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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 24 mars 2016

SOMMAIRE

Présidence de M. Denis Baupin

1. Action extérieure des collectivités territoriales

Présentation

M. Serge Letchimy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

Discussion générale

M. Stéphane Claireaux

Mme Huguette Bello

M. Ibrahim Aboubacar

M. Daniel Gibbes

Mme Maina Sage

M. Gabriel Serville

M. Bernard Lesterlin

M. Boinali Said

M. Jean Jacques Vlody

Mme Chantal Berthelot

M. Serge Letchimy, rapporteur

Mme George Pau-Langevin, ministre

Discussion des articles

Article 1er

M. Daniel Gibbes

M. Victorin Lurel

M. Bruno Le Roux

Amendement no 12

Article 2

M. Daniel Gibbes

Article 2 bis

Amendement no 2

Article 3

Article 4

Amendement no 3

Après l’article 4

Amendement no 4 rectifié

Article 5

Amendement no 5

Article 6

Amendement no 6

Après l’article 6

Amendement no 7

Article 7

Amendement no 8

Article 8

Amendement no 9

Après l’article 8

Amendement no 10

Articles 9 à 11 bis

Article 12

Amendement no 11

Article 12 bis

Après l’article 12 bis

Amendement no 14

Articles 13 à 15

Article 16

M. Daniel Gibbes

Article 17

Titre

Amendement no 15

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

2. Modernisation des règles applicables aux élections

Présentation commune

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Mme Elisabeth Pochon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Discussion générale commune

M. Philippe Gosselin

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Sergio Coronado

Mme Huguette Bello

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Action extérieure des collectivités territoriales

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, après engagement de la procédure accélérée, de MM. Bruno Le Roux, Serge Letchimy, Ibrahim Aboubacar, Mmes Chantal Berthelot, Ericka Bareigts, MM. Jean-Claude Fruteau, Éric Jalton, Victorin Lurel, Mme Monique Orphé, MM. Napole Polutélé, Boinali Said et plusieurs de leurs collègues relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération de l’outre-mer dans son environnement régional (nos 3023, 3581).

Présentation

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Serge Letchimy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, madame la ministre des outre-mer, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui face à un enjeu extrêmement important pour l’ensemble de la nation, et plus particulièrement pour les collectivités d’outre-mer.

C’est pourquoi je tiens à remercier le Gouvernement, et d’abord Mme la ministre des outre-mer et le ministère des affaires étrangères, la commission des lois ainsi que tous nos collègues d’avoir contribué à participer à ce projet d’extension des possibilités de coopération, au sens global du terme, et plus spécifiquement pour l’outre-mer.

Depuis une vingtaine d’années, des avancées considérables ont été réalisées pour favoriser la coopération régionale, étant entendu que l’article 52 de la Constitution exprime clairement la responsabilité régalienne en matière d’engagement extérieur de l’État.

Plusieurs lois ont été votées : les lois de décentralisation de 1982 et 1992, et la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000, portée par Claude Lise.

On constate par ailleurs une vraie dynamique de coopération dans l’ensemble des collectivités nationales. Les chiffres sont éloquents : près de 5 000 collectivités ont engagé des partenariats avec près de 9 000 collectivités étrangères dans 144 pays pour des montants financiers considérables. On mesure la dynamique économique liée à la coopération : la politique extérieure de l’État est menée aussi à travers les collectivités ultramarines.

Près d’une soixantaine d’actions de coopération sont conduites par les départements et régions d’outre-mer, dont trente-trois par les collectivités de Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane avec les pays limitrophes.

Une vraie dynamique a été lancée par la loi de juillet 2011. Dès 2012, celle-ci a donné possibilité aux régions et départements, qui ne sont en rien des États indépendants – puisqu’il ne s’agit pas d’États et qu’ils ne sont pas indépendants –, d’adhérer en tant que membres associés à travers le CIOM, le Conseil interministériel pour l’outre-mer, à des organisations internationales.

C’est ainsi que la Guadeloupe et la Martinique ont adhéré à l’Association des États de la Caraïbe, l’AEC, qui regroupe les 270 millions d’habitants de la Grande Caraïbe. La Martinique est devenue membre de l’Organisation des États de la Caraïbe orientale, l’OECO, et a engagé des démarches pour adhérer à la Communauté caribéenne, la CARICOM.

D’autres mesures significatives ont été prises : la nomination d’ambassadeurs délégués à la coopération régionale – plusieurs régions ont installé dans les ambassades des représentants des collectivités –, la création de fonds de coopération régionale et la nomination d’ambassadeurs délégués par zone. Autant d’étapes qu’il faut saluer.

Pourtant, des obstacles importants subsistent, notamment pour les collectivités d’outre-mer, régies par l’article 73 de la Constitution, dont la proposition de loi respecte l’épure.

Ils créent des contraintes dont les conséquences sont bien connues, notamment par Victorin Lurel, ancien président du conseil régional de la Guadeloupe. Le cadre juridique crée un déficit de lisibilité lors des discussions et des négociations avec les pays tiers, en même temps que l’impossibilité d’élaborer des programmes-cadres de coopération, c’est-à-dire de se doter d’une vision globale.

Il faut aussi mentionner l’encadrement très strict de la notion de zone de voisinage : la Martinique ne peut coopérer en droit qu’avec Sainte-Lucie et la Dominique, et ne peut se tourner vers l’Amérique de Sud. Elle le fait, certes, mais dans un cadre juridique qu’on pourrait qualifier de borderline.

Je signale enfin les difficultés matérielles rencontrées par les agents territoriaux ultramarins positionnés à l’extérieur.

Cette situation est préoccupante compte tenu des enjeux que représentent la réappropriation de la diplomatie territoriale par les collectivités et la réorientation de la coopération régionale vers le volet économique, qui n’est pas question de négliger mais que les contraintes finissent par paralyser.

Il faut profiter de notre position géostratégique. On sait par exemple que la Réunion pourrait être, dans le bassin de l’Océan indien, une plate-forme où se ferait l’interface technologique et économique entre l’Europe, et ses 500 à 600 millions de consommateurs, et l’Afrique orientale, qui rassemble près de 600 millions d’habitants. Il y a là une dynamique que nous pourrions nous approprier : il faut développer ces atouts considérables, au lieu de raisonner, comme on le fait trop souvent, en termes de handicap.

La proposition de loi traduit l’ambition d’une diplomatie économique territoriale. Je le rappelle afin de rassurer la diplomatie nationale, ce texte s’inscrit pleinement dans le cadre constitutionnel, mais il offre aux collectivités ultramarines la possibilité de devenir les fers de lance de la diplomatie française dans leur bassin géographique transfrontalier et les tenants d’une nouvelle dynamique économique. Celle-ci pourrait favoriser la construction d’un nouveau modèle qui réduirait le chômage et les difficultés structurelles que nous connaissons.

Nous vous proposons d’abord d’élargir la notion de voisinage – ce qui permettrait à la Réunion de coopérer avec un bassin élargi, comprenant l’Inde et l’Afrique –, puis de créer la possibilité, pour chaque collectivité d’outre-mer qui le souhaite, d’établir un programme-cadre de coopération avec l’ensemble des pays du bassin géographique transfrontalier. Ce programme-cadre portant sur plusieurs thématiques créerait la possibilité de négocier et de signer les accords de coopération.

Si la loi de janvier 2014 a prévu des dérogations offrant la possibilité de signer de tels accords, celles-ci n’étaient pas clairement définies. Pour les préciser, nous nous sommes inspirés de trois cadres déjà reconnus par la loi : les groupements européens de coopération transfrontalière ou GECT, les groupements euro-régionaux de coopération ou GEC, et les groupements locaux de coopération transfrontalière ou GLCT.

Nous avons apporté des améliorations importantes, notamment pour tenir compte des évolutions des collectivités territoriales de Guyane et de Martinique.

Nous avons aussi pris en compte les enjeux pour Mayotte, du fait de l’extension des pouvoirs de ce département au titre de la coopération régionale, et les besoins importants qu’ont nos collectivités de s’inscrire dans un partenariat avec les institutions financières de proximité. Je pense à la Banque de développement des Caraïbes. Un amendement allant dans ce sens concerne la Polynésie.

Toute cette structuration juridique n’aurait pas de sens si l’on n’exprimait pas très clairement les choses. De quoi s’agit-il ? Nous sommes à un moment extrêmement important du développement de beaucoup de pays d’outre-mer. Nous devons absolument chercher à libérer les énergies locales. Le niveau de formation est suffisamment important, l’ingénierie suffisamment dynamique et la technologie suffisamment forte pour que l’on donne des possibilités aux jeunes Martiniquais, Guadeloupéens, Guyanais ou Réunionnais de s’exprimer directement.

Nous devons aussi sortir de certaines absurdités. On sait que tous les déchets dits « dangereux » sont réexportés automatiquement, du fait de contraintes juridiques européennes ou financières, et qu’ils ne peuvent être mutualisés dans des bassins géographiques transfrontaliers qui permettraient de construire une véritable économie circulaire.

Nous devons aussi travailler, parce que nous sommes dans la République, dans la France. La plupart de nos pays l’ont réaffirmé lors de divers scrutins. On ne revient pas sur ce point, malgré certaines interprétations selon lesquelles nous voudrions en sortir. Ce dont il faut sortir, en revanche, c’est d’une dépendance économique directement liée à l’hexagone, de même qu’il faut utiliser tous les potentiels de proximité pour assurer une croissance nouvelle.

La nature nous redonne un peu la main. Par le biais de la transition énergétique, du changement climatique, de la réappropriation de l’économie collaborative ou de l’économie circulaire, une nouvelle dynamique, voire une nouvelle respiration, peut se créer.

Je l’ai dit : laissez-nous respirer, laissez l’inspiration se construire, parce que le modèle du développement ne se décrète pas. Il se construit dans une ambiance et une organisation bien précises.

Laurent Fabius a parlé de coopération et de diplomatie démultipliée. Cela signifie que, tandis que l’action extérieure de l’État est garantie, et qu’il fait son travail en matière de coopération, celle-ci passe par l’utilisation des plates-formes, des énergies et du potentiel locaux.

À cet égard, la proposition de loi constitue une étape extrêmement importante. Bien entendu, chacun devra réfléchir dans sa région au moyen de se l’approprier. Il devra se demander comment faire et quelles dynamiques créer. Mais nous aurons du moins ouvert des portes pour permettre à nos départements d’outre-mer d’entrer dans une nouvelle ère. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, j’ai grand plaisir à examiner aujourd’hui avec vous la proposition de loi relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération de l’outre-mer dans son environnement régional, préparée par le député Serge Letchimy – je sais que c’est un sujet qui lui tient beaucoup à cœur – en lien avec les services compétents de l’État.

Le développement de la coopération régionale est un impératif pour l’avenir des régions ultramarines. Je me souviens qu’en 1990, déjà, le rapport de Gouttes avait souligné pour la première fois, ce qui avait constitué un événement, l’intérêt pour la Caraïbe d’exploiter les liens culturels et personnels régionaux unissant les îles pour renforcer la francophonie, pour mutualiser nos infrastructures de recherche, d’enseignement supérieur, de santé et de protection civile, au service de défis régionaux communs, et pour renforcer les échanges économiques intrarégionaux. À l’époque, les collectivités ultramarines n’avaient guère de marges de manœuvre. La loi du 2 mars 1982 autorisait tout au plus le conseil régional à « décider, avec l’autorisation du Gouvernement, d’organiser […] des contacts réguliers avec des collectivités décentralisées étrangères ».

Les majorités de gauche successives ont desserré le cadre juridique de l’intervention des collectivités locales en matière de coopération régionale, particulièrement dans les outre-mer. Ce fut le cas en 1992, avec la loi sur l’administration territoriale de la République, puis avec la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000, qui définit le régime juridique actuel de cette intervention. Certes, il faut le souligner, cela ne correspond pas à la conception habituelle que l’on peut avoir des relations entre un État et ses voisins. Les collectivités ultramarines se sont, en quelque sorte, introduites dans ce qui était auparavant un dialogue entre des puissances régaliennes. Depuis 2000, ces collectivités peuvent être autorisées par les autorités de la République à négocier et à signer des conventions internationales à des fins de coopération régionale, dans le respect des engagements internationaux de la République. Cette faculté n’a d’ailleurs pas été beaucoup utilisée, peut-être en raison des limites que les collectivités y voyaient.

Aujourd’hui, Serge Letchimy propose de franchir une nouvelle étape, et le Gouvernement l’a rejoint sur cette idée. En effet, les défis communs perdurent et, comme on peut le constater, les échanges économiques régionaux sont demeurés insuffisants. Cela s’explique naturellement par des causes structurelles liées aux écarts de développement dans le voisinage de nos outre-mer et à la concurrence entre États et territoires régionaux sur certaines productions. Mais, à l’évidence, la complexité des procédures de décision en matière de coopération régionale constitue également un frein.

La réorganisation de notre réseau diplomatique, le transfert de l’autorité de gestion des crédits européens dédiés à la coopération territoriale et l’arrivée au pouvoir d’élus ayant une vision et un agenda de coopération régionale changent la donne. En concevant les contours de cette nouvelle étape, votre rapporteur, comme le Gouvernement, ont veillé au respect du principe constitutionnel en vertu duquel la conduite des relations extérieures relève de l’État. En application de ce principe, la signature d’engagements internationaux requiert l’autorisation de l’État, mais il est possible à celui-ci de déléguer sa capacité à négocier un tel engagement. Cette règle a vocation à assurer la cohérence des engagements internationaux négociés par les différentes collectivités publiques d’un État, dans un contexte où la pratique de la délégation du droit à négocier ces engagements est plus fréquente.

La règle est rigoureuse mais son application est désormais souple, dès lors que la collectivité demandeuse souhaite négocier une convention dans des matières relevant de sa compétence, donc dans le domaine de la coopération régionale. La proposition de loi qui vous est présentée aujourd’hui vise à accroître la liberté d’action des collectivités ultramarines.

Elle s’y emploie, tout d’abord, en autorisant les présidents des conseils régionaux, des collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et des conseils départementaux ultramarins à adopter des programmes-cadre de coopération régionale. Cette proposition confère à la fois de la visibilité, de la cohérence et de la liberté de manœuvre au président de la collectivité concernée pour conduire sur la durée une action de coopération régionale incluant la négociation de plusieurs conventions internationales dont l’objet et la portée ont été approuvés par les autorités de la République.

Elle poursuit cet objectif, ensuite, en élargissant la faculté offerte à toutes les collectivités territoriales de conclure des conventions avec des États étrangers pour l’application d’un accord international signé par la République française, l’exécution d’un programme de coopération régionale établi par une organisation régionale dont la France est membre ou membre associé, ou l’instauration d’un groupement de coopération transfrontalière. Cet assouplissement du cadre législatif résulte d’une analyse des difficultés opérationnelles rencontrées au cours de la dernière décennie pour engager certains projets concrets de coopération régionale. L’autorisation préalable du représentant de l’État ou l’approbation antérieure par l’État de l’accord dont il est fait application garantit la cohérence avec les autres engagements internationaux de la République. Par ailleurs, l’environnement régional au sein duquel les collectivités ultramarines pourront mener des actions de coopération régionale est élargi, notamment aux continents voisins de l’océan Indien et au continent américain, voisin de la Caraïbe.

Enfin, il est proposé de faciliter les conditions d’exercice de leurs fonctions par les représentants des collectivités territoriales ultramarines dans le réseau diplomatique français. Afin d’encourager la sélection des meilleurs agents pour ces fonctions, il est prévu que la collectivité concernée puisse, à ses frais, leur offrir un régime indemnitaire, des facilités de résidence et des remboursements de frais dans des conditions qui seront définies par décret en Conseil d’État. De fait, cette possibilité, aujourd’hui ouverte, d’affecter des agents dans les ambassades, n’a pas non plus été très largement utilisée. Ces agents pourront également être présentés par les autorités de la République aux autorités de l’État accréditaire aux fins d’obtention des privilèges et immunités reconnus par la convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.

Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie du soutien que vous voudrez bien apporter à cette proposition de loi, à laquelle le Gouvernement est naturellement favorable. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Discussion générale

M. le président. Nous en venons à la discussion générale.

La parole est à M. Stéphane Claireaux.

M. Stéphane Claireaux. Madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner la proposition de loi relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération de l’outre-mer dans son environnement régional, présentée par notre collègue Serge Letchimy. Si cette proposition de loi a pour vocation principale de permettre aux collectivités territoriales d’outre-mer, en raison de leurs spécificités et de leur éloignement géographique de l’hexagone, de renforcer leur coopération avec les collectivités ou États voisins, elle vise, plus largement, à développer l’action extérieure et la coopération des collectivités territoriales dans leur ensemble.

En effet, la coopération internationale concerne l’ensemble des collectivités territoriales, de métropole et d’outre-mer, et a partie liée au développement d’une véritable diplomatie territoriale de proximité. Aujourd’hui, près de 5 000 collectivités territoriales ou groupements mènent des actions de coopération avec des États ou des villes étrangères, pour un investissement annuel de l’ordre de 26 à 30 millions d’euros.

Vous le savez, les collectivités territoriales françaises ont toujours développé des partenariats avec les collectivités ou États étrangers voisins. La très grande majorité des communes françaises, même les plus petites, conduisent des jumelages ou des partenariats avec leurs voisins, mais aussi avec des États plus éloignés. Mais la coopération et l’action extérieure d’un pays relèvent, par principe, des prérogatives régaliennes de l’État. Elles sont donc mises en œuvre par les services centraux de celui-ci, notamment par le ministère des affaires étrangères, l’État seul disposant du pouvoir de signer des traités internationaux et de mener la coopération avec les États étrangers. Aussi, face aux limites et obstacles auxquelles se heurtent les collectivités territoriales, les signataires de cette proposition de loi, au premier rang desquels notre rapporteur Serge Letchimy, souhaitent conférer la possibilité à ces collectivités d’agir à l’international.

Le chapitre Ier du texte vise ainsi à accorder à toutes les collectivités territoriales la possibilité de déroger à l’exclusivité de signature réservée à l’État, c’est-à-dire à permettre aux collectivités territoriales de conclure des conventions avec les États étrangers. Mais ces dérogations demeurent soumises à l’autorisation préalable de l’État.

Le chapitre II a trait, quant à lui, à l’extension de la coopération et de l’action extérieure des collectivités territoriales, à destination plus spécifiquement des collectivités territoriales d’outre-mer. L’objet de ce deuxième chapitre est d’étendre les possibilités, aujourd’hui trop limitées, pour les outre-mer, de coopérer avec les États ou collectivités voisines. Actuellement, à titre d’exemple, la région Guadeloupe, présidée par notre collègue Ary Chalus, n’a pas la possibilité de mener des actions individuelles de coopération avec le continent américain, malgré leur proximité géographique. Les récents débats législatifs qui ont amené à rationaliser l’organisation de l’université des Antilles doivent nous inviter à redonner, maintenant, un véritable contenu politique à cette région, qui ne peut être qu’une simple zone géographique. De la même manière, La Réunion ne peut coopérer avec l’Inde ou le continent africain, alors qu’elle peut le faire avec Madagascar. Qu’en est-il de Maurice ? Comme peuvent le regretter les députés réunionnais, au premier rang desquels notre collègue Thierry Robert, La Réunion n’a pas la possibilité de discuter et de signer des accords avec Maurice, malgré la proximité géographique entre ces deux îles, l’État français étant le seul à disposer de cette prérogative. Or, cette absence de coopération plus poussée entre îles voisines freine le développement économique de La Réunion.

Pour ce qui concerne les territoires régis par l’article 74 de la Constitution, comme l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, les règles sont différentes. Si les possibilités de coopération sont plus étendues dans la lettre du statut tel qu’issu de la révision de 2007, ces compétences ne semblent pas accompagnées des moyens humains, administratifs et financiers correspondants et nécessaires à leur plein exercice. Aussi, aujourd’hui, à défaut de demande exprimée par le conseil territorial, nous resterons à la marge des avancées importantes que prévoit le texte pour les régions et départements d’outre-mer, notamment s’agissant de la compensation financière des compétences accordées, du statut diplomatique des agents des collectivités, et des conditions matérielles, dont le régime indemnitaire pour l’exercice des missions à l’international. Le constat est pourtant le même que dans les autres outre-mer : il est important de permettre à nos territoires de négocier directement avec les États voisins, cette relation directe permettant un travail plus simple et efficace. C’est ainsi que le chapitre III qui, selon le rapporteur, contient les dispositions centrales et primordiales du texte, vise à conférer la possibilité aux collectivités territoriales d’outre-mer de signer des engagements internationaux avec des États ou des collectivités étrangères.

Pour pouvoir être reconnue, cette coopération doit être proposée dans le cadre de la mandature de l’exécutif d’un département, d’une région ou d’une commune et elle doit être encadrée dans un programme-cadre de coopération, permettant de doter l’exécutif d’un droit d’initiative global et territorialisé de coopération. Ce pouvoir de coopération permettra à la collectivité territoriale de négocier et de travailler à l’exécution de chaque programme dans le détail, chaque action de coopération étant précisée et faisant l’objet d’une autorisation spéciale. L’autorisation de coopération de la collectivité territoriale serait accordée par le représentant de l’État sur place et le ministère des affaires étrangères, le rapporteur ayant précisé que cette double autorisation vise à assurer la sécurité de la demande, à éviter les complexités et à permettre d’assurer la crédibilité des collectivités territoriales ayant vocation à coopérer.

À l’occasion des débats en commission, il a été précisé à plusieurs reprises que l’objet du texte n’était pas de permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements de se substituer à l’État en matière d’engagements internationaux de la France ou de signatures de traités. Les auteurs de cette proposition de loi ont précisé qu’ils n’entendaient pas poser un acte d’indépendance des collectivités d’outre-mer vis-à-vis de la métropole. Au contraire, l’objet affiché du texte est de créer des dynamiques de coopération en matière culturelle et sportive, mais aussi de recherche et développement, de développement économique et agricole et de protection de l’environnement, ce que la richesse patrimoniale des outre-mer justifie pleinement.

Il est essentiel de permettre une multiplication des échanges et de développer l’attractivité de la France qui, à travers ses territoires ultramarins, demeure un pays unique au monde, le seul à disposer de territoires dans les trois principaux océans et sous toutes les latitudes. Cette représentation diversifiée de la France sur le globe est une chance, notamment en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Enfin, le chapitre IV vise à clarifier le statut des agents des collectivités territoriales placés auprès des ambassades ou organismes internationaux. Dans le cadre de la coopération régionale des collectivités territoriales d’outre-mer, il leur a été reconnu la faculté de placer des représentants dans les ambassades des pays tiers. Or, ces agents n’ont aucun statut. Si l’objet du texte n’est pas de doter les agents territoriaux d’un statut identique au statut des représentants de l’État auprès des ambassades ou consulats, les collectivités territoriales responsables souhaitent doter leurs représentants d’un véritable statut afin de les protéger et de ne pas engager la responsabilité des présidents des collectivités territoriales concernées.

Je me permets en outre de revenir, s’agissant de Saint-Pierre-et-Miquelon, sur une demande formulée il y a peu auprès des services de Matignon pour qu’un poste de conseiller diplomatique soit créé auprès du préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon, afin de pallier l’absence d’ambassadeur délégué ou de commissaire au développement endogène dans notre collectivité. C’est une demande, madame la ministre, que je me permettrai d’adresser également à vos services.

Il apparaît aussi que la coopération avec des collectivités ou des États étrangers est un véritable atout pour la France qui, grâce à la multitude de ses territoires ultramarins, dispose d’un véritable potentiel en matière de développement économique et d’attractivité du territoire.

Aussi, pour finir, et vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, réintégrer son environnement géographique, c’est un défi singulier que peu de territoires ont à relever. C’est le pari inédit que les régions d’outre-mer doivent désormais réussir.

En quelques décennies, sous l’effet conjoint d’un État centralisateur et des indépendances dans un contexte de guerre froide, nos régions se sont éloignées de leur voisinage. La Réunion s’est détournée de l’océan Indien. Ce temps est révolu. Aujourd’hui, de manière unanime, il est admis que le développement des outre-mer passe obligatoirement par leur pleine réintégration régionale. Pas un rapport, pas un article, pas une intervention qui ne plaide en faveur d’une ouverture régionale et du co-développement.

Certes, des actions de coopération ont vu le jour. Certes, des avancées législatives accompagnent ce mouvement consensuel, notamment la loi d’orientation sur l’outre-mer votée sous le gouvernement Jospin en 2000 ou, plus récemment, les lois de 2014. La marge de progression reste néanmoins importante. Peu d’accords ont été signés par les collectivités de La Réunion et leur adhésion aux ensembles régionaux n’est toujours pas acquise, à l’inverse de ce qui se passe aux Antilles.

Deux épisodes illustrent les hésitations et les instabilités que provoque la situation actuelle. Le premier a pour théâtre la Commission de l’océan Indien, la COI, qui vient de passer sous présidence française. Lors du trente et unième conseil des ministres, qui s’est tenu à La Réunion il y a à peine un mois, seule la France a pu s’exprimer de manière officielle au lieu de la traditionnelle délégation France-La Réunion, pourtant souvent conduite dans le passé par la présidence du conseil régional. Le second point concerne l’IORA – Indian ocean rim association, association des pays du pourtour de l’océan Indien –, une des principales organisations régionales dans l’océan Indien. La Réunion n’est pas représentée en son nom propre tandis que la France est adhérente depuis 2001 en tant que partenaire du dialogue aux côtés des États-Unis, de la Chine, du Japon ou encore, depuis 2015, de l’Allemagne. Ni la demande de la France pour devenir membre de plein droit ni celle de La Réunion pour adhérer en qualité de membre associé n’ont pour l’heure abouti. Par conséquent, au sein de cette organisation, les Réunionnais sont les seuls riverains de l’océan Indien à ne pas être présents en tant que membres.

Remédier à cette situation est d’autant plus urgent que La Réunion est, depuis 2014, autorité de gestion des fonds européens pour la coopération. En outre, dans un contexte en pleine évolution, permettre aux outre-mer d’accéder à une véritable diplomatie de proximité devient primordial. L’Asie, l’Afrique, l’Inde sont les nouveaux centres de développement et de croissance. La Réunion peut-elle raisonnablement rester en marge des nouvelles configurations qui émergent ?

La « Tripartite », traité de libre-échange signé en Égypte en juin dernier, est passée quasiment inaperçue en France. Pourtant, cet accord, qui réunit en un seul et vaste marché unique trois ensembles commerciaux africains, qui concerne vingt-six pays d’Afrique de l’Est et qui représente 625 millions d’habitants, concerne au plus haut point La Réunion. Je ne multiplierai pas les exemples et les chiffres. Notons simplement que tous les acteurs et toutes les évolutions convergent pour que la géographie et la politique ne s’opposent plus. La nouvelle donne géopolitique nous invite fortement à travailler pour que l’intégration à l’Europe et l’appartenance à l’océan Indien se renforcent mutuellement.

Le texte que nous allons voter va incontestablement en ce sens. Dans le respect des fonctions régaliennes et du cadre constitutionnel actuel, il élargit les périmètres géographiques, mais surtout desserre les limites juridiques qui, souvent, entravent l’action extérieure des collectivités territoriales d’outre-mer.

Cependant, pour qu’une diplomatie régionale puisse vraiment se déployer, en particulier sur le plan économique, il est nécessaire qu’elle s’exerce dans un contexte plus favorable. À cet égard, trois pistes méritent d’être approfondies : premièrement, une prise en considération plus précise des projets et des réalisations des régions d’outre-mer dans les décisions d’investissements de la France dans les pays proches des régions d’outre-mer ; deuxièmement, une meilleure articulation des crédits du Fonds européen de développement – FED – destinés à nos environnements géographiques et des programmes du Fonds européen de développement régional – FEDER –, qui financent les projets des régions européennes donc des régions ultrapériphériques ; troisièmement, la réalisation systématique d’études d’impact préalables pour prendre en compte les spécificités des régions ultrapériphériques dans la signature des accords commerciaux entre l’Europe et les pays de nos environnements géographiques. Nous ne devons pas vivre à nouveau le scénario des accords de partenariat économique, les APE.

On l’a compris, le développement économique de nos territoires et la création d’emplois durables passent nécessairement par les retrouvailles avec leurs espaces géographiques. Surtout, cette insertion régionale ne doit plus être pensée sur le mode défensif ou concurrentiel. C’est par l’affirmation de nos compétences, de nos expertises et de nos savoir-faire dans les champs les plus variés – je pense non seulement à l’économie bleue, aux énergies renouvelables, à l’économie de la connaissance, à la santé mais aussi au BTP et à l’agriculture – que nous jouerons la partition la plus juste sur la scène mondiale. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. Ibrahim Aboubacar.

M. Ibrahim Aboubacar. Monsieur le Président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, cette proposition de loi présentée par le groupe socialiste, républicain et citoyen a pour objectif de favoriser l’action extérieure des collectivités territoriales, et singulièrement la coopération des collectivités d’outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution dans leur environnement régional, les collectivités relevant de l’article 74 étant soumises en la matière à leurs dispositions propres de nature organique.

Elle s’inscrit dans un mouvement amorcé avec la loi d’orientation sur l’outre-mer du 13 décembre 2000, qui a reconnu aux collectivités territoriales la capacité d’intervenir dans des négociations et, sous certaines conditions, de signer des accords avec des États souverains. Plus généralement, à l’échelle nationale, diverses évolutions normatives ont reconnu la notion plus large d’action extérieure des collectivités. En dépit de ces évolutions, les facultés réelles de coopération pour les collectivités locales demeurent contraintes par le droit en vigueur malgré la volonté de celles-ci de s’inscrire dans cette dynamique. Une évolution des règles était donc nécessaire afin d’assouplir les régimes juridiques et d’accroître les opportunités de nos territoires dans le cadre des coopérations extérieures dans le respect, cela a été rappelé à l’instant, de la Constitution, qui réserve au Président de la République le monopole de la négociation et de la ratification des traités. La philosophie de ce texte est donc d’aller le plus loin possible dans la reconnaissance de cette compétence, aussi loin que le permet la Constitution.

Cette proposition de loi constitue ainsi un outil supplémentaire de présence de la France dans le monde et d’ancrage de ses collectivités ultramarines dans leurs zones géographiques respectives. L’esprit qui anime ce texte est bien celui de la complémentarité entre l’État et les collectivités d’outre-mer.

Cette proposition permet en effet aux collectivités territoriales de prolonger l’action de l’État et de la rendre plus pérenne et plus efficace par la capacité qui leur est donnée de conclure des conventions avec un État étranger pour mettre en œuvre un accord international conclu antérieurement par l’État, ou encore pour l’exécution d’un programme de coopération territoriale ou régionale établi sous l’égide d’une organisation internationale, approuvé par la France. Elle permet en outre aux collectivités d’outre-mer, et c’est sans doute son apport le plus important, de structurer leur action de coopération régionale afin de lui donner une plus grande visibilité et une pertinence accrue : les collectivités pourront négocier plus facilement des accords avec un ou plusieurs États étrangers sur la base d’un programme-cadre adopté par l’assemblée délibérante de la collectivité dans les matières relevant de sa compétence propre. Au lendemain du renouvellement des exécutifs régionaux, ces dispositions arrivent à point et je ne doute pas qu’elles seront exploitées.

Ce texte permet enfin de renforcer l’action de coopération des collectivités d’outre-mer en procédant à une extension appropriée et pragmatique du champ géographique de la notion de coopération régionale aux États des continents voisins de nos territoires, formalisant en quelque sorte des pratiques déjà tolérées ici et là. L’avantage exceptionnel de la France, qui est d’être présente dans les trois océans du monde, sera ainsi pleinement mis en valeur.

Tout cela se fait dans un esprit de totale synergie avec l’État qui se traduit par le respect des engagements internationaux de la France, et par un processus d’approbation par l’État des actions envisagées et d’autorisation préalable à signer les conventions avec les États étrangers.

Au nom de cette confiance, de ce respect réciproque et de cette reconnaissance, la situation des agents des collectivités locales qui portent cette action ne peut rester davantage dans le flou ; c’est ce que s’attachent à corriger certaines dispositions de ce texte. Ces personnels doivent pouvoir bénéficier de régimes indemnitaires, de facilités de résidence et de remboursements des frais adaptés aux conditions d’exercice de leurs fonctions. Ils doivent également bénéficier des privilèges et immunités du corps diplomatique d’État reconnus par la convention de Vienne.

Pensant un instant à Mayotte, je n’ignore pas que, dans la pratique, ce sont les considérations diplomatiques propres à chaque région géographique, ainsi que l’engagement résolu des hommes et des femmes qui y œuvrent qui déterminent la frontière du possible. Les dispositions que nous allons examiner donnent néanmoins un cadre, donnent un souffle supplémentaire aux outre-mer, pour reprendre une expression utilisée au colloque du soixante-dixième anniversaire de la départementalisation ; un âge, madame la ministre, qui permet à l’État de leur faire un peu plus confiance. Cette confiance, le Gouvernement l’a exprimée en engageant la procédure accélérée sur ce texte et nous l’en remercions.

L’examen en commission a permis, de manière consensuelle, de l’enrichir et de le préciser. Je ne doute pas que son passage en séance ce matin sera l’occasion de parachever ce travail.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, républicain et citoyen approuvera sans réserve cette proposition de loi, qui doit énormément à l’engagement et à la perspicacité de notre collègue rapporteur Serge Letchimy, à l’origine de ce travail remarquable que je tiens à saluer. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes.

M. Daniel Gibbes. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, Serge Letchimy, mes chers collègues, vous le savez, aux termes de l’article 52 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « Le Président de la République négocie et ratifie les traités. Il est informé de toute négociation tendant à la conclusion d’un accord international non soumis à ratification. » C’est dans le prolongement de cette disposition que l’article L. 1115-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction actuelle, interdit aux collectivités territoriales de conclure une convention avec un État étranger, sauf dérogations.

La proposition de loi qui nous est soumise propose tout d’abord de compléter cet article, afin de préciser le champ des dérogations à l’interdiction de conclure une convention avec un État étranger, et ce, pour toutes les collectivités territoriales. Ensuite, pour les collectivités d’outre-mer, et plus particulièrement pour celles qui sont régies par l’article 73 de la Constitution, la proposition de loi vise à étendre le champ géographique de la coopération régionale outre-mer, à étendre le pouvoir d’initiative de ces collectivités pour conduire la République française à conclure des accords internationaux de coopération régionale, à étendre la délégation de pouvoir de négociation et de signature d’accords internationaux de coopération régionale aux collectivités des outre-mer, à introduire un nouveau dispositif permettant aux départements d’outre-mer, aux régions d’outre-mer, ainsi qu’aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique de négocier plus facilement des accords avec un ou plusieurs États étrangers lorsqu’il s’agit de matières relevant de leur compétence propre. Enfin, la proposition de loi a pour objet de fixer les principes du régime applicable aux représentants diplomatiques ultramarins dans le cadre de leurs missions à l’étranger et de leur donner la possibilité de bénéficier des privilèges et immunités du corps diplomatique de l’État dans le cadre de leurs missions diplomatiques à l’étranger.

Le groupe Les Républicains ne peut que saluer l’ambition véritable de cette proposition de loi et les objectifs qu’elle poursuit en termes de développement économique endogène et de rayonnement de nos outre-mer dans le monde.

Depuis une quinzaine d’années en effet, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, la Réunion, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les Terres australes et antarctiques françaises et Wallis-et-Futuna coopèrent de façon plus structurelle avec les pays et territoires de leurs zones géographiques respectives. Cette coopération porte sur des projets relevant de nombreux domaines, tant économique, social, sanitaire et culturel qu’éducatif, environnemental et scientifique. Elle bénéficie d’outils juridiques dont certains sont communs à l’ensemble des collectivités territoriales et d’autres spécifiques aux territoires ultramarins et de nombreux dispositifs et leviers au niveau européen.

Les espaces concernés par cette coopération sont vastes : la Caraïbe, le plateau des Guyanes, l’ouest de l’Océan Indien, l’Océanie et les régions entourant Terre-Neuve. Cette coopération régionale favorise évidemment la création d’un espace d’échanges et pourrait contribuer fortement, dans les années à venir, à améliorer la diversification et l’internationalisation des économies ultramarines en créant des emplois stables et de qualité. Elle devrait également faire des outre-mer des catalyseurs de développement dans leurs zones géographiques respectives et des frontières actives de l’Europe. Le renforcement de l’insertion régionale constitue non seulement une évidence mais aussi un éternel défi.

C’est la raison pour laquelle le groupe des Républicains soutient l’amélioration des moyens juridiques et institutionnels mis en œuvre pour améliorer la coopération régionale de nos outre-mer. Même si nous ne nous opposerons pas à la proposition de loi et voterons avec vous, chers collègues de la majorité, vous me permettrez d’émettre un doute sur une disposition et une réserve en forme de regret. Je nourris un doute à propos de l’article 16 autorisant les agents publics représentant les collectivités territoriales auprès d’une mission diplomatique à solliciter auprès des États d’accueil les mêmes privilèges et immunités que ceux accordés aux agents de l’État français.

Si nous souscrivons aux articles 13 à 15 permettant aux régions et aux collectivités uniques d’outre-mer d’assurer à leurs représentants diplomatiques un régime indemnitaire, des facilités de résidence et des remboursements de frais tenant compte des conditions d’exercice de leurs fonctions, nous demeurons en revanche circonspects au sujet des dispositions autorisant les agents publics représentant les collectivités territoriales auprès d’une mission diplomatique, et pas seulement les agents des collectivités ultramarines, dans le cadre de leurs missions diplomatiques, à se présenter devant les autorités de l’État accréditeur en vue d’obtenir les privilèges et immunités prévus par la convention de Vienne.

Enfin, j’émettrai une réserve que notre collègue Maina Sage a esquissée en commission des lois la semaine dernière : les nouvelles dispositions relatives à l’outre-mer prévues par la proposition de loi ne concernent pas les collectivités qui ne sont pas régies par l’article 73 de la Constitution. Certes, M. le rapporteur le justifie comme suit dans son rapport : « S’agissant des collectivités ultramarines relevant de l’article 74 de la Constitution (Polynésie française, les îles Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin) et de la Nouvelle-Calédonie (titre XIII de la Constitution), la possibilité de conclure des conventions internationales avec des États étrangers est encadrée par différentes lois organiques que la présente proposition de loi n’a pas vocation à modifier ».

Néanmoins, dans la mesure où cette proposition de loi ordinaire semble avoir été préparée en concertation avec le Gouvernement, il est dommage qu’un véhicule organique n’ait pas été conjointement présenté afin de remédier aux carences de toutes les collectivités ou à tout le moins que le Gouvernement ne s’engage pas d’ores et déjà à le faire, d’autant plus que la coopération internationale est un enjeu également important pour toutes les collectivités d’outre-mer. Cet enjeu prend une dimension particulière dans ma circonscription de Saint-Martin où la France et les Pays-Bas partagent un même territoire sans frontière physique. Ainsi, les deux parties de l’île ne partagent pas un même statut européen ! Ce genre de situation constitue bien l’obstacle majeur à la pleine intégration des outre-mer dans leur bassin de vie.

J’appelle donc l’attention de notre assemblée, pour conclure, sur l’une des limites de la portée du texte : l’intégration européenne des territoires ultramarins. Pour les régions ultrapériphériques, l’étendue du champ d’action en matière de coopération régionale sera clairement limitée par l’application des normes et traités européens que leur statut leur impose, ce qui les empêche de bénéficier pleinement des marchés économiques de leur région, en particulier en matière d’équipement. Dès lors, l’importation est la seule solution qui s’offre à elles.

Il en résulte parfois des situations ubuesques, comme en témoigne une anecdote rapportée par notre collègue Patrick Ollier lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013 : pour fumer le saumon, la Guyane, pourtant située à proximité des millions d’hectares de la forêt amazonienne, se voit contrainte d’importer du bois de hêtre afin de respecter les normes européennes ! Cette anecdote illustre parfaitement la complexité de l’intégration régionale des outre-mer dont les causes dépassent le cadre législatif français. Le texte qui nous est proposé constitue une avancée indiscutable pour les départements d’outre-mer et les collectivités uniques, mais il demeure essentiel de réexaminer les relations entre Bruxelles et les outre-mer si nous voulons véritablement mettre en place une intégration régionale efficace. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à Mme Maina Sage.

Mme Maina Sage. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la coopération décentralisée constitue une chance de valoriser l’image de nos territoires ultramarins, de renforcer leur vitalité économique et de favoriser les échanges humains, universitaires, sociaux et culturels entre pays. Née dans les années 1960 puis renforcée par les lois de décentralisation de 1982 et 1992, la coopération internationale décentralisée a longtemps souffert d’une absence d’encadrement juridique puis de son caractère incertain. En dépit de ces incertitudes, les collectivités territoriales mènent une politique volontariste. Comme vous l’avez indiqué dans votre rapport, monsieur le rapporteur, près de 5 000 collectivités et groupements sont actifs dans près de 145 pays. On ne peut qu’encourager ces initiatives.

La loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000 a reconnu aux collectivités la capacité d’intervenir dans des négociations et de signer sous certaines conditions des accords avec des États souverains. Cette proposition de loi s’inscrit dans le prolongement des évolutions amorcées au cours des dernières années, qui ont consacré une compréhension plus large de l’action extérieure des collectivités territoriales. Nous mesurons l’importance de ce texte pour les départements, régions et collectivités d’outre-mer et pour l’ensemble des collectivités françaises et saluons le travail effectué depuis près de deux ans par notre collègue Serge Letchimy qui en est le rapporteur.

Le premier chapitre de la proposition de loi concerne l’ensemble des collectivités. Il précise utilement le champ des dérogations à l’interdiction de conclure une convention avec un État étranger applicable à toute collectivité territoriale. Il faut en effet rappeler que le texte ne concerne pas uniquement les collectivités d’outre-mer mais toutes les collectivités territoriales. Depuis la loi du 27 janvier 2014, le code général des collectivités territoriales se borne à indiquer que ces conventions peuvent être conclues dans les cas prévus par la loi. Le texte que nous examinons aujourd’hui remédie à cette imprécision en mentionnant explicitement les trois cas pouvant donner lieu à des dérogations avec autorisation de l’État : la mise en œuvre d’un accord international antérieur conclu par l’État, l’exécution d’un programme de coopération régionale établi sous l’égide d’une organisation internationale et approuvé par la France et la création d’un groupement de coopération territoriale.

Le texte vise ensuite à étendre le champ géographique de la coopération régionale outre-mer. Il introduit en outre un nouveau dispositif afin que les régions et départements d’outre-mer ainsi que les collectivités de Guyane et de Martinique puissent négocier plus facilement avec un ou plusieurs États étrangers des accords dont l’objet relève de leur compétence propre. Outre-mer, la coopération régionale menée depuis une dizaine d’années favorise la création d’un espace d’échange. Elle contribue à améliorer la diversification et l’internationalisation des économies ultramarines en créant des emplois stables et de qualité. Rappelons à ce propos que l’efficacité de la coopération régionale suppose de disposer d’outils adaptés, financiers en particulier. L’Agence France Locale, qui lève des financements sur les marchés obligataires et les redistribue aux collectivités locales partenaires sous forme de prêts bancaires afin de financer leurs investissements, fait partie des organismes qui y pourvoient.

Je me réjouis donc du dépôt par le Gouvernement d’un amendement permettant à la Polynésie française d’y adhérer, conformément à nos vœux. En matière d’outils de financement, je tiens aussi à saluer les efforts déployés par l’État pour faire bénéficier les collectivités d’outre-mer, dont la Polynésie française, de mécanismes de financement internationaux. Nous nous battons, dans les collectivités comme les départements d’outre-mer, pour accéder à des financements tels que le Fonds vert pour le climat ou, à défaut, un fonds spécifique européen. Il faut prendre conscience que les actions que nous menons en matière de coopération régionale nécessitent des outils financiers adaptés. Ces fonds spécifiques offrent des moyens adaptés au financement des programmes régionaux.

Les régions et départements d’outre-mer ont déjà démontré leur volonté et leur capacité d’être présents et actifs dans leur environnement régional. Nous devons encourager cette coopération en permettant à ces territoires d’être pleinement associés aux négociations et initiatives internationales au lieu d’en demeurer simples spectateurs. J’ai beaucoup apprécié les propos tenus tout à l’heure par notre collègue de la Réunion, illustrant par un cas très concret ce que nous vivons quotidiennement et ne voulons plus vivre. Nous souhaitons être pleinement acteurs des accords négociés. Nous ne voulons pas subir ce qui se négocie entre États au-dessus de nos têtes, si je puis dire, ni en être spectateurs. Il relève de l’intérêt de la France, du bon sens et même de l’évidence que nos territoires soient intégrés aux discussions de ces accords en amont, pendant les négociations et à leur signature ainsi qu’à leur suivi et leur application.

L’outre-mer est bien une véritable richesse pour la France. Comme il est écrit dans un avis du Conseil économique, social et environnemental publié en 2012, la coopération régionale des outre-mer devrait en faire « des catalyseurs de développement dans leurs zones géographiques respectives et des frontières actives de l’Europe ». Les territoires ultramarins peuvent être de formidables ambassadeurs de la France dans le monde, si toutefois nous nous en donnons les moyens. Les dispositions de ce texte nous semblent donc indispensables. Pour autant, nous devrons veiller à éviter que la définition stricte d’une aire géographique de la coopération régionale outre-mer prévue au chapitre II n’entraîne des confusions, comme je l’ai rappelé en commission. L’inscription dans notre droit d’une liste de régions et de bassins ne doit pas empêcher de mener des actions de coopération avec d’autres territoires.

En dépit de cette légère réserve, j’admets que le texte parvient à trouver un équilibre entre le respect des prérogatives de l’État qui dispose de la compétence pour négocier et ratifier les traités selon l’article 52 de la Constitution et l’élargissement de la marge de manœuvre accordée à nos territoires d’outre-mer en matière de coopération régionale. En outre, les dispositions relatives aux représentants diplomatiques ultramarins constituent une avancée. Les régions d’outre-mer et les collectivités de Guyane et Martinique peuvent en effet charger des agents publics de la collectivité de les représenter au sein des missions diplomatiques de la France. Le texte propose de fixer les principes du régime applicable aux représentants diplomatiques ultramarins dans le cadre de ces missions à l’étranger.

Il s’agit d’assurer à ces représentants un régime indemnitaire, des facilités de résidence et des remboursements de frais. Les services accomplis dans les services internationaux des collectivités ultramarines ou dans les représentations diplomatiques pourront être valorisés comme années de pratique diplomatique, ce qui constitue aussi un progrès. Permettre aux agents en poste dans les ambassades de bénéficier d’une plus forte reconnaissance et leur conférer un statut proche de celui de diplomate constitue indiscutablement une avancée pour les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution.

Les collectivités du Pacifique qui relèvent de l’article 74 de la Constitution, pourront, je l’espère, bénéficier de ce dispositif. Il ne faudrait pas créer, en cette matière, une nouvelle situation d’inégalité entre nos territoires. L’examen de cette proposition de loi doit être l’occasion de réfléchir à l’application de ces nouvelles avancées à l’ensemble des territoires, notamment aux collectivités autonomes relevant de l’article 74 et à la Nouvelle-Calédonie.

Ce texte renforcera la position de nos territoires dans leur environnement régional, prolongera efficacement l’action de l’État au plus près de ces territoires et concourra au rayonnement de la France dans ces zones géographiques.

Ce texte promeut aussi une nouvelle vision de la France, que je m’efforce de rappeler autant que possible : la France n’est pas qu’hexagonale et européenne, elle est aussi mondiale et maritime. Elle est le seul pays au monde qui compte des territoires dans les trois océans. C’est cette diversité, de territoires, d’espaces, de statuts juridiques différents, qui enrichit notre nation.

Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants votera ce texte, qui relève d’une évidence. Celui-ci permettra à nos territoires de renforcer leur position de territoire français et européen et de démontrer que nous sommes en mesure de nous impliquer efficacement dans les stratégies régionales, ainsi qu’à l’international. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, permettez-moi de commencer mon propos en félicitant Serge Letchimy, à l’initiative de cette proposition de loi. Ce texte répond à une demande formulée depuis longtemps par l’ensemble de la classe politique ultramarine, que ce soit sur les bancs de cette assemblée ou dans nos collectivités respectives. Il ne fait pas de doute que le rapporteur pourra compter sur un très large soutien, afin que ce texte ambitieux entre rapidement en vigueur.

L’idée que l’insertion des outre-mer dans leur écosystème direct est une chance, aussi bien pour ces territoires que pour la France, fait consensus. Le Premier ministre lui-même la partage, puisqu’il a récemment chargé notre collègue Jean-Jacques Vlody d’une mission sur le sujet.

J’irai plus loin, en affirmant que cette intégration est une nécessité absolue pour le développement endogène de nos territoires. Pour tout vous dire, je suis même tenté de penser que si nos territoires n’ont pas encore atteint un niveau mature de développement – au point d’être vus comme un poids financier par nombre de responsables politiques –, c’est justement parce que, de tout temps, on les a coupés de leur environnement naturel.

Alors que le monde traverse une crise économique sans précédent et que notre pays est à la recherche désespérée de relais de croissance, je me réjouis que cette piste, pourtant évidente, du développement tous azimuts des relations des territoires ultramarins avec leurs voisins soit enfin étudiée.

Certes, les initiatives de coopération interrégionales sont aujourd’hui possibles, voire encouragées, et il est vrai que les territoires ultramarins jouissent de prérogatives élargies par rapport à leurs homologues de l’hexagone. Il n’empêche que ces volontés, ces initiatives restent bridées en raison de procédures trop lourdes, de champs de compétences restreints et, surtout, d’une décentralisation de la coopération interrégionale qui ne s’assume pas complètement puisque, sous couvert de respect de nos règles constitutionnelles, la mainmise de l’État reste omniprésente.

Mes collègues ayant parfaitement décrit le contexte, je consacrerai mon propos à la circonscription dont je suis l’élu, l’Est Guyanais, qui est grande comme la Suisse et partage 300 km de frontière avec le géant brésilien. Il s’agit là de la plus grande frontière terrestre française, ce que peu de gens savent. Il ne serait pas inopportun, d’ailleurs, que cette donnée soit enseignée aux élèves de France et de Navarre : cela changerait quelque peu les perspectives, j’en suis persuadé ! Mais ne nous égarons pas.

La Guyane a fait preuve ces vingt dernières années d’une politique particulièrement volontariste en matière d’intégration régionale, notamment grâce aux fonds européens du PO – programme opérationnel – Amazonie. Pourtant, cette volonté se heurte à l’impossibilité d’élaborer une politique globale de coopération régionale, puisqu’il faut en référer à l’État dès qu’il s’agit d’engager la moindre négociation.

Or, si nous disposons de peu d’industries productives, la négociation d’accords économiques spécifiques nous permettrait, par exemple, de réduire massivement les prix de consommation en nous autorisant à recourir à l’importation de biens de consommation et d’équipement en provenance de nos voisins, avec des droits de douane adaptés et des frais de transport considérablement réduits.

Cela permettrait également de revenir sur une aberration : 50 % de nos importations proviennent de la France hexagonale, distante de 7 000 km, soit environ une semaine de bateau. Ce sont les consommateurs qui supportent les surcoûts que cela entraîne, mais aussi l’État, puisque cela légitime la surrémunération des fonctionnaires et un certain nombre d’abattements fiscaux pour les ménages. En outre, cette situation n’améliore pas l’empreinte carbone de la France, à l’heure où l’on parle de développement durable. À cet égard, l’expédition des déchets vers l’hexagone plutôt que vers le Brésil voisin est révélatrice. Daniel Gibbes évoquait en souriant le bois de hêtre qui permet de fumer le poisson en Guyane… il faudra un jour considérer ce genre de choses avec davantage de sérieux.

Vous l’aurez compris, j’accueille cette proposition de loi avec grand enthousiasme puisqu’elle va dans le sens de l’histoire, c’est-à-dire du passage d’une économie de comptoir, artificielle, assistée et administrée, fondée sur une idéologie dépassée de l’assistanat et de l’échec, à une nouvelle dynamique, endogène et assumée, prenant en compte les richesses et les potentialités, tirées notamment de la situation géographique et stratégique de ces territoires – celle-là même qui permet à la France d’être présente dans tous les océans et sur tous les continents.

Il était temps que nos ambitions politiques partagées se traduisent par l’avènement d’un cadre juridique sécurisé, plus souple. Celui-ci permet d’engager une véritable diplomatie économique territoriale, dans un partenariat avec les pays voisins et les organisations régionales, sans préjudice du rattachement au cadre institutionnel qui est le nôtre.

Il ne reste plus qu’à espérer que l’ensemble de nos collègues parlementaires de l’hexagone, dont je regrette l’absence aujourd’hui, sauront saisir la hauteur des enjeux et apporteront leur soutien, qui parfois nous fait défaut. Ainsi, nos territoires se mueront enfin en relais de croissance pour la nation tout entière. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Lesterlin.

M. Bernard Lesterlin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, cher collègue Serville, les élus de l’hexagone sont aussi présents…

Mme Maina Sage. Très bien !

Mme Huguette Bello. Ils ne sont pas assez nombreux !

M. Gilles Lurton et M. Alain Tourret. Ce sont les meilleurs !

M. Bernard Lesterlin. …et je me flatte de parler en leur nom ! Je veux commencer par féliciter Serge Letchimy d’avoir pris, avec notre soutien, l’initiative de ce texte. Cette proposition de loi constitue une petite révolution pour l’action extérieure de la France.

La pratique diplomatique évolue. Si les États conservent une place majeure dans le système international, on voit apparaître des diplomaties d’entités infra-étatiques qui ont aussi leur mot à dire et peuvent contribuer à amplifier les liens de coopération que notre pays tisse de par le monde. J’ai toujours dit que nos outre-mer était une chance pour la France, même si nombre de nos partenaires européens voient encore dans ce périmètre de notre République étendu sur quatre océans, une survivance un peu anachronique et exotique de notre histoire !

Cet héritage, nous l’assumons, il a été choisi par nos compatriotes qui vivent dans ces territoires éloignés de l’hexagone. Et puis, j’ose le dire, si tous nos concitoyens hexagonaux étaient aussi attachés à la France et aux valeurs de la République que l’écrasante majorité de nos compatriotes ultramarins, notre cohésion nationale s’en porterait mieux aujourd’hui !

Mme Maina Sage. Très bien !

M. Bernard Lesterlin. C’est aussi une chance pour ces territoires, qui doivent rayonner dans leur environnement géographique. Car ce n’est que sur le plan de la géographie qu’ils sont « ultrapériphériques », comme disent les technocrates de la Commission ! Ils incarnent bel et bien un bout de France et d’Europe dans l’Atlantique ou l’Océan indien, sans mentionner le Pacifique – dont ce texte ne traite pas, en raison du statut constitutionnel des collectivités qui s’y trouvent.

Cette proposition de loi permettra à l’action extérieure de se rapprocher des territoires et de leurs habitants, lesquels doivent en être les acteurs principaux pour la bonne et simple raison que c’est dans cet environnement qu’ils vivent. Nous n’échangeons que trop peu avec les pays souverains qui se trouvent à une portée d’aile de ces territoires, alors que nous sommes plus complémentaires que concurrents. Et puis nous avons un devoir de solidarité dans ces parties du monde. Rappelez-vous Haïti et son besoin de reconstruction après la catastrophe de 2010 !

Même s’ils sont souvent plus pauvres que nous, ces voisins sont aussi des consommateurs. Ils ont besoin de notre avance technologique, de notre industrie locale, de nos produits manufacturés. Nous pouvons avoir besoin de certaines de leurs productions agricoles ou halieutiques. Nous devons protéger ensemble la biodiversité que nous avons en partage, nos universités doivent échanger leurs étudiants et leurs chercheurs. Nous pouvons aussi avoir besoin de médecins cubains, tant notre démographie médicale est en souffrance dans nombre de nos régions ! Mentionnons enfin le tourisme, qui ne peut que bénéficier des produits multidestinations.

Cela fait longtemps qu’avec la mondialisation, il n’est plus nécessaire de tout faire transiter par le cordon ombilical économique qui relie ces territoires à la métropole. L’unité de la République sera plus forte lorsque le développement de chaque territoire donnera plus de travail à ses enfants – le taux de chômages des jeunes, outre-mer, est deux fois plus élevé que celui de métropole, qui n’est déjà pas glorieux ! L’égalité réelle ne réside pas seulement dans l’alignement des droits sociaux, elle est aussi là.

Donner à la coopération régionale un cadre juridique modernisé – l’objet de cette loi – est une avancée fondamentale pour permettre la négociation et la mise en place de projets de développement dans l’environnement régional des outre-mer.

Mais au-delà du cadre juridique que nous allons adopter, je voudrais, pour terminer, insister sur l’accompagnement humain. Certes, nous pourrons plus facilement envoyer depuis nos territoires ultramarins des entrepreneurs, des techniciens, des fonctionnaires pour monter ces projets de coopération avec les pays voisins de la Caraïbe, d’Amérique centrale ou du Sud, d’Afrique de l’Est ou des Mascareignes, et réciproquement, accueillir leurs homologues. Mais il ne faut pas que notre jeunesse reste spectatrice de ces nouvelles chances. Et je pense là à un sujet qui me tient particulièrement à cœur, l’engagement citoyen des jeunes.

Ces projets de développement ou de solidarité avec l’environnement régional offriront de nombreuses opportunités, à même de répondre à l’aspiration des jeunes à s’engager pour des causes d’intérêt général. La réussite du service civique dans les outre-mer est la preuve que cela répond vraiment à un besoin, tant pour les jeunes que pour la société dans laquelle ils vivent.

Grâce à ce texte, nous pourrons encourager la construction de projets citoyens entre nos territoires d’outre-mer et les pays de leur région.

Je souhaite que le mouvement des échanges de jeunes volontaires s’accentue pour que demain, de jeunes Martiniquais puissent réaliser des missions à Sainte-Lucie ou à la Dominique par exemple, que de jeunes Guyanais puissent aller au Brésil, de jeunes Réunionnais à Madagascar ou de jeunes Mahorais au Mozambique et qu’en échange nous puissions accueillir des jeunes de ces pays afin de partager des expériences de solidarité avec nous. La réciprocité est une dimension fondamentale de la coopération internationale ; elle prend tout son sens quand il s’agit de faire se rencontrer des jeunesses de plusieurs pays, de plusieurs cultures.

L’intégration plus forte de nos territoires dans leurs environnements régionaux, est une réponse que nous pouvons donner à ceux qui perçoivent la mondialisation comme « inhumaine » et destructrice. La mondialisation peut aussi être un formidable progrès pour l’humanité quand on se donne la peine de se connaître, de se parler, de s’entraider plutôt que de remonter les peuples les uns contre les autres. Alors, pour tout cela : bravo ! Qui pourrait aujourd’hui être contre votre initiative ? C’est le bon moment pour le faire et vous montrez la voie. C’est l’outre-mer qui fera ainsi avancer la coopération décentralisée dans l’ensemble de la République.

Comme l’a annoncé le Président de la République, nous allons rendre universel, et par conséquent accessible à tous, l’engagement citoyen, notamment au niveau international. Comment imaginer, madame la ministre, que l’outre-mer ne prenne pas toute sa part dans cet enjeu ? (Applaudissements sur tous les bancs)

M. le président. La parole est à M. Boinali Said.

M. Boinali Said. Monsieur le Président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, le dynamisme actuel de la coopération régionale des départements et régions d’outre-mer peut être diversement apprécié en fonction des degrés d’intégration de la France dans les organisations internationales et régionales.

Cette intégration à géométrie variable ne profite pas à l’ouverture internationale de ces collectivités françaises qui inscrivent l’intégration régionale au cœur de leur stratégie de développement.

En effet, cette stratégie peut jouer son rôle si les champs géographiques et les normes de la diplomatie sont renforcés ou si les collectivités locales reçoivent l’autorisation de renforcer leur capacité de négocier ou de signer des engagements internationaux.

C’est ainsi que l’ouverture internationale et l’intégration régionale peuvent servir de levier dans la stratégie de développement de ces collectivités ultramarines.

Chacune de ces zones géographiques représente en effet, pour ces collectivités, des bassins de vie qu’il faut animer en multipliant les relations diplomatiques, économiques, commerciales, ou en nouant des coopérations dans les domaines agricoles, culturels, scientifiques, techniques, éducatif, de la justice, de la sécurité ou de l’environnement. Ces coopérations permettront par ailleurs à la France d’ouvrir de nouvelles perspectives économiques, dans des zones qui couvrent parfois plus de 2 milliards d’habitants et qui recèlent d’importantes ressources naturelles et halieutiques.

Cette proposition de loi tend à ce que les collectivités puissent désormais signer, avec les États riverains, des conventions qui mettent en œuvre les accords internationaux de la France. Elle étend également le champ géographique de cette coopération, tout en sécurisant les actions de coopération de ces collectivités, dans leurs domaines de compétence propres.

Pour assurer efficacement leurs missions diplomatiques, ces collectivités bénéficient d’une représentation par leurs agents publics, protégés par des conditions de travail sécurisées.

Ce texte préfigure ainsi une véritable dynamique d’appropriation d’une forme de diplomatie qu’on appellera « diplomatie territoriale », tel que préconisée par le rapport Laignel, pour mieux marquer l’ancrage des Ultramarins dans leur environnement régional, et apporter une sécurisation juridique à des expériences humaines riches en échanges pour les familles, les entreprises, les opérateurs publics et les collectivités territoriales, au travers des programmes-cadres de coopération.

Enfin, pour animer ces bassins de vie, que nous appelons à Mayotte le « TOBE », cette sécurisation était d’autant plus nécessaire qu’elle permet à chacun de ces départements et régions de renforcer l’intégration régionale de la France, à l’abri des écueils politiques, comme des revendications territoriales dans certaines zones d’outremer, et de renforcer aussi leur stratégie de développement international et régional. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. le président. La parole est à M. Jean Jacques Vlody.

M. Jean Jacques Vlody. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, cher Serge, chers collègues, nous vivons probablement aujourd’hui un moment historique dont nous ne mesurons pas encore pleinement la portée. Gabriel Serville regrettait tout à l’heure l’absence de certains collègues d’outre-mer. D’autres sont là, Bruno Le Roux nous fait l’amitié de représenter le groupe et je l’en remercie. Peut-être les absents seront-ils jaloux de ne pas avoir participé à cette séance décisive. Une chose est certaine : l’ensemble de l’outre-mer est mobilisé, tant les échéances qui nous attendent sont cruciales.

M. Daniel Gibbes. C’est vrai.

M. Jean Jacques Vlody. Cette proposition de loi jette les bases d’une nouvelle architecture de coopération régionale et revêt en cela une importance stratégique.

Aujourd’hui, les territoires ultramarins souffrent encore trop souvent de n’être considérés que comme des acteurs de seconde voire de troisième zone dans la construction et la conduite de la politique de coopération régionale avec leur environnement immédiat – j’ai bien entendu les propos de ma collègue.

Pourtant, la place de la France, son rayonnement dans ces espaces géographiques comme l’océan indien ou les Caraïbes et sa participation à certaines organisations internationales, dépendent des outre-mer. Ainsi, la France est membre de la commission de l’océan indien grâce à la Réunion. Elle n’en aurait pas le droit autrement.

À travers des actions de « coopération décentralisée » ou de « coopération régionale », puis en participant sous des statuts divers aux organisations internationales, ces collectivités d’outre-mer ont acquis une dimension d’interlocuteurs incontournables auprès des États de leur voisinage et de l’Union européenne.

Ces acquis ont été renforcés par notre assemblée grâce à l’adoption d’un amendement que j’avais déposé au projet de loi NOTRe, afin d’obliger l’État à consulter systématiquement les régions ultramarines avant de conclure des accords diplomatiques ou de coopération avec les États voisins.

Nous avions donc accompli une partie du chemin. Mais une partie seulement !

À travers ce texte, nous allons plus loin et passons d’une logique de « coopération décentralisée » et de « coopération régionale » à ce que l’ancien ministre des affaires étrangères appelait une amorce de « diplomatie territoriale ».

À travers des programmes-cadres de coopération régionale, cette proposition de loi donne enfin un cadre juridique approprié pour faire des collectivités les fers de lance, les moteurs et les pierres angulaires pour tout ce qui concerne leur voisinage immédiat.

En effet, qui mieux que les collectivités locales ultramarines connaît son environnement immédiat, les pays voisins, les opportunités qu’ils recèlent, les risques encourus ?

Aujourd’hui, la France se prive de l’expertise et des compétences de nos territoires. Les relations bilatérales entre la République française et les États voisins de nos régions se font bien souvent contre nos propres intérêts, voire en dépit de tout bon sens. L’État peut ainsi décider de financer le développement portuaire d’un État voisin, donnant à celui-ci une avance considérable dans son rayonnement régional, et accompagner dans un second temps le financement du seul port français de la zone. C’est la réalité.

Ces exemples de coopération entre l’État français et les États voisins des régions d’outre-mer démontrent l’incohérence de notre stratégie de développement lorsque nos collectivités d’outre-mer ne sont pas associées.

D’autre part, les processus de décisions de l’État constituent un véritable handicap dans les stratégies de développement de nos régions d’outre-mer.

Pour bien comprendre l’enjeu des mesures que nous allons décider aujourd’hui, je vous donnerai un simple exemple.

La desserte aérienne entre nos territoires de la zone du sud-ouest de l’océan indien est compliquée. Pendant que la France réfléchit à la question, un État voisin s’est déjà engagé dans le lancement d’une compagnie aérienne low-cost pour desservir la zone ! Je pourrais vous citer une dizaine d’exemples de ce type. À chaque fois qu’une opportunité de développement s’ouvre pour nos territoires, nous sommes systématiquement devancés par les territoires voisins où les processus de décision sont plus rapides.

En conclusion, cette proposition de loi permet trois grandes avancées – je salue aujourd’hui tous ceux qui ont décidé de la soutenir et le Gouvernement qui s’est engagé à nos côtés.

Elle permettra de ne plus se priver de l’expertise des collectivités ultramarines en faisant d’elles les fers de lance d’une diplomatie territoriale. Elle raccourcira les processus de décision, ce qui fera gagner un temps d’avance précieux sur des marchés économiques en pleine construction. Elle garantira enfin une plus grande cohérence dans la stratégie de développement régional.

Partant de ce nouveau cadre juridique et institutionnel, il convient dans un second temps – Gabriel Serville l’a évoqué tout à l’heure puisque je suis, auprès de Mme la ministre, chargé d’une mission pour améliorer l’insertion de nos territoires dans nos espaces géographiques – d’identifier et de lever les freins à une meilleure insertion de nos territoires dans notre environnement géographique afin que, d’un territoire périphérique, nous devenions les centres de nos espaces géographiques. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, cher Serge, mes chers collègues, je tiens à saluer l’initiative de notre rapporteur, Serge Letchimy, car ses propositions sont extrêmement pertinentes. Tout le monde sait combien Serge est sensible à ces sujets et nous retrouvons au travers de ce texte sa parole politique.

Le sujet des actions extérieures et de leur intégration dans l’environnement régional est décisif pour nos collectivités et les territoires ultramarins.

Compte tenu du droit commun actuel et des restrictions dictées par certains articles de notre Constitution, ce texte marque une nouvelle étape pour permettre à nos collectivités territoriales de développer une stratégie ambitieuse de partenariats avec leurs voisins, en élaborant des programmes-cadres de coopération régionale dans les domaines de compétences qui leur sont propres.

Il s’agit là d’un défi pour nos collectivités, qui devront faire preuve de leur expertise pour asseoir leurs nouvelles prérogatives et réaffirmer leur dimension internationale.

Je centrerai mon propos sur la Guyane, et tout particulièrement la région de l’ouest guyanais, qui m’est chère.

La Guyane, qui est l’unique territoire continental des départements d’outre-mer français et des régions ultrapériphériques européennes, est prête à relever ce défi.

Son intégration régionale sur le plateau des Guyanes, avant d’être une nécessité diplomatique et économique, est surtout une réalité historique, géographique, sociale et culturelle.

Ses frontières fluviales que constituent l’Oyapock à l’est avec le Brésil, comme l’a dit Gabriel Serville, et le Maroni à l’ouest avec le Suriname, sont avant tout des bassins de vie. Ceux qui connaissent la Guyane le savent bien mais il est important de le répéter pour ceux qui la connaissent moins ou pour les petites têtes qui nous écoutent aujourd’hui, depuis les tribunes du public.

Les populations qui y vivent transcendent leurs identités administratives respectives et se considèrent avant tout comme des frères et des sœurs. C’est une réalité que nous devons comprendre.

Dans l’Ouest guyanais, la réalité géographique et administrative du fleuve Maroni renvoie inéluctablement à la réalité historique qui est celle de nos compatriotes bushinengués : les Noirs marrons. Leur histoire est celle du marronnage, qui fut présent à peu près partout où, en Amérique, l’esclavage fut le système économique et social dominant. À partir du milieu du XVIIsiècle et plus encore au XVIIIsiècle, c’est au Suriname que le marronnage connut son apogée et fut constitutif, au prix d’une liberté chèrement acquise, de sociétés et d’identités à part entière qui perdurent encore aujourd’hui sur les deux rives du fleuve Maroni avec une remarquable vigueur, continuant de cultiver une différence fièrement affirmée. Depuis la loi de départementalisation de 1946, puis la création des communes en 1969, les Noirs marrons de Guyane sont devenus citoyens français à part entière.

Mes chers collègues, vous l’aurez aisément compris : la coopération et l’intégration régionales de nos territoires dont il est question aujourd’hui, c’est au premier chef la réalité de femmes et d’hommes qui vivent sur les deux rives du Maroni. Et si nous sommes ici, c’est justement pour parler de ces hommes et de ces femmes, de fratries partagées entre deux rives, de personnes qui viennent se faire soigner de l’autre côté, qui se rendent visite, qui parfois constatent que leur téléphone capte le réseau d’un côté alors qu’ils ont un abonnement de l’autre. Des Surinamais viennent au centre hospitalier de Saint-Laurent, mais des Guyanais se rendent également de l’autre côté. Je rappelle que Saint-Laurent-du-Maroni est à 130 km de Paramaribo, la capitale du Suriname, alors que la distance qui le sépare de Cayenne, la capitale de la Guyane, est de 250 km.

Bref, le regard des habitants de l’Ouest guyanais est tourné vers le Suriname, et le mien aussi. Cette intégration dont nous parlons, c’est leur quotidien. C’est le quotidien de Saint-Laurent-du-Maroni, 50 000 habitants, qui sera bientôt la ville la plus peuplée de notre région. Et cette coopération qu’elle pratique au quotidien permet d’atténuer en partie les effets d’une situation sociale et économique difficile. Saint-Laurent doit pouvoir tirer pleinement profit de sa position stratégique au cœur des échanges transfrontaliers et devenir la pierre angulaire de la coopération dans l’Ouest guyanais.

Depuis 2009, cette coopération s’est institutionnalisée avec la mise en place du Conseil du fleuve, qui voit les différents représentants administratifs et politiques surinamais et guyanais se réunir deux fois par an pour échanger et avancer conjointement sur des sujets d’intérêt commun. Cet outil pertinent doit trouver sa place dans la mise en œuvre et le suivi des actions et des programmes-cadres de coopération régionale. Le fleuve Maroni n’est pas une barrière, mais un lien qui unit nos destins. Sur sa rive française, nous pouvons ressentir quotidiennement la moindre secousse sociale, économique ou institutionnelle qui frappe notre voisin surinamais, comme cela est le cas depuis quelques mois.

L’expérience de l’Histoire, partout dans le monde, prouve l’interdépendance, pour le meilleur comme pour le pire, des sociétés et pays voisins. L’avenir de la Guyane n’échappe pas à cette réalité et doit nécessairement passer par un renforcement et une extension des outils actuels de coopération en matières sociale, sanitaire, économique, culturelle et scientifique entre le Suriname et la collectivité territoriale de Guyane. Votre proposition de loi, cher Serge Letchimy, favorisera cette ambition. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Serge Letchimy, rapporteur. Après avoir remercié sincèrement les intervenants et les groupes, qui, dans leur totalité, se sont prononcés en faveur de ce texte, je souhaite apporter quelques précisions.

Stéphane Claireaux a évoqué Saint-Pierre-et-Miquelon et son statut particulier. Je crois que la question de la présence d’agents à l’extérieur se pose à peu près de la même manière pour les collectivités relevant de l’article 74. Ce vœu est exprimé. Il appartiendra au Gouvernement de faire savoir si l’on va ou non dans ce sens.

Huguette Bello a soulevé quant à elle l’important sujet de l’articulation des politiques nationales et européennes en matière d’investissement dans la zone. Les programmes-cadres devraient permettre d’assurer cette articulation : en effet, dès lors que l’on élabore un programme-cadre, on est dans une négociation non seulement avec le ministère des affaires étrangères, mais aussi avec le ministère des outre-mer et avec d’autres acteurs, ce qui permettra d’éviter l’incohérence d’investissements très lourds – M. Vlody l’a souligné – réalisés de manière déconnectée par rapport aux réalités de chaque pays.

Merci, Ibrahim Aboubacar, pour les mots que vous avez eus. On ne peut rester éternellement étranger à sa géographie, disait Aimé Césaire. C’est la réalité ! Ce n’est pas parce que l’on est dans une géographie donnée que l’on est tout à fait conscient d’y être : il faut en prendre conscience. Non qu’il faille se couper de la France ou de l’Europe, cela n’aurait pas de sens. Mais nous sommes dans un ensemble, et la prise de conscience de ce fait peut constituer une richesse supplémentaire.

Daniel Gibbes a parlé de deux sujets importants. Concernant les collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution, la ministre apportera très certainement des précisions. Concernant l’interrogation sur l’article 16 de la proposition de loi, je rappelle qu’il ne s’agit nullement d’assimiler les agents concernés aux diplomates nationaux. Ce sont bien des agents des collectivités, comme l’énoncent les articles précédents visant à leur offrir un régime indemnitaire et une couverture sociale suffisamment clairs. Les diplomates d’État ont leur propre statut, et je voudrais les rassurer sur ce point car j’ai ressenti chez eux une certaine inquiétude par rapport aux agents qui pourraient être, si je puis m’exprimer ainsi, des diplomates des régions. L’objectif est uniquement d’offrir un minimum de sécurité à un agent envoyé, par exemple, au Brésil ou à Panama. La prise en compte du pays tiers sera donc déterminante et ces questions feront l’objet d’une négociation, mais il ne s’agit pas de donner un statut particulier.

Les observations de Maina Sage sur les collectivités relevant de l’article 74 rejoignent celles de ses collègues. On a laissé entendre que ces collectivités pourraient elles aussi signer directement des accords internationaux, ce qui est faux. Mais il y a certainement des avancées à faire en la matière. Un projet de loi organique nous donnera-t-il l’occasion d’y travailler ?

J’entends bien la question de ma collègue au sujet des bassins géographiques transfrontaliers. Il est exact que le texte privilégie le bassin transfrontalier du département ou de la région. Pour la Guadeloupe ou la Martinique, par exemple, le bassin était jusqu’à présent constitué de Sainte-Lucie, de la Dominique, de la Caraïbe « de base ». Avec ce texte, il pourra s’élargir à l’Amérique centrale, à l’Amérique du Sud, à l’Amérique du Nord, etc. Ce qui ne nous interdit pas de coopérer, si nous le souhaitons, avec l’Afrique : nous pouvons alors passer des conventions autorisées par l’État dans des conditions classiques. N’oublions pas non plus la loi « Oudin-Santini » de 2005, qui ouvre à l’ensemble des collectivités territoriales la possibilité de passer directement des conventions de coopération dans certains domaines comme l’eau, l’assainissement ou l’énergie, et dont on a récemment élargi le champ à la gestion des déchets. M. Vlody parle de « petite révolution » à propos de la proposition de loi, mais ce n’est pas seulement pour nous : nous avons souhaité que cette révolution s’inscrive dans une dynamique globale.

Gabriel Serville et Chantal Berthelot ont raison. La Guyane, c’est une superficie équivalente à celle du Portugal, ce sont d’importantes ressources en matières premières, c’est un très fort enjeu énergétique, c’est la proximité du Brésil et de ses centaines de millions d’habitants. Bref, l’enjeu est considérable.

Quant à la mission que le Gouvernement a confiée à M. Vlody, elle apportera un complément très important. Légiférer est une chose, mais légiférer ne veut pas dire développer. Nous avons absolument besoin d’instruments pour accompagner cette évolution, par exemple en matière de désenclavement aérien, de visas, etc. J’espère que le Gouvernement tiendra compte des travaux de notre collègue.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme George Pau-Langevin, ministre. Serge Letchimy ayant déjà dit l’essentiel, je serai brève.

Merci à tous les orateurs pour la qualité de leurs interventions. Nous abordons ce matin un sujet qui tient au cœur des élus d’outre-mer et qui est utile pour notre pays : l’amélioration de l’articulation entre ce que font les territoires et ce qui se fait dans les zones avoisinantes. Ce qui se passe à proximité peut avoir des conséquences importantes, parfois préoccupantes aussi, d’où la nécessité d’une harmonisation.

Plusieurs intervenants ont insisté sur la nécessité, après l’aboutissement de la proposition de loi de M. Letchimy en ce qui concerne les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, d’aller plus loin et de trouver un système adapté pour les collectivités relevant de l’article 74. Il me paraît fondamental d’examiner ensemble les moyens d’offrir à ces collectivités de nouvelles possibilités de travailler avec leur environnement régional. Nous pourrons réfléchir, par exemple, à l’idée avancée par M. Clairault de disposer d’agents diplomatiques permettant de pallier l’absence d’ambassadeurs dans la zone de l’Atlantique Nord.

J’ai bien entendu les quelques critiques émises, notamment par Mme Bello, à propos de la situation actuelle. C’est précisément pour pouvoir lever ces freins et remédier à ces anomalies que nous avons demandé à M. Vlody d’approfondir le sujet. Je vous invite à travailler avec lui pour que nous franchissions cette nouvelle étape qui me semble nécessaire en matière de coopération régionale.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, inscrit sur l’article.

M. Daniel Gibbes. Je souhaite rassurer M. Gabriel Serville à propos de l’anecdote que j’ai rapportée lors de la discussion générale. Si j’ai pris cet exemple, mon cher collègue, c’était pour illustrer que la situation pouvait être ubuesque et pour montrer la complexité de l’intégration régionale des outre-mer, complexité dont les causes dépassent le cadre législatif français. Mon intention était donc positive.

Je souhaite aussi revenir sur la question de l’information due au représentant de l’État sur la nature et la portée des conventions signées par les collectivités avec des États étrangers. Le contrôle de l’information des institutions par les collectivités locales est bien entendu un préalable nécessaire. Toutefois, par souci d’efficacité, il conviendrait de préciser la procédure à suivre pour respecter cette obligation. Les collectivités auront en effet besoin de garanties quant à la fluidité et la lisibilité des procédures imposées par ce texte.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur – cher Serge Letchimy –, mes chers collègues, cette proposition de loi est un bon texte et une belle avancée. Je la voterai non sans enthousiasme. Pour avoir été président de région, je sais les difficultés de l’action extérieure des collectivités dans leur environnement immédiat !

Je formulerai néanmoins quelques remarques.

Tout d’abord, y a-t-il une objection fondamentale à ce que l’on améliore le titre en parlant de coopération « des outre-mer dans leur environnement régional » et non « de l’outre-mer dans son environnement régional » ? Ce n’est pas seulement une question de sémantique. Ne pas procéder à cette modification serait à mes yeux un recul. Il convient de bien marquer la diversité des territoires et de leurs statuts, et j’interviendrai en ce sens au cours de la discussion.

Ensuite je crois, moi aussi, qu’il manque un volet organique pour les collectivités relevant de l’article 74, voire pour le titre XIII de la Constitution, qui concerne la Nouvelle-Calédonie. Une avancée me semble nécessaire.

J’appelle également l’attention du rapporteur et de la ministre sur les articles 7, 8 et 9 de la proposition de loi. En Martinique, nous avons une dyarchie répartie entre le président du conseil exécutif et le président de l’assemblée délibérante. En l’espèce, les articles 7 et 8 prévoient que l’initiative revient à l’assemblée délibérante et non au président du conseil exécutif, mais que c’est ce dernier que l’État mandatera. Or le rapporteur a déposé un amendement modifiant ce dispositif. En cas d’adoption de l’amendement, si, par exemple, la Martinique voulait adhérer à la Banque caribéenne de développement, c’est sur l’initiative du président du conseil exécutif que l’assemblée serait saisie. Il y a donc un risque de conflit d’intérêts. Sans doute faudra-t-il examiner la question, si ce n’est en séance, du moins en renvoyant à un décret qui préciserait les choses.

Il y aura peut-être, si l’assemblée délibérante de la Martinique refuse de proposer un programme-cadre…

M. le président. Il faut conclure, monsieur Lurel !

M. Victorin Lurel. Je suis désolé, monsieur le président, donnez-moi encore une petite minute.

M. le président. Normalement, c’est deux minutes sur les articles.

M. Victorin Lurel. Cela me paraît important pour le domaine d’application du texte. Le texte concerne l’ensemble des collectivités de la nation. Qu’en est-il de la Corse, qui est aussi en dyarchie, dans le chapitre Ier ?

Enfin, j’insiste sur une limite fondamentale, qui n’est pas du fait de Serge Letchimy : le futur programme-cadre ne pourra en aucun cas concerner le commerce, ni même sans doute l’adhésion à une banque caribéenne de développement ou à une banque régionale de développement.

Nous sommes terriblement limités par le pouvoir de la Commission européenne. On ne peut rien faire. Quand vous voulez vendre l’eau de Didier de la Martinique ou Capès de la Guadeloupe, vous ne pouvez pas le faire. Il faut desserrer ces contraintes, grâce soit à des plans de coopération, soit à un texte de loi. Les programmes-cadres devraient permettre de s’émanciper des normes. C’est ce qui a d’ailleurs un peu motivé l’adhésion de Saint-Barthélemy au statut de PTOM.

Ensuite…

M. le président. Merci, monsieur Lurel !

M. Victorin Lurel. Excusez-moi, monsieur le président, je finis tout à fait. S’agissant des chargés de mission, j’en ai placé six ou sept quand j’étais président de région. L’État vous fait louer la salle, le bureau et le téléphone ! Ces jeunes-là n’ont aucune garantie. Il faut penser au statut diplomatique, à l’accréditation, aux réalités pratiques. C’est une très belle avancée, mais nous devons aussi être pragmatiques. Merci pour votre compréhension et votre bienveillance, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, vous m’excuserez de m’exprimer de façon générale sur l’article 1er, mais j’ai souhaité laisser la priorité aux collègues d’outre-mer membres du groupe dans la discussion générale. Je veux réaffirmer devant vous l’engagement total du groupe socialiste, républicain et citoyen sur ce texte qui me semble aller dans le sens du renforcement et du rayonnement de la République.

Il est normal que beaucoup d’orateurs se soient exprimés en partant des territoires qu’ils représentent et dont ils sont les élus à l’Assemblée nationale. Selon ma lecture, c’est un texte qui renforce le rayonnement de notre République. C’est aussi pour cela qu’il faut, sans hésitation – nous en discutons depuis très longtemps avec Serge Letchimy –, avancer pour dynamiser la France. Les outre-mer sont la France, mais ils sont aussi le monde, grâce à leur position géographique, grâce aux liens qu’ils ont noués ces dernières années dans les cadres où nous les avons autorisés à le faire.

Aujourd’hui, la force acquise par l’expérience nécessite d’aller plus loin. À voir la façon dont nos outre-mer se sont emparés des prérogatives que la République leur a données et dont ils les ont fait vivre, nous savons que nous pouvons aller plus loin en toute confiance et en toute responsabilité.

Ce texte est d’une importance capitale, parce qu’il peut mobiliser les énergies. Serge Letchimy a demandé que nous les laissions respirer. Je n’ai pas peur, personne dans notre République ne doit avoir peur de laisser respirer nos outre-mer, parce que ce sera pour notre bénéfice commun. Ils ont aujourd’hui des problèmes à résoudre dans des cadres qui sont nos cadres collectifs républicains, mais grâce à leurs propres énergies qu’ils peuvent mobiliser dans leurs territoires et avec les pays voisins qui leur sont associés.

Cela fait bien trop longtemps que je ne suis pas allé en Polynésie, chère collègue Maina Sage, mais tous les déplacements que j’ai faits ailleurs dans le monde, que ce soit en Chine, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, montrent le potentiel extraordinaire qu’il peut y avoir à donner un cadre d’action supplémentaire à ces territoires, plus fort que celui qui existe aujourd’hui, parce qu’il permettra de mobiliser la jeunesse et les énergies sur des projets nouveaux qui pourront exister grâce à ce texte. Mon groupe s’est totalement engagé pour que nous puissions adopter et mettre en œuvre le plus rapidement possible cette loi de confiance et de responsabilité.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 1er. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n12.

Mme George Pau-Langevin, ministre. C’est un amendement de précision. Nous souhaitons que la convention de coopération soit préalablement autorisée par l’État avant d’être conclue par la collectivité territoriale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Letchimy, rapporteur. Je suis bien sûr favorable à cet amendement.

Mais je souhaite apporter deux ou trois précisions, parce que l’intervention de Victorin Lurel m’a un peu inquiété. Je me suis demandé si nous avions fait l’erreur d’inscrire dans le texte « l’assemblée » au lieu de « le président du conseil exécutif » ; mais c’est bien le président du conseil exécutif dans les cas de la Guyane et de la Martinique. Il n’y a pas de problème. L’article 12 dispose que : « le président du conseil exécutif de Martinique peut, pour la durée de l’exercice de ses fonctions, élaborer un programme-cadre de coopération régionale ». C’est la même chose pour la Guyane, à l’article 11, même si elle a un statut différent car la situation n’y a pas changé : c’est toujours le même président qui préside la commission permanente et l’assemblée.

Par ailleurs, concernant la partie commerciale, c’est vrai qu’il y a un enjeu, puisqu’il s’agit des compétences de la collectivité ou des collectivités. Lorsque des compétences sont du ressort de l’État, l’avantage d’une vision globale, c’est d’associer l’État, dans le cas de problèmes fiscaux par exemple, dans une dynamique qui nous permette une transversalité de l’action. Si l’on veut une action globale, il faut absolument que le volet culturel soit associé au volet commercial, et le volet commercial aux infrastructures de transport. Cela donne un champ un peu plus large.

(L’amendement n12 est adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, inscrit sur l’article.

M. Daniel Gibbes. Ma remarque concernera l’ensemble des articles du chapitre II. L’extension du périmètre d’intervention des collectivités ultramarines va bien entendu dans le bon sens. Il est évident que nous ne pouvions que souscrire à la coopération régionale des outre-mer au sein de voisinages directs de ces collectivités. Cependant, dans ce chapitre II, les collectivités locales des outre-mer ne bénéficient pas toutes de bassins de vie dynamiques. Si la Guadeloupe et la Guyane peuvent négocier et signer des accords avec des puissances mondiales, telles que le Brésil ou les États-Unis, le champ géographique de la coopération pour La Réunion et Mayotte ne concerne que les îles avoisinantes et le continent africain dont le potentiel économique est, vous en conviendrez, moins avantageux.

Je crains que ces dispositions ne créent une certaine inégalité entre les collectivités, en particulier dans le cadre d’accords économiques. Mes questions sont simples : pourquoi ne pas aller plus loin, dans le sens de ce que M. Le Roux disait tout à l’heure ? Faut-il détailler les États ou les territoires avec lesquels les collectivités peuvent passer un accord ou négocier ? Même si nous sortons du cadre de la coopération régionale, pourquoi, à l’heure de la mondialisation, se cantonner à un bassin régional ?

Pour que les outre-mer soient des territoires d’innovation économique, vecteurs du rayonnement de la France, je crois qu’il faut aller chercher les forces économiques où qu’elles soient, sans s’enfermer dans un champ géographique défini.

(L’article 2 est adopté.)

Article 2 bis

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l’amendement n° 2, qui est rédactionnel.

M. Serge Letchimy, rapporteur. Permettez-moi de revenir sur l’interprétation de Daniel Gibbes qui pourrait fausser le débat. En commission, nous avons veillé à élargir considérablement le champ géographique ouvert à La Réunion et à Mayotte, en retenant cette expression : « États ou territoires du continent africain voisins de l’océan Indien ». Cela signifie que La Réunion pourra coopérer avec l’Inde, l’Australie ou encore l’Afrique.

M. Daniel Gibbes. Pas avec les États-Unis !

M. Serge Letchimy, rapporteur. Non ! Je fais le plus possible… (Sourires.) Je ne veux pas aller trop loin dans la transgression. Certes, c’est une petite révolution, mais ce n’est encore qu’une étape. Le jour où tout le monde sera d’accord pour modifier la Constitution, parce que l’on considérera qu’il faut aller plus loin, nous le ferons. Mais, pour l’instant, contentons-nous de cette disposition. Cela n’empêche pas La Réunion de signer des conventions autorisées par l’État avec les États-Unis, mais cela relève d’un autre processus.

(L’amendement n2 est adopté.)

(L’article 2 bis, amendé, est adopté.)

Article 3

(L’article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l’amendement n3.

M. Serge Letchimy, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n3, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 4, amendé, est adopté.)

Après l’article 4

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l’amendement n4 rectifié, portant article additionnel après l’article 4.

M. Serge Letchimy, rapporteur. Cet amendement est très important. Le débat ne porte pas seulement sur le fait de siéger dans des instances internationales pour se faire plaisir. Cela peut donner des ailes, mais il faut être dans l’efficacité, afin de pouvoir participer à la gestion des fonds Interreg. Notre présence dans tout ce qui concourt au financement opérationnel est très importante. La banque de développement des Caraïbes est un très bon exemple. François Hollande, de passage en Martinique lors du sommet sur le climat, s’était engagé à entrer dans une négociation pour permettre le retour de la France dans la banque de développement des Caraïbes. Je ne sais pas où en est cette négociation.

Aujourd’hui, des collectivités comme la Martinique ou la Guadeloupe ne peuvent pas être membres de ces institutions financières et bancaires. Or, cela me semble très important, sans quoi on arrive quatre jours après les événements. Il serait cohérent que nos institutions régionales ou territoriales soient membres de ces institutions financières aux côtés de l’État. C’est à cette condition que l’on pourra vraiment parler d’ingénierie financière, d’autant que les conséquences sont connues.

La connectibilité numérique et audiovisuelle, celle des transports aériens ou encore les investissements en matière d’énergie nécessitent des fonds extrêmement importants que l’on peut prélever sur des fonds européens, des fonds Interreg, des fonds propres, des fonds de mobilisation financière ou sur des emprunts structurés pour intervenir dans plusieurs pays. Cela n’aurait donc pas de sens d’être absent de ces négociations. C’est pourquoi il me semble très légitime de voter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre. Nous sommes favorables à l’amendement, dans la mesure où la participation à des organismes financiers favorise l’efficacité de la coopération et où ce cadre permet de clarifier le droit existant, puisque les institutions bancaires régionales peuvent être considérées comme des organisations régionales au sens du code général des collectivités territoriales.

(L’amendement n4 rectifié est adopté.)

Article 5

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n5.

M. Serge Letchimy, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n5, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 5, amendé, est adopté.)

Article 6

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n6.

M. Serge Letchimy, rapporteur. Il est également rédactionnel.

(L’amendement n6, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 6, amendé, est adopté.)

Après l’article 6

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n7, portant article additionnel après l’article 6.

La parole est à M. Serge Letchimy, rapporteur, pour le soutenir.

M. Serge Letchimy, rapporteur. Cet amendement, qui se présente comme celui que nous avons adopté tout à l’heure, concerne la Guyane.

(L’amendement n7, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Article 7

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n8.

M. Serge Letchimy, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n8, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 7, amendé, est adopté.)

Article 8

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n9.

M. Serge Letchimy, rapporteur. Il est également rédactionnel.

(L’amendement n9, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 8, amendé, est adopté.)

Après l’article 8

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n10, portant article additionnel après l’article 8.

La parole est à M. Serge Letchimy, rapporteur, pour le soutenir.

M. Serge Letchimy, rapporteur. Après la Guadeloupe et la Guyane, cet amendement concerne la Martinique.

(L’amendement n10, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Articles 9 à 11 bis

(Les articles 9, 9 bis, 10, 10 bis, 11 et 11 bis sont successivement adoptés.)

Article 12

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n11.

M. Serge Letchimy, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n11, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 12, amendé, est adopté.)

Article 12 bis

(L’article 12 bis est adopté.)

Après l’article 12 bis

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n14, portant article additionnel après l’article 12 bis.

La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.

Mme George Pau-Langevin, ministre. Comme l’a rappelé Mme Sage, il s’agit de permettre à la Polynésie de bénéficier des services de l’agence France Locale, qui a pour objet de contribuer, par l’intermédiaire d’une filiale, au financement des collectivités territoriales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Letchimy, rapporteur. Avis favorable à cette demande, qui met en cohérence l’implication de la collectivité de Polynésie avec celle des communes.

M. le président. La parole est à Mme Maina Sage.

Mme Maina Sage. Je vous remercie, madame la ministre, pour cet amendement, qui est l’un des exemples des améliorations qui pourraient être apportées en faveur des collectivités relevant de l’article 74.

Cet amendement, qui porte sur la Polynésie, pourrait aussi être adapté aux autres collectivités. Je propose donc que nous puissions travailler à des améliorations au moyen d’une proposition de loi organique sur la coopération régionale. Au moment où nous touchons à la conclusion de notre débat, je tiens à dire que notre engagement en faveur de ce texte est entier et que nous soutiendrons l’ensemble de ses dispositions.

Permettez-moi d’ajouter que la coopération doit être vivante également entre nos territoires – d’où l’intérêt de travailler d’urgence ensemble à une loi organique. C’est assez simple pour les trois territoires du Pacifique, qui relèvent de l’article 74 de la Constitution, mais pour ce qui est du bassin des Caraïbes, il est difficilement concevable de ne développer vos stratégies de coopération régionale qu’entre départements ou en collectivité unique. Une vision globale de tous les territoires français s’impose en effet et nos statuts juridiques ne doivent pas être des frontières à ce qui devrait être en premier lieu une coopération régionale entre nos territoires puis, ensemble, avec notre environnement régional.

Je vous remercie à nouveau pour cet amendement, auquel nous sommes bien évidemment favorables.

(L’amendement n14 est adopté.)

Articles 13 à 15

(Les articles 13, 13 bis, 14 et 15 sont successivement adoptés.)

Article 16

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes.

M. Daniel Gibbes. Le rapporteur a déjà répondu sur le point que j’entendais soulever en m’exprimant sur cet article. Je n’ai donc plus lieu de le faire.

(L’article 16 est adopté.)

Article 17

M. le président. La commission a supprimé l’article 17.

Titre

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n15.

Mme George Pau-Langevin, ministre. Cet amendement fait suite à l’observation de M. Lurel, qui rappelait que le pluriel s’impose désormais pour évoquer les outre-mer. Il tend donc à substituer aux mots : « de l’ » le mot : « des » et, en conséquence, au mot : « son » le mot : « leur ».

(L’amendement n15 est adopté et le titre est ainsi modifié.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.) (Applaudissements sur tous les bancs.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Modernisation des règles applicables aux élections

(Nouvelle lecture)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle (nos 3519, 3597) et de la proposition de loi de modernisation de diverses règles applicables aux élections (nos 3520, 3598).

La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Présentation commune

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure – chère Élisabeth Pochon –, mesdames et messieurs les députés, après les deux derniers scrutins présidentiels de 2007 et de 2012, différents organismes de contrôle ont formulé des recommandations d’ordre technique, qui ont inspiré la rédaction de la proposition de loi organique.

Les nombreuses dispositions proposées par le Conseil constitutionnel, par la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale présidentielle, par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et par la Commission des sondages constituent un ensemble cohérent de mesures destinées à moderniser les modalités d’organisation du scrutin.

Elles permettront ainsi d’éviter à l’avenir les contestations récurrentes qui, à chaque élection, nourrissent des controverses qui ne débouchent jamais sur aucune réforme, qu’il s’agisse du système des parrainages, du temps de parole accordé à chaque candidat dans les médias audiovisuels ou encore des règles encadrant la publication des sondages et la divulgation des résultats.

Pour remédier à cette situation, le Gouvernement soutient l’adoption de la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle. L’adoption de ce texte contribuera à renforcer le cadre juridique dans lequel se tiendront les prochaines échéances électorales et celles qui suivront, en rendant leur organisation incontestable, permettant d’éviter tout débat à l’avenir.

Avant d’en venir au détail de ces propositions, je veux saluer l’engagement de Jean-Jacques Urvoas, qui est à l’origine de ce texte, et le travail considérable d’Élisabeth Pochon pour traduire dans la loi les avancées nécessaires qui sont réclamées depuis longtemps.

La proposition de loi organique prévoit en premier lieu de réformer les règles encadrant le système de parrainage des candidats. Elle inclut trois mesures principales : tout d’abord, une modification des modalités de transmission des présentations au Conseil constitutionnel. Le parrainage devra être adressé par l’auteur de la présentation lui-même – et non plus par le candidat ou par l’équipe de campagne –, par voie postale ou bien directement auprès du Conseil constitutionnel et non en préfecture.

Un amendement du groupe SRC, adopté en première lecture, fixe également la perspective d’une remise des parrainages par voie électronique après 2017 et au plus tard au 1er janvier 2020. Le Gouvernement y est favorable.

Ensuite, le texte prévoit la publicité intégrale de la liste des élus ayant parrainé un candidat, et non plus seulement de 500 d’entre eux tirés au sort : la procédure actuelle repose en effet sur une inégalité flagrante entre les parrains dont le nom est rendu public par le Conseil constitutionnel et ceux pour qui ce n’est pas le cas. Nous souhaitons mettre un terme à ce traitement différencié dans la mesure où le principe de responsabilité et l’exigence de transparence doivent permettre à chacun d’assumer ses choix devant nos citoyens.

Enfin, la proposition de loi organique impose au Conseil constitutionnel de rendre public le nom des parrains au moins deux fois par semaine, afin non seulement d’en garantir la communication de façon plus efficace, mais aussi d’atténuer la pression qui pèse parfois sur les élus et d’éviter ainsi une dramatisation excessive de la décision qu’ils prennent.

En deuxième lieu, s’agissant de l’accès des candidats aux médias audiovisuels, la proposition de loi prévoit de substituer un strict principe d’équité à l’actuelle règle d’égalité des temps de parole réservés aux candidats pendant la période dite « intermédiaire », qui s’étend de la publication de la liste des candidats à la veille de la campagne officielle.

Une telle substitution permettra de simplifier, et par là même de clarifier une réglementation devenue au fil du temps particulièrement complexe. Faire coexister les principes d’égalité des temps de parole et d’équité des temps d’antenne représente une source de complications aussi bien pour les candidats que pour les chaînes de radio et de télévision, dont certaines en viennent même à préférer tout simplement ne pas organiser le moindre débat entre candidats.

En troisième lieu, le texte soumis à votre examen prévoit une réforme des horaires encadrant les opérations de vote. Le Sénat a souhaité harmoniser à dix-neuf heures les horaires de fermeture des bureaux de vote sur l’ensemble du territoire afin d’éviter la diffusion prématurée de résultats partiels ou de sondages susceptibles d’altérer la sincérité du scrutin.

Je constate que le texte adopté par votre commission rétablit la dérogation permettant aux agglomérations qui le souhaitent de maintenir l’horaire de fermeture à vingt heures. Il s’agit là d’un point essentiel pour le Gouvernement afin de ne pas réduire l’accès au suffrage des électeurs qui pouvaient jusqu’alors se rendre aux urnes de dix-neuf heures à vingt heures.

S’agissant de l’horaire de dix-huit heures, je comprends les arguments des membres de la commission des lois qui ne veulent pas que le dépouillement des bureaux de vote fermés à dix-huit heures vienne perturber le vote de ceux qui se rendent aux urnes jusqu’à vingt heures. Cet argument, qui a sa cohérence, repose sur l’idée que l’électeur serait un électeur captif qui arbitrerait son choix non pas en fonction de ses convictions les plus profondes, mais en vertu de l’information qu’il aurait du vote des autres. Je crois que nous pouvons toutes et tous reconnaître le caractère théorique de la menace qui pèse sur la sincérité du suffrage.

Parallèlement, une telle mesure est de nature à générer des contraintes lourdes, extrêmement lourdes, voire trop lourdes pour les communes rurales, encore nombreuses dans notre pays, pour lesquelles l’organisation des bureaux de vote relève à chaque fois d’un défi qui n’est absolument pas théorique ; on connaît les difficultés qu’elles ont à organiser les bureaux de vote pour ces journées électorales en respectant les règles en vigueur.

La modification apportée par votre commission serait illisible pour les électeurs qui seront appelés aux urnes un mois plus tard pour l’élection de l’Assemblée nationale. En effet, à peine un mois après le scrutin présidentiel, les électeurs retrouveraient le système de fermeture habituel – dix-huit heures avec dérogation possible par arrêté jusqu’à vingt heures. Certains pourraient donc se présenter, de bonne foi, après la fermeture des bureaux fixée à dix-huit heures, n’ayant pas compris que seule différait l’élection du Président de la République et qu’ils étaient revenus au régime normal.

M. Philippe Gosselin. C’est un vrai risque !

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Nous devons veiller à cela, raison pour laquelle je me permets d’appeler votre attention sur ce point : les électeurs ne font pas forcément attention aux horaires d’ouverture car ils fonctionnent par habitude.

M. Philippe Gosselin. Par automatisme !

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Quand une habitude est prise le mois précédent, ils peuvent considérer que cette habitude est pertinente pour la suite de leur agenda. J’insiste donc sur ce point et, pour cette raison, je défendrai au nom du Gouvernement un amendement de maintien du statu quo, c’est-à-dire des trois possibilités d’horaires de fermeture : dix-huit heures, dix-neuf heures et vingt heures.

M. Philippe Gosselin. C’est sans doute plus sage à ce stade !

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Naturellement, cela ne change en rien le maintien de l’embargo sur la divulgation des résultats à vingt heures pour assurer une meilleure information des citoyens et pour empêcher que le débat public, en particulier dans l’entre-deux-tours, ne s’engage sur la base de données et d’analyses erronées.

Enfin, la proposition de loi organique prévoit de mettre en place un système automatique de radiation des listes électorales consulaires pour les Français établis à l’étranger qui rentrent en France. En d’autres termes, dès lors qu’ils quittent le pays étranger où ils s’étaient installés, leur radiation du registre consulaire des Français de l’étranger entraînera automatiquement leur radiation des listes électorales consulaires. À mes yeux, il s’agit là d’une mesure de bon sens, de simplification et de sincérité des listes : j’y suis absolument favorable.

La proposition de loi portée par Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann permettra d’approfondir la question de la double inscription. Je veux d’ailleurs apporter tout mon soutien à cette initiative parlementaire, une initiative transpartisane qui s’inscrit pleinement dans l’esprit du texte que nous examinons en ce moment même.

Je veux dire aussi quelques mots de la réduction d’un an à six mois de la période durant laquelle sont comptabilisées les dépenses et les recettes électorales ayant vocation à figurer dans les comptes de campagne des candidats. Cette mesure est prévue dans la proposition de loi ordinaire complétant la proposition de loi organique.

Je tiens à souligner que le Gouvernement exprime des doutes quant à l’opportunité d’une telle mesure. Celle-ci aurait pour effet de réduire l’espace de contrôle des comptes de campagne. Par là même, elle entrerait en contradiction avec le mouvement de démocratisation de nos procédures qui vise à renforcer leur caractère de transparence. Le Parlement a voté une loi en faveur d’une plus grande transparence en 2013 : il faut continuer en ce sens.

Enfin, je souhaite évoquer la disposition introduite au Sénat à l’initiative des sénateurs Sueur et Portelli concernant la législation applicable aux sondages. Il s’agit de la reprise par voie d’amendement d’une proposition de loi d’une vingtaine d’articles adoptée par le Sénat en février 2011. La commission des lois de votre assemblée l’avait examinée et adoptée en juin 2011, c’est-à-dire sous une précédente majorité, le tout en un seul article rendu pour le moins complexe. Le texte n’a depuis jamais était inscrit à l’ordre du jour de la séance publique, alors même que les groupes parlementaires disposent de cette faculté.

Sur un sujet aussi important et grave que l’encadrement des sondages, qui relève directement de la liberté de la presse et de celle de communication, il est dommage de procéder à un examen en procédure accélérée avec un vecteur législatif qui concerne un sujet différent. Le risque est de polluer à la fois le débat sur les nouvelles règles applicables à l’élection présidentielle et celui sur ce sujet très délicat de l’encadrement des sondages.

Ces dispositions entraînent un alourdissement de la charge de travail de la Commission des sondages, ainsi qu’une modification de ses méthodes de contrôle, sujets sur lesquels sa consultation préalable ainsi que celle des acteurs économiques aurait été nécessaire : cela ne manquera pas de vous être reproché.

En outre, la rédaction actuelle soulève plusieurs difficultés techniques qui la rendent aujourd’hui probablement incompatible avec les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement proposera un amendement de suppression de ces mesures. Si elles doivent être examinées, elles doivent l’être dans un vecteur qui leur est consacré exclusivement afin que le débat puisse avoir lieu.

Le Parlement peut parfaitement faire aboutir la navette, ce qui permettra un débat approfondi sur des mesures qui méritent mieux qu’un amendement déposé un peu trop rapidement.

La société évolue et la vie politique doit accompagner ce mouvement. La transparence est un principe sur lequel le Parlement s’est encore prononcé récemment. La proposition de loi que nous examinons contribue à faire évoluer les choses en ce sens. Elle s’inscrit dans une optique parfaitement consensuelle et constitue même une étape supplémentaire dans la démocratisation de nos procédures électorales.

Le Gouvernement soutient donc avec force cette proposition de loi et appelle la représentation nationale, par-delà les clivages partisans, à soutenir cette très belle initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Pochon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Mme Elisabeth Pochon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, avant de vous présenter les travaux effectués hier par notre commission des lois, je souhaite rappeler que, si j’ai été désignée rapporteure de ces deux propositions de loi le 17 février dernier, c’est initialement M. Jean-Jacques Urvoas qui en était, non seulement le rapporteur, mais aussi l’auteur. Ces deux textes constituent ainsi un bel exemple d’initiative parlementaire, sur un sujet intéressant pourtant directement l’exécutif.

Ces deux textes poursuivent un objectif simple et pragmatique : il s’agit, sans remettre en cause les équilibres du système institutionnel, d’améliorer le cadre juridique régissant l’élection présidentielle.

Plus précisément, il est proposé d’apporter des réponses à des questions et des controverses qui reviennent à chaque élection, qu’il s’agisse du mécanisme des « parrainages », du traitement de la campagne par les médias audiovisuels, du contrôle des comptes de campagne, des sondages et de la divulgation des résultats ou encore des règles applicables à nos compatriotes résidant à l’étranger.

Sur ces différents points, des dysfonctionnements ont été relevés et des recommandations formulées par les différents organismes de contrôle compétents que sont le Conseil constitutionnel, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Commission des sondages.

Les deux propositions de loi s’inspirent des travaux de ces organes de contrôle : il s’agit de faire en sorte que la prochaine élection présidentielle se déroule dans un cadre juridique incontestable.

À l’issue de la première lecture, les textes adoptés par nos deux assemblées différaient sur plusieurs points. La semaine dernière, la commission mixte paritaire n’est pas parvenue à trouver un accord. Je le regrette mais plusieurs divergences sont apparues impossibles à surmonter.

La première porte sur la répartition des temps de parole médiatique des candidats pendant la période dite « intermédiaire », période d’environ vingt jours qui commence quand la liste des candidats est établie et qui prend fin avec le début de la campagne officielle.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale visait, durant cette période intermédiaire, à remplacer la règle d’égalité des temps de parole par un principe d’équité, fondé sur plusieurs critères définis dans la loi organique. Il se bornait à reprendre les recommandations formulées dès 2007, non seulement par les chaînes de radio et de télévision, mais aussi, et surtout, par l’ensemble des organismes de contrôle de l’élection présidentielle, Conseil constitutionnel, Commission nationale de contrôle de la campagne électorale, Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Le Sénat a adopté un point de vue diamétralement opposé, consistant à maintenir la règle actuelle de l’égalité et à réduire la période intermédiaire d’une semaine. Le texte du Sénat ne règle ainsi en rien la question de fond du traitement médiatique des candidats : il se contente de limiter dans le temps l’ampleur du problème posé.

En nouvelle lecture, notre commission des lois est donc revenue au texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. Nous y avons cependant ajouté une garantie supplémentaire, en renforçant l’obligation faite au CSA de publier, de façon hebdomadaire et en open data, le relevé des temps de parole et des temps d’antenne.

Notre deuxième divergence porte sur l’horaire de fermeture des bureaux de vote. Cette fermeture s’échelonne aujourd’hui entre dix-huit et vingt heures, au risque de favoriser la diffusion de résultats partiels avant même la clôture du scrutin.

En première lecture, l’Assemblée nationale a prévu de fixer cet horaire à dix-neuf heures, moyennant la possibilité pour le préfet de le repousser à vingt heures dans certaines villes. L’intervalle de temps entre les premières et dernières fermetures de bureaux de vote serait ainsi ramené à une heure, au lieu de deux heures aujourd’hui.

Le Sénat, de son côté, a préféré retenir un horaire uniforme de dix-neuf heures pour l’ensemble du territoire. Ce choix, s’il a le mérite de la simplicité, risque de nuire à la participation électorale, en particulier dans les grandes villes, où l’habitude a été prise de voter jusqu’à vingt heures.

Là aussi, notre commission des lois a décidé de revenir au texte que l’Assemblée avait adopté en première lecture, c’est-à-dire à l’alternative entre 19 heures et 20 heures.

Je souhaite d’ailleurs qu’il soit fait de même, par voie réglementaire, pour les élections législatives. Il serait difficilement compréhensible pour les électeurs que les horaires de vote diffèrent d’un scrutin à l’autre, alors qu’ils sont étroitement liés et se tiennent à quelques semaines d’intervalle.

La question de la durée de la période couverte par les comptes de campagne a également fait débat – et encore hier au sein de notre commission.

En première lecture, l’Assemblée nationale avait maintenu le droit en vigueur pour l’élection présidentielle : les recettes et les dépenses à prendre en compte sont celles réalisées pendant l’année qui précède le scrutin. En revanche, l’Assemblée nationale a réduit cette période à six mois pour l’ensemble des autres élections, notamment les élections législatives.

Au contraire, le texte du Sénat retient une période de six mois pour les comptes de campagne de l’élection présidentielle mais reporte l’entrée en vigueur de cette mesure après 2017. Les dispositions applicables aux autres élections ont été supprimées, ce qui revient à maintenir le caractère annuel des comptes de campagne.

Sur ce sujet, la position que j’ai défendue hier en commission des lois est très simple : elle consiste à supprimer l’ensemble des dispositions en question et à s’en tenir au statu quo, toute modification réduisant la portée de la législation relative au financement des élections étant, à tort ou à raison, interprétée comme un recul des exigences de transparence et de contrôle. C’est d’ailleurs pourquoi nous avions décidé, en première lecture, d’en rester à la durée d’une année pour l’élection présidentielle.

J’ai suggéré hier de faire de même pour les autres élections. Je n’ai pas été suivie sur ce point, la commission des lois ayant opté pour une réduction à six mois applicable à l’ensemble des élections. Même si telle n’était pas la volonté des auteurs des amendements en cause, cette réduction est, en l’état, applicable à l’élection présidentielle.

Des amendements ont été déposés à l’article 6 de la proposition de loi organique afin d’y remédier et de maintenir la période d’une année pour les comptes de campagne de l’élection présidentielle. Je les soutiendrai.

Enfin, sur d’autres points moins essentiels, notre commission des lois est revenue au texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale. C’est le cas, en particulier, en matière de publicité des parrainages des candidats.

À l’inverse, nous avons maintenu les dispositions relatives aux sondages introduites au Sénat et pris acte, jusque dans son titre, de l’élargissement de l’objet de la proposition de loi ordinaire.

Je souhaite que ces deux textes soient rapidement adoptés, afin qu’ils puissent entrer en vigueur un an avant la prochaine élection présidentielle. Ils sont d’ailleurs intrinsèquement liés : si la loi organique n’était pas adoptée, aucune des modifications du code électoral que comporte la loi ordinaire ne serait applicable à l’élection présidentielle – qu’il s’agisse, par exemple, des sanctions pénales en cas de divulgation de résultats électoraux ou des dispositions sur les sondages. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Discussion générale commune

M. le président. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, je me souviens avoir dit, lors de la première lecture, combien ces deux propositions de loi m’apparaissaient avant tout comme une occasion manquée.

À la lumière de l’échec de la CMP, je trouve désormais que nous sommes face à deux textes assez embarrassants, pour des raisons de forme comme de fond.

Certes nous reconnaissons que certaines règles relatives aux élections, notamment présidentielles, doivent être repensées voire modernisées. Ainsi, madame la secrétaire d’État, nous soutenons comme vous la publication de l’intégralité de la liste des élus qui parrainent un candidat à la présidentielle, solution plus juste et plus transparente que celle de cinq cents noms tirés au sort.

De même, nous avions proposé avec vous, dès la première lecture, qu’il soit possible de transmettre les parrainages par voie électronique, en plus de la voie postale. On nous dit aujourd’hui qu’une telle dématérialisation serait compliquée à mettre en place. De toute façon il ne s’agit pas d’un sujet majeur.

Il reste que ces deux textes sont embarrassants. Pour preuve, il n’a pas fallu à la commission mixte paritaire plus d’un quart d’heure pour échouer sans qu’une véritable envie d’aboutir se soit manifestée, me semble-t-il. Cela montre bien que le sujet n’est pas si consensuel que cela

C’est embarrassant, parce que, quoi que vous en disiez, le calendrier retenu conduit à modifier des règles aussi fondamentales que les modalités de transmission des parrainages au Conseil constitutionnel à un an des élections présidentielles. Or nous savons tous, mes chers collègues, que ces élections ne sont, dans le paysage institutionnel français, comparables à aucune autre. Elles sont tout à fait particulières et les procès en sorcellerie peuvent vite arriver.

C’est embarrassant, parce qu’un certain flottement règne, depuis le début de l’examen du texte, sur vos intentions réelles. Or, comme le disait une fameuse édile, « quand c’est flou c’est qu’il y a un loup. » En l’occurrence la question se pose effectivement.

Enfin, c’est embarrassant parce que nous allons découvrir que certaines règles que vous présentez comme anecdotiques ne le sont pas nécessairement.

Je pense aux horaires de fermeture des bureaux de vote pour les seules élections présidentielles, – mais peut-être vos derniers propos, madame la secrétaire d’État, ont-ils clos le sujet. Il ne s’agit pas pour nous de faire preuve du moindre dogmatisme, comme le prouvent les nombreux échanges que nous avons eus avec nos collègues sur cette question, qu’ils soient de droite ou de gauche. Si clivage il y a, il oppose plutôt les élus de circonscriptions rurales à ceux de circonscriptions à dominante urbaine.

Je crois, madame la secrétaire d’État, que le maintien du statu quo, que vous venez de proposer, est la solution la plus sage. Toute autre risquerait de perturber trop d’habitudes. Honnêtement je crois qu’il sera très difficile d’expliquer que les bureaux de vote fermeront à dix-neuf heures pour l’élection présidentielle et qu’à peine un mois après, pour les élections législatives, ils fermeront à dix-huit heures à certains endroits, vingt heures à d’autres. Il semble que le débat est désormais clos. J’en prends acte et voterai votre amendement.

Je pense aussi, voire surtout, à la régulation des temps de parole des candidats officiels à l’élection présidentielle durant la fameuse période intermédiaire, et je voudrais insister davantage sur ce point.

La question est celle du temps de parole accordé par les médias audiovisuels aux candidats à l’élection présidentielle depuis la publication de la liste des candidats jusqu’au début de la campagne officielle. Il s’agit donc des quelques semaines qui précèdent la quinzaine de jours de campagne officielle et au cours desquelles interviennent dans les médias les candidats officiels, dont la liste a été validée par le Conseil constitutionnel et publiée au Journal officiel.

L’article 4 de la proposition de loi organique vise à remplacer durant cette période la règle d’égalité stricte des temps de parole, actuellement en vigueur, par un principe d’équité. J’aurais tendance à vous renvoyer à l’Ancien régime – si je ne craignais qu’on y voie un mauvais clin d’œil –, à cette époque où la tenue de lits de justice traduisait la méfiance à l’égard des parlements et de l’équité – même si le terme de Parlement n’avait pas le sens qu’il a aujourd’hui. Reste un doute sur cette équité.

Deux arguments sont avancés pour justifier ce changement. L’égalité stricte serait trop difficile à mettre en œuvre par les médias – ce qui n’est pas faux – au point de dissuader certaines chaînes d’organiser des débats et de conduire in fine à une réduction du temps médiatique consacré à la campagne présidentielle. Autrement dit l’intérêt général serait trop complexe à respecter pour que les médias s’y soumettent. C’est quand même un peu fâcheux, même s’il faut sans doute tenir compte de cette réalité médiatique.

Le fait est qu’il n’est pas tout à fait logique qu’en dehors du temps de campagne officielle, de petits candidats bénéficient du même temps de parole qu’un président sortant.

Quand même on souscrirait à l’équité des temps de parole, cette solution appelle plusieurs commentaires.

Les modalités que vous nous proposez sont bien curieuses et à tout le moins complexes.

Première remarque : à la différence de demain peut-être, la règle en vigueur, c’est-à-dire celle de l’égalité et non de l’équité, est l’effet d’une recommandation du CSA, prise après avis du Conseil constitutionnel. Et on demanderait à la loi, muette jusqu’à présent, d’en disposer autrement.

Si les choses étaient aussi simples que certains d’entre vous tentent de le faire croire, ne pourrait-on pas demander au CSA une nouvelle recommandation qui afficherait clairement les règles ?

Je rappelle par ailleurs que le Conseil constitutionnel a changé d’opinion sur ce sujet. Dans un avis qui n’a pas été publié de novembre 2011, il s’était justement opposé à la suggestion du CSA d’appliquer le principe d’équité des temps de parole après la publication de la liste des candidats, « en l’état du droit ». Cette formulation pouvait certes ouvrir la porte à des changements.

C’est postérieurement, dans ses observations de 2012 relatives à la présidentielle passée, et devant les difficultés récurrentes rencontrées par les médias, que le Conseil constitutionnel a estimé qu’il « appartient au législateur organique, s’il entend maintenir un dispositif qui permet la présence au premier tour de scrutin de candidats recueillant peu de suffrages, de se prononcer sur l’organisation de la campagne électorale audiovisuelle. En l’état de la législation, une fois la liste des candidats publiée, elle ne peut se fonder que sur l’égalité entre les candidats. »

Même si le Conseil constitutionnel suggérait que le législateur pouvait prévoir d’autres modalités, lever cette difficulté organique n’est concevable qu’à charge d’un autre rééquilibrage, d’où l’introduction nouvelle, en période intermédiaire, de ce que le CSA a nommé les « conditions de programmation comparables ». Il faut entendre par là que deux minutes au journal de treize heures ne valent pas deux minutes au journal de vingt heures…

M. Xavier Breton. Bien sûr !

M. Philippe Gosselin. …ou a fortiori deux minutes à deux ou trois heures du matin.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce sont les créneaux qui nous sont réservés !

M. Philippe Gosselin. Même si les insomniaques sont nombreux, même si l’envie de suivre la campagne est réelle, il est vrai que les créneaux ont leur importance. On voit bien que deux minutes à un certain horaire n’ont pas le même effet qu’à un autre.

Pour lever la barrière infranchissable d’une égalité des temps de parole pourtant pratiquée en campagne officielle, nous voilà donc à manier l’équité et les « conditions de programmation comparables ».

Comment ? Il faut voir, concrètement, comment faire. L’équité est appréciée par le CSA au regard de plusieurs critères, déjà valables aujourd’hui, mais néanmoins soumis à une bonne dose d’interprétation : la représentativité de chaque candidat et sa contribution à l’animation du débat électoral. Pas simple !

La représentativité est fondée sur les résultats aux dernières élections – ce qui donne forcément une prime à ceux qui font déjà partie du système – et sur les sondages d’opinion.

La contribution de chaque candidat à l’animation du débat électoral est appréciée par le CSA au travers de plusieurs éléments : l’organisation de réunions publiques – sans tenir compte du nombre de participants, de leur allégresse, ni de leur coiffure ou de leur tenue vestimentaire, mais quand même –, la participation à des débats – or vous savez que certains médias n’invitent pas tous les candidats, que c’est leur liberté et que c’est bien ainsi –, l’utilisation de tout moyen de communication permettant de porter à la connaissance du public les éléments d’un programme politique – ce qui n’est non plus très simple à évaluer. Parle-t-on de Facebook, Twitter, internet en général ? Des textes imprimés, à combien d’exemplaires, dans combien de départements ?

Bref, voilà qui n’a pas l’air tellement plus simple à apprécier et à manier que l’égalité du temps de parole, qui a un côté mécanique et imparfait, j’en conviens, mais qui présente l’avantage d’être simple à constater.

Quant à la liberté éditoriale, la voici remplacée par la notion de « conditions de programmation comparables ». Vous avez refusé, en première lecture, l’inscription dans la loi de critères précis pour définir celles-ci, au motif que les critères devaient rester souples. Charge au CSA d’en faire l’exégèse dans ses recommandations futures !

Tout cela est tout de même bien compliqué. Ces « conditions de programmation comparables » seront forcément une nouvelle contrainte, difficile à manier pour les médias audiovisuels, en particulier pour les chaînes publiques, qui disposent de temps réduits d’exposition des candidats – quelques émissions politiques et les journaux télévisés quotidiens –, à la différence des chaînes d’information qui disposent de plages plus étendues.

On peut donc se demander si l’article 4 peut vraiment améliorer le temps médiatique consacré aux candidats à l’élection présidentielle, et par suite l’information de l’électeur ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Non !

M. Philippe Gosselin. Je vois que la réponse n’est pas unanime sur ces bancs : personnellement, j’en doute aussi.

Voilà donc un sujet de fâcherie ou au moins d’interrogation, alors même qu’à vrai dire, certains d’entre nous ne sont pas opposés à ce principe d’équité et que nous connaissons les difficultés soulevées par le Conseil constitutionnel et le CSA. On voit bien que cette gestion de l’équité en période intermédiaire n’est peut-être pas la meilleure solution.

Le maintien du statu quo, à un an de l’élection présidentielle, est peut-être préférable.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. En raisonnant comme cela, on ne ferait jamais rien !

M. Philippe Gosselin. Cela éviterait, encore une fois, les procès en sorcellerie.

M. Xavier Breton. Il y a de quoi faire !

M. Philippe Gosselin. Nous verrons comment se déroulera le débat, mais je voulais, au nom du groupe Les Républicains, exprimer ces réserves. Vous comprendrez qu’à ce stade, mon groupe ne pourrait pas voter ce texte. Nous verrons la position qui sera arrêtée, mais un vote, sincèrement, paraît très improbable en ce qui nous concerne, compte tenu de ces réserves et sans faire de mauvais procès. De vraies questions se posent, c’est évident, mais les réponses ne nous semblent pas les plus adaptées. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Changer les règles de l’élection présidentielle, une élection aussi importante aux yeux de nos concitoyens et qui occupe une place centrale, déterminante, dans la vie politique de notre pays, nécessite à nos yeux un minimum de consensus, dans le respect des opinions de l’ensemble des différentes formations politiques appelées à y concourir.

Or, compte tenu des débats que nous avons eus dans cet hémicycle et en commission, ainsi que des importants désaccords entre le Sénat et l’Assemblée nationale puisque notre collègue a rappelé dans quelles conditions la commission mixte paritaire avait échoué, ces propositions de loi sont bien loin de recueillir l’unanimité.

D’ailleurs, sur les bancs de l’hémicycle, il n’y a guère que le groupe socialiste qui soit favorable à ces textes : autrement dit, un parti seul, imposant de nouvelles règles du jeu à quelques mois de l’élection présidentielle.

J’ai entendu les réserves de M. Gosselin et, pour le moment, il semble ne pas vouloir faciliter cette manœuvre du Parti socialiste, pour l’instant seul dans l’hémicycle à s’être déclaré favorable aux textes. Cela contredit d’ailleurs, madame la secrétaire d’État, votre déclaration selon laquelle cette belle initiative parlementaire trans-partisane serait vertueuse.

Nous sommes à treize mois seulement de la prochaine échéance présidentielle : dès lors, ces propositions de loi doivent être promulguées impérativement avant la fin du mois d’avril. Soyons réalistes, il sera impossible d’accorder des positions diamétralement opposées sur le sujet en quelques jours.

En outre, les dispositions que nous examinons aujourd’hui vont renforcer le tripartisme, au détriment des formations politiques minoritaires, au détriment du renouvellement pourtant indispensable du système politique français. Une seule d’entre elles, celle qui concerne la fin de l’égalité des temps de parole, suffit à refuser catégoriquement vos textes.

Certes, comme nous l’avions indiqué en première lecture, certaines mesures sont acceptables ou envisageables. Néanmoins, j’ai entendu que vous alliez abandonner la première d’entre elles : la modification des horaires des opérations de vote pour l’élection présidentielle, afin d’éviter que la diffusion prématurée des résultats puisse influencer ou mobiliser en une heure de temps un certain nombre d’électeurs. Même si vous considérez que le risque est théorique, madame la secrétaire d’État, il est arrivé que des élections présidentielles soient très serrées dans notre pays. Si cela n’a pas été le cas des dernières, on peut se souvenir de scrutins dans lesquels le déplacement de plusieurs dizaines de milliers de voix aurait pu suffire à faire basculer l’élection.

S’agissant des parrainages, la publicité intégrale de la liste des élus ayant présenté un candidat est souhaitable.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est bien, ça !

M. Jean-Christophe Lagarde. Elle l’est dans un souci d’égalité, de responsabilité politique et de transparence : les élus doivent assumer leur choix devant les électeurs lorsqu’ils parrainent un candidat.

Elle l’est également pour mettre fin à un dispositif générateur d’inégalité. En effet, à ce jour, le parrain d’un candidat ayant recueilli à peine plus de 500 signatures a de fortes probabilités de voir son nom rendu public, à l’inverse du parrain d’un candidat ayant largement dépassé le nombre requis.

En revanche, la modification des modalités de transmission des présentations au Conseil constitutionnel se révélera inutile, voire dangereuse. Cette mesure part d’un postulat erroné selon lequel les élus locaux pourraient faire l’objet de pressions de la part de candidats pour obtenir leur parrainage. J’observe que ce n’est pas le mode de transmission – l’envoi par la poste ou la remise au candidat – qui risque d’exposer des élus locaux à des pressions, mais plutôt l’influence de collectivités comme le département ou la région, dont les maires et en particulier les maires ruraux sont étroitement dépendants pour le financement de leurs projets. Là, il y a risque de pression effectif : certainement pas à cause de l’envoi ou non du parrainage par la poste.

Nous risquerions plutôt de désavantager les candidats qui ne disposent pas d’un appareil politique puissant. Nous souhaitons donc maintenir la possibilité pour le candidat de remettre les présentations dont il dispose par lui-même. Ce confort demandé par le Conseil constitutionnel ne se justifie pas.

Ensuite, nous sommes favorables à la réduction à six mois de la période de prise en compte des dépenses électorales, réintroduite à notre initiative en commission – mais aussi à l’initiative du groupe socialiste et du groupe Les Républicains. Cette durée s’entend pour les mandats parlementaires et autres, à l’exception de l’élection présidentielle pour laquelle la durée d’un an doit être préservée.

D’autres réformes seraient à mener, s’agissant par exemple des comptes de campagnes du président de la République sortant quand il se représente. J’avais ainsi proposé, en première lecture, de fixer dans la loi les conditions permettant de différencier les dépenses inhérentes à l’exercice de ses fonctions de celles liées à sa candidature. Nous savons tous qu’il y a un flou en la matière : pour éviter qu’un jour, le Conseil constitutionnel rejette les comptes de campagne d’un président de la République élu, dont l’élection serait ainsi invalidée, il me paraît nécessaire de préciser les règles dans la loi. Malheureusement, vous n’avez pas souhaité le faire, alors que c’est sans doute la disposition la plus nécessaire s’agissant de l’élection présidentielle : on ne se demande pas pourquoi...

Au-delà de ces considérations, je souhaite insister sur l’article 4 de la proposition de loi organique, qui met fin à la règle d’égalité du temps de parole pour la remplacer par un pseudo-principe d’équité pendant la période intermédiaire.

Cette mesure, dangereuse, est inacceptable, car elle sera avant tout préjudiciable aux candidats issus des formations politiques minoritaires, déjà sous-représentées dans les médias. Nous l’avons entendu en commission : il y en a parmi vous qui pensent que l’élection présidentielle n’est faite que pour les deux candidats qui se retrouveront au second tour. Les autres, leurs propositions, leur campagne n’auraient qu’un intérêt secondaire… Je ne le crois pas et je vous invite à réfléchir au cas où tel parti prédominant de la vie politique française ne se retrouverait pas au second tour de l’élection présidentielle.

Aujourd’hui, l’égalité des temps de parole, mes chers collègues, n’est imposée que durant la période intermédiaire et durant la campagne officielle, soit en tout, madame la rapporteure, cinq semaines. Cinq semaines seulement sur cinq ans, au cours desquelles les candidats à la présidentielle disposent d’un temps égal pour présenter leurs opinions à nos concitoyens. Et c’est encore trop pour le groupe socialiste !

La démonstration de la volonté de verrouillage de la vie politique et de l’élection présidentielle est imparable !

Cinq semaines sur cinq ans, cela signifie que, pendant 255 semaines, la vie politique est régie par le prétendu principe d’équité dont nous voyons les effets : un débat public monopolisé par trois formations politiques, le Parti socialiste, les Républicains et, hélas, le Front national.

Vous souhaitez donc réduire ce temps, déjà très court, en le passant de cinq à deux semaines seulement. Cette mesure est incohérente puisqu’il existe d’ores et déjà un filtre pour les candidats à l’élection présidentielle, non dans le temps de parole mais dans les parrainages. Selon nous, le candidat qui passe ce filtre des 500 parrainages d’élus habilités à les donner doit bénéficier d’un accès égal à l’écoute et à l’attention de nos concitoyens et certainement pas se plier – comme je l’ai entendu – aux desiderata des médias.

Franchement : ces derniers organisent l’actualité en fonction de l’audience qu’ils espèrent en tirer – nous le constatons avec l’iniquité de la répartition des temps de parole. Et vous êtes en train de dire que nous nous apprêtons à faire la loi régissant l’élection présidentielle pour faciliter la commercialisation des émissions de télévision – y compris celles du service public !

On nous a dit hier – et on nous a répété aujourd’hui cet argument que je ne comprends absolument pas – que la télévision et la radio consacrent moins de temps à la campagne présidentielle avec le principe d’égalité, comme c’est le cas aujourd’hui, qu’ils n’en consacreront avec celui d’équité. Cela signifie que nous, ici, à l’Assemblée nationale nous acceptons de modifier la loi pour l’élection principale de la vie politique française à des fins commerciales alors que nous devrions faire une loi imposant aux télévisions et aux radios de consacrer un temps minimum élargi aux élections et à l’éclairage de l’opinion de nos concitoyens, ce qui constituerait une véritable démarche pluraliste, à la différence du verrouillage pour lequel vous avez opté !

La proposition de loi restreindrait l’accès à la candidature à la présidentielle par un double verrou : les 500 parrainages, plus un temps de parole limité pendant la campagne pour les plus petits candidats.

Cette réforme, madame la secrétaire d’État, nous a été présentée comme une mesure technique d’arrangement pour les grands médias, qui en tireront peut-être avantage. Or, les règles relatives à l’élection présidentielle doivent être organisées de manière à éclairer les Français sur les idées majoritaires et minoritaires existant dans notre pays, non pour favoriser les visées commerciales de tel ou tel média, fût-il public.

En outre, les critères choisis concernant votre prétendue équité dont le Conseil supérieur de l’audiovisuel devrait finalement tenir compte afin d’assurer le contrôle du respect de ce principe sont à la fois insuffisamment définis et en réalité difficilement quantifiables – M. Gosselin l’a expliqué longuement tout à l’heure et je ne peux que souscrire à ses propos.

D’une part, le premier critère – tenir compte des résultats obtenus aux plus récentes élections – pourrait encourager la multiplicité des candidatures et la scissiparité des listes aux élections locales dans le seul but de pouvoir s’accorder des temps de parole pour l’élection nationale présidentielle. Nous fausserions alors le résultat d’élections locales pour obtenir des temps de parole lors de l’élection présidentielle : reconnaissez qu’il y a là un travers auquel vous exposez la vie politique de notre pays !

En outre, la capacité à présenter ses idées aux Français d’un citoyen sans appartenance à une formation politique et qui obtiendrait les 500 parrainages serait extrêmement réduite puisque, n’étant pas issu d’un parti politique, on ne pourrait lui accorder un temps de parole en fonction de ses résultats antérieurs.

M. le président. Je vous prie de bien vouloir conclure.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne tarderai pas.

Certains, dans cet hémicycle, se réclament encore du gaullisme et je les en félicite mais lorsque l’on est candidat à l’élection présidentielle, le fait de pouvoir rencontrer le peuple français doit-il reposer sur les partis politiques ou sur cette rencontre-là, comme on nous le répète si souvent ?

Le second critère retenu – participation à l’animation du débat présidentiel – est quant à lui purement et honteusement subjectif. Nous confions donc au Conseil supérieur de l’audiovisuel la charge de déterminer la qualité ou l’importance de la contribution d’un candidat à l’animation du débat électoral, ce qui transforme ce régulateur de l’audiovisuel qu’est le CSA en censeur de la pertinence et de l’écho obtenu par les idées émises par les candidats.

À ce stade de la nouvelle lecture, le groupe UDI – vous l’avez compris – n’a pas été entendu, ni en commission, ni me semble-t-il, dans cet hémicycle.

L’article 4, en fait, ne résulte pas d’un consensus entre les forces politiques mais d’un passage en force de la part d’une petite portion de votre majorité qui semble suffire à faire voter une loi-verrou.

Nous dénonçons évidemment cette entreprise de verrouillage supplémentaire de notre débat démocratique par le parti au pouvoir. Il s’agit d’une manœuvre politicienne qui se dissimule sous des aspects techniques.

En conséquence, monsieur le président, nous voterons bien sûr contre ce verrouillage que la majorité veut imposer à la vie politique française.

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, le texte dont nous débattons aujourd’hui porte notamment sur l’accès aux médias audiovisuels dont vient de parler Jean-Christophe Lagarde.

Son article 4 – qui avait été supprimé par le Sénat – substitue au principe existant d’égalité des temps de parole un principe d’équité qui se caractérise par un grand flou, ce concept manquant totalement de précision, nous le savons.

Pendant la période intermédiaire qui court depuis la publication des candidatures par le Conseil constitutionnel jusqu’à la campagne officielle, le traitement médiatique des candidats ne serait plus égal mais équitable.

Selon l’exposé des motifs, « La situation actuelle est source de complications pour les chaînes de radio et de télévision… De surcroît, le nombre important de candidats rend difficile l’application d’une stricte égalité. » Bref, ce serait à l’élection présidentielle de s’adapter aux impératifs des médias et non plus l’inverse !

Pourtant, cette soumission du législateur aux codes de l’État spectacle paraît particulièrement regrettable. Selon les règles actuellement en vigueur, on le sait, l’élection présidentielle doit se dérouler à armes égales sur les médias audiovisuels, aussi bien pendant la période intermédiaire que durant la campagne officielle elle-même.

Ces médias doivent traiter les divers candidats sur un pied d’égalité sans privilégier ou, à l’inverse, sans défavoriser certains. Cette égalité de traitement est une garantie de cette valeur fondamentale qu’est le pluralisme démocratique.

En temps ordinaire, les grandes chaînes de télévision ne respectent guère ce pluralisme bien que les chaînes de service public soient théoriquement obligées de le faire, notamment par le décret du 16 septembre 1994 portant approbation des cahiers des charges des sociétés France 2 et France 3 dont l’article 2 dispose : « Dans le respect du principe d’égalité de traitement et des recommandations du CSA, la société – France 2 ou France 3, donc – assure l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme des courants de pensée et d’opinion. »

Mais en fait, en temps ordinaire, les grands médias accueillent surtout les représentants des principaux partis et très peu ceux des autres formations. En revanche, pendant l’élection présidentielle, la réglementation actuelle permet de surmonter cet obstacle ou ce barrage et à des candidats représentant des partis non dominants ou incarnant de nouveaux courants politiques d’être effectivement présents dans les grands médias.

Ainsi, en 2002, cette règle de l’égalité de traitement médiatique pendant l’élection présidentielle a permis à des candidats n’appartenant pas aux grands partis comme Christiane Taubira pour les Radicaux de gauche ou Olivier Besancenot pour la LCR, la Ligue communiste révolutionnaire, d’accéder véritablement aux médias audiovisuels et de pouvoir communiquer réellement avec le public.

Cela contraste très utilement avec le star-system télévisé qui prévaut habituellement sur les grandes chaînes. En pratique, les professionnels de l’audiovisuel exercent en effet une fonction latente de sélection des dirigeants politiques. Ils choisissent ceux que l’on pourrait appeler les « apparents », ceux qui sont invités aux journaux télévisés de 20 heures ou aux émissions de grande écoute.

Le critère des principaux médias audiovisuels, nous le savons, c’est l’audimat. Leur objectif prioritaire, c’est de faire de l’audience, c’est d’obtenir de forts taux d’écoute. Dans ce but, les grandes émissions accueillent des leaders confirmés, appartenant aux principaux partis et disposant d’une forte notoriété, non les représentants d’autres formations, notamment des formations nouvelles ou émergentes. Bref, avec ce système très conservateur de l’ordre politique et télévisé établi, la notoriété va à la notoriété.

Ce qui est en fait proposé, avec ce texte, c’est d’appliquer ces pratiques non pluralistes même pendant la période intermédiaire qui précède la campagne officielle. On voit bien, très bien même, ce qu’y gagneraient les candidats des grands partis. On voit bien aussi, à l’inverse, ce qu’y perdraient les candidats des autres formations.

Selon cette proposition de loi organique, l’application du concept d’équité devrait se fonder sur deux critères.

Premier critère, je cite : « la représentativité des candidats, appréciée, en particulier, en fonction des résultats obtenus aux plus récentes élections par les candidats ou les formations politiques qui les soutiennent et en fonction des indications d’enquêtes d’opinion. »

Ce critère de la représentativité mesurée par les précédents résultats électoraux des formations politiques soutenant le candidat handicaperait voire interdirait toute candidature intervenant en dehors des partis – ce qui ne semble pas très conforme à l’esprit initial de la Ve République. On nous a en effet assez répété, à l’envi, que l’élection présidentielle est une rencontre entre une personne et le peuple pour que l’on puisse parfois envisager que des candidats se présentent en dehors des partis et sans leur soutien. Dans ce cas-là, ils seraient déclarés peu représentatifs voire non-représentatifs.

Quant aux « indications d’enquêtes d’opinion », elles peuvent parfois être douteuses, certains sondages étant réalisés selon des méthodes sommaires ou approximatives voire sous l’influence directe de ceux qui les ont commandés.

Second critère : « la contribution de chaque candidat à l’animation du débat électoral » c’est-à-dire, surtout, la présence du candidat dans les médias avant cette période intermédiaire. Bref, pour accéder réellement aux débats audiovisuels pendant la période intermédiaire, il faudrait déjà y avoir accédé avant celle-ci !

Dès lors, au lieu de corriger l’inégalité médiatique, ce critère la conforterait. Seuls ceux bénéficiant déjà d’une forte audience médiatique avant la période intermédiaire pourraient la conserver pendant cette période.

Comme le précédent, ce critère, très conservateur des situations acquises, ne peut être selon nous retenu. On ne peut accepter cette atteinte au pluralisme politique, cette rupture d’égalité de traitement des candidats devant le suffrage – qui est un principe essentiel en démocratie – surtout s’agissant du scrutin le plus important de notre vie publique.

Il ne peut y avoir deux sortes de candidats : ceux qui ont satisfait aux exigences requises pour être candidat – les 500 parrainages – doivent pouvoir présenter leur programme dans les mêmes conditions sans devoir subir une seconde sélection organisée par le système médiatique.

Il ne peut y avoir d’un côté les candidats du système politico-médiatique, de l’establishment et, de l’autre, les représentants des formations moins installées, notamment des formations nouvelles ou émergentes.

Le débat présidentiel ne peut devenir un débat tronqué, altéré, accordant une capacité d’expression réduite à certains candidats et privilégiant les autres. On ne peut figer le système politique établi et transformer l’élection présidentielle en reproduction automatique de l’existant.

Le Sénat a eu raison de supprimer cette disposition, très inopportune. Il appartient à notre Assemblée de le faire à son tour.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la vice-présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, en examinant aujourd’hui en séance une proposition de loi organique et une proposition de loi simple de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle, nous nous apprêtons à modifier de nombreuses dispositions relatives à cette élection, clé de voûte de notre fonctionnement démocratique et qui, parmi toutes les élections, est celle qui suscite, de loin, le plus grand intérêt chez nos concitoyens.

Les propositions contiennent des mesures lourdes de conséquences, à un an seulement de la prochaine échéance présidentielle et selon une procédure accélérée qui ne facilite guère nos travaux, ce que je regrette.

Je regrette en effet que nous discutions des échéances si près de leur tenue alors même que les propositions de loi s’appuient et s’inspirent en partie sur des recommandations à la fois de la commission nationale des comptes de campagnes et sur le « bilan et les préconisations formulées par le CSA » datant de 2012.

À légiférer en urgence, on légifère mal. Par ailleurs, on ne peut s’empêcher de voir une part de calcul électoral lorsqu’on modifie les règles applicables aux élections si près des échéances, même si ce n’est pas le cas.

Chers collègues, des points de discorde demeurent après les débats qui ont eu lieu dans notre assemblée en décembre, et au Sénat en février. Par ailleurs, certains sujets ne seront pas traités de manière satisfaisante, faute de temps : je songe par exemple à la question des sondages, qui figure dans la proposition de loi ordinaire.

Je me concentrerai pour l’essentiel sur la loi organique. D’abord, comme mes collègues du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, je veux insister sur l’article 4…

M. Philippe Gosselin. Je l’ai fait aussi, cher collègue !

M. Sergio Coronado. …qui vise à substituer un principe d’équité à la règle actuelle de l’égalité des temps de parole. Les règles actuelles prévoient en effet que les médias assurent cette égalité pendant les cinq semaines qui précèdent le premier tour : les deux semaines de campagne officielle, mais aussi les trois semaines dites de « période intermédiaire », qui séparent la publication de la liste des candidats du lancement de la campagne officielle.

La version initiale de la proposition de loi remplaçait l’égalité durant la période intermédiaire par un principe d’équité bien plus souple, sur lequel le Conseil supérieur de l’audiovisuel serait chargé de veiller. Mais le Sénat a préféré conserver l’égalité des temps de parole pendant cette période intermédiaire, tout en réduisant celle-ci à une dizaine de jours. C’est notamment à cause de ces divergences sur l’article 4 que la commission mixte paritaire réunie le 15 mars a échoué.

À l’appui de cet article, qui propose d’instaurer le principe d’équité, le groupe socialiste indiquait que les règles trop strictes découragent la couverture médiatique de la campagne. Jean-Jacques Urvoas, qui avait rédigé le texte initial, soulignait ainsi dans l’exposé des motifs que « le nombre important de candidats – 12 en 2007, 10 en 2012 – rend difficile l’application d’une stricte égalité, dissuadant certaines chaînes d’organiser des débats et conduisant in fine à une réduction du temps médiatique consacré à la campagne présidentielle. »

L’équité laisse en effet davantage de liberté aux médias, qui doivent veiller à un traitement équitable des candidats en fonction de certains critères définis par la proposition de loi, comme les « résultats obtenus aux plus récentes élections », les « indications d’enquêtes d’opinion », ou encore la « contribution de chaque candidat à l’animation du débat électoral » – des notions qui, vous en conviendrez, restent pour le moins subjectives. Cette disposition n’est pas seulement problématique : elle est également loin de faire consensus dans cet hémicycle.

Pour ma part – et j’exprime ici la position majoritaire du groupe écologiste, que j’ai déjà exposée – je considère que cette mesure est une forme d’atteinte au pluralisme politique, car elle vise à empêcher l’expression de la diversité politique en période électorale. Cette diversité est déjà fortement mise à mal en temps normal ; en faire la règle en période électorale revient à suivre la logique hégémonique d’un bipartisme qui, non seulement appauvrit le débat d’idées, mais surtout n’existe plus vraiment aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé à nouveau un amendement tendant à supprimer cet article 4. Je crois qu’il sera voté, en dehors du groupe socialiste, par d’autres forces politiques représentées dans cet hémicycle. J’espère, comme de nombreux parlementaires et de nombreux citoyens, que les Sages seront sensibles aux arguments développés et qu’ils rappelleront l’absolue nécessité du principe d’égalité.

Chers collègues, je regrette également que notre amendement sur l’interdiction des machines à voter en France ait été rejeté une nouvelle fois en commission des lois. Cette prohibition s’appuie en effet sur de nombreux incidents survenus en 2007, comme des écarts entre le nombre d’émargements et de votes. D’ailleurs, les pouvoirs publics n’ont-ils pas décidé d’un moratoire sur ces machines, mettant ainsi clairement en cause leur fiabilité ?

Depuis huit ans, plus aucune nouvelle commune française n’est autorisée à opter pour cette technique de vote. En revanche, une soixantaine de villes continuaient à l’utiliser en 2012, ce qui représentait environ 1,1 million d’électeurs. Outre des difficultés d’usage et un coût élevé, pour ne pas dire prohibitif, les sénateurs ont également noté un défaut d’assurance technique permettant de garantir la sincérité du scrutin. Un dysfonctionnement, des rayonnements ou la malveillance peuvent en effet altérer le fonctionnement de ces machines à voter. De plus, il est impossible pour l’électeur de vérifier son vote.

En commission des lois, bien que nous ayons proposé une application de la mesure au 1er janvier 2018, c’est-à-dire après les prochaines élections présidentielles et législatives, notre amendement n’a été retenu ni par Mme la rapporteure ni par le Gouvernement. J’espère que, déposé à nouveau en séance, il recueillera cette fois un avis favorable.

Par ailleurs, compte tenu du rejet de notre amendement visant à encadrer a minima l’organisation financière des primaires – étant donné que ces opérations de vote mobilisent plusieurs millions d’électeurs, comme celles organisées par le parti socialiste en 2011 – il est important de maintenir à un an la tenue des comptes de campagne pour l’élection présidentielle. Nous n’avons pas d’opposition de principe à un alignement à six mois de la période couverte par les comptes de campagne pour toutes les élections mais, en pratique, il nous semble nécessaire de maintenir une période d’un an pour l’élection présidentielle, faute d’un encadrement des primaires.

Autre point important : l’article 8 de loi organique propose que, d’ici au 31 décembre 2016, date de clôture des listes électorales, tout électeur inscrit à la fois sur une liste électorale consulaire et sur une liste électorale en France choisisse la liste sur laquelle il souhaite demeurer inscrit, ce choix entraînant sa radiation d’office de l’autre liste. En l’absence d’expression de ce choix, l’électeur serait radié d’office de la liste électorale consulaire.

Je propose de revenir à la version adoptée par le Sénat et j’ai déposé un amendement en ce sens. Il prévoit que « la radiation d’un Français du registre des Français établis hors de France entraîne de plein droit sa radiation de la liste électorale consulaire, sauf opposition de sa part. » Il s’agit de régler le problème qu’ont rencontré les 40 000 personnes qui n’ont pas pu voter en France, alors qu’elles croyaient pouvoir le faire, lors de la dernière élection présidentielle. Si une personne inscrite au registre consulaire demande sa radiation, il est effectivement logique qu’elle soit aussi radiée de la liste électorale, puisque l’on peut supposer qu’elle quitte la circonscription consulaire.

Dans ce contexte, on peut se féliciter de l’annonce du secrétaire d’État chargé des Français de l’étranger, M. Matthias Fekl, qui a indiqué que, d’ici quelques semaines, les Français de l’étranger devraient pouvoir demander en ligne leur radiation de la liste électorale consulaire, sur le site www.service-public.fr.

J’en arrive aux dispositions relatives à la publicité intégrale des parrains : il me semble très important que chacun assume ses choix devant les électeurs. La publicité des parrainages m’apparaît donc comme une bonne chose, et son principe a été accepté d’une manière assez consensuelle. Rien ne me semble raisonnablement opposable à ce que ces mêmes parrainages puissent être adressés au Conseil constitutionnel sous format électronique, et ce, dès la prochaine élection.

Enfin, je répète que la question des enquêtes d’opinion, au sujet de laquelle j’ai tout de même déposé plusieurs amendements, afin de soulever les questions qui me semblent cruciales, ne me paraît pas pouvoir être traitée de manière satisfaisante dans le temps dont nous disposons. Il me semble, par conséquent, que l’amendement de suppression qui a été déposé est une bonne solution.

Chers collègues, toucher aux règles applicables aux élections à un peu plus d’un an des échéances exige d’être capable de construire un très large consensus. À l’ouverture de nos débats, nous sommes encore loin du compte.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire n’étant pas parvenue à un accord, nous réexaminons aujourd’hui ces deux propositions de loi en nouvelle lecture.

Deux principaux points de divergence demeurent.

Le premier porte sur la répartition des temps de parole médiatique des candidats pendant la période dite intermédiaire d’environ vingt jours, qui commence quand la liste des candidats est établie et qui prend fin avec le début de la campagne officielle. Le texte adopté par notre assemblée visait, au cours de cette période intermédiaire, à remplacer la règle d’égalité des temps de parole par un principe d’équité, fondé sur plusieurs critères définis dans la loi organique. Il reprenait les recommandations formulées, depuis 2007, par l’ensemble des organismes de contrôle de l’élection présidentielle : le Conseil constitutionnel, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale et le Conseil supérieur de l’audiovisuel. En séance publique, le Sénat a adopté un point de vue opposé, consistant à maintenir la règle actuelle de l’égalité et à réduire la période intermédiaire d’une semaine.

Le second point de désaccord entre nos deux chambres porte sur l’horaire de fermeture des bureaux de vote. Alors que cette fermeture s’échelonne aujourd’hui entre dix-huit et vingt heures, au risque de favoriser la diffusion de résultats partiels avant même la clôture du scrutin, notre assemblée a suggéré de fixer cet horaire à dix-neuf heures, moyennant la possibilité pour le préfet de le repousser à vingt heures dans certaines villes. La durée séparant la fermeture des premiers et des derniers bureaux de vote serait ainsi ramenée à une heure, au lieu de deux aujourd’hui. Le Sénat, de son côté, a préféré retenir un horaire unique de dix-neuf heures sur l’ensemble du territoire. Sur ces deux dispositions, la commission des lois de notre assemblée a rétabli la version qu’elle avait votée en première lecture.

S’agissant de l’accès aux médias audiovisuels des candidats avant la campagne officielle, nous souhaitons pour notre part réitérer notre ferme opposition à la mise en place du principe d’équité dans la phase intermédiaire. Nous réfutons ce principe dans la mesure où, en pratique, la campagne officielle démarre au moment où la liste est rendue publique. Aussi est-il curieux de prévoir que le principe d’équité soit apprécié au regard des résultats aux précédentes élections, ou encore des sondages, dont la fiabilité est régulièrement remise en cause. Rappelons que le sondage ne prédit pas les résultats, car un sondé n’est pas un électeur.

S’appuyer sur les sondages pour octroyer davantage de temps de parole à un candidat est un exercice périlleux pour la démocratie. La multiplication et la banalisation des sondages préélectoraux finissent en effet par modifier la perception de la réalité de nos concitoyens, donc leur vote effectif et, par conséquent, la réalité elle-même.

La réforme que vous nous proposez tend à accroître encore les effets électoraux des sondages en renforçant la couverture médiatique de partis déjà très présents dans les médias. Ce faisant, elle met à mal le pluralisme et la diversité des candidatures. Plus les sondages seront favorables à un candidat et plus les journalistes lui accorderont de la visibilité. Ainsi s’installera un double phénomène de visibilité et de crédibilité croissantes, qui favorisera en retour une progression du score du candidat.

La modification proposée se fait donc clairement au détriment des petits candidats, lesquels ne pourront bénéficier d’une stricte égalité de temps de parole que pendant la campagne dite officielle, soit quinze jours avant le scrutin. Sous couvert de simplification, cette mesure vise de toute évidence à favoriser les grands partis : le Parti socialiste, Les Républicains et le Front national.

S’agissant de l’harmonisation des opérations de vote, nous sommes favorables à l’harmonisation intégrale à dix-neuf heures ou à vingt heures. Cela aurait le mérite de la simplicité et neutraliserait les effets de la divulgation des résultats.

Concernant les autres dispositions du texte, nous considérons que la transmission des parrainages au Conseil constitutionnel devrait pouvoir continuer à relever du candidat ou de son équipe de campagne, afin qu’il soit en mesure de comptabiliser les parrainages dont il dispose. Notons en outre que la publication des parrainages en temps réel peut avoir des effets dissuasifs pour des élus qui hésiteraient à donner leur parrainage. Par exemple, lorsqu’un candidat dispose de très peu de parrainages, son éventuel parrain pourrait décider de donner son parrainage à un autre candidat ayant plus de chances de réunir les 500 signatures. Soulignons également que, si la publication des parrainages paraît souhaitable, elle pourrait très bien intervenir au terme du processus, lorsque le candidat remet ses parrainages.

La publication de la liste intégrale des élus ayant parrainé un candidat, et non plus un extrait de 500 noms tirés au sort, se justifie, non seulement au nom de la transparence – parrainer un candidat à l’élection présidentielle est un acte de responsabilité politique, dont on doit pouvoir rendre compte devant ses électeurs –, mais aussi au nom de l’égalité entre les élus qui habilitent un candidat à se présenter à l’élection présidentielle. La divulgation de 500 parrainages constituait en effet une rupture du principe d’égalité.

Pour autant, il ne faudrait pas que la publicité des parrainages soit utilisée pour distinguer les « petits » candidats disposant de quelques centaines de parrainages des « grands » candidats qui en comptabiliseraient plusieurs milliers. Cela ne devrait en aucun cas servir de justification à l’octroi supplémentaire de temps d’antenne et de temps de parole aux « grands » candidats.

S’agissant de l’adaptation de la législation sur les comptes de campagnes, nous sommes opposés à la réduction à six mois de la période couverte par les comptes de campagnes. Cet abaissement n’apparaît pas justifié pour l’élection présidentielle, qui donne nécessairement lieu à des campagnes très longues. En particulier, cette mesure conduirait à sortir l’organisation des primaires du champ des comptes de campagnes.

En définitive, à un an seulement de la prochaine échéance présidentielle, on peut regretter d’avoir à discuter de mesures de rafistolage des règles applicables à l’élection présidentielle, alors même que la réforme globale et ambitieuse de nos institutions, dont chacun admet l’impérieuse nécessité, est sans cesse repoussée.

Surtout, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine réitèrent leur ferme opposition à la règle de l’équité, qui met à mal la diversité et le pluralisme. Ils voteront donc une nouvelle fois résolument contre ces deux propositions de lois.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, à quinze heures :

Suite de la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle ;

Suite de l’examen en nouvelle lecture de la proposition de loi de modernisation de diverses règles applicables aux élections.

La séance est levée.

(La séance est levée à 13 heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly