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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2016-2017

Compte rendu
intégral

Première séance du vendredi 21 octobre 2016

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2017

Première partie (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2017 (nos 4061, 4125, 4127 et 4131).

Hier soir, l’Assemblée a poursuivi ’examen des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n347 portant article additionnel après l’article 11.

Après l’article 11 (suite)

Mme la présidente. L’amendement n347 n’est pas défendu.

Je suis saisie de deux amendements, nos 642 et 345, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n642.

M. Éric Alauzet. Retournons du côté de l’économie circulaire : nous avons évoqué hier la TGAP – taxe générale sur les activités polluantes – « amont » sur les déchets, qui vise à taxer le plus tôt possible dans la chaîne économique pour orienter les comportements, ainsi que la taxe sur les déchets finaux, calculée au kilo – vous vous en souvenez, monsieur le secrétaire d’État. Aujourd’hui, nous traitons de la TGAP « aval », qui s’applique tout au bout de la chaîne. Elle est à mon avis moins intéressante, mais elle existe.

Le présent amendement vise donc à préciser la trajectoire jusqu’en 2025 de la TGAP payée en cas d’incinération et d’enfouissement. Nous devons en effet progresser, car un tiers des déchets part encore en incinération ou en enfouissement. Par cet amendement nous proposons non seulement une trajectoire, mais également de revoir les réfactions – elles ont sans doute été établies historiquement pour échapper à la TGAP – liées à la qualité des installations ou à la façon dont on transporte les déchets. Celles-ci ne racontent pas grand-chose de ce que l’on veut faire des déchets.

Nous proposons donc des critères de réfaction, autrement dit de réduction de la TGAP, davantage liés à la performance : ils permettront de remonter les déchets dans la hiérarchie, générant moins d’incinération et d’enfouissement et favorisant la valorisation et le tri. Si l’on produit moins de déchets et si on les trie mieux, on paiera moins de TGAP.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n345.

M. Éric Alauzet. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur ces deux amendements.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Le secrétaire d’État a indiqué hier soir que le PLFR – projet de loi de finances rectificative – comporterait un paquet « fiscalité écologique ». Sur ces questions, dont nous avons eu l’occasion de débattre assez longuement en commission des finances, il est important d’avoir une vision globale. Je vous propose donc de reporter cette disposition au PLFR, comme nous l’avions fait l’an dernier, ce qui avait d’ailleurs permis d’aboutir. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Ainsi que l’a indiqué Mme la rapporteure générale, le Gouvernement vous proposera dans le texte initial du PLFR une trajectoire TGAP, répondant ainsi à une partie de votre premier amendement.

Sur le deuxième point portant sur une diminution, une réfaction ou en tout cas une adaptation de la TGAP en fonction de la qualité du tri, je suis plus réservé – je vous le précise maintenant, même si nous en rediscuterons en PLFR – car nos services m’indiquent que cela pose un problème de constitutionnalité. Nous y retravaillerons et nous traiterons ce sujet – ou pas, en tout cas en ce qui me concerne – en PLFR.

Concernant le deuxième amendement, que vous avez défendu brièvement, le Gouvernement y est sensible et vous fera des propositions allant dans le sens d’un tri et d’une analyse fine, notamment en ce qui concerne les installations produisant du biogaz. Je vous suggère donc de retirer ces amendements.

Nous travaillons actuellement sur le PLFR, qui sera déposé en conseil des ministres d’ici à une quinzaine de jours, ce qui vous permettra d’ailleurs de prendre connaissance du projet du Gouvernement et de proposer toute modification qui vous paraîtrait utile. Comme l’année dernière, nous proposons de traiter toutes les questions relatives à la TGAP en PLFR, avec le bémol que je vous indiquais concernant leur solidité juridique.

Je vous propose donc de retirer ces amendements ; à défaut, à ce stade, je préférerais que l’Assemblée les rejette.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je les retire, monsieur le secrétaire d’État, parce que nous ne sommes pas à quelques semaines près ! Nous avons déjà eu ce débat sur la constitutionnalité et nous l’aurons à nouveau ; ces sujets sont souvent une matière un peu instable, incertaine. Autant je comprends que le Gouvernement ne souhaite prendre aucun risque sur certains sujets très emblématiques, autant, sur des sujets comme celui-là, nous pouvons demander son avis au Conseil constitutionnel s’il y a un doute : ce n’est pas un drame !

(Les amendements nos 642 et 345 sont retirés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 185 et 645.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n185.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement a pour objet de soutenir le développement des énergies renouvelables dans les transports en facilitant le développement du biométhane carburant, dit bioGNV.

Cette filière aujourd’hui en plein développement connaît en effet des difficultés, comme toute filière en démarrage. Néanmoins, ce carburant commence à se développer au sein des flottes des collectivités territoriales, ce qui aboutit à la mise en place d’une filière de production de ce carburant renouvelable largement portée par les agriculteurs français. Je rappelle en effet que ce biocarburant gazeux est produit à partir de déchets ménagers ou de la filière agricole : c’est tout l’intérêt de cette alternative, qui ouvre des perspectives pour cette filière.

Pour autant, le bioGNV ne bénéficie pas des mêmes mécanismes de soutien que les autres biocarburants liquides, alors même que les surcoûts à l’utilisation sont encore significatifs. Le présent amendement a donc pour objet d’inciter au développement du bioGNV en le faisant bénéficier du mécanisme d’obligation d’incorporation de biocarburant à compter du 1erjuillet 2017.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n645.

M. Éric Alauzet. Je serai bref, madame la présidente, puisque cet amendement est identique à celui que vient de défendre Mme Dalloz. Je souhaite simplement préciser qu’il s’agit d’une filière émergente. Une telle filière étant souvent déséquilibrée économiquement, il faut la soutenir. En outre, cela représente six usines en France, 1 000 emplois et un potentiel de 1 800 emplois à l’échéance de 2020 : c’est donc intéressant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je ne reviendrai pas sur le fait que le PLFR comportera une partie plus importante sur toutes ces questions. Cela étant, madame Dalloz, comme je vous sais soucieuse de l’évolution de l’agriculture, je précise qu’il existe une crainte que le gaz ne vienne remplacer l’éthanol, en termes d’équilibre. Telles sont les remontées que nous avons pu avoir sur ce sujet.

Mme Marie-Christine Dalloz. On peut se faire peur avec tout !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je mentionne cette crainte et je rappelle que nous ferons un paquet global dans le PLFR, car je pense qu’il faut avoir une vision globale. La commission souhaite que donc que vous retiriez votre amendement pour le déposer en PLFR.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Actuellement, ce dispositif fonctionne bien puisque la TGAP ne rapporte quasiment rien. Vous connaissez tous ici le principe de la TGAP : si elle ne rapporte rien, cela signifie que les objectifs sont atteints. Or, là, le gain est de moins de 100 000 euros par an, me dit-on, ce qui est négligeable.

Vous proposez de travailler sur les seuils d’incorporation à respecter. Le Gouvernement partage votre point de vue, mais je vous fais la même réponse que tout à l’heure : nous vous proposerons des seuils qui doivent respecter beaucoup d’objectifs en même temps, ce qui rend toujours les choses difficiles.

Tout d’abord, il convient d’analyser la concurrence entre les différentes formes de biocarburant et de biogaz afin de vérifier qu’il n’existe pas de déséquilibre. Ensuite, nous ne devons pas fixer des seuils trop hauts avant de nous être assurés que nos filières seront en capacité de fournir les produits nécessaires pour que ces seuils soient atteints. Mais nous n’en sommes pas là, car cela fonctionne bien pour le moment.

En liaison avec tous les ministères concernés – non seulement celui de l’écologie, bien sûr, mais également celui de l’agriculture et de la forêt –, nous préparons avec nos services une proposition pour le PLFR. Si ces amendements ne sont pas retirés, je proposerai donc leur rejet à ce stade, avec l’engagement clair de reprendre ce sujet en PLFR.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la rapporteure, cette filière en est aujourd’hui à son démarrage : la concurrence n’est pas encore exacerbée. Et je reste convaincue que la concurrence entre les différents types de carburants favorisera justement l’émulation.

Cela étant, compte tenu des propos de M. le secrétaire d’État, je déposerai à nouveau cet amendement en PLFR en fonction de ce que ce dernier proposera dans ce registre.

(L’amendement n185 est retiré.)

Mme la présidente. Monsieur Alauzet, retirez-vous également votre amendement ?

M. Éric Alauzet. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n645 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 763 et 764, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Éric Alauzet, pour les soutenir.

M. Éric Alauzet. Ces amendements sont importants, car ils portent sur l’affectation du surplus de la contribution climat énergie. Chaque année, nous augmentons selon la trajectoire le prix de la tonne de carbone – ce sera 30 euros la tonne en 2017, puis environ 38 euros en 2018.

Les amendements portent justement sur 2018 : comme nous avions été peu frustrés de ne pas pouvoir discuter de l’affectation en 2017, nous nous y prenons un peu plus tôt, dans le contexte d’une loi sur la transition énergétique extrêmement ambitieuse. Je rappelle brièvement les chiffres : baisse des émissions de gaz à effet de serre de 40 %, réduction des consommations énergétiques de 50 %, augmentation de la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d’énergie : c’est extrêmement ambitieux ! La rénovation énergétique de 500 000 logements par an est un des leviers principaux. Or, le risque de ne pas atteindre les objectifs est réel si les moyens financiers ne sont pas au rendez-vous.

Il s’agit donc de faire en sorte qu’une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – qui représente environ 1,7 milliard – perçu en 2018 soit attribuée aux territoires, puisque c’est là que les choses se jouent avec l’intervention des acteurs locaux. L’atteinte de tels objectifs passe en effet notamment par l’élaboration et la mise en œuvre des plans climat-air-énergie territoriaux – PCAET – à l’échelle des intercommunalités et des schémas régionaux climat air énergie – SRCAE – puis, à terme, du volet énergie des schémas régionaux d’aménagement et de développement durable et d’égalité des territoires – SRADDET – à l’échelle des régions. Bref, les montants perçus en 2018 doivent soutenir ces politiques : sans moyen, nous n’y arriverons pas.

Concrètement, si l’élaboration d’un plan ou d’un schéma coûte environ 1 euro par habitant, sa mise en œuvre à l’échelle du territoire coûte 100 à 200 euros par habitant. Très précisément, en 2018, il faudra pouvoir prendre le relais des plans Territoire à énergie positive pour la croissance verte – TEPCV –, à hauteur de 400 à 500 millions par an, car ces plans arriveront alors à échéance.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Le rendement de la TICPE est passé de 24 milliards en 2012 à une perspective d’un peu plus de 30 milliards pour 2017, dont 5 milliards sont déjà versés aux régions. Et la fraction de 3,19 % que vous proposez d’affecter aux collectivités territoriales représente 1 milliard de plus. Cela revient à déplacer de façon substantielle le curseur en matière de finances publiques. C’est pourquoi la commission est défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Alauzet, vous proposez de distraire – le mot n’est en rien méprisant – une partie du produit de la TICPE au profit des collectivités territoriales. Or, cette taxe finance beaucoup de choses liées à la transition énergétique, en particulier l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – ADEME – qui se verrait alors privée d’une partie de ses ressources alors même que les collectivités territoriales bénéficient directement de son soutien. De surcroît, la répartition serait probablement assez difficile à réaliser.

Je vous propose donc de nous en tenir au « circuit » actuel donnant à l’ADEME les moyens de soutenir les projets territoriaux – ce qu’elle fait largement – et de ne pas procéder à ce transfert direct d’une partie de la TICPE aux régions essentiellement. Le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements. Nous souhaitons que l’ADEME puisse continuer à répartir les actions territoriales en fonction des moyens qui lui sont donnés, notamment par la TICPE.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. La question du montant peut être évidemment débattue, mais j’insiste sur un point : il faut maintenir en 2018 les financements attribués directement aux collectivités locales pour la croissance verte. Tel est l’enjeu.

(Les amendements nos 763 et 764, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n785.

Mme Eva Sas. Cet amendement vise à améliorer le barème bonus-malus pour l’achat d’un véhicule neuf en complétant les émissions à prendre en compte. Aujourd’hui, le bonus-malus est fondé sur les émissions de CO2 du véhicule ; nous proposons également de prendre en compte celles de NOx.

Les conséquences de la motorisation diesel en matière de santé publique sont avérées et confirmées par l’OMS. Toutefois, le bonus-malus auto actuel ne prend pas en compte ces émissions nocives ce qui, dans certains cas, peut conduire à avantager financièrement les véhicules les plus polluants comme le diesel, moins émetteurs de CO2.

Dans un souci de santé publique et de cohérence par rapport à la convergence des fiscalités des carburants essence et diesel, nous proposons donc de compléter le dispositif pour prendre en compte les émissions de NOx.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le bonus-malus se fonde sur les émissions carbonées – nous débattons souvent de la question des particules fines. Il n’est pas illégitime de discuter également des émissions d’azote – nous aurons l’occasion d’y revenir – mais le Gouvernement, à travers le bonus-malus, soutient prioritairement les véhicules électriques qui n’émettent ni carbone, ni particules fines, ni azote. À ce stade, il souhaite s’en tenir là. Nous pourrons traiter ces questions par la suite, et nous débattrons notamment du problème du diesel. Mme Delphine Batho est d’ailleurs intervenue hier sur le lien entre les particules fines et les carburants, qui n’est d’ailleurs pas forcément celui que tout le monde a en tête, si j’ai bien compris.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Cet amendement me permet d’insister sur la nécessité urgente d’intégrer dans le bonus-malus une approche globale permettant de prendre en compte autant le réchauffement climatique – donc, l’enjeu que représentent les émissions de CO2 – que la pollution locale, donc les NOx et les particules fines.

Cette nouvelle approche globale est nécessaire au niveau non seulement des normes européennes, mais aussi des dispositifs français liés au bonus-malus. Faute de quoi nous serons confrontés à des effets pervers semblables à ceux que nous avons connus lors de la mise en place du bonus-malus après le Grenelle de l’environnement, le bonus ayant alors conforté la diésélisation massive du parc automobile français, en particulier des petits véhicules urbains pour lesquels le diesel n’était pas du tout adapté.

J’ai bien entendu la réponse de M. le secrétaire d’État, mais nous avons vraiment besoin de travailler à une approche multicritères des normes et du bonus-malus pour que celui-ci prenne en compte tant le CO2 que les NOx et les particules.

(L’amendement n785 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 304, 454 rectifié et 588 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 454 rectifié et 588 rectifié sont identiques.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n304.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je souhaite préciser le contexte dans lequel la commission a adopté cet amendement, dont l’objectif budgétaire n’est pas très ambitieux puisqu’il ne rapporterait que 600 000 euros aux caisses de l’État, et l’amendement n303 que nous examinerons plus tard.

L’amendement n304, sur la taxe à l’essieu, et l’amendement n303, sur le droit de circulation sur les vins, ont été adoptés sur proposition de notre collègue Charles de Courson dans le but d’ouvrir une discussion sur l’ensemble des dispositifs fiscaux appliqués en Corse. C’est cette idée-là qui a prévalu en commission des finances et non la volonté d’imposer quoi que ce soit d’une manière extrêmement rapide – l’amendement n304 a d’ailleurs été lui-même modifié par rapport à celui de la commission des finances : le dispositif initialement prévu devait en effet entrer en vigueur à partir du 1er  janvier 2017, mais tout le monde a insisté sur la nécessité d’une concertation avec l’ensemble des acteurs corses afin de parvenir à un consensus. Nous savons en effet très bien que les mesures décidées de manière brutale par Paris ne sont pas toujours les mieux appliquées.

Pour que nous puissions trouver un « point d’atterrissage » satisfaisant pour tout le monde, je retirerai donc ces deux amendements. J’ai cru comprendre que des ouvertures étaient possibles, s’agissant notamment du droit de circulation sur les vins, et qu’un échange avec les viticulteurs était envisageable, ce qui me semble extrêmement important.

Encore une fois – je parle un peu au nom de la commission des finances dans son ensemble – ces amendements visaient non pas à imposer quoi que ce soit, mais à faire émerger ces questions et, surtout, à trouver un « point d’atterrissage » et de consensus.

(L’amendement n304 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement n454 rectifié.

M. Camille de Rocca Serra. Charles de Courson, qui n’est malheureusement pas là pour nous entendre, n’a fait que répondre à la demande de sa maison-mère en présentant ses amendements. Mais la Cour des comptes peut se tromper ! Et elle s’est trompée en avançant des sommes exorbitantes par rapport à la réalité. Par exemple, l’application de la TVA sur les vins en Corse représente non pas 49,5 millions, comme elle le prétend, mais entre 12 et 13 millions. C’est d’ailleurs facile à calculer car elle ne s’applique que sur la partie produite et consommée en Corse. Je pourrais développer ce point, mais je ne le ferai pas puisque l’amendement a été retiré.

J’ajoute que l’ensemble de la filière est prête à discuter avec le Gouvernement, la commission des finances et tous les élus de la nation pour trouver un régime stable permettant de continuer à développer cette filière d’excellence, mais qui demeure toujours fragile et qui mérite d’être soutenue.

Les amendements no454 rectifié et 241 n’ont plus de raison d’être puisque la commission a retiré ses amendements. Néanmoins, la taxe spéciale sur certains véhicules routiers – la fameuse TSVR – dite taxe à l’essieu, a été instituée par l’article 16 de la loi de finances de 1968 afin de compenser les dépenses d’entretien de la voirie occasionnées par la circulation de véhicules à fort tonnage, notamment sur les autoroutes dont les ouvrages d’art nécessitent un entretien régulier.

Mme la présidente. Je vous remercie.

M. Camille de Rocca Serra. Madame la présidente, je fais le lien entre trois amendements, ce qui permettra de gagner du temps.

La Corse est la seule région française à ne pas comprendre sur son territoire un mètre d’autoroute, avec les conséquences que cela peut avoir en termes de trafic. À titre d’exemple, un 44 tonnes devant effectuer le trajet Bastia-Porto-Vecchio, l’un des plus importants axes économiques de Corse, met huit heures aller-retour, hors temps de chargement et de déchargement, pour parcourir seulement 147 kilomètres.

Le rapport d’Alain Lambert, réalisé en 1998 au titre de la commission des finances du Sénat, dispose que « la taxe à l’essieu s’applique sur l’ensemble du territoire métropolitain à l’exception de la Corse » et l’instruction du 16 février 2000 relative au champ d’application de la réforme de la taxe à l’essieu précise dans son point IV que cette taxe « n’est pas applicable dans les deux départements de Corse ».

Et pour cause : depuis le 1er janvier 1993, l’État, percepteur de cette taxe, n’a plus un kilomètre de réseau routier en Corse. Le patrimoine relatif au réseau routier national sur le territoire insulaire, soit 576 kilomètres, les ouvrages d’art et les dépendances attenantes, ainsi que la compétence en matière de gestion de ce réseau ont été transférés à la collectivité territoriale de Corse par la loi du 13 mai 1991, dite « loi Joxe ». Ce n’est pas Paul Giacobbi qui pourra le démentir, puisqu’il en a eu la charge.

Depuis le 1er janvier 2012, les véhicules immatriculés en Corse circulant sur le continent s’acquittent de la taxe à l’essieu au prorata du nombre de jours durant lesquels lesdits véhicules arpentent le réseau routier et autoroutier continental.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.

M. Camille de Rocca Serra. Le manque à gagner annuel est évalué à moins de 600 000 euros.

Par ailleurs, la Cour des comptes se trompe aussi quand elle évoque les métaux précieux, dont l’or, et les bijoux. Il faut savoir qu’il n’y a plus de bureau en Corse : il est à Nice. Il n’y a donc pas d’exemption en Corse.

Quant au droit de circulation sur le vin, le dispositif remonte à la loi de finances pour 1967 : à la demande de parlementaires corses, dont le père de Paul Giacobbi, et avec le soutien de Michel Debré, on a pris en compte le surcoût des intrants, c’est-à-dire de tout ce qui permet de vinifier et de commercialiser la production, estimé à 20 %. C’est pourquoi il y a eu cette disposition, réservée à la production et à la consommation des vins en Corse : dès que ces vins arrivent sur le continent, ils sont taxés.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement n588 rectifié.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Nous arrivons à un moment important de ce débat, qui découle, comme l’a dit Camille de Rocca Serra, du référé de la Cour des comptes, repris in extenso par notre collègue de Courson dans sa volonté d’essayer de clarifier la situation corse.

Il ouvre ainsi un débat important et, quant à moi, je salue la proposition de Mme la rapporteure générale qui nous invite à profiter du référé pour examiner les textes qui s’appliquent, y compris ceux qui sont peut-être désuets mais trouvent leur justification dans une situation particulière.

Nous connaissons tous le problème constitutionnel que poserait un éventuel texte spécifique à la Corse permettant de mettre en œuvre des règles fiscales et sociales dues à la spécificité de l’île, mais nous avons l’obligation d’y réfléchir et le référé nous y invite.

La manière proposée par notre collègue et ami Charles de Courson n’est pas forcément la bonne. Camille de Rocca Serra vient de le démontrer : sur la taxe à l’essieu, nous pourrions arriver à ce paradoxe que les propriétaires de camion en Corse paieraient une taxe qui ne profiterait qu’au continent. Ce serait une forme de solidarité des Corses envers les autres Français, puisqu’ils ne profiteraient jamais de cette taxe qui tomberait dans les caisses de l’État et servirait à financer des infrastructures qui n’existent pas en Corse. Mais pourquoi pas ? Les Corses sont prêts à être solidaires, bien entendu. (Sourires.)

Un autre amendement a été déposé parce que certains droits indirects ne sont pas payés en Corse, en Moselle et en Alsace. Ce que propose M. de Courson aurait pour conséquence que ces taxes seraient payées en Corse, mais pas dans les départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, qui auraient droit à ces exonérations. Je ne dis pas que Charles de Courson a voulu nous provoquer, mais on voit bien qu’il y a des anomalies à rectifier.

J’entends la proposition de la rapporteure générale et j’attends avec impatience la réponse du secrétaire d’État. Oui, il y a urgence à mettre en œuvre des textes spécifiques à la Corse, compte tenu d’un certain nombre de particularismes. Ainsi, le coût de l’exploitation viticole en Corse est supérieur de 20 % à ce qu’il est sur le continent. Aujourd’hui, un viticulteur corse paie 20 % de charges de plus qu’un viticulteur installé sur le continent.

Dans le domaine de l’hôtellerie et de la restauration – la collectivité territoriale de Corse proposait d’ailleurs la semaine dernière des évolutions législatives en matière fiscale et sociale –, le surcoût est de 30 %.

Oui, il y a des particularités. Oui, il y a des spécificités. Oui, il y a des surcoûts liés à l’insularité et à des causes historiques. Oui, il y a urgence à adopter des textes efficaces pour permettre à cette île de connaître enfin un développement harmonieux.

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 454 rectifié et 588 rectifié ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements en discussion commune ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je répondrai de manière globale sur ces amendements parfois antagonistes, même si certains viennent d’être retirés. J’inviterai d’ailleurs les auteurs des autres amendements présentés à les retirer également et je vais vous dire pourquoi.

La spécificité corse est connue. Le Premier ministre s’est rendu en Corse, et je l’accompagnais, pour échanger avec les élus. Le droit sur les vins et la TSVR ne sont pas des sujets majeurs en termes d’enjeux financiers : la question principale tient aux fameux arrêtés Miot que tout le monde connaît ici.

Sur ce point, je le dis tout de suite, le Premier ministre a chargé Jean-Michel Baylet et votre serviteur de travailler avec les élus corses pour traiter ce problème dont les enjeux, non seulement financiers mais aussi éthiques et juridiques, sont importants. Ici, tout le monde le sait.

Je crois savoir qu’une proposition de loi vient d’être déposée. Son contenu a été élaboré en liaison avec nos services et les parlementaires corses, et j’indique que la Gouvernement, comme il s’y était engagé, aura une position ouverte, même si certains articles ne recueillent pas, pour l’instant, son assentiment complet. Nous partageons l’esprit de cette proposition, mais certaines modalités, comme les échéances temporelles, ne sont pas tout à fait conformes à ce que le Gouvernement entend soutenir. Le Parlement restera ensuite souverain, bien sûr.

Concernant les deux sujets qui viennent d’être abordés, et sans relancer le débat, on ne peut avancer l’argument selon lequel sous prétexte qu’il n’y a pas d’autoroutes et de routes nationales en Corse, la TSVR n’aurait pas à y être acquittée. Certains départements du continent sont en effet dans la même situation puisque de nombreuses routes nationales ont été départementalisées. En outre, à partir du moment où l’on admet la nécessité de la continuité territoriale, on ne peut raisonner ainsi. Il faudrait presque analyser le réseau département par département ou région par région, pour avoir une taxe à l’essieu modulable : tout le monde comprend que ce ne serait pas gérable. Cet argument, je ne le fais donc pas mien.

Néanmoins, j’ai entendu ce qu’a dit Paul Giacobbi hier, ce que Camille de Rocca Serra vient de déclarer et ce que la rapporteure générale vient d’indiquer. Je vous invite à continuer le travail.

Sur les arrêtés Miot – encore une fois, c’est la question la plus lourde –, nous sommes en mesure d’arriver à une position équilibrée, sinon consensuelle. Sur les autres sujets, je ne peux pas admettre que l’on inscrive dans la loi, avant d’en avoir mesuré les enjeux, l’exonération ou la dispense de TSVR ou, a contrario, l’assujettissement à cette taxe.

Ce serait en effet prématuré. Je vous invite donc à retirer ces amendements et à poursuivre le travail. Je crois que la proposition de loi sur l’usucapion et les arrêtés Miot sera inscrite à l’ordre du jour, même si je n’ai pas encore de date puisqu’elle vient d’être déposée.

Poursuivons le travail : nos services feront preuve d’ouverture s’il y a des points à examiner, mais évitons les excès dans un sens ou un autre, qui consisteraient à inscrire dans la loi ce qui a été réglé par des décrets, des arrêtés ou des instructions ministérielles – cela nous figerait dans des positions extrêmes.

Un mot maintenant sur la Moselle et l’Alsace. Je suis né en Moselle et ma mère y vit toujours. J’habite en Meurthe-et-Moselle. La question du droit local est elle aussi historique, héritée de périodes douloureuses dans nos régions. Nous verrons là aussi s’il y a lieu d’harmoniser les règles sur l’ensemble du territoire national. Ce sont des questions difficiles.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le secrétaire d’État, ayant quant à moi un père qui était à moitié alsacien, même s’il a été député et sénateur de la Corse, je ne peux qu’aller dans votre sens en recommandant la prudence.

Les esprits se sont apaisés et c’est heureux. Comme on dit chez nous, « l’excès nuit » : U troppu stroppia. Par conséquent, nous revenons à des choses raisonnables.

Je relève beaucoup d’imprécisions dans les esprits et dans les textes, y compris dans ce que dit et écrit la Cour des comptes, qu’il faut interpréter à travers la réponse du Gouvernement. Je pense à cette imprécision, sinon de la Cour du moins de son exégète qui en est un ancien membre, consistant à dire que la Corse est toujours exonérée, « sans justification », du droit de circulation : l’article 16 d’un décret de 1811 s’applique en l’absence de disposition législative contraire, sauf à admettre qu’un vieux texte n’est plus applicable.

Il y a aussi beaucoup de confusion dans les esprits – pas ici, mais ailleurs – entre la TVA sur les vins et d’autres sujets. Si on appliquait cette TVA aux vins produits et consommés en Corse, qui ne représentent qu’une faible part des vins produits sur l’île, cela ruinerait les viticulteurs brutalement et de manière totalement injustifiée. Là aussi, il y a une base : c’est le travail parlementaire, sauf à décider que ce que nous disons ici ne sert à rien. La jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’État considère que les travaux parlementaires peuvent fonder une attitude de l’administration, y compris de l’administration fiscale. Les fiscalistes savent qu’il est intéressant de susciter des questions écrites pour obtenir des réponses écrites.

Nous pourrions dire qu’il y a eu beaucoup de bruit pour rien : Much Ado About Nothing. Simplement, il est important qu’à ce stade, le chantier soit ouvert : pas une bataille rangée, mais un chantier prévoyant un aggiornamento de dispositions historiques qui peuvent paraître un peu boiteuses – encore que de telles règles, quand elles sont appliquées pendant un demi-siècle sur la base de travaux parlementaires, sont admissibles.

Il faut regarder les choses au fond. Le ministre a cité les arrêtés Miot. Un travail est en cours. Le consensus absolu n’est pas atteint, mais en comparaison de périodes plus anciennes, je rends hommage au secrétaire d’État publiquement.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.

M. Paul Giacobbi. Il y a d’autres sujets à approfondir. Ici, dans cet hémicycle, il y a très longtemps, siégeait un député d’Ajaccio qui était en même temps le principal éditorialiste du Figaro. Il avait dit : « La Corse est une île », pour expliquer nos difficultés. Comme ses collègues ne comprenaient pas, il a dit : « La Corse est une île entourée d’eau de toutes parts ! » Il s’appelait Emmanuel Arène et ses propos sont toujours d’actualité.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Marcangeli.

M. Laurent Marcangeli. J’ai été très attentif aux propos de Mme la rapporteure générale et de M. le secrétaire d’État. Nous l’avons dit hier soir : le débat, nous ne le fuirons pas. Il peut avoir lieu de manière sereine. C’est la méthode que j’ai déplorée : l’adoption, nuitamment, d’amendements en commission des finances la semaine dernière.

Nous ne sommes pas ici pour chercher des poux dans la tête des Mosellans ou des Alsaciens, monsieur le secrétaire d’État. Camille de Rocca Serra a montré hier que l’histoire expliquait certaines situations. Comme nous l’avons dit au Gouvernement, comme je l’ai dit encore hier soir à Ajaccio, les portes sont ouvertes pour discuter de manière sereine sur tous les sujets.

Camille de Rocca Serra est le signataire principal des amendements que j’ai cosignés. Puisque les amendements de la commission ont été retirés, et que M. de Courson n’est pas là pour défendre les siens, je pense que nous allons retirer les nôtres. Mais je laisse cette responsabilité à M. Rocca Serra.

Mme la présidente. Monsieur de Rocca Serra, l’amendement n454 rectifié est-il maintenu ?

M. Camille de Rocca Serra. Je le retire, madame la présidente, tout comme je retirerai l’amendement n241, au bénéfice des précisions que viennent de nous donner M. le secrétaire d’État et Mme la rapporteure générale.

Tous les représentants de la Corse ont effectivement travaillé ensemble, monsieur le secrétaire d’État, sur les droits de succession et la création des titres de propriété, et nous pouvons faire le même travail sur de nombreux autres sujets. Il n’en demeure pas moins – et je songe, madame la rapporteure générale, à la conversation que nous avons eue hier soir à ce sujet – que définir ensemble, dans cet hémicycle, un plan pour la Corse serait une belle démarche. Nous montrerions ainsi que la République est au service de tous ses territoires et que la Corse n’est pas un territoire oublié, où de prétendus privilèges anciens ne pourraient pas subsister, alors qu’ils sont utiles.

Je me ferai avec vous, monsieur le secrétaire d’État, le défenseur de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, de tous ces territoires qui méritent que nous nous intéressions à eux et à leur développement, pour l’harmonie de notre République.

Mme la présidente. Monsieur Pupponi, maintenez-vous l’amendement n588 rectifié ?

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Avant de le retirer – comme je retirerai l’amendement n587 – je veux saluer la proposition de M. le secrétaire d’État, qui nous invite à engager la discussion en faisant preuve de sérénité et en évitant les excès. Il a tout à fait raison. Il nous invite aussi, dans le cadre de la discussion sur les arrêtés Miot, qui va intervenir assez rapidement dans l’hémicycle, à trouver un consensus. Je crois que ce sera relativement facile, car tout le monde y met de la bonne volonté.

Je retire donc mes amendements, mais je nous invite à nous mettre au travail afin de proposer le grand plan que Camille de Rocca Serra vient d’appeler de ses vœux. Il est indispensable, et je suis convaincu qu’il permettra de pacifier enfin ce débat, qui est parfois passionné et irrationnel. Pour terminer sur une note un peu plus légère, je suis également convaincu que notre ami Charles de Courson participera activement et efficacement à ce travail.

(Les amendements identiques nos 454 rectifié et 588 rectifié sont retirés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 303, 241 et 587, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 241 et 587 sont identiques.

Ces amendements ont été retirés.

(Les amendements nos 303, 241 et 587 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement de la commission, n302 rectifié.

Mme Karine Berger. Cet amendement, qui a été adopté par la commission, et que le président Le Roux et Pierre-Alain Muet ont cosigné, vise à mettre enfin en place un mécanisme de contribution à la création culturelle des plateformes numériques, qui sont des éditeurs culturels.

L’amendement tend à élargir la base de la taxe sur les vidéogrammes, introduite dans les années 90, qui fait en sorte qu’une partie des contenus visionnés finance la création culturelle. Cette taxe a d’abord porté sur les tickets de cinéma, puis sur les cassettes VHS, et ainsi de suite. Aujourd’hui, tout le monde s’acquitte de cette taxe, y compris les fournisseurs de vidéo à la demande, comme Netflix. Seules les plateformes numériques, qui diffusent de la publicité lorsqu’on visionne des vidéos gratuites, n’y sont pas soumises.

L’élargissement de la base fiscale à ces plateformes numériques serait non seulement une bonne chose pour la création culturelle en France, mais aussi une mesure de justice fiscale, puisqu’il n’y a strictement aucune raison que des services de télévision de rattrapage financent la création culturelle en France et que, à l’inverse, les plateformes numériques gratuites, qui sont détenues par de grands opérateurs américains, n’y contribuent pas.

Soyons clairs : il s’agit de mettre un pied dans la porte et d’appliquer enfin une taxe sur ce que l’on appelle les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – ce que, jusqu’à ce jour, nous ne sommes pas réellement parvenus à faire. Cet amendement repose sur une idée toute simple, qui sera défendue par la Commission européenne dans les années à venir, celle d’une taxation au niveau de la consommation. Aujourd’hui, des sites comme Amazon sont taxés à la consommation, via la TVA, alors que d’autres sites, comme YouTube, ne le sont pas, tout simplement parce que l’impérialisme de Google leur a permis, jusqu’à présent, d’échapper à cette contribution. Par cet amendement, je propose que nous les taxions pour la première fois.

Je précise, pour conclure, que l’élargissement de cette base fiscale est très faible, puisqu’il y aura un énorme abattement, à hauteur de 66 %, sur les contenus amateurs. Je vous invite, mes chers collègues, à mettre enfin un pied dans la porte en taxant les GAFA.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, non pas que la question posée nous paraisse négligeable, cela va de soi, mais parce qu’une telle disposition pourrait difficilement être efficace. Tout le monde a baptisé cet amendement « la taxe sur YouTube », mais je crains malheureusement que ce ne soit plutôt une taxe sur Dailymotion. En effet, il sera extrêmement difficile d’aller recouvrer la taxe auprès d’un opérateur qui n’est pas situé sur notre territoire, alors qu’il sera plus facile de la recouvrer auprès d’opérateurs installés chez nous. Le Gouvernement estime donc que la solution à la légitime préoccupation qui est la vôtre doit passer par un accord qui se fasse, a minima, au niveau européen.

Par ailleurs, mélanger, comme vous le faites, cette question avec celle de l’imposition des GAFA ne me semble pas non plus opportun. Sur la question fondamentale des GAFA la France essaie d’obtenir des avancées au niveau international. Même si nos démarches ne sont pas, pour l’instant, d’une efficacité remarquable, les choses progressent tout de même. J’indique d’ailleurs, sans pouvoir entrer dans les détails, qu’un certain nombre de sociétés de ce type sont redressées fiscalement et que de nombreuses procédures – beaucoup plus nombreuses qu’on le pense – sont en cours, qui portent parfois sur des montants plus que significatifs. Le Gouvernement, s’il partage votre préoccupation, craint que cette taxe ne puisse être appliquée efficacement que pour les opérateurs situés en France.

Enfin, vous définissez, et je pense que c’est une bonne chose, un certain nombre de critères pour exonérer les opérateurs les plus modestes. Je comprends l’esprit qui vous anime, mais je crains que la rédaction que vous proposez, et les caractéristiques que vous donnez pour justifier cette exonération, ne donnent lieu à des contentieux. Ce ne serait pas le plus grave : je crains surtout que votre rédaction ne présente des fragilités juridiques, voire constitutionnelles. Mais ce n’est pas là mon argument essentiel. Pour assumer clairement les choses, nous pensons que le recouvrement de cette taxe, telle que vous la proposez aujourd’hui, poserait des problèmes. Le Gouvernement est donc, je le répète, défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. J’ai compris que le Gouvernement n’était pas hostile à l’esprit de la taxe, qui marquerait une avancée très importante. S’agissant des aspects très techniques, je ne peux pas vous laisser dire, monsieur le secrétaire d’État, que c’est Dailymotion qui serait le plus directement visé. Les publicités diffusées sur cette plateforme ne représentant que 15 % du marché de la publicité diffusée au travers de vidéos. Le gros du marché est détenu par YouTube, qui appartient à Google. Je suis navrée de vous contredire, mais vous ne pouvez pas dire qu’une taxe qui porterait sur 15 % du marché vise spécifiquement l’opérateur qui détient ces 15 %. Nous visons, bien évidemment, l’ensemble des opérateurs qui font de la publicité en ligne. Le fournisseur de Google, YouTube, est certes ultra-dominant, mais il n’est pas le seul.

Surtout, monsieur le secrétaire d’État, je conteste l’argument selon lequel nous ne pourrions pas lever cet impôt. En effet, autant il est très facile de déplacer des profits, autant il est extrêmement difficile de déplacer des chiffres d’affaires. Dire que nous ne pouvons pas aller percevoir cette taxe, cela revient à dire que nous ne pouvons pas percevoir de TVA sur l’ensemble des opérateurs. Ce n’est pas raisonnable : nous savons tous, et c’est une très bonne nouvelle, que la TVA est perçue sur nombre de fournisseurs de commerce, comme Amazon ou Netflix. C’est exactement le même principe que je propose d’appliquer à ces plateformes numériques : il s’agit de définir une base fiscale qui ne soit pas déplaçable comme le sont les profits. Or la seule base fiscale qui n’est pas déplaçable, c’est bel et bien le chiffre d’affaires, et c’est bien pourquoi ma proposition d’élargissement de la taxe porte sur les chiffres d’affaires, et non sur les profits.

Je vous invite vraiment, mes chers collègues, à faire en sorte que nous avancions enfin sur ce dossier.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Je partage l’opinion du Gouvernement. Je reconnais qu’il y a là un vrai sujet, comme en d’autres domaines de l’économie numérique. Même si je ne suis pas spécialiste de ces questions, j’ai envie de dire que c’est bien de mettre un pied dans la porte, mais qu’il faut veiller à ne pas s’y coincer les doigts. Je me pose des questions, une en particulier, sur laquelle l’auteure de l’amendement et M. le secrétaire d’État ne semblent pas s’accorder.

D’abord, j’ai l’impression que cette taxe s’appliquerait aux plateformes qui ont leur point de diffusion en France, ce qui est problématique. Par ailleurs, même si j’ai bien entendu qu’il existe un taux d’abattement important, je crains que l’instauration de cette taxe n’ait finalement des effets pervers. Karine Berger reconnaît, du reste, qu’à ce stade, il s’agirait surtout d’une mesure d’affichage, qu’il faudrait encore travailler et que cela ne rapporterait pas grand-chose – il n’y a pas d’enjeu d’équilibre budgétaire.

Je ne suis pas un grand spécialiste de ces questions, et mes enfants sont de plus grands utilisateurs de ces plateformes que moi, mais je partage l’idée selon laquelle il sera difficile de distinguer ce qui relève de l’activité professionnelle et ce qui relève de d’activité amateur. Karine Berger pense que l’abattement à 66 % va protéger les contenus amateurs. Je ne suis pas certain que cela soit facile à mettre en œuvre et que cela soit bien compris. Enfin, cet amendement pose certainement un problème d’eurocompatibilité.

C’est une bonne chose que la question ait été posée à l’occasion de ce projet de loi de finances, et j’ai d’ailleurs indiqué en commission qu’il me paraissait utile que nous ayons un débat sur ce sujet en séance publique. Même si cet amendement aurait pu trouver sa place dans la loi sur le numérique, je pense qu’il était plus judicieux de l’examiner à l’occasion d’une loi de finances. Cela étant dit, si nous voulons avancer sur les régimes fiscaux, sujets encore plus mobiles que les valeurs mobilières, c’est à l’échelle européenne qu’il faut agir, pas à l’échelle du pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Luc Belot.

M. Luc Belot. J’aimerais aborder ce sujet de manière globale et apporter quelques éléments de réflexion, à la suite de Dominique Lefebvre.

Ce sujet revient régulièrement dans notre hémicycle, face à la réalité de ce que sont aujourd’hui les acteurs internet globalisés, mondiaux. La tentation de la France, et parfois d’autres pays, est de pouvoir créer des taxes et, à l’échelle d’un pays, une régulation.

La réalité, c’est qu’à chaque fois que nous nous sommes frottés à cet exercice, nous avons échoué. Il y a quelques années, nous avons examiné une loi anti-Amazon, qui ne portait pas son nom – de même que ces amendements ne portent pas le nom des entreprises qu’ils ciblent, en l’occurrence Google et YouTube. S’agissant d’Amazon, on voulait, à l’époque, interdire la réduction de 5 % sur le livre et la livraison gratuite. Nous avons passé quelques mois à débattre de ce sujet, et Amazon a finalement fixé le prix de la livraison à 1 centime.

De la même manière, lorsque nous avons voulu réguler les voitures de transport avec chauffeur – VTC –, nous avons adopté deux lois, que nous avons rendues inapplicables, car leur objet était incontrôlable et invérifiable, avec un seul objectif, à peine avoué, celui d’interdire ces acteurs mondiaux.

Aujourd’hui, nous avons deux possibilités face à ces vidéos. Soit l’Europe confirme son attachement au principe du pays d’origine, auquel cas le texte ne s’appliquerait pas…

Mme Karine Berger. C’est l’inverse !

M. Luc Belot. J’aimerais pouvoir terminer, chère collègue : je viens de dire qu’il y avait deux cas de figure, et j’aimerais pouvoir les exposer. Je vous ai écoutée avec beaucoup de respect et je n’en attends pas moins de vous.

Je répète que nous avons deux possibilités très concrètes. Soit, disais-je, l’Europe confirme son attachement au principe du pays d’origine, auquel cas la taxe ne s’applique qu’aux acteurs installés sur le territoire, comme l’indiquait Dominique Lefebvre à l’instant. Soit, et c’est l’option retenue par Karine Berger, cette taxe s’appliquerait à l’ensemble des acteurs internationaux.

Si tel était le cas, comme Mme Berger le pense et le souhaite – ce que je ne remets pas en cause –, qui serait en mesure de répondre à vos demandes ? Eh bien, justement, les géants que vous ciblez, parce qu’ils peuvent analyser leurs flux et connaître les sommes rapportées par la publicité dans chaque pays. Ce n’est pas le cas des plus petits opérateurs qui, n’ayant pas les moyens de répondre aux exigences impossibles de la France, fermeront leurs services à tous les acteurs français. Ils ne paieront pas et, dans les deux cas, cela ne rapportera rien.

Enfin, le dispositif financerait l’image et à la vidéo, mais pas du tout la musique, qui est aussi présente sur YouTube. Arrêtons de cibler des acteurs précis sans les nommer en créant des mini-taxes ! Adoptons plutôt une approche globale : le Gouvernement s’y attache au niveau européen, ce qui est la bonne échelle. Arrêtons de donner une image catastrophique de la France dans le secteur du numérique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Je suis obligée de corriger les propos de M. Belot : la Commission européenne vient de consacrer, en mai 2016, dans son projet de révision de la directive « Services de médias audiovisuels », le principe de la taxation non pas dans le pays d’origine, mais dans le pays de consommation. C’est fait ! L’élargissement de l’assiette de cette taxe s’inscrit donc totalement dans la logique de la Commission européenne. La taxation des géants du numérique dans le pays de consommation ne contredit pas la logique des autres pays européens ! Nous allons bien dans le sens de ce que veut l’Union européenne. Si nous ne le faisons pas maintenant, les acteurs européens ne pourront pas survivre à l’absence de taxation de leurs concurrents américains.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. C’est un débat de spécialistes, mais il est aussi profondément politique. Si nous acceptons que rien n’est possible, nous allons vers le nouvel ordre numérique mondial voulu par les GAFA.

Mme Delphine Batho. On y est déjà !

M. Nicolas Sansu. Mais nous pouvons peut-être essayer de résister ! Je vois M. Caresche soupirer...

M. Christophe Caresche. J’ai le droit !

M. Nicolas Sansu. Et moi, j’ai le droit de dire que je suis extrêmement inquiet ! Nous sommes sans doute nombreux ici à avoir lu l’excellent livre de Marc Dugain et Christophe Labbé, L’Homme nu, qui pose une grave question. Les propos de Karine Berger sur les plateformes numériques sont tout à fait justes. Apple a des pratiques d’optimisation fiscale en Irlande, mais les décisions de la Commission européennes sont aujourd’hui bafouées et les citoyens européens sont spoliés. Tout le monde semble trouver cela normal ! Il serait bon que le Parlement français envoie un signe.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce sont des sujets graves et extrêmement importants, mais l’analyse doit être précise. On ne réglera pas la question des GAFA avec cet amendement. Ces sujets doivent être traités séparément. Deux millions d’euros par an, c’est une mini-piqûre de moustique pour les géants dont nous parlons aujourd’hui ! J’ai dit que c’était une « taxe Dailymotion » mais, madame Berger, vous avez raison de dire que ce ne sera pas l’opérateur le plus concerné en volume, car il représente entre 10 et 15 % du marché. Je voulais simplement dire que le recouvrement sera facile sur les opérateurs français, mais compliqué sur les opérateurs localisés à l’étranger. Nous n’aurons pas de difficulté à traiter le cas de Dailymotion, qui mérite d’être traité à égalité avec les autres. En revanche, je suis plus pessimiste sur la possibilité de recouvrer cette taxe auprès des opérateurs qui représentent 90 % du marché.

Un mot sur les GAFA et les plateformes numériques : la question de la TVA applicable aux biens vendus par Amazon a été réglée en France depuis 2015, parce que le Parlement a pris un certain nombre de dispositions qui s’appliquent d’ailleurs à l’ensemble des biens livrés à partir de l’étranger. La TVA est payée selon les règles applicables dans le pays de livraison et est perçue dans les pays où les marchandises sont livrées. En volume, cela représente environ 200 millions d’euros de recettes pour le budget de l’État, un montant cent fois supérieur aux 2 millions que rapporterait la mesure proposée aujourd’hui.

S’agissant de l’imposition des profits, plusieurs procédures conduites par le Parquet national financier sont en cours. Je peux les évoquer d’autant plus aisément que tout le monde en a parlé, la presse comme les sociétés concernées. Des perquisitions ont eu lieu chez Google. Ces affaires représentent plus de 500 fois les 2 millions d’euros dont nous parlons actuellement. Je ne vous dis pas que c’est gagné, car il y aura des contentieux et des recours, mais nous traitons le sujet. Je rappelle également – tout le monde n’était pas là quand nous l’avons fait – qu’en 2015 notre administration, souvent en lien avec le Parquet national financier, a prononcé, dans cinq très gros dossiers qui concernent les sociétés couramment citées, plus de 3,4 milliards d’euros de redressement. On ne peut pas dire qu’ils ont été payés, car ces décisions ont évidemment été contestées et feront l’objet de procédures. On voit bien qui est concerné !

La solution se trouve bien sûr au niveau européen et international, mais surtout dans le cadre du projet Base Erosion and Profit Shifting – BEPS. Pour l’heure, les redressements sont fondés sur la notion d’établissement stable, qui n’est pas toujours facile à établir. Le projet BEPS se fonde, quant à lui, sur la notion de présence numérique des établissements, ce qui est évidemment la solution. C’est le principal axe de travail de la procédure prévue par le projet BEPS, qui progresse mais n’est pas complètement finalisée – c’est le moins que l’on puisse dire.

Je nous invite à continuer, bien entendu ! Je ne sous-estime pas la chose, ni ne la méprise. Pour autant, j’ai le regret de vous dire, madame Berger, que s’il est facile de transférer les bénéfices, déplacer le chiffre d’affaires l’est tout autant !

Mme Karine Berger. Non !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Un certain nombre de sociétés établissent leur facturation à partir de sièges situés à l’étranger, notamment en Irlande – ce n’est un secret pour personne. Dans ce cas, c’est le chiffre d’affaires qui est déplacé. Les transferts de bénéfices peuvent donner lieu à des contrôles, des redressements ou des contestations, mais le chiffre d’affaires est malheureusement trop facilement déplaçable.

Un travail approfondi est en cours : nous aurons l’occasion de parler de l’économie numérique et de son imposition, peut-être dans le cadre du débat actuel, mais surtout lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Celui-ci contient un certain nombre de dispositions discutées, peut-être parce qu’elles sont discutables, mais qui apportent des avancées en la matière.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je veux dire à M. le secrétaire d’État pourquoi la commission des finances a adopté cet amendement. Premièrement, la vidéo consultée sur internet peut être produite par un cinéaste ou un créateur, avec le soutien de l’État – via le Centre national du cinéma et de l’image animée, par exemple – ou d’autres acteurs, comme des chaînes de télévision. Ce contenu est mis à disposition sur un certain nombre de plateformes. Vingt secondes de publicités sont diffusées avant son visionnage. La plateforme récupère donc des revenus sur un contenu qu’elle n’a pas forcément financé. C’est une nouveauté dans l’économie.

Mme Karine Berger. Exactement !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Deuxièmement, une partie de ces revenus parvient à échapper à la taxation. Certes, les sociétés créatrices de ces plateformes ne sont pas forcément localisées en France et peuvent s’installer dans des pays à fiscalité avantageuse – pour le dire poliment. On se retrouve face à une double contradiction : d’une part, la plateforme touche des revenus sur des contenus qu’elle n’a quasiment pas financés car d’autres l’ont fait ; d’autre part, ces revenus ne sont pas taxés. La France n’est pas la seule concernée : toute l’Europe est confrontée à ce problème ! Si l’on se contente de regarder les trains passer, la France et l’Europe seront les perdants de l’affaire.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Votre solution n’est pas la bonne !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il y a peut-être d’autres solutions, mais une taxe similaire sur la publicité existe dans d’autres domaines et fonctionne sur le plan juridique comme sur le plan pratique – vous le savez parfaitement, monsieur le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est faux !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Pour la commission, il était très important d’assurer la souveraineté fiscale de l’Europe dans cette économie qui se développe mondialement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Au nom des députés du groupe Les Républicains, je tiens à dire que nous reconnaissons l’importance du sujet. Pour autant, nous regrettons que celui-ci n’ait pas été abordé dans le cadre du projet de loi pour une République numérique, examiné ici il y a quelques mois. Il est difficile de raisonner simplement sur un amendement, sans étude d’impact. En outre, il aurait fallu procéder à une vraie consultation des acteurs du secteur. Nous regrettons donc la manière dont nous abordons le débat.

(L’amendement n302 rectifié n’est pas adopté.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Merci l’opposition !

Article 12

(L’article 12 est adopté.)

Après l’article 12

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 12.

Je suis saisie de deux amendements, nos 192 et 133, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n192.

Mme Marie-Christine Dalloz. En tant que présidente de la mission d’information sur la taxation des produits agroalimentaires, Mme Louwagie apportera des précisions sur le sujet. Mon amendement vise, quant à lui, à abroger l’article 278-0 bis du code général des impôts. Les dernières modifications des taux de TVA ont été prévues par le projet de loi de finances pour 2016 et publiées au Journal officiel du 29 décembre 2015. Aux termes de l’article 278-0 bis, tous les produits de consommation sont soumis à un taux de 5,5 %, sauf le caviar – on peut le comprendre –, les graisses végétales et les margarines – c’est moins compréhensible –, et certains types de chocolat – une telle disparité de taux pour un même produit est étonnante. Il serait judicieux de mettre fin à cette disparité, qui nuit à la compétitivité de la production française, et de procéder enfin à une harmonisation des taux de TVA.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n133.

Mme Véronique Louwagie. Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai en même temps l’amendement n134.

Je tiens à rappeler le contexte : lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, la commission des finances avait émis le souhait de procéder à un état des lieux des taxes sur les produits alimentaires, à la suite de questions que nous nous posions sur la pertinence, notamment, de la taxe sur la farine.

Créée à cet effet, la mission d’information sur la taxation des produits alimentaires, dont Razzy Hammadi était le rapporteur et dont j’étais la présidente, a rendu son rapport en juin dernier. Celui-ci préconisait des baisses de la fiscalité, notamment huit suppressions de taxes et deux harmonisations de TVA – harmonisations qui font l’objet des amendements n133 sur le chocolat et n134 sur la margarine.

Les suppressions de taxe font l’objet d’amendements, les uns à la première partie du projet de loi de finances, les autres à la seconde partie, s’agissant notamment des taxes sur la farine et sur les huiles végétales.

Ces suppressions et harmonisations représentant une perte de recettes de 590 millions d’euros, la mission d’information proposait en contrepartie d’augmenter la fiscalité sur les boissons sucrées ou de mettre en place une taxe sur le sucre. En effet, la mission d’information n’avait pas d’autre alternative que de proposer un financement du dispositif évalué.

J’ai entendu les remarques très pertinentes de Mme la rapporteure générale en commission lors de la présentation de la mission : elles rejoignaient sur l’essentiel les conclusions du rapport. La rapporteure observait toutefois que le déplacement de 590 millions d’euros de fiscalité représentait un mouvement de curseur important qui devrait être étalé dans le temps.

Monsieur le secrétaire, d’État, pouvez-vous nous indiquer les propositions que le projet de loi de finances pourrait prendre en compte dans le cadre de ces 590 millions d’euros ? Est-il possible d’instaurer un dispositif permettant d’entamer cette suppression de taxes ? Il serait bon d’engager un processus de diminution. Lesquelles de ces suppressions de taxes vous sembleraient-elles prioritaires ? En supprimer ne serait-ce qu’une, par exemple celle sur la farine, enverrait un signe positif important.

J’ai choisi un gage traditionnel : la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts, plutôt que le recours à une nouvelle taxe sur le sucre, dont le secteur est particulièrement affecté au niveau mondial.

L’amendement n133 vise à harmoniser la taxation du chocolat dans un souci de simplification et l’amendement n134 à aligner la taxation de la margarine sur celle du beurre, au taux réduit de 5,5 %.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ces amendements obéissent à une logique certaine. Un rocher au chocolat au lait de moins de cinq centimètres de diamètre est soumis au taux de 5,5 %, alors que s’il fait plus de cinq centimètres, le taux passe à 20 %. Il en est de même des œufs au chocolat achetés à Pâques : selon qu’ils contiennent ou non de la friture et que leur enveloppe est en chocolat noir ou au lait, la TVA est différente. On marche sur la tête !

La mission d’information, dont Mme Louwagie était la présidente, a fait un état des lieux très précis et formulé des propositions pour un coût de quelque 600 millions d’euros : 300 millions pour les harmonisations de TVA relatives à la margarine et au chocolat, en vue de sortir de situations ubuesques que personne ne peut défendre, et 300 autres millions pour la suppression des taxes sur la farine qui pèsent sur la production et ne sont pas sans conséquences pour les agriculteurs.

Mais la mission avait proposé de compenser les pertes causées par le nettoyage du maquis actuellement existant par une taxe sur les boissons sucrées. Or cette proposition de compensation n’a fait l’objet d’aucun amendement, si bien que nous ne nous retrouvons qu’avec, si je puis dire, la moitié du paquet. La commission des finances, qui a partagé les conclusions de la mission d’information, dont l’état des lieux de la situation actuelle et de ses conséquences est, je le répète, très précis, souhaitait prendre le deal au complet, et pas seulement une moitié. À lui seul, l’amendement sur le chocolat représente 250 millions d’euros ! La commission a donc émis un avis défavorable sur tous ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Sur la TVA, il n’a pas changé d’avis. Nous avons eu de longs débats sur cette taxe et ses différents champs d’application il y a deux ans. Oui, la situation est complexe et l’actuel gouvernement n’est d’ailleurs pas le seul à y avoir contribué. Je ne rappellerai pas de vieux souvenirs.

La situation est toutefois connue et pratiquée. Contrairement à ce qu’on pense, changer souvent des situations même peu satisfaisantes ne permet pas forcément de simplifier immédiatement. Il y aura toujours des zones grises et des frontières.

Par ailleurs, je ne suis pas certain qu’une telle mesure se répercuterait sur les prix. L’expérience est du reste là pour le montrer et certains en font même un argument. Lorsque l’Allemagne a augmenté son taux de TVA de deux points, la répercussion sur les prix s’est le plus souvent limitée à un point, car les marges ont absorbé une partie de la hausse. En revanche, les baisses de TVA sont rarement répercutées, c’est même plutôt le contraire.

J’insiste sur ce point parce que l’Union européenne travaille actuellement à une nouvelle directive TVA. Cette directive faisant l’objet de travaux, nous avons été évidemment consultés sur différents points. Nous avons fait valoir la position de la France sur plusieurs dossiers, notamment la culture – sujet bien connu. Cette directive semble prendre un peu de retard. Je dois être franc avec vous : l’Union a commencé par traiter les questions relatives à la localisation de la TVA et à la lutte contre la fraude – nous les avons précédemment évoquées –, mettant en attente la question des taux et de l’annexe qui décrit les possibilités de modulation des taux de TVA.

Attendons qu’à l’occasion d’une nouvelle directive, la France puisse faire clairement valoir ses positions en faveur d’une TVA si possible plus simple. Surtout, Mme la rapporteure générale l’a également souligné, se pose la question du rendement, comme nous le verrons en seconde partie du PLF à propos de taxes qui font quelquefois, du reste, l’objet de remarques erronées. J’aurai l’occasion de le souligner. Le Gouvernement n’entend pas accroître la fiscalité sur le sucre et les boissons sucrées.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est une piste que le Gouvernement souhaite fermer. Nous verrons s’il existe d’autres possibilités. Il n’est en tout cas pas possible d’avantager le chocolat aux dépens des boissons sucrées. Ce serait un équilibre assez difficile à défendre compte tenu de la nature des consommateurs de ces différents produits. Je le répète : le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Il aura la même position en seconde partie du PLF s’agissant des taxes sur la farine et les huiles.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Le groupe socialiste partage l’avis de la rapporteure générale et du secrétaire d’État. Chacun se rappelle les débats que nous avons eus sur la TVA en 2014. Nous avons procédé à une remise en ordre avec trois taux : 5,5 %, 10 % et 20 %. Depuis, à chaque projet de loi de finances ou projet de loi de finances rectificative, le sujet de la TVA revient comme un marronnier.

Je tiens à rappeler à tous mes collègues – je le ferai la semaine prochaine s’agissant de la CSG – que, lorsqu’on est en situation de responsabilité, il ne faut pas oublier que les impôts ont des justifications et des fonctions différentes : jusqu’à nouvel ordre, la TVA et la CSG ont pour première légitimité et pour première fonction d’être des impôts de rendement. On peut toujours débattre dans l’hémicycle des finances publiques, en l’absence d’impôts de rendement, il est impossible de financer l’action publique. Or les amendements qui portent sur la TVA ont tous pour objet d’abaisser le taux – j’en vois rarement passer qui visent à le remonter –, ce qui se traduit par une addition de pertes de recettes importantes.

Le PLF devrait compenser des baisses éventuelles de TVA par des hausses correspondantes. Or ce n’est pas le moment, d’une part, en raison de la remise en ordre européenne que M. le secrétaire d’État a évoquée, d’autre part, parce que le signe actuellement envoyé est celui d’une baisse des prélèvements obligatoires.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le secrétaire d’État, selon vous, si la situation est compliquée, elle est en revanche connue : on vivrait donc bien avec, et il ne faudrait rien changer. Je ne saurais partager un tel argument car la situation est à la fois d’une complexité impressionnante et pleine d’incohérences. Comme l’a rappelé Mme la rapporteure générale, un rocher au chocolat de plus de cinq centimètres de long et de plus de vingt grammes est taxé à 20 %, tandis qu’un mini-rocher de moins de cinq centimètres et de moins de vingt grammes est taxé à 5,5 %. Cette situation est totalement absurde : je vois du reste mes collèges sourire. Et ce qui est complexe et incohérent mérite d’être revu, même si c’est connu.

J’admets qu’il peut être difficile de prendre une telle mesure qui permettrait toutefois de redonner 190 millions d’euros de pouvoir d’achat aux consommateurs, cette baisse de TVA pouvant se traduire par une baisse des prix à la consommation. Je partage en revanche votre refus d’augmenter la TVA sur les boissons sucrées. Mais seul le Gouvernement peut intervenir, compte tenu des gages qui accompagnent des amendements de cette nature lorsqu’ils sont déposés par un parlementaire.

(Les amendements no192 et 133, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 191 et 134, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n191.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le secrétaire d’État, votre argument selon lequel la baisse faciale du taux de TVA n’engendre pas forcément une baisse du prix du produit pour le consommateur ne tient pas. En effet, lorsque la majorité a pris la responsabilité d’adopter un taux réduit de TVA sur les protections périodiques, la seule chose dont elle a parlé c’est la baisse de prix qui en résulterait pour le consommateur. Un tel argument ne peut pas être à géométrie variable ! Il faut être cohérent jusqu’au bout.

La majorité ne souhaitant pas nous suivre, le débat va être refermé, mais il faut tenir compte des deux aspects des dispositions que nous proposons. Le premier est l’harmonisation des taux de TVA, pour 300 millions. Il est possible que le contexte ne nous permette pas de nous offrir un tel luxe. Laissez-moi toutefois observer que la création par vous des trois taux – 5,5 %, 10 % et 20 % – a été un rendez-vous manqué, puisqu’elle aurait pu s’accompagner d’une harmonisation de la taxation des produits. Le second aspect est la suppression de taxes sectorielles, dont toutes ne vont pas au budget de l’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est vrai !

Mme Marie-Christine Dalloz. Certaines sont fléchées vers d’autres organismes. Or les taxes sectorielles, dont la taxe sur les farines, mettent à mal certaines productions.

Le présent amendement porte sur l’harmonisation des taux de TVA de la margarine et du beurre, mais l’année dernière je me suis beaucoup battue sur la taxe sur les farines. Quand une boulangerie française se fait livrer par un producteur de farines français, elle paie une taxe sur les farines ; quand le livreur est un producteur étranger, allemand ou belge par exemple, il n’y a pas de taxe.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pas du tout ! C’est faux !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est une réalité que j’ai vérifiée sur le terrain.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est insupportable d’entendre cela !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n134.

Mme Véronique Louwagie. Je l’ai déjà défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pardonnez-moi de rallonger les débats. Je connais cet argument sur la taxe sur les farines, que la profession répand partout depuis deux ans.

M. Christophe Caresche. Elle nous roule dans la farine ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai évidemment regardé comment la douane traitait l’importation de farines. Je sais que les professionnels du secteur sont extrêmement habiles et présents dans les couloirs du Sénat et de l’Assemblée nationale.

Mme Claudine Schmid. Ah bon ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Pas du tout !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je peux même en témoigner personnellement, car je n’ai pas toujours été secrétaire d’État. Je connais donc bien cet argument selon lequel la taxe sur les farines coûterait plus cher qu’elle ne rapporte. Les professionnels se fondent sur un rapport de la Cour des comptes qui mélangeait une douzaine de taxes ; ils y ont relevé la ligne « taxe sur les farines », qui n’était pas détaillée, et répandent leur argument partout. C’est faux ! J’ai vérifié auprès de mon administration des douanes le sérieux et la rigueur avec lesquels sont taxées les farines importées, et je peux vous assurer, madame Dalloz, que vos propos ne correspondent pas à la réalité.

Pardonnez-moi de me mettre en colère. Quand les arguments sont bons, les différences de point de vue sont acceptables, mais quand on dit que l’administration des douanes ne fait pas son travail sur les farines importées et que cela crée une distorsion de concurrence entre les produits français et les produits importés, c’est tout simplement faux !

(Les amendements nos 191 et 134, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n787.

Mme Eva Sas. Il s’agit de soutenir les filières du réemploi et de la réparation en appliquant un taux de TVA réduit à 5,5 % aux produits ayant transité par ces filières. En effet, dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, nous nous sommes engagés à réduire notre production de déchets. C’est plus que jamais nécessaire aujourd’hui : en une année, nous produisons 355 millions de tonnes de déchets. Le réemploi et la réparation permettent de donner une seconde vie aux objets en évitant d’en faire des déchets. Ces activités sont au cœur de l’économie circulaire, nouveau modèle économique essentiel dans un monde aux ressources finies.

Je précise que cette proposition s’inspire de mesures similaires débattues en ce moment en Suède, et qui sont donc compatibles avec les règles européennes, contrairement à ce qui a été affirmé en commission des finances. J’ai pris la peine de vérifier ce point : l’annexe III de la directive relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, dite directive TVA, permet, à son alinéa 18, de soumettre à un taux réduit les biens considérés comme des déchets et donc à revaloriser. De plus, l’alinéa 1 de l’annexe IV permet l’application d’un taux réduit aux services de réparation de bicyclettes, de chaussures, d’articles en cuir et de vêtements.

Enfin, cet amendement permettrait de soutenir une filière représentant près de 150 000 emplois en France, filière susceptible de se développer fortement au cours des prochaines années.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à soutenir les filières du réemploi et de la réparation en adoptant cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme Delphine Batho. Pourquoi ?

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme Delphine Batho. Pourquoi ?

(L’amendement n787 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 68, 188 et 628.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n68.

Mme Véronique Louwagie. Le présent amendement vise à ramener le taux de TVA sur le bois de chauffage de 10 % à 5,5 %.

Le chauffage au bois est une énergie renouvelable à faible coût pour le consommateur, qui représente pour de nombreux ménages français une opportunité de réduire leur facture énergétique. Cette particularité de l’économie du chauffage au bois explique une très forte élasticité-prix du bois de chauffage, c’est-à-dire qu’une faible variation de son prix entraîne une forte variation à la hausse ou à la baisse des ventes.

En conséquence, la différence de prix qui existe aujourd’hui entre le bois de chauffage commercialisé par des professionnels de la filière, soumis à la TVA, et le bois de chauffage vendu de façon informelle par des producteurs de fait, non soumis à la TVA, entraîne une perte de parts de marché très importante pour les premiers. Ainsi, sur 60 millions de mètres cubes de bois de chauffage consommés en 2015, seuls 10 millions de mètres cubes, soit 15 %, ont été vendus par des professionnels de la filière, les 85 % restants ayant été achetés de façon informelle.

Cette situation emporte des conséquences dommageables en matières économique, écologique et fiscale. Pour y remédier, il est donc proposé de ramener le taux de TVA de 10 % à 5,5 %.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n188.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce que l’on attend de la TVA, c’est du rendement – tout le monde peut entendre cet argument, et c’est d’ailleurs dans cet esprit que cette taxe a été mise en place. Cependant, s’agissant du bois de chauffage, il faut être cohérent jusqu’au bout. Malheureusement, la taxe n’a pas de base : si l’on ramène son taux de 10 % à 5,5 %, on ne pourra donc pas constater de perte de recettes. En effet, 85 % du bois de chauffage étant vendu de façon informelle, donc non réglementée et non taxée, cela ne fait pas entrer de recettes dans les caisses de l’État. Si l’on veut être cohérent et donner un coup de pouce aux rentrées fiscales dans le cadre de la TVA, il faut bonifier le taux de TVA applicable au bois de chauffage en le ramenant à 5,5 %. On obtiendra alors des rentrées fiscales – c’est exactement ce que l’on attend de la TVA.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n628.

Mme Eva Sas. Cet amendement vise lui aussi à ramener le taux de TVA sur le bois de chauffage à 5,5 %. Le chauffage au bois est une énergie renouvelable à faible coût pour le consommateur, qui représente pour de nombreux ménages français une opportunité de réduire leur facture énergétique.

Cultiver la forêt produit des aménités positives pour le climat : cette activité mérite donc d’être encouragée par l’État. Le maintien des forêts passe par un revenu correct pour les exploitations durables. L’utilisation du bois pour le chauffage est complémentaire des autres usages et contribue au maintien de la diversité des essences. C’est la raison pour laquelle nous proposons de soumettre ce produit à un taux de TVA réduit.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Voilà un beau sujet, qui mêle la fiscalité aux intérêts environnementaux – les gaz à effet de serre, l’empreinte carbone – et économiques.

Hier, quelqu’un a souligné que le fait de brûler du bois produit forcément du CO2 et pourrait donc être assujetti à la contribution climat-énergie. Intellectuellement, cette idée n’est pas saugrenue ! Par ailleurs, en matière environnementale et sanitaire, il y a des débats importants pour savoir s’il faut encourager ou non la consommation de bois de chauffage, notamment dans l’agglomération parisienne. Je ne veux pas rentrer dans ces débats, mais il faut quand même les évoquer. L’idée selon laquelle le bois de chauffage aurait toutes les vertus par rapport à d’autres carburants, sur le plan environnemental,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …n’est pas forcément partagée. Au contraire, elle est discutée par ceux qui réfléchissent à ces sujets.

Ma position est claire. Le taux de TVA applicable au bois de chauffage est de 10 % : ce n’est donc pas le taux normal de 20 %. Le bois de chauffage est donc nettement moins fiscalisé que les autres énergies. Si nous le soumettions à la contribution climat-énergie ou à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE –, je vous laisse imaginer les questions qui ne manqueraient pas d’être soulevées !

Nous avons déjà examiné cet amendement dix fois, et nous le reverrons probablement encore dix fois,…

Mme Marie-Christine Dalloz. En effet, il revient chaque année !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …peut-être même avant la fin des discussions budgétaires au mois de décembre. C’est toujours passionnant, mais un peu usant aussi…

Mme Marie-Christine Dalloz. Oh !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …pour tout le monde, surtout pour celui qui doit répondre à chaque fois.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Il souhaite la stabilité sur ces questions, dans l’attente d’une nouvelle directive portant réforme de la TVA : à ce moment-là, nous pourrons prendre en compte tous ces arguments.

Quant à l’impact du taux de TVA sur le prix, madame Dalloz, je maintiens ce que j’ai déjà dit. Souvenez-vous de tous les déboires que j’ai eus l’année dernière, y compris à titre personnel, sur la question de la taxe dite « tampon » ! Je n’ai pas forcément développé l’argument selon lequel la baisse de la TVA sur les produits hygiéniques féminins aurait un impact sur leur prix. Nous en discutions d’ailleurs à l’instant et je serais très curieux de savoir quel a été l’impact de cette mesure sur les prix.

Mme Monique Rabin. Zéro !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai demandé à un certain nombre de nos administrations de regarder cela.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avions fait la même chose, par exemple, sur la TVA applicable à la restauration. Je crois que vous vous souvenez des conclusions…

M. Romain Colas. Exactement !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On prétendait qu’une baisse de la TVA sur les produits hygiéniques féminins rendrait service à des personnes très démunies – on parlait toujours des SDF. Je serais très curieux de voir si cette mesure a permis d’améliorer leur situation !

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vois à vos sourires que vous semblez partager mon point de vue.

Mme Marie-Christine Dalloz. En effet, je le partage !

(Les amendements identiques nos 68, 188 et 628 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour soutenir l’amendement n574.

M. Stéphane Saint-André. Il est défendu.

(L’amendement n574, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 403 et 589.

La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis, pour les soutenir.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Ces deux amendements visent à soumettre au taux de TVA de 5,5 % les prestations fournies par les résidences hôtelières à vocation sociale – RHVS –, qui permettent de loger les personnes sans abri en grande difficulté. Ces prestations représentent un coût non négligeable pour le budget de l’État, puisque le coût des nuitées s’élèverait à quelques centaines de millions d’euros – on pourrait même dépasser le milliard d’euros. Pour loger ces populations dans les meilleures conditions, et éventuellement pour permettre à l’État de dépenser moins, il est proposé de ramener le taux de TVA à 5,5 %.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je vais répéter ce que j’ai déjà expliqué hier. Cette proposition fait partie des dispositions du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté : à l’occasion de l’examen de ce texte en première lecture, le président Carrez et un certain nombre de nos collègues avaient émis un principe extrêmement judicieux, selon lequel toutes les dispositions fiscales devaient être traitées en loi de finances. Ce n’est peut-être pas votre cas, monsieur le rapporteur pour avis, mais certains promoteurs de ce texte ont considéré que le projet de loi de finances pourrait servir de voiture-balai pour accélérer la mise en place de dispositions qui n’ont pas encore été adoptées définitivement dans le cadre du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Non !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous avons déjà eu un exemple similaire hier.

À ce stade, nous n’avons aucune idée du coût que ces amendements représenteraient pour les finances publiques. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je partage l’avis de la rapporteure générale. Pour autant, le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté crée une nouvelle catégorie de structures pour personnes en grande difficulté, qu’il estime judicieux d’inclure dans le régime des RHVS, qui existe déjà. On ne peut pas vraiment dire qu’il s’agit d’une disposition fiscale.

Le Gouvernement n’est pas enthousiaste face à ces amendements, mais l’examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté est encore en cours. Certes, vous savez tous ici que j’approuve le principe selon lequel seules les lois de finances peuvent contenir des dispositions fiscales, et que je m’efforce de le faire respecter, ce qui n’est pas simple, y compris au sein du Gouvernement.

Compte tenu de la nature du sujet et de la faible ampleur de l’impact de la mesure,…

M. Dominique Lefebvre. En effet.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …même si nous ne disposons pas d’un chiffrage très précis, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Je veux saluer la position du Gouvernement et préciser à Mme la rapporteure générale que lorsque nous avons déposé ces amendements dans le cadre de la loi Égalité et citoyenneté, le Gouvernement nous a demandé de les retirer pour qu’ils soient déposés en loi de finances.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Autant pour moi !

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Selon moi, on peut connaître le nombre de nuitées financé par le budget de l’État dans ces structures et le coût que cela représentera en économies comme en pertes de recettes de TVA. Le coût net doit pouvoir être connu assez facilement.

Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, levez-vous le gage ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Oui, madame la présidente.

(Les amendements identiques nos 403 et 589, modifiés par la suppression du gage, sont adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n282.

Mme Eva Sas. Le présent amendement vise à instaurer une TVA à taux réduit pour les collectivités territoriales mettant en place une tarification incitative des déchets ou une collecte sélective des biodéchets.

Les biodéchets représentent plus du tiers du poids des ordures ménagères résiduelles d’un Français, mais ils sont encore jetés en mélange dans la poubelle. Le résultat est que beaucoup finissent à la décharge ou sont incinérés. Alors que la collecte séparée des déchets organiques et leur valorisation sont encore le parent pauvre du traitement des déchets en France, la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte prévoit la généralisation de la tarification incitative des déchets et prévoit que le non-mélange des déchets organiques soit généralisé avant 2025.

Afin que les ambitions de cette loi se traduisent réellement au niveau local, il est nécessaire de mettre en place des incitations ; 11 % de la population bénéficie déjà d’un système de tarification incitative qui contribue à l’amélioration du tri. L’expérience a montré que la réduction du taux de TVA pour les collectivités territoriales mettant en place une tarification incitative des déchets ou une collecte sélective des biodéchets fonctionne. On constate en effet une baisse des tonnages des déchets ménagers non triés, avec un résultat de 67 kilogrammes par habitant, soit 28 % en moins, et une hausse des tonnages des déchets triés, avec un résultat de 14 kilogrammes par habitant pour les emballages, journaux et magazines, soit 33 % en plus. Nous vous invitons à voter cet amendement visant à réduire la TVA pour les collectivités territoriales mettant en place une tarification incitative des déchets ou une collecte sélective des biodéchets.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai indiqué tout à l’heure qu’il me semblait que l’outil TGAP était mieux adapté pour ce genre d’objectif. Le Gouvernement est défavorable à l’utilisation de la TVA sur ce point.

(L’amendement n282 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n789.

Mme Eva Sas. Le présent amendement vise à mettre en place une TVA à taux réduit pour les travaux d’adaptation du logement de personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie. Nous n’ignorons pas qu’il existe déjà des aides aux niveaux national et local. Toutefois, il faut observer que la directive européenne sur la TVA permet de réduire ce taux. Enfin et surtout, sauf erreur de notre part, cette TVA à taux réduit pour les travaux d’adaptation visant à remédier à la perte d’autonomie existe pour le parc social. Nous proposons de l’étendre aux travaux dans le parc privé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le sujet est intéressant, mais là aussi, je ne pense pas que la TVA soit le bon outil. Néanmoins, le Gouvernement se soucie de ces questions. Premièrement, nous transformons en crédit d’impôt la réduction d’impôt et cela peut concerner les personnes handicapées. Deuxièmement, et j’ai eu l’occasion de le dire hier, le Gouvernement travaille – j’espère que nous aboutirons – sur un crédit d’impôt concernant des travaux d’aménagement liés à un handicap.

Mme Véronique Louwagie. Nous en avons parlé hier.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En effet, madame Louwagie. Je propose donc de ne pas utiliser la TVA comme levier sur ces sujets. Avis défavorable, donc.

(L’amendement n789 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n627.

Mme Eva Sas. L’amendement est défendu.

(L’amendement n627, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n788.

Mme Eva Sas. Le présent amendement vise à instaurer une TVA à taux réduit sur les services de transports de personnes urbains et réguliers. Nous avons déjà présenté cet amendement à de nombreuses reprises.

Depuis le début de notre discussion, nous avons beaucoup parlé de TICPE et d’augmentation de la fiscalité sur les carburants. Or celle-ci, notamment la contribution climat-énergie, n’a de sens que si nous pouvons offrir une alternative aux personnes en termes de mobilité, d’où l’importance de développer les transports collectifs et de les encourager. Il nous paraîtrait donc normal – ce serait même la moindre des choses – d’avoir une TVA de 5,5% sur les transports collectifs, en cohérence avec notre objectif de mobilité durable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cela représenterait 800 millions d’euros ! Avis défavorable.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Une broutille en effet. (Sourires.)

(L’amendement n788 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n53.

M. Marc Le Fur. Cet amendement a pour objet de permettre aux parcs zoologiques d’être assujettis au taux de taxe sur la valeur ajoutée réduit de 5,5 %. Il rétablit donc le taux qui était applicable à ces parcs avant le 1er janvier 2012, passé alors de 5,5 à 7 %, puis à 10 % au 1er janvier 2014, ce qui représente une augmentation considérable de 4,5 points en seulement trois ans pour ces loisirs qui concernent les familles françaises et qui permettent une activité économique dans bien des secteurs géographiques de notre territoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

M. Marc Le Fur. Il n’y a guère d’explications !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ça fait vingt fois qu’on en parle !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En plus, vous venez d’arriver il y a cinq minutes, et vous allez repartir tout aussi rapidement.

(L’amendement n53 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 404, 590 et 809 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 404 et 590 sont identiques.

La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n404.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Le sujet est connu : il concerne la fameuse bande des 300 ou 500 mètres pour bénéficier d’une TVA à 5,5 %. Le Président de la République avait proposé d’élargir à 500 mètres. Le Gouvernement a déposé un amendement n809 rectifié auquel je me rallierai. Je retirerai par conséquent l’amendement n404 de la commission des affaires économiques et mon amendement identique n590 au profit de l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. Je considère que l’amendement n590 a été défendu.

La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n809 rectifié.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Lors d’un déplacement à Romainville, le Président de la République s’était engagé à élargir le périmètre dans lequel les opérations d’accession sociale à la propriété dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville – QPV – et en limite de ceux-ci bénéficient d’un taux de TVA à 5,5% en passant de 300 mètres à 500 mètres autour de ces quartiers. Il s’agit d’éviter que ces projets ne s’éloignent trop de ces quartiers, ce qui irait à l’encontre de l’objectif de diversification et de mixité sociale.

Cet amendement prévoit que les immeubles faisant l’objet d’un taux réduit de TVA doivent être intégrés à un ensemble immobilier au moins partiellement situé dans une distance de moins de 300 mètres, et intégralement dans une distance de 500 mètres, cela afin d’assurer au mieux la mixité sociale. Le sujet est désormais connu et traditionnellement examiné dans cet hémicycle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’amendement du Gouvernement est un compromis.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Oui.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. M. Pupponi proposait d’élargir la bande de 300 à 500 mètres, afin que l’on puisse bénéficier du taux réduit de TVA dans l’espace compris entre 300 et 500 mètres. Le Gouvernement propose lui aussi d’élargir la bande de 300 à 500 mètres, mais pour pouvoir bénéficier de la TVA à 5,5 %, il faudra qu’une partie de l’ensemble immobilier soit située dans la bande des 300 mètres. La proposition du Gouvernement est un peu plus complexe, mais constitue une solution plus équilibrée. Avis favorable à l’amendement du Gouvernement. Je demande par conséquent à M. Pupponi de retirer les deux autres.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Comme je l’avais annoncé, je retire les amendements nos 404 et 590.

(Les amendements identiques nos 404 et 590 sont retirés.)

(L’amendement n809 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n° 405 rectifié.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Il s’agit de permettre l’application du taux de TVA à 5,5 % à certaines opérations d’accession à la propriété réalisées dans le cadre d’un bail réel solidaire. Ce dispositif garantit l’affectation sociale du logement dans la durée, puisque le ménage acquéreur ne pourra transmettre ses droits qu’à des acquéreurs remplissant les mêmes conditions de ressources et à un prix également plafonné.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce qui est proposé dans cet amendement est totalement incontrôlable.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Pourquoi ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Parce que vous proposez un dispositif en cascade. N’ayant ni d’assurance sur le contrôle ni d’idée sur le coût, la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cette proposition est en effet assez difficile à mettre en œuvre. Dans la mesure où cela touche la TVA, mais aussi d’autres impôts, le Gouvernement propose que l’on rassemble ces éléments dans un amendement global, bien charpenté, au moment du projet de loi de finances rectificative. Je suggère donc le retrait de cet amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Je retire l’amendement.

(L’amendement n405 rectifié est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n° 591.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Il est retiré.

(L’amendement n591 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 407 et 592.

La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n407.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Il s’agit là d’un sujet cher à M. le secrétaire d’État, le logement intermédiaire. Cette catégorie de logement a été créée au-delà du logement social et en dessous du prix du marché. Ces logements intermédiaires doivent permettre de favoriser la mixité sociale dans les quartiers les plus défavorisés. Mais cela ne se passe pas ainsi, car le prix de sortie du loyer ne correspond pas à ceux qui peuvent y venir. En fait, il n’y a pas de logement intermédiaire là où cela serait particulièrement nécessaire, dans les quartiers les plus défavorisés.

L’amendement de la commission – et le mien, qui est identique – visent à créer une nouvelle catégorie de logements intermédiaires, que l’on pourrait dire bonifiés, avec une TVA à 5,5 % permettant d’arriver à un prix de loyer plus attractif pour les catégories socio-professionnelles qui pourraient venir dans ces quartiers. Il s’agit de permettre, entre le PLS – plan logement social – et le PLAI – prêt locatif aidé d’intégration – d’avoir un prix de sortie de loyer pour du logement intermédiaire permettant à des classes moyennes de venir vivre dans ces quartiers, là on en a besoin.

Mme la présidente. L’amendement n592 a donc été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne veux pas évacuer cette question d’un revers de main, mais beaucoup de choses sont déjà faites en faveur du logement intermédiaire, qui bénéficie d’un taux de TVA de 10 % et d’exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties – TFPB. L’examen du taux de logements intermédiaires dans des programmes complets fait également l’objet d’une certaine bienveillance.

La mesure proposée soulève aussi quelques questions à l’échelle européenne. Jusqu’à présent, en effet, nous avons défendu l’idée que le mélange de logements intermédiaires avec les logements sociaux respectait bien les règles communautaires, mais le dispositif proposé par l’amendement est, à cet égard, plus que limite. Le Gouvernement n’y est donc pas favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. J’entends bien vos arguments, monsieur le secrétaire d’État, mais cette question rejoint aussi le débat sur le projet de loi égalité et citoyenneté. Dès lors qu’on décide de ne plus construire de logements sociaux là où on en a détruit dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, il faut bien y installer des logements d’un autre type. Aujourd’hui, l’accession à la propriété bénéficie dans ces quartiers d’un taux de TVA de 5,5 %, ce qui est aussi le cas du logement social : seul le logement intermédiaire se voit soumis à un taux de 10 %, alors qu’on a besoin de ce type de logement. Il y a donc là un certain manque de parallélisme des formes.

L’amendement tend à appliquer le taux de 5,5 % à l’ensemble des logements de ces quartiers, afin d’éviter d’y imposer une sorte de « surtaxe » au logement intermédiaire. Ce taux permettrait, je le répète, un prix de sortie intéressant. Une telle mesure est cohérente avec ce qui a été débattu dans le cadre de l’examen du projet de loi égalité et citoyenneté.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je crains qu’une telle disposition ne fragilise notre position quant à l’acceptabilité d’un taux réduit de TVA sur le logement intermédiaire au regard des règles communautaires.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est une question de lisibilité !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je tiens donc à formuler une mise en garde. Jusqu’à présent, en effet, la Commission européenne a accepté les taux réduits que nous avons appliqués au logement, mais ceux-ci doivent avoir un intérêt sur le plan social. Or, nous commençons ici à nous en éloigner. Le Gouvernement reste donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce débat revient chaque année lors de l’examen du projet de loi de finances. Au-delà des aspects liés à la réglementation européenne, que M. le secrétaire d’État a très justement rappelés, je constate surtout que la politique du logement a perdu toute lisibilité. On n’y comprend plus rien ! À force d’y ajouter des petits bouts, comme le logement intermédiaire ou le prêt locatif aidé d’intégration – PLAI –, plus personne n’est capable de définir aujourd’hui la politique du logement en France.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Mais si !

(Les amendements identiques nos 407 et 592 ne sont pas adoptés.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je suis saisie de quatre amendements, nos 408, 593, 594 et 595, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 408 et 593 sont identiques.

Ces quatre amendements peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis, pour les soutenir.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Je retire l’amendement n594 et défendrai ensemble les amendements nos 408, 593 et 595.

(L’amendement n594 est retiré.)

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. La construction de logements intermédiaires doit aujourd’hui obligatoirement s’accompagner de la construction de logements sociaux. C’est logique, sauf dans les quartiers comportant déjà de nombreux logements sociaux. Le Premier ministre demande en effet précisément de ne plus construire de logements sociaux là où il y en a déjà beaucoup. Il serait alors incohérent d’obliger à y construire encore des logements sociaux en même temps que des logements intermédiaires.

Ces amendements tendent donc à ne pas imposer, dans les communes comportant déjà plus de 35 % ou de 40 % de logements sociaux, la construction de nouveaux logements sociaux lorsqu’on y construit des logements intermédiaires. Il s’agit en quelque sorte d’un effet miroir : là où il n’y a pas de logements sociaux, il faut imposer qu’on en construise lorsqu’on construit des logements intermédiaires ; là où il y en a déjà, il ne faut pas imposer d’en construire davantage, afin précisément de créer de la mixité et d’inverser la tendance.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’est pas favorable à cette disposition, qui est du reste un peu contradictoire. Ces amendements visent certes à créer de la mixité en imposant un seuil, mais nous avons réalisé l’année dernière une avancée en faisant en sorte que ce seuil soit calculé, non pour chaque opération, mais d’une manière plus globale. Je crains, je le répète, que nous n’attirions l’attention de la Commission européenne sur ces dispositions. Il convient en effet de conserver un pourcentage significatif de logements sociaux pour préserver le caractère social indispensable à la conformité de notre législation avec la directive européenne.

M. Christophe Caresche. Tout à fait !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Avis défavorable, donc.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Nous avons voté l’année dernière une mesure prévoyant qu’au-delà d’un taux de 50 % de logements sociaux, on n’en construirait plus. Cette mesure concerne une trentaine de communes. En abaissant le seuil à 40 %, elle en toucherait une centaine, qui sont les plus défavorisées de notre pays. L’objet de mes amendements est de ne pas augmenter le nombre de logements sociaux dans ces communes. Si donc je devais conserver un seul de mes amendements, ce serait l’amendement n595, qui fixe le seuil à 40 %.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous examinons ici un amendement itératif.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis et Mme Marie-Christine Dalloz. C’est-à-dire ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est-à-dire qu’on y ajoute chaque année un petit morceau.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. C’est plutôt un amendement progressif !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Progressif, soit – et donc itératif.

M. Marc Le Fur. Un marronnier !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’an dernier, cette disposition avait été adoptée avec un seuil de 50 %. Cette année, vous proposez de porter ce seuil à 40 %. Si nous adoptons votre amendement, vous nous proposerez l’année prochaine d’abaisser ce seuil à 30 %.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Non !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mais si !

M. Dominique Baert. L’année prochaine, c’est loin…

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Je m’y engage devant vous !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Oh là là !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vos engagements…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nombreux sont ceux qui, sur ces bancs, réclament de la stabilité. Le seuil de 50 % a été voté l’année dernière et il serait bon que nous puissions déjà disposer d’une première évaluation de cette mesure. La commission a donc souhaité conserver ce seuil.

(Les amendements identiques nos 408 et 593 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n595 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n460.

M. Patrick Bloche. Je vais m’efforcer de faire appel au cœur et à la raison de M. le secrétaire d’État et de Mme la rapporteure générale pour cet amendement d’une grande logique. Il s’agit en effet d’une mesure d’exonération de TVA à l’importation pour les artistes fiscalement domiciliés en France avant leur départ à l’étranger et rapportant sur le territoire national les œuvres qu’ils ont créées hors de l’Union européenne, notamment dans le cadre d’une résidence d’artistes, et qui sont aujourd’hui soumises à un taux de 5,5 %.

Il paraît aberrant qu’un artiste fiscalement domicilié en France, invité en dehors de l’Union européenne pour créer des œuvres dans le cadre d’une résidence d’artistes, soit soumis à une TVA à l’importation au taux de 5,5 % lorsqu’il rapporte ces œuvres en France. C’est pourtant ce qui se passe actuellement.

Cette proposition d’exonération me semble en conséquence assez limpide.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Tout d’abord, un artiste assujetti à la TVA peut la récupérer, ce qui règle déjà un certain nombre de cas.

Deuxièmement, mes services me disent que l’exonération que vous proposez est clairement contraire aux directives européennes. Elle nous exposerait à un contentieux que nous sommes sûrs de perdre – vous me direz qu’on n’est sûr de rien. Pour ces raisons, le Gouvernement est farouchement opposé à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Schmid.

Mme Claudine Schmid. Ayant consacré un rapport à cette question lorsque j’avais le plaisir et l’honneur d’être membre de votre commission, monsieur Bloche, je vous ferai observer que la résidence d’artistes est financée par l’État. Et une œuvre créée à l’étranger grâce à des fonds d’État devrait en outre être défiscalisée ? Je trouve que cela fait quand même un peu beaucoup.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je ne serais sans doute pas intervenu à nouveau si Mme Schmid n’était pas intervenue elle-même. J’ai évidemment en mémoire son excellent rapport, mais la plupart des résidences d’artistes ne bénéficient pas de financements publics.

Mme Claudine Schmid. Mais si !

M. Patrick Bloche. Je ne voudrais pas que mon amendement soit interprété comme un amendement d’optimisation fiscale.

Quant à l’argument européen, il est habituel dans nos débats – je ne dis pas cela pour contester ce qu’a dit M. le secrétaire d’État. En tout état de cause, je maintiens mon amendement.

(L’amendement n460 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 586.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Je vais retirer cet amendement, qui vise surtout à pointer le problème posé par le référé de la Cour des comptes relatif au taux de la TVA sur le vin en Corse. Je pense que les professionnels du secteur ont besoin de savoir quelles en seront les conséquences.

(L’amendement n586 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements, nos 650, 651, 240, 786, 305 deuxième rectification et 128, deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 240 et 786 sont identiques, de même que les amendements nos 305, deuxième rectification et 128, deuxième rectification.

La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir les amendements nos 650 et 651.

M. Éric Alauzet. Ces deux amendements ne se différencient que par les délais qu’ils fixent. Ils traitent tous deux du sujet de la convergence entre le diesel et l’essence, qu’on traîne depuis des années, et plus précisément de la récupération de TVA s’agissant des véhicules de société. Le régime de cette déduction désavantage les véhicules à essence à tel point que le parc est « diésélisé » » à 95 %.

Sur ce sujet, j’oscille entre satisfaction et regret. Satisfaction, parce que cette fois on a basculé : désormais, on reconnaît sur l’ensemble de ces bancs qu’il y a là une anomalie historique qui, en désavantageant ceux qui achetaient des véhicules à essence, a eu des conséquences sur la santé des personnes sensibles aux émissions de particules fines et de NOx, jusqu’à provoquer des décès prématurés. Nous avons fixé le principe d’une convergence sur cinq ans.

Mon regret porte évidemment sur le rythme trop lent de cette convergence. Les arguments en sa faveur sont légitimes : l’adaptation industrielle demande du temps, et il faut que nos constructeurs ne soient pas désavantagés face à la concurrence étrangère et aient le temps de produire des modèles compétitifs.

Mais que ne l’a-t-on fait plus tôt ? S’il leur faut cinq ans, cela veut dire qu’ils n’ont rien fait jusqu’ici, en dépit de tous les discours et les débats auxquels ce sujet a donné lieu dans notre pays et ailleurs depuis des années, et s’ils ne l’ont pas fait plus tôt, c’est peut-être parce qu’on ne leur a pas envoyé les bons signaux. Je pense que c’est notre responsabilité collective que de ne pas leur avoir dit à temps qu’ils ne devaient pas tarder à s’y mettre avant que le couperet ne tombe.

On pourrait dire la même chose sur beaucoup d’autres sujets, tel celui des néonicotinoïdes, sur lequel nous avons débattu il y a peu. Sur l’amiante, cela a duré trente ans ! Le problème, c’est qu’à ne pas envoyer des signaux suffisamment tôt – je pourrais dire la même chose sur le nucléaire –, on fragilise notre économie. Ce n’est donc pas qu’un argument écologique, c’est aussi un argument économique. Sur les sujets graves sur lesquels on sait que cela va basculer, il faut envoyer les messages suffisamment tôt.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 240 et 786.

La parole est à M. Christophe Castaner, pour soutenir l’amendement n240.

M. Christophe Castaner. Je voudrais appuyer l’ambition portée par notre collègue à l’instant.

L’extension à l’essence de la déductibilité pour les entreprises de la TVA sur le diesel utilisé comme carburant va permettre de corriger une erreur stratégique que nous avons commise il y a de longues années et qui concerne la pollution, la santé, mais aussi notre balance économique. Il se trouve en effet que nous importons du diesel et que nous exportons de l’essence, parce que nos raffineries sont ainsi faites qu’aujourd’hui nous raffinons plus d’essence que de diesel.

Je pense donc que pour des raisons économiques, mais aussi et surtout de lutte contre la pollution et de santé, il est nécessaire, non pas de mettre en cause la déductibilité pour les véhicules diesel, mais de l’étendre, comme c’est possible et comme ce serait déjà le cas si nous n’étions pas coincés par des normes et un cadre européens, notamment la « clause de gel » en vigueur depuis le 1er janvier 1979 – ce n’est pas hier !

Nous avons donc la capacité de le faire. Je crois qu’il faut aller vite, parce que c’est un message politique que nous allons envoyer. Cela ne mettra pas en cause les constructeurs français. Je roule en Laguna essence, et si je devais changer de voiture, je pourrais opter pour la Talisman essence à 34 800 euros. Le modèle diesel est un tout petit peu plus cher, à 36 800 euros.

Je pense que là encore, les enjeux économiques ne devraient pas nous empêcher d’agir pour aller vite sur cet enjeu sanitaire, cet enjeu de pollution et cet enjeu de confort. Ici, à Paris, c’est tout particulièrement nécessaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement identique n786.

Mme Eva Sas. Ce sujet de la déductibilité de la TVA sur le gazole pour les véhicules d’entreprise est connu, puisque nous avions soulevé le problème dès le début de la mandature. L’argument du temps d’adaptation nécessaire aux constructeurs doit aussi tenir compte du fait que ce sujet est en débat depuis longtemps.

Pour annuler les effets nocifs de cette niche, et dans la mesure où on ne peut pas revenir sur l’avantage fiscal accordé au gazole, nous proposons de l’étendre progressivement à l’essence. L’objectif est de favoriser le recul de la diésélisation des flottes d’entreprise en France.

Cet amendement vise donc à ce que la TVA puisse être récupérée sur l’essence comme sur le gazole pour les véhicules de société d’ici deux ans.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 305 deuxième rectification et 128 deuxième rectification.

La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement n305 deuxième rectification.

Mme Delphine Batho. Nous sommes effectivement très en retard. Cela fait au moins soixante ans que le diesel est avantagé sur le plan fiscal sans justification environnementale. Depuis 2012, les particules émises par les moteurs diesel sont classées cancérogènes par l’OMS. Il y a eu un référé de la Cour des comptes sur le sujet et la convergence des taux de TICPE sur l’essence et le diesel est engagée depuis 2014.

Nous sommes là sur le sujet de la déductibilité de la TVA sur le carburant pour les véhicules de société. Je rappelle que l’année dernière, à l’initiative de Valérie Rabault et Charles de Courson, l’Assemblée avait d’abord voté l’extension de cette déductibilité en quatre ans avant de revenir sur son vote. Nous proposons ici de le faire en cinq ans.

La mission d’information créée par l’Assemblée nationale à la suite de l’affaire Volkswagen et du « dieselgate » a travaillé pendant un an. Sur cette question, qui était la plus épineuse et qui provoquait le plus de crispations, nous avons abouti à un consensus entre d’une part, l’Observatoire des véhicules d’entreprise et d’autre part, les constructeurs français. La mission d’information s’est prononcée de façon unanime pour une convergence en cinq ans.

Il me paraît important de tenir ce délai pour des raisons industrielles, qu’on ne peut pas ne pas prendre en compte. C’est vrai que le retard est grand, mais la faute à qui ? Les décisions n’ont pas été anticipées au moment nécessaire, et de ce point de vue là Éric Alauzet a raison, mais on ne peut pas faire supporter par les ouvriers de l’industrie automobile les conséquences de l’incapacité de la représentation nationale et des responsables politiques à prendre au moment opportun les décisions nécessaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement identique n128 deuxième rectification.

M. Marc Le Fur. Je partage l’opinion qui vient d’être exprimée par notre collègue Batho. Il ne s’agit pas de « faire de l’anti-diesel ». Le diesel a été l’un des grands secteurs économiques dans notre pays. Nos entreprises s’y sont investies, les particuliers aussi, et il faut en tenir compte.

En revanche, il me paraît assez légitime qu’à moyen terme, en termes de déductibilité de la TVA, l’essence et le diesel soient traités de la même façon.

Encore faut-il s’en donner le temps. Il se trouve qu’il y a un consensus des professionnels pour un délai de cinq ans. Nous devons également prendre en compte le temps que cela implique pour nos industriels de se préparer. C’est pourquoi nous défendons le délai de cinq ans pour cette convergence.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce sujet a déjà été abordé en décembre 2015, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative, parce que notre commission, à l’initiative d’Éric Alauzet, avait souhaité porter ce débat dans l’hémicycle.

Depuis, une mission d’information a été créée, des auditions ont été menées, un travail sérieux a été réalisé. Nous avons tous des idées sur le sujet, mais si chacun fait ses propres propositions, sans faire aucun cas des travaux de la mission d’information, cela veut dire que ces missions parlementaires ne servent à rien. Une mission d’information a aussi l’avantage de compter des parlementaires issus de l’ensemble des bancs de cette assemblée, et de permettre ainsi aux différents points de vue de s’exprimer.

L’amendement de la commission des finances s’appuie donc sur les conclusions de cette mission d’information. J’ai entendu dire que si nous n’acceptions pas une convergence en trois ans, c’était parce que nous avions cédé à je ne sais quel lobby – apparemment, certains se sont activés depuis hier. J’invite ces personnes à remiser leurs textos dans leur téléphone, car c’est assez mal connaître la manière dont fonctionne la commission des finances. Nous sommes au contraire assez directs sur ces sujets.

Cinq ans, c’est un point d’atterrissage : on ne transforme pas des usines de production du jour au lendemain. Tout le monde est d’accord sur l’objectif – revenir sur l’avantage incroyable donné au diesel dans notre pays depuis des années –, mais il faut quand même ménager une transition. C’est très bien de définir un objectif en politique, mais il faut aussi définir le chemin pour y parvenir. On ne peut pas faire abstraction du point extrêmement important qui a été soulevé par notre collègue Delphine Batho, à l’initiative de cette mission d’information, si on veut avancer.

L’avis de la commission des finances est donc favorable aux amendements identiques 305, deuxième rectification et 128, deuxième rectification et défavorable aux autres.

M. Marc Le Fur. Très bon exposé, madame la rapporteure générale.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je me réjouis de ce qui semble faire consensus, à un bémol près. Le rapprochement de la fiscalité et de la déductibilité de la TVA entre l’essence et le gazole fait consensus. Le seul bémol, c’est le rythme, sur lequel on peut avoir des versions différentes. Monsieur Alauzet, le signal a quand même été donné ! On pourra dire qu’il l’a été trop tôt ou trop tard, mais il a été donné à plusieurs moments. Ce type d’amendements fait partie du paysage depuis quelques années. Au fil des débats, progressivement, un message est passé.

L’État étant actionnaire de plusieurs constructeurs, il existe un certain nombre de courroies de transmission possibles. Mais on ne refera pas le passé. Le signal a été donné très fortement l’année dernière, lorsque nous avons clairement indiqué la volonté de rapprocher la fiscalité à « plus deux, moins deux », après avoir fait voter le « plus un, moins un » qui s’appliquera au 1er janvier 2017. Tout le monde avait donc bien conscience que le Gouvernement souhaitait rapprocher les statuts.

S’agissant des questions économiques, M. Castaner a évoqué la première, d’autres la seconde : soit la question de la production automobile et de moteurs dans notre pays, et celle de l’organisation de l’industrie pétrolière en France qui a formaté les raffineries d’une certaine façon, à une certaine époque, si bien que les flux entre les pays ne sont pas forcément les mêmes suivant que l’on a besoin de gazole ou d’essence.

Le Gouvernement est clair sur le rythme à tenir. C’est pourquoi il soutient les amendements n305 deuxième rectification et 128 deuxième rectification visant à un alignement en cinq ans. Telle est la position du Gouvernement, après les signaux qui ont été donnés et d’autres qui pourront l’être sur d’autres sujets touchant également à la fiscalité.

Si vous ne suivez pas cette ligne de cinq ans, je vous invite à retirer vos amendements pour donner un signal fort. Je n’ai pas la prétention d’exiger l’unanimité. Mais si le Parlement pouvait dire, de façon unanime, que c’est cinq ans, pour toutes les raisons que l’on sait, quand certains voudraient aller plus vite et d’autres ne pas y aller du tout, retirer les amendements et se rassembler autour du même vote enverrait un bon signal.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je voudrais rappeler la position des députés du groupe Les Républicains. Nous soutenons l’objectif de neutralité technologique, notamment l’alignement de la fiscalité à cinq ans, pour donner aux professionnels le temps de s’adapter. C’est la raison pour laquelle la commission des finances a adopté un amendement qui reprend cette proposition. Or, de récentes déclarations du Gouvernement – ou tout au moins de certains ministres – laissent à penser qu’il irait à l’encontre des propositions des députés, balayant ainsi tout le travail parlementaire mené dans le cadre de la mission d’information. Ce serait regrettable. Nous soutenons l’amendement n305 deuxième rectification de la commission des finances, identique à celui que Mme Zimmermann avait déposé.

Je voudrais rappeler également que, lors de la séance des questions au Gouvernement ce mardi, Mme Zimmermann a interrogé le ministre Christophe Sirugue sur cette question. L’harmonisation sur cinq ans avait été confirmée. Ne remettons donc pas en cause ce qui a été annoncé en début de semaine.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Au nom du groupe socialiste, je tiens à dire que nous partageons pleinement ce qu’ont dit Delphine Batho et le ministre. Je vois bien les enjeux de posture qui sont posés dans le débat politique et médiatique de ces dernières heures. Nous avons des objectifs auxquels il faut nous tenir. Nous devons y aller de façon sérieuse et ordonnée, et le délai de cinq ans le permet. Nous voterons, à l’unanimité, je l’espère également, l’amendement adopté en commission des finances.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je remercie la rapporteure générale et le ministre de leur avis. Lorsque j’étais ministre, j’étais très isolée dans ce combat pour la convergence fiscale. Je me souviens notamment de déclarations sur l’écologie punitive… Ce qui se passe dans l’hémicycle, sur ce débat sur la convergence fiscale entre l’essence et le diesel, est historique. Il est important que la décision soit la plus unanime possible pour qu’elle soit durable, mais aussi pour que l’on prenne enfin en considération ce qui, depuis des années, bloque toute évolution de cette question : la réalité industrielle de la France, d’une industrie automobile qui a perdu 42 % de sa production et 70 000 emplois en dix ans. Il y a eu un effondrement industriel.

Je suis allée dans les usines qui produisent des motorisations diesel. J’ai vu que les constructeurs ont commencé d’investir dans la diversification de ces usines. Il faut le dire, parce que le mouvement est enclenché.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il faut du temps !

Mme Delphine Batho. Cette réalité n’est pas contestable, mais on ne change pas une chaîne de production en claquant des doigts. Ce débat sur la TVA n’est pas un débat sanitaire. En effet, le marché du véhicule d’entreprise est un marché du véhicule neuf, donc aux normes les plus récentes, même si ces normes ne sont pas satisfaisantes et que toutes ces motorisations fossiles continuent à polluer. La question est de sortir des énergies fossiles. C’est un enjeu d’adaptation industrielle. L’unanimité la plus large prouve aussi que, pour la première fois de l’histoire, l’industrie française affirme qu’elle ne veut plus mener un combat d’arrière-garde en faveur du maintien des avantages au diesel. Prenons-en acte.

M. Dominique Lefebvre. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je voudrais simplement préciser que, s’agissant de la TICPE, nous avons déjà acté que la convergence entre le gazole et l’essence se faisait sur cinq ans. Autant aligner l’ensemble des durées, afin de disposer d’une perspective et d’éviter un millefeuille de durées pour atteindre les différents objectifs.

Mme la présidente. Monsieur Alauzet, retirez-vous vos amendements nos 650 et 651 ?

M. Éric Alauzet. Je les retire. Je partage la remarque de Delphine Batho sur l’aspect historique de ce vote. Combien de polémiques ont éclaté sur ce sujet dans l’hémicycle ! Nous comparons ici l’essence au diesel et le diesel à l’essence, mais n’oublions pas que le problème, c’est qu’il faudra laisser 80 % des énergies fossiles dans le sol. De ce point de vue, l’ensemble des carburants sont alignés. D’autres débats nous attendent, et d’une toute autre ampleur, comme celui concernant le nucléaire. J’espère que nous trouverons des convergences beaucoup plus rapidement.

M. Jean-Luc Laurent. Pas de sujets qui fâchent, monsieur Alauzet ! Maintenons le consensus !

M. Éric Alauzet. C’est la même question de l’anticipation qui se posera.

(Les amendements nos 650 et 651 sont retirés.)

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement n240, monsieur Castaner ?

M. Christophe Castaner. Je le maintiens.

Mme la présidente. Retirez-vous l’amendement n786, madame Sas ?

Mme Eva Sas. Je le maintiens également.

(Les amendements identiques nos 240 et 786 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 305 deuxième rectification et 128 deuxième rectification sont adoptés.) (« À l’unanimité ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n461.

M. Patrick Bloche. Cet amendement concerne les agences de presse, qui, je le rappelle, participent très directement à l’exercice de la liberté d’expression et de la liberté de la presse dans notre pays. Jusqu’en 2012, elles bénéficiaient d’un taux de TVA réduit de 5,5 %. Ce taux est passé en 2012 à 7 %, avant d’atteindre 10 % le 1er janvier 2014, alors même que le livre, qui est un secteur parallèle, voyait son taux maintenu à 5,5 % et que, comme vous le savez, la presse écrite et désormais la presse en ligne bénéficient d’un taux super réduit de 2,1 %.

Le passage en très peu de temps de 5,5 à 10 % a conduit les clients des agences de presse à leur demander de baisser leurs tarifs pour compenser cette hausse, tout particulièrement les 20 % de ces clients qui ne récupèrent pas la TVA. Cela a eu pour conséquence immédiate une dégradation de leur trésorerie. Une agence de presse photographique a ainsi dû déposer le bilan, à la suite d’un retard de paiement d’un news magazine figurant parmi ses principaux clients.

Pour conclure, je précise que les agences de presse, c’est une économie à coûts fixes, puisque 75 % des charges sont des charges de personnel. De ce fait, le passage d’un taux de 10 % à un taux de 5,5 % amènerait à préserver des emplois qui sont très directement menacés dans le contexte général de la crise de la presse.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a rejeté cet amendement. Plusieurs changements de taux sont déjà intervenus. Par ailleurs, du fait de la déduction de la TVA, il est estimé que cela ne change pas le coût final des services des agences de presse.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La réponse était quasiment dans la question. Vous avez dit vous-même, monsieur Bloche, que 80 % de la clientèle des agences de presse récupèrent la TVA. Cette opération est donc neutre. J’ai appelé tout à l’heure à la stabilité sur ces questions de TVA, et je ne pense pas qu’il s’agisse là d’un secteur qui soit en grande difficulté à cause de la TVA.

Par ailleurs, vous avez un peu d’expérience dans la conduite des débats budgétaires, madame Dalloz… Vous dites que des déclarations de tel ou tel jettent un certain trouble sur la position du Gouvernement, mais vous imaginez que votre serviteur agit toujours en cohérence avec celui qui conduit le Gouvernement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais je ne vous avais pas cité !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cela vaut pour l’amendement précédent, mais aussi pour celui-ci, de même que pour la plupart des amendements. Il peut arriver que des questions plus secondaires, voire tertiaires, ne fassent pas l’objet d’un examen très attentif du chef du Gouvernement, qui a aussi beaucoup de travail, mais sur ces points-là, il y a bien entendu une cohérence au sein du Gouvernement dont je ne suis qu’un pion et le porte-parole autorisé.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais je ne pensais pas à vous, monsieur le ministre !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je ne peux résister au plaisir intellectuel de répondre à M. le ministre en lui renvoyant son argument. Si 80 % des clients des agences de presse récupèrent la TVA, le passage de 10 à 5,5 % aurait pour conséquence un manque à gagner de 7 millions d’euros, là où les aides directes et indirectes à la presse, dont ne profitent quasiment pas les agences de presse, se montent pour rappel à 1,4 milliard d’euros.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quasiment pas ! Il y a « quasiment »…

(L’amendement n461 n’est pas adopté.)

Article 13

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Rabin, pour soutenir l’amendement n306 de la commission des finances.

Mme Monique Rabin. L’article 13 propose de supprimer des niches dites inefficaces. Je voudrais intervenir sur la niche qui concerne les PME de moins de 250 salariés, qui prospectent à l’international ou qui ont besoin de conseils pour aller à l’international, car c’est parfois très difficile sur le plan juridique et financier. Cette niche a un coût d’une vingtaine de millions d’euros ; mais ce dispositif d’aide, mis en place en 2005, profite à 1 580 entreprises et se révèle efficace.

Cette aide concerne une proportion importante des 10 000 PME qui vont à l’international chaque année, et exerce donc un effet de levier considérable. Si l’on pense que l’essentiel de l’activité export est porté par Business France, dont les crédits d’intervention s’élèvent à 45 millions d’euros, une dépense de 22 millions pour aider les entreprises à se lancer à l’international, c’est beaucoup. C’est pourquoi je crois profondément à l’efficacité de ce dispositif. En tant que rapporteure spéciale pour le commerce extérieur, j’ai pu constater que cette mesure était plébiscitée. Je soutiens cet amendement et demande aux membres de la commission des finances qui l’ont adopté la semaine dernière de voter unanimement, sans se diviser entre bons et méchants.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement fait toujours l’objet de critiques parce qu’il y a trop de petites niches dans ce pays ; mais chaque fois qu’il propose d’en supprimer une, on trouve toujours des arguments pour ne pas le faire. Selon le mot célèbre du président de votre commission : « Dans chaque niche, il y a un chien qui mord ! »

Mme Véronique Louwagie. C’est bien dit !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai bien entendu vos arguments, mais je voudrais vous rappeler tous les dispositifs d’aide à l’export : les procédures de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, COFACE, qui apporte des garanties de l’État à l’export, les interventions de Business France, que vous avez rappelées. Je ne veux pas vous le suggérer, mais peut-être que les crédits de cet organisme mériteraient d’être retravaillés et revus ; cela vaudrait mieux que de conserver une niche qui concerne seulement 1 600 entreprises sur les 10 000 qui font de l’export – une proportion loin d’être considérable.

Pensez également aux prêts à l’export de Bpifrance et aux mesures fiscales. Je vous rappelle qu’en vertu de l’article 81 A du code général des impôts, les salariés qui exercent leurs fonctions à l’étranger sont complètement exonérés d’impôts lorsqu’ils se consacrent à une activité de prospection commerciale. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, qui vise à supprimer la suppression qu’il propose à article 13. S’il a introduit cette mesure, c’est qu’il l’estime nécessaire ! Je note enfin que chacun s’appuie sur la Cour des comptes quand cela l’arrange et la critique quand cela ne l’arrange pas ; le Gouvernement ne le fait jamais.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Monsieur le secrétaire d’État, je suis une très grande supportrice de cet amendement. À l’occasion de la loi Macron, le ministre nous avait fait des promesses en matière de soutien à l’export ; il n’est plus ministre, mais j’imagine que sa parole tient encore. Nous avions fait des comparaisons avec l’Allemagne, où les taux de soutien à ces politiques sont dix fois supérieurs à ce qui se fait en France. Si l’on veut soutenir notre commerce extérieur et acquérir une force de frappe à l’étranger, c’est extrêmement important. Cette semaine, on a pu constater que nous n’avions pas totalement retrouvé notre niveau en matière de capacité à l’export et de capacité d’investissement. La commission des finances estime très important que ce dispositif soit maintenu.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Castaner.

M. Christophe Castaner. Nous connaissons tous la fragilité, du point de vue macroéconomique, que constitue la taille de nos entreprises. Toute la difficulté par rapport à d’autres grands pays concurrents, comme l’Allemagne, c’est que nous manquons d’entreprises de taille intermédiaire, ETI. L’enjeu est de faire en sorte que nos PME, et en particulier celles qui ont moins de 250 salariés, qui sont celles concernées par cette niche, aient la capacité de développer à la fois leurs activités de recherche et développement – le crédit d’impôt recherche représente un outil majeur dans ce domaine – et leur export à l’international.

Oui, monsieur le secrétaire d’État, des dispositifs existent, tels ceux de Bpifrance ; mais il est parfois difficile d’y avoir recours. De plus, ils n’ouvrent la possibilité de déduire le coût des investissements que s’il s’agit de l’exportation sur un marché abouti. Or la notion de prise de risque est particulièrement importante pour ces entreprises ; c’est elle qui permettra demain de conquérir de nouveaux marchés. Cette niche ne vise que les 10 % des PME qui ont moins de 250 salariés, et ce serait un très mauvais signal que de la supprimer. C’est une petite mesure, à 22 millions d’euros. La quête d’économies portée par le ministre du budget est importante, mais nous enverrions là un très mauvais signal à nos entreprises qui prennent le risque d’aller à l’international et qui auront demain la capacité d’être les ETI dont on a besoin.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Au risque de me répéter, voici la situation. Nous vivons une véritable catastrophe en matière de commerce extérieur ; nous devons nous mobiliser. Comme Valérie Rabault l’a rappelé, les autres pays européens y mettent beaucoup plus d’énergie que nous. Deuxièmement, comme l’a noté Christophe Castaner, nous ne visons que les petites entreprises, de moins de 250 salariés, les autres étant accompagnées par la COFACE et d’autres systèmes financiers et bancaires. On a évoqué l’exonération des charges qui pèsent sur les salariés à l’étranger ; mais je parle des entreprises qui doivent financer des postes de volontariat international en entreprise, VIE, et qui peuvent émarger au crédit à l’export. Le dispositif n’induit pas non plus d’effet d’aubaine, puisqu’il existe un plafond de 40 000 euros ; chaque petite entreprise ne peut donc bénéficier que de 20 000 euros par an. C’est une niche utile. J’ai beaucoup de complexes à le dire, et je suis d’accord sur la nécessité de dresser, chaque année, l’inventaire des niches. Mais comme je l’ai dit à chaque débat budgétaire, l’export devrait être une cause nationale.

Mme Véronique Louwagie. Très bien ! Bien dit !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mon propos sur l’amendement de la commission vaudra défense de mon amendement ultérieur. Je rejoins complètement la commission des finances qui a considéré, dans sa grande sagesse, que compte tenu du contexte actuel sur le marché international et des difficultés des PME françaises à l’export, ce serait le pire des signaux à leur envoyer. À l’origine, ce dispositif était dédié à des entreprises jeunes et innovantes pour l’exportation en dehors de l’espace économique européen. Depuis, il a évolué, mais il est pourvu de garde-fous. Comme l’a rappelé Mme Rabin, il s’agit de montants limités ; ce n’est pas un guichet ouvert à tous les vents, il y a un plafond. Le coût – 22 millions d’euros – est relativement modeste et n’aura pas d’impact sur le budget 2017, puisqu’il s’agit de prendre des recettes de 2018 en avance. Ce coût apparaît aujourd’hui largement acceptable au regard de l’enjeu – notre développement international, – et des besoins de ces entreprises. Sans ce dispositif, elles n’auraient pas d’autres solutions. Et si vous me parlez de Bpifrance, je vous suggère de vous pencher sur un rapport intéressant qui vient de sortir.

(L’amendement n306 est adopté et les amendements nos 187 et 797 rectifié, ainsi que les amendements identiques nos 129, 412 et 541 tombent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n64.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les primes des loyers sont déjà déductibles des charges pour le bailleur. Le dispositif Visale, entré en vigueur début 2016, est bien plus efficace pour inciter les propriétaires à mettre leurs logements en location. Action logement, en lien avec les partenaires sociaux, a conçu ce service, totalement gratuit, qui sécurise les loyers en fournissant une garantie au bailleur et qui peut lever l’obstacle au logement que rencontrent les jeunes de moins de trente ans, ainsi que les salariés qui entrent dans un emploi. Visale garantit aux bailleurs du parc privé le paiement de tous les loyers impayés, charges incluses, au cours des trois premières années du bail, pour un locataire détenteur d’un visa certifié par Action logement. C’est un dispositif extrêmement protecteur ; en cas de mise en jeu de la caution par le bailleur, le locataire reste redevable de la dette vis-à-vis d’Action logement, mais celle-ci avance l’argent. Ce dispositif va concerner 360 000 personnes d’ici 2019, alors que seules 37 000 bénéficient actuellement du crédit d’impôt que vous voulez réinstaurer, et que nous voulons voir disparaître au profit d’une solution bien plus solide. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

(L’amendement n64 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n66.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement concerne l’amortissement des logiciels. En vertu du II de l’article 236 du code général des impôts, les entreprises qui font l’acquisition d’un logiciel peuvent pratiquer un amortissement exceptionnel au titre de cet investissement. Les coûts d’acquisition de sites web, souvent particulièrement importants, peuvent faire l’objet de cet amortissement exceptionnel, pratiqué de manière accélérée, sur les douze mois suivant l’acquisition du logiciel ou celle du site. Seuls les services fiscaux sont compétents pour juger de l’éligibilité de l’entreprise à ce dispositif. L’alinéa 10 de l’article 13 propose de supprimer cet amortissement, pourtant utilisé par de nombreuses entreprises pour se moderniser et s’équiper de logiciels plus performants. C’est un dispositif de promotion et de soutien à l’évolution du numérique dans nos entreprises ; c’est pourquoi nous proposons de supprimer cet alinéa qui en prévoit la suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure pour avis. La commission des finances a repoussé cet amendement au profit d’un autre, qu’elle propose plus loin. Elle considère que vu le chantier à venir du prélèvement à la source, il est important de prolonger pendant un an les dispositions fiscales qui permettent l’acquisition des logiciels. En revanche, l’amendement que vous proposez vise à les proroger indéfiniment. Je suis donc défavorable à cet amendement, au bénéfice de l’amendement n307 de la commission des finances.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Défavorable.

(L’amendement n66 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 65, 151 et 177.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n65.

Mme Véronique Louwagie. Par cet amendement, nous vous proposons de supprimer les alinéas 11 et 14 de cet article, qui visent eux-mêmes à supprimer une mesure fiscale. En l’état actuel du droit, l’héritier, le donataire ou le légataire qui, au jour du décès ou de la donation, a trois enfants ou plus, vivants ou représentés, bénéficie, sur les droits de succession à sa charge, d’une réduction à 100 % qui ne peut toutefois excéder 305 euros par enfant en sus du deuxième. Ce maximum est porté à 610 euros en ce qui concerne les donations et successions en ligne directe, et les donations entre époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité.

Vous envisagez de supprimer cette réduction : ce serait une nouvelle atteinte aux successions des familles. Vous me direz que les montants ne sont pas importants, que par ailleurs, il existe des abattements sur la base des successions : certes, mais la mesure dont il est question permet de prendre en compte les familles que l’on peut qualifier de nombreuses. C’est donc une mesure de soutien aux familles, qui joue sur le montant net à payer : en cela, elle est importante.

C’est pourquoi nous vous proposons, par cet amendement, de revenir sur cette mesure.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement n151.

Mme Claudine Schmid. Véronique Louwagie a très bien décrit les mesures figurant à l’alinéa que ces amendements identiques visent à supprimer. Contrairement à ce qu’affirme l’exposé des motifs de l’article, selon lequel cet avantage « est d’un montant trop limité pour avoir un effet incitatif réel » et « ne profite qu’aux patrimoines les plus élevés », les petites successions seront directement touchées.

Cette suppression s’ajoute aux autres mesures fiscales prises à l’encontre des familles. J’en citerai quelques-unes : double abaissement du quotient familial, division par deux de la prime de naissance, remise en cause de la prestation d’accueil du jeune enfant, fiscalisation de la majoration de pension pour retraités parents de famille nombreuse, sans oublier la mise sous condition de ressources des allocations familiales.

Pour les familles, il convient de ne pas supprimer ce dispositif.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n177.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je serai très brève, car mes collègues, en lisant l’exposé sommaire de leurs amendements, ont déjà tout dit. On se demande, monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures vous allez encore prendre contre la politique familiale, qui a pourtant toujours été une force de notre pays ! La réalité, c’est que notre taux de natalité est moins important, moins confortable qu’il n’était il y a dix ans. Cela pose des difficultés dans certains territoires quant aux effectifs scolaires, notamment dans les collèges.

Les signaux négatifs envoyés en matière de politique familiale ont un impact réel sur la démographie. Cette mesure, ajoutée à d’autres, donne aux familles le sentiment qu’elles sont les mal-aimées de ce gouvernement. Même si elle n’est pas très importante sur le plan budgétaire, c’est un signal négatif que vous envoyez à toutes les familles de France.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous êtes libres, bien entendu, de souhaiter le maintien de ce dispositif. Cependant je ne peux vous laisser dire, madame Schmid, que les petites successions seront touchées.

Mme Claudine Schmid. Elles aussi seront touchées !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce n’est pas vrai ! Le patrimoine moyen des Français s’élève à 200 000 euros. La mesure dont nous discutons s’applique à ceux qui ont trois enfants et plus. Prenons le cas du décès d’une personne propriétaire d’une maison valant 300 000 euros, et ayant trois enfants. Il y déjà 100 000 euros d’abattement par enfant : les droits de succession s’élèveront donc à zéro euro. Les patrimoines inférieurs à 300 000 euros, dans ce cas, échappent systématiquement aux droits de succession.

Ne m’expliquez donc pas que la suppression prévue par cet article affecterait les petites successions : c’est archi-faux. Je vous invite à regarder les chiffres de plus près ! Si vous possédez une maison valant 500 000 euros et que vous avez trois enfants, avec l’abattement de 100 000 euros par enfant, l’assiette des droits de succession sera de 200 000 euros ; c’est sur cette somme qu’est appliqué un taux, lequel est plus avantageux pour les ascendants ou descendants en ligne directe. La réduction de 300 euros dont il est question intervient à ce moment-là.

Ne prétendez donc pas qu’il s’agit de petites successions : c’est faux !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Qu’est-ce que ce sera quand l’abattement passera à 200 000 euros par enfant !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. M. le président de la commission des finances, c’est une véritable révélation que vous nous faites !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je suis moi-même très réservé quant à cette évolution.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Au XIXsiècle, Alexis de Tocqueville avait fait l’éloge des droits de succession ; pour lui, c’était le seul moyen d’opérer un brassage du capital au sein de la société, afin que chacun puisse avoir la chance d’exercer sa créativité. Ne dites pas que des successions de 300 000 euros sont de petites successions.

Mme Claudine Schmid. 300 000 euros, à Paris, avec trois enfants, on ne peut pas dire que ce soit un gros patrimoine !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous n’avons pas la même définition de ce qu’est une petite succession ! Avis défavorable sur tous ces amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’admets que l’on adopte une posture, mais tout de même, ce que nous avons entendu là est surréaliste. Je diffère sur un point avec Mme la rapporteure…

M. Jean-Luc Laurent. C’est que vous ne lisez pas Tocqueville !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non, c’est vrai, je ne lis pas Tocqueville. Mme la rapporteure générale, vous avez dit que le patrimoine moyen des Français était de 200 000 euros ; les données dont je dispose – issues d’une étude de l’INSEE, l’Institut national de la statistique et des études économiques, de 2011 – m’indiquent que ce chiffre est de 113 000 euros.

M. Razzy Hammadi. 300 000 euros, c’est le patrimoine moyen ; 113 000 euros, c’est le patrimoine médian.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La différence entre les chiffres de Mme la rapporteure générale et les miens s’explique probablement ainsi. Quoi qu’il en soit, cela donne un ordre de grandeur : nous sommes d’accord sur ce point. Soyons réalistes : ne donnons pas aux gens de fausses idées, ne les conduisons pas dans des impasses. Plus de 95 % des successions actuelles sont exonérées de droits.

Pardonnez-moi de faire intervenir des éléments personnels dans cet hémicycle : ma fille est notaire.

Mme Claudine Schmid. C’est un beau métier !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je précise qu’elle est salariée ; enfin peu importe.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est une précision qui a son utilité !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Peu importe pour nous, mais pas pour elle, en effet. (Sourires.) Quoi qu’il en soit, elle ne fait que des successions.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est une bonne chose.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Plus de 95 % d’entre elles sont exonérées, ce qui crée une confusion. Nous sommes tous confrontés, malheureusement, au décès de nos parents : lorsque l’on règle la succession, on doit généralement payer une facture, qui peut paraître importante pour ceux qui n’héritent que de faibles sommes. À chaque fois, l’on dit : « j’ai payé des droits de succession », mais c’est faux : il s’agit souvent d’un certain nombre de taxes, de droits, qui ne sont pas à proprement parler les droits de succession. Il s’agit en outre des frais liés au travail de l’étude qui a réglé la succession. Tout compris, cette facture atteint facilement un montant de quelques milliers d’euros.

Quand on hérite de 50 000 ou 100 000 euros et que l’on doit payer 2 000 ou 3 000 euros, on a le sentiment que c’est beaucoup. Et quand on entend des parlementaires dire que le montant des droits de succession est terrible, que ces droits écrasent les Français, on a tendance à se dire que ce n’est pas normal ; les législateurs eux-mêmes peuvent avoir ce sentiment. Mais je pense qu’entretenir ce discours ne rend pas service à notre pays. Je le répète : la très grande majorité des successions, dans notre pays, sont exonérées de droits.

Il existe, il est vrai, pour les familles de trois enfants ou plus, un rabais de 300 euros, ou 600 euros au maximum, appliqué sur les droits de succession, eux-mêmes calculés sur la fraction supérieure à 100 000 euros. Et vous nous dites que supprimer ce rabais irait à l’encontre de la politique familiale, comme si, au moment de la conception, les parents tenaient compte du fait que lorsqu’ils décéderont, leurs héritiers en bénéficieront – si tant est qu’ils ont plus de 100 000 euros par enfant. Et vous pensez que la suppression de cet avantage les dissuadera d’avoir des enfants ?

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est un ensemble de mesures qui portent atteinte à la politique familiale, et la suppression de ce rabais en fait partie.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Arrêtons le délire ! Vous pouvez contester notre politique concernant le plafonnement du quotient familial : c’est tout de même plus sérieux – même si, encore une fois, je ne crois pas que ce soit la première préoccupation au moment de la conception.

M. Razzy Hammadi. Même en GPA !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il y a des gens qui nous regardent, nous écoutent, lisent le compte rendu de nos débats : ce n’est pas leur rendre service que de les induire en erreur.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est un mauvais signal que vous envoyez aux familles !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Dans la discussion d’un amendement précédent, le mot de « rendement » a été employé ; mais ce n’est pas là une question de rendement. Bien évidemment, le secrétaire d’État au budget ne peut être opposé à l’idée de récupérer une dizaine de millions d’euros ; mais il faut rapporter cette somme aux 70 milliards d’euros de déficit budgétaire de notre pays. L’argument du rendement n’est donc certainement pas celui que j’utiliserai d’abord.

Pardonnez-moi de m’être montré un peu cabotin, mais il faut parfois remettre les choses en place, à l’intention de celles et ceux qui nous regardent, nous écoutent et nous lisent. Vous l’aurez compris : je suis défavorable à ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

(Les amendements identiques nos 65, 151 et 177 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement n536.

M. Christophe Caresche. Cet amendement vise à supprimer une niche fiscale.

Mme Marie-Christine Dalloz. Chasseur de niches : beau métier ! Et d’avenir !

M. Christophe Caresche. Il est vrai que nous en avons beaucoup créé depuis le début de l’examen de ce projet de loi de finances ; je me suis donc efforcé de savoir si l’on pouvait en supprimer dans le domaine que je connais le mieux, à savoir le logement.

La niche que cet amendement vise à supprimer consiste à exonérer des plus-values immobilières la première cession d’un logement, dès lors que le revenu de la cession est affecté, par le cédant, à la construction d’un logement affecté à son habitation principale. Elle a été créée en 2011, manifestement pour contrecarrer la modification du régime des plus-values de cession immobilière. Vous vous souvenez que celui-ci avait été alourdi – à l’époque, la durée nécessaire pour bénéficier d’un certain nombre d’avantages était passée à trente ans.

Depuis, le régime des plus-values de cession a été revu, monsieur le secrétaire d’État ; il est désormais plus favorable – du moins sur la partie fiscale, car sur la partie sociale il est resté au même niveau. Pour la partie fiscale, la durée que j’évoquais est passée à vingt-deux ans ; je crois que les taux ont aussi changé. Quoi qu’il en soit, les raisons qui avaient motivé la création de cette niche ne sont plus tout à fait valides : je propose donc de la supprimer. L’économie que cela permettrait est estimée à 40 millions d’euros pour l’année 2017.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je trouve que cette niche peut avoir une certaine utilité : certains, ne pouvant pas acquérir directement leur résidence principale, commencent par un investissement modeste, par exemple locatif ; puis revendent ce bien et utilisent le produit de la vente pour acquérir une résidence principale. C’est une étape vers la propriété de sa résidence principale. Le Gouvernement est donc plutôt défavorable à cet amendement.

(L’amendement n536 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n307.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. J’ai déjà défendu, tout à l’heure, cet amendement : il s’agit de reporter d’un an l’abrogation de l’amortissement exceptionnel pour les logiciels, afin de permettre aux PME de mieux se préparer à la réforme de la retenue à la source, par exemple en acquérant un nouveau logiciel.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ça, c’est bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’est pas favorable à votre amendement. Surtout, je ne suis pas d’accord avec l’argument que vous avez développé. Les dépenses d’acquisition de logiciels ont changé ; désormais, les petits logiciels ne sont plus facturés à part, et les logiciels plus coûteux peuvent s’amortir sur une durée plus longue. Vous ne contestez pas, d’ailleurs, la suppression de ce dispositif ; vous dites simplement que la mise en place du prélèvement à la source entraînera des coûts dans cette matière. Pour ma part, je ne le pense pas.

Nous avons demandé au CGEFI, le Contrôle général économique et financier, de faire une étude à propos de l’impact, sur les entreprises, de la mise en route du prélèvement à la source. L’avis est formel : dans la plupart des cas, il ne s’agira pas d’acquérir un nouveau logiciel, mais de mettre à jour les logiciels déjà installés.

De plus, la nouvelle DSN – la déclaration sociale nominative – qui va entrer en application est déjà intégrée dans les logiciels de paie. Par conséquent, les intéressés n’auront qu’à procéder à une mise à jour, et non pas à acquérir un nouveau logiciel. Certes, il se peut que quelques petites entreprises envisagent alors d’en acheter un nouveau, mais celles-ci délèguent de toute façon la gestion de leur paie à un expert-comptable. Devant la polémique, j’ai bien noté les propos tenus par M. Arraou, le président du conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables, dans le Paris Match de cette semaine : « Le passage au prélèvement à la source est possible et la profession comptable est prête à accompagner les entreprises dans ce changement. » Voilà qui me semble tout de même un élément de nature…

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais contre rémunération !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …à apaiser les discours maximalistes tenus sur cette question. L’amendement mélange deux sujets : l’amortissement et le prélèvement à la source. Je conclurai en indiquant qu’il coûterait 70 millions.

Mme Christine Pires Beaune. C’est cher !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Nous le voterons, car c’est tout de même un amendement de repli par rapport à celui que j’ai défendu il y a quelques minutes. Mais je voudrais réagir à vos propos, monsieur le secrétaire d’État. Vous avez évoqué les personnes prêtes à accompagner les entreprises concernées, ce qui est très bien ; il n’en demeure pas moins que cet accompagnement aura un coût, supporté par les uns et les autres. Et il y aura de toute façon des dépenses de mise à jour, que ce soit au niveau des logiciels de paye ou d’autres logiciels, parce qu’il faudra procéder à des estimations sur les acomptes étant donné que vous envisagez de les réviser, qu’il s’agisse des activités des travailleurs non salariés, des activités commerciales, artisanales ou industrielles. Cela se traduira en tout cas par la mise en place d’outils nécessaires à l’accompagnement, et donc automatiquement par des dépenses supplémentaires.

(L’amendement n307 n’est pas adopté.)

(L’article 13, amendé, est adopté.)

Mme la présidente. Je vous informe qu’à la demande du Gouvernement, l’article 18 sera examiné cet après-midi par priorité, après l’article 14.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2017.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly