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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2016-2017

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 08 novembre 2016

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

1

Projet de loi de finances pour 2017

Seconde partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2017 (nos 4061, 4125).

Égalité des territoires et logement

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’égalité des territoires et au logement (no 4125, annexe 23 ; no 4127, tome XI ; no 4129, tome I).

La parole est à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Monsieur le président, madame et messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, le budget 2017 du ministère du logement et de l’habitat durable s’inscrit dans une triple logique : il se caractérise par la volonté d’accompagner et d’accélérer la reprise de la construction, de pérenniser le financement du logement social et de favoriser l’accès du plus grand nombre à un logement décent, et enfin de ne laisser personne sur le bord de la route dans le contexte d’une crise migratoire qui, j’y reviendrai, s’est intensifiée.

Au-delà de la volonté, il faut aussi des résultats. À cet égard, il est important de rappeler quelques chiffres. La dynamique de la construction et du logement se confirme. Comme je l’ai expliqué cet après-midi lors de la séance des questions au Gouvernement, le nombre de permis de construire délivrés de juillet à septembre 2016 est en hausse de 6,3 % par rapport à la même période de l’année 2015 ; en l’espace d’un an, 432 300 autorisations auront été délivrées. Au cours du trimestre allant de juillet à septembre 2016, la construction de 82 400 logements a été lancée, ce qui représente une augmentation de 7,4 % par rapport à la même période de l’année précédente. Sur un an, ce sont donc 367 000 logements qui ont été mis en chantier, ce qui représente une progression de plus de 8 % sur les douze derniers mois.

Ces chiffres, extrêmement satisfaisants au regard de l’enjeu que constitue pour notre pays le besoin en logements, sont le résultat de la politique engagée par le Gouvernement. Je citerai entre autres les nouvelles mesures relatives à l’accession à la propriété, notamment la mise en place, depuis janvier 2016, d’un nouveau prêt à taux zéro – PTZ ; la poursuite du dispositif d’investissement locatif, dit « Pinel » ; l’encouragement à la construction de logements sociaux, qui permet d’atteindre les meilleurs chiffres dans ce secteur depuis de nombreuses années ; les prêts de haut de bilan octroyés aux bailleurs sociaux pour les trois prochaines années ; enfin, le soutien à la rénovation énergétique des logements, qui s’amplifie et au sein duquel le programme « Habiter mieux » de l’Agence nationale de l’habitat – l’ANAH – prend évidemment toute sa place pour aider les propriétaires modestes.

La conjoncture économique est favorable et la priorité est donc d’accompagner cette dynamique. Tel est le sens de l’action que je conduis et que porte ce projet de budget 2017 qui, avec un montant total de crédits de paiement de 18,3 milliards d’euros, affiche une relative stabilité budgétaire et fiscale par rapport à 2016. L’augmentation sensible des crédits, de l’ordre de 183 millions, se concentre, vous le savez, sur le programme 177, relatif aux politiques d’hébergement. Je tiens à réaffirmer que cette augmentation de crédits traduit un principe très clair : il n’y a aucune concurrence entre les publics précaires, sans abri, et les migrants. Ma priorité est d’accroître les moyens de l’État en faveur de la veille sociale, de renforcer le parc d’hébergement d’urgence et d’accentuer les efforts pour développer différentes formes de logement adapté permettant aux personnes qui n’ont pu encore recouvrer l’autonomie nécessaire de s’engager dans un parcours vers l’accès au logement. C’est le sens du plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale engagé en 2013, qui est renforcé. Je tiens à rappeler que nous suivons et tenons les engagements qui ont été pris dans le cadre de ce plan.

Conformément à ses principes fondamentaux et à sa tradition d’asile, notre pays s’est par ailleurs mobilisé, vous le savez, pour l’accueil digne de toutes celles et ceux qui s’y arrêtent sur la route de l’exil. Nous avons mené, avec Bernard Cazeneuve, une politique importante d’hébergement accompagné sur l’ensemble du territoire, à travers les centres d’accueil et d’orientation, qui sont financés par les crédits d’hébergement d’urgence ; 5 000 places ont été créées sur le territoire national depuis la fin 2015, avant les ouvertures consécutives au démantèlement de la Lande de Calais et pour lesquelles un abondement de crédits sera nécessaire.

En matière de politique de logement, outre les dispositifs fiscaux prolongés, la contribution de l’État aux aides à la pierre est maintenue à un niveau important, à hauteur de 200 millions d’euros. Leur financement est préservé dans le cadre du nouveau fonds créé à cet effet, le Fonds national des aides à la pierre – FNAP. La contribution des bailleurs est stabilisée à hauteur de son niveau de 2016, soit 270 millions d’euros. Avec les reports mécaniques de crédits, nous atteindrons un niveau d’engagement similaire à celui de cette année, avec environ 500 millions d’euros, ce qui correspond aux besoins de production.

Enfin, concernant les aides au logement, je crois important de revenir sur les évolutions intervenues cette année, qui ont été adoptées en loi de finances l’année dernière. Ces aides au logement ont fait l’objet de mesures d’économie afin d’être mieux ciblées, et notamment de permettre que les mécanismes de solidarité se concentrent là où ils sont les plus utiles.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les députés, la détermination du Gouvernement est intacte pour poursuivre ces chantiers et, évidemment, obtenir encore de meilleurs résultats dans le domaine du logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avec 18 milliards d’euros, la mission « Égalité des territoires et logement » est la quatrième mission la plus importante du budget de l’État. Elle porte l’ambition de répondre à la fois à la crise du logement qui, malheureusement, ne se dément pas – la France souffrant d’une insuffisance chronique de construction de logements –, et à la situation préoccupante en matière d’urgence et de précarité, avec la crise des sans domicile fixe et des réfugiés.

La situation, sur le terrain de la construction, s’améliore. Selon les derniers chiffres publiés par le ministère du logement – vous les avez rappelés, madame la ministre –, les mises en chantier ont progressé, entre juillet et septembre, de plus de 7 % par rapport à la même période un an plus tôt. Les permis de construire accordés ont également augmenté de manière substantielle. Je tiens à redire les bons chiffres dont vous nous avez fait part. Sur la période de douze mois achevée fin septembre, les mises en chantier auront ainsi progressé de 8,1 %, pour s’élever à 367 000, tandis que le nombre de permis de construire s’étoffe et atteint 432 300. Les objectifs en termes de logements sociaux – 137 000 unités construites en 2016 – seront eux-mêmes tenus, et probablement dépassés.

Ces chiffres encourageants ne peuvent cependant nous faire oublier un contexte particulièrement tendu. Près de 900 000 personnes sont aujourd’hui privées de domicile personnel – leur nombre a doublé entre 2001 et 2012 –, dont 141 500 sont sans domicile fixe. 3,5 millions de personnes sont mal logées ou sans logis, et environ 60 000 ménages reconnus prioritaires au titre du droit au logement opposable – DALO – sont en attente de relogement prioritaire et urgent. Les personnes vivant dans des conditions difficiles par manque de confort ou surpeuplement seraient au nombre de 2,9 millions. Entre 2006 et 2013, le nombre de personnes contraintes de loger chez des tiers a augmenté de 20 %, tandis que celui de celles se trouvant en situation de surpeuplement a crû de 17 %. Quant aux personnes contraintes de se priver de chauffage en raison de son coût, leur nombre a augmenté de 44 %. La semaine dernière, nous avons appris que le nombre d’expulsions locatives avait bondi de 24 % entre 2014 et 2015, pour s’établir à 14 363 cas. Cette situation est directement corrélée à la hausse du chômage et de la précarité, à l’accroissement des loyers et à celui de la facture énergétique des ménages.

Face à cette situation, il est nécessaire de prolonger l’effort de construction de logements locatifs sociaux de qualité, mais aussi de réorienter les avantages fiscaux dont bénéficie le logement privé, à l’exemple du dispositif Pinel, vers l’aide à la pierre, aujourd’hui réduite à la portion congrue. L’ensemble de ces dispositifs fiscaux représentent 1,8 milliard d’euros ; l’offre locative ainsi créée ne répond cependant pas aux besoins, que ce soit en termes de surface ou en termes de loyers, toujours trop élevés.

Nous saluons l’engagement du Gouvernement de mobiliser davantage les territoires sur la question de la vacance de logements comme de la vacance commerciale. Si vous avez souligné, madame la ministre, que le nombre potentiel de logements vacants était très différent du chiffre de 2,9 millions avancé par l’INSEE, il reste qu’il a augmenté de près de 45 % en dix ans ! Cette situation est d’autant plus dommageable qu’elle favorise une pénurie artificielle de logements locatifs qui alimente la bulle immobilière dans certains secteurs, la hausse des loyers et la crise du logement. Il convient de s’y attaquer.

S’agissant du programme 177, qui vise à renforcer l’action en matière d’hébergement d’urgence, au-delà même de la question des migrants, nous nous félicitons bien entendu de l’augmentation des crédits comme de la volonté affirmée de prolonger la création de places pérennes sur tout le territoire. Nous partageons la volonté qui est la vôtre d’en terminer avec la politique de fermeture massive d’hébergements au 1er mars, qui a eu pour effet une rupture totale dans la prise en charge sociale, source de dégâts énormes. Il est symbolique que l’État et la mairie de Paris aient tenu bon sur le centre d’accueil du XVIe arrondissement, aujourd’hui si vilipendé par les plus aisés.

Je finirai en évoquant la question qui fâche, celle des aides au logement, qui voient augmenter non seulement leur montant par personne, mais également le nombre d’allocataires. Sous l’effet de la paupérisation des ménages modestes, le coût de ces aides a crû de 1,3 milliard en cinq ans. Mais faut-il faire payer cette hausse aux ménages ? C’est visiblement l’option qui a été privilégiée, avec la mise en œuvre des dispositifs relatifs aux loyers, mais surtout du dispositif concernant le patrimoine, plus récent dans sa mise en pratique, qui vient raboter les aides au logement via la prise en compte du patrimoine dans le calcul de l’aide au logement, dès 30 000 euros. Nous persistons à considérer comme parfaitement indécent que la résidence secondaire – le plus souvent héritée, et pas nécessairement sur un territoire très riche – , le livret A, le livret d’épargne populaire, et même les indemnités de licenciement, entrent dans le champ de la mesure. Que l’indemnité perçue par un salarié en cas de licenciement puisse mener à une réduction, voire à une suppression de l’allocation logement n’est pas acceptable. Il eût été judicieux de revenir sur cette grave injustice. Au bénéfice de cette dernière observation majeure, nous ne voterons pas les crédits de cette mission.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, la situation dans le secteur de la construction et de l’immobilier s’améliore nettement. Je ne reprendrai pas les chiffres qui ont déjà été cités, mais je voudrais redire que le groupe socialiste, écologiste et républicain partage notamment l’analyse du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques en ce qui concerne tant les raisons de l’embellie actuelle que ce qu’il a appelé, en commission élargie, la « vitrification » préalable du marché.

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. C’est vrai !

Mme Audrey Linkenheld. C’est en tout cas dans un contexte favorable que nous examinons ce soir, en séance publique, la mission « Égalité des territoires et logement » du dernier projet de loi de finances du quinquennat. Le montant alloué à cette mission s’établit, on le sait, aux alentours de 18 milliards d’euros, ce qui marque – et c’est heureux – une stabilité par rapport à l’an dernier.

Je ne m’étendrai pas sur le programme 177 dédié à l’hébergement, qui connaît une très nette augmentation. Je veux simplement, en tant que députée des Hauts-de-France, saluer à nouveau l’action du Gouvernement en la matière et, en son sein, tout particulièrement la vôtre, madame la ministre.

Le programme 109, consacré aux aides personnelles au logement – les APL –, pèse, quant à lui, toujours extrêmement lourd, en raison du niveau des besoins sociaux, et ce malgré la mini-réforme engagée l’an dernier à la suite des travaux du groupe de travail parlementaire présidé par notre collègue François Pupponi, auquel j’ai participé. Le groupe socialiste, écologiste et républicain considère qu’il faut assumer cette réforme des APL, tout en étant ouvert aux évolutions qui se révéleraient nécessaires en fonction des remontées du terrain.

J’en viens maintenant au programme 135. S’il connaît il est vrai une légère baisse, les priorités en matière de construction, d’urbanisme et d’aménagement sont néanmoins financées. La prolongation du dispositif Duflot-Pinel et le succès du nouveau PTZ sont de bonnes nouvelles, de même que la consolidation de la TVA à taux réduit. À cet égard, je veux souligner l’intérêt du groupe socialiste, écologiste et républicain pour un amendement que j’ai défendu en commission élargie, qui vise à faciliter l’accès à la propriété des profils dits atypiques. À l’heure où les formes d’emploi à durée déterminée ou non salarié se développent, une telle expérimentation nous semble utile.

La rénovation énergétique des logements est, quant à elle, confrontée à des enjeux majeurs de financement. D’une part, il convient de veiller à ce que le crédit d’impôt, parce qu’il mobilise des sommes extrêmement importantes, cible bel et bien les populations qui en ont le plus besoin et les plus hautes performances énergétiques possibles. D’autre part, il faut fixer au bon niveau le budget de l’ANAH, pour passer de l’objectif de 50 000 logements rénovés en 2015 à celui de 100 000 en 2017. Face à cette ambition et aux ressources extrêmement volatiles issues des quotas carbone, vous avez, madame la ministre, annoncé en commission élargie des ressources complémentaires. Elles sont évidemment les bienvenues, mais il reste indispensable de renforcer le budget de l’ANAH.

S’agissant cette fois des aides à la construction, des aides à la pierre, le groupe socialiste, écologiste et républicain se félicite de l’installation du Fonds national des aides à la pierre, le FNAP, et de sa composition, mais il regrette que la parité de son financement prévue à l’origine ne soit pas tout à fait assurée dans ce budget.

Nous sommes plusieurs ici à avoir défendu en commission élargie un amendement qui visait à rétablir cette parité, et nous sommes favorables à celui que notre rapporteur pour avis a déposé en séance. Les aides à la pierre décidées par l’État doivent en effet rester à un niveau significatif pour rendre opérante la nécessaire régulation des territoires et la solidarité nationale. Nous souhaiterions que le Gouvernement envoie un message un peu plus fort en ce domaine, tout en saluant le recentrage des financements sur les territoires les plus tendus. Selon les prévisions pour 2017, 39 % des logements locatifs sociaux financés à l’aide d’un prêt locatif à usage social – PLUS – ou d’un prêt locatif aidé d’intégration – PLAI – seront en effet en zone A, contre 29 % seulement en 2014. C’est une évolution positive, car il ne suffit pas de construire plus : il importe surtout de construire là où on en a le plus besoin.

Avant de conclure, vous me permettrez un dernier mot pour me réjouir, à la suite de la présentation il y a quelques jours du rapport d’application des titres III et IV de la loi ALUR, que soient prévus dans ce budget des investissements qui permettront une application encore meilleure de ce texte. Je pense aux systèmes d’information, au système national d’enregistrement, au géoportail de l’urbanisme et à tous les outils pédagogiques qui permettront de mieux promouvoir les documents d’urbanisme modernisés prévus par cette loi.

En résumé, ce budget pour l’année 2017 nous convient dans ses grandes lignes, à quelques ajustements près. Il alloue les moyens nécessaires à l’application des textes que nous avons votés depuis 2012 – loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, loi ALUR, ou encore loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Il permet surtout, malgré la nécessaire maîtrise des finances publiques, de soutenir une politique active au service du logement abordable et durable. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste, écologiste et républicain votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe Les Républicains.

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la mission budgétaire « Égalité des territoires et logement », qui a pour objectif de soutenir la politique de l’État en faveur de la construction et de l’accès de tous au logement. Il faut rappeler que le financement des aides à la pierre est désormais géré par le Fonds national des aides à la pierre, bien que celui-ci continue de bénéficier d’une subvention pour charges publiques de l’État.

Madame la ministre, ce budget de 18,1 milliards d’euros est stable par rapport à l’année dernière. En cette dernière année de législature, l’examen de cette mission nous permet de faire le bilan de la politique du logement conduite par le Gouvernement depuis 2012. Derrière cette stabilité des chiffres se cache en effet une politique chaotique, menée depuis cinq ans, qui a déstabilisé non seulement le secteur de la construction, très important pour notre économie, mais aussi nos concitoyens.

Bien loin sont les promesses électorales. La gauche au pouvoir devait régler tous les problèmes relatifs au logement. Le constat est bien amer : où sont les 500 000 logements, dont 150 000 logements sociaux, qui devaient être construits chaque année ?

M. Philippe Bies. On y arrive !

M. Guillaume Chevrollier. La réalité est très éloignée des objectifs, même si une évolution a été constatée à la fin du quinquennat. En 2013, le nombre des constructions a accusé une chute brutale, entraînant des pertes d’emplois massives. Les effectifs salariés dans l’industrie et la construction sont en effet en baisse constante : -1,9 % entre 2013 et 2014 ; -1,5 % entre 2014 et 2015 ; -1,1 % entre septembre 2015 et septembre 2016.

M. Philippe Le Ray. Merci Mme Duflot !

M. Guillaume Chevrollier. Puisque vous aimez tant condamner le bilan de ceux qui vous ont précédés, dois-je vous rappeler certains chiffres ? Entre 2007 et 2012, la précédente majorité avait construit 2 millions de logements, dont 600 000 logements sociaux. Espérons que la reprise, depuis fin 2015, des autorisations et des mises en chantiers – dont a parlé Mme la ministre et que le Commissariat général au développement durable a également soulignée – , se poursuive, car le secteur de la construction a trop souffert de votre politique.

François Hollande aura tout fait pendant son quinquennat pour décourager les investisseurs et les acteurs économiques. Pas moins de trois lois pour le logement et la construction ont été adoptées depuis 2012 : la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, la loi habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction, et la loi ALUR. Cette dernière a cristallisé les critiques. Les bonnes intentions du départ ont donné lieu à de nombreux effets pervers, que nous avions dénoncés lors de l’examen du projet de loi : un texte volumineux, un catalogue à la Prévert, un nouveau choc de complexification.

M. Philippe Le Ray. On a vu le résultat !

M. Guillaume Chevrollier. Il contenait certes des mesures bienvenues, notamment celles renforçant la lutte contre l’habitat indigne, qui est une nécessité. Néanmoins, les nombreux effets pervers que nous avions soulignés se sont produits : découragement de nombreux propriétaires et investisseurs, bouleversement du modèle économique de la profession de l’immobilier, manque d’efficacité dans la résolution de la crise du logement. Pour les Français, comme pour les professionnels, cette loi est le prototype de la loi qui entraîne lourdeurs administratives et complexités : le contraire de ce que nous demandent nos concitoyens.

Certes, le Gouvernement a tenté à plusieurs reprises de corriger le tir, notamment avec la loi relative à la simplification de la vie des entreprises du 20 décembre 2014, la loi Macron d’août 2015 ou encore le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, en cours d’examen au Parlement. Mais cela ne suffit pas à rattraper toutes les erreurs faites depuis 2012, car dans le domaine du logement comme dans d’autres domaines, cette instabilité fait des dégâts, décourage les investisseurs et crée un climat de défiance.

M. Gilles Lurton. Très bien !

M. Guillaume Chevrollier. Les propriétaires ne se sentent pas encouragés à louer, loin de là. Outre le matraquage fiscal qu’ils subissent, il y a désormais un déséquilibre dans la relation entre locataire et propriétaire.

M. Philippe Le Ray. Très bien !

M. Guillaume Chevrollier. D’ailleurs, l’accession à la propriété n’est pas la priorité de ce gouvernement. Vous avez un problème idéologique avec la propriété, que vous associez au patrimoine, notion que vous avez du mal à assumer. C’est là une grande différence entre la gauche et la droite. Nous, nous pensons qu’être propriétaire, posséder son logement, est important. Les chiffres montrent bien l’effet de votre politique. Alors que les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas, le nombre des propriétaires immobiliers n’a pas augmenté. Il est le même en 2015 qu’en 2010. Nous, nous souhaitons une France de propriétaires. Mais vous, qui n’aimez pas les propriétaires, voilà que vous vous attaquez également aux locataires.

M. Philippe Bies. C’est une caricature !

M. Philippe Le Ray. Il a raison !

M. Guillaume Chevrollier. Je veux parler de la réforme des APL. Là encore, vous semez l’inquiétude parmi nos concitoyens. Il est désormais prévu qu’en plus des revenus, le patrimoine des bénéficiaires dépassant 30 000 euros soit pris en compte dans le calcul de l’APL. Nous rejoignons là l’aversion envers le patrimoine déjà évoquée.

Pourtant, dans notre société, il est important de se constituer un patrimoine, des économies, un bas de laine, dans un contexte de hausse du chômage et de la dépendance. J’aimerais donc, madame la ministre, que vous nous précisiez les conséquences de cette mesure. Combien d’allocataires seront exclus du dispositif avec l’application de la réforme ? Quelles sont les économies réalisées par l’État avec cette mesure ? Permettez-moi de douter qu’entre les économies réalisées et l’anxiété que vous provoquez, le jeu en vaille la chandelle !

En tant que député de la ruralité, je voudrais également, madame la ministre, appeler votre attention sur un phénomène inquiétant : l’abandon d’habitations dans les centre-bourgs, dont l’effet pervers est la désertification des centres-bourgs.

Enfin, je me dois quand même de souligner quelques mesures allant dans le bon sens, comme les ordonnances prises pour accélérer les projets de construction et diminuer l’impact des recours abusifs. Nous soutenons également la proposition de loi du Sénat portant accélération des procédures et stabilisation du droit de l’urbanisme, de la construction et de l’aménagement.

En conclusion, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le budget qui nous est présenté, stable par rapport à l’an passé, peut laisser un sentiment partagé. Il est vrai que les chiffres récents montrent une réelle reprise de la construction de logements dans notre pays, même si l’objectif naguère affiché de 500 000 logements neufs demeure inatteignable, parce qu’il n’est tout simplement pas réaliste.

Cette tendance, évidemment positive, tient à de nombreuses raisons : certaines sont extérieures à l’action du Gouvernement, tels les taux d’intérêt historiquement bas ; d’autres sont liées aux nouvelles orientations du Gouvernement, avec un effet de rattrapage après des années de resserrement de la construction et le maintien de dispositifs vertueux tels que les mesures Pinel et le prêt à taux zéro, qui ont permis de rétablir une confiance minée par les débats autour de la loi ALUR.

Sur l’ensemble du quinquennat, le constat en matière de logement est donc celui d’un départ assez désastreux, corrigé, en partie seulement, en fin de mandat. Il est dommage d’avoir perdu plus de deux ans pour mettre l’accent sur l’offre insuffisante de logements. Nous tenons en effet à le rappeler : la hausse considérable des prix, tant pour l’accession à la propriété que pour la location, est en premier lieu liée à l’insuffisance de l’offre, et c’est sur cela qu’aurait dû se concentrer dès le début l’action du Gouvernement.

En matière de rénovation de logements, où le Gouvernement affichait également l’objectif aussi ambitieux qu’inatteignable de 500 000 rénovations par an selon les nouvelles normes énergétiques, force est de constater un décalage persistant entre l’objectif et la réalité. Selon la dernière enquête de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – l’ADEME –, 288 000 logements ont été rénovés en 2014, ce qui n’est pas négligeable. Encore faut-il prendre ces chiffres avec précaution, tant il est difficile de déterminer si une rénovation répond véritablement aux objectifs d’économies d’énergies.

À cet égard, le groupe UDI s’inquiète des ressources affectées à l’ANAH, qui ne semblent pas pérennes. Si les recettes tirées de la cession des quotas carbones constituent un mécanisme innovant et intéressant, il demeure en effet insuffisant. Le prix de la tonne de carbone demeure trop bas pour assurer une recette stable et suffisante à l’agence, et il conviendrait peut-être d’affecter d’autres ressources. Cette année, comme en 2016, Action Logement doit encore doubler sa contribution à l’ANAH : 100 millions d’euros, contre 50 millions en 2015.

Pour autant, nous saluons le choix du Gouvernement de proroger des outils utiles, tels le crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, et le prêt éco-PTZ – même si ce dernier mériterait d’être simplifié –, qui pourront désormais être cumulés sans conditions. Autre point sur lequel nous sommes partiellement satisfaits : la mise en œuvre du Fonds national des aides à la pierre. Son objectif, la sécurisation des ressources pour le financement des opérations de développement et d’amélioration du parc de logements locatifs sociaux, est bien entendu louable. Toutefois, il est dommage que la programmation du FNAP pour 2017 ne soit pas encore finalisée : il aurait été bienvenu de faire coïncider la présentation de celle-ci avec l’examen du budget.

Enfin, notre critique la plus sévère porte sur la partie « patrimoine » de la réforme des APL adoptée l’an dernier et actuellement mise en œuvre. Le dispositif prévu par décret revient à considérer que les livrets d’épargne populaire ont un rendement théorique, fictif, de 3 % par an. Certes, madame la ministre, vous avez rappelé en commission élargie que les méthodes de calcul retenues étaient calquées sur celles existantes pour calculer les droits au RSA. Cette réponse n’est cependant pas satisfaisante : doit-on reprendre une méthode de calcul quand bien même celle-ci devient absurde ? En l’espèce, le taux fictif dépasse très largement le taux réel du livret A. Nous estimons qu’il faudrait retirer purement et simplement les livrets d’épargne populaire de la prise en compte du patrimoine pour le calcul des APL. J’ajoute que l’on pourrait s’interroger sur le concept même de revenus fictifs, qui témoigne certes d’une capacité d’imagination propre à notre pays, mais ne peut être pertinent dans tous les domaines – sûrement pas, en tout cas, dans le cas présent.

Enfin, nous tenons à saluer l’augmentation des crédits consacrés à l’hébergement d’urgence. C’est un geste important, dans un contexte international très difficile et alors que la France se doit d’être solidaire de ses voisins européens en matière d’accueil des réfugiés.

En conclusion, si le Gouvernement a su opérer un changement de cap louable dans sa politique du logement, de nombreuses questions demeurent posées à l’ensemble des acteurs de la construction, tant sur les perspectives que sur les contraintes, notamment réglementaires, qui continuent de peser très lourdement sur leurs activités. Pour ces raisons, le groupe UDI s’abstiendra sur ce budget.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Dominique Orliac. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, chers collègues, la mission « Égalité des territoires et logement », qui nous réunit ce soir dans cet hémicycle, revêt une importance particulière, d’abord en termes budgétaires, puisqu’elle représente plus de 18 milliards d’euros – c’est la quatrième mission la plus importante du budget de l’État –, mais surtout en termes symboliques et en termes de politique publique, car cette mission correspond au périmètre du ministère et constitue le support des plans de relance de la construction et du logement, ainsi que des places pour l’hébergement des personnes en situation de fragilité.

Comme il s’agit du dernier budget de la législature, il est aussi temps de faire un bilan et, à ce propos, il faut saluer des avancées majeures, comme la création du Fonds national des aides à la pierre à l’initiative de Sylvia Pinel. Mme la ministre nous a présenté, lors des débats en commission, les modalités d’application de ces réformes : elles avancent bien et nous nous en félicitons.

Nous nous réjouissons également de l’évolution du secteur de la construction. Depuis plus de deux ans, les chiffres sont très bons. Cette année, les mises en chantier de logements neufs sont en hausse de 7,4 % sur un an et les permis de construire pour des logements neufs ont bondi de 17,3 %.

Si les chiffres sont bons, c’est notamment parce qu’ils correspondent à une production de logements à des prix abordables dans des quartiers en tension. Le logement obéit à une logique de long terme : il faut compter deux à trois ans pour voir les bénéfices des mesures prises. Il faudrait donc une mauvaise foi certaine pour ne pas reconnaître que les efforts du Gouvernement et de cette majorité portent leurs fruits.

Enfin, je voudrais exprimer notre joie devant la réussite, en termes de logement, de la gestion de la crise des réfugiés. Des milliers de personnes ne dorment pas dans des conditions indécentes ou dans la rue, grâce à une action volontariste et efficace, qui n’est pas menée au détriment des autres personnes en situation de fragilité – les personnes considérées comme sans abri.

M. Joël Giraud. Très bien.

Mme Dominique Orliac. Comme je l’ai déjà souligné l’année dernière et en commission la semaine dernière, je veux répéter avec force que, contrairement à une idée reçue, il n’existe aucune concurrence entre les personnes sans abri et les migrants. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Les unes et les autres bénéficient de plans gouvernementaux différents, dont la conséquence est une expansion du parc de logements financés sur le programme 177, et non une réduction du nombre des places. Les unes et les autres font donc l’objet de procédures et d’un accompagnement spécifiques : ce sont les logements sociaux vacants, les bâtiments publics et privés vacants ou inutilisés depuis de longues années qui sont mobilisés. Nous développons ainsi des solutions d’accompagnement adaptées.

L’accueil des réfugiés constitue non pas un risque, mais une opportunité pour repenser le programme, au moins sur deux plans : le plan organisationnel et le plan budgétaire. Nous ne nions pas que l’accueil des réfugiés constitue un défi. Mais nous devons dénoncer le discours odieux, le discours mensonger, le discours populiste qui fait l’amalgame entre clandestins et réfugiés et qui joue sur les peurs, à l’heure où nous devons relever le plus grand défi humanitaire depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

Les députés du groupe RRDP considèrent qu’il relève de notre devoir et de notre responsabilité collective d’offrir des conditions de vie dignes à ces hommes et à ces femmes jetés par la guerre sur les chemins de l’exil. Ce sont des femmes, des hommes et des enfants qui, fuyant au péril de leur vie, ont tous droit au respect de leur dignité humaine. La France ne doit pas trahir ses valeurs, celles de la République et des droits de l’homme.

Au-delà de ces félicitations adressées au Gouvernement, je veux aussi profiter de cette tribune pour rendre hommage aux associations, à celles qui œuvrent dans le secteur du logement comme à toutes les autres qui se sont fortement mobilisées pour subvenir aux besoins élémentaires des réfugiés : je pense en particulier aux associations regroupant les professions médicales et paramédicales.

Nous devons également remercier toutes les Françaises et tous les Français, anonymes ou pas, ainsi que les nombreux élus, de toutes les familles politiques, qui ont fait la preuve d’une profonde générosité : ils sont l’honneur de la France.

M. Joël Giraud. Très bien !

Mme Dominique Orliac. À l’inverse, je suis sincèrement désolée et parfois indignée par certains élus de la droite et de l’extrême droite qui tiennent un discours de rejet et cherchent à nourrir le sentiment d’insécurité.

M. Jean-Claude Buisine. Très bien.

Mme Dominique Orliac. Chacun d’entre nous a dans sa famille ou parmi ses proches une personne qui a des origines étrangères. La région Occitanie, par exemple, a été et reste une terre d’accueil des peuples au gré des drames de l’histoire – guerres civiles, guerres mondiales : qu’on le veuille ou non, la France est une terre d’asile.

Plus globalement, les députés du groupe RRDP saluent la stabilité budgétaire et fiscale du logement dans ce PLF. Nous sommes en phase avec les grandes priorités retenues et nous nous satisfaisons qu’elles soient financées, qu’il s’agisse de la relance de la construction, du soutien à l’accession à la propriété, du développement de l’offre d’hébergement, du PTZ, qui fonctionne mieux qu’auparavant, de la prorogation du crédit d’impôt pour la transition énergétique ou des effets bénéfiques de la TVA à taux réduit.

Ce budget pour l’année 2017 nous convient, car il alloue les crédits là où ils sont nécessaires et utiles et il contribue à renforcer une politique volontariste au service du logement abordable et durable. Dans ces conditions, notre groupe le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Nous en arrivons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.

La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gabriel Serville. Madame la ministre, je souhaiterais revenir sur la baisse des crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » alloués à la Guyane. Ce choix me surprend compte tenu du contexte extrêmement fragile dans lequel se trouve actuellement ce territoire de la République. En effet, la lecture du programme 135 du document de politique transversale Outre-mer fourni par Bercy me laisse perplexe, alors même que, de l’aveu de votre collègue de la rue Oudinot, les crédits alloués à la construction de logements en Guyane ne suffiront absolument pas à répondre aux demandes recensées. Je l’ai dit il y a dix jours lors de la séance des questions au Gouvernement, je l’ai répété en commission élargie lors de l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », puis encore en séance publique, lors du vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », d’une part, et de la mission « Politique des territoires », d’autre part. Je le répète encore ce soir devant vous : à une situation exceptionnelle, nous devons répondre par des mesures exceptionnelles.

Qui plus est, madame la ministre, la Guyane a vu arriver sur son territoire l’équivalent de 10 % de sa population légale en l’espace de quelques mois seulement, ce qui représente quelque 25 000 nouvelles personnes à héberger, alors que nous ne sommes déjà pas en capacité de loger dans des conditions décentes des milliers de nos concitoyens. Il s’agit donc pour notre gouvernement de prendre la pleine mesure du drame social et humain qui pourrait se jouer en Guyane si rien n’était fait.

Voilà pourquoi je vous demande de bien vouloir m’éclairer, d’une part, sur l’avancée du projet d’opération d’intérêt national en Guyane et, d’autre part, sur les mesures d’urgence qui seront déployées, notamment par la sanctuarisation d’un volume financier de notre ligne budgétaire unique – LBU –, afin de ne pas aggraver une situation déjà difficile à contrôler.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Monsieur le député, il ne vous aura pas échappé qu’il m’est difficile de vous répondre sur la LBU, puisqu’elle ne dépend pas de mon budget. Néanmoins, même si ces crédits ne relèvent pas de mon ministère, je continue évidemment de regarder attentivement la construction pour l’ensemble de l’outre-mer.

Vous le savez, nous nous sommes engagés à lancer une opération d’intérêt national en Guyane à la suite de plusieurs missions d’évaluation et des annonces faites en 2015. Après la remise d’un rapport, nous avons travaillé à la rédaction du décret de cette opération, qui est actuellement au Conseil d’État : il pourra être signé prochainement. Ce décret s’accompagnera de crédits en provenance de la mission « Outre-mer », ainsi que de la mission « Égalité des territoires et logement », à hauteur de 4 millions d’euros, pris sur le programme 135.

Nous avons également mobilisé des crédits supplémentaires pour augmenter les capacités de l’hébergement d’urgence en Guyane, à la suite notamment d’une forte augmentation du nombre des demandeurs d’asile. Nous n’ignorons pas les difficultés liées à l’examen lui-même des demandes d’asile. Il convient d’offrir à la Guyane les moyens de pouvoir répondre à la question de l’hébergement d’urgence. Voilà pourquoi nous avons poussé à la signature d’une convention entre l’Office français de l’immigration et de l’intégration – OFII – et la Croix-Rouge, en vue d’améliorer l’accueil des demandeurs d’asile en Guyane et de répondre aux enjeux qui y sont liés.

La construction durable est, quant à elle, un enjeu essentiel pour la Guyane, qui est au cœur du programme de l’opération d’intérêt national – OIN. Il convient de valoriser une construction répondant aux modes constructifs locaux. Nous souhaitons évidemment poursuivre ce travail avec vous.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bies, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Philippe Bies. Madame la ministre, je souhaite revenir sur le Fonds national des aides à la pierre – FNAP –, dont la création l’année dernière a fait l’objet de débats importants, parfois longs et houleux. Force est de constater que plusieurs des objectifs que nous avions fixés au FNAP sont remplis : une meilleure transparence en cours, mais dont on peut déjà observer les premiers résultats, une cogestion permettant de mieux coller à la réalité des territoires, ainsi qu’une sécurisation de ce fonds qui évitera les tours de passe-passe auxquels on a quelquefois pu assister lors d’exécutions budgétaires.

Reste aujourd’hui la question de l’alimentation du fonds. Vous l’avez rappelé, madame la ministre, et nous aurons l’occasion de revenir sur cette question en examinant l’amendement de M. Goldberg : si la contribution des bailleurs, qui est liée aux cotisations de la Caisse de garantie du logement locatif social – CGLLS – est aujourd’hui stabilisée – c’est une réalité –, l’engagement d’une participation paritaire des bailleurs et de l’État, pris indirectement par le Président de la République, et par votre prédécesseur, n’est pas tenu. C’est donc une mauvaise action commise à l’encontre des bailleurs qui, eux, ont tenu leurs engagements. Ils ont en effet mis en place la mutualisation, qui est un système vertueux puisqu’il permet de faire transiter les fonds propres vers les bailleurs les plus investisseurs, aux dépens des autres.

Madame la ministre, au-delà de l’adoption éventuelle de l’amendement présenté par M. Goldberg, quelles garanties pouvez-vous donner à la représentation nationale que cet engagement qui n’est toujours pas tenu pourra l’être à l’avenir ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Monsieur le député, vous l’avez souligné, le Parlement a décidé l’année dernière de créer le Fonds national des aides à la pierre, ce dont je me réjouis. Je tiens toutefois à rappeler que la création de ce fonds induit de nombreux changements. De plus, le fonctionnement de ce nouveau dispositif n’a que quelques semaines, puisque l’État, les collectivités locales et les bailleurs sociaux, dans une transparence inédite, discutent pour la première fois de la programmation, de l’application et de l’effectivité des aides à la pierre. Chacun doit donc s’habituer à cette nouvelle façon de travailler qu’est la gestion paritaire, qui, me semble-t-il, ne concerne qu’un petit nombre des actions de l’État.

Cette création a été voulue par l’État en lien avec les bailleurs sociaux pour renforcer son effort en direction des aides à la pierre. Un orateur a réclamé un signe important de l’État en la matière : celui-ci l’a donné notamment par la création de ce fonds, sa gestion paritaire et en posant une règle simple : les crédits, d’une année sur l’autre, restent au Fonds national des aides à la pierre, ce qui est une garantie pour l’avenir.

S’agissant de la stricte parité, en matière de financement du FNAP, entre l’État et les bailleurs sociaux, je tiens à rappeler que l’engagement qu’a pris alors l’État, représenté l’année dernière par mon prédécesseur, Mme Pinel, était de fournir un effort suffisant qui permette d’avoir une répartition équilibrée des contributions.

M. Philippe Bies. Nous avons les mêmes phrases.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Moi aussi, j’ai relu les débats. Oui, nous avons lu les mêmes phrases. La volonté est là.

Nous voulons par ailleurs continuer de renforcer l’aide au logement social grâce aux prêts de haut de bilan et à d’autres mesures. Telle est la politique qui nous a conduits au résultat actuel : 140 000 logements sociaux cette année, c’est un chiffre qui doit faire honneur à la mobilisation de chacun !

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Madame la ministre, nous avons pu, tout d’abord dans la loi travail, ensuite dans l’acte II de la loi montagne, améliorer considérablement la situation des travailleurs saisonniers et des pluriactifs. Le volet logement prévoit notamment qu’une commune reconnue touristique doit, dans les deux ans qui suivent la promulgation de la loi, conclure une convention pour le logement des saisonniers sous peine de perdre sa dénomination de commune touristique, ce qui est socialement juste.

Si le texte prévoit aussi des dispositions sur la sous-location des logements sociaux vacants au profit des saisonniers, toutefois, il n’a pas régularisé une situation innovante et vertueuse que pratiquent plusieurs stations, comme Les Deux Alpes en Isère ou la communauté de communes de Chamonix en Haute-Savoie, à savoir un dispositif d’intermédiation locative en faveur du logement des travailleurs saisonniers, qui a de plus l’avantage de remettre sur le marché des lits froids.

Ce dispositif à Chamonix repose sur des agences immobilières à vocation sociale – AIVS –, titulaires d’un mandat de gestion avec les propriétaires : ces AIVS disposent d’une carte professionnelle d’agent immobilier, ce qu’impose la loi Hoguet dans la mesure où les centres communaux d’action sociale – CCAS – ne peuvent disposer d’une telle carte. L’utilisation d’une AIVS est toutefois complexe et, de plus, il n’en existe pas partout sur le territoire.

La loi Hoguet et ses décrets d’application imposent que les personnes effectuant ne serait-ce qu’un état des lieux entrant et sortant soient ou salariés d’une agence immobilière ou agents commerciaux, et disposent d’une formation assez lourde. Il apparaîtrait utile, s’agissant d’une mission sociale, de pouvoir habiliter les agents publics à réaliser des missions relevant de la loi Hoguet restreintes et précisées par décret et d’ajuster aux missions réalisées les exigences de formation continue et d’aptitude professionnelle applicables dans ce cadre spécifique.

Le passage au Sénat de l’acte II de la loi montagne peut en être le support, à moins qu’il n’existe une solution réglementaire. Le préfet de Haute-Savoie vous avait adressé des projets d’amendement, qui n’ont malheureusement pas été transmis au rapporteur du texte.

Je vous remercie, madame la ministre, d’aider ces élus dont le seul objectif est d’éviter, à la veille de la saison hivernale, les drames de décès, causés par le mal logement, que nous connaissons chaque année dans les stations – drames de l’incendie ou de l’asphyxie dans des camions aux systèmes de chauffage bricolés.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Vous m’interrogez, monsieur le député, sur la situation des travailleurs saisonniers : c’est une question importante. C’est pourquoi nous avons proposé, dans le cadre du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, des solutions supplémentaires pour le logement de ces travailleurs. Nous le savons très bien, mais il faut quand même le rappeler : sans travailleurs saisonniers, pas de tourisme, et pas de retombées économiques ! Un dispositif nouveau est donc prévu dans le cadre du projet de loi : il s’agit de signer des conventions pour développer des logements adaptés aux saisonniers.

Je comprends tout à fait la difficulté que vous soulevez concernant l’application de la loi Hoguet aux personnes qui travaillent dans les AIVS. Le dispositif que vous avez proposé vise en effet à remédier à ce manque de logements de façon efficace.

Concrètement, comment devons-nous procéder ? Nous pouvons, dans la suite du débat parlementaire au Sénat, essayer de trouver des évolutions législatives. Nous pouvons aussi œuvrer au niveau réglementaire. Pour ne rien vous cacher, nous sommes en train d’expertiser votre question, car nous voulons vous répondre le plus précisément possible. En tout cas, il est certain que nous devons examiner comment avancer sur ce point, comment amplifier ces actions qui fonctionnent bien.

Je ne vous cache pas, par ailleurs, que nous cherchons aussi à expérimenter d’autres opérations de logement des saisonniers, que ce soit dans les territoires de montagne ou sur le littoral, dans le logement social ou en hôtellerie. Nous devons trouver des dispositifs moins rigides afin de mieux loger ces personnes, le plus près possible de leur lieu de travail – car il ne s’agit pas de les envoyer à 80 kilomètres de là !

M. Joël Giraud. Très bien.

M. le président. Nous avons terminé les questions.

Mission « Égalité des territoires et logement » (état B)

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement », inscrits à l’état B.

Sur ces crédits, je suis saisi d’un amendement n150 rectifié. La parole est à Mme Chantal Guittet, pour le soutenir.

Mme Chantal Guittet. Cet amendement vise à revenir sur la réforme des aides personnelles au logement, opérée par l’article 140 de la loi de finances pour 2016, et qui pénalise des milliers de locataires comptant parmi les plus modestes de notre pays. Nous souhaitons que ses effets soient annulés, afin que les plus modestes retrouvent leur allocation logement.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Cet amendement n’a plus vraiment d’objet, car il accompagnait une série d’autres amendements ayant été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. Ces derniers portaient sur les aides au logement à proprement parler, tandis que l’amendement n150 rectifié en tire les conséquences sur le plan budgétaire. Je vous suggère donc de le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Ma position est évidemment la même que celle de M. le rapporteur. J’en profite pour vous répondre, madame la députée, à propos des mesures d’économie sur les aides personnelles au logement. Les deux principales sont la dégressivité des APL pour les loyers très élevés, et la réforme des modalités de prise en compte du patrimoine. Je rappelle, au passage, qu’une troisième mesure d’économie adoptée par le Parlement l’an dernier ne suscite pas de discussion : il s’agit de la suppression des APL pour les étudiants dont les parents sont assujettis à l’ISF.

Concernant la dégressivité des aides selon le loyer, nous avons demandé à l’ensemble des caisses d’allocations familiales, les CAF, d’examiner tous les cas de contestation afin de savoir si les niveaux de dégressivité que nous avions fixés sont les bons. Nous avons déjà travaillé sur cette mesure avec les parlementaires qui nous avaient alertés quant au niveau des loyers concernés, car ils estimaient que le niveau de départ fixé par le décret était trop bas.

Voici les derniers éléments que j’ai obtenus depuis que nous avons examiné les crédits de cette mission en commission élargie : 666 dérogations ont été accordées sur un total de 1 590 réclamations – je rappelle qu’il y a 6,5 millions d’allocataires. Ces dérogations concernent majoritairement des bénéficiaires du RSA, car ce sont souvent ces personnes qui ont des problèmes avec des loyers trop élevés. Un autre cas se présente : celui de parents d’enfants en résidence alternée qui n’ont pas la garde principale de leur enfant et doivent s’acquitter de loyers très élevés.

Enfin, la Caisse nationale des allocations familiales – la CNAF – elle-même a pris 146 dérogations, sur un total de 198 réclamations, concernant essentiellement des allocataires du RSA de plus de quatre-vingt-dix ans. Manifestement, ces personnes ne déménageront pas ; la mesure ne leur a donc pas été appliquée.

Concernant la prise en compte du patrimoine, je rappelle que cette mesure est entrée en vigueur le 11 octobre dernier pour les nouveaux entrants : dans le cadre de leur demande d’APL, ceux-ci doivent déclarer s’ils ont un patrimoine. Ce patrimoine est ensuite pris en compte dans le calcul de l’APL. Un examen sera fait sur les stocks des allocataires actuels pour que ces aides soient dégressives.

Une personne qui a 30 000 euros de patrimoine ne se verra donc pas supprimer son APL, non plus qu’une personne handicapée ou une personne âgée en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD. Aucune de ces personnes n’est concernée : nous allons le rappeler dans la loi de finances rectificative.

Enfin, le taux moyen d’encours du livret A est plutôt de 4 000 euros, notamment chez nos allocataires. J’ai lu que 650 000 bénéficiaires pourraient être concernés ; cela vient d’une estimation de la CNAF : elle a estimé que par rapport au profil de patrimoine de l’ensemble des Français, 10 % des bénéficiaires des APL pourraient être concernés.

Comme je l’ai dit en commission, nous avons besoin d’examiner l’effectivité de la mesure. Vous me répondrez peut-être que les économies attendues ne se produiront pas dans les faits si le nombre de bénéficiaires touchés n’est pas si élevé que cela ! Cette mesure n’en reste pas moins importante. J’ai lu il y a deux jours une étude de l’INSEE sur la persistance de très fortes inégalités liées au patrimoine ; or on ne peut s’attaquer à la rente sans prendre en compte les patrimoines, les niveaux de richesse.

J’assume donc totalement cette réforme des APL : je préfère des mesures d’économie ciblées sur certains allocataires, plutôt que des mesures d’économie portant sur l’ensemble des bénéficiaires, qui auraient de fait un impact massif sur ceux qui ont les revenus les plus faibles. Je préfère défendre cette allocation qui – je tiens à le dire pour répondre à une intervention entendue tout à l’heure – n’est pas un revenu. Par cet amendement, vous ciblez certaines de nos mesures d’économie, alors même que plusieurs éminentes personnalités politiques demandent tout simplement de supprimer les APL afin de réaliser une économie de plus de 16 milliards d’euros !

M. Philippe Bies. Tout à fait ! Ce sont des responsables de droite qui le proposent !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Il me semble donc que nous devons défendre cette allocation redistributive qui aide les ménages qui ont du mal à se loger correctement.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je vous remercie, madame la ministre, pour votre réponse. Vous me pardonnerez de vous dire, cependant, qu’elle ne me semble pas tout à fait complète. Soyons clairs : je ne suis pas choqué qu’au-delà d’un certain niveau de patrimoine, les APL soient supprimées. J’irai même plus loin : certains jeunes bénéficient des APL, tout en étant rattachés au foyer fiscal de leurs parents. Ces derniers bénéficient ainsi d’une demi-part fiscale ; ils ont le beurre et l’argent du beurre ! Je pense que nous devrions envisager de trancher ce cas également, car nul ne devrait être bénéficiaire des deux côtés à la fois. Sur ce point, il n’y a donc pas d’ambiguïté.

Une chose me choque plus profondément – qui concerne, il est vrai, plus particulièrement le ministère des finances. Le livret A ne rapporte pas 3 % ; c’est pourtant ce que présuppose le ministère des finances, lorsqu’il envisage de prendre en compte un revenu fictif de 3 % pour les capitaux au-delà de 30 000 euros de placement sur les livrets d’épargne réglementée. C’est pourtant le même ministère qui a fixé le taux réel du livret A à 0,75 %.

Ces 3 % sont ensuite intégrés dans les revenus pris en compte pour le calcul de l’APL. Ce genre d’exercice témoigne d’une certaine virtuosité, mais il me semble très difficile à défendre – sauf comme preuve par l’absurde.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Madame la ministre, la réforme des APL visait à tenir compte du patrimoine, des revenus du patrimoine – en somme, de la totalité des revenus des ménages. L’article 140 de la loi de finances pour l’année 2016 a fixé un cadre ; les détails étaient renvoyés à un décret, qui a été publié. Le problème qui se pose tient à l’assiette qui a été retenue par ce décret.

Vous avez parlé de mesures d’économie ; j’aurais préféré vous entendre parler de mesures de justice sociale, car les mesures visant à tenir compte de l’ISF, d’un certain nombre de revenus, sont avant tout des mesures de justice sociale. Il ne faut pas faire d’amalgame !

Je vous ai entendu dire, également, que des dérogations peuvent être accordées sur la base de réclamations individuelles. C’est la moindre des choses – excusez du peu ! – mais ce n’est pas suffisant : il s’agit là de personnes habitant en logement social et n’ayant pas les moyens et les connaissances nécessaires pour accéder au droit – même s’il est vrai que des associations les aident.

Je pense donc qu’une évaluation serait nécessaire. Pour ma part, je considère que l’assiette que vous avez retenue dans le cadre du décret est trop large, notamment parce qu’elle retient les livrets d’épargne réglementée et défiscalisée dont les rendements sont faibles. Ces livrets auraient mérité d’en être exclus. Certes, il y a un seuil de 30 000 euros, mais là n’est pas la question : il ne faut pas prendre en compte les livrets d’épargne populaire défiscalisés. Nous aurions dû nous montrer plus justes.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Nous avons longuement débattu de ces questions l’année dernière.

M. Jean-Luc Laurent. J’y étais ! Et j’ai voté pour le principe de cette réforme !

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. Je sais bien que vous étiez présent, monsieur Laurent : nous sommes tombés d’accord sur un certain nombre de points l’an dernier. Certains de nos collègues critiquent aujourd’hui ces mesures d’économie, qu’ils avaient défendues l’an dernier tant le coût des APL pour les finances publiques est lourd.

Ce coût est difficilement soutenable, à terme, pour les finances publiques. Au cours des cinq années de cette législature, il aura augmenté de plus d’un milliard d’euros !

M. Michel Piron. Cela ne répond pas à ma question !

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. Ce n’est pas de la faute des allocataires, bien entendu ; c’est plutôt dû au fait que la pauvreté s’est sans doute accrue dans notre pays. Les revenus de ceux qui bénéficient de ces allocations se sont ainsi amoindris.

Quatre mesures ont été envisagées pour que la hausse du coût des APL pour les finances publiques soit la plus mesurée possible. La première a depuis été abandonnée : elle concernait les moins de vingt-cinq ans. Nous avions été un certain nombre, à l’époque, à alerter le Gouvernement sur ce point ; je me félicite donc que ce dispositif n’ait pas été mis en place. La deuxième, liée à ce que l’on appelle l’arrondissement à l’euro inférieur, a été mise en place ; comme son nom l’indique, elle ne bouleverse pas l’équilibre financier des ménages allocataires.

La troisième concerne les loyers excessifs. Nous étions un certain nombre de parlementaires, siégeant surtout sur les bancs de la gauche, à dire que les hypothèses envisagées par le Gouvernement pour la fixation de ces loyers étaient trop basses. Je me félicite que le décret du 5 juillet dernier fixe ce niveau à 1 000 euros environ pour une personne seule sans ressources à Paris.

La quatrième, enfin, concerne la prise en compte du patrimoine. J’ai dit l’an dernier, et je considère toujours, que 30 000 euros de patrimoine peuvent produire des revenus très variables selon les ménages. Certes, je suis d’accord avec vous, madame la ministre, les inégalités de patrimoine sont importantes dans ce pays. Mais prenons le cas d’une personne ayant de très faibles revenus, et possédant par ailleurs 30 000 euros de patrimoine sous la forme d’une part d’une maison de province en indivision, qui n’est pas louée et qu’elle n’est pas en mesure de racheter. La diminution des APL n’aura pas les mêmes répercussions sur cette personne que sur une personne disposant de la même somme en numéraire !

Je conclus, monsieur le président, pour dire que l’amendement présenté par notre collègue Chantal Guittet pose un double problème. Premièrement, il ne reviendrait pas sur les dispositifs qu’elle a critiqués. Deuxièmement, prendre 385 millions d’euros dans le programme 337 affecterait immanquablement les crédits de personnel du ministère.

M. le président. Merci de conclure.

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. La conséquence en serait qu’il n’y aurait plus de fonctionnaires au ministère du logement !

M. Jean-Luc Laurent. J’avais déposé un amendement, mais il a été déclaré irrecevable !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial. Je tiens à confirmer les propos de Daniel Goldberg et à appeler votre attention sur les conséquences de cet amendement, qui vise à prendre 385 millions d’euros sur le programme « Conduite et pilotage des politiques du logement et de l’habitat durable », autrement dit les emplois, pour les affecter au programme « Aide à l’accès au logement ».

Cet amendement ne supprime pas le dispositif des aides au logement, car les amendements qui y étaient liés ont été déclarés irrecevables. Je vous demande donc instamment de ne pas le voter, car vous allez créer des difficultés sans répondre aux questions que vous vous posez.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Daniel Goldberg et Christophe Caresche viennent de rappeler les conséquences de l’adoption d’un tel amendement. Nous ne sommes pas – du moins de ce côté-ci de l’hémicycle – favorables à la suppression de postes de fonctionnaires – certains nous en promettent bien trop.

Quoi que l’on pense de la réforme des APL, de la manière dont on a décidé de faire des économies et des allocataires sur qui on a décidé de les faire porter, on ne peut pas dire, madame Guittet, que cette réforme pénalise les locataires les plus modestes. À un moment donné, il faut choisir les termes que l’on emploie ! Nous parlions à l’instant du patrimoine et de l’étude de l’INSEE à laquelle Mme la ministre a fait référence : les 10 % des ménages les moins riches dans notre pays ont moins de 4 300 euros de patrimoine. Avec le plafond de 30 000 euros, et même en tenant compte des réflexions de M. Piron sur le calcul du taux d’intérêt – 3 % ou 0,75 –, nous sommes bien au-delà. Là, nous parlons bien de moins de 4 300 euros. Nous sommes très loin des 30 000 euros, et nous ne pénalisons pas les locataires les plus modestes !

Nous ne parlons pas non plus, cher collègue Laurent, du logement social. Ceux qui sont touchés par la réforme des APL sont d’abord les occupants du parc privé. C’est la raison pour laquelle, à côté de la mesure « patrimoine », a été mise en œuvre la mesure « loyer excessif ». On ne peut pas en même temps être favorable à la loi ALUR et à l’encadrement des loyers, qui a été unanimement voté de ce côté de l’hémicycle, et être déçu qu’on prenne des mesures contre les loyers excessifs.

Si nous souhaitons que l’APL soit dégressive, c’est parce que nous ne voulons plus qu’elle vienne compenser les loyers pratiqués par les propriétaires. Nous ne voulons plus que les locataires se mettent au service des propriétaires. Tels sont les arguments dont nous avons débattu l’année dernière et qui nous ont conduits à réaliser cette réforme peut-être imparfaite, mais équitable de mon point de vue.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. S’agissant des APL, je rappelle que deux tiers des bénéficiaires sont dans le parc privé et un tiers dans le logement social. La question de fond est de savoir comment faire baisser le niveau des loyers dans le parc privé pour avoir moins d’APL à payer. Cela ne signifie pas non plus que cela se passe très bien dans le logement social. Je rappelle que les APL sont destinées aux personnes qui vivent aussi bien dans le parc social que dans le parc privé.

Concernant la mesure « patrimoine », la loi, puis le décret, prévoient que le patrimoine est pris en compte lorsqu’il est supérieur à 30 000 euros hors du patrimoine figurant dans le revenu fiscal de référence. Il ne s’agit évidemment pas d’avoir un double compte.

J’en viens au principe des 3 %. Cela ne signifie pas que ce patrimoine rapporte 3 %. Nous avons repris le mode de calcul appliqué pour le RSA. Quant aux 3 %, il s’agit d’une valorisation du patrimoine pour calculer s’il y aura ou non dégressivité de l’APL.

Vous pouvez penser que le Gouvernement ne sait pas calculer et connaît mal le taux de rendement des livrets d’épargne populaire… Nous savons tout de même que celui-ci n’est pas de 3 %. Si tel était le cas, nos débats budgétaires seraient d’une autre nature !

L’encours moyen du livret A, je le rappelle, est bien de 4 000 euros, et son plafond légal s’élève à 22 950 euros. Nous avons fait des simulations. Je sais qu’un certain nombre d’allocataires qui ont de très faibles revenus possèdent un patrimoine parce qu’ils en ont hérité. Prenons toutefois l’exemple d’un ménage avec deux enfants en zone 2, avec 15 000 euros de ressources annuelles pour un loyer hors charges de 600 euros et un patrimoine à 125 000 euros, constitué de 20 000 euros de capitaux financiers, 25 000 euros sur un livret A et 80 000 euros de patrimoine bâti, situation tout à fait plausible. Ce ménage qui touchait 248 euros d’APL en touchera demain 226.

Les personnes qui verront leurs APL supprimées ont souvent plus de 100 000 euros de patrimoine. Or le patrimoine est source d’inégalités. Cela ne signifie pas que les gens qui ont 30 000 euros de patrimoine sont riches, mais qu’il y a une différence avec ceux qui ont moins de 4 000 euros de patrimoine ou qui n’ont rien. Il est parfois difficile, quand on est propriétaire, de ne pas pouvoir vendre son bien parce que celui-ci est en indivision. Beaucoup de logements sont du reste vacants pour cette raison. Il n’empêche que ces personnes possèdent tout de même un patrimoine. Mais il est vrai qu’il faudra s’attaquer au problème de l’indivision, notamment pour régler le problème de la vacance des logements.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Je retire l’amendement.

(L’amendement n150 rectifié est retiré.)

(Les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » sont adoptés.)

M. le président. J’appelle maintenant les amendements portant articles additionnels après l’article 55 rattachés à la mission « Égalité des territoires et logement ».

Après l’article 55

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n404 portant article additionnel après l’article 55.

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. Il s’agit de faire en sorte que les bonnes fées qui ont présidé à la création du FNAP – Fonds national des aides à la pierre – le 1er juillet de cette année soient en mesure de réguler les contributions des uns et des autres, afin que celles-ci soient prévisibles d’une année sur l’autre, en tout cas dans leurs proportions respectives.

Comme une partie de la contribution au FNAP a été discutée en première partie du projet de loi de finances, à l’article 17,  les règles de discussion en vigueur dans notre assemblée ne nous permettaient pas d’en discuter dans le cadre de la deuxième partie. J’ai donc déposé cet amendement n404. Il vise à faire en sorte que les ressources du FNAP respectent le principe d’un financement paritaire entre l’État et les bailleurs sociaux à compter de 2018. Je rappelle que lors du congrès de l’Union sociale pour l’habitat qui s’est tenu à Montpellier en septembre 2015, Sylvia Pinel et le Président de la République ont annoncé la création de ce fonds dont l’objectif est de sécuriser les aides à la pierre. L’argent déposé demeurera affecté à ce fonds.

Le Président de la République a indiqué que l’État contribuerait directement, avec 250 millions d’euros de crédits de paiement, à la constitution du FNAP, pour atteindre 500 millions d’euros si les bailleurs sociaux accompagnaient le processus.

Aussi, je vous propose d’adopter cet amendement qui prévoit une contribution paritaire à compter de l’année 2018.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Si l’on veut défendre le logement social, il faut s’en donner les moyens. Je comprends donc parfaitement la raison d’être de votre amendement, monsieur le député. Je comprends aussi que vous insistez sur l’engagement de l’État dans la construction de logements sociaux. J’y suis évidemment favorable, car cette dynamique est absolument nécessaire.

Il est toutefois troublant de constater que dans un autre hémicycle, on veut à tout prix supprimer la loi SRU. Pourtant, nous sommes ici en train de démontrer que l’on produit ces logements sociaux, y compris dans des communes carencées où la demande est forte.

Néanmoins, et même si je vais susciter une déception, je ne peux accepter votre amendement en l’état et préempter les débats de 2018. Cela étant, vous êtes dans votre rôle en manifestant une telle exigence auprès de l’État. Il faut maintenir la cogestion dont j’ai parlé à propos du FNAP et garantir la transparence au niveau des crédits de paiement et des autorisations d’engagement. C’est ainsi que nous réussirons à réaliser nos 150 000 logements sociaux. Cette année, nous en sommes à 140 000, mais si la dynamique se maintient l’année prochaine, nous serons tout à fait en mesure d’en réaliser 150 000. On constate en tout cas dans beaucoup de territoires, notamment des communes carencées, des évolutions massives grâce aux contrats de mixité sociale. Mais il faut que les aides à la pierre suivent.

Cela dit, vous comprendrez que je ne peux que vous suggérer de retirer votre amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Madame la ministre, demain se tiendra le conseil d’administration du FNAP. Deux ministres, votre prédécesseur et le ministre du budget, avaient annoncé que ce fonds serait abondé paritairement, à égalité : le mouvement HLM d’une part et l’État d’autre part. Vous savez le rôle social que les aides à la pierre doivent jouer. Je connais un grand mouvement qui vous a fait des propositions, à vous, madame la ministre, à vos prédécesseurs, au ministre du budget. On semble voir des gens indifférents, qui s’amusent comme s’ils jouaient aux dominos avec les fonds issus des loyers qui abondent la Caisse de garantie du logement locatif social.

Je considère que le modèle français du logement locatif social, tout le monde semble être d’accord, a donné des résultats probants. Vous avez même annoncé cet après-midi des niveaux de production inégalés. Cela signifie que chacun a joué le jeu.

Si je prends la parole à cet instant, après la discussion sur les aides à la pierre pour les plus fragiles, les moins pauvres, c’est qu’il existe une solution simple : faire un immobilier avec de puissantes aides à la pierre. Les loyers seront réduits d’autant, puisqu’il n’y aura presque plus rien à amortir si les fonds propres des HLM jouent leur rôle et si les prêts de la Caisse des dépôts et consignations viennent abonder le reste.

Il faut toiletter le modèle, assigner des priorités. Bientôt, 2 milliards d’euros seront distribués à des loueurs – on ne peut pas les appeler bailleurs – de nuitées. Madame la ministre, des études ont été réalisées, des propositions formulées ; la seule réponse qui est apportée aujourd’hui, c’est que les maires ne veulent pas.

Des bâtiments dédiés, à une certaine époque et avec des aides de l’État, à de l’immobilier de tourisme sont aujourd’hui exploités par nuitées et sont désormais, non pas des logements, mais des centaines de chambres louées à des gens qui ne passent certainement pas leur temps au pôle Nord ! Si je dis tout cela, c’est parce que nous avons souhaité…

M. le président. Monsieur Dumont, veuillez conclure, je vous prie.

M. Jean-Louis Dumont. Je vais conclure, monsieur le président. J’ai pris la responsabilité de dire – peut-être d’ailleurs mes propos me seront-ils reprochés demain – qu’il faut mettre ces dossiers sur la table.

M. le président. Merci, monsieur Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Donnons à l’accueil et aux nuitées un logement digne et à des prix abordables, pour un logement durable.

M. le président. Monsieur Dumont, votre temps de parole était de deux minutes, et vous avez parlé quatre minutes...

La parole est à M. Christophe Caresche, rapporteur spécial.

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial. Je ne voudrais pas interrompre M. Dumont dans sa plaidoirie. (Sourires.)

Tout d’abord, on ne peut pas dire que l’État n’ait pas fait, durant les cinq dernières années, un effort important en faveur du logement social. Assistant depuis cinq ans à l’examen de toutes les lois de finances, je vois tout ce qui a été fait sur différents modes. Il serait donc injuste de dire que les gouvernements qui se sont succédé n’ont pas fait ce qu’ils devaient faire sur ce plan. Avec du reste 140 000 logements construits – ce qui est, me semble-t-il, proche d’un record historique –, les résultats sont significatifs. On les doit notamment, comme M. Dumont l’a très justement souligné, à la mobilisation exceptionnelle du mouvement HLM. Tout le monde a fait des efforts. Ces efforts paient et nous devons nous en réjouir.



Mme la ministre a rappelé que notre droit comporte un principe d’annualisation budgétaire. Or, il ne vous aura pas échappé que cet amendement porte sur l’année 2018. Vous comprenez bien qu’il n’est pas facile pour le Gouvernement de s’engager à cet horizon. Le problème est donc là. Si l’Assemblée nationale décide d’aller dans cette direction, cette disposition sera inscrite dans la loi, mais il nous faut rester conscients que c’est dans la loi de finances pour 2018 que le budget du FNAP et la participation de l’État à celui-ci seront fixés, et non pas dans la loi de finances pour 2017. C’est la seule question. J’émets donc un avis de sagesse.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bies.

M. Philippe Bies. Cet amendement n’a pas pour objet de remettre en cause la politique mise en œuvre depuis 2012, qui est cohérente et s’est traduite par l’adoption de lois qui montrent aujourd’hui progressivement leur efficacité par des résultats en termes de production de logements, sociaux ou non. Il s’agit seulement de graver dans le marbre – ce qui n’a pas été fait jusqu’à présent – un engagement de l’État.

La personne de la ministre n’est évidemment pas en cause, car elle fait preuve à notre endroit d’une grande qualité d’écoute et nous apporte des réponses. Il s’agit cependant de faire en sorte que cet engagement de l’État, réitéré par le Président de la République le 24 septembre 2015 au congrès de l’Union sociale pour l’habitat – USH – à Montpellier, soit tenu. Nous aurions préféré, monsieur le rapporteur, qu’il soit tenu en 2017, mais ce n’est pas possible. Nous proposons donc dès maintenant de préempter l’année 2018 et de fixer le cadre afin d’indiquer cette direction.

M. le président. Monsieur Goldberg, maintenez-vous votre amendement ?

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n404 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour soutenir l’amendement n352.

Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement tend à instaurer une expérimentation en matière d’accession à la propriété. Aujourd’hui, les prêts existants – prêts à taux zéro – PTZ – et prêts d’accession sociale à la propriété – sont garantis en dernier ressort par l’État, par l’intermédiaire du dispositif du Fonds de garantie pour l’accession sociale – FGAS. Selon ce dispositif, l’État assume les pertes éventuelles à parité avec l’établissement prêteur pour les prêts émis depuis le 1er janvier 2007.

Il s’agirait d’expérimenter une garantie, non pas à parité, c’est-à-dire à 50 %, mais à 80 %, compte tenu du fait que certains accédants à la propriété disposent de revenus et de capacités de remboursement suffisants pour accéder à la propriété, mais pas des autres garanties que les établissements prêteurs leur demandent, à savoir le contrat à durée indéterminée ou l’emploi salarié. Il s’agit donc, au moyen de cette garantie supplémentaire, et de manière expérimentale, de faciliter l’accès à la propriété pour ces profils dits « atypiques » – c’est du moins ainsi que les a définis un rapport des professionnels du logement publié le 16 octobre dernier. Ils ne sont cependant pas si atypiques, car aujourd’hui une grande partie des entrants sur le marché du travail ne bénéficient pas d’un CDI, mais d’un CDD. D’où l’intérêt de cette expérimentation proposée, d’une durée de trois ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial. Cet amendement tout à fait intéressant explore une voie qui permettrait d’étendre les capacités d’achat de ménages qui n’y ont aujourd’hui pas accès. Sa rédaction permet cependant d’étendre l’allégement des engagements des établissements prêteurs à tous les prêts qui seront distribués, sans distinguer les situations individuelles. Cela va donc bien au-delà des besoins, sans garantir que ce dispositif favorisera réellement l’accès des profils atypiques à l’emprunt, car il n’assortit l’allégement d’aucune obligation pour les établissements financiers.

Pour parler clairement, il n’est pas certain que cet amendement permettra d’atteindre l’objectif que vous désignez. Par ailleurs, il risquerait de créer une sorte d’effet d’aubaine pour les établissements financiers, car il n’est pas assez ciblé. À ce stade, donc, si intéressante que soit la démarche – Mme la ministre s’exprimera certainement à ce propos –, je vous propose de retravailler cet amendement pour définir un ciblage et atteindre l’objectif que vous recherchez.

M. Jean-Louis Dumont. L’État a déjà pris 100 millions d’euros au Fonds !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Madame la députée, vous posez une question très importante, qui rejoint notre volonté de favoriser l’accession à la propriété pour les ménages les plus modestes. Vous proposez de relever à 80 % le taux garanti par l’État dans un système qui suppose que les établissements de crédit jouent le jeu. On ne peut pas ignorer le fait que, si l’État augmente sa garantie, les établissements de crédit pourront aussi être beaucoup moins vigilants sur l’octroi des prêts ou le suivi du remboursement – je passe sur le fait que cette mesure a également un coût budgétaire pour l’État.

Surtout, ce n’est peut-être pas de cette manière que nous parviendrons à répondre aux questions que vous vous posez. Les difficultés que vous soulevez sont de deux ordres. Il s’agit tout d’abord de l’utilisation de l’APL accession, dont un débat très important qui a eu lieu ici voilà deux ans a permis de montrer l’importance pour l’accession de ces ménages à la propriété – je ne parle même pas des nouvelles mesures en faveur de l’accession à la propriété mises en place depuis deux ans, qui permettent d’améliorer la situation. On sait bien qu’aujourd’hui, la difficulté de la garantie n’est pas liée à la sinistralité dans ce domaine, mais plutôt aux plafonds de ressources des différents dispositifs de crédit.

Par ailleurs, si l’on doit agir sur ces publics pour améliorer leur accession à la propriété, peut-être faudrait-il surtout se demander comment rendre plus stables les dossiers des personnes qui ne sont pas titulaires d’un contrat à durée indéterminée ou qui connaissent une intermittence de travail, alors même qu’elles disposent de revenus permettant l’accession. Nous proposerions plutôt de mener avec vous une réflexion globale sur les moyens de favoriser l’accession de ces personnes à la propriété, notamment sur le prêt accession Action Logement, qui a été augmenté et qui concerne une grande partie de ces salariés, même s’ils ne sont pas toujours en CDI, afin de trouver un dispositif plus ciblé.

Je demande donc le retrait de cet amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Je répondrai au rapporteur et à la ministre. Monsieur le rapporteur, j’entends vos arguments, mais qui peut le plus peut le moins : l’amendement ne vise pas à ce que l’État accorde systématiquement sa garantie à 80 % pour ces prêts, mais il y est prévu qu’il puisse l’autoriser, ce qui signifie donc qu’il peut aussi ne pas l’autoriser s’il considère que, dans certaines situations, les conditions requises ne sont pas remplies. L’amendement vise donc à ouvrir la possibilité d’une expérimentation pour trois ans, à charge pour l’État de cadrer les choses, au besoin par voie réglementaire ou par voie de conventions avec le FGAS, pour dire dans quelles conditions il veut ou ne veut pas autoriser une garantie à 80 % pour ces profils atypiques.

C’est la raison pour laquelle l’amendement ne décrit pas en détail ces profils. Sa rédaction permet cependant de répondre aux inquiétudes que vous avez soulevées et que je peux parfaitement entendre. Aujourd’hui, le FGAS ne coûte pas très cher à l’État. Je rappelle qu’en 2015, le coût de la garantie de l’État pour les prêts existants était de 16 millions d’euros, pour un encours de garantie de 53 milliards d’euros.

M. Jean-Louis Dumont. Exactement !

Mme Audrey Linkenheld. Le risque est donc relativement limité – 16 millions d’euros sont finalement très peu au regard de tous les chiffres qui viennent d’être évoqués, comme les 18 milliards des APL ou les centaines de millions d’euros des aides à la pierre. Cela vaut donc la peine de tenter cette expérience.

Madame la ministre, vous nous appelez à une réflexion et je suis d’accord pour réfléchir, mais cet amendement est précisément la conclusion d’une réflexion déjà menée par un groupe de travail dans lequel siègent tous les professionnels du logement qui s’intéressent d’une manière ou d’une autre à l’accession à la propriété. Ce sont bien eux qui, au terme de ces travaux, ont proposé que nous expérimentions cette garantie à 80 %, qui leur semblait être le meilleur moyen à expérimenter pour faciliter l’accession des profils atypiques à la propriété. S’ils avaient pensé que d’autres dispositifs étaient possibles, du moins dans le cadre de la loi de finances, ils l’auraient sans doute dit. J’ai pour ma part tendance à faire confiance à ceux qui travaillent sur le sujet. C’est la raison pour laquelle je maintiendrai cet amendement.

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

(L’amendement n352 n’est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Élection de deux juges suppléants à la Cour de justice de la République ;

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2017 : examen des crédits de la mission « Travail et emploi ».

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quinze.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly