous avez débattu et adopté ce modèle énergétique ; j’ai ensuite rendu la stratégie « bas carbone » publique avant la COP21 ; enfin, comme je m’y étais engagée, j’ai rendu publique le 1er juillet la programmation pluriannuelle de l’énergie qui applique la loi de transition énergétique – laquelle, je tiens à vous rassurer, sera respectée et appliquée.

Contrairement à votre approche – que je respecte – je n’envisage pas la question du nucléaire sur un mode idéologique. Je considère que la France a adopté un modèle énergétique qui consiste à ne pas opposer les énergies les unes aux autres.

La part du nucléaire suppose des économies d’énergie. Premier pilier : 400 territoires à énergie positive, stratégie « bas carbone », industriels et secteur du bâtiment qui s’engagent dans de telles économies.

Deuxième pilier : la montée en puissance des énergies renouvelables. La loi prévoit que 40 % de la production d’électricité en résulte à l’horizon de 2025. La part du nucléaire que l’on obtiendra résultera de cette réussite. Des emplois seront d’ailleurs créés dans le domaine de la croissance verte.

Mercredi prochain, je réunirai le conseil national de la transition écologique, lequel se prononcera sur cette programmation pluriannuelle de l’énergie.

Compte tenu de la montée en puissance des énergies renouvelables, le non-redémarrage de deux à six réacteurs est prévu. Les choses se passeront très simplement : à partir de l’année prochaine, vous le savez, nos centrales nucléaires, nos réacteurs auront quarante ans d’âge et une autorisation de l’Autorité de sûreté nucléaire sera donc nécessaire pour les redémarrer. La durée de vie de certains sera donc prolongée ; ce ne sera pas le cas pour d’autres.

En définitive, la loi que la représentation nationale a votée sera ainsi strictement appliquée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Nomination du président de l’INRA

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour le groupe Les Républicains.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le Premier ministre, vous avez persisté à vouloir nommer le directeur de cabinet du ministre de l’agriculture à la présidence de l’Institut national de la recherche agronomique, privilégiant ainsi une nouvelle fois le copinage plutôt que les compétences. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Cette nomination soulève plusieurs problèmes.

M. Bernard Accoyer. Quel scandale absolu ! C’est la première fois que ce poste n’est pas attribué à un scientifique !

M. Patrick Hetzel. Tout d’abord, la personne en question n’est pas titulaire d’un doctorat,…

M. Bernard Accoyer. C’est une honte absolue !

M. Patrick Hetzel. …alors qu’aujourd’hui, dans le monde scientifique, il importe que le directeur d’un organisme de recherche soit titulaire d’un tel diplôme, lequel crédibilise sa compétence scientifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

De plus, le signal envoyé à la communauté scientifique est détestable. D’ailleurs, un collectif de scientifiques de renom a décidé de s’opposer à ce processus. Ce matin même, le président du conseil scientifique de l’INRA – qui préside la prestigieuse université Paris-Descartes Paris V – vient de démissionner de sa fonction de président de ce conseil. Quel mépris est le vôtre pour la science !

M. Christian Jacob. En effet ! C’est minable !

M. Bernard Accoyer. C’est un scandale !

M. Patrick Hetzel. Mais, encore plus grave : une telle nomination est purement et simplement illégale.

M. Bernard Accoyer. Ah !

M. Patrick Hetzel. En effet, un directeur de cabinet en exercice candidat à la tête d’un établissement public dont il assure par ailleurs la tutelle par délégation directe du ministre est en situation caractérisée de conflit d’intérêts.

M. Christian Jacob. Magouilleurs !

M. Patrick Hetzel. Vous commettez donc là une double faute : juridique et morale.

M. Bernard Accoyer. Scandaleux !

M. Patrick Hetzel. Alors, monsieur le Premier ministre, à quand la République irréprochable dont vous nous parlez tant par ailleurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Accoyer. Honte à vous ! Honte à vous !

Un député du groupe Les Républicains. Voyous !

M. le président. S’il vous plaît… Veuillez écouter la réponse.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Accoyer, voyons ! Vous avez été président de l’Assemblée nationale… Ne montrez pas du doigt ! C’est ce que l’on apprend aux petits lorsqu’on les éduque !

M. Christian Jacob. Magouilleurs !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je vais répondre à M. le député.

Premièrement : de nombreux directeurs…

M. Bernard Accoyer. Monsieur le ministre de la recherche, vous savez de quoi il retourne !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …de cabinet ont été nommés à la direction d’institutions de recherche. Sur le plan juridique, rien ne justifie votre argument.

M. Bernard Accoyer. C’est un vrai scandale !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Un haut fonctionnaire qui a servi pendant trente ans la fonction publique dans le domaine de l’agriculture est-il en conflit d’intérêts parce qu’il assure la direction d’un établissement public ? C’est faux, mensonger ! (Nombreuses exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Accoyer. C’est un militant !

M. Christian Jacob. Magouilleurs ! Tricheurs ! Voyous !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous faites un procès injustifié à un homme.

M. Bernard Accoyer. C’est un traître !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Deuxièmement : nous avons changé les règles (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains) avec la loi Fioraso…

M. Bernard Accoyer. Quelle honte !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Oui, oui, monsieur Accoyer, vous pouvez montrer du doigt…

M. le président. S’il vous plaît, écoutez la réponse jusqu’au bout !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …même si cela ne se fait pas, je vous le rappelle.

Avec la loi Fioraso, nous avons donc changé les règles.

Une commission d’experts incontestables s’est réunie et a étudié les dossiers des deux candidats. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Leur rapport, pour la première fois, sera transmis par le secrétariat général aux présidents des commissions de chaque assemblée qui statueront sur la candidature.

Voilà la transparence, voilà la République irréprochable ! C’est peut-être elles qui vous gênent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. - Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob. Tricheurs !

Indemnisation des victimes des essais nucléaires en Polynésie française

M. le président. La parole est à Mme Maina Sage, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Mme Maina Sage. Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, après cette question qui vous a enflammés, je vous demande un peu d’attention, car je vous appelle à un devoir de mémoire. Peu de gens le savent, mais nous commémorons cette semaine en Polynésie française les cinquante ans du premier tir nucléaire réalisé à Moruroa. Et je tenais à partager cela avec vous.

Le 2 juillet 1966, la France a réalisé son premier tir nucléaire, le premier d’une longue série.

M. François Loncle. Hélas !

Mme Maina Sage. Ce ne sont pas deux, trois ou dix essais nucléaires qui ont été réalisés en Polynésie, mais 193 essais nucléaires, ce qui équivaut à 700 fois Hiroshima. Trente ans de tirs aériens et souterrains…

M. François Loncle. C’est honteux !

M. Jean Glavany. François Mitterrand les avait stoppés et c’est Jacques Chirac les a repris !

M. Jean-Luc Reitzer. Ce fut aussi une source de prospérité !

Mme Maina Sage. Cette période a été marquante et a bouleversé la société polynésienne. Elle a permis à la France de se hisser au rang des plus grandes nations du monde, et la Polynésie a été entraînée dans son sillage, puisque cela a propulsé son développement économique.

M. Jean-Luc Reitzer. En effet, il ne faut pas l’oublier !

Mme Maina Sage. Mais, cinquante ans plus tard, nous devons en assumer les conséquences, tous ensemble : des conséquences environnementales et sanitaires, mais aussi des conséquences sociales très lourdes. À ce titre, nous avons un devoir de mémoire, mais aussi de reconnaissance et de réparation.

Une loi d’indemnisation a certes été votée, mais elle n’est pas efficace. Le Président de la République s’est engagé à faire un acte fort de réparation. Monsieur le Premier ministre, je vous demande, comme à l’ensemble du Gouvernement, de venir confirmer aujourd’hui que ces actes de réparation seront bien au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée, je salue, comme vous, la mémoire de celles et ceux qui ont été directement touchés par les essais nucléaires. La loi Morin de 2010 avait pour objet de définir un dispositif de juste indemnisation des victimes des essais nucléaires. Vous l’avez dit vous-même, madame la députée, cette loi n’a pas produit les effets escomptés, et c’est pour cela que nous avons voulu lui apporter un certain nombre de modifications.

L’année dernière, tout d’abord, nous avons donné au Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires un statut d’autorité indépendante, ce qui signifie qu’il ne relève plus du Gouvernement et qu’il juge et apprécie en toute impartialité les demandes qui lui sont formulées. Ensuite, nous avons fait en sorte que la commission de suivi, qui se réunira d’ailleurs dans quelques instants, et à laquelle vous participez, dépende du ministère de la santé, pour que les enjeux sanitaires soient bien pris en considération.

Le Président de la République a souhaité que les critères d’évaluation soient modifiés, pour que justice soit rendue aux victimes. Dans quelques instants, je vous proposerai donc un nouveau décret, qui ouvrira la voie à une redéfinition des critères d’évaluation des victimes des accidents nucléaires et qui nous permettra d’aller de l’avant.

Madame la députée, nous sommes tous mobilisés. Je l’ai dit lors de la première réunion de cette commission : nous devons faire en sorte que les victimes soient indemnisées…

M. François Rochebloine. Vite !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et tel est le sens de l’action du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Situation des finances publiques

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe Les Républicains.

M. Bernard Perrut. Monsieur le Premier ministre, à la veille du débat d’orientation des finances publiques, il est temps de dire la vérité aux Français. La cruelle vérité du dérapage de nos finances publiques, celle d’un Gouvernement incapable de tenir ses engagements pour l’avenir de notre pays.

La Cour des comptes le rappelle dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques : l’absence de réformes structurelles, combinée à la multiplication des dépenses nouvelles, rend très incertain l’objectif que le déficit passe sous la barre des 3 % du PIB en 2017.

La France présente aujourd’hui l’un des pires résultats en Europe en matière de maîtrise des dépenses publiques. Avec votre distribution de cadeaux et toutes vos promesses, les dépenses nouvelles non financées atteignent déjà, en cumulé, près de 10 milliards d’euros en année pleine, qui font peser un risque majeur sur nos finances publiques en 2017.

Par ailleurs, le matraquage fiscal, que nous dénonçons depuis 2012, a été confirmé cette semaine par la rapporteure générale du budget, qui révèle que les ménages sont les plus grands perdants du quinquennat, avec un choc fiscal de plus de 50 milliards d’euros d’impôts supplémentaires depuis juillet 2012.

Un député du groupe Les Républicains. Scandaleux !

M. Bernard Perrut. Aujourd’hui, mes chers collègues, les masques tombent : vous venez d’enterrer l’objectif d’économies sur la période 2015-2017. Absence de réformes structurelles, dérapage des dépenses, matraquage fiscal, objectifs d’économies et de déficit non atteints : tel est le résultat de votre politique irresponsable. Vous compromettez la santé financière de la France pour les années qui viennent. C’est grave, très grave !

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Bernard Perrut. Alors, monsieur le Premier ministre, quel sera le montant exact de l’ardoise que vous laisserez à vos successeurs ? La note sera lourde : ce sera celle de l’échec et de l’impuissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le député, la passion n’exclut pas la raison, et je vous invite à un peu plus de mesure quant aux chiffres que vous donnez. Certains d’entre eux mériteraient d’être débattus, et je vous donne rendez-vous demain – je suis sûr que vous serez là – pour le débat d’orientation des finances publiques.

M. Bernard Perrut. Tout à fait !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le député, ne confondez pas le chemin et l’objectif.

M. Charles de La Verpillière. Ah !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’objectif, c’est de rester en dessous de 3 % de déficit en 2017, et cet objectif est maintenu. J’observe d’ailleurs que, pour 2016, la Cour des comptes elle-même, et c’est peu dire, ne remet pas en cause l’objectif de 3,3 % de déficit. Je vous rappelle quand même que le chemin trouve son origine à 5,1 %, puisque telle est l’ardoise que vous nous avez laissée, pour reprendre votre expression. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Si l’objectif est maintenu, le chemin, lui, doit s’adapter aux circonstances, monsieur le député. Lorsque de nouveaux obstacles se présentent sur le chemin, que nos armées sont, plus que d’habitude, engagées à l’extérieur, qu’une crise agricole appelle des mesures immédiates, que le terrorisme justifie que nous renforcions des moyens que vous aviez laissés se dégrader…

M. Laurent Furst. …que le Président de la République veut être candidat…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …lorsque le besoin de financer la formation et l’embauche dans les PME se fait jour, il faut parfois modifier le chemin et utiliser les économies sur la charge de remboursement de la dette, les économies sur le moindre coût des contentieux fiscaux que vous nous aviez laissés…

M. Yves Nicolin. Cela fait quatre ans, assez !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …utiliser les produits, supérieurs à ceux que vous réalisiez, de la lutte contre la fraude – que vous envisagez d’ailleurs plus ou moins d’abandonner dans vos programmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Le chemin, croyez-moi, sera suivi avec détermination. Certains courent dans tous les sens. Nous, c’est avec détermination que nous empruntons le chemin qui nous mènera à notre objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Pierre Lequiller. N’importe quoi !

M. Michel Herbillon. Le chemin est très laborieux !

Fonds d’adaptation de la société au vieillissement

M. le président. La parole est à M. Guy Delcourt, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Guy Delcourt. Madame la secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie, si la presse se fait l’écho des tumultes, des petites phrases et des attitudes plus politiciennes que politiques, un grand nombre de mesures de progrès, de justice sociale et d’amélioration du quotidien des Français restent, quant à elles, dans l’anonymat médiatique. Pourtant, la politique à destination de nos aînés en est une parfaite illustration, force est de constater que ce gouvernement a pris la pleine mesure de l’allongement de la durée de la vie, qui est un formidable progrès.

Afin d’anticiper le vieillissement de la société par des actions fortes, nous avons approuvé une politique de solidarité dans la prise en charge de la dépendance, avec l’instauration du droit au répit pour celles et ceux qui aident une personne âgée à domicile, la revalorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie, qui bénéficie à 1,2 million de personnes âgées, et l’engagement tenu d’adapter 80 000 logements pour les personnes âgées, évoqué lors de la venue du Premier ministre à Lens mercredi dernier, pour favoriser leur maintien à domicile dans de bonnes conditions. Enfin, hier, vous avez annoncé devant le conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie la mobilisation d’un fonds de 25 millions d’euros pour accompagner les bonnes pratiques dans le secteur de l’aide à domicile. Madame la secrétaire d’État, je souhaite connaître les objectifs et les modalités concrètes de mise en œuvre de ce fonds. (« Allô ! » sur certains bancs du groupe Les Républicains.)

Aux yeux de l’histoire, une société se juge à la manière dont elle prend soin de ses anciennes générations. Je crois, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement et sa majorité peuvent être fiers d’agir en ce sens pour le mieux vivre de nos aînés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Monsieur le député, comme vous l’avez dit, je suis intervenue hier au conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Je tiens d’ailleurs à saluer la députée Joëlle Huillier, qui vient de rejoindre cette instance. Vous le savez, la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement est intégralement financée. Par ailleurs, soucieuse d’accompagner des services de qualité sur tout le territoire, j’ai annoncé hier la création d’un fonds supplémentaire d’un montant de 25 millions d’euros pour appuyer les bonnes pratiques dans le secteur de l’aide à domicile, qui vient s’ajouter aux missions d’appui et aux financements supplémentaires débloqués pour les départements. Là encore, les départements souhaitant s’engager dans le développement des bonnes pratiques et qui en feront la demande pourront bénéficier de nouveaux appuis et financements.

Nous avons élaboré aussi, en partenariat avec tous les professionnels concernés et les conseils départementaux, un guide des bonnes pratiques de l’aide à domicile, qui est rendu public aujourd’hui. Il s’articule autour de trois axes : garantir aux personnes âgées le libre choix de leur mode d’aide à domicile ; assurer un juste tarif pour ces services ; améliorer les conditions de travail des professionnels qui œuvrent chaque jour aux côtés des personnes âgées.

Toujours pour permettre aux personnes âgées de rester chez elles, si elles le souhaitent et aussi longtemps qu’elles le souhaitent, le Gouvernement a décidé de faire un pas supplémentaire pour l’adaptation des logements. L’objectif fixé par le Président de la République d’adapter 80 000 logements sera atteint dès 2016. Avec Emmanuelle Cosse, nous avons pour objectif d’adapter 100 000 logements à l’horizon 2017 et nous y consacrons 20 millions d’euros supplémentaires.

Oui, la France est au rendez-vous. Cela n’a pas toujours été le cas. Je vous remercie de votre question, qui me permet de rappeler que nous continuons à travailler avec les associations et les départements pour être à la hauteur de la demande de nos aînés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Difficultés du secteur touristique

M. le président. La parole est à M. Didier Quentin, pour le groupe Les Républicains.

M. Didier Quentin. M. le Premier ministre ayant dû nous quitter, je pose ma question à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

Les conséquences des attentats, avec la poursuite de l’état d’urgence ou l’emploi de l’expression « état de guerre », les grèves à répétition, les manifestations violentes et les pénuries d’essence, les intempéries et les inondations ont dissuadé beaucoup de touristes étrangers de venir en France, alors que le Conseil de promotion du tourisme, présidé par M. Laurent Fabius, avait fixé l’objectif ambitieux de 100 millions de touristes étrangers par an dans notre pays. Le Département d’État et le Foreign office ne nous épargnent pas, ni les médias étrangers, qui se font l’écho de la « pagaille » qui a régné et règne encore en France, pour reprendre la formule d’une ministre. À titre d’exemple, les hôteliers parisiens ont vu en mai 2016 leur taux de fréquentation chuter de plusieurs dizaines de points. C’est ainsi qu’au premier trimestre, le nombre de touristes japonais a baissé de 56 % à Paris et en Île-de-France, de 24 % pour les Italiens, de 35 % pour les Russes et de 14 % pour les Chinois.

M. Gérard Menuel. Bravo ! Beau résultat !

M. Didier Quentin. J’ajoute que les réservations pour l’été 2016 sont assez nettement inférieures à celles de l’été dernier, et cela pour la plupart des destinations touristiques de France. Ce secteur, qui représente 7,3 % de notre produit intérieur brut, avec quelque 300 entreprises et plus d’un million d’emplois, est donc touché de plein fouet. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures urgentes le Gouvernement entend-il prendre pour venir en aide à notre économie touristique, et surtout pour reconquérir l’image de la France auprès de la clientèle étrangère, notamment par le biais d’Atout France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Monsieur le député, nous avons eu l’occasion de travailler ensemble sur le tourisme, y compris dans votre département, en septembre dernier, à l’invitation du maire et conseiller départemental de Marennes, Mickaël Vallet. Nous sommes aujourd’hui confrontés à un contexte particulier, à la suite des événements que vous avez évoqués et qu’il ne faut d’ailleurs pas mettre sur le même plan. Nous ne disposons pas aujourd’hui de chiffres officiels. Nous ne serons en mesure de les communiquer qu’après la période estivale mais il est vrai que les tendances sont contrastées. Nous constatons, au niveau national, une baisse d’un peu plus de 5 % des nuitées de la clientèle étrangère. Cette baisse atteint environ 20 % dans Paris et sa région, mais la fréquentation est en hausse de 2 % en moyenne dans les autres régions. Il s’agit donc bien d’une situation contrastée et difficile, à laquelle il faut répondre.

Jean-Marc Ayrault, aux côtés duquel nous suivons ces sujets avec Martine Pinville, réunira la semaine prochaine un comité spécifiquement destiné aux professionnels du tourisme pour faire le point sur les mesures. Vous le savez, nous avons abondé le budget d’Atout France pour lui permettre de faire des campagnes ciblées à destination des pays où la baisse est la plus forte, sur les réseaux sociaux. Je rencontre les professionnels du tourisme, qui font les tendances dans les pays prescripteurs, que ce soit dans chacun de mes déplacements à l’étranger ou au Quai d’Orsay. Nous sommes totalement mobilisés, notamment sur le Japon, où la baisse est la plus forte,…

M. François Rochebloine. Cinquante-six pour cent !

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. …ainsi que sur la Chine. Je me rendrai en octobre à Macao, où la France sera l’invitée d’honneur d’un grand forum international sur le tourisme. (« Bon voyage ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) Nous sommes en train de préparer les délégations. Quant aux clientèles américaines, elles reviennent.

Sur ce sujet, qui ne concerne pas 1 mais 2 millions d’emplois dans notre pays et 8 % de la richesse nationale, croyez à la détermination totale du Gouvernement autour de Jean-Marc Ayrault. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Accès anonyme et gratuit à la contraception

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Mme Brigitte Bourguignon. Madame la ministre de la santé et des affaires sociales, au 1er juillet, l’ensemble du processus médical d’accès à la contraception est devenu anonyme et gratuit. C’est une avancée majeure et je me félicite que notre groupe l’ait portée et soutenue.

Depuis 2012 du reste, nous n’avons cessé de nous battre pour assurer l’accès aux soins de toutes et de tous. Le dépistage du cancer du sein est désormais gratuit. Le tiers payant sera bientôt généralisé et est entré en vigueur à ce jour pour les femmes enceintes. Ces exemples, parmi d’autres, illustrent notre lutte constante pour la réalisation de nos priorités en matière de santé.

Mais nous nous battons plus particulièrement pour les droits des femmes et l’accès à la contraception, notamment chez les jeunes. Dès 2013, nous avons voté la gratuité de la contraception pour les mineures de plus de quinze ans. L’année suivante, nous avons mis fin à l’avance des frais pour l’obtention d’une contraception. Depuis le 1er avril, l’intégralité des frais liés à l’interruption volontaire de grossesse est prise en charge et les campagnes d’information ont été renforcées.

L’ensemble des rendez-vous médicaux liés à la contraception deviennent aujourd’hui gratuits et confidentiels pour les jeunes de quinze à dix-huit ans. Ces nouvelles dispositions concernent toutes les consultations médicales, les analyses de sang et les examens biologiques réalisés avant la délivrance d’un moyen de contraception.

Ceci est la démonstration et la réaffirmation de nos priorités en matière protection de la jeunesse et de défense des droits des femmes.

Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer en quoi ces nouvelles dispositions pourront compléter la loi de 2013, insuffisamment respectée jusqu’à présent, en matière de confidentialité et de gratuité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée, vous avez raison de souligner que tous les enjeux liés à la santé des femmes sont une priorité du ministère, pour moi-même et l’ensemble du Gouvernement depuis 2012. Je veux le souligner tout particulièrement à un moment où nous voyons des collectivités locales, et non des moindres, faire machine arrière en matière de soutien à l’information des jeunes femmes. Je regrette ainsi, une fois de plus, que le conseil régional d’Île-de-France ait trouvé judicieux de supprimer le Pass contraception à destination des plus jeunes femmes de cette région.

Chaque année 11 000 femmes mineures procèdent à une interruption volontaire de grossesse. Ce chiffre doit évidemment nous alerter parce que la sexualité doit pouvoir être vécue sur le mode de la liberté et de l’autonomie, et non de la contrainte et d’une grossesse non désirée. C’est la raison pour laquelle depuis 2012 plusieurs mesures ont été prises, que vous avez en partie rappelées : la gratuité et l’anonymat de la contraception des mineures, la mise en place d’un mécanisme de tiers payant pour les consultations et les examens de biologie réalisés en amont de la prescription.

Depuis le 1er juillet dernier, nous allons plus loin : c’est l’ensemble des frais relatifs aux consultations, aux examens et à la délivrance des contraceptifs qui sont pris en charge à 100 % par l’assurance maladie. Par ailleurs, le parcours contraceptif est désormais protégé et anonyme. Concrètement, si une patiente mineure demande à ce qu’aucune mention de son identité ne soit divulguée, son nom n’apparaîtra ni sur les actes ni sur les relevés de remboursement de l’assurance maladie.

Vous le voyez, madame la députée, nous agissons fortement et résolument en direction des femmes et des plus jeunes d’entre elles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Traitement des bois exportés

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-Pierre Vigier. Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, les instructions de la Direction générale de l’alimentation relatives à l’obtention d’un certificat phytosanitaire pour l’export de grumes non écorcées sont irréalisables. La seule possibilité que vous laissez aux professionnels de la filière bois est l’écorçage.

Or, d’une part, les clients chinois, alors que la Chine reçoit 80 % des exportations françaises, n’acceptent pas des bois écorcés. D’autre part, le nombre d’écorceuses adaptées à la conformation des grumes de qualité secondaire est aujourd’hui insuffisant. L’application de ces instructions depuis le 1er juillet entraînera l’arrêt des achats de bois sur pied des coupes de bois de qualité secondaire, la cessation d’activité de plus de 1 000 entreprises du bois et une aggravation de 2 milliards d’euros supplémentaires du déficit de la filière.

Monsieur le ministre, soucieux de trouver des solutions durables, les professionnels forestiers concernés ont développé deux solutions alternatives en attente d’autorisation : un traitement par brumisation de Forester en conteneur et en zone dédiée, et un traitement thermique à 56 degrés sous écorce, conforme aux normes internationales, qui doit être validé par la Chine.

Monsieur le ministre, ma question est simple : autoriserez-vous à titre dérogatoire – je dis bien à titre dérogatoire – l’utilisation du Forester par pulvérisation, le temps de finaliser les solutions alternatives ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous avez évoqué le sujet des traitements phytosanitaires pour les bois exportés. Je souhaite tout d’abord être bien clair : l’objectif d’un grand pays comme la France n’est pas uniquement d’exporter des bois qui sont ensuite transformés dans d’autres pays du monde, que ce soit en Chine ou ailleurs : c’est de transformer ses propres bois.

M. André Chassaigne. Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est le premier point. Il ne faut pas l’oublier, surtout lorsqu’on vient de départements où existent des scieries de première transformation, qui me demandent de durcir les conditions d’exportation des bois. Chaque maillon de la filière compte.

S’agissant de la question que vous avez posée, oui, j’avais décidé et dit qu’au 1er juillet s’appliqueraient les nouvelles règles puisqu’il n’est plus possible de pulvériser des phytosanitaires contenant de la cyperméthrine sur les bordures de forêts. Trois mois supplémentaires ont été accordés pour développer deux possibilités de traitement de ces bois : l’écorçage – vous l’avez cité – et les procédés thermiques en particulier, qui sont possibles dans plusieurs ports de France, et ce afin de donner aux exportateurs de bois les solutions leur permettant d’assurer leurs exportations.

Mais je le répète : il n’est plus possible d’autoriser les pulvérisations de phytosanitaires dans les forêts. C’est clair : je ne reviendrai pas sur cette mesure qui, après trois mois de sursis, s’applique à compter du 1er juillet et continuera de s’appliquer.

Certes, l’écorçage pose problème avec la Chine. Mais il existe le procédé thermique : deux ports de France ont aujourd’hui la capacité de traiter les bois de manière thermique, de façon qu’ils puissent ensuite être exportés. Telles sont les règles qui s’appliquent désormais.

M. Bernard Accoyer. Cela démontre, monsieur le ministre, l’utilité des experts et des chercheurs !

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

3

Travail, modernisation du dialogue social et sécurisation des parcours professionnels

Application des dispositions de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution

M. le président. J’informe l’Assemblée qu’aucune motion de censure n’ayant été déposée dans le délai de vingt-quatre heures prévu par l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, le projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels est considéré comme adopté en nouvelle lecture, dans le texte qui a été inséré en annexe au compte rendu de la séance du mardi 5 juillet. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

4

Égalité et citoyenneté

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté (nos 3679, 3851).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Gilda Hobert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Gilda Hobert. Monsieur le président, madame la ministre du logement et de l’habitat durable, monsieur le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, madame la secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur général, mesdames, monsieur les rapporteurs thématiques, mes chers collègues, l’égalité et la citoyenneté sont deux symboles forts, qui doivent à la fois tenir lieu de socle et de ciment pour notre République. Ils sont une représentation lumineuse de ce qui façonne le « vivre ensemble ». Sans sombrer dans les lieux communs, je veux dire ici combien ces mots doivent résonner dans notre conscience collective. Ce projet de loi vise à consolider, clarifier et instaurer des dispositifs majeurs pour la jeunesse, le logement social, l’école, la vie associative et l’engagement citoyen.

Je veux remercier celles et ceux qui ont contribué à l’élaboration des propositions qui ont abouti au texte initial. Je pense aux associations, aux syndicats, aux fédérations et aux personnes motivées par ce projet de loi à titre individuel, qu’il s’agisse de personnalités connues, comme Patrick Weil ou Raymond Étienne, ou de dizaines d’anonymes. Je pense également aux collègues parlementaires, aux rapporteurs, aux ministres et à leurs équipes, qui ont tant œuvré au cours de ces derniers mois.

Après de longues heures studieuses, diurnes et nocturnes, d’échanges en commission et en séance, nous voici donc arrivés au terme de la première lecture de ce projet de loi par l’Assemblée nationale. Le débat fut parfois passionné mais le texte auquel nous avons abouti va dans le bon sens – il est le bon sens.

Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste voteront bien entendu ce projet de loi car nous sommes convaincus qu’il permettra d’améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens. Dans notre société trop souvent individualiste, la liberté et la citoyenneté se conquièrent difficilement, à l’échelle de l’individu, sans la concrétisation d’une égalité réelle, d’une égalité des chances pour tous. Le projet de loi donne un cadre à cette concrétisation.

Pour répondre à ces défis immenses, le texte pose de nouveaux jalons pour une meilleure politique d’attribution des logements sociaux, qui permette de lutter efficacement contre la ségrégation spatiale et, a fortiori, contre la ségrégation sociale. Nous devons avoir l’exigence de loger les plus pauvres tout en évitant de concentrer la pauvreté dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les QPV. Sur la base d’un accord entre les élus locaux, les bailleurs sociaux et les réservataires, dont l’État, une commission d’attribution des logements sociaux dans les QPV sera chargée du choix des candidats au logement dans ces quartiers. Elle prendra ses décisions sur la base des orientations de la conférence intercommunale du logement, qui aura fixé des objectifs en matière de diversification des publics au sein des QPV.

Le projet de loi supprimait initialement la possibilité de mutualiser au niveau d’une intercommunalité les efforts de construction de logements sociaux prévus par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU. Cependant, nous avons voté un amendement ouvrant une possibilité, minime et très encadrée, de dérogation, de façon à ce qu’aucune commune ne puisse s’exonérer totalement de ses objectifs.

S’agissant du service civique, nous avons voté des mesures qui lui donneront un nouvel élan. L’esprit originel de cet engagement a été renforcé afin d’éviter la confusion avec un stage ou un emploi. C’était le sens de nos amendements, qui sont globalement satisfaits par le texte issu des débats.

Je veux cependant exprimer ici le regret de certains députés de mon groupe à propos de l’âge du droit de vote, qu’ils auraient souhaité voir abaisser, sinon à seize, au moins à dix-sept ans. Sur ce sujet, la réflexion devra être poursuivie.

Quant à l’engagement associatif, il est fortement encouragé par ce texte, grâce notamment aux jours de congé accordés aux dirigeants d’associations. Face aux menaces de repli et d’isolement, la vie associative est un antidote puissant : elle constitue un rempart contre les populismes et la peur de l’autre.

Enfin, je tiens à exprimer la satisfaction des députés du groupe RRDP devant l’adoption de nombreux amendements permettant de lutter contre toutes les formes de discriminations. Je citerai en particulier l’amendement qui ouvre à tous les enfants le droit d’accéder à la restauration scolaire, sans qu’il soit tenu compte de la situation de leur famille. Cet amendement reprend une proposition de loi déposée par notre groupe et adoptée lors de notre journée d’initiative parlementaire. Je me félicite également que les personnes en situation d’exclusion aient été prises en compte en matière d’égalité d’accès aux pratiques culturelles et sportives.

Pour toutes ces raisons et tant d’autres, soyez assurés, mesdames, monsieur les ministres, du soutien des députés du groupe RRDP pour promouvoir ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, annoncé au lendemain du quatrième comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté, le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté est présenté comme la traduction de la « République en actes » promise par le Gouvernement.

Ce texte vise à répondre au profond malaise social et démocratique auquel fait face notre pays, sur fond de crise économique, de chômage de masse et de désarroi d’une jeunesse confrontée à la précarité et à l’absence de perspectives. Cette jeunesse aspire tout à la fois à accéder plus facilement à la formation, au logement, aux soins et à la culture, et à s’impliquer plus fortement dans le processus démocratique comme dans un travail qualifié, producteur de richesses pour la nation.

Ce texte est-il au niveau des réponses attendues par nos concitoyens en matière de démocratie, de mixité sociale et d’égalité ? Pas vraiment. Il faut bien reconnaître qu’il s’agit plus d’une série de mesures diverses et de portée inégale que d’un texte porteur de sens et de réformes de fond. À vouloir embrasser trop de sujets, le projet de loi passe à côté de grands enjeux tels que l’autonomie des jeunes et le financement du logement social.

Toutes les mesures que vous nous proposez sont prévues à moyens constants. Or peut-on prétendre lutter contre les inégalités sans financements ? Nous le savons toutes et tous : les politiques d’austérité conduites depuis des années ont fait reculer les services publics et amoindri les financements dédiés à la culture, à l’éducation populaire et au tissu associatif dans nos villes. La baisse des dotations aux collectivités locales affecte directement la qualité des services rendus aux habitants.

Ces remarques étant faites, nous reconnaissons sans peine que votre texte comporte des avancées concrètes dans différents domaines. En matière de citoyenneté et d’émancipation des jeunes, nous saluons la création du congé d’engagement associatif, pour les salariés et les étudiants, et la reconnaissance du droit d’association aux mineurs. Nous saluons aussi les mesures renforçant la place des jeunes dans les instances politiques territoriales. Ayant participé au gouvernement qui a créé le Conseil national de la jeunesse et les conseils départementaux des jeunes, je ne peux que m’en féliciter.

En revanche, nous sommes beaucoup plus critiques quant à l’extension du service civique par l’élargissement des structures d’accueil et la pratique de l’intermédiation. En dépit de l’encadrement du dispositif, obtenu par voie d’amendement, cet élargissement risque d’entraîner la constitution d’une nouvelle trappe de précarité pour les jeunes, alors que ceux-ci demandent qu’on facilite leur insertion durable sur le marché du travail.

En matière de logement, nous souscrivons à l’obligation faite aux maires de réserver 25 % des logements sociaux, hors quartiers prioritaires de la politique de la ville, aux familles les plus modestes. Dans le même esprit, nous soutenons les mesures visant à prolonger et renforcer la loi SRU, tant en matière de sanction des maires défaillants que d’obligation de construction de logement social. Nous refusons, en revanche, les dispositions relatives au supplément de loyer de solidarité et le durcissement des conditions de perte du droit au maintien dans les lieux : ces mesures traduisent la volonté, qui n’est pas nouvelle, d’une spécialisation accrue du parc social au bénéfice des publics les plus fragiles. Pour assurer la mixité sociale, il importe au contraire que le logement social conserve sa vocation généraliste puisque 60 % des ménages répondent aux conditions de ressources. Il convient de mieux accompagner le parcours résidentiel des ménages en proposant d’autres moyens d’action, afin de s’assurer qu’aucune famille ne consacre plus de 25 % de ses revenus à son logement. C’est un enjeu essentiel.

Pour ce qui concerne la lutte contre les discriminations, nous nous félicitons des mesures visant à lutter contre les violences dont font l’objet les femmes étrangères ainsi que du renforcement des dispositifs de répression des délits de provocation, de diffamation et d’injures racistes. Nous saluons, car ce fut pour nous un long combat, l’extension des circonstances aggravantes de racisme, de sexisme et d’homophobie à l’ensemble des crimes et délits. Enfin, l’Assemblée a voté unanimement la pénalisation de la contestation de crimes contre l’humanité et de la négation des génocides, de la traite et de l’esclavage.

M. François Rochebloine. Très bien !

Mme Marie-George Buffet. Le texte occulte toutefois un sujet majeur : celui du droit de vote des étrangers, un acte porteur d’égalité toujours promis mais jamais réalisé. Je regrette enfin que la création d’un récépissé de contrôle d’identité ait été refusée.

Malgré ces insuffisances, ce texte comporte des mesures qui vont dans le bon sens. Nous le voterons donc, dans l’espoir que la navette parlementaire permettra de lui donner plus de force et de cohérence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Annick Lepetit, présidente de la commission spéciale. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Yves Blein, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Yves Blein. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, monsieur le rapporteur général, mesdames, monsieur les rapporteurs thématiques, mes chers collègues, le groupe socialiste, écologiste et républicain apportera tout son soutien à ce texte qui fait progresser la République et adresse aux Français un message de civisme, de tolérance et d’engagement.

Dans sa première partie, le projet de loi répond à une double ambition : créer une véritable culture de l’engagement et accompagner les jeunes vers l’autonomie. Il s’adresse bien sûr d’abord à la jeunesse, afin d’encourager sa capacité à s’investir et de développer son envie de République. Il en est ainsi de la prémajorité associative ou du statut des jeunes dirigeants associatifs. Des amendements sont venus enrichir le texte sur la question de la jeunesse : tous les jeunes pourront ainsi bénéficier de trois bilans de santé gratuits, entre seize et vingt-six ans…

M. Dominique Baert. Très bien !

M. Yves Blein. …et ils seront mieux informés de leurs droits. Les crédits du compte personnel de formation pourront désormais être utilisés pour financer son permis de conduire. C’est un très grand progrès.

Le service civique pourra être effectué auprès d’un nombre croissant d’organismes et bénéficiera de nouvelles missions. Un amendement adopté en commission prévoit la remise d’un rapport sur les possibilités de mobilisation du secteur public, dont les offres de missions font aujourd’hui cruellement défaut, ce qui ne facilite pas l’atteinte de l’objectif affiché de la moitié d’une classe d’âge en service civique d’ici quelques années.

Le texte s’adresse aussi aux millions de bénévoles qui, par leur engagement au service des autres et de l’intérêt général, donnent toute sa chair au pacte républicain.

M. Régis Juanico. Très bien !

M. Yves Blein. Il instaure la réserve citoyenne sous différentes formes, offre le bénéfice d’un congé d’engagement aux bénévoles – lequel pourra être pris en charge – et développe les moyens que leur accorde la nation pour les aider dans l’accomplissement de leur mission par une meilleure reconnaissance de l’intérêt général et par la mise à disposition des associations d’intérêt général des « biens mal acquis ». Il comporte aussi des avancées sur la question des comptes associatifs en déshérence, afin de répondre à l’immense besoin de formation des neuf millions de bénévoles que compte notre pays.

La République ne peut être absente de l’esprit, pas plus qu’elle ne peut l’être des territoires qui la composent : c’est tout le sens de la deuxième partie du texte, dont l’objectif est de lutter contre la ghettoïsation de certains quartiers. Parmi les mesures phares qui ont été adoptées, on retiendra l’attribution plus transparente des logements sociaux ; l’attribution de 25 % de ces logements aux demandeurs les plus pauvres dans les quartiers non prioritaires de la politique de la ville, afin de ne pas « rajouter de la pauvreté à la pauvreté » ; l’obligation faite aux collectivités territoriales et aux collecteurs d’Action logement de consacrer au moins 25 % de leur contingent aux ménages reconnus prioritaires. Les bailleurs sociaux pourront en outre moduler le niveau des loyers au sein d’un même immeuble afin de favoriser la mixité sociale. Dernier point et non des moindres, les communes carencées seront privées de dotation de solidarité urbaine, la DSU.

Enfin, le titre III prévoit de renforcer l’égalité réelle pour permettre aux citoyens de mieux s’insérer dans la République, par des mesures telles que l’élargissement des conditions d’accès à la fonction publique par la troisième voie, une meilleure maîtrise de la langue française par tous et à tout âge comme facteur d’une intégration réussie ou un durcissement des sanctions face aux actes de racisme et de discrimination. Par ailleurs, le racisme, l’homophobie et le sexisme pourront être retenus comme circonstances aggravantes de tous les crimes et délits.

Le débat parlementaire est venu enrichir le texte de nouvelles mesures, telles que la pénalisation de la négation des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de réduction en esclavage, la compétence reconnue au Conseil supérieur de l’audiovisuel – CSA – pour qu’il veille à une meilleure représentation de la diversité dans les médias, l’expérimentation de l’enregistrement systématique par les caméras mobiles des forces de l’ordre lors des contrôles d’identité ou, enfin, l’interdiction des châtiments corporels sur les enfants, y compris dans le cadre familial.

Il s’agit d’un texte riche d’une multitude d’initiatives et de mesures. Je suis donc sûr que le groupe socialiste, écologiste et républicain lui réservera le meilleur accueil. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Sylvain Berrios, pour le groupe Les Républicains.

M. Razzy Hammadi, rapporteur général de la commission spéciale. Villes carencées de tous les pays, unissez-vous !

M. Sylvain Berrios. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, après les attaques terroristes du Bataclan et de l’Hyper Cacher de Vincennes il y a maintenant seize mois, le Premier ministre, Manuel Valls, avait martelé sa volonté de défendre les valeurs républicaines, de veiller à leur respect mais aussi à leur compréhension par tous.

De coups de menton en déclarations martiales, semaine après semaine, dans cet hémicycle, lors des questions au Gouvernement, le Premier ministre a réaffirmé vouloir défendre et même incarner cet ordre républicain. Le projet de loi dit « Égalité et citoyenneté » qui, examiné selon la procédure d’urgence, a mobilisé une commission spéciale, trois membres du Gouvernement, un rapporteur général et trois rapporteurs thématiques, devait être la traduction de cette ambition d’une République respectée, retrouvée et partagée. Hélas, examiné dans des conditions ubuesques – qui ont vu la majorité se déchirer publiquement et longuement, tant en commission que dans l’hémicycle – et discuté à la va-vite entre deux passages en force du Gouvernement à coups de 49.3, ce projet de loi sans vision est un contresens.

Il comporte certes quelques dispositions intéressantes, telles que la réserve citoyenne ou le service civique, mais il est surtout à l’image de ce quinquennat : incohérent, dogmatique et brutal. Incohérent lorsqu’il traite en même temps, avec le même degré d’urgence et d’importance, du logement, de la vente au déballage, du service civique, de la liberté d’enseignement, du genre ou de la définition des auberges de jeunesse.

M. Guy Geoffroy. C’est l’auberge espagnole !

M. Sylvain Berrios. Incohérent lorsqu’il prétend encourager la maîtrise de la langue française alors que la réforme du collège réduit à la portion congrue l’apprentissage de l’orthographe et de la grammaire ; incohérent, enfin, quand il évoque l’égalité entre les hommes et les femmes sans aborder la question de l’égalité salariale ou le problème, toujours plus criant, de l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale.

Dogmatique, ce projet de loi l’est à coup sûr lorsqu’il confond, une fois de plus, égalité et égalitarisme. L’égalitarisme, c’est votre choix de société, non celui des Français. Ainsi, au détour d’un amendement, vous mettez fin à la liberté d’enseignement…

M. Michel Ménard. Rien que ça ? Voilà un propos tout dans la mesure !

M. Sylvain Berrios. …et introduisez l’identité de genres dans le code pénal. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Dogmatique, ce texte l’est surtout quand vous décidez, madame la ministre du logement, qui doit habiter où, quand et comment.

C’est en effet en matière de logement que les contresens apparaissent de la manière la plus évidente : à contre-pied des ambitions affichées, votre dogmatisme nourrit les inégalités. (Mêmes mouvements.) Dans votre volonté de renforcer coûte que coûte les modalités de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, vous délaissez, de fait, les quartiers difficiles pour imposer à tous les échecs d’une politique d’urbanisme qui s’est traduite par la constitution de ghettos dans des villes longtemps dirigées par vos amis politiques.

Vous nourrissez aussi les inégalités quand vous continuez de prétendre qu’il est normal que 70 % des Français soient éligibles au logement social, alors que seuls 25 % des plus fragiles y ont accès.

Dans un an, nous remettrons l’ouvrage sur le métier : l’alternance que nous appelons de nos vœux permettra de revenir sur la loi SRU…

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. Ah ! Voilà qui est clair !

M. Sylvain Berrios. …et de proposer à nos concitoyens une politique ambitieuse en matière de logement. (Nouvelles exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Claude Goasguen. Tout à fait !

M. Sylvain Berrios. Enfin, ce projet de loi est brutal parce que vous choisissez de contraindre plutôt que de convaincre, de sanctionner plutôt que de dialoguer, de centraliser plutôt que de faire confiance aux acteurs de terrain. Il est brutal parce que vous contournez les maires de France, seuls acteurs publics qui échappent à l’érosion de la confiance que les Français placent dans leurs élus : c’est une erreur de leur opposer la défiance et le centralisme de l’État.

Brutal, ce texte l’est aussi en ce qu’il sanctionne les habitants des communes que vous voulez priver de la dotation de solidarité urbaine au motif qu’elles ont fait un choix de mixité sociale qui n’est pas le vôtre et qu’elles ne se retrouvent pas dans votre logique de nationalisation du logement. Brutal, il l’est enfin parce que vous désignez à la vindicte médiatique ceux qui ne pensent pas comme vous et qui ont fait d’autres choix en matière de « vivre ensemble ».

Parce qu’il est incohérent, dogmatique et brutal, ce projet de loi fragmente la République. Il n’est porteur ni d’espérance ni de la conjugaison heureuse des principes de la République qui doit inspirer la loi, qui participe du pacte républicain et social, qui respecte l’esprit de notre Constitution. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains s’y opposera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Huées sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur général, mesdames, monsieur les rapporteurs thématiques, mes chers collègues, on aurait pu attendre de ce projet de loi qu’il réponde, au moins partiellement, à des questions qui ne sont pas que symboliques et que sous-tendent les termes rassemblés d’« égalité » et de « citoyenneté ». Malheureusement, une fois encore, le Gouvernement et la majorité n’ont pas pu surmonter deux écueils : celui des bons sentiments – dont, nous dit-on, l’enfer est souvent pavé…

M. Jean-Luc Laurent. Il en faut, quand même !

M. Michel Piron. …, – et la multiplication de dispositions déclaratives qui s’ensuit.

Ce n’est pas sans regret, je dois le dire, qu’au nom du groupe UDI j’exprime ces critiques sur un projet de loi pour le moins paradoxal. Isolé, en effet, le titre II, relatif au logement, est un texte d’ajustement le plus souvent utile et pertinent.

M. Jean-Luc Laurent. Ah, très bien !

M. Michel Piron. Il s’inscrit d’ailleurs dans l’esprit de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion – loi MOLLE –, adoptée en 2009…

M. François Rochebloine. C’en est la suite !

M. Michel Piron. …qu’il s’agisse du maintien du surloyer, des limites au droit au maintien dans les lieux ou du droit au logement opposable – DALO –, qui conserve strictement ses priorités, puisque quand tout est prioritaire, plus rien ne l’est.

M. François Rochebloine. Tout à fait !

M. Michel Piron. Certes, ce n’est pas le « Grand Soir » du logement, mais qui s’en plaindrait ? Qui se plaindrait que le texte ne distribue pas d’illusions ? Je tiens ici à saluer le travail et l’écoute de Mme la ministre du logement, qui, tout au long de nos débats, a dû justifier nombre de ses choix devant sa propre majorité.

M. François Rochebloine. Eh oui, comme d’habitude !

M. Jean-Luc Laurent. Cela arrive !

M. Michel Piron. Nos échanges ont, certes, montré la difficulté de bâtir une politique nationale du logement équitable envers tous les citoyens mais le titre II a eu le mérite de mettre la mixité sociale au cœur des discussions en rééquilibrant les exigences, tant à l’égard des plus modestes que des plus aisés, en remettant en question les ghettos – et non « le » ghetto –, selon les villes et les quartiers.

Nous saluons également la volonté de rendre l’attribution des logements sociaux plus claire et plus transparente par la révision de ses règles et l’élargissement de sa gouvernance. Le processus, parfois opaque, méritait d’être réformé.

Nous regrettons toutefois que, sur la quarantaine d’amendements que nous avions déposés, le Gouvernement et la majorité en aient retenu si peu.

M. François Rochebloine. C’est dommage !

M. Michel Piron. Ainsi, le logement intermédiaire est trop souvent négligé alors qu’une politique de mixité devrait l’encourager, notamment par une TVA plus attractive dans les quartiers prioritaires de la ville.

Malgré ces déceptions, qui pourraient s’estomper au fil des lectures, le groupe UDI est majoritairement favorable aux articles qui ont su préserver l’esprit des lois que nous avions portées ou soutenues, telles la loi MOLLE ou la loi SRU, notamment son article 55.

Que retenir, en revanche, des titres I et III, qui m’ont laissé, je l’avoue, l’impression d’un véritable « vide-grenier législatif » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.) Qu’il s’agisse de mesures issues de propositions de loi en attente depuis 2012 ou abandonnées par la majorité, les débats furent riches de dispositions en tout genre, parfois sans grande cohérence avec le projet initial.

Le titre III, dit « pour l’égalité réelle », n’additionne-t-il pas des dispositions aussi hétéroclites qu’hétérogènes ? On y traite indistinctement de la consommation locale et biologique dans les cantines, de la protection des femmes étrangères, des quotas de chansons régionales, du sexisme…

M. Michel Pouzol. Tant mieux !

M. Michel Piron. …du bizutage…

M. Michel Pouzol. Fort bien !

M. Michel Piron. …de la négation des génocides… (« C’est très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Il s’agit bien d’un « vide-grenier » législatif.

Quant au titre I, consacré à l’émancipation des jeunes, à la citoyenneté et à la participation, on y trouve, à côté d’articles sans portée normative, des dispositions loin d’être consensuelles.

Ajoutons l’absence de fil conducteur, les mesures qui n’ont pas fait l’objet d’études d’impact sérieuses et qui ne sont pas financées, à l’instar de l’article 12 nonies qui instaure l’obligation d’un service civique d’une durée de neuf mois pour tous les jeunes entre dix-huit et vingt-cinq ans : cela fait quand même beaucoup !

Notre seule satisfaction est donc d’avoir réussi à encourager la mobilité internationale des apprentis, là où l’article 19 septies relevait de la simple incantation, grâce à quoi nous pourrons, avec le pragmatisme qui sied, encourager la mise en place d’Erasmus professionnels à l’heure où l’Europe traverse une crise profonde.

En définitive, vous l’aurez compris, alors que nous pourrions approuver le titre II, nous ne pouvons que récuser les titres Ier et III de ce projet de loi. Aussi bien, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi relatif à l’égalité et la citoyenneté.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants494
Nombre de suffrages exprimés462
Majorité absolue232
Pour l’adoption305
contre157

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Au nom du Gouvernement, notamment de Patrick Kanner et d’Ericka Bareigts, je voudrais remercier l’ensemble des députés présents tout au long de son examen, qui a duré trente-trois heures en commission et quarante heures en séance publique.

À travers les trois titres qui le composent, nous avons beaucoup fait avancer l’égalité comme la citoyenneté. Nous allons désormais poursuivre ce travail au Sénat et, évidemment, en seconde lecture à l’Assemblée nationale. Merci à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Débat d’orientation des finances publiques pour 2017.

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures quarante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly