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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 13 octobre 2015

SOMMAIRE

Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Questions au Gouvernement

Manifestation de policiers

M. Éric Ciotti

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Projet de loi de finances pour 2016

M. Bernard Roman

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Situation de la société Eramet

M. Philippe Gomes

Mme Martine Pinville, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Procès contre Erri De Luca

M. Noël Mamère

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Fiscalité des multinationales

M. Richard Ferrand

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Baisse des dotations aux collectivités territoriales

M. Damien Abad

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Radicalisation dans les prisons

M. Olivier Falorni

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Projet de loi de finances pour 2016

Mme Véronique Louwagie

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Compte personnel d’activité

Mme Gisèle Biémouret

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Arrestation des syndicalistes d’Air France

M. André Chassaigne

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016

M. Jean-Pierre Door

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Généralisation de la complémentaire santé

M. Christian Franqueville

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Grand Paris Express

M. Jacques Alain Bénisti

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Contrats de ville

Mme Jacqueline Maquet

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Réduction de la fracture numérique

M. Bernard Gérard

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique

Suspension et reprise de la séance

2. Projet de loi de finances pour 2016

Présentation

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Rappel au règlement

M. Marc Dolez

Mme la présidente

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Présentation (suite)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Motion de rejet préalable

M. Hervé Mariton

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

M. Gaby Charroux

M. Dominique Baert

M. Alain Chrétien

M. Charles de Courson

Motion de renvoi en commission

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Michel Sapin, ministre

M. Alain Fauré

Mme Véronique Louwagie

M. Charles de Courson

Discussion générale

Mme Eva Sas

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Manifestation de policiers

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe Les Républicains.

M. Éric Ciotti. Demain se tiendra, pour la première fois depuis 1983, une manifestation de policiers sous les fenêtres du ministère de la justice – sous vos fenêtres, madame la garde des sceaux. Ma question s’adressera donc à M. le ministre de l’intérieur, en l’absence de M. le Premier ministre.

Cette manifestation de demain exprimera le malaise et, au-delà, la colère des policiers face à plusieurs décisions de justice incompréhensibles, au moment même où l’un de ces policiers, l’un de ces hommes valeureux et courageux qui assurent la défense de nos libertés, lutte contre la mort après avoir été visé par quelqu’un qui bénéficiait d’une permission de sortie totalement inopportune.

Les policiers exprimeront aussi leur colère face à la pression qu’ils subissent et aux centaines de milliers d’heures de récupération qui ne sont pas payées. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Ils exprimeront leur colère devant le fait que les immigrés en situation clandestine qu’ils interpellent chaque jour sont systématiquement relâchés, comme c’est le cas à Menton ou à Calais.

M. Michel Lefait. Démagogie !

M. Éric Ciotti. Monsieur le ministre de l’intérieur, ce matin, vous avez fait un énième discours, vous avez prononcé des paroles, mais les policiers attendent des actes.

Ils attendent des actes en matière de légitime défense, alors que vous avez refusé d’adopter la proposition de loi que le groupe des Républicains avait déposée. Ils attendent des actes en matière de moyens et, surtout, ils attendent de la considération – la considération légitime que leur ont portée les Français lors de la manifestation du 11 janvier dernier, et qu’ils méritent.(« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Quand entendrez-vous, monsieur le ministre, le malaise des policiers et leur colère ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur Ciotti, le moins que l’on puisse dire, c’est que vous ne manquez pas de toupet ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Je vais vous dire de quelle manière vous avez considéré les policiers pendant cinq ans.

La considération que vous avez eue pour les policiers vous a conduits à ne pas augmenter pendant treize ans l’indemnité destinée aux forces mobiles, que nous avons augmentée, en une fois, de 30 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Je pense que les policiers préfèrent notre considération à la vôtre. (Mêmes mouvements.)

La considération dans laquelle vous avez tenu les policiers vous a conduits, pendant cinq ans, à supprimer 13 000 postes dans les forces de sécurité, là où, avant la fin du quinquennat, nous en aurons créé 5 500. Je pense que les policiers préféreront notre considération à la vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Pendant cinq ans, vous avez diminué de 8 % les crédits de fonctionnement dont bénéficiaient la police et la gendarmerie. Cette année, je présente un budget prévoyant une augmentation de 3,1 % de ces crédits. Je pense que les policiers, monsieur Ciotti, préféreront ma considération à la vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Pendant cinq ans, vous avez supprimé quinze unités de forces mobiles dans la police. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Le Premier ministre a décidé de créer 900 postes supplémentaires pour redonner aux forces mobiles les moyens dont elles ont besoin. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Je pense que les policiers préféreront notre considération à la vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

En outre, monsieur Ciotti, lorsque j’ai rencontré les forces de l’ordre, ce matin, elles étaient parfaitement conscientes de l’état d’affaiblissement dans lequel vous les avez mises par vos décisions iniques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Quand vous parlez de Calais et de l’immigration irrégulière, les forces de sécurité, qui se mobilisent avec courage contre l’immigration irrégulière, savent parfaitement que, grâce à leur action et grâce à nos moyens, le nombre de filières que nous avons démantelées a augmenté de 25 % et qu’entre 2013 et aujourd’hui, le nombre des personnes reconduites à la frontière est passé de 13 000 à 17 000. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Alors, franchement, monsieur Ciotti, un peu moins de toupet et un peu plus de dignité ! (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen se lèvent et applaudissent vivement. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Projet de loi de finances pour 2016

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Bernard Roman. Ma question s’adresse à M. le ministre des finances. Aujourd’hui, l’Assemblée commence l’examen de la loi de finances pour 2016. Sur quels principes repose ce budget ? La continuité, tout d’abord, dans la baisse des impôts engagée cette année : après la suppression de la première tranche, c’est une nouvelle baisse de 2 milliards qui va s’appliquer. Ainsi, en deux exercices, 12 millions de foyers auront bénéficié de la baisse des impôts, pour un montant total de 5 milliards d’euros.

Un député du groupe Les Républicains. C’est faux !

M. Bernard Accoyer. Qui paye ?

M. Bernard Roman. Ensuite, la réaffirmation des priorités politiques de notre majorité : l’éducation, la sécurité, la justice, mais aussi la compétitivité et l’emploi.

Enfin, la cohérence : cohérence dans le redressement des comptes de la nation, toujours et encore, (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), grâce aux économies demandées à tous, grâce aussi à la lutte contre la fraude fiscale.

Rappelons simplement un fait historique : en 2016, notre majorité sera la seule dans l’histoire de notre pays à avoir abaissé chaque année le déficit public. Il atteindra 3,3 % du PIB en 2016, alors qu’il était encore de près de 5 % en 2012. On est loin, oui, très loin de l’explosion des déficits et de la dette observée pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

J’entends les critiques et même les vociférations ; mais aujourd’hui, face à nous, que propose la droite ? Un plan d’économies de 150 milliards d’euros,…

M. Franck Gilard. Non, 100 milliards !

M. Bernard Roman. …une baisse de l’impôt des plus fortunés – comme toujours ! –, une politique injuste et inefficace qui a déjà échoué pendant dix ans ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Oui, le budget examiné à partir d’aujourd’hui fait preuve de sérieux ; c’est un budget d’ambition. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous en rappeler les principaux objectifs ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le député, le budget que nous présentons est d’abord un budget sérieux et solide.

M. Christian Jacob. Vous pourriez le remercier pour sa question !

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas une question, c’est de la propagande !

M. Michel Sapin, ministre. Il est fondé sur un certain nombre d’hypothèses considérées comme solides par tous les observateurs. Une croissance de 1 % cette année ? Nous l’atteindrons et nous la dépasserons. Une croissance de 1,5 % l’année prochaine ? C’est le chiffre que le Fonds monétaire international a prévu pour la France, et je pense que nous avons également la capacité de le dépasser.

Le budget, fondé sur les principes que vous venez d’énoncer, consiste d’abord à autoriser des dépenses et à financer nos priorités. M. le ministre de l’intérieur vient de rappeler comment, en votant le budget, vous avez donné aux forces de l’ordre – gendarmerie, police, justice – les moyens – enfin ! – de mener à bien leur action. C’est dans le budget, il faut donc le financer. L’éducation nationale est pour nous une priorité car elle concerne la jeunesse et l’acquisition d’un savoir indispensable pour réussir : cela figure dans nos priorités.

Mais nous faisons aussi des économies : à l’entendre, la droite est à 100 % contre chacune des économies que nous proposons, tout en proposant par ailleurs une augmentation de 100 % des économies : allez donc trouver une solution et une cohérence !

M. Éric Straumann. C’est faux !

M. Michel Sapin, ministre. Notre deuxième volonté consiste à baisser les impôts (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) en faveur des entreprises, pour leur permettre d’investir et d’embaucher, et en faveur des ménages : oui, 12 millions de ménages français sur les 17 millions qui aujourd’hui paient l’impôt sur le revenu bénéficieront d’une baisse de cet impôt.

Un député du groupe Les Républicains. Et combien de hausses ?

M. Michel Sapin, ministre. Et que l’on ne vienne pas me dire qu’il ne s’agit pas là des classes moyennes : c’est le cœur des classes moyennes, celles à qui nous avons demandé un effort et auxquelles il est légitime aujourd’hui de rendre une partie de cet effort. L’effort était nécessaire mais, aujourd’hui, la justice fiscale est indispensable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Situation de la société Eramet

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gomes, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Gomes. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Le secteur du nickel traverse une très grave crise, comme celui des matières premières en général, son cours étant le plus bas de la décennie écoulée. De ce fait, la société Eramet connaît de très sérieuses difficultés, son action ayant perdu 30 % au cours des dernières semaines.

L’État entend-il s’investir pleinement dans la définition de la stratégie de la société Eramet ? Je ne souhaite pas que la filiale calédonienne de cette société, la société Le Nickel, dite SLN, pâtisse de la politique suivie ces dernières années par sa maison mère, les intérêts de la filiale calédonienne ayant été insuffisamment pris en compte. Je pense notamment à la distribution massive de dividendes ces dernières années, à hauteur de 80 millions d’euros, qui prive aujourd’hui la SLN des fonds nécessaires pour affronter la crise et les pertes qui en résultent. Je pense aussi aux reports successifs de la décision de construction de la centrale électrique dont l’usine a besoin, portant grandement atteinte à sa compétitivité.

Ma question est donc la suivante : l’État entend-il jouer pleinement son rôle d’actionnaire au sein de la société Eramet pour lui permettre de passer ce cap difficile et pour donner à la SLN les moyens de sa compétitivité, en sus des efforts déjà engagés par le personnel de l’entreprise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

Mme Martine Pinville, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire. Je vous remercie pour cette question qui me permet d’aborder ce sujet important et extrêmement sensible pour la Nouvelle-Calédonie. Comme vous l’avez évoqué, les matières premières, notamment le nickel, traversent depuis quelques mois une crise importante qui pourrait malheureusement, et nous le regrettons, s’inscrire dans la durée.

La baisse de la demande, couplée à des stocks surexcédentaires et à une capacité extractive mondiale mal adaptée aux besoins des industries, a entraîné une chute du prix de la tonne, qui se situe aujourd’hui autour des 10 000 dollars. Ce niveau de prix gêne les opérateurs du secteur.

L’État a bien entendu conscience des difficultés du marché, qui ne se cantonnent d’ailleurs pas à la Nouvelle-Calédonie. Nous sommes attentifs au maintien des capacités industrielles en Nouvelle-Calédonie, et le Gouvernement se montrera particulièrement vigilant, en lien avec le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, au maintien des emplois.

Le Gouvernement suit donc avec attention l’évolution du marché et de ses conséquences directes et immédiates sur chacun des trois opérateurs industriels implantés en Nouvelle-Calédonie. Vous pourrez compter, monsieur le député, sur le soutien actif du Gouvernement.

Procès contre Erri De Luca

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe écologiste.

M. Noël Mamère. Ma question, madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, concerne l’absurde procès intenté à l’écrivain italien Erri De Luca, à la suite d’une plainte déposée par la société publique Lyon-Turin Ferroviaire, qui relève de la tutelle de votre ministère, et qui défend un projet que nous sommes nombreux à combattre, considérant qu’il s’agit d’un projet inutile et imposé. Celui-ci suscite d’ailleurs, du côté italien comme du côté français, de fortes résistances.

Ce procès remet en cause la liberté d’expression. Nous sommes donc très loin du mouvement formidable que nous avons connu au lendemain des tragédies du 7 et 8 janvier et qui a vu des millions de Français battre le pavé pour défendre la liberté d’expression.

Nous sommes loin des déclarations par lesquelles M. le Président de la République, lors du Salon du livre de mars dernier, nous expliquait qu’il était venu pour défendre la liberté d’expression.

Nous sommes, les uns et les autres, sur tous les bancs de cet hémicycle, attachés à la liberté d’expression, et nous savons que les écrivains sont les porteurs de cette dernière, qu’ils la préservent. Point n’est besoin de remonter jusqu’aux Écritures pour respecter leur commandement : « Ouvre ta bouche pour le muet ».

Si, conformément aux réquisitions du procureur de la République, M. Erri De Luca est condamné à huit mois de prison, alors nombreux seront les anonymes qui seront menacés du pire.

Ma question, madame la ministre, est donc la suivante : votre gouvernement est-il prêt à demander à cette société publique, dans laquelle l’État français a beaucoup d’intérêts, de retirer sa plainte ? Je vous rappelle qu’Erri De Luca a reçu le prix Fémina étranger en 2002 et le prix européen de littérature en 2013.

On ne bâillonne pas la liberté d’expression, comme disait le général de Gaulle à propos de Sartre…

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, la liberté d’expression est un bien précieux et fondamental, qui doit être respecté en toutes circonstances. Je voudrais simplement ajouter une précision à ce que vous venez de dire.

Cette plainte a été déposée devant la justice italienne et elle a été portée par le procureur de la République. Il n’est pas possible pour la France de retirer une plainte dont les tribunaux italiens se sont saisis, qui plus est quand le parquet italien y a donné suite.

Le jugement a été mis en délibéré au 19 octobre. Vous comprendrez que, dans cette circonstance, je ne puisse pas commenter les décisions de justice qui seront prises en Italie, mais je vous garantis que le gouvernement français fera tout pour respecter la liberté d’expression, dès lors qu’elle ne conduit pas à des actes condamnables sur le plan pénal. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Fiscalité des multinationales

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Ferrand, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Richard Ferrand. Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, le 8 octobre dernier, à Lima, les ministres des finances du G20 ont scellé un accord historique qui vise à rééquilibrer les rapports entre les États et les sociétés multinationales. Porté par l’OCDE, cet accord va enfin réarmer les États qui, pendant trop longtemps, ont assisté impuissants à l’évasion de leur base fiscale.

En effet, de grands groupes, notamment les géants de l’Internet mais pas seulement eux, ont décidé de se jouer des frontières et des systèmes fiscaux pour localiser leurs profits dans des paradis fiscaux ou dans des lieux paisibles où ils évitent l’impôt.

Ces petits arrangements ne sont plus acceptables. Ils ont fait perdre aux États, et donc aux contribuables, plusieurs dizaines de milliards d’euros ces dernières années.

La France a ainsi judicieusement pris la décision, dès 2012, de se saisir de ce combat pour la justice fiscale et la justice économique. Chers collègues, dès 2016, les comptes de notre nation et ceux de nos partenaires vont bénéficier des conséquences de cet accord, qui n’attend plus que sa validation le mois prochain par les chefs d’État du G20.

C’est un progrès considérable pour la régulation économique mondiale : c’est ce type de décisions que nos citoyens attendent du G20, instance renforcée depuis la crise financière de 2008.

Alors que des efforts importants ont été demandés aux Français, il est de notre devoir de lutter contre toutes les formes de fraude ou de contournement des obligations fiscales.

Monsieur le ministre, Le Gouvernement a agi efficacement dans ce dossier international, mais pouvez-vous nous préciser les modalités de mise en œuvre et les résultats concrets que nous pouvons attendre des progrès majeurs enregistrés la semaine dernière ?

M. Pascal Cherki et M. Yann Galut. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Merci, monsieur le député, pour cette question qui nous concerne tous.

Plusieurs grandes entreprises internationales, qui font des bénéfices considérables sur notre territoire ou tout autre, sans payer aucun impôt, ni dans le pays où ils ont réalisé leurs bénéfices ni dans aucun autre, voilà la réalité aujourd’hui et cette réalité est insupportable.

Insupportable d’abord, vous l’avez très bien dit, pour les contribuables, ceux qui se sentent tenus de payer leurs impôts, et heureusement ce sont les plus nombreux. C’est également insupportable pour les entreprises qui font face à leurs obligations fiscales et se retrouvent de ce fait à subir une concurrence absolument déloyale de la part de celles qui ne paient pas leurs impôts.

C’est cette prise de conscience qui fait qu’en l’espace d’à peine deux ans, les vingt plus grandes nations du monde, qui comprennent non seulement des pays du Nord, mais aussi des pays du Sud – la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud, l’Arabie Saoudite, et bien sûr les États-Unis, le Canada, la France et l’ensemble des pays d’Europe – ont décidé d’y aller franco et de mettre fin à ces situations absolument intolérables.

Les ministres des finances réunis à Lima ont effectivement adopté les propositions de l’OCDE, qui vont permettre de lutter dans chacun des pays contre ce qu’on appelle l’érosion des bases fiscales, c’est-à-dire la capacité pour une entreprise de ne payer d’impôt nulle part.

En France, nous allons vous proposer, dans le cadre de la loi de finances rectificative, un dispositif d’échanges d’information entre les administrations fiscales, qui nous permettra de connaître exactement la situation fiscale d’une entreprise. Lorsqu’une entreprise faisant des bénéfices en France n’aura payé d’impôt nulle part, c’est en France qu’elle paiera enfin ses impôts. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Baisse des dotations aux collectivités territoriales

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour le groupe Les Républicains.

M. Damien Abad. Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, ce n’est pas en réduisant drastiquement les dotations de l’État aux collectivités territoriales que vous allez inverser la courbe du chômage – bien au contraire !

Le rapport de la Cour des comptes de ce jour le rappelle : 11 milliards d’euros de dotations en moins pour les collectivités territoriales, cela veut dire moins d’investissement, alors que ces collectivités représentent près de 70 % de l’investissement public.

Cela veut dire moins de croissance, cela veut dire moins d’emplois, notamment dans le secteur du BTP : 60 000 à 80 000 emplois de moins en trois ans.

Voilà le résultat de ces baisses de dotations et de l’irresponsabilité de votre politique !

Devant cette situation, monsieur Sapin, vous nous répondez : « Il faut diminuer les frais de fonctionnement. Il faut réduire le personnel. » Mais quelle cohérence entre ces affirmations et ce que vous faites ici, à Paris, en créant 60 000 postes de fonctionnaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Quelle cohérence, monsieur Sapin, entre ce que vous dites dans la presse sur les collectivités locales et ce que vous faites en refusant notre politique de lutte contre la fraude sociale, en refusant notre politique de maîtrise des dépenses sociales ?

Et quelle cohérence, monsieur Sapin, voyez-vous à vanter les mérites de la décentralisation, tout en faisant souffrir toujours plus nos territoires ?

Nous nous retrouverons demain, avec Dominique Bussereau, avec François Baroin, avec tous les élus locaux et tous les présidents de département de France, pour dénoncer cette gabegie territoriale, pour dénoncer cette injustice de la loi NOTRe – qui est tout sauf la nôtre, monsieur le ministre.

Nous attendons de vous des explications, nous attendons de vous des choix ; nous attendons de vous, surtout, des réponses concrètes.

Monsieur le ministre, ma question est simple : quand, enfin, allez-vous arrêter de mettre au pilori les collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le député, nous n’avons pas la même lecture du rapport de la Cour des comptes qui a été diffusé ce matin.

M. Jacques Myard. Vous ne savez pas lire !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La Cour des comptes fait le même constat que le Gouvernement, à savoir que les dépenses de fonctionnement des collectivités locales, sur les trois ou quatre dernières années, ont augmenté de façon substantielle, en tout cas bien plus que les dépenses de l’État : 3 à 4 % d’augmentation régulière. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. François Vannson. Vous parlez en expert !

M. Damien Abad. C’est vous les dépenses ! C’est vous !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est le constat que fait la Cour des comptes et elle invite ces collectivités territoriales à économiser sur les dépenses de fonctionnement. (Mêmes mouvements.)

Il est facile de contempler son nombril, mais quand on stigmatise la dépense publique, comme c’est régulièrement le cas sur ces bancs, il faut songer que celle-ci ne se limite pas au budget de l’État : elle englobe les budgets sociaux, mais aussi, pour une part équivalente, ceux des collectivités territoriales.

Nul ne veut ici stigmatiser des collectivités qui s’administrent librement, dans le cadre fixé par la loi, mais il est un peu facile de déporter l’endettement sur l’État, en lui demandant de verser des dotations aux collectivités pour que celles-ci puissent équilibrer leur budget, pour ensuite montrer du doigt le déficit du budget de l’État.

Le dialogue se poursuit. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)



Le Premier ministre a annoncé un fonds d’investissement pour engager 1 milliard d’euros en faveur des collectivités territoriales. Le Fonds de compensation de la TVA, que vous connaissez bien, prendra en compte les dépenses d’entretien des bâtiments, mais il n’est pas question de revenir sur la trajectoire permettant de diminuer le déficit public, tous comptes consolidés.

Radicalisation dans les prisons

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Olivier Falorni. Madame la ministre de la justice, comme la loi nous le permet, j’ai visité il y a quelques jours la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré, dans ma circonscription.

J’y ai constaté le grand professionnalisme des agents pénitentiaires, à qui je veux rendre hommage car ils assurent eux aussi, au quotidien, la sécurité de nos concitoyens.

Mais j’ai entendu également les fortes préoccupations de ces personnels devant la montée de l’islamisme radical en milieu carcéral et j’ai découvert, dans la cour même de cette prison, un ensemble de préfabriqués baptisé « Casino » qui fait régulièrement office de mosquée clandestine salafiste, malgré la vigilance des surveillants. Cela n’est pas acceptable.

Ce travail des agents est trop souvent parasité, voire décrédibilisé, par des déclarations stupéfiantes, comme celles de la contrôleuse générale des prisons qui prône l’autorisation des portables dans les cellules (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) ou par des décisions consternantes, comme celles de juges d’application des peines qui confondent permission et permissivité pour des détenus dangereux et radicalisés. (Mêmes mouvements.)

Madame la ministre, devant cette situation, il faut réagir avec fermeté. Cela suppose un régime d’isolement adapté pour les détenus islamistes recruteurs. Cela suppose un véritable service de renseignement pénitentiaire. Cela suppose des unités de prévention et de déradicalisation pour les détenus les plus fragiles psychologiquement.

Madame la ministre, nos prisons ne peuvent pas, ne doivent pas être des pépinières à djihadistes, car c’est la sécurité des Français, de tous les Français, qui est en jeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Huées sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

On se calme !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Merci, madame la présidente.

Monsieur le député, la lutte contre la radicalisation violente est un sujet que nous avons pris au sérieux de façon très rapide (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains),d’abord en organisant la surveillance de détenus particulièrement signalés dès novembre 2012 – surveillance que nous avons intensifiée en juin 2013 avec un plan de sécurisation de 33 millions d’euros, que nous avons intensifiée encore en avril 2014 avec un plan interministériel et que nous avons encore consolidée en janvier 2015.

Nous avons commencé par renforcer le renseignement pénitentiaire dès notre arrivée. Il était composé de 70 agents : aujourd’hui, ils sont 159 et seront 185 l’année prochaine. Il s’agit principalement d’officiers qualifiés.

Nous avons décidé de consacrer près d’un millier d’emplois à la lutte contre la radicalisation violente. Pour faire face à l’augmentation du nombre de procédures, l’autorité judiciaire va bénéficier d’un supplément de 114 magistrats et de 114 greffiers. En outre, nous avons mis en place depuis décembre 2014 un réseau de magistrats référents antiterroristes.

S’agissant de la Pénitentiaire, nous lui consacrons plus de 500 emplois. Parmi eux, nous avons déjà recruté des informaticiens veilleurs et nous avons acquis un logiciel de détection et de contrôle. (Interruptions sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Bouchet. Alors là, bravo !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons créé une cellule de veille qui fonctionne 24 heures sur 24. Nous avons également recruté des traducteurs arabophones. Nous avons formalisé nos relations de travail avec l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste – l’UCLAT.

Par ailleurs, nous avons mis en place un vaste plan de formation contre l’emprise sectaire.

Pour la protection judiciaire de la jeunesse, nous avons consacré 169 emplois à la lutte contre la radicalisation violente, avec un plan s’adressant aux personnels tout comme au secteur associatif habilité. Nous avons constitué un réseau de référents en matière de laïcité et de citoyenneté sur l’ensemble du territoire… (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Mes chers collègues !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous le voyez, c’est une réponse coordonnée et transversale qui est apportée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Projet de loi de finances pour 2016

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour le groupe Les Républicains.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, ce projet de loi de finances pour 2016 était attendu, or il est inattendu en ce que, une fois encore, c’est un rendez-vous manqué.

Il y a quelques minutes, monsieur le ministre, vous parliez d’un budget sérieux et solide. Permettez-moi d’en douter.

Ce projet de budget est avant tout dépourvu d’ambition, ce qui témoigne d’un immobilisme pernicieux et anxiogène. Le constat est pourtant partagé : le déficit public à 3,3 % du PIB demeure hypothétique tandis que la réduction du déficit reste loin d’être acquise.

En réalité, votre politique est celle du parapluie que vous prêtez quand il fait beau et que vous reprenez quand il pleut : vous faites des prévisions de croissance alors que celle-ci est instable en raison de la volatilité des marchés financiers et du ralentissement du commerce mondial.

Finalement, la raison d’être essentielle de ce projet de loi de finances, celle qui vous sert à mettre la poussière sous le tapis, c’est que vous renoncez une fois encore à vous attaquer aux véritables sujets tels le poids étouffant des prélèvements et des dépenses publiques et une réforme de fond de notre système d’État providence.

Votre plan d’économie de 16 milliards d’euros demeure flou et vous vous défaussez notamment sur les collectivités locales, ce qui est contestable.

Dans son rapport, la rapporteure générale du budget estime que sur les 16 milliards d’euros d’économies prévues, un peu plus de 4 milliards restent « non documentés » par des mesures concrètes, ce qui pose la vraie question de la crédibilité de votre texte.

M. Bernard Accoyer. Incroyable ! On n’a jamais vu ça !

Mme Véronique Louwagie. Par ailleurs, votre programme de baisses d’impôts comporte un risque non dissimulé d’inégalité devant l’impôt. Deux chiffres : en 2012, plus de 52 % des foyers fiscaux français payaient l’impôt sur le revenu contre 46 % estimés pour 2016, alors que dans le même temps l’impôt sur le revenu a augmenté de 20 milliards.

En conclusion, monsieur le ministre, pourquoi présentez-vous un projet de loi de finances en plein déni ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Madame Louwagie, nous pourrons débattre de ce projet de loi de finances pendant les heures et les jours à venir, ce qui nous permettra de répondre point par point à l’ensemble de vos questions.

M. Christian Jacob. Si nous vous dérangeons avec nos questions, dites-le !

M. Michel Sapin, ministre. Quelques commentaires toutefois.

Vous jugez nos hypothèses de croissance trop optimistes. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Vous le disiez l’année dernière, or, nous respectons cette année les hypothèses que nous avions alors formulées.

Les hypothèses que vous jugez trop optimistes, ce sont très exactement celles que l’ensemble des observateurs – le Fonds monétaire international, l’OCDE, la Commission européenne – considère comme réalistes. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.) C’est donc sur un budget solide et réaliste…

M. Michel Herbillon. Personne ne vous croit, personne !

M. Michel Sapin, ministre. … que nous fondons ensuite un certain nombre de dépenses et de recettes.

Quelques mots sur ces dernières. Vous venez de nous dire, madame la députée, qu’en 2012, 52 % des Français payaient l’impôt contre 46 % aujourd’hui. En 2007, combien de foyers s’acquittaient de l’impôt sur le revenu ? Leur proportion était de 46 %. Que s’est-il passé entre-temps ? Quelles que soient les majorités, la lutte contre les déficits a entraîné une hausse considérable et, en l’occurrence en raison des mesures que vous avez prises, souvent injuste de l’impôt sur le revenu payé par les Français les plus modestes.

Quant à nous, nous rendons à ces derniers les impôts que vous leur avez fait payer. Ils doivent enfin pouvoir les récupérer aujourd’hui ! C’est aussi cela, madame, la justice fiscale !

Un mot, enfin, sur les dépenses.

Chaque fois que nous proposons de réaliser une économie – vous venez encore d’en parler à propos des collectivités locales – vous êtes contre ! Vous êtes contre la totalité des économies que nous proposons de réaliser et, au même moment, vous nous dites que nous n’en faisons pas assez, qu’il faut en faire à hauteur de 150 milliards ! Alors, expliquez-moi comment vous faites ! De votre côté, c’est du n’importe quoi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Compte personnel d’activité

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Gisèle Biémouret. Madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, depuis 2012, notre majorité a mis en place des dispositifs pour accompagner les salariés dans leur vie professionnelle.

En janvier 2015, le compte pénibilité a été mis en place. C’est la garantie pour tous ceux qui ont un travail difficile, physiquement usant, de pouvoir bénéficier de la retraite plus tôt ou d’une formation pour faire évoluer leur carrière.

En janvier 2015, le compte personnel de formation a également été mis en place, lequel permet à tous les salariés de s’adapter au monde du travail, quel que soit leur parcours.

Ces droits, les travailleurs de notre pays s’en emparent progressivement.

Le 1er janvier 2017, une nouvelle étape sera franchie.

Vendredi dernier, France Stratégie a remis au Premier ministre un rapport sur la mise en place du compte personnel d’activité, garantie pour tous les salariés de bénéficier d’une vraie sécurité sociale professionnelle, même lorsqu’ils connaissent le chômage.

Le compte personnel d’activité simplifiera tous les dispositifs existants en les fusionnant en un seul et même compte, lequel doit être facile à utiliser, pratique, disponible pour tous les travailleurs, même lorsque ces derniers connaissent le chômage. Il doit s’adapter aux vies professionnelles d’aujourd’hui – qui n’ont plus lieu dans une seule entreprise – et ouvrir le droit à des formations permettant à chacun d’évoluer.

Madame la ministre, lundi prochain, vous ouvrirez les débats de la conférence sociale. Le compte personnel d’activité doit faire l’objet d’une concertation avec tous les partenaires sociaux. Quels sont vos objectifs pour que cette avancée sociale soit mise en œuvre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Guy Geoffroy. Et du chômage !

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, le Président de la République a voulu que le compte personnel d’activité – CPA – soit la grande réforme sociale du quinquennat. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Vous le savez, le monde du travail s’est profondément transformé et notre modèle social doit accompagner cette transformation. C’est pourquoi nous devons repenser la manière dont la société protège les Françaises et les Français.

C’est dans cette perspective que je veux faire du CPA une belle réforme de progrès social, d’abord pour les Français.

Vous l’avez dit, on ne rentre plus dans une entreprise à l’âge de 16 ans pour la quitter à 60 ans : oui, nous serons de plus en plus nombreux à changer de métier pendant notre vie !

La réalité, c’est que même si près d’un Français sur deux veut changer de métier, 94 % d’entre eux trouvent qu’il est difficile de se reconvertir.

Le CPA pourra regrouper les droits acquis tout au long de l’activité professionnelle : le compte personnel de formation, le compte pénibilité, voire les droits rechargeables à l’assurance chômage, ou le compte épargne temps. Ces droits seront attachés non plus au statut ou à l’emploi occupé, mais à la personne elle-même.

C’est aussi une réforme de progrès social pour les entreprises, lesquelles ont besoin de faire évoluer les compétences de leurs salariés pour accroître leur compétitivité et s’engager, comme tel est par exemple le cas dans le domaine de la transition numérique ou écologique.

Vous l’avez dit aussi, le CPA s’inscrit dans le cadre du « choc de simplification. » L’objectif est de parvenir à une plate-forme numérique unique et simple à utiliser.

Conformément à la loi que vous avez votée au mois d’août dernier, chaque personne devra disposer d’un compte au 1er janvier.

Vous l’avez indiqué, le CPA sera construit avec les partenaires sociaux. Nous en discuterons dans le cadre de la table ronde que j’animerai le 19 octobre lors de la conférence sociale.

Le rapport de France Stratégie, quant à lui, servira de base à la loi que je présenterai au premier semestre de 2016.

L’objectif du Gouvernement est de garantir la continuité des droits sociaux tout au long de la carrière professionnelle…

Mme la présidente. Je vous remercie.

Mme Myriam El Khomri, ministre. …et de permettre à chacun d’être acteur de son propre parcours. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Arrestation des syndicalistes d’Air France

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Madame la garde des sceaux, six salariés d’Air France ont été interpellés à leur domicile et cinq d’entre eux sont encore en garde à vue. Leur arrestation, survenue pour certains au petit matin, est comparable à celle réservée aux plus grands criminels.

Je ne peux m’empêcher de citer Jaurès (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains) qui disait ici même, en 1906, que ce que les classes dirigeantes entendent par le maintien de l’ordre, c’est seulement « la répression de tous les écarts, de tous les excès de la force ouvrière » ? C’est aussi « sous prétexte d’en réprimer les écarts, de réprimer la force ouvrière elle-même et de laisser le champ libre à la seule violence patronale ».

Depuis que les images des chemises déchirées passent en boucle sur toutes les télés, le Gouvernement et les médias pointent la violence de ces salariés…

M. Claude Goasguen. Ont-ils tort ?

M. André Chassaigne. …mais ils passent sous silence la violence que les salariés subissent. L’insoutenable violence n’est-elle pas dans les plus de 10 000 emplois déjà supprimés à Air France depuis 2012 et dans les 2 900 suppressions à venir ? N’est-elle pas dans les manœuvres de la direction pour diviser le personnel ?

M. Pascal Cherki. Très bien !

M. André Chassaigne. La violence n’est-elle pas dans les vies en lambeaux des salariés qui perdent leurs emplois, dans les foyers déchirés, dans les suicides ? Air France a semé la terreur, la tempête ; le traitement réservé à ces salariés ne fera qu’ajouter à la colère.

Indignés, nous faisons nôtre le conseil de Jaurès : « Lorsque, malgré tout, la violence éclate, ne tournons pas contre les travailleurs, mais contre les maîtres, notre indignation. »

Les conditions d’interpellation et le placement en garde à vue de ces syndicalistes, qui se battent dans l’intérêt général, relèvent des affaires de grand banditisme ou de terrorisme. Pourquoi, madame la ministre, recourir à de telles méthodes, totalement disproportionnées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob. Pourquoi n’entend-on pas plutôt le ministre de l’intérieur ?

Mme la présidente. Un peu de calme, mes chers collègues. Seule la ministre a la parole.

M. Philippe Briand. C’est scandaleux !

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, je n’entrerai pas dans les détails de la procédure. Je voudrais simplement rappeler qu’Air France est une grande entreprise, qui porte fièrement le pavillon français (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) et que rien ne justifie que l’on en vienne aux mains dans un dialogue social. Sans doute y a-t-il eu des erreurs de part et d’autre. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Hervé Mariton. C’est ahurissant !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ce qui est très important aujourd’hui, c’est que le dialogue social soit renoué, et le Gouvernement y est particulièrement attentif.

M. Marc Dolez. Et les gardes à vue ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Le transport aérien connaît de grandes mutations et Air France, comme toutes les grandes entreprises, a besoin d’aborder ces changements avec toutes les forces qui sont les siennes. Toutes les catégories de salariés doivent donc apporter leur talent à cette entreprise, quelle que soit la place qu’ils y occupent. C’est la raison pour laquelle nous encourageons la direction de l’entreprise, les organisations syndicales et les représentants des salariés à reprendre le dialogue, dans l’intérêt même de l’entreprise, de cette grande entreprise française. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Et tout sera fait pour cela.

M. Christian Jacob. Cette réponse est minable !

Mme Ségolène Royal, ministre. Si toutefois le dialogue n’était pas possible, il serait parfaitement plausible, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, de recourir à un médiateur… (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Christian Jacob. Ce n’est pas possible !

M. Hervé Mariton. Tout cela n’est pas très courageux, madame la ministre !

Mme Ségolène Royal, ministre. …qui obtiendrait l’assentiment de toutes les parties prenantes, afin de renouer le dialogue, car seul un dialogue social constructif et de qualité, qui rassemble tous les salariés au service de l’entreprise, est de nature à remettre cette entreprise sur la voie du renouveau et de la réussite. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Hervé Mariton. Quelle lâcheté !

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, vous réjouir de la diminution des déficits sociaux, c’est aller un peu vite, car vous manipulez les chiffres pour masquer l’énorme décalage entre vos promesses et la réalité budgétaire. (« Oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Je vous rappelle que ce déficit s’élève à 7,5 milliards en 2015 – nous sommes loin des 5,9 milliards de 2012 !

Vous n’avez pas tenu vos promesses, et nous sommes malheureusement coutumiers du fait, avec votre majorité. Le retour à l’équilibre des comptes, proclamé haut et fort pour 2017, ne se fera pas avant 2020. Et l’on constate, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale à venir, une dérive des dépenses, une absence de réformes structurelles, un renoncement aux engagements formels que vous prenez depuis trois ans. Vous êtes à des années-lumière des préconisations répétées de la Cour des comptes !

La France est malade, et vous aggravez son mal en malmenant, cette fois encore, l’industrie pharmaceutique (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.), les pharmaciens et les cliniques privées. Une officine ferme tous les deux jours dans notre pays, et le désert s’installe sous votre influence : des sites industriels pharmaceutiques ferment, comme celui de Corrèze, pourtant cher à l’Élysée. Vous exacerbez, de surcroît, la colère des professionnels de santé.

On peut, c’est vrai, se réjouir du retour à l’équilibre dans la branche vieillesse. Mais reconnaissons que la loi Fillon de 2011 en est l’instigatrice, avec le report de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Marcel Rogemont. Pas seulement !

M. Jean-Pierre Door. Vous démontrez année après année, malgré de beaux discours, votre incapacité à apporter les bons remèdes, et vous laissez à vos successeurs le soin de trouver des solutions. Ma question sera donc simple : quand prendrez-vous enfin les bonnes décisions ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député Jean-Pierre Door, moi qui vous connais depuis si longtemps, je m’étonne que vous soyez vous-même aujourd’hui à des années-lumière de la lucidité et de la perspicacité s’agissant de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Monsieur Door, les choses sont assez simples, au fond.

M. Christian Jacob. Tout ira mieux dans dix-huit mois !

Mme Marisol Touraine, ministre. Serait-il préférable d’avoir un gouvernement qui multiplie par deux en cinq ans le déficit de la Sécurité sociale, tout en augmentant ce qui reste à la charge des Français pour leur santé et en interdisant le financement des retraites ? Ce gouvernement, c’était le vôtre !

M. Arnaud Robinet. C’est faux !

Mme Marisol Touraine, ministre. En ce qui nous concerne, en l’espace de trois ans, nous avons diminué de plus de 40 % le déficit de la Sécurité sociale. Je comprends que cela vous gêne…

M. Marc-Philippe Daubresse. Quel toupet !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et je le comprends d’autant mieux que cette réduction du déficit s’est accompagnée d’une diminution de ce qui reste à la charge des Français en matière de santé. Je le comprends d’autant mieux que cette réduction du déficit s’est accompagnée de la prise en compte de la pénibilité pour les retraites de nos concitoyens les plus fragiles et que nous avons amélioré l’accès aux droits.

Le projet de loi que nous présentons, monsieur le député, est un projet qui poursuit la réduction des déficits et qui améliore les droits…

M. Bernard Accoyer. Vous êtes en train de tuer le système ! Vous tuez la Sécurité sociale !

Mme Marisol Touraine, ministre. …avec la mise en place d’une garantie pour les impayés de pensions alimentaires pour les femmes qui restent seules avec des enfants à charge ; avec la mise en place d’une complémentaire santé pour les personnes retraitées fragiles ; avec la mise en place d’une protection universelle maladie ; avec la prise en charge du dépistage de toutes les femmes pour le cancer du sein ; avec la mise en place d’un parcours de prise en charge pour l’obésité.

Vous le voyez, monsieur le député, nous allions responsabilité financière et justice sociale, ce que vous n’avez pas su faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Généralisation de la complémentaire santé

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Franqueville, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christian Franqueville. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, depuis 2012, notre majorité est aux côtés des travailleurs et des familles pour construire des droits nouveaux (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) : rétablissement de la retraite à soixante ans pour les carrières longues qui a profité à 350 000 Français, instauration de droits rechargeables à l’assurance chômage pour ne pas pénaliser les parcours de ceux qui reprennent pied dans le monde du travail, création d’un compte pénibilité et d’un compte personnel de formation qui, demain, seront des composantes du compte personnel d’activité, avènement progressif du tiers payant généralisé,…

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Folie !

M. Christian Franqueville. …prime d’activité pour compléter le revenu des salariés modestes. Je voudrais aujourd’hui parler de la généralisation de la complémentaire santé aux travailleurs, autre progrès majeur qui entrera en vigueur le 1er janvier 2016 et qui bénéficiera à des millions de Français. Pourtant, l’abêtissement du débat public, alimenté à coups de petites phrases et de déclarations frelatées où l’on parle en permanence de la forme sans se soucier du fond, n’autorise plus que l’on s’arrête sur une mesure aussi forte, qui est une belle mesure de progrès. Heureusement, le secteur mutualiste en fait un peu parler, grâce à la publicité en direction des entreprises que l’on entend depuis quelque temps sur les radios.

Madame la ministre, sachez en tout cas que les habitants des Vosges comme ceux de tous nos départements sont intéressés par cette avancée concrète, parfaitement en ligne avec l’esprit qui a présidé à la fondation de la Sécurité sociale il y a soixante-dix ans. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Alors, ma question est simple : comment le Gouvernement accompagne-t-il l’entrée en vigueur de ce nouveau droit au 1er janvier 2016 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, vous avez eu raison de souligner que le Gouvernement a fait de l’égalité des Français dans l’accès aux soins une de ses priorités. C’est pourquoi nous avons mis en place une politique qui donne aujourd’hui des résultats et permet à l’assurance maladie de prendre davantage en charge les dépenses de santé de nos concitoyens et de diminuer leur reste à charge.

M. Jean-Pierre Gorges. Ce n’est pas vrai !

Mme Marisol Touraine, ministre. Dans le même temps, nous avons voulu que nos concitoyens puissent accéder à des complémentaires santé de bonne qualité, en permettant aux plus modestes d’accéder en plus grand nombre à la CMU complémentaire et à l’aide à la complémentaire santé : 700 000 Français de plus bénéficient de ces prestations.

Nous avons également lancé un appel d’offres pour permettre aux plus modestes de disposer de contrats moins chers et de meilleure qualité. Concrètement, les dépenses, en matière de couverture santé, des bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé ont diminué de 20 % à 40 %.

M. Bernard Accoyer. Qui paie ?

Mme Marisol Touraine, ministre. À la suite de la généralisation de la complémentaire santé en entreprise, nous souhaitons permettre aux plus de soixante-cinq ans de disposer de contrats de bonne qualité. C’est pourquoi nous lancerons un appel d’offres permettant d’identifier les contrats qui, sur le plan du prix comme sur celui de la qualité des services, répondront le mieux aux attentes de nos concitoyens retraités et permettront de faire baisser les prix des complémentaires santé.

Monsieur le député, vous le voyez, le Gouvernement agit fermement pour la solidarité et pour une prise en charge de santé à la fois moins chère et de meilleure qualité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Grand Paris Express

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe Les Républicains.

M. Jacques Alain Bénisti. Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, j’associe à ma question mon collègue Christian Jacob et l’ensemble des élus de Seine-et-Marne.

Le Grand Paris Express, réseau de transports autour de la capitale, est appelé à transformer et à simplifier la vie de millions de Franciliens. Chaque fois que le Grand Paris Express croise un RER, la loi prévoit la création d’une interconnexion et donc d’une gare. C’est le cas sur l’ensemble du réseau, sauf entre la ligne E du RER et la ligne 15 du nouveau métro à hauteur de la gare de Bry-Villiers-Champigny. En effet, à l’occasion du conseil interministériel qui abordera jeudi les arbitrages financiers et politique du Grand Paris Express, cette gare sera purement et simplement supprimée. La raison invoquée est l’absence de financement des trois kilomètres de rails supplémentaires en provenance de Seine-et-Marne.

Il est vrai que les crédits initialement prévus pour le financement de la gare ont été détournés de leur objet initial pour financer notamment la nouvelle gare Rosa Parks à Paris qui devait être initialement financée par le Syndicat des transports d’Île-de-France – STIF. Ce sont donc 1 million de Seine-et-Marnais et 500 000 Est-Valdemarnais, soit 1,5 million de Franciliens, qui ne bénéficieront pas de la correspondance avec le Grand Paris. Le paradoxe est que ces derniers ont été largement mis à contribution au plan fiscal depuis cinq ans pour ce projet.

Madame la ministre, ma question se résume à une demande vitale pour ce 1,5 million d’usagers des transports et pour tout l’Est parisien, une fois de plus délaissé par rapport à la capitale et à l’Ouest parisien, une demande qui touche au respect de la loi et à celui des engagements pris par l’ancien premier ministre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, je vous remercie, ainsi que l’ensemble des élus de ce territoire, de vous impliquer aussi fortement dans la réalisation de cette infrastructure très importante, qui s’élève à 32 milliards d’euros.

M. Christian Jacob. Comme on paie, on voudrait savoir où va l’argent !

Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement accorde une très grande importance à la question des interconnexions, d’une part, parce que l’efficacité du système de transport dépend, par définition, de la qualité des correspondances et, d’autre part, parce que la desserte du territoire est directement liée à l’existence de ces connexions entre les réseaux. C’est particulièrement vrai pour la grande couronne dont les accès au Grand Paris Express se feront par les correspondances entre ce dernier et les lignes de RER et de transiliens.

La gare de Bry-Villiers-Champigny, qui vous est chère, doit assurer le lien entre la ligne 15 Sud du Grand Paris et le RER E. Cette gare présente la particularité d’être nouvelle. Elle nécessite donc des études qui seront conduites sous l’égide du STIF et par SNCF Réseau, en lien avec la Société du Grand Paris. Ces études sont bien engagées – je tiens à vous rassurer sur ce point – et sont menées en cohérence avec celles du RER E. Je ne connais donc pas les sources vous permettant d’affirmer que cette gare a été purement et simplement rayée. Au contraire, les études de ce projet devraient s’achever prochainement et, sur leur base, une concertation avec les élus et les habitants sera organisée dès le début de l’année 2016. De telles études seront poursuivies grâce au financement prévu dans le cadre du contrat de plan État-région pour les interconnexions du Grand Paris Express. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Contrats de ville

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Jacqueline Maquet. Monsieur le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, en 2003, la loi Borloo engageait une politique ambitieuse pour nos territoires. Onze ans plus tard, en 2014, la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, portée par François Lamy, aboutissait à l’identification de 1 300 quartiers prioritaires. Avec notre politique de la ville, une seule carte remplace les anciens zonages : le seul critère retenu est celui de la pauvreté.

Notre politique de la ville vise à lutter contre le rejet et l’oubli de territoires défavorisés, qu’ils soient urbains ou ruraux. En Ariège, par exemple, le Premier ministre a signé trois contrats de ville, qui vont débloquer des fonds pour ces territoires ruraux.

La politique de la ville est le socle de la cohésion de notre pays. Ces derniers jours, de nombreux maires ont signé des contrats de ville, qui devront être mis en place lors de la période 2015-2020.

M. Christian Hutin. Très bien !

Mme Jacqueline Maquet. Dans le Pas-de-Calais, onze contrats de ville ont été signés. Nous avons privilégié une approche globale des territoires, à la fois économique, sociale et urbaine. Le développement des entreprises, la signature de contrats aidés et l’amélioration des équipements dynamisent les quartiers en difficulté.

La politique de la ville est menée avec tous les acteurs concernés : l’État, la région, le département, l’intercommunalité, la commune, les établissements publics, mais aussi et surtout les associations et les habitants. D’ailleurs, la création de conseils citoyens permettra une large concertation. Pour une ville, la signature d’un contrat représente le début d’un projet concerté et commun.

Cette feuille de route permet de réaliser un engagement présidentiel fort : le rétablissement de l’égalité républicaine pour les habitants des quartiers populaires.

Monsieur le ministre, comment ces contrats se mettent-ils en place ? Quelles en seront les conséquences concrètes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Madame la députée, vous avez raison de rappeler que 2016 sera l’année de la maturité des contrats de ville. Ce cadre de contractualisation est unique, puisqu’il permet de rassembler l’ensemble des acteurs locaux dans une même démarche collective.

À ce jour, nous avons signé 362 contrats sur les 437 en cours. Permettez-moi de remercier ma collègue Myriam El Khomri pour le travail qu’elle a accompli dans ce cadre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) L’ensemble des contrats seront signés d’ici la fin de l’année 2015 : fin novembre, nous les aurons tous signés, dans le cadre de l’engagement qui sera tenu par le Gouvernement. Ils couvriront 1 500 quartiers et 6 millions d’habitants.

Ce processus d’élaboration des contrats de ville s’est appuyé sur une large mobilisation des acteurs locaux. Ainsi, 80 % des conseils régionaux ont déjà signé les contrats de ville – permettez-moi de saluer les régions. C’est également le cas de 90 % des conseils départementaux.

Vous l’avez rappelé, madame Maquet, cette réforme s’appuie aussi sur les habitants. À ce jour, 300 conseils citoyens ont été créés et fonctionnent. Près de 1 000 conseils supplémentaires seront bientôt créés. Cette politique est donc un succès démocratique. Chers amis députés, ces conseils citoyens seront une véritable respiration démocratique. Redonner la parole et la capacité d’agir aux habitants des quartiers populaires, c’est notre responsabilité collective pour lutter contre l’abstentionnisme et la montée des extrémismes dans ces quartiers.

Enfin, le budget sera augmenté de 4 % cette année.

Mesdames, messieurs les députés, à quelques jours de l’anniversaire des événements de Clichy-sous-Bois, je considère que ces quartiers sont trop souvent présentés comme une charge pour la République. En fait, ils sont un défi à notre capacité républicaine de refuser toute forme de fatalité en termes de relégation territoriale, sur la base d’un principe simple : les droits et les devoirs dans un juste équilibre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. Christian Hutin et M. Jean-Luc Laurent. Excellent !

Réduction de la fracture numérique

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe Les Républicains.

M. Bernard Gérard. Ma question s’adresse – ou plutôt, s’adressait – à M. le Premier ministre.

Le Gouvernement a fait voter la loi du 13 octobre 2014 « d’avenir pour l’agriculture ». Depuis, les agriculteurs ne se voient plus d’avenir.

Vous avez fait voter la loi du 15 août 2014 « renforçant l’efficacité des sanctions pénales ». Depuis, avec votre garde des sceaux, les Français n’osent plus sortir de chez eux et les détenus se promènent dans les rues. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-Luc Laurent. Démago !

M. Jean-Claude Perez. Vous devriez vous soigner !

Mme Laurence Dumont. C’est scandaleux ! Et Collard applaudit !

M. Bernard Gérard. Vous avez fait voter la loi du 16 mars 2015 « pour des communes fortes et vivantes ». Depuis, sous votre gouvernement, les communes n’ont plus ni force ni moyens.

Elle pourrait être longue, la liste de ces lois aux titres ronflants, dont certaines portent sur « la croissance et l’emploi », dont on connaît les chiffres calamiteux, ou sur « la reconquête de l’économie réelle », sans doute pour vous inciter à redescendre sur terre.

Les Français ne vous croient plus. Mais l’un de vos nouveaux titreurs vient de nous préparer un projet de loi « pour une République numérique ». Rien de moins que cela ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Luc Belot et M. Razzy Hammadi. Excellent !

M. Bernard Gérard. Ce projet est en phase de consultation citoyenne. Je suppose que son objectif principal sera l’égalité d’accès à internet entre tous nos concitoyens.

Une République numérique nécessite d’abord qu’en tout lieu du territoire national, chacun de nos concitoyens puisse avoir un égal accès au haut débit. Or une grande partie de nos territoires, notamment ruraux, connaissent une carence totale en la matière. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Je prends pour exemple la métropole de Lille : vingt-quatre de ses quatre-vingt-cinq communes ont aujourd’hui des carences en ADSL. Je ne parle même pas de la fibre optique.

M. Jean-Luc Laurent. Et les carences en logements sociaux à Marcq-en-Barœul ?

M. Bernard Gérard. Madame la secrétaire d’État chargée du numérique, la République numérique est-elle un nouveau mirage ? Comment allez-vous aider nos territoires, nos communes, dans leurs relations avec les opérateurs ? Quelles sont vos propositions concrètes et financières pour réduire la fracture numérique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Monsieur le député, je ne sais pas si parler de République numérique, c’est utiliser un titre ronflant. En tout cas, c’est actualiser un logiciel républicain fondé sur la liberté, l’égalité et la fraternité (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), pour préparer l’avenir de notre pays à la révolution numérique.

M. Daniel Fasquelle et M. Patrick Hetzel. Blablabla !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Effectivement, le dernier volet de ce projet de loi est la fraternité. Qui dit fraternité dit accessibilité et inclusion, en particulier des territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a lancé dès 2012 un plan « France très haut débit » sans précédent, y compris dans ses financements publics. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Laure de La Raudière. Il était budgété dans les investissements d’avenir ! C’est un scandale !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Ainsi, 3,5 milliards d’euros seront consacrés au déploiement du numérique dans les territoires, en particulier dans les zones rurales et périurbaines. (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, un peu de silence !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. C’est le double du montant des financements consacrés au même objectif sous la majorité précédente.

Très concrètement, nous encourageons la signature de conventions entre les zones denses démographiquement, c’est-à-dire les grandes villes, et les opérateurs privés. C’est le cas, en particulier, dans la métropole lilloise. Malheureusement, la fusion de SFR et de Numericable a fait prendre du retard au déploiement du très haut débit à Lille : c’est la raison pour laquelle le Gouvernement sera très ferme, en exigeant des opérateurs qu’ils remplissent les engagements qui figurent dans des conventions signées à la demande de l’État. S’agissant des territoires ruraux, le plan de la région Nord-Pas-de-Calais est l’un des plus ambitieux pour notre pays.

M. Jean-Pierre Vigier. Nous ne vivons pas sur la même planète !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Nous devons faire de la France le pays le plus connecté d’Europe d’ici dix ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Projet de loi de finances pour 2016

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2016 (nos 3096, 3110, 3112, 3116).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Madame la présidente, madame la rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mesdames, messieurs les députés, l’examen et le vote du budget de la nation sont toujours un moment clé de notre démocratie parlementaire. C’est l’occasion de faire le point sur la situation de la France, de tracer les grands axes de la politique économique du pays et de prendre les décisions qui engageront notre avenir collectif au cours de l’année 2016 et au-delà.

C’est donc peu dire qu’avec Christian Eckert, nous y attachons une grande importance et que, cette année encore, nous nous présentons à vous avec le souci d’engager un vrai débat, d’écouter tous les points de vue et de tenir un discours de vérité sur les enjeux auxquels notre pays est aujourd’hui confronté.

L’année dernière déjà, c’est dans cet esprit que nous avions présenté le projet de loi de finances et, devant vous, nous avions pris un certain nombre d’engagements précis et chiffrés : engagement de rétablissement de notre croissance ; engagement de financement de nos priorités, engagement de maîtrise des dépenses et engagement de baisse des prélèvements sur les entreprises comme sur les ménages. Comme il est parfois d’usage dans les échanges entre majorité et opposition, ces engagements avaient été mis en doute et parfois sévèrement critiqués. Certains s’étaient même risqués à des prévisions et des prophéties bien sombres sur l’aggravation de la crise, la surestimation de notre hypothèse de croissance, le dérapage des dépenses, la dérive inexorable des déficits et les sanctions qui en découleraient de la part de l’Union européenne. Ces prophéties, je n’aurai pas la faiblesse de les rappeler à leurs auteurs, mais permettez-moi simplement de vous dire que les engagements qui ont été pris devant vous l’année dernière ont été tenus et que la confiance que vous nous avez accordée, le mandat que vous nous avez confié pour l’exécution du projet de loi de finances pour 2015, ont été respectés.

Engagements tenus, en premier lieu, sur le redressement économique du pays. Pour la première fois depuis de trop nombreuses années, la prévision de croissance sur laquelle nous avons construit le budget 2015, 1 %, est déjà quasiment acquise au bout de deux trimestres : 2015 sera la première année de reprise effective et il est très vraisemblable que la croissance s’établira à 1 %, peut-être même légèrement au-delà, comme l’anticipent l’INSEE ou le Fonds monétaire international – FMI. Un pour cent, c’est exactement le niveau retenu il y a un an dans la loi de finance initiale pour 2015, et nous n’en avons pas dévié depuis un an.

Cette prudence et ce réalisme ont de nouveau prévalu pour la construction du budget 2016. Nous avons retenu cette fois une hypothèse de 1,5 % de croissance pour l’an prochain. C’est la prévision de ce qu’on appelle le consensus des économistes, et le Haut Conseil des finances publiques la considère atteignable, ce qui nous conforte dans cette hypothèse, quand 1 % l’an passé lui semblait « optimiste ». J’espère donc qu’elle ne fera pas l’objet des traditionnelles contestations auxquelles la fixation de l’hypothèse de croissance de la France a pu donner lieu par le passé.

Vous aurez d’ailleurs noté que j’emploie le mot d’« hypothèse ». Chacun sait que, par définition, les prévisions économiques sont entachées d’incertitude : il s’agit là avant tout d’un choix réaliste pour construire sereinement notre projet de budget et surtout éviter de devoir demander en cours d’exécution un effort supplémentaire aux Français. La reprise que nous observons cette année, c’est la conjugaison de l’effet des politiques que nous avons menées en France – notamment le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et le Pacte de responsabilité et de solidarité, qui rendent les entreprises plus compétitives et davantage à même de profiter de la demande extérieure, ainsi que la baisse d’impôt sur le revenu, qui vient conforter en 2015 le pouvoir d’achat des ménages à revenus modestes – et d’un environnement extérieur plus favorable : un prix du pétrole divisé par deux, un taux de change entre l’euro et le dollar plus en ligne avec ses fondamentaux et des conditions de financement propices pour les entreprises comme pour les ménages, avec des taux d’intérêt bas.

Ce que nous montrent les derniers indicateurs, c’est que la reprise se diffuse dans l’économie. Chacun commence à en ressentir les effets : les ménages, d’abord, dont la confiance s’établit à son plus haut niveau depuis 2007. Ce n’est pas sans lien avec leur pouvoir d’achat qui progresse – de 1,5 % cette année, après une hausse de 1,1 % en 2014 –, avec des créations d’emploi qui ont redémarré, même si elles ne sont pas suffisantes pour faire reculer le chômage. Ensuite, les entreprises gagnent également en optimisme : le climat des affaires est à son plus haut niveau depuis quatre ans. Le redressement du taux de marge au premier semestre leur apporte une bouffée d’air bienvenue : il a progressé de deux points depuis un an, reprenant les deux tiers du chemin perdu depuis la crise.

Nos exportations accélèrent fortement cette année – de 6 % –, notamment grâce à nos industries de pointe – l’aéronautique et l’aérospatial. Ainsi, le déficit commercial aura cette année été quasiment divisé par deux depuis son record de 2011, retrouvant son niveau de 2007. Avec la demande qui se renforce et des capacités à investir, l’investissement des entreprises a commencé à se redresser au premier semestre. Par ailleurs, dans le domaine de la construction, les permis de construire se stabilisent. Ce sont là des signes forts qui nous permettent de dire ici que les engagements que nous prenons pour 2016 seront tenus cette année encore. Notre hypothèse de 1,5 % correspond d’ailleurs à la prévision de croissance du FMI pour notre pays, rendue publique il y a quelques jours à peine à Lima, au Pérou.

Engagement tenu également s’agissant du redressement de la situation budgétaire. Loin des dérapages annoncés, le déficit public de 2014 s’est finalement réduit à 3,9 %, grâce à une progression maîtrisée des dépenses, contenue à 0,9 %. Ce record a été obtenu grâce à l’engagement de l’ensemble des administrations publiques : ministères, administrations de Sécurité sociale et collectivités locales. Cette dynamique se poursuit cette année, avec une dépense qui évoluera sensiblement au même rythme – aux alentours de 1 %. Et les recettes rentrent sans difficulté. Je préfère le dire car certains ont pris l’habitude de s’inquiéter du niveau des recettes dans notre budget. Nous conservons donc la prévision de déficit de l’ensemble des administrations publiques à 3,8 % cette année.

Nous poursuivrons l’effort l’an prochain, avec une diminution plus sensible du déficit, en lien avec les efforts réalisés et le retour à davantage de croissance. Avec 3,3 % de déficit public l’an prochain, nous reviendrons au niveau de 2008 et nous nous donnons les moyens de commencer à stabiliser la dette, passée de 65 % du PIB en 2007 à 90 % en 2012 et à 95,6 % à la fin de 2014.

Mme Marie-Christine Dalloz. Elle atteindra 100 % à la fin de l’année !

M. Michel Sapin, ministre. J’ajoute que, corrigé du cycle économique, le déficit dit structurel, au plus bas depuis plusieurs décennies, sera ramené à 1,2 %. Cette démarche sera rigoureusement poursuivie pour ramener le déficit en dessous de 3 % en 2017, situation que nous n’avions plus connue depuis 2007. Ce retour à un déficit inférieur à 3 % est nécessaire pour faire refluer durablement la dette publique, lorsque la croissance et l’inflation retrouvent une progression normale. Cet objectif sera donc maintenu, et il sera atteint.

Engagements tenus, ensuite, sur les baisses d’impôts et de prélèvements, qui se poursuivent et se poursuivront. Les impôts des ménages baisseront puisque nous avons confirmé notre volonté de rendre aux Français disposant de revenus moyens le produit de l’effort qu’ils ont consenti pour le redressement du pays.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pas à tous les Français !

M. Michel Sapin, ministre. Non seulement il n’y a plus de hausses d’impôts décidées depuis un an, mais nous concentrons nos efforts sur la baisse de l’impôt sur le revenu. Pour la troisième année consécutive, cet impôt sera allégé pour les ménages, à hauteur de plus de 2 milliards d’euros. Depuis l’été 2014, les impôts ont ainsi baissé de 5 milliards d’euros, conformément à nos annonces, et 12 millions de foyers fiscaux auront bénéficié de la baisse de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire deux tiers des foyers fiscaux imposés.

Il n’y a donc pas lieu de dire que les classes moyennes sont oubliées de nos réformes : c’est le cœur des classes moyennes qui bénéficient des baisses d’impôts sur le revenu. De même, il n’y a pas lieu de dire que l’impôt sur le revenu se concentrerait sur les classes moyennes supérieures : la part des foyers fiscaux imposés retrouve son niveau de 2010 et tous les ménages paient des impôts sur le revenu, en particulier avec la CSG.

M. Pierre-Alain Muet. Très bien !

M. Michel Sapin, ministre. Nous n’opposons pas les catégories sociales entre elles, nous n’avons pas deux politiques en fonction des uns et des autres. Nous avons un principe et un seul : l’impôt doit baisser et en priorité pour le cœur des classes moyennes, le couple d’employés avec enfant, l’instituteur débutant, ceux qui ont contribué à l’effort de redressement depuis 2011, alors que cela leur était plus difficile.

Cette baisse d’impôt, mesdames, messieurs les députés, concerne donc les retraités, les salariés, les familles, les ménages à revenus moyens, dont certains sont entrés dans l’impôt ces dernières années et qui sont les principaux bénéficiaires de ces mesures. Ce ne sont pas les seuls à avoir contribué au redressement de nos finances publiques, c’est vrai, mais ils sont en droit d’être les premiers à bénéficier de nos baisses d’impôts. C’est aussi cela la justice fiscale, l’équité et le bon sens, et nous l’assumons totalement !

Mesdames, messieurs les députés, une page est en train de se tourner en matière d’impôts, et pas seulement à cause des baisses d’impôt sur le revenu. L’année 2016 sera celle du lancement du chantier du prélèvement à la source, qui aboutira au 1er janvier 2018. Les travaux techniques progressent et nous ouvrons une période de concertation, laquelle se matérialisera par un livre blanc au printemps prochain et des choix inscrits « en dur » dans le projet de loi de finances pour 2017, de sorte que le basculement ait lieu dans de bonnes conditions au 1er janvier 2018.

L’année 2016 sera aussi celle de la généralisation de la déclaration par internet, de manière souple et progressive, en commençant par les plus hauts revenus et sans oublier, bien sûr, le cas des personnes qui ne pourraient pas y procéder. Nous souhaitons que, comme dans d’autres pays, la télédéclaration devienne le principe, le droit commun, tout en permettant à ceux qui n’ont pas d’accès à internet à leur domicile ou qui déclarent ne pas être en mesure d’y recourir, de continuer à utiliser le papier. Nous n’allons donc pas, comme j’entends parfois, faire payer 15 euros de plus à ceux qui ne pourraient pas déclarer par internet !

La justice fiscale, c’est aussi l’intensification de la lutte contre la fraude et contre l’optimisation fiscale abusive. Grâce au service de traitement des déclarations rectificatives – STDR –, créé à la fin de l’année 2013, ce sont déjà 4,5 milliards d’euros de recettes, provenant d’argent caché à l’étranger, qui auront été recouvrées en 2014 et en 2015. Et nous prévoyons encore plus de 2 milliards d’euros l’an prochain – 2,4 milliards, plus précisément. Cela ne s’arrêtera pas, car seuls 8 500 dossiers sur 44 000 ont aujourd’hui été traités. Et nous avons renforcé les moyens pour accélérer leur traitement. Voilà un résultat concret de l’action que nous avons menée pour mettre fin au secret bancaire en Europe. Je rappelle que l’échange automatique d’informations fiscales en matière financière sera effectif avec cinquante-huit États en 2017 et quatre-vingt-quatorze en 2018. Nous pouvons être fiers des progrès accomplis.

Permettez-moi aussi de me féliciter ici que la voix de la France sur l’optimisation fiscale abusive ait permis d’atteindre des résultats extrêmement concrets ! Trop de groupes internationaux ont aujourd’hui la capacité d’échapper presque totalement à l’impôt. Cette situation n’est évidemment pas acceptable. Grâce à la mobilisation de certains pays, dont la France, et grâce au travail de l’OCDE, nous sommes désormais en mesure d’avancer et nous avons dès la semaine dernière obtenu un accord politique majeur sur la transparence des pratiques fiscales envers les multinationales – les rulings – entre pays européens. Nous pouvons tous saluer ce pas décisif franchi grâce à la coopération internationale !

Et ce n’est pas tenir un discours anti-entreprises que de dire cela, au contraire ! Beaucoup d’entreprises ont aujourd’hui pris conscience, de façon salutaire, de ces grands enjeux et réclament plus de protection et de règles au niveau international. Nos mesures de lutte contre la fraude en portent la marque, de même que les mesures de transparence de la vie économique que j’ai été chargé de défendre dans le cadre d’un projet de loi qui sera présenté prochainement en Conseil des ministres.

Notre politique à l’égard des entreprises se construit dans un esprit de responsabilité : nous tenons nos engagements.

M. Hervé Mariton. C’est faux ! Pourquoi avoir reporté les allègements de charges ?

M. Michel Sapin, ministre. Et c’est parce que nous tenons nos engagements vis-à-vis des entreprises que nous pouvons nous montrer, par ailleurs, exigeants.

Je le redis, ici, devant vous, cette année encore : c’est parce que nous tenons parole que nous créons les conditions pour que chacun s’engage, à son tour, au service de la reprise économique et de l’emploi. C’est notre stratégie depuis le début, et nous nous y tenons.

M. Hervé Mariton. Vous ne respectez pas votre calendrier !

M. Michel Sapin, ministre. Je m’adresse là, évidemment, aux entreprises, dont nous avons déjà baissé les prélèvements de 24 milliards d’euros entre 2013 et 2015 grâce au CICE et au pacte de responsabilité. À l’inverse, monsieur Mariton, vous aviez par votre vote contribué à les augmenter de 16 milliards.

Depuis le début du quinquennat, et contrairement à ce que dit un ancien Président de la République, la fiscalité des entreprises a donc baissé.

Le CICE est désormais arrivé à maturité, comme l’a signalé le comité de suivi : il représente, à ce jour, 17 milliards d’euros.

Pour sa part, le pacte continuera, l’an prochain, d’être déployé comme prévu. Les baisses de prélèvement supplémentaires sur les entreprises atteindront effectivement, comme nous nous y étions engagés, 9 milliards d’euros en 2016, ce qui portera le niveau des allégements à 33 milliards d’euros. Nous aurons, en 2016, annulé les hausses de prélèvements des années 2011 et 2012, votées sous la législature précédente, ainsi, bien sûr, que les hausses de prélèvements que nous avions été obligés de mettre en œuvre en 2012 et en 2013.

S’agissant de la contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés des grandes entreprises, il vous est proposé d’y mettre fin, comme prévu. La suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés – la C3S – se poursuivra, également comme prévu, à hauteur de 1 milliard d’euros : elle bénéficiera à 80 000 entreprises de taille intermédiaire ou ETI.

Enfin, compte tenu du besoin de financer les mesures favorables aux entreprises, des plans en faveur de l’investissement TPE et PME sont prévus dans le cadre du pacte, soit 1 milliard d’euros de mesures nouvelles en faveur des entreprises. Les allégements supplémentaires de cotisation sur les salaires jusqu’à 3,5 Smic s’appliqueront, quant à eux, à compter du 1er avril, décalant à hauteur de 1 milliard le bénéfice de cette mesure sur 2017.

Si le Gouvernement respecte ses engagements – en matière de baisse de prélèvement mais aussi, par exemple, de non-rétroactivité des dispositions fiscales –, il doit aussi se montrer exigeant.

Il en est ainsi s’agissant des négociations sur le pacte, qui doivent se poursuivre dans les branches professionnelles. La ministre du travail a eu l’occasion de faire le point récemment : à ce jour, dans les cinquante plus grandes branches, qui regroupent 11 millions de salariés, 40 % de ces derniers sont couverts par un accord signé. Si l’on intègre les branches où un projet d’accord est soumis à la signature des organisations professionnelles, le total passe à 60 %. Par ailleurs, les enquêtes de l’INSEE auprès des entreprises montrent que les trois quarts d’entre elles déclarent utiliser le CICE pour investir ou embaucher. Ces annonces, il faut donc les concrétiser !

Nos engagements seront tenus, enfin, sur la dépense publique. Notre stratégie budgétaire est inchangée : maîtriser nos dépenses sans renoncer à financer nos priorités, tout en sachant être réactifs pour répondre aux nouveaux besoins.

Nous n’avons ainsi rien cédé de nos priorités budgétaires : l’éducation nationale, d’abord, se voit effectivement dotée de 60 000 postes supplémentaires sur le quinquennat, pour accompagner plus efficacement nos jeunes générations. Les ministères de l’intérieur et de la justice voient leurs budgets préservés ou augmentés, quand celui de la culture est également protégé, comme celui de l’emploi, afin de lutter contre le chômage et d’accompagner les actifs dans leurs transitions. J’ai d’ailleurs plaisir à voir que le compte personnel d’activité – que j’avais appelé de mes vœux lorsque j’étais ministre du travail – deviendra une réalité au 1er janvier 2017 et constituera une réelle sécurité sociale professionnelle.

Notre priorité, c’est également la lutte contre le réchauffement climatique, tout en soutenant le développement des pays du Sud. C’est, bien sûr, l’initiative de la 21e Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la COP21, pour laquelle tout le Gouvernement est mobilisé.

Dans cette perspective, le Président de la République a décidé que l’aide publique au développement augmenterait de plus de 2 milliards d’euros d’ici 2020, avec, dès l’an prochain, des moyens budgétaires renforcés. Sur ce point, un amendement vous sera proposé au cours de la discussion budgétaire.

M. Damien Abad. Rétropédalage !

M. Michel Sapin, ministre. Si certaines priorités sont établies depuis longtemps, d’autres se font jour en fonction des événements. Nous devons, avec Christian Eckert, être réactifs pour financer ces nouveaux besoins.

C’est, bien sûr, le cas des moyens accrus en faveur de la sécurité intérieure et de la défense nationale, pour tenir compte des événements de janvier, mais aussi de la situation observée dans telle ou telle zone de notre planète.

Je rappelle à ceux d’entre vous qui fustigent la hausse des effectifs publics que si notre pays n’avait pas été victime d’attentats en janvier, nous aurions stabilisé, comme prévu, ces effectifs. Qui pense que nous avons trop renforcé les moyens humains de nos forces armées et de notre police ?

M. Hervé Mariton. Personne, mais il faut choisir.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. À chaque fois qu’il faut choisir, vous vous y refusez !

M. Michel Sapin, ministre. C’est également la réponse européenne à l’arrivée des réfugiés syriens. Nous nous donnons les moyens de les accueillir sans les sélectionner en fonction de leur appartenance religieuse, voire d’une prétendue race, contrairement à ce qu’auraient souhaité certains candidats de l’opposition.

Tenir cette ambition appelle, en contrepartie, une stricte maîtrise de nos dépenses. Celles-ci progresseront, cette année, sensiblement au même rythme qu’en 2014, c’est-à-dire de 1 %, et n’accéléreront que légèrement l’an prochain – soit 1,3 % – sous l’effet du retour de l’inflation et du redémarrage des investissements publics, en lien avec le cycle électoral au niveau communal.

Je rappelle que, spontanément, la dépense progresse de l’ordre de 2,5 % par an –tirée, notamment, par la demande sans cesse croissante en matière de santé – et qu’entre 2007 et 2012, cette dépense a progressé, en moyenne, de 3,2 % par an.

Avec les économies que nous réalisons, la part des dépenses dans le produit intérieur brut passera de 56,4 % en 2014 à 55,1 % l’an prochain. Cet effort représente – et cela correspond au chiffre qui vous été présenté dès le printemps 2014 – 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans.

En 2015, la faiblesse de l’inflation est venue réduire les effets de ce plan d’économies et d’autres mesures ont été décidées en compensation. Vous le savez, nous avons en effet dû prendre des mesures complémentaires, présentées au printemps, pour que l’effet sur le déficit soit conforme à ce qui avait été envisagé.

Au total, ce sont bien 21 milliards d’euros de mesures de redressement qui sont mises en œuvre en 2015. En 2016, les administrations publiques réaliseront 16 milliards d’euros d’économies, au lieu des 14,5 milliards initialement prévus.

Les dépenses des ministères et des opérateurs diminueront en euros. La dotation globale de fonctionnement des collectivités locales sera abaissée de 3,5 milliards d’euros, mais également rénovée pour être plus équitable et rendre l’ajustement soutenable. Cela n’empêchera d’ailleurs pas une progression des ressources et de la dépense locales.

L’augmentation des dépenses de santé sera ralentie à 1,75 % : il s’agit d’un effort extrêmement important, rendu possible par des choix structurants portant sur l’organisation des soins. Enfin, les partenaires sociaux devront s’accorder pour trouver les moyens de réaliser les économies nécessaires sur les champs de la dépense dont ils ont la responsabilité : je pense aux retraites complémentaires ainsi qu’à l’assurance chômage.

Cet effort est logiquement réparti entre les administrations selon leur poids dans la dépense. Sur trois ans, l’effort de 50 milliards d’euros se répartira ainsi : 19 milliards sur l’État et ses opérateurs, un peu plus de 10 milliards sur les collectivités locales et un peu plus de 20 milliards sur la sécurité sociale, dont 10 sur la santé.

J’attends – avec impatience, bien sûr – les propositions de l’opposition, que j’entends régulièrement dénoncer l’insuffisance de nos efforts d’économies et qui repousse systématiquement toutes les propositions d’économies qui sont faites ici !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ah vous avez bien raison, monsieur le ministre.

M. Jean-Claude Buisine. Ils n’ont aucune proposition !

M. Razzy Hammadi. Exactement !

M. Michel Sapin, ministre. Un mot sur l’Europe. Contrairement à ce que j’ai souvent entendu, ce n’est pas à cause d’elle que le respect de nos engagements est nécessaire. Tenir nos engagements nous a certes permis de restaurer la voix de la France en Europe et lui a permis d’être à nouveau entendue. J’ai pu moi-même le constater cet été lorsque, avec le Président de la République, nous avons, avec nos partenaires, pu trouver une issue favorable, construite sur les deux piliers que sont la responsabilité et la solidarité, à la crise grecque.

Cette crédibilité nous permet également de contribuer à construire une Union économique et monétaire plus solide. J’y suis personnellement très attaché, ayant participé – avec d’autres, dont certains sont encore présents ici – à la construction de l’UEM en 1992.

Mais tenir nos engagements c’est d’abord, et avant tout, nécessaire pour les Français eux-mêmes. Là où l’Allemagne avait équilibré ses comptes en 2012, l’opposition nous a laissé un déficit qui allait franchir 5 % du PIB et une compétitivité de nos entreprises en berne.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous êtes aux affaires depuis trois ans : on voit le résultat !

M. Michel Sapin, ministre. Cela a été notre devoir, et ce sera notre fierté d’avoir permis à nos entreprises de retrouver les moyens d’investir et d’embaucher, que vous leur aviez ôté, et d’avoir contribué à assurer durablement plus de croissance – alors que vous l’aviez mise en berne – et d’emploi dans notre pays (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), tout en assainissant nos comptes publics afin de garantir notre souveraineté face à nos créanciers et de contenir la dette publique que nous laisserons aux prochaines générations.

M. Dominique Baert. C’est vrai.

M. Damien Abad. Nous ne vivons vraiment pas dans le même monde !

M. Razzy Hammadi. La vérité fait mal !

M. Michel Sapin, ministre. Redresser le pays, en lui permettant de renouer avec la croissance et de réduire les déficits abyssaux qui nous avaient été laissés, financer nos priorités tout en maîtrisant la dépense comme jamais cela n’avait été fait avant nous, mener à bien le programme de baisses d’impôts que nous nous sommes fixés,…

M. Dominique Baert. Eh oui ! Ça change !

M. Michel Sapin, ministre. …pour les entreprises comme pour les ménages : voilà, mesdames et messieurs les députés, la feuille de route dont nous vous sommes redevables avec Christian Eckert, et que nous vous présentons aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. Avant de donner la parole à M. Christian Eckert, secrétaire d’Etat au budget, je la donne à M. Marc Dolez, pour un rappel au règlement.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, je vous remercie. Ce rappel est fondé sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement et porte sur la bonne organisation de nos travaux. Hier après-midi, le secrétariat de la commission des finances a adressé à chacun des groupes de notre assemblée une note précisant les modalités des discussions budgétaires qui vont se dérouler, à partir de la semaine prochaine, au sein des commissions dites élargies.

Dans cette note, il est précisé que les orateurs des groupes ne disposeront que de deux minutes de temps de parole, alors que, traditionnellement, ils disposaient de cinq minutes. Chacun comprendra ici que limiter le temps accordé aux orateurs principaux des groupes à deux minutes en commission élargie est absolument inacceptable et constitue une atteinte gravissime au droit d’expression des groupes et des parlementaires.

Madame la présidente, la conférence des présidents ne s’est pas réunie ce matin : pour cette raison, je souhaite appeler votre attention, à la faveur de ce rappel au règlement, sur ce point. Je demande donc, au nom de mon groupe, que la conférence des présidents puisse réexaminer cette question avant le début des débats au sein des commissions élargies, la semaine prochaine.

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur Dolez. J’en prends acte, et, bien évidemment, j’en ferai part de façon à ce que la conférence des présidents puisse se saisir de cette question.

La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Comme notre collègue Dolez me regardait avec insistance, je craignais qu’il n’évoque l’utilisation et l’application de l’article 40, dont la présidence de la commission des finances est effectivement directement responsable.

M. Marc Dolez. Je recherchais votre soutien. (Sourires.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous l’aurez. S’agissant des temps de parole et de l’organisation de la séance, ils relèvent exclusivement de la présidence et donc, comme vous l’avez très bien dit, de la conférence des présidents.

Présentation (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les très nombreux députés de l’opposition (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains),…

M. Razzy Hammadi. Peu se sont déplacés mais Hervé « 130 milliards » Mariton est présent !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …nos débats budgétaires occuperont l’hémicycle durant tout l’automne.

Nous aurons, comme chaque année, des débats animés et des oppositions marquées sur ce que doit être notre politique budgétaire et fiscale. C’est un moment essentiel de notre vie parlementaire et démocratique, et je souhaite que, comme ce fut le cas l’an dernier, nous puissions aller au bout de tous les débats. Le Gouvernement ne se dérobera à aucune discussion : vous savez le prix que j’attache à nos échanges.

Pour introduire ces débats, je voudrais rappeler d’abord un fait sur lequel nous pourrons tous tomber d’accord. Ce gouvernement et cette majorité ont la responsabilité historique d’apurer des décennies de déséquilibre budgétaire, lequel n’avait fait que s’aggraver entre 2002 et 2012. À quand remonte en effet la dernière période au cours de laquelle notre déficit a été durablement inférieur à 3 %, avec un ratio de dette publique en baisse ? Cela remonte au gouvernement de Lionel Jospin, actif entre 1997 et 2001.

M. Dominique Baert. Eh oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pendant les années qui ont suivi, on a trop souvent considéré le déficit comme un problème mineur, ou même, parfois, comme une prétendue chance pour la croissance.

M. Jean-Claude Buisine. Quelle erreur !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On a baissé les impôts, en repoussant à plus tard les économies pour les financer, et cela s’est traduit par des hausses d’impôt massives à compter de 2011.

On a aussi pensé – cette fois-ci, reconnaissons-le, tous bords confondus – que la dépense publique était la seule et unique solution à nos problèmes.

M. Charles de Courson. Hélas !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce gouvernement et cette majorité ont rompu avec une telle façon de faire, et ce changement porte progressivement ses fruits. Progressivement, car on ne peut régler en quatre ans une situation qui dure depuis plus de trente ans. Pour autant, les premiers résultats sont là : le déficit est au plus bas depuis sept ans, la dette est sur le point de se stabiliser après huit ans d’augmentation continue, la dépense progresse, certes, mais à un niveau historiquement bas.

Les résultats commencent donc à devenir visibles. Les Français doivent le savoir car ce sont leurs efforts qui les ont produits. Il n’y a rien de pire que le catastrophisme aveugle qui nie les résultats. Donner le sentiment à nos compatriotes que leurs efforts seraient inutiles, ce serait leur laisser penser qu’il n’y a guère de danger à y renoncer.

Ces résultats, nous les obtenons par des économies sur la dépense, et je voudrais prendre un peu de temps pour expliquer pourquoi ces économies sont indispensables.

Faire des économies, c’est d’abord garantir aux Français que leur argent est correctement utilisé. Chaque année, au moment de préparer le projet de loi de finances, le Gouvernement examine en détail toutes les dépenses engagées sur le budget de l’État. Ce travail fin, nous le faisons tous les ans et, cette année, il a encore été renforcé grâce aux revues de dépenses et au travail mené par le Conseil stratégique de la dépense publique.

Quand nous avons repéré des dépenses qui n’ont pas de justification ou dont l’utilité est limitée, nous vous proposons de les supprimer ou de les réduire. Pourquoi le budget de l’État devrait-il continuer à supporter des exonérations de cotisations ciblées alors que nous avons allégé le coût du travail de façon massive ? Pourquoi les allocations destinées à certaines populations ne tiendraient pas compte du patrimoine et de la réalité des ressources des bénéficiaires alors que celles destinées aux plus démunis le font ? Pourquoi les chambres de commerce et d’industrie, dont les missions ne sont pas plus importantes que celles de la Sécurité sociale ou de l’État, ne pourraient-elles pas contribuer à la réduction du déficit ?

L’argent public est le patrimoine de ceux qui n’ont rien, et notre responsabilité est d’en assurer la bonne utilisation.

M. Patrick Mennucci. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Faire des économies, c’est aussi faire des réformes, et j’en voudrais pour exemple la réforme de la dotation globale de fonctionnement pour les collectivités locales, communes et intercommunalités, que nous engageons dans ce projet de loi de finances.

Tout le monde s’accorde à dire, depuis des années, que la DGF du bloc communal est injuste. Elle peut varier d’un rapport de 1 à 5 entre des communes identiques. De tels écarts sans aucune justification sont l’effet de la sédimentation de décisions prises au cours du temps et sur lesquelles personne n’est jamais revenu. Or ce gouvernement, avec le soutien de la majorité, engage une réforme de la DGF. Menée progressivement, elle permettra une répartition plus juste et davantage de solidarité entre les territoires.

Une telle réforme est majeure, et elle n’aurait peut-être pas été engagée sans la baisse des concours de l’État aux collectivités territoriales, car c’est la baisse de ces concours qui a permis de faire bouger les choses et qui a entraîné la plupart des acteurs dans le mouvement. Il est évident que des économies doivent être réalisées, mais les décisions des collectivités seront facilitées par le fait que la DGF sera répartie de façon plus équitable au regard des ressources fiscales des collectivités et de leurs charges. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Faire des économies, c’est garantir le fonctionnement de notre modèle social. Cette priorité au financement de notre protection sociale se traduit par des mesures concrètes. Dans le projet de loi de finances, c’est notamment la compensation à la Sécurité sociale des manques à gagner liés au pacte de responsabilité et de solidarité : en 2016 comme en 2015, l’État les prendra en totalité à sa charge. Je le répète, quand on estime la réalité de l’effort de chaque administration publique dans la réduction des déficits, ce fait fondamental que le budget de l’État finance la totalité des baisses d’impôts et de prélèvements doit toujours être pris en compte. C’est une nouvelle preuve de notre engagement à assurer le financement, donc la pérennité, de la protection sociale.

Cet engagement produit des résultats. En 2016, les déficits sociaux retrouveront enfin leur niveau d’avant-crise, et ils auront été divisés par deux par rapport à leur niveau atteint en 2011. Cette année, pour la première fois depuis 2002, la dette sociale diminue et, l’an prochain, après douze ans de déficits continus, notre régime de retraites sera à l’équilibre.

Les Français bénéficient aujourd’hui d’un niveau de protection sociale peut-être unique au monde. Ces protections, nous souhaitons tous que nos enfants en profitent également mais, pour cela, il faut faire les économies qui en assurent la pérennité. Il faut donc faire preuve de sérieux budgétaire, car on n’obtient rien de durable si l’on n’est pas sérieux.

Faire des économies, enfin, c’est permettre à l’État d’agir. Quand il faut assurer la protection des Français, sur le territoire national ou à l’étranger, accueillir des réfugiés qui ont tout perdu, soutenir un secteur agricole qui traverse une crise majeure, à chaque fois, l’État doit agir. À chaque fois, il faut trouver des financements pour agir, et, à chaque fois, nous trouvons les économies qui financent ces actions.

Pour toutes ces raisons, le projet de loi de finances pour 2016 vous propose de poursuivre la mise en œuvre du programme d’économies de 50 milliards d’euros réalisé sur trois ans, dont 16 milliards d’euros d’économies en 2016 : 5,1 milliards sur l’État et ses agences ; 3,5 milliards sur les collectivités, avec un objectif de progression de la dépense locale de 1,2 % l’année prochaine ; 3,4 milliards sur l’assurance maladie ; 4 milliards sur le reste de la protection sociale.

Je ne reviendrai que d’un mot sur la méthode permettant de les calculer. Tout parlementaire de bonne foi – c’est une pétition de principe – la connaît et sait qu’elle a toujours été employée, par nous comme par nos prédécesseurs. Il suffit à chacun de relire le compte rendu de ses interventions ou les documents qu’il aura signés avant 2012 pour se le confirmer et prendre conscience de l’effort sans précédent que nous mettons en œuvre. Je ne doute pas que ceux qui nous succéderont emploieront la même méthode – et ils feraient bien de s’interroger sur leurs déclarations actuelles.

Tout commentateur qui regarde la réalité des chiffres verra que les économies sont au rendez-vous chaque année. Le poids de la dépense publique est en baisse ; c’est bien la confirmation, sans aucune ambiguïté, de leur réalité, quelle que soit la référence retenue : 56,4 % du PIB en 2014, 55,8 % en 2015, 55,1 % en 2016. C’est seulement quand le commentaire à l’emporte-pièce prend le pas sur l’analyse que l’on refuse de voir les économies. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Exactement !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Sans ces économies, nous ne pourrions pas réduire le déficit public, et nous ne pourrions pas non plus baisser les impôts, car nous baissons les impôts (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), à la fois pour les entreprises et pour les ménages, c’est le pacte de responsabilité et de solidarité.

M. Hervé Mariton. Les prélèvements sont stables !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce n’est pas parce que vous êtes peu nombreux qu’il faut brailler comme des gorets. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce n’est pas méchant !

Pour les entreprises, Michel Sapin l’a indiqué, ce sont 9 milliards d’euros d’allégements supplémentaires, soit le strict respect de l’annuité 2016 du pacte de responsabilité.

Je voudrais m’arrêter un instant sur la justification de cette diminution des prélèvements pour les entreprises. Là encore, la baisse n’est pas une fin en soi, elle vise des objectifs plus larges. C’est bien pour soutenir la production en France que nous avons engagé des baisses de prélèvements massifs sur les entreprises : c’est en effet la condition pour assurer la prospérité du pays et permettre à ceux qui sont dépourvus d’emploi d’en retrouver un.

Michel Sapin a brillamment exposé les orientations de notre politique économique. À l’entrée de ce débat, je voudrais simplement redire d’un mot le prix qui doit s’attacher à la stabilité fiscale. C’est devenu un passage obligé des discours, mais on sait que les pratiques, en ce domaine, ont varié. Par ailleurs, nos débats au Parlement ont leurs passages obligés sur certains outils : crédit d’impôt recherche, CICE, allégements de cotisations, C3S. Les amendements ne manqueront donc pas sur ces sujets. J’engage chacun d’entre vous à discuter, comme je l’ai fait, non pas seulement avec des représentants officiels des entreprises, mais aussi avec des praticiens, ou des praticiennes, de la fiscalité au sein des entreprises. Leur message est simple : que les impôts soient en hausse ou en baisse, l’essentiel pour eux est de ne pas troubler les projets d’investissement ou d’embauche en évitant les allers-retours permanents.

Mme Arlette Grosskost. C’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’espère que nous aurons tous à l’esprit cette réalité durant nos débats.

Notre politique fiscale envers les ménages obéit, quant à elle, à une logique simple, la justice fiscale et la lutte contre les inégalités. Cette logique s’inscrit dans un mouvement de baisse des prélèvements, puisque nos efforts d’économies ont pu prendre le relais des ajustements par l’impôt décidés par nos prédécesseurs et maintenus pendant la première phase du quinquennat.

Chaque année depuis le début de la législature, nous avons fait un pas supplémentaire dans cette voie. Il n’y a peut-être pas eu de « grand soir fiscal », car ce n’est pas ainsi que l’on réforme, mais il y a eu une succession de mesures cohérentes et progressives, qui conduiront, en 2017, à un système fiscal beaucoup plus juste qu’il ne l’était en 2012.

M. Jean-Claude Buisine. C’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En 2017, il y aura un vrai impôt de solidarité sur la fortune, il y aura une tranche d’impôt sur le revenu à 45 %, il y aura des droits de succession et de donation réellement efficaces.

M. Hervé Mariton. Tableau d’un massacre !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En 2017, il y aura un impôt sur le revenu délesté des niches fiscales qui n’avaient plus de justification et dont le montant était croissant avec le revenu. Il y aura surtout un impôt sur le revenu réduit, et même parfois nul, pour les classes moyennes, avec un nombre de redevables de l’impôt sur le revenu rejoignant le pourcentage atteint en 2008, ce qui devrait mettre fin au mythe de sa concentration excessive. En 2017, il y aura davantage de ménages modestes exonérés d’impôts locaux. Il y aura, en un mot, une fiscalité juste, qui protège les ouvriers, les employés, tous les travailleurs pauvres et les petits retraités, une fiscalité qui demande aux plus riches de prendre toute leur part au financement du service public.

Notre politique de justice et de lutte contre les inégalités doit être mesurée dans sa dimension à la fois fiscale et budgétaire. Pour renforcer encore les moyens contre l’inégalité, nous n’avons pas hésité à mobiliser des dépenses nouvelles, des dépenses bien entendu entièrement financées par des économies : c’est par exemple le plan pauvreté et la revalorisation de 10 % des minima sociaux ; c’est aussi la prime d’activité, qui sera versée dès le mois de janvier prochain.

Mesdames et messieurs les députés, ce gouvernement et cette majorité ont un engagement sans faille pour la justice fiscale et ils le prouvent à chaque loi de finances, en menant tous les combats de front : le combat pour l’assainissement de nos finances publiques ; le combat pour la production et l’emploi ; et, dans toutes nos réformes fiscales, le combat pour une société plus juste et plus égalitaire, où l’on ne mesure pas la valeur des citoyens à l’aune de leur compte en banque. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

De nouvelles baisses d’impôts et de nouvelles économies pour les financer et pour diminuer le déficit, c’est là l’objet des principales dispositions de ce projet de loi de finances. Outre les dispositions qui y figurent, votre commission des finances a introduit plusieurs amendements qui seront examinés au cours de la discussion. Je souhaiterais vous préciser dès maintenant que certains sujets seront traités par le collectif budgétaire qui sera déposé mi-novembre : c’est le cas de la fiscalité écologique, de la fiscalité agricole et des questions des incitations fiscales au titre du financement des PME, pour lesquelles nous sommes tenus de proposer une réforme visant à la mise en conformité communautaire de nos dispositifs.

Sur ces trois sujets, le Gouvernement vous proposera de réserver la discussion pour la tenir dans un peu plus d’un mois, autour des propositions du projet de loi de finances rectificative. Il est indispensable d’avoir un débat et de légiférer dans ces trois champs ; mais pour avoir un débat cohérent et pour bien légiférer, il est, je crois, préférable d’attendre le collectif budgétaire et les propositions que le Gouvernement vous fera.

Sur les autres sujets, il adoptera, comme toujours, une attitude d’ouverture à tous les débats et à toutes les questions. Je constate que, dès l’examen de cette première partie, de nombreux parlementaires ont déposé des amendements pour réduire l’effort des collectivités locales et des opérateurs. Une chose est sûre et je vous appelle à en être tous conscients : chaque économie à laquelle on renonce, c’est un effort supplémentaire demandé à d’autres. Au-delà de la pression des intérêts ou des catégories, c’est une réalité qu’il est indispensable d’avoir à l’esprit quand on souhaite amender le projet de loi de finances.

Sur le volet fiscal, nous aurons, comme chaque année, des débats intenses mais, cette année, il y aura un débat particulier dont je me réjouis par avance : celui sur l’engagement de la retenue à la source. Voilà une réforme majeure, essentielle pour l’acceptation de l’impôt et qui aura des conséquences concrètes très positives pour nos concitoyens. Elle fait partie de ces réformes dont on parle depuis des années et que ce gouvernement vous propose de faire enfin, comme la réforme de la DGF ou celle de la baisse du coût du travail.

Le prélèvement à la source vient couronner les évolutions engagées depuis 2012 sur l’impôt sur le revenu. Après l’assiette et le barème, c’est le recouvrement de l’impôt que nous modernisons avec cette réforme. Je sais que certains veulent aller plus loin…

M. Jean-Marc Germain. Oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …et engager une évolution qui dépasse les modalités de recouvrement : cette question est aussi légitime que les autres et le Gouvernement y répondra. Sans entamer dès maintenant le débat, je rappellerai simplement que notre priorité est la baisse des impôts et la modernisation du recouvrement de l’impôt sur le revenu.

Avant de conclure, je souhaiterais examiner trois critiques qui sont parfois formulées – et peut-être le seront-elles à nouveau – à l’encontre notre politique. Premièrement, il a été dit, d’abord, que le déficit ne baissait pas,…

M. Hervé Mariton. 1 milliard !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …puis qu’il ne baissait pas assez vite.

Entre 2012 et 2014, le déficit diminuait – certes moins rapidement que prévu, mais il diminuait – et, contre toute logique arithmétique, l’opposition disait qu’il augmentait.

Aujourd’hui, le déficit continue à baisser, et plus vite que prévu.

M. Hervé Mariton. 1 milliard !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’opposition est d’abord restée sans voix ; mais le débat politique doit bien exister, même si les résultats obtenus lui retirent un peu de matière. On dit maintenant que le déficit ne se réduit pas assez vite. Le déficit se réduit au bon rythme, soit au rythme qui est compatible avec la reprise économique,…

M. Guillaume Bachelay. Exact !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …car, je l’ai dit, ce n’est pas en trois ou quatre ans que l’on apure des déséquilibres accumulés pendant trente ans.

M. Hervé Mariton. On ne va pas vous donner le pouvoir pendant dix ans !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si l’on veut faire plus, il faut dire la vérité aux Français : une baisse massive et rapide des dépenses entraînerait nécessairement un impact tout aussi massif sur la croissance et sur l’emploi.

M. Guillaume Bachelay. En effet !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Deuxièmement, nous ne ferions pas d’économies ou, plus exactement, étant donné l’évolution de l’argument devant nos résultats, nous ne pourrions pas apposer le qualificatif de « structurelles » à ces économies. Pour ma part, je ne sais toujours pas ce que l’opposition entend par « économie structurelle ».

M. Hervé Mariton. C’est Mme Rabault qui dit cela !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est faux ! Vous m’avez mal lue, monsieur Mariton !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je sais que l’opposition veut engager des dépenses nouvelles pour la défense, la police, les collectivités territoriales, les allocations familiales et les infrastructures de transport, soit pour à peu près toute l’action publique, sauf pour l’éducation et les retraites qui ne sont pas une priorité pour elle. Je sais aussi que certains représentants de l’opposition ont dit qu’il fallait « faire descendre les impôts par l’ascenseur et les dépenses par l’escalier » : on imagine les conséquences sur le déficit !

M. Hervé Mariton. Nous sommes d’accord !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais je ne sais toujours pas ce que l’on appelle une « économie structurelle » sur les bancs de la droite.

M. Hervé Mariton. Nous nous en sommes rendu compte !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Curieusement, nous n’avons pas eu l’occasion, cette année, d’analyser un contre-budget de l’opposition. C’est dommage, car nous aurions pu examiner quels étaient réellement les efforts supplémentaires envisagés et aussi les mesures que ce contre-budget ne remettait pas en cause parmi les propositions du Gouvernement, alors même que certains parlementaires de l’opposition font, par la suite, mine de les critiquer.

Je laisserai donc les orateurs de l’opposition nous expliquer ce qu’est une réforme structurelle. Je l’attends avec curiosité car, en France, nous avons une tradition constante consistant à dire que la bonne réforme, c’est toujours l’autre. Mais, pour être franc, j’ai déjà une idée : pour vous, une réforme structurelle, c’est une réforme qui fait mal, qui remet en cause la protection sociale et qui laisse sur le bord du chemin les Français qui ont le plus besoin de l’aide de l’État.

En tout cas, si certains membres de l’opposition voulaient jouer les Robespierre budgétaires, en réclamant davantage d’économies, ils ne devront pas seulement dire qu’il faut des économies,…

M. Charles de Courson. Comme lorsque vous étiez dans l’opposition !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …ils devront indiquer lesquelles. Ce sera très intéressant !

Troisièmement, l’impôt serait concentré sur les 10 % des ménages les plus aisés.

M. Charles de Courson. C’est un fait !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Sur ce point, il faut d’abord apporter une précision. Tout le monde paie de la TVA ; tout le monde s’acquitte de la CSG sur tous ses revenus, à un taux de 7,5 % – sans parler des impôts locaux. Il est donc faux de dire que seuls les ménages les plus aisés assument cette charge.

M. Pierre-Alain Muet. Absolument !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Grossièrement, la TVA rapporte 150 milliards d’euros, la CSG 90 milliards d’euros et l’impôt sur le revenu n’est que le troisième impôt en volume perçu, avec 70 milliards d’euros. Il est tout aussi faux de dire que nous reportons la charge fiscale des classes moyennes vers les ménages les plus aisés. En 2016 comme en 2015, nous baissons l’impôt des classes moyennes et nous le finançons par des économies. Les contribuables qui ne sont pas concernés par ces mesures ne verront pas leur impôt augmenter si leurs revenus n’augmentent pas.

Mais il faut surtout rappeler une évidence : quand on a des revenus importants, on doit assumer un impôt important. C’est la base même de l’idée de progressivité de l’impôt, dont je rappelle la valeur constitutionnelle.

M. Hervé Mariton. En raison !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Oui, monsieur le président de la commission des finances, les ménages aisés ont une charge fiscale plus importante que les autres, et nous l’assumons entièrement, car l’impôt est un moyen de solidarité et de contribution publique et un moyen fondamental de cohésion sociale. Nous l’assumons comme manifestement l’opposition assume l’idée d’alléger les impôts des plus riches dès qu’elle le pourra, puisque la suppression de l’ISF est la seule réforme fiscale soutenue sur les bancs de la droite.

Pour conclure, je voudrais vous rappeler les principaux chiffres du budget sur lequel vous êtes appelés à vous prononcer. Le déficit public est prévu à 3,3 % en 2016, après 3,8 % en 2015. Sur cette baisse d’environ 10 milliards d’euros, seul un milliard d’euros bénéficierait au budget de l’État, car il compense la totalité des manques à gagner de la Sécurité sociale liés à la mise en œuvre du pacte de solidarité et de responsabilité. Le déficit de l’État passerait donc de 73 milliards d’euros en 2015, selon notre dernière estimation, à 72 milliards d’euros en 2016.

La dépense publique serait contenue avec une progression limitée à 1,3 % en 2016. Du côté de l’État, les dépenses des ministères et taxes affectées diminueraient d’1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiales pour 2015 et les dépenses totales de l’État de 2,4 milliards d’euros à périmètre constant. Enfin, le taux des prélèvements obligatoires poursuivrait sa baisse et, après un pic à 44,9 % en 2014, il atteindrait 44,5 % en 2016.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement vous demande d’approuver ce budget,…

M. Dominique Baert. Il a raison !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …parce que c’est un budget qui respecte nos engagements, parce que c’est un budget de réforme économique et sociale et parce que c’est un budget de gauche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État. Pour la sérénité de nos débats, vous qui connaissez bien cet hémicycle, vous savez qu’y siègent des députés et en aucun cas des gorets.

M. Hervé Mariton. Merci, madame la présidente !

M. Michel Sapin, ministre. C’est Circé !

M. Dominique Baert. Tout cela va finir en eau de boudin !

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mes chers collègues, nous nous retrouvons, comme chaque année à l’automne, pour examiner le projet de loi de finances, c’est-à-dire les perspectives des finances publiques de la France pour 2016 et le budget de l’État pour 2016.

Ce projet de loi de finances pour 2016 s’inscrit dans un double environnement économique : d’un côté, la plupart des paramètres économiques sont favorables à la reprise – taux d’intérêt bas comme le prix du baril du pétrole ou taux de change euro-dollar favorable aux exportations – ; de l’autre, des inquiétudes nouvelles se font jour sur la demande mondiale, ce qui a conduit le Fonds monétaire international à revoir à la baisse ses prévisions économiques globales.

Ce projet de loi de finances pour 2016 intervient à un moment lui aussi double, en quelque sorte. D’un côté, des résultats économiques sont là, n’en déplaise à nos collègues de l’opposition : le déficit budgétaire est passé, pour la première fois depuis 2008, sous la barre des 4 % du produit intérieur brut et, pour la première fois depuis 2011, les marges des entreprises sont revenues à 31 % de leur valeur ajoutée, contre 29 % encore l’an dernier. Ces résultats sont tangibles et nul dans cet hémicycle ne devrait les contester, sauf à se complaire dans la mauvaise foi.

M. Dominique Baert. En effet.

Mme Arlette Grosskost. Il en faut bien un peu !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mais, de l’autre côté, la croissance économique française n’est pas encore assez forte pour permettre des créations d’emploi. Elle n’est pas assez forte non plus pour éviter que la réduction du déficit ne repose quasi exclusivement sur des efforts budgétaires. Bâtir un budget dans ce contexte n’est pas chose aisée et nécessite des choix clairs, assumés par le Gouvernement et notre majorité.

Pour en montrer toute la clarté et les expliciter, j’ai mis à la disposition de notre assemblée un maximum d’informations… quoiqu’il en coûte, car je pense notamment aux interprétations fallacieuses que certains ont pu en faire ces dernières heures et qui relèvent de la mauvaise foi – j’y reviendrai. Je suis donc allée chercher des informations, publiées parfois dans mon rapport pour la première fois, je pense notamment à l’évolution annuelle en valeur du montant des dépenses publiques par secteur d’administration publique depuis 2002, constatant un ralentissement sans précédent des dépenses publiques – j’y reviendrai là aussi. J’ai également publié un premier bilan de la mise en œuvre du programme d’économies de 50 milliards d’euros,…

M. Olivier Faure. Bienvenu !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. …ventilées entre mesures d’effort budgétaire et mesures de réduction des dépenses, les premières étant une économie, les secondes, une réduction tendancielle. Cet exercice est novateur, bien entendu perfectible, mais avec le mérite de poser le débat sur les 50 milliards d’économies. Le rapport comporte aussi une présentation détaillée du coût des mesures annoncées depuis le début de l’année 2015 et des moyens mis en œuvre pour leur financement ; je remercie à ce titre le Gouvernement qui nous a transmis toutes les informations nécessaires à cette évaluation. Enfin, un bilan des relations financières entre l’État et la Sécurité sociale rappelle les mesures prises pour compenser les effets du Pacte de responsabilité et de solidarité et de la loi en faveur de la croissance sur les recettes de la Sécurité sociale. De telles informations avaient rarement été publiées jusqu’ici et ont, je crois, le mérite d’enrichir le débat public.

Pour aborder le budget 2016 de l’État, je voudrais revenir sur sept questions.

Premièrement, ce budget est-il, oui ou non, sincère ? Mes chers collègues, sans hésitation, je réponds : « oui ». En effet, il repose sur une prévision de croissance de 1,5 % pour 2016 qui est considérée comme atteignable par le Haut conseil des finances publiques et qui fait l’objet d’un consensus de différents organismes, ainsi que sur une prévision d’inflation de 1 %. Selon ces hypothèses, les recettes publiques augmenteraient de 24 milliards d’euros, soit le rythme naturel, et les dépenses publiques de seulement 14 milliards d’euros grâce aux efforts proposés par le Gouvernement dans ce projet de loi de finances. Au total, cela devrait nous permettre d’atteindre l’objectif de déficit nominal prévu. Depuis hier soir, j’ai entendu beaucoup de choses sur les prévisions de dépenses, en particulier sur les prévisions d’économies de dépenses.

M. Hervé Mariton. La plume est libre, la parole est serve, madame la rapporteure générale !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je me permettrai tout d’abord de rappeler à nos collègues de l’opposition, y compris à vous, monsieur Mariton, quelques chiffres : entre 2002 et 2012, votre majorité a chaque année augmenté les dépenses publiques de 35 milliards d’euros. Je dis bien chaque année, monsieur Mariton. Depuis 2012, et sans exception, le rythme a été divisé par deux, et sera poursuivi sur les années 2016 et 2017.

M. Charles de Courson. Donnez les chiffres en volume !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je vous les donne en volume, monsieur de Courson : nous sommes autour de 15 milliards d’euros par an. Cela correspond peu ou prou à l’impact de surcroît de richesse que notre économie est capable de créer. Vous voyez, mes chers collègues de l’opposition, que nous sommes vraiment très loin des déséquilibres qui ont caractérisé les années 2002 à 2012. Si ces chiffres ne suffisaient pas à vous en convaincre, vous pouvez lire l’avis du Haut conseil des finances publiques du 25 septembre dernier qui indique que « ces dernières années, les efforts de maîtrise des dépenses publiques ont été sensibles, avec un ralentissement de leur progression en volume – 0,8 % par an en moyenne entre 2010 et 2014, après 2,2 % entre 2004 et 2008. » je crois que la démonstration est très claire.

Deuxième question : ce budget assainit-il les finances publiques ? La réponse est également « oui ». Pour la première fois depuis 2008, le déficit public passe, je le rappelle, sous la barre des 4 % du produit intérieur brut, et l’objectif de 3,3 % à la fin 2016 est atteignable avec les mesures qui nous sont proposées.

Troisième question : ce budget favorise-t-il le pouvoir d’achat des Français ? Oui, car les mesures proposées auront trois effets. Le premier sera de repousser l’entrée des Français dans l’assiette de l’impôt sur le revenu. En d’autres termes, le revenu à partir duquel on commence à payer de l’impôt sur le revenu sera plus élevé. Je vais donner un exemple : un couple marié avec deux enfants payait l’impôt sur le revenu en 2012 à partir de 27 160 euros par an ; désormais, il commencera à y être assujetti à partir de 41 317 euros, soit une différence de 14 157 euros, plus de cinq SMIC mensuels.

M. Dominique Baert. Eh oui !

M. Patrick Lemasle. CQFD !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Le deuxième effet sera la réduction même de l’impôt sur le revenu. Prenons encore comme exemple le couple marié avec deux enfants : s’il gagne 40 000 euros par an, il paiera en 2016 950 euros de moins qu’en 2012. Vous aurez du mal, mes chers collègues de l’opposition, à contester ces chiffres. Le troisième effet consistera en une réduction de la taxation marginale. En effet, pour les contribuables bénéficiant de la décote et qui relèvent de la tranche du barème à 14 %, le taux marginal d’imposition diminuera : pour 100 euros de revenus supplémentaires, il baissera de 3,50 euros. Au total, 8 millions de ménages vont bénéficier de ces réductions d’impôt, dont 3 millions qui n’en avaient pas encore bénéficié, et 5 millions qui vont voir l’effet de la réduction amplifié.

Quatrième question : Est-ce que ce budget réaffirme les priorités du Gouvernement ? Là aussi, n’en déplaise à nos collègues de l’opposition, de vrais choix sont assumés par le Gouvernement et par notre majorité. Tout d’abord, s’agissant de la défense, les engagements pris dans le cadre de la loi actualisant la programmation militaire sont tenus : le recrutement de militaires supplémentaires est inscrit dans ce projet de loi de finances avec 9 700 postes de plus. Ensuite, la priorité donnée à l’enseignement, la justice et la sécurité continue à être affirmée avec la création de 13 600 postes supplémentaires. En parallèle, les autres administrations vont enregistrer des diminutions de postes, qui sont chiffrées et correspondant à des non-remplacements lors de départs à la retraite. Voilà des choix et non l’application d’une règle qui viserait à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux de manière mécanique, quelles qu’en soient les conséquences sur le fonctionnement de l’État. Quant aux crédits des missions, un certain nombre vont augmenter… Comme notre président de la commission des finances aiment les euros sonnants et trébuchants, je vais raisonner ainsi et à périmètre constant : ce sera le cas pour l’action extérieure de l’État, pour la culture, la défense, l’enseignement scolaire, la justice, la santé, la sécurité, les sports, la jeunesse et la vie associative. Par ailleurs, je rappelle qu’il n’y aura pas de prélèvement sur le fonds de roulement des universités, comme le Premier ministre s’y est engagé le 28 septembre.

Cinquième question : à quelques semaines de la COP21, ce budget est-il porteur d’une ambition pour la transition énergétique et écologique de notre pays ? Là aussi, j’ai entendu beaucoup de choses pas très justes, et je profite de cette tribune pour les corriger : oui, la COP21 et la transition énergétique et écologique font partie des enjeux pour lesquels nous avons de l’ambition, et analyser cette ambition uniquement au regard du budget du ministère de l’écologie et du développement durable serait une erreur d’interprétation. Aussi, pour avoir une vision globale, j’ai tout additionné pour définir ce qu’il en est de l’effort financier global, c’est-à-dire le budget du ministère susmentionné, l’ensemble des crédits d’impôt concernés et les prélèvements effectués sur les différents agents économiques – taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers entre autres : le total atteignait 69 milliards d’euros en 2012, il atteindra 77 milliards d’euros en 2016. Cela signifie qu’en l’espace de quatre ans, il y aura eu un effort budgétaire de l’ensemble de la nation à hauteur de 8 milliards d’euros.

Ma sixième question porte sur ce qui n’est pas inclus dans le texte initial mais qui sera mis en place via des amendements. Le Gouvernement nous proposera ainsi un amendement, que nous avons examiné en commission des finances, visant à augmenter les financements en faveur de l’aide au développement. Il y aura aussi des mesures complémentaires en faveur des aides à la pierre, ainsi qu’un financement en faveur des réfugiés qui doit faire l’objet d’un décret d’avance que nous examinerons jeudi prochain.

Dernière question : ce budget favorise-t-il l’investissement ? Je l’avais déjà dit l’an dernier à cette même tribune et je souhaite de nouveau insister là-dessus cette année : faire fonctionner une économie nécessite de se projeter dans l’avenir, ce qui veut dire investir. Au travers des différents budgets défendus par notre majorité, des soutiens réellement massifs ont été apportés aux entreprises françaises. Je crois qu’on peut même dire que cela n’a jamais été à ce point le cas.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. C’est vrai !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ainsi, je rappelle que le pacte de responsabilité atteindra 32 milliards d’euros en 2016, dont 18,5 milliards d’euros au titre du CICE, la mesure de suramortissement en faveur des biens d’équipement doit apporter 500 millions d’euros de plus aux entreprises et de nouvelles dispositions en faveur des PME et des TPE devraient s’élever à 150 millions d’euros. Les premiers effets de cette politique se font sentir puisque les taux de marge ont augmenté. Pour autant, en dépit de cette reconstitution de marge, l’investissement des entreprises n’est pas suffisamment reparti. C’est un paradoxe d’autant plus incompréhensible que les entreprises françaises sont les championnes d’Europe des liquidités qu’elles gardent dans leur bilan… Si j’étais un peu caricaturale, j’évoquerais l’argent qui dort.

M. Jean-Marc Germain. Et encore, ce serait gentil !

M. Hervé Mariton. Voulez-vous dire que les entreprises dorment, madame la rapporteure générale ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il faut réveiller cet argent pour qu’il puisse se mobiliser dans l’économie. C’est un appel que je lance depuis cette tribune à l’ensemble des entreprises qui ont bénéficié de ces soutiens de l’État.

Il faut aussi que les ménages, dont l’investissement a un peu baissé, se saisissent de l’ensemble des dispositifs mis à leur disposition : je pense notamment à la prorogation du crédit d’impôt pour la transition énergétique – 1,4 milliard d’euros pour 2016 –, à la prorogation du prêt à taux zéro – 960 millions d’euros pour 2016 –, à celle de l’éco-prêt à taux zéro ou encore à l’extension du bonus renforcé pour l’acquisition d’un véhicule propre – 10 000 euros d’aide de l’État pour changer son véhicule. Accélérer la reprise économique passe aussi par l’investissement public. Cet investissement est porté par l’État et grandement par les collectivités locales. On sait qu’il a baissé en 2014 et qu’il pourrait encore baisser en 2015. Face à cette situation, l’État répond via plusieurs mesures dans ce projet de loi de finances : création d’un fonds de soutien à l’investissement local pour 1 milliard d’euros, élargissement du FCTVA – le fonds de compensation de la TVA – aux dépenses d’entretien des bâtiments publics et mise en place d’un fonds de 100 millions d’euros pour les maires bâtisseurs, auxquels il faudrait ajouter l’enveloppe de 12,5 milliards d’euros consacrés au financement des contrats de plan État-région qui devrait être finalisée ; mais les amendements adoptés par la commission des finances montrent que nous souhaitons aller plus loin et nous aurons l’occasion, monsieur le ministre, d’en débattre en séance publique.

Pour conclure, un mot sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement que nous examinerons en seconde partie du projet de loi de finances. Nous savons qu’elle porte encore en elle les stigmates de la taxe locale… abolie il y aura bientôt cinquante ans, en 1966 ! mais dont nous continuons à supporter les inégalités. Je citerai deux chiffres : Levallois-Perret - au hasard – perçoit par habitant 590 euros de DGF quand Montauban, ville qui n’est chère, n’en perçoit que 182.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et Le Perreux, 134 euros ! Quelle injustice !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ces inégalités territoriales sont insupportables. Il y a des cas où les communes riches reçoivent de l’État plus que les communes pauvres. Cela doit cesser.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, l’investissement, c’est le levier pour 2016. Il doit être soutenu par tous les moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, chers collègues, pour la seconde année consécutive, la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de la première partie du projet de loi de finances consacrée aux impôts et autres recettes de l’État. L’année dernière, cette saisine s’était montrée utile puisque trois amendements proposés par notre commission avaient été adoptés par l’Assemblée.

Cette année, notre commission s’est félicitée d’un budget qui est bon pour nos entreprises et bon pour notre économie. Dans un contexte budgétaire pourtant très contraint, ce projet de loi de finances comporte en effet un certain nombre de dispositions fiscales qui sont de nature à dynamiser la reprise de notre économie. Nous nous réjouissons en particulier des mesures de limitation des effets de seuils dans les TPE et les PME, prévues à l’article 4, et de la prorogation du dispositif d’amortissement accéléré des investissements robotiques consenti au bénéfice des PME, prévue à l’article 6.

Ces deux mesures sont des applications du vaste plan en faveur des TPE et PME, annoncé par le Gouvernement le 9 juin dernier. Ces entreprises, rappelons-le, emploient la moitié des salariés en France.

La commission des affaires économiques s’est également félicitée des exonérations pour les activités pionnières de méthanisation agricole, prévues à l’article 7, et de la préservation des ressources des chambres d’agriculture, prévue à l’article 14, qui constituent les premières applications du plan de soutien aux filières d’élevage annoncé par le Gouvernement en juillet et septembre 2015.

Elle a par ailleurs adopté 21 amendements qui, pour la première fois, ont ensuite été examinés par la commission compétente au fond : la commission des finances. Je tiens d’ailleurs à remercier son président, M. Gilles Carrez, et Mme la rapporteure générale, Valérie Rabault, pour leur accueil chaleureux. Cet examen fut, je le crois, utile puisque la commission des finances a retenu 11 des 21 amendements proposés.

La majorité des amendements proposés par la commission des affaires économiques concernent le logement et la politique de la ville. Ils visent tout d’abord à accompagner la relance de la construction de logements par des incitations fiscales appropriées. Un premier amendement vise à prolonger jusqu’en 2018 l’exonération totale d’imposition des plus-values immobilières réalisées par des particuliers lorsqu’ils cèdent un immeuble bâti ou non bâti à un organisme HLM, à une collectivité territoriale ou à tout autre cessionnaire qui s’engage à y réaliser et achever des logements sociaux dans un délai de quatre ans. Cette disposition prend fin, sauf modification législative, au 31 décembre 2015. Il s’agit d’une incitation importante à la libération de foncier constructible et d’immeubles en faveur de la production de logements sociaux, qui ne coûte que 10 millions d’euros par an aux finances publiques.

Dans le même esprit, la commission des affaires économiques a proposé de prolonger l’abattement exceptionnel sur l’imposition des plus-values immobilières de cessions de terrains à bâtir, créé par la loi de finances pour 2015 et qui prend fin, sauf modification législative, à la fin de l’année. Afin d’amplifier son effet déclencheur sur la libération du foncier, il est par ailleurs proposé d’accompagner cette prolongation d’une hausse du taux de l’abattement, qui passerait de 50 % la première année à 30 % la deuxième année puis 15 % la troisième année.

Notre commission a ensuite adopté deux amendements de Mme Audrey Linkenheld sur la mobilisation du foncier public. Conformément aux recommandations du rapport de Mme Audrey Linkenheld et M. Jean-Marie Tetart sur la mise en application de la loi du 18 janvier 2013, un amendement élargit la décote consentie en faveur de la production de logements sociaux aux opérations de réhabilitation d’immeubles de l’État qui ne nécessitent pas de démolition reconstruction. De très nombreux biens, comme des anciennes casernes de gendarmerie situées en centre-ville, pourraient ainsi être cédés à moindre coût à des collectivités ou des organismes HLM afin qu’ils les transforment en logements sociaux.

La commission des affaires économiques a ensuite adopté une série d’amendements qui visent à appliquer les conclusions du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté – CIEC – du 6 mars 2015. Lors de cette réunion, le Premier ministre s’est engagé à favoriser une meilleure répartition du parc social sur les territoires afin de lutter contre la concentration de pauvreté et les phénomènes de ségrégation territoriale. Allant jusqu’à évoquer une politique d’« apartheid », il a annoncé que la construction de logements sociaux serait limitée dans les quartiers où le taux de logement social dépasse 50 % et que, dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain – NPNRU –, l’offre de logements sociaux démolis serait reconstituée en premier lieu en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Le Gouvernement a enfin indiqué que le logement intermédiaire et l’accession à la propriété seraient favorisés dans ces quartiers.

La plupart des mesures législatives nécessaires à l’application de ces décisions feront l’objet d’un projet de loi qui devrait être examiné par le Parlement au début de l’année 2016. Des dispositifs fiscaux, qui relèvent de la loi de finances, sont également concernés. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques propose d’ores et déjà trois amendements à ce projet de loi de finances, qui vont dans le sens des conclusions du CIEC.

Le premier concerne le logement intermédiaire. Depuis 2014, la construction de logements intermédiaires par des investisseurs institutionnels bénéficie d’un taux de TVA de 10 %. Le bénéfice de ce taux réduit est conditionné au fait que l’ensemble immobilier construit contienne également 25 % de logements sociaux. Cette règle générale, garantie d’une plus grande mixité sociale, ne doit pas être remise en cause. Cependant, dans les quartiers qui comptent déjà plus de 50 % de logements sociaux, elle est absurde et contre-productive : elle freine la mixité sociale en bloquant la construction de logements intermédiaires dans les quartiers populaires. Un amendement adopté par la commission des affaires économiques a donc pour objet que cette condition ne s’applique pas dans les communes comportant déjà plus de 50 % de logements sociaux ainsi que dans les quartiers qui feront l’objet d’une convention au titre du NPNRU.

L’année dernière, la loi de finances avait encouragé l’accession sociale à la propriété dans les quartiers en élargissant le taux de TVA de 5,5 % appliqué aux seuls quartiers ANRU à l’ensemble des 1 300 quartiers prioritaires de la politique de la ville. La rédaction de cet article soumettait toutefois le bénéfice de ce taux réduit à la signature du contrat de ville. Or la plupart des contrats de ville n’ont pas été signés avant l’été 2015. On considère qu’environ 3 000 logements en accession sociale à la propriété, dont la demande de permis de construire a été déposée entre le 1er janvier 2015 et la date signature des contrats de ville, ne bénéficieront pas de cet avantage fiscal déterminant pour leur commercialisation. Un deuxième amendement adopté par la commission des affaires économiques, puis par la commission des finances, vise donc à élargir le taux réduit de TVA à toutes les opérations dont la demande de permis de construire a été déposée entre le 1er janvier 2015 et la date de signature du contrat de ville.

Enfin, la commission des affaires économiques a adopté sept amendements relatifs à l’agriculture, dont cinq ont été acceptés par la commission des finances. Traduisant les recommandations des rapports d’information de M. François André sur la fiscalité agricole et de Mme Brigitte Allain sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires, ils visent à donner davantage de liberté à l’exploitant agricole pour réintégrer un revenu exceptionnel sur plusieurs années, à favoriser les regroupements d’agriculteurs au sein des groupements agricoles d’exploitations en commun – GAEC – et à encourager la diversification de leurs activités, notamment à travers l’agritourisme. Ces mesures seraient particulièrement bienvenues dans le contexte de crise de l’élevage que nous connaissons. La commission des affaires économiques vous appelle donc à les adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, la saisine pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur la première partie de ce projet de loi de finances a été une première.

Il est vrai que l’adoption de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et l’approche de la COP 21 en cette fin d’année fournissaient une occasion de mettre en lumière le rôle transversal que nous pouvons jouer dans l’élaboration de cette loi de finances par notre contrôle et nos propositions, afin que le développement durable figure au cœur des politiques budgétaires.

L’avis favorable qui a été rendu traduit, comme Mme la rapporteure générale l’a rappelé, le fait que l’effort global de l’État en faveur des politiques de l’environnement et de l’écologie est en augmentation, même si, en lui-même, le projet de budget ne comporte pas de dispositif spécifique, en particulier sur la fiscalité de l’énergie et des carburants, champ que nous avions choisi d’examiner plus au fond.

Monsieur le ministre, vous avez dit que le Gouvernement souhaitait que cet aspect soit examiné dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances rectificative. Il le sera donc. Les amendements que nous avons adoptés, dont certains ont été repris par la commission des finances – et je remercie à mon tour son président pour son accueil chaleureux et bienveillant – seront l’occasion d’ouvrir le débat et de donner quelques orientations.

Deux de ces amendements ont été adoptés par la commission des finances. Le premier, présenté à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire par notre collègue de l’UDI, M. Bertrand Pancher, et repris par M. Pascal Cherki, du groupe socialiste – c’est dire l’ampleur de l’éventail politique l’appuyant – consiste à intégrer dans l’assiette de la taxe française sur les transactions financières les transactions intraday, qui se dénouent au cours d’une journée. Il s’agit de dégager des recettes pour financer une aide accrue aux pays en développement, laquelle est essentielle pour que ces pays qui en ont le plus besoin puissent accéder aux moyens de la transition énergétique et être protégés des effets du dérèglement du climat.

Le deuxième amendement adopté par la commission des finances consiste à intégrer au dispositif de la taxe générale sur les activités polluantes le gazole non routier, celui qu’utilisent les machines agricoles, les engins de travaux publics, la batellerie et les transports ferroviaires non électrifiés. Cette taxe n’a pas vocation à être payée. Il ne s’agit pas de créer une recette mais d’inciter simplement, en ouvrant davantage de possibilités, à intégrer des carburants renouvelables dans l’ensemble des gazoles utilisés, afin de se rapprocher de l’engagement que nous avons pris d’atteindre 10 % d’énergie renouvelable dans les carburants routiers d’ici 2020.

D’autres amendements adoptés par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire n’ont pas connu pareille fortune. Ils feront partie du débat, qui sera dénoué, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, lors de la discussion sur le projet de loi de finances rectificative.

Le premier d’entre eux est important. Je souhaiterais donc indiquer l’esprit qui a animé sa rédaction et celui dans lequel la commission l’a adopté, à l’unanimité. Cet amendement vise à instaurer une composante carbone dans la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, dont le montant est d’ores et déjà déterminé pour 2016. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte l’a fixée, pour l’horizon 2020, à 56 euros par tonne. Une interpolation linéaire entre ces deux valeurs ne me paraît pas impossible. Prévoir dès aujourd’hui cette progression donnerait un signal de la volonté tranquille et assurée du Gouvernement de parvenir à un effet clair pour l’ensemble du monde économique. Les entreprises et les groupes attendent ce type de message pour déterminer leurs stratégies.

La commission a fait une proposition semblable en ce qui concerne le différentiel fiscal dont bénéficie le carburant diesel. Nous avons insisté en commission sur le fait qu’il ne s’agit pas de donner des bons ou des mauvais points à tel ou tel type de motorisation. Chaque moteur a ses avantages et ses inconvénients. Mais il n’est pas juste de continuer d’inciter à choisir un mode de motorisation non en fonction des qualités intrinsèques d’un moteur, mais d’un avantage fiscal que rien, aujourd’hui, ne justifie.

Les habitudes prises, les inerties, les engagements industriels étant importants, une durée d’une dizaine d’années est apparue convenable pour indiquer la volonté publique de résorber ce différentiel fiscal et revenir à des choix de motorisation uniquement dictés par la qualité des dits moteurs. Compte tenu des besoins de financement du transport public et des infrastructures, nous avons également souhaité relever à son niveau antérieur le plafond de financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, et le garantir.

M. Patrick Ollier. Vous avez raison : il faut le relever et le renforcer !

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis. S’il est facile de relever ce plafond, il est plus compliqué de le garantir. Pour cela, nous avions suggéré un rattrapage fiscal du diesel, qui aurait également permis de financer une incitation à l’évolution du parc, tant pour les ménages les plus modestes, qui utilisent les véhicules les plus anciens, les plus gourmands en carburant et les moins performants au regard de l’environnement, que pour les professionnels, en promouvant notamment l’utilisation du gaz dans la motorisation des poids lourds.

Nous avons donc souhaité donner quelques indications. Les choix seront faits après notre discussion, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. Nous pourrons peut-être aborder l’an prochain, puisque la commission du développement durable a vocation à réfléchir au long terme, l’assiette de la contribution au service public de l’électricité. Aujourd’hui assis uniquement sur l’électricité, ce prélèvement est tout de même destiné à financer la lutte contre la précarité énergétique, le service public d’accès à l’énergie et la transition énergétique.

M. Hervé Mariton. Et de combien souhaitez-vous l’augmenter ?

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a donné pour la première fois un avis sur la première partie de la loi de finances. Elle l’a fait dans un délai restreint, en focalisant son examen sur une question importante, celle des carburants et de l’énergie. Nous avons bien l’intention – on ne s’occupe pas de développement durable sans une certaine opiniâtreté – de poursuivre ce travail, inauguré l’année de la COP 21, dans les années qui suivront. Nous pourrons alors continuer de participer, dans le souci de l’équilibre des dépenses publiques, à leur efficacité environnementale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, je retiens un chiffre dans ce projet de loi de finances pour 2016 : 200 milliards d’euros. C’est le besoin de financement de notre pays en 2016. Et c’est aussi un record dans la zone euro.

M. Dominique Baert. Regardez les chiffres de 2010 et 2011 !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Bien sûr, M. le secrétaire d’État chargé du budget a expliqué, lors de son audition par la commission des finances, que la France n’empruntera que 187 milliards d’euros.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Comme cette année !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est, là encore, un record. Nous sommes, chers collègues, placés sous anesthésie générale en raison des niveaux anormalement bas des taux d’intérêt. Mais dès que les taux remonteront, notre pays se trouvera confronté à des difficultés extrêmes. Je me demande parfois, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, si vous en êtes conscients. (« Non ! » sur les bancs du groupe Les Républicains) N’en êtes-vous pas à espérer que les taux ne recommencent à augmenter qu’à partir du printemps 2017 ?

Dans ce projet de budget, il y a un élément positif, c’est que vous vous focalisez sur le déficit effectif, fixé à 3,3 % du PIB, soit 72 milliards d’euros, et que vous n’évoquez presque plus le solde structurel, qui permettait de se rassurer à bon compte. Je vous approuve totalement de donner la priorité à la réduction du vrai déficit, c’est-à-dire celui que l’on emprunte ; les problèmes que notre pays va inévitablement rencontrer seront en effet liés à sa dette, celle-ci s’approchant dangereusement des 100 % du PIB.

Néanmoins, la question qu’il faut se poser est de savoir si vous vous donnez les moyens d’atteindre cet objectif.

M. Philippe Gosselin. Très certainement : non !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. À titre personnel, je ne le pense pas non plus.

Faisons d’abord un rapide retour sur 2014 et 2015. En 2014, le déficit avait été réduit à 3,9 % du PIB, ce qui était encore l’un des déficits les plus élevés de la zone euro. En 2015, l’effort de réduction du déficit fut… impressionnant : 0,1 point ! Il est passé à 3,8 % du PIB. Inutile de s’en glorifier : ce fut la plus piètre performance de la zone euro.

Vouloir réduire le déficit en 2016 de 0,5 point, à 3,3 % du PIB, voilà un véritable défi, autrement plus difficile à relever que celui de 2015 ! Le Gouvernement et sa majorité en seront-ils capables ? Je conçois quelques inquiétudes à ce sujet, que je vais essayer de vous présenter de la façon la plus objective possible. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Je ne critiquerai pas la prévision de croissance : 1,5 %, ce n’est pas une prévision prudente, c’est une prévision atteignable – à une condition toutefois : que l’investissement reparte. Je veux saluer à ce propos la qualité du rapport de notre rapporteure générale, qui est extrêmement lucide ; la première chose que souligne Valérie Rabault, c’est en effet l’impératif que l’investissement reparte.

M. Philippe Gosselin. On en est loin !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. L’investissement, c’est d’abord celui des entreprises. Vous prévoyez une hausse de 3,7 %, ce qui n’est pas du tout dans la continuité de ce que l’on observe depuis le début de l’année. Il y a en effet un paradoxe, que soulignait à l’instant Valérie Rabault : les taux de marge se reconstituent – ils ont gagné plus d’un point, passant de 29 % à plus de 30 % –, et pourtant l’investissement ne repart pas. Pourquoi ? C’est que la confiance n’est pas là. Comment pourrait-elle revenir quand on sait le matraquage fiscal tous azimuts que les entreprises ont subi au début de la législature ? Funeste commencement ! Mettez-vous à la place des patrons de PME ou de TPE : comment peuvent-ils avoir confiance alors que des dizaines d’amendements ont été déposés par la majorité en vue de remettre en cause le CICE ? Mieux aurait valu, messieurs les ministres, procéder à une baisse directe des cotisations sociales patronales !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cela aurait changé quoi ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Voilà qui aurait été clair, ferme, lisible, définitif. Vous vous seriez épargné bien des difficultés avec les frondeurs… Le problème, c’est que c’est ce que nous, la précédente majorité, avions décidé en mars 2012, et que cela disqualifiait la mesure. Triste alternance !

Ensuite, il y a l’investissement des ménages. Ceux-ci vont-ils redresser la barre du logement ? On observe depuis 2012 un effondrement cumulé de plus de 20 % de l’investissement des ménages dans le logement. On n’a jamais aussi peu construit en France. Comment réussir à relancer la machine quand les lois Duflot, faites d’idéologie et de dogmatisme, continuent à sévir ? Là encore, funeste commencement !

M. Gérard Menuel. Eh oui !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je peux en témoigner : ma circonscription, toute proche de Paris, se trouve en zone hypertendue ; or, bien que la demande de logements solvable soit considérable, la machine ne repart pas ! J’écoutais avec attention notre collègue Pupponi – j’ai soutenu l’adoption des divers amendements qu’il a proposés : nous sommes victimes d’un amoncellement de réglementations, qui paralysent le secteur du logement.

M. Philippe Gosselin. Bien sûr !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et puis, il y a les collectivités territoriales. La baisse des dotations, je ne la désapprouve pas, monsieur le ministre, mais elle est trop brutale !

M. Serge Grouard. Trop rapide !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Elle est tellement brutale que, faute de pouvoir s’ajuster sur les dépenses de fonctionnement, trop rigides, les élus en viennent, contre leur gré et parfois la mort dans l’âme, à diminuer en priorité les dépenses d’investissement.

M. Patrick Ollier. Bien sûr ! Il a raison !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Souvenez-vous : c’était à l’automne 2011, il y a quatre ans ; le gouvernement de l’époque s’était risqué à une petite diminution des dotations, de 200 millions d’euros. Que n’a-t-on entendu ! Des cris, non pas de goret, madame la présidente, mais d’orfraie ! (Sourires.) Et comme, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes doté d’un organe vocal particulièrement puissant, je me rappelle que vous ne cessiez de vous écrier : « 200 millions, c’est impensable ! ». C’est ainsi que l’on a abordé la campagne électorale, en promettant que les dotations ne baisseraient pas ; et effectivement, dans la loi de finances pour 2013, elles n’ont pas été réduites. Résultat : une amputation de 1,5 milliard en 2014, et de 3,7 milliards par an en 2015, 2016 et 2017. C’est beaucoup trop rapide ! Vous payez là le prix de votre incohérence et de promesses mirobolantes de campagnes électorales que l’on n’arrive pas à tenir. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Marc Goua. Nous essayons surtout de solder la gestion de nos prédécesseurs !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je voudrais appeler votre attention sur un point : le climat anxiogène qui entoure aujourd’hui les maires – car ce sont les communes, les principaux investisseurs – est aggravé par les incertitudes d’une réforme de la dotation globale de fonctionnement qui ne devrait pas figurer dans ce projet de loi de finances.

M. Gérard Menuel. Eh oui, c’est la double peine !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. À l’heure où je vous parle, il est impossible de disposer de simulations : on ne sait pas où l’on va.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce n’est pas vrai !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je le dis en toute amitié à Christine Pires Beaune : votre réforme, j’y adhère, là n’est pas le problème, mais pourquoi n’avez-vous pas écouté les associations d’élus et le comité des finances locales, qui, unanimes, réclamaient un texte de loi spécifique, de façon à bien cerner le sujet ? Vous ajoutez à l’anxiété l’incertitude d’une réforme que personne ne maîtrise – j’ai essayé de m’y plonger, je ne comprends rien à la manière dont la dotation de centralité sera calculée ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous êtes gonflé !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Alors, je ne vois aucune raison pour que l’investissement reparte ! Les entreprises continuent de reconstituer leurs marges. D’ailleurs, soit dit en passant, quand on voit les sommes qui sont stockées sans être investies, il serait bon de se poser des questions ; Thierry Mandon l’avait fait il y a deux ans, nos collègues Olivier Carré et Christophe Caresche l’ont fait dans un rapport récent : parmi les problèmes de confiance que j’ai évoqués, il y en a un qui a trait à la fiscalité, et il faudrait avoir le pragmatisme d’y regarder de près – je ne prononcerai pas le nom de cet impôt tabou, car le secrétaire d’État réagirait de trop violente façon...

Inquiétude donc concernant l’investissement. Alors, peut-on attendre quelque chose du côté de la consommation ? La baisse de 2 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu va rendre du pouvoir d’achat à plusieurs millions de ménages, j’en conviens ; malheureusement, ce ne sont pas les ménages dont le pouvoir d’achat a été amputé par les hausses d’impôt massives intervenues depuis 2011 qui sont concernés !

M. Michel Sapin, ministre. Cela représente 10 % des ménages !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Un tiers des foyers fiscaux, selon le rapport de la rapporteure générale !

M. Michel Sapin, ministre. Un tiers des foyers fiscaux, c’est-à-dire combien de Français ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Un tiers des foyers fiscaux ont été touchés par l’abaissement du plafond du quotient familial, par la fiscalisation des retraités qui ont eu trois enfants ou plus, par la réforme des complémentaires santé, etc. Comment voulez-vous que ces 10 millions de foyers fiscaux reprennent le chemin de la consommation alors qu’il se produit chez eux un phénomène psychologique, que l’on ressent profondément sur le terrain, qui fait qu’ils se sentent stigmatisés par le Gouvernement, par la majorité et même par le Président de la République ? Car, si l’on en croit les simulations de la rapporteure générale, c’est précisément à partir de 4 000 euros que l’on n’a plus droit à rien !

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Pour un ménage avec deux enfants en région parisienne, qui doit payer un loyer de 1 000 à 1 500 euros s’il ne bénéficie pas d’un logement social, 4 000 euros, est-ce être riche ?

Je suis donc inquiet, et je ne suis pas du tout sûr que la consommation des ménages repartira.

D’ailleurs, les chiffres le confirment ! Le rendement de l’impôt sur le revenu stagne, autour de 70 milliards ; pourquoi ? Et ces départs pour l’étranger, auxquels vous opposez une sorte de déni ; on vient d’avoir les chiffres de 2013 : le nombre de ménages ayant plus de 300 000 euros de revenus par an et qui ont quitté notre pays a été multiplié par trois depuis 2011 ; à cela s’ajoute une véritable hémorragie de retraités vers le Portugal depuis deux ans. Tout cela, ce sont des signes auxquels il faut faire attention !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce sont des réalités !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Les riches sont partis, mais si maintenant ce sont les petits riches qui partent, où va-t-on ?

M. Michel Sapin, ministre. N’importe quoi !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous prétendez qu’il n’y a pas de concentration de l’impôt ; voici les chiffres : 37 000 foyers fiscaux sur 37 millions, soit un sur mille, paient à eux seuls 10 % de l’impôt sur le revenu. Rendez-vous compte !

M. Dominique Lefebvre. Et quel est le taux moyen d’imposition pour ces gens-là ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il s’agit de l’impôt le plus concentré au monde.

Malgré ces données évidentes, la majorité poursuit dans la même voie. L’article 34, qui instaure le prélèvement à la source, est la première étape de la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) D’ailleurs, l’amendement de notre collègue Jean-Marc Ayrault, signé par 130 députés de la majorité, qui tend à transformer la prime d’activité en progressivité de la CSG ne trompe personne !

Je sais que les deux membres du Gouvernement ici présent en sont conscients, mais une telle réforme – la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu – sera le martyre fiscal pour les familles et les classes moyennes, la négation de la valeur travail, la négation de l’effort et de la responsabilité individuelle, et, au contraire, la promotion de l’assistance, de l’irresponsabilité et de la dépendance à la collectivité nationale. Car les débats fiscaux sont au cœur des valeurs d’une société ; or, sur ce sujet, nos valeurs sont différentes des vôtres !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous, nous défendons la liberté, l’effort récompensé par la réussite, la responsabilité,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Et la justice !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …et non la soumission à la collectivité.

Oui, madame Dalloz, c’est en effet une forme de justice sociale !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ah ça, ils nous en ont assez parlé, de la justice !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est pourquoi, chers collègues, dans ce climat général de défiance et d’incertitude, je ne suis pas sûr que les recettes espérées soient au rendez-vous. La rapporteure générale évoque un taux d’élasticité de 1,3 : belle ambition ! On est par ailleurs confronté au paradoxe souligné tout à l’heure par Hervé Mariton : le taux des prélèvements obligatoires ne va pratiquement pas diminuer.

M. Hervé Mariton. Il va diminuer de 0,1 point !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. On a en effet oublié de tenir compte de certaines augmentations, comme la contribution climat-énergie ou la contribution au service public de l’électricité– je n’ai pas le temps de toutes les citer.

Mon second sujet d’inquiétude concerne les dépenses. Les 16 milliards d’économies prévues seront-elles au rendez-vous ? Comme le Haut Conseil des finances publiques et, me semblait-il, la rapporteure générale, on peut en douter.

Je commencerai par reconnaître qu’un vrai effort de réduction a été fait.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Oh, merci, monsieur le président de la commission des finances !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le rythme est presque divisé par deux par rapport aux périodes précédentes – et si l’on remontait, non pas à 2002, mais à 1997, la réduction serait encore plus spectaculaire !

Toutefois, il faut tenir compte de l’inflation ; car en volume, la dépense publique va continuer à augmenter en 2015 de 0,9 point, ce qui est tout de même beaucoup.

Mme Véronique Louwagie. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. D’abord, je crois, monsieur le secrétaire d’État au budget, qu’il faut abandonner le raisonnement par tendances ; ce n’est pas parce qu’on l’a toujours utilisé qu’il faut continuer. Vous avez raison sur un point : compte tenu du vieillissement, il faut raisonner par tendances s’agissant de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM ; mais pour ce qui est des autres dépenses, il faudrait s’astreindre à raisonner comme la ménagère – comme chacun d’entre nous quand il s’agit de son budget personnel.

Je remercie la rapporteure générale d’avoir engagé cet effort méthodologique. Dans son rapport, elle s’efforce en effet de distinguer ce qu’elle appelle « l’effort budgétaire », à savoir la moindre augmentation, c’est-à-dire la diminution de l’augmentation – si je puis dire… – des dépenses publiques, et les économies nettes, celles qui comptent réellement.

L’envolée des crédits d’impôts hors CICE m’inquiète aussi. Faites attention notamment au CITE, le crédit d’impôt pour la transition énergétique, qui coûtera 1,4 milliard en 2016.

Cela me rappelle le combat que j’ai perdu en 2007 s’agissant du dispositif prévu à l’article 200 quater du code général des impôts – c’était l’équivalent, sous la précédente majorité, du crédit d’impôt transition énergique sous celle-ci. Il devait représenter 900 millions d’euros ; deux ans plus tard, son coût était passé à 2,6 milliards d’euros ! Vous vous en souvenez, n’est-ce pas ? Nous avions convoqué à plusieurs reprises le ministre de l’écologie de l’époque, mais rien n’y a fait : nous avons dû rester spectateurs. Ne vous laissez pas faire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, car il y a là un vrai danger.

Au passage, d’ailleurs, je regrette que vous n’ayez pas du tout tiré parti de l’excellent rapport de l’Inspection générale des finances au sujet des niches sociales. Nous avons essayé, avec Mme la rapporteure générale, de faire la chasse aux amendements de niche. Nous en avons débusqué des dizaines et des dizaines, provenant de tous les bancs de cette assemblée. Malgré tout, nous en avons laissé passer quelques-uns.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Trop !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous nous aiderez à leur faire échec en séance, car nous devons être très attentifs à la question des dépenses fiscales.

Je terminerai en abordant les réformes – je ne parle pas là des économies structurelles, mais des vraies réformes. Ce projet de budget ne contient pas de vraie réforme.

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Damien Abad. C’est vrai ! Il n’y a rien dedans !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Que seraient ces vraies réformes ? C’est assez simple. D’abord, baisser les effectifs ; or, vous prévoyez de les augmenter de 8 300. Ensuite, réformer les retraites. Or qui a mené des réformes des retraites certes dures, mais efficaces ? En 1993, c’est nous ! En 2003, c’est nous ! En 2010, c’est nous !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Et en 2013, c’est nous !

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Patrick Ollier. La réforme de 2013 a coûté plus cher que les autres !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous parlez de la réforme de 2013 ? Mais avec le compte pénibilité, elle a coûté plus cher ! Il faut donc s’astreindre à de vraies réformes.

Pour terminer, madame la présidente, permettez-moi d’ajouter un mot sur les conditions d’exécution du budget 2016. Ce sera le dernier budget pleinement exécuté sous cette majorité. Il faudrait donc que nous puissions le suivre mois après mois. Or la loi de règlement pour l’année 2016 ne sera examinée qu’en mai ou juin, voire fin juin 2017. Nous ne pourrons donc pas discuter de l’exécution de ce budget.

Seules subsisteront alors les obligations européennes, puisque le programme de stabilité, en tout état de cause, devra être transmis à Bruxelles au mois d’avril 2017 dans le cadre de ce que l’on appelle le « semestre européen ». Je vous demanderai donc deux choses, monsieur le ministre, car je sais que vous êtes soucieux de transparence, de sincérité budgétaire, et qu’il vous importe de bien associer le Parlement à l’évolution et à la vérité des comptes publics.

La première demande est la suivante : en 2016, même si nous n’avons pas de collectif budgétaire en milieu d’année, il faudrait que nous ayons tous les moyens nécessaires – avec, notamment, le concours de la Cour des comptes et du Haut conseil des finances publiques – pour suivre pas à pas l’exécution du budget. C’est important, car l’exécution budgétaire sera plus difficile qu’en 2015.

Seconde demande : s’agissant des programmes de stabilité, nous devrions avoir deux débats dans cet hémicycle, contrairement à ce qui s’est passé en 2015. Il faudrait que le premier de ces débats ait lieu en avril 2016, lorsque vous transmettrez à Bruxelles les documents exigés, et le second début mars 2017 : c’est là que nous verrons vraiment si les comptes de l’année 2016 ont été correctement exécutés, et où nous en serons dans le début de l’exécution du budget pour l’année 2017.

Je vous fais confiance, monsieur le ministre, car la vérité des comptes publics, c’est la base de la démocratie. Je sais que vous êtes soucieux de transparence, et que vous êtes attaché aux droits du Parlement. Pour conclure, j’espère que ces deux propositions rencontreront votre accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, comme cela a été rappelé il y a quelques instants, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, que j’anime, s’est pour la première fois saisie de la partie recettes du projet de loi de finances, afin de pouvoir voter sur les articles traitant de la fiscalité de l’environnement et des transports. Cette nouveauté est un bon signal : les idées de respect de notre planète et de durabilité de notre modèle de développement sortent d’une certaine marginalité et deviennent davantage transversales au sein du programme de travail de l’Assemblée nationale.

Le fait que la France accueille la COP 21 à Paris dans quelques semaines, puis la préside durant une année entière, a bien sûr contribué à cette prise de conscience. Dans un mouvement réciproque, cette responsabilité nous oblige plus que jamais à la cohérence entre les engagements pris par le Gouvernement au plan international et les mesures appliquées au sein de notre pays.

Dans le monde, l’extraordinaire accélération des émissions de gaz à effet de serre a conduit au dépassement en termes de concentration mensuelle de la moyenne de dioxyde de carbone, ce qui nous rapproche du point de basculement climatique de la terre. À ce rythme, l’objectif fixé par la communauté internationale de limiter, à l’horizon de la fin du siècle, le réchauffement à deux degrés au-dessus du niveau préindustriel, est désormais quasi intenable.

Afin d’adapter notre pays au changement climatique, et d’atténuer celui-ci, le Parlement français a voté l’été dernier la loi de transition énergétique. Il convient de faire plus et mieux, notamment en matière de transports – secteur qui émet le plus de gaz à effet de serre. C’est pourquoi l’Assemblée nationale a mis en place, dès la loi de finances 2014, la contribution climat-énergie, en arrêtant son montant pour les années 2014, 2015 et 2016.

Les députés ont ensuite fixé, à l’occasion de la loi de transition énergétique, le prix de la tonne de carbone pris en compte pour le calcul de cette dernière à 56 euros en 2020 et 100 euros en 2030. Comme l’a rappelé Jean-Yves Caullet, il convient évidemment de compléter la trajectoire de prix du carbone pour les années 2017, 2018 et 2019, afin, d’une part, de ne laisser aucun doute sur la volonté des autorités publiques et, d’autre part, de rendre lisible, prévisible et claire cette évolution, pour que les acteurs économiques puissent s’y préparer en toute transparence. Des institutions internationales comme la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international, des entreprises comme GDF Suez ou Total, la société civile via l’ensemble des ONG climatiques, toutes réclament des États qu’ils fixent un prix au carbone. L’approche de la COP 21 doit nous pousser à ne plus différer cette mesure de bon sens, en répondant simplement à cette demande.

Dans notre pays, un autre signal prix constitue une véritable anomalie. Cette anomalie est liée au privilège fiscal que l’État accorde au carburant le plus polluant en microparticules et le plus dangereux pour la santé humaine : le gazole. Il convient donc, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de finances – ou du projet de loi de finances rectificative –, de commencer à y mettre fin. Là encore, il faut agir de manière progressive, afin qu’à terme – nous pourrions fixer ce terme à 2025 – le gazole soit taxé de la même manière que l’essence sans plomb. Le niveau historiquement bas du prix du baril de pétrole facilite cette mesure de salubrité publique qui, au-delà de la bonne santé de nos concitoyens, doit aussi être envisagée en termes de réduction des dépenses sanitaires. Demain, les véhicules diesel existeront toujours, mais ils seront achetés en fonction de leurs caractéristiques techniques – moteur, usages, déplacements – et non de leur avantage fiscal. Les grandes marques automobiles, comme leurs clients, doivent intégrer dans leurs investissements la fin, d’ici à dix ans, de cet avantage fiscal.

Il s’agit donc bien, dans mon esprit, de mettre en place une fiscalité incitative, dont le produit doit permettre aux agents économiques de s’engager dans une transition bas carbone. Le produit de cette fiscalité doit ensuite servir trois objectifs : le premier est d’inciter les transporteurs routiers à s’équiper de poids lourds fonctionnant au GNV – gaz naturel pour véhicules – au bio-GNV et à l’électricité, et d’inciter les particuliers à s’équiper de véhicules plus économes et moins polluants, qu’ils soient à essence, hybrides ou électriques.

Le deuxième objectif est d’accompagner les acteurs économiques dans cette transition particulièrement difficile, notamment pour les ménages vulnérables, les secteurs d’activité exonérés actuellement pour le gazole et les entreprises exposées à la concurrence internationale.

M. Hervé Mariton. Et le monde rural ?

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Il est compris dans les ménages vulnérables.

Le troisième objectif est de procurer aux agents économiques des solutions de remplacement, afin de sortir du tout-routier individuel, en finançant des transports en commun et des infrastructures de transport moins polluantes et plus économes en émissions de gaz à effet de serre, via l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.

J’en finirai en précisant bien ma pensée. On ne pourra fiscaliser le gazole de la même façon que l’essence qu’en augmentant la TICPE – la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – portant sur le gazole jusqu’à ce qu’elle rejoigne celle qui s’applique à l’essence. Un mouvement en ciseaux, qui consisterait à augmenter la fiscalité du gazole et à diminuer celle de l’essence, serait contradictoire avec le signal prix que la COP 21 nous demande d’adresser à l’ensemble des citoyens.

Le changement climatique nous contraint à transformer le système énergétique en diminuant, au sein du mix énergétique, l’ensemble des énergies fossiles au profit des énergies renouvelables, et à bâtir un modèle de développement plus durable et plus sobre en carbone. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, il y a comme un décalage entre le ton du débat dans cet hémicycle et le ton du Gouvernement lors de la présentation du projet de loi de finances.

Chacun a pu observer que vous avez d’abord fait le choix d’une grande discrétion ; vous avez fait profil bas, lors de la présentation publique de ce projet de budget. En conseil des ministres, vous avez fait passer le message selon lequel, au fond, dans ce budget, il n’y avait pas grand-chose, ni en moins ni en plus. La présentation faite tout à l’heure dans cet hémicycle par Michel Sapin et Christian Eckert a été plus glorieuse, plus avantageuse, plus fausse.

Ce profil bas – c’est la ligne publique que vous avez décidé d’adopter – pourrait faire penser que la réalité budgétaire dans notre pays aurait atteint un plateau. Cela aurait pour vertu de faire passer la résignation pour de la sagesse. Notre groupe considère qu’en réalité, ce plateau n’a rien de rassurant, ni au regard des premières années de cette législature, ni au regard des perspectives que vous avez tracées vous-mêmes.

Si j’en crois votre programmation, la dette aura augmenté de 400 milliards d’euros au cours du présent quinquennat. Vous pourriez rétorquer que lors du précédent quinquennat, cette dette a augmenté de 600 milliards d’euros – et vous auriez raison de dire cela.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Merci de le rappeler, monsieur Mariton !

M. Hervé Mariton. Je suis complet, cohérent et constant dans mes analyses depuis de nombreuses années.

M. Philippe Gosselin et M. Guillaume Chevrollier. Et objectif !

M. Hervé Mariton. Mais l’erreur d’hier ne justifie pas que l’on persévère dans l’erreur aujourd’hui !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous parlez d’erreur !

M. Serge Grouard. Les circonstances n’étaient pas les mêmes !

M. Hervé Mariton. Ce plateau n’est en rien rassurant, disais-je : il est même inquiétant. Il est inquiétant, tout d’abord, en raison de la fragilité des hypothèses économiques. C’est ce qu’a dit le Haut conseil des finances publiques – en termes polis, certes, ce qui est légitime – et c’est aussi ce qu’a dit Didier Migaud lorsqu’il s’est exprimé devant notre commission.

Monsieur Eckert, vous qui avez de grandes capacités en mathématiques, vous savez sans doute que chercher une démonstration conforme au résultat est une bien mauvaise manière de procéder ! Il serait plus rigoureux, et plus mathématique, de chercher le résultat de sorte qu’il soit conforme à la démonstration. Parfois, en politique, quand on veut atteindre un résultat, on force la démonstration : ce n’est pas digne d’un professeur de mathématiques !

Au fond, la première vertu de vos hypothèses économiques introduites au chausse-pied est de vous rapprocher des engagements pris, pour éviter les foudres de Bruxelles. C’est dans cette optique que vous avez construit vos hypothèses tendancielles. Je suis d’accord sur ce point avec le président Carrez : nous touchons manifestement aux limites du raisonnement en tendanciel.

Certes, il n’y a là rien d’inédit, mais il y a manière et manière de construire des hypothèses tendancielles. Les vôtres sont fabriquées dans l’unique but de vous faire échapper à de trop sévères critiques de la part de Bruxelles – c’est notamment le cas de votre hypothèse d’une croissance en valeur du PIB de 2,5 %. Votre hypothèse de croissance n’est pas strictement impossible, mais elle est plutôt optimiste. Quant à votre hypothèse d’inflation, personne n’y croit ! Tout cela, évidemment, vous facilite beaucoup le travail pour afficher des économies en tendanciel.

La croissance potentielle est systématiquement supérieure à la croissance réelle. À la fin, quel sens a cette notion ? Vous avez d’ailleurs vous-mêmes augmenté artificiellement – car il fallait que la démonstration fût conforme au résultat – la croissance potentielle afin d’augmenter votre vertu structurelle. Ce n’est plus une affaire de chiffres, c’est de la cosmétique !

L’an dernier, en commission, Michel Sapin m’avait tenu des propos un peu curieux, selon lesquels les habitants du Vercors et de la Drôme ne devaient pas à ce point se passionner pour les chiffres cités dans le débat budgétaire.

Mais, dans un débat budgétaire, il est bon de s’occuper un peu de chiffres, qu’en l’occurrence vous aurez forcés.

Malgré nos remarques à ce sujet en commission, vous prétendez, ce soir encore, tenir vos engagements. Or ces engagements, monsieur le ministre, vous les violez. Premier exemple : le report d’un trimestre de la baisse des charges des entreprises. Ce report a un coût : il représente, pour les entreprises, une charge supplémentaire de 1 milliard d’euros.

Vous aviez aussi évoqué la stabilisation des effectifs de la fonction publique. Cet engagement n’est pas tenu non plus : si, sur ce point, les motifs sont bons, les sentiments ne le sont pas. Les bons motifs, c’est l’augmentation, commandée par les événements, des effectifs de défense et de sécurité. Mais gouverner, c’est choisir.

M. Alain Fauré. C’est aussi prévoir !

M. Hervé Mariton. Lorsqu’il y a une priorité, il faut en tirer les conséquences ; lorsqu’il y en a vingt, cela veut dire qu’il n’y en a plus. La hausse des effectifs dans l’éducation se poursuit, bien que vous sachiez fort bien, au-delà de vos raisonnements clientélistes, que le nombre d’enseignants n’a jamais été corrélé avec la qualité de l’éducation offerte à nos concitoyens.

La réforme de l’éducation, vous le savez, passe par d’autres moyens, et d’abord par un courage qui vous fait défaut pour mener des réformes de fond – nous y reviendrons. Ces réformes, elles n’ont pas vocation à n’être que comptables : elles doivent parfois l’être, cela peut aider, mais elles supposent, disais-je, un courage que vous n’avez pas. Aussi vous bornez-vous à augmenter les effectifs, sans procéder aux arbitrages nécessaires. Résultat : les augmentations d’effectifs dans les domaines prioritaires de la défense et de la sécurité ne sont en rien gagées.

J’ai beaucoup de respect et de considération pour M. Chanteguet, qui a mené des travaux sérieux sur plusieurs sujets, à commencer par l’écotaxe, à propos de laquelle on a dit tout et son contraire, quels que soient les bords politiques.

M. Serge Grouard. Exact.

M. Alain Fauré. C’est surtout dans l’opposition que l’on a entendu tout et son contraire !

M. Hervé Mariton. Le président de la commission des finances a cependant rappelé les craintes que l’on pouvait nourrir quant à l’évolution de la fiscalité écologique, en particulier de la TICPE. L’écologie a bon dos, et je veux alerter nos concitoyens au-delà des murs de notre assemblée : nous partageons les impératifs écologiques et sommes favorables au développement durable, mais que ne met-on sous le pavillon de l’écologie ! Les Français ont beaucoup à craindre à cet égard, car tout cela abîme une belle idée : quand ils auront compris qu’on invoque l’écologie pour masquer les augmentations d’impôt, alors c’est une priorité forte, que nous faisons nôtre sur tous ces bancs, que le Gouvernement aura abîmée.

Les économies ne sont pas au rendez-vous. Vous sacrifiez de ce point de vue, madame la rapporteure générale, à un exercice que d’autres avant vous ont sans doute connu, celui qui consiste à associer rigueur – y compris vis-à-vis des amis politiques – dans le rapport écrit et amabilité à l’oral : c’est un peu l’inverse de ce que l’on pratique dans la magistrature.

Vos propos ne sauraient toutefois contredire ce que vous avez écrit.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Qu’ai-je donc écrit ? Allez-y, lisez-moi…

M. Hervé Mariton. Les évaluations sont imprécises, en effet ; et lorsqu’elles deviennent plus précises, il s’agit, pour l’essentiel, d’économies de constatation.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ça, je ne l’ai pas écrit !

M. Alain Fauré. Ne sortez pas les choses de leur contexte !

M. Hervé Mariton. La baisse du prélèvement européen, le niveau de la charge de la dette : tout cela ne témoigne d’aucun courage quant aux réformes structurelles. Quelques efforts sont consentis, certes, mais ils proviennent, pour beaucoup, d’économies de constatation et, à certains égards, de la poursuite de la logique du « rabot ».

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Le revoilà, celui-là ! On l’avait oublié !

M. Hervé Mariton. Si cette logique a sans doute son utilité, elle ne saurait constituer l’essentiel de l’effort de maîtrise de la dépense. Les chiffres suggèrent une réalité inquiétante. Tout à l’heure, M. le secrétaire d’État est passé directement, dans ses comparaisons sur les prélèvements obligatoires, de 2014 à 2016, oubliant qu’il y avait eu une année 2015 : assumez-la, monsieur le ministre !

De fait, la réalité de vos propres chiffres est simple : les prélèvements obligatoires représentaient 44,6 % du PIB en 2015 et en représenteront 44,5 % en 2016. Appeler cela une baisse des impôts,…

M. Dominique Baert. Ce n’est pas une hausse, que je sache !

M. Hervé Mariton. …c’est tromper les Français – au sujet desquels j’aurai garde de reprendre la comparaison peu agréable que M. le secrétaire d’État a utilisée à mon endroit, même si, comme l’a rappelé Mme Grosskost, ces animaux, dans la Drôme, sont fort utiles à la trufficulture, à laquelle beaucoup d’entre nous sont attachés.

M. Patrick Ollier. C’est vrai !

M. Hervé Mariton. Au mieux, le Gouvernement pourrait parler de stabilité.

Vous parlez – c’est le jeu – des baisses d’impôt ; mais si les prélèvements obligatoires restent stables, c’est bien qu’il y a des augmentations par ailleurs ! Ne serait-il pas bienvenu que vous en parliez de temps à autre ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Ils se gardent bien de le faire !

M. Hervé Mariton. Ainsi que je l’observais à propos de la fiscalité écologique, le collectif budgétaire de cette fin d’année s’annonce très inquiétant, avec des dizaines de milliards d’euros d’augmentations d’impôt et de CSPE dans les tuyaux.

Comme vous l’avez précisé dans votre présentation, monsieur le ministre, le déficit du budget de l’État va baisser de 1 milliard d’euros, à rapporter à un total de plus de 70 milliards : on voit bien que le compte n’y est pas.

Au demeurant, d’autres comptes n’y sont pas non plus. En commission des finances, Mme la rapporteure générale ne m’a pas répondu sur la recapitalisation d’Areva, que M. Sapin a pourtant évoquée récemment dans les médias. Cette recapitalisation n’est pas le choix d’un actionnaire avisé – sinon, l’État n’aurait pas été appelé à verser au pot. Au regard des normes européennes, cette opération n’est pas un investissement mais une dépense, qui à ce titre doit être inscrite dans les déficits.

M. Michel Sapin, ministre. Non, c’est inexact !

M. Hervé Mariton. Ce sont les définitions techniques des normes bruxelloises, monsieur le ministre ; mais peut-être entendez-vous les changer : vous nous le direz.

M. Michel Sapin, ministre. Ce que vous dites est inexact !

M. Hervé Mariton. Je pourrais d’ailleurs prendre d’autres exemples de cette nature, si bien que l’on peut craindre, dans les mois qui viennent, une aggravation des déficits non présentée à l’Assemblée aujourd’hui.

La dette augmentera elle aussi. Le président de la commission des finances a rappelé les besoins de financement de notre pays, même si vous n’avez pas voulu répondre sur ce point en commission, monsieur le ministre. La dette passera de 96,3 % à 96,5 % du PIB : j’ai du mal à appeler cela une maîtrise ou une baisse.

Vous revendiquez une bonne tenue de l’ONDAM : on peut en effet s’en réjouir, à ceci près qu’elle cache une aggravation très sensible de la dette du secteur hospitalier, comme vous le savez. Bref, vous imputez sur la dette une maîtrise largement artificielle des dépenses de santé, hypothéquant ainsi l’avenir.

Comme Gilles Carrez, je suis de ceux qui ne contestent pas la nécessité d’une maîtrise et même d’une baisse des dépenses des collectivités locales ;…

M. Alain Fauré. Avec vous elles avaient triplé !

M. Hervé Mariton. …mais faut-il encore la réaliser avec justesse et justice.

Nous ne devons ni renier nos propos d’hier, ni contredire ceux de demain. La maîtrise des dépenses des collectivités locales, les économies, disais-je, sont indispensables. Didier Migaud l’a rappelé devant la commission des finances : globalement, le sous-investissement public n’est pas si considérable. Les secteurs du logement et des travaux publics doivent apprendre à vivre autrement qu’avec l’assistance systématique de la dépense publique.

Cela dit, il y a une manière de faire, et la vôtre est détestable. Ce budget, loin d’être un plateau, ouvre devant nous des abysses, tant vos choix – et vos non-choix –, les fictions et les illusions que vous entretenez, interdisent toute maîtrise de l’avenir.

S’agissant de la retenue à la source, plus vous en parlez, moins il y en a ; moins il y en a, plus vous en parlez. Le projet de loi de finances ne contient rien en cette matière, tellement rien que cette mesure fera l’objet d’un débat ultérieur puisque, après avoir voulu l’introduire dans le débat budgétaire, vous avez été ramené à la sagesse.

Vous aviez parlé de réforme « irréversible », sans oser répéter ce mot dans l’hémicycle, ce dont je vous remercie. Vous avez parlé, je crois, de réforme solide et de pas important ; mais, en démocratie, c’est la représentation nationale qui choisit. Or, outre que vous n’aurez pas le temps de mettre en œuvre une telle réforme avant l’alternance, elle ne sera heureusement pas irréversible : non pas en vertu de je ne sais quel dogmatisme, mais parce qu’elle est dangereuse et anesthésiante. Les Français doivent en effet connaître le montant de l’impôt qu’ils acquittent. Aujourd’hui, ils savent peu ce qu’ils paient en CSG, mais ils savent ce qu’ils paient en impôt sur le revenu.

Dangereuse, cette réforme l’est aussi en ce qu’elle est peu compatible avec la conjugalisation et la familialisation de l’impôt ; en ce qu’elle facilite l’augmentation de l’impôt et l’aggravation de la concentration de l’effort fiscal ; en ce qu’elle fait craindre une négociation salariale « nette de net » – c’est-à-dire nette d’impôt et de charges sociales –, qui serait déstabilisante et très inégalitaire au sein des entreprises.

Les risques d’une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG ont été d’ailleurs exposés par le président de la commission des finances. Nous sommes résolument contre un tel dispositif.

Des amendements en apparence anodins posent des questions de principe, tel celui voté en commission par nos collègues socialistes sur la déconjugalisation de l’impôt. J’imagine que vous mesurez, chers collègues, la gravité de cette mesure. Le système fiscal français, reflet en cela de choix de société, est conjugalisé : il reconnaît le foyer fiscal davantage que l’individu. Depuis trois ans vos choix, qu’il est de votre droit de faire, traduisent une volonté d’individualisation de la société ; ce faisant vous la fragilisez et la précarisez. Les amendements que vous avez votés, en apparence techniques, ont en réalité une portée très lourde dans ce qu’ils révèlent de votre vision de la société que vous abîmez davantage encore.

La maîtrise de l’avenir reposerait sur celle des taux d’intérêt. Aujourd’hui, le niveau de ces derniers est bas : tant mieux. Ceux qui gèrent les finances publiques s’attribuent une part de réussite en la matière. Mais que se passera-t-il le jour où ces taux remonteront ? J’ignore, d’ailleurs, s’ils remonteront dans trois mois, six mois ou un an ; mais, nous le savons tous, ils remonteront un jour, que ce soit à cause de la politique de la FED, la Réserve fédérale américaine – les autorités américaines se sont exprimées à ce sujet il y a quelques jours, lors de la rencontre des gouverneurs de banques centrales à Lima –, ou du tarissement des financements chinois, lui-même lié à l’évolution économique et financière d’un pays qui est l’un des principaux financeurs de notre dette.

Soit dit au passage, il serait intéressant d’éclairer la représentation nationale sur le financement de la dette publique française, dont nous savons peu de chose. J’espère que le Gouvernement en sait davantage, auquel cas il pourrait nous informer des contributions respectives des pays du golfe arabo-persique et de la Chine, comme des fragilités et des problèmes de souveraineté associés à ces financements.

Ainsi que je l’ai rappelé, sur une période de quinze ans, une augmentation de 1 % des taux d’intérêt générerait un surcoût de 100 milliards d’euros pour les finances publiques. Or, 1 %, ce n’est pas rien, mais ce n’est pas impossible ; et, dans l’état actuel de nos finances publiques, le surcoût généré serait insoutenable.

Nous ne sommes pas dans le creux d’un cycle économique ; et les cycles – Charles de Courson l’a rappelé en commission – ne durent pas indéfiniment. Or quelle est aujourd’hui la capacité de l’État à réagir, à trouver des solutions face à un cycle dépressif ou à un creux de cycle ?

J’ai critiqué tout à l’heure l’insuffisance de la maîtrise des dépenses et le dérapage de la dette, y compris – je suis capable de le reconnaître – sous le précédent quinquennat, mais le gouvernement de l’époque a fait preuve d’une capacité de réaction. L’urgence était alors, avant et après 2012, de rétablir suffisamment la situation des finances publiques pour être capables de réagir face à un retournement de cycle.

Rien de tel aujourd’hui : Gilles Carrez l’a rappelé, les performances sont mauvaises. Eh oui ! la France fait partie des pays malades de l’Europe.

Oui, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il faut une autre politique budgétaire. M. Eckert nous a dit tout à l’heure que les choses se feraient avec du temps, mais j’espère que vous n’aurez pas le temps d’aggraver la situation et de persister dans votre politique budgétaire. À nous, dans l’opposition, d’annoncer aujourd’hui et de démontrer demain de la volonté, de la clarté et des résultats.

Vous appelez, à gauche, à une réforme fiscale. Nous le faisons aussi à droite, mais vous le faites avec tant de confusion ! Vous recourez ainsi, pour ce qui concerne l’impôt sur le revenu des ménages modestes, à la réforme de la décote, mais qui, ici, est capable d’expliquer à ses concitoyens comment fonctionne la décote ? Quand la réforme fiscale est enfermée dans le corner d’un dispositif aussi illisible, c’est bien qu’il y a quelque chose en amont de cette réforme. Si elle est si difficile à expliquer, c’est parce que c’est son support qui pose problème.

L’amendement de Jean-Marc Ayrault tendant à modifier un dispositif qui n’a pas encore été introduit en fusionnant deux dispositifs qui viennent en réduction de la CSG est lui-même bien compliqué. Croyez-vous vraiment pouvoir mener une politique des finances publiques et une réforme fiscale en procédant d’une manière aussi compliquée, aussi tordue ?

Il ne peut pas y avoir de réforme fiscale s’il n’y a pas auparavant un effort de maîtrise des dépenses publiques. Tout va ensemble : la maîtrise de la dette, celle des dépenses et la réforme fiscale – et la première dimension de réforme fiscale est la baisse des impôts.

La baisse de la dette et des déficits est indispensable au rétablissement de la confiance. Nous convenons tous, en effet, que l’un des problèmes majeurs de notre pays est l’absence de confiance, mais celle-ci est inévitable tant que les finances publiques ne sont pas maîtrisées. Aussi belles soient les paroles, si les résultats ne sont pas au rendez-vous et si la cohérence n’est pas assurée, les entreprises n’investissent pas, les ménages n’empruntent pas et ne dépensent pas.

La baisse des déficits et de la dette est indispensable, sans quoi les citoyens craignent que, d’une manière avouée ou masquée, l’augmentation des impôts ne se poursuive. La baisse des impôts fait partie du pacte social rétabli et exige une baisse des dépenses.

La baisse des dépenses n’est pas facile, mais elle est indispensable. Je sais la prudence avisée du président de la commission des finances en la matière, mais quand les dépenses publiques sont, en France, supérieures de dix points de PIB à ce qu’elles sont en Allemagne et de cinq points à la moyenne européenne, nous n’avons pas le droit de refuser l’obstacle.

Je me suis essayé à chiffrer – ce qui peut certes présenter des fragilités et appeler des critiques – de possibles économies de dépenses publiques, ne serait-ce que pour que vous ne nous reprochiez pas de ne jamais rien proposer.

M. Michel Sapin, ministre. Vous refusez tout !

M. Hervé Mariton. J’avais présenté lors d’une convention de l’UMP, voilà deux ans, ce que pourrait être un effort d’économies budgétaires, en me concentrant prudemment sur un montant de 100 milliards d’euros – on peut aller au-delà, mais ce n’est pas simple car, en raison de la baisse de l’inflation, certaines économies relevant d’une désindexation ne sont pas si facilement au rendez-vous.

Une réforme des retraites vigoureuse – avec un âge de départ fixé à 65 ans après 44 années de cotisation – représente 20 milliards d’euros d’économies.

Pour ce qui est d’une réforme de l’indemnisation du chômage, vous n’en avez pas le début du début du courage. Sans doute les ministres ici présents souhaiteraient-ils réformer le régime des intermittents du spectacle, mais ils ne sont malheureusement pas suivis. Il faut aussi mettre fin aux emplois aidés, qui ne sont une solution que pour les personnes handicapées. Dans ce secteur, on peut viser une dizaine de milliards d’euros d’économies.

Sur le terrain de la révision des normes et de la simplification en France et en Europe, l’OCDE a chiffré à 60 milliards d’euros le coût de la complexité. On ne saurait atteindre une telle économie en un seul mandat et l’on peut donc se fixer un objectif de 20 milliards d’euros.

Le secteur du logement, hypersubventionné et hyperfiscalisé, est aussi un secteur social hypertrophié. La cession massive de logements sociaux à leurs occupants est urgente. J’ai calculé que, sur la durée d’un mandat, une politique de cessions dans le parc permettrait d’économiser dans ce secteur une quinzaine de milliards d’euros.

Dans le domaine de la Sécurité sociale, pourquoi faut-il que le recouvrement passe aujourd’hui encore par l’URSSAF ? Du point de vue de Bercy, la Direction des finances publiques – qui relève de vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État – ne serait-elle pas capable de recouvrer les cotisations ? Est-il indispensable d’avoir en France deux systèmes parallèles de recouvrement de contributions publiques ? Des économies de gestion sont indispensables, vous le savez. Les experts les évaluent autour de 6 milliards d’euros. D’autres mesures encore permettent de viser, sur la durée d’un mandat, une économie d’une vingtaine de milliards d’euros dans le domaine de la Sécurité sociale.

Quant aux collectivités locales, elles pourraient – l’évaluation est modeste et sans doute devrait-on aller plus loin – économiser une dizaine de milliards d’euros.

Dans la fonction publique, enfin, on pourrait, en reprenant le mouvement de non-remplacement des départs en retraite et de baisse des effectifs, économiser au moins 5 milliards d’euros. (« Où ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Razzy Hammadi. Dans la police ?

M. Hervé Mariton. Il faut faire des choix, chers collègues. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Alain Fauré. Exposez donc des choix, monsieur Mariton !

M. Hervé Mariton. Ce calcul dépasse 100 milliards d’euros.

M. Razzy Hammadi. Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup !

M. Patrick Ollier. C’est vous qui êtes dans le flou !

Mme la présidente. Seul M. Mariton a la parole.

M. Hervé Mariton. Je viens de vous donner des chiffres pour que vous arrêtiez de dire que nous n’en avons pas.

Bien sûr, il faut aussi avoir le courage d’éviter les dérapages. Que faut-il penser d’un ministre qui, en campagne pour les élections régionales, annonce la ligne à grande vitesse Bordeaux-Dax alors que, selon tous les rapports, toutes les évaluations et toutes les commissions d’enquête, ce projet n’a pas de sens ? Ne faites pas aujourd’hui des erreurs qui ont pu être tentantes hier.

J’avais exposé que l’ancien Schéma national des infrastructures de transport – SNIT – correspondait à 130 années de capacité financière de l’AFITF. L’erreur d’hier ne doit pas devenir la double erreur d’aujourd’hui. Vous êtes a priori plus informés des choses et avez l’expérience de ce que vous avez critiqué hier. Évitez donc de vous précipiter dans plus d’erreurs encore !

M. Dominique Baert. C’est un peu sentencieux !

M. Hervé Mariton. Il faut des économies – je l’ai démontré –, des baisses d’impôt et une réforme fiscale, parce que l’impôt est lié à la démocratie. C’est le débat sur l’impôt qui a créé la Chambre des communes en Grande-Bretagne et qui a conduit aux États généraux, puis à l’installation de l’Assemblée nationale.

Notre vision de l’impôt est celle d’une base large et de taux faibles. Comme l’aurait dit le Drômois Barthélémy de Laffemas, que M. Carrez aime citer, les bas taux font les totaux.

Tel est le sens de la proposition, que nous sommes plusieurs à exprimer, d’une « flat tax », d’un impôt simple, lisible, dissuasif pour tout gouvernement qui voudrait augmenter les impôts sans être vu et, dans un contexte de baisse des impôts et des charges sociales, protecteur pour les plus modestes. Il est en effet proposé d’instaurer – ce qui rejoint dans une certaine mesure une préoccupation exprimée par M. Hammadi – un taux proportionnel minimal sur l’ensemble des revenus, aucun Français n’échappant ainsi à l’impôt.

M. Alain Fauré. Pourquoi pas la TVA ? C’est plus simple !

M. Hervé Mariton. Le taux serait plus significatif, tout en restant raisonnable – autour de 15 % –, au-dessus d’un certain niveau de revenu et s’accompagnerait, en particulier pour les plus modestes, d’une baisse des charges sociales. Il me semble qu’il y a là un projet cohérent.

J’en viens à la liberté, à laquelle appelait Gilles Carrez. Vous avez fait de nombreux effets d’annonce sur la diminution des niches fiscales, mais le résultat est modeste, piteux. Je vous propose une autre manière de faire, car il faut rendre la liberté aux Français : supprimons les niches fiscales. Avec une niche fiscale, en effet, c’est l’État qui commande aux citoyens ce qu’il faut faire. Renversons donc le principe : disons que c’est aux citoyens de commander à l’État ce qu’il doit faire et que nous devons être, en tant que contribuables, libres de répartir chacun 5 % à 10 % de l’impôt que nous devons au profit des missions auxquelles nous adhérons plus particulièrement. De fait, s’il y a une adhésion globale, décidée par la représentation nationale, sur le projet d’un gouvernement, il importe aussi de rencontrer l’adhésion individuelle de chaque Français sur ce qu’il aura librement affecté à telle mission qui lui paraît prioritaire. Nous aurons alors rendu de la liberté aux Français.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est ce que nous proposons dans notre amendement !

M. Hervé Mariton. Oui, nous aurons rendu de la crédibilité à l’action publique, nous aurons rendu de la confiance et nous aurons relancé notre économie.

À l’inverse, votre projet de loi de finances n’est pas à la hauteur des exigences de la France – ni sur les dépenses ni sur une réforme fiscale annoncée, qui se révèle inquiétante lorsque vous parlez de retenue à la source, ainsi qu’extraordinairement complexe et inefficace dans les modalités opérationnelles plus modestes que vous annoncez cette année.

Tout cela, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, justifie vraiment que nous votions la motion de rejet préalable du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, j’apporterai quelques éléments de réponse au discours de M. Mariton, dont j’apprécie le ton sentencieux et à qui je tiens à dire que la parole que j’ai eue tout à l’heure a peut-être été un peu excessive.

Monsieur Mariton, les hypothèses tendancielles que vous évoquez sont des discussions dont nous avons tous ici l’habitude et qui animent les batailles d’experts et de prévisionnistes en tout genre – j’ai notamment vu qu’elles ont animé vos travaux et nous aurons l’occasion de les évoquer lors de l’examen de l’article liminaire. Je n’y reviens donc pas ici.

M. Hervé Mariton. L’hypothèse est donc exclue avant d’être contredite !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je voudrais surtout démentir l’idée selon laquelle ce budget ne tiendrait pas nos engagements,…

M. Hervé Mariton. C’est pourtant vrai, non ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …notamment pour ce qui concerne le recul de trois mois de la mise en œuvre des allégements de cotisations pour les salariés touchant entre 1,6 et 3,5 SMIC.

M. Hervé Mariton. Est-ce que c’est faux ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous avez lu le projet de loi de finances, monsieur Mariton, et savez donc ce qu’il contient.

Nous l’avons fait parce qu’en 2015, nous avons pris des mesures spécifiques pour les entreprises, qui les attendaient.

M. Hervé Mariton. Il fallait l’annoncer en même temps !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit du suramortissement, d’un coût de l’ordre de 500 millions d’euros, de l’harmonisation des seuils de déclenchement de certaines cotisations ou taxes – notamment les seuils 9, 10 et 11 pour les PME – et des mesures destinées à la première embauche, avec une aide de 4 000 euros, ou à l’apprentissage.

M. Hervé Mariton. Pourquoi ne l’avez-vous pas annoncé en même temps ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’ensemble de ces mesures, monsieur le député, ont un coût, en année pleine, de l’ordre de 1,3 milliard d’euros. Nous avons décidé de tenir l’engagement de réduire de 9 milliards d’euros les contributions des entreprises en comptabilisant ce montant de 1,3 milliard d’euros – à hauteur de 1 milliard d’euros seulement, ce qui représente au passage une perte de 300 millions d’euros pour le budget de l’État.

Nous avions le choix et nous avons pris cette décision après réflexion. Alors que nous aurions pu, par exemple, diviser par deux la mesure consistant à laisser s’éteindre la contribution exceptionnelle pour les grandes entreprises, ce qui aurait été une mesure pérenne, ou diminuer le taux de l’abattement de ces cotisations, nous avons opté pour un recul de trois mois dans le temps, qui correspond à environ 1 milliard d’euros. Il s’agit d’une mesure « one shot ». (« Parlez français ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) – ou d’un « fusil à un coup », pour employer une expression française.

M. Hervé Mariton. Pourquoi ne l’avez-vous pas annoncé en même temps ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne veux pas trahir les discussions que nous avons pu avoir avec certaines organisations socioprofessionnelles.

Nous avons pris cette mesure, dont le coût de 1 milliard d’euros ne pèsera qu’une seule année. L’année prochaine, le coût des mesures que j’évoquais continuera à courir – de telle sorte qu’à la limite, nous pourrions même comptabiliser en plus dans le pacte le milliard d’euros qui continuera à courir l’année prochaine.

Vous évoquez, en la minimisant, ce que vous appelez une baisse modeste du budget de l’État. C’est là un point essentiel – je l’ai déjà dit dans mon propos liminaire et je tiens à y revenir.

Le budget de l’État supporte entièrement les baisses d’impôts, qu’elles touchent les entreprises ou les ménages.

J’insiste parce que certaines de ces mesures concernent le budget de la Sécurité sociale : or elles sont toutes compensées. Vous dites que cela ne représente qu’un milliard : mais il faudrait additionner neuf plus deux plus un, soit une douzaine de milliards de réduction du déficit. L’État en effet supporte à lui seul les baisses, le reste étant compensé. Nous aurons cette discussion lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale – elle est traditionnelle –, par exemple avec la reprise des dépenses de l’allocation logement dans le budget de l’État à hauteur de 4,7 milliards d’euros.

Je tiens à répéter, monsieur le député, que la retenue à la source n’engendrera pas de modification sur la « familialisation » de l’impôt : c’est clair et net.

M. Hervé Mariton. On a du mal à vous faire confiance sur ces sujets !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vais revenir dans un instant sur la confiance. Je répète ici, au nom du Gouvernement, que la retenue à la source ne remettra pas en cause le calcul familial de l’impôt sur le revenu et la notion de quotient familial.

M. Alain Chrétien. Plus personne ne vous croit, vu le nombre de zigzags que vous avez faits en cinq ans !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si vous le voulez, je peux le répéter une troisième fois ! Au nom du Gouvernement, je réaffirme qu’il n’y aura pas de remise en cause de la « familialisation » de l’impôt sur le revenu.

Puisque vous m’invitez à aborder le sujet de la confiance, je dois dire qu’après le discours de M. le président de la commission des finances et après le vôtre, monsieur Mariton, je peux comprendre que la confiance soit difficile à rétablir !

M. Hervé Mariton. Ça va être de notre faute, maintenant !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Celui qui était angoissé au début de ces discours en ressort sûrement terrorisé !

M. Alain Chrétien. Les Français sont terrorisés !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est l’addition des peurs et des signaux d’alarme ! Je prends quelques exemples : vous nous dites que la dette a beaucoup augmenté et que des risques pèsent sur les taux d’intérêt. Or, de 2007 à 2012, la dette de l’État est passée de 65 % à 90 % du PIB.

M. Hervé Mariton. Je l’ai dit et je l’ai critiqué !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cela représente 25 points de PIB !

M. Alain Fauré. À ce niveau-là, on ne parle plus de zigzag !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je répète : entre 2007 et 2012, la dette a augmenté de 25 points de PIB ! Entre 2012 et 2017, elle est passée de 90 % à 96,5 % du PIB, soit une augmentation de 6,5 points de PIB.

M. Hervé Mariton. Grâce à l’augmentation du dénominateur !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quatre fois moins ! La dette a quatre fois moins augmenté en cinq ans, de 2012 à 2017, que de 2007 à 2012 !

M. Hervé Mariton. Cela fait tout de même 400 milliards !

M. Julien Aubert. Tout va bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quant aux taux d’intérêt – vous pouvez le vérifier sur le site de Bloomberg –, ils s’établissent aujourd’hui même à 0,9 %. Notre prévision de taux d’intérêt en fin d’année, dans le projet de loi de finances pour 2015, était de 1,4 point ; aujourd’hui, ce taux est de 0,9 – et nous aurions été des aventuriers ?

M. Hervé Mariton. C’est comme cela que vous passez en exécution !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Et pour fin 2016, monsieur le député, avez-vous vérifié quelle était notre prévision de taux d’intérêt ? Pour calculer ce projet de loi de finances, nous avons retenu une prévision de taux d’intérêt de 2,4 % ; or, aujourd’hui, nos taux d’intérêt s’élèvent à 0,9 %. Chacun ici peut s’accorder à reconnaître que nos prévisions de taux d’intérêt sont prudentes ! Je ne suis pas en train de vous dire que tout est gravé dans le marbre pour l’éternité, mais nous constatons aujourd’hui un taux de 0,9 % alors que nous avions prévu 1,4 % et que nous prévoyons 2,4 % en fin d’année prochaine : vous pouvez reconnaître avec nous que nos prévisions sont prudentes.

J’en termine avec le nombre d’emplois publics. Vous nous dites que nous augmentons les emplois publics…

M. Alain Chrétien. Plus 8 000 !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Plus 8 304, monsieur le député – je le répète sans aucun état d’âme ! Pourquoi ce nombre ? Parce que beaucoup de députés de tous bords se sont accordés sur la révision de la loi de programmation militaire, qui a augmenté les effectifs par rapport à la loi précédente, ce qui n’avait d’ailleurs pas provoqué de réactions horrifiées.

M. Alain Chrétien. Il fallait en supprimer ailleurs pour rester à effectifs constants !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Sans cette modification de la loi de programmation militaire, nous aurions diminué les effectifs de 1 393 unités.

M. Serge Grouard. Vous avez bénéficié de la déflation !

M. Hervé Mariton. Gouverner, c’est choisir : or vous n’avez pas choisi !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons choisi d’assurer la sécurité des Français, en France comme à l’étranger.

Pour conclure, je ne vous dirai pas que ce budget annonce la fin des efforts de réduction des déficits.

M. Julien Aubert. Ni le début, d’ailleurs !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Concernant les exécutions 2014 et 2015 – nous reviendrons sur les demandes du président de la commission des finances tout à l’heure –, je veux simplement rappeler que nous avions annoncé en 2014 un déficit de 4,4 % au mois d’août et que nous avons fini à 3,9 %. En 2015, nous avions annoncé 3,8 % et nous finirons à 3,8 %. Le passé éclairant l’avenir, je pense que la prévision de 3,3 % qui est affichée sur l’ensemble des déficits publics est tout à fait atteignable.

M. Hervé Mariton. On ne le saura qu’après les élections !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nul n’est jamais à l’abri d’un accident, mais je peux vous assurer que nous avons travaillé avec sérieux et détermination. Je ne vois donc pas pourquoi l’on renverrait ce texte en adoptant cette motion de rejet préalable.

M. Hervé Mariton. Mais si !

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote. Je rappelle que le temps de parole est de deux minutes par groupe.

La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gaby Charroux. Nous ne voterons par la motion de rejet préalable présentée par le groupe Les Républicains.

Mme Arlette Grosskost. Dommage !

M. Gaby Charroux. Certes, les orientations économiques et budgétaires présentées dans ce projet de loi de finances pour 2016 s’inscrivent dans une continuité qui ne nous satisfait pas vraiment, surtout après les budgets 2013, 2014 et 2015.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Alors votez cette motion !

M. Gaby Charroux. Mais les propositions faites par M. Mariton sont aux antipodes de nos conceptions sur la baisse des dépenses publiques, sur la réduction de la dette, sur l’aide aux entreprises, sur la fiscalité, sur le logement social et même, cher monsieur Mariton, sur les moyens humains offerts à l’éducation nationale.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Baert, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Dominique Baert. La droite appelle au rejet de ce projet de budget pour 2016 : de sa part, c’est sans doute un acte manqué de son inconscient – et un comble ! C’est un acte manqué car qui peut ne pas voir que ce budget 2016 enraye enfin les conséquences de la désastreuse gestion financière du quinquennat Sarkozy ? (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

De 35 milliards d’euros en 2007 à 150 milliards en 2010, le déficit public a dérapé ! (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. Un peu de calme !

M. Dominique Baert. De 75 % du PIB en 2007 à 87,4 % en 2012, le poids de la dette publique n’a cessé de s’alourdir dramatiquement : 25 points de PIB supplémentaires, comme cela vient d’être rappelé.

M. Julien Aubert. Achetez-vous des lunettes !

M. Dominique Baert. Si l’État devra encore, en 2016, lever 185 milliards sur les marchés pour sa trésorerie, ce n’est à l’évidence pas de la faute des 72 milliards du déficit 2016 ; ce n’est pas pour financer la seule gestion de la majorité : c’est aussi pour rembourser les 184 milliards qui ont été empruntés en 2011. C’est donc pour payer les dettes laissées par l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Alain Chrétien. C’est du réchauffé, tout ça !

M. Dominique Baert. C’était folie ! C’était tirer des chèques sur l’avenir que d’accroître autant les déficits de 2007 à 2012, d’autant plus qu’à cette époque, les taux d’intérêt étaient très supérieurs au taux de croissance.

M. Julien Aubert. Vous vous êtes trompé de séance !

M. Dominique Baert. Cela a provoqué un effet boule de neige bien connu – en l’occurrence, un terrible effet massue qui causa une dérive de la dette jamais connue par la France jusque-là !

M. Philippe Cochet. Assumez vos mensonges !

M. Dominique Baert. Oui, ce projet de loi de finances pour 2016 signe les efforts du gouvernement de gauche pour rétablir la situation dégradée trouvée en 2012. Depuis 2012, il a fallu réduire le déficit progressivement pour freiner la dynamique de la dette héritée de la gestion de la droite. D’abord ralentie dans sa progression, la dette se stabilise maintenant, enfin, à 96,5 %.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ah bravo ! Une dette à 96,5 % : bravo !

M. Dominique Baert. Notre majorité peut être félicitée : elle a fait le boulot en stoppant la dérive financière de la France.

M. Julien Aubert. Merci l’ORTF !

M. Dominique Baert. Que la droite veuille rejeter ce projet de budget pour 2016 est aussi un comble ! D’évidence, ce projet de budget corrige toutes les erreurs de la droite. Avec le CICE et le pacte de responsabilité, il renforce la compétitivité des entreprises et améliore le commerce extérieur, lequel, sous la droite, se dégradait !

M. Julien Aubert. On verra aux régionales !

M. Philippe Cochet. Allez expliquer cela sur les marchés !

M. Dominique Baert. Ce projet de budget prévoit le recrutement d’enseignants, de policiers et de personnels de justice alors que, sous la droite, on supprimait des emplois par dizaines de milliers !

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Baert !

M. Dominique Baert. Ce projet de budget baisse les impôts des ménages ; sous la droite, qui supprimait l’indexation du barème et la demi-part des veuves, les impôts augmentaient pour les plus faibles et les classes moyennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Un peu de silence !

M. Dominique Baert. Voilà pourquoi le groupe socialiste rejettera la motion de l’opposition.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien, pour le groupe Les Républicains.

M. Alain Chrétien. Chers collègues, le groupe Les Républicains vous appelle à voter cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) Il s’agit en effet d’un budget de campagne : on a l’impression que le Gouvernement est paralysé par les enjeux électoraux qui arrivent, un peu comme un lapin aveuglé par les phares d’une voiture sur laquelle il fonce directement.

Non, monsieur le ministre, les déficits ne baissent pas ! De 74 à 73 milliards d’euros, les déficits ne baissent pas ! Les impôts ne baissent pas : le taux de prélèvement obligatoire sera le même en 2016 qu’en 2015. Contrairement à ce que vous dites, vous continuez à matraquer les classes moyennes sans baisser dans leur globalité les impôts des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Romain Colas. Mariton, reviens !

M. Alain Chrétien. Non, monsieur le ministre, les réformes structurelles n’existent pas. Et pourtant, Hervé Mariton vous a proposé des pistes de réforme : sur les URSSAF, sur la flat tax, Hervé Mariton a tracé des pistes mais, malheureusement, aucune réforme de structure n’existe dans ce budget pour l’année 2016.

Les dépenses continuent d’augmenter : plus 14 milliards d’euros cette année ! Vous faites croire à tout le monde que vous les baissez alors qu’elles augmenteront en réalité de 14 milliards d’euros l’année prochaine : il faudra bien les payer ! Les dépenses et les déficits augmentent, les effectifs aussi avec ces 8 000 emplois supplémentaires que vous auriez pu compenser par des baisses par ailleurs !

Enfin, la confiance dont parlait Hervé Mariton n’y est pas, monsieur le ministre. Il faudrait pour cela un consensus chez vous : or il n’y en a pas ! Vous n’êtes d’accord sur rien dans cette majorité socialiste !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Parce que chez vous, le consensus existe ?

M. Alain Chrétien. Il n’y a aucune constance dans la politique fiscale de ce gouvernement depuis 2012, et donc aucune confiance. C’est la règle des « 4 C », monsieur le ministre : c’est le consensus qui fait la constance, la constance qui fait la confiance, et la confiance qui fait la croissance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Le groupe UDI a toujours essayé d’avoir une position responsable et respectueuse de la majorité comme de l’opposition.

M. Alain Fauré. Vous êtes le seul !

M. Charles de Courson. M. le secrétaire d’État n’est plus à son siège…

M. Michel Sapin, ministre. Mais je suis là !

M. Charles de Courson. Traiter l’opposition de « cochon » ne rehausse pas… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Michel Sapin, ministre. Mais non !

M. Charles de Courson. Je suis désolé mais cela figure dans le compte rendu ! Cela montre une véritable déviance du débat démocratique. Nous nous honorons, à l’UDI, de ne pas proférer d’insultes.

Par ailleurs, ainsi qu’Hervé Mariton l’a évoqué dans sa longue intervention, vous ne pouvez faire croire à un redressement progressif des finances publiques qu’en retenant des hypothèses de croissance potentielle complètement incohérentes – comme d’habitude, et comme vos prédécesseurs d’ailleurs. Retenir 1,5 % pour l’année prochaine, puis 1,75 %, puis 2 %, c’est totalement invraisemblable ! J’y reviendrai longuement lors de mon intervention dans la discussion générale. Si vous aviez raison, l’écart entre le déficit effectif et le déficit structurel devrait s’inverser.

M. Hervé Mariton. Eh oui !

M. Charles de Courson. Or ce n’est absolument pas ce qui se passe. Le problème de fond, évoqué par Hervé Mariton dans son propos, est que la croissance potentielle française se situe quelque part entre 0,8 % et 1 %, pas plus.

M. Julien Aubert. C’est l’effet Hollande !

M. Charles de Courson. Quant aux hypothèses que vous retenez concernant un fort redémarrage de l’investissement des entreprises, excusez-moi, monsieur le ministre, mais nous ne devons pas vivre dans le même pays ! L’investissement privé ne se redresse pas : comme l’a souligné le président de la commission des finances, on ne constate pas un redressement aussi fort de l’investissement des entreprises ou de l’investissement dans le logement !

Quant à l’investissement des collectivités locales, vos hypothèses le prévoient presque stable alors qu’il s’est effondré deux années de suite, de 8 %, 9 %, 10 % – et cela va continuer, ainsi que l’étude faite par l’Association des maires de France le démontre.

La grande critique que l’on peut adresser à votre gouvernement, c’est que vous essayez timidement depuis deux ans de réparer les dégâts de vos deux premières années de mandature. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Alain Fauré. Non ! Quel culot ! Les dégâts de vos dix années au pouvoir !

Mme la présidente. Merci, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. J’y reviendrai longuement, mes chers collègues, et je vous donnerai les chiffres. Le groupe UDI votera donc cette motion de rejet.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, monsieur le ministre des finances, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le projet de loi de finances pour 2016, qui est, monsieur le ministre, votre dernier budget complet du quinquennat.

C’est la dernière chance de votre majorité de mettre en œuvre votre stratégie économique. La question que je me pose d’ailleurs à ce stade est la suivante : avez-vous une stratégie et quelle est-elle ? Les revirements, les renoncements qui ont émaillé la préparation de ce budget marquent l’absence totale de cap de ce gouvernement. Pourtant, monsieur le ministre, vous parlez de sérieux budgétaire.

M. Michel Sapin, ministre. Eh oui !

Mme Marie-Christine Dalloz. Quelle constance !

Ce texte résume les travers d’un pouvoir à bout de souffle, incapable de redresser une situation dont il porte l’entière responsabilité, contrairement à ce qu’on a pu entendre dire tout à l’heure. Notre économie paie encore les erreurs des deux premières années de votre quinquennat, au cours desquelles les hausses massives de prélèvements ont anéanti toute perspective de reprise durable en France.

Ce budget marque à nouveau l’éclatement de votre majorité. À travers ce texte, le Gouvernement adresse une fin de non-recevoir à ses frondeurs, qui voulaient, eux, un changement de politique budgétaire. Aurons-nous, monsieur le ministre, un débat ouvert sur le sujet ?

M. Michel Sapin, ministre. C’est la politique que vous défendez ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce budget est à l’image du quinquennat : il est mensonger, il est irresponsable et il est insoutenable.

M. Dominique Baert. Rien que ça !

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui, et je vais vous le démontrer.

M. Dominique Baert. Ça m’étonnerait !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est mensonger : les prévisions sur lesquelles repose cette loi de finances sont clairement surestimées.

Monsieur le ministre, vous avez, lors de la présentation de ce texte en commission des finances, assuré que ce budget 2016 était bâti sur du solide.

M. Michel Sapin, ministre. C’est le cas.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous n’avons pas la même conception du solide.

M. Michel Sapin, ministre. Ça, c’est sûr !

Mme Marie-Christine Dalloz. Je ne bâtirai pas ma maison sur du sable, et vous c’est le budget de la France que vous avez bâti sur du sable.

Vous avez également dit que l’exécution 2015 s’annonçait en ligne avec vos attentes et des prévisions de croissance prudentes pour 2016. Le Haut Conseil des finances publiques ne semble pas partager cette opinion puisqu’il estime que l’hypothèse de croissance de 1,5 ne peut plus être qualifiée de prudente.

Mme Arlette Grosskost. Absolument !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il explique que l’environnement économique est plus qu’incertain, compte tenu du ralentissement en Chine et des difficultés dans d’autres pays émergents. Voilà la première réalité dont vous n’avez pas tenu compte.

Le Haut Conseil des finances publiques a également pointé des risques significatifs sur les objectifs d’économies affichés par le Gouvernement. J’y reviendrai plus longuement.

Par ailleurs, le Haut Conseil des finances publiques craint un dérapage des dépenses. Hors inflation, votre gouvernement table sur une croissance de 0,3 % en volume de la dépense publique, après une progression de 0,9 % cette année. Cet objectif est jugé par les sages particulièrement ambitieux, sachant que les économies doivent couvrir à la fois les baisses d’impôts, la baisse des cotisations sociales, les dépenses nouvelles, et devraient permettre de diminuer le déficit structurel – c’est dire !

Enfin, alors que le Gouvernement a mis l’accent sur son plan d’économies de cinquante milliards d’euros pour 2015-2017, le Haut Conseil a pointé la multitude de dépenses nouvelles annoncées par votre gouvernement – les effectifs de sécurité, le service civique, les contrats aidés, les aides au monde agricole, les aides aux migrants, l’aide à l’investissement local – sans que les économies prévues pour les financer soient détaillées. C’est une des raisons qui justifient cette motion de renvoi en commission.

Votre budget est mensonger parce qu’il sous-estime les annonces de l’INSEE relatives à la croissance. En effet, le 14 août dernier, l’INSEE a annoncé une croissance nulle au deuxième trimestre 2015, l’un des plus mauvais chiffres d’Europe. Monsieur le ministre, vous avez pourtant essayé de minorer ce résultat en déclarant que la France était en reprise d’activité, en reprise de croissance.

Nous connaissons votre optimisme, mais il ne suffit pas d’annoncer des prévisions pour changer les réalités. Si l’objectif de 1 % de croissance reste statistiquement à portée de main pour 2015, ce n’est pas avec une telle reprise que la deuxième économie de la zone euro pourra rebondir. Le chômage risque de rester durablement très élevé. Notre modèle social sera toujours financé par la dette.

La croissance serait d’ailleurs bien plus mauvaise si nous n’avions pas bénéficié de soutiens macro-économiques majeurs : des taux bas, un euro faible et un contre-choc pétrolier inédit depuis trente-cinq ans. Ce cocktail a d’ailleurs permis d’alimenter le feu de paille du premier trimestre 2015, avec un taux de croissance de 0,7 %.

Monsieur le ministre, vous devez vous attaquer aux principales raisons de cette croissance molle : le manque de confiance dans le cap suivi, le poids des prélèvements et des dépenses publics et l’absence de réforme de fond de notre système d’État-providence.

Enfin votre budget est mensonger parce qu’il prévoit la création de trois nouvelles taxes pour le financement des centres techniques industriels, l’augmentation de taxes existantes pour le financement de l’aide juridictionnelle et de l’audiovisuel public, alors même, dois-je vous le rappeler, que le Président de la République avait promis qu’il n’y aurait plus de nouvelles taxes ni de hausses d’impôts d’ici la fin du quinquennat.

Il est vrai que c’est un peu détourné, cela ne concerne pas tous les Français, mais il y a dans ce projet de loi de finances de nouvelles taxes, c’est indéniable. Donc c’est un mensonge.

Plus grave encore, ce budget 2016 est totalement irresponsable au regard des mesures fiscales qu’il contient. En effet les quelques baisses d’impôts qu’il prévoit n’effaceront pas la véritable frénésie fiscale des premières années de ce quinquennat.

Depuis 2012, les ménages ont consenti près de dix milliards d’euros de hausses d’impôts au seul titre de l’impôt sur le revenu, du fait de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, l’abaissement du plafond de l’avantage fiscal retiré du quotient familial de 2 336 euros à 1 500 euros, la fiscalisation de la participation des employeurs aux complémentaires santé, la fiscalisation des majorations de pension pour charge de famille, la poursuite en 2013 du gel du barème de l’impôt sur le revenu, que vous aviez condamné en 2012 mais que vous avez reconduit en 2013, l’assujettissement au barème de l’impôt sur le revenu des revenus du capital et la création d’une tranche à 45 %.

La seule chose que vous avez améliorée, c’est que vous avez substitué le bouclier fiscal au plafonnement de l’ISF. Sur ce point les gros contribuables ont plutôt bénéficié de votre générosité.

Cette annonce présidentielle d’une réduction de l’impôt sur le revenu apparaît comme une promesse électoraliste. La chronologie parle d’elle-même.

Le 14 juillet dernier, le Président de la République conditionnait une baisse d’impôts en 2016 aux possibilités économiques de notre pays et à un accroissement de la croissance – ce sont les termes mêmes employés par le Président de la République. Il l’a répété le 20 août dernier au cours d’une interview. Finalement cette condition a été levée dans une grande confusion quelques heures après.

La réalité aujourd’hui c’est que la baisse d’impôt arrive alors que la croissance n’est pas au rendez-vous et qu’on ne peut pas dire que les possibilités économiques soient merveilleuses.

Hasard du calendrier, cette annonce surprise du chef de l’État est intervenue à la veille de l’université d’été du parti socialiste, alors même que les dissensions au sein de la majorité sont grandes au sujet de la politique budgétaire, voire la politique en général.

À la fin du mois de juillet, le bureau national du parti socialiste a adopté un rapport recommandant de réorienter une partie des aides aux entreprises du pacte de responsabilité – 41 milliards – vers les ménages et vers l’investissement public.

François Hollande multiplie les gestes démagogiques pour préparer 2017. Si la réduction de la pression fiscale est impérative pour redresser le pays, encore faut-il s’en donner les moyens. Or le chef de l’État redistribue à crédit, alors même qu’il n’a pas su restaurer les conditions d’une reprise durable.

En réalité la majorité n’engage pas d’effort de rigueur supplémentaire ; elle finance ce geste uniquement par la dette.

M. Dominique Baert. Ça vous va bien de dire ça !

Mme Marie-Christine Dalloz. Cette annonce traduit l’extraordinaire légèreté du Gouvernement en matière fiscale, qui décide de hausses ou de baisses en fonction des nécessités politiques du moment. On voit bien que cette annonce précède les élections régionales et qu’on est en train de préparer les échéances de 2017. C’est très clair.

Cette baisse de l’impôt sur le revenu de 2,1 milliards pour huit millions de foyers fiscaux soulève la question de son « hyperconcentration ». Bercy a d’ailleurs précisé que 500 000 foyers sortiront du champ de l’impôt et qu’autant de foyers n’y entreront pas. Un million de foyers en dehors du champ de cet impôt, c’est quand même assez important.

Des deux principes de la fiscalité française que sont la progressivité de l’impôt et sa familialisation, vous aviez réussi à ruiner le second ; aujourd’hui vous ruinez le premier.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas acceptable, d’autant que les revenus moyens et supérieurs sont appelés à contribuer davantage, à proportion de la réduction du nombre de foyers imposables.

Force est de constater que les gestes fiscaux de ces dernières années n’ont eu vocation qu’à diminuer le nombre de contribuables soumis à l’impôt. Seuls 46,4 % des foyers fiscaux payeront l’impôt sur le revenu au titre de l’année 2015.

M. Michel Sapin, ministre. On comparera avec 2007 !

Mme Marie-Christine Dalloz. Cette mesure exclut une nouvelle fois les classes moyennes et moyennes supérieure, tout comme en 2014 et en 2015. Il s’agit des ménages gagnant plus de 3 000 euros par mois pour un célibataire et 4 500 euros par mois pour un couple soumis à imposition commune. Ce sont pourtant eux qui ont supporté les trois quarts des hausses d’impôts que vous avez assénées au pays.

Au-delà de cinquante mille euros de revenus nets annuels, soit 4 166 euros par mois, un couple marié avec deux enfants, sans complémentaire santé via l’entreprise, devra acquitter une note d’impôt sur le revenu plus élevée en 2016 qu’en 2012 – vous voyez que je suis capable de me référer à 2012, monsieur le ministre – puisque la facture sera alourdie de 159 euros par an.

C’est une erreur, et cette erreur sera le sceau qui marquera profondément votre mandat. Il a été prétendu tout à l’heure, lors des questions au Gouvernement, que l’histoire retiendrait le fait que vous avez réduit les déficits publics. Non, monsieur le ministre, l’histoire ne retiendra pas que vous avez réduit les déficits. Ce que l’histoire retiendra, c’est uniquement la pression fiscale insupportable que vous avez fait peser sur les Français.

On vous l’avait dit en 2013 et on vous l’a redit en 2014. On vous le redit depuis le début de l’année. Chacun des membres de cette assemblée a reçu dans sa permanence des personnes âgées, des célibataires, des jeunes ménages avec enfants touchant de faibles revenus ou des revenus moyens qui n’ont pas du tout compris quelle était la vision du Gouvernement sur leurs revenus et ça c’est inacceptable.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Tout à fait !

Mme Marie-Christine Dalloz. En 2013 3,7 millions de foyers fiscaux, c’est-à-dire 10 % du total, ont payé 70 % de la facture totale de l’impôt sur le revenu.

Comme le président de la commission des finances l’a très bien dit, vous prenez avec cette disposition le risque que les exilés fiscaux soient définitivement perdus pour les caisses publiques. C’est un vrai danger, qui va provoquer à terme une certaine instabilité dans nos recettes fiscales.

Depuis 2011, les recettes liées à l’impôt sur le revenu ont augmenté de 20 milliards, soit une hausse de 35 %. Autrement dit, le même nombre de contribuables se partagent 20 milliards d’impôts supplémentaires. C’est cela, la réalité : les Français la comprennent bien, ils l’ont vue et mesurée.

Quid de la justice fiscale ? J’ai retrouvé vos premières déclarations : dans les trois premières années, on n’entendait parler que de justice, sociale ou fiscale. On a mis la justice à toutes les sauces ! Nous le dénoncions, vous parliez trop de justice. Vous procédiez surtout à l’affichage de la justice, parce que la vraie justice, ce n’est absolument pas ce que les Français ont ressenti.

Ce ciblage incite les contribuables à quitter le pays, comme en témoigne l’augmentation du nombre de départs à l’étranger de ménages dont le revenu est supérieur à 300 000 euros : 251 départs en 2011, 450 en 2012, 659 en 2013. Je n’ai pas à ce jour les chiffres de 2014 et encore moins ceux de 2015, mais j’imagine que nous allons constater une accélération de ce mouvement.

Ce sont là des pertes de recettes, de la consommation en moins, ce qui ne va pas relancer notre croissance, parce que c’est une perte définitive pour nos finances et pour notre pays. En conséquence, l’impôt sur le revenu a d’ailleurs rapporté 7 à 8 % de moins que prévu en 2013 et en 2014.

Malgré les annonces de baisse d’impôt, le taux de prélèvement obligatoire va très peu refluer l’an prochain : il passera de 44,6 à 44,5 %. Ce phénomène s’explique par la montée en puissance d’impôts déjà votés comme la taxe carbone, l’augmentation de la contribution au service public de l’électricité, la hausse des cotisations retraite.

Pour financer ces mesures, le Gouvernement annonce un plan de 16 milliards d’économies aussi imprécises qu’hypothétiques. Il prévoit par exemple un effort de 185 millions d’euros sur les aides au logement, pour 46 milliards dépensés en faveur du logement.

L’effort sera partagé entre l’État et ses opérateurs. Les collectivités locales seront mises à contribution à hauteur de 3,5 milliards, les opérateurs y laisseront 5,1 milliards, les régimes sociaux 7,4 milliards, dont 3,4 pour la seule assurance maladie.

Je tiens à préciser qu’une grande partie des économies n’est pas incluse dans le projet de budget : c’est au cours du débat parlementaire qu’apparaîtront les coupes dans les budgets des ministères.

Les principales économies concernent toujours le prélèvement européen et les taux d’intérêt, phénomènes extérieurs dont vous êtes les heureux bénéficiaires.

Ce budget est irresponsable parce qu’il prévoit une baisse de 9 milliards des prélèvements sur les entreprises qui prendra effet tardivement.

Depuis maintenant trois ans, le Gouvernement ne cesse de prendre des mesures dangereuses pour les entreprises.

Les mesures anti-entreprises mises en œuvre depuis l’arrivée de François Hollande ont eu un impact désastreux sur l’emploi. Cette situation est d’autant plus inquiétante que le Gouvernement ne cesse d’envoyer des messages contradictoires aux entrepreneurs.

Soit on accompagne les entreprises, soit on les matraque fiscalement, c’est ce qui a été fait, de façon sans précédent, depuis trois ans. À travers ce budget, les entreprises bénéficieront de 33 milliards en 2016, aux titres du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et du Pacte de responsabilité.

Toutefois, on peut s’interroger sur la capacité du Gouvernement à tenir tous les engagements pris pour 2017.

Les allègements de charges ne prendront effet qu’au 1er avril seulement, comme l’a expliqué M. le ministre, au lieu du 1er janvier. C’est effectivement une économie de 1,3 milliard.

M. Michel Sapin, ministre. Ce n’est pas une économie.

Mme Marie-Christine Dalloz. Retarder une dépense de trois mois, c’est bien une économie, même si on ne le fait qu’une fois. Vous en avez fait l’aveu, elle servira à financer les autres mesures annoncées. Vous auriez pu et dû faire toutes les annonces en même temps, c’eût été plus logique.

Cette somme de 1,3 milliard servira à financer les mesures annoncées en faveur des entreprises dans le courant de l’année, comme le sur-amortissement ou l’aide aux TPE en faveur de l’embauche d’apprentis.

C’est pour le Gouvernement une façon de compenser le coût des mesures en faveur de l’investissement dans les PME. Mais ce report de trois mois des allègements de cotisations sociales patronales est un très mauvais signal, qui entame la confiance des chefs d’entreprise dans la stabilité des choix politiques.

M. Hervé Mariton. Très juste !

Mme Marie-Christine Dalloz. On ne peut faire des annonces et revenir dessus de façon détournée par un décalage de trois mois.

M. Hervé Mariton. Donner c’est donner, reprendre c’est voler !

Mme Marie-Christine Dalloz. En effet !

Enfin, ce budget est irresponsable en ce qu’il prévoit une baisse radicale des dotations aux collectivités locales.

Pour la troisième année consécutive, ce projet de loi de finances pour 2016 entérine une réduction des concours financiers de l’État aux collectivités, à hauteur de 3,67 milliards d’euros. En 2016, le montant des dotations apportées aux collectivités sera égal à 33,108 milliard, en recul de 9,6 % par rapport à 2015. Cette diminution de 3,67 milliards risque d’entraîner certaines collectivités dans des situations financièrement insoutenables. Je pense à certains départements qui, aujourd’hui, ne peuvent plus financer le revenu de solidarité active.

M. Damien Abad. C’est vrai !

M. Patrick Ollier. Très bien !

Mme Marie-Christine Dalloz. Si vous vouliez bien que nous retournions en commission, nous pourrions y étudier l’impact de trois mesures phares, liées à des compétences propres de l’État : le handicap, l’allocation personnalisée d’autonomie et le RSA.

Je voudrais que vous regardiez précisément quel est l’impact de ces mesures sur les départements.

M. Xavier Breton. Ce serait intéressant !

Mme Marie-Christine Dalloz. Depuis plusieurs années déjà, on observe un effet de ciseaux : l’État compense de moins en moins ces politiques-là et voici que vous coupez dans les dotations qui permettaient de les financer.

M. Damien Abad. C’est vrai ! Vous nationalisez le RSA !

Mme Marie-Christine Dalloz. Or ce sont des politiques sociales à destination de tous et des mesures de justice – puisque vous êtes attachés à la justice.

Cette baisse, d’un niveau inédit, sans concertation –cela vous a été beaucoup reproché –, va mettre à mal les budgets de certaines collectivités. Vous montrez du doigt la gabegie financière. Effectivement, monsieur le ministre, les collectivités les plus dépensières sont les moins affectées par vos baisses de dotations : c’est tout de même paradoxal, j’y reviendrai.

Entamée en 2014, la baisse des dotations de l’État doit représenter sur quatre ans un manque à gagner de 28 milliards d’euros pour les collectivités territoriales, dont près de 16 milliards pour les communes de France.

Votre Gouvernement ne semble pas mesurer l’impact négatif de cette baisse sur l’investissement des collectivités locales, qui représente 70 % des investissements publics et soutient massivement certains secteurs, comme le bâtiment et les travaux publics.

Les dépenses d’urgence annoncées récemment, qu’il s’agisse d’aider les réfugiés ou les agriculteurs, et dont le montant total est évalué entre 600 millions et 1 milliard, ne sont pas intégrées dans ce budget, ou du moins n’y apparaissent pas lisiblement.

Ce budget est donc mensonger et irresponsable ; il se révèle en outre insoutenable, compte tenu de son absence de perspectives, de son incapacité à engager des réformes de qualité qui puissent sortir notre pays de la crise économique dans laquelle il est plongé depuis trop longtemps.

Selon les prévisions du Gouvernement, le déficit public s’élèvera à 3,8 % du PIB en 2015 et à 3,3 % en 2016. Si l’objectif de 2015 est pratiquement acquis – je vous en donne quitus, monsieur le ministre –, celui de 2016 semble difficile à atteindre.

M. Michel Vergnier. C’est ce que vous aviez dit l’année dernière !

Mme Marie-Christine Dalloz. Le déficit du budget de l’État représentera 72 milliards d’euros, contre 73 milliards l’année dernière. La réduction du déficit sera très modeste en 2015 : 3,8 % du PIB contre 3,9 % en 2014.

Notre déficit public reste nettement supérieur à la moyenne de la zone euro, dont je rappelle qu’elle s’établissait à 2,4 % en 2014 et 2,9 % en 2013.

Au regard de l’évolution de la dépense publique, et faute de réformes d’envergure et courageuses, l’objectif pour 2016 est impossible à atteindre.

La France reste le malade de l’Europe, comme l’a dit Hervé Mariton. Je ne sais si elle est malade ou mauvaise élève, mais la France a aujourd’hui un problème au sein de l’Europe en raison du niveau de son déficit public.

La réduction du déficit structurel n’est que de 0,4 % en 2015 et de 0,5 % en 2016. Ces chiffres sont problématiques, parce que la France en 2015 sera en dessous du minimum requis par le Pacte de stabilité.

Pour 2016, la France sera encore à la traîne par rapport à l’objectif assigné par nos partenaires européens.

La France s’est pourtant engagée – et c’est un engagement de notre pays dont nous sommes tous comptables – auprès de la Commission européenne à réduire son déficit à 3,8 % du PIB en 2015 et à 3,3 % en 2016.

M. Michel Sapin, ministre. On le fera !

Mme Marie-Christine Dalloz. Le compte n’y est pas, monsieur le ministre. Si par souci de crédibilité, la majorité ne peut revenir sur ces objectifs de déficit public, il ne reste alors que peu de paramètres sur lesquels intervenir dans l’équation budgétaire. Le Gouvernement ne veut pas revenir sur les baisses de charges des entreprises, ce qui me paraît logique, même s’il y a une forte opposition à l’aile gauche du PS.

La solution pourrait passer par des économies supplémentaires, mais lesquelles ? Le Gouvernement doit trouver 5 milliards d’euros supplémentaires pour 2016, afin de respecter son objectif de réduction de la dépense publique. Il vous faut compenser les effets de la faible inflation, d’autant que vos économies sont promises, monsieur le ministre, mais pas toujours réelles.

Même la rapporteure générale l’a admis…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ah !

Mme Marie-Christine Dalloz. …avec une honnêteté intellectuelle qui l’honore : un quart des économies promises en 2016 n’est pas totalement connu.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous n’avez pas bien lu, madame la députée !

Mme Marie-Christine Dalloz. Or, dans le même temps, monsieur le ministre des finances, vous parlez de « ralentissement sans précédent » de la dépense publique !

M. Michel Sapin, ministre. Le président de la commission l’a dit lui-même !

Mme Marie-Christine Dalloz. Préciser le niveau des dépenses publiques justifierait un retour en commission.

M. Damien Abad. Très bien !

Mme Marie-Christine Dalloz. L’OCDE, d’ailleurs, a baissé sa prévision de croissance pour la France. Vous me direz qu’elle ne passe que de 1,5 à 1,4. Oui, mais 0,1 point peut avoir des conséquences sur le budget quand on en a vraiment besoin.

Ce budget est insoutenable car à la fin du deuxième trimestre, la dette publique s’établit à 97,6 % du PIB, soit 2 105 milliards. Elle est en hausse de 16 milliards par rapport au trimestre précédent et ce niveau d’endettement, au milieu de l’année, est déjà supérieur à celui que le Gouvernement visait – à savoir, 96,3 %.

Ce budget est insoutenable car il prévoit d’augmenter les effectifs de la fonction publique d’État : 8 304 postes de fonctionnaires vont être créés en 2016, une première depuis 14 ans !

Puisque vous aimez citer les chiffres antérieurs à 2012, monsieur le ministre, je viens vous préciser qu’entre 2007 et 2012, ce sont près de 150 000 postes de fonctionnaires publics d’État qui ont été supprimés. Vous voyez, les réalités sont tout de même très différentes.

Alors que les effectifs étaient en baisse depuis 2012, François Hollande renonce à un engagement de campagne tendant à les stabiliser, pris à Orléans le 29 juillet 2012.

M. Serge Grouard. Très jolie ville ! (Sourires.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Les ministères de l’éducation nationale et de la défense seront les principaux bénéficiaires. Les autres ministères verront la suppression de 3 939 équivalents temps plein, dont plus de la moitié concernent le ministère des finances.

Je voudrais revenir sur trois articles, monsieur le ministre. Ainsi, l’article 14 tend à fixer la contribution des organismes aux finances publiques. Il est facile de prendre dans la poche de tout le monde ! Ce sont des opérateurs, on les taxe ! Les agences de l’eau verseront 175 millions d’euros ! Mais quand, dans vos communes, vous aurez des conduites en plomb, ou des conduites à changer, et que l’agence de l’eau ne sera pas en accompagnement, vous allez trouver là de réelles difficultés en matière d’eau et d’assainissement.

En revanche, et c’est un paradoxe que vous devrez m’expliquer, vous ne touchez pas au Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC, ni à son fonds de roulement, ni à son flux. Il est totalement épargné – je crois que c’est le seul organisme à ne pas avoir été purgé d’une quelconque manière.

D’autres organismes, notamment les chambres de commerce, sont quant à eux à nouveau douloureusement ponctionnés cette année.

Enfin, très honnêtement, je me suis demandé comment il était possible de se retrouver dans cet article 14, qui compte pas moins de 51 alinéas : c’est vous dire ! Il serait intéressant de disposer d’un chiffre global parce que personne ne s’y retrouve !

M. Michel Vergnier. Il est vrai que l’on n’y comprend rien…

Mme Marie-Christine Dalloz. L’article 11 concerne l’élargissement du Fonds de compensation pour la TVA, que vous ouvrez aujourd’hui aux travaux d’entretien dans les bâtiments publics. Cela signifie donc que vous soutenez la filière du bâtiment, mais celle des travaux publics n’aurait pas besoin de l’être ? Ne pensez-vous pas que les baisses des dotations ont eu un impact sur les deux filières ? Vous en avez pris conscience et c’est très bien.

Je ne m’étendrai pas sur l’analyse de l’article 34 mais, là encore, un retour urgent en commission s’impose. Vous y engagez le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu pour une mise en œuvre en 2018, très bien, mais nous ne savons pas quand ses modalités seront examinées, même si vous insinuez déjà la notion de progressivité de la CSG.

Tout cela est lacunaire et inacceptable. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains demande le renvoi en commission de ce texte approximatif. Je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Hervé Mariton. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Je souhaite donner en quelques mots plusieurs éléments de réponse à Mme Dalloz et appeler l’Assemblée nationale à délibérer de ce PLF sans qu’il soit nécessaire de revenir en commission.

Même si ce n’est pas à moi de défendre les travaux de cette dernière mais à son président et à sa rapporteure, je considère qu’ils ont été riches, utiles, et qu’ils permettent d’éclairer l’Assemblée.

Je vous écoute souvent, madame, mais je me dis parfois que certains de vos propos sont vraiment dommageables.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ah bon ?

M. Michel Sapin, ministre. Nos débats sont importants, difficiles. C’était le cas lorsque vous étiez dans la majorité, c’est encore le cas aujourd’hui.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bien sûr !

M. Michel Sapin, ministre. Souvent, je trouve qu’il ne faut pas user de formules exagérées qui finissent par devenir insignifiantes, comme celles que vous avez employées – « mensonger, irresponsable, insoutenable »…

Mme Marie-Christine Dalloz. Cela parle à nos concitoyens.

M. Michel Sapin, ministre. On ferait mieux de débattre différemment comme lorsque j’écoute M. de Courson ou M. le président de la commission des finances. Débattons de manière sereine des hypothèses économiques !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est le cas.

M. Michel Sapin, ministre. Lorsque j’entends que l’hypothèse de croissance de 1,5 % pour l’année prochaine serait « mensongère », je suis gêné : j’ai entendu le président de la commission dire ici qu’elle lui paraissait raisonnable.

Sur de tels sujets, nous pourrions au moins nous mettre d’accord : les hypothèses qui fondent ce budget sont raisonnables.

M. Dominique Baert. C’est vrai.

M. Damien Abad. Mais difficilement atteignables.

M. Michel Sapin, ministre. Il est toujours possible d’en débattre, d’évoquer des hypothèses de 1,4 % ou 1,6 % car personne n’est capable de dire qu’une prévision se réalisera parfaitement.

Il n’en reste pas moins qu’un réel consensus existe aujourd’hui – sauf pour vous, madame Dalloz, et quelques autres qui exagèrent toujours – pour considérer que ce budget, comme celui de 2015, se fonde sur des hypothèses raisonnables.

M. Patrick Lebreton. Irréalistes !

M. Michel Sapin, ministre. Il serait bon, de temps en temps, que nous nous écoutions. Cela est vrai pour moi comme pour vous.

L’année dernière, vous disiez exactement la même chose ! Nous n’étions pas censés atteindre une croissance de 1 % ! Vous citiez d’ailleurs le Haut conseil des finances publiques, lequel assurait que c’était une hypothèse optimiste ! Eh bien, vous êtes la première à dire que cette hypothèse se concrétisera et que le résultat sera même éventuellement un peu supérieur, quels que soient les chaos du chemin d’un trimestre à l’autre.

Oui, nous travaillons maintenant sur des hypothèses de croissance pour 2015 et 2016 qui sont réalistes et sérieuses !

Il est possible de dire la même chose s’agissant des hypothèses d’inflation. Vous ou d’autres avez dit qu’une hypothèse de 1 % pour l’année prochaine était totalement irréaliste.

Je suis désolé mais, moi, je respecte la Banque centrale européenne. Peut-être n’est-ce pas le cas de tout le monde mais je gage que vous aussi, vous la respectez – elle mène d’ailleurs en ce moment une politique extrêmement utile pour soutenir la croissance en Europe et, en particulier, en France.

M. Damien Abad. Dites-le aux frondeurs !

M. Michel Sapin, ministre. Que dit-elle ? Que l’inflation, l’année prochaine, devrait être de 1 %, l’objectif de la BCE se situant plus exactement un peu en dessous de 2 %.

Pour construire ce budget, je retiens donc l’hypothèse de la BCE. Elle mentirait donc ? Je veux bien, mais ce serait tout de même un peu exagéré de le prétendre compte tenu de son travail, de sa sagesse et de la capacité de ses économistes à faire des prévisions dans ce domaine-là.

Si nous laissions de côté ce débat sur l’insincérité budgétaire, tellement convenu, et que l’on admette que le budget repose sur des bases solides – même si rien n’est certain puisque c’est de l’avenir dont il s’agit –…

Mme Marie-Christine Dalloz. Je ne crois pas à la solidité de cette loi.

M. Michel Sapin, ministre. … je pense que notre discussion aurait une autre allure.

Les sujets existent sur lesquels il est possible de débattre, sur lesquels nos avis diffèrent mais, franchement, une hypothèse, ce n’est pas un débat idéologique fondamental ! Il s’agit simplement d’examiner si nous nous approchons de la vérité ou si, manifestement, nous nous trompons. En l’occurrence, nous sommes dans le vraisemblable tant je ne sais pas comment vous faites pour connaître exactement la vérité de ce que sera l’avenir.

Je vais prendre un autre exemple, madame – j’essaie de vous répondre pour vous montrer, afin de poursuivre notre débat, qu’un retour en commission ne s’impose pas.

Soit la question de la baisse des impôts et des charges pour les entreprises.

Votre discours est classique : « Vous les avez matraquées ! ».

M. Damien Abad. C’est vrai !

Mme Véronique Louwagie. Vingt milliards !

M. Michel Sapin, ministre. Je vais essayer de vous démontrer, monsieur Abad, que les faits et les chiffres démentent votre affirmation. Écoutez-moi !

De quand date l’augmentation d’un certain nombre de prélèvements sur les entreprises ? De 2012 ?

M. Serge Grouard. Du début des années quatre-vingt !

M. Michel Sapin, ministre. Vous êtes sérieux, vous regardez les choses, vous regardez ce que vous avez voté ! L’augmentation des prélèvements sur les entreprises date de 2011 – les mesures ayant été votées à la fin de 2010 – et de 2012 – les mesures ayant été votées à la fin de 2011. Ce sont les lois de finances que vous avez votées !

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais la progression des augmentations est insoutenable !

M. Michel Sapin, ministre. Écoutez-moi, madame ! En 2010, pour l’année 2011, et en 2011, pour l’année 2012, tous textes confondus, PLF ou PLFSS, vous avez voté 16 milliards d’augmentation des prélèvements sur les entreprises. Seize milliards !

M. Serge Grouard. En 2012, ce sont 43,7 milliards qui ont été prélevés !

M. Michel Sapin, ministre. Écoutez-moi, écoutez-moi ! J’essaie d’être honnête. En tant qu’Orléanais, monsieur Grouard, vous êtes par définition serein et plein de sagesse !

M. Serge Grouard. Ça, c’est exact !

M. Michel Sapin, ministre. Démontrez-le donc !

En 2012, la majorité ayant changé, des augmentations ont-elles eu lieu ? La réponse est positive. Voulez-vous en connaître le chiffre – car il est vrai que cela nous incombe puisqu’il fallait lutter contre les déficits ? Il est de 18 milliards.

Seize milliards de votre part, dix-huit milliards de la nôtre. Vous pourriez dire que nous avons augmenté les prélèvements un peu plus que vous, certes, mais n’oubliez pas les 16 milliards qui vous incombent ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Écoutez-moi jusqu’au bout afin d’éviter des débats inutiles et que nous puissions nous concentrer sur ceux qui sont utiles : si l’on ajoute 16 milliards à 18 milliards, cela fait 34 milliards. De 2011 à 2013 et même un peu au début de 2014, l’augmentation des prélèvements sur les entreprises a donc été de 34 milliards.

Qu’avons-nous fait depuis 2014 ? Avec le CICE, la baisse des charges représente aujourd’hui 17 milliards. S’y ajoute le pacte de responsabilité…

M. Damien Abad. Vous reportez les charges de trois mois !

M. Michel Sapin, ministre. …ainsi qu’une baisse de 9 milliards des impôts et cotisations comme nous nous y étions engagés pour 2016 ! Tel était mon engagement à l’égard des entreprises, et il sera tenu !

Au total – vous avez vous-même cité le chiffre, madame – la baisse des impôts et des cotisations pour les entreprises à la fin de 2016 sera de 33 milliards, à mettre en regard des 34 milliards dont je viens de parler.

Qui aura effacé les augmentations de cotisations et d’impôts, y compris celles que vous aviez engagées ? Nous et…

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas la même chose ! Avec des choux et des carottes, on fait une soupe, pas de bons comptes !

M. Michel Sapin, ministre. …pas vous ! Reconnaissez-le ! Après, nous pouvons discuter ensemble : fallait-il le faire, de cette façon, d’une autre ? Cela fait partie des débats parfaitement légitimes entre nous mais ne contestez pas ce point : ce qui, aujourd’hui, permet aux entreprises de retrouver des marges de manœuvres afin d’investir et d’embaucher, c’est la politique que nous menons !

Vous pouvez dire que ce n’est pas suffisant, qu’il faudrait faire encore plus, mais reconnaissez les choses !

M. Damien Abad. Macron, sors de ce corps !

M. Michel Sapin, ministre. Dernier commentaire, madame la présidente, toujours à propos des impôts.

C’est une rengaine : vous êtes revenus, si j’ose dire, sur la question de l’impôt sur le revenu.

En 2010, vous avez voté des augmentations d’impôts sur les ménages et nous avons fait de même…

Mme Véronique Louwagie. Tous les ans !

M. Michel Sapin, ministre. …afin de lutter contre les déficits mais avec plus de justice : il est en effet plus juste de créer une tranche à 45 % que de bloquer – de ne pas réévaluer – le barème de l’impôt sur le revenu, comme vous l’avez fait et comme nous avons continué de le faire pendant un an, les plus faibles payant ainsi autant que les plus forts.

Mme Véronique Louwagie. Nous n’avons pas la même conception de la justice !

M. Michel Sapin, ministre. Vous avez donc commencé et nous avons continué.

Avant que vous ne commenciez à augmenter les impôts, 46 % des ménages payaient l’IR. Le pourcentage a augmenté jusqu’à 52 %, 53 % ou 54 %.

M. Charles de Courson. 56 % !

M. Michel Sapin, ministre. Que faisons-nous ? Nous ramenons ce taux à 46 %. Et vous dénoncez la concentration de l’impôt ! Mais vous vous dénoncez vous-mêmes !

Mme Marie-Christine Dalloz. L’augmentation s’élève à 20 milliards !

M. Michel Sapin, ministre. La concentration est nulle. Nous revenons au niveau habituel de ces dernières années, avant les augmentations d’IR que vous avez commencé à appliquer. Il en est ainsi ! Après, vous pourrez dire qu’il faut des baisses supplémentaires pour les plus riches…

M. Damien Abad. Dites-nous donc ce qu’est un riche !

M. Michel Sapin, ministre. … allez-y, dites-le ! Dites qu’il faut supprimer la tranche à 45 % ! Dites qu’il faut supprimer l’ISF – vous commencez d’ailleurs à le dire, dites-le donc carrément ! Là, nous profiterons d’un véritable débat sur nos vraies différences !

En tout cas, il me semble qu’il n’est point utile de revenir en commission pour pouvoir continuer à débattre de ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Alain Fauré.

M. Alain Fauré. Madame la présidente, madame Dalloz, le ton de votre exposé pour nous inciter à voter cette motion de renvoi en commission montre que vous-même n’y croyiez pas.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais si !

Mme Véronique Louwagie. C’est mal connaître Mme Dalloz !

M. Alain Fauré. Non, vous n’y croyiez pas, le ton n’était pas au rendez-vous, et je vous comprends.

En effet, le budget a été établi sur la base d’une croissance de 1,5 %, chiffre reconnu par toutes les instances – FMI, BCE, etc. – et qui ne saurait être remis en cause.

L’Europe, donc nos partenaires, reconnaît également l’engagement de la France et les efforts accomplis pour redresser le pays que le budget pour 2016, d’ailleurs, traduit.

Un taux d’intérêt sur le long terme à 2,4 % témoigne que, là encore, nous nous appuyons sur des chiffres raisonnables.

Mme Marie-Christine Dalloz. À quel moment de l’année bascule-t-on à ce taux-là ?

M. Alain Fauré. Les recettes sont donc garanties, madame Dalloz, mesdames et messieurs les députés des Républicains, afin d’accompagner les dépenses que nous avons engagées et qui seront donc effectives.

Pourquoi un tel renvoi en commission ? Constater une fois de plus l’absence des députés de droite, plus préoccupés de cumuler les mandats que de défendre le budget de l’État ? (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Damien Abad. Il est certain qu’il est difficile de cumuler lorsque l’on perd les élections !

M. Alain Fauré. Il n’y aura pas de renvoi en commission car rien ne le justifie – d’autant qu’à l’écoute des propositions de M. Mariton, qui persiste à reproduire les erreurs qui ont été faites de 2002 à 2012, nous irions assurément dans le mur, pied au plancher !

Gouverner, c’est choisir – nous le faisons – mais c’est aussi prévoir, monsieur Mariton, c’est aussi renforcer les pouvoir régaliens de l’État et redresser le pays. C’est pourquoi nous ne voterons pas cette motion ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Damien Abad. Dommage !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le ministre, vous avez parlé d’exagération dans les propos de notre collègue Marie-Christine Dalloz, or, je voudrais revenir sur ces mots parce qu’il est possible d’interpréter différemment ce qu’ils désignent.

Un budget mensonger ? Certes ! Vous évoquez les hypothèses d’une inflation à 1 % et d’une croissance à 1,5 %.

Je rappellerai simplement que vous avez révisé à la hausse l’estimation de la croissance potentielle, puisque le taux initialement retenu dans la loi de programmation était de 1,3 %. Cette révision conduit à un niveau de solde structurel de -1,2 % du PIB en 2016 et à un ajustement structurel de 0,5 % de PIB.

Je voudrais également citer l’avis du Haut conseil des finances publiques relatif aux projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale pour 2016. Ses observations relatives aux prévisions économiques vont donner de la force aux arguments de Mme Dalloz : malgré les facteurs favorables identifiés au printemps, et qui perdurent – le cours du baril et le niveau des taux d’intérêt, notamment – le Haut conseil décrit un environnement économique plus incertain, marqué par l’apparition de risques nouveaux : une volatilité accrue sur le marché des changes et les marchés financiers et un ralentissement du commerce mondial. Le Haut conseil considère que l’hypothèse d’une croissance de 1,5 % en 2016 ne peut plus être qualifiée de prudente, comme elle l’avait été au mois d’avril. Il estime néanmoins que, soutenue par la demande interne européenne, elle demeure atteignable.

M. Michel Sapin, ministre. Très bien !

Mme Véronique Louwagie. Voilà qui conforte les arguments de Mme Dalloz.

Je voudrais à présent revenir sur plusieurs des points qui ont été évoqués, à commencer par la baisse des dotations aux collectivités. Je crois que vous n’avez pas mesuré l’impact qu’aura cette baisse sur toutes les collectivités, quelles qu’elles soient – communes, communautés de communes, départements. Ces derniers subissent une double peine, aujourd’hui…

M. Damien Abad. C’est vrai !

Mme Véronique Louwagie. …puisqu’ils doivent faire face à une augmentation du revenu de solidarité active et de l’allocation personnalisée d’autonomie, alors même que leurs dotations se réduisent. Il importe donc de renvoyer ce texte en commission, afin de mesurer l’impact de ces mesures.

M. Damien Abad. Très bien !

Mme Véronique Louwagie. S’agissant des entreprises, vous avez évoqué une hausse des prélèvements de 34 milliards d’euros et une baisse de 9 milliards.

Mme la présidente. Merci de conclure, chère collègue.

Mme Véronique Louwagie. Mais vous tenez un double langage, puisque vous avez décidé d’un report des cotisations patronales, ce qui ne donne pas confiance aux entreprises.

M. Camille de Rocca Serra. C’est vrai !

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais terminer par la concentration de l’impôt sur le revenu, que vous niez. Mais il y a bel et bien concentration, monsieur le ministre ! Ce sont 20 milliards d’euros supplémentaires qui ont été prélevés entre 2012 et 2015, or 55 % des foyers fiscaux payaient l’impôt sur le revenu en 2012 et ils ne sont plus, aujourd’hui, que 46 % à le faire.

Je donnerai un dernier chiffre : le nombre de départs à l’étranger de contribuables ayant des revenus supérieurs à 300 000 euros est passé de 251 en 2011 à 450 en 2012, et 659 en 2013. Il y a donc une vraie concentration de l’impôt sur le revenu.

M. Xavier Breton. Très bien.

Mme la présidente. Merci, madame.

Mme Véronique Louwagie. Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter la motion de renvoi en commission défendue par notre collègue Marie-Christine Dalloz. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, sur la prévision retenue d’une inflation à 1 %, votre argumentation est très faible.

M. Xavier Breton. Eh oui !

M. Charles de Courson. Nous finirons l’année 2015, d’après vos prévisions, avec une inflation à 0,1 %, c’est-à-dire une inflation quasi-nulle. À moins que vous ne vous réclamiez de l’école monétariste quantitativiste…

M. Michel Sapin, ministre. Pourquoi pas ?

M. Charles de Courson. …je ne vois pas comment on peut passer de 0,1 % à 1 %, alors que nous sommes en économie ouverte, que la concurrence est extrêmement forte et que ceci cantonne les prix.

Votre raisonnement est un peu faible : vous dites que la Banque centrale européenne a pour objectif de remonter le taux d’inflation à 2 %, mais vous ne bouclez pas votre raisonnement, monsieur le ministre ! Par quel moyen ?

Mme Arlette Grosskost. En injectant des liquidités.

M. Charles de Courson. En menant une politique de quantitative easing ? Mais c’est ce qu’elle fait depuis des mois ! Avez-vous constaté que cela se traduisait par une remontée des taux d’intérêt ? Excusez-moi de vous déranger dans votre dialogue, monsieur Sapin.

M. Michel Sapin, ministre. Je m’entretiens avec le président de la commission des finances !

M. Charles de Courson. C’est bien ce que je vois !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous discutons de l’inflation !

M. Charles de Courson. Nous, à l’Union des démocrates et indépendants…

M. Patrick Lemasle. Vous êtes tout seul !

M. Charles de Courson. …nous persistons à penser, comme nos collègues du groupe Les Républicains, que votre hypothèse d’une inflation à 1 % est totalement excessive.

Deuxièmement, je ne vous reprocherai pas tout à l’heure, lorsque j’interviendrai dans la discussion générale, d’avoir retenu une hypothèse de croissance en volume de 1,5 %. C’est, grosso modo, l’état actuel des prévisions. Mais prenez garde, monsieur le ministre, au fait que la situation se dégrade ! Nos prévisions, il y a quelques moins, étaient plus élevées que cela : la prudence s’impose donc.

Troisièmement, sur le taux de croissance potentielle, je ne vous lâcherai pas jusqu’à la fin de cette législature.

M. Alain Fauré. Cela fait vingt-cinq ans que vous ne nous lâchez pas !

M. Patrick Lemasle. C’est du harcèlement !

M. Charles de Courson. Vous essayez de nous expliquer que le déficit structurel s’effondre. Mais, vous ne répondez jamais, monsieur le ministre, pas plus que M. Eckert, à la question suivante : si votre hypothèse est exacte, comment se fait-il que l’écart se creuse entre le déficit effectif et le déficit structurel, pour atteindre aujourd’hui 2,1 % du PIB ? Cela signifie que vos hypothèses de croissance potentielle sont totalement irréalistes ! Nous voterons donc cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Véronique Louwagie. Bravo !

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Nous en venons aux orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à Mme Eva Sas, première oratrice inscrite.

Mme Eva Sas. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, chers collègues, vous le comprendrez, j’en suis sûre : les écologistes ont un souhait, c’est qu’au travers de ce budget, et à l’approche de la conférence climat, la France soit à la hauteur des enjeux environnementaux. J’ai entendu les informations que la rapporteure générale et vous-même avez données, mais, vous en conviendrez également, aucune nouvelle mesure en faveur de l’environnement ne figure dans ce budget. Notre société doit changer. Nos modes de production, de consommation, de déplacements doivent évoluer, et l’État doit contribuer à cette évolution. Nous ne pouvons demander à nos concitoyens de modifier leurs comportements si nous ne les y aidons pas.

Monsieur le ministre, je voudrais évoquer trois enjeux qui sont chers aux écologistes : le diesel, le climat et les transports collectifs. Vous nous direz que vous partagez ces priorités, mais vous nous direz aussi qu’il faut attendre plus tard. Les Verts ont été créés en 1984 et cela fait donc exactement 31 ans que l’on nous dit : « Plus tard ». Cela fait également 31 ans qu’on nous explique toutes les raisons de ne pas agir. Monsieur le ministre, vous n’êtes certes pas responsable des 31 ans qui viennent de s’écouler, mais je veux vous donner ici toutes les raisons d’agir, et d’agir maintenant.

Nous le répétons dès que nous en avons l’occasion : le diesel a été reconnu comme cancérigène certain par l’Organisation mondiale de la santé dès 2012. Nous le répétons, pour que chacun comprenne quelle aberration il y a à accorder un avantage fiscal de 15 centimes par litre à un carburant dont nous savons tous maintenant qu’il est nocif pour notre santé. Aujourd’hui même, une alerte concernant la pollution aux microparticules est lancée dans plusieurs régions de France. En Île-de-France, c’est le neuvième épisode de pollution aux microparticules depuis le début de l’année. Et pourtant, si l’écart de fiscalité entre l’essence et le diesel a été réduit de 2 centimes l’année dernière, vous ne nous proposez plus de le réduire que de 0,3 centime cette année. Pourquoi interrompre le mouvement, alors même que la question du diesel est au cœur de toutes les préoccupations ?

Ce que vous proposent les écologistes, c’est de faire converger les fiscalités sur l’essence et le diesel à l’horizon 2020. Et ce, sans alourdir la fiscalité des ménages, contrairement à ce que nous disait Christian Eckert mercredi dernier, puisque nous vous proposons plusieurs options, dont celle de le faire à iso-fiscalité, par une baisse des taxes sur l’essence et une augmentation sur le diesel. Nous sommes heureux de voir que le Gouvernement, à travers la parole de la ministre de l’écologie, nous a rejoints sur ce point. Mais, avant même de faire converger ces fiscalités, il faut encourager les détenteurs d’un véhicule diesel qui veulent en changer : nous vous proposons donc d’étendre la prime à la conversion et d’instaurer un bonus-malus à l’achat du véhicule, sur l’émission de particules fines.

Le deuxième sujet prioritaire pour les écologistes, c’est évidemment la lutte contre le réchauffement climatique. Chacun peut constater quotidiennement les conséquences sensibles du dérèglement climatique : multiplication des événements climatiques violents, sécheresses à répétition, fonte des glaces et montée des océans.

M. Serge Grouard. C’est vrai.

Mme Eva Sas. La France accueille en cette fin d’année la COP 21. L’enjeu est majeur et elle doit se montrer exemplaire en la matière. Et pourtant, la trajectoire de la contribution climat-énergie, votée dans la loi de transition énergétique, n’est pas inscrite dans ce projet de loi de finances. Donner un prix croissant au carbone est nécessaire, pour que les acteurs économiques puissent anticiper la rentabilité future de leurs investissements en matière d’énergies renouvelables et d’économies d’énergie. Nous vous proposons donc d’inscrire la trajectoire de la contribution climat-énergie dès cette loi de finances, comme le proposait également la commission du développement durable par la voix de son rapporteur cet après-midi même.

Le troisième sujet essentiel à nos yeux, c’est la mobilité durable. Car nous ne pourrons pas lutter efficacement contre le réchauffement climatique si nous n’offrons pas au plus grand nombre une alternative au véhicule individuel. Pour diversifier l’offre de transports, nous vous proposons de porter le budget de l’Agence des transports à 2,5 milliards d’euros par an, comme l’annonçait le Premier ministre de l’époque dès 2013. C’est le budget nécessaire pour développer des projets nouveaux, mais aussi pour assurer l’entretien des réseaux, qui sont aujourd’hui dans un état déplorable, et qui nécessitent sécurisation et modernisation.

Enfin, le développement des circuits courts et de l’agriculture biologique doit être plus directement soutenu, comme le rappelait le rapporteur de la commission des affaires économiques, commission qui a adopté des amendements sur les abattoirs de proximité et la TVA réduite sur la restauration bio, que nous vous invitons à soutenir.

Mais nos propositions ne se limiteront pas aux seuls aspects environnementaux. Nous vous proposerons de maintenir les dotations aux collectivités territoriales, indispensables pour préserver la vie associative et les services publics locaux. En effet, vous prévoyez une diminution des dotations de 3,67 milliards d’euros, comme en 2015. Or les conséquences de la première année de baisse font déjà des dégâts en matière d’investissements, puisque ceux-ci ont diminué, dans les collectivités, de 9,6 % en 2014, et qu’ils devraient encore reculer de 8,4 % en 2015. De plus, dans de nombreux territoires, les subventions aux associations sont réduites, ce qui touche très directement l’activité des maisons des jeunes et de la culture, des missions locales, ou des crèches. Nous avons bien noté la création d’une subvention spéciale à l’investissement d’un milliard d’euros, mais si nous partageons votre souci de la maîtrise de la dépense publique, nous vous invitons à observer les conséquences concrètes d’une baisse aussi brutale des dotations sur les services rendus aux citoyens.

Nous vous proposons également d’amplifier la promotion de l’apprentissage, qui constitue un enjeu majeur pour notre pays. Enfin, dans la perspective de la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG en 2018, nous vous proposerons d’entamer une étape concrète, avec une CSG progressive et allégée pour les ménages aux revenus modestes et les classes moyennes.

Monsieur le ministre, nous allons discuter des choix budgétaires pour la France, des choix qui concernent l’avenir proche, c’est-à-dire l’année qui vient, mais aussi l’avenir plus lointain, celui des enfants qui naissent aujourd’hui. Il se trouve que, cette année tout particulièrement, ces avenirs sont intimement liés. Nous vous demandons d’examiner nos propositions avec attention et de partager notre ambition pour ce budget, pour le climat, pour l’environnement, pour l’emploi et pour la jeunesse.

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly