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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 03 mars 2016

SOMMAIRE

Présidence de M. Marc Le Fur

1. Démission d’un député

2. Lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement

Discussion des articles (suite)

Article 12 (appelé par priorité)

Amendement no 205

Mme Colette Capdevielle, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Amendements nos 189 , 91

Article 13 (appelé par priorité)

Amendements nos 201 deuxième rectification , 581 (sous-amendement)

M. Yann Galut, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Article 14 (appelé par priorité)

Amendements nos 191 , 192 , 505 , 147 , 150 , 174 , 398

Après l’article 14 (amendement appelé par priorité)

Amendement no 504

Article 15 (appelé par priorité)

Article 15 bis (appelé par priorité)

Amendements nos 552 , 392

Article 16 (appelé par priorité)

M. Yann Galut, rapporteur pour avis

Amendements nos 488, 487

Après l’article 16 (amendements appelés par priorité)

Amendements nos 498 , 499 , 281 rectifié , 489 , 492 , 497 rectifié , 583 (sous-amendement) , 490 , 491 , 493 , 243 , 282 , 128 , 280 , 244 , 130 , 246 , 446 , 242 , 484 , 482 , 481 , 483 , 485 , 575, 576, 584 (sous-amendements) , 486 , 208, 209, 210, 211, 212, 213 , 247 , 447 , 241 , 129 , 245 , 445

Après l’article 4 ter

Amendement no 422

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Amendements nos 16 , 97 , 99 , 95 rectifié , 96 , 105 , 462 , 337 rectifié , 466, 464 , 214 , 215 , 15 , 230 , 104 , 217 , 216 , 66 , 451 , 551

Mme Juliette Méadel, secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes

Amendements nos 366 , 87 , 90 rectifié , 84 , 103 , 506, 507 , 524 , 186 rectifié , 83 , 85 , 226 , 30 , 114 , 98

Article 5

Article 6

Amendements nos 259 , 152 rectifié , 262

Article 8

Amendements nos 12 , 397 , 426 , 196 , 286

Article 11

Amendement no 133

Après l’article 11

Amendement no 278

Article 22

Amendement no 169

Après l’article 22

Amendements nos 9 , 410 , 474

Article 23

Amendements nos 239 , 171

M. le président

Suspension et reprise de la séance

Article 24

Amendements nos 553 rectifié , 571 (sous-amendement) , 172

M. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Article 25

Amendements nos 184 deuxième rectification , 187 deuxième rectification , 14 , 144 , 181 rectifié , 177 , 149 , 183 , 175

Après l’article 25

Amendements nos 179 , 178 rectifié , 564 rectifié

Article 25 bis

Après l’article 25 bis

Amendements nos 138 , 204 , 146

Articles 26 à 27

Après l’article 27

Amendements nos 145 , 420 rectifié , 13 , 240 , 41 , 7 , 199 , 412

Article 27 bis

Amendement no 368

Article 27 ter

Amendements nos 117 , 568 , 370 , 371, 372

Article 27 quater

Amendements nos 373, 374, 375, 376, 377

Article 27 quinquies

Article 27 sexies

M. Gérard Sebaoun

Amendements nos 554 , 110 , 378 , 156 , 413

Articles 27 septies à 28

Article 29

Amendement no 379

Articles 30 à 31

Après l’article 31

Amendements nos 336, 335 , 89

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 5 rectifié , 414 rectifié , 415

Article 31 bis

Amendements nos 380 , 381

Article 31 ter

Amendement no 382

Article 31 quater

Amendement no 383

Article 31 quinquies

Amendements nos 384 , 385

Article 31 sexies

Article 31 septies

Amendement no 386

Article 31 octies

Amendements nos 119 , 569 (sous-amendement)

Articles 31 nonies et 31 decies

Article 31 undecies

Amendement no 388

Article 31 duodecies

Amendements nos 390 , 389

Articles 31 terdecies et 31 quaterdecies

Article 31 quindecies

Amendement no 285

Article 31 sexdecies

Après l’article 31 sexdecies

Amendements nos 394 , 396 , 417 , 395 , 574 (sous-amendement)

Articles 31 septdecies et 31 octodecies

Après l’article 31 octodecies

Amendements nos 562, 561, 563 , 100, 101

Articles 32 A à 32 C

Article 32 D

Amendement no 157

Après l’article 32 D

Amendements nos 8 , 37 , 220 rectifié , 6 rectifié , 416 , 102 rectifié , 468 rectifié , 391 rectifié

Article 33

Amendement no 10

Articles 34 et 35

Seconde délibération

Amendement no 1

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Démission d’un député

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. Armand Jung, député de la première circonscription du Bas-Rhin, une lettre l’informant qu’il démissionnait de son mandat de député. Acte est donné de cette démission, qui sera notifiée au Premier ministre.

2

Lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale (nos 3473, 3515, 3510).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 12, appelé par priorité.

Article 12 (appelé par priorité)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n205.

M. Patrick Hetzel. L’article 12 vise à créer une nouvelle infraction, qui réprime le trafic de biens culturels émanant de théâtres d’opérations de groupements terroristes et dont l’origine licite ne pourrait être justifiée.

Il faut savoir que sur le sol national, la destruction, la dégradation ou la détérioration de vestiges mobiliers ou archéologiques est punie par l’article 322-3-1 du code pénal de sept années d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.

On peut légitimement considérer que le trafic se fait à partir de biens culturels indûment arrachés de leur pays d’origine, aboutissant à une dégradation ou une détérioration de vestiges mobiliers ou archéologiques. Il conviendrait d’aligner le montant de l’amende et le temps d’emprisonnement sur le droit national existant. C’est pourquoi j’ai tendance à penser qu’il s’agit en réalité d’un amendement de cohérence.

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n205.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur Hetzel, vous avez tout à fait raison de vouloir aligner l’article 12 sur les dispositions de l’article 322-3-1 du code pénal, qui prévoit que la destruction, la dégradation ou la détérioration est punie de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende lorsqu’elle porte sur un immeuble ou objet mobilier classé ou inscrit en application des dispositions du code du patrimoine ou un document d’archives privées classé en application des dispositions du même code.

La commission a estimé que cette proposition était cohérente et pertinente. Elle a donc émis un avis favorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement n91, que nous examinerons ultérieurement.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Favorable.

(L’amendement n205 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n189.

M. Alain Tourret. Cet amendement tend à prévoir une exemption à la sanction prévue par l’article 12 dans le cas où des œuvres présentant un intérêt archéologique, artistique, historique ou scientifique et qui risqueraient d’être détruites par des groupements terroristes sont sauvées de façon désintéressée et remises aux autorités publiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Monsieur Tourret, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

En effet, votre souci est parfaitement légitime, mais cet amendement est satisfait par l’article 122-7 du code pénal relatif à l’état de nécessité, selon lequel « n’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ». Le droit actuel répond donc à votre préoccupation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Je retire l’amendement.

(L’amendement n189 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n91.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de la même argumentation que celle développée pour l’amendement n205.

Je tiens à remercier Mme la rapporteure pour l’avis favorable qu’elle a émis au nom de la commission sur ces deux amendements.

(L’amendement n91, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 12, amendé, est adopté.)

Article 13 (appelé par priorité)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n201 deuxième rectification, qui fait l’objet d’un sous-amendement n581.

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement.

M. Alain Tourret. Le présent amendement est destiné à renforcer la traçabilité des cartes prépayées, afin d’améliorer la lutte contre le financement du terrorisme, en ajoutant au plafond maximum de chargement des cartes prépayées tenant compte des caractéristiques du produit, des plafonds selon les modalités de chargement, de remboursement et de retrait des cartes prépayées qui dépendront des moyens de paiement utilisés.

Il vise ainsi à limiter substantiellement, en les plafonnant pour un certain montant, les possibilités de chargement, de remboursement et de retrait des cartes prépayées par des moyens de paiements non traçables.

Ce plafond pourrait être aligné avec la limite de paiement en liquide prévu par l’article L. 112-6 du code monétaire et financier, qui est de 1 000 euros.

M. le président. La parole est à M. Yann Galut, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir le sous-amendement n581.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur Tourret, votre amendement reprend la rédaction de l’un des amendements que j’avais fait adopter en commission des finances ; j’y suis donc particulièrement favorable sur le fond et je vous remercie de l’avoir déposé.

Cependant, et suivant en cela les débats qui ont animé la commission des finances, il convient d’en clarifier la rédaction. Intégrer le nouveau plafond de rechargement en monnaie non traçable au sein du même alinéa de l’article 13 est en effet source de lourdeur et d’incompréhension. Comme m’y ont invité les commissaires aux finances, je propose, par le sous-amendement n581, une rédaction plus lisible, mais qui garderait la même portée à l’amendement n201. Le présent sous-amendement est donc purement rédactionnel : il scinde en trois alinéas, plus intelligibles, ce que l’amendement n201 condense en un seul.

M. le président. Quel est l’avis de la commission saisie au fond sur l’amendement et sur le sous-amendement ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Favorable aux deux.

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Favorable à l’amendement et au sous-amendement.

(Le sous-amendement n581 est adopté.)

(L’amendement n201 deuxième rectification, sous-amendé, est adopté.)

(L’article 13, amendé, est adopté.)

Article 14 (appelé par priorité)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 191, 192 et 505, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n191.

M. Alain Tourret. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n192 aussi ?

M. Alain Tourret. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement n505.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. La commission demande le retrait des amendements nos 191 et 192 au profit de l’amendement n505.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Le débat porte sur la qualification d’un acte grave. Pour ma part, je préférerais que l’on conserve l’adjectif « élevé », qui est déjà utilisé dans notre droit et me paraît mieux caractériser les faits que nous souhaitons combattre et punir. Je souhaite donc le retrait des amendements, pour que le texte reste en l’état.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. À la suite des explications du Gouvernement, je retire mon amendement.

(L’amendement n505 est retiré.)

M. le président. Monsieur Tourret, que décidez-vous ?

M. Alain Tourret. Je retire mes deux amendements.

(Les amendements nos 191 et 192 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n147.

M. Alain Tourret. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 5 de l’article 14 du projet de loi, qui interdit au président de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation et au bâtonnier de l’ordre auprès duquel l’avocat est inscrit de porter à la connaissance de leurs clients ou de tiers les informations transmises par Tracfin. En effet, rien ne justifie une procédure distincte du droit commun pour les avocats ou les autres personnes concernées par l’article.

Rappelons que les avocats sont déjà assujettis au dispositif de lutte anti-blanchiment depuis la loi du 9 mars 2004. En outre, le contrôle des caisses autonomes de règlement pécuniaire des avocats – CARPA – et les règles déontologiques commandant aux avocats de rompre la relation d’affaires en cas de soupçon de blanchiment suffisent à garantir la profession contre ce risque. Cet article constitue enfin une menace pour les droits fondamentaux des citoyens et la préservation du secret professionnel, l’avocat ayant le devoir de protéger tout citoyen d’une ingérence des pouvoirs publics dans sa défense, et ce quoi que ce dernier ait pu faire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Nous avons déjà eu ce débat en commission, monsieur Tourret. C’est le droit commun qui s’applique. Je vous demanderai par conséquent de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Défavorable.

M. le président. Monsieur Tourret, retirez-vous l’amendement ?

M. Alain Tourret. Non, je le maintiens, monsieur le président.

(L’amendement n147 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n150.

M. Sergio Coronado. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Nous en avons déjà discuté en commission, monsieur Coronado, et je vous avais dit que votre demande était superfétatoire. Je souhaite donc le retrait de cet amendement, qui est déjà satisfait.

M. Sergio Coronado. Je le retire.

(L’amendement n150 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 174 et 398.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n174.

M. Sergio Coronado. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n398.

M. Christophe Cavard. L’objectif de cet amendement est de sanctionner les intermédiaires et les conseils qui aident d’autres personnes à réaliser un blanchiment de capitaux ou à se livrer à des pratiques de fraude fiscale. La peine serait plafonnée à 100 000 euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Franchement, chers collègues, c’est hors sujet ! Une telle disposition ne peut s’insérer dans l’article 14 qui, je vous le rappelle, a pour objet de permettre à TRACFIN de signaler aux personnes faisant partie du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme des situations générales ou individuelles qui présenteraient des risques élevés en la matière. Je vous demande donc de retirer vos amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Une telle disposition n’a pas, en effet, sa place à cet endroit – même si je comprends que vous ayez envie que ce débat ait lieu.

Je voudrais vous signaler – mais peut-être le savez-vous déjà – que ce que vous décrivez est déjà constitutif de délits passibles de peines d’emprisonnement et d’amendes. Le droit existant vous donne donc satisfaction.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Je retire mon amendement.

M. le président. Monsieur Coronado ?

M. Sergio Coronado. Moi aussi.

(Les amendements identiques nos 174 et 398 sont retirés.)

(L’article 14 est adopté.)

Après l’article 14 (amendement appelé par priorité)

M. le président. La parole est à M. Yann Galut, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n504.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Cet amendement, qui a été adopté par la commission des finances, tend à exonérer de responsabilité pénale les banques dans le cadre de l’infraction de financement du terrorisme en cas d’ouverture d’un compte sur désignation de la Banque de France.

Les établissements qui ouvrent un compte de dépôt sur désignation de la Banque de France sont actuellement déclarés irresponsables pénalement pour les infractions de trafic de stupéfiants, recel ou blanchiment qui pourraient être associées à ce compte. Le présent amendement vise à compléter cette liste par l’infraction de financement d’actes de terrorisme, définis par les articles 421-1 et 421-2 du code pénal, en cohérence avec la protection juridique offerte aux établissements lorsqu’ils effectuent certaines opérations bancaires sur des comptes qui font l’objet d’une vigilance.

À ce propos, je tiens à vous signaler, monsieur le ministre, que les banques m’ont exprimé leurs craintes quant à l’étendue de leur responsabilité professionnelle et pénale lorsqu’elles seront destinataires du nouvel appel à vigilance de TRACFIN. Je profite donc de cet amendement pour vous demander s’il existe, ou non, un risque civil ou pénal pour les banques dans ce nouveau cas de figure. Il ne faudrait pas en effet que par crainte de poursuites, les banques clôturent des comptes devant faire l’objet d’une vigilance.

Je sais, monsieur le ministre, que votre cabinet est très attentif à cette question. J’avais déposé en commission des finances des amendements à ce sujet, que j’ai retirés car les réponses qui m’ont été faites m’ont rassuré. Toutefois, je souhaiterais que vous vous exprimiez sur le sujet afin que les choses soient bien claires. Je vous en remercie par avance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement est tout à fait favorable à cet amendement dont je remercie le rapporteur pour avis et ceux qui l’ont accompagné dans cette proposition.

Vous avez exprimé, monsieur Galut, une préoccupation assez classique ; elle compréhensible de la part des établissements financiers, car nous leur demandons de prendre des responsabilités, de transmettre à TRACFIN un certain nombre d’informations sous peine de sanctions. Je ne voudrais pas, moi non plus, que ces dispositions aboutissent à des fermetures de comptes automatiques, alors que les titulaires de ces comptes en auraient encore besoin.

Nous travaillons à ces questions, et vous informerons de l’avancement de ces travaux de la façon la plus étroite possible. Nous rencontrerons les représentants des banques françaises pour trouver les meilleures solutions, afin de ne pas punir indirectement certains titulaires de comptes.

(L’amendement n504 est adopté.)

Article 15 (appelé par priorité)

(L’article 15 est adopté.)

Article 15 bis (appelé par priorité)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 552 et 392, tendant à supprimer l’article 15 bis.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n552.

M. Michel Sapin, ministre. Je sais que la commission des lois a beaucoup débattu de l’introduction, dans le projet de loi, de l’article 15 bis qui ouvre aux agents habilités de TRACFIN – auxquels nous confions des pouvoirs et des devoirs supplémentaires – un accès direct aux dossiers de traitement des données personnelles d’antécédents judiciaires, que nous appelons TAJ – pour « traitement des antécédents judiciaires ».

Le Gouvernement n’est pas favorable, à ce stade, à cette évolution. Je comprends tout à fait les préoccupations qui ont conduit le Parlement à ajouter cet article au projet de loi, dans le contexte que nous connaissons, mais grâce aux nouvelles dispositions que contient ce texte par ailleurs, nous devrions être encore plus efficaces.

L’amélioration du dispositif, à laquelle nous travaillons dans le cadre de ce projet de loi, pourrait peut-être aboutir à l’occasion de la transposition en droit français de la quatrième directive européenne contre le blanchiment et le financement du terrorisme. À ce stade de nos débats, le Gouvernement préférerait donc que l’article 15 bis soit supprimé.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n392.

M. Sergio Coronado. Je rappelle que la loi relative au renseignement a déjà permis un accès direct des agents de TRACFIN au TAJ pour les besoins relatifs à l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire, la défense nationale et la prévention du terrorisme. Cette disposition a été adoptée cet été, et le décret d’application n’a été signé qu’il y a deux mois.

L’article 15 bis institue une nouvelle possibilité, qui figurerait non pas dans le code de la sécurité intérieure, mais dans le code monétaire et financier. Or, comme l’a dit M. le ministre, un équilibre a été trouvé ; élargir encore l’habilitation des agents de TRACFIN pour l’accès au TAJ reviendrait à confondre le renseignement administratif et le travail judiciaire. C’est pourquoi je me range à l’avis de M. le ministre, qui a défendu un amendement de suppression identique au mien.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. L’amendement introduisant l’article 15 bis a été largement adopté en commission des lois. Lors d’une audition, TRACFIN nous a indiqué qu’il serait opportun, dans ce texte consacré à la lutte contre le blanchiment, d’élargir l’accès de ses agents habilités au fichier des antécédents judiciaires. Je rappelle que dans deux hypothèses cet accès est d’ores et déjà possible. Il est vrai que les projets de loi que nous avons précédemment examinés ne se prêtaient pas à une telle évolution, puisqu’ils étaient relatifs au renseignement et non au blanchiment.

Dans les premières étapes d’une procédure, lorsque TRACFIN reçoit une information concernant un flux financier atypique, il lui est difficile de savoir si ce flux est susceptible d’être lié au financement du terrorisme ou au blanchiment d’une infraction pénale. De ce point de vue, l’accès au TAJ lui faciliterait grandement la tâche, et lui ferait réellement gagner du temps.

Cet article vise ainsi à élargir l’accès des agents habilités de TRACFIN au TAJ, et ce pour l’ensemble de leurs missions. Ce projet de loi est aussi un texte de simplification ; or cette mesure faciliterait le travail de TRACFIN, est justifiée par les nécessités du service, et ne porte atteinte à aucune norme constitutionnelle ou conventionnelle. La commission est donc défavorable à ces deux amendements de suppression.

(Les amendements identiques nos 552 et 392 ne sont pas adoptés.)

(L’article 15 bis est adopté.)

Article 16 (appelé par priorité)

M. le président. La parole est à M. Galut, inscrit sur l’article.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. À titre liminaire, je me félicite de l’avancée que représente l’article 16. Il transpose en effet dans ce projet de loi un mécanisme qui existe d’ores et déjà pour le délit général de blanchiment, prévu par le code pénal, en procédant à un renversement de la charge de la preuve. En tant que rapporteur au fond de la loi relative à la lutte fraude fiscale du 6 décembre 2013, j’avais défendu, avec mon collègue Yves Goasdoué, ici présent, un amendement dont l’adoption a permis d’introduire ce mécanisme dans la loi.

Le blanchiment sous toutes ses formes est un point d’entrée incontournable du financement de la grande criminalité et du terrorisme. Il était donc important de l’étendre au blanchiment douanier afin de renforcer l’effectivité et la souplesse des moyens d’action de la douane en ce domaine. En tant que rapporteur pour avis, j’ai souhaité aller plus loin, et réfléchir plus largement au rôle qui doit être dévolu à la douane aujourd’hui, puisqu’il est démontré que les transferts financiers, notamment ceux qui alimentent le terrorisme, s’effectuent en grande majorité sous forme d’argent liquide et revêtent un caractère transfrontalier.

C’est pourquoi j’ai déposé plusieurs amendements visant à étendre le champ de compétences des services douaniers à l’infraction pénale relative au financement du terrorisme, par exemple en incluant les infractions sous-jacentes au blanchiment douanier, en cohérence totale avec l’esprit du texte que nous discutons.

L’Europe et la mondialisation ont fait tomber les frontières. Simultanément, le terrorisme s’est internationalisé. En temps voulu, face au développement international du trafic de stupéfiants, le législateur n’a pas hésité à engager pleinement les douanes dans cette lutte. Il ne faut pas hésiter, aujourd’hui, à faire de même pour le financement du terrorisme, au minimum en renforçant la compétence du service national de douane judiciaire.

J’ai conscience du caractère sensible de cette proposition, notamment au regard du partage de pouvoirs avec la police judiciaire que cela représente. Il serait néanmoins dommage d’écarter d’office cette piste de réflexion, cette idée d’évolution, au motif qu’il serait difficile de décloisonner les compétences sur des sujets qui relèvent de la sécurité nationale et internationale – auxquels je sais, monsieur le ministre, que vous êtes sensible.

Dans la même logique, je souhaite ouvrir le débat au sujet de l’obligation de déclaration pour les transferts transfrontaliers d’argent liquide, tant pour ce qui concerne le seuil de ces transferts que pour la nature des justifications de la provenance des fonds. Je considère en outre que les sanctions réprimant les manquements à cette obligation sont insuffisamment dissuasives.

Par les amendements que j’ai déposés, je reste attentif au principe de proportionnalité et à la faisabilité pratique des mesures que je propose. Je rappelle que mon premier objectif est de susciter le débat sur ces sujets, de proposer des pistes de réflexion. Puisqu’il est urgent d’adopter ce texte, il ne sera pas possible de faire aboutir dès à présent l’ensemble des évolutions que je souhaite. Je souhaite cependant que le Gouvernement se saisisse de certains de ces sujets – auxquels je vous sais sensible, je le répète, monsieur le ministre.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 488 et 487, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Yann Galut, pour les soutenir.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Ces deux amendements visent à inclure le financement du terrorisme dans le champ du blanchiment douanier, à l’article 415 du code des douanes, et à modifier en conséquence le nouvel article 415-1 que l’article 16 de ce projet de loi vise à introduire dans le même code.

Il m’a été confirmé que l’article 415 du code des douanes, relatif au blanchiment douanier, et permettant aux services douaniers de procéder à une retenue douanière ou à saisie des sommes, n’était pas très utilisé, à cause de la relative étroitesse de son champ d’application. Les services réunissent rarement le faisceau d’indices nécessaire à sa mise en œuvre – selon les chiffres qui m’ont été transmis lors des auditions, l’on compte seulement dix-huit cas de blanchiment douanier en 2014. C’est pourquoi ce projet de loi permet, grâce au renversement de la charge de la preuve, d’en assouplir l’utilisation.

Je propose donc, par amendement, d’inclure le financement du terrorisme au champ des infractions sous-jacentes au blanchiment douanier. Cet amendement sera examiné après l’article 16.

Les deux amendements que j’ai déposés à l’article 16 tirent les conséquences de cette proposition en ajoutant le financement du terrorisme au nouvel article 415-1 du code des douanes, qui permet le renversement de la charge de la preuve, et en incluant la dissimulation du bénéficiaire effectif des sommes blanchies parmi les buts présumés de l’opération financière en cause.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. C’est une sacrée question de droit que pose M. Galut ! La lutte contre le financement du terrorisme doit-elle figurer parmi les missions de la douane ? En outre, il faut distinguer la douane administrative et la douane judiciaire de ce point de vue, car leurs missions ne sont pas identiques.

Avant de me prononcer, j’aimerais connaître la position du Gouvernement sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Ces amendements sont flatteurs pour le ministre qui a sous son autorité les services des douanes. En visant à donner plus de pouvoir à ces derniers, ils sont une marque de confiance envers cette belle administration qui est engagée dans la lutte contre le terrorisme, et y apporte une contribution très utile.

Il est vrai cependant – M. Galut le disait très clairement – que ces amendements feraient évoluer les limites entre les pouvoirs traditionnels de l’autorité judiciaire, d’un côté, et de la douane, de l’autre. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose ; il y a déjà eu, par le passé, des évolutions sur ce point.

Vous vous êtes beaucoup intéressé à ce sujet, monsieur Galut. Cependant, je ne souhaite pas, au cours d’une discussion comme celle-ci, que l’on fasse évoluer de manière aussi significative les rapports entre l’administration et l’autorité judiciaire. Vous souhaitez qu’au terme de nos débats, la douane soit renforcée, mais elle n’en a pas besoin : elle est déjà très puissante, très forte. Quoi qu’il en soit, cette évolution ne peut avoir lieu sans une réflexion suffisante. C’est pourquoi je souhaite continuer à travailler sur ces sujets, qui sont très importants, y compris pour les douaniers, mais sans adopter, à ce stade, de tels amendements dont je souhaite le retrait.

Je précise, monsieur le président, que mon avis sera identique sur certains autres amendements de M. Galut que nous examinerons après l’article 16 et qui pourraient aussi être retirés.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour ces précisions. Cette question sera certainement abordée au cours de réunions interministérielles, car elle relève de l’intérêt général. Je suis convaincu qu’à ce moment-là, vous saurez vous montrer persuasif. Je vois bien toutes les difficultés que soulèvent ces amendements, et vous avez raison, monsieur le ministre, de souligner l’importance de la douane, qu’elle soit administrative ou judiciaire.

Madame Capdevielle, j’ai bien conscience que cette question est problématique. Je crois néanmoins que les choses évolueront sur ce point. Certes, il n’est pas nécessaire d’accomplir cette évolution dans ce projet de loi, car ce serait trop rapide ; cependant, je pense que dans l’intérêt général, pour une meilleure coordination des services, nous devrons adopter de telles mesures.

À ce stade, je retire donc mes amendements, mais je souhaite que le débat se poursuive dans les semaines à venir.

(Les amendements nos 488 et 487 sont retirés.)

(L’article 16 est adopté.)

Après l’article 16 (amendements appelés par priorité)

M. le président. La parole est à M. Yann Galut, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n498.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Cet amendement, adopté par la commission des finances, concerne les échantillons des douanes.

Le code des douanes donne la possibilité aux agents de l’administration de procéder à des prélèvements d’échantillons, mais dans certaines situations seulement, à savoir les contrôles réalisés dans les lieux et locaux à usage professionnel ou la vérification des marchandises dans le cadre des opérations de dédouanement.

En revanche, dans le cadre d’autres pouvoirs de contrôle, la possibilité d’une prise d’échantillons sous-tendue par la nature des investigations sur les marchandises n’est pas expressément prévue, ce qui peut limiter les capacités d’action des agents des douanes.

La mesure ici proposée permettrait un échantillonnage systématique en vue de la transmission à des services d’analyse spécialisés, notamment le service commun des laboratoires du ministère.

(L’amendement n498, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yann Galut, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n499.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Il s’agit de nous interroger sur l’enquête sous pseudonyme, autrement dit sur la « cyberpatrouille » ou la « cyberinfiltration ». Ce type d’enquête s’est fortement renforcé depuis 2007 avec le développement d’internet, utilisé comme vecteur pour préparer ou commettre diverses infractions.

Il existe ainsi plusieurs dispositifs dans le code de procédure pénale, réservés à des officiers de police judiciaire pour la constatation d’infractions commises par un moyen de communication électronique.

En revanche, le code des douanes ne comporte aucun dispositif juridique autorisant la réalisation, par les agents des douanes, d’investigations anonymes sur internet aux fins de recueil d’indices de fraudes commises sur ou par l’intermédiaire du réseau et d’identification des personnes susceptibles de faire l’objet d’une enquête douanière approfondie.

Or, la lutte contre la fraude sur internet, notamment dans le domaine des armes à feu et des stupéfiants, nécessite de renforcer les capacités de détection des sites ou de particuliers proposant l’acquisition de marchandises de fraude en ligne.

La création d’un dispositif d’enquête anonyme sur internet permettra aux agents des douanes, notamment à ceux de la cellule spécialisée « Cyberdouane » de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, de participer sous un pseudonyme, après en avoir informé l’autorité judiciaire qui pourra bien entendu s’y opposer, à des discussions générales dans des cercles restreints, en vue de déceler les fraudes douanières les plus graves et d’accéder aux places de discussion et de marché cachées.

Ainsi, les enquêteurs seront en contact avec les personnes susceptibles d’être les auteurs d’infractions douanières particulièrement graves, et ils pourront recueillir, sur ces personnes, des éléments de preuve déterminants et des données qui à ce jour ne peuvent l’être, afin de les utiliser dans le cadre de leurs enquêtes selon un dispositif juridique sécurisé.

Cette technique spéciale d’enquête permettra la mise en œuvre d’autres d’investigations douanières complémentaires, notamment la mise en place de procédures de « coup d’achat » en ligne – article 67 bis-1 du code des douanes –, d’infiltration – article 67 bis du code des douanes – ou encore de visites domiciliaires – article 64 du code des douanes.

Cette mesure constitue un outil juridique complémentaire à l’extension, prévue à l’article 10 du présent projet de loi, du champ d’application des opérations douanières d’infiltration et de « coup d’achat » en matière d’armes à feu – articles 67 bis et 67 bis-1 du code des douanes.

Enfin, la réalisation d’une enquête en ligne est susceptible d’amener les enquêteurs à s’enregistrer sur des sites et forums à accès réservé et restreint, avec une obligation de présentation détaillée pour validation du compte d’utilisateur, ainsi que des espaces payants de l’internet, avant d’avoir accès aux discussions. Par conséquent, il importe de doter les cyber-enquêteurs, lorsque les circonstances le justifient, d’une possibilité d’identité d’emprunt leur permettant notamment de disposer de moyens de paiement non traçables afin de préserver leur anonymat et l’efficacité de la procédure sans éveiller la suspicion des organisateurs de la fraude. L’usage d’une identité d’emprunt a d’ailleurs été inséré en 2012 dans le dispositif des opérations douanières de « coup d’achat » en ligne afin de garantir l’anonymisation des transactions sur internet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Cet amendement a pour inconvénient de faire bouger les lignes s’agissant de pouvoirs partagés par diverses autorités. Les arguments du rapporteur m’ont toutefois semblé particulièrement convaincants. Ayant personnellement assisté – je n’ose dire « participé » – au travail de la cellule « Cyberdouane » au surlendemain des attentats du 13 novembre dernier, j’ai pu constater qu’il était possible d’échanger sur le « darknet », non seulement des matières ou des armes, mais aussi des informations essentielles à la lutte contre le terrorisme.

Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.

(L’amendement n499 est adopté.)

M. le président. L’amendement n281 rectifié est défendu.

(L’amendement n281 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement n489.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Il est retiré.

(L’amendement n489 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement n492.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Il s’agit, à travers cet amendement, d’engager le débat sur le seuil applicable aux transferts en liquide. Après en avoir discuté avec votre cabinet, monsieur le ministre, et au terme d’un débat important avec certains de mes collègues de la commission des finances, j’ai conscience que la réflexion n’est pas mûre. Je souhaitais donc exposer publiquement le problème et appeler votre attention sur lui ; je sais d’ailleurs que vous et votre cabinet en avez conscience. Toutefois je retire l’amendement.

(L’amendement n492 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n497 rectifié qui fait l’objet d’un sous-amendement n583.

La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Cet amendement, sur lequel j’ai eu une discussion très constructive avec vos services et votre cabinet, monsieur le ministre, tend à imposer une obligation de justification de la provenance des fonds en cas de transfert d’argent liquide supérieur à un certain seuil.

À l’heure actuelle, le transfert d’argent liquide d’un pays à un autre s’accompagne uniquement d’une obligation déclarative, quel que soit le montant des sommes au-delà de 10 000 euros. Il s’agit, concrètement, de remplir en ligne ou à la douane un formulaire du centre d’enregistrement et de révision des formulaires administratifs – CERFA – assez simple et rapide.

Ainsi, 2 milliards d’euros sont déclarés chaque année. La facilité avec laquelle une valise de billets, par exemple d’un montant de 150 000 euros, peut franchir la frontière est déconcertante : dans les faits, la déclaration s’accompagne d’une absence systématique de contrôle. Cela ne va pas dans le sens d’un renforcement des obligations de vigilance qui pèsent sur les établissements bancaires ou sur les sociétés de gestion de patrimoine, tenus de se renseigner, en cas de mouvements importants de capitaux, sur l’origine des fonds.

Comme j’ai pu le vérifier, chaque établissement demande, au moyen de formulaires internes variables, la fourniture de documents permettant de renseigner la provenance des fonds. Il est paradoxal qu’un virement franco-français, traçable, de 50 000 euros, soit davantage contrôlé qu’une mallette contenant 200 000 euros de billets et transitant d’un pays à un autre.

L’obligation visée ne me paraît donc ni disproportionnée, ni impossible à mettre en œuvre dès lors qu’elle concerne des sommes en liquide dont le montant excéderait un certain seuil, par exemple 50 000 ou 100 000 euros. Encore une fois, cette obligation est déjà imposée par les banques.

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir le sous-amendement n583 et donner l’avis de la commission sur l’amendement.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Avis favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Favorable à l’amendement ainsi sous-amendé.

(Le sous-amendement n583 est adopté.)

(L’amendement n497 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement n490.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Nous restons dans le même débat : le présent amendement tend à porter la sanction au manquement à l’obligation déclarative de 25 % à 50 % de la somme non déclarée.

La sanction du manquement à l’obligation déclarative est actuellement fixée à 25 % du montant non déclaré : ce taux n’est suffisant ni pour sanctionner les manquements constatés ni pour dissuader de les commettre. La restitution des trois quarts de la somme à l’infracteur revient souvent, en définitive, à blanchir les trois quarts de la somme.

M. le président. Mon cher collègue, nous en sommes à l’amendement n490 : peut-être y a-t-il eu une inversion dans la liasse…

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. L’amendement n490 est retiré, monsieur le président.

(L’amendement n490 est retiré.)

M. le président. L’amendement de repli n491 l’est aussi, monsieur Galut ?

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n491 est retiré.)

M. le président. Nous en revenons donc à l’amendement n493.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Cet amendement, disais-je, vise à porter la sanction au manquement à l’obligation déclarative de 25 % à 50 % de la somme non déclarée.

Les douaniers que j’ai eu la chance d’auditionner m’ont fait part de situations compliquées, certaines personnes, par exemple fichées S, pouvant s’acquitter de la pénalité de 25 % puis repartir.

Je propose, avec le présent amendement, de porter la sanction pécuniaire maximale à 50 % de la somme non déclarée, étant entendu qu’il ne s’agit que d’un maximum : les services des douanes demeureront libres de fixer une sanction moindre en fonction des circonstances.

(L’amendement n493, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n243.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement poursuit un but précis. Comme vous le savez, la lutte contre le commerce illicite passe nécessairement par des dispositifs efficaces de confiscation des biens issus du trafic.

Dans plusieurs cas, la loi présume le lien entre l’infraction et le bien sur lequel porte la confiscation, de sorte que la preuve de l’origine licite de l’acquisition du bien repose sur la personne condamnée.

Pour autant, dans sa rédaction actuelle, l’article 131-21, alinéa 5, du code pénal applique ce mécanisme aux seules infractions punies d’au moins cinq ans d’emprisonnement, lorsqu’elles ont procuré à leur auteur un profit direct ou indirect.

L’objet du présent amendement est d’assurer une plus grande efficacité répressive par l’élargissement à toutes les infractions dont la peine maximale encourue est de trois ans d’emprisonnement – et non plus de cinq – du champ d’application du mécanisme de renversement de la charge de la preuve de la propriété, mécanisme prévu pour l’application de la peine complémentaire de confiscation visée à l’article 131-21, alinéa 5, du code pénal – et, partant, pour la mise en œuvre de saisies, dans la mesure où tout bien confiscable est saisissable depuis une loi de 2010.

Cette modification permettrait notamment d’étendre les dispositions de l’article 131-21 aux délits de recel qui fondent souvent le commerce illicite et qui sont punis d’au moins trois ans d’emprisonnement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Nous avons déjà eu le débat en commission. Je ne vous rappellerai donc pas, monsieur Hetzel, les dispositions de l’article 131-21 du code pénal.

Votre amendement, aux termes de son exposé sommaire, permettrait notamment d’inclure les « délits de recel » et « le commerce illicite » ; mais l’article 131-21 du code pénal, justement, punit le recel de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. Votre amendement obéit à une intention certes louable, mais il est totalement satisfait ; aussi, je vous invite à le retirer. Je ne vois pas, en effet, quel autre type de délit il pourrait viser.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je remercie la rapporteure de ces précisions : je retire amendement n243.

(L’amendement n243 est retiré.)

M. le président. L’amendement n282 est défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable, et pour les mêmes raisons : l’objectif poursuivi par cet amendement est déjà satisfait par le droit existant.

(L’amendement n282 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 128 et 280.

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n128.

M. Alain Tourret. Le présent amendement vise à créer une nouvelle circonstance aggravante au délit de recel, prévu à l’article 321-1 du code pénal. Cette modification législative adapte la répression du délit de recel à la réalité ainsi qu’à la gravité des réseaux structurés et vient s’attaquer à l’économie criminelle en tentant de paralyser la mise en circulation sur le marché de produits obtenus frauduleusement.

M. le président. L’amendement n280 est défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Défavorable. Nous avons déjà eu le débat en commission : la définition large permet d’inclure le commerce illicite. Il est donc inutile de prévoir que la vente constitue un motif aggravant.

Il serait peut-être opportun de compléter la définition de l’article 321-1 du code pénal, que vous connaissez, pour affirmer que le commerce illicite est tout simplement assimilé au recel. Monsieur Tourret, votre amendement est donc satisfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est aussi défavorable à ces amendements puisque la revente du bien recelé est inhérente au délit de recel et ne saurait justifier la création d’une circonstance aggravante.

L’adoption de ces amendements conduirait, par exemple, à sanctionner moins sévèrement le receleur d’un tableau volé qu’il conserve pour en profiter que celui d’un téléphone portable qui le revend pour en tirer quelques dizaines d’euros de bénéfice.

Par ailleurs, les situations visées dans l’exposé sommaire de l’amendement de M. Tourret peuvent d’ores et déjà être appréhendées sous les qualifications de recel aggravé par la circonstance de bande organisée ou de l’habitude.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Une simple observation, monsieur le ministre : le receleur qui passe son temps à contempler le tableau qu’il a fait voler est pour moi un homme d’art. (Rires.)

M. le président. Monsieur Tourret, maintenez-vous ou retirez-vous votre amendement ?

M. Alain Tourret. Je le retire.

(L’amendement n128 est retiré.)

(L’amendement n280 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n244.

M. Patrick Hetzel. L’objet de cet amendement est de corriger certaines faiblesses du droit actuel en réprimant plus efficacement le délit de non- justification des ressources, prévu à l’article 321-6 du code pénal, en élargissant le champ d’application de ce délit à toutes les infractions pour lesquelles la peine maximale encourue est de trois ans d’emprisonnement, et non plus de cinq.

Par cette modification législative, qui permettrait d’abaisser de cinq à trois ans la peine maximale encourue pour le délit de non-justification de ressources, de nombreuses situations délictuelles, qui échappaient jusqu’à présent à la répression, pourraient être appréhendées par la justice, notamment en matière de commerce illicite. C’est bien l’objet du projet de loi dont nous débattons.

La modification de cette infraction, voisine d’ailleurs de celle de recel, a pour objectif de lutter contre la criminalité organisée et le terrorisme en isolant les criminels et les délinquants, en les empêchant d’écouler les produits des infractions commises et en dissuadant ceux qui souhaiteraient, évidemment, en profiter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Défavorable. Tout d’abord, l’amendement n’a aucun rapport avec l’objet du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme.

Mais surtout, s’agissant de la méthode, vous demandez, sans justification particulière, une aggravation des sanctions. Or, vous le savez, les juges prononcent assez rarement la peine maximale prévue par la loi.

Enfin, comme je l’ai dit lors des débats en commission et comme je l’ai rappelé tout à l’heure, le recel est puni de cinq ans d’emprisonnement. Je ne vois donc pas très bien quel objectif concret poursuit votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l’avis de la rapporteure : en l’état du droit, le délit de non-justification de ressources est prévu pour les infractions punies d’une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

L’abaissement de ce seuil conduirait, de notre point de vue, à englober la quasi-totalité des infractions du code pénal dans le champ d’application du délit de facilitation de justification de ressources fictives, ce qui nous paraît excessif.

(L’amendement n244 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 130, 246, et 446.

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n130.

M. Alain Tourret. Cet amendement permettrait de créer une nouvelle infraction réprimant le trafic de contrefaçon émanant de groupements terroristes, nécessaire afin de sanctionner des faits qui participent au financement du terrorisme.

Il vise en effet à insérer le délit de contrefaçon en bande organisée dans la liste des infractions susceptibles d’être commises « en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ».

Depuis plusieurs années, la contrefaçon apparaît comme une importante source de financement du crime organisé et du terrorisme, plus importante encore que le trafic de drogues, le blanchiment d’argent et la corruption.

En effet, les produits contrefaisants sont le plus souvent importés et écoulés par des réseaux criminels pour lesquels l’activité contrefactrice constitue, à moindre risque – comme l’a rappelé un rapport remis le 28 janvier 2015 au ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, par l’Union des fabricants pour la protection internationale de la propriété intellectuelle, l’Unifab – une source de revenus susceptible de contribuer au financement du terrorisme ou d’autres activités criminelles de dimension internationale.

La contrefaçon constitue donc une source de revenus susceptible de contribuer au financement du terrorisme et d’autres activités criminelles.

Pourtant, la contrefaçon est encore, trop souvent, considérée comme un délit mineur, et ce alors même que cette activité est devenue aussi lucrative que les trafics de drogue et d’armes.

La contrefaçon demeure une infraction pour laquelle les moyens d’enquêtes sont peu fournis. La dimension de source de financement d’opérations terroristes n’est pas assez perçue par les magistrats car aucune disposition législative n’existe aujourd’hui pour faire le lien entre terrorisme et contrefaçon.

Les contrefacteurs connaissent et exploitent ces failles juridiques et l’adoption de mesures concrètes est aujourd’hui indispensable pour ne pas encourager cette activité illicite aux répercussions graves. Je me réfère d’ailleurs aux travaux de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime – ONUDC.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n246.

M. Patrick Hetzel. Un certain nombre d’arguments viennent d’être avancés par Alain Tourret. Effectivement, nous nous fondons sur les travaux de l’ONUDC, et notamment sur son rapport « Gros plan sur le trafic illicite de biens contrefaits et la criminalité transnationale organisée ».

Ce rapport souligne qu’il est essentiel de mettre en place des peines dissuasives afin de lutter contre le financement du terrorisme. Aujourd’hui, les peines en vigueur n’étant pas suffisamment dissuasives, les terroristes s’engouffrent dans la brèche et ont recours à ce moyen de financement de leurs activités.

Il me semble donc essentiel de mettre en place des dispositifs plus dissuasifs que ceux qui existent actuellement afin de nous permettre, là aussi, de lutter pénalement, de façon efficace et de manière préventive, contre le terrorisme.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement n446.

M. Jean-Michel Clément. Il peut paraître bizarre que la contrefaçon s’invite dans notre débat, mais je souhaite rappeler que, lors de l’examen de la loi du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon, dont j’étais rapporteur, nous avons identifié les nouvelles formes que prend la contrefaçon et, surtout, les usages qui en sont faits.

Le texte que nous avons voté sanctionne les opérateurs économiques qui utilisent la contrefaçon comme une source de profits supplémentaire, que nous avons clairement identifiés. Nous avons donné au juge les moyens d’apprécier les préjudices et de faire cesser l’objet de la contrefaçon.

Nous avons, également, découvert que la contrefaçon était devenu un véritable marché qui empruntait des chemins très divers. Ce marché est partagé par différentes organisations criminelles asiatiques, américaines, italiennes ou albanaises – je pourrais en citer d’autres pour ne pas en cibler quelques unes plus particulièrement.

Nous avons bien compris comment fonctionne ce marché : lorsque la répression touche certains réseaux, ceux-ci mettent fin à certaines de leurs activités pour rebondir sur d’autres, ces mêmes activités passant dans d’autres mains.

On voit donc bien comment le marché du crime organisé se partage aujourd’hui. La nouveauté tient non plus seulement au passage de produits traditionnels, comme les montres ou les cuirs, à de nouveaux produits, mais également à d’autres sources d’alimentation du financement qui permettent de réaliser des profits supplémentaires.

Et l’on s’aperçoit que ce n’est pas le montant des gains réalisés grâce aux produits contrefaits qui est important, mais l’usage qui en est fait. Il faut en effet parfois peu d’argent pour conduire une opération terroriste.

Je voulais alerter M. le ministre et l’ensemble de l’ensemble de mes collègues sur le lien qu’il convient de faire aujourd’hui entre contrefaçon et terrorisme, ce que la loi sur la contrefaçon n’a pas fait, car ce n’était pas son objet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Ces amendements identiques ont été déposés par des députés siégeant, dans cette assemblée, sur différents bancs. Monsieur Clément, vous dites que la contrefaçon est un marché visant à faire de l’argent : en effet, La Palice n’aurait pas dit mieux. Sans cet objectif lucratif, il n’y aurait en effet, par définition, pas de contrefaçon.

Nous avons déjà eu ce débat en commission. Je pense qu’il faut quelque peu raison garder et respecter une certaine proportionnalité. La contrefaçon reste du domaine délictuel : nous ne sommes donc pas dans le crime organisé.

L’article 421-1 du code pénal permet d’incriminer les actes terroristes que sont les atteintes volontaires à la vie, les infractions en matière d’armes et de produits explosifs ou de matières nucléaires.

Quand on parle des infractions terroristes, on fait référence à certaines dispositions très dérogatoires des règles générales de la procédure pénale, notamment en matière de prescription, où l’on va très au-delà de celles du droit commun, ou de durée de la garde à vue, qui peut aller jusqu’à six jours.

Vous voulez adopter des règles aussi dérogatoires au droit commun pour des délits : cela ne me semble pas raisonnable, car il faut conserver une certaine proportionnalité entre la gravité et la complexité des infractions commises et les mesures d’enquête mises en œuvre pour rechercher, et ensuite condamner, leurs auteurs.

Je vous rappelle que la législation actuelle permet déjà d’incriminer le délit de contrefaçon : le code de la propriété intellectuelle prévoit, en cas de délit simple, trois d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. Lorsque ce délit est aggravé, la peine encourue est de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 euros d’amende : cela me paraît tout à fait suffisant.

Par ailleurs, vous demeurez clairement au stade de l’affirmation, et j’aurais aimé que vous soyez un peu plus explicite, dans le rapport probatoire qui vous incombe, pour justifier le passage à un tel régime.

La commission est donc défavorable à ces amendements. J’en profite pour vous informer qu’elle fera de même concernant tous les amendements suivants qui traitent du même sujet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement a bien noté la préoccupation conjointe des députés qui ont déposé ces amendements identiques. Comme la rapporteure, il est à leur égard assez réservé, pour ne pas dire hostile, considérant que si la contrefaçon permet de financer les activités terroristes, ces faits peuvent parfaitement être appréhendés sous la qualification de financement d’une entreprise terroriste prévue à l’article 420-2-2 du code pénal. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément.

M. Jean-Michel Clément. Après avoir entendu les explications de la rapporteure et du ministre, je retire mon amendement.

Je voudrais simplement dire à Mme la rapporteure que la contrefaçon est certes un marché destiné à faire de l’argent, mais qu’il y a de l’argent plus ou moins propre.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. L’argent sale reste de l’argent sale.

(L’amendement n446 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Il y a deux arguments. Celui qui a été développé par M. le garde des sceaux consiste à dire qu’il est possible, lorsqu’il s’agit d’activités terroristes menées en bande organisée, de requalifier les faits.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Eh oui !

M. Patrick Hetzel. Je voudrais revenir sur le second argument, qui a été développé par Mme la rapporteure. Un rapport extrêmement factuel a été produit par l’Unifab et remis à M. Sapin il y a quelques temps. Il avance certains éléments, et je note qu’à ce jour, le Gouvernement n’a pas contre-argumenté !

Pour ma part, je maintiens l’amendement n246 car j’appelle de mes vœux une contre-argumentation des propositions de l’Unifab. Tant qu’elle n’aura pas eu lieu, nous considérons comme tout à fait pertinents les arguments avancés par cette organisation.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. La contrefaçon, c’est un peu la bombe nucléaire du pauvre. Elle n’est pas plus propre que l’autre.

Si M. Hetzel avait retiré son amendement, j’aurais retiré le mien mais, comme je ne veux pas être moins sévère que lui, ce n’est plus possible. (Sourires.)

(Les amendements identiques nos 130 et 246 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n242.

M. Patrick Hetzel. Il est défendu.

(L’amendement n242, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement n484.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Je vais présenter toute une série d’amendements qui concernent le parquet national financier.

Le parquet national financier – vous étiez à l’époque président de la commission des lois, monsieur le ministre – nous l’avons créé dans la loi de lutte contre la fraude fiscale, sur interpellation du Président de la République, et il fonctionne depuis deux ans avec de plus en plus de résultats – je sais que vous y êtes attentif. Nous avions défini un périmètre dans l’étude d’impact, mais il est dépassé par le succès. Le nombre d’affaires augmente et le parquet national financier n’a pas obtenu le nombre de magistrats que nous avions prévu.

Aujourd’hui, des questions se posent car, quand on crée un parquet national financier, on ne mesure pas obligatoirement toutes les conséquences et nous devons d’améliorer certaines choses. L’amendement que je vous présente ne peut pas être balayé d’un revers de main.

Nous devons en effet clarifier la compétence du juge des libertés et de la détention quand le parquet national financier est amené à procéder, par exemple, à des perquisitions ou à des mises en examen.

À l’occasion d’opérations de perquisition et d’interpellation menées dans la région marseillaise – c’est du vécu – les juges des libertés et de la détention de Paris se sont interrogés à plusieurs reprises, en l’absence de dispositions législatives expresses qui existent pourtant pour les juges d’instruction, sur la possibilité de se transporter avec les juges d’instruction et des magistrats du parquet national financier hors du ressort de Paris. Cette incertitude procédurale les a conduits à décider d’organiser le transfert vers Paris de plusieurs personnes interpellées à Marseille et mises en examen.

Ces transferts, longs et coûteux pour les deniers publics, et les débats contradictoires tardifs, à partir de vingt-deux heures, devant le juge des libertés et de la détention sur chaque demande de placement en détention en présence des avocats, ont abouti à une prise en charge à une heure avancée de la nuit – quatre heures du matin – des personnes placées en détention.

L’objectif de cet amendement est de faire en sorte que le juge des libertés et de la détention de Paris puisse, si cela apparaît opportun, se transporter hors du ressort de Paris pour statuer sur les demandes dont il sera saisi dans le cadre des affaires suivies par le procureur national financier qui, bien sûr, a compétence nationale.

Cela relève de la bonne administration de la justice. Sans entrer dans les détails, je peux vous dire que le fait que le texte ne soit pas rédigé de manière opportune a entraîné des problèmes techniques qui ont notamment obligé les personnes mises en cause à repartir de Marseille pour Paris, dans des conditions qui, à mon avis, ne vont pas dans le sens d’une bonne justice et de l’amélioration des droits de la défense.

Je vous demande donc d’examiner très attentivement cette amélioration et cette clarification – c’est un point que nous n’avions pas vu lorsque nous avons présenté le parquet national financier en séance il y a deux ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. En l’état, je suis réservée et je souhaiterais connaître la position de M. le garde des sceaux à ce sujet puisque cela concerne un problème de procédure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. À ce stade, le Gouvernement est plutôt défavorable à cet amendement. Celui-ci est en effet satisfait par l’avant-dernier alinéa de l’article 705 du code de procédure pénale, qui prévoit la compétence du juge d’instruction et des magistrats du siège désignés par le Premier président de la cour d’appel de Paris pour l’instruction et le jugement de ces affaires.

L’amendement introduirait en outre, et c’est toujours chez nous une préoccupation, un risque de compétence a contrario au profit des autres juridictions spécialisées disposant d’une compétence concurrente pour lesquelles aucune disposition similaire n’est prévue.

Sur le cas d’espèce pour autant, s’il y a des imprécisions sur les compétences du juge des libertés et de la détention, je pense que l’on peut expertiser et avancer par circulaire sans avoir besoin d’inscrire une telle disposition dans la loi.

M. le président. La parole est à M. Yann Galut.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Je vous remercie de cette précision, monsieur le ministre. Dans le cadre des excellentes relations de travail entre les parlementaires et le Gouvernement, je suis très sensible à ce que vous venez de proposer. Je souhaite que vous puissiez examiner avec vos services cette situation particulière et trouver une réponse claire par circulaire.

Bien entendu, monsieur le président, au vu des explications de M. le ministre, je retire mon amendement.

(L’amendement n484 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement n482.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Il s’agit d’étendre la compétence matérielle du procureur de la République financier au délit de blanchiment de droit commun comme délit autonome. Cet amendement vise à prendre en considération la nature particulière du blanchiment, qui constitue un élément majeur dans le processus de financement du terrorisme et du crime organisé. C’est ce même constat qui m’a conduit à déposer d’autres amendements visant à étendre le champ du blanchiment douanier et à en faire un outil juridique plus souple et efficace.

Un élargissement de la compétence du parquet national financier en matière de blanchiment de droit commun permettrait à ce dernier de se saisir en tout début d’enquête, sans avoir à démontrer que le blanchiment suspecté est en rapport avec l’une des infractions limitativement énumérées dans l’article 705 du code de procédure pénale, ce que les investigations ultérieures mettent en évidence.

À ce jour, dans le cas où TRACFIN dénoncerait des faits de blanchiment à la justice française en lien avec des flux financiers importants vers l’étranger, sans être en mesure de qualifier à ce stade l’infraction d’origine, le parquet national financier ne peut appréhender cette procédure, faute de pouvoir rattacher les faits de blanchiment à une infraction de sa compétence.

L’amendement proposé permettrait de remédier à ce type de difficulté et de lutter de manière beaucoup plus efficace contre la grande délinquance économique et financière, qui sert les intérêts du crime organisé et des organisations terroristes.

C’est du vécu, monsieur le ministre, ce n’est pas théorique. Le parquet national financier a été, dans certaines affaires, confronté à une telle difficulté. Je souhaite donc attirer votre attention sur ce point afin que nous puissions aller de l’avant.

M. le président. Je pense, mon cher collègue, que vous avez défendu l’amendement n481 et non l’amendement n482.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n482 ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. J’en demande le retrait.

M. le président. La parole est à M. Yann Galut.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Je retire l’amendement n482 et j’ai effectivement défendu l’amendement n481.

(L’amendement n482 est retiré.)

M. le président. L’amendement n481 a été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. J’en demande également le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable. En déspécialisant le parquet national financier, on lui enlève ce qui était son essence même, que vous connaissez mieux que personne, monsieur Galut, puisque vous avez largement travaillé sur la loi qui l’a fondé.

S’il reste beaucoup à faire dans le domaine de la corruption et de la fraude fiscale – nous sommes d’accord – le parquet national financier a été conçu pour une expertise particulière. Si on commence à ouvrir le champ, on va perdre l’intérêt de ce qui fait aujourd’hui sa spécificité alors qu’il vient de trouver sa place depuis quelque temps. Il est plus urgent de le stabiliser que d’élargir ses compétences.

M. le président. La parole est à M. Yann Galut.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Je ne vais pas relancer le débat, mais je souhaite vraiment attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que cet amendement vise à résoudre des situations dans lesquelles le parquet national financier avançait dans le cadre de l’enquête et s’est trouvé ensuite bloqué.

À ce stade, je le retire mais je pense que nous devrons examiner cette proposition de manière beaucoup plus approfondie, pour une évolution ultérieure éventuelle.

(L’amendement n481 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement n483.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet d’inclure l’association de malfaiteurs dans le champ des compétences du parquet national financier. Il tend à combler un oubli de la loi du 6 décembre 2013 en procurant au parquet national financier les moyens d’appréhender le plus tôt possible les phénomènes de grande délinquance financière relevant de sa compétence.

Les interceptions téléphoniques ou perquisitions dans une procédure montrent souvent que de nouvelles infractions sont en préparation. Dans le souci d’améliorer l’efficacité de la procédure pénale, il convient donc de permettre au parquet national financier d’appréhender un phénomène criminel avant même la réalisation du projet frauduleux envisagé.

Tous les parquets de France, en particulier ceux des juridictions interrégionales spécialisées, ainsi que le SNDJ ont cette capacité d’enquêter sur des associations de malfaiteurs en vue de la commission d’infractions entrant déjà dans leur champ de compétence. Pour le parquet national financier, cette mesure apparaît particulièrement pertinente dans les affaires de blanchiment, de corruption, de détournement de fonds publics ou d’escroquerie à la TVA, où les investigations mettent à jour des projets en gestation avec d’autres structures ou d’autres supports de fraude.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est convaincu par l’argumentation du rapporteur pour avis. Effectivement, ce n’est pas un élargissement de la compétence du parquet, on va lui permettre de travailler en temps réel plutôt que plusieurs années après la commission des faits. Je suis donc favorable à cet amendement.

(L’amendement n483 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n485, qui fait l’objet de trois sous-amendements, nos 575, 576 et 584.

La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de permettre au parquet national financier de conserver sa compétence quelles que soient les incriminations retenues à l’issue de l’enquête. Il vise encore une fois à améliorer l’efficacité de l’action du parquet national financier et même, au-delà, à favoriser une bonne administration de la justice. Il s’agit de permettre à celui-ci de conserver la compétence pour un dossier dont il apparaît, à l’issue de l’enquête, que les agissements tombent sous le coup d’une autre qualification que celle initialement envisagée.

Je sais, par exemple, que le parquet national financier conduit actuellement une enquête préliminaire sur des faits de corruption et de blanchiment de corruption nécessitant une forte coopération internationale. Il pourrait n’être relevé au final que des faits d’abus de biens sociaux. Cette circonstance le contraindrait alors à se dessaisir au profit du parquet territorialement compétent, lequel devra prendre connaissance d’une procédure qu’il n’aura pas initiée.

Ces dessaisissements contribuent à un allongement excessif de la durée des procédures, le procureur de la République nouvellement saisi devant appréhender une affaire par essence complexe, dont il n’aura dirigé ni l’enquête ni le suivi d’instruction.

Enfin, l’amendement s’appliquera également aux juges d’instruction et au tribunal correctionnel de Paris. Une telle disposition existe déjà au profit des juridictions inter-régionales spécialisées – JIRS – article 706-76 du code de procédure pénale.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour défendre les sous-amendements nos 575, 576, 584 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n485.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption des trois sous-amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement ne dirait pas mieux que le rapporteur pour avis. Je suis donc favorable à son amendement, sous réserve de l’adoption des trois sous-amendements de la rapporteure.

(Les sous-amendements nos 575, 576 et 584, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L’amendement n485, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement n486.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Il s’agit de l’extension du champ de compétence concernant deux infractions majeures qui ont été oubliées, la prise illégale d’intérêts et le détournement de fonds publics, au regard des objectifs que s’était fixés la loi de 2013.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement était défavorable à cette mesure en 2013. Aucun élément n’est venu invalider sa position à l’époque. Il y est toujours défavorable.

M. le président. La parole est à M. Yann Galut.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis. Je retire mon amendement.

(L’amendement n486 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 208, 209, 210, 211, 212 et 213, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour les soutenir.

M. Patrick Hetzel. Je défendrai ces six amendements en même temps, ce qui nous permettra de gagner du temps, dans la mesure où l’argumentation est la même : la déclinaison d’un certain nombre de principes dans notre arsenal juridique. J’ai évoqué tout à l’heure le rapport de l’Unifab, lequel met fortement l’accent sur le fait que la contrefaçon est utilisée aujourd’hui par les réseaux terroristes, parce que d’autres activités, comme les trafics de stupéfiants, subissent une répression très importante. Ces réseaux cherchent donc à investir des terrains où la répression est moindre. La contrefaçon leur permet de déployer leur activité et de faciliter leurs rentrées d’argent. Le premier aspect est donc bien celui de la lucrativité.

Par ailleurs, le rapport de l’Unifab montre le lien existant entre la faiblesse des sanctions et l’évolution du profil des contrefacteurs qui, de plus en plus, sont proches des milieux terroristes dont ils sont même très souvent l’émanation. Le constat est simple : la législation est peu dissuasive – c’est pourquoi je propose d’instaurer des dispositifs plus répressifs – et, de surcroît, les peines actuelles sont rarement appliquées par les magistrats. Le législateur devrait envoyer un signal clair à ces derniers, afin qu’ils prennent garde à sanctionner sans la moindre réserve les activités de contrefaçon en bande organisée destinées à financer le terrorisme. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé ces six amendements avec certains de mes collègues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Vous demandez, monsieur Hetzel, de faire passer une peine délictuelle de trois ans, dans le cas d’un délit simple, et de cinq ans, dans celui d’un délit aggravé, à trente ans – rien de moins ! –, tout en reconnaissant par ailleurs que les juges ne prononcent jamais le maximum de la peine actuellement encourue. Je comprends mal votre raisonnement, d’autant que vous passez d’une peine délictuelle à une peine criminelle, soit du tribunal correctionnel à la cour d’assises – rien de moins ! Reconnaissez que c’est totalement disproportionné et que cela n’a pas de sens.

Par ailleurs, les peines ne visent pas à donner des signaux aux magistrats. Quel drôle d’argument ! Nous souhaitons que les magistrats puissent individualiser la peine et qu’ils soient totalement libres de prononcer celle qu’ils estiment proportionnée eu égard à la gravité des faits. Rien dans votre argumentation, monsieur Hetzel, ne peut me convaincre. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, dans la mesure où nous considérons que ces augmentations, notamment de peines de prison, sont excessives, puisque cela reviendrait à punir la contrefaçon à la même hauteur que les auteurs de meurtres. Les infractions d’atteinte à la propriété intellectuelle n’ont, du point de vue du Gouvernement, aucun rapport avec des actes de nature terroriste. S’agissant du reste, je renvoie à mon argumentation précédente : si cette activité contribue au financement du terrorisme, on peut parfaitement engager des poursuites sur la base des incriminations prévues à l’article 421-2-2 du code pénal.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. J’entends les arguments de M. le garde des sceaux sur le volet pénal. Mais je n’ai pas encore entendu la moindre contre-argumentation sur ce glissement à l’œuvre dans les organisations terroristes qui se financent au moyen de la contrefaçon ; or, il est détestable. Nous devons adresser un message clair à nos magistrats, pour que les sanctions soient exemplaires en cette matière.

(Les amendements nos 208, 209, 210, 211, 212 et 213, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 247 et 447.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n247.

M. Patrick Hetzel. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Yves Goasdoué, pour soutenir l’amendement n447.

M. Yves Goasdoué. Je le retire.

(L’amendement n447 est retiré.)

(L’amendement n247, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 241 et 129, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n241.

M. Patrick Hetzel. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n129.

M. Alain Tourret. Il est défendu.

(Les amendements nos 241 et 129, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 245 et 445.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n245.

M. Patrick Hetzel. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Yves Goasdoué, pour soutenir l’amendement n445.

M. Yves Goasdoué. Je le retire.

(L’amendement n445 est retiré.)

(L’amendement n245, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en revenons maintenant aux amendements portant article additionnel après l’article 4 ter.

Après l’article 4 ter

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n422.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement, que je vous présente avec Christian Hutin, est issu d’une proposition de loi déposée par les députés MRC sur une question qui a déjà marqué notre assemblée. Nous avons proposé une peine complémentaire de déchéance civique pour les personnes condamnées pour actes de terrorisme. La France a été touchée durement et, face à ces attaques, en tant que représentation nationale, nous devons réagir avec le Gouvernement, en réaffirmant notre détermination et en faisant savoir aux potentiels djihadistes que toute action ou tentative d’action terroriste sera réprimée avec une extrême sévérité.

La peine de déchéance civique est une réponse juridiquement efficace et symboliquement forte, qui permet de maintenir l’égalité devant la loi de l’ensemble des citoyens de la République. Le présent projet de loi est un véhicule législatif opportun pour intégrer une telle peine au code pénal. Si je n’ai pas voté l’inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution, c’est parce qu’il me semble plus efficace d’inscrire dans le code pénal une peine complémentaire, adaptée et lourde. La proposition de déchéance civique vise non seulement les droits civils et politiques, mais aussi les droits sociaux et jusqu’aux biens des personnes condamnées pour crime d’attentat, qui pourraient être confisqués.

Cette sanction complémentaire serait entre les mains du juge. Elle est conforme au principe républicain d’égalité qui nous anime. Elle évite également d’ouvrir un débat constitutionnel qui interrogerait le lien entre citoyenneté et nationalité. C’est pourquoi je vous propose une inscription de la déchéance civique dans le code pénal.

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Les positions de M. Laurent sur le sujet sont bien connues et cette proposition de déchéance civique a sa cohérence. Mais, comme vous l’avez rappelé vous-même, cette question a déjà fait, il y a quelques semaines, l’objet de longs débats dans cet hémicycle et elle a été tranchée par un vote en première lecture à la majorité des trois cinquièmes des membres qui se sont exprimés. Étant donné qu’elle sera débattue au Sénat à partir de la semaine prochaine, je ne vous propose pas de rouvrir aujourd’hui la discussion sur ce sujet. La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Ce n’est pas pour le plaisir que je reviens aujourd’hui sur un débat qui a déjà fait l’objet d’un vote. Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il n’est pas impossible que le Sénat vote un texte différent de celui de l’Assemblée nationale et que ces dissonances empêchent de convoquer le Congrès. In fine, rien ne sera inscrit dans la Constitution, et il n’y aura aucune peine complémentaire dans le code pénal, ce qui serait particulièrement dommageable. Nous devons saisir cette opportunité. Je maintiens donc mon amendement.

(L’amendement n422 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n16.

M. Éric Ciotti. Il est défendu.

(L’amendement n16, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Ciotti, pour soutenir l’amendement n97.

M. Éric Ciotti. Cet amendement vise à revenir sur l’un des principaux piliers de la loi portée par votre prédécesseure, monsieur le garde des sceaux, à savoir sur la contrainte pénale, la mesure phare de la loi de Mme Taubira. Cette contrainte concerne les délits passibles d’une peine allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. À partir du 1er janvier prochain, elle concernera tous les délits, y compris ceux relatifs au terrorisme.

C’est pour nous un sujet d’inquiétude, un danger, le fait qu’il y aura dans le code pénal, à partir du 1er janvier prochain, plus de délits qui au lieu d’une peine de prison ferme pourront être passibles d’une simple contrainte pénale. Même si, j’en conviens, celle-ci est très peu utilisée par les juridictions, elle a adressé un message particulièrement dangereux, un message de laxisme, de faiblesse, à la délinquance, un message qui s’oppose à la fermeté indispensable pour lutter contre elle et pour mieux la prévenir. Or, c’est pourtant un des enjeux de ce texte, monsieur le garde des sceaux. Vous portez votre premier projet de loi, vous êtes animé, nous le savons, par une vision différente de votre prédécesseure, beaucoup plus réaliste et pragmatique, tournée vers la recherche de résultats et non pas habitée par une forme d’idéologie. Il faut donc profiter de ce texte pour changer les grandes orientations de la politique pénale. C’est indispensable et urgent. Vous devez revenir sur cette contrainte pénale inutile, inefficace et surtout dangereuse.

M. Thierry Mariani. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous l’avez rappelé vous-même, monsieur Ciotti : il s’agit d’un dispositif qui a été voté par cette majorité il y a moins de deux ans et celle-ci n’entend pas revenir là-dessus. Vous avez parlé d’idéologie, mais à idéologue, idéologue et demi.

M. Éric Ciotti. Un demi, c’est moins !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Un et demi, c’est plus. (Sourires.) La manière dont vous appréhendez la question de la contrainte pénale est tout autant idéologique que la manière dont vous considérez que nous l’avons traitée. La commission a donc rejeté cet amendement comme tous ceux du même type.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est évidemment défavorable à l’amendement que vient de défendre Éric Ciotti pour les raisons qu’a dites le rapporteur. Je voudrais néanmoins lui répondre sur un point : il a déploré que la contrainte pénale soit étendue à tous les crimes et les délits à partir de 2017, mais il connaît très bien notre arsenal pénal et il sait qu’il s’agit d’une forme de sursis avec mise à l’épreuve, plus contraignante et avec une procédure améliorée par rapport à ce qui existait auparavant. Il n’est pas nécessaire de lui rappeler que le sursis avec mise à l’épreuve date d’une ordonnance de décembre 1958, signée du général de Gaulle, et qu’il peut s’appliquer, lui aussi, à l’ensemble des crimes et des délits. Il n’y a pas de raison que ce qui était possible par une ordonnance du général de Gaulle ne le soit pas avec la majorité de Manuel Valls et de François Hollande.

M. Thierry Mariani. C’était une autre époque !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. J’en suis d’accord.

(L’amendement n97 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n99.

M. Thierry Mariani. Il s’agit d’un amendement de repli, d’un amendement a minima par rapport à celui que vient de défendre Éric Ciotti. Que vous ne vouliez pas revenir sur les erreurs de votre prédécesseure, on peut à la limite le comprendre, même si on est persuadé que vous avez une attitude plus raisonnable, car c’est difficile de désavouer si vite, mais au moins limitons les dégâts, monsieur le ministre. Nous proposons d’exclure du dispositif de la contrainte pénale les délits terroristes. Comment peut-on sincèrement concevoir qu’une personne passible d’une peine de prison de moins de cinq ans pour participation à un réseau terroriste puisse être laissée en liberté sachant le danger qu’elle représente et qu’il ne lui soit appliqué qu’une contrainte pénale ? Chacun l’a compris : cet amendement propose de revenir sur la contrainte pénale au moins pour les délits terroristes. Ce serait un principe de précaution pour notre société.

(L’amendement n99, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. Thierry Mariani. J’en étais sûr !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous n’en êtes donc pas surpris !

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n95 rectifié.

M. Éric Ciotti. La loi Taubira a eu pour effet de priver notre dispositif de lutte contre la délinquance et la récidive d’un outil précieux puisqu’elle a supprimé les peines planchers introduites par la précédente majorité sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Elles avaient offert aux juridictions de jugement la possibilité de mieux sanctionner, de mieux combattre la récidive légale, en respectant évidemment le principe d’individualisation des peines. Les peines planchers ont été utiles et, contrairement à votre argumentation, monsieur le ministre, et à la référence à des pseudo-études scientifiques qui ne sont que des approches idéologiques, elles ont porté leurs fruits au vu des objectifs qui étaient les leurs, à savoir combattre la récidive. Nous voulons donc réinstaller au cœur de notre dispositif pénal les peines planchers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est, sans surprise, défavorable à l’amendement d’Éric Ciotti, et ce pour deux raisons. Tout d’abord parce que les peines planchers étaient une atteinte démagogique à l’encontre des juges puisqu’on leur imposait ainsi une automaticité des peines.

M. Éric Ciotti et M. Thierry Mariani. Non !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Bien sûr que si ! En plus, contrairement à ce qu’il a dit, ces peines n’avaient aucune efficacité par rapport à la récidive. Nous n’entendons donc pas revenir sur leur abrogation.

(L’amendement n95 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n96.

M. Éric Ciotti. Cet amendement vise à instaurer des peines planchers pour les réitérants. Le précédent amendement proposait de les réinstaurer dans le cadre de la récidive légale. Il s’agit donc ici d’aller plus loin en combattant aussi la réitération, phénomène beaucoup plus large que la récidive légale, juridiquement bien limitée. Il faut savoir qu’aujourd’hui, 50 % des délits du quotidien, ceux qui touchent le plus nos concitoyens, sont commis par 5 % des délinquants, devenus des professionnels sur certains créneaux. Ce sont eux qui portent atteinte au quotidien à nos libertés fondamentales, aux libertés de chaque citoyen victime de leurs agissements. Il faut donc s’attaquer au noyau dur des acteurs de la délinquance avec beaucoup plus de force et de fermeté.

(L’amendement n96, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 105 et 462, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n105.

M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre, l’évolution de la menace rend une adaptation de nos instruments juridiques nécessaire pour mieux combattre le djihadisme sur internet. En effet, si les pouvoirs publics ont mis en place des procédures pour lutter contre les sites alimentés par les djihadistes et, parallèlement, ont commencé à promouvoir un discours de mise en garde et de modération, il semble impossible d’empêcher totalement aujourd’hui la propagande djihadiste sur internet.

Cet amendement entend par conséquent créer un délit permettant d’incriminer toute personne qui consultera de manière habituelle, et sans aucun motif légitime, des sites internet qui provoquent au terrorisme, en font l’apologie et qui diffusent à cette fin des images d’actes de terrorisme ayant causé la mort. Il est évident que les chercheurs, tous ceux dont l’activité professionnelle nécessite la consultation de ces sites, seraient bien sûr exclus du champ de ce nouveau délit, mais on ne peut pas à la fois condamner la consultation de tels sites et ne pas prendre des mesures pour sanctionner les consultations fréquentes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n462.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que le précédent. En effet, il vise à créer un délit de consultation habituelle de fichiers de propagande terroriste sur un service de communication électronique signalé ou surveillé. Certes, la délictualisation de la consultation de tels sites a pour objet de faciliter les actions de prévention de la radicalisation et le placement en centre de déradicalisation en milieu ouvert. Néanmoins, les expériences menées dans d’autres pays européens prouvent qu’une politique de prévention de la radicalisation menée sur la base du volontariat montre vite ses limites. Il convient donc, pour rendre une telle action efficace, de remédier à la faiblesse du dispositif en créant un délit permettant le placement en centre de déradicalisation sous contrainte judiciaire et, à ce titre, une nouvelle infraction dont la peine, relativement faible, pourrait aisément être convertie en sursis avec mise à l’épreuve par le juge du tribunal correctionnel. Il faut toutefois éviter les excès en permettant la consultation desdits sites pour des raisons professionnelles ou citoyennes.

Mais on sait bien qu’il faut un délai pour mettre en œuvre ce dispositif. L’amendement propose donc de le rendre effectif au 1er janvier 2017 pour permettre à l’État de prendre les dispositions nécessaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. M. Mariani et M. Laurent nous proposent de créer ce fameux délit pour consultation habituelle des sites provoquant au terrorisme ou en faisant l’apologie. Nous avons eu un long débat à ce sujet lors de l’examen de la loi du 13 novembre 2014. Je vais redire pourquoi nous n’avions pas retenu cette solution qui, de prime abord, peut sembler relever de l’évidence : premièrement, la consultation habituelle de tels sites lorsqu’ils diffusent des images d’atteinte à la vie ne peut constituer à elle seule le fondement d’une incrimination pénale en raison du problème de la définition de la notion d’habitude ; deuxièmement, sur le plan constitutionnel, une telle incrimination pourrait être en contradiction avec le principe de la nécessité des délits et des peines.

Par ailleurs, je rappelle que la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme a fait de cette consultation l’un des éléments matériels constitutifs de l’infraction d’entreprise terroriste individuelle – article 421-2-6 du code pénal. En outre, par rapport à l’objectif recherché par les auteurs des amendements, la plus grande efficacité réside dans le blocage des sites, rendu possible par ladite loi. Voilà pourquoi la commission a rendu un avis défavorable aux deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement n’aurait su mieux dire ce que vient d’exprimer excellemment le rapporteur. On peut déjà parfaitement poursuivre ce genre de consultations. De plus, ces deux amendements nous paraissent contraires à l’exigence de précision de la loi pénale.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, la loi de novembre 2014, mais on ne peut pas estimer aujourd’hui que nous sommes dans le même contexte alors que la situation a dramatiquement évolué. Nous devons prendre nos responsabilités : on ne peut pas rester passifs face à la consultation de sites qui, nous ne savons, sont des outils de propagande, de prosélytisme et de recrutement, un apprentissage pour ceux qui vont devenir de futurs terroristes. Comment ne pas choisir cette solution de bon sens consistant à pénaliser la consultation des sites qui font l’apologie du terrorisme ? Je ne comprends pas, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que vous refusiez ces amendements.

Il y a des dispositions analogues pour la consultation de sites pédophiles : pourquoi refuser d’exprimer avec force la fermeté de la République à l’encontre d’outils qui propagent, qui véhiculent le terrorisme et en font l’apologie ?

Nous en avons déjà débattu ce matin à propos des géants du net et de la téléphonie : j’ai l’impression que vous faites preuve d’une certaine pudeur ! Il va falloir l’abandonner parce que malheureusement, ce sont des vecteurs désormais dominants de la propagation du terrorisme. Il va falloir lever ces réticences et cette pudeur pour mesurer la force et le danger des réseaux sur internet dans la préparation des actes de terrorisme et dans le recrutement.

Il faut aller plus loin, monsieur le ministre, et rompre avec une forme de naïveté : il faut sanctionner la consultation des sites, il faut être d’une fermeté absolue, ne rien laisser passer en la matière, s’attaquer aux plus gros, ceux qui refusent de coopérer avec la justice – vous ne l’avez pas voulu ce matin. Il faut s’attaquer aux plus petits, ceux qui consultent les sites et qui en sont les victimes, une fois qu’ils sont broyés après avoir mordu aux hameçons que lancent les recruteurs.

Je suis élu d’une circonscription où résidait le principal recruteur français, Omar Omsen : il a recruté plusieurs dizaines de jeunes de quartiers de Nice, en procédant à ses recrutements par internet. En commission d’enquête, nous avons visionné les films qu’il diffusait, avec des messages à caractère sectaire, de véritables messages d’endoctrinement.

Il faut intervenir au stade de la consultation des sites pour arrêter, interrompre leur diffusion ; nous avons défendu un amendement en ce sens ce matin, mais vous n’avez pas voulu l’accepter non plus. J’avoue ne pas comprendre, monsieur le ministre, ces réticences, ces réserves.

M. Pascal Popelin, rapporteur. C’est parce que nous respectons les principes généraux du droit !

M. Éric Ciotti. Vous semblez être en permanence en arrière de la main dès que cela concerne internet. C’est une arme peut-être plus dangereuse qu’une arme par destination, qu’une arme létale : c’est une arme à retardement, une bombe à retardement ! Il faut lutter contre cela : vous ne le faites pas, et c’est regrettable !

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Tout comme mon collègue Éric Ciotti, je ne comprends pas pourquoi ce que vous trouvez pertinent pour la pédophilie ne le serait pas pour le terrorisme. Chacun reconnaît que la consultation régulière de sites pédophiles n’est pas normale ; nous avons tous été favorables à la sanction de cette consultation, et cela est logique !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Et nous, nous avons pris les décrets que vous n’aviez pas pris !

M. Thierry Mariani. Avec le terrorisme, le raisonnement est exactement le même : consulter un site une fois ou deux, cela peut arriver à n’importe qui, par curiosité disons – s’il n’y a pas derrière d’intérêt universitaire. Mais quand quelqu’un en consulte régulièrement, il ne s’agit plus du tout de curiosité !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. C’est pénalement sanctionné !

M. Thierry Mariani. Vous nous avez dit que le texte était imprécis mais, en réalité, nous proposons tout simplement la transposition de ce que l’on fait pour la pédophilie – qui recueille l’accord de tous sur tous nos bancs – au terrorisme.

Pourquoi cette pudeur ? Pourquoi cette réserve ? Il n’y a aucune réserve à avoir sur ce sujet puisqu’internet est aujourd’hui un instrument majeur pour l’endoctrinement de certains jeunes.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je ne veux pas que l’on passe au vote sans dire un mot et laisser accroire que nous faisons l’impasse sur ce qui se passe sur le net. J’ai expliqué tout à l’heure qu’il y a des moyens de droit permettant de mettre fin à l’existence de ces sites et d’incriminer celui qui les consulte.

Simplement, le fait de prévoir de manière systématique que la consultation d’un site est un délit me paraît inapproprié à la réalité et inapplicable pour un bon fonctionnement de notre droit pénal.

M. Éric Ciotti. En quoi est-ce inapplicable ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. C’est là qu’est notre différence : elle ne porte pas sur le fond. S’il vous plaît, ne donnez pas le sentiment qu’il y aurait, d’un côté de cet hémicycle, ceux qui sont vigilants sur cette question et, de l’autre, ceux qui regardent ailleurs !

M. Éric Ciotti. C’est pourtant assez vrai !

(Les amendements nos 105 et 462, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 337 rectifié et 466, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n337 rectifié.

M. Thierry Mariani. Le nombre d’individus ayant rejoint depuis la France des groupes djihadistes en Syrie et en Irak a désormais très largement dépassé le seuil des 1 000 individus. Pourtant, depuis un an, aucune mesure administrative ou pénale n’a été prise pour traiter ces individus.

Le contrôle administratif des retours sur le territoire national, proposé par ce projet de loi, marque enfin la reconnaissance de l’existence de ce problème, mais cette réponse est beaucoup trop timide, selon nous, par rapport à sa gravité. Il est nécessaire et urgent de fournir une réponse à la hauteur de la menace que ces individus représentent quand ils reviennent sur notre territoire ; ils seraient actuellement environ 250 – M. le ministre connaît le chiffre mieux que nous.

Aussi, cet amendement, qui reprend l’article 12 de la proposition de loi du sénateur Philippe Bas tendant à renforcer l’efficacité de la procédure pénale, vise à rendre délictuel le seul fait de se rendre sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes.

Alors que la collecte d’éléments probants sur les crimes perpétrés sur les théâtres de guerre en Syrie ou en Irak est particulièrement compliquée, ce nouveau délit permettrait le contrôle judiciaire ou la détention provisoire des djihadistes dès leur retour, sans avoir à apporter la preuve de leur participation à une entreprise terroriste. Il serait sanctionné de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent pour soutenir l’amendement n466. Il pourra soutenir par la même occasion son amendement suivant, n464.

M. Jean-Luc Laurent. Comme vous le souhaitez, monsieur le président.

L’amendement n466 vise à créer un délit sanctionnant les personnes revenant de Syrie. En effet, les individus de retour de Syrie ou d’Irak peuvent d’ores et déjà faire l’objet d’un contrôle judiciaire ou d’une détention provisoire pour association de malfaiteurs à caractère terroriste.

Cela étant, il apparaît nécessaire de créer un délit pour sanctionner l’infraction consistant à se rendre à l’étranger en vue de rejoindre les rangs d’une organisation terroriste. Cela facilitera le travail de la justice et évitera de recourir à des dispositions générales du code pénal qui peuvent faire peser un risque juridique sur la procédure. Cet amendement crée donc un délit pour s’être rendu par exemple en Syrie, ce qui permettra à la justice de travailler dans la sérénité.

L’amendement n464 a pour objet la création d’une nouvelle infraction visant à réprimer les tentatives de se rendre en Syrie, en Irak ou sur un théâtre d’opérations terroristes. L’objectif est d’encourager la substitution d’une peine de contrainte pénale à une peine d’emprisonnement pour les individus condamnés pour une telle infraction. En effet, les individus concernés n’ont pas commis à ce stade de crimes et, à ce titre, peuvent faire l’objet d’actions préventives plutôt que répressives. Cela permettrait en outre de développer la déradicalisation tout en assurant un suivi et un contrôle de ces individus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Nous avons déjà longuement abordé ce sujet hier soir lorsque nous avons examiné l’article 20. D’une certaine manière, ces différents amendements proposent une forme d’alternative à l’article 20 que nous avons adopté hier.

Je veux quand même rappeler très brièvement que le droit en vigueur permet déjà de réprimer le séjour sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes, au travers de deux incriminations pénales qui permettent de sanctionner des actes préparatoires à la commission de crimes ou de délits – je les rappelle sans les détailler car je l’ai déjà fait hier : l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et l’entreprise individuelle terroriste.

Le champ de vos amendements, en particulier celui de M. Mariani, est beaucoup plus large puisqu’il dispose que constitue un acte de terrorisme le fait d’avoir séjourné intentionnellement à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes afin d’entrer en relation avec un ou plusieurs de ces groupements.

Cette rédaction rend difficile d’étayer l’incrimination pénale que vous proposez de créer et rend particulièrement difficile d’apporter la preuve contraire de cette finalité de contact. Pour prendre un exemple concret, que faites-vous d’un individu qui se rend sur ces théâtres pour entrer en contact avec l’Armée syrienne libre ? C’est une difficulté.

Monsieur Laurent, votre amendement n464 se différencie à deux titres puisqu’il réprime la simple tentative de se rendre sur de tels lieux et qu’il permet de prononcer une peine de contrainte pénale. J’y suis néanmoins défavorable, pour les mêmes raisons que celles précédemment évoquées : le droit actuel permet de poursuivre des personnes qui se rendraient en des lieux aux fins de commettre des attentats terroristes, en particulier à travers les incriminations pénales d’entreprise terroriste individuelle et d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste.

Cela prouve d’ailleurs, puisque vous proposez la contrainte pénale pour ces intentions, qu’il était utile de ne pas supprimer la contrainte pénale de manière systématique ; mais, évidemment, nous faisons confiance aux magistrats pour l’appliquer avec discernement et dans des cas qui seront forcément extrêmement rares.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement a un avis défavorable et, pour expliciter sa position, je souhaite répondre à Éric Ciotti et à Thierry Mariani sur la réticence que nous aurions à utiliser des formes d’incrimination nouvelles quand elles concernent internet.

Vous connaissez le livre de Cesare Beccaria paru en 1764, Des délits et des peines, qui militait contre l’obscurité de la loi. Il faut militer contre l’obscurité de la loi ! Si je ne suis pas favorable à vos propositions, c’est en raison de leur absence de précision.

La précision de la loi pénale, qui confine à la prévisibilité de la loi, principe constitutionnel posé par l’article 34 de la Constitution et préconisé par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, fait qu’il ne s’agit pas de créer comme cela des incriminations. Il faut être extrêmement précis dans la façon dont on les définit.

Dans le cas d’espèce, ainsi que vient de l’expliquer le rapporteur, comment peut-on arriver à étayer une intention alors même qu’il n’y a pas de contact avec une personne ? C’est évidemment parfaitement impossible et, au nom de cette prévisibilité et de cette précision, le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Il n’y a là ni pudeur, ni naïveté, mais tout simplement de la lucidité.

(Les amendements nos 337 rectifié, 466 et 464, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n214.

M. Thierry Mariani. Le présent amendement a pour objet de donner les moyens aux autorités françaises de poursuivre, si elles l’estiment utile, les activités de personnes ou de groupes qui décident d’aller combattre à l’étranger dans le cadre de certains conflits – je reconnais que nous avons déjà abordé ce sujet.

(L’amendement n214, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n215.

M. Thierry Mariani. Défendu.

(L’amendement n215, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 15 et 230, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n15 est défendu.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n230.

M. Éric Ciotti. Il s’agit du même amendement que l’amendement n30, déposé par notre collègue Guillaume Larrivé. Il concerne l’échelle des peines en matière de délits correctionnels. Aujourd’hui, les délits sont passibles au maximum de dix ans de prison.

Un débat a été ouvert ; nous avons entendu des propositions de magistrats qui nous ont fait part de la question de l’écrasement de l’échelle des peines en matière de terrorisme. Ils ont souhaité que soit créée une exception à ce plafond, que nous avons le pouvoir, en tant que législateurs, de faire évoluer, en matière de terrorisme.

Nous souhaitons soit criminaliser certains délits, soit rester dans le domaine délictuel – cela permet de traiter plus d’affaires et de façon plus simple en ce qui concerne les juridictions de jugement – mais en modifiant l’échelle des peines, qui serait aggravée en passant de dix à quinze ans pour les délits ayant trait au terrorisme. Vous me répondrez que la situation est figée : nous la connaissons. À nous de prendre nos responsabilités et de faire évoluer le droit en la matière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable. L’amendement d’Éric Ciotti introduirait par l’alignement qu’il propose une confusion dans l’échelle des crimes et des délits et rendrait la situation bien plus compliquée. En outre, vous ne prévoyez pas les spécificités procédurales propres au crime, monsieur le député ; je pense en particulier à la cour d’assises spéciale, compétente pour certains crimes, mais pas pour les délits, vous connaissez ces garanties. Votre amendement serait de nature à créer de la confusion s’il était adopté.

(Les amendements nos 15 et 230, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n104.

M. Thierry Mariani. Nous tenons particulièrement au présent amendement, car il vise à rendre obligatoire la peine complémentaire d’interdiction du territoire français pour les condamnés terroristes étrangers, sauf décision spéciale et motivée de la juridiction de jugement.

Actuellement, l’interdiction du territoire français peut être prononcée à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime ou d’un délit terroriste. Elle ne peut être prononcée à l’égard d’un mineur. Il est prévu une protection relative pour certaines catégories d’étrangers, notamment du fait de leurs liens familiaux. Le tribunal doit alors spécialement motiver sa décision. Cette peine complémentaire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l’expiration de sa peine d’emprisonnement ou de réclusion.

Au regard, monsieur le ministre, du faible nombre de peines complémentaires aujourd’hui prononcées, il est proposé qu’elles soient rendues systématiques, et qu’elles soient automatiquement prononcées, sauf décision spécialement motivée en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.

En d’autres termes, monsieur le ministre, quand une personne étrangère est condamnée pour terrorisme, est-il normal qu’une fois sa peine de prison exécutée elle reste sur notre territoire ? Franchement, le principe de précaution invoqué à tout bout de champ dans d’autres matières me semble ici devoir évidemment être appliqué : un étranger qui a fait de la prison et qui s’est rendu coupable d’actes de terrorisme n’a plus sa place en France à sa sortie de prison.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Votre amendement est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la nécessité d’individualisation des peines…

M. Éric Ciotti. Merci de la rappeler !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je le précise, monsieur Ciotti, parce qu’à plusieurs reprises vous avez présenté des amendements dont j’ai considéré, peut-être à tort, qu’ils posaient un problème de constitutionnalité.

M. Éric Ciotti. Nous ne le saurons jamais, car ils n’ont pas été adoptés !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Le cas échéant, le jour où une disposition d’un tel type sera adoptée, nous verrons ce que le juge constitutionnel en pensera.

M. Éric Ciotti. C’est vous qui déposerez les recours !

M. Pascal Popelin, rapporteur. En l’espèce, la disposition que vous proposez me semble conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui exige, sur ce point de l’automaticité des peines complémentaires, que la juridiction compétente puisse écarter ce type de peine ou en faire varier la durée. Dans ce contexte, je comprends mal l’intérêt que présente cette mesure puisque les juridictions ont déjà la faculté d’appliquer une telle peine…

M. Thierry Mariani. Ce n’est qu’une faculté !

M. Pascal Popelin, rapporteur. …et que même avec votre dispositif il leur sera toujours possible de déroger à cette automaticité. C’est pour cette raison que votre proposition est conforme à la Constitution.

Sur le plan des principes, nous l’avons dit et répété non seulement au cours de cette séance mais depuis le début de cette législature, nous sommes attachés à l’individualisation des peines, qui est le corollaire du plein pouvoir de juridiction. Je fais donc confiance aux magistrats pour prononcer, lorsque c’est nécessaire, ce type de peine, en procédant à la juste appréciation de la personnalité de l’auteur en considération des circonstances de l’espèce.

Enfin, j’aimerais insister sur la nécessité de dire la vérité à nos compatriotes : il faut tenir compte de la capacité à exécuter les décisions de justice. Dans les faits, un certain nombre de personnes, parce que leur pays d’origine n’accepte pas de les réadmettre, ne peuvent être expulsées. Faire croire à nos compatriotes que nous pouvons, au moyen de différents dispositifs législatifs, rendre systématique l’expulsion d’une personne de nationalité étrangère qui s’est rendue coupable de crime terroriste sur notre territoire revient à leur raconter l’histoire des relations internationales comme s’ils étaient des petits enfants.

M. Jean-Luc Laurent. C’est discutable ! On pourrait appliquer le même raisonnement à la déchéance de nationalité !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis défavorable.

(L’amendement n104 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 217, 216 et 66, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n217.

M. Thierry Mariani. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai conjointement les amendements nos 217 et 216, que j’ai cosignés avec mon collègue Marsaud.

M. le président. Je vous en prie, cher collègue.

M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre, j’aimerais vous citer un extrait de l’édition du magazine Le Point du 16 janvier 2015 : « Mohamed el-Ayouni est quant à lui blessé à Falloujah. Amputé d’un tiers du bras gauche, il perd la vue de son œil gauche. Il rentre en France. Il demande une allocation adulte handicapé. Et l’obtient des services sociaux… » Franchement, les services sociaux ont-ils vocation à verser une « prestation djihadiste handicapé » ?

M. Pascal Cherki. Oh !

M. Thierry Mariani. Vous pouvez toujours vous exclamer, cher collègue, cela ne changera rien aux faits.

L’amendement n217 a donc pour but d’interdire à toute personne se rendant à l’étranger dans le but de participer à des activités terroristes la perception de prestations sociales de toute nature dont elle est le bénéficiaire en France, qui pourraient être utilisées pour le financement de futurs déplacements ou actions terroristes, comme cela a été constaté récemment. L’amendement suivant, n216, vise à interdire à toute personne se rendant à l’étranger dans le but de participer à des activités terroristes, la perception des prestations sociales de toute nature dont elle est bénéficiaire en France.

J’ai entendu des exclamations sur certains bancs mais, puisque le Salon de l’agriculture a lieu en ce moment, comment expliquer à une veuve d’agriculteur qui perçoit 220 euros de pension de réversion qu’un individu parti faire la guerre en Syrie, où il aura combattu face à nos troupes, rentre en France après être devenu handicapé et se voit verser une allocation adulte handicapé ? On se demande parfois si on ne marche pas sur la tête !

Monsieur le ministre, je sais qu’une partie de ce problème ne relève pas de votre ministère, mais des caisses de sécurité sociale et des départements, mais les pouvoirs publics ont le devoir de trouver une solution. C’est incompréhensible ; c’est précisément ce type de nouvelles qui nourrit les scores de certains partis extrémistes.

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement n66.

M. Philippe Goujon. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. On peut toujours essayer de tirer des généralités d’un cas particulier. Personne ne cherchera d’ailleurs à justifier un exemple aussi absurde. Je rappellerai cependant que sur le plan constitutionnel, en vertu du principe d’égalité, le bénéfice d’une allocation ne peut être remis en cause pour d’autres raisons que des manquements relatifs à la nature de l’allocation versée. Par ailleurs, les conditions dans lesquelles il peut être procédé à la suspension du versement d’une allocation sont précisées par la loi ; elles concernent notamment le fait de quitter le territoire national. Vous avez donné un exemple, je vous répondrai par 300 cas : 300 personnes en 2014 ont vu le versement de leurs prestations suspendu au motif qu’elles avaient quitté le territoire national.

M. Éric Ciotti. Y compris par le conseil départemental des Alpes-Maritimes !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous voyez donc bien que c’est possible !

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Certes, monsieur le rapporteur, c’est possible, mais est-il normal que les cotisations sociales payées par les citoyens français servent à verser des prestations à de tels individus revenus blessés des affrontements en Syrie ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous avez raison !

M. Thierry Mariani. Vous dites que nous avons raison mais vous ne faites rien !

M. Pascal Popelin, rapporteur. C’est faux !

M. Thierry Mariani. Je le répète : ce type d’exemples révolte les gens. Vous avez sans doute raison, il n’y a peut-être que cinq cas au total. Je suis honnête, je n’en ai trouvé qu’un dans la presse, mais je reste persuadé qu’il y en a et qu’il y en aura – hélas ! – d’autres. Même si ces cas sont marginaux, il est de notre devoir de trouver une solution, car c’est totalement révoltant.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le rapporteur s’est exprimé avec la précision qui convient. Le cas évoqué par M. Mariani heurte l’opinion, évidemment, mais comme il l’a dit avant que je ne puisse le faire, cela ne concerne ni le droit pénal ni la procédure pénale, auxquels se limite mon champ de compétence. Je peux donc simplement rappeler – le président du conseil départemental ici présent pourra le confirmer – que la suppression des aides sociales est totalement découplée de la condamnation pénale.

M. Gérard Sebaoun. Très bien !

(Les amendements nos 217, 216 et 66, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Yves Goasdoué, pour soutenir l’amendement n451.

M. Yves Goasdoué. Le présent amendement a pour objet les associations de victimes. La loi prévoit que celles-ci peuvent se porter parties civiles après cinq années d’existence. À l’occasion des auditions auxquelles nous avons été invités à participer, un certain nombre de victimes nous ont clairement indiqué qu’elles souhaitaient pouvoir s’unir et ester plus facilement en justice.

Naturellement, il convient d’éviter la multiplication des constitutions de parties civiles au cours d’un procès, afin de ne pas biaiser le cours de celui-ci. Le recours au mécanisme de la fédération permet de restreindre le nombre d’associations présentes au procès et répond donc à cet objectif.

Nous l’avons souvent entendu, le texte est certainement lacunaire, mais le présent amendement appelle une réponse de la part soit du rapporteur, soit du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. C’est en effet un sujet dont nous avons débattu en commission et qui fait largement consensus à la fois au sein de la représentation nationale et du Gouvernement, même si je ne veux pas anticiper sur vos propos, madame la secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes.

Conformément à l’engagement que j’avais pris, Philippe Goujon, Georges Fenech, Sébastien Pietrasanta – respectivement président et rapporteur de la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015 – et moi-même sommes cosignataires d’un autre amendement ; qu’un rapporteur et des députés cosignent un amendement est un fait rare, mais que les cosignataires soient des députés de la majorité et de l’opposition est plus rare encore et mérite d’être souligné. Cela montre que la préoccupation pour ce sujet et le souci d’aboutir à une solution sont vraiment très largement partagés.

Je vous demande donc de retirer votre amendement au profit de celui du Gouvernement, dont l’écriture est sans doute la plus aboutie parmi les amendements venant ensuite en discussion sur le même sujet. Cette remarque vaudra sans doute aussi pour l’amendement collaboratif dont je viens de vanter les mérites.

M. le président. La parole est à M. Yves Goasdoué.

M. Yves Goasdoué. Compte tenu de ce que vient de dire M. le rapporteur, je retire mon amendement.

(L’amendement n451 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 551 et 366, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes, pour soutenir l’amendement n551.

Mme Juliette Méadel, secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, après avoir présenté l’amendement n551 du Gouvernement, je donnerai l’avis de ce dernier sur les deux amendements suivants, nos 366 et 87. Ces différents amendements ont en effet pour objet commun de donner aux associations ou aux fédérations d’associations de victimes d’actes de terrorisme la capacité de se constituer parties civiles.

J’aimerais tout d’abord vous dire à quel point je suis honorée de prendre pour la première fois la parole devant cette assemblée, devant vous, mesdames, messieurs les députés, sur un sujet aussi important que la défense des droits des victimes d’infractions terroristes.

M. Éric Ciotti. Nous sommes honorés de vous écouter !

Mme Juliette Méadel, secrétaire d’État. Avoir le droit de se constituer partie civile, pour une association de victimes, c’est accéder au dossier d’instruction et donc être mieux et plus simplement informée, les spécialistes du droit le savent. Le Premier ministre a choisi de placer sous son autorité un secrétariat d’État chargé de l’aide aux victimes dont j’ai la charge, ce qui est inédit, et dont le rôle principal est de coordonner, animer et faire évoluer le dispositif de prise en charge des victimes d’actes de terrorisme mais aussi d’accidents collectifs ou industriels, ou encore de catastrophes naturelles.

Cette mission, je la mènerai en concertation avec les ministères concernés, en premier lieu le ministère de la justice mais aussi les ministères des affaires sociales et de l’intérieur, le Quai d’Orsay, les ministères des transports et du logement, et bien entendu avec le Parlement. Je vous sais très impliqués dans ce sujet, mesdames et messieurs les députés, en particulier l’avocat que vous êtes, Pascal Cherki !

M. Pascal Cherki. Passionné, même !

Mme Juliette Méadel, secrétaire d’État. Enfin, je ne conçois pas l’action du Gouvernement en matière d’aide aux victimes sans les associations de victimes ni les victimes elles-mêmes. Nous devons coconstruire les solutions ensemble. À ces douleurs collectives, nous devons apporter des réponses collectives. Tout comme vous, je serai en priorité à l’écoute des victimes. Je le suis déjà. Je les ai rencontrées et nous avons entamé ensemble ce cheminement. L’écoute s’inscrit dans une véritable politique d’intervention en faveur des victimes que nous voulons aider dans leur parcours de reconstruction. C’est lors de l’une de ces rencontres, au cours de ces deux premières semaines d’action, que les associations m’ont fait part de leur souhait de pouvoir se constituer partie civile sans attendre de compter cinq années d’existence, comme l’exige actuellement le code de procédure pénale.

Naturellement, ma première démarche a consisté à faire expertiser une telle possibilité par notre garde des sceaux, ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas, et la seconde à la soumettre au vote de la représentation nationale le plus vite possible. Grâce à l’amendement n551, les victimes constituées en association seront tenues informées de la procédure plus facilement et leurs démarches seront simplifiées. En effet, l’objet du secrétariat d’État dont j’ai la charge est de simplifier la vie des victimes dans le maquis administratif auquel elles sont confrontées. Il leur permettra également de disposer d’un interlocuteur unique, l’association chargée de les représenter, ce qui simplifiera également leur accès à l’information.

Un certain nombre de victimes ont souhaité se regrouper pour faire face à l’avenir. Je citerai simplement les mots de Georges Salines, dont vous avez forcément entendu parler. Évoquant sa fille Lola, il explique que défendre ses intérêts en justice, pour lui et pour l’avenir, c’est « supporter l’insupportable ». Cette attente forte fait consensus, me semble-t-il, le rapporteur l’a rappelé. Elle procède plus globalement d’un besoin de simplification des démarches que les victimes doivent entreprendre. L’amendement n451, qui vise à autoriser les fédérations d’associations de moins de cinq ans à se constituer partie civile, ne correspond pas aux attentes des associations car ce sont les associations qui nous ont saisis et non les fédérations.

La commission a déposé à nouveau en séance publique un amendement – l’amendement n366 –, quasi identique à celui du Gouvernement. Cet amendement est incomplet car il ne fait pas référence à l’article L. 90-1 du code de procédure pénale permettant à l’association d’être informée régulièrement de l’état d’avancement de la procédure. Quant à l’amendement n87, il vise, certainement par erreur, à modifier l’article L. 2-15 du code de procédure pénale relatif aux accidents collectifs au lieu de modifier l’article L. 2-9 applicable aux infractions terroristes. Je demanderai donc aux auteurs des amendements nos 451, 366 et 87 de bien vouloir les retirer au profit de l’amendement présenté par le Gouvernement. J’insiste sur le fait que nous travaillons à une coconstruction avec la commission des lois afin d’améliorer la reconnaissance des droits des victimes pour réparer le mieux possible le tort qu’elles sont subi.

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin, pour soutenir l’amendement n366.

M. Pascal Popelin. Je laisse notre collègue Philippe Goujon le présenter.

M. Philippe Goujon. Nous sommes partis du constat dressé par la commission d’enquête selon lequel les associations constituées par des victimes à la suite d’attentats n’ont pas les moyens, par définition, de se porter partie civile et d’ester en justice car elles ont moins de cinq ans d’existence et même beaucoup moins. Or il est nécessaire qu’elles soient partie civile dès l’origine du processus. Dans ces conditions, il faut modifier la législation. Je souhaite bien entendu la bienvenue dans cet hémicycle à Mme la secrétaire d’État mais il aurait été souhaitable qu’elle inaugure son mandat en approuvant un amendement cosigné par la majorité et l’opposition, ce qui est fortement symbolique et assez rare, comme l’a souligné M. le rapporteur. Cela aurait été une belle entrée en matière pour une secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes, ou de tout autre sujet d’ailleurs.

Cette succession d’amendements est la marque de tâtonnements et d’une progression juridique. Elle trouve son origine dans l’amendement n87 dont je suis l’auteur, un amendement identique ayant été retiré en commission au profit d’une rédaction collégiale afin de répondre à cette légitime demande des victimes d’attentat. Ce n’est pas par erreur qu’il vise l’article L. 2-15 du code de procédure pénale mais afin d’initier au Parlement une démarche en faveur des victimes. Le groupe Les Républicains a accepté l’élaboration d’une nouvelle rédaction à quatre mains, ou plutôt à quatre parlementaires, afin que cette démarche transpartisane satisfasse les victimes et aligne le régime de leurs associations sur celui applicable aux associations de victimes de catastrophes naturelles.

Il est vrai que nous ne visons plus l’article L. 2-15 du code de procédure pénale mais l’article L. 2-9 et que nous prévoyons dorénavant un agrément du pouvoir réglementaire tenant compte de leur représentativité. Je pense que la différence est mince entre l’amendement gouvernemental et l’amendement transpartisan. Il aurait été opportun de retenir dans cette assemblée l’amendement des parlementaires, qui rallie une immense majorité, et non celui du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Dans cette discussion, ce qui nous réunit tous, c’est l’objectif, c’est-à-dire les victimes et leurs familles ainsi que leur capacité à agir dans les procédures en cours et à en être informées, ce qui me semble très important. J’entends la remarque formulée par notre collègue. Certes, avec un peu plus de temps, nous aurions été plus précis. Parfois, la représentation nationale corrige des omissions de coordination et des rédactions gouvernementales. Là, il se trouve que c’est l’inverse.

Si vous m’y autorisez, mon cher collègue, je propose de retirer notre amendement au profit de celui du Gouvernement, mieux adapté aux publics que nous ciblons et dont nous souhaitons satisfaire les attentes. Nous ferons ainsi preuve, et ce ne sera pas la première fois dans ce texte, d’une belle unanimité qui démontrera par ailleurs que tout le monde s’y est mis sur ce sujet important qui n’est pas à mésestimer dans toutes les réflexions que nous menons dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

L’amendement n87 que vous avez déposé, monsieur Goujon, propose une modification de l’article L. 2-15 du code de procédure pénale qui fait lui-même référence aux accidents collectifs et non aux attentats. L’amendement proposé par le Gouvernement répond à la demande très précise des associations de victimes d’attentats.

La parole est à M. Philippe Goujon.

Je retirerai bien entendu l’amendement n87 afin de resserrer le champ du dispositif. C’est la raison pour laquelle M. le rapporteur et moi-même avons travaillé à la rédaction de l’amendement n366. Je lui donne volontiers mon accord pour le retirer, dans la mesure où il est bien évident que nous poursuivons tous le même objectif : satisfaire les victimes d’attentats terroristes, ce qui est primordial, on le comprend. Sur le fond, l’amendement du Gouvernement modifie la situation dans le bon sens, c’est une certitude. Je regrette néanmoins que cette latitude n’ait pas été laissée aux parlementaires mais retire, en accord avec M. Popelin, l’amendement n366.

(L’amendement n366 est retiré.)

(L’amendement n551 est adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n87, dont il a déjà été largement question. Le retirez-vous, monsieur Goujon ?

Comme je l’ai annoncé, je le retire.

(L’amendement n87 est retiré.)

M. le président. Vous conservez la parole, monsieur Goujon, pour soutenir l’amendement n90 rectifié.

M. Philippe Goujon. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. L’avis du Gouvernement est défavorable, non pas en raison de l’objet de l’amendement mais des modalités qu’il prévoit. L’aggravation des peines applicables au délit de refus de coopérer avec la justice pour les crimes et délits terroristes uniquement pose un problème de cohérence du code pénal. D’autres infractions punies des mêmes peines que celles prévues pour des actes de terrorisme, dont la réclusion criminelle à perpétuité, n’entraîneraient pas une telle aggravation des sanctions. Je comprends que l’on prenne une telle initiative et suis prêt à poursuivre la réflexion mais les lacunes de l’amendement m’empêchent de lui donner un avis favorable alors que j’en partage l’objectif.

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Dommage ! Nous avons eu ce matin un débat très important et très utile sur les besoins de l’autorité judiciaire, qui se trouve confrontée au refus des constructeurs de smartphones de livrer des clés de chiffrement codées permettant de remonter la piste de terroristes. Des amendements très importants ont été soutenus par certains de nos collègues, de l’opposition comme de la majorité, MM. Galut et Ciotti proposant soit de fortes amendes soit des sanctions commerciales et financières. J’ai d’ailleurs voté ces amendements mais il se trouve qu’ils ont été rejetés à la fois par la commission et par le Gouvernement.

Nous nous trouvons peut-être ici dans une situation permettant d’améliorer le traitement de ces sujets. Cet amendement, qui en toute modestie peut être considéré comme un compromis, permettrait d’avancer sur ce sujet, notamment lors de la navette parlementaire. Il vise en effet à traduire dans la loi le concept de responsabilité partagée que le ministre de l’intérieur a souhaité faire prospérer lors de sa visite aux entreprises de la Silicon Valley. Il fixe clairement la responsabilité pénale des constructeurs de clés de chiffrement refusant de coopérer avec la justice, lesquels seraient désormais passibles de cinq ans d’emprisonnement et 350 000 euros d’amende. Il alourdit également la simple peine d’amende des personnes sollicitées pour la mission en la portant de 3 750 euros à 15 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement.

Peut-être plus que d’autres, cet amendement respecte l’échelle des peines. Il constitue un complément utile à l’article L. 230-1 du code de procédure pénale permettant une sanction réaliste des constructeurs et aussi des collaborateurs sollicités à cet effet. Il faut bien reconnaître que la peine prévue actuellement est tout à fait dérisoire. Il s’agit d’un amendement à la fois de repli et d’équilibre, d’un vecteur utile et raisonnable de sanction des organismes comme des agents non coopératifs. C’est la raison pour laquelle la commission des lois y a donné un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Sur le fond, nous sommes tous d’accord pour dire que le renforcement des sanctions applicables en cas de refus de coopérer avec la justice constitue l’un des meilleurs vecteurs pour améliorer les conditions d’accès de l’autorité judiciaire à certaines informations nécessaires à la manifestation de la vérité ou à l’élucidation de certains faits.

Sur la forme, cet amendement pose un problème de cohérence dans le code de procédure pénale, ce qui conduit légitimement le Gouvernement à y être défavorable. Il se trouve que nous avons pu il y a quelques minutes nous rallier à un amendement du Gouvernement, car il en proposait un. Tel n’est pas le cas ici. Je propose donc que nous votions l’amendement de M. Goujon, à charge pour le Gouvernement de procéder aux coordinations nécessaires lorsque le texte sera examiné au Sénat.

M. le président. Cela est-il de nature à incliner le ministre à la sagesse ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Non, l’avis demeure défavorable !

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Pour pousser notre avantage, j’accepte volontiers de modifier la première partie de l’amendement, qui porte sur l’article 60-1 du code de procédure pénale, en insérant après les mots « y compris celles issues d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives » les mots « et celles relatives à des prestations de cryptologie visant à assurer une fonction de confidentialité ». Pour supprimer la coordination prévue à l’article 60-2, je propose de généraliser la peine de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende à tous les cas de refus de coopération des personnels sollicités. C’est un pas gigantesque que je fais dans votre direction, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je suis toujours réticent aux modifications apportées ainsi au banc et crains les approximations, qui peuvent être pires que les lacunes relevées. Je préfère que vous conserviez à cet amendement sa forme initiale, monsieur Goujon. Si le Gouvernement est battu, il sera battu. De toute façon, le débat se poursuivra au Sénat et nous examinerons la cohérence du tout en CMP.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Je vous invite, mes chers collègues, à battre le Gouvernement, comme vient de le suggérer le ministre avec beaucoup de sagesse et, une fois n’est pas coutume, à suivre notre rapporteur ! (Sourires.)

M. Pascal Popelin, rapporteur. Ne portez pas tort au cheminement de cet amendement, monsieur Ciotti !

M. Éric Ciotti. M. Goujon l’a excellemment défendu. Vous avez fait preuve ce matin d’une extrême frilosité, d’une peur qui vous a empêchés de prendre les mesures indispensables contre ces géants qui refusent de coopérer avec la justice et vous terrorisent…

M. Pascal Popelin, rapporteur. Ne chargez pas la mule !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Ne m’invitez pas à reprendre l’offensive ! (Sourires.)

M. Éric Ciotti. Vous avez là une occasion de vous rattraper, chers collègues, en adoptant cet amendement qui vise à renforcer les sanctions pénales à l’encontre de ceux qui refusent de coopérer dans le cadre d’injonctions judiciaires, afin de prévenir des attentats ou d’élucider certains crimes. Vous avez refusé ce matin l’audace à laquelle je vous invitais, consentez cet après-midi à adopter cet amendement !

S’il le faut, nous en améliorerons la rédaction au cours de la navette. Mais nous devons envoyer un message clair par rapport à une situation dont nous avons tous reconnu la gravité et souligné l’importance. Il est impossible que ce texte soit adopté mardi prochain sans que n’y figure une disposition permettant de renforcer les sanctions à l’encontre de ceux qui refusent de coopérer avec la justice et de débloquer les situations où la technologie empêche l’élucidation.

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Il ne coûte rien d’adopter cet amendement ; il nous permet de sortir par le haut, si je puis dire, d’un débat qui n’a débouché sur rien ce matin. Il constitue une matière brute, que le Gouvernement pourra modeler lors de la navette. Et je suis sûr qu’in fine, une disposition pourra être adoptée de façon tout à fait consensuelle.

(L’amendement n90 rectifié est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 84 et 103, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement n84.

M. Philippe Goujon. Il est important de sécuriser sur le plan juridique les expérimentations de regroupement et d’isolement des détenus prosélytes, comme celle conduite à Fresnes, en établissant un cadre légal proche de celui de la mise en isolement, et assorti des mêmes garanties procédurales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je suis désolé, monsieur Goujon, de mettre fin à l’expérimentation consistant à adopter de concert avec vous de nombreux amendements (Sourires). Il convient que ces dispositifs demeurent au stade de l’expérimentation. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Il est défavorable. L’expérimentation, qui ne nécessite pas de base législative, doit se poursuivre sous sa forme actuelle.

(L’amendement n84 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n103.

M. Éric Ciotti. Il est défendu.

(L’amendement n103, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 506 et 507, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Patrick Devedjian, pour les soutenir.

M. Patrick Devedjian. L’amendement n506 vise à compléter le premier alinéa de l’article L. 821-7 du code de la sécurité intérieure en prévoyant que les échanges et les conversations entre un avocat et un détenu ne peuvent faire l’objet d’aucune mesure d’interception. Cela procède de l’évidence, mais va mieux en le disant… Cette disposition est en outre conforme à l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme, ainsi qu’à la jurisprudence de la CEDH sur le sujet.

L’amendement n507, quant à lui, pose le principe de protection du secret des échanges entre un avocat et son client – pas nécessairement le détenu – contre toute tentative de surveillance dans le cadre pénitentiaire.

M. le président. Je vous invite à soutenir également l’amendement n524, monsieur Devedjian.

M. Patrick Devedjian. Cet amendement vise à compléter l’article L.821-7 du code de la sécurité intérieure, adopté en 2015, qui interdit qu’un parlementaire, un magistrat, un avocat ou un journaliste – toutes professions soumises au secret professionnel – puisse faire l’objet d’une demande de mise en œuvre, sur le territoire national, d’une technique de recueil de renseignement à raison de l’exercice de son mandat ou de sa profession, en mentionnant les communications et correspondances électroniques.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement identique n186 rectifié.

M. Pascal Cherki. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Notre droit prévoit déjà une protection particulière des correspondances en lien avec l’exercice de la profession ou du mandat à l’égard des techniques de renseignement. L’article L. 821-7 du code de la sécurité intérieure dispose que lorsqu’une demande de mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignement concerne un parlementaire, un magistrat, un avocat ou un journaliste, leurs véhicules, leurs bureaux ou leurs domiciles, l’avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement est examiné en formation plénière. Pour être membre de cette commission, je peux vous assurer que nous ne dérogeons jamais à cette obligation.

Par ailleurs, l’article 40 de la loi pénitentiaire de 2009 prévoit que les correspondances échangées entre les personnes détenues et leur défenseur ne peuvent être ni contrôlées ni retenues. Je ne crois pas nécessaire d’aller au-delà.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Nous avons déjà eu ce débat ce matin. Pour répondre à la préoccupation qui s’était manifestée en commission des lois, le Gouvernement a fait adopter un amendement portant article additionnel et prévoyant qu’un parlementaire, un magistrat, un avocat ou un journaliste ne peuvent être écoutés à raison de l’exercice de leur mandat ou de leur profession. Nous avons repris la formule qui figure dans la loi relative au renseignement, conforme à la convention européenne des droits de l’homme, et qui a été validée par le Conseil constitutionnel.

M. le président. Monsieur Devedjian, maintenez-vous vos amendements ?

M. Patrick Devedjian. Je les retire, monsieur le président.

(Les amendements nos 506, 507 et 524 sont retirés.)

M. le président. Monsieur Cherki, retirez-vous l’amendement n186 rectifié ?

M. Pascal Cherki. Il me semble en partie satisfait par l’amendement adopté ce matin. Si le rapporteur et le ministre le confirment, je le retirerai.

M. le président. Ils le confirment.

(L’amendement n186 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement n83.

M. Philippe Goujon. Le dialogue constructif de la majorité et de l’opposition va peut-être se poursuivre, puisqu’il s’agit de reprendre un amendement de Dominique Raimbourg à la loi relative au renseignement, que la navette n’avait malheureusement pas permis de préserver. Cet amendement visait à permettre à l’administration pénitentiaire de refuser la délivrance d’un permis de visite ou de retirer celui-ci, ainsi que de contrôler le courrier postal des détenus s’adonnant au prosélytisme.

Par le présent amendement, nous proposons de permettre la retenue de correspondance lorsque des pressions graves sont exercées ou réitérées sur autrui en faveur d’une religion, d’une idéologie, ou d’une organisation violente ou terroriste. Nous proposons aussi d’introduire un nouveau cas de refus de permis de visite : le prosélytisme avéré en faveur de mouvements ou d’actions tendant à favoriser la violence ou le terrorisme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. L’avis est défavorable, car les articles 35 et 40 de la loi pénitentiaire de 2009 offrent déjà ces possibilités.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis.

(L’amendement n83 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 85, 226 et 30, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement n85.

M. Philippe Goujon. Cet amendement introduit une dérogation à la loi pénitentiaire pour permettre une fouille par palpation systématique des détenus aussi bien que des visiteurs, avant et après chaque visite. Lors de la séance des questions au Gouvernement de mardi, le fléau de l’introduction des téléphones portables dans les prisons a été évoqué : 27 000 appareils ont été saisis en 2014, un chiffre qui a triplé en moins de cinq ans. Les détenus radicalisés font pression sur d’autres détenus, voire les soudoient pour qu’ils transmettent des messages ou des objets lors des parloirs. Depuis la loi pénitentiaire, qui commence à dater, et que nous approuvons – du moins une partie d’entre nous – dans ses grandes lignes, le contexte a changé. Notre pays connaît désormais une situation de guerre, qui nécessite des mesures bien plus strictes.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n226.

M. Éric Ciotti. Je rappelle à M. le rapporteur et à M. le ministre que, pour ma part, je n’ai pas voté la loi pénitentiaire ; il n’est donc pas incohérent que je propose de revenir sur son article 57, par un amendement similaire à celui que j’avais déposé à l’époque.

Vous avez rappelé les chiffres, monsieur le garde des sceaux. Ils sont effrayants : 31 000 portables ou éléments de portable ont été saisis en 2015, 27 000 l’avaient été en 2014. Nous savons aujourd’hui que des actes de délinquance se préparent depuis la prison, grâce à des communications avec l’extérieur. Cela est inacceptable.

Nous savons, pour les écouter et les rencontrer, que les chefs d’établissement réclament la faculté, que nous pourrions leur offrir par cet amendement, de pouvoir procéder à des fouilles des détenus comme des visiteurs, avant ou après les parloirs. C’est, là aussi, une question de bon sens. Nous ne pouvons pas laisser les prisons à la dérive, comme nous le déplorons aujourd’hui. Il faut au contraire les reprendre en main, et c’est sans doute l’une des tâches les plus difficiles que vous aurez à accomplir, monsieur le garde des sceaux. L’administration pénitentiaire a besoin de beaucoup plus de moyens. Je salue d’ailleurs le courage et le travail remarquable des gardiens, confrontés à des situations de tension parfois inextricables. Il faut construire plus de places de prison pour restaurer l’autorité de la République en ces lieux. Les prisons ne doivent pas devenir des zones de non-droit. Alors qu’elles sont censées lutter contre la délinquance et la prévenir, elles deviennent parfois les lieux mêmes où celle-ci s’organise et se prépare ! Tout est à reprendre mais il faut commencer par régler cette question car, tant que nous laisserons introduire en prison des outils de communication avec l’extérieur, nous connaîtrons de telles déconvenues.

Monsieur le garde des sceaux, je vous conjure de revenir sur cette disposition qui fut une erreur et une faute.

M. le président. Toujours dans cette discussion commune, l’amendement n30 est défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Nous pouvons reconnaître à M. Ciotti le mérite de la constance puisqu’il n’a pas voté la loi pénitentiaire de 2009 ! Je pense sincèrement que ce n’est pas en inscrivant dans la loi le principe de la fouille systématique que l’on résoudra la question. En effet, le nœud du problème, dont tout le monde a conscience dans cet hémicycle, est le manque de moyens de l’administration pénitentiaire. À cet égard, la décision historique de créer plus d’un millier de postes au sein de l’administration pénitentiaire, ce qui ne s’était jamais produit par le passé, me semble autrement plus importante, plus efficace et de nature à répondre à nos attentes.

Je vous propose par conséquent de conserver le cadre juridique actuel et de veiller à ce que les engagements nouveaux et exceptionnels pris par le pouvoir exécutif soient effectivement mis en œuvre dans les meilleurs délais. Car nous partageons en effet la même préoccupation : l’univers carcéral ne doit pas devenir une zone de non-droit où il serait possible de faire tout et n’importe quoi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement soulève une question très importante car il est inadmissible, en effet, qu’entrent en détention des objets illicites et personne ne connaît de mesure plus efficace que la fouille pour l’empêcher. Or, il demeure qu’en vertu de l’article 57 de la loi pénitentiaire de 2009 – que vous n’aviez pas votée, monsieur Ciotti, mais que la majorité de l’époque avait approuvée –, la pratique de fouilles systématiques est interdite.

M. Éric Ciotti. Nous avons commis quelques petites erreurs, mais vous êtes là pour les réparer.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Nous devons réfléchir pour répondre le plus efficacement possible à cette situation, dans le respect du cadre fixé par la CEDH.

Sans aller jusqu’à l’automaticité des fouilles, que la CEDH condamnerait, il nous reste une marge de manœuvre pour faire évoluer l’organisation interne des établissements car, ne l’oublions pas, les chefs d’établissement ont la responsabilité dans cette affaire.

Surtout, on ne le dit pas assez, les fouilles à corps sont une mesure dégradante, contrairement à ce que prétendait ce matin Nicolas Dhuicq, qui ne voyait en elles qu’une mesure de sécurité.

M. Alain Tourret. Exactement.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. La France a d’ailleurs été condamnée à ce titre. C’est bien pour cette raison que Mme Alliot-Marie, alors garde des sceaux, avait soutenu cette disposition dans la loi pénitentiaire. C’est une mesure dégradante pour tout le monde !

M. Patrick Devedjian. Bien sûr.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Pour le détenu, naturellement, mais aussi pour le surveillant. Il faut ne jamais avoir discuté avec des surveillants de prison pour ne pas en avoir conscience. Nous devons trouver un chemin de crête entre l’efficacité, qui suppose de sécuriser les établissements et nous a conduits à créer des postes de surveillants – une promotion de 868 surveillants de prison sortira fin avril de l’École nationale de l’administration pénitentiaire, du jamais vu – et le respect scrupuleux des droits de l’homme, des garanties apportées par la Constitution de la VRépublique et la CEDH. Je suis investi sur ce sujet et prêt à étudier toute proposition, mais le Gouvernement ne saurait être favorable à votre amendement qui rendrait les fouilles systématiques.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Monsieur le garde des sceaux, vous avez tenu des propos dont je salue l’excellence. Je vous donnerai un seul exemple. J’ai refusé de revenir en prison, alors que j’étais avocat, le jour où l’on m’a forcé à passer sous un portique électronique. Il était scandaleux que l’on m’impose un tel procédé alors que j’avais prêté le serment, en ma qualité d’avocat, de respecter la République.

Vous imaginez aisément que la fouille systématique va bien au-delà du simple passage sous un portique électronique. La mesure ici proposée est insupportable. Admettons que je sois amené à retourner en prison en tant que parlementaire : me soumettrait-on à une fouille systématique ?

Rappelons d’ailleurs que certaines fouilles systématiques, avant que l’on ne vote la loi relative à la présomption d’innocence, s’apparentaient à un viol légal ! C’est ce que nous avions plaidé avec Patrick Devedjian, qui doit s’en souvenir, en 1999. Il a fallu que l’on fasse inscrire dans la loi qu’un certain nombre de palpations ne pouvaient plus continuer à être pratiquées comme elles l’étaient. Parce que j’avais plaidé une telle cause, une pétition a circulé dans tous les commissariats de France contre moi, dénonçant mes propos jugés scandaleux. Je les maintiens pourtant ! D’autant plus qu’il s’agissait surtout, à l’époque, de protéger ceux à qui l’on demandait de pratiquer de telles fouilles.

Adopter un tel amendement reviendrait à opérer un insupportable retour de plusieurs décennies en arrière, même si bien sûr, il faut trouver des solutions pour empêcher l’introduction de dizaines de milliers de portables chaque année dans les prisons.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Merci, monsieur le garde des sceaux, pour votre réponse. Vous ne niez pas le problème ni ne le balayez d’un revers de main. Vous en soulignez au contraire la gravité et nous partageons votre analyse sur ce point.

Vous avez évoqué les contraintes conventionnelles. Je ne les ignore pas et sans doute pourrait-on améliorer la rédaction de mon amendement. S’agissant de la fouille des détenus, on pourrait ainsi supprimer le terme « systématique » puisque, de toute manière, laissée à l’appréciation du chef d’établissement, cette fouille ne pouvait être, par principe, systématique.

Quant aux visiteurs, le même dispositif pourrait être instauré et il suffirait que vous proposiez un sous-amendement afin d’ôter le caractère systématique.

Je ne suis pas certain que les réponses que vous avez apportées soient immédiatement opérationnelles. Elles le seront peut-être dans un avenir plus ou moins proche – hélas, sans doute assez éloigné – mais pour le moment, le problème de l’organisation, depuis la prison, d’actes terroristes et de grande criminalité, reste entier car le lien est maintenu avec l’extérieur.

Un article d’un grand quotidien du soir, qui saluait l’efficacité des juridictions interrégionales spécialisées dans le démantèlement de la grande criminalité en Corse, nuançait son propos en soulignant qu’à présent que les grands leaders de cette criminalité étaient tous détenus, les actes criminels étaient organisés depuis la prison. Nous le savons et nous devons cesser d’être naïfs. Saisissons donc l’opportunité qui se présente.

Monsieur Tourret, j’entends bien vos réserves mais la période nécessite que l’on prenne nos responsabilités.

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Vous oubliez un élément important : nous vivons une période très difficile, nous sommes en guerre, si l’on reprend les propos du Premier ministre et du Président de la République. Dès lors, les règles établies à une certaine époque ne peuvent plus être les mêmes.

J’avais proposé un amendement pour instaurer une vidéosurveillance des parloirs ….

M. Pascal Cherki et M. Denys Robiliard. Pardon ?

M. Philippe Goujon. Il a malheureusement été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 alors qu’il aurait permis d’améliorer la sécurité dans les prisons, car l’on sait bien que l’essentiel des trafics a lieu dans les parloirs. Il aurait aussi eu le mérite d’offrir une protection juridique aux chefs d’établissement qui, souvent, ne savent comment réagir. Nous devons les sortir de cette situation difficile.

Nombre d’amendements, en particulier le mien mais aussi celui de M. Ciotti, ne visent pas à supprimer l’article 57 de la loi pénitentiaire mais simplement à le compléter. Selon cet article, les fouilles sont justifiées par les risques que le comportement de personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans les établissements. Il ne s’agit pas de fouilles intégrales, lesquelles ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. Les investigations corporelles internes restent proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin n’exerçant pas au sein de l’établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l’autorité judiciaire.

Nos amendements tendent simplement à ce que l’on fasse systématiquement obstacle à l’introduction d’objets en prison.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Au-delà de la théorie et de la nécessité de se montrer extrêmement vigilant, notamment quant à l’introduction de portables en prison et aux exactions qui pourraient en découler, je veux témoigner de ce que vivent les familles qui fréquentent les parloirs. Pour rencontrer ces familles depuis des années, je connais ce sujet aussi bien que les avocats. Et je ne voudrais pas qu’au travers de ce débat, nous jetions l’opprobre sur des milliers, des dizaines de milliers de familles de détenus qui, dans des conditions souvent difficiles, s’entretiennent quelques minutes ou quelques heures dans les parloirs avec un proche.

Je ne voudrais pas qu’on en vienne un jour aux fouilles à corps ou à des caméras de vidéosurveillance dans les parloirs. Je sais de quoi je parle. Un peu de dignité dans ce débat, s’il vous plaît.

(Les amendements nos 85, 226 et 30, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement n114.

M. Philippe Goujon. Nous en revenons à cet éternel sujet de la présence des téléphones portables ou de terminaux clandestins de connexion à internet en prison. En effet, malgré les annonces du ministre, le problème n’est toujours pas résolu. L’administration pénitentiaire reconnaît elle-même que ces appareils sont utilisés, pour 20 % d’entre eux, à des fins malveillantes – pression sur les victimes, organisation de trafics ou d’évasion, radicalisation, comme ce fut le cas pour Nemmouche, Kouachi ou Coulibaly.

Il s’agit d’inscrire dans la loi l’interdiction des téléphones portables et des terminaux de connexion à internet en prison car elle n’est prévue, aujourd’hui, qu’au plus bas niveau réglementaire, par une annexe à l’article R. 57-6-18 du code de procédure pénale et une circulaire du 9 juin 2011, ce qui est extrêmement faible.

Nous devons clarifier le droit pour renforcer la base légale des interceptions que les services de renseignement pénitentiaires pourront désormais réaliser. Cela éviterait également tout risque de revirement ultérieur. Nous ne sommes pas, aujourd’hui, assurés que les portables resteront interdits en prison puisqu’une simple circulaire suffirait à changer la donne.

Votre prédécesseure, monsieur le garde des sceaux, a d’ailleurs failli les légaliser par décret, sur recommandation de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Vous vous en souvenez.

Nous voulons, par cet amendement, renforcer l’interdiction de ces appareils en prison en l’inscrivant dans la loi, et entendre votre position sur le sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous l’avez dit vous-même, monsieur Goujon : ce n’est pas du domaine de la loi. Que je sache, aucun établissement pénitentiaire du territoire de la République française n’admet dans son règlement l’usage des téléphones portables.

Par ailleurs, nous disposons d’outils légaux permettant de procéder à la détection, au brouillage et à l’interruption des communications clandestines, au-delà du recours aux techniques de renseignement tel que la loi relative au renseignement de juillet 2015 le prévoit et au-delà de l’article 4 ter du présent projet de loi, qui inclut le bureau du renseignement pénitentiaire dans les administrations habilitées à recourir aux techniques de renseignement. L’article 727-1 du code de procédure pénale prévoit déjà que, « aux fins de prévenir les évasions et assurer la sécurité et le bon ordre des établissements […], les communications téléphoniques des personnes détenues peuvent, à l’exception de celles avec leur avocat, être écoutées, enregistrées et interrompues par l’administration pénitentiaire sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent ».

M. Philippe Goujon. Oui, mais il s’agit des communications sur téléphone fixe.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il faut plutôt considérer la question du point de vue de la technique. Nous parlions tout à l’heure des moyens humains destinés à assurer le respect des règles existantes, mais ceux-ci doivent s’accompagner de moyens techniques. Aujourd’hui, 638 brouilleurs équipent les prisons. Certes, comme l’a indiqué le garde des sceaux dans de précédents débats, certains sont technologiquement dépassés. Je connais cependant la volonté du Gouvernement de remédier à cet état de fait. Peut-être le garde des sceaux apportera-t-il des précisions, mais je crois savoir que 3 millions d’euros sont d’ores et déjà engagés pour moderniser ces outils et les rendre efficients, c’est-à-dire compatibles avec les nouvelles technologies allant au-delà de la 2G.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. L’essentiel a été dit sur le sujet. Reste les actes. Et, comme c’est là-dessus que vous me jugerez, je vous propose d’attendre les actes avant de voter de nouvelles dispositions législatives dont nous n’avons pas besoin.

(L’amendement n114 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n98.

M. Éric Ciotti. Il est défendu.

(L’amendement n98, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 5

(L’article 5 est adopté.)

Article 6

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n259.

M. Pascal Cherki. Il s’agit, à l’alinéa 2 de l’article 6, d’insérer, après le mot : « parties », les mots : « et après avoir recueilli leurs observations ». L’amendement vise en effet à prévoir que la mesure garantissant l’anonymat du témoin ne pourra être prise qu’après un débat contradictoire en chambre du conseil.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable ?

M. Pascal Cherki. Pourquoi ?

(L’amendement n259 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 152 rectifié et 262.

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n152 rectifié.

M. Alain Tourret. Nous demandons qu’il soit précisé, après l’alinéa 6, que : « Les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables aux avocats ayant agi en audience publique ou dans le cadre de la communication avec leurs clients, dans l’exercice des droits de la défense. » En la matière, il nous semble que c’est un minimum !

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n262.

M. Pascal Cherki. J’espère que, cette fois-ci, le rapporteur et le ministre motiveront leur avis !

Pour ce qui est de l’amendement, j’estime comme M. Tourret que cette précision est la moindre des choses.

M. Sergio Coronado. Assurément !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Elle a déjà eu ce débat. Mais puisque vous m’invitez à allonger la discussion, monsieur Cherki, sachez que je partage votre souci de concilier l’exercice des droits de la défense et la nécessaire protection des témoins lorsque ceux-ci sont exposés à des risques graves de représailles et, pour cette raison, voient leur identité remplacée par un numéro d’identification au cours des audiences publiques ou dans les jugements rendus publics.

Toutefois, votre proposition conduirait de facto à amoindrir la portée de la mesure de protection, à priver par conséquent le témoin protégé d’une garantie importante et, in fine, à vider le mécanisme de sa substance.

La divulgation de l’identité du témoin ou des informations permettant son identification ne sont pas nécessaires à l’exercice des droits de la défense dans la mesure où les parties, défense comprise, en ont déjà connaissance. Seul le public ignore l’identité réelle du témoin. La protection instituée par le nouvel article 706-62-1 du code de procédure pénale constitue donc une mesure par essence beaucoup plus favorable aux droits de la défense que le témoignage anonyme, lequel empêche, sauf exception, de connaître l’identité du témoin.

M. le président. Même avis, monsieur le garde des sceaux ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Oui, monsieur le président.

(Les amendements identiques nos 152 rectifié et 262 ne sont pas adoptés.)

(L’article 6 est adopté.)

Article 8

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 12 et 397.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n12.

M. Sergio Coronado. Le débat, qui a déjà eu lieu en commission, est récurrent. Il s’est également tenu, par exemple, lors de l’examen de la proposition de loi du groupe GDR portant sur les violences revendicatives. S’il est légitime d’inclure dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, les personnes suspectées de crimes ou de délits graves, notamment pour des infractions sexuelles – la lutte contre les crimes à caractère sexuel étant ce qui a justifié, au départ, la création de ce fichier –, et ce afin de faciliter l’élucidation de crimes et délits, il semble en revanche peu opportun, voire inquiétant et dangereux, de procéder au fichage génétique systématique de militants politiques.

M. Pascal Cherki. Vous avez raison !

M. Sergio Coronado. Majorité et opposition ont déjà débattu de ce point. Lors des grandes manifestations contre la loi Taubira, des militants de la « Manif pour tous » avaient refusé, après avoir été arrêtés, que l’on prélève leur empreinte génétique.

M. Denys Robiliard. C’est exact.

M. Sergio Coronado. Des familles m’avaient saisi pour que je proteste auprès de la garde des sceaux, ce que j’ai fait, indiquant même que je me rendrais auprès de ces personnes pour dire mon opposition au fichage génétique, surtout quand il est appliqué à des manifestants qui assument pleinement leur action et le font à visage découvert.

C’est pourquoi cet amendement vise à empêcher que soient conservées les empreintes génétiques des personnes suspectées, poursuivies ou condamnées pour des délits d’atteinte aux biens, de violation de domicile ou d’atteinte à un système de traitement automatisé des données commis dans ces circonstances. J’espère que M. le rapporteur voudra bien le soutenir.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n397.

M. Christophe Cavard. Je ne répéterai pas ce qu’a dit mon collègue Sergio Coronado, mais j’aimerais comprendre en quoi élargir à ce point l’enregistrement et la conservation des données de ces personnes constituerait une avancée. Ayant accueilli très positivement, depuis le début de la discussion, plusieurs dispositions du texte, j’avoue ne pas très bien saisir ici l’enjeu, d’autant que les personnes en question ne sont pas vraiment celles que vise le projet de loi ! Je souhaite donc que notre demande soit entendue.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Elle a déjà engagé le débat et je crains que nous ne puissions malheureusement pas le conclure aujourd’hui.

Je comprends votre préoccupation, mes chers collègues. Il n’est en effet absolument pas nécessaire que les empreintes génétiques de ces personnes soient conservées, compte tenu des circonstances très particulières dans lesquelles elles ont commis les infractions. Toutefois, vos amendements – et je plaide en partie coupable de n’avoir pu trouver mieux – soulèvent d’importantes questions juridiques. Je n’ai pas réussi jusqu’à présent à trouver un amendement qui puisse y répondre, bien que je sois convaincu qu’il faille le faire.

La difficulté est que la durée et les modalités de conservation des empreintes génétiques au sein du FNAEG sont déjà encadrées par la loi et ont été jugées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

M. Sergio Coronado. Certes…

M. Pascal Popelin, rapporteur. La durée de conservation des empreintes, fixée par décret, ne peut excéder quarante ans pour un condamné et vingt-cinq ans pour un suspect. Le Conseil constitutionnel a jugé qu’il appartient au pouvoir réglementaire, statuant par décret en Conseil d’État, de proportionner ces durées à la nature et à la gravité des infractions. C’est donc le pouvoir réglementaire qui pourrait fixer des durées plus courtes afin de tenir compte des considérations que vous évoquez.

S’agissant des personnes seulement suspectées d’avoir commis une infraction, leurs données peuvent déjà être effacées sur instruction du procureur de la République agissant soit d’office, soit sur la demande de l’intéressé, lorsque la conservation n’apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier. La personne concernée peut saisir le juge des libertés et de la détention si le procureur n’a pas ordonné l’effacement, et la décision du juge est elle-même contestable devant le président de la chambre de l’instruction. Il est donc possible, pour ces magistrats, de tenir compte des circonstances de la commission de l’infraction.

S’agissant des personnes définitivement condamnées, il paraît difficile d’établir – même si c’est dans cette direction que je cherchais d’éventuelles solutions – une distinction entre les délits d’atteinte aux biens, de violation de domicile ou d’atteinte à un système informatique selon les circonstances dans lesquelles ils ont été commis, en prévoyant une présomption de moindre gravité pour ceux qui ont été commis à l’occasion de conflits du travail, d’activités syndicales ou de mouvements collectifs. Juridiquement, il y aurait là une atteinte difficilement justifiable au principe d’égalité.

Voilà pourquoi je suis contraint de ne pas donner un avis favorable à vos amendements au nom de la commission, fort marri néanmoins de n’avoir pu, dans le temps qui nous était imparti entre l’examen en commission et la discussion en séance publique, trouver une solution qui m’aurait convenu. Étant opiniâtre de nature, j’espère que nous y parviendrons. Je doute que ce soit à l’occasion du passage au Sénat – ne nous racontons pas d’histoires ! –, mais peut-être un prochain véhicule législatif nous permettra-t-il, je l’espère en tout cas, de régler une partie du problème que vous soulevez.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je comprends le sujet et je vois bien ce que le parlementaire souhaite. Cela dit, prendre comme principe les circonstances de la commission de l’infraction et non pas un critère objectif rendrait l’application de la disposition extrêmement difficile. Les amendements indiquent : « au cours de manifestations ». Or, dans une manifestation, il peut y avoir à la fois des casseurs et des manifestants. À ce stade, donc, et compte tenu de cette rédaction, je suis moi aussi extrêmement dubitatif. Aussi, pour éviter de vous être désagréable, je préférerais que vous retiriez vos amendements, messieurs les députés, faute de quoi je donnerai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Je veux bien entendre que la rédaction soit perfectible, mais nous avons ce débat depuis le début de la législature. J’ai évoqué la proposition de loi du groupe GDR, qui, après avoir reçu dans un premier temps un avis favorable du Gouvernement, avait été rejetée par voie radiophonique, un matin, juste avant que ne commence la réunion de la commission des lois – vous vous en souvenez certainement, cher président ! À chaque débat consacré à cette question, on nous objecte que le véhicule n’est sans doute pas le bon.

Si ce n’est pas le bon moment, alors convenez au moins avec nous qu’il est inutile, et même contre-productif, de conserver dans un fichier qui vise en fait des crimes à caractère sexuel les empreintes de manifestants qui ont commis des actes certes violents, et pour lesquels ils ont d’ailleurs été condamnés, mais à visage découvert et au nom de revendications syndicales, associatives ou politiques. Si nous sommes d’accord à ce sujet, prenez l’engagement, avec le grand pouvoir de conviction qui est le vôtre, monsieur le garde des sceaux, de trouver le véhicule idoine. Plusieurs textes vont arriver en discussion, notamment celui relatif à la « justice du XXIsiècle », qui devraient permettre d’aboutir.

Sans cet engagement, le Gouvernement donne l’impression de botter en touche à chaque débat. Selon les personnalités qui le représentent, il le fait avec plus ou moins de talent, mais le résultat est le même : il ne se passe rien et, finalement, les militants politiques et les responsables syndicaux ou associatifs continuent à représenter un vivier considérable pour le FNAEG, contrairement à tous les engagements qui avaient été pris.

(Les amendements identiques nos 12 et 397 ne sont pas adoptés.)

M. Éric Ciotti et M. Philippe Goujon. Heureusement que nous sommes là pour voter contre !

M. le président. Ce n’est pas la première fois ! (Sourires.)

M. Éric Ciotti. Nous ne sommes pourtant pas payés de retour !

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n426.

M. Sergio Coronado. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Même avis défavorable que sur l’amendement précédent, même si celui-ci est mieux écrit.

(L’amendement n426, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 196 et 286.

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n196.

M. Alain Tourret. Cet amendement vise à abroger une disposition contraire à la fois à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et au principe d’individualisation des peines.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n286.

M. Sergio Coronado. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Cela me paraît un peu rapide. En effet, l’honorable cour d’appel de Pau, je parle devant une collègue élue des Pyrénées-Atlantiques, a estimé une disposition non conforme à la jurisprudence d’une instance qui ne s’était pas prononcée sur la question alors que le Conseil constitutionnel, qui n’est pas moins respectable, a jugé que ledit article 706-56 du code de procédure pénale était conforme à la Constitution.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement n’est pas totalement convaincu par l’argument de l’inconventionnalité. Le FNAEG est un fichier d’identification des auteurs d’infractions dont l’efficacité repose sur la certitude qu’il est correctement alimenté. En sanctionnant le refus du prélèvement biologique, le III de l’article 706-56 du code de procédure pénale tend à garantir cette efficacité. En conséquence, je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 196 et 286 ne sont pas adoptés.)

(L’article 8 est adopté.)

Article 11

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n133.

M. Sergio Coronado. Le délit d’atteinte aux systèmes de traitement automatisé des données commis en bande organisée a été créé par la loi de novembre 2014 et les amendes ont été alourdies par la loi relative au renseignement votée en juillet 2015. La loi prévoit donc déjà, pour ce délit, de nombreuses techniques spéciales d’enquête, à l’exception de la garde à vue spéciale et des perquisitions de nuit.

Les débats ont abouti à un alourdissement des peines et à une surenchère répressive. Il ne me semble donc pas nécessaire de procéder à une troisième modification du cadre législatif en à peine dix-huit mois.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Même avis défavorable du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. En effet.

(L’amendement n133 n’est pas adopté.)

(L’article 11 est adopté.)

Après l’article 11

M. le président. La parole est à M. Meyer Habib, pour soutenir l’amendement n278, portant article additionnel après l’article 11.

M. Meyer Habib. Par cet amendement, je demande au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement sur la nécessité de doter notre système judiciaire d’une juridiction spécialisée en matière de cybercriminalité.

En effet, aujourd’hui, les juridictions compétentes sont des juridictions interrégionales spécialisées, ce qui est tout à fait insuffisant. Le constat est absolument alarmant : en juin 2014, le rapport de Marc Robert, magistrat, faisait état de pas moins de 33 000 faits relevant de la cybercriminalité enregistrés par la gendarmerie et de plus de 50 000 infractions constatées par la police nationale.

En France, le nombre d’incidents contre les sociétés a bondi de 51 % en 2015, ce qui correspond à vingt-et-un incidents par jour. Je citerai l’exemple d’Orange France qui, en mai 2014, a été victime d’une cyberattaque conduisant au vol de données personnelles de plus de 1,3 million de clients ! Ces chiffres démontrent que les cybercrimes et cyberdélits font désormais partie intégrante de notre société. Nous devons prendre la mesure de ce terrible danger.

Les cyberattaques ont lieu sur tous les fronts : sociétés, particuliers, systèmes de défense. Tout le monde est frappé. Il est incontestable que nombre d’entre elles sont liées au terrorisme. Après janvier 2015, 19 000 sites internet français ont été l’objet de cyberattaques, majoritairement organisées par des pro-islamistes. Le groupe AnonGhost, par exemple, avait revendiqué la publication de données personnelles d’une dizaine d’employés des ministères des finances et de l’intérieur et affirmait posséder une base de plus de dix mille noms, qu’il menaçait de publier. Ces faits d’armes sont menés par des pirates d’une très grande compétence.

Dès octobre 2014, le procureur de Paris, François Molins, souhaitait mettre l’accent sur la lutte contre la cybercriminalité en réorganisant le parquet financier. Or, à ce jour, une section composée de deux magistrats seulement y est dédiée.

Une riposte crédible n’est donc pas possible en l’état actuel de l’organisation judiciaire. Il convient donc de doter le système judiciaire central et territorial de parquets et de juridictions spécialisés, composés de magistrats formés. Hélas, la formation de nos magistrats dans ce domaine est quasi inexistante : il faut savoir qu’aucune formation initiale n’est proposée à l’École nationale de la magistrature, ce qui est tout à fait dramatique.

Face à ces crimes et délits spécifiques, la France doit se doter des outils nécessaires. Tels sont les objectifs du présent amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Sans mésestimer ou considérer comme inopportunes, sur le fond, les questions sur lesquelles vous souhaitez obtenir des précisions de la part du Gouvernement, je vais redire ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire hier. Je suis navré que ma dernière intervention en qualité de rapporteur ait pour but de repousser un amendement, mais je le ferai au nom de cette doctrine que j’ai déjà eu l’occasion d’exposer à trois reprises au cours de ce débat. En effet, mes chers collègues, j’aurai répondu non à quatre reprises à certains d’entre vous qui souhaitaient faire obligation dans la loi au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement.

Nous, parlementaires, possédons toute l’expertise nécessaire pour établir les rapports que nous estimons utiles pour éclairer notre action ou conforter notre capacité à contrôler l’action du Gouvernement. Le Gouvernement, s’il le souhaite, peut naturellement élaborer des rapports et les présenter à la représentation nationale, mais il ne me paraît pas souhaitable que nous lui confiions cette tâche dans la loi, alors que nous sommes chargés de le contrôler. Cela revient en effet à nous déposséder de nos moyens de contrôle.

Ce n’est nullement, cher collègue, un avis ad hominem, ni une position défavorable à l’encontre de votre groupe puisque j’ai, ce matin même encore, repris un amendement émanant de collègues de votre groupe et qui n’était pas défendu – je vous invite à les en informer.

L’avis de la commission est défavorable pour une raison de principe : nous n’avons pas besoin d’inscrire dans la loi, quelles que soient l’importance des sujets évoqués et leur pertinence, qu’il appartient au Gouvernement de nous éclairer alors que, tant sur le plan constitutionnel que technique, nous disposons de tous les moyens d’obtenir cet éclairage par nous-mêmes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je partage naturellement la conviction du rapporteur (Sourires). Dans le cas d’espèce, le 6 février 2014, le procureur général Marc Robert a remis à la Chancellerie un rapport sur la cybercriminalité qui me paraît largement satisfaire vos aspirations. Je peux, si vous le souhaitez, vous le faire parvenir.

M. Éric Ciotti. Vous avez pourtant refusé, ce matin, de mettre en place ses préconisations !

M. le président. La parole est à M. Meyer Habib.

M. Meyer Habib. Monsieur le rapporteur, vous nous présentez, dites-vous, pour la quatrième fois la doctrine de la commission des lois. Or il existe une autre doctrine, celle de la commission des finances, présidée par Gilles Carrez, qui, elle, autorise les rapports. Vous savez parfaitement que l’on m’aurait opposé l’argument de l’irrecevabilité fondé sur l’article 40 de la Constitution !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il ne s’agit pas d’un problème réglementaire, mais simplement de notre pratique et de notre conception. Sur le plan réglementaire, votre demande est totalement fondée !

M. Meyer Habib. Si c’est la doctrine de la commission, en ce cas…

(L’amendement n278 n’est pas adopté.)

Article 22

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement de suppression n169.

M. Pascal Cherki. Cet amendement vise à supprimer l’article 22 dont la rédaction nous paraît assez contestable puisqu’elle vise à conférer au parquet tous les pouvoirs détenus aujourd’hui par le juge d’instruction, ce qui est antinomique avec la maîtrise de l’accusation dont bénéficie le parquet.

Au détour d’un article de ce projet de loi, on bouleverse tout l’équilibre de notre droiten conférant au procureur de la République le soin de promouvoir le contradictoire, alors que la Cour européenne des droits de l’homme met en doute, je ne dis pas que c’est toujours fondé, l’impartialité théorique du ministère public…

M. Éric Ciotti. Ce n’est pas vrai !

M. Pascal Cherki. …pendant l’enquête puisque ce même ministère public représente ensuite l’accusation à l’audience. Je pense à l’arrêt de la CEDH Moulin c/France du 23 novembre 2010.

C’est la raison pour laquelle il nous paraît prématuré d’introduire un tel article dans ce projet de loi. Si nous devions faire évoluer substantiellement le fonctionnement de notre procédure pénale, ce devrait être à l’occasion d’un large débat et pas ainsi au détour d’un article de projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Monsieur Cherki, vous commettez une erreur d’appréciation. Il n’a jamais été question de faire du procureur de la République un juge d’instruction. Comme vous le savez, nous nous trouvons actuellement au carrefour de nombreuses routes.

En outre, vous savez bien que nous ne pouvons remettre en cause l’utilité des enquêtes. Si 3 % des affaires donnent lieu à une instruction, cela signifie que 97 % résultent des enquêtes.

Je veux bien faire droit à ce que vous souhaitez, mais il faudrait tripler, voire quadrupler les effectifs – ce qui ne manquera pas d’alerter le garde des sceaux.

Cet article 22, qui est avant tout un article de clarification, affirme un principe qui existe déjà dans la réalité. Lorsque, dans le cadre d’une procédure, vous apportez à un procureur de la République un élément de preuve, un témoignage, une analyse, il l’amène au dossier, surtout si c’est un élément probatoire.

Nous savons que les procureurs de la République enquêtent de manière impartiale et que les instructions individuelles de la Chancellerie au ministère public ont été abolies. Mais, vous avez raison de le souligner, l’indépendance n’est pas totale et elle est à parfaire.

Je me tourne de l’autre côté de l’hémicycle pour demander à mes collègues de mêler leurs voix aux nôtres pour aboutir à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, car c’est de là que vient la difficulté. Cela permettrait de répondre aux objections que nous adresse la Cour européenne des droits de l’homme au nom de sa vision de l’indépendance de la justice.

Vous commettez, cher collègue, je le redis, une erreur d’appréciation. Il convient de laisser à cet article sa seule dimension de clarification. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l’étonnement de la rapporteure car cet amendement supprimerait la disposition du projet rappelant aux magistrats du parquet les obligations qu’ils doivent respecter, ce qui, de notre point de vue, constitue une véritable garantie pour le justiciable.

Il y est en effet rappelé que le procureur doit, dans ses attributions de direction de la police judiciaire, respecter les droits des personnes et veiller à ce que les investigations tendant à la manifestation de la vérité soient accomplies à charge et à décharge.

Il n’y a évidemment dans ce rappel aucune atteinte à la fonction du juge d’instruction puisque cette disposition ne procède nullement d’une confusion entre les magistrats du siège et ceux du parquet. Le procureur, s’il n’est pas un juge, ni au sens de la procédure pénale ni au sens de la convention européenne des droits de l’homme, est cependant un magistrat, garant de la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution.

Enfin, cette disposition n’implique nullement une volonté de suppression ou de remise en cause de la fonction du juge d’instruction, fonction que je crois indispensable à notre démocratie, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler devant la commission des lois. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Puisque je provoque l’étonnement conjoint de notre rapporteure et du ministre, je vais retirer cet amendement, mais je maintiens qu’élargir les pouvoirs du parquet pendant la phase de l’enquête pose un problème alors que le parquet, in fine, dans le cadre d’une procédure qui débouchera sur une instruction ou une audience, correctionnelle ou criminelle, représentera l’accusation. Je considère qu’il y a là un déséquilibre. Il ne nous appartient pas d’y remédier aujourd’hui, mais j’avertis notre assemblée : cet article nous créera davantage de problèmes à l’avenir avec la Cour européenne des droits de l’homme qu’il n’apportera de solutions. J’accepte néanmoins de retirer cet amendement.

(L’amendement n169 est retiré.)

(L’article 22 est adopté.)

Après l’article 22

M. le président. Je suis saisi de trois amendements portant article additionnel après l’article, nos 9, 410 et 474, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n9.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à prévoir l’assistance par l’avocat en cas du transport d’une personne gardée à vue. En effet, comme l’indique le rapport de la mission Beaume, « il n’est pas rare que, lors d’une audition, le mis en cause donne une information sur le lieu d’un butin, d’un cadavre, d’un instrument du crime, d’une cachette de complices, ou sur une circonstance matérielle ayant pu échapper aux diligences des enquêteurs… Cette audition ayant eu lieu en principe avec l’assistance de l’avocat, la découverte en présence du mis en cause d’éléments fournis par lui et péremptoires à son encontre, rend nécessaire, aux yeux de la mission, que ce transport ait lieu avec l’assistance de l’avocat ou, au moins, celui-ci dûment appelé ».

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n410.

M. Christophe Cavard. Il est défendu.

M. le président. La parole est de nouveau à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n474.

M. Sergio Coronado. Il est également défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. M. Coronado a raison : dès lors qu’un acte de procédure est réalisé en présence d’un avocat, celui-ci doit être informé, quoi qu’il arrive, d’un déplacement éventuel. Il est vrai que cette préoccupation n’est pas satisfaite… Pardonnez-moi, nous venons d’apprendre une très mauvaise nouvelle et sommes très émus. Il est un peu difficile pour moi de continuer. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement souhaiterait que M. Coronado retire l’amendement n9. À défaut, il émettra un avis défavorable, puisqu’en l’état du droit, la précision proposée est pour partie inutile.

Si, à l’occasion d’un transport, la personne gardée à vue est entendue, son avocat doit déjà être prévenu. En l’absence d’audition, l’article 27 quater ajouté par la commission des lois et transposant la directive européenne sur l’accès à l’avocat insère dans le code de procédure pénale un article 61-3 prévoyant que l’avocat pourra être présent pour les parades d’identification et pour les reconstitutions de scènes de crime. Hors ces cas, dans l’hypothèse d’un transport sans audition, la présence d’un avocat n’apparaît en rien utile à l’exercice des droits de la défense. Dès lors, il convient de ne pas compliquer inutilement la tâche des enquêteurs.

Ainsi, l’amendement est pour l’essentiel satisfait par le droit existant ou par d’autres dispositions du projet.

(Les amendements nos 9, 410 et 474, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Article 23

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n239, qui tend à supprimer l’article.

M. Éric Ciotti. Il est défendu.

(L’amendement n239, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n171.

M. Pascal Cherki. Je propose que le pouvoir de suspension temporaire d’un officier de police judiciaire soit détenu après saisine non par le président de la chambre de l’instruction mais par le président du tribunal de grande instance.

M. le président. Mes chers collègues, pardonnez-moi d’interrompre un instant nos travaux. C’est avec une grande émotion que je vous fais part d’une nouvelle dramatique. Nous venons d’apprendre le décès brutal de notre collègue Sophie Dessus, députée de la première circonscription de Corrèze. Le président de l’Assemble nationale lui rendra hommage mardi prochain.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Monsieur le président, je vous demande de bien vouloir suspendre la séance.

M. le président. Je crois que nous en avons tous besoin.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Quelles que soient les circonstances, nous devons poursuivre nos travaux.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je tiens à dire au nom du Gouvernement la peine que nous ressentons à l’annonce du décès de Sophie Dessus. Nous étions très nombreux à bien la connaître. Elle nous laissera le souvenir de son optimisme contagieux, de son sourire, de son engagement au sein de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Elle manquera beaucoup à la Corrèze, elle manquera beaucoup à la commission dans laquelle elle siégeait, elle manquera beaucoup à l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir accordé cette suspension. Au nom des députés du groupe SRC, je veux dire toute notre émotion d’avoir perdu notre collègue. Sophie manquera aussi dans ma circonscription, à Bayonne, où elle venait souvent. Elle fréquentait, comme moi, la librairie de la Rue en pente. Elle aimait s’y rendre tous les étés, ainsi qu’au marché de Bayonne, où nous avions l’habitude de prendre un café. Je suis très émue et très touchée par cette nouvelle.

Mais nous sommes ici pour travailler. Je vais donc répondre à M. Cherki sur son amendement n171.

La procédure de sanction appartient à la chambre de l’instruction, formation spécialisée de la cour d’appel, qui intervient en deuxième juridiction. Elle est donc composée de magistrats du siège et non du parquet, comme l’indique l’exposé des motifs.

Le parquet peut retirer l’habilitation spéciale des officiers, puisqu’il la leur accorde, mais ce retrait n’a rien de définitif et il ne concerne pas les agents. En outre, ce n’est pas cette procédure que vise l’article 23 et que réformerait l’amendement. Enfin, très peu d’affaires disciplinaires touchent à la qualité d’agent ou d’officier de police judiciaire, de sorte qu’il n’est pas aberrant de faire exercer cette prérogative par des juridictions de second degré : on évitera ainsi que la juridiction ne découvre la procédure à chaque nouveau cas, ce qui se produirait immanquablement au niveau du tribunal de grande instance.

Je vous suggère par conséquent de retirer cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est en harmonie avec la rapporteure : retrait ou avis défavorable. La sanction des règles de discipline s’imposant aux officiers de police judiciaire, aux agents de police judiciaire et aux agents de police judiciaire adjoints est confiée par les articles 224 et suivants du code de procédure pénale à la chambre de l’instruction. Son président dispose déjà, d’ailleurs, de certaines prérogatives. Il convient donc de confier à celui-ci un nouveau pouvoir de sanction plutôt que d’introduire dans la procédure un nouvel acteur, qui n’exerce actuellement aucune compétence en la matière.

M. le président. Monsieur Cherki, retirez-vous votre amendement ?

M. Pascal Cherki. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n171 est retiré.)

(L’article 23 est adopté.)

Article 24

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 553 rectifié et 172, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n553 rectifié fait l’objet du sous-amendement n571.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n553 rectifié.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le présent amendement améliore l’article 24 du projet de loi, qui institue une phase de règlement contradictoire dans les enquêtes conduites par le procureur de la République. La rédaction proposée est intermédiaire entre celle du projet initial, limitée aux enquêtes longues, dont la durée excède un an, et celle retenue par la commission des lois, étendue à toutes les enquêtes préliminaires, quelle que soit leur durée, même en l’absence de demande des personnes intéressées.

Le texte de la commission, en raison de son caractère systématique, rendrait le dispositif applicable à plus de 375 000 procédures d’enquête par an et risquerait de provoquer une désorganisation complète de la chaîne pénale et d’engendrer un ralentissement majeur de la réponse judiciaire, alors que telle n’est évidemment pas l’intention des députés qui ont adopté cette disposition.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a rouvert le chantier et vous propose un amendement qui concilie à la fois les demandes de votre rapporteur et les impératifs opérationnels. La condition essentielle déclenchant le contradictoire est la demande formée par une personne mise en cause six mois auparavant, au cours de l’enquête. La communication du dossier ne devra intervenir, comme le proposait le texte de la commission, que lorsque l’enquête sera terminée, critère clair et objectif, et non lorsque le procureur estimera la procédure communicable.

La communication ne devra être faite qu’aux personnes que le parquet envisage de poursuivre, ainsi que le précisait le texte de la commission. Le dispositif ne s’appliquera qu’aux infractions punies d’une peine privative de liberté, car il serait excessif de le prévoir non seulement pour les contraventions, mais également pour les délits non punis d’une peine d’emprisonnement.

Le droit à l’accès au dossier est mieux précisé. Il concernera l’avocat ou, en l’absence d’assistance par un avocat, la personne elle-même. En cas de nouvelle audition, le texte distingue l’audition libre, pour laquelle il prévoit la mise à disposition du dossier cinq jours avant, et la garde à vue, avec communication du dossier dès le début de la mesure.

Enfin, les modalités d’application dans le temps des nouvelles dispositions sont précisées pour permettre une montée en puissance progressive de la réforme sans désorganiser le fonctionnement des parquets.

Le texte retenu permet ainsi d’assurer un équilibre aussi satisfaisant que possible entre, d’une part, les nécessités imposées par le bon déroulement des procédures et les contraintes matérielles et, d’autre part, l’objectif de renforcement du contradictoire et des droits de la défense.

Pour finir, je ne peux que remercier votre rapporteure de son travail. La modification de l’article 24 en commission et les échanges qui ont suivi ont en effet conduit le Gouvernement à approfondir la réflexion, ce qui a permis d’améliorer les dispositions de cet article très important.

M. le président. Cet amendement fait l’objet du sous-amendement n571. La parole est à M. Sergio Coronado, pour le soutenir.

M. Sergio Coronado. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n172.

M. Pascal Cherki. L’amendement du Gouvernement, fruit du travail accompli par notre rapporteure, constitue un progrès au regard de la rédaction initiale. J’en prends acte et retire mon amendement.

(L’amendement n172 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Nous avons effectivement énormément travaillé avec le Gouvernement et je tiens vraiment à vous remercier, monsieur le garde des sceaux, d’avoir accepté que nous échangions de la sorte. Nous avons su conserver l’esprit du texte initial, vous avez reconnu nos préoccupations. C’est comme cela qu’on avance. Ce travail collaboratif entre l’exécutif et le législatif était indispensable, et je vous remercie encore de l’avoir rendu possible.

Cet amendement est véritablement très important : enfin, on met un pied dans la porte, on introduit du contradictoire au stade de l’enquête. À partir d’aujourd’hui, on peut dire qu’enfin, la procédure, qui n’était véritablement qu’inquisitoire, va devenir un tout petit peu accusatoire. De surcroît, ce changement se produit à un stade important, c’est-à-dire avant que le procureur de la République ne décide de l’orientation qu’il va donner à la procédure.

Il est vrai que le texte initial présentait un double inconvénient, tenant à son caractère à la fois aléatoire et discrétionnaire. J’avais beaucoup apprécié l’échange que nous avions eu en commission des lois avec MM. Alain Tourret et Patrick Devedjian. Pour ma part, je fais mon mea culpa : la rédaction de mon amendement, qui a été voté en commission des lois, témoignait, il est vrai, d’une ambition sans doute excessive. J’entendais aussi, ce faisant, faire comprendre au Gouvernement les souhaits de la commission. Mais j’ai également écouté les magistrats et les greffiers, et je me suis efforcée d’avoir la vision la plus exacte possible de la réalité de nos juridictions. Au final, l’important, à mes yeux, est que le dispositif fonctionne : il ne s’agit pas de se faire plaisir en rédigeant des textes qui finiront par emboliser les juridictions.

L’amendement du Gouvernement tend donc à corriger mes excès (Sourires) tout en conservant les avancées essentielles de la rédaction initiale. Je salue la disparition du double délai d’un an et de six mois et la limitation de ce règlement contradictoire. C’est une avancée positive et réaliste. J’espère vraiment que les personnes suspectées et leurs conseils, comme les victimes et leurs conseils, sauront utiliser cette disposition. Elle leur offre de nouvelles facultés : la garantie du contradictoire, la possibilité d’améliorer les enquêtes, celle de demander des actes ou des confrontations. C’est un réel progrès. Je vous demande donc de voter pour l’amendement du Gouvernement, pour les multiples raisons que j’ai exposées.

Le sous-amendement de M. Coronado entend limiter à deux ans la durée maximale des enquêtes préliminaires. Il est vrai que deux ans, c’est déjà long, mais il y a beaucoup d’enquêtes complexes – pas nécessairement graves – dans lesquelles deux ans ne sont pas de trop pour permettre à l’ensemble des services d’enquêter efficacement. En présence d’un grand nombre de victimes, par exemple, ces longs délais apparaissent nécessaires, surtout quand les victimes ne vivent pas toutes au même endroit. C’est aussi le cas s’agissant de la délinquance en col blanc, ou des infractions aux biens, pour lesquelles la présence d’un juge d’instruction pourrait parfois ne pas être utile. Soit les faits sont graves et complexes, et justifient immédiatement l’aiguillage vers la procédure d’information et la saisine d’un juge d’instruction, soit on se dirige vers l’enquête préliminaire. Mais la multiplication des contraintes procédurales, la fixation de délais peuvent entraîner la nullité de la procédure. Je ne crois pas utile d’adopter de telles règles, qui plus est à un moment où nos juridictions sont un peu en panne et ont besoin de respirer pour pouvoir fonctionner plus efficacement. Je vous demande donc de retirer votre sous-amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n571 ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je souhaite souligner le travail accompli par les deux rapporteurs sur ce texte. M. Popelin a su engager une discussion avec le Gouvernement pour concilier l’efficacité de la répression et la protection des libertés. Mme Capdevielle a effectué un travail dont on constate aujourd’hui les effets dans l’avancée importante obtenue en matière de contradictoire. Ce progrès va mettre fin à une polémique récurrente sur l’existence ou non de garanties suffisantes en matière de droits de la défense, au sein de ce qui est désormais le quotidien des tribunaux, puisque l’instruction se limite à 3 % des dossiers, sans pour autant signer la disparition des magistrats instructeurs. Elle va aussi mettre un terme aux polémiques que l’on entend au sujet du présent texte de loi, selon lesquelles on entendrait limiter le rôle de l’institution judiciaire. Il y a là une réponse à toutes ces questions, en particulier à celle de l’absence de contradictoire suffisant dans les procédures diligentées dans le cadre de l’enquête préliminaire. Cela atteste un travail parlementaire de grande qualité, qui fait avancer une question qui était en suspens depuis des années et qui donnait lieu à des discussions récurrentes sur la conformité de notre procédure pénale aux dispositions de la convention européenne des droits de l’homme.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Je retire le sous-amendement n571.

(Le sous-amendement n571 est retiré.)

(L’amendement n553 rectifié est adopté et les amendements nos 267, 411 et 155 tombent.)

(L’article 24, amendé, est adopté.)

Article 25

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 184 deuxième rectification, 187 deuxième rectification, 14, 144 et 181 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n184 deuxième rectification.

M. Pascal Cherki. Il est défendu. Âprement !

M. le président. Et l’amendement n187 deuxième rectification, monsieur Cherki ?

M. Pascal Cherki. Encore plus ardemment ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n14.

M. Sergio Coronado. L’article 100-7 du code de procédure pénale prévoit actuellement l’information de différentes autorités en cas d’interceptions de communications concernant une personne bénéficiant d’une protection particulière au titre de sa fonction ou de son mandat.

Cet article n’est pas totalement satisfaisant, pour plusieurs raisons. D’une part, il ne prévoit pas une protection particulière de ces personnes ni des secrets qui seraient à protéger spécifiquement, telle que la protection des sources ou des échanges entre les avocats et leurs clients. En outre, rien n’est prévu hors des interceptions de sécurité, de la protection des locaux et de la captation des données informatiques. D’autre part, la possibilité de porter atteinte au secret des échanges par une décision motivée du juge des libertés et de la détention – JLD – ne constitue en rien une garantie. Elle affaiblit le rôle du juge d’instruction, magistrat indépendant, et remet le juge des libertés et de la détention au cœur de la tenue de l’enquête, en lui demandant de décider en opportunité d’un acte d’investigation alors même que ce juge a été institué pour séparer instruction et décision sur la détention provisoire.

C’est pourquoi cet amendement vise à garantir explicitement la protection des échanges entre les professions protégées ainsi que celle des secrets associés.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n144.

M. Alain Tourret. Cet amendement vise à modifier l’article 25 du texte par l’ajout d’un alinéa au code de procédure pénale. Il s’agit de protéger plus efficacement le secret professionnel de l’avocat et de son client par l’interdiction des écoutes incidentes, et ainsi de se conformer aux règles et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n181 rectifié.

M. Pascal Cherki. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Pour ma part, je considère que l’article 25 constitue un sacré progrès. En effet, il accroît sensiblement la protection des personnes concernées. Désormais, le juge d’instruction ne pourra plus ordonner l’écoute seul. Sa seule décision, même motivée, ne suffira pas pour écouter un avocat, un parlementaire ou un magistrat, puisqu’il faudra qu’il convainque le juge des libertés et de la détention, magistrat du siège indépendant, qui aura sa propre perception du dossier. Il devra également informer l’autorité concernée, bâtonnier, président de l’assemblée ou président de la juridiction selon les cas. C’est vraiment une mesure très protectrice.

Je comprends votre souhait que les professions dites protégées le soient vraiment, mais aller au-delà de ce qui existe déjà aboutirait à l’immunité. Il n’en est pas question : on ne va quand même pas s’interdire de procéder à des écoutes ! Même si c’est rare, les membres de ces professions peuvent malheureusement eux aussi commettre des infractions. En outre, toutes ces voies de recours provoqueraient une embolie des juridictions.

Je considère pour ma part que le dispositif très protecteur prévu par le projet de loi est adapté à la réalité. En outre, il sera renforcé après l’article 25 par un amendement visant à interdire la géolocalisation des membres de ces professions – un point qui soulevait quelques difficultés. J’estime qu’avec l’appréciation de deux magistrats indépendants, qui devront rendre des décisions spécialement motivées, et l’interdiction de la géolocalisation, ces professions seront vraiment protégées – étant précisé par ailleurs que ce n’est pas tous les jours que l’on place sur écoute l’un de leurs membres ! Vu la particularité procédurale, avant de le décider, un juge d’instruction y réfléchit aujourd’hui à deux fois. Avec les nouvelles dispositions, encore plus, puisque la procédure sera soumise au contrôle du JLD et qu’il existera de nombreux recours ouverts à un public qui, s’il est protégé, est aussi spécialisé et ne se privera certainement pas de les utiliser.

Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement a le même avis que la rapporteure, sachant que nous avons déjà longuement débattu des professions protégées et de l’incapacité de procéder à des surveillances accrues.

M. le président. Monsieur Cherki, retirez-vous vos amendements ?

M. Pascal Cherki. Oui, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Coronado ?

M. Sergio Coronado. Je retire le mien.

M. le président. Monsieur Tourret ?

M. Alain Tourret. De même.

(Les amendements nos 184 deuxième rectification, 187 deuxième rectification, 14, 144 et 181 rectifié sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 177 et 149, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n177.

M. Pascal Cherki. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n149.

M. Alain Tourret. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis.

(Les amendements nos 177 et 149, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Monsieur Cherki, l’amendement n183 est-il défendu ?

M. Pascal Cherki. Oui, monsieur le président, et c’est un très bon amendement. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Le retirez-vous, monsieur Cherki ?

M. Pascal Cherki. Ah non, celui-ci, je le maintiens, monsieur le président !

(L’amendement n183 n’est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Cherki, nous en venons à votre amendement n175.

M. Pascal Cherki. Il est défendu.

(L’amendement n175, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 25 est adopté.)

Après l’article 25

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 25.

Monsieur Cherki, l’amendement n179 est-il défendu ?

M. Pascal Cherki. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n179, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n178 rectifié, monsieur Cherki ?

M. Pascal Cherki. Il est défendu.

(L’amendement n178 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n564 rectifié.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement complète celui qui a été déposé tout à l’heure par le Gouvernement, afin de s’assurer de couvrir l’entier spectre des techniques spéciales d’enquête. Je ne pense pas avoir besoin d’insister plus longuement sur l’avancée que cela représenterait…

(L’amendement n564 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)

Article 25 bis

(L’article 25 bis est adopté.)

Après l’article 25 bis

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 25 bis.

Les amendements nos 138 et 204 peuvent être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n138.

M. Alain Tourret. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n204.

M. Sergio Coronado. Cet amendement tend à prévoir une garantie supplémentaire en cas de perquisition fiscale d’un cabinet d’avocat. Il reprend les garanties prévues pour les perquisitions pénales dans les cabinets d’avocat, au premier rang desquelles la nécessaire présence du bâtonnier ou de son délégué, ceux-ci pouvant s’opposer à la saisie de certains documents s’ils estiment qu’elle est irrégulière.

Un article de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière avait prévu une telle disposition, mais le Conseil constitutionnel l’avait censuré en raison d’autres dispositions qu’il contenait.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. La procédure de la perquisition est déjà très protectrice pour les avocats, puisqu’elle prévoit, que ce soit à leur cabinet ou à leur domicile, la présence d’un magistrat et de son greffier, celle du bâtonnier et un passage devant le juge des libertés et de la détention en cas de désaccord. Il y a déjà ceinture et bretelles : que voulez-vous de plus ? Après, c’est l’immunité ! Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement n’est pas opposé au fait de réfléchir à une extension des garanties pour les visites domiciliaires prévues en matière fiscale, mais il n’est pas convaincu que cela relève de la procédure pénale. Avis défavorable.

M. le président. Monsieur Tourret, retirez-vous votre amendement ou le maintenez-vous ?

M. Alain Tourret. Je le retire.

M. le président. Monsieur Coronado ?

M. Sergio Coronado. Je le maintiens.

(L’amendement n138 est retiré.)

(L’amendement n204 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n146.

M. Alain Tourret. Il est défendu, monsieur le président.

(L’amendement n146, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Articles 26 à 27

(Les articles 26 et 27 sont successivement adoptés.)

Après l’article 27

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 27.

Les amendements nos 145 et 420 rectifié peuvent être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n145.

M. Alain Tourret. Il paraît souhaitable que la transposition de la directive européenne du 22 mai 2012 relative à l’information dans le cadre des procédures pénales soit réalisée par le présent projet de loi. Cet amendement tend donc à le compléter par un article additionnel qui procède à cette transposition.

Pour rappel, la directive européenne prévoit que le gardé à vue et son avocat puissent consulter tous les actes de procès-verbaux de la procédure. Une telle transposition permettrait de se mettre enfin en conformité avec les standards européens en matière de droit de la défense.

L’équité d’une procédure pénale requiert ainsi, en vertu de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, que le suspect jouisse de la possibilité de se faire assister par un avocat dès son placement en garde à vue ou en détention provisoire. Le principe européen est en outre celui de l’accès immédiat à l’entier dossier, la restriction demeurant l’exception. Dans la logique de l’arrêt A.T. contre Luxembourg, l’amendement vise donc à ce que le refus de donner accès au dossier soit motivé, le juge des libertés et de la détention étant dans l’obligation de statuer dans les douze heures sur les conditions de ce refus.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n420 rectifié.

M. Sergio Coronado. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. J’entends bien votre souhait, chers collègues, mais il me semble que c’est un peu trop tôt. On y viendra, c’est une évidence – mais voyez déjà combien de temps il a fallu pour entrer dans le cabinet du juge d’instruction ! Il faut y aller progressivement. Ce droit de consultation de toutes les pièces, nous finirons par l’obtenir, et par aller vers plus d’accusatoire.

Vous souhaitez aller plus vite. Sur le fond, vous avez raison, mais il existe une tradition française en matière d’enquête et culturellement, je crains que nous ne soyons pas prêts. Prenez la présence de l’avocat au cours de la garde à vue : on a mis du temps pour l’acquérir, mais maintenant, c’est fait. Les choses se feront progressivement.

Une avancée très importante a été adoptée à l’article 24. Je crois qu’il faut être pragmatique, avancer doucement et ouvrir les portes l’une après l’autre. Je demande donc le retrait de ces amendements, même s’ils présentent des demandes parfaitement légitimes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable. L’accès aux dossiers d’une personne en garde à vue n’est imposé ni par les exigences conventionnelles, ni par la directive du 22 mai 2012 sur le droit à l’information, directive qui a du reste déjà été transposée par la loi du 27 mai 2014. Une telle modification ne nous paraît pas compatible avec les contraintes opérationnelles des investigations et avec la nécessité de déclencher des gardes à vue en urgence. Elle paraît en outre contraire à l’objectif de simplification que je défends à travers ce projet de loi. La proposition que vous faites viendrait gravement déséquilibrer notre procédure pénale en compliquant de façon extrême la tâche des enquêteurs. Elle serait par ailleurs source de nullité, car il sera très difficile de savoir, lorsqu’une enquête commence ou est en cours, ce que sont précisément dans les dossiers les « documents contenant des preuves matérielles à charge ou à décharge ».

M. le président. Monsieur Tourret, retirez-vous votre amendement ?

M. Alain Tourret. Oui, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Coronado ?

M. Sergio Coronado. Moi aussi, monsieur le président.

(Les amendements nos 145 et 420 rectifié sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n13.

M. Sergio Coronado. L’article 397-6 du code de procédure pénale prévoit d’exclure du champ des procédures de convocation par procès-verbal et de comparution immédiate les délits de presse et délits politiques. Le délit d’apologie des actes de terrorisme pouvant relever de ces deux catégories, il semble qu’il faille aussi exclure le recours à la comparution immédiate.

Les peines très lourdes qui ont pu être prononcées pour apologie du terrorisme après les attentats de janvier et de novembre ont d’ailleurs montré les limites du jugement de tels délits dans des temps très proches des événements. Le recours à la comparution immédiate me paraît devoir être proscrit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Il est vrai que si l’on compare les audiences, on note que certaines décisions prononcées en comparution immédiate sont particulièrement sévères. Cependant, je m’attache, à travers ce texte, à défendre le principe de l’individualisation des peines et, surtout, à donner au juge la possibilité d’user de la totalité de l’éventail des peines, qui est tout de même assez large. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai émis des avis favorables sur certains de vos amendements, monsieur Coronado.

Soyons cohérents : nous avons expressément décidé de retirer le délit d’apologie du terrorisme du champ des délits de presse et de l’inscrire au sein du code pénal, par la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Je me vois mal nous demander de nous déjuger dix-huit mois après ce vote ! Avis défavorable donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Avis défavorable. La section antiterroriste ne souhaitant pas se saisir de toutes les affaires d’apologie du terrorisme, il faut prévoir une réponse judiciaire rapide et adaptée. Il convient donc de laisser au procureur la possibilité de choisir la voie de poursuite la plus adaptée en fonction des circonstances, y compris la comparution immédiate. La loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme a précisément sorti les délits d’apologie du terrorisme du droit de la presse pour permettre la poursuite en comparution immédiate et en comparution par procès-verbal.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Je retire l’amendement.

(L’amendement n13 est retiré.)

M. le président. Les amendements nos 240 et 41 peuvent être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n240.

M. Alain Tourret. Il s’agit d’une affaire particulièrement importante, que l’on a appelé « l’affaire Mis et Thiennot ». J’en parle d’autant plus savamment qu’avec Georges Fenech, nous avons déposé une proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale.

Parmi les grandes affaires de notre temps, l’affaire Mis et Thiennot constitue incontestablement une tache indélébile, puisqu’ils ont manifestement été injustement condamnés. Nous demandons donc d’élargir les possibilités de saisir la Cour de révision et de réexamen de demandes en révision d’une condamnation pénale lorsque la preuve rapportée de la culpabilité l’a été par l’usage de la torture ou de tout traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ou de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Cette demande de modification est soutenue par les avocats de la famille, au premier chef MJean-Pierre Mignard. Elle fait suite au rejet de la sixième requête en révision du procès Mis et Thiennot à la fin de l’année 2015.

Le président de la République René Coty avait, en son temps, demandé un rapport sur cette affaire avant de leur accorder la grâce présidentielle en 1954. Ce rapport montre que les condamnés ont avoué sous la contrainte, sous les coups, en un mot, sous la torture. Mais, les faits de torture ayant été portés à la connaissance des jurés lors de l’audience en cour d’assises, ils n’ont pu être considérés comme des faits nouveaux de nature à faire réviser le procès.

Une condamnation fondée sur des aveux obtenus sous la torture : c’est à mon sens insupportable. Voilà pourquoi Georges Fenech, Jean-Paul Chanteguet et moi-même avons déposé des amendements sur ce sujet.

M. le président. Vous gardez la parole, monsieur Tourret, pour soutenir l’amendement n41 qui est en discussion commune.

M. Alain Tourret. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Avec votre permission, monsieur le président, je serai un peu plus longue qu’à l’ordinaire. Ces amendements font référence à une affaire précise, qui a défrayé la chronique : je ne peux donc pas me contenter de vous répondre en droit, monsieur Tourret. Je vous sais très attaché à la question de la révision des condamnations pénales, vous y avez beaucoup travaillé, et vous avez défendu une proposition de loi à ce sujet.

Comme vous le savez, la révision est une voie de recours extraordinaire, qui ne peut être mise en œuvre que dans des cas très limités. Que l’on soit au civil ou au pénal, il faut un élément nouveau – en l’occurrence, il s’agit d’une affaire pénale, puisqu’elle est criminelle. Une demande de révision n’est acceptable que lorsqu’un fait nouveau, c’est-à-dire un élément qui était inconnu au moment du procès, apparaît. Il n’y a pas de limite dans le temps pour déposer une requête en révision : la prescription ne peut être invoquée, non plus que le décès du condamné.

Vous connaissez parfaitement cette question, et vous êtes bien placé pour savoir quelles sont les conditions nécessaires pour passer le filtre de la commission d’instruction des demandes en révision. Une fois ce filtre franchi, il peut y avoir un nouveau procès, une décision différente, et éventuellement une indemnisation. Il faut donc un élément probant, et il faut apporter la preuve que l’absence de cet élément probant a influé sur la délibération du jury ayant abouti au prononcé de la condamnation par la cour.

Par ces amendements, vous voulez créer une nouvelle cause de révision : la circonstance que la preuve de la culpabilité aurait été rapportée par la violence, la torture, ou la menace. Je comprends le sentiment éminemment humaniste qui vous a conduit à rédiger ces amendements. Mais, des dizaines d’années après, a-t-on la même perception de la violence et de la torture ? Le temps qui passe est une variable que la procédure de révision ignore totalement, puisqu’elle se construit sur des éléments de preuve, qui ne peuvent avoir aucun caractère de subjectivité.

L’affaire que vous évoquez a eu lieu il y a plus de soixante-dix ans. Deux hommes ont été condamnés pour meurtre à quinze années de travaux forcés, sur la base de témoignages qui auraient été recueillis dans des conditions évidentes de violences. Plusieurs décisions de justice ont été rendues dans cette affaire, dont certaines après cassation. Je comprends que dans cette affaire, l’on veuille rétablir une certaine vérité. C’est d’ailleurs parce que le doute persistait après le procès que le président René Coty avait accordé sa grâce à mi-peine, ce qui a permis à ces personnes d’être libérées de manière anticipée.

Les demandes de révision présentées à l’époque ont toutes été, en l’état contemporain du droit, rejetées, car aucun fait nouveau n’était intervenu. Et il est très probable que les arguments que vous évoquez aujourd’hui aient été portés à la connaissance des jurés d’assise lors des différents procès. En outre, à cette époque, il n’y avait pas de procédure d’appel devant la cour d’assises : il a donc fallu des arrêts de cassation pour qu’il y ait deux nouveaux jugements.

Sur le plan juridique, je ne pense pas qu’il soit acceptable d’ouvrir la révision d’un procès en raison de l’appréciation de la procédure d’enquête diligentée à l’époque. Beaucoup de choses ont évolué depuis ce temps, notamment la conception du droit. Tous les éléments périphériques à un dossier évoluent avec le temps – heureusement, d’ailleurs ! Réalisez-vous à quel point, si nous faisions droit à votre demande, nous ouvririons la porte à la subjectivité ? Tous les procès qu’il faudrait ouvrir à nouveau ? Rendez-vous compte ! La question que vous posez est quasiment d’ordre philosophique : elle touche au regard que l’on porte sur l’histoire, sur le passé ; elle implique de porter une appréciation sur les magistrats, sur les jurés de cour d’assise qui ont rendu ces décisions. Est-ce réellement respectueux du droit ?

Enfin, je ne crois pas que l’on puisse réduire ainsi la plénitude d’appréciation de l’autorité judiciaire. Je tiens beaucoup à préserver la liberté de jugement des magistrats et à respecter les décisions judiciaires. En droit constitutionnel, un seul homme peut faire justice au-dessus des tribunaux : c’est le Président de la République, et c’est une responsabilité de taille.

Vous nous demandez, en quelque sorte, de corriger le passé, de faire comme si nous disposions d’une ardoise magique. Je comprends vos arguments, je comprends qu’il y ait un doute, peut-être même une erreur judiciaire, mais trois cours d’assises, jurés et magistrats réunis, ont eu à en connaître en leur âme et conscience, et ont jugé en fonction de leur intime conviction. Soixante-dix ans après, sommes-nous mieux informés qu’eux ?

Vous avez raison, le doute doit profiter à l’accusé. Mais la vérité judiciaire, c’est aussi de respecter les condamnations prononcées. La modification rétroactive que vous proposez me paraît donc vraiment très dangereuse. Encore une fois, je comprends la gêne que vous ressentez quant à cette affaire, mais vos amendements bousculent vraiment trop de choses. Il serait très dangereux de les adopter.

J’ai été très longue, monsieur le président, je serai plus brève par la suite. Mais puisque M. Tourret a soulevé cette question, je me devais, en tant que rapporteure, de lui répondre de la manière la plus complète.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. À mon tour, je tiens à donner à M. Tourret les précisions que requièrent ses amendements. Je pense également à Jean-Paul Chanteguet, député de l’Indre, président de la commission du développement durable, qui a déposé des amendements et nous a déjà interrogés sur cette affaire qui remonte à 1946.

Vos amendements ont pour objectif affiché de permettre le réexamen de l’affaire que vous avez mentionnée, dont la sixième demande de révision a été rejetée l’année dernière faute d’éléments nouveaux. Il paraît établi, comme vous l’avez dit, que deux personnes, accusées du meurtre d’un garde-chasse commis en 1946, ont été torturées par la gendarmerie pendant plus de huit jours avant d’avouer ce meurtre, puis de se rétracter quinze jours plus tard, avant d’être condamnées à trois reprises aux assises, après deux cassations, à quinze ans de travaux forcés, puis d’être graciées par le Président de la République.

Toutefois, il n’est nullement certain que les dispositions que vous proposez permettraient la révision de ce dossier, dans la mesure où l’on ne peut soutenir que la preuve de leur culpabilité a été rapportée par les actes de torture. En effet, d’autres éléments que les aveux initiaux, rapidement rétractés, ont abouti à leur condamnation, notamment des témoignages et des constatations matérielles.

Du reste, le comité de soutien de Mis et Thiennot, après le rejet de la sixième demande de révision, a indiqué qu’il demanderait au législateur de modifier la loi « afin que tout aveu obtenu sous la contrainte entraîne automatiquement la révision d’un procès ». Il ne demande donc pas que la révision soit possible en cas de preuve de la culpabilité rapportée par la torture.

Par ailleurs, si ces dispositions étaient adoptées, elles risqueraient de remettre en cause l’autorité de la chose jugée dans de très nombreuses affaires où, même en l’absence de torture, il serait allégué que des aveux ont été obtenus par des actes inhumains ou dégradants, notions qui ne sont pas toujours très précises. La probabilité de voir la demande de révision aboutir serait donc faible, si l’on considère que la preuve n’a pas été rapportée par ces actes, mais les demandes de révision sur ce nouveau fondement se multiplieraient, et pourraient même conduire à des mises en cause mensongères du comportement des enquêteurs.

Il peut certes arriver que des violences commises lors d’une procédure ayant abouti à une condamnation constituent une violation des règles relatives à l’exigence d’un procès équitable et que la Cour européenne des droits de l’homme les condamne, permettant ainsi le réexamen du procès, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Par ailleurs, ces violences peuvent être de nature à vicier la procédure du point de vue du droit interne, provoquant la nullité des aveux recueillis en garde à vue, par exemple.

En définitive, pour le Gouvernement, les dispositions contenues dans ces amendements n’atteindraient pas les objectifs visés, tout en étant de nature à déstabiliser gravement la procédure pénale. Avis donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Monsieur le ministre, madame la rapporteure, je trouve votre position très dure ! Enfin, de quoi est-il question ? De personnes condamnées à la suite d’aveux obtenus sous la torture ! Vous rendez-vous compte de ce que cela signifie ?

Votre position légitime tout bonnement le fait que des aveux aient été obtenus sous la torture, quitte à examiner si le doute pesant sur ces aveux est suffisamment important ou pas. Eh bien moi, je ne m’y résous pas. J’estime que des aveux obtenus sous la torture ne sont pas des aveux. J’estime que les éléments obtenus par la violence, les brutalités, la torture, en un mot par des traitements inhumains ou dégradants – formulation que j’ai volontairement reprise de l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme – sont des pièces nulles et qu’elles ne doivent pas pouvoir être utilement invoquées.

Je ne demande pas, naturellement, que l’on rejuge telle ou telle affaire. Mes amendements s’appuient sur des faits passés, mais dans le but d’imposer, pour l’avenir, la nullité des aveux obtenus sous la torture. Par ces amendements, je demande simplement qu’un éventuel nouveau procès puisse avoir lieu. C’est ce qui se fera dans l’affaire Seznec – que vous connaissez mieux que quiconque, monsieur le président, avec Mme Lebranchu, qui s’est tant battue pour cela.

Vous savez que dans l’affaire Seznec, il y a eu une torture de l’instruction, ce qui est un autre problème. Des gens ont ensuite été fusillés à la Libération pour avoir commis les crimes les plus atroces possibles.

En l’occurrence, il ne s’agit pas de l’affaire Mis et Thiennot, il s’agit de savoir si, oui ou non, nous considérons que des pièces obtenues sous la torture sont valides, sont susceptibles d’entraîner la conviction des jurés, et peuvent ainsi justifier la condamnation d’individus. Je ne l’accepterai jamais.

(Les amendements nos 240 et 41, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 7, 199 et 412.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n7.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à améliorer la situation des victimes.

Actuellement, la possibilité de saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infractions doit être notifiée à la victime, faute de quoi le délai pour la saisir ne court pas. Ce n’est pas le cas pour le service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions, géré par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions.

Cet amendement harmonise la notification de ces deux possibilités, conformément à une proposition formulée par l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation et adoptée l’été dernier par l’Assemblée, à l’initiative de Paul Molac, dans le cadre du « DDADUE pénal » – projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n199.

M. Alain Tourret. Défendu.

M. le président. Et l’amendement n412, monsieur Cavard ?

M. Christophe Cavard. Défendu également.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Très favorable. Il est en effet essentiel d’informer les victimes, toutes les victimes, de leurs droits à indemnisation : Mme la secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes nous l’aurait sans doute confirmé si elle était restée sur nos bancs.

(Les amendements identiques nos 7, 199 et 412, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

Article 27 bis

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n368 tendant à la suppression de l’article.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Le dispositif de conversion des peines d’emprisonnement en sursis avec mise à l’épreuve ou en contrainte pénale a été adopté en commission, devenant l’article 27 bis du projet de loi. La commission ayant créé, au titre III, un nouveau chapitre Ier A relatif aux peines, il me semble préférable que cette disposition y soit placée. Le présent amendement, en d’autres termes, tend à supprimer l’article 27 bis pour déplacer ses dispositions après l’article 32 D.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Favorable à cette mesure de bonne légistique.

(L’amendement n368 est adopté et l’article 27 bis est supprimé.)

Article 27 ter

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n117.

M. Sergio Coronado. Il s’agit de préciser que le référé-restitution s’appliquera également aux personnes morales, notamment les entreprises, lesquelles peuvent subir des préjudices irrémédiables dans leur activité économique, et non uniquement dans leur activité professionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je ne boude pas mon plaisir d’émettre un avis favorable à un amendement de M. Coronado ! La précision qu’il propose est conforme à l’objectif du texte, la notion d’« activité professionnelle » pouvant en effet être trop restrictive s’agissant des personnes morales.

(L’amendement n117 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement n568 de la commission.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Cet amendement obéit à un souci de bonne écriture du droit. L’exigence de motivation, et plus encore de motivation spéciale, ne saurait être imposée qu’à l’autorité publique : on ne peut attendre d’un justiciable qu’il y satisfasse. Aussi je propose de remplacer, à l’alinéa 4 de l’article, les mots : « spécialement motivé » par le mot : « argumenté ». L’objectif du Gouvernement, que je comprends, est d’éviter les demandes dilatoires sans justification et d’obliger le justiciable à argumenter sa demande.

(L’amendement n568, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L’amendement n370, madame la rapporteure, est de cohérence.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n370, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Les amendements nos 371 et 372 suppriment une précision superflue.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Oui, monsieur le président.

(Les amendements nos 371 et 372, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 27 ter, amendé, est adopté.)

Article 27 quater

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 373, 374, 375, 376 et 377, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour les soutenir.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. L’amendement n373 est de cohérence, le 374 et le 375 de coordination, le 376 de cohérence et le 377 rédactionnel.

(Les amendements nos 373, 374, 375, 376 et 377, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 27 quater, amendé, est adopté.)

Article 27 quinquies

(L’article 27 quinquies est adopté.)

Article 27 sexies

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun, inscrit sur l’article.

M. Gérard Sebaoun. Je tenais en effet à intervenir brièvement sur cet article qui fait l’objet de trois amendements de suppression. Il reprend exactement le libellé de l’article 27 du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, que notre assemblée a adopté le 23 juillet 2015. Par une décision du 13 août 2015, le Conseil constitutionnel avait censuré cet article 27, comme il l’avait d’ailleurs fait pour vingt-six autres.

Le présent article 27 sexies entend compléter l’article 721-1 du code de procédure pénale par un alinéa intégrant, dans les éléments d’appréciation du juge d’application des peines sur les efforts de réinsertion des détenus, un critère lié à la suroccupation des établissements pénitentiaires. Aujourd’hui, le juge se fonde sur l’effort de travail, l’éventuel suivi médical, le suivi scolaire ou le passage d’examens. Il ne semble pas aberrant que les conditions de la détention, notamment la surpopulation, comptent, et c’est pourquoi je soutiens cet article. Il ne s’agit pas de prendre en compte leur impact sur le détenu lui-même, comme semble le suggérer le Gouvernement dans l’exposé sommaire de son amendement, ce qui serait anticonstitutionnel, mais sur sa capacité d’accès à une formation ou à un travail : on ne peut pénaliser quelqu’un parce qu’il ne peut y avoir accès en raison d’une surpopulation carcérale au sein de l’établissement ! Le présent article me semble donc mériter d’être défendu.

M. le président. Nous en venons aux amendements.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 554 et 110, tendant à la suppression de l’article.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n554.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement souhaite en effet la suppression de cet article, puisque l’aménagement ou la réduction de peine doivent dépendre des efforts réalisés par le détenu : ils ne peuvent résulter de facteurs extérieurs,…

M. Gérard Sebaoun. Pas extérieurs, enfin !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. …lesquels introduiraient une différence de traitement entre condamnés suivant le lieu d’exécution de leur peine. Une telle disposition constituerait, tout simplement, une rupture du principe d’égalité devant la loi ; aussi s’exposerait-elle à un risque d’anticonstitutionnalité.

De manière sobre mais déterminée, le Gouvernement souhaite donc, je le répète, la suppression de cet article.

M. Gérard Sebaoun. Ce n’est pas sérieux ! Et quand le détenu ne peut pas accéder à un emploi ou à une formation ?

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n110.

M. Éric Ciotti. Il tend lui aussi à la suppression de l’article. Je remercie M. le garde des sceaux pour sa sagesse et sa lucidité sur ce sujet,…

M. Pascal Popelin, rapporteur. Comme sur tant d’autres !

M. Éric Ciotti. …même si le message aurait pu être adressé plus tôt.

L’article 27 sexies est ahurissant : c’est une folie juridique et une ineptie pratique. Conditionner un aménagement ou une réduction de peine à des éléments matériels totalement indépendants de la situation personnelle du détenu est contraire à tous nos principes juridiques, à commencer par le principe constitutionnel de l’individualisation de la peine. Cela revient, en somme, à soumettre l’exécution de la loi pénale à des contingences matérielles.

M. Gérard Sebaoun. Le taux d’occupation n’est pas un élément matériel !

M. Éric Ciotti. Vous pourriez m’objecter que cela correspond globalement à la pratique, puisque la loi pénale est trop souvent soumise, dans son application, à de telles contingences. Dans les faits, vous ne feriez donc que légaliser des pratiques hypocrites. Celles-ci ne sont pas que de votre fait, monsieur le garde des sceaux, je vous en donne acte ; mais les contingences matérielles, le manque de places dans les prisons ont conduit le législateur ainsi que l’administration pénitentiaire à proposer aux gardes des sceaux successifs, quelles que soient les majorités, l’extension systématique des aménagements de peine.

M. Gérard Sebaoun. C’est incroyable ! C’est vraiment la double peine, pour le coup !

M. Éric Ciotti. De six mois ferme, la durée d’aménagement est passée à un an, puis deux dans la loi pénitentiaire de 2009, maintenus dans la loi Taubira. On est donc dans une logique d’augmentation déraisonnable et continue des seuils d’aménagement de la peine. L’aménagement, au lieu de résulter de la situation de l’intéressé, de ses qualités et de ses aptitudes à la réinsertion,…

M. Gérard Sebaoun. Et quand le détenu ne peut pas accéder à un travail ou à une formation ?

M. le président. Monsieur Sebaoun, vous aurez la parole.

M. Éric Ciotti. …devient une variable de la situation matérielle de l’établissement pénitentiaire.

M. le président. Merci, monsieur Ciotti…

M. Éric Ciotti. C’est ce que nous condamnons. L’article 27 sexies, introduit par la commission, est un pur scandale juridique et une aberration. Il est donc légitime que nous demandions sa suppression.

M. Philippe Goujon. Très bien !

M. le président. Je ferai droit aux différentes demandes de parole, mes chers collègues, mais nous devons essayer d’avancer.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Nous allons en effet avancer, sagement, monsieur le président.

M. Éric Ciotti. On vient de passer une heure sur l’affaire Mis et Thiennot, on peut bien consacrer un peu de temps à un sujet d’importance !

M. Pascal Cherki. On n’est pas dans la loi Ciotti ! Même si l’on s’en rapproche…

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Les dispositions du présent article ont été votées dans la loi DDADUE. Je dis bien votées. À l’époque, monsieur Ciotti, je ne vous ai pas entendu vous récrier. De fait, il s’agissait d’un texte de bon équilibre.

De quoi parle-t-on ? Inutile de crier au scandale.

M. Philippe Goujon. Bien sûr que si !

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. L’article dit ceci : « L’appréciation des efforts de réinsertion » – on reste donc bien dans les critères d’appréciation appliqués par le juge d’application des peines – « en vue de l’octroi des réductions supplémentaires de peine » – le cadre est donc restreint – « tient compte de l’impact sur le condamné des conditions matérielles de détention ». Au regard du principe d’égalité, je peux vous assurer que ces conditions sont très différentes selon que l’on est en maison d’arrêt ou en centre de détention par exemple, sans même parler des outre-mer ! Les possibilités ne sont pas les mêmes, loin s’en faut, d’accéder à une formation professionnelle, de suivre des cours ou de travailler. Or ce sont ces éléments qui sont pris en considération dans le cadre d’une personnalisation de la situation du détenu. Certains détenus n’ont que la télévision pour loisir, d’autres suivent des cours ou des formations, d’autres encore peuvent travailler. Dans ma circonscription, ils peuvent effectuer des stages de cuisine et sortir avec un diplôme ; dans d’autres endroits, ils n’ont la possibilité de rien faire.

Enfin, l’article mentionne le « taux d’occupation de l’établissement pénitentiaire ». Ce critère est régulièrement plaidé devant les juridictions car, non, les personnes condamnées n’ont pas toutes les mêmes chances. Parler d’égalité en ce domaine est illusoire. Nous proposons donc que la loi rétablisse un certain équilibre.

Lors de l’examen du projet de loi DDADUE, le Gouvernement avait émis un avis favorable à cette disposition. Il n’y voyait alors aucun risque constitutionnel. En effet, le principe d’égalité n’empêche pas de traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations inégales. L’égalité, c’est aussi de corriger l’inégalité. C’est ce que fait cet article. Pensez donc s’il est scandaleux !

M. Philippe Goujon. Il l’est !

M. le président. Merci, madame la rapporteure...

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Constatant une inégalité, il ne fait que demander plus d’égalité. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement maintient sa demande de suppression de l’article, même s’il le fait au nom d’autres arguments que ceux développés par M. Ciotti.

M. Philippe Goujon. Dommage, car ce sont de bons arguments !

M. Denys Robiliard. Détestables !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Sa position se fonde simplement sur le respect du principe d’égalité devant la loi.

M. le président. Sur les amendements identiques nos 554 et 110, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Je veux appuyer les arguments de la rapporteure. Sur 69 000 détenus en France, environ 16 000 travaillent. D’autre part, les conditions de détention dans certains établissements ont récemment fait la une de la presse. Dans le centre de détention de Nanterre, on compte par exemple 1 050 détenus pour 592 places. L’administration va jusqu’à demander à certains détenus de s’engager à dormir par terre sur un matelas ! Telle est la réalité dans certains établissements.

M. Philippe Goujon. Construisez des places de prison !

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Deux éléments pour appuyer ce qu’a dit avec justesse notre rapporteur. Tout d’abord, certains souhaitent supprimer cette disposition du projet de loi au motif que seuls la volonté, l’effort et le comportement personnel du détenu doivent conditionner les remises de peine. Mais l’article 27 sexies ne déroge pas à ce principe ! Au contraire, il mentionne « l’appréciation des efforts de réinsertion ». Le fait générateur qui peut déclencher une réduction supplémentaire de peine, c’est bien l’effort fait par le détenu. Simplement, cet effort n’est pas abstrait. Il faut tenir compte des conditions concrètes, et notamment des possibilités qui sont offertes au détenu de matérialiser son effort, bref, de déboucher sur des actes matériels qui justifieraient une réduction de peine.

Mais que se passe-t-il quand la vie carcérale, comme le dit notre rapporteur, ne lui permet pas de donner matériellement un débouché à ses efforts ? Le détenu souhaite faire un effort, mais comme il ne peut pasle réaliser, on considère qu’il n’y a pas eu d’effort ! Dans cette hypothèse, on constaterait objectivement qu’il n’a pas fait cet effort ! Pourtant, l’on nous dit que ce n’est pas une démarche objective qui doit présider à la décision, mais le comportement subjectif du détenu.

M. le président. Merci, monsieur Cherki…

M. Pascal Cherki. La question au cœur du débat, comme notre garde des sceaux l’a rappelé avec raison, c’est celle de l’égalité, et l’égalité doit être réelle. Ce n’est qu’une égalité abstraite, un mot creux, si concrètement on ne permet pas qu’elle s’applique de la même manière sur l’ensemble du territoire carcéral. Il est donc nécessaire de compenser les inégalités en en tenant compte dans l’appréciation des efforts du détenu.

M. Gérard Sebaoun. Bien sûr !

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Monsieur le ministre, vous dites, à juste titre, qu’il faut respecter la loi, et notamment les règles relatives à l’individualisation des peines. Ceci dit, je ne vois pas en quoi l’article 27 sexies, qui a été adopté par la commission et est donc inséré dans le texte dont nous débattons, remettrait en cause la question de l’appréciation individuelle des efforts de réinsertion. Seuls sont prévus des critères qui pourront – et nous faisons confiance à celles et à ceux qui auront à les appliquer – être pris en compte.

Je peux comprendre que, des deux côtés de l’hémicycle, nous ne soyons pas d’accord car, comme je l’ai dit au cours de l’après-midi, il est question ici du rôle et de la fonction de la prison. J’appelle l’attention de nos collègues : gardons-nous d’oublier que ce rôle inclut, comme l’a dit le ministre sur un autre sujet, la possibilité de gratifier certains détenus, à partir du moment où ils jouent le jeu de la réinsertion. Ne pas le faire pourrait aussi nuire, finalement, à des logiques de réinsertion et donc, très concrètement, empêcher que le parcours carcéral de certains détenus trouve une issue positive. Je le redis, le rôle de la prison n’est pas que d’enfermer, c’est aussi de permettre aux détenus, lorsqu’ils la quittent, de se réinsérer.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Au-delà des arguments sur l’opportunité de cet article 27 sexies, que nous proposons comme le Gouvernement de supprimer, je voudrais rappeler deux points.

Cette disposition avait été introduite, cela a été dit, dans la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, dite loi DDADUE. Le Conseil constitutionnel l’avait censurée dans sa décision du 13 août 2015 au motif qu’elle constituait un cavalier législatif.

Mais sur le fond, au-delà du caractère inapproprié de l’introduction de cette disposition dans cette loi, elle crée inéluctablement une rupture d’égalité devant la loi.

M. Pascal Cherki, M. Gérard Sebaoun et Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Mais non ! C’est l’inverse !

M. Éric Ciotti. C’est une évidence juridique ! Concrètement, cela signifie qu’à situation égale, un détenu se trouvant dans un établissement pénitentiaire caractérisé par un taux d’occupation plus élevé aura plus de facilité à obtenir des réductions ou des aménagements de peine. C’est bien ce qui est proposé.

M. Philippe Goujon. Il a raison !

M. le président. La parole est, pour conclure avant que nous ne passions au vote, à M. le président de la commission des lois.

M. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois. Éric Ciotti a raison : cette disposition avait été introduite dans la loi DDADUE. Mais ce qu’il n’a pas dit c’est que, sauf erreur de ma part, le vote n’a été nullement contesté. La disposition a été intégrée dans la loi et a été censurée par le Conseil constitutionnel non sur le fond, mais au motif qu’elle constituait, comme d’autres dispositions auxquelles le Conseil a réservé un sort analogue, un cavalier.

M. Gérard Sebaoun et M. Pascal Cherki. Tout à fait !

M. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois. Vaut-il la peine de déclencher une vive controverse avec le Gouvernement sur ce point ? Je ne le pense pas car, quoi qu’il en soit, le juge d’application des peines examine ce critère lorsqu’il apprécie les efforts de réinsertion des détenus : en effet, ces efforts ne sont pas les mêmes dans un établissement surpeuplé et dans un autre qui ne l’est pas. Et cela n’entraîne pas du tout de rupture de l’égalité.

Faut-il conserver telle quelle cette disposition, ou au contraire la supprimer ? Je pense que si cela peut éviter une controverse, rien n’interdit d’adopter l’amendement du Gouvernement, car de toute manière, dans les faits, cela ne changera pas grand-chose.

M. le président. Je mets aux voix les amendements de suppression nos 554 et 110.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants16
Nombre de suffrages exprimés15
Majorité absolue8
Pour l’adoption7
contre8

(Les amendements identiques nos 554 et 110 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement regrette fondamentalement ce qui vient de se passer. Fondamentalement. Le message qui est envoyé n’est pas acceptable. Les aménagements et les réductions de peine ne peuvent être l’objet que d’un travail personnel et d’un engagement de chaque détenu.

Le Gouvernement regrette le vote qui vient d’intervenir. J’indique à l’Assemblée nationale qu’en conséquence, il demandera une seconde délibération sur ce point.

M. Pascal Cherki. Oh la la !

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Monsieur le président, je pense qu’il aurait fallu voter séparément sur chacun des amendements de suppression.

M. le président. Non, car il s’agissait de deux amendements identiques. La demande de scrutin public portait sur le vôtre, mais, comme il est d’usage, le vote a eu lieu sur l’ensemble.

La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n378.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Il est rédactionnel.

(L’amendement n378, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 156 et 413.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n156.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à préciser que c’est bien l’ensemble des établissements pénitentiaires fréquentés qui sont pris en compte dans l’appréciation des efforts de réinsertion.

En effet, du fait des nombreux transferts de certains détenus et de la forte disparité des taux d’occupation des prisons, notamment entre établissements pour peine et maisons d’arrêt, le dernier établissement fréquenté par une personne détenue n’est pas forcément révélateur de l’ensemble de son parcours. C’est pourquoi nous souhaiterions élargir le périmètre pris en compte.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n413.

M. Christophe Cavard. Défendu.

(Les amendements identiques nos 156 et 413, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L’article 27 sexies, amendé, est adopté.)

Articles 27 septies à 28

(Les articles 27 septies, 27 octies et 28 sont successivement adoptés.)

Article 29

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n379.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de cohérence.

(L’amendement n379, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 29, amendé, est adopté.)

Articles 30 à 31

(Les articles 30 et 31 sont successivement adoptés.)

Après l’article 31

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 31. Les amendements nos 336 et 335 peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Romain Colas, pour les soutenir.

M. Romain Colas. Il s’agit d’amendements d’appel relatifs à la nécessaire information des maires sur les poursuites engagées par les parquets dans le cadre d’infractions troublant l’ordre public commises dans leur commune.

Il existe déjà des dispositions, notamment depuis 2007, qui imposent théoriquement aux parquets d’informer les maires, dès lors qu’ils en font la demande, des poursuites engagées suite à des événements ayant troublé l’ordre public sur le territoire de leur commune. Pourquoi donc ces amendements d’appel ? Parce que dès lors qu’un événement trouble la tranquillité habituelle de la vie de la commune, nos concitoyens se tournent vers le maire pour s’informer sur les poursuites engagées par les parquets. Or, bien souvent, le maire se trouve démuni pour leur répondre, et cela crée, simplement, un sentiment d’impuissance publique auquel il conviendrait de remédier au moyen d’une juste information.

Je sais qu’aujourd’hui les parquets ne sont pas outillés pour répondre à ces demandes. Il n’entre évidemment pas dans mes vues de les placer sous une quelconque tutelle : ils sont parfaitement libres de leur action pénale, dans la limite du respect des consignes de la chancellerie et, évidemment, du respect du droit. Toutefois, si nos concitoyens étaient informés, cela leur permettrait d’être bien conscients que la chaîne de sécurité – et les maires sont de plus en plus sollicités pour y participer – est bien mobilisée afin de leur fournir une réponse.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Monsieur Colas, vous connaissez la situation des parquets : vous avez dû entendre nos débats et assister, dans votre circonscription, à des audiences solennelles. Est-il réaliste de demander aux procureurs de signaler plusieurs milliers ou millions de faits par année ? Jugez-vous important que les maires soient informés des défauts de port de ceinture de sécurité, des problèmes de contrôles techniques des véhicules ou des bagarres ayant eu lieu dans leur commune ?

La plupart des élus ne sont pas demandeurs de telles informations. Au moment où nos juridictions sont confrontées à un manque criant de moyens, je ne crois pas qu’il soit opportun de demander encore aux parquets d’établir des rapports précis et détaillés, destinés à être transmis à des élus qui n’en demandent pas tant. Je comprends que ces amendements visent à lancer un débat mais la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Nonobstant la réponse que vient de faire Mme la rapporteure, je soutiens la démarche de Romain Colas. Il ne s’agit pas de demander toute l’information sur toutes les infractions ! Mais nous savons très bien que, dans certains points du territoire, des conventions peuvent exister. En tout état de cause, pour les faits importants, il me semble essentiel, alors qu’on encourage les maires à signer des conventions de coordination ville-police, que les procureurs soient en situation, pour les actes relevant directement de la sécurité et de la prévention de la délinquance, qui sont du ressort des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, de participer à un dispositif d’information des élus.

Au-delà de cette question, monsieur le garde des sceaux, le ministre de l’intérieur, au nom du Gouvernement, avait pris l’initiative, dans le cadre de l’état d’urgence, d’informer les parlementaires membres de la commission des lois, érigée pour l’occasion en commission de contrôle, sur l’activité des services de police et de justice. Au regard des retours dont je dispose, la situation est très contrastée selon les départements. La communication n’a pas perduré partout. Je souhaite donc que le Gouvernement, dans la mesure où l’état d’urgence a fait l’objet d’une prorogation, réactive ce dispositif sur l’ensemble du territoire national.

M. le président. Monsieur Colas, retirez-vous vos amendements ?

M. Romain Colas. Oui, en précisant à Mme la rapporteure que je ne pense pas qu’un défaut de port de ceinture de sécurité soit un grave trouble à l’ordre public.

M. Éric Ciotti. Monsieur le président, je reprends ces amendements.

(Les amendements nos 336 et 335, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement n89.

M. Philippe Goujon. Cet amendement permettra notamment d’améliorer les moyens de suivi dont disposent les services pénitentiaires d’insertion et de probation en leur permettant d’accéder au bulletin n1 du casier judiciaire lorsqu’ils interviennent dans le cadre de l’individualisation des modalités de prise en charge des personnes condamnées, notamment des aménagements de peine ou libérations sous contrainte.

Il autorisera également la consultation par les greffes pénitentiaires du fichier des auteurs d’infractions sexuelles.

Enfin, il corrige un certain nombre de références du code de procédure pénale concernant le fichier des personnes recherchées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Favorable. En l’état, le 8° de l’article 230-19 du code de procédure pénale ne permet pas l’enregistrement des obligations susceptibles d’être imposées à la personne condamnée à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis avec obligation d’accomplir un travail d’intérêt général. Il convient donc de combler ce vide juridique.

Afin de renforcer la sécurité des échanges de données du Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes et de simplifier le travail de la direction de l’administration pénitentiaire, il convient de permettre l’accès des greffes pénitentiaires au Fichier non pas uniquement à partir de l’identité de la personne concernée mais aussi à partir du numéro de dossier.

Dans un souci de simplification et pour favoriser la mission d’individualisation des peines des directions des services pénitentiaires d’insertion et de probation, le présent amendement les autorise à demander directement le casier judiciaire des personnes condamnées.

Pour améliorer la prise en charge des détenus, il permet également aux greffes pénitentiaires de demander le bulletin n1 du casier judiciaire de toute personne incarcérée pour compléter les dossiers individuels.

(L’amendement n89 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yves Goasdoué.

M. Yves Goasdoué. Je vous demande une suspension de séance, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 5 rectifié et 414 rectifié.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n5 rectifié.

M. Sergio Coronado. C’est un sujet que nous avons déjà abordé, notamment lors de la réforme pénale. Deux questions nous avaient particulièrement occupés, assez tard dans la nuit d’ailleurs, la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs instaurés par la loi du 10 août 2011 et la rétention de sûreté.

À l’époque, Mme la garde des sceaux avait pris des engagements sur la refonte de l’ordonnance de 1945 et sur la rétention de sûreté. Ce matin, nous étions plus proches de l’élargissement de la seconde mesure que de sa suppression et j’espère que, pour la suppression des tribunaux correctionnels, nous ne prendrons pas la même route. Je rappelle que c’étaient des engagements très forts du Président de la République, qui visaient à mettre un terme à ce que Noël Mamère avait appelé mardi dernier le « populisme pénal » qui avait fortement caractérisé le dernier quinquennat.

Les tribunaux correctionnels pour mineurs, instaurés en 2011, jugent les enfants de plus de seize ans dès lors qu’ils sont récidivistes et encourent trois ans d’emprisonnement. C’est, d’après, je crois, les mots du président de la commission des lois de l’époque, une atteinte à la spécificité de la justice des enfants, justice dont l’accompagnement dans la lutte contre la récidive est pourtant nettement plus intéressant que la justice ordinaire. Avant cette réforme, ces mineurs comparaissaient devant un tribunal pour enfants composé d’un juge des enfants et de deux assesseurs citoyens.

Cette justice, coûteuse et chronographe, pose de multiples problèmes juridiques notamment dans les affaires où l’âge des protagonistes varie. On peut ainsi avoir trois procès différents si les trois prévenus ont quinze, dix-sept et dix-huit ans.

Le Gouvernement s’était à nouveau engagé lors de la réforme pénale à supprimer ces tribunaux. Il serait sage de tenir ces engagements. Comme il n’y aura pas, je crois, de refonte de l’ordonnance de 1945 au cours du quinquennat, il n’est plus temps de faire des promesses et de changer à chaque fois le véhicule législatif idoine. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement, qui vise à concrétiser l’un des engagements forts du Président de la République, réitéré au banc à plusieurs reprises.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n414 rectifié.

M. Christophe Cavard. Sans reprendre l’argumentation de mon collègue, je tiens à dire combien le sujet est important. En 2011, un certain nombre de nos collègues avaient pris position. Je ne veux pas le mettre en difficulté, mais l’actuel président de la commission des lois par exemple, Dominique Raimbourg, avait déclaré à juste titre que cette disposition portait atteinte à l’ordonnance de 1945.

Cette question avait beaucoup animé le débat, même s’il ne se résumait pas aux mineurs, et conduit à une saisine du Conseil constitutionnel. En effet, plusieurs membres de l’opposition en 2011, trouvant que cela allait beaucoup trop loin, avaient demandé d’en revenir à la fonction et au rôle originels du juge des enfants et des tribunaux pour enfants.

S’il est évident que le contexte a changé sous l’effet de la menace terroriste, je ne vois pas pourquoi on ne profiterait pas de l’examen de ce texte, qui s’y prête, pour supprimer ce qui avait été condamné en 2011 par plusieurs membres de la majorité actuelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Mon avis est très réservé. Avant de me prononcer, je souhaiterais entendre le garde des sceaux.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement a un avis défavorable sur cet amendement dont il souhaite le retrait pour des raisons qui ne surprendront personne.

Depuis que je siège dans cet hémicycle, j’ai toujours été hostile aux tribunaux correctionnels pour mineurs. J’étais contre dans l’opposition ; je suis contre dans la majorité, y compris depuis que j’ai l’honneur de siéger sur le banc du Gouvernement. Je me sens donc engagé par ma propre cohérence. Dans cet hémicycle, il y a peu, j’avais d’ailleurs dit que nous déposerions, avec Jean-Pierre Sueur, une proposition de loi commune pour supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs. Le Gouvernement avait alors annoncé qu’il prendrait des initiatives en ce sens. Je constate comme vous qu’il n’en a rien été.

Je vous le dis aujourd’hui, 3 mars 2017… (Rires.) Pardon, 3 mars 2016 ! Le 3 mars 2017, les tribunaux correctionnels pour mineurs auront été supprimés ! (Sourires.) Bref, le sujet sera traité par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi J21, qui sera étudié par l’Assemblée nationale dans la première quinzaine du mois de mai.

M. Gérard Sebaoun. Très bien.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Merci de ces précisions, monsieur le garde des sceaux. Personne ne doute de la cohérence de vos positions, ni de la manière dont vous les défendez. Il n’en reste pas moins que nous avons été témoins de plusieurs promesses qui n’ont jamais été tenues.

M. Jean-Luc Laurent. Cela arrive ! (Sourires.)

M. Sergio Coronado. Cela arrive, oui… Mais je ne voudrais pas être de ceux qui considèrent que les promesses n’engagent que celui qui les croit.

M. Jean-Luc Laurent. Je ne vous savais pas disciple de Pasqua !

M. Sergio Coronado. Je crois aux engagements, surtout lorsqu’ils sont pris au banc du Gouvernement. Néanmoins, j’ai cru comprendre, en écoutant attentivement les déclarations publiques d’un ministre qui est même le premier d’entre eux, qu’il n’était pas très allant, ni sur la refonte de l’ordonnance de 1945, ni sur la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs.

Je prends donc acte de votre engagement mais je maintiens mon amendement, monsieur le garde des sceaux, parce que vous n’êtes pas le chef du Gouvernement. J’espère que vous ferez œuvre de persuasion, et je connais votre pouvoir de conviction, mais permettez-moi d’avoir quelques doutes sur la possibilité de mener à bien cet engagement présidentiel dans le laps de temps législatif très court qui nous reste.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. J’aimerais avoir l’avis de la rapporteure maintenant. J’aurais tendance à croire le garde des sceaux et à lui faire confiance pour ce qui est de ce texte. Toujours est-il que nous serons très vigilants : en 2017, même si ce n’est pas forcément le 3 mars, nous devrons avoir réglé ce problème.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Nous connaissons Jean-Jacques Urvoas depuis des années. Nous savons qu’il est un homme de parole. Ce n’était donc pas une promesse, mais un engagement ! Il vient de s’engager, en tant que garde des sceaux, à ce que cette disposition figure dans un texte qui sera présenté dans quelques semaines. J’ai une confiance totale en lui quand il dit qu’elle en fera partie.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Très bien !

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Cet amendement du Gouvernement sera cohérent. Aussi bien sur le plan juridique que politique, il me semble bien que ce soit le Gouvernement qui le porte. Nous sommes tous d’accord sur le fond : chaque fois que nous auditionnons des magistrats, ils nous disent que ces tribunaux ne fonctionnent pas. Il faut les supprimer, mais par le biais du bon vecteur législatif. Le Gouvernement, lors des débats de ces deux dernières journées, a pris des engagements relatifs au texte Justice 21.

Par voie de conséquence, je pense qu’il serait sage de retirer ces amendements. Vous venez d’entendre solennellement le garde des sceaux, que vous connaissez. Ce serait extrêmement sage…

M. Pascal Popelin, rapporteur. Et élégant !

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. …et élégant, voire habile, d’être dans ce rapport de confiance pour que, tous ensemble réunis, nous votions dans quelques semaines la suppression de ces juridictions qui n’ont plus lieu d’être.

M. Yves Goasdoué. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Je retire mon amendement.

(L’amendement n414 rectifié est retiré.)

M. le président. Sur l’amendement n5 rectifié, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Ce débat interne à la majorité est passionnant ! Entre les Verts, qui ne feraient peut-être plus partie de la majorité, entre les socialistes au sein du groupe SRC, entre la majorité et le Gouvernement, entre les rapporteurs mêmes… Tout ceci est d’une très grande confusion. Heureusement, pour notre part, nous sommes très cohérents. Nous ne nous satisfaisons pas du tout de cet échange d’amabilités et de fausses élégances autour d’engagements pris par l’un ou l’autre, puisque nous sommes très favorables au maintien de ces tribunaux.

Jamais la délinquance des mineurs n’a été aussi importante dans notre pays. Elle progresse. Il y a diverses solutions à mettre en œuvre et celle-ci n’est bien sûr pas la panacée : il est nécessaire aussi de réformer profondément l’ordonnance de 1945, mais certainement pas dans le sens que vous souhaitez ni dans celui que voulait Mme Taubira et qui aurait été encore plus désastreux que la situation actuelle. Ces tribunaux permettent de sérier les problèmes et de proposer une solution spécifique pour mieux prendre en compte la délinquance des mineurs.

Nous pensons que ces tribunaux, qui n’ont pas beaucoup servi jusqu’à présent, hélas, devraient faire leurs preuves. Nous souhaitons leur maintien. C’est pourquoi nous nous opposerons à ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Je veux moi aussi souligner l’utilité de ces tribunaux correctionnels, qui concernent les mineurs de plus de seize ans et qui encourent une peine de plus de trois ans de prison, soit des mineurs engagés dans un parcours de délinquance grave et pour lesquels il faut une réponse adaptée. Cette délinquance est un fléau. Supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs, ce serait affaiblir notre arsenal pour lutter contre elle.

M. Philippe Goujon. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n5 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants16
Nombre de suffrages exprimés14
Majorité absolue8
Pour l’adoption2
contre12

(L’amendement n5 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n415.

M. Christophe Cavard. Il est défendu.

(L’amendement n415, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 31 bis

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n380.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Coordination.

(L’amendement n380, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Et l’amendement n381, madame Capdevielle ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Cohérence.

(L’amendement n381, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 31 bis, amendé, est adopté.)

Article 31 ter

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n382.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Rédactionnel.

(L’amendement n382, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 31 ter, amendé, est adopté.)

Article 31 quater

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n383.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Rédactionnel également.

(L’amendement n383, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 31 quater, amendé, est adopté.)

Article 31 quinquies

M. le président. Vous conservez la parole, madame Capdevielle, pour soutenir l’amendement n384.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Rédactionnel.

(L’amendement n384, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L’amendement n385, madame Capdevielle, est de coordination ?

Absolument.

(L’amendement n385, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 31 quinquies, amendé, est adopté.)

Article 31 sexies

(L’article 31 sexies est adopté.)

Article 31 septies

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n386.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Rédactionnel.

(L’amendement n386, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 31 septies, amendé, est adopté.)

Article 31 octies

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n119 qui fait l’objet d’un sous-amendement n569.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à préciser que l’avis de la CNIL sur le décret portant sur les missions et le fonctionnement de la plateforme nationale des interceptions judiciaires sera bien public.

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir le sous-amendement n569.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Le sous-amendement complète l’alinéa 4 par les mots : « et motivé ». Je suis favorable à l’amendement ainsi sous-amendé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même avis.

(Le sous-amendement n569 est adopté.)

(L’amendement n119, sous-amendé, est adopté.)

(L’article 31 octies, amendé, est adopté.)

Articles 31 nonies et 31 decies

(Les articles 31 nonies et 31 decies sont successivement adoptés.)

Article 31 undecies

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n388.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Amendement de cohérence.

(L’amendement n388, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 31 undecies, amendé, est adopté.)

Article 31 duodecies

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n390.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Cohérence.

(L’amendement n390, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Vous conservez la parole, chère collègue, pour soutenir l’amendement n389.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Amendement de coordination.

(L’amendement n389, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 31 duodecies, amendé, est adopté.)

Articles 31 terdecies et 31 quaterdecies

(Les articles 31 terdecies et 31 quaterdecies sont successivement adoptés.)

Article 31 quindecies

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n285 tendant à supprimer l’article 31 quindecies.

M. Sergio Coronado. Il est défendu.

(L’amendement n285, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 31 quindecies est adopté.)

Article 31 sexdecies

(L’article 31 sexdecies est adopté.)

Après l’article 31 sexdecies

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 31 sexdecies.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n394.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à modifier les dispositions en matière de relèvement dans les cas où celui-ci est nécessaire à l’obtention d’un aménagement de peine. L’article 702-1 du code de procédure pénale prévoit actuellement qu’un relèvement est de la compétence exclusive de la juridiction ayant prononcé la mesure d’interdiction. Or, les délais de ces requêtes sont variables d’une juridiction à une autre, ce qui empêche de nombreux aménagements de peine du fait de l’absence de prévisibilité. Il s’agit donc de simplifier cette procédure en prévoyant une compétence concurrente du tribunal de l’application des peines jusqu’ici exclusivement compétent, dans le seul cas où un aménagement de peine envisagé dépend de l’éventuel relèvement de l’interdiction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Il souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable puisque la modification proposée est inutile. L’article 712-22 du code de procédure pénale permet déjà aux juridictions d’application des peines, et non au seul tribunal ayant prononcé la mesure d’interdiction, d’ordonner le relèvement d’une interdiction résultant d’une condamnation pénale ou décidée à titre de peine complémentaire. L’état du droit est donc satisfaisant en la matière.

M. le président. Monsieur Coronado ?

M. Sergio Coronado. Je ne mets jamais en doute la parole du ministre de la justice ! (Sourires.) Par conséquent, je retire mon amendement.

(L’amendement n394 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 396 et 417.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n396.

M. Sergio Coronado. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir le n417.

M. Christophe Cavard. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 396 et 417, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n395 qui fait l’objet d’un sous-amendement n574.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à modifier la procédure de rectification d’erreur matérielle prévue par l’article 710 du code de procédure pénale. Actuellement, cet article prévoit une audience sur requête, avec des convocations et un nouveau délai pour le jugement qui doit être enregistré, rédigé, signifié.… Cette procédure est lourde, alors qu’elle ne vise qu’à corriger une erreur purement matérielle. Il s’agit donc de prévoir que ces rectifications se feront par ordonnance rectificative rendue après avis des parties, sans audience, sauf si le juge l’estime nécessaire. Il est proche de la modification effectuée en 2010 à l’article 462 du code de procédure civile.

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir le sous-amendement n574 et donner l’avis de la commission sur l’amendement.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Je tiens à vous dire, monsieur Coronado, à quel point cet amendement va faciliter la vie des juridictions. Ces audiences sont souvent inutiles et encombrent les calendriers des magistrats et des greffiers pour rien. Il y a malheureusement beaucoup de requêtes de ce type qui traînent pendant des mois, voire des années. On est vraiment dans l’esprit du texte, à savoir la simplification et l’efficacité. L’avis est donc bien sûr favorable, sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement qui vise à le compléter.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Avis favorable même si deux ou trois ajustements devront être faits ultérieurement, probablement au Sénat.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Bien sûr.

(Le sous-amendement n574 est adopté.)

(L’amendement n395, sous-amendé, est adopté.)

Articles 31 septdecies et 31 octodecies

(Les articles 31 septdecies et 31 octodecies sont successivement adoptés.)

Après l’article 31 octodecies

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 31 octodecies. Les amendements nos 562, 561 et 563 peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour les soutenir.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Les dispositions que ces amendements proposent ont été votées récemment par la commission des affaires culturelles dans le cadre d’un texte de loi dû à l’un de nos collègues. Mme Chapdelaine, leur première signataire, m’a donc demandé, quoique avec beaucoup de regret, de les retirer.

(Les amendements nos 562, 561 et 563 sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 100 et 101, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour les soutenir.

M. Éric Ciotti. Ces amendements, monsieur le président, portent sur la procédure d’examen obligatoire de la situation des personnes condamnées aux deux tiers de leur peine. Pour le premier amendement, il s’agit des condamnations à une peine de cinq au plus ; pour le second, il s’agit des longues peines. Outre le fait que le caractère obligatoire de cet examen nous paraît inopportun, il s’inscrit dans une logique que nous avons toujours combattue et qui caractérise l’esprit de la loi Taubira, c’est-à-dire l’obtention par des subterfuges d’une réduction de la population carcérale sans se soucier des préoccupations de sécurité, en opposition à ce principe essentiel qu’est l’exécution des peines, principe auquel je tiens à redire notre attachement le plus profond.

Mme Elisabeth Pochon. On obtient pourtant de meilleures statistiques qu’à votre époque !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Monsieur Ciotti, depuis le début de l’examen de ce texte, vous passez votre temps à tenter de le tricoter. Mais vous avez beau être un spécialiste du détricotage, vous n’y parvenez pas car ce que vous dites n’est pas exact. L’examen systématique, aux deux tiers de l’incarcération, de la situation de la personne condamnée à une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée inférieure ou égale à cinq ans emporte seulement l’automaticité de l’examen lui-même et absolument pas l’automaticité de la libération.

M. Philippe Goujon. C’est déjà trop !

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Il est donc bien normal d’examiner régulièrement la situation.

M. Éric Ciotti. Non, ce ne l’est pas !

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Vous devriez vous féliciter de ce type de dispositions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable bien sûr !

(Les amendements nos 100 et 101, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Articles 32 A à 32 C

(Les articles 32 A, 32 B et 32 C sont successivement adoptés.)

Article 32 D

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n157.

M. Sergio Coronado. Il est défendu.

(L’amendement n157, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 32 D est adopté.)

Après l’article 32 D

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 32 D.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n8.

M. Sergio Coronado. Le caractère exécutoire de la contrainte pénale, s’il est légitime, pose un certain nombre de problèmes quand la personne condamnée est absente à l’audience. C’est pourquoi cet amendement vise à prévoir que la peine ne prend effet qu’à compter de sa notification. Je rappelle qu’un amendement semblable a été adopté l’été dernier par l’Assemblée, dans le cadre du volet pénal de la loi DDADUE, avant d’être censuré par le Conseil constitutionnel.

(L’amendement n8, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Vous gardez la parole, monsieur Coronado, pour soutenir l’amendement n37.

M. Sergio Coronado. Le troisième alinéa de l’article 132-19 du code pénal prévoit que lorsque le tribunal correctionnel prononce une peine d’emprisonnement sans sursis « ou » ne faisant pas l’objet d’une mesure d’aménagement, il doit spécialement motiver sa décision. Le terme « et » semblerait plus cohérent. Il s’agit en effet de devoir motiver les peines sans sursis et sans aménagement. Un amendement semblable avait été adopté dans le cadre de l’examen de la loi DDADUE, à l’initiative de Paul Molac.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. C’est une belle avancée au regard de la loi DDADUE. L’avis est bien sûr favorable.

(L’amendement n37, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n220 rectifié.

M. Éric Ciotti. Il est défendu, monsieur le président.

(L’amendement n220 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 6 rectifié et 416.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n6 rectifié.

M. Sergio Coronado. Le troisième alinéa de l’article 132-41 du code pénal interdit de prononcer, selon les cas, un second ou un troisième sursis avec mise à l’épreuve – SME – pour les personnes en état de récidive légale. Il s’agit de garantir le rôle du juge et l’individualisation des peines en supprimant cet automatisme. Un amendement semblable avait, là aussi, été adopté par l’Assemblée dans le cadre du volet pénal de la loi DDADUE l’été dernier.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n416.

M. Christophe Cavard. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable. Il ne paraît pas justifié de supprimer cette disposition qui date de la loi de décembre 2005 sur la récidive, par conséquent antérieure à la création en 2007 des peines planchers, lesquelles ont été supprimées en 2014.

Il est logique que comme pour le sursis simple, la loi limite les possibilités d’accorder des sursis avec mise à l’épreuve à des personnes récidivistes qui ont déjà fait l’objet à plusieurs reprises, ou au moins une fois en cas d’infraction violente, d’une telle mesure. Cette limitation n’est du reste pas absolue car elle permet le prononcé de peines mixtes, c’est-à-dire pour partie fermes et pour partie assorties d’un SME. Par ailleurs, cette limitation est cohérente avec la peine de la contrainte pénale. En effet, celle-ci pourra toujours être prononcée à l’encontre de personnes ayant fait auparavant l’objet d’un SME, ce qui est dans sa logique puisqu’elle permet de renforcer le suivi et de mieux individualiser les choses.

(Les amendements identiques nos 6 rectifié et 416 sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 102 rectifié et 468 rectifié.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n102 rectifié.

M. Éric Ciotti. Ce sera le dernier amendement que je défendrai ce soir. Il s’agit de rétablir l’autorisation préalable de sortie du territoire pour les personnes condamnées à un sursis avec mise à l’épreuve. Cette disposition a été supprimée par la loi du 15 août 2014, qui lui a substitué une simple obligation d’information. Cela veut dire qu’une telle personne peut quitter le territoire quand elle le souhaite, ce qui prive de caractère dissuasif la mesure elle-même et affaiblit notre dispositif de protection face à la menace terroriste.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n468 rectifié.

M. Jean-Luc Laurent. Il s’agit en effet de rétablir l’obligation d’obtenir une autorisation de sortie du territoire pour une personne condamnée à une peine de sursis assortie d’une mise à l’épreuve. Cette obligation a été supprimée en 2014 mais, à l’évidence, dans le contexte nouveau que nous traversons, il convient de revoir le dispositif afin de nous donner tous les moyens de connaître les risques afin de les prévenir. Nos amendements sont issus d’une proposition figurant dans le rapport de MM. Ciotti et Mennucci, rapport adopté par la commission d’enquête sur la surveillance des filières djihadistes présidée par le premier, M. Mennucci en étant le rapporteur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Je vais d’abord répondre à M. Ciotti, puis à M. Laurent.

Non, monsieur Ciotti, le législateur en 2014 n’a pas supprimé l’obligation faite à une personne condamnée à une peine de sursis avec mise à l’épreuve d’obtenir une autorisation avant de se rendre à l’étranger.

Certes, le législateur a remplacé, à l’article 132-44 du code pénal, une obligation systématique d’obtenir cette autorisation par une obligation d’informer préalablement le juge d’application des peines de tout projet de déplacement à l’étranger.

Mais il a maintenu à l’article 132-45 de ce même code la possibilité pour la juridiction de jugement ou pour le juge d’application des peines de prévoir, au cas par cas, une obligation spéciale d’obtenir une autorisation préalable dans l’hypothèse d’un tel déplacement.

L’objectif est de mieux individualiser la peine de sursis avec mise à l’épreuve en supprimant une contrainte qui est extrêmement lourde pour la majorité des condamnés et très consommatrice de temps pour les juges d’application des peines – je ne sais pas si vous vous en rendez compte – en permettant aussi, pour les condamnés qui le justifient, de subordonner leurs déplacements à l’étranger à une autorisation préalable du juge d’application des peines.

Monsieur Laurent, je peux comprendre vos préoccupations.

M. Éric Ciotti. Mais vous ne comprenez pas les miennes !

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Toutefois, je n’ai cessé d’évoquer cet après-midi l’embolie de nos juridictions s’agissant de l’application des peines. Pensez-vous réellement qu’il existe beaucoup d’individus terroristes condamnés pour des faits de terrorisme qui exécutent des sursis avec mise à l’épreuve ?

M. Jean-Luc Laurent. Alors il n’y a pas de problème !

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Franchement, revenons au réel ! Des individus reconnus coupables de terrorisme, condamnés et qui exécutent une peine de sursis avec mise à l’épreuve, je ne crois pas qu’il y en ait beaucoup dans nos juridictions.

Il existe 190 000 condamnations à une peine d’emprisonnement totalement ou partiellement assortie de sursis : si on adoptait votre amendement, on réduirait les droits de 190 000 personnes et on consommerait le précieux temps des juges d’application des peines pour un bénéfice relativement incertain.

Il faut quand même légiférer dans le réel et non dans le fantasmagorique ! Soyons réalistes : les dispositions actuelles conviennent parfaitement et ce que vous demandez est impossible, je dis bien impossible.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable. Au début de nos débats, j’avais indiqué que notre souci était pour l’essentiel, du moins pour la partie qui incombe au ministère de la justice, de tendre à la simplification des procédures.

Ici, l’effet serait exactement inverse : si nous adoptions et rendions obligatoire l’avis du juge d’application des peines, nous surchargerions le travail d’application des peines pour un bénéfice extrêmement minime, puisque cela n’est nécessaire que dans un nombre limité de cas.

Cette obligation doit être particulière et non pas générale pour le sursis avec mise à l’épreuve. Je souhaite donc le retrait de ces amendements ; sinon, l’avis sera défavorable, soucieux que je suis de ne pas alourdir la charge des services d’application des peines.

(Les amendements identiques nos 102 rectifié et 468 rectifié ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n391 rectifié.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. L’objet de cet amendement est légistique, monsieur le président.

(L’amendement n391 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Article 33

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n10, tendant à supprimer l’article 33.

M. Sergio Coronado. Cet article contient onze demandes d’habilitation à légiférer par ordonnances. L’ampleur et la diversité de ces ordonnances avaient surpris ; Mme la rapporteure avait d’ailleurs fait part en commission de ses doutes et de ses interrogations sur leur portée.

Si certaines portent sur des matières techniques, d’autres relèvent de domaines très importants. Ainsi, certaines visent à tirer les conséquences de décisions de la Cour européenne des droits de l’homme. Comme le rappelait d’ailleurs le président de la commission des lois il y a quelques mois, « le tamis parlementaire a des vertus intrinsèques que ne possède pas cette législation de chef de bureau que sont les ordonnances. »

Je souhaite savoir si les interrogations partagées avec nous par Mme la rapporteure ne donnent pas lieu à une réflexion plus aboutie sur cet article, qui contient un nombre surprenant d’habilitations. Cela étant, je retire cet amendement de suppression, mais je voudrais obtenir quelques renseignements sur ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Je vais vous donner quelques explications, monsieur Coronado. Certes, je partage avec vous les objections que vous formulez contre le texte qui nous a été présenté initialement, l’article 33 comportant plus de vingt demandes d’habilitation.

Ce n’est plus du tout le cas, et l’on peut en remercier M. le garde des sceaux qui a immédiatement fait droit à notre demande. Nous avons donc intégré dans le texte la moitié des dispositifs prévus grâce à l’accord et avec le soutien du Gouvernement, nous permettant de les examiner, de les amender et d’en discuter – ce que vous avez d’ailleurs fait puisque nous y avons travaillé aujourd’hui.

De fait, l’exégèse de cet article 33 permet de constater qu’il reste quelques éléments techniques en matière de transposition de directives – cela ne devrait pas poser de difficultés – et deux dispositions applicables à l’outre-mer. Il est vrai que, souvent, procéder par voie d’ordonnances dans ces cas permet de s’assurer d’une bonne rédaction ; cela ne pose donc pas de difficulté.

Les éléments les plus durs, les plus consistants, ont donc été examinés. Je vous remercie par conséquent d’accepter de retirer votre amendement, en espérant que vous êtes satisfait par la réponse que je vous ai apportée.

(L’amendement n10 est retiré.)

(L’article 33 est adopté.)

Articles 34 et 35

(Les articles 34 et 35 sont successivement adoptés.)

Seconde délibération

M. le président. En application de l’article 101 du règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 27 sexies du projet de loi, ainsi que le ministre nous l’avait indiqué tout à l’heure.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n1, tendant à supprimer l’article 27 sexies.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je pense que l’exposé des motifs se suffit à lui-même : le Gouvernement souhaite une seconde délibération de cet article sur lequel il n’a pas été suivi par l’Assemblée nationale tout à l’heure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Même avis que tout à l’heure.

M. le président. C’est-à-dire que vous êtes contre l’amendement du Gouvernement ?

Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Oui, par cohérence.

(L’amendement n1 est adopté et l’article 27 sexies est supprimé.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi.

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 8 mars, après les questions au Gouvernement.

Avant d’indiquer l’ordre du jour de la prochaine séance, je tenais à préciser qu’il s’agissait de l’ultime séance de notre secrétaire générale de l’Assemblée et de la présidence, Corinne Luquiens, qui était parmi nous ce soir. (Applaudissements sur tous les bancs.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 8 mars, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale ;

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinquante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly