Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 23 novembre 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Denis Baupin

1. Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016

Présentation

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Michèle Delaunay, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Joëlle Huillier, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Mme Marisol Touraine, ministre

Motion de rejet préalable

Mme Isabelle Le Callennec

Mme Marisol Touraine, ministre

M. Gilles Lurton

M. Christophe Sirugue

Motion de renvoi en commission

M. Dominique Tian

Mme Marisol Touraine, ministre

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Mme Bernadette Laclais

M. Bernard Accoyer

Discussion générale

Mme Jacqueline Fraysse

M. Christophe Sirugue

M. Gilles Lurton

M. Francis Vercamer

Mme Véronique Massonneau

Mme Bernadette Laclais

Mme Marisol Touraine, ministre

Deuxième partie

Article 4

Mme Valérie Boyer

M. Bernard Accoyer

M. Denis Jacquat, rapporteur

M. Gérard Bapt, rapporteur

Amendements nos 32 , 158 (sous-amendement) , 143 (sous-amendement) , 144 (sous-amendement)

Vote sur l’ensemble de la deuxième partie

Troisième partie

Article 7 bis

Amendements nos 33 , 113 , 146 (sous-amendement) , 167 (sous-amendement) , 145 (sous-amendement)

Article 9

Amendement no 34

Article 9 bis

Article 9 ter

M. Gilles Lurton

M. Denis Jacquat, rapporteur

M. Francis Vercamer

Mme Isabelle Le Callennec

Amendement no 35

Article 9 quater

M. Denis Jacquat, rapporteur

M. Bernard Accoyer

Amendement no 36

Article 10 bis

M. Denis Jacquat, rapporteur

Amendement no 37

Article 11

Amendements nos 38 , 147 (sous-amendement) , 149 (sous-amendement) , 150 (sous-amendement)

Article 11 bis

M. Bernard Accoyer

Amendement no 39

Article 11 ter

Amendement no 40

Article 11 quater

Amendement no 41

Article 12

Amendements nos 42 , 168 (sous-amendement)

Article 14

Amendements nos 169 rectifié , 43

Article 14 bis

Article 14 ter

Amendements nos 44 rectifié , 170

Article 14 septies

M. Bernard Accoyer

Amendement no 171

Article 14 nonies

M. Francis Vercamer

Amendement no 45

Article 14 decies

Amendements nos 46 , 165

Article 15

M. Frédéric Lefebvre

Amendement no 47 rectifié

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016

Nouvelle lecture

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 (nos 3221, 3238).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, nous abordons la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016. Tandis que je prends la parole devant vous, comment ne pas avoir une pensée pour les victimes des actes terroristes du vendredi 13 novembre, actes d’une violence sans précédent dans notre pays ? Mes pensées vont aux victimes de ces actes, à leurs familles aujourd’hui endeuillées et aux blessés dont certains luttent encore pour leur vie. En effet, 169 d’entre eux sont encore hospitalisés dont 34 en réanimation.

Je pense aussi à tous ces professionnels de santé qui ont fait preuve d’une mobilisation remarquable et d’un professionnalisme exemplaire, au moment des attentats mais aussi dans les jours qui ont suivi, afin d’accompagner les victimes, de les suivre et de les prendre en charge. Je leur adresse une fois encore mes plus vifs remerciements. L’attaque terroriste qu’a subie notre pays a tristement souligné le caractère nécessaire des mesures proposées par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, en particulier la gratuité des soins pour les victimes d’actes terroristes.

Jusqu’à présent, les victimes d’actes terroristes devaient s’adresser à la Caisse nationale militaire de Sécurité sociale et ne bénéficiaient de la gratuité des soins qu’après l’ouverture du droit à une pension d’invalidité. Cette démarche longue et lourde était d’autant plus éprouvante que les personnes concernées venaient de vivre des épreuves particulièrement douloureuses et traumatisantes. C’est pourquoi j’ai proposé en septembre dernier que les victimes d’actes terroristes soient exonérées de toute participation financière en s’adressant directement à leur caisse d’assurance maladie habituelle. J’ai également proposé d’assouplir les conditions d’attribution des indemnités journalières.

J’ai présenté ces mesures le 20 octobre dernier. Elles devaient alors entrer en application après le vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, c’est-à-dire le 1er janvier 2016. Au lendemain des tragiques attentats du 13 novembre, j’ai décidé par dérogation l’application immédiate des mesures destinées aux victimes du terrorisme, en particulier la gratuité des soins. Sans délai, les personnes concernées bénéficient d’une prise en charge à 100 % de leurs soins et les indemnités journalières seront immédiatement versées. Un numéro de téléphone dédié a été mis en place auprès de l’assurance maladie.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Très bonne décision !

Mme Marisol Touraine, ministre. Dans les circonstances tragiques que nous connaissons, je me réjouis d’avoir déjà reçu des messages m’informant que la procédure mise en place fonctionne bien. Elle ôte un sujet de préoccupation aux victimes qui vivent une période difficile. Donner une force renouvelée à notre République sociale, c’est aussi faire progresser les droits sociaux de chacun. Je serai brève car vous connaissez les principales mesures du texte, mesdames et messieurs les députés, et rappellerai brièvement trois avancées majeures que comporte le projet de loi.

La création de la protection universelle maladie, tout d’abord, permettra à chacun de faire valoir ses droits. Il s’agit d’éviter que certains de nos concitoyens, qui sont actuellement plus d’un million chaque année, soient confrontés à des ruptures de leurs droits en raison de changements de lieu d’habitation, de lieu de travail ou de situation personnelle. Il s’agit de simplifier les conditions requises pour ouvrir le droit à un remboursement et de faire en sorte que les changements de caisse primaire d’assurance maladie soient réalisables simplement par Internet, en quelques clics. Le statut d’ayant droit sera supprimé pour les majeurs. La carte Vitale pourra être obtenue dès 12 ans si les parents le souhaitent. La spécificité des différents régimes sera maintenue mais dans les faits les statuts d’étudiant, d’épouse ou d’époux, d’indépendant, de salarié ou de chômeur s’effaceront au profit d’une seule et unique citoyenneté sociale dont attestera la carte Vitale valable pour toute la vie.

En outre, le PLFSS renforce les droits sociaux des Français en étendant le droit à bénéficier d’une complémentaire santé de qualité. Il s’agit de l’un des engagements du Président de la République. Il est aujourd’hui tenu. Dès le 1er janvier 2016, les salariés, y compris les salariés précaires, bénéficieront grâce à ce texte de la généralisation de la complémentaire santé en entreprise. Le texte facilite également l’accès des personnes âgées à une couverture santé complémentaire de qualité. Elles sont en effet confrontées à une hausse du coût de leur complémentaire santé avec l’âge. Afin que les personnes de plus de 65 ans bénéficient d’une complémentaire santé moins chère ou apportant de meilleures garanties, nous mettons en place une labellisation des contrats respectant des conditions de garantie suffisantes et des prix maîtrisés.

Enfin, ce texte instaure le droit à une garantie des impayés de pension alimentaire afin de mieux protéger les familles monoparentales dont nous savons qu’elles sont davantage confrontées à la pauvreté que les autres. Trop souvent, le parent isolé, en général la mère, ne perçoit pas la pension alimentaire à laquelle il a droit. C’est pourquoi nous comptons généraliser la garantie d’une pension alimentaire minimale de 100 euros par enfant.

Ces nouvelles mesures et ces nouveaux droits sont cohérents avec le projet de loi de modernisation de notre système de santé. En particulier, la prévention est l’un des axes majeurs des mesures présentées. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours du débat car plusieurs mesures de prévention sont proposées.

Ces nouvelles mesures s’inscrivent dans la dynamique de redressement des comptes sociaux engagée depuis 2012. Depuis trois ans, nous réduisons le déficit de la Sécurité sociale. Cette dynamique sera poursuivie en 2016. Le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse devrait ainsi être ramené sous la barre des 10 milliards d’euros. La branche vieillesse devrait revenir à l’équilibre pour la première fois depuis 2005. Il y a lieu de se réjouir, sur tous les bancs, de cette évolution positive qui vient apporter des garanties à nos concitoyens inquiets de l’avenir de leur retraite.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Tout à fait !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous avons défini pour 2016 une progression de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie de 1,75 %, soit un effort de 3,4 milliards d’euros contre 3,2 milliards en 2015. Cet objectif sera tenu parce que nous nous conformons à une double exigence. La première consiste à engager des réformes structurelles telles que la lutte contre les actes redondants, la baisse des prix des médicaments, le développement des génériques, les mutualisations hospitalières et le développement de l’ambulatoire. La seconde consiste à refuser que les économies soient réalisées au détriment de la protection de nos concitoyens. Depuis 2012, pas un déremboursement ni une franchise n’ont eu lieu. Ainsi, la part des dépenses de santé à la charge des assurés a reculé. C’est ainsi que nous protégeons le modèle social de nos concitoyens tout en garantissant sa pérennité par la baisse des déficits.

Ce projet constitue une nouvelle étape pour notre système de protection sociale. De nouveaux droits sociaux sont créés afin d’améliorer la protection de nos concitoyens. Plus que jamais, les Français ont besoin de protection. Affirmer notre engagement en faveur d’un système qui protège et promeut l’égalité, en débattre dans un cadre serein et respectueux, brandir la solidarité face à la barbarie, c’est faire vivre notre démocratie et ses principes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après un travail intense et constructif, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture un projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 considérablement modifié. Alors que le texte comptait 61 articles lors de son dépôt, nous avons introduit 31 articles additionnels. Nous avons également supprimé l’article 10, qui mettait fin à trois dispositifs d’exonérations zonées dont le maintien a semblé nécessaire sur presque tous les bancs de cet hémicycle.

M. Dominique Tian. Bonne décision !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le Sénat a confirmé la suppression de cet article, monsieur Tian, et il a adopté 47 autres articles dans les mêmes termes que l’Assemblée. Je salue notamment l’adoption conforme des deux articles mettant en œuvre la deuxième phase du pacte de responsabilité et de solidarité, c’est-à-dire les articles 7 et 8 prévoyant d’une part l’élargissement du champ de la réduction de cotisation patronale familiale et d’autre part l’augmentation de l’abattement d’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés. Par ailleurs, le Sénat a adopté 14 articles additionnels, portant à 58 le nombre d’articles restant en discussion dont 12 suppressions d’articles adoptés par l’Assemblée, 8 modifications de seule forme et 38 modifications de fond. La commission mixte paritaire réunie mardi dernier a logiquement échoué car, quoi qu’en disent nos collègues de l’opposition, le PLFSS adopté par le Sénat est un texte complètement irréel et parfaitement hors sol !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Vous ne l’avez pas lu !

M. Gérard Bapt, rapporteur. En effet, les sénateurs, contrairement à l’an dernier, ont rejeté les principaux articles d’équilibre clôturant la troisième partie du texte et conditionnant l’ensemble des recettes et des dépenses pour 2016.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cette astuce de procédure – quelque peu politicienne – a permis au Sénat de faire abstraction de toute réalité sur la situation de nos finances publiques, et de créer ou d’augmenter allègrement plusieurs niches sociales. Parallèlement, et alors qu’il déplore l’insuffisance des économies, il ne propose pas de nouvelles mesures allant dans ce sens. Si le Sénat n’a pas prévu d’article d’équilibre, c’est qu’il crée des dépenses et supprime des recettes, sans économies correspondantes.

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas bien !

M. Gérard Bapt, rapporteur. En CMP, certains de nos collègues qualifiaient le texte adopté par le Sénat de « bon PLFSS » ou de « mauvais PLFSS », selon leur orientation politique. Pour ma part, je considère que ce texte n’est pas même un PLFSS, car les recettes et les dépenses de la Sécurité sociale doivent s’inscrire dans un cadre général, que le Sénat a supprimé sans rien y substituer.

En nouvelle lecture, la commission des affaires sociales a redonné une réalité à ce PLFSS riche de plusieurs avancées. Elle a rétabli les articles d’équilibre supprimés par le Sénat, notamment les articles 26 et 27, fixant les objectifs de recettes et de dépenses des régimes obligatoires de base pour 2016.

J’aurai l’occasion, lors de l’examen des articles, de détailler chacune des dispositions adoptées par la commission pour la partie du texte dont je suis le rapporteur. À ce stade, je souhaite simplement insister sur quelques mesures importantes.

La commission a rétabli l’article 12, étonnamment supprimé par le Sénat, et dont l’objectif est de simplifier le quotidien des professions libérales en réduisant le nombre de leurs interlocuteurs. J’ai toutefois souhaité adapter les modalités de son entrée en vigueur : pour tenir compte du temps d’adaptation nécessaire aux différents acteurs et des délais de mise en ligne, j’ai proposé de différer l’entrée en vigueur au 1er janvier 2018, alors que le texte initial faisait de cette date d’entrée une date butoir.

S’agissant de l’article 15, c’est la rédaction issue de la première lecture qui a été reprise, mot pour mot. Le Sénat a adopté cet article très important, mais a supprimé l’assujettissement des non-résidents aux prélèvements sociaux sur le capital. Or nous n’avons pas l’intention de renier cette mesure de justice, décidée par notre majorité en 2012.

La commission a également choisi de revenir à la rédaction de l’Assemblée pour l’article 14 ter. Le texte prévoyait une gradation de la sanction en cas de non-respect par les employeurs de leur obligation de négociation annuelle sur les salaires – sanction prenant la forme d’une remise en cause des allégements généraux. Nous aurons l’occasion de rediscuter de cette question, à la faveur des explications du Gouvernement.

Enfin, dans l’attente d’une expertise plus approfondie par le Gouvernement, j’ai renoncé à proposer, au stade de l’examen en commission, le rétablissement de l’article 19, supprimé par le Sénat. Cet article prévoyait l’affiliation au régime général des gens de mer salariés qui sont employés à bord d’un navire pratiquant le cabotage dans les eaux territoriales françaises, ou qui résident en France de manière stable et régulière et qui sont employés à bord d’un navire battant pavillon d’un État étranger. Depuis l’examen en commission, lors duquel nous avons débattu de la question, à l’initiative de M. Lurton, le Gouvernement a pu finaliser un dispositif qu’il présentera dans son amendement n166.

Je n’ai pas proposé non plus de rétablir l’article 57, qui étendait la nouvelle méthode de revalorisation des pensions de retraite du régime général au régime spécial des avocats. Les sénateurs ont fait valoir qu’actuellement, « le coefficient de revalorisation annuelle des retraites de base des avocats ne relève pas de la loi : il est adopté par l’assemblée générale de la caisse nationale des barreaux français », de sorte qu’il « ne semble pas utile d’appliquer à la CNBF, qui a toujours géré l’évolution des paramètres des régimes avec prudence, cette mesure de simplification qui concerne les seules règles de revalorisation déjà prévues par la loi ».

M. Dominique Tian. Le Sénat avait raison !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je vous invite, bien entendu, à adopter ce PLFSS, amendé, pour 2016. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, chers collègues, la Sécurité sociale est, avec l’école, l’un des deux piliers de notre République. Défendre son budget, et donc sa pérennité, doit être pour chacun d’entre nous un objectif prioritaire.

S’agissant de l’assurance maladie, 22 articles restent en discussion. Le Sénat a introduit cinq d’entre eux et en a supprimé cinq. À mon initiative, la commission des affaires sociales a rétabli plusieurs des articles dans la rédaction que nous avions adoptée en première lecture.

Ainsi, elle a décidé de rétablir le texte de l’article 4, relatif à l’ajustement des mécanismes de la clause de sauvegarde et de la contribution due au titre des médicaments traitant l’hépatite C. En effet, les sénateurs ont procédé à plusieurs modifications qui ne nous ont pas semblé souhaitables : modification de l’assiette de la contribution à la charge des entreprises et suppression de la contribution due au titre des médicaments destinés au traitement de l’hépatite C.

La commission a rétabli l’article 21, qui vise à proposer aux personnes de plus de 65 ans des contrats de couverture complémentaire en matière de santé. Nous reviendrons sur ce point à l’occasion de la discussion d’un amendement du Gouvernement. Le Sénat avait supprimé cet article et proposé en alternative le relèvement du plafond de l’ACS pour les personnes de plus de 65 ans. Mais la commission a estimé que cette solution ne suffisait pas à compenser le coût élevé des contrats de complémentaire supportés par les personnes âgées.

À l’article 22, la commission est également revenue sur les modifications apportées par le Sénat, mais cette fois avec l’ambition d’améliorer le dispositif en séance publique : nous aurons l’occasion d’aborder cette question lors de l’examen d’un amendement déposé par le Gouvernement.

La commission a logiquement rétabli les articles 54 et 55, relatifs respectivement aux objectifs de dépenses de l’assurance maladie et à l’ONDAM. Leur suppression était d’autant plus regrettable que l’ONDAM était fixé à un niveau historiquement bas, grâce à un effort notable de maîtrise des dépenses, qu’il convient de saluer.

La commission a souhaité adopter sans modification sept articles, et non des moindres. Je pense notamment à l’article 39, relatif à la création de la protection universelle maladie, et à l’article 49, qui concerne la réforme – très attendue – de la tarification des activités de soins de suite et de réadaptation.

En revanche, la commission a exprimé son désaccord avec le Sénat en supprimant trois articles qu’il avait introduits, dont l’article 51 bis, qui instaurait trois journées de carence dans la fonction publique hospitalière. Ce débat est récurrent et inflationniste. Compte tenu des événements exceptionnellement tragiques que notre pays a connus il y a quelques jours à peine, et de l’investissement tout aussi exceptionnel des équipes hospitalières qui s’en est suivi et que nous saluons, supprimer l’instauration de ces journées de carence était une évidence.

Enfin, la commission a entendu rétablir dans la rédaction adoptée par l’Assemblée les articles 50, 50 bis et 51, qui traitent respectivement de la contractualisation unique entre agences régionales de santé et établissements, de la prescription des transports sanitaires ainsi que de l’étude nationale des coûts. Dans les trois cas, il n’a pas semblé opportun de maintenir les modifications apportées par le Sénat.

Comme Gérard Bapt, et dans la même perspective, j’invite notre assemblée à voter ce PLFSS. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Huillier, rapporteure de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social.

Mme Joëlle Huillier, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le Sénat est quasiment en accord avec notre assemblée sur la partie médico-sociale de ce projet de loi, que j’ai l’honneur de rapporter. Il est vrai que le texte ne comporte que deux articles sur ce sujet, essentiellement consacrés aux établissements pour personnes handicapées.

Le Sénat a adopté en des termes conformes l’article 46, qui prévoit le transfert, en 2017, de la prise en charge par l’État des crédits de fonctionnement des établissements et services d’aide par le travail – ESAT – vers le budget de l’assurance maladie. Ce transfert, qui s’accompagnera de compensations financières, permettra aux agences régionales de santé de piloter au mieux l’adaptation de l’offre.

Nos collègues sénateurs ont aussi validé – et je m’en réjouis – la demande de rapport que nous avions formulée pour étudier les possibilités d’élargir l’accès à la couverture complémentaire santé collective obligatoire aux travailleurs handicapés des ESAT.

Le Sénat a aussi adopté l’article 47, qui prévoit la généralisation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens – CPOM – aux établissements et services accueillant des personnes handicapées. Nos collègues ont eu la clairvoyance d’étendre son champ d’application aux services de soins infirmiers à domicile – SSIAD – auprès des personnes âgées ; 43 % des SSIAD interviennent en effet auprès des deux publics, personnes âgées et personnes handicapées.

Notre commission a confirmé la lecture du Sénat ; je vous invite à en faire de même en séance publique, car le CPOM permet de sécuriser les gestionnaires de structures et de mieux prendre en compte les parcours de vie des personnes.

S’agissant des délais de facturation des prestations à l’assurance maladie par les établissements, je veux rassurer nos collègues de l’opposition : les amendements votés en première lecture, sur proposition du Gouvernement, permettent bien de tenir compte des notifications tardives de certaines maisons départementales des personnes handicapées.

Enfin, je me félicite que le Sénat ait confirmé la demande, sur ma proposition, d’un rapport sur la continuité des soins. Il est urgent de mettre fin à cette injustice coûteuse, qui veut que l’assurance maladie prenne en charge certains dispositifs médicaux lorsque les personnes sont à domicile ou à l’hôpital, mais pas lorsqu’elles entrent dans un EHPAD à forfait de soins global.

Le travail constructif du Sénat et de notre commission doit nous permettre de voter définitivement ces deux articles, qui traduisent très concrètement les conclusions du rapport de Denis Piveteau, Zéro sans solution, sur la prise en charge des personnes handicapées.

À ce propos, je tiens à saluer encore une fois l’engagement du Gouvernement. En 2016, une enveloppe de 15 millions d’euros sera débloquée pour offrir des solutions de proximité adaptées aux enfants, notamment, afin que cessent les départs plus ou moins contraints vers la Belgique. Au-delà, ce PLFSS prévoit des mesures nouvelles, financées à hauteur de 405 millions d’euros : revalorisation des crédits dévolus à l’existant ; création de nouvelles places pour personnes handicapées ; renforcement des moyens dévolus au plan autisme ; réalisation du plan de lutte contre les maladies neurodégénératives ; soutien à la médicalisation en EHPAD.

Les mesures consacrées aux personnes âgées sont intégrées au projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, dont nous aurons achevé l’examen d’ici la fin de l’année. Elles entreront donc en vigueur dès le début 2016, et je compte sur le Gouvernement pour une publication très rapide de l’ensemble des décrets d’application, ainsi qu’il s’y est engagé auprès des parlementaires.

Ce texte et le présent PLFSS assurent la cohérence de l’action en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées. À cet égard, le Gouvernement a annoncé récemment la mobilisation de 25 millions d’euros supplémentaires, pour accompagner les services d’aide à domicile – SAAD – en difficulté. Cette décision est la bienvenue, car les SAAD auront un rôle important à jouer en matière de prévention et dans la mise en œuvre de la réforme de l’allocation personnalisée d’autonomie et du nouveau droit au répit pour les aidants.

Ce soutien financier s’ajoute aux 25 millions d’euros déjà mobilisés l’année dernière pour financer l’augmentation salariale des 230 000 professionnels et aux 8,5 millions d’euros annoncés le mois dernier pour favoriser les rapprochements de structures au sein des services polyvalents d’aides et de soins à domicile – SPASAD.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter, en des termes conformes, les dispositions du PLFSS restant en discussion pour le secteur médico-social. (Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse.

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, en ces temps troublés où nous devons plus que jamais réaffirmer notre solidarité et notre cohésion sociale, nous pouvons nous féliciter de ce que le soixante-dixième anniversaire de l’ordonnance du 4 octobre 1945 portant organisation de la Sécurité sociale ait été marqué par deux bonnes nouvelles. Il s’agit tout d’abord de la finalisation par les partenaires sociaux, le 30 octobre dernier, d’un projet d’accord national interprofessionnel relatif aux retraites complémentaires versées par l’AGIRC et par l’ARRCO, qui devrait permettre de garantir durablement la pérennité financière de ces régimes.

La deuxième est celle du retour à l’équilibre, l’an prochain, de la branche vieillesse du régime général, après onze années de déficit. Alors qu’en 2012, le solde de la branche vieillesse accusait un déficit de 4,8 milliards d’euros, ce dernier devrait, d’après les prévisions de la commission des comptes de la Sécurité sociale, être ramené à 0,6 milliard d’euros en 2015. Le déficit de cette branche a ainsi été divisé par huit en l’espace de trois ans.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bien !

M. Michel Issindou, rapporteur. C’est certes, en partie, le résultat du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite suite à la réforme des retraites de 2010, mais surtout des mesures destinées à garantir l’avenir de notre système de retraites que le Gouvernement et la majorité ont prises depuis 2012, notamment dans le cadre de la loi du 20 janvier 2014.

En effet, selon la Cour des comptes, la réduction du déficit de la branche vieillesse résulte à la fois d’un ralentissement du rythme de progression des charges et d’un dynamisme des recettes qui peut être imputé, en bonne partie, aux hausses des taux de cotisations salariales et patronales introduites par le décret du 2 juillet 2012 et par la réforme des retraites du 20 janvier 2014.

S’agissant de cette réforme, je me réjouis du bon avancement des mesures de justice et de simplification qu’elle contient, puisque près de 93 % des mesures d’application devant entrer en vigueur avant le 31 décembre 2015 ont été prises à ce jour.

Dans le prolongement de ces efforts de simplification, et à la suite du chantier du compte unique retraite – qui facilitera les relations entre les régimes de retraite et les assurés polypensionnés –, du décret du 19 août 2015 qui instaure une forme de « droit opposable à la retraite » et des mesures de simplification apportées par la loi du 17 août 2015 au dispositif du compte personnel de prévention de la pénibilité, à la suite des préconisations de notre collègue Christophe Sirugue, j’ai moi-même défendu, lors de l’examen en première lecture du projet de loi, trois amendements qui tendent à proposer des ajustements techniques aux dispositifs de la liquidation unique des régimes alignés et du cumul emploi-retraite, et dont sont issus les articles 36 bis, 36 ter et 36 quater du projet, adoptés conformes par le Sénat.

Ce dernier n’a apporté qu’une modification d’ordre rédactionnel à l’article 36 sexies qui, adopté par notre assemblée en première lecture à l’initiative de notre collègue Christophe Sirugue et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, vise à adapter le dispositif du cumul emploi-retraite au cas particulier des anciens mineurs, afin de leur permettre, jusqu’à l’âge légal de départ à la retraite, d’exercer une activité professionnelle ouvrant de nouveaux droits à la retraite tout en percevant leur pension du régime minier.

Le Sénat a par ailleurs adopté conforme l’article 36 quinquies du projet de loi, qui est également issu d’un amendement de notre groupe, et qui, dans un souci de lutte contre le dumping social en matière de travail détaché, vise à éviter qu’un salarié en détachement partiel qui n’est couvert en France que pour les risques courts – maladie, accident du travail-maladie professionnelle, famille – ne puisse bénéficier de droits à retraite en France.

Le Sénat a également adopté conformes l’article 36 septies qui tend à ce que le Gouvernement remette au Parlement, d’ici le 1er juillet 2016, un rapport relatif aux conditions de revalorisation du montant de la pension de retraite du régime des cultes, et l’article 35 qui vise à clarifier les modalités de prise en compte, par le régime d’assurance vieillesse des marins, des périodes de chômage donnant lieu à l’attribution d’un revenu de remplacement ou d’une allocation, afin d’y inclure les périodes effectuées sous un contrat de sécurisation professionnelle ou dans le cadre d’un autre dispositif, tel que le contrat de transition professionnelle.

Je me réjouis également de ce que le Sénat ait, avec l’avis favorable du Gouvernement, pris l’initiative d’apporter des précisions utiles au dispositif d’élargissement de l’assurance volontaire vieillesse aux conjoints collaborateurs, que nous avions voté dans le cadre de la loi du 20 janvier 2014.

Si un consensus a pu se dégager entre les deux assemblées au sujet de toutes ces mesures, d’autres continuent de faire l’objet de profonds désaccords, en particulier l’amendement visant à repousser à 63 ans l’âge de départ à la retraite, mesure que notre assemblée ne peut accepter. Nous préférons privilégier la durée d’assurance plutôt que l’âge légal, afin de favoriser notamment ceux qui ont commencé à travailler très jeunes.

Je vous proposerai donc, mes chers collègues, des amendements visant à supprimer cet article 36 bis A et à rétablir les articles 36 et 56.

Je forme le vœu que l’examen de ce projet de loi en nouvelle lecture soit l’occasion de réaffirmer notre attachement à un système de retraite par répartition, qui constitue une conquête majeure, un modèle de fraternité et de solidarité, dont nous pouvons être fiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, face aux menaces qui pèsent aujourd’hui sur notre nation, nous nous devons d’être solidaires. C’est dans cet esprit de cohésion que je vous proposerai, mes chers collègues, de rétablir l’article 38 de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui fixe les objectifs de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles pour 2016 et que le Sénat a supprimé, en cohérence avec la suppression des articles d’équilibre qui conditionnent l’ensemble des recettes et des dépenses.

Mais cet esprit de rassemblement autour de ce qui fait notre modèle social ne doit pas nous faire oublier que les enjeux de santé et de sécurité au travail sont trop rarement abordés dans cet hémicycle. À cet égard, je ne peux que regretter que ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 ne comporte toujours aucune mesure nouvelle concernant la couverture du risque accident du travail et maladie professionnelle – AT-MP.

Les auditions que j’ai menées en septembre dernier m’ont néanmoins permis d’identifier les sujets de préoccupation des partenaires sociaux, des associations représentant des accidentés du travail et des victimes de l’amiante ainsi que des représentants d’organismes institutionnels ou juridiques. J’ai alerté le Gouvernement sur ces sujets de préoccupation.

J’ai obtenu de Mme la ministre un certain nombre d’assurances en première lecture, notamment celle que la réforme des juridictions sociales ne modifierait en rien les principes qui régissent ces juridictions, à savoir la gratuité de la procédure et l’échevinage dans la composition des juridictions. Je vous en remercie, madame la ministre.

Pour ce qui est du versement dû à la branche maladie par la branche AT-MP au titre de la sous-déclaration des accidents de travail et des maladies professionnelles, vous m’avez renvoyé, madame la ministre, au rapport de la commission présidée par M. Jean-Pierre Bonin, qui, bien qu’élaboré en juin 2014, n’a été publié qu’en septembre 2015 sur le site Internet de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés.

Cela ne suffit pas, madame la ministre, à apaiser ma crainte de ce que le décuplement du montant de ce versement, qui est passé d’environ 100 millions d’euros en 1997 à un milliard d’euros dans les projets de financement de la Sécurité sociale pour 2015 et 2016, ne siphonne la branche AT-MP au point de menacer la logique assurantielle sur laquelle elle repose.

Ce risque est d’autant plus grand que l’annexe B du présent projet de loi organise en outre un transfert de cotisations de 0,05 point entre la branche AT-MP et la branche maladie du régime général en 2016 et en 2017, afin d’améliorer le solde de la branche maladie de 250 millions d’euros pour chacune de ces deux années, soit 500 millions d’euros au total.

Si, malgré cette nouvelle ponction, le solde de la branche AT-MP devrait rester excédentaire en 2016, il devrait cependant se réduire pour atteindre 525 millions d’euros, alors qu’il était de 691 millions en 2014, ce qui représente une baisse de près de 25 %.

De telles mesures peuvent être fort décourageantes pour les partenaires sociaux, car la situation excédentaire de la branche AT-MP est le fruit d’importants efforts de restructuration ainsi que de réformes de la tarification et des processus d’instruction des dossiers.

Nombre des organisations que j’ai entendues ont fait part de leur crainte que la branche AT-MP ne devienne une variable d’ajustement pour combler les déficits de la branche maladie. Je partage cette crainte et leur souhait que les excédents de la branche AT-MP soient mobilisés à des fins autres que le versement de sommes à la branche maladie au titre de la sous-déclaration.

Ces sommes devraient être plutôt affectées à l’amélioration de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles qui fera, je l’espère, l’objet de mesures pertinentes et efficaces dans le cadre du projet de loi que la ministre du travail, Mme Myriam El Khomri, devrait présenter au début de l’année prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la famille.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, nous examinons en nouvelle lecture un projet de loi de financement de la Sécurité sociale ambitieux pour la branche famille.

Il comporte des mesures très attendues.

L’article 31 prévoit de généraliser le dispositif de garantie contre les impayés de pensions alimentaires à l’ensemble du territoire. Il s’agit aujourd’hui d’un dispositif expérimental que nous avions décidé dans le cadre de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. L’expérimentation prouve déjà, dans 20 départements, combien cet accompagnement est précieux pour les familles et notamment les femmes fragilisées par une séparation et des situations d’impayés. Cette mesure les soutiendra très concrètement et contribuera à atténuer les difficultés des enfants dans ces moments difficiles.

Aux termes de l’article 32, les prestations familiales servies aux fonctionnaires affectés outre-mer le seront désormais par les caisses d’allocations familiales des départements où ils sont en poste. Il s’agit d’une mesure de simplification.

Cette mesure sera mise en œuvre à droits constants, les intéressés bénéficiant des mêmes prestations que celles servies dans l’Hexagone : à partir du deuxième enfant, avec les mêmes barèmes.

L’article 33 étend aux habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon le bénéfice de l’allocation de soutien familial et du complément de libre choix du mode de garde. Il s’agit d’un engagement de justice sociale et territoriale pris par le Président de la République.

Je constate avec plaisir que les dispositions de ces trois articles ont recueilli un large consensus, en commission comme en séance à l’Assemblée nationale, ainsi qu’au Sénat, qui les adoptées conformes.

Deux points de divergence avec le Sénat demeurent en suspens. Le premier concerne l’article 33 bis, que les sénateurs ont adopté malgré des dispositions qui me semblent malvenues. Elles suppriment le deuxième alinéa de l’article L. 531-2 du code de la Sécurité sociale. Cet alinéa est pourtant technique puisqu’il prévoit que la date de versement de la prime à la naissance est fixée par décret.

Maintenir cette disposition telle que votée par le Sénat fragiliserait le dispositif de versement de la prime, qui resterait nécessairement déterminé par voie réglementaire, sans apporter aucune amélioration au profit des allocataires.

La commission a donc adopté un amendement supprimant cet article.

M. Dominique Tian. Scandaleux.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Cela étant, certaines familles ont rencontré des difficultés.

M. Dominique Tian. Ah !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Des caisses d’allocations familiales ont donc dû mettre en place des dispositifs d’avance. Dès lors, j’invite le Gouvernement à proposer des évolutions réglementaires concernant les conditions de versement de la prime de naissance.

M. Dominique Tian. C’est donc supprimé mais pas pour tout le monde !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Vous n’avez pas bien écouté, monsieur Tian.

Le second point porte sur l’adoption de l’objectif de dépenses de la branche pour 2016, prévu à l’article 34. Le Sénat l’a supprimé, ce que je regrette à plusieurs égards. En premier lieu pour des raisons juridiques : l’article LO. 111-3 du code de la Sécurité sociale prévoit que le PLFSS fixe les objectifs de dépenses par branche.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Je le regrette aussi pour des raisons de fond : les objectifs de dépenses de la branche famille, en hausse pour la période 2015-2016, permettront d’assurer des prestations indispensables aux familles ainsi que les mesures nouvelles que le Sénat a par ailleurs adoptées aux articles 31, 32 et 33.

J’ajoute que ce PLFSS rapproche le budget de la branche famille de l’équilibre, qui sera atteint dès 2018. Voilà bien une mesure d’avenir que chacun devrait saluer et soutenir ! Je rappelle qu’en 2011 le déficit de la branche était de 2,6 milliards d’euros… La commission a donc adopté un amendement de rétablissement des dispositions que nous avions adoptées en première lecture.

Plus que jamais, la politique familiale reste parmi les priorités de la nation. Depuis 2012, elle a certes dû évoluer pour se remettre sur la trajectoire de son équilibre financier, mais elle continue à répondre aux besoins des familles et, au-delà, à s’adapter aux enjeux auxquels toutes les familles doivent faire face. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Gilles Lurton. Ce n’est pas l’avis de tout le monde !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous voilà réunis pour la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, après l’échec de la commission mixte paritaire que j’ai présidée le 17 novembre dernier. Je ne m’étendrai pas sur les facteurs de désaccord, préférant insister sur les sujets qui devraient faire l’unanimité parmi nous.

Je commencerai par l’article 40 du projet de loi. Dès votre audition en commission, madame la ministre, j’avais souligné l’importance de ces dispositions que vous avez bien exposées à la tribune. Je ne pensais pas que nous aurions à les mettre en œuvre avant même le vote de ce texte. L’article 40 concerne en effet la protection sociale, l’accès aux soins et les indemnités journalières des victimes d’attentats. Au regard des événements tragiques qui ont frappé notre pays, vous avez décidé de le mettre en application dès à présent.

Sans entrer dans le détail technique de cette décision, je voudrais me faire aussi l’écho des propos tenus par la secrétaire d’État Laurence Rossignol concernant le statut de pupille de la nation accordé aux enfants qui ont perdu au moins un de leurs parents lors des attentats.

Le deuxième point sur lequel je souhaite insister est la protection universelle maladie, qui a donné lieu à controverse et je le regrette. Le dispositif facilitera la vie de nos concitoyens amenés, dans un monde qui bouge, à changer de caisse d’assurance maladie, de travail, de lieu de vie. Il suffira, je l’espère, d’un seul clic pour que le régime obligatoire mette à jour la carte Vitale de l’assuré. Car on vit parfois en pensant être couvert et en ne l’étant pas. J’avais donné, en première lecture, l’exemple précis d’une étudiante qui termine ses études, passe au statut d’ayant droit d’un de ses parents, travaille un mois, puis devient assurée sociale indépendante. Les difficultés rencontrées dans ces situations seront ainsi réglées.

Le troisième point est une mesure qui me tenait à cœur, comme à beaucoup d’entre vous ici : il s’agit de l’article 41 du projet de loi, qui ménage l’accès des mineurs de 15 à 17 ans à une contraception gratuite. Nous avions voté cette disposition dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013, mais il fallait la compléter afin que les mineurs utilisent effectivement le dispositif. En particulier, la gratuité devait s’étendre à l’accès au prescripteur – médecin spécialiste en médecine générale, gynécologue, mais aussi sage-femme, car il ne faut pas oublier que ces praticiennes accompagnent aussi les femmes dans leur parcours de contraception. Cette décision était nécessaire pour que la mesure prenne tout son essor. Je crois que nous y serons parvenus dans ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, madame la ministre, pour peu qu’une bonne information soit dispensée aux jeunes filles mais aussi – il n’y a pas de raisons de les en écarter, bien au contraire ! – aux jeunes hommes.

J’en viens au quatrième point. Alors qu’approche le 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le sida, je veux féliciter l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, qui s’intégrera prochainement dans la grande Agence nationale de santé publique. Tous les parlementaires ont reçu les plaquettes de cet établissement, qui va offrir une large gamme d’informations à la fois dans ses brochures et dans ses affiches, s’adressant, pour ainsi dire, à chacun, tant le discours est varié et adapté à différentes populations.

Si le sujet particulier que j’évoquerai ne concerne pas directement un article du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, il a tout de même à voir avec les nouvelles missions des structures appelées « centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles », missions que nous avons votées dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 et dont une partie entre en vigueur le 1er janvier prochain. En effet, les traitements préventifs dans la lutte contre le VIH et les hépatites virales sont en pleine évolution. Concernant le VIH en particulier, des études et des travaux ont démontré les effets positifs de la mise en place d’un traitement de prophylaxie pré-exposition – PrEP – avec un médicament dénommé Truvada chez des personnes particulièrement exposées au risque de contamination.

Rappelons que la meilleure des préventions reste l’utilisation du préservatif. Néanmoins, une catégorie de population se retrouve surexposée à la contamination par le sida. Aussi, suite au rapport de l’Agence nationale de sécurité du médicament et de produits de santé, suite au rapport des experts réunis autour du professeur Morlat, suite à l’engagement du professeur Molina, qui est prêt à mener cette action, j’aimerais connaître vos intentions sur le sujet, madame la ministre.

Par ailleurs, je me félicite que l’ensemble des mesures que nous allons voter dans ce PLFSS aillent dans le sens d’une plus grande protection et d’une plus de prévention, et je vous remercie de votre engagement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Dans ma brève introduction, je n’ai pas abordé les enjeux de la navette entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Soyez rassurée, madame Le Callennec : je répondrai tout à l’heure à votre motion. Mais je souhaite ici apporter quelques précisions en réponses aux observations ou interpellations des orateurs.

M. Bapt a évoqué l’article 19 et l’affiliation des marins – question que l’on connaît notamment à travers la situation des salariés de la compagnie Condor Ferries – qui naviguent sous le pavillon d’un pays qui n’entretient pas de coopération de sécurité sociale avec la France. Cet article propose une solution pour garantir une prise en charge sociale, ce qui convient aux marins concernés. Alors que nous avions envisagé d’inscrire cette protection dans le cadre du régime général, les marins, par souci de préserver leur identité, tiennent à ce qu’elle s’inscrive dans le cadre de l’ENIM, l’Établissement national des invalides de la marine. Le Gouvernement, je souhaitais le dire d’entrée de jeu, proposera un amendement qui permettra de le faire.

M. Gilles Lurton. Bravo !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous avez insisté à juste titre, madame Delaunay, sur la nécessité où vous vous êtes trouvée de rétablir des mesures supprimées au Sénat ou, au contraire, de supprimer des ajouts dont la portée ne paraissait pas évidente sinon d’un point de vue politique – je pense en particulier à l’introduction de trois jours de carence pour la fonction publique hospitalière –, et je vous en remercie.

Madame Huillier, vous avez souligné le consensus assez large qui existe autour des propositions faites par le Gouvernement, en particulier pour apporter des solutions aux personnes en situation de handicap. Vous m’avez interpellée sur la nécessité de publier rapidement les décrets d’application de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, qui doit entrer en vigueur au 1er janvier de l’année prochaine. Je souhaite vous rassurer, madame la députée : les décrets les plus importants seront publiés au début de l’année 2016, en particulier ceux qui permettront le versement de « l’APA II », comme nous disons dans notre jargon, c’est-à-dire de la deuxième étape de l’allocation personnalisée d’autonomie, dont le montant sera renforcé. Ceux de nos concitoyens qui sont concernés pourront ainsi en bénéficier le plus rapidement possible.

Vous avez insisté, monsieur Issindou – et je ne saurais trop vous en remercier –, sur l’importance que revêt le retour à l’équilibre de la branche vieillesse. Cette évolution, jointe aux décisions prises par les partenaires sociaux pour garantir l’équilibre des retraites complémentaires, représente un socle de confiance pour nos concitoyens. Comme je l’ai dit en introduction, notre intérêt est de mettre cet aspect en exergue, car chaque enquête montre que le sujet d’inquiétude principal des Français en matière sociale est la garantie du versement de leurs retraites. Il nous faut donc nous réjouir du fait que, après onze années de déficit, les régimes de retraite reviennent à l’équilibre dès l’année prochaine.

En des termes très mesurés, ce dont je vous remercie, monsieur Jacquat, vous avez à nouveau exprimé la crainte d’un affaiblissement de la branche AT-MP. Je veux donc vous dire que la logique assurantielle de cette branche doit être et sera respectée et consolidée. C’est un enjeu d’autant plus fondamental en cette année d’anniversaire que la Sécurité sociale s’est construite à partir de la branche AT-MP.

Madame Clergeau, vous avez vous aussi souligné le consensus qui existe autour des principales mesures proposées dans le projet de loi. Vous insistez à juste titre sur le rétablissement prochain de l’équilibre de la branche famille, dont chacun devrait se réjouir. On ne peut souhaiter une politique familiale forte et se satisfaire en même temps d’un déséquilibre chronique de cette branche de notre Sécurité sociale. Le rétablissement de l’équilibre est une bonne chose pour les familles de notre pays. Soyez assurée que le Gouvernement est très attentif aux conditions de versement de la prime à la naissance, question à laquelle vous êtes, je le sais, particulièrement sensible.

Je répondrai un peu plus longuement à Mme Lemorton, qui m’a interpellée sur l’utilisation du Truvada et sur la perspective de mise en place de mesures de prévention du VIH. Le tournant historique que connaît cette prévention doit nous permettre d’atteindre l’objectif des « 90-90-90 » fixé par les Nations unies, c’est-à-dire de faire en sorte que 90 % des personnes qui vivent avec le VIH connaissent leur statut sérologique, que 90 % des personnes dépistées reçoivent un traitement anti-rétroviral durable et que 90 % des personnes recevant ce traitement voient la charge virale durablement supprimée, ce qui est très important pour éviter de nouvelles contaminations.

À la question précise que vous m’avez posée, madame la présidente de la commission, je répondrai de manière précise : oui, je suis favorable à la publication d’une recommandation temporaire d’utilisation pour le Truvada.

Mme Véronique Massonneau. Bravo !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce médicament doit nous permettre d’avancer significativement dans la lutte contre le VIH.

Nous disposons désormais en France de toute une palette d’outils, avec les dépistages rapides ou les auto-tests. Nous diversifions les modes et les lieux de réalisation de ces tests. Nous créons les conditions pour aller chercher, si j’ose dire, les 30 000 personnes qui, dans notre pays, ignorent leur séropositivité. Nous voulons leur donner accès à un parcours de santé adapté et éviter ainsi de nouvelles contaminations.

Comme il s’agit d’un sujet de préoccupation pour nous tous, je veux rappeler que près d’une personne séropositive sur cinq ignore son statut sérologique au VIH et que les personnes qui ignorent ce statut sont à l’origine des deux tiers des nouvelles contaminations en France. Nous ne dirons jamais assez que le préservatif constitue le meilleur moyen d’éviter la contamination par le VIH ainsi que par les autres infections sexuellement transmissibles.

Le préservatif est et restera le principal outil de prévention, mais une nouvelle innovation arrive avec la prophylaxie pré-exposition, couramment appelée la PrEP. Très concrètement, il s’agit d’un traitement qui, pris avant une exposition au VIH, permet d’éviter la contamination. Ce traitement ne peut se substituer au préservatif, j’insiste sur ce point, mais il permet de répondre à des situations dans lesquelles le préservatif ne trouve pas sa place et à celles de personnes qui ne peuvent pas, pour différentes raisons, avoir un usage systématique du préservatif alors même qu’elles évoluent au sein de groupes dans lesquels la prévalence et l’incidence du VIH est élevée.

Nous disposons, comme vous l’avez dit, madame la présidente de la commission, de résultats scientifiques nombreux, convergents et probants, relayés par des autorités scientifiques aussi incontestables que l’ANRS – Agence nationale de recherche sur le sida – et le Conseil national du sida et des hépatites virales. Ces études démontrent l’efficacité de la PrEP chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, puisqu’elle réduit de façon très significative le nombre des nouvelles contaminations parmi la population qui a été testée ou suivie dans le cadre de ces essais.

Réduire le nombre des nouvelles contaminations dans cette population constitue un enjeu majeur de santé publique, et pour le bénéfice de tous car ce groupe est aujourd’hui le seul au sein duquel le nombre de nouvelles contaminations au VIH ne diminue pas. Il y a donc urgence à agir.

Le 29 octobre dernier, la commission d’évaluation initiale du rapport bénéfice-risque des produits de santé de l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, s’est prononcée à l’unanimité en faveur de la mise en place d’une recommandation temporaire d’utilisation d’un traitement au titre de la PrEP, le Truvada, afin de prévenir les infections par le VIH. Il existe donc un large consensus scientifique sur l’efficacité de cette approche.

J’ai personnellement suivi de très près toutes les étapes de la recherche scientifique dans ce domaine, en particulier le cheminement de la réflexion au sein de l’ANSM. La procédure d’instruction par l’Agence n’est pas encore arrivée à son terme, mais je veux d’ores et déjà vous dire que je suis favorable à la publication de cette recommandation temporaire d’utilisation, qui interviendra probablement au cours de la première quinzaine de décembre.

Se pose dès lors la question de la prise en charge financière de ce traitement par l’assurance maladie. Au regard de l’efficacité de cette approche, reconnue par tous les experts scientifiques de la lutte contre le sida, nationaux et internationaux, j’ai décidé que ce traitement serait pris en charge à 100 % par l’assurance maladie obligatoire afin que l’accès à ce traitement ne subisse aucun frein financier. Cette décision sera effective au début de l’année 2016.

Je vous donne cette précision parce que Mme la présidente de la commission m’a posé la question, mais nous débattons aujourd’hui du projet de loi de financement de la Sécurité sociale et dans ce cadre nous sommes amenés à évoquer la prise en charge financière de ce traitement. Il sera naturellement dispensé et pris en charge de façon encadrée, dans le respect des recommandations scientifiques, et sa prescription ne pourra être effectuée que par des praticiens spécialisés, à l’hôpital ou dans l’un des Cegidd – centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic – et les patients bénéficieront d’un accompagnement et d’un suivi, ce qui est indispensable pour réduire les risques. C’est précisément parce que ce dispositif vise à répondre à des situations et à des populations spécifiques qu’un tel accompagnement se justifie.

La PrEP est un dispositif prometteur qui doit trouver sa place dans notre stratégie globale de prévention. Je veux à cette occasion saluer le travail de toutes celles et de tous ceux qui contribuent à la lutte contre l’épidémie de VIH : les scientifiques, bien sûr, en particulier l’ANRS qui a eu le courage de lancer les essais français de la PrEP, mais aussi les associations, notamment AIDES, qui promeuvent ces outils dans le débat public.

Voilà, madame la présidente de la commission, la réponse que je souhaitais apporter à votre interpellation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous examinons en nouvelle lecture le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 que notre groupe Les Républicains n’a pas voté en première lecture.

Nous ne pouvons que louer le travail de nos collègues sénateurs qui ont approuvé un certain nombre d’articles consensuels, en particulier l’article 40, comme vous venez de le rappeler, madame la présidente. Les sénateurs ont tenté, encore et toujours, d’améliorer le texte, mais force est de constater, madame la ministre, que certains de leurs amendements n’ont pas trouvé grâce à vos yeux.

Je regrette personnellement que certains de ces amendements, que nous avions nous-mêmes défendus en première lecture, n’aient pas été retenus. Et j’avoue que je trouve de plus en plus pesants ces allers-retours entre l’Assemblée nationale qui tricote, le Sénat qui détricote, et l’Assemblée nationale qui, ayant le dernier mot…

M. Michel Issindou, rapporteur. Ce n’est pas franchement nouveau !

Mme Isabelle Le Callennec. Certes, mais ne pouvons-nous changer cela, mes chers collègues ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cela s’est toujours passé ainsi !

Mme Isabelle Le Callennec. Oui, mais rien ne sera plus comme avant, a-t-on entendu ces derniers jours…

L’Assemblée nationale, en définitive, fait peu de cas des propositions formulées par l’opposition, précisément parce qu’elle est l’opposition.

L’unité nationale, c’est aussi cela. Accepter de considérer que les bonnes idées, les belles initiatives, les justes propositions ne sont pas l’apanage d’un camp et que le sectarisme n’a définitivement plus sa place dans nos débats et dans cette enceinte.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il faut que cela fonctionne dans les deux sens !

Mme Isabelle Le Callennec. J’en reviens au texte, qui nous laisse un goût amer et justifie cette motion de rejet. Il confirme que le Gouvernement fait désormais fi du pacte de stabilité, prenant le risque de mettre en danger notre souveraineté financière. L’aveu en a d’ailleurs été fait la semaine dernière par le Président de la République. Encore une fois, si nous avons applaudi quelques-unes de ses annonces, c’est qu’elles reprenaient les propositions de certains de nos collègues.

M. Christophe Sirugue. Ce n’est que pour cela que vous avez applaudi ?

Mme Isabelle Le Callennec. S’agissant de l’équilibre général, la Cour des comptes constate que l’équilibre, que le Gouvernement promettait dans un délai bref, est repoussé au-delà de 2020 – dans le meilleur des cas !

Les allégements de charges qui ont été votés dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificatif de 2014, que nous avons soutenus, ne seront pas plus compensés en 2016 qu’ils ne l’ont été en 2015. En somme, ces allégements seront financés par la dette, qui atteint déjà plus de 2 000 milliards d’euros, soit quasiment 100 % du PIB !

Le Gouvernement s’enorgueillit de présenter une branche vieillesse « sur le chemin du retour à l’équilibre », mais il passe sous silence la dette du Fonds de solidarité vieillesse dont le déficit ne cesse de se creuser : 3,8 milliards en 2015 et 3,7 milliards en 2016.

Toujours à propos de la branche vieillesse, vous devez à l’honnêteté de rappeler que l’amélioration en cours a été rendue possible grâce au relèvement de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans qui avait été décidé par vos prédécesseurs en 2011 et que les partis de gauche, dont le Parti socialiste, ont durement combattu.

M. Michel Issindou, rapporteur. Ce n’est pas seulement dû à cette disposition et vous le savez !

Mme Isabelle Le Callennec. S’agissant du report de la date d’entrée en vigueur des nouveaux allégements de charges pesant sur les entreprises de janvier à avril 2016, nous continuons à le dénoncer : c’est une promesse non tenue qui discrédite la parole de l’État et grippe la confiance des entrepreneurs à l’égard du Gouvernement.

En ce qui concerne les modifications du Sénat, nous aurions apprécié que vous en acceptiez certaines : la suppression de l’abaissement du seuil d’assujettissement aux cotisations sociales pour les indemnités de rupture, la généralisation de l’augmentation de la déduction forfaitaire à 1,50 euro pour les particuliers employeurs, quelle que soit l’activité de l’employé, l’allégement des charges sociales supportées en début de carrière par les jeunes agriculteurs, mais aussi et surtout, par sagesse et parce que les Français y sont prêts, le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite, à l’instar de ce que font tous nos voisins européens.

Les sénateurs ont également proposé d’instaurer trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière et les autres fonctions publiques, d’État et territoriale. Dois-je vous rappeler à cet égard que la majorité précédente avait introduit un jour, un seul jour, que vous vous êtes empressés de supprimer en arrivant aux responsabilités en 2012, alors même que la Fédération hospitalière de France avait reconnu que cette mesure avait un impact réel et salvateur sur la baisse de l’absentéisme ?

À ce sujet, nous n’échapperons pas à une réflexion globale sur le temps et les conditions de travail dans les hôpitaux. Je préside la commission administrative paritaire d’un hôpital de ma circonscription. Je discute beaucoup avec les personnels, les responsables des organisations syndicales et la direction. Ma conviction est faite quant à la nécessité de se donner les moyens de faire évoluer la gestion des ressources humaines. Un exemple : savez-vous que de plus en plus de demandes de temps partiels sont refusées dans les hôpitaux au motif de la désorganisation des services, ce qui s’entend parfaitement, mais aussi pour des questions financières ? En effet, un 80 % est payé 86 %, un 90 % est payé 92 %, tandis qu’un 75 % est payé 75 %. N’y a-t-il pas là, madame la ministre, matière à débat ?

Enfin, permettez-moi d’insister sur quelques-uns des articles de ce PLFSS.

À l’article 21, sous couvert de généralisation de la complémentaire santé, le Gouvernement amplifie les inégalités d’accès à cette dernière. Aujourd’hui, il existe huit dispositifs permettant de bénéficier d’une complémentaire santé : l’ACS – aide au paiement d’une complémentaire santé –, la CMU-C – couverture maladie universelle complémentaire –, les contrats individuels, les contrats collectifs, les contrats Madelin, la labellisation et le référencement.

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 en propose deux supplémentaires, dont un qui isolerait les plus de 65 ans dans des garanties spécifiques. Cette segmentation porte en elle la sélection des risques au détriment des assurés les plus en difficulté, qui sont pourtant, paradoxalement, la cible de cette mesure. Il remet donc en cause le principe de mutualisation des risques sur lequel repose le système assurantiel. C’est un frein à la solidarité entre les actifs et les inactifs.

Par ailleurs, dans le cadre du PLFSS pour 2015, vous aviez souhaité que la prime à la naissance soit versée à la naissance de l’enfant et non plus au septième mois de grossesse. Ce décalage pénalise financièrement les bénéficiaires au moment où l’arrivée de l’enfant au foyer accroît les dépenses des ménages, déjà confrontés, pour beaucoup d’entre eux, à des difficultés économiques. Nous avons été sollicités par les caisses d’allocations familiales de nos territoires respectifs. C’est pourquoi nous demandons, à l’article 31, le rétablissement du versement de la prime à la naissance avant la naissance de l’enfant, ce qui nous paraît être une mesure de justice sociale.

M. Bernard Accoyer. C’est une évidence !

Mme Isabelle Le Callennec. S’agissant de l’article 49 qui réforme la tarification des soins de suite et de réadaptation, vous avez, madame la ministre, l’accord de principe de l’ensemble des acteurs locaux. Mais permettez-moi de vous rappeler qu’ils souhaitent une étude d’impact sérieuse avant que soient prises les décisions définitives !

Enfin, je ne serais pas dans mon rôle si je n’insistais pas auprès de vous sur le manque cruel de places en établissement pour les personnes handicapées, qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes, et ce malgré les efforts consentis dans ce PLFSS.

En conclusion, malgré quelques articles qui vont dans le bon sens et que nous pouvons voter, et la suppression de l’article 10 qui prévoyait la fin des exonérations de cotisations patronales dans les zones de revitalisation rurale, suppression que nous avions soutenue, notre groupe ne votera pas ce PLFSS car il comporte encore trop d’insuffisances, comme j’ai tenté de le démontrer, et c’est la raison pour laquelle je vous invite à voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. J’appelle naturellement l’Assemblée à ne pas voter la motion présentée par Mme Le Callennec.

Vous avez, madame la députée, exprimé votre désaccord sur une série d’articles, sur lesquels nous reviendrons dans le cadre de l’examen de ce texte.

Vous avez évoqué en particulier l’article concernant les soins de suite et de réadaptation qui prévoit la modification du mode de financement des établissements en précisant que si vous étiez d’accord sur l’objectif visé, vous souhaitiez que nous prenions du temps avant de le mettre en œuvre.

M. Bernard Accoyer. Nous avons simplement demandé une étude d’impact !

Mme Marisol Touraine, ministre. Cet article répond à un engagement d’équité entre les différentes fédérations. Je suis certaine qu’il existe une demande très forte pour que nous mettions en place des dotations modulées afin de tenir compte de la spécificité de chaque établissement. C’est un point important. Nous aurons l’occasion de reprendre ce débat de façon plus approfondie lorsque nous examinerons l’article.

Vous avez indiqué en commençant votre intervention, madame la députée, qu’il serait bon d’en finir avec l’art du tricotage et du détricotage que constitue la navette parlementaire, suggérant que votre assemblée serait bien inspirée d’en rester à ce qu’a adopté le Sénat. J’attire votre attention, mesdames et messieurs les députés, sur le fait que les sénateurs ont reconnu que le texte traduisait des efforts significatifs en matière d’économies et ont salué un certain nombre d’avancées – qu’ils ont d’ailleurs votées de façon plus systématique que vous. J’aimerais que votre hommage au Sénat vous amène à voter les articles qui contiennent des droits nouveaux et que les sénateurs appartenant à la majorité sénatoriale, eux, ont approuvés.

Par ailleurs, je tiens à vous dire que les sénateurs ont refusé de voter les articles d’équilibre financier du texte.

Donc, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale ne repose plus sur rien : les recettes et les dépenses ne se correspondent pas, et il n’y a plus de tableau d’équilibre.

M. Michel Issindou. C’est embêtant !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je suis certaine, madame la députée, que vous ne pouvez pas souhaiter que le texte demeure dans cette situation bancale, qui constituerait assurément une première dans la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe Les Républicains.

M. Gilles Lurton. Nous soutiendrons la motion de rejet pour les raisons évoquées par Mme Le Callennec : l’équilibre est repoussé au-delà de 2020, les allégements de charge ne sont pas plus compensés pour 2016 qu’ils ne l’étaient en 2015, les déficits du Fonds de solidarité vieillesse, qui ne cessent de s’accroître, sont passés sous silence.

En outre, les propositions introduites par le Sénat nous paraissaient intéressantes. Du moins, méritaient-elles d’être étudiées dans le cadre d’une seconde lecture. Je pense notamment à la généralisation de la déduction forfaitaire à 1,50 euro pour les particuliers employeurs, à l’allongement des exonérations des cotisations sociales pour les agriculteurs – dont chacun connaît la situation – et au versement de la prime de naissance avant la naissance. L’introduction de cette disposition dans la loi constituait une avancée.

Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de rejet préalable du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Sirugue. Nous ne voterons pas la motion de Mme Le Callennec, qui semble adepte de l’adage : « Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais. » Elle n’a eu de cesse de nous expliquer, du haut de la tribune, qu’il n’y avait qu’une seule bonne position, celle du Sénat…

Mme Isabelle Le Callennec. Je n’ai pas dit cela !

M. Christophe Sirugue. …et qu’une bonne résolution, adopter les amendements de l’opposition, tout cela au nom de l’unité nationale, ce que je trouve pour ma part assez fort de café.

Mme Isabelle Le Callennec. Si vous préférez faire de la politique comme avant, continuez !

M. Christophe Sirugue. Pourquoi la suivrions-nous, alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale s’inscrit dans une lignée qui, en quatre ans, nous a permis de diviser par deux le déficit du régime général – qui est à son plus bas niveau depuis 2003 –, de diviser par trois le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base, d’avoir une branche AT-MP excédentaire et de rendre la branche vieillesse excédentaire pour la première fois depuis 2004. Je rappelle que son déficit a été divisé par huit, tandis que celui de la branche famille a été réduit des deux tiers.

Ces seuls éléments, même si certains points méritent d’être améliorés, ainsi que l’unité nationale, qui a été invoquée tout à l’heure, devraient inciter nos collègues de l’opposition à nous rejoindre pour voter les articles du texte.

J’appelle mes collègues, au nom du groupe socialiste, à ne pas voter la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Mes chers collègues, le moment est venu pour moi de tenter de vous persuader de renvoyer le texte en commission.

En plaidant à l’instant pour un rejet préalable, Mme Le Callennec a suffisamment expliqué la position de notre groupe. Je serai donc plus bref.

L’échec de la commission mixte paritaire est regrettable. Les sénateurs avaient accompli un travail utile. Sans doute aurait-il fallu, pour nous mettre d’accord, un peu plus qu’une réunion rapide, voire très rapide, puisqu’elle n’a duré que quelques minutes. Chacun s’est exprimé sans doute, mais le temps a été trop court.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Voilà ce qui s’appelle parler pour ne rien dire !

M. Dominique Tian. Nous allons donc devoir examiner le projet de loi pendant la nuit.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Tant mieux ! Cela vous tiendra éveillé !

M. Dominique Tian. Vous le savez, madame la présidente. Il semble même que cela vous ait inquiétée. Nous ne disposons que de quelques heures. Nous allons donc travailler au pas de charge, puisque demain nous devons examiner, dans des conditions très compliquées, le projet de loi relatif à la santé.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vous qui l’avez voulu !

M. Dominique Tian. Oui, nous l’avons voulu et nous l’assumons.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous l’assumez : très bien !

M. Dominique Tian. Nous pensions en effet que le débat sur le projet de loi relatif à la santé ne pouvait pas se tenir dans des conditions normales, après les événements qu’a connus notre pays.

Nous avons rendu service au Président de la République et à la ministre de la santé, en avançant que le débat, qui doit être apaisé, ne devait pas se dérouler la semaine dernière. C’est pourquoi nous avons souhaité qu’il ait lieu demain.

Vous le savez : le projet de loi sur la santé est très conflictuel. Or nous ne pourrons l’examiner que mardi soir, puis dans la nuit de mercredi et sans doute vendredi.

Je regrette le peu de cohérence qui présidera à l’examen d’un texte qui pouvait facilement être reporté d’une semaine ou deux.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous aurions pu le commencer la semaine dernière !

M. Dominique Tian. Nous examinerons par demi-journées ou durant la nuit des morceaux de loi sur la santé, ce qui ne laisse pas présager d’un travail parlementaire de qualité.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous pensez que les députés ne devraient pas travailler ? Les Français continuent, eux !

M. Dominique Tian. Je sais que cela vous énerve, madame la présidente. Quand vous intervenez ainsi, c’est que vous n’êtes pas très sûre de vous.

J’ajoute que la réunion organisée au titre de l’article 88 n’a duré que sept à huit minutes.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Si vous parliez du fond, ce serait bien !

M. Dominique Tian. Je défends une motion de renvoi en commission.

Monsieur le président, ces interruptions sont insupportables !

M. le président. Ne vous laissez pas troubler, monsieur le député.

M. Dominique Tian. Nous n’avons eu que quelques minutes pour examiner le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Je vous laisse apprécier la qualité de notre travail.

Malheureusement, il faut que nous retournions en commission.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Parce que vous préférez être assis que debout !

M. Dominique Tian. Je pense d’ailleurs que vous êtes d’accord, madame la présidente. C’est pour cela que vous n’arrêtez pas d’intervenir.

Beaucoup d’amendements du Gouvernement ont été déposés depuis le week-end. Sans doute votre force de travail vous a-t-elle permis de les étudier. Nous n’avons pas eu la même chance.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Chacun travaille selon ses capacités !

M. Dominique Tian. Nous n’avons pas pu regarder tous ces amendements.

Vous avez donné raison à M. Lurton à l’instant. Si son amendement a été accepté, c’est que sommes nous aussi capables d’un bon travail.

Pour moi, je sais que vous allez également me donner satisfaction, d’après ce que m’a susurré M. Bapt. (Sourires.)

Celui-ci m’a en effet glissé à l’oreille que, sur l’article 7 bis, un de mes amendements est bon, et que vous pourriez me le prendre, sachant que celui du Gouvernement est infiniment meilleur.

Reste que votre amendement ne me semble guère satisfaisant : il y manque un ou deux mots qui rendraient le texte intelligible. Il semble en effet que vous ayez oublié les mots « la convocation à la », avant le mot « réunion ». Nous y reviendrons dans un instant. Cela prouve – j’y insiste – la qualité de votre travail.

Un coup d’œil sur la base de dépôt d’amendements nous apprend que, depuis le week-end, le Gouvernement a déposé 18 amendements, dont trois réécrivent les articles, en l’occurrence les articles 14, 14 decies et 21.

Vous réécrivez l’article 14, qui est très important, puisqu’il repousse jusqu’à 2020, pour ceux qui le souhaitent, l’entrée en vigueur de la mesure de la loi relative au commerce à l’artisanat et aux TPE du 18 juin 2014, qui prévoit le basculement automatique des travailleurs indépendants imposés selon le régime microfiscal vers le régime microsocial. Comment voulez-vous que nous appréciions une telle réécriture en sept ou huit minutes ?

Vous nous proposez une nouvelle version de l’article 21, lui aussi très important, puisqu’il prévoit d’étendre la généralisation de la complémentaire santé aux plus de 65 ans. Les mutuelles, qui sont vent debout contre ce dispositif, vous demandent une nouvelle rédaction.

Nous ne savons pas si celle que vous nous proposez est bonne, mais, face à la bronca générale des acteurs de la protection sociale, un examen très bref ne peut suffire, d’autant que l’article est extrêmement technique, puisqu’il existe déjà huit dispositifs d’aides à la complémentaire santé.

Vous touchez aussi par amendement à l’article 22, qui prévoit l’instauration d’un chèque santé pour les salariés à contrats très courts et à temps très partiel. Vous récrivez plusieurs alinéas d’un article capital. Nous n’avons pas eu le temps de les examiner, pas plus que le reste du texte. C’est pourquoi nous vous demandons le retour de ce projet de loi en commission.

Au vu de votre état d’énervement, madame la présidente, je ne doute pas que vous ne soyez d’accord avec moi. Nous ne pouvons pas examiner dans la nuit des articles presque totalement réécrits.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande solennellement de renvoyer le texte en commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le député, je ne suis pas sûre que le renvoi en commission soit nécessaire. Une grande partie des amendements déposés par le Gouvernement vise à tirer parti de l’examen du texte par le Sénat. Nous avons recherché une position d’équilibre, ce qui montre que la position de Mme Le Callennec est entendue.

J’en citerai deux exemples.

Vous vous étonnez qu’un amendement propose une réécriture de l’article 14. Notre proposition tend à tirer les leçons des propositions du Sénat sur le régime microsocial des indépendants. Loin de revenir à notre position initiale, nous intégrons au contraire les propositions du Sénat.

Pourquoi avons-nous déposé un amendement sur l’article 22, qui concerne le chèque santé ? Pour tenir compte, là encore, du dispositif préconisé par le Sénat, qui intègre mieux, avec l’accord du Gouvernement, la position des branches. Vous devriez soutenir cette position.

M. Dominique Tian. Ce n’est pas le problème !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il s’agit d’intégrer la préoccupation des branches, quand celle-ci proposent d’emblée un système de couverture santé à leurs salariés précaires. Nos amendements prennent en compte les débats qui ont eu lieu au Sénat. En vous y montrant favorable, vous rejoindriez le souhait exprimé à l’instant par Mme Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Merci de m’avoir écoutée !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur Tian, en accord avec le vice-président de la commission mixte paritaire, j’ai laissé chacun s’exprimer lors de la réunion. Si celle-ci avait duré deux heures, je ne m’y serais pas opposée. Mais, au bout d’une heure, plus personne ne levait la main pour demander la parole. À qui vouliez-vous que je la donne ? À personne ? Cela n’existe pas dans un débat.

M. Dominique Tian. Nous n’avions pas encore les amendements du Gouvernement !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous m’avez parlé de la commission mixte paritaire. Je vous réponds.

Vous nous reprochez ensuite d’avoir examiné le texte rapidement. Pas du tout ! Vous pouviez prendre la parole. Cela dit, vous faites partie des orateurs qui répètent toujours la même chose. En général, au bout de trois fois, tout le monde a compris.

En tout cas, je ne peux pas laisser dire qu’au cours de nos travaux, certains collègues n’ont pas pu prendre la parole, parce que ce n’est pas vrai.

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Bernadette Laclais, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Bernadette Laclais. Personne ne sera surpris en m’entendant annoncer que notre groupe ne donnera votera pas la motion de renvoi en commission défendue par M. Tian.

Le débat a eu lieu. Les circonstances devraient nous inviter à éviter les fausses polémiques. Les textes budgétaires doivent être votés dans des délais imposés. La présidente de la commission des affaires sociales a donné priorité, dans l’ordre du jour, à leur examen, ce qui paraît la logique. De ce fait, cet après-midi, nous devons nous prononcer sur ce texte, afin de respecter les délais impartis.

M. Tian a regretté l’échec de la commission mixte paritaire. Comme beaucoup de collègues présents dans l’hémicycle, j’ai participé à cette commission, sachant d’entrée, malheureusement, que celle-ci était promise à l’échec, puisque nous avions des divergences précises et que, d’emblée, les points de vue étaient donnés comme irréconciliables.

Enfin, monsieur Tian, vous avez regretté que nous ayons travaillé au pas de charge. On ne peut pas vous suivre dans cette voie. Nous avons passé du temps sur la deuxième lecture.

En outre, plusieurs des amendements du Gouvernement avaient d’ores et déjà été annoncés par les rapporteurs en commission. Il fallait tenir compte des débats au Sénat, mais aussi de ceux de la commission des affaires sociales de l’Assemblée en nouvelle lecture. Je ne prendrais que les exemples des articles 21, 22 et 39 : il suffit de se reporter aux comptes rendus des débats en commission pour constater que les rapporteurs en charge de ces articles avaient ouvert la voie à une réécriture de ceux-ci en vue d’une meilleure application du texte.

Pour toutes ces raisons, j’invite nos collègues ici présents à s’atteler au plus vite à l’examen des articles et à repousser cette motion de renvoi en commission.

Mme Michèle Delaunay. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe Les Républicains.

M. Bernard Accoyer. Nous pensons qu’il y a tout lieu d’adopter cette motion de renvoi en commission. Permettez-moi d’abord de dire à notre collègue Bernadette Laclais que si la priorité est, bien sûr, d’être attentif à la terrible épreuve que traverse notre pays, le débat politique continue, et notre devoir est de défendre les convictions qui sont les nôtres.

Quand vous maintenez contre vents et marées, madame la ministre, l’inscription à l’ordre du jour de la loi santé, dont l’examen va être saucissonné en raison de diverses contraintes, vous n’allez pas dans le sens d’un apaisement de la vie sociale et du débat politique, et cela dans un domaine aussi essentiel que celui de la santé et des professionnels de santé.

Quand la commission est convoquée au titre de l’article 88 à quinze heures quarante-cinq alors que la séance publique commence à seize heures, vous conviendrez, madame la présidente de la commission, qu’il ne s’agit pas là de conditions d’examen sérieuses pour des amendements du Gouvernement réécrivant des articles entiers du texte !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cela s’est toujours fait ainsi ! De grâce, pas vous !

M. Bernard Accoyer. C’est parce que nous avançons une fois de plus à marche forcée, parce que le Gouvernement veut absolument passer en force sur la loi santé, que nous sommes conduits à travailler dans des conditions qui ne sont pas acceptables…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous n’étiez même pas présent à la réunion qui s’est tenue au titre de l’article 88 !

M. Bernard Accoyer. …même si j’admets volontiers que d’autres gouvernements ont pu faire la même chose par le passé. Si nous persistons dans ces mauvaises habitudes alors que la réforme constitutionnelle de 2008 a donné à la commission le rôle essentiel et aux débats dans l’hémicycle un rôle qui s’inscrit dans la continuité des travaux de la commission, nous n’améliorerons jamais nos conditions de travail.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il mélange tout !

M. Bernard Accoyer. Pour toutes ces raisons, il est évident qu’il convient d’adopter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous abordons aujourd’hui la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016.

Sans surprise, le Sénat a adopté les dispositions gouvernementales visant à élargir encore les exonérations de cotisations sociales pour les entreprises, à hauteur de 5,3 milliards d’euros, dans le cadre de la mise en œuvre du deuxième volet du Pacte de responsabilité. Il a même proposé d’aller plus loin, notamment en supprimant l’article 7 bis, qui prévoit un assujettissement aux cotisations sociales patronales dès le premier euro d’indemnité versé au salarié lors d’une rupture de contrat de travail.

La majorité de droite du Sénat n’a pas davantage remis en cause le plan d’économies de 10 milliards d’euros sur la santé, dont 3,4 milliards pour l’année 2016. Considérant que des efforts supplémentaires pourraient être supportés par l’ensemble de nos concitoyens pour réduire les déficits, elle a amendé le texte en ce sens, avec notamment l’instauration de trois jours de carence pour les personnels des établissements de santé, à l’article 51 bis, ou encore l’adoption d’un article additionnel reculant l’âge légal de départ en retraite à 63 ans.

À l’Assemblée, la commission a rétabli le texte initial, mais il est troublant de constater que sur le fond, vous ne rompez pas avec la démarche de la droite. En fixant l’ONDAM au taux de 1,75 %, vous reprenez d’ailleurs les recommandations exprimées par la droite sénatoriale lors de l’examen du PLFSS pour 2015. Comme elle, vous justifiez ce choix par l’impérieuse nécessité de réduire les déficits, sans proposer aucune mesure de financement nouveau, et alors que vous entérinez le recul du remboursement des soins, ne serait-ce qu’en maintenant les franchises et forfaits qu’elle a instaurés – que vous n’aviez d’ailleurs pas manqué de dénoncer lors de leur mise en place.

Le montant du déficit constitue à la fois – et selon les cas – un instrument utile pour justifier et faire accepter le recul des prestations et un argument pour saluer l’action du Gouvernement, puisqu’il a réussi à le réduire. Mais à aucun moment vous n’abordez le débat de fond sur les causes de ce déficit. C’est pourtant par là qu’il faut commencer si l’on a la volonté de le réduire, car il n’y a que deux voies pour atteindre cet objectif : soit diminuer les prestations, soit dégager des moyens financiers nouveaux.

Nous considérons que le budget de la Sécurité sociale souffre non pas d’un excès de dépenses, car on ne va pas chez le médecin et on ne prend pas de médicaments pour le plaisir, mais d’un manque criant de recettes. Or, encore une fois, vous ne formulez aucune proposition pour apporter des recettes nouvelles. Vous n’engagez même pas le débat sur ce volet : vous vous contentez de repousser toutes nos propositions, même les plus évidentes, comme celle qui consiste à faire cotiser au même taux que les salaires les revenus non investis des entreprises et placés dans la spéculation financière stérile.

Vous nous dites avoir réussi à réduire le déficit sans pénaliser les assurés sociaux. Ce serait sans doute possible si vous étiez magicienne, mais hélas, ce n’est pas le cas, car sans recettes nouvelles, on ne peut à la fois réduire la dépense et maintenir le même niveau de prestations.

Alors certes, vous avez réduit le déficit, aujourd’hui estimé à 9,7 milliards d’euros pour 2016, mais c’est au prix d’économies drastiques conduisant à moins de prestations sociales, moins de moyens pour les hôpitaux publics, et donc moins de soins pour nos concitoyens.

Ainsi, si vous avez divisé par deux le déficit de la branche famille, c’est par le gel de la revalorisation des prestations accordées en 2014 et 2015, auquel s’est ajoutée la mise en œuvre, l’été dernier, de la modulation des allocations familiales. Cette mesure, que vous défendiez au nom de la justice sociale, se traduit en réalité par 865 millions d’économies aux dépens des familles.

De même, l’excédent de la branche vieillesse est le résultat des réformes successives initiées par les précédents gouvernements de droite, que vous avez poursuivies. Elles se traduisent pour nos concitoyens par une baisse du montant de leur pension, un allongement de la durée de cotisation et un report de l’âge de départ en retraite.

Quant à l’excédent de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, il est notoirement dû à une sous-déclaration de ces accidents et maladies.

Les hôpitaux publics sont littéralement asphyxiés. Ce PLFSS envisage pourtant 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires en 2016, qui viennent s’ajouter aux 600 millions déjà économisés l’an passé. Quelle que soit leur situation, ils seront contraints à ces restrictions par l’ARS, le bras armé de l’État, mis en place par la droite dans la loi dite HPST – hôpital, patients, santé et territoires – et que vous renforcez dans la loi santé tant ces agences se révèlent utiles pour imposer ces restrictions drastiques. Ainsi, comme je l’ai déjà dit, c’est l’équivalent de 22 000 emplois de la fonction publique hospitalière qui devraient être remis en cause d’ici à 2017, selon un rapport interne au ministère de la santé.

Dans ces conditions, comment les hôpitaux pourront-ils mettre en œuvre le « virage ambulatoire » que vous souhaitez à juste titre ?

Pour réussir cette mutation, il y a besoin de la préparer et de la financer. Au lieu d’y réfléchir avec les intéressés et avant même que ces nouvelles pratiques ne soient développées, vous annoncez des économies à hauteur de 465 millions d’euros !

Vous nous reprochez de parler de démarche comptable. C’est pourtant une évidence. Il ne faut pas s’étonner que dans un tel cadre, le secteur privé lucratif soit le mieux placé, puisqu’avant la santé, c’est bien de finance, de concurrence et de parts de marché dont nous parlons.

Oui, mes chers collègues, nous sommes très préoccupés par ces orientations qui portent atteinte aux activités du secteur public de la santé.

Pourtant, en dépit des conditions de travail extrêmement difficiles que leur impose cette austérité budgétaire, les personnels hospitaliers font de leur mieux ; ils ont su démontrer à l’occasion des tragiques événements de la semaine dernière leur professionnalisme, leur dévouement et leur efficacité. Vous l’avez salué, et vous avez raison. Nous nous y associons. Cela devrait nous conduire à réfléchir sur les moyens que nous leur accordons…

Car non, je le répète, ce n’est pas d’un excès de dépenses dont souffre la Sécurité sociale, mais d’un manque de recettes, que le Gouvernement pourrait aisément combler s’il le voulait vraiment en réduisant les exonérations de cotisations sociales patronales, dont le coût est estimé à 30 milliards d’euros par an, le tout sans aucune contrepartie en termes d’investissement et d’emploi, ou encore en luttant efficacement contre la fraude aux cotisations patronales, dont le coût total est estimé par la Cour des comptes à plus de 20 milliards pour la seule année 2012 – dont vous n’avez récupéré que 850 millions en 2014, soit à peine plus de 4 % !

On le voit, la possibilité existe de récupérer beaucoup de moyens financiers. Et bien d’autres pistes pourraient être explorées, concernant notamment les revenus des grandes entreprises du CAC 40, dont la promptitude à encaisser l’argent public n’a d’égale que l’inexorable augmentation de leurs bénéfices et des dividendes qu’elles distribuent à leurs actionnaires, tout en poursuivant la suppression de milliers d’emplois. C’est le cas pour Air France, pour le laboratoire Sanofi, pour Arcelor-Mittal, pour IBM France et tant d’autres…

En entretenant l’idée qu’il n’y a plus d’argent pour financer la Sécurité sociale, vous encouragez le report de ces dépenses sur les complémentaires, qui ne sont rien d’autre que des assurances privées, dont la cotisation est plus ou moins élevée selon les risques, et donc particulièrement onéreuse pour les personnes âgées, par exemple.

Avec l’article 21, vous tentez justement d’atténuer cette situation. Mais quelles que soient les mesures prises, les assurances complémentaires ne peuvent pas s’inscrire dans le cadre solidaire et universel de la Sécurité sociale.

Comme vous le voyez, notre approche est radicalement différente de la vôtre. Vos choix rejoignent malheureusement ceux de la droite. Ils installent progressivement la privatisation de notre système de santé, conduisant chaque jour davantage de nos concitoyens à se soigner non plus selon leurs besoins, mais selon leurs moyens, en fonction de la qualité du contrat auquel ils peuvent souscrire, avec ou sans une aide de l’État ou de leur entreprise. C’est un choix malheureux pour notre société, car il accentue, au lieu de les réduire, les inégalités d’accès à la prévention et aux soins.

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, au-delà de cette nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, qui nous a déjà permis de débattre de nombreux éléments, je voudrais revenir sur les débats qui ont eu lieu au Sénat et le texte qui y a été voté.

Je le fais d’autant plus volontiers que j’ai bien compris en commission, comme tout à l’heure lors de la présentation des motions de rejet préalable et de renvoi en commission de l’opposition, qu’il s’agissait là d’éléments fondamentaux de son projet politique.

Je voudrais souligner que les décisions du Sénat sont riches d’enseignements. On nous dit, depuis des mois, en nous faisant la leçon, qu’il est nécessaire de réaliser des économies. De fait, nous avons pris la résolution de faire des économies, non par principe, mais parce que nous sommes conscients que les comptes publics doivent évoluer, que nous devons faire preuve de responsabilité vis-à-vis des générations futures. Or, premier enseignement : les mesures adoptées par le Sénat n’ont fait qu’accroître les charges que fait peser ce budget.

M. Bernard Accoyer. Non !

M. Christophe Sirugue. La suppression du paiement des cotisations sociales au premier euro pour les parachutes dorés, le renoncement à l’application des cotisations sociales aux dividendes versés aux dirigeants de SARL, le refus de l’assujettissement aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine immobilier des produits de placement perçus en France par des personnes fiscalement domiciliées hors de France, sont autant de mesures qui accroîtraient inévitablement les charges. Notre collègue sénateur Yves Daudigny affirmait qu’en ajoutant toutes les mesures proposées par la majorité sénatoriale, on aboutissait à une augmentation des dépenses publiques de plusieurs centaines de millions d’euros. Je comprends pourquoi – Mme la ministre a eu raison de le dire tout à l’heure – les sénateurs de la majorité ont voulu supprimer l’article d’équilibre : il était en effet compliqué d’expliquer que l’on accroissait les dépenses tout en donnant des leçons sur la gestion et l’équilibre des comptes publics. Ce mensonge, qui caractérise l’argumentation développée depuis des mois à propos du projet de loi de financement de la Sécurité sociale comme du projet de loi de finances de l’État, doit être, me semble-t-il, dénoncé dans le débat public, pour bien montrer que les donneurs de leçons doivent commencer par corriger leur copie.

Deuxième enseignement : il est difficile d’accepter que celles et ceux qui, pendant des années, ont voté des projets de loi de financement de la Sécurité sociale qui n’ont eu d’autre résultat que d’accroître les déficits, viennent aujourd’hui nous dire qu’il ne faut pas adopter celui-ci, alors même que plusieurs mesures, soulignées par nombre d’entre nous, participent de la réduction de ces déficits. En quatre ans, comme je l’ai dit tout à l’heure, le déficit du régime général a été divisé par deux et a atteint son plus bas niveau depuis 2003. Cette réalité des comptes publics de la Sécurité sociale mérite, bien évidemment, d’être prise en compte. Cette ambition de parvenir à l’équilibre des comptes publics explique que nous ne vous ayons pas suivis, et que nous ne retenions pas vos propositions, qui introduisent d’ailleurs systématiquement des exonérations destinées à préserver les intérêts des uns ou des autres.

Non seulement nous avons cette ambition, mais nous y ajoutons celle d’instituer de nouvelles protections, comme cela a été dit depuis le début de l’examen de ce projet de loi. Lorsque nous mettons en place la protection universelle maladie pour simplifier la couverture santé, lorsque nous permettons l’accès aux soins, à travers la complémentaire santé, des salariés précaires, c’est-à-dire titulaires d’un contrat court ou ayant des employeurs multiples, lorsque nous proposons la garantie des impayés concernant les pensions alimentaires, nous poursuivons une double ambition : réduire les déficits, mais aussi accompagner nos concitoyens face aux évolutions de leur vie, pour leur accorder la protection à laquelle ils ont droit.

Madame la ministre, dans le cadre de cette nouvelle lecture, nous allons naturellement continuer à travailler, à examiner les amendements que vous nous avez proposés, à l’instar de ceux de nos rapporteurs. Nous avons conscience de nous inscrire dans un cheminement qui a débuté en 2012 et qui se poursuit, année après année. Il méritera encore des efforts, chacun le sait, mais il va dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle, bien entendu, le groupe socialiste vous accompagnera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour nous livrer à un exercice un peu formel mais incontournable en cette période de l’année : la nouvelle lecture, par l’Assemblée nationale, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Puisque nous allons débattre des crédits destinés à financer notre système de santé, permettez-moi, à la suite des événements récents, de rendre une nouvelle fois hommage à l’ensemble des professionnels de santé qui se relaient depuis dix jours auprès de nos concitoyens blessés, victimes de la folie, victimes de la haine de ceux qui veulent détruire nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, qui veulent détruire notre République. Pour ceux qui souffrent de leurs blessures, le parcours sera long. Je veux profiter de cette occasion pour les assurer de notre soutien et de notre affection.

Dans cette épreuve, notre système de santé a, encore une fois, prouvé son efficacité. Sa pérennisation doit nécessairement passer par une vraie modernisation. C’est un défi qui nous engage tous. Je regrette que la commission mixte paritaire réunie à l’Assemblée nationale, mardi dernier, ait abouti à un échec. Je regrette qu’une fois encore, votre majorité s’apprête à balayer d’un revers de la main toutes les propositions du Sénat…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mais non !

M. Gilles Lurton. …à quelques nuances près, j’y reviendrai. Venons-en aux grands équilibres de ce texte, à ce que les Françaises et les Français doivent savoir sur l’état financier de leurs comptes sociaux. Un déficit de la Sécurité sociale de 12,8 milliards d’euros cette année : nous ne le contestons pas, des efforts ont été réalisés, mais ce résultat doit être relativisé. Nous voulons aussi vous alerter sur les risques que vous faites peser sur vos successeurs, qui trouveront de bien mauvaises nouvelles cachées sous le tapis et seront dans l’obligation, dès 2017, de redresser la situation.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce ne sera pas pire que ce que vous nous avez laissé !

M. Gilles Lurton. Pour ce qui est de l’équilibre général, selon les termes de la Cour des comptes, « rien ne bouge vraiment et la baisse du déficit ralentira encore très nettement en 2015 ». Le retour à l’équilibre, que le Gouvernement nous promettait rapide, est reporté, dans le meilleur des cas, au-delà de 2020. Affirmer que le déficit de la branche maladie se réduit est une contre-vérité. Avec 7,5 milliards d’euros en 2015, il excède les 7 milliards d’euros prévus dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015. J’observe qu’il s’élevait à 5,9 milliards d’euros en 2012 et à 6,4 milliards d’euros en 2014.

Les allégements de charges qui ont été votés dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative ne sont pas plus compensés pour 2016 qu’ils ne l’ont été en 2015. Comme l’indique le Haut Conseil des finances publiques, « les mesures nouvelles du projet de loi de finances pour 2016 seront votées sans que les économies prévues pour les financer n’aient été portées dans leur intégralité à notre connaissance, ni dûment documentées ». Autrement dit, vous faites financer ces allégements de charges par la dette prévue dans le projet de loi de finances général de l’État. Nous vous l’avons dit à maintes reprises, en renvoyant à la Caisse d’amortissement de la dette sociale une partie de la dette de l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale, vous laissez à ceux qui vous succéderont un cadeau de 30 milliards, qui ne sera pas financé.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous nous avez laissé 500 milliards de dette publique !

M. Gilles Lurton. Oui, madame la ministre, les assurés sociaux continuent d’être bien pris en charge. Oui, le montant financier qui reste à la charge des assurés sociaux reste le plus faible au monde.

M. Michel Issindou, rapporteur. Il y a tout lieu de s’en féliciter !

M. Gilles Lurton. Oui, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, fixé cette année à 1,75 %, est respecté, ce qui démontre surtout que les professionnels de santé et, en particulier, les médecins de ville sont bien au rendez-vous et prennent leurs responsabilités. Mais nous voulons vous rappeler avec force les menaces qui continuent de peser sur notre système social. Nous ne pourrons pas indéfiniment reporter son financement sur les générations à venir.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Qu’avez-vous fait pendant cinq ans ?

M. Gilles Lurton. Pour ce qui me concerne, je n’ai jamais été au Gouvernement !

Au contraire, il est de notre devoir, ici, de travailler pour que ces générations puissent bénéficier de la même qualité de protection sociale que celle dont nous avons nous-mêmes bénéficié, celle que nos prédécesseurs, les fondateurs de la Sécurité sociale, nous ont léguée il y a 70 ans.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Qu’avez-vous fait, si ce n’est dépenser sans compter ?

M. Gilles Lurton. Cette année encore, la moitié des économies porte, pour près de 1,7 milliard d’euros, sur le médicament.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Où comptez-vous trouver les économies, monsieur Lurton ?

M. Gilles Lurton. Toujours inspirés par cette vision à court terme qui est la vôtre, vous paralysez les performances de ce fleuron qu’est l’industrie pharmaceutique française. Il s’agit pourtant d’un secteur stratégique pour l’économie nationale et pour l’emploi. Comme nous le verrons demain dans le cadre du projet de loi santé, vous détruirez bien d’autres secteurs, et en porterez la responsabilité.

Vous nous annoncez aussi une branche vieillesse excédentaire en 2016, mais vous oubliez de parler du Fonds de solidarité vieillesse, dont le déficit est estimé à 3,8 milliards d’euros en 2015 et à 3,7 milliards d’euros en 2017. J’ajoute d’ailleurs – la Commission des comptes de la Sécurité sociale le souligne une nouvelle fois – que cette amélioration du déficit de la branche vieillesse est liée à de moindres départs en retraite, en raison du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans – réforme décidée par la précédente majorité, en 2011. Une fois la vague de report passée, qu’en sera-t-il de l’équilibre ? La question reste posée.

Pour ce qui concerne la branche famille, le Sénat a introduit un article 33 bis, qui prévoit le versement de la prime de naissance au moment de la naissance de l’enfant. De fait, tout le monde le sait, c’est au plus tard au moment de la naissance que les familles doivent s’équiper. L’article L. 531-2 du code de la Sécurité sociale dispose bien que le versement de cette prime s’effectue avant l’accouchement. C’est vous qui, pour des économies de bout de chandelle, avez pris un décret d’application de cet article prévoyant que le versement peut intervenir jusqu’à la fin du deuxième mois suivant la naissance. L’article introduit par le Sénat a pour objet, en supprimant le renvoi au décret, de revenir à l’esprit initial de la loi, afin de permettre le versement de la prime avant la naissance. Nous souhaitons que cet article soit maintenu.

Votre politique familiale depuis 2012, madame la ministre, a coûté, nous le maintenons, près de 5 milliards d’euros aux familles.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. C’est inexact !

M. Gilles Lurton. Comme je m’en suis expliqué longuement en première lecture, c’est l’un des points qui suscitent la plus grande divergence entre nous. Vous considérez qu’il est de votre devoir de distribuer autrement les aides, soit, mais nous persistons à dire que vous mettez à bas une politique familiale qui avait porté ses fruits, une politique qui faisait notre fierté et qui nous était enviée par de nombreux autres pays.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Elle l’est toujours !

M. Gilles Lurton. Les résultats sont là, ils méritent d’être confirmés mais nous voyons bien aujourd’hui que la natalité diminue. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. N’importe quoi !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Croyez-vous que les gens aient anticipé plus de neuf mois à l’avance ?

M. Gilles Lurton. Nous approuvons la proposition d’exonération d’une partie des cotisations sociales destinées au financement des prestations d’assurance vieillesse de base des médecins et infirmiers retraités exerçant dans des zones où l’offre de soins est déficitaire. Cette proposition des sénateurs nous paraît être de nature à favoriser l’exercice de cette profession dans ce qu’il est convenu d’appeler maintenant les « déserts médicaux ». Ce n’est que par la multiplication de ce type de propositions que nous parviendrons à faire face à la situation que connaît notre pays.

De même, nous soutenons l’article 10 bis introduit par le Sénat, qui vise à porter de cinq à six ans la durée des allégements de cotisations sociales en faveur des jeunes agriculteurs. C’est important, après la crise agricole du mois de juillet dernier.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Due à qui ?

M. Gilles Lurton. Vous le savez comme moi, l’année prochaine s’annonce catastrophique pour l’agriculture française, et de très nombreuses exploitations ne pourront pas faire face à la conjoncture.

Enfin, madame la ministre, le Sénat a supprimé l’article 19. Il s’agit d’un article que j’avais combattu en première lecture. De fait, la suppression de cette disposition est une bonne chose, car votre proposition d’affiliation au régime général des marins français résidant en France et naviguant à bord de compagnies étrangères, comme cela nous était proposé en première lecture, me paraissait lourde de conséquences sur l’emploi même de ces marins. Le Sénat, dans sa grande sagesse, l’a compris, et, d’après ce que j’ai cru comprendre en commission, votre rapporteur aussi. Il n’en reste pas moins que la situation de ces marins, sur qui j’avais appelé votre attention par une question du 12 février 2015, doit être résolue. À ce propos, j’ai déposé un amendement modifiant le code des transports et visant à donner la possibilité – je dis bien : donner la possibilité, car toute la nuance est là – aux marins de s’affilier à l’ENIM, qui est la caisse d’assurance de tous les marins français. Cet amendement a malheureusement été déclaré irrecevable, ce que je m’explique difficilement, car, à mon sens, il ne créerait pas de charges supplémentaires pour l’ENIM mais, au contraire, accroîtrait le nombre de ses cotisants. Devant cette situation et, surtout, face à la nécessité de trouver une solution pour ces marins, je solliciterai tout à l’heure par voie d’amendement la réalisation d’un rapport sur les conséquences de leur affiliation à cet établissement.

M. Michel Issindou, rapporteur. Un rapport de plus, un rapport de trop !

M. Gilles Lurton. J’ai bien remarqué que, de votre côté, vous aviez déposé un nouvel amendement. Je veux rester très prudent à l’égard de cet amendement, qui a été déposé avant la réunion de la commission tenue en application de l’article 88 du règlement, car il me semble qu’il fait tout de même peser un risque sur l’emploi de ces marins. Je préférerais, de mon côté, que leur soit octroyée une possibilité d’affiliation à l’ENIM ; nous en reparlerons tout à l’heure.

Madame la ministre, notre société évolue. La population vieillit de plus en plus et requiert des soins plus sophistiqués. Nous devons trouver les moyens financiers nécessaires afin d’adapter notre système de protection sociale à cette évolution et, de permettre à chaque citoyen, où qu’il se trouve sur notre territoire et quelle que soit sa condition sociale, de continuer de bénéficier des soins dont il peut avoir besoin. C’est le défi que nous devons relever pour les générations à venir. Je regrette que dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale que vous nous proposez ce soir en nouvelle lecture vous vous contentiez de reporter les charges financières sur vos successeurs. Je regrette que vous persistiez à ne pas relever, dès aujourd’hui, le défi auquel nous sommes confrontés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, notre assemblée aborde aujourd’hui la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 dans un contexte tragique lié au carnage provoqué par les attentats du 13 novembre dernier. Si la consternation et la sidération nous ont tous saisis, nous avons également tous été marqués par la mobilisation, le sang-froid et le professionnalisme exemplaires des services de secours et des équipes hospitalières qui sont intervenues auprès des victimes ce soir-là et dans les jours qui ont suivi.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bien !

M. Francis Vercamer. Du reste, personne n’a jamais douté des qualités réunies par ces professionnels de santé. Ces circonstances dramatiques ont cependant à nouveau démontré que le sens du dévouement, le courage et la conscience professionnelle la plus aiguë demeurent les valeurs les plus largement partagées au sein des équipes de secours d’urgence et des équipes de soins de notre pays. En préambule de nos débats, le groupe UDI tenait donc à rendre hommage à ces hommes et à ces femmes qui, chacun à leur place, vivent leur métier comme une mission pour venir en aide à ceux dont la vie bascule.

Les discussions que nous allons entamer souligneront sans doute nos divergences sur ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, et celles-ci sont bien naturelles dans une démocratie vivante. Elles nourrissent avant tout une même volonté d’améliorer notre protection sociale, notamment notre système de santé, tant pour les professionnels qui y exercent leurs talents que pour nos concitoyens, qui en bénéficient.

La nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 nous donne à examiner un texte sensiblement différent de celui qui avait été adopté par notre assemblée à la fin du mois dernier. En effet, le Sénat y a apporté des modifications sensibles, qui entrent en résonance avec un certain nombre de propositions que notre groupe avait avancées.

Le groupe UDI reprochait en effet à votre projet de budget d’éviter les choix essentiels qui sont pourtant nécessaires afin d’assurer la pérennité de notre système de protection sociale, et d’autant plus impératifs que l’approche financière du projet que vous proposez n’incite guère à l’optimisme. La réduction du déficit du régime général entre 2014 et 2015 reste très limitée ; elle est de l’ordre de 400 millions d’euros. Le Fonds de solidarité vieillesse accuse un déficit en 2014 de 3,5 milliards d’euros, déficit qui devrait s’accentuer dans les deux années qui viennent : il sera de 3,8 milliards en 2015 et de 3,7 milliards en 2016. La dette sociale en 2015 ne se réduit que faiblement, puisqu’elle a été évaluée à 1,3 milliard d’euros de moins qu’en 2014. Par ailleurs, le retour à l’équilibre des régimes de base de la Sécurité sociale ne devrait intervenir qu’à l’horizon de 2020 ou 2021, alors qu’il avait été promis pour 2017. Enfin, la perspective, en 2016, d’une croissance peu soutenue ne permet pas de générer des recettes suffisantes à partir des cotisations versées, ce qui augure mal d’une réduction durable et significative des déficits de la Sécurité sociale.

Ce sombre constat appelait des mesures significatives, des mesures structurelles, pour reprendre des termes que M. le secrétaire d’État chargé du budget s’était amusé à attribuer à l’opposition afin de la mettre au défi d’en proposer. Au lieu de cela, le Gouvernement a reconduit les grands équilibres qui caractérisaient déjà les projets précédents, en particulier en ce qui concerne l’assurance maladie.

L’effort de maîtrise des dépenses est ainsi massivement supporté par le secteur du médicament, ses fabricants et ses prescripteurs, aux dépens d’une action structurelle sur l’offre et l’organisation des soins. En effet, le secteur du médicament, et plus généralement des produits de santé, doit contribuer à hauteur de 1,7 milliard d’euros à la réduction des dépenses d’assurance maladie alors même qu’il ne représente que 15 % de celles-ci. Le secteur pharmaceutique doit évidemment participer à l’effort de maîtrise des dépenses de santé, mais une telle orientation risque de mettre à mal notre industrie du médicament et de fragiliser un peu plus le réseau des pharmacies officinales.

C’est en réalité tout le mouvement de réorganisation territoriale de l’offre de soins qu’il convient d’accélérer en fondant celle-ci sur une meilleure articulation entre soins de ville et hôpital. Dans de nombreux territoires, l’hôpital est encore en effet trop souvent la voie de premier recours pour l’accès aux soins. L’offre hospitalière dans les territoires doit pouvoir s’articuler dans le cadre d’une répartition cohérente qui vise à assurer l’accès aux soins de nos concitoyens, la recherche de complémentarités entre établissements, l’articulation avec la médecine de ville et une offre de services qui privilégie la qualité, la sécurité et la pertinence des soins dans l’intérêt du patient.

L’adéquation de l’offre de soins aux réalités démographiques et sanitaires des territoires est également, pour notre groupe, l’un des enjeux déterminants pour l’avenir et la qualité de notre système de santé. Le groupe UDI a ainsi relevé l’intérêt de la Cour des comptes pour la définition d’objectifs régionaux d’assurance maladie, qui permettraient de moduler la contrainte financière en fonction des besoins de rééquilibrage de l’offre de soins non seulement entre les secteurs, mais aussi entre les régions, au travers de la fixation d’objectifs de résorption des inégalités d’accès aux soins. Cette proposition rejoint celle que notre groupe formule depuis plusieurs années.

Enfin, votre projet n’aborde pas la question majeure du financement de notre protection sociale sur le long terme. Au-delà de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité qui, certes, va dans le bon sens, c’est la question de la structuration même du financement de notre protection sociale qui reste posée. Nous regrettons que vous ayez de nouveau rejeté, comme les années précédentes, notre proposition de remplacer le dispositif du CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – par une baisse massive des cotisations sociales familiales compensée par l’augmentation du taux normal de TVA dans le cadre d’une TVA compétitivité ; le Président de la République en a d’ailleurs fait la remarque.

Le Sénat a rééquilibré les dispositions de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, en particulier dans trois domaines.

Le texte issu des travaux de la Haute Assemblée introduit ainsi l’une de ces réformes structurelles que notre groupe vous proposait en première lecture, à savoir l’augmentation progressive de l’âge légal de départ à la retraite. Nous proposions de l’augmenter progressivement à 64 ans ; le Sénat a retenu 63 ans. C’est une première étape dans une direction que nous approuvons. Le groupe UDI appelle en effet de ses vœux des mesures de relèvement des bornes d’âge, dont l’effet très favorable sur les finances de la branche vieillesse, surtout à moyen et à long terme, est considérable, comme le démontre déjà et le démontrera plus encore à l’avenir la réforme de 2010. Cette mesure, difficile à prendre, constitue néanmoins l’un des piliers d’une réforme structurelle de notre système de retraites par répartition. Elle permettrait d’éviter la succession de réformes qui mine la confiance des Françaises et des Français en notre système de retraite.

Le Sénat a également adopté un dispositif d’incitation en faveur des médecins qui, arrivés à l’âge de la retraite, souhaitent poursuivre leur activité lorsqu’ils exercent dans des zones insuffisamment dotées de professionnels de santé. Cette disposition rejoint notre volonté de lutter contre les déserts médicaux en facilitant l’implantation de médecins dans les territoires où leur présence est insuffisante. L’accès aux soins de nos concitoyens dans tous les territoires est en effet un objectif que, de manière urgente, le législateur doit pouvoir décliner par des propositions concrètes. Notre groupe en a avancé certaines en première lecture et la disposition adoptée par le Sénat participe de cette même volonté.

Par ailleurs, le Sénat a augmenté le montant de la réduction forfaitaire par heure travaillée dont bénéficient les particuliers employeurs. Cette disposition vise à encourager l’emploi à domicile dans un secteur qui a particulièrement souffert des mesures gouvernementales prises ces dernières années. Vous connaissez l’importance que notre groupe accorde aux services à la personne et au développement de l’emploi à domicile, secteurs dont les besoins de recrutement restent particulièrement importants aujourd’hui. Nous ne pouvons donc qu’accueillir avec satisfaction une telle disposition.

Compte tenu des apports introduits par le Sénat au sein de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le Gouvernement est aujourd’hui placé devant un choix qui sera significatif de ses intentions. Soit vous souhaitez, madame la ministre, construire un projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui réponde aux enjeux de financement, de solidarité, d’accès aux soins et de modernisation de l’offre hospitalière auxquels notre protection sociale est confrontée, un projet qui redonne des perspectives aux professionnels, qui redonne à nos concitoyens confiance dans la pérennité du système de santé et du système de retraite, un projet auquel la plus grande part de la représentation nationale apporterait sa contribution, comme il se doit lorsqu’un pilier essentiel de notre modèle de société est en jeu, soit vous vous contentez du va-et-vient traditionnel de la navette parlementaire pour rétablir une version de ce projet qui, une fois de plus, gère tant bien que mal les affaires courantes de la Sécurité sociale sans répondre aux enjeux auxquels celle-ci est confrontée ni en assurer l’avenir. C’est du choix que le Gouvernement effectuera en abordant ce débat que dépendra l’intérêt de ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale que nous examinons aujourd’hui est un texte d’équilibre entre rigueur budgétaire et préservation du système de protection sociale auquel nous sommes tous attachés.

Le déficit de la Sécurité sociale, qui s’élevait à 17 milliards d’euros en 2012, sera ramené à moins de 10 milliards en 2016. Pour la première fois depuis 2004, la branche vieillesse du régime général reviendra à l’excédent en 2016. Nous ne pouvons que saluer cet effort. Il est toujours délicat, souvent difficile même, de réduire les dépenses, particulièrement quand il s’agit de protection sociale. Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale propose des économies qui préservent la justice sociale et qui, de surcroît, sont compatibles avec de nouvelles mesures de progrès social.

C’est précisément le cas en matière de lutte contre l’abus de médicaments – dispositions de promotion des génériques et lutte contre le gaspillage en général –, de développement de l’ambulatoire et de lutte contre la redondance d’examens et de diagnostics souvent fastidieux. L’effort consenti en faveur de l’autonomie des personnes handicapées – une augmentation de 2,1 % – va également dans le bon sens : ce rattrapage utile, très attendu, demandera à être poursuivi dans les années à venir.

Nous prenons acte de votre volonté de renforcer encore l’accès à la contraception et à l’autonomie des femmes ou encore de garantir le versement d’une pension de 100 euros mensuels pour les parents isolés dont le conjoint dérogerait à ses obligations. Ces mesures de solidarité et d’égalité vont dans le bon sens.

La gratuité du dépistage du cancer du sein sera étendue aux examens supplémentaires réalisés pour les femmes présentant un risque plus élevé. Des programmes de prévention de l’obésité chez les jeunes enfants seront expérimentés. La gratuité et la confidentialité du parcours de contraception des mineures seront garanties. Nous souhaitons par ailleurs porter le débat plus loin sur l’accès à une contraception sécurisée en incluant la gent masculine, dans un souci de responsabilisation partagée.

Je tiens également à souligner les avancées notables que permet l’individualisation de la gestion des droits à la protection universelle maladie en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Cette mesure ne concerne pas seulement les femmes, certes, mais elle apportera à ces dernières une protection, notamment en cas de séparation pour celles qui sont sans activité. Elle garantira en outre leur indépendance, donc la confidentialité de certains actes ou certaines prescriptions, comme l’usage d’un contraceptif ou le recours à une interruption volontaire de grossesse. L’annonce par le Président de la République de la création d’une protection universelle tenant compte de l’évolution des changements de vie et des ruptures potentielles de couverture permettra également d’éviter des situations de ruptures de droits. C’est une avancée que nous défendons depuis longtemps et nous nous réjouissons de son introduction dans ce texte.

Nous vous avions par ailleurs fait part de nos craintes quant à la suppression prévue des zones de revitalisation rurale. Je me félicite que cette suppression ait été écartée. Tout ce qui peut être entrepris en faveur de la cohésion territoriale doit en effet être effectif et maintenu. Trop de disparités existent encore au détriment des zones rurales, particulièrement en matière de santé.

Pour ce qui concerne la poursuite de la mise en application du pacte de responsabilité et de solidarité, notre groupe demeure partagé. La baisse de 1,8 point des cotisations sociales s’appliquera aux salaires jusqu’à 3,5 fois le niveau du SMIC à compter du 1er avril 2016. Il me semble que cette mesure va dans le bon sens en soutenant des emplois français qui aujourd’hui sont fragilisés par l’attractivité de certains pays voisins. La recherche et développement, par exemple, source d’investissement incontestable, est notamment concernée par le dispositif, qui favorisera le maintien de ces activités sur notre territoire.

Cependant, nous sommes plus réticents s’agissant de la baisse de la C3Spayée par les entreprises puisque le manque à gagner, pour un très large panel d’entre elles, s’élève à 1 milliard d’euros.

S’il semble opportun que cette mesure bénéficie à celles dont les marges sont les plus faibles par rapport à leur chiffre d’affaires, les dispositions proposées dans ce texte nous semblent excessives. Nous serons donc vigilants quant à l’efficacité de cette mesure qui, pour le moment, ne nous convainc pas et devra être évaluée.

Nous accueillons en revanche favorablement le rééquilibrage prévu entre les moyens alloués au secteur public et non lucratif et le secteur privé à travers le nouveau mode de tarification des soins de suite. En effet, la tarification à l’activité – la T2A – ne nous semble pas un mode de financement adapté en toutes circonstances. En outre, la distorsion entre public et privé n’était pas justifiée.

Nous serons attentifs aux résultats de cette mesure de financement mixte et nous saurons rappeler au Gouvernement son intention de l’étendre notamment aux soins palliatifs.

Enfin, si le dispositif octroyant aux personnes âgées de plus de 65 ans une fiscalité intéressante quant aux contrats de couverture complémentaire doit être salué, il n’en suscite pas moins des inquiétudes – c’est d’ailleurs pour cela que le Sénat a écarté de ce texte l’article que notre assemblée est sur le point de réintroduire.

En effet, nous craignons un effet négatif de la mise en concurrence des mutuelles alors que nous disposons aujourd’hui d’une large diversité de contrats adaptés aux situations de chaque bénéficiaire. L’intérêt financier pour le public ciblé par cette mesure ne doit pas se traduire par une protection complémentaire moins efficace.

Par ailleurs, ce dispositif pourrait bénéficier aux grands groupes, au détriment de plus petites structures – d’où nos réserves à son endroit.

Nous sommes bien sûrs prêts à soutenir une autre forme d’application de cette mesure en faveur des personnes plus âgées dès lors que, outre les emplois qui en dépendent, elle ne met pas à mal l’efficacité de nos couvertures complémentaires.

Je souhaite terminer mon propos en insistant particulièrement sur la mesure de simplification du système de prise en charge des victimes d’actes de terrorisme, qui semble particulièrement et malheureusement à propos dans le contexte douloureux que nous connaissons.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, ce texte d’équilibre entre mesures d’économies et de soutien à notre système de protection sociale nous semble raisonnable. Si nous émettons quelques inquiétudes quant à l’efficacité et à l’applicabilité de certaines mesures, nous reconnaissons tout de même que ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 est le fruit d’un travail à la hauteur de la situation à la fois économique et sociale de notre pays.

Permettez-moi, madame la ministre, de saluer la mesure que vous venez d’annoncer en réponse à Mme Lemorton. La lutte contre le VIH constitue en effet un enjeu de santé qui nous concerne tous. L’annonce du remboursement des traitements antirétroviraux à usage préventif est excellente. Je comptais moi-même défendre demain cette mesure à travers un amendement au projet de loi santé : je le retirerai donc avec plaisir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, la semaine dernière, la commission des affaires sociales a examiné en nouvelle lecture les articles du PLFSS pour 2016 modifié par le Sénat.

Nous l’avons fait dans les circonstances douloureuses que nous connaissons, mais cela ne nous a pas empêchés de faire avancer un certain nombre de propositions et d’enrichir celles du Gouvernement, tout en respectant les positions de chacun.

Si la CMP a échoué c’est que, malgré un certain nombre d’articles adoptés par le Sénat dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale, les positions des deux chambres sur des articles de fond sont restées irréconciliables.

Ainsi en est-il de la suppression par le Sénat des dispositions relatives à l’assujettissement des non-résidents aux prélèvements sociaux sur le capital à l’article 15, du refus du mécanisme de la contribution due au titre des médicaments contre l’hépatite C à l’article 4, ou encore du relèvement à 63 ans de l’âge de départ à la retraite, qui ne pouvait en l’état être accepté par notre majorité.

Dans ces conditions et compte tenu de l’échec de la CMP, il revient à l’Assemblée d’examiner les 58 articles qui restent en discussion.

La semaine dernière, la commission a d’ores et déjà réécrit une partie du texte en reprenant les articles tels qu’ils furent adoptés en première lecture mais ce vote doit être confirmé en séance publique.

Plusieurs articles susciteront encore sans doute des discussions et les précisions que vous pourrez apporter, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, nous permettront, j’en suis persuadée, d’améliorer la compréhension de ce texte et sa bonne application.

Ainsi en est-il de l’article 21 pour lequel, en commission, notre rapporteur a proposé une nouvelle rédaction permettant de repousser les offres dites low cost, c’est-à-dire vendues à des prix plus bas que la normale.

La commission, de même, a laissé la porte ouverte à de nouvelles améliorations en séance pour aller dans le sens de la labellisation – j’ai compris que telle était la voie que vous avez choisie, madame la ministre.

L’article 22 concerne l’adaptation de la généralisation de la couverture complémentaire santé pour les salariés en contrat court ou à temps partiel. Dans les départements où les activités saisonnières sont importantes – les contrats précaires et de courtes durées y sont par définition nombreux –, il a pu susciter des inquiétudes, notamment quant à ses modalités d’application.

Rappelons qu’il s’agit d’une dispense d’affiliation pour répondre aux situations dans lesquelles la couverture collective serait préjudiciable aux salariés en contrat précaire. L’obligation d’adhérer à la couverture collective priverait alors les salariés éligibles à la couverture maladie universelle complémentaire ou à l’aide au paiement d’une complémentaire santé de leurs droits. Mais là aussi, la rapporteure a ouvert la porte à une amélioration en séance de l’écriture de cet article, et je suis persuadée que nous saurons trouver des termes rassurants.

Enfin, l’article 39 continue d’inquiéter les directions des organismes mutualistes, comme nous avons pu nous en rendre compte dans nos permanences – le rapporteur Gérard Bapt s’en est à juste titre fait l’écho en commission à travers ses amendements. Notre commission a adopté la rédaction issue du Sénat après l’adoption de l’amendement de M. Yves Daudigny.

Il serait souhaitable que, pendant notre débat, nous puissions lever les inquiétudes qui ont été exprimées comme l’ont fait en première lecture, par voie d’amendement, la rapporteure Michèle Delaunay, le rapporteur Gérard Bapt, le groupe SRC, ou même notre collègue Denis Jacquat.

Enfin, je rappelle que ce PLFSS a été enrichi dès la première lecture par le groupe SRC, la mesure la plus emblématique étant selon moi celle présentée dans son amendement par notre collègue Sylviane Bulteau, que j’ai plaisir à saluer, autorisant le mi-temps thérapeutique pour les personnes affiliées au RSI.

Le fait le plus marquant de ce PLFSS, sans doute son cœur même, c’est ce que vous avez proposé, madame la ministre, et qui a retenu toute notre attention et reçu tout notre soutien : le rétablissement des comptes de la Sécurité sociale. Le déficit du régime général, en effet, a baissé de 2 millions supplémentaires par rapport aux prévisions du PLFSS pour 2015. Il s’élève finalement à 9,7 milliards ; il a diminué de 40 % en trois ans et, pour la première fois depuis 2004, la branche vieillesse du régime général sera excédentaire en 2016.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que nous soutiendrons ce texte, que nous le voterons en nouvelle lecture comme nous l’avons fait en première lecture.

Outre cette politique volontariste de redressement des comptes, ce PLFSS comprend des mesures proposées par le Gouvernement ou le Parlement qui permettent de renforcer les droits des assurés. La plus emblématique d’entre elles – ce n’est pourtant pas celle qui a fait le plus de bruit – est la mise en place de la protection universelle maladie.

Voilà donc pourquoi nous voterons ce texte. Nous soutiendrons les amendements que vous proposerez, madame la ministre, parce que nous sommes persuadés que ces propositions visent à améliorer la compréhension du texte et à l’enrichir utilement sans remettre en cause les lignes directrices que j’ai évoquées, lesquelles traduisent la préoccupation qui est la vôtre depuis 2012, à savoir le rétablissement des comptes dans la durée tout en garantissant des droits nouveaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Michel Issindou, rapporteur. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je répondrai en quelques mots aux orateurs présents et qui m’ont interpellée sur un certain nombre de questions.

M. Sirugue et, à l’instant, Mme Laclais, ont insisté sur le sens de ce texte, qui s’inscrit dans la lignée de ceux que nous avons présentés depuis 2012 visant à engager le rétablissement des comptes tout en garantissant des droits et en en créant de nouveaux. La Sécurité sociale est en effet vivante et doit donc pouvoir s’adapter à des situations diverses.

J’insiste sur un point soulevé par M. Sirugue : si nous suivions le Sénat, dont l’opposition fait beaucoup de cas – il a d’ailleurs produit un travail extrêmement constructif – le déficit de nos comptes s’alourdirait de près d’1 milliard d’euros. Vient un moment où il faut que les propos et les actes soient cohérents : il n’est pas possible de discourir du rétablissement des comptes sans se préoccuper des conséquences financières de ce qui est voté en toute quiétude dans les assemblées.

Madame Laclais a indiqué que le Gouvernement s’était montré à l’écoute de certaines préoccupations exprimées pendant le débat, notamment par des organismes mutualistes complémentaires.

Il est exact que le Gouvernement proposera une nouvelle rédaction de l’article 21 concernant les complémentaires santé proposées aux personnes âgées afin d’en tenir compte et de témoigner de sa ferme volonté : empêcher que des offres que vous avez qualifiées de low cost, c’est-à-dire qui mettraient en avant des tarifs cassés de manière indue, ne puissent prospérer sur le marché.

La volonté de rétablir les comptes, madame Fraysse, cela ne signifie pas que nous poursuivons la politique de la précédente majorité. Sans rouvrir ce débat que nous menons régulièrement, je dois dire que je ne vois pas de point commun entre la politique que nous défendons et celle de la droite, qui consista à multiplier franchises et déremboursements et à ne pas moderniser les politiques.

Madame Fraysse, je ne peux pas vous laisser dire – ni même d’ailleurs imaginer que vous pensiez vraiment ce que vous avez dit – que nous livrons la Sécurité sociale aux opérateurs privés et que nous privatisons notre système de santé alors que, depuis 2012, la part des organismes complémentaires a reculé par rapport à celle du régime d’assurance maladie obligatoire. Je veux bien que l’on multiplie les pétitions de principe, mais les faits sont têtus : depuis 2012, la part restant à la charge des assurés diminue et, dans celle qui ne l’est pas, la part de l’assurance maladie a augmenté par rapport à celle des complémentaires privées. On ne peut donc pas considérer que nous sommes face à un processus de privatisation.

D’ailleurs, les comparaisons par rapport à d’autres pays européens ou membres de l’OCDE montrent qu’en France, la part restant à la charge des assurés est la plus faible, et que c’est là une des marques de fabrique de notre système. Le dernier rapport de l’OCDE sur la comparaison des systèmes de santé dans les pays de l’organisation indique que la France se caractérise par son système extrêmement efficace, qui permet un accès aux soins à tous les Français.

L’un des axes que je me suis fixé est précisément de garantir et de renforcer un tel accès à tous car, malgré les nécessaires évolutions, c’est une marque du système français que nous devons préserver et garantir. J’ajoute que cet accès aux soins de tous s’effectue dans des conditions de prise en charge permettant de limiter autant que possible – en tout cas par rapport à d’autres pays – les sommes que chacun doit avancer.

Sans doute reviendrons-nous au régime social des marins, à l’article 19, monsieur Lurton, et je vous donnerai alors les raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable au système d’option, lequel ne relève pas de la Sécurité sociale. Il peut en effet exister pour les assurances privées mais nous avons pu constater les ravages qu’il a opérés pour les frontaliers.

M. Bernard Accoyer. C’est exactement le contraire !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne crois donc pas que nous devions nous engager dans un tel système.

Par ailleurs, monsieur Lurton, vous ne pouvez pas dire que la politique familiale a été démantelée dans notre pays et que l’on en voit les résultats aujourd’hui, en citant des chiffres qui n’ont rien à voir.

M. Bernard Accoyer. Si, bien sûr !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous ne pouvez pas dire que notre politique se traduit par une baisse de la natalité. La France est le premier pays européen en matière de natalité…

M. Bernard Accoyer. Mais elle baisse !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et le nombre d’enfants par femme ne diminue pas. Les chiffres, là encore, sont têtus, et le rapport de l’Institut national d’études démographiques le montre clairement. Ce qui a diminué, c’est le nombre de naissances, tout simplement parce que le nombre de femmes en âge de procréer est moins important aujourd’hui qu’il y a quelques années. Mais le nombre d’enfants par femme reste le même.

Monsieur Vercamer, je vous remercie d’avoir rendu un long et vigoureux hommage aux personnels hospitaliers. Vous avez rappelé que personne ne doutait, avant même les événements, de l’engagement, du professionnalisme et du dévouement des personnels hospitaliers, mais que les tragiques attentats du vendredi 13 novembre avaient permis de mesurer combien c’était une réalité.

À mon tour, je veux répéter combien je suis attentive à la situation de ces personnels hospitaliers en cette période difficile. Ils ont tous agi avec dévouement, et certains d’entre eux ont aussi besoin d’être écoutés et accompagnés. C’est pour cela que les hôpitaux parisiens ont mis en place des cellules d’urgence médico-psychologiques : il y en a une à l’Hôtel-Dieu, pour ceux qui souhaitent consulter à l’extérieur de leur établissement, mais aussi dans chacun des établissements ayant accueilli des victimes des attentats. Pour certains de ces professionnels, la situation est très dure : après le temps de l’action la plus intense, il leur a fallu affronter l’angoisse des familles à la recherche de leurs proches, et c’est après coup que les images reviennent. Je veux donc, comme vous, redire à ces professionnels que je suis très attentive à la situation qui est la leur aujourd’hui.

S’agissant du projet de loi en lui-même, vous avez regretté l’absence de réforme structurelle. Nous aurons l’occasion d’en discuter, notamment à propos de la question du médicament, que vous avez évoquée. Le choix du Gouvernement, c’est bien de privilégier l’innovation, et c’est cela que nous voulons mettre en avant.

Madame Massonneau, je vous remercie de votre soutien. Vous avez mis en avant, parmi d’autres sujets, un point qui n’est que rarement évoqué, et auquel je veux donc faire référence. Vous avez rappelé que de nombreuses mesures contenues dans ce projet de loi défendent l’égalité entre les femmes et les hommes. À travers les choix que nous faisons, c’est en effet l’égalité que nous soutenons, avec des mesures en faveur de la contraception ou de l’interruption volontaire de grossesse, avec la protection universelle maladie qui, en reconnaissant un droit individuel, permet de sortir un grand nombre de femmes de la catégorie d’ayant droit. C’est là une avancée tout à fait importante, et je vous remercie de l’avoir soulignée.

Deuxième partie

M. le président. J’appelle maintenant, dans les conditions prévues par l’article 114, alinéa 2, du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Je vous rappelle que le Sénat a voté conforme la première partie du projet de loi. En conséquence, nous abordons maintenant la deuxième partie, qui concerne les dispositions relatives à l’exercice 2015.

Article 4

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, première oratrice inscrite sur l’article.

Mme Valérie Boyer. Il y a un dénominateur commun entre l’examen du PLFSS et celui du projet de loi relatif à la santé : c’est la conviction que l’on peut passer en force sans prendre en considération les attentes et les inquiétudes des acteurs du monde de la santé.

Cette année encore, environ la moitié des économies à réaliser porte sur le médicament, pour près de 1,7 milliard d’euros. Plutôt que de faire les réformes qui s’imposent, vous privilégiez malheureusement une vision à court terme, qui paralyse les performances de ce fleuron qu’est l’industrie pharmaceutique française, alors même qu’il s’agit, de l’avis de tous, d’un secteur stratégique pour l’économie nationale et pour l’emploi, et même d’un secteur de souveraineté nationale.

On élude, on repousse, on ne change rien, ou de façon cosmétique ; on fait semblant de réformer en déshabillant Pierre pour habiller Paul, mais sans régler les vrais problèmes. Bref, ce PLFSS, notamment pour ce qui concerne le médicament, me semble très inquiétant. Le Gouvernement, une fois encore, manque une occasion d’actionner les leviers d’une réforme qui favoriserait la qualité des soins et l’efficience médico-économique d’un système de santé englué dans la culture des déficits. Je ne dirai rien des soins de suite et de réadaptation, dont il n’est pas question dans cet article.

Au total, les dépenses prévues dans le PLFSS pour 2016 sont plus élevées que le budget de l’État, puisqu’elles s’établissent à 478 milliards d’euros – contre 472,8 milliards d’euros de recettes. En ce qui concerne l’équilibre général, la Cour des comptes a bien noté que rien ne bouge vraiment et que la baisse du déficit ralentira encore très nettement en 2015. Le retour à l’équilibre, dont le Gouvernement nous avait promis qu’il serait rapide, est repoussé au-delà de 2020, dans le meilleur des cas. Et la politique du médicament est une illustration particulièrement dramatique de ce que vous nous promettez.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. L’article 4 concerne le médicament, et il faut bien reconnaître que les dispositions prévues dans ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale sont extrêmement préoccupantes pour l’avenir de ce secteur essentiel – essentiel pour les malades, mais aussi pour l’économie et le progrès.

La fixation du taux L à - 1 % est une disposition insupportable pour un secteur extrêmement important. Quant au taux W, on en connaît également les effets, et c’est d’ailleurs pourquoi il avait été supprimé par le Sénat.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ouvrons les vannes !

M. Bernard Accoyer. Je voudrais rappeler que la moitié de l’effort d’économies que le Gouvernement impose dans ce PLFSS est supportée par le médicament, à hauteur de 1,7 milliard d’euros, alors même qu’il avait déjà supporté un effort de 1,3 milliard l’année dernière. Les effets de ces mesures successives se font, hélas, déjà sentir sur l’industrie du médicament : avec un recul de l’excédent commercial du médicament, qui est passé de 9 milliards d’euros en 2013 à 6 milliards d’euros ; une chute des investissements de production, qui ont diminué de 120 millions d’euros ; une diminution des effectifs, qui sont passés en dessous des 100 000 emplois ; un recul, enfin, de la place de la France dans l’innovation, puisque sur les 130 molécules enregistrées à l’European Medicines Agency – EMA –, 32 viennent de l’Allemagne et 8 de la France. On sait par ailleurs que la plupart des nouvelles molécules seront développées à l’étranger.

La moitié de l’effort est demandée à l’industrie pharmaceutique, alors que le médicament ne représente que 17 % de la dépense. Or le prix des médicaments en France, pour 95 % d’entre eux, est inférieur à la moyenne européenne. Les décisions que vous prenez en la matière, madame la ministre, ont donc l’effet d’une guillotine, et cela parce que vous refusez des réformes de structure.

J’ajoute que l’accès à l’innovation sera tôt ou tard limité en France, pour la bonne raison que les laboratoires ne commercialiseront plus leurs médicaments dans notre pays et que l’on assistera à des ruptures de stock. Pour toutes ces raisons, il convient de revenir sur les dispositions que, par voie d’amendements, la majorité souhaite réintroduire.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Je veux insister, moi aussi, sur l’importance de l’industrie pharmaceutique dans notre pays, dont Bernard Accoyer a fort bien parlé. Une industrie, pour être performante, a besoin de dégager des marges, notamment pour la recherche. Cette recherche crée des emplois et permet d’exporter, ce qui rapporte de l’argent. Il ne faut pas considérer l’industrie pharmaceutique comme un secteur qui amasse de l’argent : ses entreprises gagnent de l’argent, c’est vrai, mais cet argent est nécessaire à la recherche. Or on a constaté, ces dernières années, une diminution du nombre de chercheurs dans notre pays, ce qui menace l’emploi. Il faut donc faire très attention.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous nous reprochez, monsieur Accoyer, l’absence de réformes de structure et vous proposez, au passage, la suppression de la contribution au taux W, au motif qu’elle serait contraire à l’innovation. Je vous ferai néanmoins remarquer que la France est le pays qui a soigné le plus vite, et en plus grand nombre, les patients touchés par la maladie de l’hépatite C, dont on connaît les conséquences terribles, tout en maîtrisant l’évolution de la dépense.

Et vous proposez, pour 2016, de supprimer ce facteur de régulation, cette mesure structurelle qui, même si elle est limitée dans le temps et ne concerne que l’hépatite C, sera vite considérée comme une mesure que le Gouvernement a bien fait d’adopter et qu’il convient de prolonger.

En quoi cette mesure du taux W, qui profite aux patients, et qui place la France en tête en matière de prise en charge au sein de l’Union européenne, défavoriserait-elle l’innovation ? Cela ne défavorise pas, en tout cas, l’accès à l’innovation, dans ce cas particulier.

J’ai déjà rappelé que le chiffre d’affaires du laboratoire Gilead Sciences, qui produit le Sovaldi, est passé de 10 à 24 milliards entre décembre 2013 et décembre 2014, et son bénéfice brut de 3 à 12 milliards dans le même temps. Je viens de consulter les chiffres de septembre 2015 : le chiffre d’affaires de Gilead Sciences était d’ores et déjà au niveau qu’il avait déjà atteint, au terme d’une progression majeure, en 2014.

Alors cessez de tenir des propos absurdes : nous n’empêchons en rien l’accès des patients à l’innovation, pas plus que nous ne mettons un frein à l’innovation. Du reste, cette entreprise n’a fait que racheter une start-up pour mettre sur le marché cet antiviral à action directe, dont les effets sont effectivement extrêmement positifs pour les patients.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n32 qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements, nos 158, 143 et 144.

La parole est à Mme Michèle Delaunay, rapporteure, pour soutenir l’amendement.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Cet amendement vise à rétablir l’article 4 dans la rédaction issue de la première lecture à l’Assemblée nationale. Les sénateurs ont en effet apporté plusieurs modifications, qui apparaissent véritablement délétères. Ils ont tout d’abord modifié l’assiette de la contribution dite du taux L, ce qui reviendrait à fausser le mécanisme de calcul – je vous renvoie au schéma qu’avait présenté Mme la ministre. Ils ont par ailleurs supprimé la contribution due au titre des médicaments destinés à l’hépatite C. Ce dispositif, comme cela vient d’être dit excellemment par M. Bapt, est un garde-fou qu’il convient de maintenir pour s’assurer de la soutenabilité des dépenses de l’assurance maladie, et en particulier de médicaments. Monsieur Accoyer, vous mélangez un peu les différents arguments.

Je vous invite donc à rétablir la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir le sous-amendement n158.

M. Dominique Tian. Cet amendement tend à supprimer les alinéas 18 à 20 du présent article.

L’article 14 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 a profondément modifié les règles de calcul de la contribution à la charge des entreprises pharmaceutiques, dite « clause de sauvegarde ».

Les éléments relatifs au chiffre d’affaires ne sont connus que trois mois après la clôture de l’exercice, à savoir en mars de l’année N+1 pour une contribution calculée au titre d’une année N. Les entreprises sont donc dans l’impossibilité de provisionner le montant de la taxe, ce qui fragilise la certification de leurs comptes.

Dans ce contexte, cet article 4 supprime la possibilité de calcul de la contribution par groupe d’entreprises, ce qui ajoute à la complexité du dispositif. Ce sous-amendement vise donc à rétablir cette possibilité, qui n’a pas été prise en compte par le Sénat pour la contribution L.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir le sous-amendement n143.

M. Gilles Lurton. Ce sous-amendement vise à rétablir une règle de calcul cohérente, que le Sénat a prévue pour la contribution au taux L, mais pas pour la contribution au taux W.

Je rappelle que l’article 3 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 a introduit une contribution exceptionnelle visant au financement des produits de l’hépatite C. Pour que le mécanisme se déclenche, deux conditions doivent être réunies : le chiffre d’affaires dans le champ de la contribution doit avoir dépassé un certain seuil – c’est ce que l’on appelle le montant W, fixé par la loi de financement de la Sécurité sociale – et avoir crû de plus de 10 %.

Toutefois, le calcul de cette croissance est déséquilibré, puisqu’il compare le chiffre d’affaires net de remises d’une année N et le même chiffre d’affaires de l’année N-1 minoré de la contribution versée au titre du mécanisme W de l’année N-1.

C’est pourquoi ce sous-amendement vise à rétablir les choses.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir le sous-amendement n144.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces sous-amendements ?

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Les dispositions proposées à travers les sous-amendements nos 158 et 144 ont été déjà rejetées en première lecture car le mécanisme retenu par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 ne permet pas à une filiale d’un grand laboratoire pharmaceutique de conventionner à titre personnel avec le Comité économique des produits de santé, le CEPS.

La mesure proposée à travers le sous-amendement n143 a elle aussi été rejetée en première lecture : l’harmonisation de l’assiette permettant de calculer la croissance du chiffre d’affaires entre l’année N-1 et l’année N n’est pas souhaitable car, une fois encore, la base de calcul serait complètement faussée ou ne permettrait pas d’être évaluée si la contribution venait à se déclencher.

Avis défavorable aux trois sous-amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable aux trois sous-amendements et favorable à l’amendement de la commission.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. M. Bapt a évoqué un médicament contre l’hépatite C. Je tiens à rappeler qu’en France on meurt faute de greffon. Or ce médicament, encore inconnu il y a peu, permet d’éviter des greffes de foie.

En dépit des progrès extraordinaires qui sont réalisés, je regrette l’absence d’une étude d’impact permettant de savoir dans quelle mesure ce médicament permet d’éviter des greffes et des traitements post-greffes. Nous avons abordé la question en commission, mais je tenais à y revenir en séance publique. La marge financière existe, c’est vrai : n’oublions pas toutefois que les laboratoires ont besoin d’argent pour la recherche et que la recherche, c’est du progrès.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Soyez rassuré : les laboratoires ne manquent pas d’argent !

(Les sous-amendements nos 158, 143 et 144, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n32 est adopté et l’article 4 est ainsi rédigé.)

Vote sur l’ensemble de la deuxième partie

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016.

(L’ensemble de la deuxième partie du projet de loi est adopté.)

Troisième partie

M. le président. Nous abordons maintenant la troisième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année 2016.

Article 7 bis

M. le président. L’article 7 bis a été supprimé par le Sénat.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 33 et 113, qui tendent à le rétablir.

L’amendement n33 fait l’objet de plusieurs sous-amendements, nos 146, 167 et 145.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n33.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement a pour objet de rétablir l’article 7 bis, dans la rédaction issue de la première lecture à l’Assemblée nationale.

Le Sénat a en effet décidé de supprimer cet article qui divise par deux le seuil d’assujettissement des indemnités de départ forcé au premier euro, aux cotisations sociales et à la contribution sociale généralisée – 190 000 euros demain contre 380 000 euros aujourd’hui. Il s’agit d’une mesure de justice, qu’il convient de restaurer.

Je tiens toutefois à ajouter que deux sous-amendements que M. Tian a défendus en commission ont retenu notre attention, ainsi que celle du Gouvernement, au point que le Gouvernement a présenté un sous-amendement quasiment identique à l’un d’entre eux.

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement n113.

M. Christophe Sirugue. Il est défendu.

M. le président. Nous en venons aux sous-amendements.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir le sous-amendement n146.

M. Dominique Tian. M. Bapt vient de nous annoncer de bonnes nouvelles. Je le remercie et je remercie également le Gouvernement.

Nous avions largement débattu en commission et dans l’hémicycle de cette mesure, parce qu’elle vise également les ruptures de contrat de travail dans le cadre des plans sociaux – il s’en produit malheureusement partout. Des cadres d’entreprises se seraient vu appliquer une fiscalité inopportune alors qu’il s’agit d’accidents professionnels.

Si j’ai bien compris, monsieur le rapporteur, le Gouvernement est arrivé à une position identique à la nôtre.

En l’occurrence, nous proposons que les mots : « d’un montant supérieur à dix » soient remplacés par les mots : « versées à l’occasion de la cessation forcée des fonctions de mandataires sociaux, dirigeants et personnes visées à l’article 80 ter du code général des impôts d’un montant supérieur à cinq » – cinq fois le plafond annuel de la Sécurité sociale, ou PASS.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement n167.

Mme Marisol Touraine, ministre. Si le Gouvernement est favorable à l’amendement présenté par M. le rapporteur Gérard Bapt, il souhaite toutefois le sous-amender. En effet, pour éviter de perturber les négociations actuellement en cours dans le cadre de plans de sauvegarde de l’emploi dans certaines entreprises, le sous-amendement du Gouvernement vise à préciser que la mesure ne s’applique pas aux licenciements économiques en cours de discussion, lorsque la date de la première réunion des représentants du personnel est intervenue avant le 1er janvier 2016.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir le sous-amendement n145.

M. Dominique Tian. Ce sous-amendement obéit à la même logique.

Le Gouvernement prévoit que la mesure ne s’appliquera qu’aux plans entamés à compter du 1er janvier prochain. Même s’il y a là une avancée, il est à craindre que des plans sociaux aient lieu un peu partout, notamment à Marseille dans quelques jours : je pense à la reprise de la SNCM et au départ non volontaire de 600 à 700 personnes à la suite de la décision du tribunal de commerce.

La fiscalisation des indemnités de départ forcé à la suite d’un plan social peut-elle s’apprécier à compter d’une date précise ? Un tel renforcement de la fiscalité sur les plans sociaux à venir n’est pas opportun, même si je salue, je le répète, l’avancée du Gouvernement. En matière sociale, est-il en effet acceptable que deux personnes licenciées ne soient pas traitées de la même façon, selon qu’elles auront eu, si l’on peut dire, la chance ou la malchance d’être licenciés avant ou après une date précise ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les sous-amendements ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a examiné les deux sous-amendements de M. Tian. Comme le sous-amendement n167 du Gouvernement répond, dans une meilleure rédaction, à la préoccupation exprimée dans l’amendement n145 de M. Tian, elle est favorable à l’amendement n167 et demande le retrait de l’amendement n145.

Quant à l’amendement n146 de M. Tian, il répond à la seconde préoccupation examinée en commission. La première était de ne pas interférer dans des négociations de plans sociaux, la seconde de faire en sorte que seuls les mandataires, et non les salariés, soient concernés par la mesure. En effet, si celle-ci était appliquée aux salariés dans le cadre de plans sociaux, elle limiterait de manière plus ou moins drastique la possibilité, notamment pour les cadres en fin de carrière, de bénéficier à plein de leur indemnisation en cas de rupture forcée.

Si le Gouvernement s’en remettait, pour le vote de ce sous-amendement, à la sagesse de l’Assemblée, à titre personnel, j’y serais favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable aux amendements identiques nos 33 et 113 sous-amendés par le sous-amendement n167. En conséquence, le Gouvernement demande le retrait du sous-amendement n145, qui est satisfait par le sous-amendement no 167.

S’agissant du sous-amendement n146, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. Monsieur Tian, retirez-vous le sous-amendement n145 ?

M. Dominique Tian. Je le retire, monsieur le président, car je fais confiance au sous-amendement du Gouvernement. Je tiens simplement à souligner que nous le découvrons en séance : il a été déposé il y a moins de deux heures, juste avant la réunion de la commission au titre de l’article 88, qui a été expédiée en six minutes. Vous comprendrez que je ne sois pas entièrement d’accord.

Je fais a priori confiance à M. Bapt que je sais être un honnête homme, ainsi que, bien sûr, à Mme la ministre.

(Le sous-amendement n145 est retiré.)

(Les sous-amendements nos 146 et 167, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(Les amendements identiques nos 33 et 113, sous-amendés, sont adoptés et l’article 7 bis est ainsi rétabli.)

Article 9

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n34.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement a pour objet de rétablir l’article 9 dans la rédaction issue de la première lecture à l’Assemblée nationale. Le Sénat a en effet adopté un amendement rédactionnel inutile. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. M. Bapt a affirmé que l’amendement rédactionnel adopté au Sénat est inutile. Je pense que celui-ci a surtout voulu soulever la question des AT-MP. En effet, ce n’est pas parce que cette branche est excédentaire qu’il faut en prélever une partie pour la transférer ailleurs. Il faut prendre conscience, au niveau national, que l’excédent de la branche AT-MP peut être consacré à la prévention. Des baisses de cotisations seraient également possibles.

(L’amendement n34 est adopté.)

(L’article 9, amendé, est adopté.)

Article 9 bis

(L’article 9 bis est adopté.)

Article 9 ter

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, inscrit sur l’article.

M. Gilles Lurton. L’article 9 ter, tel qu’il a été rédigé par le Sénat, porte à 1,50 euro la réduction forfaitaire de cotisation par heure travaillée au bénéfice des particuliers employeurs afin de favoriser l’emploi, de faire reculer l’emploi non déclaré et donc d’augmenter les cotisations versées à la Sécurité sociale.

Le groupe Les Républicains avait déposé un amendement allant dans le même sens en première lecture, parce que nous considérons que la majorité fait tout pour conduire les particuliers employeurs à ne pas embaucher ou à ne pas déclarer les personnes qu’ils emploient. Le renchérissement du coût de l’emploi pour le million de particuliers employeurs éligibles à la déduction Eckert a eu pour conséquence la suppression de 21 000 équivalents temps plein au cours des trois dernières années dans ce secteur.

L’année dernière, la commission des affaires sociales avait adopté un amendement visant à compenser partiellement la hausse des charges pesant sur les ménages et, de fait, à freiner la hausse du travail au noir qui l’accompagne. L’objet de cet amendement était de porter le montant de la réduction de cotisation de 0,75 euro à 1,50 euro par heure déclarée. Mais finalement le Gouvernement a fait adopter, en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015, un nouvel amendement limitant aux activités de garde d’enfants âgés de 6 à 13 ans cette majoration à 1,50 euro de la déduction forfaitaire.

Nous considérons que cette disposition est beaucoup trop réductrice et n’a pas eu de réel effet sur l’emploi. À notre sens, il est indispensable de généraliser le montant de la réduction à 1,50 euro par heure travaillée, comme l’a fait le Sénat à l’article 9 ter.

M. Bernard Accoyer et M. Frédéric Lefebvre. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Comme vient de le dire Gilles Lurton, les efforts que nous avons voulu réaliser en faveur des particuliers employeurs poursuivaient deux grands objectifs.

Il s’agissait d’abord de stimuler l’emploi. Tout le monde avait relevé l’existence de gisements d’emplois, liés notamment au vieillissement de la population, même si d’autres secteurs avaient pu bénéficier de ces avantages.

Le deuxième objectif, extrêmement important, était la lutte contre le travail au noir. Or, si l’on diminue les possibilités d’exonération, les prestations concernées coûteront plus cher, et il est évident que l’on observera une reprise du travail au noir.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Les services à la personne ont tous en commun de participer à la recherche d’un « mieux vivre » au quotidien et jouent ainsi un rôle déterminant en faveur du maintien et du renforcement de la cohésion sociale.

Leur poids économique est également important : en 2012, plus d’1 million de salariés étaient employés par des particuliers, directement ou par l’intermédiaire d’un organisme mandataire, tandis que 427 000 intervenants des organismes prestataires travaillaient au domicile des particuliers.

Ces emplois constituent en outre un atout précieux dans la lutte contre le drame du chômage en France. Accessibles à tous, les emplois créés ne sont pas délocalisables. Ils peuvent être créés facilement et même favoriser le maintien de la population dans les zones en déclin démographique.

Le régime applicable aux cotisations des particuliers employeurs a été réformé à plusieurs reprises. Ainsi, la possibilité de déclarer au forfait a été supprimée, ce qui a entraîné une augmentation des cotisations patronales, compensée toutefois par une réduction des cotisations de 1,50 euro par heure déclarée pour les activités de garde d’enfants âgés de 6 à 13 ans, et de 0,75 euro par heure déclarée pour les autres emplois à domicile.

Pour autant, ce secteur connaît une forte dégradation : il est marqué par la suppression de certains emplois et, surtout, par le recours croissant au marché parallèle ou au travail dissimulé, qui excluent toute déclaration des salariés.

L’article 9 ter permet d’étendre à tous les emplois à domicile la réduction de cotisation de 1,50 euro par heure déclarée au bénéfice des particuliers employeurs, qui ne serait plus limitée aux seules gardes d’enfants. Une telle disposition permettrait de réintégrer dans le marché du travail un certain nombre de personnes qui ont perdu leur emploi ou qui sont payées de façon dissimulée.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. L’article 9 ter concerne les cotisations des particuliers employeurs. Le champ de l’emploi à domicile, hors garde d’enfants, enregistre depuis douze trimestres consécutifs une baisse du volume horaire travaillé, qui s’est accélérée au premier trimestre de l’année 2015. Parallèlement au recul du nombre d’heures déclarées et de particuliers employeurs, on constate une hausse du travail dissimulé.

S’agissant de la garde d’enfants, après une chute du volume horaire travaillé, il semblerait que nous assistions à une stabilisation, que je mets au regard de la restauration de la déduction forfaitaire de 1,50 euro pour la garde d’enfants âgés de 6 à 13 ans, que nous avions soutenue en son temps.

L’article 9 ter reprend les termes d’un amendement que le groupe Les Républicains avait défendu en première lecture, visant à porter à 1,50 euro par heure travaillée la réduction forfaitaire de cotisation au bénéfice des particuliers employeurs, afin de favoriser l’emploi, de faire reculer l’emploi non déclaré et d’augmenter, de fait, les cotisations versées à la Sécurité sociale. Tout le monde est gagnant !

Je regrette que le rapporteur ait déposé, au nom de la commission des affaires sociales, un amendement de suppression de cet article.

M. Bernard Accoyer et M. Frédéric Lefebvre. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n35, portant suppression de l’article 9 ter.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mme Le Callennec ne doit pas être surprise par cet amendement : nous en avions longuement parlé en commission.

Mme Isabelle Le Callennec. Je suis surprise que vous ne soyez toujours pas convaincu !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Nous ne connaissons encore que les chiffres relatifs aux six premiers mois de l’année, mais comme vous l’avez dit vous-même, on observe actuellement une stagnation, peut-être même une hausse, du nombre d’heures travaillées déclarées s’agissant des gardes d’enfants de 6 à 13 ans. Lorsque nous disposerons des chiffres pour l’ensemble de l’année 2015, nous aurons la possibilité d’expertiser l’effet de cette mesure.

Le Sénat est bien gentil de créer une dépense nouvelle, mais n’oubliez pas qu’il a omis de voter les articles d’équilibre, qu’il n’a créé que des dépenses nouvelles et qu’il n’a jamais précisé quelles seraient les économies nécessaires.

Par ailleurs, j’ai évoqué cette question avec la présidente de la Fédération des particuliers employeurs de France, la FEPEM – peut-être M. Lurton était-il présent à cette audition. Mon interlocutrice a admis qu’il était plus sage d’attendre l’évaluation, pour l’ensemble de l’année 2015, des effets de la mesure que nous avons prise ensemble l’an dernier pour les prestations de garde d’enfants. Ainsi, c’est en toute connaissance de cause que nous pourrons légiférer l’année prochaine.

Voilà pourquoi la commission a proposé la suppression de l’article 9 ter adopté par le Sénat.

(L’amendement n35, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 9 ter est supprimé.)

Article 9 quater

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur, inscrit sur l’article.

M. Denis Jacquat, rapporteur. L’article 9 quater, que vise à supprimer l’amendement n36, concerne un thème cher à Jean-Pierre Door : il s’agit de permettre à des médecins et à des infirmiers retraités d’exercer dans des zones où l’offre de soins est déficitaire.

Chaque année, nous évoquons ce sujet ; encore récemment, il a été abordé en commission. On nous répond que de nombreuses méthodes permettent déjà aux médecins retraités d’exercer leur métier.

L’article 9 quater consiste à mettre en place une exonération de cotisations sociales sur un tout petit créneau, afin d’inciter des professionnels à aller travailler dans des zones où l’on compte de moins en moins de médecins, où personne ne veut s’installer, malgré les incitations financières. Il faut éviter la création de zones de souffrance médicale dans notre pays.

Cet article adopté par le Sénat correspond à un excellent amendement que Jean-Pierre Door avait défendu en première lecture à l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. L’article 9 quater tente de pallier les effets du vieillissement des médecins généralistes, notamment l’apparition de zones sous-dotées en médecins généralistes.

En effet, 42 % des médecins généralistes ont plus de 55 ans. Dans certains départements tels que la Haute-Savoie, l’âge moyen est encore nettement plus élevé. La France compte 330 médecins généralistes pour 100 000 habitants : nous sommes à la quatorzième place du classement des pays de l’OCDE, alors que tous les gouvernements insistent, à juste titre, sur le rôle pivot essentiel du médecin généraliste, qui est le médecin de premier recours.

Il est donc tout à fait opportun d’adopter des incitations fiscales ou sociales. Contrairement à ce qu’avance le rapporteur dans l’exposé sommaire de son amendement n36 portant suppression de l’article 9 quater adopté par le Sénat, les dispositions actuelles ne permettent pas le cumul emploi-retraite, puisqu’il existe un plafond de 11 500 euros par an qui couvre à peine les frais professionnels des médecins qui décident d’exercer une activité de cumul.

En conséquence, aucun argument ne justifie la suppression de la disposition introduite par le Sénat, qui vise à améliorer la présence de médecins généralistes sur le territoire, tout en permettant aux médecins et aux infirmières, également concernées par l’article 9 quater, de trouver une solution pour poursuivre leur activité professionnelle – un comportement que vous encouragez, madame la ministre, dans le secteur hospitalier public dans un autre article.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n36 portant suppression de l’article 9 quater.

M. Bernard Accoyer. Il est sans doute retiré ! (Sourires.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit d’un vieux débat, que nous avons souvent soulevé ici. Le Sénat l’a abordé sous un angle différent, en instaurant une exonération concernant uniquement les médecins et infirmiers retraités exerçant dans des zones où l’offre de soins est déficitaire.

Sur la forme, l’article adopté par le Sénat dispose que les professionnels de santé sont exonérés « d’une partie » des cotisations sociales. Cette partie n’est pas définie : aussi l’article serait-il inapplicable en l’état.

Par ailleurs, de plus en plus de médecins – pas seulement des médecins généralistes – sont actuellement en situation de cumul emploi-retraite. D’ailleurs, cette possibilité est déjà reconnue, puisque les médecins dans cette situation bénéficient d’une exonération de cotisations relatives à l’allocation supplémentaire vieillesse lorsque les revenus tirés de leur activité sont inférieurs à 11 500 euros. Ils sont également dispensés de cotisation forfaitaire au régime de retraite.

Dans sa grande largesse, le Sénat a de nouveau créé des dépenses supplémentaires, mais il ne les a pas compensées par des recettes nouvelles, puisqu’il n’a pas voté d’article d’équilibre – à moins qu’il ne finance par la dette sociale les mesures qu’il a votées. Voilà pourquoi la commission propose la suppression de l’article 9 quater.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement de suppression.

M. Gilles Lurton. C’est bien dommage !

(L’amendement n36 est adopté et l’article 9 quater est supprimé.)

Article 10 bis

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur, inscrit sur l’article.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Cet article est issu d’un amendement déposé au Sénat par notre ancien collègue Jean-Claude Lenoir, portant sur l’aide à l’agriculture, plus particulièrement aux jeunes agriculteurs confrontés à de nombreuses difficultés, notamment financières. Il s’agit de porter de cinq à six ans la durée pendant laquelle les jeunes agriculteurs bénéficient d’une exonération partielle des cotisations d’assurance maladie, invalidité et maternité.

Je vois qu’une fois de plus, la commission veut supprimer une disposition extrêmement positive. Je sais que le Gouvernement a fait des propositions en juillet dernier, mais celle de Jean-Claude Lenoir est postérieure à cette annonce. Notre collègue sénateur vit au contact des agriculteurs de son département, et il sait fort bien qu’il faut les aider encore plus. L’aide proposée par le Gouvernement est insuffisante.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n37.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement de la commission des affaires sociales vise à supprimer l’article 10 bis. Bien entendu, le Sénat n’a pas voté d’article d’équilibre pour compenser cette dépense nouvelle, d’une manière ou d’une autre, en renvoyant à la dette ou en votant des recettes nouvelles.

Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé en juillet dernier une série de mesures en faveur des agriculteurs qui, je pense, vont dans le sens de l’objectif poursuivi par notre collègue sénateur Jean-Claude Lenoir. En effet, le Gouvernement a annoncé la baisse puis la suppression, au 1er janvier 2016, de la cotisation minimale maladie, ainsi que la possibilité de substituer une assiette de cotisations annuelle à l’assiette triennale lorsque cela est plus favorable. Ces mesures annoncées par le Gouvernement ont d’ailleurs recueilli l’assentiment des organisations représentatives des agriculteurs.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est mieux que rien !

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission vous propose de supprimer cet article 10 bis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Une nouvelle fois, je déplore le dépôt par la commission d’un amendement de suppression. L’idée était de porter de cinq à six ans la durée pendant laquelle les jeunes agriculteurs bénéficient d’une exonération partielle des cotisations d’assurance maladie, invalidité et maternité. Il est vrai que le Gouvernement a annoncé des mesures, mais nous devrons vérifier que celles-ci seront effectivement mises en œuvre. Mais de toute façon, elles sont insuffisantes.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Toujours plus !

Mme Isabelle Le Callennec. Vous ne méconnaissez pas la situation actuelle de l’agriculture, dont on ne parle absolument plus alors que les problèmes demeurent identiques à ceux qui ont été exprimés au cours des grandes manifestations du 3 septembre à Paris et du 7 septembre à Bruxelles. Les agriculteurs, jeunes ou plus âgés, continuent à demander une baisse des charges et une pause normative.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Très bien !

(L’amendement n37 est adopté et l’article 10 bis est supprimé.)

Article 11

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n38 qui fait l’objet de trois sous-amendements, nos 147, 149 et 150.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le présent amendement a pour objet de rétablir l’article 11 dans la rédaction issue de la première lecture à l’Assemblée nationale. Il permet, sous conditions, aux organismes de contrôle de proportionner les redressements qu’ils opèrent lorsqu’un régime de protection sociale complémentaire financé par l’employeur ne répond pas parfaitement aux deux critères qui permettent d’exclure le financement patronal de l’assiette des cotisations sociales, à savoir le caractère obligatoire et collectif du régime.

En l’état du droit, l’ensemble des versements est requalifié en rémunérations et donc assujetti aux cotisations sociales. À l’avenir, seuls le seront les versements correspondant aux salariés qui auraient dû être inclus dans le champ du régime mais qui, du fait d’un manquement sans gravité, ne l’ont pas été. Mais lorsque le manquement révèle une méconnaissance d’une particulière gravité, le droit existant continue de s’appliquer.

La rédaction du Sénat inverse la logique initiale, selon laquelle la proportionnalité de la sanction n’est pas la règle de droit commun, mais une souplesse nouvelle répondant à certaines situations particulières.

Or il importe de laisser aux organismes de contrôle, sous le contrôle du juge, la possibilité d’appliquer le redressement au premier euro en cas de manquement grave, la définition précise de cette notion ayant vocation à être opérée par la jurisprudence.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir le sous-amendement n147.

M. Dominique Tian. Dans l’esprit du rapport Goua-Gérard, il paraît judicieux d’inclure plus explicitement dans le champ de la mesure proposée certaines situations de redressement liées à un simple défaut de formalisme.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir le sous-amendement n149.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir le sous-amendement n150.

M. Dominique Tian. Il est également défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois sous-amendements ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. En commission, nous avons rendu hommage au travail paritaire de M. Goua, pour le groupe socialiste, et de M. Gérard, pour le groupe Les Républicains. Le Gouvernement, fort heureusement, a tiré la substantifique moelle de ce rapport parlementaire en présentant l’article 11.

Avec vos sous-amendements, vous voulez aller plus loin en piochant dans la masse des propositions contenues dans ce rapport. La commission, jugeant que l’article 11 constituait déjà une avancée très significative, a rejeté ces sous-amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et les sous-amendements ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis favorable à l’amendement et défavorable aux sous-amendements.

(Les sous-amendements nos 147, 149 et 150, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n38 est adopté et l’article 11 est ainsi rédigé.)

Article 11 bis

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, inscrit sur l’article 11 bis.

M. Bernard Accoyer. Il s’agit d’un article introduit par le Sénat que notre rapporteur s’apprête à faire supprimer. Il concerne l’extension du taux forfaitaire de 8 %, instauré par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques de manière temporaire pour les entreprises de moins de cinquante salariés qui concluent pour la première fois un accord de participation ou d’intéressement.

Cette extension concerne les entreprises de moins de cinquante salariés qui mettent en place pour la première fois un plan d’épargne entreprise de droit commun et un plan d’épargne pour la retraite collectif, c’est-à-dire un PERCO. Une telle mesure serait doublement vertueuse car elle permettrait aux salariés concernés, au moment où l’on s’inquiète des régimes de retraite, de se constituer une retraite complémentaire tout en favorisant l’épargne de longue durée investie dans les entreprises.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n39, tendant à supprimer l’article 11 bis.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je note que M. Accoyer considère d’un œil très favorable le dispositif créé par la loi du 6 août 2015, émanant du ministre de l’économie !

M. Bernard Accoyer. Bien sûr ! Je ne suis pas un frondeur !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Pourtant, vous aviez voté contre.

Par cet amendement, vous souhaitez suivre le Sénat en réduisant de 20 % à 8 % le taux du forfait social applicable aux abondements annuels des plans d’épargne salariale par les entreprises de moins de cinquante salariés.

Nous pensons que la mesure adoptée dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est une avancée majeure. Il ne serait pas raisonnable d’aller au-delà. Le Sénat a fait preuve d’une grande générosité.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Ce n’est pas de générosité qu’il s’agit !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mais je vous rappelle qu’il n’a pas voté les articles d’équilibre et qu’il n’a prévu ni les économies ni les recettes nouvelles subséquentes. La commission a donc repoussé cette proposition.

M. Denis Jacquat, rapporteur. On essaie seulement d’améliorer le sort des retraités !

(L’amendement n39, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 1bis est supprimé.)

Article 11 ter

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n40, visant à supprimer l’article 11 ter.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet article résulte de l’adoption en séance publique par le Sénat, avec un avis défavorable de la commission des affaires sociales comme du Gouvernement, d’un amendement de notre collègue sénatrice Pascale Gruny.

Il prévoit, dans une formulation qui s’approche davantage du langage parlé que du droit, qu’un cotisant de bonne foi puisse échapper à un redressement par les organismes de recouvrement des prélèvements sociaux en cas « de création ou de modification d’un nouveau dispositif ou de nouvelles obligations pour le cotisant ou encore de modification du système existant ». Il va sans dire qu’aucun de ces éléments n’est défini, pas plus du reste que la notion de bonne foi.

La prudence recommande de suivre l’avis de la commission des affaires sociales et de supprimer cet article.

(L’amendement n40, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 11 ter est supprimé.)

Article 11 quater

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n41, visant à supprimer l’article 11 quater.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet article résulte également de l’adoption d’un amendement de notre collègue sénatrice. L’intention est de rendre la saisine de la commission de recours amiable suspensive du recouvrement des prélèvements sociaux. Cela aurait pour effet de généraliser la saisine de cette commission et « emboliserait » le travail de ladite commission.

(L’amendement n41, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 11 quater est supprimé.)

Article 12

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 12.

Je suis saisi d’un amendement, n42, qui vise à le rétablir.

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement n168 du Gouvernement.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement tend à rétablir l’article 12, supprimé par le Sénat, dans sa rédaction issue de la première lecture à l’Assemblée nationale, avec une seule modification s’agissant de l’entrée en vigueur.

Cet article confie aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales le recouvrement des cotisations d’assurance maladie des professions libérales, jusqu’alors délégué par le régime social des indépendants – le RSI – à des « organismes conventionnés » qui peuvent être soit des assurances, soit des mutuelles.

Compte tenu de la nécessité d’aménager une transition qui ne sera pas sans effet pour les organismes conventionnés, l’amendement vise à différer l’entrée en vigueur au 1er janvier 2018, alors que le texte de l’Assemblée faisait de cette date d’entrée en vigueur une date butoir.

Cet amendement est motivé par le fait que les aménagements et les adaptations des systèmes d’information des différents organismes qui sont à opérer prendront plus de temps que prévu initialement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement n168.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je suis évidemment favorable à la proposition du rapporteur de rétablir les dispositions de l’article 12 relatives au transfert du recouvrement de la cotisation d’assurance maladie et maternité des membres des professions libérales aux URSSAF et aux caisses de gestion de la Sécurité sociale.

Le sous-amendement qui vous est soumis vise à modifier la date d’entrée en vigueur. Dans la mesure où ces dispositions ont un effet de simplification pour les professions libérales et que nous prenons évidemment toutes les précautions pour que cela se passe dans de bonnes conditions, le sous-amendement vise à permettre une entrée en vigueur à une date qui sera fixée par décret, entre le 1er janvier 2017 et le 1er janvier 2018 afin que, dès que les travaux techniques nous permettront de faire entrer en vigueur la mesure, nous soyons en mesure de le faire concrètement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement du Gouvernement ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission n’a pas examiné ce sous-amendement. Mme la ministre vient d’indiquer que la préoccupation de la commission était prise en compte. À titre personnel, je suis donc favorable à ce que l’Assemblée s’y rallie.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Pour ce qui nous concerne, nous serions plutôt favorables à l’amendement tel qu’il a été rédigé par M. Bapt, avec une date au 1er janvier 2018. En effet, confier aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales le recouvrement des cotisations d’assurance maladie des professions libérales, jusqu’alors délégué par le régime social des indépendants à des organismes conventionnés va nécessiter des transferts de personnels qui vont être plus longs que l’on ne peut l’imaginer.

C’est pourquoi la date du 1er janvier 2018 nous paraissait être une bonne date. La prévoir au 1er janvier 2017 risque de poser problème à ces professions. Nous sommes favorables à l’amendement du rapporteur et défavorables au sous-amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. L’article 12 prévoit le transfert du recouvrement des cotisations d’assurance maladie des professionnels libéraux relevant du RSI vers l’URSSAF qui assure déjà le recouvrement de la CSG et de la CRDS et des cotisations familiales.

Dix ans après sa création, le RSI continue de soulever de nombreuses difficultés pratiques pour les 6 millions d’affiliés, et l’exaspération des travailleurs indépendants est aujourd’hui à son comble. Plusieurs rapports font état de la situation insatisfaisante du RSI, mais à aucun moment ils n’abordent le problème du changement dans les méthodes de recouvrement. Ils proposent seulement de resserrer le nombre de conventions auprès d’organismes collecteurs pour les rendre plus efficaces et de restreindre leurs remises de gestion.

Le présent article fait l’unanimité contre lui. Sa suppression par le Sénat était bienvenue. J’avoue ne pas comprendre que vous proposiez de le rétablir, d’autant que le problème le plus important auquel est confronté le RSI tient à l’incompatibilité des systèmes d’informatique, même s’il est vrai que la situation s’améliore lentement.

Compte tenu du contexte actuel, le rétablissement de cet article qui n’est soutenu par aucun des partenaires représenterait un risque de déstabilisation supplémentaire du RSI. L’UDI ne votera donc pas cet amendement.

(Le sous-amendement n168 est adopté.)

(L’amendement n42, sous-amendé, est adopté et l’article 12 est ainsi rétabli.)

Article 14

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 169 rectifié et 43, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n169 rectifié.

Mme Marisol Touraine, ministre. Par cet amendement, le Gouvernement propose de tenir compte des débats parlementaires qui ont mis en évidence, d’une part, le souhait de la majorité de l’Assemblée nationale de maintenir l’objectif d’unifier les régimes micro-sociaux et micro-fiscaux et, d’autre part, le souhait du Sénat de laisser une souplesse de gestion aux bénéficiaires du régime micro-fiscal. L’amendement permet ainsi de satisfaire les objectifs initiaux de la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises – ACTPE – en faveur de la création d’un régime harmonisé sur le plan social et sur le plan fiscal.

Contrairement à ce que propose le Sénat, les travailleurs indépendants bénéficiaires du régime micro-fiscal seront donc par principe dirigés vers le régime micro-social, car il s’agit ici de la règle la plus cohérente et la plus simple en gestion pour les intéressés.

Cependant, à la suite des débats, le Gouvernement propose de laisser à ces travailleurs indépendants la possibilité d’opter à tout moment pour le régime social de droit commun, notamment pour leur donner la possibilité de s’acquitter des cotisations minimales et de s’ouvrir des droits contributifs supplémentaires.

L’amendement de la commission se trouve donc satisfait par celui-ci.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n43.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement de la commission procède du même esprit que celui du Gouvernement, lequel apporte toutefois une dimension supplémentaire. L’amendement n43 prévoyait en effet qu’à compter du 1er janvier 2016 – ce qui repoussait le terme de quatre ans –, les travailleurs indépendants soumis au régime micro d’imposition de leurs bénéfices basculeraient automatiquement, et non plus sur option, dans le régime micro-social pour le paiement de leurs contributions et cotisations. La différence avec l’amendement du Gouvernement tient à ce que le choix leur sera laissé et que le bénéfice de l’option persistera.

Au nom de cette liberté de choix, qui est un élément supplémentaire favorable, et bien que la commission ait voté le rétablissement de l’article 14 dans sa rédaction issue de la première lecture par notre assemblée, je me prononce favorablement pour l’amendement du Gouvernement.

M. le président. Est-ce à dire, monsieur le rapporteur, que vous retirez l’amendement n43 ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement, voté par la commission, est bousculé par celui du Gouvernement, que j’estime plus favorable.

(L’amendement n43 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous souhaiterions comprendre, car ces deux amendements n’obéissent pas à la même logique, même si leurs intentions se rejoignent. Comme vous l’indiquez en effet, monsieur le rapporteur, dans l’exposé sommaire de votre amendement qui supprime la rédaction du Sénat, la mesure instaurée par la loi Macron, dictée par une volonté de simplification des régimes sociaux et fiscaux des travailleurs indépendants, « pose une série de problèmes techniques, financiers, administratifs » et rend nécessaire la pérennisation pour quatre ans du caractère optionnel du basculement : si le travailleur indépendant n’exprime pas d’option, il reste encore pendant quatre ans sous le régime actuel – les sénateurs auraient souhaité prolonger encore d’un an ce délai. L’amendement du Gouvernement tend, à l’inverse, à soumettre ces travailleurs indépendants au nouveau droit voté dans le cadre de la loi Macron, sauf s’ils expriment la volonté de ne pas y être soumis. Ce n’est pas tout à fait la même chose.

Pour faire écho à M. Vercamer, je puis vous dire, pour avoir moi-même organisé une réunion avec les artisans et commerçants de ma circonscription sur les dysfonctionnements du RSI, que l’information ne circule pas pour le mieux entre les cotisants et ce dernier. Si donc nous optons pour des mesures que les cotisants ignoreront par déficit d’information, ils seront très surpris au bout du compte. Je préfère donc, à tout prendre, l’amendement du rapporteur, qui tend à ce que, tant qu’un travailleur indépendant n’aura pas déclaré une option pour le dispositif de loi Macron, il reste assujetti au régime actuel.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je partage pleinement le point de vue de Mme Le Callennec. L’amendement de M. le rapporteur est en effet bien meilleur que celui du Gouvernement, qui était du reste inconnu de tous, y compris du rapporteur. Je rappelle à cet égard que nous étions convoqués pour la réunion de la commission à 15 heures 45, ce qui nous laissait 15 minutes pour examiner quelques centaines d’amendements – pour être précis, et sans vouloir vexer la présidente de la commission des affaires sociales, celle-ci est même arrivée avec deux minutes de retard et il ne nous restait donc que 13 minutes. (Sourires.)

M. Bernard Accoyer. Elle était en avance sur son retard habituel !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je suis présente, monsieur Accoyer !

M. Dominique Tian. La réunion de la commission a même failli ne pas se tenir.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et M. Accoyer doit aller se coucher à vingt-trois heures !

M. Dominique Tian. Le Gouvernement nous a donc présenté, voilà moins de deux heures, un amendement assez extraordinaire, dont on ne saisit franchement pas l’actualité. Le basculement automatique qu’il tend à instaurer a, comme l’a rappelé M. Bapt, inquiété les sénateurs, lesquels, dans leur sagesse légendaire, ont préféré rendre optionnel ce changement de régime.

Vous proposez, monsieur le rapporteur, de différer ce basculement jusqu’à 2020, ce qui semble logique, car vous dites vous-même que cette mesure pose « une série de problèmes techniques, financiers, administratifs », reconnaissant ainsi que le sujet est compliqué.

Vous, madame la ministre, au contraire, ne suivez pas du tout la même logique et proposez quasiment un basculement automatique.

Cet amendement gouvernemental est donc très dangereux. Celui de la commission est, en revanche, empreint de sagesse et, même s’il l’est un peu moins que la rédaction du Sénat, il est plus satisfaisant que celui du Gouvernement, rédigé à la hâte ce week-end, ou peut-être même ce matin, et qu’il nous faut donc nous abstenir de voter, car il est très dangereux pour nos artisans.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Madame Le Callennec, il ne s’agit pas ici de loi Macron, mais de la loi ACTPE du 18 juin 2014, qui lui est antérieure.

Mme Isabelle Le Callennec. En effet !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cette loi présente, il est vrai, quelques difficultés d’application et ce n’est pas la première fois que l’Assemblée est amenée à légiférer à ce titre, car le dispositif est très technique et complexe. Cependant, offrir le libre choix de son système de protection dans un délai élargi me semble, d’une manière générale, préférable. Je vous propose donc d’adopter l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Alors qu’on a toujours à la bouche le mot de « simplification », on passe d’un système optionnel, qui laisse le temps de prévenir les personnes concernées, à un système dans lequel il faudra informer, sous peine de problèmes juridiques, les millions personnes susceptibles d’être concernées qu’à défaut d’accomplir cette démarche, elles seront automatiquement basculées dans l’autre régime. Cela change tout, et c’est pour cela que nous nous battons sur ce point.

Simplifiez la vie des gens : dites-leur qu’ils ont le choix et du temps pour réfléchir et que, s’ils ne font pas ce choix, ils n’y a pas lieu qu’ils s’inquiètent, car il leur reste quelques années pour décider. Au lieu de cela, vous leur dites que leur régime bascule si elles ne se sont pas manifestées. Cette vision de l’administration n’est pas acceptable. Simplifions les choses, au lieu de dire, comme vous le faites, aux intéressés qu’ils n’avaient qu’à connaître le texte et que, s’ils sont basculés dans l’autre régime, c’est tant pis pour eux.

(L’amendement n169 rectifié est adopté et l’article 14 est ainsi rédigé.)

Article 14 bis

(L’article 14 bis est adopté.)

Article 14 ter

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n44 rectifié.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement tend lui aussi à rétablir l’article dans sa version issue de la première lecture à l’Assemblée nationale. La version adoptée par le Sénat sur l’initiative du Gouvernement réintroduit en effet la possibilité d’une gradation des sanctions, à laquelle le Gouvernement avait renoncé à l’Assemblée.

Nous avons donc rétabli l’article 14 ter dans sa mouture initiale, qui prévoit que, lorsque l’employeur n’a pas rempli, au cours d’une année civile, l’obligation annuelle de négociation sur les salaires, il est passible d’une sanction consistant en une diminution de 10 % du montant de l’exonération au titre des rémunérations versées cette même année dans le cadre des allégements généraux de cotisations sociales, dits « allégements Fillon ». Lorsque le manquement à cette obligation a été constaté lors d’un précédent contrôle au cours de cette même période, le montant de l’exonération est diminué d’un montant de 100 % au titre des rémunérations versées cette même année.

Voilà donc l’article que la commission propose de rétablir dans sa mouture initiale, mais qui donne lieu aujourd’hui à discussion face à l’amendement que va présenter le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement de la commission au bénéfice de celui qu’il a lui-même déposé et que je propose, monsieur le président, de présenter dès maintenant afin d’éclairer le vote de la représentation nationale.

M. le président. Bien volontiers madame la ministre.

Vous avez donc la parole, pour soutenir l’amendement n170.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends bien les interrogations qui s’expriment. L’objectif de la mesure, auquel nous souscrivons, consiste à rendre plus effective la sanction des entreprises qui ne respectent pas leur obligation annuelle de négociation sur les salaires. Cela passe par la réaffirmation du rôle des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi – DIRECCTE – et la possibilité d’atténuer ou de moduler la sanction pour tenir compte de l’entreprise en cause. L’objectif est donc bien de dire que les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations doivent être sanctionnées.

Jusqu’à l’examen du texte par votre assemblée et à la navette qui l’a conduit au Sénat, la sanction consistait en une suppression des allégements de cotisations forfaitaires. À la faveur de la navette, le Gouvernement a approfondi sa réflexion et considéré qu’il importait de pouvoir tenir compte de la situation de chaque entreprise pour définir les sanctions : au moment où nous donnons la possibilité de sanctionner les entreprises qui ne respectent pas leur obligation annuelle de négocier sur les salaires, il faut tenir compte des raisons qui les y ont conduites, qu’il s’agisse d’une volonté de contourner la loi ou de difficultés plus ponctuelles.

D’où la proposition de transformer l’annulation des allégements de cotisations, sanction forfaitaire identique pour toutes les entreprises, en une pénalité tenant compte du contexte de l’entreprise. Cela me paraît plus juste et juridiquement plus sûr, y compris sur le plan constitutionnel, car il est souhaitable de pouvoir tenir compte des différences de situation entre les entreprises. Voilà donc la différence d’appréciation entre nous.

Cette différence ne porte pas, j’y insiste, sur l’objectif poursuivi, mais elle procède de l’approfondissement de la réflexion du Gouvernement au cours de la navette parlementaire. Il ne s’agit donc en aucune manière pour moi ou pour le Gouvernement de remettre en question la réflexion de l’Assemblée nationale, mais d’indiquer comment a cheminé celle du Gouvernement à l’occasion de la navette parlementaire.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je comprends que le Gouvernement n’entend pas remettre en question le fait qu’il puisse y avoir sanction lorsqu’une l’entreprise déroge à son obligation de négociation annuelle et que le niveau de sanction applicable soit déterminé en fonction de la situation de cette entreprise.

Il existe par ailleurs un argument juridique que nous n’avions pas évoqué en première lecture : doit s’appliquer le principe juridique de la loi pénale la plus douce.

Mme Isabelle Le Callennec. Il existe donc des lois pénales douces ? (Sourires.)

M. Dominique Tian. Mme Taubira pourrait nous expliquer ça !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je me suis fait expliquer le sens de cette formule, acquise dans le domaine juridique : les dispositions s’appliqueront aux contrôles en cours à la date de la promulgation de la loi, sans considération de la date à laquelle le manquement a eu lieu.

Cette interprétation est la plus favorable aux entreprises puisqu’une procédure a pu être déclenchée avant la mise en application d’une disposition qui serait plus favorable que l’ancienne.

La commission avait voté l’amendement que j’avais proposé mais, à titre personnel et au vu des arguments présentés par Mme la ministre, je me rallie à l’amendement du Gouvernement.

(L’amendement n44 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. L’amendement du Gouvernement ne fait que supprimer l’alinéa 13 : il supprime donc l’entrée en vigueur du nouveau dispositif au 1er janvier 2016. Or, madame la ministre, vous venez de nous dire qu’on supprime l’annulation de l’allègement des cotisations pour la remplacer par une pénalité prenant en compte les situations ; mais on ne connaît toujours pas le niveau des sanctions.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Si : cela résulte du texte du Sénat. Les sanctions sont de 10 % des cotisations…

M. Bernard Accoyer. On n’a pas eu le temps de travailler sur ce point !

M. Dominique Tian. Ce n’est pas sérieux !

M. Bernard Accoyer. On travaille dans des conditions d’improvisation incroyables ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Marisol Touraine, ministre. Le deuxième alinéa de l’article précise que la sanction est plafonnée à un montant équivalent à 10 % des exonérations de cotisations sociales.

Mme Isabelle Le Callennec. Ce n’est pas clair !

(L’amendement n170 est adopté.)

(L’article 14 ter, amendé, est adopté.)

Article 14 septies

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, inscrit sur l’article.

M. Bernard Accoyer. Le Gouvernement, par la voie d’un amendement, s’apprête à revenir sur des dispositions qui, pourtant, sont particulièrement importantes pour les travailleurs à temps partiel. En effet, l’article additionnel issu d’un amendement du Gouvernement supprime la dispense de cotisations minimales pour les travailleurs indépendants pluriactifs, qui sont à la fois salariés et indépendants et qui relèvent, pour les prestations en nature de l’assurance maladie, d’un autre régime que le RSI.

Dans ce contexte, cette dispense conduirait à dégrader la protection sociale des travailleurs indépendants, dont l’activité principale est bien leur activité indépendante, et pourrait créer des situations inéquitables entre indépendants.

Au moment où, par ailleurs, l’encouragement – qui devient indispensable – au travail à temps partiel d’un certain nombre de professionnels de santé dans les établissements publics est en train de réapparaître, cette disposition paraît tout à fait inopportune.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n171.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je souhaite au préalable indiquer à Mme Le Callennec, qui s’interrogeait sur l’article 14 ter et disait qu’elle ne voyait pas bien la différence, que le nouveau texte précise que la pénalité est plafonnée à 10 %. Elle peut donc être de 2 %, 3 %, 1 % : c’est cela qui diffère de ce qui a été adopté précédemment.

Mme Isabelle Le Callennec. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. J’en viens maintenant à l’amendement n171 à l’article 14 septies. Il s’agit de rétablir les dispositions de l’article telles qu’elles avaient été votées en première lecture à l’Assemblée nationale.

Je veux indiquer que la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 a permis à tous les travailleurs pluriactifs de relever, pour le bénéfice des prestations d’assurance maladie, de leur régime d’affiliation antérieur, même lorsque celui-ci n’est pas ou plus celui de leur activité principale.

Dès lors, le dispositif prévu par la loi ACTPE, qui permettait des dérogations pour les travailleurs indépendants, n’a plus de raison d’être et pourrait même conduire à dispenser totalement de cotisations certains travailleurs indépendants, ce qui n’a jamais été l’objectif poursuivi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’avis est favorable, avec cette observation que nous butons encore sur un problème né du vote de la loi ACTPE en 2014, laquelle bouscule un certain nombre de dispositions concernant la protection sociale. Les débats et le vote de telles dispositions devraient être réservés au projet de loi de financement de la Sécurité sociale, et non pas se tenir lors de l’examen de lois concernant tel ou tel secteur.

En l’occurrence, le Sénat avait modifié le texte pour exonérer les retraités actifs de cotisations minimales, créant ainsi une différence de traitement injustifiée entre les indépendants retraités actifs et les autres travailleurs indépendants. L’amendement du Gouvernement vise à rétablir la version du texte adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale : j’y suis favorable.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Cet amendement est arrivé tellement tardivement – il y a seulement quelques minutes – qu’il est compliqué de l’analyser.

Je souhaite simplement vous poser une question, madame la ministre. Les sénateurs avaient introduit certaines modifications : ils s’étaient ainsi inquiétés de l’aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d’entreprise – l’ACCRE –, dont certaines populations ne pourraient plus bénéficier à cause de cette modification du texte.

Les sénateurs avaient, selon eux, apporté, sur proposition du Gouvernement, une amélioration consistant à supprimer une disposition de la loi Macron qui avait pour seul objet de mettre à jour le code du travail, mais qui avait pour conséquence d’exclure certaines populations du bénéfice de l’aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d’entreprise.

A-t-il été tenu compte de cette observation des sénateurs qui, apparemment, avaient été entendus par le Gouvernement ?

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Pour ma part, c’est l’exposé sommaire qui me dérange un peu.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. On ne vote pas sur l’exposé sommaire, lequel n’est d’ailleurs pas sommaire !

Mme Isabelle Le Callennec. Je comprends bien la logique, mais il est expliqué qu’une telle dispense générerait une différence de traitement injustifié entre les indépendants retraités actifs et les autres travailleurs indépendants.

Il aurait mieux valu comparer cela au régime applicable à ceux qui cumulent un emploi et une retraite. De mémoire, ces derniers, qui s’acquittent de cotisations minimales, estiment toujours que ce n’est pas juste parce que, en dépit de ces cotisations, ils ne bénéficient pas de droits à ce titre. Cela pose donc le problème plus général de ceux qui cumulent un emploi et une retraite, qui cotisent sans que cela ne leur ouvre le moindre droit.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cela existe depuis très longtemps !

Mme Isabelle Le Callennec. C’est un constat, ce n’est pas une agression !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Ceux qui cumulent emploi et retraite cotisent pour la solidarité, sans accumuler de nouveaux droits lorsqu’ils ont liquidé leur pension complète. Il s’agit donc là d’une cotisation de solidarité.

M. Christophe Sirugue. Absolument ! Et c’est normal !

Mme Isabelle Le Callennec. Ils ont du mal à le comprendre !

Mme Marisol Touraine, ministre. Pour répondre à M. Tian, qui se préoccupait de savoir si les jeunes pourraient bénéficier des dispositions relatives à la création d’entreprise dans des conditions favorables, ce dispositif a été rétabli au II bis de l’article : quatre alinéas ont été introduits par amendement au Sénat en ce sens.

M. Dominique Tian. Ces dispositions sont donc conservées ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Elles sont conservées.

M. Dominique Tian. Très bien !

(L’amendement n171 est adopté.)

(L’article 14 septies, amendé, est adopté.)

Article 14 nonies

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, inscrit sur l’article.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI souhaite le maintien de la suppression de l’assujettissement aux charges sociales des dividendes versés aux dirigeants de SARL tel qu’il est prévu dans l’article.

La situation actuelle conduit à un effet extrêmement pervers : les dividendes peuvent être considérés comme une rémunération du travail. Or cela ne s’inscrit pas dans la même logique : le travail a pour contrepartie la rémunération, le dividende étant quant à lui le fruit du capital. L’amalgame paraît donc extrêmement dangereux. Les dividendes qui rémunèrent la prise de risques ne doivent pas être confondus avec un salaire : ils sont en effet issus des résultats des entreprises, lesquels sont eux-mêmes déjà soumis à l’impôt.

Depuis le 1er janvier 2013, les dividendes qui excèdent 10 % du capital social doivent être réintégrés dans l’assiette des cotisations sociales sur les revenus d’activité des gérants majoritaires dirigeant une société assujettie à l’impôt sur les sociétés. Cette mesure est d’autant plus préjudiciable aux travailleurs indépendants que la loi de finances pour 2013 avait également durci l’imposition des dividendes.

Avec de telles dispositions, et sous couvert de lutte contre l’optimisation sociale, le Gouvernement et la majorité en viennent à fixer dans la loi un montant maximal de dividendes et adressent ainsi un message de défiance aux entrepreneurs.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement, n45, tendant à la suppression de l’article.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cela va relancer le débat sur un sujet qui nous avait animés de manière d’ailleurs un peu périlleuse, selon moi, concernant l’assujettissement aux cotisations sociales des dividendes versés aux gérants majoritaires de SARL affiliés au RSI.

Vous nous proposez de rouvrir ce débat, mais supprimer l’assujettissement des dividendes des gérants majoritaires de SARL affiliés au RSI provoquerait une perte de recettes – même si, je le reconnais, ce débat devrait être traité sur le fond car cela crée des distorsions de concurrence ou d’attractivité fiscale entre les SARL et les SA. Je vous propose néanmoins de supprimer cette initiative sénatoriale.

M. Francis Vercamer. Vous reconnaissez qu’il y a un problème mais vous ne voulez pas le régler !

(L’amendement n45, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 14 nonies est supprimé.)

Article 14 decies

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement, n46, tendant à la suppression de l’article.

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a voté la suppression de cet article, introduit par le Sénat, qui prévoit que, dans un délai de six mois suivant la promulgation de la loi de financement, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les modalités de gestion et de prise en charge des travailleurs indépendants par la Caisse de prévoyance sociale de Saint-Barthélemy.

Je vous avais proposé la suppression de cette disposition dans la mesure où ce travail est engagé : il s’avère que la Caisse de prévoyance sociale est en cours de création. Aussi, prévoir la remise d’un rapport dans ce contexte nous a semblé prématuré ; mais le Gouvernement dépose un autre amendement sur ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n46 et pour soutenir l’amendement n165.

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’objectif poursuivi par l’amendement du rapporteur et, dans son propre amendement, propose d’aller au-delà.

Vous supprimez, à juste titre, le rapport qui avait été introduit au Sénat ; je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement au bénéfice de celui du Gouvernement.

Le Gouvernement, dans son amendement, propose d’étendre le périmètre de la Caisse de prévoyance sociale de Saint-Barthélemy, prévu à l’article L. 752-1 du code de la Sécurité sociale, aux travailleurs indépendants.

Il me semble donc que l’objectif recherché est atteint, que nous n’avons pas besoin d’un rapport et que nous pouvons d’emblée inscrire dans la loi l’extension des compétences de la Caisse de prévoyance sociale de Saint-Barthélemy.

M. Dominique Tian. On ne comprend rien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je ne peux pas retirer l’amendement de la commission même si, à titre personnel et au vu des explications données par Mme la ministre, je propose que l’on retienne l’amendement qui vient d’être présenté visant à préciser le champ de compétences de la future Caisse de Saint-Barthélemy.

M. le président. L’amendement n46 n’est pas retiré, si j’ai bien compris, monsieur le rapporteur, parce que vous ne pouvez pas le faire, même si vous auriez bien voulu.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est cela.

M. le président. L’amendement est donc retiré moralement, mais pas juridiquement !

(L’amendement n46 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes.

M. Daniel Gibbes. Je salue cet esprit de travail constructif. En effet, cet article résulte d’un amendement déposé par le sénateur Michel Magras et a donc été maintenu dans le texte, comme promis, grâce à un amendement du Gouvernement. Je remercie Mme la ministre de ce geste en faveur de Saint-Barthélemy.

(L’amendement n165 est adopté et l’article 14 decies est ainsi rédigé.)

Article 15

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, inscrit sur l’article.

M. Frédéric Lefebvre. Je ne serai pas long car nous avons très longuement évoqué dans cet hémicycle la question de la CSG à laquelle sont assujettis nos compatriotes installés à l’étranger. Même si nous en avons débattu dans l’hémicycle, je tiens à y revenir car les sénateurs, de gauche comme de droite, ont décidé avec sagesse de supprimer l’assujettissement des non-résidents aux prélèvements sociaux sur le capital, dont je rappelle qu’il a été condamné à deux reprises par les tribunaux, par le Conseil d’État et par la Cour de justice de l’Union européenne. Nous en avons débattu avec votre collègue M. Eckert, madame la ministre, et je remercie M. le rapporteur Gérard Bapt d’avoir accepté de travailler sur ce sujet.

Je considère pour ma part que l’analyse du Gouvernement n’est pas bonne, et d’ailleurs les tribunaux l’ont condamnée. Le Gouvernement a néanmoins décidé de contourner cette condamnation, ce que je regrette comme plusieurs de nos collègues – dont certains de la majorité, comme MM. Le Borgn’ et Amirshahi. Cela pose surtout un problème d’équité. Si le Gouvernement considère que la CSG est un impôt, il est normal qu’il veille à ce que les conventions visant à éviter la double imposition la considèrent comme tel. Il doit notamment, et c’est sur ce point crucial que je voudrais vous entendre, madame la ministre, le faire savoir aux pays concernés – les États-Unis et le Canada pour m’en tenir à ma circonscription.

À l’échelle du monde, là où des conventions visant à éviter la double imposition existent ainsi éventuellement que la jurisprudence d’une tax court selon laquelle la CSG n’est pas un impôt, le Gouvernement doit faire valoir sa position afin de défendre nos compatriotes soumis sinon à une double imposition. Je défends ici les amendements à l’article 15 que j’ai déposés mais souhaite surtout que nous avancions, comme M. le rapporteur a bien voulu s’y engager, afin que le Gouvernement fasse rapidement savoir aux pays concernés sur quelles bases il assoit son argumentation selon laquelle la CSG est un impôt. Je sais qu’il s’agit de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais il est essentiel de le faire connaître officiellement, faute de quoi nos compatriotes sont pénalisés.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n47 rectifié.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit de rétablir le texte adopté par l’Assemblée en première lecture tout en confirmant que le cas particulier des pays extra-européens pose des problèmes, comme vient de le dire notre collègue Frédéric Lefebvre. M. Eckert a approuvé la tenue d’une réunion consacrée à ces préoccupations après le vote du PLFSS.

M. Dominique Tian. Pourquoi pas avant ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement de la commission. Je confirme les propos tenus par mon collègue Christian Eckert selon lesquels le Gouvernement fera connaître sa position sur cette question.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid.

Mme Claudine Schmid. Je m’étonne que vous déposiez un tel amendement portant sur les dispositions relatives à l’assujettissement des non-résidents aux prélèvements sociaux, monsieur le rapporteur. En effet, le Sénat a justement adapté notre législation à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, tandis que vous la contournez. Vous l’avez d’ailleurs écrit dans votre rapport, que je cite : « enfin, et peut-être surtout, car il n’est pas question de revenir sur l’assujettissement des non-résidents aux prélèvements sociaux sur les revenus du capital ». Par cette phrase, vous refusez le débat et ne tenez nullement compte des non-résidents qui investissent en France – mais pour combien de temps encore ? Une explication plus fournie de votre part ne serait pas superflue.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. L’article 15 comporte deux types de dispositions. Les premières sont relatives aux prélèvements sociaux, la CSG et la CRDS, portant sur les revenus du patrimoine immobilier et les produits de placements de source française perçus par les personnes physiques. Mes collègues Frédéric Lefebvre et Claudine Schmid viennent d’avancer des arguments particulièrement pertinents. S’ils ne sont pas entendus et si la réintroduction par voie d’amendement du texte adopté par l’Assemblée en première lecture est votée, cela pénalisera à terme la France car elle deviendrait un pays dont seraient bannis les investissements desdites personnes physiques.

Mais l’article comporte d’autres dispositions aux conséquences considérables sur lesquelles je voudrais insister. Il s’agit de la réaffectation de recettes dans le cadre de la compensation de l’exonération de cotisations prévue par le pacte de responsabilité et de la clarification des recettes de la caisse d’amortissement de la dette sociale. Il s’agit d’un article de tuyauterie qui vient modifier, comme l’année dernière, certaines affectations de taxes et de cotisations. Malgré ce tour de passe-passe, la compensation des mesures du pacte de responsabilité est toujours aussi peu documentée.

La renvoyer au projet de loi de finances équivaut bien à dire qu’elle est financée par la dette. Il faut le dire aux Français ! On parle pourtant de 4,1 milliards d’euros, dont une baisse de cotisations familiales de 3,1 milliards d’euros prévue par l’article 6 et une baisse de la contribution sociale de solidarité des sociétés d’1 milliard d’euros prévue par l’article 7, auxquelles s’ajoute l’assouplissement du régime social applicable aux attributions gratuites d’actions pour plus de 200 millions d’euros. C’est considérable – et inacceptable.

(L’amendement n47 rectifié est adopté, les amendements nos 107, 109, 111 rectifié, 110 et 133 tombent et l’article 15 est ainsi rédigé.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly