Fabrication de la liasse
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L’article 9‑3 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Les mots « et assimilable à la force majeure » sont supprimés ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé : « L’obstacle de fait peut être caractérisé en l’absence d’actes positifs de dissimulation de l’infraction et par le simple traumatisme psychique de la victime. »

Exposé sommaire

Cet amendement a pour de objet la mise en conformité du droit français à la Convention du Conseil de l’Europe de sauvegarde des droits de l’homme sur la question de la prescription de l’action publique des victimes mineures de violences sexuelles. En effet, en l’état des textes actuels et surtout de leur interprétation par la chambre criminelle de la Cour de cassation, nombre de victimes de crimes sexuels ne peuvent pas agir en justice pour obtenir la répression et la réparation des crimes qu’elles ont subi, ce qui constitue une violation de leurs droits fondamentaux. Or, sans l’amendement proposé, cette situation ne changera pas malgré l’allongement programmé des délais de prescription. Cet amendement vise à permettre aux victimes d’amnésie traumatique de pouvoir ester en justice.

Afin de mettre le droit français en conformité avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le présent amendement propose de modifier l’article 9‑3 de procédure pénale.

La première modification proposée consiste d’abord à ôter la notion de force majeure de ce texte, suivant en cela les recommandations d’universitaires ayant montré que cette notion n’avait rien à avoir avec celle notion traditionnelle d’obstacle insurmontable (É. Vergès, « La prescription de l’action publique rénovée », RSC, 2017, p. 91‑100, spé. p. 99. Rappr. E. Raschel, « Action Publique. Prescription. Fasc. 20 », JCl. Procédure pénale, à paraître, no 189). En effet, la chambre criminelle ne s’est jusque-là jamais référée explicitement à la notion de force majeure pour apprécier l’existence d’un obstacle insurmontable, ce qui se comprend aisément lorsqu’on sait que cette notion n’est presque pas utilisée en droit pénal qui ne sait guère au demeurant la définir. De surcroît, l’utilisation dans la version actuelle du texte de l’adjectif « assimilable » ajoute à la confusion.Pour toutes ces raisons, il apparaît pleinement justifié d’enlever cette référence à la force majeure qui ne peut qu’être défavorable aux victimes de violences sexuelles.

La deuxième modification apportée par l’amendement vise à s’opposer à la restriction indue du sens de la notion d’obstacle insurmontable opérée par la Cour de cassation et qui aboutit à rejeter l’existence d’un obstacle insurmontable en présence d’obstacle de nature purement psychique et non associés à des manœuvres positives de dissimulation. En effet, pour la Cour de cassation, cet obstacle doit résulter de manœuvres de l’auteur de l’infraction et ne peut pas donc pas prendre son origine dans un élément propre à l’individu, telle une amnésie traumatique comme dans une affaire jugée par la Cour de cassation en décembre 2013. Cette modification vise seulement à s’opposer à cette approche restrictive de l’obstacle insurmontable et non à remettre en cause l’exigence du caractère insurmontable.

Enfin, pour que ces modifications dans l’interprétation de la notion d’obstacle insurmontable puissent s’appliquer aux personnes qui n’auraient pu sans cela bénéficier de la loi nouvelle, il est précisé que ces dispositions sont purement interprétatives en vue de leur conférer une portée rétroactive. Cela permettra aux victimes d’amnésie traumatique nées dans les années 70 de pouvoir invoquer la notion d’obstacle insurmontable prévue par ces textes et dès lors de bénéficier d’une cause de suspension de l’action publique, leur permettant d’agir dans un plus large laps de temps.

Si le Parlement ne prend pas cette mesure de correction du sens de la notion d’obstacle insurmontable, c’est la Cour européenne qui l’imposera.