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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2016-2017

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 28 novembre 2016

SOMMAIRE

Présidence de M. David Habib

1. Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017

Présentation

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Michèle Delaunay, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Philip Cordery, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Annie Le Houerou, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Arnaud Viala, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales

Motion de rejet préalable

M. Jean-Pierre Door

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

M. Arnaud Viala

M. Arnaud Richard

M. Michel Issindou

Discussion générale

M. Arnaud Richard

M. Gilles Lurton

Mme Dominique Orliac

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Bernadette Laclais

Mme Joëlle Huillier

Mme Marion Maréchal-Le Pen

M. Michel Issindou

M. Denys Robiliard

M. Dominique Tian

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

Deuxième partie

Article 3

Amendements nos 139 , 104

Article 4

Amendement no 3

Article 5

Amendement no 4

Vote sur l’ensemble de la deuxième partie

Troisième partie

Article 6

M. Gilles Lurton

Amendements nos 5 , 209 (sous-amendement) , 212 (sous-amendement) , 208 (sous-amendement) , 213 (sous-amendement)

Article 6 bis

Amendement no 6

Article 6 ter

Amendements nos 7 , 176 rectifié

Article 7 bis

Article 7 ter

M. Ibrahim Aboubacar

Amendement no 8

Article 8

Amendement no 9

Article 8 bis

Article 8 ter

Amendements nos 250 rectifié , 10

Article 8 quater

Amendement no 11

Article 8 quinquies

Amendement no 12

Article 8 sexies

M. Arnaud Richard

Amendement no 13

Article 9

M. Arnaud Richard

Amendements nos 106 , 107 , 14, 15, 16, 17, 19, 20 , 108 , 21, 22, 23

Article 9 bis

Article 10

M. Gilles Lurton

M. Dominique Tian

Amendements nos 124 , 161 , 229 , 247 rectifié (sous-amendement) , 244, 239, 243, 237, 238, 240 (sous-amendements)

Article 10 bis

Amendement no 18

Article 11

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017

Nouvelle lecture

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 (nos 4239, 4253).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs, nous nous retrouvons pour débattre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 : après l’échec de la commission mixte paritaire, vous êtes appelés à vous prononcer en nouvelle lecture sur le texte tel qu’il a été adopté par le Sénat.

Certaines mesures ont été votées conformes par les sénateurs, et je tiens à m’en réjouir. Je pense notamment à l’extension de la retraite progressive ou à la hausse de la fiscalité sur le tabac à rouler. Mais plusieurs dispositions majeures qui figuraient dans le texte que vous avez adopté en première lecture ont été supprimées et d’autres ont été ajoutées.

Le résultat, comme chaque année, est riche d’enseignements. Au fond, la majorité sénatoriale a marqué trois grandes orientations : le refus de mesures de progrès social, la frilosité face à des réformes structurelles et l’irresponsabilité budgétaire. Je souhaite donc que cette nouvelle lecture nous permette de rétablir la cohérence initiale du projet de loi.

La cohérence en matière de progrès social, d’abord, a été mise à mal par la majorité sénatoriale.

Le Sénat a adopté un amendement, classique, si j’ose dire, visant à revenir sur la généralisation du tiers payant. Je rappelle que cette mesure, adoptée dans la loi de modernisation de notre système de santé, a déjà commencé à se mettre en place et que 15 millions de Français peuvent en bénéficier, en particulier les patients souffrant d’une affection de longue durée et les femmes enceintes.

La généralisation progressive du tiers payant se passe bien. Contrairement au spectre de bureaucratisation agité au cours des débats, le tiers payant s’affirme, sur le terrain, pour ce qu’il est : une mesure simple et efficace, pour les médecins comme pour les patients.

Le choix sénatorial traduit la menace qui pèse sur la protection sociale des Français, bien au-delà de cette mesure.

Le candidat désigné de l’opposition pour la prochaine élection présidentielle propose ainsi que les Français qui ne souffrent pas d’une affection de longue durée ou d’une maladie grave ne soient plus remboursés par la Sécurité sociale.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Vieille lune !

Mme Marisol Touraine, ministre. Voici ce qu’il est indiqué dans son programme : « je propose de focaliser l’assurance publique universelle » – jusqu’à présent on ne connaissait que la Sécurité sociale ou l’assurance maladie obligatoire, on parle désormais d’assurance publique universelle – « sur les affections graves ou de longue durée, et l’assurance privée sur le reste ». Il s’agit ni plus ni moins d’une privatisation du système de santé !

Outre le retour en arrière par rapport aux valeurs de notre pays, cette privatisation représenterait évidemment un surcoût massif pour les familles, notamment pour les personnes âgées et les familles avec des enfants. Ces familles doivent savoir que le cycle des angines et gastros hivernales, les vaccinations, le traitement des caries chez le dentiste, les consultations régulières chez l’ophtalmologue ou, pour les femmes, chez le gynécologue devront désormais être payés de leur poche.

La droite sénatoriale a voulu soutenir ce sombre présage. Elle a ainsi rayé d’un trait de plume le plan ambitieux pour l’accessibilité des soins dentaires que vous aviez adopté, qui a pour objectif de réduire le coût restant à la charge des patients en proposant de revaloriser des soins conservateurs en échange du plafonnement du coût des prothèses.

Deuxième orientation de ce texte mise à mal par le Sénat : le soutien à l’innovation.

Depuis 2012, c’est l’un des axes majeurs de la politique que je conduis, parce que l’innovation est évidemment une promesse pour l’avenir : pour vivre mieux, pour être mieux soigné, pour guérir même des maladies dont on ne peut guérir aujourd’hui. La France permet l’accès de tous à l’innovation. Pour le conserver, il nous faut inventer de nouvelles manières de prendre en charge l’innovation.

Le texte initial prévoyait ainsi la mise en place de mécanismes de régulation et un financement approprié pour amortir les dépenses d’innovation, en renforçant d’abord la capacité pour l’assurance maladie de négocier les prix en sortie d’autorisation temporaire d’utilisation dans des conditions équilibrées, en créant ensuite un fonds de financement des innovations pour lisser dans le temps l’impact des variations de la dynamique des innovations thérapeutiques.

La majorité sénatoriale a fait le choix de revenir sur ces mécanismes de régulation. Je le regrette.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Nous aussi !

Mme Marisol Touraine, ministre. J’en viens enfin à la troisième orientation dont il s’agira de retrouver la cohérence à l’occasion de cette nouvelle lecture : la responsabilité budgétaire.

L’une des marques de ce premier quinquennat de François Hollande est la fin des déficits sociaux. En quatre ans seulement, nous avons ramené le déficit du régime général de 17,5 milliards d’euros à 3,7 milliards d’euros en 2016. En 2017, pour la première fois depuis 2001, le régime général retrouvera l’équilibre – à peu de choses près et même peut-être même totalement.

Ce résultat est le fruit de réformes résolues, volontaristes, ambitieuses. Réforme des retraites, meilleure prise en compte des revenus des familles pour les prestations familiales, amélioration de la pertinence des actes, maîtrise du coût des médicaments, virage ambulatoire et efficacité de la dépense hospitalière : autant de réformes qui nous ont permis de moderniser la protection sociale pour garantir sa pérennité.

Dans cet hémicycle, l’opposition a eu bien du mal à s’opposer à cette réalité. Entre ceux qui ont nié purement et simplement les chiffres et ceux qui ont reconnu le redressement des comptes tout en s’en arrogeant la paternité, l’incohérence a été au rendez-vous de nos débats.

Le Sénat s’est inscrit dans la même logique, mais, alors que l’opposition ne cesse, au niveau national, de nous donner des leçons de bonne gestion, nous attendions avec beaucoup d’intérêt les propositions de la majorité sénatoriale. Comme toute majorité, elle avait évidemment toute latitude pour nous montrer, à travers ce texte, comment elle entendait redresser les comptes sociaux. las, pas une réforme structurelle, pas une économie nouvelle n’ont été présentées. Plus grave encore, le solde du budget de la Sécurité sociale a été dégradé de plus de 700 millions d’euros en raison des choix que j’évoquais il y a instant, sans compter, par exemple la suppression de la taxe sur la distribution du tabac.

Là encore, je souhaite que l’Assemblée nationale permette à ce PLFSS pour 2017 de retrouver sa cohérence et sa responsabilité financière afin que nous remettions le cap sur l’équilibre des comptes sociaux.

Mesdames, messieurs, le texte que vous examinez aujourd’hui est en quelque sorte le miroir inversé de celui que vous adoptiez il y a quelques semaines. Des mesures de justice sociale ont disparu, les réformes ambitieuses ont été effacées et le déficit a été creusé. À l’image de la politique menée jusqu’en 2012, le Sénat a marqué ce texte de l’empreinte de l’immobilisme et des reculs sociaux. Vous avez donc la responsabilité de rétablir la cohérence assumée de ce projet de loi, qui s’inscrit dans une dynamique de plus de quatre ans, et de revendiquer cette nouvelle donne sociale que nous avons construite ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le Président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, le texte du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 qui vous est soumis pour examen en nouvelle lecture doit nous permettre de tenir compte des échanges que nous avons eus lors de la discussion et au cours de la navette. Il doit aussi assurer la coordination avec les débats sur le projet de loi de finances, ainsi qu’avec le projet de loi de finances rectificative récemment déposé.

Lors du dépôt du projet de loi de finances rectificative pour 2016, le Gouvernement a procédé à un ajustement de la trajectoire macroéconomique pour 2016 et 2017, sur lequel le Haut conseil des finances publiques, le HCFP, a rendu un nouvel avis.

Tenant compte notamment de la croissance du troisième trimestre de 2016, désormais connue, le Gouvernement a revu la prévision de croissance à 1,4 % pour 2016, tout en la maintenant à 1,5 % pour 2017. La cible de déficit public pour 2016 est néanmoins maintenue à 3,3 %, les informations comptables dont nous disposons à ce jour venant compenser le léger effet de la croissance sur les recettes, notamment celles de la TVA. Cette analyse a été confortée par l’avis du HCFP, comme par celui de la Commission européenne publié mi-novembre.

Cet ajustement de la trajectoire a de légères conséquences sur la répartition des recettes fiscales de l’État, dont nous avons tenu compte lors du dépôt du projet de loi de finances rectificative, tout en maintenant notre objectif d’un déficit budgétaire légèrement inférieur à 70 milliards d’euros.

S’agissant du solde de la Sécurité sociale, pour 2016 comme pour 2017, ces ajustements ont une incidence très limitée au total. En effet les recettes de la Sécurité sociale dépendent principalement de l’évolution de la masse salariale, dont les prévisions sont inchangées par rapport à celles que nous avions faites en septembre, pour les deux années.

S’agissant des autres recettes sur les revenus de remplacement ou les recettes fiscales, seule la révision à la baisse de la TVA pour 2016 a un impact, très limité, de 15 millions d’euros.

Les prévisions de dépenses dont l’indexation est liée à l’inflation, quant à elles, ne sont pas modifiées.

Plus généralement, nos résultats et nos prévisions sont incontestables, et aucune manipulation politique ne parviendra à faire naître le doute sur leur fiabilité.

Tout d’abord, la Cour des comptes a certifié les comptes de toutes les branches de la Sécurité sociale pour 2015, comme elle l’avait fait en 2013 et en 2014, ce qui n’était jamais arrivé auparavant.

En outre, la Commission européenne a fait connaître début novembre son appréciation sur la trajectoire française de déficit. Pour 2016, la Commission retient la prévision du Gouvernement, soit 3,3 %. Elle confirme par ailleurs que le déficit passera sous la barre des 3 % en 2017 en dépit d’une légère révision du scénario de croissance.

Par conséquent, j’invite à nouveau ceux qui les emploient à mesurer la gravité des termes injustifiés qu’ils utilisent, lorsqu’ils contestent à mauvais escient nos prévisions financières et nous accusent d’insincérité.

Un peu d’humilité ! Critiquer les résultats alors qu’ils n’ont jamais été aussi bons depuis quinze ans, remettre en cause les prévisions alors qu’elles sont confortées par la Commission européenne et les institutions indépendantes, voilà une posture politique bien excessive. Les résultats du redressement financier sont clairs. Vous ne pouvez pas les contester.

L’examen du texte en nouvelle lecture nous conduit également à tenir compte des conséquences d’un certain nombre de votes et décisions intervenus depuis octobre.

Je pense tout d’abord à l’article 11 bis introduit par votre assemblée en première lecture, qui revalorise de 3 % le plafond d’exonération et le plafond du bénéfice du taux réduit de CSG sur les revenus de remplacement, pour un coût de 280 millions d’euros. Le Gouvernement s’est engagé à compenser cette perte de recettes pour la Sécurité sociale.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est une bonne chose !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative que vous examinerez dans les prochains jours a été prévue la création d’un acompte de contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, en contrepartie, pour ces entreprises, de la mesure très favorable de mise en conformité du droit national sur la taxation des bénéfices distribués, qui crée une perte de recettes pour l’État.

Cet acompte sera versé à la Sécurité sociale, comme l’ensemble de la C3S, mais son effet sera neutralisé sur le solde de la Sécurité sociale, afin de bénéficier in fine au budget de l’État. Au total, compte tenu de cet acompte de C3S, qui représente 400 millions d’euros, et de la perte de recettes de CSG, qui représente 280 millions d’euros, un ajustement de la fraction de TVA affectée à la Sécurité sociale sera réalisée en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour un montant de 120 millions d’euros.

Compte tenu de ces impacts économiques et des modalités de compensation choisies pour les mesures en cours de discussion, il n’est donc pas nécessaire d’ajuster les tableaux d’équilibre du PLFSS pour 2017.

Je profite de cette occasion pour préciser à votre attention que le crédit d’impôt de taxe sur les salaires créé par amendement au projet de loi de finances ne viendra pas réduire les ressources de la Sécurité sociale dans les années à venir et fera l’objet d’une compensation, comme prévu par la loi. Ce crédit d’impôt n’aura pas d’impact en comptabilité nationale avant 2018. Les modalités de cette compensation seront définies dans les prochains textes budgétaires, probablement par ajustement de la fraction de la TVA affectée à la Sécurité sociale.

J’en viens maintenant aux conséquences des débats au Sénat. Le Sénat, comme l’année précédente, a nettement dégradé l’équilibre financier proposé pour 2017.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Hélas !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il a ainsi privé la Sécurité sociale de près de 500 millions d’euros de ressources. Il a, par exemple, supprimé la taxe sur les fournisseurs agréés de tabac, soit 130 millions de pertes, sans qu’on comprenne d’ailleurs ce qui motive ce souci de protéger les fabricants de tabac.

M. Philip Cordery, rapporteur de la commission des affaires sociales. C’est regrettable !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce n’était, en tout cas, pas la volonté de protéger les plus petits fabricants, puisque sa commission des affaires sociales a écarté la solution qui avait été proposée en ce sens.

Pour autant, le Sénat a, comme l’année dernière, refusé d’adopter les tableaux fixant les objectifs de recettes et de dépenses pour 2016 et 2017. C’est une attitude de facilité et complètement irresponsable. Elle n’est certainement pas à porter au crédit de la majorité sénatoriale. Le bilan du débat au Sénat n’est donc guère réjouissant pour la crédibilité des institutions parlementaires.

M. Philip Cordery, rapporteur de la commission des affaires sociales. Tout à fait !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En adoptant un texte dépourvu d’articles de chiffres, le Sénat a fait deux choses. Il a adopté, en toute connaissance de cause, un texte qui n’est pas conforme à la loi organique et qui serait donc censuré par le Conseil constitutionnel. Votre rapporteur pour l’équilibre général et les recettes s’attachera à rétablir un texte conforme aux exigences constitutionnelles et permettant au régime général de se rapprocher de l’équilibre en 2017, comme proposé par le Gouvernement.

Mais cette suppression des articles de chiffres a aussi permis à la majorité sénatoriale d’éviter le débat sur les propositions concrètes qu’elle pourrait faire sur les équilibres financiers de la Sécurité sociale.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est la véritable raison !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous savons que la démarche politique de la majorité sénatoriale a pour objectif de supprimer le tiers payant généralisé, de revenir sur la réforme du congé parental visant à un meilleur équilibre entre les hommes et les femmes et de rejeter le fonds de financement de l’innovation pharmaceutique, pourtant indispensable pour continuer d’assurer l’accès de tous les assurés aux traitements les plus innovants. Mais sur les équilibres financiers, les économies et les hausses ou les baisses de recettes, le Sénat n’a pas voulu éclairer le débat public de sa prétendue sagesse !

En résumé, la discussion au Sénat aura abouti à un texte inconstitutionnel et elle n’aura même pas permis de comparer, face aux Français, les projets des uns et des autres sur les finances sociales. Inconstitutionnalité et opacité, c’est tout le contraire de ce que l’on attend d’un débat parlementaire ; or, cela s’est passé au Sénat !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Hélas !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Votre assemblée avait aussi manifesté sa préoccupation sur certains sujets, que le Gouvernement s’est attaché à prendre en compte. J’ai déjà dit un mot tout à l’heure de la mesure en faveur des retraités et des chômeurs aux revenus modestes. Le Gouvernement a soutenu la démarche des parlementaires. Cela représente un effort de 280 millions d’euros en faveur des personnes aux revenus modestes, et c’est une mesure importante de ce texte.

Je précise, à cet égard, que nous avons levé les incertitudes sur notre capacité technique à mettre en œuvre cette baisse d’impôt au 1er janvier : après expertise – j’étais resté prudent lors de nos échanges –, je peux vous dire que nous serons bien en mesure d’en faire bénéficier les contribuables dès le mois de janvier prochain.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. S’agissant tout d’abord des deux articles du texte portant sur les produits du tabac qui ont amené certains d’entre vous à se préoccuper de la situation des débitants de tabac, vous avez tous eu connaissance de la signature, le 15 novembre dernier, du protocole d’accord entre le Gouvernement et les buralistes pour accompagner et soutenir la modernisation du réseau dans le cadre de la politique de lutte contre la prévalence tabagique – priorité du Gouvernement.

L’accord prévoit un renforcement du ciblage des aides budgétaires, en les réorientant vers les buralistes situés dans des zones rurales, dans les zones urbaines sensibles et frontalières, et une hausse progressive de la rémunération, de 0,6 point dès 2017 puis progressivement jusqu’en 2021 pour atteindre 8 % du prix de vente des tabacs, contre 6,9 % en 2016.

Je m’étais engagé, par ailleurs, à trouver une solution pour les fabricants de produits du tabac implantés en France qui se sont inquiétés des conséquences de l’article 16. Après examen, rencontres et échanges, nous avons constaté que le problème pour les petits fabricants de tabac ne provient pas de la taxe elle-même, puisqu’ils n’y sont pas assujettis. Il provient des relations contractuelles, proches du contrat léonin, entre ces fabricants et le distributeur.

M. Michel Issindou. Voilà l’explication !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les sénateurs socialistes ont donc travaillé à une solution qui avait pour objectif de viser le cœur du problème, qui est cette relation déséquilibrée entre les petits producteurs et le distributeur. Mais cette solution a rencontré l’opposition de la commission des affaires sociales du Sénat, qui a rangé cette proposition parmi les rares amendements qu’elle a déclaré irrecevables. Je crois que des sous-amendements ont été déposés sur cette question. Nous en discuterons donc tout à l’heure.

Dans le domaine de l’économie collaborative, le Sénat a modifié l’article adopté par votre assemblée, en durcissant les critères retenus pour qualifier les activités fréquentes et rémunératrices de mise à disposition de logements meublés. Le Gouvernement soutiendra l’amendement du rapporteur visant à revenir à la version que vous aviez adoptée après un large débat. En outre, il vous proposera deux modifications complémentaires qui tiennent compte des échanges que nous avons eus sur cet article.

Tout d’abord, pour les propriétaires de gîtes qui réalisent parfois un chiffre d’affaires substantiel, sans pour autant dégager des revenus importants, et qui souhaitent conserver un système d’abattement forfaitaire plutôt que de cotiser sur leurs revenus réels, le Gouvernement proposera d’accorder un abattement forfaitaire plus favorable de 87 %, ce qui supprimera quasiment l’effet de seuil en cas de dépassement du plafond de 23 000 euros. Concrètement, cette évolution permettra de trouver une solution pour les quelque 4 000 gîtes ruraux, soit moins de 10 % d’entre eux, qui auraient subi un effet de seuil important en l’état du dispositif.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ensuite, une réponse sera apportée pour simplifier les démarches des personnes qui exercent ces activités professionnelles à titre accessoire. Afin d’éviter qu’elles aient à s’affilier comme auto-entrepreneur, je propose que les personnes qui le souhaitent puissent, sur option, choisir de verser les cotisations liées à cette activité accessoire au régime de Sécurité sociale dont ils dépendent déjà – le régime général dans la plupart des cas.

Mesdames, messieurs les députés, ce quinquennat aura été celui du redressement spectaculaire des comptes de la Sécurité sociale.

M. Philip Cordery, rapporteur. Absolument !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le déficit a été divisé par six – par six ! – depuis 2011 ; la Sécurité sociale se désendette depuis 2015 ; le régime général sera pratiquement à l’équilibre l’année prochaine ; et l’ensemble constitué par le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse reviendra lui aussi à l’équilibre en 2019. Grâce aux efforts de l’ensemble des acteurs du système de santé, notre système de protection sociale est désormais soutenable.

Je le redis : quel qu’il soit, le Gouvernement qui présentera la prochaine loi de financement de la Sécurité sociale sera redevable à l’égard de celui qui l’aura précédé. Redevable, car il pourra travailler sur des bases saines au renforcement de la protection sociale, à la lutte contre la pauvreté et à la modernisation de notre Sécurité sociale, que beaucoup de pays nous envient et qui est une fierté de la France.

J’entends avec stupéfaction et, je dois le dire, avec beaucoup d’inquiétude aussi, des candidats à l’élection présidentielle programmer le démantèlement de notre système de Sécurité sociale. Que gagneraient les Français à la réduction du champ d’intervention de l’assurance maladie aux pathologies les plus graves ? Combien devront-ils débourser pour accéder à une couverture santé décente ? Combien d’entre eux ne pourront pas se permettre de disposer d’une couverture suffisante et devront renoncer à se soigner, à travailler, à vivre normalement ?

Pourquoi imposer un relèvement de l’âge de départ lorsque les retraites sont à l’équilibre et que la durée d’assurance est indexée sur l’espérance de vie ?

M. Michel Issindou. Cela n’a pas de sens !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pourquoi vouloir remettre en cause la prise en compte de la pénibilité au travail, dure réalité si longtemps ignorée ? Qu’ont fait nos concitoyens pour mériter pareil sort, alors que leurs efforts ont permis de revenir à l’équilibre financier ?

M. Philip Cordery, rapporteur. Mais ils le diront !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous ne vous laisserons pas faire, mesdames, messieurs les députés de l’opposition. Nous ne vous laisserons pas faire croire aux Français que notre modèle social prend l’eau, alors qu’il ne s’est jamais aussi bien porté depuis vingt ans. Nous ne vous laisserons pas réduire les droits de nos concitoyens, pas pur esprit idéologique, alors que ces méthodes n’ont jamais prouvé leur efficacité lorsque vous étiez au pouvoir.

Nous ne vous laisserons pas mettre en danger notre système de cohésion sociale, alors que le besoin de solidarité et de couverture des risques sociaux n’a jamais été aussi fort. Nous ferons toute la lumière sur cette campagne de désinformation démagogique que vous menez. C’est avec confiance que nous confronterons nos projets et nos ambitions avec les vôtres. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les recettes et l’équilibre général.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, après un travail intense et constructif, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture un projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017, considérablement modifié, puisque, alors que le texte comptait soixante articles lorsqu’il a été déposé, nous en avons introduit quarante et un. Le Sénat a adopté seulement vingt-huit articles dans les mêmes termes que l’Assemblée. Il a parallèlement adopté vingt articles additionnels, portant ainsi à quatre-vingt-treize le nombre d’articles restant en discussion.

Ces articles se répartissent ainsi : vingt-deux suppressions d’articles adoptés par l’Assemblée, vingt et une modifications de seule forme et cinquante modifications de fond, souvent assorties de précisions rédactionnelles. La commission mixte paritaire qui s’est réunie mardi dernier a logiquement échoué, car, comme l’année dernière, le PLFSS adopté par le Sénat est un texte théorique, qui n’a pas d’existence réelle. Les sénateurs ont en effet rejeté les principaux articles d’équilibre clôturant la troisième partie du texte et conditionnant l’ensemble des recettes et des dépenses pour 2017.

Cet accommodement déraisonnable avec les dispositions organiques a permis au Sénat d’obtenir un texte sans colonne vertébrale, sur lequel se sont développées de nombreuses pustules, si j’ose dire, sous forme d’articles additionnels souvent coûteux, faisant fi de la réalité de nos finances publiques et augurant mal de l’avenir. Plus encore que l’année dernière, cette forme d’irresponsabilité se conjugue curieusement avec un souci de perfection légistique, puisque vingt et un articles sont encore en navette pour de simples motifs rédactionnels, souvent d’une utilité très relative.

En nouvelle lecture, la commission des affaires sociales a donc redonné une réalité à ce PLFSS, en rétablissant les articles d’équilibre supprimés par le Sénat, fixant notamment les objectifs de recettes et de dépenses des régimes obligatoires de base pour 2016. Lors de l’examen des articles, j’aurai l’occasion de détailler chacune des dispositions adoptées par la commission pour la partie du texte dont je suis le rapporteur. À ce stade, je souhaite simplement insister sur quelques mesures importantes dans l’ordre du texte, comme le rétablissement de l’article 8 quater dans la rédaction issue de la première lecture de l’Assemblée.

Le Sénat avait profité de la correction par cet article d’une coquille laissée dans la loi l’année dernière pour revenir sur une mesure de justice que nous avions adoptée à l’initiative de notre collègue Laurent Grandguillaume. Il s’agissait d’assujettir aux prélèvements sociaux dès le premier euro les indemnités de départ forcé excédant cinq fois le plafond annuel de la Sécurité sociale – le PASS. Le Sénat a rétabli le droit en vigueur avant la loi de financement pour 2016, en portant ce seuil à dix fois le PASS. La commission l’a ramené à cinq, et je ne doute pas que l’Assemblée nous suivra.

La commission a rétabli l’article 9, dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée en première lecture, tout en conservant certaines des modifications rédactionnelles introduites par le Sénat lorsqu’elles étaient pertinentes. Cet article a pour objet de réformer le recouvrement des cotisations et contributions sociales dues par les travailleurs indépendants. Je tiens à préciser à mes collègues de l’opposition que le Sénat s’est montré globalement favorable à cet article en rejetant les amendements de suppression pour laisser sa chance à ce nouveau dispositif.

La commission a également rétabli, dans la rédaction de l’Assemblée, l’article 10 qui apporte une première réponse aux questions que pose à notre droit social le développement de ce qu’il est convenu d’appeler l’économie numérique. Il prévoit l’affiliation au régime social des indépendants des personnes dont les revenus issus de la location de biens meubles ou immeubles dépassent un certain seuil permettant de les considérer comme une activité. Le Sénat a fixé un seuil unique, égal à 40 % du PASS, soit environ 16 000 euros. Nous avons proposé de rétablir la distinction opérée en première lecture entre le seuil applicable aux immeubles, de 23 000 euros, et celui applicable aux biens meubles, d’environ 8 000 euros. Dans le débat sur cet article, il faudra notamment évoquer la question particulière des gîtes ruraux, mais M. le ministre vient déjà de nous rassurer à cet égard.

Soucieuse du rétablissement de nos comptes publics et de la protection de la santé de nos concitoyens, la commission a également rétabli l’article 16, qui avait été supprimé par le Sénat. Il met à la charge des fournisseurs de tabac une nouvelle contribution assise sur leur chiffre d’affaires, qui doit produire une recette de 130 millions d’euros, affectée à la lutte contre le tabagisme. Nous évoquerons le cas particulier de certaines petites entreprises, inquiètes par la mise en place de ce dispositif.

À l’article 20 enfin, nous avons rétabli la réorganisation du Fonds de solidarité vieillesse, FSV, souhaitée par le Gouvernement. Le Sénat contestait la suppression de la deuxième section du fonds et le transfert subséquent vers les régimes de base du financement du minimum contributif, MICO. De notre point de vue, le MICO est bien accessoire d’une prestation contributive, et il est logique qu’il soit à l’avenir financé par les régimes et non par le FSV.

En conclusion, je vous invite évidemment à adopter ce PLFSS, après discussion de chacun des articles – PLFSS qui, je le rappelle, divise par six le déficit depuis le début de la législature et permet d’enclencher le mouvement de résorption de la dette publique portée à la fois par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, et par l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale, l’ACOSS. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Michel Issindou. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, s’agissant de l’assurance maladie, quarante-deux articles sont encore en discussion sur un total de cinquante-quatre. Huit d’entre eux ont été introduits par le Sénat. Dix ont été purement et simplement supprimés par ce dernier : outre diverses demandes de rapports, il s’agit de l’article 43 quater, relatif aux négociations avec les chirurgiens-dentistes, de l’article 52 bis, relatif aux négociations conventionnelles portant sur l’imagerie médicale, et des articles 3, 54 et 55 fixant les objectifs de dépenses pour 2016 et 2017. La commission mixte paritaire ayant échoué à rédiger un texte commun, la commission des affaires sociales a rétabli, à mon initiative, plusieurs des articles dans la rédaction adoptée par l’Assemblée en première lecture.

En deuxième partie, la commission a décidé de rétablir le texte de l’article 5 relatif à l’objectif de dépenses pour l’assurance maladie en 2016. En troisième partie, elle a rétabli l’article 18, relatif à la création des clauses de sauvegarde « Lv » et « Lh » et à la prorogation du montant « W », deux dispositifs indispensables pour assurer la stabilité des dépenses de médicaments remboursés par l’assurance maladie. En quatrième partie, la commission a logiquement rétabli les articles 54 et 55, relatifs aux objectifs de dépenses de l’assurance maladie et à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM. La commission a également rétabli l’article 43 quater, qui prévoit un règlement arbitral en cas d’échec des négociations entre l’assurance maladie et les chirurgiens-dentistes. Chacun s’accorde, en effet, sur la nécessité de rééquilibrer le coût des dispositifs prothétiques et des soins conservateurs pour assurer plus d’égalité dans l’accès de tous aux soins dentaires.

La commission a aussi rétabli l’article 52 bis, adopté par l’Assemblée nationale à l’initiative du Gouvernement, qui vise à créer une procédure de négociation relative à la prise en charge des forfaits techniques destinés à couvrir les frais d’investissement et d’exploitation des équipements d’imagerie médicale. Ce nouveau dispositif, qui s’articule avec la négociation conventionnelle, vise à assurer une mise à jour régulière de la tarification de l’activité d’imagerie médicale.

La commission a par ailleurs entendu adopter sans modification onze articles et non des moindres. Je pense notamment à l’article 40 relatif à la souffrance psychique des jeunes âgées de six à vingt-et-un ans, à l’article 42 relatif au fonds pour la démocratie sanitaire, ou encore à l’article 47 bis portant sur le télé-suivi de l’observance.

En revanche, la commission a exprimé son désaccord avec le Sénat en supprimant six articles introduits par celui-ci. Je pense notamment à l’article 42 ter relatif à la suppression du tiers payant généralisé. Il s’agit d’un débat récurrent et notre majorité ne souhaite pas dévier de sa position.

Enfin, la commission a entendu rétablir plusieurs des articles adoptés par l’Assemblée, en particulier l’article 49, qui crée le fonds pour le financement de l’innovation pharmaceutique. C’est également le cas de l’article 48, relatif aux parcours de soins des personnes âgées. Dans une tentative malheureuse de renforcer la coordination entre départements et agences régionales de santé, le dispositif adopté par le Sénat se caractérise par une innovation juridique plutôt boiteuse, ce qui, vous en conviendrez, est un peu désagréable pour une expérimentation censée améliorer la prise en charge des personnes âgées. Il serait anormal d’insérer un dispositif expérimental, par nature transitoire, dans un article codifié, par nature permanent. Au surplus, ce dispositif est introduit sans évaluation ni rapport. Il n’a pas semblé opportun de maintenir les modifications apportées par le Sénat. C’est donc dans l’état ainsi modifié que je vous propose d’adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Michel Issindou. Nous le ferons !

M. le président. La parole est à M. Philip Cordery, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social.

M. Philip Cordery, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cette année encore, l’échec de la commission mixte paritaire acte le profond désaccord entre les deux chambres sur l’ensemble des branches et secteurs de la Sécurité sociale. Ce désaccord est particulièrement regrettable pour les crédits du secteur médico-social, rassemblés au sein de l’ONDAM et supprimés sans proposition alternative ; il est également source d’inquiétude lorsqu’on entend certaines propositions de l’opposition émises lors de récents débats. Avec une augmentation de 590 millions d’euros à périmètre constant, ces crédits permettront de financer les mesures nouvelles, avec en premier lieu la création de places supplémentaires pour personnes âgées dépendantes et handicapées.

Je souligne une nouvelle fois, pour ma part, la détermination de notre majorité à améliorer l’accompagnement et la prise en charge des publics les plus fragiles. La croissance continue de l’objectif global des dépenses depuis 2012, la mise en application de la loi d’adaptation de la société au vieillissement et la poursuite du troisième plan autisme sont autant d’illustrations de notre engagement sans faille en direction du secteur médico-social.

Pour ce qui est de ce secteur, deux articles restent en discussion. L’article 46, tout d’abord, poursuit la réforme de la tarification et la généralisation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, CPOM, dans les établissements et services médico-sociaux. Nous pouvons nous réjouir de l’adoption par le Sénat des dispositions introduites par notre assemblée en première lecture, notamment de la généralisation de la contractualisation des départements avec les établissements et services accueillant des personnes handicapées, et de la suppression du caractère prévisionnel des financements complémentaires inscrits dans les CPOM. Je rejoins par ailleurs l’attention portée par nos collègues sénateurs à l’enjeu de l’utilisation des réserves de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, CNSA. À ce titre, il m’a paru souhaitable de préserver une disposition ajoutée par le Sénat, visant à garantir la publication du niveau de fonds propres de la caisse dans son rapport annuel, transmis chaque année au Parlement. Une information précise et systématique sur le niveau des réserves, qui s’élèvent aujourd’hui à 744 millions d’euros, constitue un préalable indispensable à la clarification de leur utilisation. La commission a décidé, s’agissant des autres modifications, d’en revenir à la rédaction adoptée par notre assemblée en première lecture. Nos débats nous donneront l’occasion d’en expliciter les raisons.

Le second article, l’article 46 bis, est relatif à la prévention des départs non choisis de Français en situation de handicap vers la Belgique. Je ne peux que regretter la suppression de cet article par le Sénat. Contrairement à ce qui a été avancé par nos collègues sénateurs, il ne s’agit en aucun cas de « détourner l’attention des pouvoirs publics » de ce sujet, mais au contraire de souligner l’augmentation continue du nombre des personnes concernées, et d’apporter des réponses pérennes à ce problème. La commission propose donc de rétablir cet article.

Cette revue des mesures relatives au secteur médico-social serait toutefois incomplète sans mentionner deux dispositions supplémentaires adoptées par les deux assemblées dans les mêmes termes, ce dont je me félicite. D’une part, un nouveau fonds d’appui aux services d’aide et d’accompagnement à domicile est créé à l’article 20. Doté de 50 millions d’euros, ce fonds permettra notamment d’accompagner ces structures dans leurs opérations de restructuration. D’autre part, aux termes de l’article 3, la CNSA participera à hauteur de 20 millions d’euros au financement du plan national d’adaptation des logements privés aux contraintes de l’âge et du handicap, dans le cadre d’une convention avec l’Agence nationale de l’habitat.

Je proposerai enfin, avec le soutien de la commission, le rétablissement des articles relatifs à l’enjeu du « packing » et à la prise en compte dans la tarification hospitalière de la situation spécifique des personnes handicapées. Ces sujets ne doivent pas être écartés et retrouveront légitimement leur place dans ce PLFSS. Ainsi, mes chers collègues, cette nouvelle lecture nous donnera l’occasion de renouveler la mobilisation de notre majorité en faveur des publics les plus fragiles et notre détermination à faire vivre dans notre pays un système de Sécurité sociale viable, efficace et protecteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse.

Mme Annie Le Houerou, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous aurions pu croire que le retour à l’équilibre de la branche retraite aurait constitué un point de convergence entre les deux assemblées ; mais non, car il existe bien une différence de projets politiques. Tendre vers l’équilibre budgétaire de notre système de retraite était l’objectif de notre majorité pour ce mandat, il a été atteint ! Je rappelle notre attachement au système de retraite par répartition, qui a démontré sa viabilité économique et sa capacité à rendre le système plus juste grâce aux dispositifs de compensation pour les métiers les plus pénibles, les publics les plus fragiles, les emplois précaires, les femmes et les jeunes.

Cette année encore, le Sénat a rejeté les objectifs de dépenses de l’assurance vieillesse sans pour autant formuler de propositions alternatives. Le retour à l’équilibre du régime général de retraite est pourtant aujourd’hui une réalité, dont notre majorité doit être fière. Parti d’un déficit de 5 milliards d’euros en 2012, le solde de l’assurance vieillesse n’a cessé de s’améliorer jusqu’à retrouver l’équilibre en 2015 et à dégager des excédents à compter de 2016.

Une divergence fondamentale nous sépare du Sénat au sujet du Fonds de solidarité vieillesse, comme l’a rappelé notre collègue Gérard Bapt. Comment peut-on affirmer que nous laissons son déficit se creuser alors qu’il s’est stabilisé et que ce PLFSS crée les conditions de son retour à l’équilibre à l’horizon 2020 ? Nul ne méconnaît les difficultés financières du FSV, qui ne datent d’ailleurs pas de la présente législature.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En effet !

Mme Annie Le Houerou, rapporteure. C’est donc en responsabilité que nous recentrerons le Fonds sur sa mission historique de financement des dispositifs de solidarité et que nous transférerons le financement intégral du minimum contributif aux régimes de base.

S’agissant des dispositions relatives à l’assurance vieillesse, huit articles restent en discussion. Je me réjouis donc de l’adoption conforme par le Sénat de huit autres articles, en particulier des dispositions introduites par notre assemblée relatives à l’élargissement de la majoration de durée d’assurance pour enfant aux tuteurs, à l’accès des salariés en forfait jours à la retraite progressive, ainsi qu’à la poursuite du versement de la pension d’invalidité pour l’assuré récemment privé d’emploi et atteignant l’âge légal de départ à la retraite.

Concernant les articles restant en discussion, trois d’entre eux ne le sont que pour des raisons rédactionnelles ; je ne m’y attarderai donc pas. J’évoquerai plus précisément les cinq articles sur lesquels le Sénat a proposé des modifications de fond.

Il s’agit tout d’abord de l’article 30 bis, qui prévoit la création d’une commission chargée de l’examen de l’accès des travailleurs handicapés à la retraite anticipée. Cette disposition constitue une avancée significative pour les assurés n’ayant pas accompli les démarches administratives nécessaires pour prouver leur taux d’incapacité permanente alors qu’ils sont bel et bien concernés par cette situation. Le Sénat a salué l’introduction de cette mesure, tout en y apportant trois modifications afin de garantir son application à l’ensemble des régimes de retraite et de permettre à chaque assuré de voir son taux d’incapacité permanente évalué à sa demande. La commission propose de maintenir ces modifications, qui complètent utilement le dispositif et rassurent tant les personnes en situation de handicap que les associations qui les soutiennent.

La deuxième modification de fond concerne l’article 34 ter relatif au report de l’entrée en vigueur de la liquidation unique des régimes alignés, dite LURA. Lors des auditions, j’avais constaté l’impossibilité pour les régimes de retraite de respecter l’échéance du 1er janvier 2017 prévue par la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. En première lecture, nous avons donc adopté un amendement repoussant cette échéance au 1er juillet 2017, avec l’avis favorable du Gouvernement. Le Sénat a souhaité reporter encore davantage ce délai, en fixant comme échéance le 1er octobre 2017.

Un tel report me paraît excessif, sachant que les caisses travaillent à l’adaptation de leurs systèmes informatiques depuis 2014. Le report de six mois prévu par la rédaction initiale semble suffisant pour surmonter les obstacles techniques rencontrés par les régimes de retraite, tout en réaffirmant notre volonté d’une entrée en vigueur la plus rapide possible de cette mesure de simplification très attendue. La commission proposera donc de revenir à la rédaction adoptée par notre assemblée en première lecture.

La troisième divergence de fond avec le Sénat concerne le transfert du service de l’allocation de solidarité aux personnes âgées – SASPA – de la Caisse des dépôts et consignations à la Mutualité sociale agricole – MSA –, prévu à l’article 57. Ce transfert, qui suscite des interrogations, devra s’accompagner d’un redéploiement des effectifs de la Caisse des dépôts et consignations, notamment sur le site de Bordeaux. Je veux rassurer les agents concernés : d’autres activités, notamment la gestion du compte personnel d’activité, sont confiées à la Caisse des dépôts et consignations.

La formation du personnel et le système d’information de la MSA devront s’adapter à cette nouvelle mission. Pour y parvenir, nous avons proposé en première lecture de reporter le transfert du SASPA à 2020. Quant au Sénat, il a préféré supprimer cet article, qui poursuit pourtant un objectif de cohérence dans le cadre d’une gestion intégrée du SASPA au sein de la MSA, qui en est déjà chargée par ses adhérents grâce à un réseau de proximité dense sur l’ensemble du territoire national. En cohérence avec les débats précédents, la commission propose de rétablir la rédaction adoptée par notre assemblée.

Enfin, les deux derniers articles sur lesquels la commission proposera de revenir fixent les objectifs de dépenses de la branche retraite et les prévisions de charges du FSV. Comme pour les autres branches de ce PLFSS, chacun comprendra la nécessité de rétablir les articles 35 et 56.

Nos débats en nouvelle lecture seront l’occasion de réaffirmer notre attachement et notre confiance en notre système de retraites par répartition qui a su, sous notre législature, s’adapter pour devenir plus juste et soutenable. Les progrès permis par la loi du 20 janvier 2014 sont essentiels.

M. le président. Veuillez conclure, madame Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Certains cherchent à ouvrir de nouveaux débats sur l’avenir de notre système de retraites. Le programme de M. Fillon prévoit de porter l’âge de départ à la retraite à 65 ans d’ici 2022,…

M. Arnaud Richard. Ne faites pas de publicité ! (Sourires.)

M. le président. Madame Le Houerou, il faut vraiment conclure.

Mme Annie Le Houerou, rapporteure. …de remettre en cause le système par répartition en ajoutant un étage de retraite par capitalisation et d’abandonner la compensation de la pénalité, qui permet pourtant à ceux qui ont exercé des métiers difficiles – ils sont nombreux dans les secteurs du bâtiment et de l’agroalimentaire – de partir à 60 ans.

M. le président. Merci, madame la rapporteure.

Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Nous devons garder à l’esprit notre capacité démontrée à concilier l’équilibre financier avec les réponses solidaires et justes que nous avons apportées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Viala, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, avec qui je saurai me montrer aussi généreux qu’avec sa collègue Le Houerou….

M. Arnaud Viala, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avant de lire les quelques lignes que j’ai préparées au sujet de la branche accidents du travail et maladies professionnelles – la branche AT-MP –, permettez-moi de m’étonner de la charge virulente à laquelle se sont livrés cet après-midi les membres du Gouvernement et les différents orateurs qui se sont succédé à cette tribune (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain)

M. Michel Issindou. Nous pouvons faire pire !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales. Il faudra que j’en rajoute une couche !

M. Arnaud Viala, rapporteur. …contre l’opposition dans son ensemble, contre le candidat à l’élection présidentielle qui vient d’être désigné et contre le Sénat.

M. Philip Cordery, rapporteur. Nous ne citons que les faits !

M. Arnaud Viala, rapporteur. Je m’étonne d’ailleurs que des ministres de la République puissent parler ainsi de l’autre chambre du Parlement français, en mettant en cause tant son fonctionnement que la légalité des mesures qu’elle a introduites en première lecture du PLFSS.

M. Jean-Pierre Door et M. Arnaud Richard. Tout à fait !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai déjà dit la même chose au Sénat !

M. Philip Cordery, rapporteur. Ce n’est pas le fonctionnement du Sénat qui est remis en cause, mais les dispositions qu’il a adoptées !

M. Arnaud Viala, rapporteur. Cela me paraît de très mauvais aloi lorsqu’on prétend défendre les institutions et œuvrer en faveur d’une meilleure appréciation de ces dernières par nos concitoyens.

Mme la ministre a produit un grand effet de communication en annonçant la résorption du déficit de la Sécurité sociale…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. À juste titre !

M. Michel Issindou. Elle a dit la vérité !

M. Arnaud Viala, rapporteur. …en omettant volontairement de parler du Fonds de solidarité vieillesse et de la réalité du « trou de la Sécu », qui s’élève aujourd’hui à 156 milliards d’euros. Elle a également omis de dire que, sur bon nombre de territoires, l’accès aux soins est tellement inégalitaire que nos concitoyens se sentent totalement abandonnés, et de parler de tous les problèmes que rencontre l’hôpital, en particulier l’hôpital de proximité qui est en déshérence et à propos duquel beaucoup de mesures n’ont pas été prises.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Proposez-vous des mesures qui permettront d’améliorer la situation ?

M. Arnaud Viala, rapporteur. Chers collègues de la majorité, vos propos relèvent donc de la caricature. Mais je pense que les Français seront juges de la façon dont vous manipulez les temps de parole qui vous sont impartis dans cet hémicycle.

M. Philip Cordery, rapporteur. Prenez quand même acte des progrès que nous avons réalisés !

M. Michel Issindou. Et la branche AT-MP ?

M. Arnaud Viala, rapporteur. J’en viens donc à la branche AT-MP. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Cette année encore, le PLFSS ne comportait aucune mention de cette branche, hormis l’article obligatoire relatif à l’objectif global de dépenses, ce que l’on peut regretter.

M. Gérard Dériot, rapporteur au Sénat pour la branche AT-MP, et moi-même avons souhaité soulever au cours des débats la question de l’utilisation de l’excédent de cette branche, la seule du régime général à présenter un solde excédentaire depuis 2013. Or le montant du versement de la branche AT-MP à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles connaît, depuis près de vingt ans, une augmentation importante et continue qui n’est pas véritablement justifiée. Pour la troisième année consécutive, ce montant atteint le chiffre symbolique d’un milliard d’euros.

Je partage donc pleinement l’avis du rapporteur du Sénat, qui a estimé avec raison que « l’accroissement des excédents ne saurait justifier de nouvelles opérations comptables destinées à renflouer les autres branches ». Cependant, ce constat partagé nous a amenés à des propositions différentes. J’ai ainsi proposé, en première lecture, de modifier l’article 36 du PLFSS afin de réduire le montant du transfert de la branche AT-MP à la branche maladie. Sans surprise, mon amendement n’a pas été adopté. Quant au Sénat, il n’a pas souhaité modifier l’article 36, qu’il a adopté conforme ; en revanche, son rapporteur indique que « compte tenu de tous ces transferts de la branche AT-MP vers la branche maladie, la commission des affaires sociales [du Sénat] n’a pas adopté les objectifs de dépenses de la branche AT-MP pour 2017 ». Aussi le Sénat a-t-il supprimé l’article 37. Si la Chambre haute a ainsi souhaité marquer son désaccord quant à l’utilisation des excédents de la branche, il aurait été préférable de proposer de réduire le montant des transferts plutôt que de supprimer un article obligatoire.

Le Sénat a par ailleurs adopté deux articles additionnels.

Dans l’article 36 bis, il a précisé que la décision de modifier ou d’annuler l’inscription d’un établissement sur la liste permettant aux salariés de bénéficier de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante – ACAATA – ne pouvait intervenir qu’après information du demandeur de l’inscription. Cet article pose néanmoins des difficultés d’application. En outre, l’information délivrée me paraît déjà suffisante. J’ai donc déposé un amendement de suppression de l’article 36 bis.

Le Sénat a également inséré un article 36 ter afin de demander au Gouvernement « un rapport sur les modalités d’alignement des conditions d’obtention d’une rente viagère pour les ayants droit d’un agent d’une des trois fonctions publiques victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, sur les conditions d’obtention applicables aux salariés du secteur privé ».

Je voudrais profiter du temps qui m’est imparti…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il est presque écoulé !

M. Arnaud Viala, rapporteur. …pour rappeler que la branche AT-MP a fait des efforts importants pour parvenir à un solde excédentaire : le taux de cotisation AT-MP des entreprises a ainsi fait l’objet de relèvements successifs depuis 2011. Il me semble donc que ces efforts financiers devraient aujourd’hui être mis à profit pour améliorer la politique de prévention des risques professionnels dans les entreprises. Or, malgré les efforts déjà entrepris, beaucoup reste à faire. La prévention doit être davantage ciblée sur les risques les plus fréquents, mais également sur les risques émergents liés à l’utilisation de nouveaux matériaux ou à la modification de la nature du travail. Ces risques nouveaux et souvent encore peu connus sont susceptibles de produire des effets à moyen ou à long terme.

Je me permets d’autant plus d’insister sur la nécessité de renforcer la politique de prévention que celle-ci, bien qu’elle demande un investissement préalable, se révèle finalement bien moins coûteuse que la réparation. En effet, les moyens dévolus à la prévention sont autant de moyens économisés en termes d’indemnisation des sinistres. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la famille.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen en nouvelle lecture des dispositions relatives à la branche famille dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 mérite de commencer par une constatation optimiste. En effet, si des divergences ont été constatées à l’issue de la première lecture au Sénat, je préfère insister sur la convergence de vues entre nos deux assemblées concernant l’article 27 créant une agence de recouvrement des pensions alimentaires.

Cette agence pourra donner force exécutoire aux accords amiables conclus entre les parents et fixant le montant de la pension alimentaire. Elle pourra aussi servir d’intermédiaire financier lorsque le parent créancier est victime de violences de la part du parent débiteur. La création de cette agence a déjà été saluée de façon unanime lors des auditions que j’ai pu mener. Le Sénat a également validé cette avancée majeure qui fait suite au dispositif de garantie contre les impayés de pensions alimentaires expérimenté en octobre 2014 et généralisé en avril 2016.

Pour cet article 27, notre commission a toutefois souhaité rétablir les précisions rédactionnelles que nous avions adoptées en première lecture. D’autres amendements procèdent essentiellement à une coordination avec la loi de modernisation de la justice du XXIsiècle.

Je vous proposerai également, au nom de la commission, de rétablir la rédaction des articles 28 et 29. Lorsque des particuliers employeurs ont fait le choix de déléguer le versement de la rémunération de leur salarié, l’article 28 permet aux organismes délégataires de procéder au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu du salarié. Il s’agit donc d’un rétablissement de cohérence avec le projet de loi de finances pour 2017 qui doit instaurer le prélèvement à la source. L’article 29 doit également être rétabli puisqu’il est obligatoire et qu’il fixe les objectifs de dépenses de la branche famille pour 2017.

Le principal point de désaccord avec le Sénat porte sur la récente réforme du congé parental, que nos collègues sénateurs ont voulu supprimer dans un nouvel article 28 bis. Or cette réforme est importante car elle encourage le partage du congé parental entre les deux parents et incite ces derniers à s’impliquer de manière plus juste lors des premières années de leur enfant. C’est pourquoi je vous proposerai, au nom de la commission des affaires sociales, de supprimer l’article 28 bis adopté par le Sénat. À mon sens, la réforme du congé parental de 2015 n’est que la première étape d’une réforme plus complète qui comportera deux autres volets : l’augmentation de la rémunération du congé parental et la réduction de sa durée pour ne pas éloigner trop longtemps chaque parent de son emploi.

L’année 2017 est la dernière de la convention d’objectifs et de gestion conclue entre l’État et la caisse nationale des allocations familiales.

En cinq ans, la politique familiale a réussi à inscrire la pluralité des modèles familiaux au cœur de ses préoccupations, à préserver ou même à augmenter les prestations servies aux familles les plus vulnérables et à conduire une action sociale ambitieuse caractérisée par le développement de services nouveaux délivrés aux familles, notamment en matière d’aide à la parentalité, et ce tout en garantissant le retour à l’équilibre de la branche famille en 2017. Toutefois, celui-ci risque de ne pas durer si votre candidat, chers collègues de l’opposition, était amené à augmenter les prestations familiales pour seulement 20 % des familles, soit les plus aisées, comme il le propose.

Plusieurs députés du groupe socialiste, écologiste et républicain. C’est vrai !

M. Gilles Lurton. Vous, vous voulez les diminuer !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Monsieur Lurton, vous n’avez pas dû écouter : je viens de dire que nous avions aidé bien davantage les familles les plus modestes parce que nous pensons que la solidarité peut agir et que les familles les plus fragiles doivent être aidées bien davantage que les familles les plus aisées. C’est de la justice sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Philip Cordery, rapporteur. Et du bon sens !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. En cinq ans, la politique familiale n’a pas manqué le rendez-vous de la réforme.

Le plan d’action que vous avez présenté, madame la ministre, le 15 novembre dernier, vise à bâtir le cadre commun de toutes les initiatives prises depuis cinq ans dans le secteur de la petite enfance, à continuer à toujours mieux répondre aux besoins exprimés par les parents en adaptant l’éventail et la richesse des offres, et à mieux former les professionnels du secteur. Ce cadre commun est nécessaire en raison des dispositifs adoptés successivement comme de la pluralité des acteurs : des collectivités territoriales jusqu’aux caisses d’allocations familiales et de Mutualité sociale agricole, des gestionnaires publics et associatifs jusqu’aux entreprises.

C’est en prenant en compte, mes chers collègues, toutes les réalités des modes de vie des familles françaises et en s’adaptant aux exigences de la conciliation entre vie professionnelle et vie privée que la politique familiale contribue à bâtir une société de confiance où chaque parent sait que son enfant sera bien accueilli. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Philip Cordery, rapporteur. Ce n’est pas sérieux !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Je ne veux pas vous laisser seuls, mes chers collègues. (Sourires.)

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons en nouvelle lecture le PLFSS pour 2017, que le groupe Les Républicains n’a pas voté à l’issue de la première lecture. Le Sénat a fait un choix différent de celui de l’Assemblée,…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est vrai ! Drôle de choix !

M. Jean-Pierre Door. …en modifiant nombre d’articles, ce que nous approuvons, car cela permet de mettre en évidence deux conceptions différentes du programme social.

Je regrette bien entendu que la commission mixte paritaire n’ait pu trouver la moindre entente. Lors de la réunion de la commission des affaires sociales mardi dernier, l’opposition n’a pu qu’enregistrer le choix des élus socialistes de balayer d’un revers de main tous les amendements du Sénat.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce n’est pas exact !

M. Jean-Pierre Door. J’en reviens au texte qui justifie cette motion de rejet. Alors qu’il aurait pu être constructif et ambitieux, il n’apporte pas d’éléments dignes de satisfaire les professionnels de santé, libéraux et hospitaliers, les acteurs de l’industrie pharmaceutique, les établissements privés, les partenaires sociaux, en un mot les Français. Je vous rappelle que dans son annexe IX, on y note l’avis défavorable de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, de la Caisse nationale de l’assurance vieillesse, de la Commission des comptes de la Sécurité sociale, du Haut conseil pour les finances publiques. Et que dire, monsieur le secrétaire d’État, de l’avis plus que réservé de la Cour des comptes ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Depuis quand la Cour des comptes donne-t-elle son avis sur le PLFSS ?

M. Jean-Pierre Door. Cerise sur le gâteau, madame la ministre, n’oubliez pas le signal d’inquiétude envoyé par le comité d’alerte de l’ONDAM.

Avez-vous sauvé la Sécurité sociale ? Le trou de la Sécurité sociale a-t-il disparu ? Nous ne vous suivons pas du tout car ce projet de loi livre des prévisions pour 2017 parfaitement contestables…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Et vous, à combien fixeriez-vous l’ONDAM ?

M. Jean-Pierre Door. …et d’ailleurs contestées par la Cour des comptes. Didier Migaud, son Premier président que vous connaissez bien, constate que vos promesses sont repoussées au-delà de 2020, et encore dans le meilleur des cas !

Le Gouvernement s’enorgueillit de présenter une branche vieillesse excédentaire pour la première fois, mais vous passez sous silence la dette du FSV qui atteint 3,8 milliards d’euros.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. 4,1 milliards quand vous étiez au pouvoir !

M. Jean-Pierre Door. Vous omettez aussi de rappeler, monsieur le ministre, que cet excédent a été rendu possible grâce au relèvement de l’âge légal de départ à la retraite de soixante à soixante-deux ans qui avait été décidé par vos prédécesseurs en 2011 et que l’actuelle majorité avait durement combattu.

Le plus grave, c’est de vouloir nous faire croire, contre toute évidence, que cela va mieux. Votre optimisme, monsieur Eckert, est à mon sens tout à fait exagéré. En effet, si l’on inclut le FSV, le déficit pour 2016 est encore de 7,1 milliards d’euros et, en 2017, il atteindra 10,3 milliards d’euros, avant la prise en compte de mesures nouvelles que vous estimez à environ 4 milliards d’euros.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est scandaleux de dire ça !

M. Jean-Pierre Door. Du calme, monsieur Eckert, vous allez sinon faire un malaise cardiaque.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Bapt n’est-il pas cardiologue ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Door. Certes.

Les mesures en question risquent d’être aléatoires, variables, puisque ce ne sont que des mesures de rabot sur la maîtrise médicalisée, sur le médicament et sur l’efficacité de la dépense hospitalière. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) De surcroît, ces mesures d’économies sont tout à fait utopiques, personne ne peut l’ignorer. N’oublions pas, mes chers collègues, dans l’évaluation du sauvetage de la Sécurité sociale, la dette sociale, logée dans l’ACOSS et dans la CADES, et qu’elle s’élève à 152 milliards d’euros, ni que le service de la dette a coûté cette année environ 16 milliards d’euros à la seule CADES.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’était combien à votre époque ?

M. Jean-Pierre Door. Aujourd’hui, c’est de vous que je parle… et on verra pour demain. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Puis-je m’exprimer, monsieur le président ?

M. le président. Seul l’orateur à la parole.

M. Jean-Pierre Door. C’est vrai que vous êtes beaucoup plus nombreux que nous. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Mais je veille à ce que votre droit à la parole soit respecté. Veuillez poursuivre, monsieur Door.

M. Jean-Pierre Door. Mes chers collègues, laissez-nous au moins quelques minutes pour nous exprimer, vous aurez après tout le temps pour débattre.

M. le président. Ne les provoquez pas...

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Comptez-vous nous quitter ? Vous avez piscine après ?

M. Jean-Pierre Door. Si vous m’y invitez, j’y vais avec vous, monsieur le secrétaire d’État. (Rires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cela ne me fait pas peur !

M. Jean-Pierre Door. Fort bien, mais j’en reviens à mon allocution. Vous jouez à fond sur la politique des vases communicants entre recettes publiques générales et ressources propres à la Sécurité sociale, de sorte que prendre en compte le seul déficit de la sécu n’a guère de sens. Cela s’appelle de la tuyauterie et vous n’engagez toujours pas les réformes structurelles tant attendues.

Le Sénat, dans sa grande sagesse,…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il n’a même pas adopté l’ONDAM !

M. Jean-Pierre Door. …a estimé, lui, que vos prévisions étaient entachées d’aléas importants concernant l’hypothèse retenue pour le taux de croissance comme pour la masse salariale, ce qui confine à l’insincérité du texte, raison pour laquelle les sénateurs ont amendé les articles budgétaires. Comment pouvez-vous, monsieur Eckert, vous opposez aussi frontalement à la majorité sénatoriale, comme l’a souligné Arnaud Viala ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le problème est qu’ils n’ont rien proposé à la place !

M. Jean-Pierre Door. Les sénateurs sont eux aussi des parlementaires, et faites attention de ne pas trop les critiquer car peut-être qu’un jour vous finirez au Sénat... (Mouvements divers.)

Pour ce qui est de l’amélioration des comptes, il est également dommage d’omettre de parler des séquelles de la crise financière de 2008 que nous avons à l’époque surmontée avec grande difficulté mais avec courage, et sans pénaliser les assurés sociaux. Or vous améliorez la situation au prix d’un matraquage fiscal sans précédent, ne l’oubliez pas, qui a touché les ménages et les entreprises à hauteur de plus de 50 milliards d’euros, impôts, taxes et cotisations confondues. Ce sont ainsi les assurés, les allocataires, les familles, les retraités, les cotisants et les industriels de santé qui ont réalisé cet effort et payé ainsi le redressement des comptes.

Quelques articles méritent qu’on s’y attarde et expliquent également pourquoi nous déposons cette motion de rejet préalable.

Vous intégrez à nouveau, avec l’article 19 bis, les clauses de désignation des assureurs qui imposent l’adhésion des entreprises à un contrat prédéfini au niveau de la branche. La liberté de choix des entreprises est bafouée, ce que le Conseil constitutionnel a déjà retoqué à deux reprises, je vous le rappelle.

L’économie collaborative, mentionnée à l’article 10 et que vous venez d’évoquer, a été à l’origine de très longs débats, ici comme au Sénat car les seuils sont évalués à la louche.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Comment ça à la louche ?

M. Jean-Pierre Door. Oui, à la louche : une fois c’était 3 800 euros, et puis 7 600 euros, jusqu’à ce que vous disiez qu’on pourrait envisager un seuil plus élevé. Souvenez-vous qu’après avoir été battu, vous avez été obligé de demander une seconde délibération en douce, dans la nuit, quand nous étions partis. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’était l’après-midi du jeudi 27 octobre !

M. Jean-Pierre Door. Quant à l’obligation d’adhésion au RSI, elle est infondée et trop dirigiste. Vous ouvrez la porte au travail au noir.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais non ! En plus, vous n’étiez pas là !

M. Jean-Pierre Door. Si, et je vous ai écouté.

J’en viens à la charge, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, contre les industries du médicament, une fois encore en contradiction avec les mesures prises par le Conseil stratégique des industries de santé et confirmées par le Sénat : vous les taxez encore cette année d’un milliard quatre cents millions. Quant aux nouveaux mécanismes de régulation, ils sont nombreux, je pense aux clauses de sauvegarde avec les taux « Lv » et « Lh », à la fixation unilatérale des prix par le comité économique des produits de santé – le CEPS –, mais aussi à la prorogation du montant W. Tout cela tourne le dos à l’innovation et altérera grandement les investissements industriels en France. L’industrie pharmaceutique vous le dit, mais vous ne l’écoutez pas.

Comment sauver le soldat RSI ? D’amélioration en amélioration, rien ne va et vous en décidez une nouvelle organisation à l’article 9, autour d’une structure unique. A-t-on mesuré les difficultés liées à la mise en place aussi rapide de cette réforme pour l’informatisation et l’union de toutes les caisses concernées ? A-t-on évalué comment réagiront les commerçants et les artisans ? Et quel micmac entre les professions libérales réglementées et les non-réglementées à l’article 33 ! C’est donc un véritable défi à relever et nous doutons que tout cela aboutisse à court terme à des résultats.

Madame la ministre, le Sénat, à l’article 43, permet ce que vous refusez, à savoir accorder la protection maternité aux femmes médecins quel que soit leur mode d’exercice. Ce sujet a sensiblement touché nos collègues socialistes en commission … Nous verrons ce que le Conseil constitutionnel en dira, mais je crois qu’il faudra de toute façon évoluer vers cette généralisation, quel que soit le mode d’installation des femmes médecins.

Ce texte doit aussi être rejeté car vous dévalorisez les négociations conventionnelles entre les caisses et les radiologues. Vous êtes trop dirigiste dans ce domaine, madame la ministre, oubliant que les négociations conventionnelles peuvent jouer un rôle dans l’évolution des tarifs des radiologues – comme pour ceux des autres professions de santé.

Et puis bien entendu vous vous arc-boutez sur le tiers payant généralisé que les sénateurs ont voulu avec raison supprimer. Mais vous êtes dans votre rôle, c’est votre idéologie.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cela fonctionne !

M. Jean-Pierre Door. Vous savez comme moi, madame la ministre, comment cela se terminera dans quelques mois.

M. Gérard Sebaoun. On verra !

M. Jean-Pierre Door. Enfin, je ne serais pas dans mon rôle si je n’insistais pas auprès de vous sur la marche forcée de la réforme territoriale hospitalière, réforme que nous souhaitons, madame la ministre, mais qui nous apparaît trop rapide d’autant plus qu’on ignore les perspectives financières alors que les hôpitaux accusent encore à ce jour un déficit de près de 600 millions d’euros. Il faut assouplir la mise en place des groupements hospitaliers de territoire, surtout dans certains lieux.

En conclusion, le PLFSS 2017 est un outil tout à fait électoral – j’ai d’ailleurs bien noté que M. Eckert en parlait tout à l’heure avec une certaine vivacité – pour votre gouvernement dans la situation médiocre qu’il traverse. Mais ce texte se révèle en réalité entravé par de nombreux obstacles et de fortes oppositions, et il comporte trop d’insuffisances. C’est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, à voter cette motion de rejet préalable.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Tout en répondant à M. Door, je dirai quelques mots aux nombreux députés de l’opposition présents. (Sourires.)

M. Arnaud Richard. Merci, monsieur le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je l’ai dit aux sénateurs et le redis ici haut et fort : le texte que le Sénat a produit est inconstitutionnel – il n’est pas méprisant d’en faire le constat. Parce qu’il ne comprend aucun élément chiffré, aucun tableau d’équilibre, aucune trajectoire financière, il est inconstitutionnel, au sens propre du mot.

Il est bien normal que le Sénat conteste le projet de loi du Gouvernement : c’est la nature même du débat démocratique. Cela ne pose aucun problème.

Il participe du débat politique et de la confrontation que, dans certains articles, le Sénat modifie les chiffres, augmente des recettes ou diminue des dépenses, en opérant des choix politiques, mais il ne s’agit pas de supprimer purement et simplement toutes les recettes et toutes les dépenses, et de les rassembler dans un même tableau d’équilibre.

Monsieur Door, à quel niveau souhaiteriez-vous fixer l’ONDAM ?

M. Gérard Sebaoun. Bonne question !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Considérez-vous, comme certains membres de l’opposition, qu’il est trop bas ? Je peux le concevoir.

D’autres membres de l’opposition, au contraire, l’estiment trop haut.

M. Jean-Pierre Door. Tout dépend de nos moyens !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Door, vous ai-je entendu contester l’augmentation du prix de la consultation pour les médecins généralistes ?

M. Guillaume Garot. Non !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cette dépense a-t-elle été inscrite dans la loi de finances ? Oui.

Avez-vous dit que vous reviendriez sur l’augmentation du point d’indice pour les agents de la fonction publique hospitalière ? Je n’ai pas entendu votre position sur ce point.

Vous avez affirmé que cette mesure augmenterait les dépenses pour les hôpitaux. Bien sûr ! Nous ne sommes pas bêtes au point de ne pas le savoir, ni au point de ne pas avoir inscrit, dans la dépense hospitalière, les conséquences de la revalorisation du point d’indice ou du dispositif de modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations – PPCR –, qui est décliné pour les agents de la fonction publique hospitalière.

Voilà ce que je conteste dans votre démarche, monsieur Door. Ce n’est pas le fait de ne pas être d’accord avec nous…

M. Arnaud Viala, rapporteur. Si, quand même !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …car votre accord m’aurait étonné. Ce que je conteste, c’est le fait de ne pas présenter les mesures que vous auriez souhaitées – plus de dépenses, plus d’économies, lesquelles, à quel endroit. Voilà ce que l’on attend d’une opposition responsable !

Ce que j’ai dit aujourd’hui, en présentant ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, je l’ai dit en substance aux sénateurs.

Je reviendrai également sur le sujet de l’économie collaborative. Vous nous dites, monsieur Door, que l’estimation a été faite à la louche,…

M. Jean-Pierre Door. Oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …de manière approximative, et que cela crée une usine à gaz avec le RSI.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Ça, c’est sûr !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous n’étiez pas arrivé dans l’hémicycle, me dit-on, lorsque je me suis exprimé tout à l’heure.

M. Jean-Pierre Door. J’étais là !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai dit que les deux modifications que nous avons proposées tiennent l’une au seuil, un point qui avait été longuement débattu – vous ne pouvez pas nous reprocher de ne pas débattre ! – ; l’autre, à l’obligation d’affiliation au-delà de ces seuils.

M. Arnaud Richard. C’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’avais pris l’engagement, devant vous, monsieur Door, de présenter une disposition visant à ne pas imposer le régime du RSI. Parler du RSI vous embête un peu : il est facile d’évoquer un micmac, lorsque l’on est responsable de sa constitution. Comme nous en étions convenus, un amendement du Gouvernement permettra à des personnes de pouvoir cotiser aux régimes dont les acteurs de l’économie collaborative sont ressortissants, dès lors qu’il s’agit d’activités supplémentaires.

Ces quelques mots – je ne veux pas allonger le débat à ce stade – nous permettront d’en venir rapidement à la discussion des articles.

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.

La parole est à M. Arnaud Viala, pour le groupe Les Républicains.

M. Arnaud Viala. Nous voterons bien évidemment cette motion de rejet préalable. Notre collègue, Jean-Pierre Door, a très bien expliqué les divergences de points de vue que nous avons sur le fond avec ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Sur la forme, monsieur le secrétaire d’État, comme je l’ai dit tout à l’heure, la charge que vous assénez cet après-midi ne correspond pas du tout à l’état d’esprit des débats, essentiellement techniques, que nous avons eus, en commission comme en séance.

Il est extrêmement dommage que vous apportiez une note aussi politicienne.

M. Michel Issindou. « Politique » suffit !

M. Arnaud Viala. Les événements d’hier vous rendent certainement fébrile, monsieur le secrétaire d’État, mais vous aurez l’occasion de choisir parmi la multitude de candidats qui semblent s’annoncer chez vous. Je ne suis d’ailleurs pas certains qu’ils auront tous le même avis sur le PLFSS. Restez donc calme, votre tour arrive !

Pour en revenir à l’économie collaborative, j’ai été trois fois témoin – en commission avant la première lecture, en première lecture et en commission pour la préparation de cette nouvelle lecture – du flou total des éléments que le Gouvernement et les rapporteurs ont fournis. À telle enseigne, d’ailleurs, que le débat n’a pas eu lieu sur des bases solides : nous attendons donc toujours de pouvoir examiner les propositions que vous avez annoncées car, jusqu’à présent, nous n’avons pas pu le faire.

Notre souhait était d’avoir une discussion technique sur le PLFSS. Or, monsieur le secrétaire d’État, vous souhaitez en faire un élément du débat de politique générale – c’est votre choix. Nous vous invitons donc, chers collègues, à voter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Arnaud Richard. La majorité semble un peu nerveuse. Il faut croire qu’elle n’a pas bien digéré le déjeuner de ce midi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. Sourires sur les bancs du groupe Les Républicains.)

C’est le dernier budget du quinquennat, dont nous regrettons une nouvelle fois l’insincérité. M. le secrétaire d’État a d’ailleurs dit de façon très claire que, s’agissant des mesures non financées, il laissait l’exécution de la loi de financement de la Sécurité sociale au prochain gouvernement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous entendez des voix !

M. Arnaud Richard. Nous contestons les choix opérés par cette majorité, en particulier l’effort demandé à l’hôpital, effort qui se révélera contre-productif alors que la fracture dans l’accès aux soins s’aggrave.

Il en va de même pour le secteur du médicament, vache à lait de ce quinquennat – ce PLFSS continue d’en témoigner –, qui obère les perspectives d’innovation. Rien, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, sur le reste à charge ou sur l’avenir du financement de la Sécurité sociale.

Pour toutes ces raisons, en essayant, monsieur le président, de gagner du temps, et bien conscient que nos collègues de la majorité ont toujours le repas de ce midi sur l’estomac, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants est contraint de voter cette motion, au regard des manquements de ce PLFSS.

M. le président. Je vous remercie de ces conseils, monsieur Richard.

La parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Michel Issindou. Rassurez-vous, monsieur Richard, nous avons parfaitement digéré le repas de ce midi.

Monsieur Door, visiblement, nous n’avons pas fait la même lecture de ce PLFSS. Si certaines mesures peuvent être contestées, les résultats, eux, sont difficilement contestables puisqu’ils sont certifiés par la Cour des comptes. Pour la première fois depuis bien longtemps, nous retrouvons le chemin vers l’équilibre, qui est presque parfait. De nombreuses branches sont à l’équilibre ; le FSV, lui, reste un peu déficitaire, en raison de la situation actuelle.

M. Michel Piron. Un peu déficitaire ?

M. Michel Issindou. Pour l’instant, monsieur Richard, nos résultats devraient vous conduire à davantage d’humilité. Votre déficit s’élevait à 17 milliards d’euros ; nous atteignons quelques milliards, seulement.

M. Arnaud Richard. Je croyais que c’était zéro !

M. Michel Issindou. Ce sont là des résultats incontestables. Les mesures du PLFSS pour 2017 sont de bon aloi : un ONDAM à 2,1 % permet d’agir de manière intéressante, par exemple, en augmentant un peu les salaires à l’hôpital – ils en ont bien besoin !

Les conventions médicales seront améliorées, avec la visite médicale. L’innovation pharmaceutique continue ; les prothèses dentaires font également partie du dispositif que nous souhaitons améliorer. Nous continuons à faire de la prévention contre le tabagisme. Voilà les mesures fortes de ce PLFSS.

Il semblerait que nous n’ayons pas examiné le texte de la même manière que l’opposition. Certes, il est de bon ton qu’elle s’oppose – cela figure même dans ses gènes. Pour autant, ce PLFSS et l’ensemble du modèle social que nous prônons vont plutôt dans la bonne direction. Je suis beaucoup plus inquiet par ce qu’ont dit certains ce week-end. Pour toutes ces raisons, monsieur Door, il va de soi que nous n’avons pas de raison de vous suivre.

Par conséquent, je demanderai à mes collègues de voter contre cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Nous poursuivons l’examen de ce projet de loi par la discussion générale.

La parole est à M. Arnaud Richard, premier orateur inscrit.

M. Arnaud Richard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la président de la commission, chère Catherine Lemorton, mesdames et messieurs les rapporteurs thématiques, mes chers collègues, cette année encore, les sénateurs ont été plus perspicaces que la majorité, en adoptant un projet de loi de financement de la Sécurité sociale bien plus sincère et opérant que celui que nous avons été contraints d’examiner en première lecture.

En supprimant les tableaux d’équilibre, monsieur le secrétaire d’État l’a bien dit, le Sénat a d’abord permis de dénoncer les artifices comptables sur lesquels reposait cet ultime budget. Si nous considérons que l’équilibre budgétaire tend à s’améliorer, nous ne pouvons en revanche tolérer les subterfuges du Gouvernement, à commencer par les prévisions de croissance. Ces dénonciations ne sont pas infondées, puisque le ministre des finances, M. Sapin, les a abaissées à 1,4 %, alors que, dans ce PLFSS, Mme la ministre et M. le secrétaire d’État annonçaient 1,5 %.

Nous avons toujours eu un doute sur la cohérence des perspectives financières. Cette année ne fera pas exception.

Malgré cet indicateur erroné et tous les efforts de communication que vous avez déployés depuis la rentrée, madame la ministre, la Sécurité sociale n’est pas sauvée. Notre collègue de la majorité l’a dit : elle n’est pas à l’équilibre, quoi qu’il ait pu être dit.

La dette sociale atteignait 155 milliards d’euros à la fin de 2015. À moins de passer sous silence le déficit du Fonds de solidarité vieillesse qui s’établit en 2017, comme en 2016, à 3,8 milliards d’euros, le budget n’est donc pas à l’équilibre. Pire, au-delà des chiffres, la réalité budgétaire des différentes branches est fort inquiétante. L’assurance maladie redresse certes ses comptes, mais, devant la difficulté à maîtriser ses dépenses, elle transfère une partie de ses charges vers les structures hospitalières. La bonne santé de notre système de santé passe d’abord par celles de l’hôpital et de l’ensemble des professionnels de santé.

Or la présence médicale n’est déjà plus assurée dans de nombreux territoires. Nous assistons à une rupture inacceptable de l’accès aux soins et, comme vous en êtes tous témoins, chers collègues, à la constitution de déserts médicaux. Dans le même temps, à force de manœuvre, l’ONDAM est de moins en moins une référence. La Cour des comptes insiste déjà depuis plusieurs années sur le fait que les méthodes de construction de cet objectif sont imparfaites, si bien qu’il ne permet pas le pilotage des dépenses à l’équilibre.

Cette année, malgré une augmentation particulièrement importante, l’ONDAM n’englobe toujours pas la totalité des dépenses d’assurance maladie. Ainsi, le Fonds de financement de l’innovation pharmaceutique, dont nous ne contestons pas la création et la pertinence, madame la ministre, fait sortir de l’ONDAM le financement des médicaments.

Comme je l’ai évoqué tout à l’heure, il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur la façon dont ce gouvernement traite le secteur du médicament depuis 2012. Depuis cinq ans, madame la ministre, nous n’avons eu de cesse de dénoncer votre politique purement tarifaire du médicament. En cinq ans, mes chers collègues, près de 7 milliards d’euros ont été prélevés sur cette filière. Au-delà de la main-d’œuvre importante qu’elle emploie, l’industrie du médicament permet l’investissement, la recherche, et le développement de nouvelles molécules. C’est bien grâce à ce secteur que de nombreux progrès concrets sont accomplis dans le traitement des maladies infectieuses.

Malheureusement, plutôt que d’accompagner ces perspectives ambitieuses, le Gouvernement condamne ce secteur à la régulation, comme en témoigne le maintien des taux « L » et « W », ainsi que les mesures relatives aux autorisations temporaires d’utilisation, les fameuses ATU, aux post ATU et aux médicaments de rétrocession hospitalière, sans parler de la liste en sus.

Le groupe UDI est partisan d’une industrie du médicament performante. Nous déplorons que, cette année encore, les économies portent essentiellement sur cette industrie, au détriment de la croissance et de l’emploi.

S’agissant de l’assurance vieillesse, malgré les hausses de cotisations, et les fruits de la réforme de 2010, que la gauche avait âprement combattue à l’époque,…

M. Michel Issindou. N’oubliez pas la réforme de 2014 !

M. Arnaud Richard. …les régimes de retraite restent fragiles, monsieur Issindou. Leur consolidation effective, vous le savez très bien – mieux que tout le monde – dépendra désormais d’une modification structurelle.

Nous en sommes convaincus : seules la mise en extinction des régimes spéciaux de retraite, la convergence entre le privé et le public et l’installation d’un régime unique de retraite par points pour tous les Français permettra d’assurer la pérennité de notre système de retraite.

Parlons maintenant de l’équilibre de la branche famille, qui a été atteint au prix d’un effort sans précédent de la part des familles. Dans notre pays, depuis 2012, celles-ci n’ont pas été épargnées, avec les baisses successives du plafond du quotient familial et de la prestation d’accueil du jeune enfant, avec la division par deux de la prime à la naissance et son versement deux mois après la naissance de l’enfant, ou encore avec l’imposition de la majoration des pensions de retraite versées aux parents ayant élevé au moins trois enfants !

Enfin, ne nous réjouissons pas trop vite, cher Arnaud Viala, de l’excédent de la branche « Accidents du travail – Maladies professionnelles » : il est surtout le fruit de la sous-déclaration des accidents.

M. Gérard Sebaoun. Tiens donc !

M. Arnaud Richard. Mes chers collègues, vous en conviendrez : ce dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale du quinquennat recèle bien des subterfuges comptables. Malgré une tendance à l’amélioration, que nous ne contestons pas, les déficits persistent, et nous avons des raisons de penser qu’ils persisteront à l’avenir si des réformes de fond ne sont pas mises en œuvre.

Néanmoins, plusieurs dispositions nous semblent bienvenues – elles ont d’ailleurs été soutenues par notre groupe en première lecture. Je pense à l’article 39 quinquies relatif à l’expérimentation de la vaccination par les pharmaciens ou à l’article 39 sexies, qui donne, à titre expérimental, la possibilité aux médecins généralistes de détenir des vaccins contre les grippes saisonnières pour les personnes identifiées comme des personnes à risque. L’important pour nous est que ces mesures soient évaluées et qu’elles permettent une meilleure prise en charge de nos concitoyens.

Nous accueillons tout aussi favorablement la réduction de la contribution sociale généralisée pour certains retraités, mais cette mesure, adoptée – il faut le dire – au dernier moment, à la suite de tergiversations, ne pourra faire oublier le matraquage fiscal subi par les Français depuis 2012 !

Mes chers collègues, la France, comme d’autre pays, est confrontée aux questions de l’efficacité de la dépense de protection sociale et de l’adaptation de celle-ci aux besoins. Au-delà des questions de principe, divers aspects de notre système de protection sociale sont aujourd’hui remis en question : son coût, sa complexité, son efficience. Le financement de la sécurité sociale et son poids sur les revenus du travail sont bousculés par le phénomène des plateformes collaboratives, certaines activités ayant démarré en dehors du cadre normal des prélèvements sociaux supportés par les travailleurs indépendants et certaines n’apparaissant durablement viables que dans ces conditions. Nous sommes tous ici attachés à ce patrimoine, expression d’une solidarité qui fait partie intégrante de notre société, mais cette estime partagée ne suffit pas pour que notre protection sociale n’évolue pas. Celle-ci est aujourd’hui confrontée à de nombreux défis – constat partagé sur l’ensemble des bancs de cet hémicycle : assurer le financement de l’innovation en matière de traitement et de médicaments ; évoluer vers plus d’équité en ce qui concerne les retraites ; s’adapter aux nouvelles formes de travail. Ces questions devront rapidement trouver des réponses. Chacun devra prendre ses responsabilités. Aujourd’hui, les grandes réformes qui permettraient de garantir la pérennité de notre système sont malheureusement encore à accomplir. Parce que le présent projet de loi traduit toutes les faiblesses de la politique menée par le Gouvernement depuis 2012, nous nous opposerons à son adoption.

M. Jean-Pierre Door. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, hier, un souffle puissant de démocratie a traversé notre pays. De nombreuses Françaises et de nombreux Français ont montré combien ils étaient attachés à pouvoir donner leur avis, et attachés aussi à une alternance après ce quinquennat désastreux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Joëlle Huillier. Ça, ce n’est pas sûr !

Mme Sylviane Bulteau. Ce n’était pas l’élection présidentielle !

M. le président. Laissez l’orateur s’exprimer, chers collègues !

M. Philip Cordery, rapporteur. Alors, qu’il parle du projet de loi !

M. Gilles Lurton. Beaucoup de choses ont déjà été dites. Ce projet de loi en est l’illustration : la majorité gouvernementale cherche à dissimuler ses erreurs du passé et leurs conséquences sur les déficits actuels et à reporter sur un prochain gouvernement le soin de redresser une situation financière extrêmement périlleuse ! (Mêmes mouvements.)

Mme Joëlle Huillier. Voilà qui est gonflé !

M. Gilles Lurton. C’est en tout cas ce que je vais tenter de démontrer.

D’abord, vous nous demandez de nous prononcer sur un budget insincère. Insincère parce qu’à l’approche d’échéances électorales périlleuses pour votre majorité, vous annoncez une réduction exceptionnelle de 400 millions d’euros du déficit de la Sécurité sociale. Nous ne pouvons que dénoncer une telle déclaration, qui est d’ailleurs contestée de toutes parts ; on sait fort bien que, dans quelques mois, ce sera à une autre majorité d’en assumer les conséquences.

M. Arnaud Richard. C’est un vrai problème !

M. Gilles Lurton. Et ce n’est pas moi qui le dis ! Le président de la Cour des comptes décrit « un procédé comptable discutable, voire opportuniste » et relève notamment l’ajout d’un « produit exceptionnel de contribution sociale généralisée de 700 millions d’euros ». Ce produit ne correspond, selon lui, à aucune recette supplémentaire de l’assurance maladie ; selon ses propres termes, il est « de nature à fausser sensiblement l’appréciation de la réalité du redressement de cette dernière ».

Je pourrais aussi citer les conclusions du comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie, qui estime que « le respect de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie en 2017 sera soumis à de très fortes tensions ».

Toutes ces déclarations auraient dû vous conduire à plus d’humilité. Loin de là, vous passez délibérément sous silence un déficit de 3,8 milliards d’euros du Fonds de solidarité vieillesse. Or ce fonds fait bien partie de la Sécurité sociale. C’est en conséquence un trou de 4,1 milliards d’euros qu’il faudrait retenir pour les comptes de la Sécurité sociale et non un déficit de 400 millions, comme ce que vous affichez depuis plusieurs semaines.

Insincérité également s’agissant des transferts de comptes auxquels vous procédez : délibérément, vous transférez une partie des charges de l’assurance maladie et de son déficit sur les autres branches. C’est aussi à ce prix que vous parvenez à diminuer le déficit de l’assurance maladie.

Ces tours de passe-passe ne sont pas sans conséquence sur la mobilisation des réserves de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui seront amputées de 230 millions d’euros, et cela dans le seul objectif de masquer les dégradations successives enregistrées au cours de ce quinquennat. Ils ne sont pas sans conséquence non plus sur la situation de l’hôpital public, sur lequel vous reportez une partie du déficit de l’assurance maladie. Vous y ajoutez une ponction de 300 millions d’euros pour financer les groupements hospitaliers de territoire créés par la loi de modernisation de notre système de santé, loi qui, nous le maintenons, oppose les hôpitaux publics aux hôpitaux privés, alors que tout aurait dû être mis en œuvre pour renforcer leur complémentarité. Là encore, ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Fédération de l’hospitalisation privée, pour laquelle ce quinquennat est le pire depuis 1945 !

Je pourrais aussi vous parler des retraites agricoles. S’agissant d’une bonne mesure, d’une mesure que nous avions approuvée dans le projet de loi relatif aux retraites de 2013 et qui visait à ce que la pension de retraite d’un exploitant agricole bénéficiant d’une carrière complète ne soit jamais inférieure à 75 % du SMIC, nous nous apercevons aujourd’hui qu’elle n’a pas bénéficié d’un financement suffisant depuis 2015. Le régime complémentaire des exploitants agricoles, déficitaire depuis cette date, a totalement épuisé ses réserves. Nous savons tous ici que le complément mensuel moyen pris en charge par le régime complémentaire pour permettre aux retraités agricoles de bénéficier d’une pension minimale garantie est en progression constante. C’est une évidence : il évolue avec le nombre de bénéficiaires. De 246 000 retraités agricoles en 2015, nous devrions passer à 281 000 en 2017, avec un coût qui évolue proportionnellement : 78 millions d’euros en 2015, 172 millions d’euros en 2017. Encore une bombe à retardement pour le prochain Gouvernement !

Je vous ai longuement parlé de politique familiale en première lecture. Votre politique familiale continue de nous opposer et de marquer une divergence de fond entre nous. Vous avez transformé la politique familiale en politique sociale. Depuis le début du quinquennat, jamais les familles, jamais les classes moyennes n’auront payé autant. Sous prétexte de redistribution, vous retirez aux uns, les plus riches, pour prétendument donner aux autres, les plus pauvres – Mme Clergeau l’a confirmé il y a quelques instants. Pourtant, le dernier rapport du Secours catholique note une hausse du nombre de ménages en très grande pauvreté, de 2,7 % entre 2014 et 2015.

Mme Joëlle Huillier. Il ne s’agit pas de ceux dont les allocations ont diminué !

M. Gilles Lurton. L’Union nationale des associations familiales estime à 160 000 le nombre de familles vivant sous le seuil de pauvreté. Alors, où est la redistribution ?

Je persiste pour ma part à dire qu’avec vos différents coups de rabots, abaissements successifs du quotient familial, fiscalisation des majorations de pensions pour les familles nombreuses, hausse des droits de mutation, modulation à la baisse des allocations familiales, prime à la naissance divisée par deux et versée deux mois après la naissance de l’enfant, diminution de 50 % de la prestation d’accueil du jeune enfant, baisse du complément de libre choix d’activité, réforme du congé parental dont nous allons commencer de mesurer les effets désastreux au mois de septembre 2017, qu’avec l’ensemble de ces mesures donc, ce sont plus de 8 milliards d’euros qui auront été retirés aux familles et que vous utilisez pour combler les déficits que vous avez vous-mêmes créés !

Nous persistons, pour ce qui nous concerne, à dire que la politique familiale doit être une politique de compensation de l’arrivée d’un enfant dans un foyer. Ce n’est pas à la politique familiale d’assurer la redistribution des richesses, c’est à l’impôt de le faire ! C’est en tout cas notre conception de la politique familiale, celle vers laquelle nous reviendrons lors de la prochaine alternance politique.

Enfin, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 prévoit une série de mesures pour le moins incongrues. Je vois mal ce qu’elles viennent faire dans un tel texte : du fait de leur importance, et aussi de leurs conséquences, elles auraient dû faire l’objet d’un projet de loi spécifique. Je pense notamment à la remise en cause de l’ACCRE, l’aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise : vous décidez de la soumettre à des conditions de ressources alors même que l’objectif de cette mesure est la création d’emplois. Au lieu de les encourager, vous découragez les demandeurs d’emploi. C’est tout le contraire de ce qu’il faut faire : encore un bien mauvais signe !

Vous décidez de vous attaquer à l’économie collaborative, alors que nous aurions dû prendre le temps de tirer les conclusions du rapport de notre collègue Terrasse. Je sais bien, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, que vous nous avez répondu en première lecture que ce n’est pas parce qu’il y a un rapport que le Gouvernement est obligé de suivre ses conclusions. Je serais tenté de partager votre point de vue, mais une utilisation éclairée dudit rapport pour préparer un projet de loi spécifique sur l’économie collaborative nous aurait sans doute permis de prendre de meilleures décisions.

Je souhaiterais aussi aborder la question de la location de biens meublés, et plus particulièrement de la location de gîtes ruraux. Je ne comprends pas que le Gouvernement insiste pour imposer aux loueurs de biens meublés ou aux loueurs de biens de consommation courante une affiliation au régime social des indépendants – le RSI. Les gîtes ruraux, les résidences de tourisme social et familial et bien d’autres en feront les frais, alors que nous savons tous qu’une fois les charges payées et les emprunts remboursés, leur compte est fréquemment déficitaire.

Oui, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, il faut sans doute réglementer l’économie collaborative afin qu’elle ne crée pas de concurrence déloyale pour d’autres activités traditionnelles du même type, mais ce n’est pas avec un dispositif aussi général que vous y parviendrez. Je peux vous assurer que vous êtes loin d’imaginer tous les problèmes auxquels vous allez être confrontés dans son application !

En conclusion, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je serais tenté de vous dire qu’au cours de ces cinq années, vous n’aurez ni sauvé le passé, ni préparé notre avenir. Notre Sécurité sociale est certes coûteuse et complexe, mais elle ne doit pas nous faire oublier qu’un déficit des comptes sociaux permanent et banalisé, tel que nous le connaissons, est une anomalie et une injustice pour les générations futures. Et lorsqu’un système devient inéquitable, il n’est plus soutenu par nos concitoyens.

Notre Sécurité sociale doit relever les nouveaux défis qui se présentent à elle. Or votre politique tout au long de ces cinq années n’a pas contribué à sa modernisation ; elle a dégradé son esprit de solidarité, auquel nous sommes pourtant tous ici attachés. Le restaurer sera un défi pour les années à venir. Nous savons que notre réussite dépendra de notre capacité à dire à nos concitoyens la vérité sur les mesures nécessaires. Nous y sommes prêts – même si nous connaissons les difficultés à surmonter.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après l’adoption en première lecture par le Sénat la semaine passée d’une version modifiée du texte, et après l’échec de la Commission mixte paritaire, notre Assemblée examine aujourd’hui en nouvelle lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. Je voudrais revenir sur certaines mesures qu’il renferme.

Le Sénat, concernant les plateformes collaboratives visées à l’article 10, ayant défini un seuil unique de recettes de 15 691 euros pour 2017 au-delà duquel une activité de location de courte durée de biens d’habitation meublés ou une activité de location de biens meubles est considérée comme une activité professionnelle, certains de mes collègues ont déposé un sous-amendement, qui a été déclaré irrecevable, afin d’abaisser ce seuil afin qu’il soit identique à celui aujourd’hui appliqué aux personnes exploitant des chambres d’hôtes.

Je tenais à rappeler, à ce propos, que notre groupe s’est majoritairement opposé à cet article en première lecture. De fait, si l’économie collaborative se développe de plus en plus, ces nouvelles façons de commercer chamboulent nos habitudes. Notre groupe a ainsi estimé que, s’il convient effectivement d’encadrer ces nouveaux modes d’économie collaborative, il faut le faire, non en adaptant notre législation actuelle, mais bien en créant de nouveaux articles de loi, mieux adaptés et mieux concertés.

Je veux également revenir sur l’article 16. Le Sénat, refusant la mise en place d’une contribution assise sur le chiffre d’affaires des fournisseurs de produits du tabac au motif que d’autres leviers d’augmentation fiscale existent ce domaine, a supprimé l’article 16. Or cet article, relatif à l’instauration d’un fonds dédié à la lutte contre la prévalence tabagique, nous semble fort utile, notamment en ce qu’il s’inscrit dans des politiques publiques volontaristes visant à lutter contre le fléau du tabagisme. Un amendement de rédaction générale ayant été adopté en commission, c’est dans un esprit constructif que notre groupe proposera un sous-amendement tendant à repousser l’entrée en vigueur de ces dispositions, de façon que les acteurs concernés aient le temps de s’organiser. En effet, si cet amendement de rédaction générale était adopté, la navette parlementaire ne laisserait pas assez de temps aux acteurs pour mettre en œuvre les dispositions qu’il contient.

S’agissant de l’article 33, notre groupe est satisfait que les dispositions intéressant les moniteurs de ski, introduites par le Gouvernement lors de la première lecture dans notre assemblée, aient été préservées au Sénat.

Pour ce qui concerne l’article 34 ter, le Sénat, lors de l’examen en séance, a reporté de trois mois la date d’entrée en vigueur de la liquidation unique des régimes alignés, la date initiale lui paraissant trop ambitieuse. Nous avions déposé un amendement contenant les mêmes dispositions lors de l’examen en commission en première lecture. Notre groupe est donc satisfait de la rédaction actuelle de cet article, même si la commission des affaires sociales a adopté un amendement de Mme la rapporteure Annie Le Houerou visant à revenir à la version votée par notre assemblée en première lecture.

À ce sujet, madame la ministre, je veux saisir l’occasion qui m’est donnée de rappeler vos déclarations lors de l’examen en séance au Sénat. Vous déclariez douter, en effet, de l’utilité d’un report de date, mais, au final, vous avez émis un avis de sagesse sur le report de juillet à octobre que nous souhaitons. Vous avez annoncé que vous prendriez un décret fixant l’échéance au 1er juillet 2017 mais que si, au printemps, il apparaissait que cette date n’était pas tenable, vous publieriez un décret modificatif pour la repousser au 1er octobre 2017. Nous souscrivons à vos vœux, tout en rappelant que, si ce décalage supplémentaire ne change rien – puisque la date d’entrée en vigueur est fixée par décret –, la rédaction du Sénat éviterait au législateur d’avoir à rediscuter dans l’urgence d’un nouveau report, et permettrait aux régimes d’être prêts en temps et heure pour le lancement de la LURA.

Au sujet des professionnels de santé, les sénateurs ont limité le dispositif expérimental d’administration du vaccin contre la grippe saisonnière par les pharmaciens aux personnes adultes bénéficiant d’un bon de prise en charge par l’assurance maladie. Sur ce point, notre groupe présentera un amendement visant à rétablir le périmètre fixé par l’Assemblée nationale, qui avait souhaité ouvrir l’expérimentation à toute personne adulte. En effet, l’intérêt de la vaccination par les pharmaciens est aussi d’atteindre d’autres populations que celles déjà visées, notamment l’entourage des personnes estimées à risques. C’est en vertu de la même logique de protection des personnes sensibles que le législateur a autorisé les sages-femmes à vacciner l’entourage du nourrisson et de la parturiente.

Nous nous félicitons aussi que les sénateurs aient précisé, à l’article 43, que le dispositif d’aide financière aux médecins qui interrompent leur activité médicale pour cause de maternité ou de paternité ne pouvait être réservé à certains médecins, en fonction de leur conventionnement ou de leur zone d’exercice. Ces mesures vont en effet dans le sens d’amendements que nous avions déposés en première lecture. Il est toutefois regrettable que d’autres professionnels de santé n’aient pas été intégrés dans cette mesure de justice sociale.

En outre, nous nous félicitons que le Sénat ait introduit un nouvel article 43 octies, issu d’un amendement de nos collègues du groupe radical du Rassemblement démocratique et social européen –, amendement qui reprend celui que nous avions déposé en première lecture. En effet, une anomalie demeure s’agissant la délivrance des lentilles de contact, moins encadrée que celle des verres correcteurs alors que les lentilles présentent davantage de risques de complications trophiques – traumatiques – infectieuses, du fait de leur contact direct avec l’œil.

Or, si la délivrance de verres correcteurs est soumise à une prescription médicale et à la présentation d’une ordonnance en cours de validité, il n’en est pas de même pour les lentilles de contact correctrices : la prescription médicale est nécessaire chez le primo-porteur lors de l’adaptation, mais rien n’est indiqué pour la suite, l’opticien ayant seulement la possibilité d’accepter un renouvellement, sur la base d’une ordonnance médicale de moins de trois ans, pour les personnes de plus de seize ans. Au-delà des trois ans – ou en deçà si l’ordonnance n’est pas présentée –, rien n’oblige l’opticien à disposer d’une ordonnance en cours de validité pour délivrer les lentilles de contact correctrices. Le médecin a bien entendu la possibilité de s’opposer au renouvellement des lentilles par mention expresse sur l’ordonnance, mais quel sens sanitaire cela peut-il avoir si l’opticien peut ensuite se passer de l’ordonnance, donc se dispenser de vérifier s’il y a une opposition médicale ? Le nouvel article 43 octies répond à toutes ces questions.

Permettez-moi également de revenir sur l’article 51, relatif aux autorisations temporaires d’utilisation. Notre commission des affaires sociales a adopté un amendement de rédaction générale pour rétablir cet article, et le Gouvernement en a fait de même. Nous défendrons des sous-amendements à l’amendement du Gouvernement, afin que soit définie une modalité de calcul équitable pour le reversement de remises versées par l’industriel lorsqu’il commercialise un produit pris en charge en ATU et pour lequel un plafond de coût de traitement annuel par an et par patient est appliqué. Nous proposons de fixer l’entrée en vigueur de cette importante réforme du mécanisme des ATU et post-ATU au 1er janvier 2017, afin d’éviter une rétroactivité et d’assurer le respect des impératifs de sécurité et de prévisibilité juridique.

Nous souhaitons aussi, à travers un autre sous-amendement, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les premiers effets de la réforme du régime des ATU, y compris sur l’accès des patients aux nouvelles molécules, et ce dès le dépôt du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale. En effet, ce mécanisme, qui modifie très profondément l’économie générale du système, n’a pu être expertisé précisément quant à son impact sur les différentes parties. Il est donc essentiel de s’assurer que le nouveau système n’entraîne pas de pertes de chances pour les patients concernés.

Je veux également évoquer la suppression, par le Sénat, de l’article 52 bis, relatif à l’évolution des rémunérations des radiologues et à la tarification des forfaits techniques, sujets en principe d’ordre conventionnel. Comme beaucoup d’acteurs concernés, nous sommes satisfaits par cette suppression. Aussi notre groupe s’oppose-t-il à la réintroduction de cet article tel qu’il fut voté en première lecture dans notre chambre. L’amendement n82 de la commission, de rédaction générale, ayant hélas toutes les chances d’être adopté, nous avons déposé un sous-amendement pour intégrer, dans les dispositions de l’article, les établissements de santé publics, privés non lucratifs et privés de statut commercial, qui exercent dans le domaine de l’imagerie, car ils peuvent aussi être concernés.

Enfin, et je termine sur ce point, notre groupe se réjouit de la suppression par le Sénat de l’article 57, lequel prévoyait un transfert vers la MSA de la gestion du service de l’allocation de solidarité aux personnes âgées – SASPA –, historiquement confiée par mandat de l’État à la Caisse des dépôts. Pour notre groupe, ces dispositions, décidées sans concertation préalable avec la Caisse des dépôts, sont difficilement compréhensibles, le bilan de la gestion actuelle ayant même été salué par l’État dans le cadre des négociations sur la future convention d’objectifs et de gestion du SASPA, qui viennent de s’achever. La qualité de cette gestion, notamment en matière de lutte contre la fraude, permet au Fonds de solidarité vieillesse, qui finance le SASPA, d’économiser chaque année l’équivalent de 20 millions d’euros. En ces temps d’économies budgétaires et de maîtrise des coûts, l’amendement n87 de la commission nous semble donc tout sauf pertinent. Et ce ne sont pas la CGT, la CFE-CGC, la CFDT, FO, l’UNSA ou encore la FSU qui diront le contraire.

Aussi espérons-nous, madame la ministre, mes chers collègues, que le texte soit maintenu en l’état sur certains points, amendé et amélioré sur d’autres, et c’est dans un esprit constructif que nous abordons son examen en nouvelle lecture.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017.

Nous constatons que les sénateurs, dans leur grande majorité, ont eux aussi, tous bords politiques confondus, remis en cause les grands équilibres financiers et les objectifs de dépenses présentés par le Gouvernement pour 2017. Il faut dire que vous avez mené une campagne de communication visant à faire croire que le fameux « trou de la sécu » était comblé, mensonge…

M. Arnaud Richard. Tout à fait !

Mme Jacqueline Fraysse. …que nous avons dénoncé dès la première lecture.

Évidemment, les sénateurs l’ont aussi noté, tout comme nos concitoyens, que vous essayez de tromper mais qui ne sont pas dupes.

M. Gilles Lurton. Exactement !

M. Arnaud Richard. Elle a raison !

Mme Jacqueline Fraysse. En annonçant un déficit pour 2017 de 400 millions d’euros, le Gouvernement omet volontairement de parler du Fonds de solidarité vieillesse, lequel prend en charge des dépenses de solidarité pour les personnes âgées, comme le minimum vieillesse, dont le déficit est estimé à 3,8 milliards d’euros en 2017. Avec le déficit du FSV – qui fait bel et bien partie du budget de la Sécurité sociale –, le déficit atteindra 4,2 milliards d’euros en 2017. Comme je l’ai déjà dit, c’est mieux que les 7,1 milliards du déficit global de l’exercice 2016 ; mais c’est dix fois plus que les 400 millions de déficit que vous annoncez pour 2017.

À y regarder de plus près encore, on voit en outre que l’assurance maladie transfère une partie de son déficit vers les autres branches. Ce n’est d’ailleurs qu’à ce prix que l’ONDAM, dont vous reconnaissez vous-même qu’il est, avec 2,2 %, « historiquement bas au regard des taux de progression réalisés dans le passé », peut être tenu.

Le plus préoccupant, toutefois, est que cette réduction du déficit résulte, non de la création de nouvelles recettes mais de la réduction des prestations sociales, dans tous les domaines, au détriment de l’ensemble de nos citoyens, et d’abord des plus modestes d’entre eux.

Ainsi, le retour annoncé à l’équilibre de la branche famille – dont le déficit atteint aujourd’hui 1,5 milliard d’euros – en 2017 sera entièrement supporté par les familles, puisqu’il repose notamment sur le gel de la revalorisation des prestations familiales en 2014 et en 2015 et sur les effets de la modulation des allocations familiales instaurée en 2015.

Cette dernière disposition, que vous avez présentée comme un geste de justice sociale, visait avant tout à économiser de l’argent sur le dos des familles. Notre groupe s’y est opposé…

M. Gilles Lurton. Le nôtre aussi !

Mme Jacqueline Fraysse. …car il n’était pas dupe. La suite a, hélas, confirmé nos craintes, puisque 15 % des familles ont vu leurs allocations diminuer : vous avez ainsi économisé 865 millions d’euros par an sur leur dos, 865 millions qui, contrairement à vos affirmations, n’ont pas été redistribués vers les ménages les plus modestes, mais ont seulement servi à combler un déficit.

De même, l’excédent de la branche vieillesse, de 1,6 milliard d’euros, est principalement dû aux conséquences du recul de l’âge de la retraite de soixante à soixante-deux ans, décidé par la droite en 2010, et à l’allongement de la durée de cotisations ouvrant droit à une retraite à taux plein, mis en œuvre par ce gouvernement en 2014.

Enfin, l’excédent annoncé de 700 millions d’euros de la branche accidents du travail et maladies professionnelles tient à la sous-déclaration notoire des accidents du travail et au fait que, bon nombre de maladies professionnelles n’étant pas reconnues comme telles, elles sont prises en charge par l’assurance maladie.

Ainsi, en 2017, seule la branche maladie sera encore en déficit, à hauteur de 2,6 milliards d’euros, déficit que vous comptez bien réduire en exigeant de nouvelles économies, l’an prochain, sur cette branche. Celles-ci atteindront rien moins que 4 milliards d’euros, car vous avez décidé de faire participer la branche maladie au financement du bien mal nommé « pacte de responsabilité », pour lequel l’assurance maladie a été mise à contribution à hauteur de 10 milliards d’euros sur trois ans – 2015, 2016 et 2017 –, dont 3 milliards supportés par les hôpitaux publics, pourtant déjà au bord du gouffre.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chacun aura noté la contradiction complète entre vos propos et vos actes, alors que vous déclarez vouloir lutter contre la désertification médicale et favoriser l’accès aux soins pour tous !

En 2017, les hôpitaux publics seront ainsi appelés à réaliser 1,5 milliard d’euros d’économies supplémentaires, dont 845 millions d’euros proviendront de la réduction de leurs dépenses et qui viendront s’ajouter aux 690 millions d’euros d’économies déjà réalisées en 2016.

Pour y parvenir, le ministère compte principalement sur la mise en place des groupements hospitaliers de territoire, les GHT, qui ne visent finalement – et, là encore, en contradiction avec vos discours sur la coordination et la qualité des soins –, en réalité, qu’à réduire les dépenses.

La baisse de la durée des hospitalisations, dans le cadre du virage ambulatoire, contribuera également, à hauteur de 160 millions d’euros, à ces économies.

Enfin, les suppressions d’emplois se poursuivront pour s’ajouter à celles des années 2015 et 2016 : elles atteindront, à terme, 22 000 postes sur trois ans ! Il est en effet évident que l’on ne peut pas réaliser 1,5 milliard d’euros d’économies dans les hôpitaux sans supprimer de postes.

Vous usez même d’artifices inacceptables car ils pénalisent les plus vulnérables. Je pense au siphonnage – à hauteur de 230 millions d’euros – des crédits de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie opéré au détriment des personnes âgées et handicapées. Je pense également à la ponction de 300 millions d’euros sur la trésorerie de l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier, l’ANFH, ponction qui est destinée à financer la mise en œuvre des GHT. Ceux-ci sont pourtant – et partout – décriés parce que, précisément, ils aggravent les conditions de travail des personnels !

Les dispositions de ce projet de loi confirment que c’est toujours aux plus modestes que vous vous en prenez. Ainsi n’avez-vous aucun scrupule à remettre en cause le dispositif d’aide aux chômeurs qui tentent de s’en sortir en créant leur entreprise : nous demanderons donc, à nouveau, la suppression de cette disposition.

Je rappelle, en effet, que vous l’instaurez au moment même où vous élargissez encore le champ des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les grandes entreprises. En 2016, plus de 44 milliards d’euros ont ainsi manqué aux finances publiques, alors que les chiffres du chômage – en hausse constante, puisqu’il frappe aujourd’hui plus de 6,6 millions de personnes – prouvent que ces dispositions sont sans effet sur l’emploi. Un tel constat ne vous conduit pourtant pas à changer de stratégie : au contraire, vous persistez.

De la même manière, nous regrettons que ce Gouvernement ne montre pas autant d’empressement à s’attaquer aux entreprises spécialistes de la fraude sociale, estimée à près de 25 milliards d’euros par an ! Pour toutes ces raisons, nous défendrons, une nouvelle fois, la suppression de l’article 10 relatif à l’économie collaborative. En effet, plutôt que d’encadrer les grandes plates-formes – qui fonctionnent souvent comme des entreprises traditionnelles, et qui, pour certaines d’entre elles, pratiquent l’optimisation fiscale –, cet article contourne ce réel problème et pénalise des particuliers qui ne cherchent, par le biais de l’économie du partage, qu’à améliorer un peu leurs revenus.

On peut s’étonner, dans ce contexte, qu’il ait fallu batailler autant pour imposer, contre l’avis du Gouvernement, la baisse de la CSG en faveur de 550 000 retraités très modestes que vos décisions antérieures avaient appauvris.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cela fait deux mois que cette baisse est effective.

M. Gérard Bapt. C’est fait !

Mme Jacqueline Fraysse. Cette baisse leur redonnera un peu de pouvoir d’achat. Oh, pas grand-chose : en moyenne une quarantaine d’euros par mois !

Notre groupe continue de regretter que vous refusiez d’appliquer aux revenus des actionnaires une taxe de 0,3 % identique à celle actuellement prélevée sur toutes les retraites, quel qu’en soit le montant, ce qui est profondément injuste.

S’agissant du renforcement de la prise en charge des victimes du terrorisme, nous pensons qu’il y a lieu d’élargir son cadre pour favoriser, dans une société de plus en plus violente, l’installation, sur l’ensemble du territoire, de centres de prise en charge médico-psychologique destinés à accueillir toutes les victimes de psycho-traumatismes, quelle qu’en soit la nature – je pense notamment aux violences conjugales, aux agressions sexuelles ainsi qu’aux harcèlements.

Enfin, s’agissant des ajouts du Sénat, nous défendrons trois d’entre eux qui nous paraissent très positifs. Le premier est l’article 30 bis qui permet, pour la première fois, qu’un travailleur puisse voir son handicap reconnu a posteriori et bénéficier, à ce titre, d’une retraite anticipée. Il s’agit d’une disposition fort importante mais dont les modalités doivent, à notre avis, être assouplies afin de la rendre la plus efficiente possible.

L’article 43 bis A est le deuxième ajout que nous défendrons : il vise, lorsqu’un constat de travail dissimulé est établi dans l’une de leurs filiales, à faire porter la responsabilité aux entreprises mères.

Le troisième est l’article 44 bis A qui propose de revoir la liste des maladies ouvrant droit, pour l’ensemble des fonctionnaires, à un congé maladie de longue durée. Telles sont, mes chers collègues, à ce stade, nos réflexions.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à ce stade de la discussion en nouvelle lecture, et après plusieurs interventions de mes collègues, je m’en tiendrai, pour ce qui me concerne, à l’article 10.

Hier stable, ou en lente mutation, notre environnement économique est aujourd’hui ouvert aux innovations numériques, ainsi qu’à l’économie dite collaborative. Cette dernière a, au cours de ses balbutiements – les uns partagent leur tondeuse, leur caravane, les autres louent à des hôtes de passage une chambre chez eux ou, pour quelques jours, dans leur résidence secondaire –, échappé aux contraintes du financement de nos régimes sociaux.

Or s’il est utile de laisser émerger de nouvelles formes d’économie, il est tout aussi indispensable de mettre rapidement en place un cadre juridique et social susceptible de garantir une concurrence aussi loyale et équitable que possible entre ces nouvelles activités et l’économie plus traditionnelle.

Nous avons eu, l’an dernier, des débats sur l’ubérisation de la société. L’article 10 de ce PLFSS concerne plutôt les plateformes de location de biens immobiliers et les conséquences de leur développement sur l’ensemble de notre territoire.

Certaines de ces conséquences sont d’ailleurs très positives : tous les hébergements y gagnent une visibilité accrue qui, pour n’être pas gratuite, est de dimension planétaire.

Mais certains de nos sites touristiques majeurs, et notamment notre capitale, voient aussi se développer une professionnalisation de cette économie supposée collaborative. Le fait de proposer en permanence, et nuitée après nuitée, plusieurs appartements en location n’a en effet plus rien de commun avec le partage d’une résidence secondaire à destination d’un hôte occasionnel : il s’agit d’un nouveau métier, qui concurrence aussi bien les formes existantes d’hébergement que la location annuelle, jugée moins rentable et trop encadrée.

Nous devons donc adapter notre législation non seulement pour consolider le financement de notre modèle social, mais aussi pour garantir aux acteurs économiques traditionnels la concurrence équitable à laquelle nous sommes attachés.

Depuis le début de cette législature, la lutte contre la fraude fiscale, la fraude aux cotisations sociales et le travail dissimulé constituent des priorités affichées et suivies d’effets. L’équité, l’égalité passent aussi par des contrôles accrus, afin que tous les acteurs économiques jouent au même jeu avec les mêmes règles. Les hôteliers, par exemple, sont attentifs à ce que tous les hébergeurs soient peu ou prou soumis aux mêmes contraintes et à ce qu’ils soient tenus d’offrir aux touristes et aux visiteurs les mêmes garanties de qualité.

Nous devons, donc, adapter notre législation, mais avec efficacité, sans générer d’effets pervers qui seraient plus graves que le mal initial. Tout le travail fait autour de l’article 10 de ce PLFSS vise à atteindre un tel objectif sans pour autant décourager l’émergence de nouvelles formes d’activités, qui ont aussi leurs avantages.

Soyons cependant attentifs à l’ensemble de la problématique. Il y a quelques semaines, je défendais en tant que rapporteure le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, c’est-à-dire l’acte II de la loi montagne, un texte porteur d’engagements environnementaux et économiques forts. L’objectif d’une politique touristique en montagne est de parvenir à mettre en location la plus grande partie du parc existant – ce que l’on appelle la lutte contre les « lits froids » –, mais aussi de réorienter certains dispositifs fiscaux – comme celui dit « Censi-Bouvard » – vers la rénovation. Une telle politique a des vertus environnementales, puisqu’elle permet de lutter contre l’étalement urbain, mais il importe, pour qu’elle réussisse, que le cadre législatif et social ne dissuade pas les propriétaires de louer leurs biens : il faut donc savoir faire simple, clair et efficace.

Or la rédaction actuelle de l’article 10 a poussé un grand nombre d’acteurs – des gîtes ruraux aux agences immobilières de montagne – à monter au créneau pour nous alerter sur le flou des mesures envisagées. En voulant bien faire, nous avons inquiété l’économie traditionnelle. À quelques jours de l’ouverture des stations de montagne, la profession s’est ainsi inquiétée des débats entre l’Assemblée et le Sénat relatifs au seuil de revenus à retenir pour considérer une activité de location immobilière comme professionnelle.

De même, des précisions sont attendues s’agissant des revenus réellement soumis à cotisation sociales. L’assiette recouvre-t-elle les recettes ou le bénéfice ? En précisant ce point, l’amendement n229 déposé par le Gouvernement me semble en mesure de rassurer les loueurs, qu’ils soient ou non professionnels.

L’exercice de clarification auquel nous allons nous livrer rendra notre législation plus équitable et favorisera le développement de l’activité économique et touristique dans notre pays. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de l’avoir permis en vous montrant particulièrement à l’écoute de l’ensemble des acteurs.

Reste à bien définir le champ d’application du dispositif : a-t-il vocation à s’appliquer dans les seules zones rurales ou sur l’intégralité du territoire national ? Le sous-amendement que j’ai déposé nous permettra, je l’espère, d’en débattre et de compléter les avancées que constituent d’ores et déjà les précisions que vous avez, monsieur le secrétaire d’État, données tout à l’heure ainsi que l’amendement que vous avez présenté.

Je le répète, une clarification s’imposait pour être fiscalement et socialement efficace. Les lois doivent en effet être simples, non sujettes à interprétations, et favoriser l’activité économique. Je crois que nous sommes en voie d’atteindre cet objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Huillier.

Mme Joëlle Huillier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous entamons cette nouvelle lecture alors que l’avenir de la Sécurité sociale est, avec les propositions du candidat de l’opposition à l’élection présidentielle, brutalement réapparu dans le débat politique national.

M. Jean-Pierre Door. Ah ? Tiens, tiens.

Mme Joëlle Huillier. Les Français peuvent désormais juger de deux visions de la protection sociale : la nôtre et celle de la droite, qui en prépare le démantèlement, alors même que celui-ci n’a aucune justification financière.

Alors que le gouvernement Fillon – tiens, tiens – nous avait laissé, en 2012, un déficit abyssal de 17,5 milliards d’euros et une dette sociale astronomique…

M. Michel Issindou. C’est vrai que c’était son œuvre !

Mme Joëlle Huillier. …nous avons réduit le déficit de moitié, et bientôt des trois quarts, au point que le retour à l’équilibre devient envisageable dès la fin de 2017. Quant à la dette, elle diminue déjà depuis l’année dernière.

En matière de retraites, notre majorité a poursuivi le redressement du régime général, désormais à l’équilibre, et qui sera bientôt excédentaire. Dans le même temps, elle permettait à 500 000 travailleurs ayant commencé tôt leur carrière et disposant de toutes leurs annuités de partir à la retraite à l’âge de soixante ans, tout en prenant en compte la pénibilité ainsi que les carrières heurtées par la maladie, la maternité ou le chômage.

Pourtant, l’opposition s’entête à vouloir tout à la fois reporter l’âge légal de départ à soixante-cinq ans, supprimer le compte pénibilité et développer l’épargne-retraite ! Autrement dit, elle organise, à terme, la fin de notre système solidaire de retraite par répartition.

M. Michel Issindou et Mme Annie Le Houerou, rapporteure. Eh oui !

Mme Joëlle Huillier. En matière d’assurance maladie, alors que le gouvernement Fillon avait, de 2007 à 2012, fait payer les patients au moyen de déremboursements massifs et de franchises médicales, nous avons jugé préférable de demander un effort aux industriels sur les prix des médicaments et des dispositifs médicaux, tout en engageant le virage ambulatoire à l’hôpital.

Aujourd’hui, cette même droite s’entête et va plus loin : elle veut supprimer la cotisation maladie des salariés et faire payer tous les Français en augmentant la TVA ! Cela revient à ne plus faire prendre en charge la plupart des frais de santé par la solidarité nationale mais, dans un système à l’américaine, par les mutuelles et les assurances privées.

Mme Annie Le Houerou, rapporteure. C’est intolérable !

Mme Joëlle Huillier. Ce que la droite nous prépare, c’est donc un système de protection sociale à deux vitesses, séparant de tous les autres celles et ceux qui auront les moyens de se payer une retraite et de se soigner.

Mme Catherine Lemorton. C’est bien cela.

Mme Joëlle Huillier. Rien que pour cela, il ne faut pas la laisser revenir au pouvoir.

M. Jean-Pierre Door. Nous y reviendrons tous seuls !

Mme Joëlle Huillier. En attendant, nous avons ce projet de loi qui revient du Sénat. Mon propos traitera en priorité des mesures bénéficiant aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Les crédits qui leur sont dédiés, et qui sont en hausse de 18 % par rapport à 2012, atteindront 21,5 milliards d’euros en 2017.

Nos collègues sénateurs ont, à l’article 46, apporté plusieurs modifications relatives à la réforme de la tarification dans les établissements et services médico-sociaux. Mais leurs propositions, notamment celle instaurant une phase de dialogue dans le cadre des CPOM sont sources de complexité et de contraintes supplémentaires. En outre, elles s’avèrent inutiles pour les structures concernées. Il convient donc, sur ce point, comme le préconise notre rapporteur, d’en revenir au texte adopté par notre assemblée.

Les sénateurs ont aussi fait des propositions relatives aux comptes de la CNSA. Je ne veux pas, madame la ministre, refaire le débat que nous avons eu en première lecture mais la question du niveau et de l’utilisation des réserves de cette caisse pour l’avenir reste toujours autant d’actualité.

Les sénateurs souhaitent que le Parlement soit informé de la publication des budgets modificatifs de la Caisse. Je réponds que le Parlement a déjà deux représentants au sein de son conseil, dont votre serviteur, et je vous invite, mes chers collègues, à me solliciter pour toute information. J’approuve en revanche leur proposition d’une publication annuelle du montant prévisionnel de ses réserves, ce qui améliorera la vision de sa situation et permettra d’anticiper le financement de nouvelles actions pour les personnes en perte d’autonomie. Quant à la suggestion des sénateurs consistant à flécher automatiquement les réserves sur le financement de l’APA – allocation personnalisée d’autonomie, de la PCH – prestation de compensation du handicap – et des maisons départementales des personnes handicapées, elle ne me semble pas appropriée, car ces moyens seront aussi utiles aux services d’aide à domicile, aux établissements et aux aidants.

C’est pourquoi j’ai déposé un amendement à l’article 20 relatif à la répartition des recettes de la CNSA. Le Gouvernement souhaite que l’affectation des moyens dédiés au financement de ses établissements et services ainsi qu’à la PCH soit désormais fixée par arrêté ministériel ; dans ce cas, il faudrait que le conseil de la CNSA puisse donner préalablement son avis sur la répartition envisagée.

Telles sont, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les réflexions sur ce texte dont je voulais vous faire part. Il me semblait à la fois plus équilibré et plus ambitieux à sa sortie de l’Assemblée nationale qu’à l’issue de son examen par le Sénat. Il convient donc de revenir pour l’essentiel à notre version, car elle seule garantit la poursuite de l’assainissement des comptes sociaux et le maintien d’un niveau élevé de protection sociale pour les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, sans surprise, le déficit du PLFSS perdure, malgré un tripatouillage tout aussi maladroit qu’insincère. Il serait réduit à 400 millions d’euros en 2017, mais le Gouvernement oublie de mentionner le déficit de 3,8 milliards d’euros du Fonds de solidarité vieillesse, qui constitue pourtant l’une des cinq branches de la Sécurité sociale depuis 1993 ! Ainsi, selon le Gouvernement, l’équilibre n’est rien d’autre qu’un déficit de 4,2 milliards d’euros ! Par ailleurs, ce budget mensonger a été calculé sur la base de prévisions de croissance surévaluées. Pendant que vous prenez vos rêves pour des réalités, madame la ministre, la réalité s’avère être un cauchemar dans lequel la Sécurité sociale présente une dette s’élevant à 156 milliards d’euros, ce dont vous et l’ancienne majorité de droite êtes coresponsables !

Je vous concède que ce budget présente un léger rééquilibrage par rapport aux années précédentes, réalisé sur le dos des ménages et des entreprises qui ont dû consentir à 50 milliards d’euros d’impôts et de cotisations supplémentaires depuis 2012. Les familles, notamment, ont payé un lourd tribut tout au long de ce quinquennat : baisse du plafond du quotient familial, fin de l’universalité des allocations familiales, diminution de moitié de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, réforme du congé parental et enfin fiscalisation des majorations de retraite versées aux parents ayant élevé au moins trois enfants ! Les familles ont donc été la variable d’ajustement favorite des socialistes. Mieux aurait valu préserver les familles françaises et appliquer la priorité nationale aux aides sociales non contributives !

Nos aînés, eux non plus, n’ont pas été épargnés. La baisse de la CSG payée par un demi-million de retraités modestes est amplement insuffisante et n’effacera pas le gel des pensions de retraite en vigueur depuis 2013. Leur pouvoir d’achat fond sous la pression de la fiscalité et du coût de la vie. Le retour à son indexation annuelle sur l’évolution des salaires est souhaitable et devrait s’accompagner d’une révision des régimes spéciaux de retraite ainsi que d’une harmonisation des régimes publics et privés en matière de calcul des pensions et de jours de carence.

Au lieu de cibler les mauvaises dépenses, vous détériorez la fonction publique hospitalière. Les économies d’échelle demandées aux hôpitaux, sous la forme des groupements hospitaliers de territoire, risquent d’entraîner la fermeture arbitraire de services tels que les urgences ou les maternités, donc la perte de lits et d’emplois. Vous continuez d’y instiller une logique de rentabilité qui porte préjudice aux établissements de santé situés dans les territoires en voie de désertification médicale.

Par ailleurs, la généralisation du tiers payant constitue une difficulté supplémentaire pour les médecins, dont le nombre demeure insuffisant. Plus de 2,5 millions de nos compatriotes vivent dans des déserts médicaux et ce fléau s’aggrave : 25 % des médecins généralistes pourraient disparaître entre 2007 et 2025. Je n’évoque même pas les spécialistes, notamment les gynécologues pour la consultation desquels les Françaises parcourent en moyenne quarante-cinq minutes de trajet et patientent cinquante jours. La ruralité est particulièrement laissée pour compte et la fermeture des services de santé affecte son développement économique. Pour y remédier, les professionnels de santé devraient être familiarisés avec les territoires dès leur scolarité, notamment par des stages dans les déserts médicaux répertoriés, et le numerus clausus à l’université de médecine enfin desserré.

Sont aussi complètement oubliés les milliards envolés en raison des fraudes massives aux prestations familiales,…

M. Michel Issindou. N’exagérons rien !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. …dont le coût est estimé à 1,3 milliard d’euros en 2013, et plus globalement des fraudes aux cotisations sociales, sources d’une perte de recettes que la Cour des comptes évalue à plus de 20 milliards d’euros.

Ces fraudes devraient faire l’objet d’une traque renforcée par la création d’une carte vitale biométrique et la lutte contre la production de papiers d’identité frauduleux. Les recouvrements qui en résulteraient permettraient notamment de financer l’allocation personnalisée d’autonomie destinée aux personnes âgées, car son coût pèse sur les départements dont les dotations se réduisent chaque année. Mais vous n’êtes pas à une incohérence près, madame la ministre, car vous augmentez le prix du tabac tout en inaugurant une salle de shoot facturée 1,2 million d’euros par an à la Sécurité sociale !

M. Renaud Gauquelin. Très bien !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Heureusement que ce quinquennat touche à sa fin avant que n’advienne la légalisation du cannabis !

Enfin, comment peut-on se contenter d’une simple mesure de sanction administrative de l’absence de déclaration de travailleurs détachés ?

Mme Chantal Guittet. C’est complètement faux !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Vous auriez dû défendre l’abrogation pure et simple de cette directive scandaleuse et parfaitement injuste socialement !

Mme Chantal Guittet. Et que ferait-on des Français détachés ?

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Quant au rabotage de l’aide versée aux chômeurs entrepreneurs créant ou reprenant une entreprise, elle est parfaitement incompréhensible compte tenu du chômage que le gouvernement dont vous êtes membre n’a pas réussi à vaincre, en dépit des manipulations comptables censées permettre à M. Hollande de se représenter.

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, après son examen par le Sénat et l’échec de la commission mixte paritaire, le PLFSS pour 2017 revient dans l’hémicycle en nouvelle lecture. L’exercice est certes un peu répétitif, mais il constitue aussi l’occasion de rappeler les principaux enjeux du projet de loi et de se féliciter en outre de sa particularité, inédite depuis onze ans : le retour à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale.

M. Gilles Lurton. Il faut le dire vite !

M. Michel Issindou. À l’exception du Fonds de solidarité vieillesse, dont on connaît la dépendance à la situation du chômage, toutes les branches de la Sécurité sociale ont retrouvé la couleur verte de l’équilibre ou la retrouveront, comme la branche maladie. Cela n’est pas le fruit du hasard mais d’une volonté politique de réduire des déficits insupportables s’agissant de dépenses courantes que nous ne pouvons raisonnablement laisser aux générations futures. Même la dette passée, accumulée à la CADES et à l’ACOSS, décroît très sensiblement. Voilà une politique responsable qu’il convient de saluer et de porter au crédit de notre majorité !

Le PLFSS pour 2017 s’inscrit dans la lignée des précédents. Il maintient le cap de la responsabilité financière et du renforcement des droits. La compression de l’ONDAM à 2,1 % permet à la fois de financer des mesures salariales à l’hôpital et d’améliorer la convention médicale mais aussi de mettre en œuvre la première étape d’un plan ambitieux d’accessibilité aux soins dentaires, notamment aux prothèses. Dans ce projet de loi, les droits nouveaux sont légion dans toutes les branches, tels que la création d’une agence de recouvrement des pensions alimentaires et l’extension de la retraite progressive aux salariés ayant plusieurs employeurs. Il répond aussi aux défis structurels que pose l’innovation pharmaceutique et soutient l’effort financier de lutte contre le tabagisme.

Parmi ces mesures fortes, je salue le relèvement du seuil du revenu fiscal de référence de 3 %, qui permettra à 550 000 ménages, notamment aux retraités les plus modestes, de bénéficier d’une augmentation de pouvoir d’achat de 280 millions d’euros.

Je souligne aussi que nous n’avons eu de cesse, au fil des PLFSS, de réduire les dépenses de santé restant à la charge des ménages : elles sont passées de 9,3 % en 2011 à 8,4 % depuis 2015, ce qui tord le cou à certaines affirmations selon lesquelles les comptes s’améliorent au détriment des malades.

Ce PLFSS, cinquième et dernier de la législature, consolide notre budget social et conforte ainsi notre modèle social. Nous y sommes très fortement attachés, car il permet à chacun, par la solidarité qu’il prévoit, de vivre décemment, de se soigner, d’élever ses enfants et de connaître une retraite digne. Ce modèle social, pour perfectible qu’il soit, fonctionne de façon satisfaisante. En tant que citoyen éclairé, j’ai éprouvé quelques inquiétudes jeudi dernier en suivant le troisième débat de la primaire de la droite. J’ai cru comprendre que son vainqueur entend remettre sensiblement ce modèle en question. Il affirme ne vouloir conserver dans le périmètre des remboursements de la Sécurité sociale que les affections de longue durée, renvoyant aux mutuelles ou aux assurances privées les autres dépenses de santé.

M. Jean-Pierre Door. Ce n’est pas vrai !

M. Michel Issindou. Il s’agit d’une mesure scandaleuse qui mettrait les plus démunis en grande difficulté, car ils n’ont pas la possibilité de s’offrir une complémentaire de qualité. C’est le début du démantèlement de la Sécurité sociale, ni plus ni moins ! Le programme du candidat à la présidentielle comporte une autre mesure emblématique : le passage rapide, dès 2022, de l’âge légal de la retraite de soixante-deux à soixante-cinq ans. Rien ne justifie une telle précipitation, car les comptes du régime général sont à l’équilibre. La minorité du moment est animée d’une volonté de casser notre modèle social qui procède d’une solidarité voulue par les créateurs de la Sécurité sociale il y a maintenant soixante-et-onze ans. Les Français y sont profondément attachés, fort justement ! Il est soutenable en l’état. Nos concitoyens n’accepteront pas son démantèlement et sauront le faire savoir le moment venu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je comprends que l’opposition soit ennuyée : elle tient à sa purge et aux saignées annoncées, il lui faut donc un malade, et tant pis s’il est imaginaire !(Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Par conséquent, il ne faut pas que les comptes de la Sécurité sociale reviennent à l’équilibre ! Pourtant, si on compare les chiffres actuels, qui sont validés, avec la situation prévalant il y a quatre ans, on est obligé de constater que nous revenons à l’équilibre. Vous pouvez discuter de 2017, chers collègues de l’opposition, car il s’agit toujours d’un pari, d’une prévision comportant une petite possibilité d’erreur, mais l’erreur n’a jusqu’à présent jamais été commise.

Les résultats de cette année montrent que nous sommes quasiment à l’équilibre. Pourquoi le nier ? Parce qu’il faut un malade à qui veut administrer un remède de cheval ! Si je me félicite de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, c’est d’abord pour la démonstration qu’il apporte que notre assurance maladie est en bonne santé, que notre assurance vieillesse est à l’équilibre, que la branche AT-MP est en excédent et que la branche famille est proche de l’équilibre. Tout cela est démontré et documenté. Je comprends que vous n’en conveniez pas, chers collègues de l’opposition, afin que les Diafoirus, même ceux qui gagnent les primaires, puissent appliquer leurs remèdes inutiles ! Si les remèdes sont inutiles, c’est que l’on se livre à un exercice de mortification. Après tout, la discipline n’est pas simplement budgétaire, elle était aussi un fouet, au temps de Tartuffe : « Serrez ma haire avec ma discipline ! »

Mais le projet de loi ne se résume pas à cela. L’article 27 traite de la vie concrète des familles dans notre pays, en l’espèce du problème du recouvrement des pensions alimentaires. Il offre un mécanisme innovant aux créanciers comme aux débiteurs. Je n’irai pas plus loin dans la description de ce qui est prévu, mais il me semble que nous améliorons la vie concrète d’un grand nombre de nos concitoyens. Je rappellerai simplement, pour m’en tenir aux parents mariés ou qui l’ont été, que l’on dénombre actuellement plus d’un divorce pour deux mariages. Par conséquent, nous travaillons pour le quotidien des Français.

Quant à l’article 40, il prévoit une expérimentation visant à faire financer les consultations psychologiques par le FIR – fonds d’intervention régional. Il s’agit d’une véritable avancée pour les parents. Sur ce point aussi, nous nous intéressons concrètement à la vie des personnes. J’appelle de mes vœux une légère évolution du dispositif afin que les psychologues puissent participer au repérage des souffrances psychiques, auquel ils sont formés. Quels psychologues ? Les psychologues scolaires, d’abord, car ils sont au contact des enfants. Dans le cadre des écoles, plus particulièrement dans le cadre des RASED – réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, du moins ce qu’il en reste, n’ayant pas été complètement éradiqué lors du mandat précédent –, ils repèrent les enfants en difficulté aux côtés des maîtres G et E et sont parfaitement en mesure de les orienter.

Je souhaite également que les psychologues hospitaliers, notamment ceux qui travaillent en centre médico-psychologique – CMP – et qui reçoivent souvent les patients pour un premier rendez-vous, puissent les orienter vers des psychologues libéraux. Pourquoi ? Tout simplement parce que la plupart des CMP sont submergés et que les rendez-vous sont à plus de six mois, quand il est souhaitable, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants, d’obtenir un rendez-vous à bref délai. Par ailleurs, ce premier rendez-vous peut mettre en évidence la nécessité d’une psychothérapie. Lorsque leur structure n’est pas en mesure de prendre en charge le patient à plus long terme, il serait donc de bonne politique de permettre aux psychologues hospitaliers, notamment ceux qui exercent en CMP, d’orienter leur patient vers des psychologues libéraux. Voilà les améliorations concrètes qu’il me semble possible d’apporter au projet de loi.

Bien d’autres sujets pourraient être développés. Ainsi, il est de notre responsabilité de travailler sur les conséquences de l’ubérisation de la société. Encore une fois, la plate-forme numérique ne change pas la nature du rapport économique fondamental, qu’il s’agisse d’hôtellerie ou de location de meubles. Sachons en tirer les conséquences. On ne peut pas dire qu’il s’agit d’une mise à disposition épisodique d’un logement lorsque l’on en tire 23 000 euros par an !

Voilà les observations que je voulais apporter sur ce projet, qui termine fort bien ce mandat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, nous examinons, après l’échec de la CMP, le dernier PLFSS du quinquennat et de votre mandat ministériel, madame la ministre. Vous aviez annoncé à grands renforts médiatiques la présentation de comptes en équilibre…

M. Michel Issindou. C’est le cas !

M. Dominique Tian. …mais bien des intervenants, notamment chez Les Républicains, ont prouvé le contraire : les déficits ne cessent de s’accroître. Je prends un seul exemple, celui de l’Allemagne – ce que vous n’aimez pas, mais pourtant, il s’agit de notre voisin le plus proche – : l’assurance maladie allemande a dégagé entre 2000 et 2014 12 milliards d’euros d’excédents, alors que nos déficits cumulés dépassent 130 milliards d’euros. Parler d’équilibre, madame la ministre, relève de l’art ! D’ailleurs, le Haut Comité des finances publiques s’est inquiété des hypothèses de construction de votre budget, tandis que la Cour des comptes n’a cessé de vous reprocher cette présentation.

La dette sociale atteint 152 milliards d’euros cumulés, et je ne vous parlerai pas des régimes spéciaux et de la fonction publique. Mais les personnes concernées, incontestablement, ont indiqué dimanche dans les urnes qu’elles-mêmes n’y croyaient plus et qu’elles souhaitaient que des mesures énergiques soient prises pour redresser les comptes sociaux de notre pays.

Ce PLFSS contient des éléments qui nous inquiètent énormément et qui ont été largement médiatisés. Je pense notamment à l’article 9, qui prévoit une nouvelle organisation de la collecte des cotisations des travailleurs indépendants, autour d’une coresponsabilité de l’URSSAF et du RSI. La Cour des comptes vous a mis en garde, et un rapport de l’IGAS appelle à la prudence en la matière. Bien des Français gardent le souvenir du RSI, qui fut une catastrophe industrielle.

Plusieurs députés du groupe socialiste, écologiste et républicain. La vôtre !

M. Dominique Tian. Nous avons, en effet, notre part de responsabilité… Disons que vous n’avez guère arrangé les choses, et que les dizaines de milliers d’artisans et de commerçants qui ont connu de grandes difficultés avec le RSI entrevoient avec crainte l’article 9. Nous ne pouvons que partager leur point de vue.

L’article 10 est assez étonnant. On a également beaucoup parlé de l’économie collaborative, sans qu’aucune réponse satisfaisante n’ait été apportée. Le seuil appliqué pour les revenus tirés de la location d’un camping-car, d’une tondeuse ou de matériel de jardinage avait été fixé à 3 860 euros, ce qui était trop bas. Vous avez accepté de modifier ce seuil, en le doublant quasiment. Pour ce qui est des locations de logements, le seuil a également été remonté au Sénat, mais cela demeure insuffisant.

Mais c’est l’obligation qui serait faite de s’inscrire au RSI qui nous paraît le plus grave. Cela est totalement incompréhensible, et nous l’avons fait valoir en première lecture : vous pouvez être fonctionnaire, salarié, chômeur et décider d’arrondir vos fins de mois ou éviter la misère en mettant en location un certain nombre de biens. On ne peut vous contraindre à adhérer au RSI ! Monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas su évoquer le problème des fonctionnaires : peuvent-ils adhérer au RSI ? Je ne le pense pas, et votre analyse juridique ne nous a pas rassurés. Un certain nombre de personnes, et je pense notamment aux enseignants, ne pourront plus mettre en location leurs biens, leurs appartements – source de revenus appréciable –, tout simplement parce qu’elles ne pourront pas remplir les conditions d’adhésion au RSI. C’est insupportable !

En commission, nous avons largement évoqué le cas des propriétaires qui adhèrent à la fédération des gîtes de France : leur activité est régie par la loi Hoguet et ils paient des charges fiscales et sociales. Comment voulez-vous les obliger à adhérer au RSI ? Gilles Lurton a évoqué d’autres cas, sans qu’aucune réponse lui soit apportée. Avec cette obligation d’adhérer au RSI, des milliers et des milliers de logements risquent de ne plus être louables. Cela paraît insupportable.

Enfin, l’article 19 bis a été restauré, et avec, la mise en place de clauses de désignation prévoyance. Pourtant, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 juin 2013, a déclaré leur inconstitutionnalité et les décisions de justice vont toutes dans ce sens, mais vous ne cessez de vouloir les contourner.

Enfin, l’hôpital souffre, l’hôpital va mal. Les cliniques privées sont menacées de disparition. Les tarifs de l’hospitalisation privée, déjà mal dotée, ont baissé de 2 %, obérant l’avenir de nombreux établissements médico-sociaux publics et privés. Pourtant, cela fait cinq ans que vous refusez de prendre les décisions structurelles, pourtant nécessaires. Le groupe Les Républicains votera contre ce PLFSS. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je veux juste dire un mot sur l’économie collaborative. Monsieur Tian, ce n’est pas votre genre, mais vous n’étiez pas dans l’hémicycle lorsque je me suis exprimé à la tribune.

M. Dominique Tian. Le TGV avait du retard.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Dont acte. J’ai répondu aux préoccupations que les uns et les autres ont exprimées sur les gîtes, sur l’obligation d’affiliation au RSI. En première lecture, je m’étais engagé à ce que des solutions puissent être apportées et je remercie Mme Laclais pour ses propos beaucoup plus constructifs. C’est un sujet dont je considère qu’il sera itératif dans les travaux parlementaires, tant les situations sont diverses. Nous ferons un pas substantiel vers plus d’équité, vers plus d’égalité entre les différentes formes d’exercice, pour une activité économique comparable. Je vous invite à en débattre avec moi à l’article 10 et à considérer les amendements que vous proposeront le Gouvernement et certains de vos collègues.

Deuxième partie

M. le président. J’appelle maintenant, dans les conditions prévues par l’article 114, alinéa 2, du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Article 3

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n139.

Mme Marisol Touraine, ministre. Après une réévaluation des réserves du Fonds pour l’emploi hospitalier – FEH –, le Gouvernement propose un amendement qui vise à majorer de 60 millions d’euros la contribution de ce fonds en 2016. Cette mesure n’affecte en rien la capacité du fonds à mener à bien ses missions. En effet, les dernières prévisions montrent qu’une fois le prélèvement effectué, le FEH disposera encore de près de 80 millions d’euros de réserves et restera structurellement excédentaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Je m’en remets au jugement du Gouvernement, qui est seul à disposer des informations concernant le montant des réserves du FEH. Avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. S’il y a des réserves, il faut les utiliser ! Je suis surprise, et je souhaiterais que Mme la ministre nous explique à quoi sert ce fonds et comment il se trouve que ses réserves soient si élevées. Pourquoi ce fonds est-il si peu utilisé, alors que les besoins sont importants ?

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Cet article est assez symptomatique des tours de passe-passe budgétaires auxquels se livre le Gouvernement en matière de dépenses de l’ONDAM. À ce jour, le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés permet de financer des opérations de modernisation. Levier majeur d’investissement, il permet d’améliorer la qualité et la prise en charge des patients et contribue à l’efficacité des actes pratiqués. Personne ne peut remettre en cause ce fonds, d’autant que les investissements et les opérations de modernisation permettent d’accompagner le virage ambulatoire.

Mme Fraysse a tout à fait raison : si le FEH existe, c’est qu’il a une vocation. Or ce n’est pas la première fois que le Gouvernement prélève de l’argent sur ses réserves. Nous préférons la rédaction du Sénat et souhaitons que ces fonds continuent à soutenir l’investissement dans les établissements et à favoriser l’emploi hospitalier.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Cet amendement n’est rien d’autre que de la tuyauterie ! C’est d’ailleurs ce qui a heurté le comité d’alerte de l’ONDAM, qui a dénoncé ce genre de situations. Cela relève de l’insincérité, un aspect de ce projet de loi que nous dénonçons.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Fraysse, ce fonds finance et continuera de financer plusieurs actions, que ce soit dans le cadre du compte épargne temps ou dans celui des congés de formation professionnelle. Le FEH finançait le dispositif de cessation progressive d’activité. La suppression de ce dispositif en 2011 explique que le fonds soit devenu excédentaire.

(L’amendement n139 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n104.

M. Dominique Tian. Encore un tour de passe-passe budgétaire ! Il s’agit quand même de 300 millions d’euros, ce qui autorise à poser certaines questions. L’association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier – ANFH – nous a fait part de son étonnement face à cette ponction sur les réserves de l’organisme paritaire collecteur agréé. Vous allez ponctionner 300 millions d’euros, au détriment de la formation professionnelle hospitalière, qui en a bien besoin !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Si le Sénat n’a pas proposé de supprimer ces dispositions, c’est qu’il ne remet pas en cause le bien-fondé du prélèvement. Je rappelle les raisons ayant présidé au rejet de cet amendement en première lecture. Selon les informations qui m’ont été transmises, l’ANFH enregistre une progression de ses produits de 4 % par an entre 2012 et 2015, plus rapide que celle de ses charges de formation, de 3 % sur la même période. Au cours du dernier exercice, l’association a dépensé 800 millions d’euros au titre de la formation, contre 865 millions de produits, dégageant ainsi un résultat de 65 millions d’euros. Son résultat net s’élève à 33 millions d’euros. Il existe donc un excédent structurel. Maintenir les crédits ne permettrait pas de répondre à votre souci légitime, puisque l’association ne serait pas en mesure de les dépenser au cours de l’année à venir. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

(L’amendement n104 n’est pas adopté.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Article 4

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 4.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n3.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit simplement de rétablir un article devant obligatoirement figurer dans la loi de financement de la Sécurité sociale – il rectifie en effet, pour 2016, les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses et le tableau d’équilibre –, mais que le Sénat a pourtant supprimé, sans même en proposer une autre rédaction.

(L’amendement n3, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 4 est ainsi rétabli.)

Article 5

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 5.

La parole est à Mme Michèle Delaunay, rapporteure, pour soutenir l’amendement n4.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. En raison d’un désaccord de fond, que nous avons déjà exposé, avec l’équilibre financier proposé par le Gouvernement, le Sénat a supprimé cet article à l’initiative de sa commission des affaires sociales.

Celle de l’Assemblée propose de le rétablir dans sa rédaction issue des travaux en première lecture de l’Assemblée nationale.

(L’amendement n4, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 5 est ainsi rétabli.)

Vote sur l’ensemble de la deuxième partie

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017.

(L’ensemble de la deuxième partie du projet de loi est adopté.)

Troisième partie

M. le président. Nous abordons maintenant la troisième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année 2017.

Article 6

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, inscrit à l’article.

M. Gilles Lurton. Cet article, dont nous avons longuement parlé en hémicycle à l’occasion de la première lecture, concerne l’exonération de cotisations sociales prévue dans le cadre de l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’une entreprise.

Je comprends mal pourquoi cette disposition figure encore dans un tel texte. M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics nous a déclaré que le dispositif examiné en première lecture à l’Assemblée nationale ne changerait rien à la situation de 87 % des bénéficiaires : à quoi bon s’engager dans un système qui présente beaucoup de contraintes mais peu d’avantages ?

Vous allez réaliser de petites économies, tout en restreignant l’aide aux demandeurs d’emploi qui créent leur propre emploi quand Pôle emploi a échoué à leur en trouver un. On ne crée pas une entreprise avec 1 500 euros par mois, ni en quinze jours. Cette démarche demande du temps, de l’investissement, et peut échouer ou réussir. Nous nous étions engagés auprès de porteurs de projets de création d’entreprises et d’investissement jusqu’au 31 décembre 2017. Cet article remet en cause ces engagements.

Plutôt que d’encourager les demandeurs d’emploi à prendre des initiatives et retrouver une situation, vous les en découragez, et faites tout le contraire de ce qu’il faudrait.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n5 qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour le soutenir.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement propose de rétablir l’article 6 dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, avec un simple ajustement de références, le Sénat ayant adopté un long amendement rédactionnel alors même qu’il a rejeté les articles d’équilibre.

Au passage, je me demande pourquoi l’on cherche à améliorer la rédaction d’un article que l’on veut supprimer. Le seul effet d’une telle position est de laisser en navette un grand nombre d’articles et d’alourdir la nouvelle lecture par l’Assemblée.

Comme l’année dernière, la commission a refusé de cautionner cette position de principe pour le moins paradoxale et elle prévoit de rétablir l’article 6 tel que voté par notre Assemblée en première lecture.

M. le président. Je suis saisi d’une première série de deux sous-amendements identiques, nos 209 et 212.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir le sous-amendement n209.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir le sous-amendement n212.

M. Jean-Pierre Door. L’exonération est totale pour des revenus qui n’excèdent pas 0,75 % du plafond annuel de la Sécurité sociale et dégressive jusqu’au plafond. Réserver l’éligibilité de cette aide aux personnes ayant un niveau de revenus modeste envoie un mauvais signal à la création d’entreprises dans notre pays. Cette mesure, de surcroît, ne générerait en contrepartie que très peu d’économies pour les finances sociales.

Alors que le taux de chômage a atteint les niveaux records que vous connaissez, il est indispensable de soutenir les mesures favorisant l’entrepreneuriat.

M. le président. Je suis saisi d’une deuxième série de deux sous-amendements identiques, nos 208 et 213.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir le sous-amendement n208.

M. Dominique Tian. Ce sous-amendement répond à la même logique. Les cadres peuvent avoir, eux aussi, envie de créer des entreprises. Réserver ce dispositif aux revenus les plus modestes n’a guère de sens. Les cadres, les artisans, beaucoup de demandeurs d’emploi souhaitent investir leurs fonds personnels dans une entreprise, avec tous les risques que cela comporte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir le sous-amendement n213.

M. Jean-Pierre Door. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ces sous-amendements procèdent de la même logique : revenir sur la modulation et la suppression, prévue à partir de certains plafonds, de l’exonération de cotisations de Sécurité sociale.

Rappelons que le plafond proposé est fixé à 0,75 % du PASS, soit environ 27 000 euros. Il ne s’agit pas pour nous de supprimer l’exonération mais de la rendre dégressive jusqu’au plafond de 38 616 euros. L’aide à la création d’emploi n’est pas remise en cause mais il nous semblerait superfétatoire d’exonérer de cotisations sociales un emploi payé quatre fois le SMIC. Nous appliquons ce principe général à certaines mesures d’exonérations de cotisations sociales dans les départements d’outre-mer – même s’ils sont sur ce point très privilégiés par rapport à la métropole. Ce dispositif découle d’un rapport de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires sociales. Voilà pourquoi je suis défavorable à ces sous-amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Avis défavorable, pour les mêmes raisons excellemment développées par votre rapporteur, aux quatre sous-amendements, et avis favorable à l’amendement n5.

Tout a été dit, mais j’ajouterai que les autres dispositifs d’accompagnement, qui ne sont pas des exonérations de cotisations sociales, sont conservés.

(Les sous-amendements identiques nos 209 et 212 ne sont pas adoptés.)

(Les sous-amendements identiques nos 208 et 213 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n5 est adopté ; l’article 6 est ainsi rédigé et les amendements nos120, 160 et 105 tombent.)

Article 6 bis

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n6.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement tend à corriger une modification rédactionnelle inutile du Sénat pour en revenir au texte issu de nos travaux en première lecture.

(L’amendement n6, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 6 bis est ainsi rédigé.)

Article 6 ter

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement de suppression n7.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement de la commission tend à supprimer un article introduit par le Sénat qui vise à exclure les régimes conventionnels de branche relatifs aux cessations anticipées d’activités du dispositif de l’article L. 137-10 du code de la Sécurité sociale, qui met à la charge des employeurs une contribution assise sur les avantages de préretraite ou de cessation anticipée d’activité.

Cependant, Mme Laclais propose une autre solution, via un amendement, accepté dans les conditions prévues par l’article 88 du règlement, et qui a reçu l’approbation du Gouvernement.

Je ne me permettrai pas de retirer cet amendement de la commission, mais je vous propose de prêter attention à l’amendement de Mme Laclais.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement étant favorable à l’amendement n176 rectifié de Mme Laclais, il sera défavorable à l’amendement n7 de la commission, s’il est maintenu.

M. le président. Que décidez-vous, monsieur le rapporteur ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je peux retirer l’amendement de la commission, en effet, car celui de Mme Laclais me semble meilleur.

(L’amendement n7 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir l’amendement n176 rectifié.

Mme Bernadette Laclais. Je remercie M. le rapporteur pour ses propos. Cet amendement vise, non pas à supprimer l’article issu du Sénat, mais à en améliorer la rédaction car il poursuit un objectif intéressant : sécuriser le dispositif de fin d’activité dans le secteur du transport routier au regard de redressements effectués par les organismes sociaux, dans un contexte de négociations autour d’évolutions à apporter à ce congé de fin d’activité.

Le congé de fin d’activité des conducteurs routiers est un dispositif négocié en 1996 par les représentants des syndicats, des organisations professionnelles et du Gouvernement. Il a fait l’objet d’accords paritaires, applicables au transport routier de marchandises et de voyageurs.

Les partenaires sociaux ont engagé une démarche de branche de réforme globale de la protection sociale intégrant des évolutions structurelles du congé de fin d’activité. Un premier accord a été conclu au sein de la branche il y a quelques mois, concernant notamment la prévoyance et l’inaptitude, qui précise que les partenaires sociaux vont désormais entamer les négociations relatives aux évolutions des dispositifs de gestion de fin de carrière.

Pour toutes ces raisons, je vous propose d’adopter cet amendement afin d’encourager la réforme du dispositif qui bénéficie depuis l’origine d’une contribution de l’État, en précisant que cette exclusion de la contribution sur les dispositifs de préretraite est bornée dans le temps, ce qui laisse aux partenaires sociaux le temps nécessaire pour s’adapter aux évolutions.

Tel qu’il a été rectifié, cet amendement pourrait obtenir l’accord de l’ensemble des parties.

M. Michel Issindou. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’historique de ce dispositif a été retracé par Mme la députée. Je renouvelle mon accord à cette rédaction qui présente l’avantage de borner le dispositif dans le temps, puisque l’exclusion du congé de fin d’activité de la contribution sur les préretraites à 50 % est fixée jusqu’à fin 2017, ce qui permet de donner le temps d’achever une négociation actée le 20 avril dernier, concernant la prévoyance et l’inaptitude. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Si l’amendement de Mme Laclais vise à sécuriser les négociations relatives à la cessation du dispositif de fin d’activité, nous y sommes favorables.

M. Michel Issindou. Très bien !

(L’amendement n176 rectifié est adopté et l’article 6 bis est ainsi rédigé.)

Article 7 bis

(L’article 7 bis est adopté.)

Article 7 ter

M. le président. La parole est à M. Ibrahim Aboubacar, inscrit sur l’article.

M. Ibrahim Aboubacar. L’article 7 bis a trait aux conditions d’exonération de cotisations sociales sur les emplois dans le domaine des services à la personne à Mayotte. Comme vous le savez, ces dispositions du code du travail n’étaient pas applicables à Mayotte jusqu’à il y a un an et demi. C’est à l’occasion de la loi relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer d’octobre 2015 que j’ai introduit ici même, par voie d’amendement, ces dispositions relatives aux services à la personne à Mayotte, considérant l’urgence de développer ce champ quasi inexistant du fait de la législation spécifique qui s’y appliquait. La publication du décret d’application a pris un peu de temps et le texte n’est sorti que récemment. Si j’ai bien compris, le dispositif est en train d’être mis en place à l’heure où nous délibérons.

Or il est apparu aux acteurs locaux que les conditions de mise en œuvre de ces dispositions s’avèrent défavorables en termes de reste à charge de cotisations par comparaison avec les autres départements d’outre-mer – la comparaison avec le droit commun étant, là encore, différente. Ces disparités sont dues à la différence des taux de cotisations sociales applicables à Mayotte et aux autres départements d’outre-mer.

C’est mon ami sénateur de Mayotte qui a introduit cet article par amendement lors de l’examen au Sénat, pour tenter d’aligner les conditions de mise en œuvre de ce dispositif sur celui des départements d’outre-mer. Dans l’exposé sommaire de son amendement de suppression, M. Bapt critique le caractère « confus » de l’article. Certes l’objectif peut paraître compliqué, mais il n’est nullement question ici de tendre vers une annulation des charges comme il est prétendu. Il s’agit bien, je le répète, d’un alignement.

Je tenais à apporter cet éclaircissement avant l’examen de l’amendement en question et à inviter le Gouvernement à poursuivre le travail – car je peux comprendre que l’on trouve cela confus –, en sorte que nous trouvions d’ici à la fin de la discussion du projet de loi de financement des dispositions soutenables pour Mayotte.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n8.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Tout comme vous, monsieur Aboubacar, nous souhaitons un alignement du régime des cotisations sociales applicable à Mayotte sur celui des autres départements d’outre-mer. De fait, cet alignement est en cours, sachant que le niveau des cotisations sociales à Mayotte est inférieur de 40 % à celui des autres départements d’outre-mer. C’est un alignement progressif, étalé sur de nombreuses années. Appliquer aujourd’hui le principe de la déduction forfaitaire par heure travaillée – laquelle déduction s’élève à 2 euros en métropole, mais à 3,70 euros en outre-mer – reviendrait à supprimer toute cotisation sociale sur les activités de service à la personne à Mayotte.

Le dispositif actuel ne procède nullement d’une discrimination, mon cher collègue, mais au contraire d’un alignement progressif, ce qui fait, du reste, que le niveau des cotisations à Mayotte est actuellement très favorable.

Pour ces raisons, il est proposé par cet amendement de supprimer l’article 7 ter.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En 2016, le niveau des cotisations de Sécurité sociale applicable à Mayotte est d’environ 18 %, contre 26,5 % en métropole et dans les autres départements d’outre-mer. Il est donc évident que les réductions de cotisations qui s’appliquent ailleurs ne peuvent y être mises en œuvre de manière identique. Pour un salaire au niveau du SMIC, le montant des cotisations est actuellement de 1,40 euro par heure à Mayotte, c’est-à-dire nettement moins que le montant applicable en métropole après application de la réduction. Aussi est-il prématuré de vouloir appliquer une réduction de 3,70 euros dans ce département. Au surplus, les outils nécessaires – chèque emploi service universel, « Pajemploi » – n’y sont pas encore développés, ce qui rendrait difficile, voire inapplicable, la mesure proposée.

C’est pourquoi je souscris aux arguments du rapporteur et donne un avis favorable à son amendement.

M. le président. La parole est à M. Ibrahim Aboubacar.

M. Ibrahim Aboubacar. Je veux apporter quelques corrections à ce qui vient d’être dit par le Gouvernement. Si le niveau des cotisations sociales à Mayotte est bien celui qu’on a évoqué, l’amendement rédigé par sénateur Thani ne vise nullement à étendre à Mayotte l’exonération de 3,70 euros : il est seulement demandé au Gouvernement de fixer un montant d’exonération de manière à ce que le reste à charge, je dis bien le reste à charge, soit identique à Mayotte et dans les autres départements d’outre-mer. Nous sommes bien conscients que le niveau des cotisations n’est pas le même. Sauf erreur de ma part, la cotisation horaire dans l’Hexagone est de 4,01 euros, l’exonération – le rapporteur l’a indiqué – de 2 euros et le reste à charge de 2,01 euros. Dans les autres départements d’outre-mer, la cotisation est également de 4,01 euros, mais l’exonération s’élève à 3,70 euros, soit un reste à charge de 0,31 euro. Compte tenu de la différence de 40 % dont il a été fait état, la cotisation horaire à Mayotte serait de 1,66 euro, mais, comme il n’existe aucune disposition d’exonération, le reste à charge est de 1,66 euro, alors qu’il n’est que de 0,31 euro dans les autres départements d’outre-mer.

Bref, je ne demande pas un alignement sur l’exonération de 3,70 euros mais un dispositif différentiel prenant en compte le fait que les taux de cotisations ne sont pas les mêmes et aboutissant à un reste à charge identique.

(L’amendement n8 est adopté et l’article 7 ter est supprimé.)

Article 8

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n9.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit de rétablir cet article dans son texte initial. La commission a en effet choisi de supprimer la modification rédactionnelle inutilement opérée par le Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n9 est adopté et l’article 8 est ainsi rédigé.)

Article 8 bis

(L’article 8 bis est adopté.)

Article 8 ter

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 250 rectifié et 10, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n250 rectifié.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il tend à rétablir le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnance, alors que le Sénat avait supprimé en première lecture la référence à la possibilité « d’harmoniser l’état du droit ». En effet, l’intention de cette habilitation est bien de simplifier et d’harmoniser, à droit constant, les définitions des assiettes des cotisations et contributions sociales, et donc d’harmoniser le droit. Cet objectif est conforme aux engagements pris en matière de simplification et de lisibilité.

Par ailleurs, le Gouvernement est favorable au rétablissement, proposé par le rapporteur dans son amendement n10, des précisions relatives au fait générateur des contributions et cotisations, précisions qui sont issues d’un amendement du Gouvernement adopté en première lecture. Toutefois, afin d’en permettre la mise en œuvre dans des conditions optimales pour les entreprises, les éditeurs de logiciels de paie et les experts-comptables, il est proposé de fixer au 1er janvier 2018 la date à compter de laquelle ces dispositions entreront en vigueur. Ce délai est en cohérence avec le calendrier de l’ordonnance prévue à ce même article.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n10.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement adopté par la commission rétablit simplement la rédaction adoptée en première lecture. Celui que vient de proposer le secrétaire d’État reprend cette rédaction tout y en ajoutant une date d’entrée en vigueur. Je retire donc l’amendement de la commission au bénéfice de celui du Gouvernement.

(L’amendement n10 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je confirme que l’amendement du Gouvernement est identique dans son principe mais prévoit une date d’entrée en vigueur. Nous pensions au départ sous-amender l’amendement de la commission, mais nous avons finalement opté pour un amendement séparé.

(L’amendement n250 rectifié est adopté et l’article 8 ter est ainsi rédigé.)

Article 8 quater

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n11.

M. Gérard Bapt, rapporteur. À l’occasion d’une modification rédactionnelle, le Sénat a modifié l’article adopté par l’Assemblée en première lecture, portant de cinq à dix fois le PASS le seuil d’assujettissement des indemnités de rupture aux prélèvements sociaux. Par l’adoption de cet amendement, la commission a souhaité en revenir à ce qui avait été voté l’année dernière, à savoir un assujettissement à compter de cinq fois le PASS.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n11 est adopté et l’article 8 quater est ainsi rédigé.)

Article 8 quinquies

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n12.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit là encore – avec, cette fois, une note amusante – de revenir sur une modification présentée comme rédactionnelle et adoptée au Sénat. Alors que l’article 8 quinquies tend à faire bénéficier d’exonérations les arbitres amateurs, la rédaction du Sénat aurait pour effet d’étendre ces exonérations aux arbitres professionnels. La commission a donc souhaité rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n12 est adopté et l’article 8 quinquies est ainsi rédigé.)

Article 8 sexies

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, inscrit sur l’article.

M. Arnaud Richard. Dans la perspective d’une mise en cohérence de notre législation, cet article vise à mettre fin à une inégalité de traitement devant les charges sociales entre les EPCI – établissements publics de coopération intercommunale – qui gèrent en régie un service d’aide à domicile destiné notamment aux personnes âgées ou handicapées et les CCAS – centres communaux d’action sociale –, lesquels bénéficient, contrairement aux premiers, d’une exonération. Le Gouvernement m’objectera sans doute que l’on ne connaît pas le coût de cette mesure adoptée par le Sénat, mais j’imagine que ses services ont pu examiner l’article à la faveur de la navette et en quantifier les conséquences, en particulier pour les régimes de retraite des fonctionnaires territoriaux.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n13.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le Sénat a souhaité étendre aux EPCI une exonération de charges sociales au titre de l’emploi d’aides à domicile. Il est exact que les EPCI n’en bénéficient pas aujourd’hui, ce qui crée en effet quelques distorsions quand plusieurs types de structure ou d’association interviennent sur un même territoire.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le problème, monsieur Richard, comme je vous l’avais indiqué en commission, est que le coût de cette disposition nous est inconnu. L’inspection générale des finances travaille actuellement sur le sujet mais elle n’a pas encore remis son rapport.

Dans l’immédiat, il me semble donc plus sage de supprimer l’article, quitte à y revenir lors du prochain PLFSS et à discuter ensemble, à partir des conclusions de l’IGF, du sort qui doit être réservé à cette proposition.

M. Arnaud Richard. Avec plaisir, monsieur le rapporteur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je remercie M. Richard d’assurer les questions et les réponses… Comme il a dû le lire dans le compte rendu de la discussion au Sénat – et cela a été répété en commission –, l’IGF travaille actuellement sur ce sujet.

Il est toujours délicat d’adopter une disposition dont on ne mesure pas le coût.

M. Arnaud Richard. C’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On m’a indiqué qu’il était faible, mais je ne sais pas ce que ce mot veut dire. Je préférerais à ce stade, que soit adopté l’amendement de la commission visant à supprimer l’article.

(L’amendement n13 est adopté et l’article 8 sexies est supprimé.)

Article 9

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, inscrit sur l’article.

M. Arnaud Richard. Cet article propose une nouvelle organisation de la collecte des cotisations des travailleurs indépendants, fondée sur une « coresponsabilité » de l’URSSAF et du RSI – je ne sais pas ce que ce terme peut bien signifier – et sur une structure de pilotage unique. Pour ma part, je voterai l’amendement de suppression de notre collègue Lurton, en pensant aux travailleurs indépendants qui ont manifesté aujourd’hui aux abords de l’Assemblée nationale. En effet, non seulement la concertation organisée sur le sujet est demeurée faible, mais le schéma proposé – pilotage unique, coresponsabilité de deux réseaux, création d’un directeur national dédié – a quelque chose de burlesque et ne constitue qu’une strate supplémentaire, au risque d’une dilution des responsabilités.

Je vous concède, monsieur le secrétaire d’État que c’est la précédente majorité qui a créé le RSI. C’est sans doute ce que vous allez nous répondre, mais cela ne saurait suffire : vous êtes aux affaires depuis bientôt cinq ans, et il est donc grand temps de prendre vos responsabilités. Or je crains qu’avec cet article 9 vous mettiez à mal un système qui commençait à fonctionner.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 106 et 107.

La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n106.

M. Gilles Lurton. Il s’agit de supprimer la nouvelle organisation du recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants, prévue par l’article 9 et fondée sur une structure de pilotage unique et la coresponsabilité entre l’URSSAF et le RSI. À nos yeux, en effet, le schéma proposé n’a pas fait l’objet d’une concertation suffisante. En outre, et de façon étonnante, il demeure très éloigné des propositions formulées par la Cour des comptes dans son rapport sur la collecte des prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur les entreprises ainsi que des conclusions de l’IGAS dans son rapport paru en juillet 2016.

En créant une coresponsabilité de l’URSSAF et du RSI pour l’ensemble des missions de collecte ainsi qu’un pilotage unique autour d’un directeur national et de directeurs régionaux, ayant autorité fonctionnelle sur les deux réseaux, l’article apporte une strate supplémentaire. C’est une véritable usine à gaz laissant craindre une dilution des responsabilités chez les acteurs impliqués. Un dispositif aussi bancal risque de se traduire par de nouvelles désorganisations dans la collecte des cotisations. De plus, je le vois mal s’inscrire dans le projet de prélèvement de l’impôt à la source.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n107.

M. Dominique Tian. Depuis le début de l’examen de ce projet de loi, nous ne cessons de vous dire que l’article 9 pose un problème. J’entends encore M. Bapt nous assurer qu’il avait rencontré les syndicats représentatifs, que la concertation avait bien eu lieu, qu’il n’y aurait aucun souci…

Pourtant, monsieur Bapt, au vu du nombre de manifestants présents devant l’Assemblée cet après-midi – encadrés d’ailleurs par autant de CRS –, il y a incontestablement un vrai souci. Ce que vous avez dit en commission n’est donc pas exact.

En outre, l’article est absolument incompréhensible. En première lecture, l’exposé des motifs indiquait que « les efforts déployés ont largement permis de normaliser la situation du régime, notamment grâce à l’engagement des équipes… ». Dès lors, pourquoi tout changer ?

Par ailleurs, les délais fixés sont très courts.

Il y a donc un loup, c’est pourquoi nous voterons la suppression de cet article 9 qui inquiète tout le monde et qui est difficilement compréhensible.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il est curieux, après avoir entendu M. Richard reprocher au Gouvernement de ne pas être parvenu, en cinq ans, à régler l’héritage plutôt difficile laissé par la majorité précédente, de voir ainsi l’opposition tirer sur le harnais et reculer devant l’obstacle ! Pourtant la remise en ordre du RSI se poursuit avec l’homogénéisation des modèles de recouvrement pour tous les assurés concernés.

M. Dominique Tian. Grâce à la coresponsabilité ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous nous invitez à prendre le temps de préparer une réforme, mais celle qui vous est aujourd’hui proposée s’inscrit dans une continuité. En outre, elle s’appuie sur plusieurs rapports parlementaires –notamment celui de nos collègues Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier, publié en septembre 2015, et celui des sénateurs Jean-Noël Cardoux et Jean-Pierre Godefroy, daté de juin 2014 –, qui tous relèvent une amélioration du recouvrement des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, tout en jugeant la situation largement perfectible. L’article 9 s’inspire donc de leurs conclusions pour rationaliser le recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants.

M. Dominique Tian. Est-ce que la situation s’est améliorée ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. J’ajoute que la notion de copilotage vise également à rapprocher des structures dont la culture est différente.

M. Dominique Tian. Justement !

M. Gérard Bapt, rapporteur. La réforme vise donc à s’inscrire non seulement dans les faits mais aussi dans les têtes. Ce copilotage est utile ! Quant aux systèmes d’information, vous savez combien leur rapprochement est important pour en assurer la cohérence et rendre le meilleur service aux assurés.

Je propose donc à l’Assemblée de s’opposer à la suppression de l’article 9.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. M. Richard, une fois encore, fait les questions et les réponses – je le dis très amicalement et respectueusement.

Le sujet est difficile, personne ne le conteste. Et si tout le monde en connaît l’histoire, il est bon, de temps en temps, de la rappeler pour inviter les uns et les autres à plus d’humilité et moins de caricature. Il est en effet facile pour l’opposition de surfer sur des dysfonctionnements qu’elle a elle-même provoqués lorsqu’elle était au pouvoir.

Beaucoup de choses ont été faites. Je ne prétends pas que le régime fonctionne à merveille et que tous les problèmes sont résolus, mais chacun s’accorde à dire que les choses vont mieux.

M. Gilles Lurton. Ce n’est pas ce que nous avons entendu cet après-midi !

M. Dominique Tian. J’ai dit que les choses allaient mieux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il serait préférable que vous le disiez dans le micro, monsieur Tian !

M. Dominique Tian. C’est ce que j’ai fait.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En tout état de cause, nous pourrons le lire dans le compte rendu.

M. le sénateur Cardoux, dans son rapport, avait d’ailleurs écrit des choses semblables et au Sénat, en ma présence, il a approuvé les dispositions proposées dans cet article. Chacun sait – les rapports l’ont montré – que le cœur des difficultés vient du défaut d’harmonisation et d’ajustement des systèmes informatiques. C’est l’un des derniers problèmes importants à résoudre. Or tout l’objet de cet article est d’insuffler une dynamique et de donner à une autorité mieux coordonnée et plus centralisée l’autorité nécessaire pour agir.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression de l’article.

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Bulteau.

Mme Sylviane Bulteau. Me sentant un peu concernée lorsque nous parlons du RSI, je souhaite intervenir, même si M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur ont très bien exprimé le fond de ma pensée. Nos collègues de l’opposition, s’ils ne sont pas de mauvaise foi, font preuve d’une réelle méconnaissance de la situation. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Mes chers collègues, vous devriez lire les rapports, qu’il s’agisse de celui de vos collègues sénateurs ou de celui que nous avons remis, Fabrice Verdier et moi-même.

La concertation a bien eu lieu, pendant des semaines, des mois, des années. Ce sont les acteurs du RSI eux-mêmes qui demandent cette mutualisation et ce copilotage. Fabrice Verdier et moi-même, comme d’ailleurs nos collègues sénateurs, souhaitons même aller plus loin et confier au RSI le soin de gérer le système dans sa totalité.

M. Dominique Tian. Ce serait une vraie catastrophe !

Mme Sylviane Bulteau. Quant aux systèmes d’information, ils sont en effet l’un des nœuds du problème. Nous allons donc, petit à petit, essayer de résoudre toutes ces difficultés.

Quant aux personnes qui manifestaient aujourd’hui devant l’Assemblée nationale, je les connais bien, en particulier ce M. Geay qui fait partie des extrêmes et n’apporte aucune solution. Son action n’a rien de constructif – il est même venu perturber une réunion que j’ai moi-même organisée dans mon département. Nous connaissons ses méthodes et je crois que son mouvement ne représente pas l’opinion des affiliés sur le RSI.

M. Dominique Tian. C’est faux !

Mme Sylviane Bulteau. Des problèmes subsistent, que nous devrons résoudre, mais il me semble que nous sommes dans la bonne voie.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai évoqué en défendant la motion de rejet préalable les difficultés que soulève la nouvelle organisation du RSI prévue par l’article 9. Mais il convient également de prendre l’article 33 en considération, qui intègre dans la nouvelle structure certaines professions non réglementées, tandis que des professions réglementées continuent à relever de l’ancienne CIPAV – Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse.

M. Dominique Tian. Voilà !

M. Jean-Pierre Door. Que faites-vous de cette articulation qui, pour moi, est un micmac ? Soit on intègre tout le monde, soit on n’intègre personne ! J’ai l’impression que les choses vont un peu trop vite. Il ne faudrait pas déshabiller Pierre pour habiller Paul.

(Les amendements identiques nos 106 et 107 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 14, 15, 16, 17, 19 et 20, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour les soutenir.

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’argumentation que je vais développer vaut également pour les trois amendements de la commission venant ensuite en discussion.

Il s’agit de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture tout en conservant certaines modifications rédactionnelles adoptées par le Sénat. Car cet article, comme vient de le rappeler M. le secrétaire d’État, n’avait pas été supprimé par le Sénat. M. Tian se montre donc un peu extrémiste en ce qui concerne M. Geay et la question du RSI.

Je précise que le Sénat a introduit plusieurs dispositions présentées comme rédactionnelles mais qui, en réalité, ne l’étaient pas. Il a par exemple adopté l’article 9 tout en maintenant les dispositions relatives à l’interlocuteur social unique, ce qui n’est pas cohérent.

Cet amendement vise à rétablir l’article 9 dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture. Il prévoit que le recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants sera effectué selon les dispositions des chapitres pertinents, en termes de recouvrement et de contentieux, applicables au régime général.

Quant à la rédaction retenue par le Sénat, elle prévoyait un décret en Conseil d’État alors que ce dernier n’est pas forcément indispensable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Favorable.

(Les amendements nos 14, 15, 16, 17, 19 et 20 sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n108.

M. Gilles Lurton. M. le secrétaire d’État nous disait il y a quelques instants à propos de la concertation que nous aurions le temps de la mener après l’entrée en application de l’article.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Gilles Lurton. C’est du moins ce que j’ai cru comprendre… Or l’article s’appliquera dès le 1er janvier 2017, soit dans un peu plus d’un mois. Je propose d’en reporter l’entrée en vigueur au 1er juillet 2017 afin que la concertation puisse avoir lieu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Votre position, monsieur Lurton, est paradoxale : vous nous reprochez soit de ne pas faire de réforme, soit d’aller trop vite. Bref, nous sommes toujours à côté…

M. Gilles Lurton. Je n’ai pas dit cela !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cette réforme ne sort pas de nulle part. Nous venons d’avoir ce débat. Afin d’éviter toute confusion sur la date d’entrée en vigueur de l’article, je rappelle qu’il convient de distinguer deux populations.

Pour les artisans commerçants, dont les cotisations sont déjà recouvrées par le RSI, avec des délégations complexes aux URSSAF, la réforme s’appliquera dès janvier 2017.

Pour les professions libérales, dont le recouvrement ne relève pas de la même organisation que les autres travailleurs indépendants, et qui sont intégrées dans le champ de la réforme, la discussion avec les organismes de recouvrement est particulièrement complexe, puisque ceux-ci sont au moins au nombre de trois. Nous devons profiter de l’occasion pour simplifier la situation.

C’est parce que le recouvrement des cotisations des professions libérales est réalisé par des organismes variés que, pour ces seules professions, une entrée en vigueur différée de la réforme paraît justifiée – nous en avons parlé en commission – en raison des modifications plus importantes que cette réforme entraîne dans l’organisation du recouvrement.

Pour les cotisations et contributions des professions libérales, l’article 9 prévoit déjà une entrée en vigueur de la réforme en janvier 2018, aux termes d’un amendement dont j’ai eu l’initiative, et que nous avons adopté en première lecture.

J’émets donc un avis défavorable à l’amendement, à moins que M. Lurton, satisfait par les mesures adoptées en commission, ne retire l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Lurton, il ne faut pas qu’il y ait de confusion. Peut-être avez-vous mal compris mes propos, à moins que je n’aie pas été suffisamment clair. La concertation a eu lieu. Elle a duré des mois. Vous devez le savoir.

Nous avons envisagé plusieurs solutions, notamment la création d’un groupement d’intérêt public rassemblant les deux structures pour accomplir des missions. Nous leur avons demandé de se mettre d’accord sur un texte commun, ce qui a pris du temps, sans quoi nous aurions proposé des solutions plus tôt – encore que ce texte offre une occasion évidente de le faire.

Cela n’a pas été simple, nous ne l’avons jamais caché. Mais nous avons passé une commande aux deux structures, en leur demandant d’adopter une rédaction commune, ce qui nous donnerait une méthode pour continuer à avancer.

Nous avons rencontré leurs dirigeants. C’est pourquoi je me suis quelque peu offusqué tout à l’heure en vous entendant. Je n’ai jamais laissé entendre que la concertation venait juste de démarrer, parce qu’elle a eu lieu. Nous sommes parvenus à une rédaction, qui a été validée. Je pense donc que le Parlement doit rejeter votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Je le retire.

(L’amendement n108 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 21, 22 et 23, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour les soutenir.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ces amendements visent à rétablir aux alinéas 88, 90 et 91 la rédaction issue de l’Assemblée, car la modification apportée par le Sénat paraît inutile.

(Les amendements nos 21, 22 et 23, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 9, amendé, est adopté.)

Article 9 bis

M. le président. L’article ne fait l’objet d’aucun amendement.

(L’article 9 bis est adopté.)

Article 10

M. le président. Deux orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. L’article crée une obligation d’affiliation au régime des travailleurs indépendants pour des personnes qui mettent leurs biens en location, que ceux-ci soient immeubles – avec une franchise annuelle fixée en première lecture à 23 000 euros – ou meubles – la franchise est alors d’environ 7 700 euros.

En France, il existe beaucoup de travailleurs indépendants, puisque beaucoup de personnes procèdent à ce type de location. Or vous ne voyez que les aspects négatifs de cette activité en plein essor qu’est l’économie collaborative. Du coup, vous tentez vainement de l’enrayer sans même prendre le temps d’envisager ses retombées positives pour nos concitoyens, comme l’amélioration de leur pouvoir d’achat ou la création de biens dans les différentes communautés qui la pratiquent.

Vous ne réfléchissez qu’au moyen de fiscaliser un mécanisme qui vous échappe totalement. Si vous connaissiez précisément les catégories sociales des utilisateurs et des loueurs, passe encore ! Mais ce n’est pas le cas : nous ne pouvons déterminer un profil type d’utilisateurs-loueurs, comme le montre le rapport de M. Terrasse, qui aurait pu nous servir à élaborer un projet de loi complet sur l’économie collaborative.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je confirme les propos de M. Lurton. Je crois par ailleurs qu’un amendement du Gouvernement va dans le bon sens. Nous viendrons dans un instant au fond du problème, mais je suis plutôt satisfait du travail accompli par l’Assemblée nationale.

La première fois que nous avons évoqué le sujet, le Gouvernement ne semblait pas disposé à bouger. M. Bapt n’était pas tout à fait décidé. (M. le rapporteur proteste.) Je ne sais plus si la présidente de la commission s’était exprimée.

On est parti d’un vrai problème soulevé par les députés des groupes Les Républicains et UDI : l’économie collaborative, qui est vraiment un nouveau type d’économie. Si vous ne l’appréciez pas à sa juste valeur, monsieur le secrétaire d’État, peut-être est-ce une question de modernité – je n’ose dire de génération.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quelle mauvaise foi !

M. Dominique Tian. Toujours est-il qu’elle existe. Vous avez essayé de la fiscaliser. Pourquoi, en effet, ne pas récupérer un peu d’argent ? Reste que vous l’avez fait d’une manière brutale, sans étude d’impact. Cela a failli conduire à la catastrophe, ce que nous vous avons, les uns et les autres, évité.

Nous défendrons des sous-amendements sur votre amendement n229, qui n’est pas tout à fait satisfaisant, même s’il va dans le bon sens. Je l’ai indiqué lors de la discussion générale, tout comme M. Lurton : vous avez enfin renoncé à l’obligation d’une affiliation au RSI, et admis que celle-ci posait un vrai problème. Je tenais à vous en remercier et à vous féliciter. Ensemble, nous avons fait un bon travail.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 124 et 161.

La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n124.

M. Arnaud Richard. M. Tian a raison. Il était utile que nous ayons ce débat, mais, puisque le secrétaire d’État va présenter un amendement, je lui fais confiance a priori et je retire le mien, qui tendait à supprimer l’article.

(L’amendement n124 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n161.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le secrétaire d’État, nous partageons votre objectif d’encadrer l’économie collaborative, mais nous sommes en désaccord avec la disposition contenue dans l’article 10.

Vous proposez non d’encadrer les grandes plates-formes, qui fonctionnent comme des entreprises et dont certaines, comme Airbnb, pratiquent l’optimisation fiscale, mais les particuliers utilisateurs, en leur appliquant des seuils de professionnalisation selon la nature de leur activité et le chiffre d’affaires qu’ils dégagent. Ce dispositif est aussi injuste qu’insatisfaisant.

Au lieu de vous empresser de pénaliser des particuliers qui souhaitent arrondir leurs fins de mois, par exemple en louant leur véhicule, vous feriez mieux de vous attaquer à l’optimisation fiscale de certains acteurs de l’économie collaborative, qui privent l’État de moyens importants.

L’économie collaborative mérite une réforme d’ampleur, car elle pose beaucoup de questions, notamment sur la nécessité d’offrir des droits sociaux aux travailleurs indépendants placés dans une relation de subordination vis-à-vis des plates-formes. Mais légiférer sur ce dossier important à l’occasion du PLFSS ne nous paraît ni opportun ni sérieux. Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer l’article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si vous permettez, monsieur le président, tout en expliquant pourquoi j’émets un avis défavorable à l’amendement de Mme Fraysse, je dirai un mot de notre amendement n229, afin d’expliquer notre cheminement.

Bien entendu, monsieur Tian, chacun peut procéder à des tests de paternité pour savoir qui a fait avancer le débat…

M. Dominique Tian. En l’occurrence, on sait qui est le père !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais il me semble quelque peu outrancier d’affirmer que le groupe Les Républicains aurait dicté la rédaction de l’article ! J’entends encore les députés de votre groupe, ainsi que quelques centristes, s’exclamer qu’il était hors de question de légiférer sur ce point.

Mme Bernadette Laclais. Je le confirme !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous invite donc à un peu plus d’humilité.

Madame Fraysse, il ne faut pas mélanger les problèmes. Vous avez raison de dire que les plates-formes doivent être, elles aussi, examinées, scannées, voire opérées, pour qu’on puisse imposer leurs bénéfices. J’ai eu l’occasion de m’exprimer à ce propos, dont nous ne nous occupons pas aujourd’hui, puisque nous examinons le PLFSS. Je renvoie au projet de loi de finances et au projet de loi de finances rectificative le traitement fiscal des bénéfices réalisés par les plates-formes.

Je veux tuer l’idée selon laquelle Bercy ou le ministère des affaires sociales ferait la chasse à toute recette supplémentaire. Certes, je mentirais en prétendant que nous y serions défavorables, mais tel n’est pas notre objectif. Hier, j’ai entendu sur les ondes un grand leader syndical, proche de vous, évoquer l’économie collaborative. Nous sommes face à une évolution phénoménale de la relation employeur-salarié et chacun s’accorde à dire qu’il n’y a pas lieu de la stopper. Ce n’est pas notre objectif.

Peut-on l’encadrer ? Le mot est un peu fort. En tout cas, il faut en tirer des conséquences, notamment sur la question fiscale. En ce qui concerne les revenus des particuliers, nous avons rédigé des instructions fiscales en précisant ce qu’était le partage de frais, quels revenus étaient imposables et dans quelles conditions. Nous sommes également intervenus dans la loi.

Aujourd’hui, nous examinons la question de la contribution sociale, qui doit être acquittée avec discernement. Il faut éviter que de tout petits revenus – nous avons cherché à définir ce terme en première lecture – tirés de location de biens meubles ne donnent lieu à un statut extrêmement lourd tant pour l’affiliation que la cotisation.

C’est pourquoi, après hésitation, nous nous sommes accordés sur le fait qu’en dessous du seuil de 7 720 euros, que les uns voulaient élever, d’autres abaisser, il n’y aurait ni affiliation ni contribution.

Pour les biens immobiliers, là encore, après discussion, l’Assemblée nationale s’est accordée sur un seuil de 23 000 euros.

Le Sénat a souhaité aligner tout le monde sur une somme intermédiaire, ce qui durcit le régime des locations immobilières et assouplit celui des locations mobilières. Nous préférons conserver les deux seuils issus de vos travaux.

Ont surgi certaines difficultés que nous avions vues, mais peut-être pas complètement, notamment celle des gîtes. Je rappelle que la notion de gîte rural n’existe plus, mais qu’il existe des gîtes labellisés, en tant que locations meublées. Moins de 10 % d’entre eux, soit une toute petite minorité, génèrent des revenus importants, qui, aux termes du nouveau dispositif, auraient dû être soumis à des cotisations plus fortes.

Nous avons dialogué avec plusieurs interlocuteurs, dont la Fédération nationale des gîtes de France. Nous proposerons dans notre amendement un abattement de 87 %, aligné sur celui qui s’applique aux microbénéfices agricoles, ce qui revient à une cotisation de 6,9 %. C’est ainsi que nous vous proposons de contourner la première difficulté.

Deuxième difficulté, qui avait été soulevée à de nombreuses reprises au Parlement, et au sujet de laquelle j’avais pris des engagements : l’obligation d’affiliation au RSI. Cela fait peur, pour les raisons qui ont été indiquées tout à l’heure – lourdeur administrative et difficultés connues de gestion. Je ne m’étais donc pas engagé plus avant, non par manque de volonté, mais parce que je voulais m’assurer qu’il existait une autre possibilité. Nous avons travaillé avec la Direction de la Sécurité sociale, la DSS, et l’ensemble des organismes concernés, et nous sommes en mesure, aujourd’hui, de proposer une solution, en vertu de laquelle une affiliation au régime général est possible au titre de revenus complémentaires – entre parenthèses, madame Fraysse, cela ouvre également des droits. Nous offrons donc cette possibilité, qui sera opérationnelle au moyen d’un système très simple, dans le cadre d’une affiliation qui, au regard de la facilité administrative, s’apparente quelque peu au chèque emploi service universel – CESU : on s’inscrit lorsque l’on dépasse le seuil, on déclare le chiffre d’affaires et on verse une cotisation qui est immédiatement calculée. C’est un système, me semble-t-il, très simple, qui ne nécessite pas la création d’une micro-entreprise ni ne réclame que l’on devienne autoentrepreneur. Cela ouvre des droits, c’est permis par le régime général, et c’est valable au-dessus de 23 000 euros pour les loueurs.

Je ferai mention d’une troisième alerte, dont on ne m’a guère parlé ici, du moins jusqu’à présent : celle des agences immobilières, qui nous ont dit que notre texte pourrait concerner les personnes ayant recours à des professionnels – autrement dit, à des agences – pour réaliser des locations occasionnelles.

M. Dominique Tian. Bien sûr !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous n’avions aucunement l’intention d’inclure ces personnes, qui s’acquittent déjà du paiement des cotisations de droit commun. Nous l’avons précisé dans l’amendement qui vous sera proposé dans quelques instants, ce qui a permis d’obtenir l’assentiment de la Fédération nationale de l’immobilier, la FNAIM, l’une des organisations professionnelles qui s’était inquiétée auprès de nous. Nous avons également discuté avec certains propriétaires individuels. Je pense que la solution qui vous est proposée se caractérise par sa souplesse et offre une importante facilité administrative. J’en donnerai un exemple : la personne percevant 23 000 euros de revenus, qui acquittait, auparavant, des cotisations d’un peu plus de 1 000 euros sera conduite, avec ce système, à verser des cotisations de l’ordre de 1 300 euros. Le saut qui, au-delà du seuil de 23 000 euros, aurait représenté plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’euros, n’est donc plus que de 300 euros, et s’accompagne de l’acquisition de droits supplémentaires. Tel est monsieur Tian, le résultat du travail collectif, pour le moins, qui a été réalisé.

M. Dominique Tian. C’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je remercie d’ailleurs toutes celles et tous ceux qui ont permis de parvenir à cette solution équilibrée.

M. Gérard Sebaoun. Très bien !

(L’amendement n161 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n229 du Gouvernement, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements, nos 247 rectifié, 244, 239, 243, 237, 238 et 240.

M. le secrétaire d’État a déjà présenté l’amendement du Gouvernement.

La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir le sous-amendement n247 rectifié.

Mme Bernadette Laclais. Nous avons cherché, tout au long de la discussion, à recourir à des seuils existants et à simplifier le dispositif, tout en évitant des effets de seuil brutaux. Ce sous-amendement, monsieur le secrétaire d’État, est ainsi destiné à éviter qu’une simple évolution de la population – à la suite, par exemple, d’une fusion de communes ou de tout autre événement – ne conduise à faire perdre au propriétaire d’un hébergement touristique le bénéfice de son abattement du fait de la modification du classement de sa commune en zone rurale. C’est la raison pour laquelle je vous suggère d’appliquer le dispositif proposé – que je salue à nouveau, tant il montre combien vous avez été à l’écoute des inquiétudes exprimées dans ce dossier – à l’ensemble du territoire. Il s’agit, je le répète, d’éviter que les loueurs concernés ne sortent sans raison valable du champ d’application de la mesure, ce qui ne manquerait pas de leur poser d’importantes difficultés administratives et financières.

M. le président. Je suis saisi de six sous-amendements, nos 244, 239, 243, 237, 238 et 240, pouvant faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Dominique Tian, pour les soutenir.

M. Dominique Tian. Dans son esprit, l’amendement du Gouvernement s’intéresse aux hébergements touristiques situés dans les zones rurales, c’est-à-dire dans nos campagnes. Le sous-amendement n244 suggère de définir un zonage plus conforme à cette idée, soit les communes rurales de moins de 2 000 habitants telles qu’elles sont définies par le code général des collectivités territoriales. En effet, le fait de se référer aux seules zones de revitalisation rurale est bien trop restrictif : on est loin, par cette rédaction, de couvrir les territoires visés.

Le sous-amendement n239 vise à supprimer les alinéas 13 et 14 de l’amendement. Il a pour objet d’éviter qu’une interdiction ne remplace un encadrement.

S’agissant du sous-amendement n243, la notion de « revenus nets annuels » permet de déduire a priori les frais et charges des biens mobiliers loués.

Le sous-amendement n237 est justifié par le fait que le plafond de 20 % pour les biens meubles n’est absolument pas à la hauteur des enjeux de l’économie collaborative. Il convient de l’élever à 40 %.

Le sous-amendement n238 a pour objet de porter ce même plafond à au moins 30 %.

Enfin, le sous-amendement n240 tend à reporter l’application de l’obligation d’affiliation des particuliers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les sous-amendements de Mme Laclais et de M. Tian, et sur l’amendement du Gouvernement ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis favorable à l’amendement du Gouvernement et au sous-amendement de Mme Laclais, qui est très intéressant en ce qu’il permet d’éviter que les mouvements de population ne fassent varier les régimes applicables aux gîtes.

Le premier sous-amendement de M. Tian me semble satisfait…

M. Dominique Tian. Oui !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …puisque son champ d’application est moins étendu que celui de Mme Laclais ; vous pourriez d’ores et déjà le retirer, monsieur Tian.

M. Dominique Tian. Je le retire !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je me prononce défavorablement sur les autres sous-amendements, notamment sur le n237, qui a pour objet de faire passer le ratio des recettes annuelles rapportées au PASS de 20 à 40 %. En effet, la commission l’a déjà fait passer de 10 à 20 %…

M. Dominique Tian. Raison de plus !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …ce qui me paraît un bon seuil. Certes, à l’avenir, une spécialisation plus grande en fonction de la nature des biens ou services en location pourrait améliorer le mécanisme, même si cela conduirait aussi à le complexifier.

(Le sous-amendement n244 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les sous-amendements ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable au sous-amendement de Mme Laclais, qui correspond d’ailleurs à son intention première ; une référence, concernant le taux de 87 %, avait rendu le champ de la disposition plus restreint que je ne l’aurais souhaité à l’origine. Votre sous-amendement, madame Laclais, corrige utilement cette rédaction. Le sous-amendement n244, que M. Tian a retiré, est évidemment satisfait. Les autres sous-amendements concernent essentiellement les questions de seuils que j’ai évoquées tout à l’heure. Le Gouvernement y est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Je souhaitais d’abord rétablir la vérité : à aucun moment, il n’a été dans notre esprit – surtout pas dans le mien – de refuser d’assurer une forme d’équité entre des professionnels soumis à une série de contraintes et de charges et certaines plateformes : je vous invite sur ce point à vous référer au compte rendu des débats. Cela étant, le texte, dans sa première version, ne pouvait pas être adopté : c’est la raison pour laquelle nous nous y sommes opposés, ce qui a d’ailleurs conduit, ici, à une seconde délibération.

Par ailleurs, nous avons ce soir une discussion très précise et très technique afin d’exonérer certaines catégories de propriétaires du poids de la nouvelle charge que vous avez souhaité introduire. Cela aurait dû être fait en commission, et idéalement, dès la première lecture. Il a quand même fallu les deux examens du texte en première lecture, en commission puis en séance, la navette au Sénat, puis un nouvel examen en commission avant que nous puissions prendre connaissance de cet amendement très technique et entièrement nouveau ! Je m’étonne, d’ailleurs, que le rapporteur lui donne un avis favorable alors que la commission ne l’a jamais examiné. J’ai, pour ma part, une question très précise à l’adresse du Gouvernement : indépendamment du fait que vous appliquez le seuil du micro BA et l’abattement de 87 %, les propriétaires de meublés devront-ils accomplir la démarche de l’affiliation au RSI ? Même si on allège la charge financière, cela constituerait, de fait, une charge administrative très complexe pour certaines catégories, qui auront du mal à y faire face.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Le groupe Les Républicains s’abstiendra sur ce vote. On a en effet déjà eu mille occasions d’en discuter...

M. le président. Monsieur Tian, je vous arrête : il n’y a pas d’explications de vote sur les sous-amendements.

(Le sous-amendement n247 rectifié est adopté.)

(Les sous-amendements nos 239, 243, 237, 238 et 240, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n229, sous-amendé, est adopté, l’article 10 est ainsi rédigé et les amendements nos 90, 162, 159 et 94 rectifié tombent.)

Article 10 bis

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n18.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il tend à supprimer un article introduit par le Sénat concernant les cotisations des médecins et infirmières en cumul emploi retraite. C’est une discussion que nous avons avec M. Door, année après année.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n18 est adopté et l’article 10 bis est supprimé.)

Article 11

(L’article 11 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly