XVe législature
Session ordinaire de 2021-2022

Séance du mardi 25 janvier 2022

Sommaire détaillé
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Séance du mardi 25 janvier 2022

Présidence de M. Richard Ferrand

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Hommage au brigadier Alexandre Martin

    M. le président

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    (Mmes et MM. les députés ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent.) C’est avec une grande émotion que nous avons appris la mort samedi dernier du brigadier Alexandre Martin. Appartenant au 54e régiment d’artillerie d’Hyères, il a été tué lors de l’attaque du camp militaire de Gao, au Mali, au cours de laquelle plusieurs de ses camarades ont également été blessés.
    Au nom de la représentation nationale, je salue la mémoire d’Alexandre Martin et j’adresse en notre nom à tous mes plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches.
    Je vous invite à observer une minute de silence.
    (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

    2. Questions au Gouvernement

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Situation dans les EHPAD

    M. le président

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    La parole est à Mme Stéphanie Kerbarh.

    Mme Stéphanie Kerbarh

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    Monsieur le président, les députés du groupe Libertés et territoires s’associent pleinement à l’hommage que vous venez de rendre au brigadier Alexandre Martin, mort pour la France au Mali.
    Ma question s’adresse au ministre des solidarités et de la santé. Une longue enquête d’un journaliste indépendant vient de mettre à jour les graves dérives d’un groupe qui s’apprête à devenir le leader mondial du secteur des EHPAD. Le groupe rognerait ainsi largement sur les dépenses, au détriment des soins et des besoins des résidents. Il recourrait à des vacataires, au lieu de contrats stables et durables.
    La situation décrite dans cette enquête n’est fort heureusement pas le reflet de ce qui se passe dans la majorité de nos EHPAD et je veux rendre hommage aux personnels dévoués à nos aînés, qui travaillent souvent dans des conditions difficiles et ne touchent qu’un SMIC quand les résidents en payent plusieurs pour être hébergés et soignés.
    Le hasard des choses fait que j’ai rencontré hier un référent du suivi des établissements et services pour personnes âgées au conseil départemental de la Seine-Maritime. Je les sais très impliqués dans mon département mais qu’en est-il dans l’ensemble du territoire ? Et permettez, monsieur le ministre, que je vous interroge sur le rôle des agences régionales de santé (ARS) dans cette mission de contrôle.
    Si nous faisons la part des choses, certaines situations nous commandent d’agir, aujourd’hui et maintenant. Il faut au moins nous interroger sur les dérives de certains EHPAD à but lucratif. L’augmentation annuelle du prix de journée est encadrée par arrêté ministériel mais le prix de journée est libre. Ne pourrait-on encadrer le prix de journée de départ, en référence par exemple au prix moyen de journée départemental multiplié par un pourcentage à définir ? Ne pourrait-on envisager, compte tenu des prix pratiqués, d’instaurer un socle minimal de prestations spécifique aux EHPAD à but lucratif, par exemple pour la qualité des repas ?

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Permettez-moi tout d’abord d’avoir trois pensées. La première est à destination de 700 000 personnes âgées dans notre pays qui sont actuellement dans un établissement pour personnes âgées en raison d’une perte d’autonomie. La deuxième est pour les centaines de milliers de soignants qui, au quotidien, dans des conditions difficiles, prennent en charge avec bienveillance, soignent et accompagnent ces résidents. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. Pierre Cordier

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    Ce n’est rien de le dire !

    M. Olivier Véran, ministre

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    Ma troisième pensée va vers les familles des personnes qui sont admises en établissements pour personnes âgées et s’inquiètent légitimement de la manière dont leurs proches sont pris en charge et accompagnés.
    Un livre vient de paraître, vous y avez fait allusion. Je n’en ai pas encore eu connaissance mais les bonnes feuilles sont parues dans un quotidien ce week-end. Elles font état d’allégations graves sur des agissements au sein d’un ou de plusieurs établissements pour personnes âgées faisant partie d’un groupe privé, le groupe Orpea, que vous avez cité,…

    M. Pierre Cordier

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    Elle ne l’a pas cité !

    M. Olivier Véran, ministre

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    …agissements qui nécessitent que la lumière soit faite.
    J’ai demandé à la ministre déléguée en charge de l’autonomie, Brigitte Bourguignon, de saisir immédiatement le groupe de manière que des réponses soient apportées. Nous le devons notamment aux familles, aux résidents et aux soignants. À la lumière des réponses, je verrai s’il y a lieu de diligenter une enquête de l’inspection générale sur l’ensemble du groupe afin de vérifier les procédures en vigueur et les conditions de prise en charge les résidents.
    Vous parlez du rôle des ARS. L’EHPAD cité dans le livre a fait l’objet d’une inspection missionnée par l’ARS en 2018 sur la base d’allégations qui étaient moins graves que celles rapportées dans le livre, et l’ARS n’avait donc probablement pas connaissance de tous les faits qui sont actuellement reprochés. Les conclusions de cette mission ont été délivrées à l’établissement en février 2019 pour action : nous pourrons donc vérifier que toutes les mesures correctives ont été prises. En tout cas, je prends ce sujet avec beaucoup de gravité et de sérieux et une totale détermination. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Application de la réforme des droits voisins

    M. le président

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    Avant de lui donner la parole, j’adresse toutes nos félicitations à M. Laurent Garcia, député de Meurthe-et-Moselle, qui va quitter l’Assemblée nationale pour exercer les fonctions de maire de Laxou. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens, ainsi que sur quelques bancs des groupes LR, Soc, UDI-I et GDR.)
    La parole est à M. Laurent Garcia.

    M. Laurent Garcia

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    Merci, monsieur le président.
    Je quitte avec émotion cette assemblée, ayant vu mon élection de maire de Laxou validée par le Conseil d’État, avec le soutien d’un de mes prédécesseurs, Claude Gaillard.
    Mais je veux ici revenir sur un sujet majeur sur lequel le groupe du Mouvement démocrate a travaillé dès 2017, je veux parler du rapport de force très inégal entre les entreprises de presse et les GAFAM.
    À l’initiative de Patrick Mignola, notre assemblée a voté à l’unanimité, en 2019, la transposition de la directive européenne sur le droit d’auteur et les droits voisins. Nous avions alors tous conscience de l’urgence qu’il y avait à rééquilibrer le rapport de force entre des entreprises de presse asphyxiées financièrement et des GAFAM qui font mainmise sur ce secteur vital pour notre démocratie.
    Le choix opéré dans ces murs fut de laisser toute sa place à la négociation de bonne foi entre les parties, comme ce devrait être la norme dans un État de droit. Mais force est de reconnaître que les GAFAM n’ont pas grand-chose à faire de ces considérations.
    À l’occasion d’une mission d’information conduite avec ma collègue Virginie Duby-Muller, que je remercie, nous avons constaté que, deux ans après sa promulgation, la loi n’est toujours pas appliquée et que le travail des journalistes n’est toujours pas rétribué à sa juste valeur.
    Par des manœuvres caractérisées d’« abus de position dominante » par l’Autorité de la concurrence, et sanctionnées comme telles, les GAFAM s’exonèrent de la règle commune. C’est inacceptable. Reste à savoir comment nous pouvons désormais agir pour rendre ce droit effectif. Au sein de notre groupe et de notre assemblée, une solution s’impose : celle du recours à une autorité indépendante aux pouvoirs étendus disposant d’un pouvoir d’injonction et de sanction.
    Monsieur le Premier ministre, je vous remercie d’être venu à Laxou avec votre ministre Jean-Michel Blanquer. Pouvez-vous nous dire si le Gouvernement est prêt à envisager une telle issue pour protéger le pluralisme d’opinion dans notre pays et, in fine, la vitalité de notre démocratie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. Luc Geismar

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    Excellent !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la culture.

    Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture

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    Monsieur le député, je vous souhaite le meilleur au moment où vous allez prendre les commandes de la commune de Laxou en Meurthe-et-Moselle.
    Je veux saluer le travail législatif remarquable que vous avez mené sur les bancs de cette assemblée. La reconnaissance de droits voisins pour les éditeurs et les agences de presse est une avancée démocratique majeure qui a été obtenue en Europe grâce à l’action déterminée de la France. La transposition de cette directive vous doit beaucoup, ainsi qu’à votre président de groupe, M. Patrick Mignola, que je suis heureuse de saluer.
    Encore ne suffit-il pas d’édicter un texte,…

    M. Pierre Cordier

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    Répondez à la question !

    Mme Roselyne Bachelot, ministre

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    …il faut aussi le rendre opérationnel. Vous vous êtes livré, avec Mme Virginie Duby-Muller, à un travail d’analyse tout à fait remarquable dans ce cadre. Cela a d’ailleurs abouti à la condamnation de la société Google à une amende majeure de 500 millions d’euros,…

    M. Pierre Cordier

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    Ce n’est pas grand-chose !

    Mme Roselyne Bachelot, ministre

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    …c’est une avancée extrêmement importante dans l’effectivité de ces droits voisins.
    L’Autorité de la concurrence a par ailleurs lancé une procédure dite procédure d’engagement, en vertu des articles L. 462-4 et R. 462-4 du code de commerce. Elle a émis des préoccupations de concurrence et la société Google a proposé des engagements. Cela ouvre une procédure de consultation jusqu’au 31 janvier de cette année. Nous allons en attendre les conclusions.
    Vous voyez qu’une autorité indépendante, l’Autorité de la concurrence, est déjà à la manœuvre. En tout cas, je peux vous assurer que le Gouvernement suit ce sujet avec une attention particulière car la protection des droits de la presse et des droits voisins est absolument indispensable. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Séparatisme et enseignement scolaire

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Diard.

    M. Éric Diard

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

    M. Jean-Marie Sermier

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    Jean-Michel La Pagaille !

    M. Éric Diard

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    Dimanche soir, un reportage édifiant nous montrait combien l’islam radical gangrène certains quartiers mais aussi une partie de nos services publics.
    Je veux d’ailleurs saluer tous ceux qui ont eu le courage de parler et qui subissent aujourd’hui des menaces de mort. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)
    Hélas, ce gouvernement et cette majorité n’ont jamais voulu prendre ce problème à bras-le-corps et en faire une priorité. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) On en a un exemple typique dans l’éducation nationale avec les enseignements de langue et de culture d’origine (ELCO), que le Président de la République a désignés comme un « vecteur important du séparatisme ».
    Ces ELCO sont maintenant remplacés par les enseignements internationaux de langues étrangères (EILE). Certes, ils sont inspectés par l’éducation nationale mais les problèmes n’ont jamais été réglés. Les enseignants sont toujours désignés par leurs pays d’origine et affectés dans nos écoles sans concertation avec les élus locaux. Cette ingérence des ambassades étrangères, notamment de l’Algérie et de la Turquie, est encore plus dangereuse lorsqu’elle touche des écoles au cœur de quartiers en proie au communautarisme.
    La communauté éducative est unanime pour reconnaître le recul de la maîtrise de la langue française. Il est indispensable que l’apprentissage de la lecture et de l’expression écrite et orale soit l’objectif principal de l’école.
    Deux questions. Est-il normal qu’une directive européenne de 1977 nous impose encore de prévoir l’apprentissage d’une langue étrangère à des enfants de CE1, dans de pareilles conditions ? Est-il normal que ce soient encore des pays étrangers qui désignent les professeurs responsables de ces enseignements ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. Maxime Minot

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    Excellent !

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

    Plusieurs députés du groupe LR

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    Ibiza !

    M. Pierre Cordier

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    Jean-Michel Boulet !

    M. Jean-Marie Sermier

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    La Pagaille !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

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    Votre question est évidemment très importante. Vous avez fait référence à ce reportage sur Roubaix qui a beaucoup ému dimanche soir. Vous vous rappelez sans doute que j’avais parlé de Roubaix il y a deux ans sur ces questions et que nous avons agi sur un certain nombre de sujets depuis lors. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Il ne m’appartient pas d’insister sur tous, par exemple le développement économique à Roubaix ou les mesures prises par les ministères de l’intérieur et de l’éducation nationale, mais nous serons tous deux d’accord pour considérer qu’il y a beaucoup de travail à faire, même si beaucoup est fait.
    Vous m’interrogez sur le sujet précis des cours en langues d’origine pour nos élèves.
    Vous l’avez rappelé, ces cours sont très anciens. On peut donc regretter qu’aucun gouvernement n’ait tenté de mettre fin à de telles dérives dans le passé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
    Pour notre part, nous avons agi – vous l’avez vous-même souligné et je vous en remercie : nous avons transformé les ELCO en EILE, ce qui change tout car la France retrouve la maîtrise de ces enseignements. Il est hors de question, je vous donne raison sur ce point, qu’une puissance étrangère contrôle des enseignements dispensés par la République française. Le changement que nous avons engagé porte précisément sur ce point. Nous contrôlons désormais la nomination des professeurs, nous menons autant d’inspections que nous le voulons, nous avons réduit le nombre d’heures dédiées aux EILE…

    M. Patrick Hetzel

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    C’est insuffisant !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    …et nous nous assurons qu’ils ont lieu pendant le temps périscolaire et non au détriment de l’apprentissage du français.

    M. Patrick Hetzel

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    Les inspections ne sont pas faites ! C’est là où le bât blesse !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    S’il est évidemment souhaitable de favoriser l’apprentissage de différentes langues par les élèves, notre priorité doit être, en effet, de renforcer la maîtrise du français. Il se trouve que j’étais hier en déplacement à Tourcoing, non loin de Roubaix.

    M. Jean-Marie Sermier

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    Et d’Ibiza !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    Dans ces deux villes, nous agissons pour favoriser l’intégration. Le dédoublement des classes porte ses fruits et la maîtrise du français progresse chez les enfants.

    M. Patrick Hetzel

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    Encore des discours !

    M. Maxime Minot

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    Boulet !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    Oui, monsieur Diard, des problèmes anciens subsistent, mais nous sommes en voie de les résoudre. L’apprentissage du français est une priorité et nous avons indiscutablement progressé dans ce domaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Pierre Cordier

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    Voilà cinq ans que vous êtes au pouvoir !

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Diard.

    M. Éric Diard

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    Je persiste et je signe : la priorité de l’école élémentaire doit être d’apprendre aux enfants à lire, à compter et à maîtriser la langue française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Hausse des prix de l’énergie

    M. le président

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    La parole est à M. Loïc Dombreval.

    M. Loïc Dombreval

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    Monsieur le président, l’ensemble des députés de la majorité s’associent à l’hommage que vous avez rendu au brigadier Alexandre Martin, mort pour la France.
    Nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer dans cet hémicycle, monsieur le Premier ministre, la hausse des prix de l’énergie est mondiale, ce qui a un impact concret sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

    M. Jean-Marie Sermier

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    La hausse des taxes est française !

    M. Loïc Dombreval

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    Les Français sont inquiets de la hausse des prix et ils ont raison. Le Gouvernement a agi à plusieurs niveaux pour accompagner ceux d’entre eux qui sont les plus en difficulté.
    L’indemnité inflation, que vous avez annoncée le 21 octobre dernier, a permis à 38 millions de Français qui perçoivent moins de 2 000 euros par mois de toucher 100 euros. Je pense notamment aux étudiants boursiers,…

    M. Fabien Di Filippo

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    Chèque électoraliste !

    M. Loïc Dombreval

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    …aux invalides, aux exploitants agricoles et aux demandeurs d’emploi. Les retraités concernés toucheront l’indemnité en février. Rappelons que celle-ci est automatique, directement envoyée dans les boîtes aux lettres ou virée sur le compte en banque, versée en une fois et défiscalisée. Notre promesse de ne pas augmenter la facture d’électricité des Français…

    M. Fabien Di Filippo

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    Avant les élections ! (Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Loïc Dombreval

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    …de plus de 4 % en 2022 sera tenue tout au long de l’année. Sans ces mesures, la hausse des prix aurait été supérieure à 35 % le 1er février 2022.
    À plus long terme, nous avons agi pour que chacun puisse rénover son logement avec MaPrimeRénov’, qui a déjà permis à plus d’un million de foyers de moins consommer, donc de moins dépenser. Nous encourageons également l’achat de véhicules plus propres grâce à la prime à la conversion.
    Toutefois, pour les Français qui circulent beaucoup, pour ceux qui font de très nombreux kilomètres afin de chercher un travail, de se rendre à leur travail ou qui utilisent leur voiture pour des déplacements professionnels, les difficultés persistent, notamment en milieu rural.
    Le Gouvernement envisage-t-il de nouveaux dispositifs pour renforcer encore notre solidarité à l’égard des Français les plus exposés à l’augmentation des prix du carburant, qui utilisent leur véhicule dans le cadre de leur travail ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Pierre Cordier

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    Carrément !

    M. Fabien Di Filippo

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    Le roi du chèque en blanc !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Vous avez tout à fait raison, nos concitoyens subissent une hausse exceptionnelle des prix de l’énergie,…

    M. Marc Le Fur

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    Encore plus avec les impôts !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    …qui touche le monde entier et dont vous avez rappelé l’origine. Depuis cet automne, nous observons une hausse particulièrement forte des prix du carburant, qui ont remonté après la baisse des vacances de Noël et dépassent désormais le niveau enregistré en octobre dernier. Cette situation justifie la décision que le Gouvernement a prise en octobre dernier, et que vous avez rappelée, de verser une indemnité inflation…

    M. Fabien Di Filippo

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    Indemnité élection !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    …de 100 euros à 38 millions de nos concitoyens.
    Compte tenu des prix enregistrés ces derniers jours, l’indemnité inflation permet de couvrir le surcoût moyen pour le paiement du carburant d’une personne qui parcourt 8 000 kilomètres par an avec son véhicule. Je tiens à le préciser devant la représentation nationale : 20 millions de Français ont d’ores et déjà touché cette indemnité.

    M. Jean-Marie Sermier

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    Et après ?

    M. Marc Le Fur

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    Avec 100 euros, on ne fait pas 8 000 kilomètres !

    M. Pierre Cordier

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    Les taxes !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Les agents publics éligibles la recevront avec la paie de janvier, versée à la fin du mois. Fin février, ce sont 12 millions de nos concitoyens retraités qui en bénéficieront par l’intermédiaire de leur caisse de retraite.

    M. Fabien Di Filippo

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    Vous êtes incapables de la moindre réforme structurelle !

    M. Jean-Marie Sermier

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    Et après 8 000 kilomètres, ils vont à pied ?

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Le niveau des prix observés depuis quelques jours est tel, cependant, vous avez raison, que le Gouvernement doit apporter une réponse aux Français qui roulent beaucoup et pour lesquels l’utilisation d’un véhicule est indispensable pour le travail ou la recherche d’emploi. Ce sont notamment ceux qui travaillent en milieu rural, parmi lesquels les infirmières et les aides à domicile. Pour ces Français, la baisse générale de la fiscalité à laquelle certains appellent ne me semble pas la bonne solution. En effet, cette mesure ne ciblerait pas ceux qui en ont le plus besoin, coûterait des milliards et risquerait d’être immédiatement effacée si le cours du baril continue de grimper.
    Il existe, en revanche, un dispositif qui cible précisément ceux qui roulent dans le cadre de leur activité professionnelle : il s’agit du barème kilométrique, qui permet de déduire les frais d’utilisation du véhicule à des fins professionnelles de l’impôt sur le revenu ou du bénéfice imposable au titre des frais professionnels. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Très bien !

    M. Pierre Cordier

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    Retard à l’allumage !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    J’ai donc demandé au ministre de l’économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire, de modifier, dès cette semaine, l’arrêté définissant le barème kilométrique, qui sera rehaussé de 10 % afin de tenir compte de la hausse réelle des prix supportée par ces ménages.

    M. Damien Abad

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    Six mois de retard !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    L’effet sera rapide et direct dès la déclaration des revenus 2021 ou sur les bénéfices de l’année dernière.
    Au-delà de son effet immédiat, cette revalorisation a vocation à servir de référence et donc potentiellement à se répercuter sur les indemnités kilométriques directement versées par les employeurs à ceux de leurs salariés qui utilisent leur véhicule personnel.
    Je rappelle, pour conclure, que ces indemnités sont défiscalisées. Voilà donc comment le Gouvernement entend répondre aux difficultés de nos concitoyens les plus exposés à la hausse des prix de l’énergie. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    Baisse du pouvoir d’achat

    M. le président

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    La parole est à Mme Clémentine Autain.

    Mme Clémentine Autain

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    Au marché de Sevran, une femme s’est récemment adressée à moi, le caddie rempli de pommes de terre. C’était la fin du mois, elle a quatre enfants et des revenus de misère : elle doit désormais faire preuve d’imagination pour cuisiner des pommes de terre midi et soir.
    Aujourd’hui, un Français sur dix a recours à l’aide alimentaire. Le prix du beurre a bondi de 30 % l’an dernier. Les foyers dépensent en moyenne 60 euros de plus par mois pour l’énergie. L’essence n’a jamais coûté aussi cher.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est l’effet Macron !

    Mme Clémentine Autain

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    Le renoncement à se soigner devient la norme pour nombre de nos concitoyens et les fonctionnaires ne sont pas épargnés par cette baisse du niveau de vie, eux qui subissent le gel du point d’indice depuis tant d’années.
    On nous fait regarder ailleurs, mais la crise du covid a fait exploser les inégalités et la précarité alors qu’elle aurait dû susciter un choc de solidarité et de partage des richesses.
    La capacité à vivre dans la dignité, à répondre à ses besoins essentiels, est mise à mal de façon inédite. Alors que quatre millions de personnes supplémentaires sont en situation de vulnérabilité, les hyper-riches ont profité de la pandémie. L’indécence, chers collègues, est à son comble.
    La fortune des milliardaires français a augmenté de 86 %, soit quatre fois le budget de l’hôpital public, mais que fait le Gouvernement ?

    M. Maxime Minot

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    Rien !

    Mme Clémentine Autain

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    Le blocage des prix n’est toujours pas à l’ordre du jour alors que tout nous presse à prendre cette mesure d’urgence sociale.

    M. Alexis Corbière

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    C’est vrai !

    Mme Clémentine Autain

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    L’augmentation du SMIC et la hausse des minima sociaux devraient déjà avoir été instaurées et être compensées par des contributions obligatoires pour ceux qui voient leurs profits s’envoler, qui engrangent sans vergogne dans les paradis fiscaux et qui empochent les aides d’État sans contreparties. Les grands groupes français vont verser un montant record de dividendes cette année – 12 % de plus qu’en 2021 ! – et il faudrait encore attendre un improbable ruissellement ? Je vous interpelle avec force, colère et gravité sur l’appauvrissement dramatique d’un grand nombre de Français. Il faut agir vite et fort ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

    M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance

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    Vous n’avez sans doute pas écouté attentivement ce que vient de dire M. le Premier ministre. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. Pierre Cordier

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    Maître Le Maire !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Nous répondons à chaque augmentation de prix et aux difficultés rencontrées par les Français par des décisions qui les protègent.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est le ministre de la dette et de la faillite !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Vous le reconnaîtrez, nous avons affronté en 2021 et en 2022 la plus grave crise économique que notre pays ait connue depuis 1929.

    M. Pierre Cordier

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    Ce n’est pas vrai, c’était en 2008, Le Maire !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    La richesse nationale s’est effondrée et les entreprises étaient à l’arrêt. Malgré cela, la majorité et le Gouvernement ont protégé le pouvoir d’achat des Français, tout d’abord en préservant l’emploi (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM) et en évitant que le chômage explose grâce à l’activité partielle. Nous avons limité le nombre de faillites grâce au prêt garanti par l’État (PGE). Contrairement à ce que vous dites, nous avons donc fait preuve de la solidarité la plus totale pendant cette crise économique.

    M. Jean-Marie Sermier

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    Il en est fier ! Mais avec quel argent ?

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Aujourd’hui, la reprise se traduit, en effet, par une augmentation des prix. La moitié de cette augmentation est due aux prix de l’énergie. Qu’il s’agisse du gaz, de l’électricité ou de l’essence, nous avons apporté des réponses pour chacun de ces postes de dépenses : pour l’essence, avec l’indemnité inflation et avec le relèvement du barème kilométrique que vient d’annoncer M. le Premier ministre ;…

    M. Fabien Di Filippo

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    Qui a fermé Fessenheim ?

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    …pour le gaz, nous avons gelé les prix (Protestations sur les bancs du groupe FI) ; pour l’électricité, dont les tarifs auraient dû augmenter de 35 % le 1er février pour les ménages et les entreprises, la hausse a été bloquée à 4 %, grâce à une participation de l’État et au soutien d’EDF.
    Aucun autre État européen n’a fait autant pour protéger le pouvoir d’achat des ménages et des entreprises ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
    Quelle que soit notre affiliation politique, nous pouvons tous être fiers de la manière dont notre pays a répondu à la crise et dont nous protégeons maintenant les ménages français et les entreprises contre les conséquences de l’inflation. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Protestations sur les bancs du groupe FI. – Bruit sur les bancs du groupe LR.)

    Intégrité territoriale de l’Ukraine

    M. le président

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    La parole est à M. Alain David et à lui seul !

    M. Alain David

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
    La tension s’accroît dangereusement en Ukraine. Des troupes russes sont massées à la frontière et la guerre hybride des hackers désorganise l’économie et les services ukrainiens. Depuis 2014 et les premières velléités séparatistes au Donbass, l’Europe et la France se sont engagées en faveur de l’apaisement et du cessez-le-feu. Le président Hollande et la chancelière Merkel étaient en première ligne en février 2015 pour négocier les accords de Minsk II, qui ont permis un relatif statu quo malgré des épisodes funestes comme la destruction en vol du Boeing de la Malaysia Airlines ou diverses reprises de combats.
    Le Président américain a appelé hier à resserrer les rangs face aux initiatives de la Russie et plusieurs pays d’Europe orientale comme la Pologne et les pays baltes sont très préoccupés par la situation. Le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, a affirmé dimanche que « l’Espagne était attachée à l’OTAN et à la sécurité de l’Europe » et qu’il « soutenait la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine », avant d’appeler à privilégier la diplomatie et le dialogue pour désamorcer la crise.
    Le Président de la République a tenu à ce que le semestre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne percute la période de campagne présidentielle. Il doit désormais assumer son rôle et réagir avec force. Les menaces de sanctions économiques ou diplomatiques sont manifestement insuffisantes pour ramener le président Poutine à la mesure. Il convient donc d’envoyer un message clair quant à la détermination de la France et de l’Europe d’œuvrer à la désescalade tout en garantissant l’intégrité de l’Ukraine.
    Monsieur le ministre, où en sont les discussions avec la Russie, qu’elles soient bilatérales ou dans le format Normandie, qui réunit la Russie, l’Ukraine, l’Allemagne et la France ?

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises.

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises

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    Face à l’escalade des tensions entre l’Ukraine et la Russie que vous avez décrite, la stratégie de la présidence française du Conseil de l’Union européenne entend se déployer selon trois axes.
    Le premier, c’est la dissuasion. Elle passe par la préparation d’un arsenal de sanctions suffisamment massives et dissuasives pour éviter que la Russie conduise une incursion militaire en Ukraine. Ce point figurait d’ailleurs à l’ordre du jour des travaux du Conseil des ministres des affaires étrangères que Jean-Yves Le Drian présidait hier à Bruxelles et dont il est ressorti une grande convergence de vues entre les Européens. La dissuasion supposera aussi de travailler en partenariat très étroit avec l’ensemble de nos alliés. Vous avez d’ailleurs constaté qu’une réunion au format « Quint plus » regroupant l’Allemagne, les États-Unis, la France, l’Italie et le Royaume-Uni, auxquels s’est jointe la Pologne, s’est tenue hier soir. J’y reviendrai.
    Le deuxième axe de notre action consiste naturellement à soutenir l’intégrité territoriale de l’Ukraine face à des menaces dont vous avez vous-même souligné la nature hybride, parfois cyber.
    Surtout, le troisième axe – et non le moindre – concerne la réduction des tensions, qui fait l’objet d’un travail diplomatique intense. Pierre Vimont, l’envoyé spécial du Président de la République pour la Russie, se trouve actuellement à Moscou. Une réunion des conseillers diplomatiques des pays réunis dans le format Normandie se tiendra par ailleurs demain. Nous devons en effet garder la tête froide pour atteindre des résultats. Je constate d’ailleurs que les travaux conduits sous ce format ont permis l’abrogation par la Rada d’une loi controversée. Nous espérons bien poursuivre, dans ces différents cadres, l’effort diplomatique voulu par le Président de la République afin d’emprunter le chemin de la désescalade. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Prix de l’électricité

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    Madame le ministre de la transition écologique (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mmes Marie-George Buffet et Bénédicte Taurine font un geste de protestation), Bruno Le Maire a annoncé voilà deux semaines la limitation de la hausse des prix de l’électricité à 4 %, notamment pour les particuliers. Si nous partageons votre objectif – préserver le pouvoir d’achat des Français –, nous estimons qu’il reviendrait au Gouvernement de dire à nos concitoyens toute la vérité sur ce que cache cette bonne nouvelle.
    Leur avez-vous avoué, par exemple, que si nous en sommes là, nous le devons à dix années de tergiversations en matière énergétique, notamment sur l’avenir de la filière nucléaire – dix années marquées par de fumeuses hypothèses de fermetures de centrales et l’abandon de plusieurs projets prometteurs de recherche et développement (R&D) sur les réacteurs de quatrième génération ? (Murmures sur divers bancs.) Leur avez-vous expliqué que, pour parvenir à cette solution, vous avez recours à un système kafkaïen, l’ARENH – accès régulé à l’électricité nucléaire historique –, qui oblige EDF à brader sa production auprès de ses concurrents ?
    Leur avez-vous confessé, par ailleurs, que les négociations que vous avez conduites en catimini avec la Commission européenne pour supprimer ce système shadokien ont échoué parce que vous avez proposé le fumeux – pardon, le fameux – projet Hercule et qu’ayant échoué à trouver une solution durable à l’ARENH, vous confiez la patate chaude à votre successeur ?
    Leur avez-vous fait comprendre que cette solution, si elle fonctionne aujourd’hui, ne fonctionnera pas éternellement, parce qu’on ne pourra pas éternellement braquer EDF en le ponctionnant de 8 milliards d’euros ? Alors, madame le ministre, jurez-vous de dire aux Français la vérité, toute la vérité, rien que la vérité et pas seulement 4 % de la vérité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

    Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

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    D’abord, si vous persistez à m’appeler « madame le ministre », je serai contrainte de vous appeler « monsieur la députée ». (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem et sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)

    M. Maxime Minot

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    On dit « Mme le maire », et pas « Mme la maire » !

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    Ensuite, dire la vérité aux Français, c’est rappeler que le coût de conception des centrales nucléaires dont nous sommes actuellement équipés est amorti, ce qui explique que le prix de vente de l’électricité d’origine nucléaire soit moins élevé que pour d’autres types d’énergie. C’est pourquoi EDF doit vendre une partie de son électricité au prix fixé pour le nucléaire amorti, soit 42 euros par mégawattheure.
    Si nous avons demandé à EDF de fournir cet effort, c’est parce que ceux qui ont contribué, de diverses manières, à la construction des centrales nucléaires, ce sont les Françaises et les Français. (M. Erwan Balanant applaudit.) Il est donc normal que, quand ils sont en difficulté et font face à une très forte hausse des prix de l’électricité, ils bénéficient de la solidarité d’EDF.
    Ensuite, croyez-vous que les difficultés boursières d’EDF soient liées aux annonces gouvernementales concernant l’ARENH ou plutôt au fait que – je ne sais pas si vous l’avez remarqué – de nombreux réacteurs sont actuellement à l’arrêt ?

    M. Patrick Hetzel

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    Celui de Fessenheim, par exemple !

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    Elles sont bien évidemment dues au fait que plusieurs réacteurs vieillissants rencontrent des problèmes et doivent être arrêtés. (Protestations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Maxime Minot

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    Répondez à la question !

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    C’est ça, la question ! Mon rôle, en tant que ministre chargée de l’énergie, est de garantir l’approvisionnement de nos concitoyens en électricité. C’est pourquoi j’ai demandé à EDF de mener un audit afin d’identifier des solutions.
    Par ailleurs, nous devons évidemment développer massivement les énergies renouvelables, mais je sais que vous nous y aiderez.

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    Il est toujours dommage qu’un ministre de la transition écologique sur le départ laisse derrière elle un bilan plus fourni en matière d’orthographe et de grammaire qu’en matière de stratégie énergétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Huées sur les bancs du groupe LaREM, dont plusieurs membres font claquer leur pupitre.)
    En l’occurrence, vous vous croyez au travail, mais vous terminez au charbon : nous avons dû faire fonctionner les centrales au charbon en surrégime parce que vous avez été incapables, depuis dix ans, de donner un avenir à la filière nucléaire. C’est votre responsabilité qui est engagée ! Vous gérez désormais EDF comme Vladimir Poutine gère Gazprom. C’était bien la peine de vous prétendre libéraux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

    M. Pierre Cordier

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    Et des mines de charbon !

    Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

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    Nous, nous allons construire l’avenir et relancer la production d’énergies renouvelables. Nous allons notamment remédier aux politiques que vous avez menées et qui nous ont conduits à nous équiper de panneaux solaires en provenance de Chine, alors que nous aurions pu les fabriquer en France. Nous allons développer les filières d’avenir – toutes les filières d’avenir, et pas seulement celles qui sont conformes à votre dogme. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Situation militaire au Sahel et en Ukraine

    M. le président

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    La parole est à M. Thomas Gassilloud.

    M. Thomas Gassilloud

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    Avant toute chose, je souhaite, au nom du groupe Agir ensemble, me joindre à l’hommage rendu en mémoire du brigadier Martin, du 54e régiment d’artillerie de Hyères, tombé ce samedi au Mali.
    Depuis 2013, à la demande des autorités sahéliennes, nos soldats font l’honneur de la France en protégeant le Sahel de la tempête djihadiste. Je tiens d’ailleurs à rappeler qu’ils interviennent en soutien des populations, lesquelles sont confrontées à des situations très difficiles.
    Depuis plusieurs semaines, nous entrons progressivement dans un contexte nouveau. Au Mali, il est marqué à la fois par une rupture du cadre politique qui entourait les autorités de transition et par le déploiement, désormais effectif, de mercenaires du groupe Wagner. Le coup d’État survenu hier au Burkina Faso, et que nous condamnons, ne fait qu’accentuer la complexité à cette situation.
    Alors que faire ? L’enjeu, nous semble-t-il, consiste à montrer que nous sommes capables, entre Européens, de faire preuve de réalisme. En effet, si notre combat contre le terrorisme dans la région doit continuer, nous ne pouvons pas aider des États sans élaborer de stratégie commune avec ceux qui les dirigent, même de manière illégitime.
    Plus globalement, nous devons renforcer notre action face aux menaces hybrides, qui mêlent notamment désinformation, attaques cyber et irruption de nouveaux acteurs paraétatiques, au Mali comme en Ukraine. C’était d’ailleurs l’un des thèmes abordés au cours d’un déplacement que j’ai effectué en Finlande la semaine dernière avec plusieurs de mes collègues.
    Comment continuer à lutter efficacement, entre Européens, contre les groupes armés terroristes dans un contexte de fragilité politique dans toute la région sahélienne ? Pouvez-vous également nous faire part de votre stratégie pour renforcer notre réponse contre les menaces hybrides ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre des armées.

    Mme Florence Parly, ministre des armées

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    Avant de vous répondre, permettez-moi de saluer à mon tour la mémoire du brigadier Alexandre Martin, mort pour la France samedi dernier au Mali. Nous lui rendrons hommage ce jeudi. (Applaudissements sur tous les bancs.)
    Quelle est la situation actuelle au Sahel ? La junte malienne a rompu ses engagements et multiplie les provocations. Des mercenaires du groupe Wagner sont déployés sur le territoire malien et un coup d’État, que nous condamnons, vient d’avoir lieu au Burkina Faso. Faut-il pour autant abandonner la lutte contre le terrorisme ? Non ! Ce combat est essentiel à notre sécurité. Cet engagement contre le péril djihadiste au Sahel, mais, plus largement, en Afrique de l’Ouest, nous comptons le poursuivre, aux côtés de nos partenaires africains, européens, mais aussi américains.
    Mais il est clair, également, que nous devons nous adapter à ce nouveau contexte et tenir compte de cette situation. Dans ce double objectif de poursuite du combat et d’adaptation, nous avons engagé une concertation approfondie avec nos partenaires, notamment ceux de la task force européenne Takuba. Je veux ici affirmer notre solidarité avec nos partenaires danois, dont le déploiement intervient, contrairement à ce qu’affirme la junte malienne, sur une base juridique légale.
    En Afrique comme en Europe, la Russie, par ses actions et ses discours, privilégie une stratégie d’intimidation. Elle choisit la confrontation masquée, qui est un facteur de déstabilisation. Nous l’avons clairement indiqué à nos homologues russes dès le mois de novembre. Faire face aux menaces hybrides qui se déploient sous le seuil du conflit ouvert constituera une des priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, à travers la finalisation de la boussole stratégique européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    Hausse des prix de l’énergie

    M. le président

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    La parole est à M. Fabien Roussel.

    M. Fabien Roussel

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    La vie chère reste le problème numéro un des Français. Malgré toutes vos belles paroles, des retraités, des salariés, des mamans isolées sont contraints de baisser le chauffage à dix-sept degrés, parce que les factures de gaz et d’électricité restent trop élevées pour des salaires et des pensions toujours aussi désespérément bas. À cela s’ajoute bien sûr la hausse du prix de l’essence.
    Des entreprises doivent réduire leurs activités, voire mettre leurs usines à l’arrêt. Dans mon département du Nord, je pense à celles de MG-Valdunes, de LME, d’Ascoval ou encore à la raffinerie Nyrstar arrêtée pour au moins trois semaines. Même les boulangers, dont les fours consomment énormément d’électricité ou de gaz, n’en peuvent plus.
    Cela ne peut plus durer ! Il est urgent de reprendre la main sur la fixation des prix de l’énergie, en particulier de l’électricité. Il en va de même pour le gaz, dont le cours augmente à cause de l’escalade guerrière dans laquelle l’OTAN et la Russie nous emmènent en Ukraine ! Quelle honte !
    La France produit une électricité nucléaire, décarbonée, en quantité suffisante pour répondre aux besoins du pays,…

    M. Jean-Marie Sermier

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    Eh oui !

    M. Pierre Cordier

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    Avec Brejnev, ce serait différent !

    M. Fabien Roussel

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    …mais vous préférez obliger EDF à vendre cette électricité nucléaire française à des opérateurs privés qui ne baissent pas les prix et qui se gavent sur notre dos ! Cela représente une perte de 8 milliards d’euros de nature à fragiliser EDF, sans aucune garantie d’une quelconque baisse des tarifs pour les Français !
    Quand comptez-vous enfin exclure l’électricité du marché et la confier à un unique opérateur public – EDF –, afin de nous permettre de retrouver notre souveraineté et notre indépendance énergétique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Quand comptez-vous enfin favoriser les ménages et les entreprises français plutôt que la concurrence libre et non faussée des traités européens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    M. Pierre Dharréville

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    Bravo !

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

    M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance

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    Je vais peut-être vous surprendre,…

    M. Pierre Cordier

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    En adhérant au parti communiste ?

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    …car nous n’appartenons pas à la même formation politique, mais ce que vous proposez, c’est exactement et rigoureusement ce que nous faisons. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) C’est parce que nous partageons à 100 % votre constat que nous n’avons pas voulu, précisément, que les ménages et les entreprises français soient soumis à la logique du marché. Nous sommes le 25 janvier. Dans une semaine, les ménages et les entreprises recevront leur facture d’électricité. S’ils ne découvrent pas, en ouvrant leur enveloppe, que leur facture a augmenté de 35 % à 40 %, c’est parce que le Premier ministre et moi-même avons pris les décisions nécessaires pour que les factures de tous les Français et celles de 1,5 million de petites entreprises n’augmentent pas de plus de 4 %. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Protestations sur les bancs du groupe GDR.) Aucun autre État européen, je le répète, ne l’a fait.
    Vous avez excellemment soulevé un deuxième point en soulignant qu’il ne fallait pas que les fournisseurs « se gavent ». Il est en effet hors de question que l’électricité qu’EDF fournira à prix réduit aux opérateurs pour que ces derniers en répercutent le coût sur les consommateurs – entreprises ou particuliers –, ne bénéficie pas uniquement, exclusivement et définitivement aux consommateurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) La Commission de régulation de l’énergie (CRE) et le Gouvernement y veilleront.
    Votre troisième question consiste à savoir s’il faut appliquer des tarifs régulés. Bien sûr que oui !

    M. Pierre Cordier

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    Vive le centralisme démocratique ! C’est Brejnev Le Maire !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Quand le prix de l’électricité est trop bas, EDF s’en plaint, arguant du fait que ces tarifs régulés ne lui permettent pas de réaliser un chiffre d’affaires suffisant. Mais quand le prix de l’électricité explose, tout le monde est bien content que le gouvernement français ait défendu le principe d’un tarif régulé de l’énergie ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Pierre Cordier

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    Vive le parti communiste !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Enfin, à long terme, je partage totalement votre avis : j’ai toujours dit que le marché européen de l’énergie ne fonctionne pas comme il le devrait. Il n’y a aucune raison que le consommateur français paie son électricité au prix marginal d’augmentation de la capacité de production des usines à gaz de l’est de l’Europe : il devrait la payer à hauteur du coût moyen de production de l’électricité nucléaire, à laquelle je crois autant que vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Jean-Marie Sermier

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    Ce ne sont là que des constats !

    Pouvoir d’achat

    M. le président

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    La parole est à M. Maxime Minot.

    M. Maxime Minot

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    Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement est visiblement tellement dépassé par la question du pouvoir d’achat qu’il cherche à sauver la face en reprenant à son compte les propositions de Valérie Pécresse et des Républicains. (« Ah ! » sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)

    M. Pierre Cordier

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    C’est normal, il était à l’UMP !

    M. Maxime Minot

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    En effet, nous apprenons, par Bruno Le Maire, que votre gouvernement veut reprendre la proposition de Valérie Pécresse de relever le barème des indemnités kilométriques afin d’aider les Français qui doivent prendre la voiture pour aller travailler.
    Décidément, il faut attendre l’imminence des élections, et les propositions de notre candidate (Sourires sur les bancs du groupe LaREM),…

    M. Erwan Balanant

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    Valérie Pécresse devrait monter dans les sondages, comme le prix du gasoil !

    M. Maxime Minot

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    …pour que vous réagissiez enfin. Après tout, c’est très bien, mais allez plus loin en reprenant aussi les autres mesures de Valérie Pécresse pour le pouvoir d’achat des Français.
    Reprenez sa proposition de suppression des droits de succession pour 95 % des Français. Reprenez sa proposition de conversion des RTT non pris en salaire supplémentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
    Finalement, si vous êtes soudainement si préoccupés par le pouvoir d’achat des Français, pourquoi ne pas appeler à voter Valérie Pécresse ? Nous gagnerions tous du temps. (Mêmes mouvements.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

    M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance

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    Je vais vous répondre clairement : c’est parce que, avec cette majorité, nous allons déjà beaucoup plus loin en matière de baisse d’impôt que Valérie Pécresse. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    MM. Fabien Di Filippo et Jean-Marie Sermier

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    Et les taxes sur les carburants ?

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Vous nous parlez des droits de succession. Lorsqu’on examine cette question avec attention, on constate effectivement qu’ils sont un peu plus élevés en France que dans les autres pays développés. Je n’ai aucune difficulté à envisager une baisse de ces droits, notamment concernant les successions en ligne indirecte pour lesquelles la fiscalité, c’est vrai, est pénalisante.
    J’aimerais simplement vous rappeler que les trois quarts des successions ne sont soumises à aucun impôt. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. Pierre Cordier

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    Encore un effort à faire !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    La baisse d’impôt que vous envisagez concerne donc à peine 20 % des Français.
    Si je vous dis que nous sommes allés beaucoup plus loin que ce que propose votre candidate, c’est parce que, depuis cinq ans, nous procédons à des baisses d’impôt pour 100 % des Français, et non pour 20 %. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.) Nous avons supprimé la taxe d’habitation, baissé l’impôt sur le revenu, les impôts de production ainsi que l’impôt sur les sociétés pour toutes les entreprises. Par conséquent, si vraiment vous voulez aller plus loin en matière de baisse des impôts pour les Français – vous qui n’avez pas pris une telle mesure –, rejoignez-nous. (Mêmes mouvements.)

    M. le président

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    La parole est à M. Maxime Minot.

    M. Maxime Minot

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    Vous avez dit beaucoup de bêtises et de contre-vérités. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – « Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Néanmoins, il est vrai que Valérie Pécresse veut mettre un terme à votre politique permanente du chéquier et rétablir les comptes pour préserver les générations futures.

    M. Erwan Balanant

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    Il y a peut-être un petit problème alors !

    M. Maxime Minot

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    J’ajouterai un mot sur la question du pouvoir d’achat et sur celle de la flambée des prix, notamment à la pompe, que votre Gouvernement semble découvrir à quelques semaines des élections.
    N’ayez pas la mémoire courte. N’oubliez pas de rappeler aux Français que c’est votre gouvernement qui a récupéré 3,8 milliards d’euros sur le dos des travailleurs français en augmentant le prix du diesel et le prix de l’essence au début du quinquennat. (M. Marc Le Fur applaudit.)

    M. Patrick Hetzel

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    Eh oui, il a raison !

    M. Maxime Minot

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    N’oubliez pas non plus la hausse massive des taxes sur les carburants que les Français continuent de subir tous les jours, ni la hausse sans précédent de la CSG, la contribution sociale généralisée, qui étrangle nos retraités au quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Fabien Di Filippo

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    Eh oui, il ne faut pas l’oublier !

    M. Maxime Minot

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    Alors, de grâce, ne nous donnez surtout pas de leçon en matière de pouvoir d’achat des Français. (Mêmes mouvements.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Ce que les Français n’ont pas oublié,…

    M. Pierre Cordier

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    Vous avez trahi votre famille politique !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    …c’est que Valérie Pécresse a augmenté les impôts de 13 milliards d’euros lorsqu’elle était ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État alors que nous les avons baissés de 52 milliards pour les ménages comme pour les entreprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Protestations sur les bancs du groupe LR.)

    Situation en Ukraine

    M. le président

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    La parole est à Mme Anne Genetet.

    Mme Anne Genetet

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    Ma question s’adresse au ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Hier, l’ambassadeur de France à Kiev, Étienne de Poncins, que je salue, a appelé notre communauté française en Ukraine à la plus grande prudence, lui recommandant d’avoir « à portée de main [des] documents d’identité en cours de validité, quelques effets chauds et des réserves d’eau et de nourriture ». Au même moment, le Quai d’Orsay déconseillait fortement aux voyageurs de se rendre dans les zones frontalières du nord et de l’est du pays.
    Ces recommandations sont la conséquence d’une situation très inquiétante : près de 100 000 soldats de l’armée russe sont massés le long de la frontière ukrainienne, laissant augurer, pour de nombreux observateurs, une possible invasion de l’Ukraine.
    Le 17 décembre, les autorités russes avaient dévoilé deux propositions de traités dans lesquelles elles formulaient trois exigences : tout d’abord, que l’OTAN s’engage à cesser tout élargissement à l’Est ; mais aussi qu’elle retire ses forces des territoires qui l’ont rejointe depuis 1997 ; enfin, qu’elle s’engage à ne pas déployer de forces sur le sol d’États non-membres de l’alliance mais frontaliers de la Russie, ce qui comprend notamment l’Ukraine. De telles exigences sont inacceptables.
    Le Président de la République l’a rappelé devant le Parlement européen mercredi dernier : « La souveraineté est une liberté. Elle est au cœur de notre projet européen ». C’est vrai, on ne peut nier à quiconque le droit de choisir ses alliés et ses alliances et d’être maître de son destin, pas plus à l’Ukraine qu’aux autres États d’Europe de l’Est.
    Plusieurs rencontres diplomatiques avec la Russie se sont tenues depuis le mois de janvier, d’autres sont prévues dans les jours à venir. Que peut faire la France pour contribuer à trouver une issue politique à cette crise et ainsi empêcher l’émergence d’un conflit aux portes de l’Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises.

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises

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    Permettez-moi de saluer à mon tour l’action du personnel consulaire et diplomatique qui œuvre pour la sécurité des Français établis hors de l’Hexagone, en Ukraine comme au Burkina Faso. J’associe à ce message tous les conseillers des Français, eux aussi à l’écoute de la communauté dans des circonstances parfois difficiles.
    S’agissant de l’escalade de tension autour de la frontière ukrainienne, la situation est très claire. Tous les ministres européens réunis hier sous la présidence de Jean-Yves Le Drian ont fait preuve de cohérence en exprimant un point de vue convergent : toute nouvelle atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine aurait naturellement un coût massif pour la Russie. C’est pourquoi une réflexion est toujours en cours concernant les sanctions qu’il faudrait prononcer au cas où de tels faits se produiraient.
    Par ailleurs, le travail de coordination se poursuit : Jean-Yves Le Drian rencontre aujourd’hui le Secrétaire général de l’OTAN, au lendemain d’une réunion entre partenaires européens et alors que les alliés se sont également donné rendez-vous ce mardi. Ce travail se poursuit naturellement chaque jour, chaque heure.
    J’ajoute que la France apporte sa contribution aux différents formats qui ont été proposés et sont actuellement en discussion : le format russo-américain, celui de l’OSCE, l’Organisation pour la sécurité européenne, sous présidence polonaise, celui du Conseil OTAN-Russie et bien sûr le format dit Normandie, puisque nous sommes pleinement partie prenante dans ce processus, une réunion entre les conseillers diplomatiques de France, d’Allemagne, de Russie et d’Ukraine étant prévue demain à Paris.
    La présidence française de l’Union européenne agit donc avec détermination pour permettre, grâce au dialogue, une désescalade des tensions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Déserts médicaux

    M. le président

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    La parole est à M. Yannick Favennec-Bécot.

    M. Yannick Favennec-Bécot

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    Monsieur le Premier ministre, 8 millions de nos compatriotes, à la ville comme à la campagne, vivent dans un désert médical. Ces Français, éloignés de toute offre de soins, sont exclus de la protection de la santé.
    Cette désertification a aussi un impact, en pleine crise sanitaire, sur l’organisation des soins hospitaliers. À titre d’exemple, à Mayenne, dans ma circonscription, la semaine dernière, des femmes n’ont pas pu accoucher au centre hospitalier, faute d’anesthésiste-réanimateur. Cinq bébés qui devaient y naître ont vu le jour dans d’autres établissements. À Laval, les fermetures de services des urgences se multiplient, faute de médecins.
    Ce qui est vrai pour la Mayenne est aussi, malheureusement, la réalité quotidienne de bien d’autres hôpitaux partout en France. Cette situation est insupportable et intolérable.

    M. Pierre Vatin

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    Oui !

    M. Yannick Favennec-Bécot

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    Monsieur le Premier ministre, lorsque vous êtes venu en Mayenne en octobre dernier, vous aviez indiqué vouloir « mettre le paquet » pour renforcer les hôpitaux publics. Il est temps pour l’État de tenir sa parole et d’envoyer un signal fort à nos concitoyens ainsi qu’aux personnels de ces établissements qui n’en peuvent plus et auxquels je tiens de nouveau à rendre hommage.
    S’agissant des hôpitaux de Laval et de Mayenne, où en est le rapport que le médiateur vous a rendu fin décembre ? Les Mayennais attendent une coopération médicale qui passe par le maintien des activités et des spécialités et veulent la reconstruction de l’hôpital de Laval, établissement support du groupement hospitalier de territoire.
    Monsieur le Premier ministre, la patience des Mayennais, et celle des Français, atteint aujourd’hui ses limites. Alors quand et comment allez-vous « mettre le paquet » pour lutter contre nos déserts médicaux et éviter la mort programmée de l’hôpital public dans toute la France, et singulièrement en Mayenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.)

    M. Pierre Vatin

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    Et dans l’Oise ?

    M. Pierre Cordier

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    Et dans les Ardennes ?

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Hier, le Président de la République était en déplacement dans la Creuse. J’ai visité à ses côtés une maison de santé pluriprofessionnelle. Ce type d’établissement permet l’exercice regroupé de médecins et de personnels paramédicaux et une augmentation de l’offre de soins disponible pour les patients. En 2017, M. Macron s’était engagé à doubler le nombre de maisons de santé pendant son mandat. Nous l’avons fait.

    M. Pierre Cordier

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    Ce n’est pas vous qui payez, ce sont les collectivités locales !

    M. Olivier Véran, ministre

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    Dans la Creuse, département qui, vous le savez, souffre, comme la Mayenne, de désertification médicale, nous avons également rencontré des professionnels de santé et des élus locaux pour évoquer avec eux toutes les solutions pragmatiques que nous n’aurions pas encore instaurées.
    Ils ont cité des éléments de bilan que je me permets de rappeler ici : augmentation de 15 % du nombre de médecins en formation grâce à la suppression du numerus clausus, il était temps ;…

    Un député du groupe LaREM

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    Très bien !

    M. Olivier Véran, ministre

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    …doublement du nombre de maisons de santé ; multiplication par 100 du recours à la télémédecine ; développement des pratiques avancées ; ouverture de plus de 700 CPTS, les communautés professionnelles territoriales de santé ; déploiement de plus de 2 000 postes d’assistants médicaux pour libérer du temps médical.
    Par ailleurs, vous avez raison de souligner qu’il existe des problèmes au sein de l’hôpital. S’agissant des investissements en la matière, vous n’êtes pas sans savoir que nous venons, avec le Premier ministre, de clore un tour de France visant à annoncer un plan de 19 milliards d’euros – excusez du peu – pour reconstruire et moderniser 3 000 hôpitaux et EHPAD. Vous avez raison de souligner qu’il était temps. Nous l’avons fait.
    Concernant la situation des hôpitaux de la Mayenne, notamment de celui de Laval, vous avez fait allusion à un rapport en cours de finalisation. S’il n’est pas encore prêt – les fêtes de fin d’année ne sont pas une période propice à type de travail –, l’instruction est sur le point d’arriver à son terme. Vous trouverez ainsi dans ce rapport, dans les tout prochains jours, les réponses aux questions légitimes que vous posez – vous serez évidemment l’un des premiers informés.
    Nous continuons donc de lutter avec détermination contre les déserts médicaux. Ne laissons pas croire qu’il existerait des martingales – telle mesure coercitive ou incitative qui permettrait de résoudre le problème. Nous manquons globalement de médecins, dans les villes comme dans les hôpitaux, cela dure depuis quarante ans. Nous avons apporté une solution dès 2018. Il était temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Déserts médicaux

    M. le président

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    La parole est à M. Guillaume Chiche.

    M. Guillaume Chiche

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    Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, il demeure dans notre pays une ségrégation insupportable, celle de l’accès à notre système de santé.
    Plus de 8 millions de femmes, d’hommes et d’enfants sont privés d’accès aux soins car ils vivent dans un désert médical. Plus de 70 % des Françaises et des Français déclarent avoir renoncé à des soins par impossibilité d’accéder à un médecin.
    C’est une véritable injustice qui nourrit le sentiment d’abandon. Les territoires ruraux et périurbains, comme celui des Deux-Sèvres que je représente ici, ne peuvent plus continuer à être les victimes de la désertification médicale.
    Derrière la technicité du sujet se cachent des réalités de vie tragiques : des diagnostics tardifs qui conduisent à des pertes de chance de survie, des souffrances accentuées par l’impossibilité d’une prise en charge, des renoncements qui conduisent à de véritables drames de vie.
    À ces fractures territoriales s’ajoutent des discriminations sociales. Pour pallier l’absence de médecins, les Françaises et les Français qui le peuvent se rendent dans les départements voisins pour décrocher un rendez-vous avec un professionnel de santé. Cette mobilité contrainte a un coût insupportable.
    Cela fait des années que les élus locaux dont je salue la pugnacité se démènent pour attirer des professionnels de santé dans leurs communes. Cela fait des années aussi que les mécanismes d’incitation à l’installation se développent. Vous-même, monsieur le ministre, avez travaillé dans ce sens, avec le déploiement de la télémédecine, la suppression du numerus clausus et, vous l’avez rappelé, l’installation de maisons de santé – lesquelles demeurent vides dans nombre de nos territoires.
    Le résultat est sans appel : les déserts médicaux seront toujours là dans les dix années à venir. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé une proposition de loi visant à supprimer la libre installation des médecins pour autoriser, durant les cinq premières années d’exercice, les seules installations effectuées dans les déserts médicaux.
    Une telle mesure est forte, à la hauteur d’un constat insupportable : l’espérance de vie des Français, la possibilité de leur maintien à domicile et leur prise en charge en ambulatoire varient en fonction des territoires d’habitation.
    Monsieur le ministre, quand piloterez-vous réellement l’installation des médecins ?

    M. Pierre Cordier

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    Avant, M. Chiche faisait partie d’En marche, c’était l’un de vos collègues !

    M. Fabien Di Filippo

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    On est toujours trahi par les siens !

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Monsieur le député, je comprends évidemment le sens de votre question, mais je ne vais pas rappeler tous les éléments du bilan que je viens d’exposer à M. Favennec-Bécot tout en concluant qu’il restait encore beaucoup de chemin à parcourir. Le Gouvernement travaille d’ailleurs à de nouvelles mesures permettant de favoriser l’installation dans les territoires sous-dotés, mais aussi au développement de pratiques de coopération interprofessionnelle et à donner davantage de responsabilités à des non-médicaux, et ce en toute sécurité – un pas a été fait à cet égard dans le dernier budget de la sécurité sociale : les députés de la majorité ont voté la possibilité pour les orthoptistes de prescrire des lunettes parce qu’on sait que l’accès à la filière visuelle peut être extrêmement complexe. Sur ce plan, les Deux-Sèvres ne font pas exception à la règle.
    La coercition, je n’y crois pas. Non par corporatisme ou par un rejet de principe de toute mesure coercitive, mais parce que le problème ne tient pas à la répartition. Il vient de ce que nous manquons de médecins. Si l’on décidait aujourd’hui de ne plus autoriser l’installation de médecins dans la ville de Niort pendant cinq ans pour les contraindre à exercer dans les campagnes, à vingt ou trente minutes en voiture, on n’améliorerait pas la situation dans le département. On ne ferait que répartir la pénurie.
    La solution, encore une fois, consiste à favoriser, au lieu de l’exercice isolé, le regroupement, le travail en maison de santé pluriprofessionnelle en s’appuyant sur les techniques du numérique sans toutefois qu’elles remplacent le colloque singulier en présentiel entre le médecin et son patient. Nous travaillons d’arrache-pied pour y parvenir, mais ne faisons pas croire aux Français qu’il y aurait une martingale. Acceptons notre responsabilité collective : pendant quarante ans et quel que soit leur bord politique, les pouvoirs publics ont coupé le robinet de la formation des médecins pour se retrouver, au bout du compte, à constater que la France en manquait et à se demander : « Comment on fait ? » La solution qu’il fallait choisir, je le répète, c’était d’abord de supprimer le numerus clausus, ce que nous avons fait dès 2018. Vous-même l’avez noté et je vous en sais gré. À présent, nous continuons de travailler avec les élus locaux, vous l’avez souligné. C’était le sens du déplacement du Président de la République hier en Creuse, comme c’est celui du travail que nous menons territoire par territoire avec les élus, avec les partenaires sociaux, avec les soignants et les représentants des usagers. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Revalorisation des salaires dans le secteur médico-social

    M. le président

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    La parole est à Mme Frédérique Meunier.

    Mme Frédérique Meunier

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    Monsieur le Premier ministre, j’ai reçu hier les acteurs corréziens du secteur du handicap et du secteur social, qui m’ont fait part de leur vive inquiétude concernant l’inégalité de traitement des salariés après le Ségur de la santé et le non-financement annoncé par vous-même de la revalorisation des salaires du personnel dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Rappelons pourtant qu’en dix ans, les salariés du secteur médico-social ont perdu 25 % de leur pouvoir d’achat !
    Certes, le Ségur de la santé a abouti à une augmentation de salaire de 183 euros par mois pour les métiers de santé et aussi pour les personnels des EHPAD publics et privés, mais cela appelle deux observations : d’une part, la revalorisation des salaires, prétendument pourvue par des dotations d’État, est insuffisante puisqu’elle ne couvre que 80 % de l’augmentation. Qui va payer et comment ?
    D’autre part, que faites-vous des oubliés du Ségur de la santé dans le secteur du handicap et dans le secteur social ?

    M. Maxime Minot

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    Eh oui !

    Mme Frédérique Meunier

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    Vous provoquez des inégalités en permettant la revalorisation des salaires des personnels ciblés et en oubliant ceux qui auraient dû bénéficier également d’une augmentation. Quelle injustice ! La colère gronde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
    Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous étendre une revalorisation salariale à l’ensemble des professionnels, quelle que soit leur filière, et à l’ensemble des établissements et services, quel que soit leur financeur ? Êtes-vous conscient du fait que la revalorisation salariale à l’ensemble des secteurs du médico-social permettrait de garantir la qualité du service, d’endiguer la fuite des professionnels et d’éviter la dégradation du climat social ? Au nom des principes d’équité et de reconnaissance, tous les employés des établissements financés par les agences régionales de santé et par les départements doivent pouvoir bénéficier d’une revalorisation salariale financée par l’État. Alors, que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Vous dites, madame la députée, qu’on a oublié des gens dans le Ségur… Mais vous, vous avez oublié de le voter. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe LR.) Vous prétendez pointer du doigt un angle mort dans le dispositif, mais, quand les parlementaires de la majorité votaient des hausses de salaire à hauteur de 10 milliards d’euros par an pour un million et demi de soignants dans les hôpitaux, les EHPAD, le secteur du handicap et le médico-social, votre candidate nous reprochait de cramer la caisse ! (Mêmes mouvements.) Mettez-vous d’accord avec la candidate dont vous portez les couleurs, avec votre groupe politique…

    Mme Frédérique Meunier

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    Non !

    M. Patrick Hetzel

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    C’est l’inverse !

    M. Maxime Minot

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    Les revalorisations dépendent d’un décret !

    M. Olivier Véran, ministre

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    …et peut-être avec vous-même. Vous ne pouvez pas à la fois voter contre le Ségur et reprocher au Gouvernement d’avoir oublié des personnels. Je vous vois faire « oui » de la tête… C’est plus grave que ce que je pensais. Il y va de la cohérence politique, madame la députée. Nous avons fait ce que personne n’avait osé auparavant : 10 milliards d’euros de hausse de salaires, soit 183 euros net de plus par mois pour un million et demi de salariés, dont 85 % de femmes, et quand il a fallu y revenir, pour parfaire le dispositif, nous l’avons fait. Ainsi, les oubliés du Ségur ont fait l’objet d’une mission confiée par le Premier ministre à Michel Lafourcade, et le périmètre a été élargi au point d’y embarquer, Brigitte Bourguignon, Sophie Cluzel et moi-même, jusqu’à 400 000 salariés supplémentaires de manière qu’il n’y ait pas d’oubliés dans le secteur du médico-social et du sanitaire.
    Je vous invite, la prochaine fois qu’il y aura un vote de la même majorité, je l’espère, dans le quinquennat prochain, pour revaloriser les salaires des travailleurs sociaux…

    M. Patrick Hetzel

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    Il y a surtout des oubliés dans le Ségur, c’est ça le problème !

    M. Olivier Véran, ministre

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    …parce qu’eux aussi en ont besoin (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM), à appuyer sur le bon bouton – si vous êtes encore parmi nous, ce que je vous souhaite de tout cœur – : le bouton « pour ». Je compte sur vous ! (Mêmes mouvements.)

    M. Maxime Minot

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    Et vous, vous ne serez plus là !

    M. le président

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    La parole est à Mme Frédérique Meunier.

    Mme Frédérique Meunier

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    Monsieur le ministre, comment voter pour un Ségur qui oublie du monde ? C’est impossible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Conditions de travail dans les EHPAD

    M. le président

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    La parole est à Mme Caroline Fiat.

    Mme Caroline Fiat

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    Une enquête du journaliste Victor Castanet révèle que, dans un EHPAD Orpea, on peut tout de même payer 7 000 euros par mois pour mourir d’une escarre non soignée en seulement deux mois et demi. Voici un extrait du témoignage de Saïda, auxiliaire de vie : « Nous étions rationnés : c ’était trois couches par jour maximum. Et pas une de plus. Peu importe que le résident soit malade, qu’il ait une gastro ou qu’il y ait une épidémie. » Les soignants en EHPAD subissent plus d’accidents du travail que dans les travailleurs du bâtiment et sont victimes de troubles musculo-squelettiques et de burn-out en masse. Mais rien n’aura suffi à faire réagir le Gouvernement, ni les mobilisations historiques du personnel des EHPAD dès 2018 ni les témoignages de lanceurs d’alerte comme l’aide-soignante Hella Kherief : « Nos résidents sont rationnés en nourriture, maltraités, se laissent mourir. » C’était l’objet de ma première interpellation, au nom de mon groupe La France insoumise, le 19 juillet 2017 à cette tribune ! Mais là encore, rien n’aura suffi pour vous faire réagir, ni le rapport d’information sur les EHPAD de mars 2018 que j’ai coécrit avec Monique Iborra, ni le reportage d’Envoyé spécial la même année qui mettait en lumière le licenciement des lanceurs d’alerte témoignant des mauvais traitements infligés aux résidents.
    Le business des EHPAD, l’or gris, a le vent en poupe ! Les chiffres de l’INSEE en attestent : les établissements publics disparaissent au profit du privé car, avec un prix médian de 2 460 euros par mois, une maison de retraite est plus rentable qu’un centre commercial ! « Il faut que ça crache », dit-on à Orpéa en parlant des résidents et de leurs familles pour accumuler les dividendes. Là encore, le Gouvernement n’a rien fait, sinon nous rire au nez lorsque nous proposions de mettre fin à ce vol organisé ! Vivement que nous puissions, à notre tour, faire cracher ces grands groupes ! En laissant faire en toute conscience, pire, en laissant dépérir le secteur public, avez-vous conscience d’être complice de cette escroquerie épouvantable ? Avez-vous conscience d’être complice de cette maltraitance envers nos aînés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – Mme Christine Pires Beaune applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    J’ai répondu tout à l’heure à l’interpellation sur le sujet particulier évoqué dans ce livre en disant que je ferai preuve – nous y veillerons, croyez-moi, Brigitte Bourguignon et moi-même – de la plus grande sévérité si même une petite partie des faits allégués étaient avérés. Nous utiliserons tous les moyens à notre disposition pour en vérifier leur véracité.

    Mme Caroline Fiat

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    Vous avez eu cinq ans !

    M. Olivier Véran, ministre

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    Pardonnez-moi, mais vous tombez dans la facilité lorsque vous imputez au Gouvernement des faits reprochés à un établissement privé pour personnes âgées. Mais nous y sommes habitués. On aurait presque envie de saluer l’empressement dont vous faites preuve en la matière. Mais je crois que les Français ne sont pas dupes.
    En revanche, madame la députée, je peux vous apporter plusieurs éléments constitutifs d’un bilan parce qu’il est important de faire le point. Depuis 2017, date de votre intervention initiale, nous avons alloué 2,1 milliards supplémentaires, jusqu’en 2024, à tous les EHPAD jugés prioritaires pour les moderniser dans le cadre du fameux Ségur de l’investissement… que vous n’avez pas voté. Nous avons renforcé la présence des médecins coordonnateurs, pour qu’ils restent au moins deux jours par semaine dans tous les EHPAD. Avez-vous voté cette disposition ? Je ne crois pas.

    Mme Caroline Fiat

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    Vous ne le savez pas !

    M. Olivier Véran, ministre

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    Il y a désormais une permanence d’infirmiers d’astreinte dans les EHPAD. J’ai travaillé comme vous comme aide-soignant dans un de ces établissements…

    Mme Caroline Fiat et M. Éric Coquerel

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    Ah !

    M. Olivier Véran, ministre

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    …et je sais ce qu’est la dureté de cet exercice. Je suis donc bien placé pour saluer l’engagement professionnel de ces aides-soignants et pour reconnaître leur isolement quand il n’y a même pas un infirmier joignable en cas de problème de santé. Mais tout cela est désormais derrière nous puisque des infirmiers de référence interviennent la nuit, et cela compte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Je sais que cela vous embête quand on apporte des solutions, vous ne voulez pas les voir et préférez dire que tout va mal ! Je vous rappelle les chiffres, même si cela vous gêne : 10 000 soignants supplémentaires seront embauchés d’ici cinq ans en plus des 10 000 recrutés depuis 2017, soit 20 000 soignants en plus dans les EHPAD. C’était une des préconisations de votre rapport : saluez le fait que nous l’ayons suivie. Un dernier chiffre : 40 000 recrutements supplémentaires ont eu lieu à la demande du Premier ministre pendant la crise sanitaire, ce qui représente tout de même 10 % de personnels de plus, en un an, dans les EHPAD de notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Roubaix aujourd’hui

    M. le président

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    La parole est à Mme Catherine Osson.

    Mme Catherine Osson

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    Depuis la diffusion d’un documentaire de Zone Interdite le week-end dernier, ma belle ville de Roubaix est devenue, aux yeux de beaucoup dans le pays, l’épicentre de l’islam radical. Bien sûr que les difficultés existent, mais sous aucun prétexte, je ne pourrais laisser penser que l’écrasante majorité serait à l’image de l’infime minorité qui nous a été montrée. Laissez-moi vous dire ce qu’est Roubaix : c’est la ville dont Jean Lebas a su faire un pôle de rayonnement en matière d’innovations sociales ; c’est une ville de culture et de patrimoine, capitale mondiale de l’industrie textile au XXe siècle, une ville où, loin des incantations, le vivre-ensemble, construit par les associations et par tous les habitants, est une réalité qui fait vivre notre citoyenneté ! Parmi ses nombreux atouts, je tiens d’abord à valoriser le premier d’entre eux : sa population. Résiliente, elle est constituée à près de 50 % de personnes de moins de 30 ans, qui m’écrivent depuis avant-hier avec désespoir, de même que les acteurs du monde économique qui, eux, parient Roubaix !
    Chers collègues, permettez-moi de le dire les choses comme je le pense : tout est plus difficile à Roubaix. Les silences de la République d’hier, ses faiblesses ou ses éclipses sont une arme dans les mains de ses détracteurs.

    M. Fabien Di Filippo

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    Dix ans de socialisme !

    Mme Catherine Osson

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    C’est précisément pourquoi notre majorité est à l’œuvre depuis cinq ans : dédoublement des classes en CP et en CE1, investissements massifs dans les politiques de la ville, renforcement des effectifs de police, reconquête républicaine… Nous vaincrons l’islamisme en étant fermes sur le régalien, mais également en déployant des plans massifs de reconquête républicaine à l’ambition sociale essentielle !

    M. Éric Diard

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    Salafiste !

    Mme Catherine Osson

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    Je ne laisserai pas faire ceux qui, dans les défilés médiatiques opportunistes du moment, instrumentalisent, dans la perspective des échéances électorales à venir, le quotidien de milliers de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
    Monsieur le ministre de l’intérieur, pouvez-vous préciser à la représentation nationale les décisions prises par les services de l’État à la suite de la diffusion du reportage, et nous rappeler l’état d’avancement de l’entrée en vigueur de la loi que nous avons votée et qui vise à renforcer l’application des principes de la République ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. Éric Diard

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    Les salafistes voteront pour vous !

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur

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    Permettez-moi, madame la députée, de m’associer aux propos que vous avez tenus pour les habitants du Nord en général, ceux de la métropole lilloise, et en particulier ceux de Roubaix, ville dont vous êtes députée et dont je suis le voisin, vous le savez, depuis tant d’années.
    Tout d’abord, je tiens à dire à quel point vous avez raison de rappeler qu’à Roubaix singulièrement – mais aussi à Maubeuge ou à Denain pour ce qui concerne le nord de la France –, le problème vient d’une politique de peuplement non accompagnée, d’une politique d’absence d’aide à la collectivité locale, d’une politique se désintéressant des jeunes, qui a laissé le lieu religieux remplacer l’État. Voilà ce qui conduit depuis vingt, trente ou peut-être quarante ans à ce que nous avons vu dimanche et que vous connaissez mieux que personne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
    Et c’est sous la responsabilité du Président de la République et de ce gouvernement que la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), la dotation globale de fonctionnement (DGF) et les crédits au titre de l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, ont été doublés pour la ville de Roubaix. C’est également au cours de ce quinquennat que la moitié des écoliers de votre ville auront bénéficié d’un dédoublement qui leur permet d’être seulement douze par classe.
    Je pense que le bilan est extrêmement partagé. En regardant les images diffusées dimanche, on ne peut que se dire la situation dont elles témoignent remonte à des années et non seulement à deux ou trois ans. (Mêmes mouvements.)

    M. Pierre Cordier

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    Et on voit le résultat !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est depuis que nous sommes en responsabilité que les effectifs du commissariat de Roubaix ont augmenté de quasiment 40 %. En outre, j’ai nommé un sous-préfet spécialement chargé de Roubaix. J’ajoute que cette ville a bénéficié de toutes les aides décidées par les gouvernements successifs d’Édouard Philippe et de Jean Castex.

    M. Fabien Di Filippo

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    Tout va bien ! Quelle autosatisfaction !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Aujourd’hui, nous sommes les premiers, vous l’avez vu dans ce reportage, à dénoncer les difficultés religieuses, en l’occurrence salafistes. Et c’est ce gouvernement qui ferme des lieux de culte, qui a présenté la loi sur le séparatisme, qui a mis fin au CCIF – le collectif contre l’islamophobie en France –, à Barakacity, au collectif Cheikh Yassine, prononçant en tout quinze dissolutions de groupements islamistes ! C’est nous qui avons fermé trente-trois lieux de culte ou écoles coraniques.

    M. Pierre Cordier

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    Sur combien ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est nous qui avons décidé de discuter en cessant de nous mettre les mains sur les yeux et en rappelant que Roubaix est une grande ville, qu’en France, les musulmans sont aimés par la République et que l’on doit combattre à leurs côtés la minorité islamiste. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Voyages scolaires en temps de covid

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    Ma question, à laquelle j’associe mes collègues Hervé Saulignac et Michèle Victory, s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
    Le secteur du tourisme éducatif et social traverse une période de fortes turbulences. D’un côté, vous autorisez légalement les voyages scolaires. De l’autre, des services académiques recommandent de reporter les séjours et rappellent aux enseignants que leur responsabilité est engagée en cas de problème, notamment s’il y a des cas de covid. Les départs sont donc de plus en plus hypothétiques. La réalité sur le terrain c’est que, très souvent, peu de temps avant le départ, des voyages sont annulés alors que des frais ont été engagés et des contrats signés avec les prestataires.
    Si nous saluons la philosophie politique consistant à poursuivre ces classes, dans la mesure où elles participent à l’éducation populaire et permettent aux élèves de profiter d’un moment d’évasion nécessaire, cette situation d’entre-deux n’est plus tenable pour les organisateurs puisque, vous le savez, l’ouverture des aides d’État est conditionnée à l’annulation formelle des séjours.

    M. Pierre Cordier

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    Eh oui !

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    Rien qu’au mois de janvier, dans la seule région Auvergne-Rhône-Alpes, les annulations se chiffrent à 12 millions d’euros. En Ardèche, 100 % des séjours ont été annulés. Selon l’Union nationale des associations de tourisme et de plein air (UNAT), cela représente 200 000 journées de vacances pour 1 200 classes et 30 000 enfants.
    Il faut rapidement définir une stratégie claire : soit les séjours se poursuivent avec des protocoles sanitaires et assurantiels opérants, soit ils sont interdits et les organisateurs et accueillants bénéficient du soutien économique de l’État. Monsieur le ministre, il est urgent de mettre fin à l’incertitude dans laquelle sont plongés les enfants, leurs familles, les enseignants et le secteur du tourisme social et éducatif. Quelle sera votre décision ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

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    Les problèmes que vous évoquez existent ; ils font partie des lourds inconvénients que nous subissons du fait de la crise sanitaire. La politique de l’école ouverte, que je mets souvent en avant, nous oblige à nous concentrer sur l’essentiel : les classes doivent rester ouvertes et les élèves, avoir accès aux activités scolaires. Il n’est pas illogique que le périscolaire et l’extrascolaire pâtissent davantage que le scolaire des mesures sanitaires qui pèsent également sur le reste de la population. Il n’en demeure pas moins que nous devons essayer de faire en sorte que les sorties scolaires restent, malgré les difficultés, le plus fréquentes possible. Comme vous, je souhaite qu’avec l’allégement des contraintes lié à la baisse de la circulation du virus, nous puissions bientôt aller dans ce sens.
    Aujourd’hui, les sorties scolaires ne sont pas interdites. On recommande simplement aux organisateurs d’être attentifs aux situations locales. Les règles diffèrent également selon les catégories d’élèves : les 12-17 ans n’ont besoin du passe que pour les activités ponctuelles, en cas de brassage avec d’autres populations.
    Avec les autres ministres concernés, nous faisons tout pour pouvoir libérer ces activités très prochainement, d’autant plus qu’avec Roselyne Bachelot, nous avons créé la dimension collective du pass culture, qui permettra de multiplier les sorties scolaires à partir de la classe de quatrième. C’est lorsque le contexte aura changé que nous pourrons pleinement profiter de cette nouvelle mesure. Avec Jean-Baptiste Lemoyne et Bruno Le Maire, nous soutenons les structures d’accueil, pour éviter qu’elles ne pâtissent trop de la situation difficile qu’elles traversent.
    En résumé, l’objectif est de soutenir les structures et de revenir le plus vite possible au rythme habituel de sorties scolaires. Dès maintenant, nous encourageons les organisateurs à les maintenir chaque fois que c’est possible. J’espère que d’ici quelques semaines, nous retrouverons une situation tout à fait normale.

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    Je vous remercie pour votre réponse, mais elle ne répond pas à ma question !

    M. Pierre Cordier et M. Maxime Minot

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    Comme d’habitude !

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    Je n’ai pas mis en doute votre volonté de poursuivre ces déplacements, mais aujourd’hui, ils sont de fait annulés, sans véritable annulation.

    M. Maxime Minot

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    M. Blanquer a encore la tête à Ibiza !

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    Les organisateurs paient donc, comme si les enfants étaient partis. Cela pénalise les collectivités et, souvent, les centres de vacances. Quelle est votre réponse ? Pour l’heure, il n’y en a pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)

    Soutien au secteur des hôtels, cafés et restaurants

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Pauget.

    M. Éric Pauget

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    Ce début d’année voit une chute inquiétante de l’activité des acteurs de la filière hôtels, cafés, restaurants. Les chiffres sont tristement éloquents : plus de 80 % des cafetiers et des restaurateurs connaissent une baisse de leur chiffre d’affaires d’au moins 30 %. Depuis deux ans, de protocole sanitaire en nouveau protocole sanitaire, ces professionnels ont toujours joué le jeu, mais en ayant la mauvaise impression d’être devenus une variable d’ajustement de la crise. Les nouvelles modalités de contrôle du passe vaccinal le confirment. Ils sont toujours dans la difficulté et les mesures imposées de télétravail font chuter dramatiquement le volume de leur clientèle et le montant de leurs recettes.
    Vous avez certes annoncé mardi dernier un élargissement des aides et des dispositifs de soutien à la filière. Vous voulez instaurer une aide pour les restaurateurs et cafetiers qui perdent plus de 50 % de leur chiffre d’affaires par rapport à 2019. Mais, pour louables que soient l’intention et l’esprit de la mesure, celle-ci va inévitablement avoir un effet pervers : celui du seuil. Les restaurateurs qui ont perdu 49 % de leur chiffre d’affaires ne seront pas éligibles à la mesure, ce qui, vous en conviendrez, est profondément injuste.
    Outre une baisse du seuil d’éligibilité des aides, ces professionnels, avec lesquels j’ai eu récemment des échanges dans ma circonscription des Alpes-Maritimes, vous demandent des mesures d’accompagnement ciblées, au prorata du chiffre d’affaires, adaptées à chaque situation et à chaque type de restauration, pour faire face à un contexte difficile qui perdure. Ils demandent la baisse de leurs charges et surtout un meilleur étalement du remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) qu’ils ont contractés et qu’ils doivent rembourser.
    Monsieur le Premier ministre, allez-vous revoir votre copie, adapter les dispositifs de soutien à ce secteur et entendre enfin cette profession si emblématique pour notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

    M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance

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    Je partage votre analyse s’agissant du secteur de l’hôtellerie, des cafés et de la restauration ; on peut même l’élargir à toutes les activités du tourisme et de l’événementiel. Je rappelle toutefois que, depuis le premier jour de la crise, nous avons accompagné ces professionnels grâce à des dispositifs massifs que nous ne cessons d’adapter, en contact étroit avec eux.
    Vous demandez d’abaisser les seuils d’éligibilité ; je confirme que c’est chose faite.
    S’agissant des dispositifs d’activité partielle, si vous perdez 65 % de votre chiffre d’affaires, vous avez droit à la prise en charge de 100 % de l’activité partielle de vos salariés.
    Pour le dispositif Coûts fixes, le seuil était fixé à 65 % de perte de chiffre d’affaires ; nous l’avons abaissé à 50 %. Si l’entreprise éligible a moins de cinquante salariés, l’État prend en charge 90 % des coûts fixes ; si elle a plus de cinquante salariés, 70 %. Nous avons élargi ce dispositif, qui ne concernait que quelques secteurs spécifiques, à toutes les activités de tourisme, sans exception.
    Vous soulignez à juste titre la difficulté pour ceux qui perdent entre 30 et 50 % de leur chiffre d’affaires ; à la demande du Premier ministre, nous avons déployé un nouveau dispositif. Un patron de bar, un chef d’hôtel ou de restaurant qui se trouve dans cette situation a droit à la prise en charge de 20 % de sa masse salariale.
    Enfin, pour ce qui est des prêts garantis par l’État, qui représentent un vrai motif d’inquiétude pour des milliers de très petites entreprises, nous avons prévu un étalement de six à dix ans pour les entreprises les plus en difficulté, et la possibilité de décaler le remboursement du printemps 2022 à la fin de l’année.
    Puisque vous m’aviez saisi du cas d’un hôtelier de Golfe-Juan dans les Alpes-Maritimes, je vous indique que tous ceux qui ont créé récemment leur entreprise pourront avoir accès au dispositif Rebond qui prévoit la prise en charge de 90 % de leurs coûts fixes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem. – M. Philippe Vigier applaudit également.)

    Accord sur la chronologie des médias

    M. le président

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    La parole est à Mme Céline Calvez.

    Mme Céline Calvez

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    Madame la ministre de la culture, notre manière de visionner des films a été profondément bouleversée ces dernières années. D’abord, de nouveaux usages sont apparus : on peut voir un film au cinéma sur grand écran, dans son salon ou encore directement sur le smartphone – mais pas au même moment, la primeur étant à la découverte collective avec l’expérience de la salle de cinéma. Ensuite, l’offre est bouleversée par une profusion de choix, parfois étourdissante, et par l’apparition de nouveaux acteurs, notamment internationaux, aux capacités d’investissement et d’influence puissantes.
    Depuis le mois de juillet 2021, les plateformes de streaming, parce qu’elles ont pris beaucoup de place dans nos vies, ont l’obligation de financer les œuvres audiovisuelles françaises à hauteur d’au moins 20 % de leur chiffre d’affaires. D’ailleurs, on peut être fier que la France ait été, au niveau européen, à l’avant-garde de ces combats dont nous avons, sur ces bancs, transposé les engagements forts en faveur de l’accès aux films et de leur diversité.
    En contrepartie, bien sûr – c’est aussi une demande des spectateurs –, les œuvres de cinéma que ces éditeurs financent pourront arriver plus rapidement sur leurs canaux de diffusion. C’est une nouvelle donne pour la chronologie des médias. Par ce terme peu connu du grand public, on désigne le rythme avec lequel une œuvre pourra, après sa sortie en salle de cinéma, être disponible en DVD, à la télévision et maintenant sur les plateformes.
    Madame la ministre, vous êtes parvenue à sceller un accord historique (Rires sur les bancs du groupe LR) avec les producteurs et les diffuseurs. Concrètement, comment cet accord va-t-il permettre non seulement de protéger le cinéma français, tout en assurant la diversité des œuvres, mais surtout de faciliter l’accès des Français aux films de cinéma ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la culture.

    Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture

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    Ce sujet apparemment technique…

    M. Jean-Yves Bony

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    Ouh là, très technique !

    Mme Roselyne Bachelot, ministre

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    …concerne en premier chef les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel, mais également les citoyens, puisqu’il fixe les délais auxquels ceux-ci ont accès aux œuvres sur différents supports : salles de cinéma, plateformes, chaînes payantes et gratuites. Avec l’arrivée de nouveaux acteurs, les plateformes, il était important de fixer à nouveau la chronologie des médias. Aux plateformes, vous l’avez souligné, nous avons imposé une contribution très importante : 20 % non de leurs bénéfices, mais de leur chiffre d’affaires.
    Le but de cette renégociation était avant tout de sanctuariser les salles de cinéma, dont vous avez mentionné le rôle primordial dans le maillage culturel du pays. La fenêtre d’exclusivité des salles de cinéma, d’une durée de quatre mois, est préservée. Il s’agissait également de faire en sorte que les acteurs connus profitent d’une meilleure diffusion de leurs œuvres. Nous avons réduit de huit à six mois le délai pour les chaînes payantes et gardé la fenêtre des chaînes gratuites – c’est très important car ce sont les principaux financeurs des œuvres audiovisuelles. Les plateformes contribuant à hauteur de 20 % de leur chiffre d’affaires, il était normal de les avancer dans la chronologie des médias : alors qu’elles étaient en queue de peloton, elles pourront désormais diffuser les films quinze à dix-sept mois après leur sortie, selon qu’elles ont ou non signé l’accord. Il fallait aussi réduire la frise chronologique, qui s’étalait sur plus de quarante-quatre mois : nous l’avons ramenée à trente-six mois.
    Toutes ces mesures complètent une architecture réglementaire et législative très importante, à laquelle vous avez beaucoup travaillé : la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) en matière économique et financière, la loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, la directive « services de médias audiovisuels » (SMA) et les textes réglementaires. Nous avons ainsi tenu la promesse du Président de la République : le 6 mai 2020, il avait annoncé que nous ferions payer les plateformes pour un meilleur financement du cinéma et de l’audiovisuel français et européen. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Hausse des prix des carburants

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Rabault.

    Mme Valérie Rabault

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    Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous proposer de faire ensemble un petit calcul. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Il y a 17 millions de Français qui prennent chaque matin leur véhicule pour aller travailler, parce qu’ils n’ont pas de transports en commun. Pour ces 17 millions de Français, dont la moitié gagne moins de 1 700 euros net par mois, la hausse moyenne du prix du carburant – je ne parle pas des frais professionnels, mais du trajet entre le domicile et le travail – représente entre 30 et 50 euros de frais supplémentaires par mois.
    Face à cette situation, vous venez de nous dire que vous allez augmenter de 10 % le barème kilométrique. Mais en faisant cela, vous ne parlez qu’aux Français qui sont imposables, car pour passer aux frais réels, il faut être imposable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe LR.) Vous ne parlez absolument pas à toutes celles et à tous ceux qui gagnent moins de 1 295 euros net par mois.

    M. Pierre Cordier

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    Eh oui !

    Mme Valérie Rabault

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    Vous ne parlez qu’aux 2,5 millions de personnes, qui sont aux frais réels. Que dites-vous aux autres, à ces14,5 millions de personnes ? Rien du tout !
    Nous vous faisons une proposition simple : si vous vivez en Île-de-France, la moitié de votre passe Navigo vous est remboursée ; nous proposons qu’à la moitié de ces 17 millions de Français qui gagne moins de 1 700 euros net par mois, vous accordiez cinquante euros par mois, tant que durera la hausse des prix des carburants.

    M. Pierre Cordier

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    Une démarche intéressante !

    Mme Valérie Rabault

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    Cela représentera un budget d’à peu près 400 millions d’euros par mois, qui sera pour un tiers compensé par la hausse de TVA qui apporte des recettes supplémentaires à l’État. Qu’en pensez-vous, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Madame Rabault, j’en pense que nous l’avons fait. (Protestations sur les bancs du groupe SOC.)

    M. Erwan Balanant

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    Eh oui !

    M. Maxime Minot

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    Ils ont tout fait !

    Mme Christine Pires Beaune

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    Les Français ne l’ont pas vu !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Dois-je vous rappeler que la mesure spécifique que j’ai annoncée concernant ceux de nos concitoyens qui roulent beaucoup, s’ajoute à toutes les dispositions que nous avons déjà adoptées pour les Françaises et les Français confrontés à une réelle difficulté – sur ce point, je souscris évidemment au diagnostic que vous avez posé. Je le dis devant la représentation nationale et devant toutes celles et tous ceux qui nous écoutent : le chèque énergie exceptionnel pour les familles les plus modestes, le bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité dont Bruno Le Maire a rappelé tout à l’heure les contours, l’indemnité inflation, ainsi que la revalorisation du barème de l’indemnité kilométrique que je viens d’annoncer, représentent un effort collectif de la nation pour nos concitoyens – en particulier ceux qui, confrontés à la hausse du coût de toutes les énergies, sont les plus en difficulté – de plus de 15 milliards d’euros. C’est un effort inédit, responsable, juste et nécessaire.
    Permettez-moi, pour prolonger la réflexion, de remettre la situation en perspective. Oui, nous sommes confrontés à une hausse des prix de l’énergie tout à fait exceptionnelle. Il faut y faire face, et je rappelle que grâce à la politique économique conduite par la France, l’inflation – puisqu’il faut nommer les choses – à laquelle sont confrontés nos concitoyens s’est élevée en tendance annuelle à 2,2 %, selon les chiffres de décembre 2021. C’est beaucoup, et c’est en tout cas supérieur à ce que nous avons connu au cours des années précédentes. Mais en Allemagne, l’inflation s’est élevée en 2021 à 6 % ; en Espagne, à 5,5 %. Il en résulte, selon les statistiques de l’INSEE et d’Eurostat pour l’année 2021, que le pouvoir d’achat a augmenté de 2,2 % en France, alors qu’il a baissé de 0,4 % en Allemagne.
    Comment allons-nous payer les sommes engagées ? Grâce à la vigueur de la croissance économique française, la première de la zone euro. Nous avons créé plus de 575 000 emplois l’année dernière en France ; c’est considérable (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM), et c’est sans doute la meilleure réponse pour le pouvoir d’achat des Français.
    Je terminerai en vous rappelant à tous que nous sommes en réalité dans la continuité et dans la cohérence : grâce aux mesures adoptées sous ce quinquennat, le pouvoir d’achat de nos concitoyens aura augmenté deux fois plus vite en moyenne que pendant les dix années précédentes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Tout le monde le sait, c’est grâce à la suppression progressive de la taxe d’habitation, à la baisse de l’impôt sur le revenu à hauteur de 5 milliards, à la revalorisation de la prime d’activité (Protestations sur les bancs du groupe LR), à la revalorisation des petites retraites, notamment des retraites agricoles. Autant de faits concrets qui montrent la continuité et la cohérence de l’action gouvernementale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Rabault.

    Mme Valérie Rabault

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    Monsieur le Premier ministre, vous oubliez 80 % des Français, qui utilisent leur voiture tous les matins pour aller travailler. Je prends l’exemple d’une mère avec trois enfants qui gagne 2 040 euros par mois : elle n’a pas touché l’indemnité inflation de 100 euros, et elle ne bénéficiera pas non plus de la hausse du barème des indemnités kilométriques, tout simplement parce qu’elle n’est pas imposable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs LR.) Vous voyez, vous oubliez beaucoup de monde.

    M. Maxime Minot

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    Il vit sur une autre planète !

    Désindustrialisation

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Cordier.

    M. Pierre Cordier

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    Nous nous interrogeons sur les prétendues créations d’emplois industriels en France depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée. Où sont-ils ? Pas dans les Ardennes en tout cas, où 10 000 emplois industriels ont été détruits ces dix dernières années. Vous créez une France à deux vitesses, en favorisant des territoires qui ne sont pas en souffrance et en abandonnant ceux qui ne vous intéressent pas. Après l’échec de l’implantation de Cevital à Charleville-Mézières, où 1 000 emplois étaient promis par Emmanuel Macron lors de sa visite fin 2018, et après l’échec de la réimplantation des Cycles Mercier à Revin il y a six mois, ce sont maintenant 120 emplois qui sont supprimés à Fromelennes, dans les Ardennes, avec l’annonce par le groupe Tréfimétaux de la délocalisation en Italie de la fabrication de tubes en cuivre.
    Je pense d’abord aux 120 familles concernées par ces suppressions de postes ; c’est un drame pour elles, car l’espoir de retrouver du travail est mince : dans la vallée de la Meuse, le taux de chômage s’élève à plus de 15 %, tandis que la pauvreté touche un Ardennais sur cinq. Je suis également inquiet pour notre indépendance industrielle, car c’était la dernière usine française de fabrication de tubes en cuivre. La crise du covid-19 nous a pourtant prouvé qu’il est indispensable de produire chez nous les matériaux dont nous avons besoin pour éviter les pénuries.
    La détresse dans les Ardennes est immense, et ce ne sont pas des réunions en visioconférence qui vont améliorer les choses : nous attendons des actes forts du Gouvernement. Je vous poserai donc deux questions simples : comment allez-vous soutenir les représentants des salariés et les élus face à la direction de KME Tréfimétaux pour sauver les 120 emplois menacés ? Vous engagez-vous à vous battre pour maintenir sur notre territoire, la seule usine française de fabrication de tubes en cuivre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises.

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises

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    Vous évoquez à la fois la situation de feu – hélas – le projet des Cycles Mercier, et celle de Tréfimétaux. Je vois bien que dans le cadre des questions d’actualité au Gouvernement, vous souhaitez faire des effets de manche (Protestations sur les bancs du groupe LR),…

    M. Fabien Di Filippo

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    Quel irrespect !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué

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    …mais la réalité – et vous le savez –, c’est que nous sommes au travail, avec vous, avec les élus locaux, avec le président de la région Grand Est.
    Agnès Pannier-Runacher a eu l’occasion de le dire : tous les crédits qui avaient été fléchés sur le projet Mercier seront maintenus à destination du bassin de Revin, pour que d’autres projets soient aidés et que la friche Porcher puisse être réhabilitée. De la même façon, nous sommes à la tâche concernant Tréfimétaux, pour qu’un certain nombre d’engagements sociaux soient pris par KME, ainsi qu’un certain nombre d’engagements économiques.

    Un député du groupe LR

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    Lesquels ?

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué

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    Pardon de le dire, mais les chiffres sont têtus : en 2021, il s’est ouvert deux fois plus d’usines en France qu’il ne s’en est fermé ; en 2021, la France est le premier pays dans l’Union européenne en matière d’attractivité pour les investissements directs étrangers. Voilà la réalité ; tout cela a été possible en baissant les impôts de 50 milliards d’euros, ce que vous n’avez jamais fait ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Maxime Minot

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    Arrêtez les effets de manche !

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Cordier.

    M. Pierre Cordier

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    Monsieur le ministre délégué, on voit bien que vous ne connaissez absolument pas le dossier. (M. Maxime Minot applaudit.) Bruno Le Maire n’est pas là ; Agnès Pannier-Runacher non plus, on vous a donc mis à la tâche, mais vous ne connaissez pas le dossier. Je vous ai posé des questions simples sur…

    M. le président

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    Merci, monsieur Cordier.

    M. Pierre Cordier

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    C’est loin d’être glorieux, monsieur le Premier ministre ! C’est même honteux !

    Contractualisation dans l’agriculture

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier.

    M. Pierre Morel-À-L’Huissier

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    J’associe à ma question, qui s’adresse au ministre de l’agriculture et de l’alimentation, mon collègue Thierry Benoit qui a beaucoup travaillé sur la loi EGALIM 2, visant à protéger la rémunération des agriculteurs. Ce texte rend obligatoire, à partir du 1er janvier 2022, une contractualisation écrite pluriannuelle de trois ans minimum pour toute vente entre un producteur de viande bovine et chacun de ses premiers acheteurs. Cette mesure vise à soutenir le revenu des agriculteurs. De nombreux éleveurs, mais également des négociants, des bouchers ou des distributeurs m’ont fait part de leurs inquiétudes quant à la mise en œuvre effective de cette réforme législative.
    Allez-vous créer des commissions de concertation permettant d’appliquer efficacement ce dispositif législatif ? Certains me font également part de leurs inquiétudes quant à l’avenir des exportations de bovins vivants. En effet, il n’existe à ce jour aucune garantie du maintien des prix par les pays tiers acheteurs du bétail français – Italie, pays du Maghreb, Turquie, Pologne. Pouvez-vous m’indiquer ce que le ministère de l’agriculture a prévu pour l’accompagnement global de la loi EGALIM 2 ?

    M. Maxime Minot

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    Rien !

    M. Fabien Di Filippo

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    Des effets de manche !

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises.

    M. Pierre Cordier

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    Pourvu qu’il soit meilleur qu’il ne l’a été avec moi !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises

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    Monsieur le député, vous évoquez cette loi importante qu’est EGALIM 2, qui a été votée largement dans cet hémicycle pour faire en sorte que la rémunération des producteurs soit mieux prise en compte et qu’elle puisse progresser. Nous sommes mobilisés pour que ce texte puisse produire pleinement ses effets.
    Vous évoquez certaines inquiétudes quant à la contractualisation mise en place dans la filière bovine.

    M. Maxime Minot

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    Mettez les pieds dans la boue !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué

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    Cette contractualisation a été travaillée en concertation avec la profession. Je veux pleinement vous rassurer sur le fait que Julien Denormandie – qui se trouve actuellement à Bruxelles dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) et dont je vous prie d’excuser l’absence – a prévu un dispositif d’accompagnement technique précis – je sais que vous aurez l’occasion de l’évoquer avec lui demain.
    Je veux également saluer l’action des organisations professionnelles, des chambres d’agriculture et des services du ministère qui organisent un grand nombre de réunions d’information concernant cette réforme, dont la mise en œuvre va, en réalité, être progressive. Comme vous le savez, les plus petits éleveurs ne sont pas concernés. Par ailleurs, le contrat est un outil qui va permettre de mieux structurer la filière, et de faire en sorte qu’il y ait une meilleure rémunération.

    M. Fabien Di Filippo

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    Ça patauge !

    M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué

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    Avec Franck Riester, nous serons naturellement très vigilants concernant les débouchés à l’export agricole. Nous avons bien en tête la situation des broutards en Italie, c’est un marché important. Puisque nous en sommes à un moment clé dans les négociations commerciales, je tiens à dire qu’avec Julien Denormandie et Agnès Pannier-Runacher, nous allons être extrêmement vigilants. Jeudi, nous réunirons le comité de suivi de ces négociations commerciales. Dans ce cadre, la loi EGALIM 2 sera prise en compte. Avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), je m’assure du bon déroulement de ces négociations. Naturellement, en cas de manquement, des sanctions seront prises. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Maxime Minot

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    Eh bien, on est sauvés !

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier.

    M. Pierre Morel-À-L’Huissier

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    Dans le Cantal, en Lozère ou dans l’Aveyron, il y a des réunions où s’exprime beaucoup d’inquiétude.

    M. Maxime Minot

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    Bah oui !

    M. Pierre Morel-À-L’Huissier

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    C’est la raison pour laquelle j’ai interpellé le Gouvernement, afin qu’il agisse dans le sens d’une clarification et, surtout, d’un accompagnement.

    Dissolution du groupe « Nantes révoltée »

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Oppelt.

    Mme Valérie Oppelt

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    Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur, et j’y associe l’ensemble de mes collègues nantais. Vendredi dernier, une manifestation organisée dans le centre-ville de Nantes a dégénéré. Des actes d’une violence inouïe contre l’État et les forces de l’ordre ont touché aussi des habitants et des commerçants. Mes pensées vont à l’ensemble des victimes touchées par ces agissements. À l’aide de torches, de fumigènes, de projectiles, les casseurs ont brisé des vitrines ; plusieurs personnes ont été blessées. Enfin, des menaces de mort ont été proférées contre les policiers. Ces actes et ces paroles d’une brutalité extrême sont intolérables. L’extrémisme et la radicalité n’ont pas leur place dans notre République.
    Grâce au déploiement – prévu par la majorité et le Gouvernement – de nouveaux policiers à Nantes, les forces de police ont évité que les dégradations ne se multiplient et ont pu disperser les manifestants. La justice a également été particulièrement réactive. Le groupuscule d’extrême gauche « Nantes révoltée », qui revendique la haine de nos institutions, a été moteur de ce rassemblement. En tant que députée de la nation, je condamne avec mes collègues ces faits de violence et je déplore que nos institutions, nécessaires au bon déroulement des manifestations, soient méprisées par ce type de groupuscule.
    Monsieur le ministre, je vous demande de vous engager sur la dissolution de la structure « Nantes révoltée » qui est à l’origine des débordements de vendredi soir. À Nantes, la tradition veut que les manifestations et leurs trajets ne soient pas déclarés. Pouvez-vous également mettre fin à cette exception qui menace le bon déroulement des cortèges et le travail des forces de l’ordre et des syndicats ? Je pense aussi qu’il est important de créer un groupe de travail sur l’apaisement du centre-ville, rassemblant les parties prenantes, afin de faire émerger de nouvelles solutions de maintien de l’ordre. Nantes ne peut plus être l’objet des exactions brutales de certains manifestants ; nous devons agir de toute urgence pour assurer la sécurité des Nantaises et des Nantais. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur

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    Vous avez raison : ce qui s’est passé est tout à fait inacceptable. Comme vous l’avez dit, les manifestations ne sont pas déclarées à Nantes. M’étant rendu plusieurs fois dans votre belle commune, j’ai eu l’occasion d’en discuter avec les élus locaux – avec Mme la maire en premier lieu – et de leur demander, ainsi qu’au préfet, de me soumettre des propositions. J’aurai l’occasion de revenir à Nantes pour évoquer ce sujet parce qu’il n’est pas acceptable de continuer ainsi. Reste que les renseignements territoriaux avaient alerté les services de l’État, et que nous avions décidé de déployer, à la demande du préfet, une unité de forces mobiles qui a aidé les courageux policiers de la sécurité publique de la circonscription de Nantes.
    Malgré la présence des forces de l’ordre, des confrontations ont eu lieu entre l’extrême gauche et une partie de l’extrême droite, dans deux cortèges non déclarés dans le centre-ville de Nantes. Trois interpellations ont eu lieu et une personne a été condamnée au terme d’une comparution immédiate à de la prison ferme – je tiens évidemment à remercier l’autorité judiciaire.
    Les faits qui se sont déroulés sont totalement inacceptables. Le groupement de fait d’ultragauche que vous évoquez répète sans cesse, depuis la loi El Khomri, des appels à la violence, en tenant – c’était le cas ce week-end encore – des propos inacceptables contre l’État et contre les policiers. J’ai donc décidé d’engager la procédure qui permettra la dissolution de ce groupement de fait. Jusqu’à présent, toutes les dissolutions proposées à M. le Premier ministre et au Président de la République ont été validées par le Conseil d’État, preuve que le ministère de l’intérieur travaille très sérieusement. Une fois que l’argumentaire sera construit et documenté, et que notre position sera inattaquable, je proposerai à M. le Premier ministre d’inscrire la dissolution de ce groupement de fait à l’ordre du jour du Conseil des ministres. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Interdiction de la vente de fleurs et feuilles de cannabis

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert.

    M. François-Michel Lambert

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    Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur.
    « Les fleurs et les feuilles de chanvre ne revêtent pas un degré de nocivité pour la santé justifiant une mesure d’interdiction générale et absolue de leur vente et de leur consommation. » Par ces mots le Conseil d’État a suspendu l’arrêté ministériel du 30 décembre dernier, qui interdisait la commercialisation et la consommation des fleurs et des feuilles de ces variétés de cannabis qui sont dépourvues – rappelons-le – de propriétés stupéfiantes.
    Ainsi, le Conseil d’État a pointé les incohérences et les méconnaissances de la politique gouvernementale. Car, non, monsieur le ministre, toutes les substances contenues dans le cannabis, ne sont pas « très mauvaises pour la santé », contrairement à ce que vous affirmiez, ce matin, sur une radio. Non, le cannabidiol (CBD) n’est pas une drogue !
    L’interdiction portant sur les fleurs et feuilles est disproportionnée, totalement injustifiée d’un point de vue sanitaire et absurde économiquement. Elle va à rebours de la jurisprudence européenne, qui autorise la libre circulation du cannabis CBD.
    Pourtant, vous persistez dans votre prohibition stérile. Cet acharnement contre le CBD a des conséquences notables : il plonge des personnes dans l’illégalité, simplement parce qu’elles consomment des feuilles de CBD ; il transforme le pizzaïolo en dealer s’il met une fleur de cannabis sur sa pizza ; il tue une filière économique qui prend son envol – 25 000 personnes tireraient un revenu de la filière de cannabis CBD, réputée pour son excellence et qui représente quatre emplois agricoles à l’hectare, comme en Creuse ou dans le Gers, tandis qu’à Paris ou à Marseille, les boutiques permettent à de jeunes passionnés d’avoir un revenu légal.
    Tout le monde vous le dit, les scientifiques, les professionnels, les députés unanimes, vos collègues européens. Alors, monsieur le ministre, êtes-vous prêt à tous les recevoir, pour travailler ensemble à l’intérêt commun, car, non, les fleurs de chanvre et les fleurs de cannabis ne sont pas les « fleurs du mal ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

    M. Pierre Cordier

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    Bravo !

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Monsieur le député, vous interrogez le ministre de l’intérieur, c’est le ministre de la santé qui vous répond, signe que nous sommes parfaitement en phase, avec Gérald Darmanin, sur cette question du CBD.

    M. Pierre Cordier

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    Au moins un dossier où vous l’êtes !

    M. Olivier Véran, ministre

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    Vous l’avez dit vous-même, le CBD est dépourvu d’action psychotrope et aucune allégation thérapeutique ne peut lui être attribuée.
    L’arrêté que nous avons pris autorise la culture du chanvre dans notre pays – ce qui est une bonne nouvelle pour les agriculteurs, puisque, outre que c’est un isolant, le chanvre peut être utilisé de diverses manières. En revanche, ce texte interdisait la vente de fleurs et de feuilles séchées de cannabis contenant du CBD.
    Nous ne parlons pas ici du tétrahydrocannabinol (THC), qui est un autre débat – que vous n’avez d’ailleurs pas ouvert et sur lequel je ne me prononcerai donc pas. Quoi qu’il en soit, nous avons estimé que les fleurs et les feuilles séchées n’avaient aucune utilité industrielle et que, sous couvert de constituer pots-pourris ou tisanes, elles étaient en réalité vendues dans des boutiques destinées à des consommateurs. Or en termes de santé publique, tout ce qui se fume après combustion est considéré comme n’allant pas dans le bon sens.
    Le Conseil d’État a annulé, pour des raisons de forme, la partie de l’arrêté relative à l’interdiction de la vente de CBD, considérant que le motif sanitaire était peut-être excessif. À charge pour nous de démontrer que c’est un motif valable. Un nouveau jugement au fond infirmera ou confirmera la décision initiale du Conseil d’État, nous obligeant, dans le second cas, à prendre d’autres dispositions, car il est bien évident que nous suivrons l’avis de la haute juridiction. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert.

    M. François-Michel Lambert

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    Votre position s’inscrit à rebours de toutes les politiques européennes. Il faudra qu’un jour vous vous posiez les bonnes questions.

    Lutte contre le mal-logement

    M. le président

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    La parole est à Mme Geneviève Levy.

    Mme Geneviève Levy

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    Ma question s’adresse à la ministre déléguée chargée du logement.

    M. Pierre Cordier

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    Pourvu qu’elle réponde !

    Mme Geneviève Levy

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    Le candidat Macron avait promis un choc de l’offre, la construction de 60 000 logements étudiants et un toit pour tous les sans-abri.

    M. Maxime Minot

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    Eh bien, on en est loin !

    Mme Geneviève Levy

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    Le Président Macron a, lui, baissé les aides personnelles au logement (APL), entravé les capacités d’investissement des bailleurs sociaux et supprimé le dispositif APL accession, qui permettait aux ménages modestes d’accéder à la propriété.
    Le choc de l’offre n’est jamais arrivé, à cause d’une gestion à l’emporte-pièce et faute d’une vision d’ensemble. Les revirements successifs ont nourri un climat d’inquiétude. Les exemples sont légion : en 2017, vous supprimez le dispositif d’aide aux maires bâtisseurs et, en 2020, vous le remettez en place, sous un autre nom ; s’agissant du prêt à taux zéro, entre 2018 et 2022, le dispositif est prorogé trois fois, modifié profondément deux fois. Plus personne n’y comprend rien !
    Pire, madame la ministre déléguée, les rabots fiscaux n’ont jamais fait une politique. Et c’est la Cour des comptes, en novembre dernier, qui le résume le mieux : « L’action publique est inefficace, et la dépense stérile. » Jeudi, la fondation Abbé-Pierre, à l’occasion de la publication de son rapport sur le mal-logement, le répétera avec beaucoup moins d’égards – de manière cinglante, ont-ils laissé fuiter.
    En matière de logement, ce quinquennat est donc un échec. La crise sanitaire ne peut tout expliquer. Bien qu’en 2020, la France ait dépensé pour la politique du logement 37,6 milliards d’euros, soit trois fois plus que la moyenne européenne, la dépense de logement restant à la charge des ménages français demeure la plus élevée de l’Union européenne et, surtout, elle croît plus vite.
    Soyez donc pragmatique : arrêtez d’alourdir la réglementation et laissez les professionnels construire les 500 000 logements annuels.

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.

    Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement

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    Sous ce quinquennat, nous avons octroyé 2,25 millions de permis de construire et lancé 2 millions de mises en chantier : c’est plus que sous le quinquennat précédent,…

    M. Pierre Cordier

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    …de François Hollande !

    Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

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    …malgré la crise covid. Il n’est donc pas exact de dire que la construction de logements n’a pas repris dans ce pays ! Cette année, le nombre d’agréments pour des logements sociaux est en augmentation de 8 %, et nous avons ouvert 40 000 places d’hébergement supplémentaires, permettant à 300 000 Français qui se trouvaient à la rue ou dans des structures d’hébergement, d’avoir accès à logement (Exclamations sur les bancs du groupe LR) – c’est cette politique du logement que soutiennent les associations et la même fondation Abbé-Pierre que vous avez citée. Alors non, le mal-logement n’est pas une fatalité ; c’est un fléau, certes, mais contre lequel nous luttons tous les jours, avec des résultats.
    Nous continuons à développer le logement intermédiaire, qui avait périclité ces dernières années ; nous continuons à soutenir le logement abordable, grâce à une nouvelle aide fiscale relancée cette année sous le nom de Loc’Avantages, qui permettra aux propriétaires bailleurs privés de mettre sur le marché des logements avec des loyers plus bas ; nous continuons à soutenir l’accession à la propriété, avec un prêt à taux zéro, qui reste efficace et permet aux ménages de se loger.
    Nous conservons pour l’avenir la même ambition forte, avec une politique du logement dynamique qui n’est pas uniquement une politique sociale mais se fonde également sur la rénovation énergétique. (Mme Jacqueline Dubois applaudit.) Vous n’avez pas mentionné la qualité du logement mais en 2020 et 2021, ce n’est pas moins de 1 million de dossiers MaPrimeRénov’ qui auront été ouverts en faveur de la rénovation.

    M. Pierre Cordier

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    L’argent n’a toujours pas été versé !

    M. Fabien Di Filippo

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    Vous mettez les artisans en difficulté !

    Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

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    Là encore, très concrètement, nous agissons en faveur du logement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Remplacement des enseignants à La Réunion

    M. le président

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    La parole est à Mme Karine Lebon.

    Mme Karine Lebon

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    Ma question s’adresse à M. le ministre des outre-mer.
    L’année scolaire débutant à la mi-août à La Réunion, la rentrée des classes du deuxième trimestre, en plein été austral, a eu lieu hier, pour 220 340 élèves. Ce décalage de trois semaines a permis à la rectrice d’annoncer la présence d’un assistant d’éducation supplémentaire par lycée et le recrutement de trente-six professeurs des écoles sur liste complémentaire, ce que je vous avais demandé, il y a quelques mois, pour remplacer les enseignants contaminés – dont le nombre a dépassé, hier, le millier.
    Il est évident que ces mesures ne sont pas à la hauteur de la crise et qu’elles n’ont guère de chance de nous éviter le chaos subi par les familles et les écoles de l’Hexagone. D’ailleurs, près de 350 classes sont déjà fermées. La reprise des cours s’effectue dans un contexte sanitaire très inquiétant ; l’épidémie flambe – La Réunion a le taux d’incidence le plus élevé de France ; les hospitalisations s’envolent ; les médecins parlent d’une accélération très violente de la circulation virale dans l’île ; état d’urgence, couvre-feu et, désormais, plan blanc : tout un arsenal d’exceptions est mobilisé pour tenter de diminuer la pression sur un système hospitalier saturé et sur des capacités en réanimation constamment au bord de la rupture.
    La communauté éducative et les élus locaux veulent éviter aux Réunionnais de vivre un scénario catastrophe et souhaitent garantir la continuité pédagogique et scolaire. Il y a donc urgence à redimensionner le dispositif de remplacement des enseignants absents. Il y a aussi urgence à entendre les municipalités dont les personnels sont en première ligne pour appliquer les protocoles sanitaires dans les écoles et qui supportent, sans compensation, le coût des mesures imposées par l’État.
    Pour pallier en temps réel l’absence de personnels qui se profile et assurer la bonne marche des cantines et des activités périscolaires, les maires de La Réunion, de tous bords politiques, veulent créer des brigades de remplacement. Le Gouvernement compte-t-il agir en ce sens pour juguler la désorganisation qui menace nos écoles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

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    Madame la députée, votre question est évidemment importante à l’heure de la rentrée des classes à La Réunion – je fais observer au passage que l’explosion des cas est, une fois de plus, consécutive aux vacances : il est établi que les vacances sont un moment très propice à la contamination et que la fermeture des écoles n’est certainement pas la solution au problème. D’ailleurs, La Réunion nous sert souvent de référence, puisque la rentrée s’y effectue en août, avant celle de la métropole, et que nous pouvons en tirer certaines leçons concernant la capacité de l’académie à faire face aux difficultés, et je veux saluer ici, d’abord et avant tout, le travail accompli par le rectorat de La Réunion, l’ensemble des professeurs et des personnels, les collectivités locales, dans un esprit de coconstruction des solutions.
    Vous l’avez souligné, nous avons ouvert les listes complémentaires, ainsi que vous l’aviez demandé, à l’occasion d’une précédente question au Gouvernement – vous devez donc être satisfaite. Avec la nomination de ces trente-six nouveaux titulaires, nous avons épuisé ce que nous pouvions faire en la matière.
    Pourtant, il nous faut faire face, et nous allons faire face. Nous allons le faire avec les moyens que le Premier ministre a dégagés pour que nous puissions recruter de nouveaux remplaçants, en particulier dans le premier degré car, dans le second degré, le taux de remplacement à La Réunion est en réalité assez bon, puisqu’il se situe autour de 97 %. En revanche il est insuffisant à l’école primaire où il n’atteint que 70 %.
    Nous devons donc recruter de nouveaux contractuels. Cette mission échoit à la rectrice, qui y consacrera les nouveaux moyens que nous avons dégagés. Elle agira en concertation avec les collectivités locales, pour voir comment résoudre les différents problèmes que pose l’accélération de l’épidémie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Erasmus pour tous

    M. le président

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    La parole est à M. Fabien Lainé.

    M. Fabien Lainé

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    Ma question s’adresse au ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Je souhaite y associer ma collègue Marguerite Deprez-Audebert, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet depuis cinq ans.
    Cette année, nous célébrons non seulement l’année européenne de la jeunesse, mais aussi le trente-cinquième anniversaire du programme Erasmus. Ce projet phare de l’Union est une formidable réussite européenne. Depuis son lancement en 1987, 12 millions de participants ont bénéficié d’une mobilité pour acquérir de nouvelles compétences, apprendre des langues et voyager.
    C’est une avancée majeure qui renforce l’identité européenne, le multilinguisme et les échanges interculturels. Erasmus est une véritable fabrique du sentiment d’appartenance à l’Europe, notion qui occupe une place centrale parmi les priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne.
    Cette présidence ainsi que le trente-cinquième anniversaire d’Erasmus doivent nous encourager à aller plus loin. Jeudi dernier, vous avez présenté votre ambition d’un « Erasmus pour tous », qui se veut plus inclusif.
    À ce titre, quelles initiatives allez-vous prendre au niveau du Conseil pour rendre plus inclusif ce programme, en particulier en ce qui concerne les inégalités socio-économiques ? Cette ambition doit se construire aussi dans nos territoires : il faut que, au-delà des universités et des grandes villes, tous les jeunes – élèves du secondaire, apprentis en formation professionnelle, jeunes des zones rurales – connaissent ce programme.
    Par ailleurs, comment comptez-vous améliorer la coopération avec les académies pour multiplier les manifestations autour d’Erasmus dans l’ensemble des écoles du territoire ?

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

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    Le programme Erasmus est emblématique de l’action de l’Union européenne. C’est son programme le plus populaire et, en effet, nous fêtons cette année son trente-cinquième anniversaire. Cet anniversaire est d’autant plus beau, d’ailleurs, que nous accomplissons en ce moment même, nous, les Européens, le fameux doublement d’Erasmus que le Président de la République avait souhaité, lors de son discours de la Sorbonne, en 2017. Il survient dans un contexte très favorable, qui voit Erasmus doté de 28 milliards d’euros.
    Erasmus est souvent assimilé à l’université et à l’enseignement supérieur, mais il est vrai qu’il doit concerner l’enseignement scolaire dans toute sa diversité, y compris sociale. Nous devons être volontaristes en la matière. C’est pourquoi nous avons commencé par l’ouvrir aux lycéens professionnels – 9 000 en ont déjà bénéficié.
    Nous allons poursuivre en ce sens avec les lycéens des filières générales et technologiques. Désormais, nous consacrerons 15 % du budget d’Erasmus à l’enseignement scolaire, c’est-à-dire aux collégiens et aux lycéens, mais aussi aux professeurs et au personnel qui les accompagnent. Concrètement, cela signifie une mobilité accrue pour tous les milieux sociaux, en mettant l’accent sur les lycéens ruraux, sur ceux des quartiers défavorisés ou encore sur les lycéens en situation de handicap, afin d’avoir une vision complète du bénéfice que nos jeunes peuvent tirer d’Erasmus.
    Il faut ajouter à cela notre action volontariste concernant le couplage d’établissements français avec des établissements européens, avec pour objectif de systématiser cette pratique ; des campus franco-allemands, franco-italiens et franco-espagnols ont déjà commencé à voir le jour, y compris dans l’enseignement professionnel. Il y a donc une véritable dynamique. Cette dynamique enclenchée en France, nous voulons l’étendre en Europe dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne. C’est ce que je dirai dès demain à Strasbourg. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. David Habib.)

    Présidence de M. David Habib
    vice-président

    M. le président

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    La séance est reprise.

    3. Interdiction des pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle

    Commission mixte paritaire

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne (nos 4802).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure de la commission mixte paritaire.

    Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure de la commission mixte paritaire

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    C’est avec beaucoup de bonheur et de fierté que je m’exprime devant vous aujourd’hui. Le 14 décembre 2021, la commission mixte paritaire a trouvé un accord sur la proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. Ce texte a été le fruit d’un long travail : c’est le 25 janvier 2018, il y a quatre ans jour pour jour, que j’ai été contactée par Aurélien, un jeune homme qui, après avoir lancé une alerte sur les réseaux sociaux, a partagé une pétition pour mettre fin à ce que nous appelons communément les thérapies de conversion. Grâce à vous, madame la présidente de la commission des lois, j’ai obtenu de pouvoir réaliser une mission d’information avec notre collègue Bastien Lachaud du groupe La France insoumise. Avec mon groupe, La République en marche, nous avons su convertir en proposition de loi les constats que nous avons faits. Les thérapies de conversion existent dans notre pays ; elles sont source de grande souffrance et sont mal identifiées. Avec le soutien du Gouvernement – je remercie particulièrement Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, Élisabeth Moreno, pour son aide –, nous avons pu procéder à un examen accéléré du texte.
    L’infraction pénale spécifique que nous créons en condamnant les thérapies de conversion protégera ceux dont la santé mentale et physique était jusqu’ici mise en péril du seul fait que leur orientation sexuelle ou leur identité de genre dérange. Il ne s’agit pas de situations aussi rares que certains le prétendent : il y a une dizaine de jours, on nous alertait encore sur le cas d’un jeune adolescent montpelliérain en danger. L’infraction facilitera le travail des associations, de la police et de la justice pour prévenir et sanctionner ces comportements d’une extrême gravité.
    J’ai été particulièrement sensible à la qualité et à la teneur des discussions qui ont eu lieu à l’Assemblée et au Sénat. Nous nous sommes retrouvés sur l’essentiel, à savoir la nécessité de ce dispositif pour mettre un terme à des pratiques d’un autre temps qui ont fait souffrir de nombreuses personnes. Je salue les représentants des différents groupes de tous bords politiques qui m’ont soutenue ainsi que la rapporteure du Sénat, Dominique Vérien, qui a défendu ce texte avec force.
    Les travaux du Sénat ont préservé les apports de l’Assemblée, notamment l’extension des cas dans lesquels la peine sanctionnant les thérapies de conversion est aggravée et la possibilité pour les associations de se porter partie civile en matière d’agressions homophobes ou transgenres. Cette dernière mesure est une avancée considérable qui permettra aux associations de défendre les victimes qui, parfois, n’osent pas ou ne peuvent pas se tourner vers la justice. Les acteurs associatifs se sont battus pour ce projet, et je les en remercie du fond du cœur ; je pense en particulier au collectif Rien à guérir mené par Benoit Berthe, aux associations comme David et Jonathan et aux différents représentants des cultes qui défendent la tolérance et l’inclusion.
    Le Sénat a tenu à préciser que ne sont pas des thérapies de conversion les propos qui ont seulement pour objet d’inviter à la prudence et à la réflexion la personne jeune qui envisage un parcours médical tendant au changement de sexe, et je respecte cette position. De mon côté, je tiens surtout à remercier les associations, les familles, les médecins ou encore les accompagnants spirituels qui accueillent dans la bienveillance et sans jugement ceux qui s’interrogent sur leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. Leur aide est précieuse.
    Il n’était pas évident d’en arriver à un tel consensus, et je m’en réjouis très profondément. Avec l’adoption de ce texte, nous envoyons un signal fort. Désormais, nous condamnons formellement tous ceux qui assimilaient une identité ou une orientation sexuelle à une maladie. Je le répète, il n’y a rien à guérir. Et, à l’adresse des victimes : votre détresse a produit ma persévérance ; ma persévérance, la victoire dans l’épreuve ; cette victoire dans l’épreuve, notre espérance. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, SOC, Agir ens, UDI-I, LT et GDR.)

    M. Maxime Minot

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    Bravo !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

    Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances

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    Quarante ans après la dépénalisation de l’homosexualité, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres restent trop souvent, dans notre pays, la proie de moqueries, d’insultes, de discriminations, voire de violences physiques et psychologiques. Pourtant, l’homosexualité n’est ni un choix ni un crime. Pour reprendre les mots de Gisèle Halimi prononcés dans cet hémicycle le 20 décembre 1981 : « La norme sexuelle ne se définit pas. »
    Autrement dit, l’identité de genre ou l’orientation sexuelle doivent être synonymes de liberté. Liberté d’être soi, liberté d’aimer qui l’on veut, liberté d’être aimé par qui l’on veut. Le combat pour l’égalité des personnes LGBT+ est un combat contemporain, un combat qui a notamment progressé ici, à l’Assemblée nationale. Mais les avancées notables de ces dernières décennies n’ont pas totalement aboli les LGBTphobies du quotidien ni les violences que subissent les personnes LGBT+.
    Atteinte à la dignité humaine, les thérapies dites de conversion en sont l’une des pires illustrations. La prise de conscience de la souffrance engendrée par ces pratiques barbares a transformé l’indifférence générale et le silence collectif en impérieuse nécessité d’action, une action sans concession. C’est cette volonté d’agir, cette volonté de ne rien laisser passer, qui a animé Laurence Vanceunebrock, soutenue par Christophe Castaner, Raphaël Gérard, Caroline Abadie et bien d’autres dans cet hémicycle, ainsi que par des associations telles que Rien à guérir, dont je tiens à saluer le président, M. Benoit Berthe, en ce moment-même dans les tribunes du public.
    Comme vous le savez, la semaine dernière, le Sénat a approuvé à l’unanimité les conclusions de la commission mixte paritaire. Je me réjouis que le Parlement soit parvenu à un accord rapide sur un texte qui vient renforcer un peu plus l’égalité des droits et la protection des personnes LGBT+ car les souffrances engendrées par les thérapies de conversion laissent dans les corps comme dans les esprits une trace très souvent indélébile.
    Si d’aucuns doutaient de leur existence, l’actualité nous rappelle malheureusement qu’il ne s’agit pas d’une fable ni d’une chimère, mais bien d’une réalité qui n’a pas sa place dans notre pays au XXIe siècle. Si elles pouvaient déjà être sanctionnées par un ensemble d’infractions réprimant les atteintes à l’intégrité physique, psychique et psychologique, nous devions néanmoins aller plus loin car force est de constater qu’aucune décision de justice n’avait jusqu’alors condamné ces faits précisément.
    Comme vous le savez, une circulaire relative à la lutte contre les infractions commises à raison de l’orientation sexuelle avait été émise par le garde des sceaux, le 17 mai 2021, à l’attention des magistrats, afin de rappeler les pratiques visées et les instruments juridiques pour y répondre, en fonction des cas concernés. Cette circulaire rappelait de manière urgente aux victimes qu’elles pouvaient et devaient déposer plainte, à un moment où nous ne pouvions pas encore nous avancer sur une date d’examen de la proposition de loi de Laurence Vanceunebrock, le calendrier législatif étant particulièrement chargé.
    Cela dit, il est indéniable qu’en l’absence d’infraction spécifique, le dépôt de plainte est beaucoup plus difficile pour les victimes, souvent perdues face à ces notions juridiques. C’est pourquoi je me réjouis qu’avec le soutien résolu de la majorité parlementaire, nous ayons finalement pu inscrire ce texte important à l’ordre du jour. Il a permis d’introduire dans le débat public un sujet tabou et permettra aux victimes de franchir plus facilement la porte des commissariats pour briser l’omerta mais aussi aux forces de l’ordre et aux magistrats de mieux appréhender les faits visés pour mieux les condamner. Il envoie un signal clair à celles et ceux qui cherchent à contraindre une personne à renier ce qu’elle est.
    En raison de la distorsion entre les droits affichés et les droits vécus au quotidien, les personnes LGBT+ se sentent encore trop souvent à la marge de notre société, voire invisibilisées. Or l’invisibilisation est la sœur jumelle de l’exclusion. Parce qu’elle en déchire la devise, parce qu’elle en abîme l’idéal, cette réalité érode notre pacte républicain. L’égalité ne doit pas être un ailleurs pour certains ou certaines d’entre nous, ni un lieu d’utopie. Elle doit au contraire constituer un fondement concret de notre destin commun, pour toutes et pour tous. C’est cette ambition qui a nourri l’esprit de ce texte. Les acteurs du terrain, magistrats et policiers, doivent s’en saisir, pour ne rien laisser passer.
    C’est cette ambition qui anime le plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ 2020-2023, que j’ai lancé le 14 octobre 2020. À travers ce plan ambitieux, nous avons notamment ouvert la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires. (M. Maxime Minot applaudit.) Nous avons également généralisé l’accès à la PREP – prophylaxie pré-exposition –, cet outil préventif contre le VIH, aux médecins de ville. Le ministère de l’éducation nationale a publié une circulaire en septembre dernier pour mieux accueillir les élèves transgenres et mieux appréhender la transidentité. Nous avons également renforcé la formation des forces de l’ordre et désigné des référents en matière de discrimination au sein du ministère des armées. La présente proposition de loi enrichira résolument toutes ces mesures. Nous pouvons collectivement nous en réjouir.
    Si les discriminations et les violences à l’égard des personnes LGBT+ causent des injustices individuelles inacceptables, elles nuisent également à la cohésion sociale. Au sein de la France plurielle dans laquelle nous vivons, ce texte constitue dès lors une étape supplémentaire vers l’édification d’une société et d’une République plus unies et plus respectueuses de la dignité de chaque citoyen et de chaque citoyenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, SOC, Agir ens, UDI-I, LT et GDR. – M. Maxime Minot applaudit également.)

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Zumkeller.

    M. Michel Zumkeller

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    Certains textes examinés lors de nos travaux parlementaires nous rappellent combien nous, élus de la nation, pouvons aider à faire avancer l’histoire. Or la présente proposition de loi s’inscrit dans une profonde humanité.
    Le sujet des thérapies de conversion est d’importance ; malgré cela, il est très méconnu du grand public. Comment fermer les yeux, comment rester impassible lorsque l’on voit la maltraitance, la violence, la torture que ce type de pratiques peut engendrer ? Comment aujourd’hui, en France, laisser meurtrir la chair et l’esprit d’hommes et de femmes au nom de croyances jugées supérieures ? L’humanité doit l’emporter et notre rôle est de nous en assurer.
    Un long travail de recherche et d’auditions mené par nos collègues Laurence Vanceunebrock et Bastien Lachaud dans le cadre de la mission flash sur les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne a débouché sur diverses propositions qui ont pu à leur tour nourrir le présent texte. Après un débat constructif au Sénat, il a fait consensus et les travaux de la commission mixte paritaire ont abouti à un accord. Le Gouvernement ayant déclenché la procédure accélérée, il pourra être rapidement promulgué, ce qui est une excellente nouvelle.
    Nous avons pu nous rassembler autour d’un sujet pourtant des plus sensibles grâce à notre objectif commun : mieux protéger les personnes victimes de ces abominables pratiques nommées thérapie de conversion. Elles n’ont en réalité évidemment rien de thérapeutique puisqu’il n’y a rien à soigner, rien à guérir. Elles ne sont en réalité que la marque de l’intolérance et d’un état d’esprit qui devrait être totalement révolu au sein de notre société.
    Je salue le travail des sénateurs, principalement celui de la rapporteure Dominique Vérien, qui a permis d’enrichir encore le texte. En effet, il importait de préciser qu’une simple invitation à la prudence et à la réflexion adressée à une personne qui envisage de s’engager dans un parcours de transition ne saurait constituer une infraction. De même, en cas de condamnation d’un parent au titre de la nouvelle infraction, il était indispensable de prévoir l’obligation pour le juge pénal de s’interroger sur le retrait ou non de l’autorité parentale. Ainsi, le législateur affirme clairement sa condamnation ferme de pratiques contraires à la dignité humaine et qui causent souvent de terribles souffrances.
    Ces pratiques scandaleuses s’inscrivent d’ailleurs souvent dans la continuité de l’homophobie, de la transphobie ou d’appels à la haine et à la discrimination ; elles en sont également le terreau, alors que ces divers actes sont déjà condamnés depuis longtemps par le droit. En créant une infraction pénale autonome, nous envoyons un signal fort à tous ceux qui pensent pouvoir imposer une orientation sexuelle ou une identité de genre à autrui : ces derniers auront désormais à en répondre pénalement devant les tribunaux compétents.
    C’est également un message très fort à l’intention des victimes – tout à la fois une reconnaissance et un soutien. Elles sauront désormais qu’il est anormal de subir de tels agissements et pourront enfin trouver la force d’en parler et de dénoncer leurs bourreaux.
    La proposition de loi s’attaque donc clairement à ces thérapies de conversion, qu’elles se présentent sous une forme religieuse, médicale ou sociétale, en créant deux nouvelles infractions qui formulent un interdit explicite, assorti de sanctions importantes ; celles-ci peuvent être aggravées, notamment lorsque la victime est mineure. Il n’y aura désormais plus d’ambiguïté quant à la condamnation de ces pratiques barbares. La pénalisation de celles-ci est donc une avancée majeure pour la société.
    En revanche, il serait illusoire de penser que le droit pénal parviendra à lui seul à les faire cesser. C’est également par la prévention que nous parviendrons à lutter efficacement contre les violences en tous genres. Aussi, à mon sens, ce texte encourage le Gouvernement à mener une action globale permettant de sensibiliser le grand public et d’améliorer l’information de tous.
    Même si l’article prévoyant la rédaction d’un rapport a été supprimé et même si nous ne sommes pas favorables à l’empilement des rapports et à leur inscription dans la loi, nous soulignons que, sur ce sujet, le Gouvernement doit s’engager à mieux informer. Si j’y insiste, c’est surtout à l’intention des mineurs, des adolescents, souvent les plus vulnérables, et de leurs parents.
    La présente proposition de loi nous permet de condamner clairement des pratiques moyenâgeuses. Le groupe UDI et indépendants, profondément humaniste, attaché à l’égalité et à la liberté de tous et de toutes, la soutient ainsi vivement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LaREM et Dem. – M. Maxime Minot applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sylvia Pinel.

    Mme Sylvia Pinel

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    En 2022, en France, certains croient encore que l’on peut guérir un individu de son orientation sexuelle ou de son identité de genre. Pourtant – et nous le dirons autant de fois qu’il le faudra –, il n’y a rien à guérir. L’homosexualité n’est pas une maladie, même s’il a fallu attendre bien trop longtemps, 1982, pour que la France le reconnaisse. La transidentité n’est pas une maladie, même s’il a fallu attendre encore plus longtemps, 2010, pour que la France le reconnaisse. Il n’y a rien à guérir, aucune norme religieuse ou sociétale n’a à interdire à des individus d’être ce qu’ils sont.
    La présente proposition de loi, qui sera bientôt adoptée et promulguée, est donc particulièrement bienvenue. Elle vise à interdire explicitement dans la loi les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, aussi connues sous le nom trompeur de « thérapies de conversion ». Elle crée une peine de deux ans d’emprisonnement pour les personnes les infligeant. Les médecins prétendant pouvoir modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne s’exposeront à la même peine et pourront être interdits d’exercer. Nous nous réjouissons qu’un consensus ait pu émerger au Parlement sur un tel sujet qui nécessite l’engagement de toutes et tous.
    La disposition ajoutée au Sénat, conservée par la commission mixte paritaire, a levé les derniers doutes de certains : cette proposition de loi vise bien à mettre fin à des traitements barbares et rien d’autre.
    Il était temps car ces prétendus traitements impliquent des pratiques dégradantes sur des enfants, dans la plupart des cas pour des motifs religieux, mais aussi sociétaux ou prétendument médicaux. Ces pratiques prennent la forme d’entretiens psychologiques rabaissants ou encore de prières de guérison ; elles vont parfois jusqu’aux violences physiques. Les nombreux témoignages sont édifiants. Les impacts psychologiques sont terribles pour les victimes et peuvent durer très longtemps.
    Une étude américaine menée sur 28 000 personnes transgenres fait état d’une multiplication par quatre du risque de suicide si la personne a subi une de ces prétendues thérapies de conversion dès l’enfance. Ce chiffre est particulièrement marquant quand on sait que pour les personnes LGBT le risque de se suicider est quatre fois plus élevé que pour les personnes hétérosexuelles.
    Je tiens donc à remercier une nouvelle fois nos collègues Bastien Lachaud et Laurence Vanceunebrock pour leur engagement et la qualité de leurs travaux. En tant que corapporteurs de la mission flash sur les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, ils ont auditionné de nombreuses victimes et ont eu connaissance de plus d’une centaine de cas, témoignant de la progression du phénomène. Je remercie aussi les nombreuses associations qui se battent depuis des années pour faire émerger ce sujet dans le débat public et qui accompagnent au quotidien les victimes de ces actes. C’est grâce à elles que la présente proposition de loi existe et que le Parlement s’apprête à la voter.
    Le collectif Rien à guérir, rassemblant des victimes, des rescapés des thérapies de conversion, a également permis de mobiliser la société sur cette question. Je pense également aux journalistes Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre qui ont joué un rôle de lanceurs d’alerte, en infiltrant pendant deux ans des communautés catholiques ou évangéliques et ont contribué à notre prise de conscience collective.
    L’Organisation des Nations unies, tout comme le Parlement européen ont appelé les États à légiférer pour interdire ces traitements. Plusieurs pays européens ont déjà franchi le pas. Notre pays doit les suivre. Le Parlement doit envoyer, par le vote de cette proposition de loi, un signal clair et affirmer une évidence : les pseudo-thérapies de conversion sont contraires à la dignité humaine et n’ont pas leur place dans notre République. Vous l’aurez compris, le groupe Libertés et territoires votera avec conviction cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – M. Maxime Minot applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    C’est un grand jour pour l’avancée des droits humains. Le vote de la présente proposition de loi, qui interdit les thérapies de conversion, est un jalon dans la longue marche pour la liberté des êtres humains, la liberté pour chacune et chacun – tout particulièrement pour les personnes LGBTI – de disposer de son corps comme de son cœur.
    Le chemin a été long. En 1750, Bruno Lenoir et Jean Diot sont exécutés sur un bûcher ; c’est la dernière exécution en France pour homosexualité. Mais il faut attendre la Grande Révolution pour qu’enfin soit aboli, en 1791, le crime de sodomie ; c’est la première grande avancée pour la liberté des personnes LGBTI. En 1905, la loi relative à la séparation des Églises et de l’État desserre l’étau de la morale religieuse. La laïcité garantit à chacun et à chacune de ne devoir vivre que selon les lois. Dès lors, notre rôle de législateur est d’accompagner ce mouvement de libération.
    En 1982, suivant le programme commun promu par François Mitterrand, la majorité d’alors dépénalise l’homosexualité des jeunes ; il en finit ainsi avec une discrimination instaurée par le maréchal Pétain. En 2013, le mariage est enfin ouvert à tous les couples, indépendamment de leur orientation sexuelle. En 2016, c’est la démédicalisation de la transition de genre. En 2021, nous avons voté l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Mais il reste encore et toujours des discriminations en matière de filiation et concernant l’accès à la PMA des personnes trans. Il faudra y revenir et nous le savons, nous y reviendrons.
    La conquête des libertés est jalonnée par ces grands acquis obtenus par la loi. Mais la liberté, ce n’est pas seulement une affirmation théorique ; la liberté, c’est d’avoir accès à ces droits concrètement, sans entrave, sans discrimination ; être libre, c’est pouvoir. La liberté, c’est la possibilité effective de vivre sans crainte sa vie affective et sexuelle ; c’est la liberté de tenir la main de son compagnon ou de sa compagne dans la rue, de s’habiller conformément à son genre, sans craindre les violences ; c’est la liberté d’aller au travail, sans craindre d’être discriminé ou harcelé ; c’est la liberté, enfin, de ne pas subir une torture épouvantable qui tenterait de faire croire que l’homosexualité et la transidentité seraient des maladies et qu’il faudrait en guérir. (Mme Caroline Fiat et M. Maxime Minot applaudissent.)
    Voilà ce que va signifier notre vote : il n’y a rien à guérir et ceux qui tenteraient de le faire croire sont des criminels ; ils seront poursuivis et leurs victimes protégées par la loi. La liberté implique non seulement la proclamation de droits, mais aussi la punition de ceux qui les bafouent. Cela demande une action positive de l’État et pas seulement le vote de la loi. C’est pourquoi, en tant que rapporteur d’application, je serai particulièrement attentif aux mesures prises pour l’application de cette loi. Il est indispensable de faire connaître les protections qu’elle confère aux agents du service public, notamment aux personnels éducatifs, pour les actions de prévention des LGBTphobies et les actions d’alerte concernant des jeunes LGBTI qui seraient pris dans des réseaux de thérapies de conversion, afin de les en extraire ; aux personnels de police et de gendarmerie, pour que les plaintes soient prises en tenant compte du délit de thérapie de conversion ; au personnel judiciaire, et de façon générale, à toutes celles et ceux susceptibles de recueillir la parole des victimes, notamment des jeunes victimes. Les thérapies de conversion sont particulièrement destructrices, surtout quand elles s’en prennent aux jeunes – en construction de leur identité. Elles s’en prennent directement à la capacité à avoir confiance en soi, à la capacité à nouer des relations affectives et sexuelles.
    Ce vote est l’aboutissement d’un long travail, que j’ai mené avec la rapporteure Laurence Vanceunebrock ; je tiens à la remercier, tout particulièrement pour sa ténacité. Je remercie également toutes celles et ceux qui ont eu le courage de parler, publiquement ou anonymement, pour dire ce qui leur était arrivé, en particulier le collectif Rien à guérir, qui porte cette parole en France et dont je salue la présence dans les tribunes du public. (Applaudissements sur quelques bancs.) Mais le vote est une étape qui en appelle d’autres car il reste de nouvelles libertés à conquérir. Je pense notamment à la liberté de genre, qui sera la prochaine grande conquête à venir – je l’espère. Le libre choix du genre à l’état civil doit être inscrit dans la Constitution et doit être appliqué. Nous nous y attellerons avec la victoire du programme « L’avenir en commun » promu par Jean-Luc Mélenchon et l’Union populaire. (Mmes Caroline Fiat et Karine Lebon applaudissent.)

    M. Erwan Balanant

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    Ne vous emballez pas !

    M. Bastien Lachaud

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    Mes chers collègues, les libertés, conquises par le peuple, ne sont jamais acquises. Il existe toujours des forces réactionnaires. Il en va ainsi des droits des femmes, qui sont remis en cause quotidiennement, à commencer par le droit à l’avortement. (Mme Karine Lebon applaudit.) Nous devons garantir les libertés individuelles et collectives avec le plus haut niveau de protection possible. C’est pourquoi, avec la liberté du genre, que je viens d’évoquer, il faudra inscrire dans la Constitution les autres libertés : le droit à l’avortement et le droit à mourir dans la dignité. Nous voterons avec plaisir cette proposition de loi. (Mme Caroline Fiat applaudit, ainsi que Mmes Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Laurence Vanceunebrock, rapporteure, Karine Lebon et Albane Gaillot.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Karine Lebon.

    Mme Karine Lebon

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    C’est avec une grande satisfaction que nous avons noté l’accord de la commission mixte paritaire et c’est avec un plaisir non dissimulé que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’apprête à voter pour l’adoption définitive de la proposition de loi interdisant les prétendues thérapies de conversion. Un vote unanime, donc transpartisan, permettrait d’ailleurs au Parlement de célébrer de la plus belle des manières les quarante ans de la loi de dépénalisation de l’homosexualité.
    Oui, il était temps de mettre fin à des pratiques d’un autre âge et d’opposer un interdit clair et ferme à ces méthodes qui ont usurpé pendant si longtemps – pendant trop longtemps – la qualification de thérapie pour masquer de véritables sévices et tortures, aussi bien physiques que psychologiques. Des milliers d’hommes et de femmes se sont trouvés – ou se trouvent encore – victimes de ces emprises morales et physiques, pris au piège de véritables pratiques sectaires, dont le seul objectif est de les briser, de briser qui ils et elles sont, de briser leur identité. Il fallait agir pour mieux appréhender l’ampleur de ces pratiques, mieux les combattre et répéter sans cesse qu’il n’y a rien à guérir. Je tiens à remercier chaleureusement nos collègues Laurence Vanceunebrock et Bastien Lachaud d’avoir œuvré avec patience et détermination à la création d’un délit spécifique qui facilitera les qualifications et les condamnations, mais aussi pour la véritable prise de conscience que ces débats auront permise dans la société et au sein des familles.
    En plus de protéger les plus vulnérables et les plus jeunes, la proposition de loi est également un argument de poids pour réaffirmer fortement que l’homosexualité n’est pas une maladie, que la transidentité n’est pas une pathologie, que parler, dans un cas comme dans l’autre, de guérison, c’est porter atteinte aux droits de la personne humaine. Contrairement à ce qui a pu être dit durant les débats et à l’extérieur, le présent texte n’empêche pas l’accompagnement ni de répondre aux interrogations, aux doutes et aux questionnements relatifs à la sexualité ou à l’identité de genre, que peuvent avoir des adolescents ou des adultes. N’agitons pas ces peurs, souvent le faux nez d’un rejet complet de tout ce qui ne rentrerait pas dans une norme arbitrairement définie.
    Avec l’adoption de cette proposition de loi, l’occasion nous est donnée de réaffirmer notre volonté de lutter contre les discriminations, contre les préjugés, contre les stéréotypes de genre, dont on ne dira jamais assez les effets dévastateurs sur tant d’existences.

    M. Maxime Minot

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    Eh oui !

    Mme Karine Lebon

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    Après l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas, après plusieurs pays d’Amérique latine, après la publication en 2015 du rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme exhortant les pays à interdire ces pratiques, la France se dote d’un dispositif juridique solide et précis, qui prend soin de ne laisser prospérer aucune confusion entre accompagnement libre et bienveillant, et volonté de puissance sur autrui.
    Nous y voyons un signe encourageant pour les actions que la France pourrait défendre en faveur des droits des LGBTQIA+ dans le cadre de sa présidence du Conseil de l’Union européenne. L’adoption de la proposition de loi doit être saluée sans réserve, mais gardons-nous de toute naïveté. Les déclarations glaçantes d’une des principales structures religieuses adeptes de ces pratiques montrent que la contre-offensive est déjà lancée, que la riposte argumentaire est déjà rodée et que les possibles futures interventions, désormais proscrites, risquent de ce fait d’être moins détectables. Nous ne devons ni baisser la garde ni négliger le rôle fondamental des associations, qui sont à la fois des sentinelles et des lieux de soutien pour les personnes menacées. Nous devons aussi assurer les moyens d’investigation nécessaires, afin de mettre au jour et de condamner ces pratiques.
    Pour qu’elles soient pleinement efficaces, les dispositions de la proposition de loi que nous nous apprêtons à adopter ne sauraient se suffire à elles-mêmes. Je pense particulièrement aux enfants et aux adolescents : leurs questionnements sur leur orientation sexuelle et leur identité de genre, toujours légitimes, mais qui parfois les troublent, méritent une écoute attentive au sein même des établissements scolaires. C’est pourquoi nous formons le vœu que l’éducation nationale et le prochain gouvernement reconnaissent le rôle des psychologues dans l’épanouissement des élèves, en leur donnant des moyens d’agir, notamment en matière d’effectifs : actuellement, il y a un psychologue pour 1 500 élèves. Madame la rapporteure, mes chers collègues, comme en première lecture, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera pour ce texte, qui a créé beaucoup d’espoir, comme le montrent les nombreux témoignages qui nous parviennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ludovic Mendes.

    M. Ludovic Mendes

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    Malgré la crise sanitaire qui monopolise, embolise même notre agenda, je suis heureux que nous ayons su nous saisir de ce texte, quand certains nous accusaient de renoncement. Je suis heureux que nous ayons su le défendre ici et nous rassembler uniquement pour l’adopter. Je félicite la rapporteure, Laurence Vanceunebrock, d’avoir mené ce combat sans faillir et sans jamais douter. Je suis fier que nous ayons su, très vite, trouver un terrain d’entente avec nos collègues sénateurs pour aboutir à une CMP conclusive qui nous permet de nous retrouver ce soir pour la dernière étape.
    Nous le devions à celles et à ceux qui subissent des comportements insupportables qui ne sont ni des thérapies ni des conversions. Nous le devions à toutes celles et à tous ceux qui n’osent pas parler, qui n’osent pas porter plainte. Oui, si vous en doutiez encore, vous pourrez désormais pousser la porte d’un commissariat ou d’une gendarmerie pour porter plainte contre ces méfaits ; vous pourrez témoigner devant un juge, car ce qui vous arrive n’est pas normal, contrairement à ce que certains affirment ; vous n’êtes pas des monstres, vous n’êtes pas des malades, mais vous êtes des victimes.
    On peut s’étonner qu’un tel texte soit encore nécessaire. Il y a déjà quarante ans, en août 1982 à cette même tribune, Robert Badinter défendait une loi attendue et nécessaire, une loi pour abolir les dernières dispositions du code pénal qui, à l’époque, punissaient encore les relations homosexuelles. Il y a trente-deux ans, en 1990, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) retirait l’homosexualité de la liste des maladies mentales, confirmant ce que beaucoup d’entre nous savaient déjà : il n’y a rien à guérir. Des décennies plus tard, après tout le chemin parcouru pour l’égalité des droits, après le pacs et le mariage pour tous, après l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, il est temps que certains comprennent enfin que l’homosexualité n’est pas un délit, qu’elle n’est pas une maladie, pas plus que la transidentité ; nous allons les y aider.
    Au contraire, ce sont bien l’homophobie et la transphobie qui sont des délits. Nous le proclamons encore un peu plus haut et un peu plus fort avec cette nouvelle loi. Elle punira sévèrement ceux qui imaginent que leur morale et leur vision étriquée de la société les autorisent à torturer mentalement, ou même physiquement, ceux qui ne rentrent pas dans les cases auxquelles ils les ont assignés. Les témoignages que nous avons entendus à ce sujet sont plus que glaçants. L’homophobie et la transphobie doivent, d’une certaine façon, être à leur tour soignées. C’est là un beau défi, avec un patient travail d’éducation et de prévention. Madame la ministre déléguée, je tiens à cette occasion à saluer le travail du Gouvernement, incarné par la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), qui y consacre des moyens, de l’énergie et bien sûr beaucoup de pédagogie.
    En conclusion, je vous propose de regarder au-delà des frontières : à l’heure où la France assume la présidence du Conseil de l’Union européenne, c’est à son honneur de prouver en actes son attachement aux valeurs fondamentales de respect et de tolérance qui fondent la communauté de destin de notre continent. Je tiens au passage à rendre hommage à notre collègue Caroline Abadie, qui ne peut malheureusement pas être présente ce jour et qui a été une vraie partenaire aux côtés de Laurence Vanceunebrock. Depuis quelques années, certains pays remettent en cause cette liberté et cette tolérance : la Pologne, avec des régions qui se déclarent « LGBT free » ; la Hongrie, qui interdit toute représentation de l’homosexualité dans l’espace public ou dans les publicités. Ce soir, en adoptant définitivement la proposition de loi, nous disons à nos concitoyens européens visés par ces discours d’exclusion et de haine, que la France est avec eux et qu’elle se mobilisera toujours pour eux. Nous envoyons un message clair : en France, pas plus qu’en Europe, on ne force quelqu’un à changer d’orientation sexuelle ou de genre. Madame la rapporteure, très chère Laurence, je ne doute pas que vous partagerez avec nous ce combat et que vous le mènerez peut-être au-delà de nos frontières.
    Mes chers collègues, c’est donc avec une fierté immense, qui – je l’espère – sera partagée par l’ensemble des bancs, que les députés du groupe La République en marche voteront la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Karine Lebon applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Maxime Minot.

    M. Maxime Minot

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    Révoltantes, indignes, insupportables : les mots ne sont pas assez durs pour qualifier ces pratiques barbares d’un autre temps et d’un autre lieu. Comment ne pas entendre la détresse des jeunes victimes qui en seront marquées à vie ? Comment raisonnablement penser qu’il est possible de changer, par la violence physique ou mentale, ce que nous sommes au fond de notre être ? Comment, en 2022, ne pas comprendre que les thérapies de conversion refusent à ces jeunes d’être ce qu’ils sont vraiment ?
    Veuillez excuser l’émotion qui m’étreint – vous connaissez mes engagements contre toutes les formes de discrimination. Ce sujet me touche, et je sais qu’il résonne dans le cœur de nombre d’entre nous, car il n’est réservé à aucun milieu social en particulier, non plus qu’à un type de territoire donné. Tous peuvent être concernés, et c’est bien là l’enjeu.
    Ces thérapies de conversion ne doivent plus avoir droit de cité dans un pays comme le nôtre, car elles sont contraires à nos principes les plus fondamentaux : la liberté d’être ce que nous sommes, et le devoir pour chacun d’accepter l’autre tel qu’il est, y compris homosexuel, bisexuel ou transgenre – il n’a rien à convertir, rien à guérir. Je n’ai que mépris pour les quelques extrémistes qui les utilisent ; a contrario je n’ai que respect pour ceux qui les combattent, comme le collectif Rien à guérir que je tiens, moi aussi, à remercier publiquement.

    M. Dino Cinieri

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    Très bien !

    M. Maxime Minot

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    Permettez-moi d’avoir une pensée pour tous les jeunes et moins jeunes qui ont eu à subir ce genre de pratiques – Pierre, Stéphanie, Ahmed ou Enzo, ce jeune adolescent de 17 ans, transgenre, qui aurait été enlevé pour subir une thérapie de conversion, heureusement retrouvé sain et sauf grâce à la mobilisation des associations. Bien évidemment, il ne s’agit pas d’un texte contre les religions ; il s’agit de défendre le droit pour chacun d’être lui-même.
    La définition juridique des thérapies de conversion et la création d’une infraction autonome avec des circonstances aggravantes vont dans le bon sens pour mener cette lutte indispensable ; elles ont d’ailleurs été adoptées à l’unanimité lors de l’examen en première lecture.
    Les débats au Sénat ont conduit à adopter deux modifications principales : le renforcement des circonstances aggravantes, notamment pour les professionnels de santé, et le retrait de l’autorité parentale, lorsque l’infraction est commise par un parent sur son enfant.
    La commission mixte paritaire a adopté un texte équilibré et de consensus, en maintenant les modifications ainsi apportées. Certains mauvais esprits voudraient faire croire que nous, membres du groupe Les Républicains, serions rétrogrades dans ce domaine : ce n’est pas le cas ! La différence, c’est qu’au sein de notre groupe, toutes les tendances ont le droit de s’exprimer…

    M. Erwan Balanant

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    Chez nous aussi !

    M. Maxime Minot

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    …– j’en suis d’ailleurs la preuve vivante. En cela, il est à l’image du peuple français, quand leur rigidité empêche d’autres groupes d’agir de même. Ainsi, lors de la première lecture de cette proposition de loi, notre groupe l’a soutenue ; il la soutiendra encore aujourd’hui.
    Néanmoins, l’honnêteté m’oblige à préciser que ce texte n’aura qu’une portée limitée. En effet, les pratiques les plus violentes sont fort heureusement déjà interdites par notre droit. En revanche, il ne concernera pas les pratiques les plus sournoises, notamment celles des psychologues qui abusent de leur position dominante pour influer sur le travail psychologique des patients.
    Cependant, parce qu’elle pourrait sauver ne serait-ce qu’une seule victime, grâce aux outils juridiques qu’elle propose, ou à sa portée symbolique, susceptible de libérer la parole, cette proposition de loi est utile et même essentielle.
    Chers collègues, il est des textes qui font honneur au législateur que nous sommes, et à la République. Soyons fiers : cette proposition de loi en est un ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois, ainsi que Mmes Karine Lebon et Lamia El Aaraje applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

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    Parce qu’il n’y a rien à guérir et parce que certains ne le comprennent pas, il était indispensable que le Parlement légifère pour interdire les thérapies de conversion. Trop de gens souffrent de ne pouvoir être tout simplement eux-mêmes. Nous le constatons tous les jours : la peur de la différence engendre une spirale infernale de mépris, de haine et de violence. Or l’autre n’est jamais seulement différent. Il a aussi quelque chose de commun avec moi, avec vous, avec chacun de nous, quels que soient son langage, sa culture, son comportement, son apparence physique, ses valeurs morales, son orientation sexuelle, son genre ou son absence de genre. C’est la raison pour laquelle, madame la rapporteure, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés salue et soutient votre combat contre les thérapies de conversion, ces pratiques d’un autre âge qui ont moins en commun avec la médecine qu’avec la barbarie.
    De l’hypnose à la lobotomie, en passant par les traitements hormonaux et les électrochocs, les moyens déployés dans ces prétendues thérapies ne manquent pas de susciter l’effroi, la révulsion, l’indignation et la souffrance – beaucoup de souffrance chez celles et ceux qui en sont victimes.
    La présente proposition de loi est l’aboutissement de la mission flash de la commission des lois, que M. Bastien Lachaud et vous, madame la rapporteure, avez corapportée en 2019, sur les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. Elle est aussi le fruit d’un remarquable travail de compromis et de responsabilité, pour mener au consensus. Si des désaccords, minimes, se sont exprimés sur certaines modalités, nous étions d’accord sur l’essentiel. La force de notre institution est aussi de nous rassembler sur ce qui importe réellement.
    C’est précisément cela qu’attendent les Français, comme en témoigne l’accueil plein d’espoir que réservent à ce texte les victimes, les familles et les associations qui s’investissent dans ce domaine depuis des années. Grâce à ce texte, la France sera l’un des pays en pointe dans le combat contre l’homophobie, contre la transphobie et contre les violences insupportables que commettent ceux qui prennent la différence pour une anomalie. Ainsi, la proposition de loi crée deux délits, afin de réprimer les pratiques visant à convertir les personnes et l’exercice illégal de la médecine.
    On ne peut que saluer l’accord rapide trouvé avec les sénateurs, qui reflète le vœu de la société tout entière d’avancer en la matière. Des dispositions introduites à l’initiative du groupe Dem ont été maintenues, comme la création de circonstances aggravantes afin de mieux prendre en compte la réalité du phénomène, souvent caractérisé par l’exploitation de la vulnérabilité de la victime. Une autre disposition, soutenue par notre majorité, vise à consacrer le rôle des acteurs associatifs, essentiels dans la prise en charge des victimes.
    Des apports intéressants du Sénat ont par ailleurs été conservés. L’un vise à mieux définir le champ des infractions réprimées. Notre groupe avait appelé à la vigilance sur ce point en première lecture car il ne faut pas confondre les thérapies de conversion, qu’il faut interdire, et les pratiques consistant à accompagner le parcours de transition, ou plus simplement à fournir un soutien psychologique aux personnes qui s’interrogent sur leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. Il était donc important d’expliciter la distinction, afin de rassurer les associations et les professionnels qui accomplissent ce travail essentiel d’accompagnement.
    D’autres apports intéressants méritent d’être soulignés, comme le dispositif visant à éviter les conflits de qualification – en supprimant la confusion avec les délits de harcèlement moral ou sexuel ou de violences –, et la transposition des circonstances aggravantes que nous avons introduites pour le délit autonome au délit d’exercice illégal de la médecine, afin d’assurer une protection cohérente des victimes.
    Chers collègues, pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés votera évidemment en faveur de ce texte. Il était plus que temps que notre assemblée légifère sur un sujet encore relativement peu connu du grand public, mais qui revêt une importance morale indéniable.
    Beaucoup de nos concitoyens peinent à comprendre pourquoi les thérapies de conversion ne sont toujours pas interdites en France. Cette loi ouvrira en grand les portes de la justice aux victimes, afin qu’elles fassent valoir leur préjudice ; elle mettra un terme à l’impunité et enverra un message fort : toutes les identités de genre et toutes les orientations sexuelles ont leur place dans notre société qui est riche de sa diversité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure, applaudit également.)

    M. le président

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    Sur la proposition de loi, je suis saisi par les groupes La République en marche, Les Républicains et La France insoumise d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Lamia El Aaraje.

    Mme Lamia El Aaraje

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    Nous pouvons nous réjouir de l’accomplissement d’un travail parlementaire transpartisan, mené en faveur de la justice, de la reconnaissance, d’un plus large vivre-ensemble, et, surtout, de la dignité humaine.
    Cette proposition de loi répond à un besoin, longtemps maintenu invisible, que nous n’avons sans doute pas su voir : celui des hommes et des femmes qui ont dû, souvent dans leur enfance et leur jeunesse, affronter des traitements inhumains, que nous ne pouvons tolérer au sein de notre République – que nous ne pouvons pas tolérer du tout. Ces traitements tendaient à dégrader leur intimité la plus profonde, à des moments souvent charnières de la construction de l’identité.
    Alors, oui, nous pouvons nous réjouir de ce travail parlementaire transpartisan qui rappelle que dans notre République, nul ne peut s’arroger le droit de décréter qu’une personne serait à guérir au motif de son orientation sexuelle ou de son identité de genre, et de prétendre l’accompagner en ce sens. De telles pratiques moyenâgeuses, qui relèvent du charlatanisme ou des dérives sectaires, exploitent le mal-être et la haine intériorisée que produit l’exposition à la discrimination et aux stéréotypes.
    Les sanctions que le texte prévoit pour condamner les thérapies de conversion sont donc amplement justifiées, en particulier en cas de circonstances aggravées, lorsque les faits sont commis sur des enfants, des personnes vulnérables, par le biais des réseaux sociaux ou par un proche ayant autorité.
    Cette vision de la société que nous consacrons aujourd’hui est le fruit d’un consensus. Certes, le groupe Socialistes et apparentés aurait souhaité aller plus loin dans certains domaines, en particulier celui des mutilations des enfants intersexes, mais nous ne pouvons que nous réjouir que les différents groupes des deux chambres du Parlement aient abouti à un accord sur l’ensemble de la proposition de loi, lors de la commission mixte paritaire.
    Si nous avons regretté l’arrivée tardive de ce texte dans notre hémicycle, après quelques tergiversations de la majorité et du Gouvernement, il faut bien reconnaître que son inscription à l’ordre du jour a permis une grande avancée et une prise de conscience collective.
    Je salue le travail engagé depuis trois ans par Laurence Vanceunebrock et Bastien Lachaud, ainsi que celui accompli par la sénatrice Marie-Pierre de La Gontrie. Surtout, je remercie les acteurs associatifs qui ont su faire entendre leur parole avec force et courage, et nous faire voir cette violence.
    La France va, enfin, se doter d’une législation interdisant les thérapies de conversion. Il était temps d’avancer : depuis 2018, le Parlement européen exhorte les États membres à légiférer en ce sens. De nombreux pays ont déjà interdit ce type de pratiques, d’abord en Amérique latine, puis ailleurs, même dans certains États américains. Nous avons constaté que beaucoup de Français les découvrent.
    Nous, députés du groupe Socialistes et apparentés, nous réjouissons de voter avec conviction cette proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. Néanmoins, le combat ne s’arrête pas là. J’espère que ce texte et ses dispositifs de sanctions seront approuvés sans réserve.
    Nous nous devons de continuer à user de pédagogie pour ouvrir les yeux de nos concitoyens sur ces pratiques d’un autre temps, qui, contrairement à ce que certains pensent, existent malheureusement toujours dans notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem. – Mme Karine Lebon applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Euzet.

    M. Christophe Euzet

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    Il est des moments où l’on éprouve une certaine fierté à monter à cette tribune. Ce soir en est un. Nous nous retrouvons pour la dernière étape de l’adoption d’un texte qui vise à condamner et réprimer des pratiques d’un autre temps, d’un autre âge – tous les qualificatifs de cet ordre ont été énoncés –, en tout cas, d’une autre humanité que celle à laquelle nous sommes attachés.
    Nous condamnons et entendons réprimer ces pratiques, autrement appelées thérapies de conversion. D’abord, elles reposent sur le postulat erroné que l’homosexualité et la transidentité seraient des maladies qu’il conviendrait de guérir. Ensuite, elles utilisent des procédés qui violent les droits les plus élémentaires de la personne humaine. Elles le font dans un cadre soit religieux, soit pseudo-médical, puisque des médecins ou des personnels de santé, ou des gens qui n’en sont pas d’ailleurs, cherchent à traiter par l’internement, par l’administration de médicaments, par la pratique d’électrochocs, une maladie qui n’en est pas une. Parfois, le cadre est socioculturel, puisqu’on oblige les personnes concernées à vivre socialement envers et contre tout ce qui fait leur nature profonde.
    Enfin, nous condamnons et entendons réprimer ces pratiques parce que, au-delà de leur caractère inhumain unanimement dénoncé ici, elles provoquent des conséquences que nous ne pouvons tolérer : la souffrance, la dépression, l’isolement, et parfois le suicide. Pourtant, ces pratiques n’ont aucun fondement thérapeutique ou médical. Les Nations unies s’en sont émues dès 2015 ; le Parlement européen les a dénoncées dès 2018 ; de nombreux pays sur notre continent œuvrent à leur éradication.
    Au nom du groupe Agir ensemble, je salue l’initiative de nos collègues Laurence Vanceunebrock et Bastien Lachaud et me réjouis du consensus trouvé sur le sujet par les deux chambres du Parlement, en commission mixte paritaire.
    Parce qu’il propose de créer, dans le code pénal, une infraction spécifique pour condamner ces pseudo-thérapies de conversion, parce qu’il aggrave les peines pour les infractions commises en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, parce qu’il sanctionne sévèrement ceux – qu’ils soient ou non médecins ou professionnels de santé – qui procèdent à ces pseudo-thérapies, parce qu’il permet aux associations agréées, grâce à l’adoption d’un amendement du groupe majoritaire – appuyé notamment par le groupe Agir ensemble –, de se porter partie civile, parce qu’il prévoit une clause de revoyure pour dresser un état des lieux au terme d’une période d’un an, ce texte honore notre pays ainsi que la représentation nationale, qui a réussi à trouver un consensus – non seulement sur les dispositions de principe, mais également sur les mesures réalistes et efficaces qu’il prévoit. C’est la raison pour laquelle le groupe Agir ensemble, qui l’a soutenu, le votera avec conviction et avec une certaine fierté. (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Bastien Lachaud applaudit également.)

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        142
            Nombre de suffrages exprimés                142
            Majorité absolue                        72
                    Pour l’adoption                142
                    Contre                0

    (La proposition de loi est adoptée à l’unanimité. Applaudissements sur tous les bancs.)

    4. Protection des enfants

    Commission mixte paritaire

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à la protection des enfants (no 4890 rectifié).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à Mme Bénédicte Pételle, rapporteure de la commission mixte paritaire.

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure de la commission mixte paritaire

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    « Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l’enfance. La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. » S’ils renvoient à la thématique distincte de la justice des enfants, ces mots, issus de l’exposé des motifs de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, résument bien notre ambition depuis le début des travaux sur ce texte, si essentiel.
    La commission mixte paritaire, réunie le 11 janvier, a réussi à s’accorder sur un texte commun, reflétant un travail constructif entre les deux chambres et la volonté partagée de donner aux acteurs de la protection de l’enfance de nouveaux outils pour mieux accueillir et protéger les enfants : il vise à défendre l’intérêt supérieur de l’enfant.
    Sans revenir sur l’ensemble de ses apports, j’en évoquerai les plus emblématiques. En premier lieu, l’interdiction totale de l’hébergement des mineurs à l’hôtel, qui sera effective dans deux ans, constitue une avancée considérable. Il est en effet essentiel de mettre fin à une situation inacceptable pour les enfants, tout en laissant aux départements le temps de développer des solutions de prise en charge adaptées. Il a été précisé que, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’interdiction, les mineurs pourront être accueillis pendant une période de deux mois au maximum. Dans deux ans, il ne sera plus possible d’accueillir les mineurs à l’hôtel : ils pourront être hébergés, à titre exceptionnel et pour une durée maximale de deux mois, dans des structures dites « jeunesse et sport », dans lesquelles ils feront l’objet d’un encadrement et d’un suivi spécifique.
    Parmi les avancées significatives de ce texte figure également l’amélioration de l’accompagnement proposé aux jeunes majeurs vulnérables. Dans la lignée de la proposition de loi de Brigitte Bourguignon, nous avons décidé de maintenir la possibilité d’accompagner les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de 21 ans éprouvant des difficultés faute de ressources et d’un soutien familial suffisant, même s’ils n’ont pas fait l’objet d’une prise en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) avant leur majorité. Nous avons également consacré un droit au retour dans les structures de protection de l’enfance. La garantie jeunes sera systématiquement proposée aux jeunes majeurs ayant été pris en charge au titre de la protection de l’enfance ou de la protection judiciaire de la jeunesse.
    Le texte comporte également d’autres mesures essentielles : la nécessité de pouvoir recourir prioritairement à un tiers digne de confiance pour le placement des enfants, disposition approuvée par l’Assemblée nationale et par le Sénat dès la première lecture ; les mesures relatives à l’encadrement et à l’amélioration de la situation des personnels et des bénévoles de la protection de l’enfance. Toujours dans l’objectif de protéger au mieux nos enfants, les contrôles ont été renforcés, avec la consultation du casier judiciaire et du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes – le FIJAIS –, y compris pour l’entourage des assistants familiaux, qu’ils soient majeurs ou mineurs. Les établissements devront également se doter d’un référent indépendant pour prévenir la maltraitance.
    Plusieurs mesures visent aussi à améliorer les conditions de travail des assistants familiaux : rémunération au moins égale au SMIC, participation aux décisions relevant de l’enfant et possibilité de prendre des week-ends de repos. S’agissant de la protection juridique des mineurs, je ne peux que me réjouir de la possibilité que nous avons confiée – à mon initiative comme à celle de nombreux groupes – au juge des enfants, de désigner d’office un avocat pour le mineur lorsque c’est dans son intérêt.
    Je me réjouis, enfin, des mesures visant à l’amélioration de la situation des mineurs non accompagnés (MNA), objectif que nous partageons tous et qui constitue une véritable priorité, qu’il s’agisse de la réforme de la répartition des MNA ou de l’interdiction pour un autre département de procéder à une seconde évaluation.
    Je vous propose donc d’adopter ce texte, qui s’inscrit dans la lignée des lois de 2007 et de 2016, afin d’améliorer les conditions de vie des enfants protégés, les conditions de travail de ceux qui les protègent et, plus largement, la reconnaissance de notre pays envers la politique publique de lutte contre les inégalités de destin de ces adultes en devenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Michèle Peyron, rapporteure de la commission mixte paritaire.

    Mme Michèle Peyron, rapporteure de la commission mixte paritaire

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    Il y a près de trois ans, à la demande du Premier ministre, je remettais un rapport qui devait résonner comme un cri d’alarme : si nous n’agissions pas, la politique de la protection maternelle et infantile (PMI), la protection de la santé des mères et des enfants, pouvaient mourir. Faute de moyens, faute de sens, faute de considération, nous allions voir disparaître, d’ici à dix ans, l’environnement protecteur qui entoure, depuis le lendemain de la seconde guerre mondiale, les mères et les nouveau-nés. Progressivement, sans presque y prendre garde, nous négligions une politique qui soutient les plus fragiles et assure à tous des bénéfices sanitaires et sociaux de long terme.
    Ce cri, mes chers collègues, je suis fière de pouvoir dire qu’il a été entendu, dans ce projet de loi, et même avant. Une réponse collective lui a été apportée, qui a été élaborée, main dans la main, avec les départements. Dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, en dépit de la crise sanitaire, l’État et les organismes de sécurité sociale ont investi, depuis 2020, plus de 200 millions d’euros pour accompagner trente, puis soixante-dix départements, afin que, dans l’ensemble des territoires, des femmes puissent avoir accès à des entretiens prénataux précoces assurés par les professionnels de santé de la PMI, que tous les enfants inscrits en maternelle puissent avoir un bilan de santé et que le nombre de visites à domicile des sages-femmes de PMI puisse doubler, en priorité au sein des familles les plus fragiles.
    Cependant, la réaffirmation forte de la place qu’occupe la PMI dans les politiques de prévention et de santé à court terme s’est doublée d’une stratégie à long terme, que traduit le projet de loi. Sans revenir sur l’ensemble de ses apports, j’en évoquerai trois.
    Le premier consiste à substituer à la logique actuelle de normes, une logique d’objectifs de santé publique. Les PMI étaient jusqu’ici régies par des normes statiques, obsolètes souvent et toujours irrégulièrement appliquées. Le présent texte – notamment à la suite de mon rapport – permettra d’inscrire résolument les services de PMI dans une direction nouvelle, celle d’objectifs de santé publique au sein du département, adaptée aux territoires, mais à laquelle chacune et chacun doit avoir accès. Pour atteindre ces objectifs, les métiers de la PMI doivent être valorisés et le nombre de professionnels au moins maintenu. C’est le sens des normes minimales d’effectifs retenues par les deux chambres.
    Le deuxième apport concerne la revalorisation des personnels travaillant au sein des PMI. Alors qu’elles le réclament de longue date, les infirmières puéricultrices pourront enfin prescrire des dispositifs médicaux de soutien à l’allaitement. Les sages-femmes pourront, quant à elles, assurer la responsabilité d’un centre de santé sexuelle – les actuels centres de planification et d’éducation familiale – pour assurer la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST), leur dépistage et leur traitement.
    Nous avons voulu insister sur le caractère pluridisciplinaire du travail des professionnels de santé des PMI. Pourquoi ? Parce que nous avons estimé – parce que j’estime – que les missions de prévention, d’accompagnement après la naissance et de soutien à la parentalité supposent, sous l’autorité du médecin de PMI, des échanges fructueux, issus de l’expérience et de la compétence propres à chacun des professionnels de santé exerçant en PMI.
    Nous avons d’ailleurs adopté une demande de rapport en guise d’invitation. J’invite en effet le Gouvernement, amicalement…

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles

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    Toujours !

    Mme Michèle Peyron, rapporteure

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    …– toujours –, mais avec détermination, à entamer les négociations en vue d’inscrire les actes de prévention des infirmières puéricultrices dans la nomenclature générale des actes professionnels. Une visite à domicile fait réaliser à l’assurance maladie des économies identiques et substantielles. Peu importe qu’elle soit effectuée par une sage-femme ou par une infirmière puéricultrice. Il s’agit d’une anomalie intellectuelle, d’un manque de considération, qui n’a que trop duré : une prise en charge par la solidarité nationale s’inscrit parfaitement dans la stratégie nationale de prévention, à l’instar de celle dite des 1 000 premiers jours.
    L’ambition commune d’assurer une vraie reconnaissance des professionnels de santé de la PMI, orientée vers des objectifs clairs au service de la santé des mères et de leurs enfants, notamment pour les familles les plus fragiles, a poussé sénateurs et députés à dégager un compromis au cours de la CMP. C’est donc avec fierté, tout en restant vigilante pour que ces mesures se traduisent rapidement par une amélioration de la politique de la PMI, que je vous engage à voter ce projet de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles

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    En trois ans d’action au sein du Gouvernement, je suis fier d’avoir contribué avec vous à une meilleure protection des enfants de notre pays, et je suis heureux d’avoir pu, en toutes circonstances, compter sur l’appui de votre assemblée. Ce projet de loi sur lequel vous vous apprêtez à vous prononcer pour la dernière fois en est la meilleure illustration. Vous connaissez désormais trop bien son origine, sa logique et son contenu pour qu’il soit utile que j’y revienne.
    Je rappellerai simplement que son adoption repose sur le dialogue. Celui-ci n’a pas commencé avec la rédaction initiale du projet de loi ou avec son amélioration au fur et à mesure du débat parlementaire, mais bien plus tôt. Du reste, il ne pouvait en être autrement sur des questions de protection de l’enfance. Cette politique étant décentralisée depuis 1983, les conseils départementaux en sont les chefs de file, mais elle repose en réalité sur une responsabilité partagée de l’État et des collectivités locales, ainsi que sur des associations. Depuis de trop nombreuses années, cette politique souffre de disparités territoriales qui mettent à mal la promesse républicaine originelle selon laquelle, au-delà de l’aide sociale à l’enfance, tous les enfants, partout sur le territoire, quels que soient leur origine et leur parcours, ont les mêmes chances et les mêmes droits.
    Il fallait donc, par un travail de concertation, rénover cette politique, la renforcer, la pérenniser. Tels sont l’objet et la méthode de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance élaborée en octobre 2019. C’est à cet effet que l’État aura apporté, entre 2020 et 2022, près de 600 millions d’euros pour appuyer les départements dans leur mission d’aide sociale à l’enfance, dans une démarche de contractualisation reposant sur des constats partagés, sur des engagements précis et sur des efforts suivis. C’est aussi à cet effet que cette stratégie comportait dès l’origine un volet législatif qu’il convenait de faire aboutir, au terme d’une large concertation à laquelle les parlementaires ont été associés.
    Ce texte ayant fait l’objet d’un accord entre les deux chambres du Parlement en commission mixte paritaire est l’aboutissement de ce travail collectif. Je salue et remercie chaleureusement les rapporteures Bénédicte Pételle et Michèle Peyron, ainsi que la présidente de la commission des affaires sociales, Fadila Khattabi, pour leur engagement sans faille, pour l’attention constante qu’elles ont accordée aux moindres détails de ce texte et pour avoir suivi invariablement, comme chacun d’entre nous, la boussole de l’intérêt supérieur des enfants, la seule qui vaille en la matière. Je remercie l’ensemble des groupes politiques de cette assemblée pour avoir contribué activement et avec volonté à cette démarche.
    Je suis convaincu que ce texte permettra aux enfants protégés par l’ASE de préparer leur avenir, d’envisager sereinement leur autonomie et de lutter contre les inégalités de destin. Ce texte doit marquer la fin d’une époque d’incertitude et d’insécurité pour ces enfants à qui nous garantissons désormais un cadre de vie sécurisant et serein, comme doit l’être aussi celui des adultes qu’ils deviendront.
    Dès l’examen du texte par l’Assemblée nationale, des mesures fortes ont été retenues, auxquelles vous avez été nombreux à avoir contribué. Ce projet de loi comporte d’abord des mesures ayant pour objectif de garantir la pleine et entière sécurité des enfants au quotidien. Il prévoit l’extension de la vérification des antécédents judiciaires des personnes qui travaillent à leur contact, afin qu’aucune personne ayant été condamnée, notamment pour des infractions sexuelles, ne puisse intervenir auprès d’eux. Il interdit de placer des enfants à l’hôtel, interdiction qui sera définitive au terme d’une période transitoire de deux ans au cours de laquelle l’accompagnement éducatif des enfants qui continueront à être placés sera drastiquement renforcé. Il prévoit le déploiement d’une base nationale des agréments pour les assistants maternels et familiaux, afin d’éviter de mettre en contact des enfants et des professionnels qui auraient eu des pratiques répréhensibles. Il inscrit dans le code de l’action sociale et des familles et dans celui de la santé publique le vocabulaire partagé en matière de maltraitance, fruit des travaux essentiels de la commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance. Enfin, dans chaque territoire, mais aussi dans chaque établissement de l’ASE, un référent pour la lutte contre les violences sera désigné.
    Ce texte comprend ensuite des mesures permettant d’apporter de la stabilité, notamment affective, aux enfants. Ainsi, la possibilité de confier l’enfant à un tiers digne de confiance, accompagné et soutenu, sera systématiquement étudiée. En outre, il entérine l’interdiction de la séparation des fratries, sauf dans le cas où cela correspond à l’intérêt de l’enfant. Il renforce et facilite le recours aux mesures de médiation familiale. Toutes ces mesures, et beaucoup d’autres comprises dans le projet de loi, auront un impact direct sur le quotidien et sur le développement des enfants.
    Je salue aussi un travail qui nous a permis d’aller plus loin que nous ne l’avions jamais fait en matière de soutien et d’accompagnement des jeunes de l’ASE en vue de leur accès à l’autonomie. Il garantit l’accompagnement de chaque enfant de l’ASE qui le souhaite par des mentors et des parrains en fonction du parcours qu’il désire construire, et de ses attentes et de ses envies pour sa vie future. Le projet de loi garantit que plus aucun enfant de l’ASE ne sera laissé sans solution à sa majorité. C’est la fin du couperet des dix-huit ans pour les jeunes majeurs et des sorties sans solution, avec le prolongement d’un accompagnement systématique des dix-huit aux vingt-et-un ans par les départements et par l’État, qui prennent chacun leurs responsabilités pour garantir à ces jeunes majeurs une entrée plus sereine dans la vie active grâce à ce projet pour l’autonomie.
    Je remercie également l’ensemble des députés qui ont permis d’aboutir à des avancées inédites en matière de valorisation de la parole des enfants, qui pourront désormais être bien plus régulièrement représentés ou défendus par des avocats ou des administrateurs ad hoc.
    Les enfants, en particulier ceux de l’ASE, ne seront plus les invisibles de notre République. J’ai une pensée amicale pour Gautier Arnaud-Melchiorre, qui a fourni un travail fantastique dans le cadre de la mission que je lui avais confiée sur la parole des enfants protégés, qui inspirera – je l’espère – pour de nombreuses années, non seulement les politiques publiques en la matière, mais aussi les pratiques quotidiennes des professionnels.
    Je veux enfin rappeler brièvement les avancées qui bénéficieront aux professionnels du secteur. Nous ne devons jamais oublier ces professionnels engagés qui accompagnent chaque année des milliers d’enfants dans leur parcours de vie. Ce texte prévoit la valorisation du métier des assistants familiaux, valorisation tant attendue et si nécessaire pour cette profession confrontée à de nombreux défis. Le projet de loi sera complété par de nombreux ajouts visant à restructurer la formation initiale et continue des assistants familiaux pour mieux prendre en compte les évolutions du métier et des profils des enfants, à mieux intégrer les assistants familiaux au sein des équipes pédagogiques, ou encore à mieux rémunérer l’accueil des enfants à besoins spécifiques. En outre, le cadre de gouvernance politique et stratégique de la PMI, acteur central de nos politiques de prévention, sera renforcé. En partant des constats du rapport « Pour sauver la PMI, agissons maintenant ! » rédigé par Michèle Peyron, que je salue à nouveau, ce texte vise à mettre en adéquation les orientations nationales et les enjeux territoriaux. Cette réforme, complétée par les 100 millions d’euros que l’État a consacrés en trois ans à la PMI pour compenser la perte qu’elle avait subie depuis dix ans, permettra de pérenniser cette politique fondamentale à laquelle nous sommes tous si attachés.
    Des avancées importantes auront donc été accomplies avec le texte qui contribue à donner une visibilité bienvenue à ces sujets, mais beaucoup reste à faire. Après le vote du projet de loi, il faudra concrétiser certaines mesures qui nécessitent encore un temps de concertation et qui requièrent des textes d’application pour lesquels les échanges doivent se poursuivre. Il en va ainsi du groupement d’intérêt public (GIP) nouvellement créé qui réunira l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance, mais aussi de l’expérimentation en matière de gouvernance locale. Il faudra également déterminer des normes et des taux d’encadrement précis dans le secteur de la protection de l’enfance, qui depuis trop longtemps en est privé, travail qui aboutira avant les prochaines échéances électorales, comme je l’ai annoncé depuis le début. Enfin, le dialogue doit se poursuivre avec l’ensemble des professionnels du secteur pour répondre à leurs attentes et pour moderniser les pratiques. La conférence des métiers du social et du médico-social du 18 février 2022, organisée à l’initiative du Premier ministre, est une échéance particulièrement importante.
    Nous devons donc toutes et tous à rester vigilants, et je sais que, demain, vous serez nombreux à l’être. La question de la protection des enfants ne se limite pas aux enjeux de l’aide sociale à l’enfance.
    Je pense pouvoir dire que jamais un Gouvernement n’aura autant fait pour améliorer cette protection et pour renforcer les droits des enfants dans notre pays.

    M. Pierre Cordier

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    C’est « historique » ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    En 2018, nous avons lancé plan de lutte contre la pauvreté qui instaure notamment des petits-déjeuners gratuits à l’école, car l’absence de repas le matin est un facteur d’accroissement des inégalités éducatives et sociales. La politique des 1 000 premiers jours représente un investissement massif, puissant et inédit en faveur de la prévention et de la lutte contre les inégalités de destin, qui sont au cœur de notre projet politique. En novembre 2019, à l’occasion des trente ans de la Convention internationale des droits de l’enfant, j’ai annoncé les vingt-deux mesures du plan de lutte contre les violences faites aux enfants qui mobilisait déjà l’ensemble du Gouvernement et des ministères. Nous luttons contre les violences sexuelles et l’inceste, par la loi du 21 avril 2021, qui instaure un seuil de non-consentement fixé à l’âge de 15 ans, par l’instauration d’un repérage systématique des violences subies à l’école, lors des visites médicales à l’âge de 3 ou 4 ans, de 5 ou 6 ans, et de 10 ou 12 ans, par l’institution de la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants et par la création de parcours de soins adaptés pour les victimes de violences sexuelles, comme cela a été demandé par le Président de la République en janvier 2021.
    Pour la première fois dans notre pays est lancé un plan national de lutte contre la prostitution des mineurs. Enfin, nous luttons pour les droits de l’enfant dans l’environnement numérique, sujet sur lequel la France a désormais une voix forte, reconnue comme telle sur la scène internationale. Nous continuerons à faire avancer ces sujets au cours de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, par exemple en matière de lutte contre la pédocriminalité.
    Nous pouvons tous être fiers du travail que nous avons déjà accompli ensemble. Cependant, il restera toujours à faire, car la protection des plus vulnérables entre les vulnérables est un combat qui ne cesse jamais. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur le banc de la commission.)

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à Mme Valérie Six.

    Mme Valérie Six

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    Nous le savons, la situation des enfants placés est désastreuse et elle a de lourdes conséquences sur leur avenir et sur leur inclusion dans la société. Il nous appartient, en tant que parlementaires, d’apporter des réponses concrètes pour ces enfants. Protéger nos concitoyens les plus vulnérables doit être au cœur de nos préoccupations.
    Dans ce contexte, nous reconnaissons les avancées apportées par le texte en examen, qui a été enrichi tout au long de son examen parlementaire. Je salue notamment les progrès obtenus par le groupe Union centriste du Sénat. Le succès de la CMP montre bien la volonté des différents groupes d’avancer sur ce sujet.
    En particulier, nous pouvons nous réjouir de la nouvelle rédaction de l’article 3 qui non seulement fait de l’hébergement des mineurs en hôtel une exception, mais prévoit la suppression de ce mode d’hébergement dans un délai de deux ans. Nous sommes en effet convaincus qu’il faut à tout prix éviter de placer des enfants déjà vulnérables dans ces structures complètement inadaptées…

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    C’est vrai !

    Mme Valérie Six

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    …avec des personnels insuffisamment formés à la protection de l’enfance.
    Cette suppression symbolise pour nous une évolution vers des modes de prise en charge plus adaptés.
    Malgré ses limites, ce texte a également le mérite d’insister sur l’amélioration du quotidien de l’enfant placé. En effet, toutes les démarches de protection de l’enfance n’ont de sens que si elles font primer l’intérêt de l’enfant : sans cet horizon pour nous guider, toute tentative d’améliorer la situation serait vaine.
    À cet égard, je soulignerai quelques avancées. La proposition de loi clarifie tout d’abord la question des séparations familiales. Elle garantit le maintien des fratries, sauf dans le cas où cela contreviendrait à l’intérêt de l’enfant. Un frère ou une sœur peuvent constituer en effet de véritables repères lorsque tout s’effondre autour de lui. Il est donc important de conserver le lien familial lorsque cela est possible.
    Nous saluons également les mesures visant à éviter les sorties sèches, c’est-à-dire l’extinction de l’ASE pour les personnes ayant atteint la majorité légale, qui laisse ces personnes vulnérables livrées à elles-mêmes. L’extension du bénéfice de l’ASE jusqu’à 21 ans s’avère parfois nécessaire pour accompagner des jeunes qui, plus que d’autres, sont victimes de la précarité et ont besoin d’un appui éducatif pour se lancer dans la vie. Enfin, le groupe UDI et indépendants s’est battu pour assurer la présence d’un avocat auprès de l’enfant à chaque fois qu’une mesure d’assistance éducative est nécessaire. L’article 7 bis prévoit désormais cette possibilité à l’initiative du juge et à la condition que l’enfant soit capable de discernement. Une telle mesure nous semble cruciale pour garantir le respect des droits et de l’intérêt de l’enfant.
    Malgré ces éloges, le texte souffre de sérieuses limites. Certains aspects majeurs de la protection de l’enfance sont trop peu abordés. Que dire par exemple de la question du handicap, totalement absente, alors que l’on sait que 25 à 30 % de l’ensemble des enfants placés seraient en situation de handicap, en particulier psychique ? Notre proposition de mise en place d’un référent « handicap et protection de l’enfance » chargé de faire l’interface avec les MDPH était à ce titre pertinente.
    Nous regrettons également la maigreur du volet prévention. En effet, aucune mesure forte n’en ressort, ni pour les familles ni pour les professionnels encadrant les enfants. Ces derniers sont les grands oubliés. Leur formation n’est pas abordée, alors qu’elle constitue un élément majeur pour garantir une prise en charge de qualité. Rien n’est dit non plus sur leurs conditions de travail, alors que ces professionnels nous alertent sans cesse sur le manque de moyens pour accomplir leurs missions.
    Enfin, je ne peux terminer mon propos sans évoquer la question des mineurs non accompagnés, dossier difficile défendu par ma collègue Agnès Thill. Nous devons mieux protéger ces mineurs toujours plus nombreux, tout en évitant évidemment la fraude à l’identité qui pèse sur l’efficacité du dispositif.
    Vous l’aurez compris, nous attendions encore plus de ce texte sur la protection de l’enfance. Cependant, ces mesures vont indéniablement dans le bon sens et le travail effectué a porté ses fruits sur de nombreux aspects. C’est pourquoi le groupe UDI-I votera le texte. (Applaudissements sur les bancs de la commission.)

    M. Thierry Benoit

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Michel Clément.

    M. Jean-Michel Clément

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    La création en 2019 d’un ministère dédié à la protection des enfants a suscité de vifs espoirs, certainement à la hauteur de l’ambition que chacun nourrissait, compte tenu des progrès importants qui restent à accomplir pour la protection des enfants. Achever ce quinquennat sans aller au bout de ce texte très attendu aurait été, je crois, insupportable pour nous tous.
    Malgré tout, quelques frustrations demeurent, sans doute parce que nous connaissons tous ici les dysfonctionnements, les failles du système de l’ASE, et les souffrances de ceux qui se considèrent comme enfants de personne. Et, nous le pressentons déjà, il nous faudra faire plus si nous voulons faire mieux.
    Aujourd’hui, je veux d’abord me réjouir des avancées que comporte ce projet de loi. Je pense au renforcement du contrôle du personnel exerçant dans le secteur social et médico-social ainsi qu’à la création d’un référentiel national d’évaluation des situations de danger pour l’enfant. Je pense à la systématisation d’une politique de lutte contre la maltraitance dans les établissements, même si le texte échoue à proposer des normes d’encadrement pourtant attendues.
    Initialement, le projet de loi ne comportait aucune mesure pour les jeunes majeurs. Grâce aux apports de l’Assemblée et du Sénat, il prévoit finalement un accès automatique à la garantie jeunes, ainsi qu’un droit au retour pour tout jeune sorti de l’ASE. C’était une nécessité afin que tous les efforts préalablement consentis ne soient pas anéantis brutalement.
    Notre collègue Jeanine Dubié s’était battue pour systématiser l’examen anticipé des dossiers de titres de séjour des mineurs étrangers isolés. Nous nous réjouissons que cette disposition adoptée au Sénat soit maintenue.
    Nous saluons également les mesures visant à accueillir prioritairement les fratries dans un même lieu, à améliorer les parcours de soins des enfants en situation de handicap et à autoriser la désignation d’un avocat pour les enfants capables de discernement.
    La mesure la plus emblématique est certainement l’interdiction de l’accueil des mineurs à l’hôtel. Il fallait écrire cette interdiction. Peut-être aurions-nous souhaité qu’elle soit posée de manière plus stricte encore, sans qu’on prévoie de situation d’urgence, parce que toutes les situations sont urgentes quand il s’agit de protection des enfants.
    Il faudra être prudent et, je le crains, patient pour que les départements atteignent réellement cet objectif. Ne jetons pas non plus la pierre à ces derniers : tous ne recourent pas à l’hébergement hôtelier, nous le savons. Les inégalités territoriales sont criantes en la matière. Il s’agit surtout d’envoyer un signal fort. Donnons-leur, donnons-nous à présent les moyens de faire respecter cette interdiction dans les plus brefs délais.
    Même s’il s’agit d’une compétence des départements, l’État doit être au rendez-vous, et le premier de tous est évidemment financier. J’y insiste, c’est bien le manque de moyens financiers et humains, qui nous empêche d’avoir une politique de protection de l’enfance à la hauteur des enjeux.

    Mme Clémentine Autain

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    Eh bien oui ! Voilà !

    M. Jean-Michel Clément

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    Beaucoup de situations évitables ne sont pas détectées à temps et un trop grand nombre de mesures éducatives ou d’accueil ne sont pas exécutées. Nous savons que les blessures de l’enfance sont souvent la cause des violences de l’adolescence, qui se terminent souvent dans la délinquance. Je le constate chaque jour en découvrant le profil des jeunes accueillis dans les deux centres éducatifs fermés (CEF) gérés par l’association que je préside.
    Concernant les assistants familiaux, il nous faut aller au-delà de la seule revalorisation salariale. Le Sénat a consacré les week-ends de repos mensuels, mais des efforts sont nécessaires en matière de formation et de logement. Et qu’en est-il des conditions de travail des autres salariés ? Eux aussi sont insuffisamment nombreux, et souvent très fatigués. Nous regrettons aussi que la PMI ne soit pas davantage abordée sur le plan social, au-delà de l’aspect sanitaire. Quant aux moyens en direction de la pédopsychiatrie, ils sont grandement insuffisants.
    Je terminerai par un regret, voire une incompréhension : pourquoi faire figurer dans un texte consacré à la protection des enfants des mesures qui ont davantage trait à la politique migratoire ? Nous ne pouvons aborder la situation des MNA à travers le seul prisme du contrôle et de l’évaluation de la minorité. Les parcours de ces jeunes gagneraient pourtant largement à être améliorés. Ce sont des enfants avant d’être des personnes étrangères, tâchons de ne pas l’oublier.
    Monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, légiférer pour améliorer la protection des enfants est une œuvre noble et délicate. De trop nombreux enfants connaissent encore un parcours chaotique, nous ne devons pas céder à la fatalité : leur passage par l’ASE ne doit pas déterminer le reste de leur vie. Le groupe Libertés et territoires apportera son soutien à ce texte, en dépit des quelques désaccords et frustrations que j’ai évoqués. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM, ainsi que sur le banc de la commission.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Clémentine Autain.

    Mme Clémentine Autain

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    Il y a quelques semaines, je recevais à ma permanence, à Tremblay, un groupe d’assistantes familiales qui me témoignaient à la fois la colère et le désarroi devant leur situation professionnelle. En Seine-Saint-Denis, leur nombre est passé de 800 à 470 pour toujours quelque 5 000 enfants placés à l’ASE, avec un âge moyen de 55 ans, des salaires maigres, très maigres, un travail qui ne connaît pas les week-ends, de nombreux frais qui ne sont pas remboursés à la hauteur du coût pour les familles – par exemple, avec 40 euros par mois pour habiller un enfant, surtout quand il est petit et qu’il faut souvent changer de taille, comment voulez-vous qu’elles s’en sortent ?
    Pour cacher votre incapacité à investir, financièrement et dans l’humain, en raison de votre choix de l’austérité, vous nous présentez un texte qui n’est pas en mesure de mettre fin à une situation très préoccupante ni de venir en aide, partout, sérieusement, aux mineurs isolés qui sont en danger. Ce texte aurait pu être l’occasion de renationaliser un dispositif qui ne doit pas faire subir aux enfants les conséquences inégalités territoriales. Emmanuel Macron lui-même affirmait le 6 janvier dernier, prenant le contre-pied de sa politique depuis cinq ans, que cette responsabilité devait incomber à l’État. Dès lors, quelle surprise que tous nos amendements dans ce sens aient été rejetés !
    Nous regrettons aussi que le texte n’interdise pas réellement le placement d’enfants dans les hôtels. Le dimanche 16 janvier, un jeune garçon de 17 ans est mort seul dans sa chambre d’hôtel, où l’avait placé l’ASE. Ces drames arrivent trop souvent et je note que l’étude d’impact du projet de loi souligne à raison que « le recours à l’hôtel porte une atteinte grave aux droits et aux besoins fondamentaux des enfants confiés à l’ASE ».
    Mais en même temps, si j’ose dire, vous nous proposez un texte qui évoque une interdiction pour 2024, laquelle n’a d’interdiction que le nom car il y a tant d’exceptions que la règle en devient presque risible. La Défenseure des droits s’en inquiète à juste titre. Elle note avec justesse que les situations d’urgence et de recueil provisoire concernent le plus souvent des enfants en grande fragilité qui ont besoin d’un suivi très soutenu : mineurs en rupture familiale ayant fui leur domicile, enfants ayant eu un parcours migratoire traumatique. Elle s’inquiète également du cas des enfants très vulnérables, qui ont connu de nombreuses ruptures de placement et qui sont hébergés par défaut dans des hôtels, livrés à eux-mêmes, donc, alors qu’ils ont besoin d’un accompagnement renforcé. Dans les faits, ce sont les mineurs non accompagnés qui seront les plus touchés par cette interdiction.
    Pendant ce temps, aucun moyen à la hauteur n’est mis sur la table pour que ces enfants puissent avoir des places d’hébergement ni pour réduire les délais d’exécution des décisions de placement des juges des enfants. Les enfants restent par conséquent en danger dans leurs familles, faute de place, et ils seraient, par exemple dans les Bouches-du-Rhône, plus de 750 en attente.
    Nous regrettons par ailleurs que le texte ne réponde en rien au problème des sorties sèches de l’ASE à la majorité. Rien ne garantit en effet dans ce texte un accompagnement aux jeunes majeurs. Les dispositions prévues ne rendent pas obligatoire la prolongation des mesures de protection jusqu’à l’âge de 21 ans et la décision de prise en charge relève toujours de l’appréciation du président du conseil départemental.
    Quant à la garantie jeunes, les dispositions du code du travail en rendent bien difficile l’application parce que, la Défenseure des droits l’a également souligné, ces jeunes ont besoin non seulement d’un accompagnement intensif vers l’emploi et d’une allocation – celle qu’on leur verse est dégressive, d’un montant équivalent à celui d’un RSA –, mais aussi d’un accompagnement réel, social et éducatif, vers l’autonomie.
    Enfin, j’insiste sur le fait qu’avec ce texte, le Gouvernement continue à cibler les enfants étrangers. Alors que vous affichez une volonté de protection des enfants, les dispositions qui touchent aux mineurs non accompagnés relèvent davantage d’un contrôle migratoire que d’une réelle amélioration de leur protection. La tendance à la création d’un droit spécifique aux MNA, les éloignant du périmètre de la protection de l’enfance, et de plus en plus flagrante.
    Les manques sont nombreux et ne nous étonnent plus. Où sont les dispositions pour consacrer la présomption de minorité, interdire les tests osseux ou encore le placement des enfants étrangers en centre de rétention administrative (CRA) ? Où est l’octroi de plein droit d’un titre de séjour pour les mineurs non accompagnés, pris en charge par les services de l’ASE ?

    Mme Michèle Peyron, rapporteure

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    Ce n’est pas le texte !

    Mme Clémentine Autain

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    Je sais bien ! Ce n’est pas le texte parce que la loi « asile et immigration » qui a honteusement été votée ici donne la mesure de votre incapacité à protéger les mineurs étrangers. Ce n’est pas votre sujet mais c’est le sujet de la protection de l’enfance et c’est, pour nous, notre sujet, absolument.
    C’est pourquoi le groupe La France insoumise ne participera pas à votre nouvelle opération de communication qui, derrière le tintamarre des annonces – j’ai bien écouté les rapporteures et le secrétaire d’État –, accouche d’une toute petite souris. Ce sont les enfants les plus déshérités, les plus fragiles qui en feront les frais et, avec eux, les femmes – c’est le plus souvent le cas – qui continueront à accomplir avec trois bouts de ficelle une mission indispensable pour notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon

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    Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit que ce projet de loi donnait de la visibilité aux questions liées à la protection de l’enfance. Je remercie les associations d’anciens enfants ayant suivi des parcours d’aide sociale à l’enfance de continuer de mettre ces sujets en lumière et de les porter dans le débat public. Ces associations expriment toujours de très fortes attentes et, devant ce projet de loi, leur déception est extrêmement forte.
    Elles avaient déjà été déçues par la proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l’autonomie. Elles y voyaient l’occasion d’entériner dans la loi des droits réels pour les enfants et pour celles et ceux qui sont passés par l’ASE. Pourtant, la généralisation des contrats jeunes majeurs a encore été refusée. Cette mesure fait pourtant l’unanimité chez les professionnels de la protection de l’enfance…

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    C’est beaucoup mieux que ça !

    Mme Elsa Faucillon

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    …comme chez celles et ceux qui attendaient protection – et ne l’ont pas toujours trouvée.
    Les études montrent combien les sorties sèches sont à l’origine de drames humains et les chiffres sont alarmants quant au développement des dépressions, des suicides, des addictions et de la pauvreté. Ce constat devrait inciter l’État à agir mieux et vite.
    Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine considère que le projet de loi n’est pas la hauteur. Comment pourrait-il l’être alors qu’il ne coûte pas un euro à l’État ? Protéger les enfants représente un coût et nécessite des moyens humains et financiers. Pas seulement, me direz-vous, mais ces moyens sont cependant indispensables !
    Votre texte n’évoque à aucun moment la notion de prévention de l’enfance en danger ou le manque de moyens dont souffre cette politique. Nous voyons pourtant dans tous les départements combien l’ASE est à bout de souffle. Les inégalités entre départements sont par ailleurs effarantes. Familles d’accueil surchargées, pénurie d’assistantes familiales, manque de moyens accordés à la justice et aux départements : tous ces manques ont un impact sur la vie des enfants, leur bien-être et leur sécurité.
    Ce projet de loi n’est pas à la hauteur non plus car il ne prend pas au sérieux les risques humains du placement hôtelier. Sur ce sujet, la CMP a aggravé le texte. Vous présentez l’interdiction du placement hôtelier comme la mesure phare du texte. Or l’article 3 n’interdit pas formellement le placement hôtelier : il crée une dérogation en l’autorisant en cas d’urgence. Il est facile d’imaginer comment les départements se saisiront de cette possibilité.
    Plusieurs collègues ont évoqué le cas d’un jeune retrouvé mort la semaine dernière dans un hôtel. Vous le savez, madame la rapporteure Pételle, car vous êtes comme moi députée des Hauts-de-Seine : il y a quelques années à Suresnes, un jeune avait déjà été tué par un autre jeune dans un hôtel. Il est urgent d’interdire le placement hôtelier, mais, pour cela, l’État doit dégager des moyens importants pour aider les départements à offrir aux enfants des placements dignes. (Mme Karine Lebon applaudit.) De toute évidence, il s’y refuse aujourd’hui. L’interdiction du placement hôtelier rejoindra bientôt toutes les mesures inappliquées à force d’être repoussées !
    Rappelons, par ailleurs, que le placement hôtelier concerne majoritairement les mineurs non accompagnés, auxquels le texte réserve un sort édifiant. Dans ce projet de loi sur la protection de l’enfance, les mesures qui concernent les MNA sont essentiellement des mesures de régulation migratoire. C’est honteux !
    Le texte n’est pas à la hauteur, enfin, pour les assistantes familiales, essentielles au bien-être et à la sécurité des enfants confiés. Il ne répond pas à leurs principales revendications : la sécurité de l’emploi, l’obtention d’un véritable statut de travailleuse sociale intégrée dans les équipes de la protection de l’enfance et la revalorisation des indemnités d’entretien.
    Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le projet de loi. Le report de mesures attendues depuis longtemps est très décevant et engendrera de nouveaux drames. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Monique Limon.

    Mme Monique Limon

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    Nous sommes réunis aujourd’hui pour le vote final du projet de loi relatif à la protection des enfants, après la CMP conclusive du 11 janvier dernier, grâce au travail constructif des rapporteurs du Sénat et de l’Assemblée nationale.
    Merci, monsieur le secrétaire d’État, de nous avoir donné avec ce texte l’opportunité d’améliorer le service rendu aux enfants. Je tiens à saluer le travail des rapporteures Bénédicte Pételle et Michèle Peyron, du groupe La République en marche et de tous nos collègues engagés dans la protection de l’enfance.
    Le projet de loi, qui traduit au niveau législatif la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022 initiée par le Gouvernement, a été enrichi par de nombreux amendements des rapporteures et de nos collègues, porteurs d’avancées significatives, au-delà même des mesures prévues par le texte initial. Ce travail parlementaire a permis d’inscrire de manière résolue la protection de l’enfance dans les promesses tenues de la politique sociale du Gouvernement.
    Le quotidien des enfants placés en famille d’accueil ou en institution est parfois semé d’embûches. Le texte améliore grandement leur quotidien, en instaurant notamment le principe de non-séparation des fratries en cas de placement des enfants, en interdisant l’hébergement des mineurs à l’hôtel d’ici à deux ans et en le limitant pour l’instant à deux mois, tout en excluant les mineurs porteurs de handicap ou atteints d’un trouble de santé du placement, même temporaire, à l’hôtel.
    Citons également la garantie d’une solution d’accompagnement pour les jeunes majeurs sortis de l’ASE jusqu’à leurs 21 ans et l’accompagnement des tiers dignes de confiance afin d’éviter les placements lorsque c’est possible. Je me réjouis aussi des nouvelles dispositions sur le parrainage, désormais encouragé et encadré officiellement, et sur le mentorat, qui sera proposé systématiquement dès l’entrée au collège. Accompagner les enfants le mieux possible et le plus longtemps possible, voilà ce que le projet de loi permettra désormais.
    Parce que les enfants font parfois face à des violences, ce texte vise aussi à les en protéger. Il prévoit, en effet, un contrôle des antécédents judiciaires des professionnels et des bénévoles intervenant auprès des enfants. Nous avons en outre étendu ce contrôle aux mineurs de plus de 13 ans vivant au domicile de l’assistant familial ou maternel, à l’exception de ceux accueillis en application d’une mesure de l’ASE. De même, le texte prévoit la création d’une nouvelle autorité extérieure à l’établissement ou au service d’aide sociale à l’enfance, qui pourra être saisie en cas de maltraitance, et consacre, dans les missions de l’ASE, son rôle à l’égard des mineurs victimes de prostitution. Nous faisons ainsi une réalité de la lutte contre les violences faites aux enfants.
    L’enfant étant souvent fragile et vulnérable, il est également important de renforcer les garanties procédurales en matière d’assistance éducative. Un pas important est franchi dans le projet de loi avec la désignation, si l’intérêt de l’enfant le justifie, d’un avocat pour l’enfant capable de discernement et d’un administrateur ad hoc pour l’enfant qui n’en disposerait pas : le juge pour enfants replace bien ici l’enfant au centre du dispositif. Cette mesure tenait à cœur à bon nombre d’entre nous.
    Les enfants sont au centre du projet de loi, mais il est également primordial d’améliorer les conditions de travail de ceux qui les accueillent : je pense ici aux assistantes familiales. Leur rémunération mensuelle est revalorisée au niveau du SMIC, dès le premier enfant accueilli. Leur intégration dans une équipe pluridisciplinaire est également renforcée afin de leur permettre de mieux suivre le développement de l’enfant sur le plan psychologique et éducatif.
    L’amélioration de l’exercice des missions de protection de l’enfance passe également par l’adaptation du cadre d’action de la protection maternelle et infantile. Cette adaptation se traduit de manière concrète dans le projet de loi par la garantie d’un encadrement des activités de PMI par des normes minimales en matière d’effectifs dans les équipes pluridisciplinaires.
    Nous allons plus loin en lançant également une expérimentation des maisons de l’enfant et de la famille (MEF) dans les départements volontaires, visant à améliorer la prise en charge des enfants et à assurer une meilleure coordination des professionnels de santé qui exercent auprès d’eux.
    Enfin, nous revalorisons le statut des sages-femmes en leur permettant d’être responsables des centres de planification et d’éducation familiale, désormais nommés centres de santé sexuelle.
    Parce que la gouvernance de la protection de l’enfance est complexe et fait intervenir de nombreux acteurs, nous la refondons totalement en réunissant ses acteurs historiques au sein d’un GIP financé à parts égales par l’État et les départements. La gouvernance territoriale sera également renforcée à travers l’établissement, à titre expérimental, d’un comité départemental pour la protection de l’enfance.
    Enfin, s’agissant des mineurs non accompagnés, nous interdisons les pratiques de réévaluation de la minorité par les départements et encadrons strictement la durée de leur accueil provisoire d’urgence.
    Chers collègues, si nous devons poursuivre, au-delà de ces mesures, notre engagement en faveur de la protection de l’enfance, les avancées permises par le projet de loi sont considérables. Elles sont attendues tant par les jeunes que par les professionnels engagés à leurs côtés. Le texte issu des conclusions de la CMP constitue une nouvelle étape en faveur d’une protection de l’enfance renforcée. C’est donc sans aucune réserve que le groupe La République en marche le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur le banc de la commission.)

    M. le président

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    La parole est à M. Alain Ramadier.

    M. Alain Ramadier

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    Ce projet de loi était très attendu par les professionnels, les associations et surtout par les enfants. Je pense aujourd’hui aux anciens enfants placés qui, lors de la mission d’information sur l’aide sociale à l’enfance que j’ai eu l’honneur de présider il y a trois ans et dont Perrine Goulet était rapporteure, ont témoigné des nombreuses défaillances et des manquements graves dont ils ont souffert. Leurs témoignages sur ce qu’ils avaient vécu avant et, malheureusement, après leur placement étaient glaçants et jamais je ne pourrai les oublier.
    Il y avait tant à faire, mes chers collègues : sur les ruptures de parcours, quand prévaut une autorité parentale chancelante dans sa prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant ; sur la santé et le suivi psychologique des enfants placés, alors que s’allongent les délais pour obtenir une consultation en centre médico-psychologique ; sur les mesures d’action éducative en milieu ouvert (AEMO) parfois instaurées plus d’un an, pendant lequel les enfants souffrent quotidiennement, après la décision de justice – à quoi servent ces mesures si elles ne sont pas appliquées ? – ; sur le contrôle des établissements et le taux d’encadrement dans les structures. Il y avait tant à faire également sur la gouvernance de la protection de l’enfance. Même s’il n’est pas question de remettre en cause la libre administration des collectivités territoriales, il est indispensable que cette politique publique soit la même partout.
    Bien que je regrette que le texte ne soit pas tout à fait à la hauteur des attentes, je me satisfais de ses avancées, qui permettront d’améliorer certains points sur lesquels il était nécessaire d’agir. Je m’en satisfais notamment pour les assistantes et les assistants familiaux, qui, pour la grande majorité d’entre eux, effectuent un travail exceptionnel. Leur dévouement quotidien auprès des enfants doit être salué et surtout valorisé. Sans eux, cette politique publique ne pourrait pas exister. Élargir les possibilités d’embauches, mieux les rémunérer et mieux les former n’est qu’un juste retour pour ces femmes et ces hommes qui ont choisi de faire de leur métier une aventure familiale, pas toujours facile, avec des contraintes, dans le seul but d’accueillir des enfants quand ils en ont le plus besoin.
    Le projet de loi met également fin aux placements dans les hôtels tout en laissant le temps aux collectivités de trouver des solutions adaptées. Aujourd’hui, 300 000 enfants sont pris en charge par les services de la protection de l’enfance : des enfants aux parcours de vie difficiles, qui ont été confrontés au pire et qui, pour certains, ont perdu leurs parents ; d’autres encore qui ont été abandonnés, maltraités, parfois même abusés. C’est pour ces enfants que les députés du groupe Les Républicains soutiendront le texte. Nous regrettons évidemment que certains apports du Sénat n’aient pas été conservés et que les remarques des associations n’aient pas suffisamment été entendues, mais l’important, pour nous, ce sont les enfants. Si le texte permet d’améliorer un tant soit peu leur situation, nous y sommes favorables.
    Nous resterons cependant vigilants, car d’autres lois, comme celle de 2016, ne sont toujours pas pleinement appliquées. Je vous l’ai dit, monsieur le secrétaire d’État, les attentes sont grandes et de véritables moyens devront être consacrés à l’application du projet de loi, sans quoi les déceptions seront profondes. La balle est dans votre camp et celui de votre administration. Comme souvent, les vraies difficultés surgiront du terrain. L’application de la loi exigera donc un suivi attentif et un contrôle accru et constant. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Perrine Goulet.

    Mme Perrine Goulet

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    Nous sommes réunis aujourd’hui pour une étape importante de cette législature : le vote d’un projet de loi sur la protection des enfants. Sur un tel sujet, le débat appelle une profonde exigence. Nous le devons aux enfants et aux professionnels. Cette exigence, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés l’a cultivée tout au long du parcours législatif du texte. Elle nous guidera ce soir lors du vote.
    La politique de protection de l’enfance relève uniquement des départements et s’accompagne donc des inégalités qui vont de pair avec la décentralisation. Ces faiblesses sont connues et régulièrement dénoncées. Qu’il s’agisse de reportages télévisés, de missions parlementaires comme celle que j’ai conduite avec Alain Ramadier, de rapports de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ou de la Cour des comptes, nous disposons de diagnostics transversaux, qui pointent les maux dont souffre la protection de l’enfance.
    Nous devons donc nous interroger : l’adoption du présent projet de loi permettra-t-elle de modifier les conclusions de ces rapports ? Nous l’espérons. Le texte comporte de très bonnes propositions, même si des éléments importants nous semblent manquer ; des évolutions seront ainsi nécessaires dans les années qui viennent.
    Je pense en premier lieu à la contractualisation, qui doit permettre de faire intervenir à nouveau l’État en matière de protection des enfants. Cette manière d’agir semble porter ses fruits mais nous ne pourrons l’analyser qu’en mettant à disposition des parlementaires que nous sommes, nous qui votons les budgets, les éléments de contrôle nécessaires à un tel examen.
    Le texte propose par ailleurs une expérimentation en matière de gouvernance locale. Il s’agit d’une initiative positive mais qui aurait pu être plus volontariste. Il revient désormais aux départements de s’en emparer pour prouver le bien-fondé d’une organisation de proximité, à l’écoute des professionnels et au service des enfants ; j’y suis très attachée.
    Enfin, nous aurions aimé pouvoir évoquer l’un des rouages essentiels de cette politique : les éducateurs. Bien sûr, la loi ne peut pas tout régler et cette question relève essentiellement de la négociation entre employeurs et salariés. Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, nous devrons rapidement nous pencher sur les conditions de travail, les formations et les qualifications de cette profession. En effet, ceux qui l’exercent le font souvent par vocation, mais c’est aussi un métier que l’on quitte, faute de perspectives et de reconnaissance. Nous venons d’agir en ce sens pour les assistants familiaux, dont le statut a été revalorisé. Nous saluons cette mesure qui était indispensable, tant l’attente était grande ; c’est un juste retour des choses pour ces femmes et ces hommes.
    Nous aurions par ailleurs aimé que la notion de secret partagé, permettant une meilleure prise en charge des professionnels œuvrant au quotidien de l’enfant, demeure dans le texte que nous allons voter. La prise en charge de ces enfants y aurait gagné.
    Les motifs de satisfaction sont néanmoins nombreux et nous tenons à les souligner. La rédaction sénatoriale de l’article 3, concernant l’interdiction à venir – dans deux ans – de l’hébergement hôtelier, représente une avancée nécessaire. Monsieur le secrétaire d’État, nous la souhaitions ardemment et nous devons nous réjouir que la chambre haute l’ait introduite. Nous saluons également l’introduction des dispositions relatives à la non-séparation des fratries et à l’obligation d’une prise en charge après 18 ans, ainsi que la création du registre national des assistants familiaux et surtout celle du référentiel unique d’évaluation, qui apporte enfin une réponse au besoin d’harmonisation.
    Le texte donne aussi une place à l’humain, et je m’arrêterai un instant sur les dispositions que notre collègue Mounir Mahjoubi et moi-même avons préconisées sur le parrainage.

    Mme Michèle Peyron,, rapporteure

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    Oui !

    Mme Perrine Goulet

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    Le parrainage, c’est offrir autre chose aux enfants, une présence sur le temps long qui va bien au-delà de la durée du placement dans la famille d’origine. Il permet d’introduire des modèles, de consacrer des ressources et du temps qui ne se réduisent pas à une logique comptable ; il permet de créer des liens, ces liens dont ont besoin les enfants pour se construire.
    Mais la mesure emblématique du texte, c’est celle qui a trait à la recherche systématique de tiers dignes de confiance. Nous l’avions défendue, Alain Ramadier et moi-même, il y a deux ans et demi, et c’est la mesure qui peut changer le destin des enfants placés. (Mmes Michèle Peyron, rapporteure, et Monique Limon applaudissent.) En faisant en sorte que les proches d’un enfant placé puissent le recueillir, nous introduisons un levier puissant dont les juridictions vont devoir se saisir. Là encore, ce droit va devoir s’affirmer et la justice devra l’intégrer.
    Le lien entre familles et justice est un peu distendu ; il doit être réparé. Dans ce contexte, l’avocat joue un rôle prépondérant. Nous avons avancé sur cette question en instaurant la possibilité pour le juge de faire nommer un avocat ou de faire désigner un administrateur ad hoc pour un enfant considéré comme « non discernant ». Je crois cependant que nous aurions pu aller encore plus loin : l’accompagnement systématique de chaque enfant par un avocat nous paraissait une solution plus juste et plus simple.

    Mme Bénédicte Pételle,, rapporteure et et Mme Cécile Untermaier

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    Très bien !

    Mme Perrine Goulet

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    À l’avenir, il faudra également réfléchir à donner plus de droits aux parents, notamment en permettant une contre-expertise sociale, comme c’est le cas dans toute procédure judiciaire.
    Les prochaines années seront donc décisives si nous voulons parvenir à une politique de protection de l’enfance ambitieuse, qui soit au service des enfants. C’est un objectif noble que celui qui consiste à offrir la protection de la République à celles et ceux que la vie ou leur famille a blessés. Nous devons en avoir conscience, nous devons en tirer fierté et nous devons continuer à travailler de manière exigeante ; nous le devons à tous ces enfants. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR.)

    M. le président

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    Sur le vote du projet de loi, je suis saisi par le groupe La République en marche d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Isabelle Santiago.

    Mme Isabelle Santiago

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    Nous y voilà. J’ai souvent dit que le temps de l’enfant n’était pas celui de l’adulte ; j’ai dit aussi que nous marchions tous, nous, adultes, dans les pas de notre enfance. Cette pensée m’a toujours accompagnée. Elle doit permettre de dépasser les clivages et les résistances, afin de donner lieu à de réelles avancées profitant aux enfants les plus fragiles, en particulier ceux qui sont concernés par la protection de l’enfance.
    Parmi les politiques sociales de la nation, la protection de l’enfance tient une place toute particulière : ayant vocation à repérer et à protéger les plus fragiles, elle mobilise une pluralité d’acteurs, dont l’État et les départements, pour compenser les défaillances de cadres familiaux ou les accidents de la vie qui laissent certains enfants sans protection. Quelque 350 000 enfants sont accompagnés et, à l’échelle nationale, les départements engagent en la matière un budget de 9 milliards d’euros. Ces politiques symbolisent mieux que toute autre la mobilisation de la nation, de la collectivité, des collectivités, pour garantir à ceux qui en ont le plus besoin – les enfants – la sécurité et le respect de leurs besoins fondamentaux. Nous devons avoir pour seule boussole l’intérêt supérieur de l’enfant.
    C’est ce qui nous a amenés à échanger, par-delà la pluralité de nos points de vue, tant à l’Assemblée qu’au Sénat, pour affronter ces questions. Ce faisant, nous n’avons pas omis de considérer les problèmes liés à la décentralisation et à la répartition des compétences, avec pour seule boussole – j’y insiste – l’intérêt de l’enfant. En effet, moi qui ai eu la chance d’être chargée de la protection de l’enfance pendant dix ans à l’échelle d’un département, je peux vous l’affirmer – et je ne cesserai de le faire et monsieur le secrétaire d’État le sait, puisque je le lui ai déjà dit –, parmi les dispositions que nous votons, à l’Assemblée, et qui concernent les départements en matière d’éducation nationale, de santé et de justice, nombreuses sont celles qui dépendent de l’État ! (Mme Karine Lebon applaudit.) Je pense en particulier aux IME – instituts médico-éducatifs – et aux ITEP – instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques –, mais la liste pourrait être longue.
    On peut tout demander aux départements et, croyez-moi, je fais partie des élus qui ont soutenu les politiques publiques les plus volontaristes en la matière. Mais ces politiques sont impossibles à mener si l’État ne suit pas ! S’agissant de l’enfance en danger, il doit donc absolument s’investir – et je ne doute pas qu’il en ait la volonté. Nous sommes tous des élus issus de circonscriptions dont nous constatons les manques. Aussi l’action publique doit-elle pouvoir s’adosser à une politique volontariste. C’est bien le sens de notre travail : nous partons de la réalité observée dans les territoires. Or je trouve, en l’espèce, qu’on demande beaucoup aux départements.
    Reste, en même temps, que le texte permettra de réelles avancées et, monsieur le secrétaire d’État, je m’en félicite. Il y avait beaucoup d’attentes autour de ce projet de loi et il y en aura toujours énormément en matière de protection de l’enfance, parce qu’il y va du devenir des enfants les plus fragiles. Ainsi, les enfants touchés par des psychotraumatismes ont besoin d’une prise en charge spécifique et d’une attention très particulière qui doivent toujours être conçues de manière transversale : pour bien les accompagner, nous devons nous appuyer sur des politiques publiques d’État qui font parfois défaut. Je ne suis pas au Sénat et je ne suis donc pas là pour défendre les collectivités, mais je connais cette réalité du terrain.
    Cependant, je le répète, le texte permet des avancées. Une me satisfait particulièrement parce qu’elle était absente du texte initial : c’est celle qui a trait aux jeunes majeurs. Je me réjouis qu’ils soient introduits dans le champ de la protection de l’enfance, même si je souhaitais que les 18-25 ans soient concernés, comme le préconisait la proposition de loi relative à l’accompagnement vers l’autonomie des jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance, que j’avais déposée en juin 2021. Le présent texte, lui, se limite aux 18-21 ans, et il faudra éviter que les départements ne profitent des financements liés au contrat d’engagement jeune pour faire autre chose en laissant les jeunes sur le bas-côté, ou bien pour leur proposer des contrats de trois ou six mois seulement. Il faudra vérifier qu’ils accompagnent bien les jeunes jusqu’à leurs 21 ans.
    De nombreuses avancées restent donc à accomplir dans le domaine de la protection de l’enfance, qui est une politique majeure, mais je me félicite de celles que contient le texte en ce qui concerne les fratries et le contrôle des antécédents judiciaires – notamment en matière de violences sexuelles – des professionnels intervenant dans les établissements, ainsi que les rémunérations des assistants familiaux, la PMI et les jeunes majeurs, même si tout n’est pas parfait.
    Je nourris cependant quelques frustrations, monsieur le secrétaire d’État, qui concernent en particulier les MNA et les deux années laissées aux départements pour se conformer à l’interdiction d’héberger à l’hôtel les mineurs pris en charge par l’aide sociale à l’enfance.

    M. le président

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    Il est temps de conclure, madame Santiago.

    Mme Isabelle Santiago

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    Je l’ai dit en CMP : il n’est pas raisonnable d’attendre deux ans car nous savons ce qui va se passer dans les départements – malgré l’interdiction, ils prendront leur temps pour se soumettre à la nouvelle règle. C’est pour ces deux raisons majeures que le groupe Socialistes et apparentés s’abstiendra.

    Plusieurs députés du groupe LaREM

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    Ah non !

    M. le président

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    La parole est à Mme Alexandra Louis.

    Mme Alexandra Louis

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    Le groupe Agir ensemble se réjouit que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord sur le projet de loi relatif à la protection des enfants. Le texte sur lequel nous sommes amenés à nous prononcer est le fruit d’un débat constructif, alimenté par tous les bancs de nos assemblées et qui a considérablement enrichi le projet de loi initial. S’il est un texte qui doit nous rassembler, c’est bien celui-là, tant les difficultés éprouvées par les enfants placés sont grandes et nous commandent d’agir de manière responsable.
    Parce que « les choses de l’enfance ne meurent pas [et] se répètent comme les saisons », pour reprendre les mots d’Eleanor Farjeon, chaque enfant mérite de grandir dans l’amour et la sécurité. Lorsque la cellule familiale ne parvient pas ou plus à remplir cette mission première, il est du devoir de la société d’accueillir en son sein les malmenés du destin, et ce dès le commencement de leur vie. C’est la vocation des services de l’aide sociale à l’enfance. J’aurai un mot pour tous les éducateurs, les assistants familiaux, les psychologues et les bénévoles qui œuvrent au quotidien, avec dévouement et persévérance, pour ne laisser aucun enfant livré à son sort.
    Les graves dysfonctionnements révélés ces dernières années dans les structures de l’ASE ne doivent pas entacher l’intégrité et le professionnalisme de l’immense majorité des acteurs de la protection de l’enfance. Leur divulgation ne doit pas non plus rester lettre morte car ils sont le reflet des difficultés d’un système qui souffre de profondes disparités territoriales, de rigidités obsolètes et de normes procédurales engoncées dans une vision dépassée et parfois contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant.
    Ces défaillances qui minent des existences sont parfaitement décrites dans le téléfilm L’Enfant de personne, inspiré du parcours de Lyes Louffok, dont je salue le combat. Le présent projet de loi vise à y remédier et comporte plusieurs avancées décisives. Il permet tout d’abord d’améliorer le quotidien et la sécurité des enfants : parce que les enfants n’ont pas leur place à l’hôtel, nous nous réjouissons que le Sénat ait entériné l’interdiction définitive du recours à ce type d’hébergement d’ici à 2024. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer que l’État sera bien aux côtés des départements pour les soutenir dans cette transition ?
    Parce que le maintien dans un environnement sécurisant et familier doit toujours être privilégié, nous nous félicitons aussi que l’article 1er prévoie que l’on cherche systématiquement à confier l’enfant à un membre de sa famille ou à un tiers digne de confiance. De même, nous consacrons dans la loi le principe de non-séparation des fratries. Enfin, la vérification des antécédents judiciaires permettra de garantir qu’aucune personne condamnée pour des infractions sexuelles ou violentes ne puisse intervenir auprès des enfants protégés. À l’initiative de notre groupe, le texte prévoit à cette fin un réexamen régulier du casier judicaire des personnes concernées.
    Le projet de loi contient aussi des mesures visant à lutter contre les sorties sèches de l’ASE, afin d’en finir avec l’âge couperet de 18 ans. Nous posons les bases d’un véritable continuum d’accompagnement et de protection pour les jeunes majeurs qui sortent de l’ASE. Afin de favoriser leur insertion socio-professionnelle, un contrat d’engagement jeune leur sera systématiquement proposé, et ils bénéficieront d’un droit de retour à l’ASE jusqu’à leurs 21 ans. Pour mieux anticiper la fin de la prise en charge, nous renforçons en outre l’entretien préalable, qui devra désormais avoir lieu au plus tard un an avant la majorité. Grâce à l’initiative de notre collègue Paul Christophe, le service de l’ASE devra alors notifier au jeune les conditions de son accompagnement vers l’autonomie.
    Le projet de loi permet également d’améliorer les conditions d’exercice des assistants familiaux. Cela passe évidemment par une rémunération au moins égale au SMIC dès le premier enfant, et par l’instauration d’un week-end de repos mensuel. Compte tenu du temps qui m’est imparti, je ne peux être exhaustive, mais j’ajoute que nous saluons aussi les avancées accomplies dans le domaine de la protection maternelle et infantile. Ses services sont essentiels pour prévenir les risques de maltraitance – j’insiste sur ce point –, pour repérer les signes de fragilité familiale et pour prendre en charge les mineurs en danger.
    En ce qui concerne les mineurs non accompagnés, nous nous réjouissons que les deux assemblées soient parvenues à un accord pour réviser la clef de répartition territoriale et pour interdire les réévaluations de la minorité.
    Ce projet de loi marque une étape importante dans l’amélioration de la protection des enfants, à laquelle nous continuerons de travailler. Parce qu’il comporte de belles avancées, le groupe Agir ensemble votera avec conviction en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens et LaREM.)

    M. le président

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    La discussion générale est close.

    Texte de la commission mixte paritaire

    M. le président

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    J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisi.
    Les amendements nos 1, 2, 3, 4 et 5 du Gouvernement sont des amendements de coordination.

    (Les amendements nos 1, 2, 3, 4 et 5, acceptés par la commission, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements qui viennent d’être adoptés.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        117
            Nombre de suffrages exprimés                111
            Majorité absolue                        56
                    Pour l’adoption                109
                    Contre                2

    (Le projet de loi est adopté.)
    (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    5. Restitution des biens culturels des victimes de persécutions antisémites

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites (nos 4632, 4911).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la culture.

    Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture

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    Permettez-moi, tout d’abord, de saluer les ayants droit et représentants d’Eleonore dite Nora Stiasny, Armand Dorville et David Cender, présents dans les tribunes du public.
    Voilà près de soixante-dix-sept ans que les armes se sont tues dans notre Europe ravagée par la seconde guerre mondiale. Nombre de responsables des crimes odieux qui ont été commis ont été poursuivis, jugés et condamnés. Le temps passant, la plupart sont décédés. La mémoire du nazisme et de la Shoah continue de se construire et de se transformer, sans s’effriter avec le temps, bien au contraire. C’est bien le sens du déplacement que j’effectuerai à Auschwitz avec le Premier ministre jeudi pour commémorer le soixante-dix-septième anniversaire de la libération des camps de la mort.
    Dans le monde de la culture, dans les musées et les bibliothèques, la mémoire de la persécution et de la Shoah est également présente. Car les institutions culturelles, dans l’Europe entière, ont été liées à cette histoire, souvent malgré elles, mais parfois aussi avec leur complicité. Des œuvres d’art et des livres spoliés sont toujours conservés dans des collections publiques – des objets qui ne devraient pas, qui n’auraient jamais dû y être.
    La persécution des Juifs a connu de multiples formes. Bien souvent, avant l’élimination méthodique, avant l’extermination, il y eut les vols des biens des Juifs, sommés de tout abandonner. Ces spoliations recouvrent des réalités diverses : vol, pillage, confiscation, « aryanisation » – pour reprendre le vocabulaire des nazis et du régime de Vichy – ou encore vente sous la contrainte. Au-delà de la dépossession, la spoliation constitue une atteinte grave à la dignité des individus : elle est la négation de leur humanité, de leur mémoire, de leurs souvenirs, de leurs émotions. Aujourd’hui, les œuvres spoliées non restituées sont parfois les seuls biens qui restent aux familles.
    C’est donc avec beaucoup d’émotion que je présente ce soir le projet de loi relatif à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites, adopté à l’unanimité par la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Il s’inscrit dans la continuité de la politique de réparation lancée par le président Jacques Chirac dans son discours du Vél d’Hiv en 1995 sur la responsabilité de l’État dans la déportation des Juifs de France, et des travaux de la mission d’étude dite Mattéoli sur la spoliation des Juifs de France. Cette démarche a été confortée en juillet 2018 par la volonté du Premier ministre de « faire mieux » en matière de recherche et de restitution des œuvres d’art et d’être à l’écoute des familles et des descendants des spoliés. À cette fin, le ministère de la culture s’est doté en 2019 d’une mission spécifiquement consacrée à l’identification des œuvres spoliées présentes dans les collections.
    Ce projet de loi, je le crois, peut être qualifié d’historique, car c’est la première fois depuis l’après-guerre qu’un gouvernement engage une démarche permettant la restitution d’œuvres des collections publiques – nationales ou territoriales – spoliées pendant la seconde guerre mondiale ou acquises dans des conditions troubles pendant l’Occupation, en raison des persécutions antisémites.
    Il faut souligner le travail collectif qui a permis ces restitutions : le travail des familles et des ayants droit, ainsi que des chercheurs qui sont à leur côté, mais aussi celui des services du ministère de la culture, de la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation (CIVS), des musées nationaux et des collectivités territoriales. La CIVS était compétente pour deux des quatre dossiers concernés par le texte. L’État comme la ville de Sannois ont suivi exactement ses recommandations.
    Cette démarche de restitution engagée par la France est attendue car nos musées, comme les musées du monde entier, sont confrontés à la nécessité de s’interroger sur l’origine de leurs collections. Le parcours des œuvres de nos collections pendant la période courant entre 1933 et 1945 doit être étudié toujours plus avant. Le Gouvernement propose aujourd’hui une loi d’espèce, portant sur quatre cas.
    Le premier est celui du tableau Rosiers sous les arbres de Gustav Klimt, acheté en 1980 par l’État. Les recherches menées à l’époque sur la provenance de l’œuvre n’avaient pas permis d’identifier des doutes sur son historique, compte tenu de la connaissance alors limitée de la collection dont elle était issue. Il s’est avéré bien plus tard, il y a quelques années, que ce tableau pouvait correspondre à l’œuvre intitulée Pommier, que Nora Stiasny, nièce du collectionneur juif viennois Viktor Zuckerkandl, avait été contrainte de vendre en août 1938, pour une valeur dérisoire, quelques mois après l’Anschluss et le début des persécutions antisémites. Les recherches menées par des chercheurs autrichiens, par le musée d’Orsay – que je remercie particulièrement – et par les services du ministère ont permis de confirmer cette hypothèse. La spoliation étant avérée, nous avons sans hésiter validé le principe de la restitution de ce tableau, unique toile de Klimt dans les collections nationales. Cette œuvre majeure doit retrouver ses propriétaires légitimes, au nom de la mémoire de Nora Stiasny, qui fut déportée et assassinée en 1942.
    Le deuxième ensemble est composé de onze œuvres graphiques de Jean-Louis Forain, Constantin Guys, Henry Monnier et Camille Roqueplan, relevant du musée d’Orsay et du musée du Louvre, et d’une sculpture de Pierre-Jules Mène conservée au château de Compiègne, acquises par l’État en juin 1942, à Nice, lors de la vente publique qui a suivi le décès d’Armand Dorville, avocat français juif. La CIVS, saisie par les ayants droit d’Armand Dorville, a considéré que cette vente n’était pas spoliatrice car elle avait été décidée par les héritiers qui en avaient finalement touché le produit et ne l’avaient pas remise en cause après la guerre. Le produit de cette vente, organisée par la succession du collectionneur, a cependant été, le premier jour, placé sous administration provisoire par le Commissariat général aux questions juives. Outre une indemnisation justifiée par l’immobilisation du produit de la vente jusqu’à la fin de la guerre, la Commission a recommandé, « en équité », que les douze œuvres achetées par l’État lors de cette vente soient « remises » aux ayants droit, en raison du « contexte trouble » de cette acquisition. En effet, l’acheteur pour le compte de l’État avait eu connaissance de la mesure d’administration provisoire et avait eu des contacts avec l’administrateur nommé par Vichy. Le Gouvernement s’est conformé à cette recommandation et propose donc de remettre ces œuvres aux ayants droit.
    Le texte vise également à restituer le tableau Carrefour à Sannois de Maurice Utrillo, acheté par la ville de Sannois en 2004 pour son musée Utrillo-Valadon. Il s’est révélé avoir été volé chez Georges Bernheim, marchand d’art à Paris, par le service allemand de pillage des œuvres d’art dirigé par Alfred Rosenberg, en décembre 1940. Informée par une chercheuse de provenance indépendante, la CIVS a recommandé la restitution du tableau à l’ayant droit de Georges Bernheim, victime des persécutions antisémites. Je salue l’engagement de la ville de Sannois dont le conseil municipal s’est prononcé à l’unanimité pour cette restitution juste et nécessaire, et pour la sortie de cette œuvre de son domaine public.
    Enfin, le texte propose la restitution du tableau Le Père de Marc Chagall, qui relève du musée national d’art moderne. Cette œuvre, entrée dans les collections nationales par dation en paiement des droits de succession en 1988 sans aucune connaissance – ni par la famille ni par l’État – d’une éventuelle provenance problématique, s’est révélée très récemment avoir été volée à Lodz, en Pologne, à David Cender, pendant ou après le transfert des Juifs vers le ghetto de la ville en 1940. Le parcours de ce tableau est très particulier : peint par Chagall en 1912, l’œuvre n’a plus été la propriété de l’artiste à partir d’une date inconnue, sans doute entre 1914 et 1922. Elle a circulé jusqu’en Pologne où elle a été volée à David Cender, puis a probablement été rachetée par Marc Chagall, sans doute après 1947 et au plus tard en 1953. Le lien entre le tableau et la spoliation subie par David Cender a été découvert récemment.
    Les démarches menées après-guerre par David Cender lui-même ont permis de s’assurer qu’il avait été le propriétaire d’une œuvre de Chagall, spoliée dans le cadre des persécutions antisémites et correspondant au tableau Le Père. Les recherches sur la provenance de cette œuvre ont abouti seulement après le dépôt du projet de loi. C’est pourquoi le Gouvernement, estimant nécessaire de procéder sans délai à sa restitution, a proposé l’ajout d’un article 4, par un amendement qui a été adopté par la commission des affaires culturelles – je l’en remercie.
    Je sais que des questions ont été – et seront – soulevées concernant l’opportunité d’une telle loi, certains regrettant l’absence d’un dispositif, créé par une loi-cadre, qui permettrait une restitution plus aisée des œuvres spoliées, sans qu’il soit nécessaire de présenter de nouvelles lois d’espèce au Parlement. Dans son avis, le Conseil d’État lui-même a souligné qu’il manquait un dispositif plus simple.
    Pour l’heure, il a paru capital au Gouvernement de soumettre à la représentation nationale ces dossiers spécifiques. Il s’agira en effet de la première loi organisant la sortie du domaine public d’œuvres spoliées des collections nationales ou territoriales, en vue de leur restitution.
    L’engagement pris par notre pays, notamment concernant le tableau de Klimt, a été salué unanimement et devait vous être soumis. Il fallait aller vite dans la mise en œuvre de ces restitutions, dont certaines – comme celle du tableau d’Utrillo – étaient en attente depuis plusieurs années.
    Cependant je suis favorable, comme je crois la plupart d’entre vous, à l’adoption d’une loi-cadre permettant la création d’un dispositif de restitution des œuvres spoliées dans le cadre des persécutions antisémites pendant cette période. Nous y viendrons, cette étape s’imposera.
    La réflexion actuelle sur une loi-cadre relative à la restitution des biens issus d’un contexte colonial, voulue et annoncée par le Président de la République en octobre dernier, nous engage évidemment sur le même terrain pour ce qui concerne les spoliations antisémites de la période 1933-1945.
    Un nouveau dispositif est souhaitable mais doit être affiné et ne peut, vous en conviendrez tous, être mis en œuvre à la toute fin du quinquennat. Le ministère y a travaillé mais vous constatez la complexité des dossiers ; les critères de spoliation, les bornes géographiques et temporelles, devront en effet être pesés avec précaution.
    Pour l’heure, dans l’attente de l’aboutissement de ces travaux, nous souhaitons faire sortir ces œuvres du domaine public ; c’est une avancée majeure. Mais il y aura d’autres restitutions et nous saurons proposer un nouveau dispositif.
    Nous n’évoquons pas ce soir un projet de loi ordinaire. Il constitue véritablement une première étape, à l’initiative de la France, qui est à l’écoute des familles touchées par les persécutions antisémites, pour permettre, pour la première fois, la restitution d’œuvres des collections publiques – nationales ou territoriales – spoliées pendant la période nazie ou acquises dans des conditions troubles pendant l’Occupation, en raison des persécutions antisémites.
    Je ne doute pas que l’ensemble de la représentation nationale saura donc se rassembler autour de ce texte historique. (Applaudissements sur tous les bancs.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Fabienne Colboc, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

    Mme Fabienne Colboc, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Nous vivons, je le crois, un moment historique, de ceux qui élèvent et permettent, sans jamais les guérir, de panser les plaies de notre histoire ; de ceux qui contribuent, sans jamais les effacer, à redresser les torts commis, dans la mesure de nos moyens. Ce moment historique a lieu deux jours avant le 27 janvier, journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité.
    Les spoliations font partie des atrocités auxquelles le régime de Vichy a participé durant la seconde guerre mondiale. Dépossessions par violence ou par fraude, elles ont débuté dès les premières semaines de l’Occupation et ont touché très majoritairement des familles juives. Elles ont privé ces familles, souvent sous le couvert de prétendues lois, de comptes bancaires, d’entreprises, de livres, d’œuvres d’art ou encore d’instruments de musique.
    Ces spoliations ont joué un rôle central dans la politique d’exclusion sociale et économique des Juifs de France et d’Europe. Tout comme la déportation et l’extermination, elles ont été conduites par le régime nazi avec la complicité active de l’État français sous l’Occupation. Nous ne réparerons pas l’irréparable. La dette que l’État conserve à l’égard des victimes et de leurs familles est imprescriptible, comme le reconnaissait le président Jacques Chirac en 1995.
    Cependant, il est de notre devoir individuel et collectif, comme citoyens, comme députés, comme institution, comme nation, d’œuvrer autant que nous le pouvons pour rendre à ces familles une part de leur histoire et de leur identité, parfois la seule trace matérielle de l’existence d’un ancêtre victime de la Shoah.
    Le texte que nous examinons est sans précédent. Il s’agit, pour la première fois, de faire sortir des œuvres du domaine public parce qu’elles ont été spoliées ou acquises dans des conditions contestables, pour les retourner à des particuliers qui en sont les légitimes propriétaires.
    Ceci permettra de lever le caractère inaliénable de ces œuvres qui empêche aujourd’hui de les remettre ou de les restituer. Ce sont ainsi quatre familles qui verront revenir des tableaux, des dessins et une cire, quatre familles dont nous reconnaissons solennellement que leurs ancêtres ont été victimes de persécutions.
    L’article 1er autorise la sortie des collections publiques du tableau de Gustav Klimt, Rosiers sous les arbres, confié à la garde du musée d’Orsay. Il sera restitué aux ayants droit de Nora Stiasny, une femme autrichienne de confession juive qui avait été contrainte de le vendre à vil prix en 1938 pour s’acquitter des taxes imposées aux Juifs. Le musée d’Orsay avait acquis ce tableau en 1980 avant que des recherches autrichiennes puis françaises n’établissent la spoliation.
    L’article 2 autorise la remise de douze œuvres que l’État a achetées au cours d’une vente aux enchères organisée en 1942 pour la succession de l’avocat de confession juive Armand Isaac Dorville. Si la vente elle-même ne constituait pas une spoliation, le fait que son produit ait été rendu indisponible pour les héritiers jusqu’à la Libération justifie des mesures de réparation.
    L’article 3 autorise la restitution d’un tableau de Maurice Utrillo, Carrefour à Sannois, acheté par la ville de Sannois en 2004 au cours d’une vente publique à Londres. Il a été établi en 2018 que ce tableau provenait du pillage du domicile parisien du collectionneur Georges Bernheim, perpétré en décembre 1940 par le service allemand de pillage des œuvres d’art, l’ERR.
    Enfin, nous avons adopté en commission un quatrième article qui permet la restitution du tableau Le Père de Marc Chagall aux ayants droit de son propriétaire polonais, David Cender, à qui le tableau avait été volé lorsque celui-ci avait été interné de force en 1940 dans le ghetto de Lodz.
    Pour intensifier ces restitutions, notre pays a entrepris des démarches importantes ces dernières années car il est aujourd’hui certain que d’autres œuvres spoliées figurent dans les collections publiques.
    L’ensemble du monde de l’art, aussi bien les musées que les institutions publiques et les maisons de vente, se mobilise aujourd’hui sur cette question, laquelle a également pris une importance croissante sur la scène internationale, comme en témoigne l’adoption des principes dits de Washington en 1998. Quarante-quatre États s’étaient alors engagés à « trouver une solution juste et équitable » face à de telles situations, engagement renouvelé à deux reprises dans les années 2000.
    En France, depuis 2019, la mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 appuie désormais les travaux de la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations, créée en 1999. Toutes deux accomplissent une mission remarquable. La systématisation des recherches de provenance, l’ouverture d’archives ou encore l’intégration de ces enjeux au sein des formations sont également à saluer.
    Nous espérons que ces démarches se poursuivront et se concrétiseront par une augmentation du nombre des restitutions mais aussi par une accélération de procédures qui prennent parfois de longues années. C’est absolument nécessaire, compte tenu notamment de l’âge des héritiers en mesure d’identifier des œuvres ayant appartenu à leurs aïeux.
    Il y va aussi de l’éthique des collections, des institutions muséales et des personnes publiques qui ne peuvent plus désormais tolérer de conserver des œuvres sur lesquelles l’origine ou le parcours projettent une tache indélébile.
    Le texte que nous examinons est un projet de loi d’espèce, qui permet de couvrir quatre restitutions sur les probables dizaines ou centaines qui resteront à effectuer dans les prochaines années. Mais la question de la méthode se posera certainement. Le recours au législateur est nécessaire, les œuvres appartenant aux collections publiques. Toutefois, nous mesurons les difficultés qu’une telle procédure peut créer, en particulier en matière de délai – celui que supposent l’inscription à l’ordre du jour et la navette parlementaire – et qu’on ne peut décemment faire subir aux ayants droit.
    Mais il apparaît également complexe de fixer un cadre, une forme d’automaticité : comment définir les critères et le champ géographique ou temporel des actes considérés comme spoliateurs ? Quelles œuvres, quels objets seraient concernés ?
    En outre, il faut faire attention à ne pas banaliser ces restitutions en leur conférant un caractère purement administratif. Comme en témoignent les discussions que nous avons aujourd’hui, il est important que nous nous souvenions de l’histoire qui a été la nôtre il y a soixante-quinze ans mais aussi que nous rappelions les responsabilités qui demeurent les nôtres, liées au devoir de mémoire et à la réparation.
    Pour conclure, je salue les familles des victimes de spoliations, dont certaines sont venues assister à ce moment important, et je leur rends hommage.
    Je tiens aussi à remercier Mme la ministre pour son travail et son engagement en faveur des restitutions. Je sais que ce dossier était prioritaire pour elle et le fait que nous examinions le projet de loi avant la fin de la législature le prouve. Je remercie également toutes les personnes qui œuvrent, dans les musées et dans les institutions, pour rendre possibles ces restitutions, ainsi que les historiens qui travaillent sur ces questions. Je veux enfin rendre hommage à la première des investigatrices, Rose Valland.
    Ce projet de loi n’est pas un aboutissement mais une première étape très importante. Je suis certaine que, comme en commission, nous soutiendrons ce texte d’une seule voix. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Je ne reviendrai pas sur le caractère exceptionnel de la loi que nous examinons aujourd’hui ni sur le principe d’inaliénabilité – Mme la ministre et Mme la rapporteure s’en sont chargées avec talent.
    En revanche, je tiens souligner combien ce texte est l’aboutissement d’une recherche de provenance longue et méticuleuse effectuée par la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations et par les services du ministère de la culture que je félicite.
    À la lecture de l’étude d’impact, on ne peut qu’être frappé par la singularité et la complexité du parcours de ces œuvres. Toutes, néanmoins, ont en commun de témoigner de destins et de vies brisées par les persécutions antisémites, entre 1933 et 1945, en France et en Europe.
    L’essentiel des restitutions des œuvres pillées par l’occupant nazi a eu lieu dans l’immédiat après-guerre par la Commission de récupération artistique, grâce notamment à l’inventaire contradictoire établi en secret par Rose Valland, attachée de conservation au musée du Jeu de paume. Le travail de restitution fut délaissé après cet effort initial, laissant encore quelque 2 000 œuvres en dépôt dans les musées nationaux – les fameuses œuvres MNR, Musées nationaux récupération, dont il n’est pas question ici.
    Il fallut attendre cinquante ans pour que la France accepte de rouvrir ce chapitre et de regarder son histoire en face. Le discours de Jacques Chirac de 1995, qui reconnaît la responsabilité de la France dans la déportation des juifs de France ouvre la voie à cette introspection. La mission confiée à Jean Mattéoli en 1997, puis la création, deux ans plus tard, par le Premier ministre Lionel Jospin, de la CIVS, réaffirment l’actualité du processus de restitution, qualifié par le Premier ministre Alain Juppé de devoir national.
    Malgré l’important travail effectué par la CIVS depuis sa création il y a plus de vingt ans, la politique française en matière de restitution des œuvres spoliées a fait l’objet de critiques, exprimées notamment dans deux rapports d’information, l’un du Sénat en 2012 et l’autre de l’Assemblée nationale en 2014. C’est en effet « un domaine dans lequel nous devons faire mieux », comme l’a réaffirmé le Premier ministre Édouard Philippe lors de la commémoration de la rafle du Vél d’Hiv en 2018. L’extension des pouvoirs de la CIVS en 2018 et la création en 2019, au sein du ministère de la culture, d’une mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 participent de cette démarche, et je veux saluer ici le rôle de l’actuel Premier ministre Jean Castex pour faire respecter la parole donnée par le Président de la République, Emmanuel Macron. Le texte que nous examinons aujourd’hui est le résultat de cette politique volontariste. Mais on ne peut pas s’en contenter.
    Si, pendant longtemps, la question de la provenance n’a pas été centrale, elle s’impose aujourd’hui comme une nouvelle exigence. La France s’est d’ailleurs engagée à y répondre lors de la conférence de Washington en 1998. Depuis 2013, l’État recherche de manière très active les ayants droit des propriétaires d’œuvres MNR et, depuis 2020, les recherches de provenance des œuvres qu’il a acquises entre 1933 et 1945 se systématisent progressivement. Mais nous devons encore aller plus loin pour étendre cette démarche à l’ensemble des collections publiques et ne plus se limiter aux seules œuvres acquises pendant l’Occupation. Il faut également faciliter et stimuler la recherche sur les collections au sein des musées, y compris par des chercheurs extérieurs. Au-delà de l’investissement de la CIVS et du ministère de la culture, je tiens à cet égard à saluer le travail des historiens, notamment des historiens de l’art, pour leur contribution à notre connaissance de la période.
    Il s’agit du premier texte de ce type que nous examinons et déjà nous nous interrogeons sur l’opportunité d’une loi-cadre pour la restitution de l’ensemble des œuvres spoliées durant la période nazie. En effet, de l’aveu des spécialistes, le nombre d’œuvres concernées dans les collections publiques est amené à se multiplier dans les années qui viennent. Je comprends l’intérêt de définir une procédure administrative générale permettant la sortie des objets concernés des collections publiques, mais au regard de la diversité de parcours des œuvres je ne suis pas certain qu’une loi-cadre permette en effet dans l’immédiat, madame la ministre, d’appréhender toutes les situations. Surtout, elle se substituerait à la solennité d’un vote de restitution par le Parlement, qui constitue, en tant que tel, un moment fort de reconnaissance par l’État du destin tragique des propriétaires de ces œuvres et de sa propre responsabilité.

    Mme Valérie Bazin-Malgras

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    Tout à fait !

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Et à ceux qui craignent que l’encombrement de l’ordre du jour n’interdise l’examen d’un ou deux projets de loi de restitution par an, je rappellerai qu’il existe des procédures qui permettent d’accélérer le travail législatif – je me réjouis de la promptitude avec laquelle nous avons travaillé sur ce texte ces dernières semaines, occasion de saluer les services de l’Assemblée.
    Enfin, je rappellerai les propos de l’historien Émile Terroine, acteur central du processus de restitution à la Libération : « La restitution des biens spoliés est une œuvre de justice et d’humanité dont la signification morale et politique dépasse de beaucoup les valeurs matérielles. Elle doit être aux yeux de la France et du monde une des grandes manifestations tangibles du rétablissement du droit et du rétablissement de la légalité républicaine. » Je pense que nous nous retrouverons tous dans cette définition. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Sophie Mette applaudit également.)

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon

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    La spoliation des femmes et des hommes juifs durant la seconde guerre mondiale, et plus largement durant la période nazie, résultait d’une politique s’inscrivant dans le projet de génocide établi par le IIIe Reich, les deux étant intimement liés. Les actes de pillage entraient dans le cadre de la promotion d’un nouvel ordre culturel promu par Hitler. En France, ce projet politique de spoliation s’est concrétisé par soixante-neuf actes dits lois, soixante et onze décrets et autant d’arrêtés, jugés conformes par le Conseil d’État et appliqués par l’administration.
    Ces biens illégalement acquis dans le sang ont constitué un butin pour notre État mais aussi pour de nombreuses familles françaises. Le dire et tenter d’y apporter réparation, c’est assumer un devoir de mémoire vivant qui doit nous alerter en permanence sur les atrocités commises ; restituer ces biens spoliés nous conduit à regarder notre histoire en face, c’est tenter de rendre justice aux morts et à leurs descendants. Nous portons historiquement, dans ma famille politique, cette exigence à la fois politique, humaine et culturelle. Ces actes de restitution sont aussi une manière de rappeler le passé à l’heure où certains le révisent et tentent de réhabiliter Vichy.
    Pour ces premières raisons, j’indique d’emblée que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera ce projet de loi, et ce non sans émotion. Ce texte faisant, je l’espère, l’unanimité, je souhaite maintenant tracer quelques pistes de réflexion qui pourraient améliorer notre politique de restitution de biens culturels aux ayants droit des propriétaires victimes de persécutions antisémites, tout en l’élargissant à d’autres cas, étant entendu qu’il faut amplifier les actes de restitution.
    Premièrement, il faut investir davantage dans cette mission qu’est la restitution. Rappelons que la mise à disposition de moyens et de personnels figure parmi les onze principes applicables aux œuvres d’art confisquées par les nazis et adoptés lors de la conférence de Washington en 1998. Pourtant, il faut le reconnaître, cette recherche souffre d’un sous-investissement chronique. Aujourd’hui – et c’est heureux –, l’État est dans l’obligation de vérifier la provenance des œuvres qu’il acquiert, mais cette recherche est trop peu approfondie faute de moyens. La restitution, vous le savez, madame la ministre, est le fruit d’un long travail et ne se déclare pas d’emblée : il faut de la recherche, des moyens humains et financiers, j’y insiste, et une collaboration entre pays ; il est également nécessaire de développer les liens entre l’université et les musées, et de faire de cet enjeu de la restitution un enseignement majeur. La recherche de provenance est donc centrale, et pas seulement pour les œuvres spoliées. Cette vérification doit faire partie de la carte d’identité d’une œuvre, c’est une étape vitale pour l’histoire de l’art, pour l’histoire des arts.
    Deuxièmement, ce texte soulève la question de l’inaliénabilité des œuvres d’art consacrée par l’article L. 451-5 du code du patrimoine. Ce principe constitue une protection étatique du patrimoine face à la marchandisation des arts et protège des outrances du marché capitaliste. Propriété de l’État, elles sont ainsi en réalité les biens du peuple. Mais ce principe est souvent présenté comme un obstacle juridique à la restitution des œuvres. Or une procédure prévue par le code du patrimoine permet de contourner le principe d’inaliénabilité en déclassant le bien culturel. Il est également possible de légiférer, nous le montrons aujourd’hui. Ainsi, restituer les œuvres d’art relève bien d’une décision publique et politique, et j’estime que l’amplification des actes de restitution doit passer à chaque fois par un projet de loi.
    Ce projet de loi nous invite également à déconstruire l’idée selon laquelle les collections nationales risqueraient de se vider si les œuvres d’art étaient restituées – je parle ici également des œuvres d’art volées pendant la colonisation –, car c’est faux – et quand bien même ce serait vrai, l’utilisation d’un tel argument serait problématique pour aller à l’encontre de demandes de restitution.

    M. le président

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    Madame Faucillon…

    Mme Elsa Faucillon

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    Je vois que j’ai déjà été trop longue. Je conclurai en redisant que c’est avec émotion et enthousiasme que nous voterons ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Yannick Kerlogot.

    M. Yannick Kerlogot

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    Prenant connaissance du projet de loi relatif à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites, j’y ai vu une forme de résonance avec le projet de loi voulu par le Président de la République à destination de l’Afrique subsaharienne et permettant la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal, texte dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur. Deux histoires certes radicalement différentes, mais dans lesquelles la France porte une responsabilité.
    À ceux qui considèrent ces sujets comme distincts, je les invite à regarder le choix fait par nos voisins allemands d’aborder le patrimoine juif spolié et le patrimoine issu du contexte colonial dans une même structure subventionnée, le Deutsches Zentrum Kulturgutverluste, qui se consacre à la recherche des provenances, qu’il s’agisse de biens pillés pendant la période national-socialiste, de biens expropriés du temps de la République démocratique allemande (RDA) ou de bien coloniaux. Après cette initiative liée à notre histoire coloniale et validée par les parlementaires à l’unanimité il y a plus d’un an, le Gouvernement entend poursuivre une politique publique de réparation, ou du moins de reconnaissance des persécutions et des spoliations antisémites.
    Nous mesurons tous, chers collègues, la portée symbolique du présent texte, tant il fait référence à cette page sombre, pour ne pas dire noire, de l’histoire de France, de notre histoire commune liée aux persécutions antisémites des années 1930 et 1940. Il s’agit par ce projet de loi d’apporter une réponse aux familles d’ayants droit de propriétaires juifs spoliés parce qu’ils étaient juifs. Ce sont des biens mal acquis en toute connaissance de cause.
    Ce texte confirme la volonté d’engagement du Gouvernement en faveur de la mémoire et de la justice des victimes de spoliations antisémites, non pas en tentant de réparer l’irréparable mais en reconnaissant des exactions qui ont touché principalement des familles juives, spoliations qui ont participé de la volonté d’anéantir un peuple du fait de l’occupant et des lois de Vichy, spoliations qui se sont attaquées au patrimoine privé de ces familles. Restituer un tableau, un dessin ou une sculpture, c’est aussi restituer une part de l’identité, une part de la mémoire d’une personne : celle du propriétaire spolié.
    Cette reconnaissance individuelle est attendue par les familles. Il s’agit bien, comme l’a précisé si justement lors de son audition Emmanuelle Polack, chargée de mission au musée du Louvre et spécialiste de l’art sous l’Occupation, « d’une dette rémanente de la France envers son passé, d’une reconnaissance voulue et souhaitée par le Gouvernement. Ce n’est pas le tableau qui répare ; c’est la reconnaissance des victimes qui est recherchée. » En juillet 2017, dans les pas de Jacques Chirac et de son discours de 1995, Emmanuel Macron, lors de la commémoration de la rafle du Vél d’Hiv, a affirmé que la France, en reconnaissant ses fautes, a ouvert la voie aux réparations des persécutions et spoliations antisémites.
    Au fond, la restitution souhaitée par le Président de la République, volonté relayée par le Premier ministre et par vous, madame la ministre de la culture, confirme une volonté aujourd’hui clairement exprimée par les Français. Car disons-le : l’opinion publique est toute acquise à la cause, celle d’assumer des pages sombres de notre histoire et de permettre ainsi aux jeunes générations de se projeter dans l’avenir, ainsi dégagées d’une responsabilité qu’elles n’ont pas à porter. Les jeunes réclament aujourd’hui l’accélération d’un travail de mémoire sur un sujet trop longtemps occulté : celui de la quête de provenance. Admettons ensemble que depuis les années 1990, les musées ne peuvent plus faire l’économie des questions de provenance. Nous avons constaté clairement au cours des auditions menées par Fabienne Colboc, rapporteure, une prise de conscience de cet enjeu par le monde muséal des collections publiques françaises tout comme par les grandes maisons de vente aux enchères ainsi que par les grandes galeries internationales exposant des œuvres de collections privées.
    Créée en 1999, la CIVS a déjà permis de verser plus de 500 millions d’euros d’indemnités au titre des spoliations matérielles, auxquelles s’ajoutent 53 millions d’euros au titre des spoliations bancaires. En 2019 est créée la mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945, dirigée par David Zivie. Aujourd’hui, nous savons qu’un musée n’achèterait plus comme en 1980 le tableau Rosiers sous les arbres, de Klimt et dont la provenance aurait dû inspirer au minimum des doutes, et que le principe de précaution serait désormais appliqué.
    Pour conclure, je crois pouvoir dire que la réflexion portant sur l’écriture d’une loi-cadre chemine et semble constituer une suite logique qui permettrait au législateur de doter le droit français d’une disposition permettant de régler rapidement et de façon claire ces questions de restitutions. Reste à convenir d’une tâche complexe mais légitime, à savoir celle de l’élaboration de critères de déclassement des collections publiques qui, mesurons-le ensemble, revient à interroger le principe même de l’inaliénabilité des collections publiques. La tâche reste ambitieuse mais attendue.
    Le groupe La République en marche votera avec conviction ce projet de loi symbolique et historique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Bruno Studer, président de la commission, et Mme Sophie Mette applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras.

    Mme Valérie Bazin-Malgras

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    Le projet de loi que nous examinons nous offre l’occasion de défendre une action de la République pour l’honneur. La restitution des œuvres énumérées par le texte aux ayants droit d’Eleonore Stiasny, d’Armand Dorville, de Georges Bernheim et de David Cender est dictée par un impératif de justice et de réparation face aux crimes du passé. Au nom du groupe Les Républicains, je salue à mon tour la présence de leurs familles dans les tribunes du public.
    Il est en effet important de réparer les injustices commises pendant les heures sombres de l’histoire.
    Organiser la restitution et la remise de ces œuvres aux ayants droit des propriétaires victimes de persécutions antisémites, c’est poursuivre le combat contre les horreurs de la folie nazie ; c’est continuer à mettre en échec les odieux desseins de ce régime de haine aux ambitions génocidaires et de ses complices. De tels enjeux justifient que l’on déroge au principe d’inaliénabilité des collections publiques.
    Je tiens à saluer l’important travail effectué par la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations. Ses recherches longues et ardues permettent de rétablir la vérité sur l’histoire de certaines œuvres au parcours tumultueux. Elles nous permettent de veiller sur l’irréprochabilité des collections publiques, en restituant aux victimes de la barbarie les œuvres qu’elle leur a soustraites.
    Ce patient travail de mémoire permettra de préserver l’aura bienfaitrice de nos établissements culturels. Il importe que nos musées restent de lumineux temples des arts et du savoir, et qu’aucune ombre ne vienne assombrir les collections qu’ils renferment. Les tableaux Rosiers sous les arbres de Gustav Klimt, Le Père de Marc Chagall, Carrefour à Sannois de Maurice Utrillo, les œuvres de Jean-Louis Forain, Constantin Guys, Pierre-Jules Mène, Henry Bonaventure Monnier ou encore Camille Roqueplan sont autant de richesses culturelles que nos collections publiques auraient tort de conserver, au risque de contribuer à la spoliation des ayants droit de leurs propriétaires.
    Voilà pourquoi le groupe Les Républicains votera en faveur de ces restitutions et remises d’œuvres. J’ajoute qu’il est de notre devoir d’afficher une position unanime en faveur de cette action juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Bruno Studer, président de la commission, et Mme Fabienne Colboc, rapporteure, applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sophie Mette.

    Mme Sophie Mette

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    Adopté à l’unanimité, la semaine dernière, par la commission des affaires culturelles et de l’éducation, c’est un projet de loi de réparation et de justice qui est soumis à notre examen. À nouveau, le groupe Dem se félicite de l’arrivée de ce texte dans les murs de l’Assemblée, et désormais dans l’hémicycle, et tient à vous en remercier, madame la ministre.
    À l’origine, quatorze œuvres étaient inscrites à l’ordre du jour de notre commission. Deux d’entre elles ont fait l’objet de spoliation par les nazis avant d’entrer dans les collections publiques ; les douze autres ont été achetées par l’État pendant l’Occupation. La vente n’était pas spoliatrice mais placée sous administration provisoire par les autorités de Vichy. Le représentant des musées nationaux avait donc connaissance des mesures appliquées à l’encontre des vendeurs. Une quinzième œuvre s’est ajoutée au projet de loi par le biais d’un amendement déposé par le Gouvernement. Il s’agit du tableau Le Père de Marc Chagall, qui avait été volé en 1940 à David Cender, à Lodz, en Pologne, après le transfert des Juifs dans le ghetto de la ville. Comme pour les œuvres précédentes, il était essentiel de rendre justice aux ayants droit de David Cender ; c’est ce que nous avons permis par l’adoption de cet amendement en commission.
    Nous ne pouvons nier ces persécutions et ces mesures de spoliation que la France imposait aux Juifs. Il est donc temps de sortir ces œuvres des collections publiques pour les retourner aux ayants droit de leurs propriétaires légitimes. C’est ce que vous permettez, madame la ministre, en présentant ce projet de loi, et les députés démocrates s’en réjouissent.
    Ce projet de loi inédit s’ancre dans une logique amorcée en 2020. La majorité enclenchait alors, avec le Gouvernement, la restitution de vingt-six œuvres d’Abomey à la République du Bénin, et du sabre avec fourreau, dit d’El Hadj Omar Tall, à la République du Sénégal. Il ne s’agit certes pas, ici, de restituer des biens culturels à des États, mais l’objectif est le même : faire face à notre histoire dans sa globalité, sans faux-semblants, et faire ce qui est nécessaire pour avancer. Les efforts accomplis en la matière par le président Emmanuel Macron à l’égard du continent africain, principalement de l’Algérie, sont admirables. Avec ce texte, la France rend justice aux ayants droit des victimes de spoliations et, surtout, elle se réconcilie avec elle-même.
    Il s’agit aussi de répondre à une demande forte du monde de la culture, et je tiens à rendre hommage aux musées et aux bibliothèques ainsi qu’aux services du ministère de la culture qui s’inscrivent dans une démarche de justice. C’est l’honneur de la France que de prendre ces dispositions, notamment à l’heure où certains, dans la perspective de l’élection présidentielle et dans une logique de réécriture sordide de l’histoire, cherchent à réhabiliter le maréchal Pétain et le régime de Vichy.
    Sur le plan international, la question de la nécessaire réparation des spoliations d’œuvres d’art s’est peu à peu imposée, particulièrement à travers l’adoption par quarante-quatre États, en 1998, des principes de Washington sur les œuvres d’art confisquées par les nazis. Nous avons abordé ce point en commission, madame la ministre, mais je répète : espérons que nous parviendrons, à l’avenir, à poursuivre ce genre d’initiatives de concert avec nos voisins européens. Ils partagent avec nous un pan d’histoire que nous devons regarder droit dans les yeux. Il s’agit également de regarder droit dans les yeux les familles des victimes spoliées. La France ouvre aujourd’hui la voie.
    Mon groupe votera évidemment en faveur du projet de loi. (Mme Fabienne Colboc, rapporteure, et M. Yannick Kerlogot applaudissent.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Michèle Victory.

    Mme Michèle Victory

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    Nous sommes réunis pour voter la restitution d’œuvres d’art spoliées à leurs propriétaires par le régime nazi. Ces œuvres retrouveront leur propriétaire légitime et ces restitutions constitueront, sans nul doute, une étape supplémentaire dans la nécessaire réparation des abominations que le régime nazi a fait subir au peuple juif, bafouant tous les principes d’humanité. Nous le devons à ces hommes, à ces femmes, à ces enfants dont la mémoire a été blessée sans pour autant être détruite, et pour qui ces objets, loin de n’être que de simples œuvres d’art, font entendre, à travers les années, l’écho de la tragédie, d’un crime contre l’humanité dont le souvenir restera à jamais indélébile.
    Si le processus de restitution est différent de celui prévu par le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal, il n’en est pas moins indispensable. Cet acte symbolique fort montre ce que la République est capable de faire pour servir une justice intemporelle. Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler, comme vous l’avez fait, madame la rapporteure, dans votre rapport, que si la spoliation dont nous parlons ici fut largement inspirée par les politiques nazies, celles-ci n’ont pu trouver leur funeste application que dans le cadre législatif élaboré par le régime de Vichy. C’est aussi le poids de cette dette envers nos concitoyens assassinés par dizaines de milliers, dont certains ont été dépossédés, qu’il faut rappeler.
    Le principe n’est pas d’attendre les demandes des familles pour procéder à la restitution de ces œuvres mais de les devancer en s’engageant dans des actes réparateurs. Je salue l’extraordinaire travail réalisé par les musées, le ministère et la CIVS pour identifier ces spoliations, en vue de futures restitutions. Ce projet de loi va dans le sens d’une histoire qui reconnaît et dénonce les crimes commis, qui apaise et réconcilie, qui nous rassemble. C’est un honneur pour le législateur de participer à ce processus. En quittant le musée d’Orsay, le Louvre, le château de Compiègne et la ville de Sannois, ces œuvres retrouveront la quiétude des biens rendus à leurs propriétaires et participeront au souvenir des aïeux des familles qui pourront les contempler à nouveau.
    Si nous partageons la volonté politique de ce texte, notre rôle de législateur est aussi de nous interroger sur le sens de la loi. Parce qu’elles appartiennent aux collections publiques, ces œuvres doivent être restituées par la voie législative, la seule à même de contourner les principes d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et d’insaisissabilité. Aussi, contrairement à ce qui est prévu pour les quelque 2 000 œuvres relevant du statut MNR qui n’ont, à ce jour, été ni restituées ni vendues et qui peuvent faire l’objet d’une restitution dans un cadre juridique idoine, nous serions amenés à légiférer à chaque restitution d’œuvres spoliées appartenant à l’État.
    Vous l’avez souligné, madame la rapporteure, l’Allemagne et Israël nous ont devancés sur ces questions et nous comprenons aisément pourquoi ; il est donc temps pour la France d’accélérer la mise en œuvre de ces restitutions. Or le fait de passer par l’intervention du législateur pour chaque œuvre risque de ralentir considérablement un processus qui aura déjà été élaboré par des services tout à fait compétents. La justice, dans ces conditions, ne sera pas rendue dans un délai raisonnable. Aussi nos collègues sénateurs ont-ils raison d’appeler à un débat à la fois au sein de la représentation nationale et de l’opinion publique. Doter la France, comme le propose notre collègue sénatrice, d’une méthode « transparente, collégiale et scientifique » est évidemment un objectif louable, à la condition qu’il n’éloigne pas les musées de leur cœur de métier. Leurs équipes l’ont mille fois prouvé par leur travail acharné : elles n’ont cessé, depuis des décennies, de redonner à chaque œuvre, à chaque histoire, toute la vérité d’un exode, d’un arrachement, et quelquefois d’un retour à la descendance dans le cadre d’une restitution.
    Si la réponse n’a pas encore été apportée, gageons qu’un compromis satisfaisant pourra être trouvé. En effet, l’agenda parlementaire est constamment saturé alors que l’État entend mener une politique de restitution ambitieuse. L’efficience de plus en plus grande des techniques muséales et la recherche permanente de vérité patrimoniale et historique laissent espérer que ces retours seront de plus en plus nombreux. Nous plaidons donc, comme la plupart des parlementaires, en faveur d’une loi-cadre ou d’un dispositif similaire à celui qui existe pour les MNR, qui offre un cadre sécurisant de restitution des œuvres au bénéfice des familles injustement dépossédées. Vous l’avez évoqué, madame la ministre, une telle loi serait à envisager plus tard.
    En conclusion, à un moment de l’histoire où tant de dangereux démagogues et de populistes inconséquents s’arrangent avec la vérité, justifiant le sort plus favorable des Juifs français par l’extermination des autres, insultant ainsi à la fois l’histoire et nos consciences, tous les gestes qui témoignent de notre chagrin indélébile et de notre volonté toujours intacte d’affirmer la force de la fraternité sont les bienvenus et ne peuvent que nous réunir dans cet hémicycle. C’est pourquoi, comme l’ensemble des députés du groupe Socialistes et apparentés, en dépit des questions plus générales qui peuvent se poser encore, c’est avec gravité et émotion, et en saluant les familles présentes dans les tribunes du public, que je voterai pour ce projet de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme Sophie Mette applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel.

    M. Pierre-Yves Bournazel

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    Je souhaite, tout d’abord, comme je l’ai fait en commission, lire un extrait de la dernière lettre du docteur Zacharie Mass, interné au camp de transit de Drancy, à sa femme Élisabeth : « Je ne te décrirai pas les moments d’angoisse que j’ai passés, mais je suis heureux de ne pas t’avoir vue ici jusqu’à présent. J’espère que tu feras ce qu’il faut, je t’en supplie, pour éviter cela à tout prix. » Le 31 juillet 1943, Zacharie Mass est déporté par le convoi no 58 au camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz. En novembre, à bout de forces, il sera gazé et son cadavre, brûlé.
    Des lettres comme celle-ci, il en existe des centaines et des centaines. Des lettres qui témoignent des arrestations, de la séparation des familles, de la détresse, de l’angoisse, de la stupeur, des doutes, de l’incompréhension et de l’espoir perdu. Des lettres qui racontent « ces heures noires [qui] souillent à jamais notre histoire » et qui « blessent [notre] mémoire », pour reprendre les mots de Jacques Chirac en 1995.
    Durant ces jours funestes, « la France commettait l’irréparable ». Elle trahissait celles et ceux qui lui faisaient confiance. Elle trahissait ses propres citoyens. Je souhaite rappeler que nos valeurs universelles et fondamentales étaient alors défendues par la Résistance, par la France libre et par les Justes, qui surent, au même moment, incarner cette grandeur avec courage.
    Le 16 juillet 1995, pour la première fois, un président de la République reconnaissait la responsabilité de l’État français dans la collaboration et la déportation des Juifs de France. Jacques Chirac ouvrait la voie, celle de la vérité. En 1997, s’ensuivra l’installation, à la demande du gouvernement d’Alain Juppé, d’une mission d’étude, confiée à Jean Mattéoli, sur la spoliation des Juifs de France.
    En 1999, le gouvernement de Lionel Jospin créait une commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations. Depuis, cette commission a enregistré plus de 29 000 dossiers et permis de verser plus de 540 millions d’euros d’indemnités au titre des spoliations matérielles.
    Néanmoins, il est un domaine dans lequel nous devons encore avancer : c’est celui de la restitution des biens culturels. De nombreuses œuvres dont les Juifs ont été spoliés, qu’on leur a volées ou qu’ils ont été forcés de vendre durant l’Occupation se trouvent dans les collections nationales. C’est un long travail de recherche, un travail complexe que nous devons aux victimes. Nous le devons à leur mémoire et à leurs descendants : c’est une question de morale, de dignité, de respect et d’honneur. En 2018, le Gouvernement s’était engagé à poursuivre ces recherches. Le Premier ministre, Édouard Philippe, avait alors appelé la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations et le ministère de la culture à accentuer leurs efforts afin d’identifier les œuvres et de les restituer.
    Ce projet de loi permettra la restitution de quinze tableaux, dessins et sculptures des collections publiques françaises aux ayants droit de victimes juives spoliées avant et pendant la seconde guerre mondiale : il s’agit de Rosiers sous les arbres, le chef-d’œuvre de Klimt conservé au musée d’Orsay, de onze dessins de Jean-Louis Forain, Constantin Guys, Henry Monnier et Camille Roqueplan, d’une cire de Pierre-Jules Mène, d’un tableau de Maurice Utrillo et d’un autre de Marc Chagall.
    Madame la ministre, nous soutenons votre texte avec beaucoup de conviction, tout comme nous soutenons l’engagement du Président de la République à poursuivre ce devoir moral essentiel ; c’est l’honneur de la France. Le projet de loi constitue un premier pas important sur le long chemin des restitutions. Nous sommes d’ailleurs nombreux à souhaiter une large réflexion, associant des professionnels de l’art et du droit mais aussi les associations, afin d’établir une loi-cadre sur les restitutions. Elle permettrait de simplifier et d’accélérer le processus de restitution.
    Ce travail pour la justice et contre l’oubli doit tous nous rassembler, nous rassembler pour faire vivre la mémoire des femmes, des hommes et des enfants spoliés, déportés et exterminés par la folie criminelle d’autres hommes, nous rassembler afin de combattre les résurgences de l’inacceptable et toutes les tentatives de remise en cause de la vérité historique, nous rassembler, enfin, autour de la défense de nos valeurs et de nos principes universels, et d’une certaine idée de l’humanité.
    Avant de voter le texte, je souhaiterais conclure en rendant hommage à Raphaël Esrail, président de l’Union des déportés d’Auschwitz, décédé le 22 janvier dernier. Résistant, il avait été arrêté à Lyon, déporté le 3 février 1944, et libéré par l’armée américaine le 1er mai 1945. Son travail exceptionnel et son engagement au service de la transmission de la mémoire de la Shoah nous oblige. Madame la ministre, madame la rapporteure, merci de votre engagement ; le groupe Agir ensemble votera le projet de loi avec beaucoup de conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Agnès Thill applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Meyer Habib.

    M. Meyer Habib

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    La spoliation de la communauté juive durant la seconde guerre mondiale a longtemps connu un manque de reconnaissance, pour ne pas dire une sorte de déni. Il a fallu attendre le travail acharné d’historiens dans les années 1980-1990 pour comprendre et expliquer qu’au sortir de la guerre, de nombreux Juifs rescapés de la Shoah et rentrés en France, pourtant dépossédés de tout, sans doute traumatisés, n’ont pas voulu faire de vague dans un pays en reconstruction qui préférait s’unir autour de l’héroïsme de sa résistance.
    Après l’horreur de la déportation et des camps de la mort, les Juifs d’Europe ont ensuite dû se résoudre au silence et à la résignation de voir leurs biens spoliés désormais vendus sur les marchés d’art du Vieux Continent, et ce même si la France avait mis en place dès 1945 un service de restitution des biens des victimes des mesures de spoliation, notamment pour rétribuer les victimes de ce que l’on appelait alors l’aryanisation des entreprises, des biens ou des œuvres. Je crois que l’on ne saurait se rendre compte de la souffrance de ces femmes et de ces hommes, de ces Juifs qui avaient tout perdu dans les atrocités de la Shoah, et qui retrouvaient leurs foyers pillés, vidés, lorsqu’ils n’étaient pas occupés par d’autres.
    Alors que le service de restitution peina à prouver son efficacité, les propriétaires d’œuvres d’art n’ont pas connu un meilleur sort : moins de la moitié des 100 000 œuvres pillées durant l’Occupation ont finalement été restituées par la Commission de récupération artistique. Si je reviens sur cette histoire des Juifs de France, c’est parce que trop longtemps, notre pays a détourné les yeux de ce qui est aussi une triste page de son histoire. Car si des scientifiques ont étudié et ressorti ces récits, l’étude historique ne juge pas les faits. Derrière chacune des œuvres d’art spoliées, il y a une histoire, une famille, des racines, des visages, des noms, des joies et de peines. Ceux par exemple de René Gimpel, marchand d’art à Paris et résistant, déporté de Compiègne en 1944 et tué en Allemagne en janvier 1945 ; d’Eleonore Stiasny, forcée à vendre ses œuvres en 1938 dont le chef-d’œuvre de Klimt, Rosiers sous les arbres, aujourd’hui exposé au musée d’Orsay. À mon tour, je tiens à rendre hommage à Rose Valland, grande résistante et conservatrice du musée du Jeu de paume sous l’Occupation, qui a réalisé un travail si précieux de traçage des œuvres d’art spoliées par les nazis.
    C’est aujourd’hui à nous, députés de la nation, de prendre nos responsabilités pour assumer cette histoire, même dans ses parts les plus sombres ; c’est l’honneur de la France. Celle-ci doit savoir regarder son passé en face. Comme le disait Camus dans ses Chroniques algériennes, « il est bon qu’une nation soit assez forte de tradition et d’honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres erreurs », et j’ajouterai ses propres horreurs. Le 16 juillet 1995, cinquante ans après, c’est ce qu’a enfin fait avec courage le président Jacques Chirac en reconnaissant au Vél d’Hiv la responsabilité de notre pays dans les atrocités qui avaient été commises. Sans détour, il a reconnu l’implication des autorités françaises de l’époque dans cette période noire. Pour lui, Vichy, c’était aussi la France.
    Alors que les derniers survivants des horreurs commises par l’Allemagne nazie s’éteignent peu à peu, c’est désormais aux ayants droit, de demander réparation – dans le cas présent, la restitution d’œuvres. Mais la difficile transmission intrafamiliale du traumatisme de la Shoah a souvent contraint les générations suivantes à vivre sous une sorte de chape de plomb, dans une totale ignorance d’un passé familial parfois devenu tabou.
    À mon tour, je voudrais rendre hommage à l’immense Raphaël Esrail (Mme Sereine Mauborgne applaudit), président de l’Union des déportés d’Auschwitz, décédé il y a trois jours. Ce grand résistant et déporté était un survivant engagé et un précieux témoin.
    Madame la ministre, je vous salue pour avoir relancé une politique plus volontariste afin que l’État retrouve les victimes de spoliation, grâce à un service spécifique. Il est primordial de faire la lumière sur les biens culturels à la provenance douteuse conservés par les institutions publiques.
    On a coutume de considérer que la spoliation n’a affecté que les familles juives aisées d’Europe. Non, toute la population juive a été touchée : les riches, les moins riches et même les pauvres. Lorsqu’ils furent déportés vers les camps de la mort, les Juifs laissèrent derrière eux les biens de deux millénaires d’histoire juive en Europe. Gardons pour autant à l’esprit que les quinze œuvres que nous allons rendre ont une valeur sentimentale et mémorielle tout aussi inestimable que leur valeur artistique. Le devoir de réparation est bien évidemment moral. C’est un appel aux souvenirs arrachés. « L’oubli serait une grave insulte à ceux qui sont morts dans les camps », disait Jankélévitch. Le travail de mémoire et de restitution est encore immense. Le projet de loi démontre que nous devons regarder avec attention, au-delà des œuvres MNR, nos collections nationales, les achats de nos musées mais aussi les ventes privées entre collectionneurs.
    Madame la ministre, madame la rapporteure, merci de votre travail et de votre engagement. Ce serait l’honneur de la France que la représentation nationale vote cette loi à l’unanimité. Comme l’ensemble du groupe UDI-I, je la voterai avec émotion et gravité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Stéphanie Kerbarh.

    Mme Stéphanie Kerbarh

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    En retraçant l’histoire des œuvres spoliées sous l’occupation nazie, nous faisons face à l’horreur, à l’inimaginable, à l’indicible. Et puis nous trouvons, çà et là, le beau, l’humanité et le courage. Je pense à Rose Valland, attachée de conservation et surtout résistante. C’est grâce à ses notes et à son dévouement pendant et après la guerre que les restitutions d’œuvres ont été permises. Son travail, comme toutes les recherches menées au lendemain de la seconde guerre mondiale, ont permis de reconstituer des histoires et de redonner un peu à des familles décimées.
    La spoliation n’a rien d’anecdotique : elle a participé de la volonté d’anéantir un peuple, en s’attaquant à sa culture, à la culture. Quatre-vingts ans après, nos efforts ne doivent pas faiblir : nous devons perpétuer notre politique publique de réparation des spoliations antisémites. Nous le devons à ces victimes et à leurs héritiers. Les œuvres d’art spoliées sont les vestiges d’un crime immense dont il ne reste que peu de victimes encore vivantes et pour qui nous devons continuer de nous rappeler et de réparer. Nous le devons aussi pour reconnaître la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs de France, dans la continuité du discours du président Jacques Chirac de 1995. Comme il le disait à l’époque, nous avons une « dette imprescriptible ».
    Comme la déportation et l’extermination, la spoliation a été conduite par le régime nazi avec la complicité active de l’État français sous l’Occupation, qui a confisqué et vendu les biens des Juifs dans le cadre de la législation antisémite. Je citerai l’exemple de la collection d’Armand Dorville, avocat juif né à Paris. Le traitement réservé par le régime de Vichy à ses héritiers infirme l’hypothèse avancée par certains d’un régime qui aurait sacrifié les Juifs étrangers pour protéger les Juifs français. Cette hypothèse ne résiste pas aux faits historiques. Il y va donc de la responsabilité de l’État – je dirais même de son honneur – d’assurer les travaux de recherche, de restituer et d’indemniser.
    Aussi, nous ne pouvons que saluer l’inscription à notre ordre du jour de ce projet de loi. Il est inédit, puisque pour la première fois les œuvres sont restituées ou remises à des particuliers, et non à un État. Par ailleurs, nous insistons sur la nécessité d’accentuer l’effort de recherche de provenance. Nous saluons les efforts consentis ces dernières années, notamment la création de la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations, puis de la mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés. Surtout, il était nécessaire que ces recherches ne se résument pas uniquement aux œuvres MNR, mais qu’elles s’appliquent aussi à nos collections nationales. Leur caractère inaliénable ne nous autorise pas à nous affranchir de cette réflexion. Bien au contraire, il nous oblige à un devoir éthique et à une exemplarité supérieurs. Cela implique de mieux former les jeunes diplômés et les professionnels à l’activité de chercheurs de provenance.
    La lutte contre la circulation illégitime des œuvres est un enjeu culturel, éthique et diplomatique. C’est ce qui a déjà motivé la loi relative à la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal. Certains appellent à la mise en place d’une loi-cadre. L’idée mérite effectivement réflexion pour accompagner la recherche de provenance systématique que le groupe Libertés et territoires appelle de ses vœux, tout en prenant en compte le caractère spécifique de chaque œuvre, de chaque histoire. La priorité est d’abord de sécuriser la recherche des ayants droit. Cela pose la question des moyens que l’État peut lui consacrer et de la procédure retenue pour définir de manière sécurisée les successions. Ces quêtes sont souvent très longues et les démarches, fastidieuses ; nous devons tout faire pour les faciliter et pour trouver des solutions justes pour chacun. Nous devons prêter une oreille attentive à leur histoire, et continuer de faire vivre le récit de toutes ces familles.
    Madame la ministre, vous avez annoncé en mars dernier le lancement de la procédure de restitution du tableau Rosiers sous les arbres de Klimt, conservé au musée d’Orsay, aux ayants droit de Nora Stiasny, morte en déportation en 1942, et qui en avait été spoliée à Vienne en août 1938. Malgré les difficultés juridiques, il faut poursuivre l’effort. Notre groupe espère que d’autres restitutions interviendront encore à l’avenir, car nous le savons, un grand nombre de biens attendent encore que le flou soit levé sur leur parcours et leur acquisition. Elie Wiesel a écrit « Le corps n’est pas éternel mais l’idée de l’âme l’est. Le cerveau sera enterré mais la mémoire lui survivra ». Ces œuvres d’art spoliées sont des fragments de la mémoire de la Shoah que nous devons entretenir. Madame la ministre, chers collègues, c’est avec une émotion certaine que le groupe Libertés et territoires votera ce texte inédit. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem. – M. Jean-Marie Sermier applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Clémentine Autain.

    Mme Clémentine Autain

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    C’est une page effroyable de notre histoire que nous abordons à travers ce projet de loi, et je veux dire, pour commencer, que jamais nous ne devons cesser de la regarder en face ni d’en mesurer les traces dans un présent marqué par un antisémitisme persistant, marqué aussi par des réminiscences idéologiques que nous serions terriblement coupables de banaliser.
    La spoliation des œuvres d’art s’inscrit dans un projet politique, celui de l’extermination des Juifs. Des hommes ont voulu supprimer toutes les traces de ces êtres humains coupables d’être juifs ; d’autres ont prêté main-forte à ce projet d’une telle abjection qu’il est aujourd’hui encore si difficile, si douloureux de se représenter. À l’heure où certains osent se réclamer de Vichy et nier les responsabilités de l’administration française de cette époque si sombre de notre passé, c’est avec une profonde émotion que je veux apporter mon soutien, notre soutien à ce texte.
    Depuis plus de vingt-cinq ans, la provenance des collections est recherchée systématiquement, afin d’identifier les œuvres dont ont été spoliées les familles juives, entre 1933 et 1945. De 1997 à 2000, les travaux de la mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, dite mission Mattéoli, ont permis d’avancer dans la connaissance des processus de spoliation, notamment celle des œuvres d’art. Cela a débouché sur la création de la Fondation pour la mémoire de la Shoah et de la CIVS.
    Sur le plan international, la question de la réparation des spoliations d’œuvres d’art s’est peu à peu imposée, aboutissant à l’adoption, en 1998, par quarante-quatre États, des principes de Washington sur les œuvres d’art confisquées par les nazis.
    En France, on estime habituellement que 100 000 œuvres et objets d’art ont été spoliés pendant la seconde guerre mondiale. Ce nombre est sans doute sous-estimé, puisqu’il ne repose que sur les réclamations faites au lendemain de la guerre.
    Depuis 2012, soixante-huit œuvres et objets ont été restitués. Deux tiers d’entre eux, soit quarante-trois, l’ont été dans le cadre de recherches proactives, menées à l’initiative du ministère et des musées concernés, et non sur la demande d’ayants droit. De récentes restitutions d’œuvre ont eu lieu : quatre œuvres en 2017, six en 2018, onze œuvres et objets en 2019, vingt-quatre en 2020.
    L’objectif politique du texte est de restituer ou de remettre certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires, victimes de persécutions antisémites. Il porte sur deux tableaux et un lot de douze œuvres d’art.
    La première restitution concerne le tableau Rosiers sous les arbres, de Gustav Klimt, conservé dans les collections nationales placées sous la garde du musée d’Orsay. Il sera remis aux ayants droit de Nora Stiasny, qui fut contrainte de vendre son tableau en 1938 au militant nazi Philipp Häusler, avant d’être déportée et assassinée, comme sa mère Amalie Zuckerkandl, son mari Paul, leur fils Otto, et d’autres membres de la famille. Les ayants droit ont déjà tenté une action infructueuse en 1946. En 2017, un rapport publié par les autorités autrichiennes indique que le véritable tableau spolié était « selon une forte probabilité », le Rosiers sous les arbres du musée d’Orsay.
    La deuxième restitution concerne un lot d’œuvres provenant de la collection d’Armand Dorville, conservé dans les collections nationales placées sous la garde du musée du Louvre, du musée d’Orsay et du musée national du château de Compiègne. La restitution sera exécutée auprès des ayants droit d’Armand Dorville. Les auteurs des œuvres sont Jean-Louis Forain, Constantin Guys, Henry Monnier, Camille Roqueplan et Pierre-Jules Mène. Elles ont été achetées par l’État en juin 1942, lors d’une vente organisée de façon régulière par la famille, mais le contexte de cette vente est celui du Commissariat général aux questions juives et de la loi du 22 juillet 1941, dite loi d’aryanisation des entreprises, visant à « supprimer toute influence israélite dans l’économie nationale ». Ces termes font froid dans le dos.
    Le produit de la vente de ces douze œuvres a été immobilisé et n’a pas été versé aux héritiers avant la Libération. Si ce lot d’œuvres n’a pas fait l’objet d’une spoliation au sens propre du terme, le CIVS considère que le blocage temporaire des sommes dues aux ayants droit et le destin tragique de plusieurs d’entre eux justifient une mesure de réparation.
    La troisième restitution concerne le tableau Carrefour à Sannois de Maurice Utrillo, dont fut spolié Georges Bernheim en 1940. Ce dernier était un marchand d’art français, propriétaire d’une galerie. Son appartement a été pillé et, parmi les biens volés, figurait ce tableau. Après la guerre, Georges Bernheim et ses ayants droit ont effectué des démarches en vue de retrouver les œuvres volées, mais ce tableau ne fut pas restitué.
    Toutes ces spoliations s’inscrivent dans le cadre des atrocités perpétrées par les nazis, avec la complicité du régime. Une grande partie de la famille Dorville a été décimée : Valentine Lion, la sœur d’Armand Dorville ; Denise Falk et Monique Tabet, deux de ces nièces ; ainsi que Dominique Falk et Marie-France Tabet, leurs enfants âgés de 2 et 4 ans. Énoncer ici les noms de ces victimes, de ces vies broyées au nom d’une idéologie qui a conduit à la Shoah, c’est prendre en considération l’effet des choix politiques sur la réalité humaine.
    La victoire sur les nazis doit s’accompagner d’une annihilation réparatrice de l’ambition hitlérienne visant à créer un musée d’œuvres aryennes, confisquées aux Juifs des pays occupés. Tout cela est absolument effroyable.
    Pour cette raison, je voterai, et le groupe FI votera ce projet de loi et l’ensemble des articles qui le composent, en formulant le vœu, après, notamment, la ministre et Elsa Faucillon que nous puissions aller plus loin. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – Mme Fabienne Colboc, rapporteure, applaudit également.)

    M. le président

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    Madame la ministre, mes chers collègues, j’ai laissé à tous les orateurs, de la majorité comme de l’opposition, davantage de temps, dès lors qu’ils en avaient besoin : sur certains textes comme celui-ci, je ne me vois pas dans la possibilité de leur couper la parole. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR. – Mme Stéphanie Kerbarh et M. Gérard Leseul applaudissent également.)
    Sur l’ensemble du projet de loi, je suis saisi par les groupes La République en marche et Les Républicains d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Bruno Bilde.

    M. Bruno Bilde

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    La justice et la vérité : ce sont les deux grands principes qui ont guidé l’établissement de ce projet de loi, équilibré dans ses dispositions, réparateur dans ses objectifs, fédérateur dans son esprit.
    Ce texte fait ressurgir un contexte : celui des larmes, des cris et des souffrances de l’une des périodes les plus douloureuses de notre histoire nationale. Cette histoire, notre histoire, il convient de la regarder en face, sans déni, sans peur et sans repentance.
    En juin 1940, l’âme de la France combattante s’échappait de la débâcle et de l’occupation pour maintenir sa flamme éternelle à Londres et préparer la victoire.
    Le 10 juillet 1940, le maréchal Pétain obtenait les pleins pouvoirs de l’Assemblée nationale et engageait notre pays sur la voie funeste de la collaboration avec l’Allemagne nazie. Cet État français, illégitime devant l’histoire, allait seconder l’occupant dans ses entreprises criminelles en persécutant une part de notre nation et de notre peuple.
    En effet, chacun le sait, la spoliation des Juifs de France, qui débute dès l’été 1940 sous l’impulsion de l’ambassade d’Allemagne à Paris, puis est orchestrée par l’équipe d’intervention d’Alfred Rosenberg, a été accompagnée et relayée par le régime de Vichy.
    Par les infâmes statuts des Juifs du 3 octobre 1940 et du 29 mars 1941, nos compatriotes de confession israélite ont notamment été exclus des commerces et des professions libérales. Les familles affamées ont été condamnées à vendre leurs biens à vil prix pour survivre, condamnées à devenir des proies pour les nazis. Le régime de Vichy, qui a désarmé économiquement les Juifs, a facilité le travail de l’occupant et favorisé les rafles. Il faut le reconnaître, la politique de spoliation et d’exclusion a accéléré la déportation de 76 000 Juifs entre 1942 et 1944.
    À la Libération, les ordonnances du général de Gaulle décrétant Vichy et les actes de spoliation nuls ont permis à l’immense majorité des biens pillés, évalués à plus de 100 000, d’être rachetés par leurs propriétaires survivants ou leurs familles.
    Cependant, environ 15 000 objets n’ont jamais été réclamés, dont 2 200, estampillés MNR, ont été déposés dans plusieurs musées, partout en France. Nous pouvons regretter et déplorer la réticence des musées nationaux à restituer ses œuvres à leurs propriétaires. En effet, en l’absence d’un catalogue diffusé, les familles ne pouvaient pas réclamer les biens entreposés.
    L’histoire de chaque objet, de chaque œuvre, est unique et individuelle. Ces biens n’ont plus seulement une valeur artistique ou marchande mais sont les témoins d’un récit familial chargé du fardeau de notre mémoire nationale.
    Madame la ministre, chers collègues, j’aimerais rendre un hommage appuyé à une grande dame qui a permis à des milliers de familles de retrouver leur patrimoine au lendemain des jours sombres. Je veux, bien sûr, évoquer la résistante Rose Valland (Mme Monique Limon applaudit), qui, pendant quatre ans, en poste au musée du Jeu de Paume, a tracé et identifié les œuvres spoliées par les Allemands, déchiffré les papiers carbone et espionné les officiels nazis. En transmettant ces précieuses informations aux Alliés, elle a été la cheville ouvrière de la récupération et de la restitution des biens spoliés.
    En mémoire de cette héroïne, je vous propose, madame la ministre, que cette loi, juste et équitable, porte symboliquement le nom de Mme Rose Valland. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.)

    M. le président

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    La discussion générale est close.

    Discussion des articles

    M. le président

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

    Articles 1 à 4

    M. le président

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    Aucun amendement n’étant défendu sur les articles du projet de loi, je les mets successivement aux voix

    (Les articles 1, 2, 3 et 4 sont successivement adoptés.)

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        97
            Nombre de suffrages exprimés                97
            Majorité absolue                        49
                    Pour l’adoption                97
                    Contre                0

    (Le projet de loi est adopté à l’unanimité.)
    (Mmes et MM. les députés de tous les groupes se lèvent et applaudissent en direction de la tribune du public où ont pris place les ayants droit.)

    6. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, demain, à quinze heures :
    Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi ratifiant l’ordonnance du 21 avril 2021 relative à la représentation des travailleurs indépendants recourant aux plateformes ;
    Discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de la loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la collectivité européenne d’Alsace ;
    Discussion de la proposition de loi pour garantir l’égalité et la liberté dans l’attribution et le choix du nom.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures quarante-cinq.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra