ASSEMBLÉE NATIONALE

18 mai 1999
(20 heures 20)

MOTION DE CENSURE
(déposée en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution)

L'Assemblée nationale,

Considérant que le 19 juin 1997, lors de sa déclaration de politique générale et de l'engagement de sa responsabilité, le Premier Ministre affirmait : " l'État de droit ne doit pas souffrir d'exception. En Corse - comme partout ailleurs sur le territoire national - le Gouvernement veillera au respect de la loi républicaine auquel la population aspire et sans lequel il n 'y a pas d'essor possible. " ;
Considérant qu'il convient de rappeler qu'un préfet de la République, premier représentant de l'État dans nos régions et départements, a été assassiné en Corse le 6 février 1998 et que ses assassins n'ont, à ce jour, pas encore été interpellés ;
Considérant que le Gouvernement a décidé, lors d'une réunion interministérielle le 14 mai 1998, la création d'une structure d'exception, le Groupement de Peloton de Sécurité (GPS) chargé d'assurer le maintien de l'ordre, notamment la protection des personnalités, sur réquisition écrite du préfet, de servir de force d'appoint aux gendarmes locaux pour les interpellations sensibles, sous contrôle de la justice et enfin, d'effectuer des opérations de " surveillance et de renseignement " ;
Considérant que les applications pratiques de la politique dite de " retour à l'État de droit " annoncée lors de la déclaration de politique générale du 19 juin 1997 ont, comme l'a reconnu le Premier Ministre lui-même lors de sa réponse aux questions d'actualité de l'opposition le 4 mai 1999, porté atteinte à l'autorité de l'État en Corse ;
Considérant que la Vème République a établi un régime fondé sur la responsabilité politique du Premier ministre devant l'Assemblée nationale et qu'il n'est donc pas acceptable que celui-ci déclare devant la représentation nationale " C'est l'opinion publique que je veux pour juger en matière de responsabilité politique et je n'ai pas peur de son jugement " ;
Aussi, considérant que les actes criminels commis en Corse dans la nuit du 19 au 20 avril 1999 à Cala d'Orzu, commune de COTI-CHIAVARI, par des services placés sous la responsabilité de l'État sont contraires à toutes les lois de la République et à l'organisation d'un État de droit ;
Considérant que de hauts fonctionnaires représentant l'État ont reconnu avoir été à l'origine de ces actes et de leur exécution ;
Considérant que ces hauts fonctionnaires sont directement placés sous la responsabilité du Gouvernement qui dirige l'administration en vertu des articles 20 et 21 de la Constitution ;
Considérant, en conséquence, que le Gouvernement devait être informé de l'action menée par ses représentants en Corse et notamment des actions illégales menées par ces services ;
Considérant qu'il était dès lors soit dans l'ignorance de ce qui allait être exécuté, ce qui représenterait un dysfonctionnement majeur des pouvoirs publics, soit qu'il avait été informé des actes perpétrés par ses représentants, ce qui constituerait alors une atteinte d'une extrême gravité portée aux principes fondamentaux d'un État de droit ;

Considérant que les instructions en cours menées à l'encontre des représentants de l'État poursuivis dans ce dossier, ne se substituent en aucun cas à la responsabilité politique du Gouvernement ;
Considérant que le Gouvernement a depuis des semaines refusé de fournir à l'opinion publique et à la représentation nationale la moindre explication sur les dysfonctionnements constatés et refusé d'indiquer qui était en charge du dossier Corse au sein du Gouvernement, quel était le processus de décision et qui était le décideur final ;
Considérant que ce refus d'explication témoigne du mépris du Gouvernement pour le fonctionnement de nos Institutions ;
Pour ces motifs, l'Assemblée nationale, en application des dispositions de l'article 49 alinéa 2 de la Constitution, censure le Gouvernement.

La présente motion de censure est appuyée par les 86 signatures suivantes :

Par Philippe DOUSTE-BLAZY, Jean-Louis DEBRÉ, José ROSSI et les députés signataires suivants: Jean-Pierre ABELIN, Jean-Claude ABRIOUX, Pierre ALBERTINI, Nicole AMELINE, François d'AUBERT, Martine AURILLAC, Pierre-Christophe BAGUET, Edouard BALLADUR, Jacques BARROT, Sylvia BASSOT, Dominique BAUDIS, François BAYROU, Christian BERGELIN, Jean-Louis BERNARD, Jean-Yves BESSELAT, Claude BIRRAUX, Emile BLESSIG, Bruno BOURG-BROC, Christine BOUTIN, Yves BUR, Dominique BUSSEREAU, Dominique CAILLAUD, Pierre CARDO, Antoine CARRÉ, Nicole CATALA, Hervé de CHARETTE, Jean-Marc CHAVANNE, Pascal CLÉMENT, René COUANAU, Yves COUSSAIN, Charles de COURSON, Henri CUQ, Bernard DEFLESSELLES, Francis DELATTRE, Léonce DEPREZ, Patrick DEVEDJIAN, Franck DHERSIN, Laurent DOMINATI, Renaud DONNEDIEU de VABRES, Dominique DORD, Charles EHRMANN, François FILLON, Nicolas FORISSIER, Yves FROMION, Gilbert GANTIER Hervé GAYMARD, Claude GOASGUEN, François GOULARD, Hubert GRIMAULT, Michel HERBILLON, Pierre HÉRIAUD, Patrick HERR, Philippe HOUILLON, Michel HUNAULT, Anne-Marie IDRAC, Bernadette ISAAC-SIBILLE, Denis JACQUAT, Henry JEAN-BAPTISTE, Jean-Jacques JEGOU, Alain JUPPÉ, Christian KERT, Jacques KOSSOWSKI, Marc LAFFINEUR, Robert LAMY, Pierre LASBORDES, Pierre LELLOUCHE, François LÉOTARD, Jean-Claude LEMOINE, Alain MADELIN, Jacqueline MATHIEU-OBADIA, Gilbert MEYER, Pierre MORANGE, Jacques MYARD, Paul PATRIARCHE, Jean PRORIOL, Nicolas SARKOZY, Bernard SCHREINER, Guy TEISSIER, Jean-Claude THOMAS, Jean TIBERI, Jean VALLEIX, Philippe VASSEUR, Gérard VOISIN.

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