N° 3404

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2020

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 3360)
de finances pour 2021

 

 

 

TOME VIII

SÉCURITÉS

 

SÉCURITÉ CIVILE

PAR M. Arnaud VIALA

Député

——

 

 

 

 Voir le numéro : 3399–III–40


 

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2019 pour le présent projet de loi de finances. À cette date, 95 % des réponses attendues étaient parvenues à votre rapporteur pour avis.

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, restée au second plan dans la crise du covid-19

A. Un budget 2021 reflétant le faible poids de la direction générale dans l’organisation de la sécurité civile

1. Un maintien des crédits de la direction générale à 520 millions d’euros

2. Un budget qui ne représente que 7 % des crédits de la sécurité civile

B. Une absence de pilotage de la crise du covid-19 par la direction générale chargée de la gestion des crises

1. Une cellule interministérielle de crise activée tardivement et coexistant avec le centre de crise sanitaire du ministère des Solidarités et de la santé

2. Un soutien insuffisant aux services d’incendie et de secours

3. Un engagement des moyens nationaux sans réelle coordination avec le ministère des Solidarités et de la santé

a. Une participation décisive des hélicoptères de la sécurité civile

b. Une difficile coordination avec les héliSMUR

c. Une participation ponctuelle des avions de la sécurité civile

d. Une absence de mobilisation des moyens logistiques nationaux

4. Une coopération européenne en cours de construction

a. Une faible mobilisation des moyens mis à la disposition de l’Union européenne dans le cadre de la crise

b. Un accroissement du budget du programme RescEU dont la sécurité civile française pourrait bénéficier

II. Les forces territoriales de la sécurité civile dans l’attente d’une reconnaissance de leur rôle dans la gestion de la crise du covid-19

A. Des sapeurs-pompiers insuffisamment reconnus dans leurs missions de soins d’urgence et très variablement mobilisés

1. Des sapeurs-pompiers souvent peu sollicités au début de la crise, mais qui ont assuré des missions essentielles

2. La brigade de sapeurspompiers de Paris, un acteur majeur dans la gestion de la crise en région parisienne

3. Un arbitrage interministériel sur le numéro unique et les plateformes communes qui ne peut plus être repoussé

a. Une saturation du 15 pendant la crise, alors que des plateformes communes auraient permis de mieux gérer les appels d’urgence

b. Un indispensable arbitrage interministériel

4. La nécessité d’une meilleure reconnaissance des sapeurspompiers en tant qu’acteurs du système de santé

a. Une reconnaissance attendue des capacités de soin des sapeurspompiers et un élargissement souhaitable des gestes techniques dans le cadre du secours d’urgence aux personnes

b. Un arbitrage indispensable sur les carences ambulatoires

c. Une nécessaire reconnaissance automatique des infections au covid-19 comme maladie professionnelle pour les sapeurs-pompiers

B. des associations agréées de sécurité civile souffrant d’une faible reconnaissance et d’un soutien financier insuffisant

1. Un engagement indispensable dans la crise

2. Un défaut de coordination dans la mobilisation des associations agréées par les pouvoirs publics

a. Une absence de coordination des demandes

b. Une faible collaboration avec les SDIS dans les missions de secours d’urgence aux personnes

3. De graves difficultés financières liées à la crise qui nécessitent un soutien urgent de l’État

Examen en commission

personnes entendues

 


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   introduction

Mesdames, Messieurs,

La crise du covid-19 a suscité une mobilisation sans faille des sapeurs‑pompiers et des associations agréées de sécurité civile qui ont apporté un soutien décisif aux soignants dans les régions les plus touchées par l’épidémie et ont fait preuve d’une forte réactivité et de remarquables capacités d’adaptation dans leurs missions de service public de proximité.

Les sapeurs-pompiers ont effectué, entre le mois de mars et le mois de mai 2020, plus de 122 000 interventions de secours d’urgence aux personnes liées au covid-19. S’ils ont été souvent peu mobilisés au début de la crise, ils ont assuré des missions essentielles au service de la population. Acteurs majeurs de notre système de santé, ils sont pourtant insuffisamment reconnus dans leurs missions de soins d’urgence. Leur service de santé et de secours médical, qui a démontré toute son utilité pendant la crise, doit être renforcé. La mise en œuvre du numéro unique d’appel d’urgence et la création de plateformes départementales de réception des appels d’urgence permettraient de renforcer les liens entre les SAMU et les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) tout en apportant une réponse plus efficace en période de crise sanitaire, en évitant une saturation des centres de régulation du 15, comme on a pu le constater au début de la crise du covid‑19. Un arbitrage interministériel paraît indispensable pour surmonter les multiples facteurs de blocage sur ce sujet. Les carences ambulancières effectuées par les sapeurs‑pompiers à la demande du SAMU, très nombreuses depuis le début de la crise, doivent également faire l’objet d’un arbitrage dans les meilleurs délais.

Les associations agréées de sécurité civile ont effectué près de 3 millions d’heures de bénévolat liées au covid‑19 et 18 000 interventions en véhicules de secours entre le mois de mars et le mois de mai 2020. Elles se sont investies sans compter, malgré la méconnaissance de leurs compétences par les agences régionales de santé au début de la crise, mais leurs interventions ont un coût. La crise leur a fait perdre une grande partie de leurs ressources financières : de nombreuses associations membres de fédérations et d’antennes locales risquent de disparaître sans une aide urgente de l’État.

Au niveau national, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) est restée au second plan dans la crise du covid‑19, notamment dans le cadre de la cellule interministérielle de crise qui a été activée tardivement. D’un point de vue budgétaire, et dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, le programme 161, qui fixe son budget à 520 millions d’euros, en hausse de 0,5 % par rapport à l’exercice précédent, ne représente qu’une faible part des 6,5 milliards d’euros de crédits consacrés chaque année à la sécurité civile en France. Si la DGSCGC a mobilisé les moyens nationaux héliportés pour le transfert de victimes du covid‑19, elle a apporté un soutien insuffisant aux SDIS et n’a pas coordonné leurs actions.

 


—  1  —

 

I.   La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, restée au second plan dans la crise du covid-19

A.   Un budget 2021 reflétant le faible poids de la direction générale dans l’organisation de la sécurité civile

1.   Un maintien des crédits de la direction générale à 520 millions d’euros

Le programme 161 « Sécurité civile » fait partie de la mission « Sécurités » qui regroupe l’ensemble des moyens financiers relevant du ministère de l’Intérieur et concourant à la protection des populations sur tout le territoire, avec les programmes 176 « Police nationale », 152 « Gendarmerie nationale » et 207 « Sécurité et éducation routières ».

Il est placé sous la responsabilité de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) qui concourt à la politique interministérielle de sécurité civile, conformément aux orientations définies par la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile aux termes de laquelle : « l’État est garant de la cohérence de la sécurité civile au plan national ; il en définit la doctrine et coordonne ses moyens ». La DGSCGC organise, prépare et met en œuvre les moyens nationaux d’intervention de la sécurité civile, notamment en situation de crise. Elle conduit la politique internationale française de sécurité civile et participe à la lutte contre le terrorisme.

Les crédits demandés pour 2021 au titre du programme 161, d’un montant de 520 millions d’euros, sont en hausse de 0,5 % par rapport à la dotation consentie pour le précédent exercice.

ÉVOLUTION des CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 161 « SÉCURITÉ CIVILE »

(en euros)

Actions du programme 161
« Sécurité civile »

Crédits de paiement

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

11 – Prévention et gestion de crises

29 872 057

36 025 134

+ 20,6 %

12 – Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux

346 976 589

342 603 170

- 1,3 %

13 – Soutien aux acteurs de la sécurité civile

131 527 405

130 958 532

- 0,4 %

14 – Fonctionnement, soutien et logistique

9 675 904

10 821 284

+ 11,8 %

Total du programme 161

518 051 955

520 408 120

+ 0,5 %

Source : projet annuel de performance du programme « Sécurité civile » annexé au projet de loi de finances pour 2020.

En tenant compte des perspectives d’inflation pour l’année 2021 (+ 0,7 %) inscrites dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2021, le montant des crédits du programme diminue en réalité de 0,2 %.

L’action 11 « Prévention et gestion de crises » porte sur la veille, l’alerte et la gestion interministérielle des crises, sur la solidarité nationale en cas de survenance d’une crise, sur la prévention opérationnelle et la protection des populations et, enfin, sur l’activité opérationnelle lors de crises.

L’action 12 « Préparation et intervention spécialisées des moyens nationaux » bénéficie de la dotation la plus importante, correspondant à 66 % des crédits du programme. Elle regroupe les moyens nationaux que l’État met à la disposition de la population, au quotidien ou lors de catastrophes naturelles ou technologiques, et se décline en cinq sous-actions, chacune portant sur un « métier » propre à la sécurité civile : avions, hélicoptères, moyens nationaux terrestres, de déminage et de soutien.

L’action 13 « Soutien aux acteurs de la sécurité civile » correspond aux activités de coordination et de formation des services d’incendie et de secours et des associations de sécurité civile. Cette action comprend la contribution au régime d’indemnisation spécifique (RISP) et à la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance (NPFR) des sapeurs‑pompiers volontaires et les participations au budget de la brigade des sapeurs‑pompiers de Paris (BSPP) et au budget de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs‑pompiers (ENSOSP). Enfin, elle comprend la dotation de soutien à l’investissement des SDIS (DSIS2), qui finance le projet de système d’information et de commandement unifié des services d’incendie et de secours et de la sécurité civile (NexSIS) porté par l’agence du numérique de la sécurité civile.

L’action 14 « Fonctionnement, soutien et logistique » réunit les fonctions de soutien général du programme 161 : services d’état-major, inspection générale de la sécurité civile (IGSC) et fonctions support.

Les fonds de concours et avances de produits attendus, qui s’ajoutent au montant des crédits de paiement demandés pour 2021, s’élèvent à 2 062 327 euros : plus de 80 % de ce montant correspond au financement par l’Union européenne de la mise à la disposition du programme RescEU d’un avion Dash de la sécurité civile.

Les dépenses de personnel (titre 2) s’élèvent à 189,4 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse de 1,7 % par rapport à 2020. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, la direction du budget a fixé le schéma d’emplois du programme à + 11 ETP correspondant aux recrutements autorisés dans le cadre du renouvellement de la flotte aérienne. Le plafond d’emplois a été défini à 2 490 ETPT, répartis de la manière suivante : 1 415 personnels militaires, 128 personnels administratifs, 500 personnels techniques, 61 ouvriers d’État, 81 hauts fonctionnaires et personnels issus de corps de conception et de direction et de corps de commandement de la police nationale et 305 personnels des corps d’encadrement et d’application de la police nationale. La DGSCGC emploie des personnels mis à sa disposition par la BSPP et les SDIS. Ces effectifs ne sont pas comptabilisés dans le plafond d’emplois du programme : le remboursement des rémunérations correspondantes est imputé sur les crédits de fonctionnement (10,2 millions d’euros en crédits de paiement). Ce schéma, qui concerne près de 38 % des agents affectés en administration centrale, crée une distorsion importante dans l’appréciation du respect du plafond d’emplois du programme.

Le budget de la DGSCGC hors titre 2 est en baisse de 0,3 % en crédits de paiement.

Évolution des crédits de paiement hors dépenses de personnel (titre 2)

(en millions d’euros)

Actions du programme 161
« Sécurité civile »

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

11 – Prévention et gestion de crises

18,5

24,5

+ 32,4 %

12 – Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux

179,3

172,1

- 4,1 %

13 – Soutien aux acteurs de la sécurité civile

129,0

128,3

- 0,5 %

14 – Fonctionnement, soutien et logistique

5,0

6,1

+ 21,5 %

Total du programme 161 hors titre 2

331,9

333,0

- 0,3 %

Source : projets annuels de performance du programme « Sécurité civile » annexé aux projets de loi de finances pour 2020.

Une part significative des crédits de paiement (près de 44 %) concerne la maintenance, l’équipement, la modernisation et le carburant des aéronefs, ainsi que l’acquisition de nouveaux avions et la location d’hélicoptères EC 225.

 

La flotte d’avions de la sécurité civile

La flotte de bombardiers d’eau de la sécurité civile est actuellement composée de douze Canadair CL 415 et quatre Dash 8 Q400 MR.

Les sept Tracker ont été retirés du service de manière anticipée. En août 2019, un accident aérien a entraîné la perte d’un Tracker et le décès de son pilote. En septembre 2019, un autre Tracker, parti se ravitailler sur le pélicandrome de Béziers Cap‑d’Agde, a connu un grave incident de train d’atterrissage au décollage. Ces évènements ont entraîné leur retrait définitif du service le 14 février 2020.

Afin de tenter de compenser ce retrait anticipé, la DGSCGC a passé un marché de location d’un second hélicoptère bombardier d’eau (EC 225), positionné à compter du 15 juillet 2020 en Corse afin de compenser l’absence du détachement de Tracker à Solenzara. Le PLF 2021 prévoit 6 millions d’euros pour la passation d’un nouveau marché de location d’hélicoptères à la demande.

Le marché d’acquisition de six avions multirôles (bombardier d’eau, transport de personnes et de fret, évacuation sanitaire), destinés à remplacer les Tracker, a été notifié en janvier 2018 à la société Conair. Le montant du marché d’acquisition des Dash 8 Q400M s’élève à 364,5 millions d’euros. La livraison du deuxième Tracker qui devait intervenir en 2020 a été repoussée à 2021.

Programmation budgétaire de l’acquisition des Dash 8

(en millions d’euros)

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

TOTAL

Commande

6

-

-

-

-

-

6

Livraison

-

1

1

2

1

1

6

Autorisations d’engagement

322,06

1,62

1,85

12,79

10,1

16,07

364,49

Crédits de paiement

34,35

64,17

65,61

80,55

65,3

54,51

364,49

Source : DGSCGC.

L’acquisition de deux avions amphibies de type Canadair est également prévue, dans le cadre du mécanisme européen de protection civile.

 

La DGSCGC conserve, pour l’exercice 2021, les quatre objectifs de performance précédemment définis pour l’exercice 2020 : assurer l’efficacité et l’efficience des dispositifs de lutte contre les feux de forêt, assurer la disponibilité des moyens aériens et leur conformité aux besoins opérationnels, faire évoluer la cartographie des centres de déminage pour éliminer les munitions historiques et faire face à la menace terroriste et harmoniser les moyens des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS).

2.   Un budget qui ne représente que 7 % des crédits de la sécurité civile

Le programme 161 ne représente que 7 % des crédits globaux consacrés à la sécurité civile, dont le montant total s’élevait à environ 6,5 milliards d’euros en 2019.

L’État contribue au tiers de ce montant par l’intermédiaire des crédits inscrits dans plusieurs autres programmes du budget général (354, 149, 205, 181, 204, 190, 159 et 161) et de la fiscalité transférée aux collectivités territoriales (fraction de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance – TSCA).

En 2019, les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), qui représentent 86 % du budget global de la sécurité civile, étaient financés à hauteur de 42 % par les communes et EPCI, de 35 % par les départements et, indirectement par l’intermédiaire de la fraction de TSCA versée aux départements, de 23 % par l’État. Toutefois, au regard des modalités de financement des SDIS définies à l’article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales, il revient aux départements de supporter tout accroissement des dépenses des SDIS.

Il est à noter que le montant de TSCA risque de se contracter à moyen et long terme en raison de la crise du covid‑19, diminuant ainsi les recettes des départements permettant de financer les SDIS.

 

Crédits exécutés de la sécurité civile en 2019

 

 

Montant en 2019

en %

Crédits des SDIS, de la BSPP et de la BMPM (1)

5 572 880 536 

86 %

dont fraction de la TSCA transférée aux départements pour les SDIS
et à la commune de Marseille pour la BMPM et subvention à la BSPP

1 255 000 000 €

19 %

Crédits du budget général de l’État

dont programme 161
(hors subvention BSPP)

460 526 284 

7 %

dont autres programmes (2)

451 900 335 

7 %

Sous-total

912 426 619 

14 %

Total

6 485 307 155 

100 %

(1) En raison des relations financières entre les différents acteurs, il existe des doubles comptes : ces éléments chiffrés représentent un indicateur.

(2) Programmes contributeurs identifiés dans le DPT « Sécurité civile » du PLF pour 2019

Sources : DGSCGC et Jaune sur les transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales du PLF pour 2021

Rapporté à l’ensemble de la population française, le coût global de la sécurité civile s’élèverait à environ 97 euros par an et par habitant.

B.   Une absence de pilotage de la crise du covid-19 par la direction générale chargée de la gestion des crises

1.   Une cellule interministérielle de crise activée tardivement et coexistant avec le centre de crise sanitaire du ministère des Solidarités et de la santé

Dans le cadre de la crise du covid-19, le Premier ministre a activé une cellule interministérielle de crise (CIC) assez tardivement, le 17 mars 2020. Le centre de crise sanitaire, dirigé par M. Jérôme Salomon, directeur général de la santé, a été activé au ministère des Solidarités et de la santé dès le 27 janvier. Ainsi, du 27 janvier au 17 mars, la réponse du Gouvernement à la crise a été pilotée exclusivement par la direction générale de la Santé. Pendant cette période, le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC) du ministère de l’Intérieur s’est limité à un rôle de veille et d’exécution, alors que sa participation à la gestion opérationnelle de la crise entre l’activation de son niveau 2 à la fin du mois de janvier et la création de la CIC au milieu du mois de mars aurait sans doute permis de mieux prendre en compte sa dimension interministérielle.

 

La cellule interministérielle de crise

Une crise peut nécessiter la mise en œuvre d’une réponse globale de l’État, en raison de son intensité et parce qu’elle affecte plusieurs secteurs ministériels. Afin d’améliorer la coordination de l’action des ministères, le Premier ministre peut activer une cellule interministérielle de crise (CIC) et en confier la conduite opérationnelle à un ministre qu’il désigne en fonction de la nature des événements. Habituellement, il s’agit du ministre de l’Intérieur lorsque la crise a lieu sur le territoire national et du ministre chargé des affaires étrangères et européennes pour les crises extérieures.

La CIC est composée des représentants des ministères concernés ainsi que d’experts ou d’opérateurs. Elle est constituée de quatre cellules :

– une cellule « situation » qui dresse un état des lieux de la crise en s’intéressant notamment à ses origines, à son impact matériel et humain ainsi qu’à ses conséquences potentielles ;

– une cellule « anticipation » qui identifie tout événement pouvant compliquer la gestion de la crise et propose des actions pouvant être mise en œuvre en conséquence ;

– une cellule « décision » qui examine, une fois le diagnostic réalisé, les propositions d’action produites par les cellules « situation » et « anticipation » et prend des décisions pour la conduite de la crise. Elle donne également les directives nécessaires à la mise en œuvre des décisions prises et s’assure de leur exécution ;

– une cellule « communication » qui élabore un plan de communication adapté et pilote l’ensemble des actions du dispositif de communication. Le plan de communication permet notamment d’informer la population sur l’événement et les mesures prises. Par ailleurs, il favorise la diffusion des recommandations nécessaires.

Source : « Le processus de gestion de crise », sur le site Gouvernement.fr

Depuis son activation, la CIC coexiste avec le centre de crise sanitaire qui l’a précédée. Une organisation bicéphale s’est ainsi mise en place entre le ministère des Solidarités et de la santé et le ministère de l’Intérieur, comprenant deux états-majors et deux chaînes de commandement présentant des cultures et des organisations territoriales très différentes. En outre, le ministère des Solidarités et de la santé aurait été souvent absent de la CIC, d’après la Fédération nationale des sapeurs‑pompiers de France (FNSPF). Cette dernière déplore que l’organisation prévue par le plan Pandémie grippale de 2011, qui confie la conduite opérationnelle de la crise au ministère de l’Intérieur et aux préfets, n’ait pas été respectée.

Le centre interministériel de crise, qui est censé regrouper la CIC et la cellule de crise du ministère des Solidarités et de la santé, a été mis en place le 19 mai 2020, avec à sa tête le préfet Denis Robin. La DGSCGC a été chargée d’y apporter des moyens matériels et humains. La lettre de mission du directeur du centre interministériel de crise précise que la DGSCGC doit apporter à cette nouvelle structure « le soutien nécessaire à la réalisation de [sa] mission, notamment pour tout ce qui concerne la logistique du centre interministériel de crise ».

La DGSCGC est chargée de la logistique de la CIC, qui est située au ministère de l’Intérieur. Dans ce cadre, elle a assuré l’établissement du bilan interministériel de la situation nationale à partir des données du terrain, par l’intermédiaire de synthèses et de tableaux de bord statistiques, au sein de la cellule « situation », et a assumé une mission d’organisation et de coordination du travail du centre interministériel de crise au quotidien. Elle a également participé à la cellule « anticipation » qui a travaillé avec la mission de M. Jean Castex sur le plan de déconfinement. Elle a enfin fourni de moyens humains à une cellule « thématiques » spécialement créée dans le cadre de la crise du covid-19 pour produire des fiches techniques à destination des réseaux territoriaux.

À la fin du mois d’avril, la DGSCGC fournissait environ 33 % des effectifs de la CIC (28 agents sur 85). Au milieu du mois de juin, elle en fournissait environ 25 % (10 agents sur 40), puis la moitié au milieu du mois de juillet (8 agents sur 17). Au total, 105 agents de la DGSCGC ont été mobilisés ponctuellement ou régulièrement au service de la CIC. La FNSPF critique toutefois le recours à des élèves-policiers et à des élèves de l’École de guerre plutôt qu’à des officiers de sapeurs-pompiers dans la gestion de la CIC.

La Fédération nationale des sapeurs‑pompiers appelle de ses vœux une attribution plus claire du pilotage opérationnel des crises sur le territoire national au ministère de l’Intérieur et un rattachement de leur gestion interministérielle au Premier ministre, à défaut de la création d’un ministère chargé de la gestion des crises et des situations d’urgence.

Votre rapporteur pour avis souhaiterait connaître les améliorations apportées à la coordination interministérielle, notamment entre le ministère de l’Intérieur et le ministère des Solidarités et de la santé, dans le cadre de la deuxième vague de covid19.

2.   Un soutien insuffisant aux services d’incendie et de secours

Si la DGSCGC a joué un rôle important au sein la cellule interministérielle de crise, votre rapporteur pour avis remarque que les services d’incendie et de secours n’ont pas été associés de la même manière aux cellules de crise dans l’ensemble des préfectures. Dans l’Aveyron par exemple, le SDIS n’était pas invité aux conférences téléphoniques réunissant le préfet, les élus, le délégué territorial de l’agence régionale de santé (DT ARS) et le service départemental de l’éducation nationale.

En outre, la gestion bicéphale de la crise au niveau ministériel semble avoir eu des répercutions préoccupantes au niveau local. Certaines agences régionales de santé auraient donné pour instruction à leurs délégués territoriaux et aux directeurs d’hôpitaux de mettre un terme à toute communication avec des préfets de départements, privant ces derniers des informations nécessaires à la coordination des opérations de secours. Les délégués territoriaux ont d’ailleurs parfois semblé manquer de toute capacité de décision dans l’urgence, faute de soutien de leur agence régionale de santé (ARS).

La FNSPF note à ce propos que « les préfets semblent avoir été relégués au second rang dans la gestion de la crise en raison d’une absence de dialogue avec les ARS. De ce fait, leur prise en main de la gestion de crise n’a pas été homogène jusqu’à la mise en place le 2 avril de la commission Castex chargée de préparer le déconfinement. Les services d’incendie et de secours (SIS) ont été confrontés à de vives difficultés dans les départements où les préfets n’étaient pas en mesure d’assurer le pilotage de la crise. En revanche, des préfets en position de gérer la crise ont permis aux structures concernées de s’adapter et de fonctionner correctement de même que lors de la phase de déconfinement des populations. » ([1])

Par ailleurs, la DGSCGC n’a transmis aucune directive particulière ni élément de doctrine aux SDIS pour les accompagner pendant la crise. Le commandant de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris a ainsi indiqué à votre rapporteur pour avis que le seul document transmis par la DGSCGC au plus fort de la crise était une note expliquant la bonne manière de porter un masque.

La FNSPF souligne que « le pilotage de la crise par le directeur des sapeurs-pompiers du fait de l’empêchement pour raisons de santé du directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises a fait l’objet de vives critiques : retard dans la prise en compte des alertes des directions départementales des services d’incendie et de secours (DDSIS) du Grand Est sur la gravité de la crise jusqu’à l’arrivée de l’épidémie en Ile-de-France, parution tardive d’une directive inappropriée en matière de doctrine d’équipements de protection individuelle, pressions sur les DDSIS des territoires sous tension pour qu’ils abaissent le niveau de protection de leurs agents et le mettent en conformité avec celui des personnels soignants, confrontés à une situation de pénurie ».

Le rôle de coordination de la DGSCGC semble également avoir été très limité. La DGSCGC indique qu’elle a apporté un soutien aux SDIS qui en ont fait la demande par l’intermédiaire de missions d’appui en situation de crises, notamment à Mayotte et en Guyane, particulièrement touchées par l’épidémie. Depuis le milieu du mois d’avril des renforts se relaient au SDIS de Mayotte : un directeur adjoint y a été envoyé ainsi que des personnels du service de santé et de secours médical (SSSM). L’élément de sécurité civile rapide d’intervention médicalisée (ESCRIM) a été déployé à la demande de la zone de défense Guyane pour soutenir l’hôpital de Cayenne du 24 juin au 29 juillet 2020. La coopération avec l’hôpital s’est faite au niveau local avec le chef de détachement envoyé en reconnaissance dès le 22 juin, appuyé par l’ARS. L’ESCRIM n’étant pas habilité pour recevoir les patients atteints du covid-19, elle a reçu les patients atteints d’affections légères afin d’alléger la charge de l’hôpital. Le groupement des moyens nationaux terrestres a également apporté du renfort au bataillon des marins-pompiers de Marseille pour réaliser des prélèvements en vue de tests PCR entre le 6 avril et le 5 juin 2020.

La FNSPF estime que la crise du covid-19 est l’occasion d’accélérer la création auprès du directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises et du ministre de l’Intérieur d’un état-major opérationnel de sécurité civile composé, comme c’est déjà le cas pour la police et la gendarmerie, d’officiers de sapeurs-pompiers.

Votre rapporteur pour avis estime qu’il est nécessaire de renforcer le rôle des préfets dans la coordination des services déconcentrés – notamment les délégations territoriales des ARS dont les pouvoirs de décision devraient être élargis et les SAMU –, afin d’améliorer la gestion territoriale de la crise.

3.   Un engagement des moyens nationaux sans réelle coordination avec le ministère des Solidarités et de la santé

a.   Une participation décisive des hélicoptères de la sécurité civile

Les bases d’hélicoptères de la sécurité civile font preuve d’une grande réactivité : elles sont disponibles 365 jours par an, 24 heures sur 24. Entre les mois de février et juillet, 21 des 23 bases d’hélicoptères ont été mobilisées pour répondre à la crise : seules les bases de Montpellier et Cannes n’avaient réalisé aucune mission covid-19 au 31 juillet. Parallèlement, l’épidémie de covid-19 a provoqué un ralentissement de l’activité des secours héliportés.

293 missions liées au covid-19 ont été réalisées entre le 25 février et le 31 juillet, représentant 360 heures de vol. 254 missions de transport ont été assurées : 69 personnes ont ainsi été transportées dans le cadre de missions primaires et 190 dans le cadre d’un transports inter-hospitalier. En outre, 39 missions s’inscrivaient dans le cadre de missions de soutien (transport d’équipes médicales et de matériel, le plus souvent en outre-mer). La base de Quimper a été mise en veille du 2 avril au 27 mai pour envoyer son hélicoptère et ses personnels en renfort dans les Antilles sur le porte-hélicoptère amphibie Dixmude.

Ces missions ont démontré la capacité des équipages à s’adapter et à inventer des procédures innovantes pour assurer une mission de service public à laquelle ils n’étaient pas préparés et pour laquelle ils n’étaient pas même équipés. La mise en œuvre de protocoles de désinfection, longs et minutieux, et la prise en charge complexe des malades ont diminué les capacités journalières d’intervention. Des transferts de moyens ont été réalisés des zones de faible circulation du virus vers les zones dont les services d’urgence étaient débordés.

Les moyens héliportés de la sécurité civile ont réalisé une proportion très importante des missions qui ont permis de désengorger les services d’urgence d’Alsace, de Lorraine et de Bourgogne Franche-Comté, ainsi que de la région parisienne vers l’ouest de la France. Ils ont ainsi démontré qu’ils constituent un partenaire incontournable du secours aux personnes et de l’aide médicale urgente.

La crise du covid-19 a également permis à la DGSCGC de prendre conscience de l’utilité d’hélicoptères lourds pour réaliser les transports sur de plus longues distances, par exemple vers le nord de l’Allemagne, qui ont été confiés aux forces armées dans le cadre de la crise. De tels hélicoptères permettraient de ne plus dépendre des moyens d’autres ministères, d’être plus réactif et de compléter la flotte d’avions dans la lutte contre les feux de forêts.

b.   Une difficile coordination avec les héliSMUR

La gestion de la crise du covid-19 a rappelé toute l’actualité de la proposition issue de la revue de dépenses de 2016 sur les hélicoptères de service public qui proposait la création d’un organisme interministériel, sous l’autorité du Premier ministre, chargé de coordonner l’utilisation de tous les hélicoptères de service public. Cet organisme interministériel n’ayant pas été créé, la situation reste inchangée.

Les moyens héliportés du ministère de l’Intérieur sont habitués à œuvrer ensemble. Mais la coordination reste perfectible avec les moyens héliportés de la santé qui dépendent de la régulation médicale des hôpitaux et dont l’emploi n’est pas coordonné au sein d’une structure opérationnelle unique.

L’état-major interministériel de chaque zone de défense et de sécurité (EMIZ) intègre dans son périmètre de compétences les structures opérationnelles des diverses entités étatiques permettant de coordonner a minima l’emploi des moyens héliportés pour répondre à une crise ponctuelle. Dans le cadre de la crise, la structure de coordination mise en place à Metz a permis de réunir tous les moyens de la zone de défense et de sécurité, y compris ceux de l’ARS. La DGSCGC estime toutefois que la crise du covid-19 a confirmé que l’autonomie des SAMU ne facilite pas la coordination zonale ni l’emploi dans ce cadre des hélicoptères HeliSMUR.

Un groupe de travail a été constitué, à la suite des difficultés de coordination constatées lors des missions de désengorgement des hôpitaux parisiens à partir d’Orly. Il a réuni le centre national des opérations aériennes (CNOA) de l’armée de l’air, la direction générale de l’aviation civile, les opérateurs d’HeliSMUR, les forces aériennes de la gendarmerie nationale et la DGSCGC, en vue de définir la coordination des mouvements des hélicoptères de secours et d’assurer ainsi la sécurité aérienne. Il a été décidé que lors d’évènements similaires, le CNOA coordonnera dans un premier temps les mouvements des hélicoptères de secours, puis laissera dans un second temps ce rôle à une cellule dédiée, conformément à l’instruction interministérielle du 4 novembre 2013 relative à la coordination et à l’optimisation des moyens aériens en cas de crise localisée sur le territoire national. Mais il reste à identifier une cellule opérationnelle qui, au sein du ministère des Solidarités et de la santé, pourrait décider de l’engagement des hélicoptères des différents opérateurs civils aux ordres des régulations médicales des hôpitaux. Ce dispositif a été testé lors d’un exercice à la fin du mois de septembre 2020, afin d’être en mesure de répondre à une seconde vague de l’épidémie de covid-19.

Votre rapporteur pour avis s’interroge sur le problème récurrent de la coordination des héliSMUR et des hélicoptères de la sécurité civile : il souhaiterait connaître les obstacles qui s’opposent encore à la création d’un organisme interministériel chargé de coordonner l’utilisation de tous les hélicoptères de service public.

c.   Une participation ponctuelle des avions de la sécurité civile

Quatre avions ont été mobilisés entre le 17 mars et le 16 avril 2020 dans le cadre de la gestion de la crise liée à la pandémie de covid-19 : trois Beech 200 et un Dash 8 Q400. Ils ont assuré 12 missions représentant 39 heures de vol. Ces missions ont permis d’acheminer du matériel sanitaire (équipement de protection individuel, gel hydro-alcoolique) vers les départements de la Haute‑Corse et de la Corse du Sud et de transporter une équipe médicale de Bordeaux vers Strasbourg et Besançon ainsi qu’un détachement des marins-pompiers de Marseille à Paris.

Un avion a également effectué des transports au profit des équipages de l’hélicoptère de la sécurité civile envoyé en renfort dans les Antilles françaises en raison de la quatorzaine imposée pendant l’état d’urgence sanitaire.

d.   Une absence de mobilisation des moyens logistiques nationaux

Lors de son audition par la mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de covid-19, M. Grégory Allione, président de la FNSPF a souligné que les moyens nationaux logistiques auraient pu être mieux employés dans le cadre de la crise. Selon la FNSPF, aucun des quatre établissements de soutien opérationnel et logistique (ESOL) n’a été mobilisé, alors que leur soutien aurait pu être déterminant pour distribuer des masques aux acteurs de terrain engagés contre l’épidémie :

« La distribution de matériel aurait-elle pu être plus performante ? S’agissant des masques, la distribution a été confiée à des transporteurs privés ; par moments, ils ont mis du temps à arriver, car certains des transporteurs ont invoqué leur droit de retrait. Or, au sein de la direction générale de la sécurité civile, existent les établissements de soutien opérationnel et logistique (ESOL), et, dans tous les territoires, il y a les sapeurs-pompiers. Nous nous sommes d’ailleurs proposés pour distribuer les masques. Je puis vous assurer que, là où il y a eu une forme de coordination entre l’autorité préfectorale, ayant à sa disposition les ESOL et les secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI), et les collectivités territoriales – notamment les départements et les communes –, la distribution a été faite par les sapeurs-pompiers, et il n’y a jamais eu de déficit de masques (…)

Avec les 250 000 sapeurs-pompiers, les unités militaires de la sécurité civile et les ESOL, qui sont des plateformes logistiques prêtes à monter des tentes et à aligner des véhicules pour transporter des malades, on dispose d’une véritable « force armée » de la protection civile du quotidien. Or celle-ci n’a pas été utilisée. Cela aurait pu faciliter les choses (…)

Les ESOL sont des plateformes proposant des moyens mis à disposition par l’État, complétés par ceux des SDIS. Quand l’autorité préfectorale s’est vue confier, avec les moyens dont elle dispose – notamment les gendarmes et les pompiers – les opérations de logistique, elle n’a jamais failli, il n’y a jamais eu de délai d’attente, de réception et de conditionnement. Les stocks ont été sécurisés grâce aux forces de police et de gendarmerie, la distribution a été réalisée grâce à la mobilisation de l’ensemble des sapeurs-pompiers, notamment lors de la phase de confinement, pendant laquelle les sapeurs-pompiers volontaires étaient tous disponibles. L’engagement citoyen et les associations agréées de sécurité civile ont également contribué à la résilience. Les ESOL sont donc de véritables plateformes, qu’il faut développer, renforcer, sécuriser et continuer à mettre en œuvre avec les forces de sécurité intérieure, que ce soient les policiers, les gendarmes ou les sapeurs-pompiers. » ([2])

Votre rapporteur pour avis souhaiterait connaître les mesures prises pour mieux mobiliser, à l’avenir, les établissements de soutien opérationnel et logistique en cas de crise majeure.

4.   Une coopération européenne en cours de construction

a.   Une faible mobilisation des moyens mis à la disposition de l’Union européenne dans le cadre de la crise

Lors de la première partie de la crise du covid-19, les 18 modules français d’intervention mis à la disposition de l’Union européenne au titre de la réserve européenne de protection civile n’ont été ni sollicités ni déployés dans un cadre bilatéral ou européen. De même, l’avion Dash mis à sa disposition au titre du programme RescEU n’a pas été mobilisé.

Mais la France a procédé à plusieurs interventions au bénéfice d’États ayant formulé une demande d’assistance dans le cadre du mécanisme de protection civile de l’Union en raison de la crise sanitaire. Ces interventions sont prises en charge par la Commission européenne à hauteur de 75 % des coûts de transport. C’est dans ce cadre que des structures hospitalières de Wuhan et de la province du Hubei, en Chine, ont bénéficié, d’une livraison par la France de 17 tonnes d’équipements médicaux le 19 février 2020. L’Équateur, le Salvador, l’île de Chios en Grèce et le Bangladesh ont également bénéficié de livraisons d’équipements en juin et juillet.

Par ailleurs, 354 vols de rapatriement ont été organisés par les États participants au mécanisme de protection civile de l’Union, permettant le retour de 88 750 personnes dont 78 863 citoyens communautaires. Dans ce cadre, la France a organisé 33 vols au bénéfice de 8 180 citoyens français. La Commission européenne a cofinancé 75 % des coûts de transport dans ce cadre.

Les moyens aériens de la sécurité civile ont également été mobilisés pour des missions primaires et des missions de transferts inter-hospitaliers liées au covid-19 sur le territoire national ainsi qu’à destination du Luxembourg, de l’Allemagne et de la Suisse. Une demande de prise en charge des coûts de ces missions au titre du fonds de solidarité de l’Union européenne est en cours d’élaboration.

b.   Un accroissement du budget du programme RescEU dont la sécurité civile française pourrait bénéficier

Le 27 mai 2020, la Commission européenne a présenté son projet de plan de relance, dont le volet « Next Generation EU », doté d’une enveloppe de 750 milliards d’euros, constitue l’un des principaux leviers. Son troisième pilier vise notamment à renforcer des programmes clés de l’Union européenne afin de tirer les leçons de la crise.

À ce titre, une dotation de 1,9 milliard d’euros doit consolider le programme RescEU, le dispositif de réponse capacitaire de dernier niveau (safety net) du mécanisme de protection civile de l’Union européenne : ce programme sera étendu et renforcé pour doter l’Union de moyens de se préparer et de réagir à des crises futures. Le budget total du mécanisme de protection civile de l’Union européenne s’élèvera ainsi à plus de 3,1 milliards d’euros sur la période 2021‑2027.

Le renforcement de ce programme vise à :

– accroître les capacités de réaction face aux crises (matériel médical, dispositifs d’évacuation sanitaire aérienne, hôpitaux de campagne, avions et hélicoptères de lutte contre les feux de forêts) afin de pouvoir les mobiliser rapidement en cas d’urgence sanitaire, de feux de forêt, d’incident chimique, biologique, radiologique ou nucléaire ou à l’occasion de toute autre urgence majeure ;

– permettre à l’Union européenne d’acquérir directement des capacités d’intervention, afin de créer un filet de sécurité avec des équipements d’urgence qui pourront aider les États membres face à des situations de crise majeures ;

– permettre à l’Union européenne de financer entièrement le développement et les coûts opérationnels du programme RescEU.

Premier contributeur au titre de la réserve européenne de protection civile en termes d’envoi d’experts et de modules d’intervention déclarés, la France pourrait bénéficier de l’accroissement du budget du programme RescEU de plusieurs manières. La DGSCGC bénéficiera tout d’abord du cofinancement par la Commission européenne de deux avions bombardiers d’eau amphibies de type Canadair qui seront mis à la disposition du programme RescEU : leur acquisition au titre du budget 2020 de l’Union européenne est en cours. Une réflexion est également engagée avec l’Allemagne en vue de l’acquisition dans ce cadre d’un hélicoptère lourd de type EC 225 qui pourrait avoir sa base dans le nord-est du territoire français.

Par ailleurs, la constitution d’un arsenal médical stratégique intégralement financé par la Commission européenne et localisé en France est proposée conjointement par la DGSCGC et de la direction générale de la santé dans le cadre du volet médical du programme RescEU. La DGSCGC participe également aux travaux de conception d’un hôpital mobile européen dans les domaines de la gouvernance et de la logistique. Un autre projet relatif à l’achat, l’accueil et le stockage de capacités d’intervention en réponse aux risques nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC), intégralement financées par la Commission européenne, est également à l’étude.

 


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II.   Les forces territoriales de la sécurité civile dans l’attente d’une reconnaissance de leur rôle dans la gestion de la crise du covid-19

A.   Des sapeurs-pompiers insuffisamment reconnus dans leurs missions de soins d’urgence et très variablement mobilisés

1.   Des sapeurs-pompiers souvent peu sollicités au début de la crise, mais qui ont assuré des missions essentielles

En 2019, 85 % des 4,8 millions d’interventions des services d’incendie et de secours étaient consacrés au secours d’urgence aux personnes. Cela représente une intervention toutes les 6,5 secondes.

Au début de la crise, l’activité opérationnelle des services d’incendie et de secours a diminué de 20 à 50% dans les territoires où la circulation du virus demeurait faible. En effet, le confinement a entraîné la suspension d’une grande partie de la vie sociale et ainsi diminué les interventions des sapeurs‑pompiers sur la voie publique. La crainte des citoyens d’engorger les centres hospitaliers et la disponibilité des transporteurs sanitaires privés liée à la diminution de l’activité hospitalière programmée ont également contribué à une moindre sollicitation des services d’incendie et de secours. Mais cette baisse d’activité s’est accompagnée d’un allongement de la durée des opérations et elle a été suivie d’une forte reprise de l’activité dès le milieu du mois de mai.

Les sapeurs-pompiers se sont mobilisés quand ils ont été sollicités, c’est-à-dire assez peu au début de la crise, mais davantage ensuite. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers estime que les SDIS ont été victimes d’un effet d’éviction de la part des autorités au cours des premières semaines de la crise et que les SDIS et leur service de santé et de secours médical n’ont pas avoir été pris en compte dans les moyens nationaux mobilisables. Cette situation a entraîné un profond sentiment de frustration et de sous-emploi, d’autant plus important que les sapeurs-pompiers volontaires étaient particulièrement disponibles en raison du confinement.

 

L’exemple du SDIS de l’Aveyron

Au début de la crise, le nombre de missions de secours d’urgence aux personne (SUAP) a légèrement diminué (– 3%), mais la désinfection approfondie systématique des véhicules de secours et d’assistance aux victimes (VSAV) a augmenté la durée des interventions de 45 minutes. Le SDIS a également reçu moins d’appels d’urgence.

Les interventions covid ont représenté 10,3 % du SUAP et environ un tiers de l’ensemble des transport covid, pour répondre aux carences ambulancières. Depuis la reprise des opérations programmées, les entreprises de transport privé sanitaire refusent tous les transports covid et une grande majorité des transports d’aide médicale urgente (AMU) en raison de l’absence de prise en compte financière du temps de désinfection des ambulances. Cela a eu pour conséquence de tripler les carences ambulancières assurées par le SDIS. Sur la même période, les accidents sur voie publique ont diminué de 28 % et les incendies d’un peu plus de 30 %.

Le SDIS n’a pas connu de baisse des effectifs de garde dans les centres d’incendie et de secours et a appliqué le plan de continuité de l’activité pour limiter les risques de contaminations. Huit sapeurs‑pompiers (deux professionnels et six volontaires) ont eu une forme sans gravité du covid et un seul sapeur-pompier professionnel a bénéficié d’une autorisation d’absence spéciale pour garde d’enfant. Le SDIS a refusé de participer à la réserve sanitaire autrement qu’en équipe constituée.

Le Service de santé et de secours médical (SSSM) est constitué de 65 médecins sapeurs-pompiers, dont un médecin-chef sapeur-pompier professionnel, et de 108 infirmiers, dont deux sapeurs-pompiers professionnels, 5 pharmaciens dont un pharmacien-chef sapeur-pompier professionnel, 5 vétérinaires volontaires et 1 psychologue issu des personnels administratifs, techniques et spécialisés. Ils participent aux interventions à la demande des sapeurs-pompiers sur le terrain ou du SAMU. Le SSSM a été fortement sollicité pendant la crise et a dû créer une adresse mail dédiée pour répondre aux différentes sollicitations. La pharmacie à usage intérieur a fait face à un accroissement de son activité de plus de 50 %. Le SSSM a été associé au groupe de pilotage « crise covid » avec le groupement qui commande les opérations et la direction.

Le SDIS n’a pas connu de difficultés d’approvisionnement en équipement individuel de protection, car le pharmacien-chef a effectué rapidement des commandes.

Il n’est pas intervenu dans le cadre de transports sanitaires inter-hospitaliers de patients, mais un groupe de secours aux personnes (un véhicule chef de groupe, quatre VSAV et un véhicule médecin-infirmier, soit seize sapeurs-pompiers) était prêt à s’engager en renfort chaque jour.

Les relations du SDIS avec le centre de réception et de régulation des appels (CRRA-15) ont été excellente. Le SDIS a constaté une saturation du centre assez régulièrement : il était alors très difficile de le joindre pour faire un bilan radio ou un transfert d’appel. Mais la crise n’a pas permis de faire progresser les mutualisations en vue d’une plateforme commune : le CRRA‑15 ne souhaite pas d’une plateforme commune avec le SDIS, alors que ce dernier y est favorable. Une plateforme commune aurait pourtant représenté un atout dans la gestion de la crise : la création d’un front-office commun aurait pu les soulager.

Le SDIS est actuellement associé aux réunions sur le dépistage qui sont organisées par l’ARS départementale. Depuis le mois de juillet, il a d’ailleurs réalisé cinq dépistages d’ampleur pour le compte de l’ARS. Il a également prêté une tente de poste médical avancé et quinze pousses-seringues au centre hospitalier de Rodez.

L’association départementale de la protection civile a régulièrement informé la SDIS de sa capacité à mettre à disposition une ambulance et des bénévoles, mais il ne l’a pas sollicitée.

Le directeur du SDIS estime que la gestion de la crise, qui n’est pas que sanitaire, aurait dû être conduite par les préfets, avec l’ensemble des services concernés. Sur l’aspect sanitaire, il serait souhaitable que les délégations territoriales de l’ARS disposent d’un pouvoir de décision déconcentré : on ne pilote pas une crise à l’échelon régional, mais à l’échelon départemental. L’échelon régional, à l’image des états-majors interministériels de zone, vient en appui aux acteurs territoriaux, pour mieux coordonner et mutualiser.

À l’inverse, dans les départements fortement exposés au virus dès le début de la crise, comme ceux de la région Grand Est et de l’Île-de-France, l’activité opérationnelle de secours d’urgence aux personnes a augmenté de 30 %.

Entre les mois de mars et de mai 2020, les sapeurs-pompiers ont réalisé plus de 122 000 interventions covid-19, dont 37 % en Île-de-France et 11 % dans la région Grand Est.

Source : DGSCGC

Les sapeurs-pompiers ont fait preuve de souplesse et de réactivité face à la crise. Sur le plan opérationnel, les SDIS ont déclenché leur plan de continuité de l’activité, puis leur plan de reprise d’activité, et adapté les effectifs en garde postée. Des moyens spécifiques ont été mobilisés pour les interventions covid-19 : véhicule de secours et d’assistance aux victimes (VSAV), personnels, équipements et procédures dédiées. Afin de limiter le risque de contamination, vingt-six services d’incendie et de secours ont décidé de réduire à deux sapeurs-pompiers les effectifs de leurs VSAV. Les sapeurs-pompiers ont suivi une formation relative à l’habillage et au déshabillage, aux équipements de protection individuels et aux règles d’hygiène.

Plus de la moitié des services d’incendie et de secours ont réalisé des bilans médico-secouristes spécifiques de la victime, et ont adapté leurs autres procédures techniques, notamment en cas d’arrêt cardio-respiratoires, d’aspiration ou d’administration d’oxygène.

 

Source : DGSCGC

 

Source : DGSCGC

Lorsque les service d’incendie et de secours ont rencontré des difficultés dans l’approvisionnement des pharmacies à usage intérieur (masques chirurgicaux et FFP, lunettes, combinaisons, gants et housses mortuaire, médicaments comme les curares ou le midazolam, circuits respirateurs), ils ont fait preuve d’initiative et de créativité. Ils ont par exemple aménagé un dispositif d’isolement de la victime dans les véhicules de secours en utilisant des rideaux en plastique transparent permettant d’isoler la victime dans une « bulle ».

La durée de leurs interventions s’est allongée en raison du temps d’habillage des sapeurs-pompiers, du délai d’évacuation vers les centres covid, de l’attente dans les centres hospitaliers en raison du tri des patients et de la désinfection et la décontamination des véhicules et matériels. Les interventions ont ainsi duré en moyenne deux heures à deux heures trente, et jusqu’à cinq heures dans certains cas, contre une heure vingt-quatre en moyenne en temps normal.

Dès le début de la crise sanitaire, les services d’incendie et de secours ont modifié l’organisation de l’activité du service de santé et de secours médical (SSSM), en reportant notamment de six mois les visites périodiques d’aptitude médicale des sapeurs‑pompiers, conformément à l’arrêté du 23 mars 2020. Les volontaires du SSSM ont été très sollicités par leurs employeurs, mais les services d’incendie et de secours n’ont pas souffert d’un manque de personnels, la complémentarité entre les sapeurs-pompiers professionnels et les volontaires permettant d’adapter leur organisation.

 

 

Source : DGSCGC

Les personnels disponibles du SSSM se sont concentrés sur les missions opérationnelles urgentes, tels que les interventions dans le cadre de l’aide médicale urgente, le soutien sanitaire aux sapeurs-pompiers en intervention, la création d’une coordination médicale au sein des centres de traitement des appels et la participation à l’élaboration de protocoles et de consignes opérationnelles.

Ils ont également été sollicités par le ministère des Solidarités et de la santé pour diverses missions de para‑médicalisation ou de médicalisation des évacuations sanitaires et pour des missions de dépistage dans des EHPAD, des abattoirs ou des prisons.

 

Source : DGSCGC

Ils ont mené des actions de formation et de prévention, ont effectué un suivi des personnels (cas avérés et cas contact), ont assuré un soutien psychologique, ont participé à l’approvisionnement en équipement de protection ainsi qu’à des collectes de dons de masques.

Enfin, ils ont permis de médicaliser les différents moyens de transport employés dans le cadre des évacuations sanitaires. Les services d’incendie et de secours ont en effet participé à l’acheminement de victimes vers des établissements hospitaliers par voie aérienne (dispositif « Morphée », moyens héliportés), ferroviaires (dispositif « Chardon ») et routier (VSAV) au niveau national et européen. La DGSCGC ne dispose pas du nombre d’évacuations sanitaires réalisées par les sapeurs-pompiers, ni du nombre de victimes qui en ont bénéficié.

Pour la FNSPF, la réussite de la gestion locale de la crise par les SDIS tient à leurs relations étroites avec les préfectures et les élus locaux, mais aussi aux liens noués entre les sapeurs-pompiers et les personnels de santé, hospitaliers et libéraux, qui ont l’habitude de travailler ensemble sur le terrain.

2.   La brigade de sapeurs‑pompiers de Paris, un acteur majeur dans la gestion de la crise en région parisienne

La brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) défend les 124 communes des départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val‑de‑Marne, soit une population de 7 millions d’habitants auxquels s’ajoutent quotidiennement 2 millions de Franciliens. Elle est constituée de soixante‑et‑onze centres de secours, trois centres de secours spécialisés dans les risques nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) et deux centres de secours nautiques. Elle est composée de plus de 8 000 militaires d’active, 450 réservistes opérationnels et citoyens et 250 volontaires du service civique. En 2019, la BSPP a réalisé 507 000 interventions, dont 80 % de secours d’urgence aux personnes.

Entre le 24 février et le 11 mai 2020, la BSPP a effectué près de 11 000 interventions covid‑19. Elle a honoré toutes les demandes de concours du SAMU dans le cadre du secours d’urgence aux personnes (SUAP) sur voie publique comme à domicile en cas de suspicion de covid‑19.

Malgré sa demande, la BSPP n’a pas été autorisée à participer aux réunions sur l’aide médicale urgente (à laquelle elle contribue pourtant directement) qui ont été organisées quotidiennement par l’ARS et le SAMU pendant la crise. Ses relations avec les SAMU se sont donc réduites à des contacts informels liés aux réseaux personnels de connaissances des sapeurs‑pompiers de Paris.

Source : DGSCGC

En vue d’apporter une réponse adaptée à la crise, elle a rapidement mobilisé la totalité de ses effectifs (suspension des congés) et a créé 17 équipages d’ambulances de réanimation supplémentaires. Elle a également mis en place des véhicules légers infirmiers. Sa force de réaction rapide a été portée à 10 véhicules de secours et d’assistance aux victimes. L’ensemble des sapeurs‑pompiers de Paris étant formés aux secours, les personnels travaillant en back office sont venus en renfort des groupements opérationnels.

La BSPP a également reçu le renfort de 25 auxiliaires du 1er régiment médical de la Valbonne, de 52 élèves des écoles militaires (élèves de l’École polytechnique, élèves officiers à l’École militaire interarmes et stagiaires de l’École de guerre ayant servi à la BSPP), de 90 volontaires service civique (VSC) et de 365 réservistes. Ces derniers ont effectué en moyenne 800 gardes de 24 heures par mois au cours des trois premiers mois de la crise.

Source : DGSCGC

En plus de ses missions habituelles, la BSPP a adapté son soutien aux divers acteurs de la santé engagés en première ligne. Les hôpitaux d’instruction des armées de Percy et de Bégin ont notamment bénéficié de renforts de la BSPP employés en qualité d’aide‑soignant au sein des services de réanimation. Une mission de soutien auprès de l’ARS d’Île‑de‑France a également été mise en place pour gérer les flux de matériels de première nécessité destinés aux soignants (masques et gel hydro-alcoolique principalement). La BSPP a envoyé des renforts médicaux et paramédicaux à Mayotte du 14 au 28 juin, en Guyane du 23 juin au 12 juillet

Elle a participé à l’évacuations sanitaires de 70 patients en réanimation à Paris comme en province, par train ou aéronef, au cours de trente transferts aériens et de trois transferts ferroviaires. Près de 400 médecins, infirmiers et sapeurs-pompiers de la BSPP, répartis en vingt-neuf équipes, ont participé à ces évacuations. Elle a également effectué trois transferts inter‑hospitaliers à la demande des hôpitaux d’instruction des armées parisiens et pris en charge vingt‑et‑un patients covid graves rapatriés de théâtres d’opérations à la base aérienne de Villacoublay.

Depuis le mois de juin 2020, la BSPP assiste l’ARS dans les campagnes de prélèvement à Paris et en petite couronne. Elle a augmenté ses effectifs consacrés à cette tâche dès la parution de l’arrêté du 24 juillet 2020 autorisant les sapeurs-pompiers à effectuer les tests : entre deux et trois VSAV sont affectés chaque jour à cette tâche.

Le covid-19 a entraîné un surcoût des interventions de 482 000 euros en dépenses de personnel et de plus de 5 millions d’euros en dépenses de matériel. La BSPP a bénéficié de nombreux dons d’équipements individuels de protection.

3.   Un arbitrage interministériel sur le numéro unique et les plateformes communes qui ne peut plus être repoussé

a.   Une saturation du 15 pendant la crise, alors que des plateformes communes auraient permis de mieux gérer les appels d’urgence

Au début de la crise, les appels au numéro d’urgence 15 ont fortement augmenté. Ce pic a été suivi, avec un décalage d’environ une semaine, d’une augmentation plus faible des appels vers le 17. Les appels vers les numéros 18 et 112 n’ont pas subi de variation majeure : ils ont même légèrement diminué en raison du confinement. Conformément aux directives nationales, les appels pour des conseils liés au covid-19 adressés aux SDIS ont été transférés aux SAMU territorialement compétents.

Source : DGSCGC

Ces directives renvoyant vers le seul numéro 15, dès le mois de février, pour toutes les questions relatives au covid a entraîné un transfert de nombreux appels au 18 qui ne présentaient aucun caractère d’urgence vers le 15, pour permettre aux demandeurs d’exposer leurs problèmes et d’obtenir un conseil médical. Au début du mois de mars, une saturation des CRRA‑15 (centres de réception et de régulation des appels) a été constatée, en raison des capacités insuffisantes de ces centres face à l’étendue de la crise sanitaire. Comme les CRRA-15 étaient engorgés par les appels relatifs au covid-19 qui se mêlaient aux autres urgences, les personnes se sont alors tournées vers le 18.

Dès le début de la crise, les SDIS ont réorganisé leur centre de traitement des appels et leur centre opérationnel (CTA-CODIS) en créant une zone de travail dédiée aux médecins sapeurs-pompiers et une coordination médicale composée d’infirmiers sapeurs-pompiers et de médecins sapeurs-pompiers, en collaboration avec le SAMU.

Les services d’incendie et de secours ont trouvé des solutions innovantes pour répondre aux difficultés rencontrées. Face à des problèmes ponctuels de transmission d’information par le SAMU sur des suspicions de covid, ils ont mis en place des arbres décisionnels communs pour l’engagement des VSAV. Ils ont également établi des lignes d’appel directes entre leur centre de traitement des appels et le SAMU. À la demande du SAMU ou de la préfecture, ils ont mis des personnels à la disposition de CRRA‑15, afin de faciliter la prise en compte de leurs bilans médico‑secouristes et de leurs appels. Ils ont aussi créé une coordination médicale gérée par les personnels du SSSM au sein des CTA-CODIS, qui a permis de poursuivre les opérations sur le terrain lorsque la régulation médicale était saturée ou indisponible.

Les plateformes communes de traitement des appels d’urgence 15‑18‑112 se sont révélées très utiles, dans ce contexte : elles sont parvenues à absorber sans grande difficulté le pic d’appels généré par la crise. Cependant, aucune nouvelle plateforme n’a été créée à l’occasion de la crise sanitaire : seules les plateformes communes déjà en service étaient actives.

Plateformes communes en activité

Département

Date de création

Lieu d’implantation

Acteurs

AIN

01/03/05

SDIS 01

Sapeurs-pompiers  et SAMU

ARDECHE

01/01/08

SDIS 07

ARIEGE

01/07/00

SDIS 09

AUDE

01/01/98

SDIS 11

CHER

16/06/05

Centre hospitalier

CORREZE

2000

SDIS 19

GERS

15/11/07

SDIS 32

HERAULT

01/09/14

SDIS 34

INDRE ET LOIRE

18/09/07

Centre hospitalier

LOT ET GARONNE

18/04/01

SDIS 47

HAUTE MARNE

01/02/15

SDIS 52

PUY DE DOME

1990

Centre hospitalier

PYRENEES ORIENTALES

2012

SDIS 66

HAUTE SAVOIE

11/07/96

SDIS 74

VAUCLUSE

08/06/04

SDIS 84

VOSGES

01/01/08

SDIS 88

ESSONNE

01/06/06

Indépendant

TARN ET GARONNE

2019

SDIS 82

PARIS et petite couronne

11/2016

BSPP

Sapeurs-pompiers et police nationale

Source : DGSCGC

À la Paris, la plateforme des appels d’urgence (PFAU), qui traite les appels au 17, au 18 et au 112, a modifié régulièrement ses procédures de traitement des appels pour prendre en compte les recommandations de Santé publique France. Le niveau 1 de la PFAU a connu une période de forte sollicitation du 9 au 20 mars 2020 : s’il traitait en moyenne 4556 appels par jour au premier trimestre 2020, il a été amené à en traiter 5 081 au cours de cette période, soit une augmentation de 12 %. Le pic d’activité est intervenu au cours de la journée du 13 mars 2020, avec 6 055 appels décrochés, soit une hausse de 33 % par rapport à la moyenne du premier trimestre. Le temps de décroché a toutefois faiblement augmenté, grâce à l’organisation très efficace de la plateforme commune.

Source : BSPP

b.   Un indispensable arbitrage interministériel

L’an dernier déjà ([3]), votre rapporteur pour avis constatait que les missions, groupes de travail et rapports se succèdent depuis plusieurs années, mais qu’aucune décision politique n’intervient pour choisir le scénario le plus pertinent de mise en œuvre du numéro unique d’appel d’urgence et des plateformes communes de réception des appels d’urgence.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, de nouvelles expérimentations de plateformes communes ont été annoncées. Or, seule la plateforme commune de Montauban a été inaugurée depuis cette annonce, en novembre 2019. Les plateformes communes entre le SAMU et les SDIS sont en cours d’expérimentation depuis les années 1990 : il pourrait être utile de décider à présent si elles doivent s’étendre à l’ensemble du territoire national.

La coordination entre le numéro du futur « service d’accès aux soins », annoncé le 13 octobre 2019, et les numéros d’urgence paraît encore incertaine : certains le considèrent comme un numéro unique de santé. Il convient de trancher entre un modèle mettant en facteur commun l’urgence, au sein de plateformes regroupant les numéros 15, 17, 18 et 112, et un modèle centré sur la santé qui dirige les appels médicaux urgents et non urgents vers un seul numéro, comme le 15 pendant la crise du covid‑19.

Cette crise a démontré l’efficacité des plateformes communes de gestion des appels d’urgence, qui constituent également une étape indispensable pour permettre aux professionnels des SAMU et des SDIS de construire progressivement une culture commune afin de mieux collaborer.

Toutes les plateformes communes en activité ont été déployées au niveau départemental, à l’exception du cas très particulier de l’agglomération parisienne : le département apparaît en effet comme le niveau le plus pertinent.

Alors que les projets de mutualisation interdépartementale des plateformes de réception des appels d’urgence de la gendarmerie nationale et de la police nationale se poursuivent et que les mutualisations tendent à s’organiser au niveau régional pour les SAMU, il conviendrait également de décider quel échelon territorial est le plus pertinent.

Votre rapporteur pour avis demande que le numéro unique d’appel d’urgence et les plateformes communes fassent l’objet d’un arbitrage interministériel dans les meilleurs délais, la crise actuelle ne permettant plus de tergiverser sur ces sujets. Il est favorable à la création de centres départementaux réunissant le traitement des appels d’urgence aux 15, 17, 18 et 112.

4.   La nécessité d’une meilleure reconnaissance des sapeurs‑pompiers en tant qu’acteurs du système de santé

a.   Une reconnaissance attendue des capacités de soin des sapeurs‑pompiers et un élargissement souhaitable des gestes techniques dans le cadre du secours d’urgence aux personnes

Dans l’imaginaire collectif, les sapeurs‑pompiers sont des soldats du feu. Ils le sont toujours, mais ils sont aujourd’hui surtout des soldats de la santé. Si le secours d’urgence aux personnes ne représentait que 60 % des interventions des SDIS il y a vingt ans, il constitue à présent 84 % de leur activité. La FNSPF estime que les sapeurs‑pompiers assument seuls près de 95 % des urgences pré-hospitalières.

Le secours d’urgence à personne (SUAP) est devenu l’activité principale des SDIS et a fait d’eux des acteurs majeurs de notre système de santé. Ils sont le dernier recours dans les « déserts médicaux », qu’ils soient ruraux ou urbains, en lien avec l’évolution de la carte médicale et du fait de la diminution des permanences médicales de proximité. Le maillage territorial des centres de secours des sapeurs‑pompiers compense les restructurations du système de santé. Les sapeurs‑pompiers, privilégiés pour leur proximité, leur rapidité et la gratuité de leurs interventions, sont amenés à assumer un rôle de substitution.

En matière de prise en charge de l’urgence, la législation distingue le SUAP, non médicalisé et qui relève de la sécurité civile, de l’aide médicale urgente (AMU), médicalisée, qui relève de la santé publique. Le référentiel commun du 25 juin 2008 relatif à l’organisation du SUAP et de l’AMU organise les relations entre les SDIS et les SAMU. Cependant, dans la pratique, les situations d’urgence peuvent voir les activités de secours et d’assistance médicale s’entremêler, voire même se substituer l’une à l’autre en cas de saturation du système d’AMU. Le référentiel commun de 2008 semble obsolète, tant il est en décalage avec la réalité des opérations conduites sur le terrain.

Le service de santé et de secours médical des services d’incendie et de secours, dont l’action a été décisive dans la gestion de la crise au niveau local, a besoin d’être mieux reconnu et d’être renforcé. L’engagement opérationnel des médecins sapeurs-pompiers dans le secours d’urgence aux personnes, sur le terrain et dans les CTA‑CODIS, doit être développé, de même que les protocoles infirmiers de soins d’urgence. L’organisation de la brigade de sapeurs‑pompiers de Paris est un modèle en la matière : elle dispose d’ailleurs de sa propre régulation médicale.

Mais les compétences des sapeurs-pompiers en matière de gestes techniques de secours d’urgence aux personnes mériteraient également une meilleure reconnaissance. La FNSPF déplore que « l’opposition systématique de la Santé à l’évolution des pratiques [n’ait] pas permis, au plus fort de la crise, d’élargir le champ des gestes techniques réalisés par les sapeurs-pompiers au profit des victimes ».

La FNSPF propose depuis plusieurs années la création d’un métier de technicien de secours et de soins d’urgence au sein des sapeurs‑pompiers : ce secouriste disposerait de la capacité à procéder à des évaluations initiales et à dispenser des gestes de soin d’urgence identifiés et contrôlés.

Une meilleure reconnaissance des compétences des sapeurs‑pompiers en matière de soins d’urgence paraît aujourd’hui indispensable. Votre rapporteur pour avis estime qu’un compromis doit être trouvé à ce sujet entre le ministère des Solidarités et de la santé et le ministère de l’Intérieur. Le ministère des Solidarités et de la santé ne peut plus continuer à ignorer les sapeurs‑pompiers qui apportent une contribution essentielle à notre système de santé.

b.   Un arbitrage indispensable sur les carences ambulatoires

Pendant la crise du covid-19, les services d’incendie et de secours ont effectué de nombreux transports sanitaires, dans le cadre des carences ambulancière, en faisant parfois figure de dernier recours, puisqu’ils ne disposent pas de droit de retrait. Mais la question des carences ambulancières, définies aux troisième et quatrième alinéa de l’article L. 1424‑42 du code général des collectivités territoriales, constitue un point de tension permanent entre les SDIS et les ARS.

Le nombre de carences ambulancières assuré par les SDIS est passé de 259 435 interventions en 2009 à 503 191 en 2019, soit un doublement en dix ans. Le rapport IGA-IGAS relatif à l’évaluation de la mise en œuvre du référentiel SAP-AMU d’octobre 2018 et le rapport relatif à l’évaluation du coût des interventions de carences ambulancières réalisées par les services d’incendie et de secours en juin 2020 identifient un écart de nombre entre les carences ambulancières comptabilisées par les SIS (503 191 en 2018) et celles reconnues par les SAMU (313 676 en 2018). Il paraît donc nécessaire de préciser la notion de carence ambulancière.

En 2020, les carences ambulancières donnent droit à une indemnisation de 124 euros : leur montant est réévalué chaque année sur la base de l’indice des prix à la consommation. À la fin du mois de mai 2020, les services d’incendie et de secours avaient perçu 26 250 972 euros des 35 182 806 euros facturés aux centres hospitaliers sièges des CRRA-15 au titre des carences ambulancières faites en 2019, soit un taux de remboursement de 75 %.

Le montant de l’indemnisation des carences ambulancières fait également l’objet de désaccords : l’IGAS propose en effet un tarif moyen de 82 euros, tandis que l’IGA estime leur coût à 191 euros et l’ADF estime que leur montant s’élève à 251 euros.

Votre rapporteur pour avis souhaite qu’un compromis soit trouvé rapidement sur les carences ambulancières, afin de permettre aux sapeurspompiers de se concentrer davantage sur leurs véritables missions et de permettre une collaboration plus sereine entre les SDIS et les SAMU.

c.   Une nécessaire reconnaissance automatique des infections au covid-19 comme maladie professionnelle pour les sapeurs-pompiers

L’article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à une maladie contractée, reconnue imputable au service. Ce texte précise qu’est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions. Les tableaux de maladies professionnelles sont définis par décret : la DGSCGC indique que leur modification est à l’étude au ministère des Solidarité et de la santé, afin de déterminer les conditions de prise en compte du covid-19.

Les sapeurs-pompiers volontaires bénéficient de droits équivalents en matière de prise en charge médicale. L’article L. 723 8 du code de la sécurité intérieure qui précise que : « Les sapeurs-pompiers volontaires sont soumis aux mêmes règles d’hygiène et de sécurité que les sapeurs-pompiers professionnels. » et la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 permet aux sapeurs-pompiers volontaires atteints d’une maladie contractée en service ou à l’occasion du service de bénéficier d’indemnités prises en charge par leur service d’incendie et de secours.

Les sapeurs-pompiers souhaitent une reconnaissance automatique du covid-19 comme maladie professionnelle, d’autant plus qu’elle est effective pour les soignants depuis la publication du décret n° 2020‑1131 du 14 septembre 2020.

Votre rapporteur pour avis estime qu’une telle mesure est indispensable en reconnaissance de l’engagement des sapeurs-pompiers dans la crise du covid19.

B.   des associations agréées de sécurité civile souffrant d’une faible reconnaissance et d’un soutien financier insuffisant

1.   Un engagement indispensable dans la crise

Le modèle français de sécurité civile s’appuie sur un réseau d’associations généralistes ou spécialisées aux côtés des sapeurs-pompiers pour assurer un concours lors d’opérations de secours, soutenir les populations victimes d’accidents, sinistres ou catastrophes, organiser des dispositifs prévisionnels de secours lors de rassemblements de personnes et assurer des formations, par la mobilisation d’un grand nombre de bénévoles.

Près de 190 000 bénévoles seraient engagés auprès de ces associations, dont 65 000 auprès du Secours catholique au titre de ses activités sociales. Les membres formés, actifs et mobilisables, pour l’essentiel bénévoles, seraient environ 70 000, dont un peu plus de 33 000 diplômés de secourisme. Ils sont répartis dans plus de 600 associations départementales relevant d’une fédération nationale ou délégation locale d’associations nationales unitaires.

Les associations agréées de sécurité civile se sont investies de façon remarquable dans la crise sanitaire, notamment dans le transport de malades, l’aide aux centres hospitaliers ou encore aux personnes les plus vulnérables, qu’il s’agisse de personnes âgées dans les EHPAD ou de personnes isolées ou sans abri.

Selon les estimations transmises par les associations à la DGSCGC, elles auraient effectué environ 3 millions d’heures de bénévolat et 18 000 interventions en véhicules de secours entre le mois de mars et le mois de mai 2020. Au cours de la première semaine de mai, plus de 30 000 bénévoles étaient encore mobilisés. Ces associations ont assuré leurs missions gratuitement, en dehors du remboursement de leurs frais.

La fédération nationale de la protection civile, à elle seule, a consacré 1,6 million d’heures de bénévolat à la crise (soit 200 000 bénévoles engagés) entre le 15 mars et le 28 septembre, dans 91 départements. Elle a notamment participé aux opérations de secours publics et à la prise d’appels auprès des centres de régulation du SAMU et effectué des levées de doute covid-19 à la demande du SAMU. Elle a mobilisé 700 bénévoles sur les dix missions « Chardon » (transfert de victimes en TGV médicalisés) et a participé aux opérations « Morphée » (transfert de victimes par des moyens aériens). Elle a été chargée par une cinquantaine de centres hospitaliers et centres médicaux de réaliser des points d’accueil et de filtrage.

La fédération nationale de la protection civile a également participé à des cellules téléphoniques d’information du public et a mis en place une plateforme d’appels aux personnes isolées et vulnérables. Ses bénévoles ont apporté un important renfort dans près de 200 EHPAD (aide aux soins, animation, accueil des familles, distribution d’équipements de protection individuelle). Elle a distribué plus de 5 millions de masques à la population et aux soignants, à la demande de communes ou d’ARS. Elle a également participé à la gestion de centre de desserrement qui permettent le confinement de personnes contaminées n’ayant pas de domicile stable. Elle a déployé des équipes au sein des brigades sanitaires qui recherchent les cas-contacts. Elle a mis en place soixante centres et hôtels covid à la demande des préfectures et ARS, pour accueillir des personnes confinées hors de leur domicile. Elle a mis en œuvre plus de 140 centres de dépistage fixes ou mobiles à la demande des ARS. Elle réalise les tests PCR des passagers provenant de zones à risque dans de nombreux aéroports. Enfin, elle a réalisé 1 700 maraudes à la demande du SAMU social et a distribué 200 000 repas et des courses aux personnes isolées ou démunies pendant le confinement.

La Croix-rouge française a effectué des missions similaires. Elle a suspendu ses activités du quotidien au plus fort de la crise pour se concentrer sur ses missions de secours, de distributions alimentaires et de lutte contre l’isolement social. Elle a notamment assuré l’accueil, l’animation et le suivi médical des rapatriés de Chine au sein du centre de Carry‑le‑Rouet, à la fin du mois de janvier. Elle a soutenu les structures sanitaires et les secours publics, participé aux transferts sanitaires de patients dans des TGV médicalisés, mis en place 35 centres d’hébergement spécialisés pour les personnes contaminées ne disposant pas de logement pour se confiner, a mis en œuvre un service de conciergerie solidaire et d’écoute téléphonique, « la Croix-rouge chez vous » (184 000 appels reçus), a mené des actions pédagogiques au sein des écoles et a poursuivi ses missions sociales habituelles (maraudes, aide alimentaire). 150 bénévoles de son réseau de secours ont renforcé les capacités d’appels du SAMU et des sapeurs-pompiers en Île-de-France et secouru des personnes malades pour les acheminer vers la structure de soins la plus proche. Une centaine de bénévoles ont été détachés auprès de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris pour assister les soignants dans leurs tâches quotidiennes.

2.   Un défaut de coordination dans la mobilisation des associations agréées par les pouvoirs publics

a.   Une absence de coordination des demandes

Lors de leur audition par votre rapporteur pour avis, des associations agréées ont indiqué que si la coordination de leurs interventions avec le ministère de l’Intérieur et les préfectures est le plus souvent correcte, elles ont constaté une grande méconnaissance du milieu de la protection civile et des missions qu’assument les associations agréées par le ministère de la Santé et les ARS au début de la crise. Cette méconnaissance s’est partiellement réduite entre les mois mars et de juin, grâce à la crise sanitaire.

Les associations agréées ont constaté qu’aucune véritable coordination nationale n’avait été mise en œuvre : leurs interventions se sont organisées département par département et ont beaucoup varié selon le degré de connaissance du réseau association de sécurité civile par chaque préfet. Au cours des premières semaines de la crise, les ARS ne les sollicitaient pas, car elles ne les connaissaient pas.

Dès l’intervention de la Croix-rouge auprès des personnes rapatriées de Chine, à Carry-le-Rouet, s’est posée la question du ministère qui prendrait en charge l’indemnisation de l’association : celle-ci intervenait en effet à la demande du centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC) pour le ministère des Solidarités et de la santé, sans que le préfet du département n’en ait été informé. Du point de vue du ministère de l’Intérieur, il s’agissait d’une crise sanitaire : ce n’était donc pas à lui de rembourser les frais engagés par l’association.

Du 1er au 17 mars, les demandes ont afflué vers les associations agréées, dans la précipitation : il s’agissait principalement de demandes des ARS et des directions départementales de la cohésion sociale, mais aussi des préfectures et plus rarement des SDIS. Ces demandes urgentes ont été formulées sans aucune coordination au niveau national : elles étaient parfois incohérentes. À l’inverse, dans certains départements où l’urgence était moins sensible, des associations agrées n’ont pas été sollicitées et ont même parfois été ignorées, entraînant la frustration des bénévoles.

Si l’organisation de la réponse à la crise sanitaire leur a semblé très centralisée pendant le confinement, la situation actuelle, plus adaptée à la situation de chaque département, entraîne la coexistence de dispositifs aussi nombreux et variés qu’il existe de départements. S’agissant des tests PCR notamment, la nature des tâches confiées aux associations est très différente d’un département à l’autre.

Les associations agréées veulent que soit établi un lien plus fort et plus permanent avec les ministères de l’Intérieur et des Solidarités et de la santé et leurs réseaux territoriaux. Elles souhaitent disposer d’un interlocuteur privilégié de haut niveau au sein de la DGSCGC.

L’échelon territorial est essentiel, puisque seules les préfectures et les SDIS ont une vision d’ensemble des capacités des différentes associations agréées de leur département. Mais une coordination nationale paraît indispensable, qu’elle s’opère au sein de la cellule interministérielle de crise ou du ministère de l’Intérieur. Des associations agréées ont fait part de leur regret d’avoir retrouvé à l’occasion de la gestion de la crise du covid-19 les problèmes de coordination qui étaient déjà apparus lors de la gestion de la crise liée à l’ouragan Irma en 2017.

Les associations agréées veulent également un cadre d’intervention qui définisse plus précisément les modalités de leur engagement et de son financement, afin de ne plus devoir quémander des indemnisations et financements, comme elles doivent le faire pour les missions covid.

 

L’exemple de l’association départementale de la protection civile de l’Aveyron

Dès le début de la crise sanitaire, l’association départementale de la protection civile de l’Aveyron s’est mise à la disposition des mairies, de l’ARS et de la préfecture. Entre le mois de mars et le mois de mai, ses seuls contacts avec l’ARS, le SAMU et les services d’urgence ont été établis à sa propre initiative, afin de signaler – en vain – la disponibilité de ses bénévoles et de ses véhicules.

Du 15 mars au 31 mai, 15 bénévoles étaient disponibles 24h/24 à la base logistique de l’association, ce qui représente une trentaine de bénévoles engagés. L’association n’a pas eu à déplorer de contamination dans ses rangs. Les missions covid-19 n’ont pas attiré tous les bénévoles en raison du risque de contamination pour leurs proches ou pour eux‑mêmes : les équipes engagées ont dû être isolées pendant toute la durée de leur mission. Il a parfois été difficile pour l’association de mobiliser ses bénévoles en raison des conséquences de leur engagement sur leur vie familiale et surtout professionnelle. Un infirmier et une aide‑soignante ont participé aux missions, mais les bénévoles soignants étaient peu disponibles en raison de la surcharge de travail à l’hôpital. 

L’association a organisé des visites à domicile de personnes fragiles pour des centres communaux d’action sociale et elle est intervenue au sein de foyers de jeunes travailleurs. Elle a également mené des actions de prévention auprès d’EHPAD et de foyers d’accueil et assuré un soutien psychologique par téléphone. Elle a porté assistance à des EHPAD afin de compenser l’absence de personnels en raison de la crise, en assurant la désinfection des locaux, l’accueil des familles et en offrant des services aux résidents.

L’association dispose de trois ambulances auxquelles elle a appliqué les protocoles de désinfection validés par l’ARS, sans que cela n’ait de conséquences sur leur disponibilité. Ces ambulances n’ont été sollicitées qu’à deux ou trois reprises depuis le début de la crise.

Elle n’a pas connu de difficultés d’approvisionnement en équipement individuel de protection, car elle disposait d’un stock préventif. Elle a distribué une partie de ses masques à l’hôpital et au commissariat de Rodez, à l’ARS et à une société d’ambulances.

L’association n’a mené aucune mission en collaboration avec le SDIS. Elle a reçu des directives de la DGSCGC par l’intermédiaire de l’équipe médicale de la Fédération nationale de la protection civile.

Dans un premier temps, elle n’a pas été prise au sérieux par l’ARS à laquelle il a été difficile de faire comprendre le champ de compétence de ses bénévoles. L’association a contacté le SAMU pour signaler la disponibilité de ses personnels et de ses véhicules, mais elle n’a fait l’objet d’aucune demande de leur part, puisque l’ARS ne souhaitait pas recourir aux services de l’association. L’absence d’interconnexion entre les services d’urgence et les associations agréées de sécurité civile constitue, selon elle, un manque évident dans l’organisation des secours du département.

L’ARS a sollicité pour la première fois l’association lors de la crise de l’EHPAD de Séverac, au mois de septembre. Au sein de l’EHPAD, l’association a organisé l’information sur le covid‑19, formé les personnels aux gestes barrières et au port des équipements individuels de protection, effectué la désinfection des locaux, participé au service aux résidents, accompli des surveillances de nuit et assuré un soutien psychologique aux personnels, aux résidents et aux familles. Elle a également aidé les personnels, notamment les équipes de nuit, dans le suivi des malades en prenant régulièrement les constantes des résidents.

Au mois d’octobre, les pertes de l’association s’élèvent à plus de 92 000 euros pour un budget annuel de 160 000 euros. Elle a bénéficié d’une aide pour l’emploi d’un salarié jusqu’à son départ au mois de mai (1 500 euros par mois). Mais elle n’a reçu aucune aide dans le cadre de la crise, malgré de nombreux dossiers de demande et la mobilisation de la presse, de ses partenaires et de la population aveyronnaise. Seul le conseil départemental lui a proposé une subvention qui doit être prochainement mise aux voix.

L’association n’a pas d’autre revenu que celui généré par le travail de ses bénévoles dans le cadre de dispositifs prévisionnels ou de formations. Les excédents dégagés par ces activités permettent de financer partiellement ses actions de secours aux personnes sinistrées. Elle se demande s’il est bien normal que le travail des bénévoles finance les actions de soutien aux populations et qu’elle doive constamment quémander une compensation des frais engagés. Elle estime également que les associations agréées devraient être prioritaires pour bénéficier des réformes de matériel des autres entités.

L’association souhaiterait bénéficier d’une meilleure reconnaissance de ses actions, de son rôle dans la chaîne des secours et de sa place d’association citoyenne. Elle estime qu’il faudrait modifier la loi de 2004 de modernisation de la sécurité civile, en particulier les agréments départementaux des associations qui créent un effet d’aubaine pour une multitude de petites associations. L’agrément ne devrait plus être un simple enregistrement, mais une labellisation rigoureuse d’associations de sécurité civile.

Elle juge également qu’en tant qu’acteurs de la sécurité civile, les associations agréées devraient être systématiquement associées aux réunions d’organisation et de gestion des crises. Elle souhaite que ces associations deviennent une réserve capable d’apporter un renfort aux professionnels : elles pourraient ainsi légitimement intervenir au niveau local sans devoir prouver leur compétence à chaque intervention auprès des SDIS ou des SAMU et sans devoir mendier leur matériel et leurs missions. Il s’agit de reconnaître le bénévolat comme force d’intervention. Actuellement, toute l’organisation de crise repose sur les moyens publics – sapeurs-pompiers, sécurité civile, armée ou ARS – alors que l’on nous dit que le citoyen doit être un acteur de la sécurité civile. Tant que les moyens bénévoles, comme ceux de l’association, qui dispose d’équipes organisées, structurées, équipées et disciplinées, seront ignorés par ceux qui sont chargés de la sécurité de nos concitoyens, on ne permettra jamais aux citoyens d’être les acteurs de leur propre secours et de sortir du rôle de victimes à sauver.

Elle souhaite enfin que la reconnaissance des associations agréées se traduise par une participation pleine et entière au réseau de secours départemental : au même titre que les volontaires chez les sapeurs-pompiers, les bénévoles des associations agréées sont des citoyens engagés au service de leurs concitoyens.

b.   Une faible collaboration avec les SDIS dans les missions de secours d’urgence aux personnes

Les associations agréées ont notamment participé à l’évacuation d’urgence de victimes du covid-19 en lien avec la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, les ARS ou les hôpitaux. Mais les SDIS n’ont pas eu la possibilité de les solliciter.

La Fédération nationale des sapeurs‑pompiers estime que « l’emploi direct et l’envoi en première ligne par les ARS des bénévoles des associations agréées de sécurité civile (AASC), moins bien protégés et moins préparés que les sapeurs-pompiers face à tout type de situation, au détriment de l’unité de commandement des acteurs de la sécurité civile et de leurs moyens sous la direction opérationnelle des préfets. Ce mouvement a hélas été largement favorisé par l’absence de prise en compte des AASC par les SIS dans la réponse du risque courant. » ([4])

Dès le 14 mars, la Croix-rouge française a décidé de se coordonner avec l’Ordre de Malte France et la Fédération française de sauvetage et de secourisme pour apporter une réponse commune aux sollicitations de l’ARS d’Île-de-France et de la zone de défense de Paris. L’offre de service commune ainsi créée a permis de renforcer les réseaux de secours des SAMU en mettant à leur disposition des véhicules de secours à personnes et des véhicules légers affectés aux levées de doute covid-19 et de participer à l’opération « Chardon ».

Dans le cadre de la crise sanitaire, les bénévoles de la Protection civile et leurs véhicules de premiers secours à personnes ont effectué 27 000 interventions de prompt secours en renfort des services de secours publics.

Les associations agréées peuvent effectuer des évacuations d’urgence de victimes par réquisition (articles L. 742-2 du code de la sécurité intérieure et L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales) et, dans les ressorts de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et du bataillon des marins-pompiers de Marseille (BMPM), par voie de convention (article L. 725-5 du code de la sécurité intérieure).

Les préfets ont également la possibilité de réquisitionner les associations agréées au profit des agences régionales de santé, ou des établissements de santé ou médico-sociaux (décret n°2020-337 du 26 mars 2020). Dans le cadre de la crise, des agences régionales de santé ont d’ailleurs conventionné avec des AASC.

À Paris, au début de la crise, certaines associations agréées sous convention se sont temporairement retirées des interventions sous le commandement de la BSPP au profit de celles du SAMU : la BSPP avait suspendu, à titre conservatoire, leur participation aux interventions liées au covid‑19, afin d’organiser la sécurité des bénévoles. Mais ces associations ont ensuite rapidement repris les interventions pour la BSPP, notamment celles liées au covid-19, tout en maintenant leurs efforts au profit du SAMU. À Marseille, le BMPM n’a pas mobilisé les associations agréées dans le cadre de la crise sanitaire.

Dans le reste de la France, à moins qu’une réquisition ne soit décidée – ce qui n’a pas eu lieu jusqu’à présent dans le cadre de la crise du covid-19, selon les associations agréées entendues par votre rapporteur pour avis –, les SDIS n’ont pas la possibilité juridique de recourir aux associations agréées de sécurité civile pour procéder à des évacuations de victimes vers l’hôpital, alors que les SMUR peuvent le faire par voie de convention (article D. 6124-12 du code de la santé publique).

La DGSCGC affirme donc que les SDIS n’ont pas confié de missions aux associations agréées dans le cadre de la crise du covid-19. Or, dans les faits, des associations agréées indiquent qu’elles ont procédé à de telles évacuations en dehors de Paris et Marseille. L’article L. 725-5 du code de la sécurité intérieure ne semble donc plus répondre aux besoins réels au niveau local et devoir être contourné pour répondre aux besoins de la crise sanitaire.

3.   De graves difficultés financières liées à la crise qui nécessitent un soutien urgent de l’État

En raison de la crise, les associations agréées ont été confrontées à la perte de leurs revenus habituels, liée à l’absence d’organisation de postes de secours lors de grands rassemblements de personnes dès le début mars et à l’interruption des formations au secourisme de mi-mars à mi-juin. Parallèlement, elles ont dû faire face à une importante augmentation de leurs dépenses d’intervention. Elles rencontrent, de ce fait, de grandes difficultés financières.

Les fédérations d’associations (Protection civile, Croix Blanche, Fédération française de sauvetage et de secourisme, Association nationale des premiers secours, Centre français de secourisme, Union nationale des associations de secouristes et de sauveteurs) sont particulièrement affectées : plus de 120 de leurs associations membres disposeraient de moins de trois mois de trésorerie et risquent de disparaître. En comparaison, les associations unitaires (Croix-Rouge française, Ordre de Malte-France, Société nationale de sauvetage en mer) sont moins exposées.

Sur la centaine d’associations départementales de la Fédération nationale de la protection civile, entre cinquante et soixante sont en difficulté et ne disposent que de trois à cinq mois de réserve.

La Croix-rouge française, lors de son audition par votre rapporteur pour avis, a indiqué que sur un budget de 1,3 milliard d’euros, la perte liée à la crise du covid-19 représentait 46 millions d’euros (entre 12 et 15 millions d’euros de perte sur la partie association et entre 4 et 5 millions d’euros de perte sur la partie sécurité civile).

De plus, les associations agrées doivent renouveler leurs véhicules de premiers secours à personnes au plus tard en 2028, pour répondre aux normes sanitaires, mais l’état de leurs finances risque d’être un obstacle à ce renouvellement et à leur participation, à l’avenir, aux missions de prompt secours. Pour la Croix-rouge française, cela suppose de remplacer 400 véhicules au coût unitaire de 100 000 euros.

Ces associations ont reçu des aides ponctuelles de sponsors ou de collectivités territoriales, mais elles sont insuffisantes pour assurer la survie de certaines jusqu’en 2021. Dans la perspective des Jeux olympiques de 2024, au cours desquels les associations agréées auront un rôle indispensable, une telle situation n’est pas tenable.

De même, les subventions versées en 2020 par la DGSCGC sont très insuffisantes, même si elle a fait passer la subvention qu’elle verse chaque année aux associations agréées de sécurité civile de 100 000 euros à 562 000 euros.

Subventions versées par la DGSCGC aux associations agrÉÉes en 2020

Associations agréées engagées dans la lutte contre l’épidémie de covid-19

Fédérations d’associations

Association nationale des premiers secours (ANPS)

20 000 €

Centre français de secourisme (CFS)

40 000 €

Fédération française de sauvetage et de secourisme (FFSS)

90 000 €

Fédération nationale de protection civile (FNPC)

220 000 €

Fédération des secouristes français – Croix Blanche

60 000 €

Union nationale des associations des secouristes et sauveteurs des groupes de la Poste et de France Télécom (UNASS)

22 000 €

Sous-total fédérations

452 000 €

Associations unitaires

Croix-Rouge Française

70 000 €

Œuvres hospitalières françaises de l’ordre de Malte (ŒHFOM)

dit Ordre de Malte-France

20 000 €

Société nationale de sauvetage en mer (SNSM)

20 000 €

Sous-total associations unitaires

110 000 €

Associations agréées ayant une compétence de secours spécifique

Fédération nationale de radioamateurs au service de la sécurité civile (FNRASEC)

20 000 €

Fédération française de spéléologie(FFS)

Spéléo secours français

15 000 €

Autres associations concourant aux missions de sécurité civile

Association nationale pour l’étude de la neige et des avalanches (ANENA)

3 000 €

Volontaires internationaux en soutien opérationnel virtuel (VISOV)

10 000 €

TOTAL

610 000 €

La DGSCGC a également sollicité le ministère des Solidarités et de la santé en vue d’un règlement rapide des sommes restant dues aux association agrées de sécurité civile par les agences régionales de santé et a signalé au ministère de l’Économie, des finances et de la relance leur situation de grande fragilité financière.

La DGSCGC a indiqué qu’un crédit complémentaire exceptionnel pourrait s’avérer nécessaire afin que les associations puissent honorer leurs charges fixes incompressibles (locaux, entretien, personnel) et survivre à la crise. Les pouvoirs publics ont besoin de pouvoir compter sur elles lors des catastrophes à venir, qu’il s’agisse notamment des inondations et ouragans ou, dans les prochains mois, de la crise sanitaire qui perdure. Les associations soulignent qu’une telle aide exceptionnelle de l’État est indispensable.

Le modèle économique qui suppose que les associations agréées se financent grâce aux dispositifs prévisionnels et aux formations aux premiers secours ne tient plus : la crise du covid-19 l’a simplement fait apparaître encore plus clairement.

En effet, les indemnisations des frais engagés dans le cadre des missions covid-19 qu’elles ont perçues couvrent seulement les frais courants et non l’ensemble des dépenses engagées. La Croix-rouge française, par exemple, a consacré un budget de 2 millions d’euros à l’équipement en masques de ses bénévoles, mais ce type de dépense n’est pas pris en compte dans l’indemnisation. Pour la Fédération nationale de la protection civile, les charges fixes de la structure représentent 70 % de son budget annuel.

Par ailleurs, les dispositifs prévisionnels et les formations aux premiers secours, qui devraient être des marchés protégés pour les associations agréées, ne le sont pas vraiment. Des organismes non agréés effectuent des formations sans qu’aucune sanction n’existe. De plus, la multiplication des petites associations agréées au niveau départemental entraîne une perte de revenu conséquente en matière de dispositifs prévisionnels pour les quelques grandes associations agréées qui assurent l’ensemble des opérations de secours qui sont très coûteuses. Il conviendrait donc de protéger davantage ces dispositifs.

La DGSCGC a engagé une réflexion sur les agréments des associations. L’inspection générale de l’administration lui a remis, au début du mois août, un rapport sur les dispositifs prévisionnels de secours des associations départementales. Ce rapport recommande de faire évoluer le droit des agréments. Il est en cours d’analyse et fera l’objet d’une concertation avec les associations agréées de sécurité civile.

Votre rapporteur pour avis souhaite que le Gouvernement accorde aux associations agréées une dotation budgétaire exceptionnelle pour leur permettre de survivre financièrement à la crise du covid-19. Une telle subvention constituerait une reconnaissance de leur indispensable contribution aux missions de sécurité civile : l’État ne peut abandonner des bénévoles auxquels il délègue une mission de service public qui ne dit pas son nom.

 


—  1  —

   Examen en commission

Lors de sa réunion du lundi 19 octobre 2020, la Commission auditionne M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, sur les crédits de la mission « Sécurités » (M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis « Sécurité » ; M. Arnaud Viala, rapporteur pour avis « Sécurité civile »).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9677946_5f8d85d3361cb.commission-des-lois---m-gerald-darmanin-et-mme-marlene-schiappa-ministres-sur-les-credits-des-mi-19-octobre-2020

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous examinerons en premier lieu la mission « Sécurités » car le ministre de l’intérieur sera contraint de nous quitter plus tôt que prévu en raison de l’odieux attentat perpétré vendredi à Conflans-Sainte-Honorine.

Un de nos professeurs a été assassiné parce qu’il enseignait la liberté d’expression, formait des esprits libres et éclairés, transmettait les valeurs de notre République. En cela, Samuel Paty est mort pour la République, et sa mémoire nous oblige. Je propose que nous observions une minute de silence pour lui rendre hommage, témoigner notre soutien à ses proches et au corps enseignant ainsi qu’à ses élèves, et manifester notre attachement indéfectible à la République.

Mmes et MM. les députés ainsi que M. le ministre de l’intérieur et Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté se lèvent et observent une minute de silence.

La Commission examine pour avis, sur les rapports de M. Stéphane Mazars pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », et de M. Arnaud Viala pour le programme « Sécurité civile », la mission « Sécurités ».

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Mesdames, Messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir excuser par avance mon départ anticipé. J’avais prévu de rester avec vous pour toute la réunion ; chacun comprendra que je m’en tienne à l’examen de la mission « Sécurités ».

La présentation des crédits du ministère de l’intérieur devant votre commission est d’abord l’occasion, pour la ministre déléguée et moi-même, de remercier le Président de la République et le Premier ministre de leur augmentation significative – je remercie par avance ceux des parlementaires qui voudront bien les voter. En prenant en considération les crédits relevant du projet de loi de finances pour 2021 et ceux des programmes 363 et 362 de la mission « Plan de relance » qui abonderont les crédits de notre ministère, le renfort budgétaire global approuvé s’élève à 1,14 milliard d’euros, ce qui est sans équivalent.

Avec ces moyens nouveaux, le budget du ministère de l’intérieur aura enregistré, depuis le début du quinquennat, une augmentation de quasiment 3 milliards d’euros, hors compte d’affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Vous m’avez souvent entendu dire, dans mes fonctions précédentes, qu’un budget en augmentation n’est pas forcément un bon budget, mais il peut arriver qu’un budget en augmentation soit un bon budget.

Avant d’entrer dans le détail des crédits de la mission « Sécurités », j’indique que nous continuerons, à la demande du Président de la République, à consacrer des moyens très importants aux services de renseignement et de lutte contre le terrorisme – c’est d’actualité. Ainsi, l’année prochaine, si vous le décidez, 330 créations d’emplois supplémentaires sont prévues dans les services de renseignement, dont 250 emplois à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), le reste allant au renseignement territorial, à la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris et à la direction centrale de la police judiciaire. Ces créations d’emplois permettront aux services de renseignement de franchir l’an prochain la barre symbolique des 9 000 agents. Elles porteront le nombre total de créations d’emplois dans ce domaine, depuis le début du quinquennat, à 1 136. L’objectif, sur le quinquennat, est de 1 514 ; nous le tiendrons, conformément au souhait de la majorité parlementaire.

Il ne suffit pas d’offrir des postes, il faut réussir à les pourvoir. Parmi les mesures visant à faciliter les recrutements prévus au budget 2021, signalons la revalorisation exceptionnelle du référentiel de rémunération des contractuels de la DGSI, pour près de 5 millions d’euros. Cela nous permettra de recruter les profils correspondant aux missions particulières de la DGSI.

Les crédits d’équipement et d’investissement alloués aux services de renseignement et de lutte contre le terrorisme ont quasiment doublé depuis 2017, sous l’impulsion du Président de la République et de la majorité parlementaire, passant de 40 millions à 81millions d’euros. Cette hausse – je le dis devant votre commission en exclusivité – se poursuivra : les crédits du renseignement français augmenteront de 10 % l’an prochain.

J’en viens au détail des crédits de la mission « Sécurités » et de ses quatre programmes – « Police nationale », « Gendarmerie nationale », « Sécurité civile », « Sécurité et éducation routières ». Ces crédits sont fortement mobilisés au service des trois priorités que Mme la ministre déléguée et moi-même avons fixées à nos services : la lutte contre les stupéfiants, la lutte conte les séparatismes – singulièrement l’islamisme radical – et la lutte contre les violences conjugales, sexistes et sexuelles.

Dans le PLF 2021, inédit dans sa construction, puisqu’il comporte une mission transversale « Plan de relance » concernant tous les ministères, nous avons souhaité nous concentrer, à la demande du Président de la République, sur l’amélioration du quotidien des agents du ministère de l’intérieur. Si je puis me permettre cette comparaison, mes prédécesseurs se sont occupés de la police du quotidien, nous poursuivons leur travail en nous occupant du quotidien du policier et du gendarme.

Cette année, les crédits de la mission « Sécurités » sont en très forte augmentation. En tenant compte des crédits destinés au ministère de l’intérieur hébergés dans les programmes de la mission « Plan de relance » et de la progression des crédits traditionnels, l’augmentation s’élève à 621 millions d’euros, dont 166 millions d’euros en masse salariale, hors pensions, et 455 millions en crédits de fonctionnement et d’investissement. Cela porte l’augmentation du budget de la mission « Sécurités », depuis le début du quinquennat, à 1,7 milliard d’euros. C’est la fin de l’« effet ciseaux », dénoncé depuis longtemps au sein du ministère de l’intérieur : une augmentation indéfinie de la masse salariale – le titre 2 ou « T2 » – et une diminution ou une stagnation, dans la même proportion, des moyens matériels – hors « T2 ». Pour la première fois, l’augmentation des dépenses hors « T2 » est bien plus importante que celle des dépenses « T2 », ce qui met les moyens en adéquation avec le personnel.

L’évolution des dépenses de personnel permettra de tenir l’engagement du Président de la République de créer 10 000 postes supplémentaires dans les forces de l’ordre au cours du quinquennat, et de financer des mesures catégorielles très ciblées, notamment en faveur des « nuiteux », ces policiers qui travaillent la nuit dans des conditions très difficiles.

S’agissant de la création de postes en 2021, la mission « Sécurités » en prévoit 2 000 – 1 500 dans la police et 500 dans la gendarmerie. Je confirme ces recrutements. Un effort sera demandé aux administrations centrales du ministère, au sein desquelles 542 postes seront supprimés. En échange, si j’ose dire, aucun poste ne sera supprimé dans les préfectures et les sous-préfectures de France, pour la première fois depuis plus de vingt ans – cela fait écho au discours du Président de la République au lendemain du grand débat national.

S’agissant de la masse salariale, la progression de ses crédits, au sein de la mission « Sécurités », est de 167 millions d’euros en 2021. Elle est très limitée pour absorber l’augmentation tendancielle de la masse salariale et les gestes ciblés, certes peu nombreux, visant à récompenser le mérite des agents, notamment ceux qui travaillent la nuit. Une réforme des voies d’avancement des gardiens de la paix sera également mise en œuvre, ainsi qu’une revalorisation des traitements des agents de la cellule investigation, qui permettra de mieux suivre les enquêtes judiciaires, en complément du travail budgétaire mené par M. le Garde des Sceaux. Citons également la réforme du statut de la police technique et scientifique, que j’ai promise aux organisations syndicales, et dont les agents sont des policiers à part entière, ainsi que la poursuite de la politique d’indemnisation des heures supplémentaires lancée par mon prédécesseur, M. Christophe Castaner, et leur revalorisation de plus de 6 %. Pour nos gendarmes, nous tiendrons compte de la nouvelle politique de rémunération des militaires. J’ai demandé au ministère du budget de valider ces mesures catégorielles pour la gendarmerie nationale également. Le financement de certaines d’entre elles, à hauteur de 19 millions d’euros, devra être adopté par un amendement du Gouvernement, que nous transmettrons au Parlement dans les plus brefs délais.

Concernant l’augmentation des crédits de fonctionnement et d’investissement, finançant les dépenses hors titre 2, nous avons donné la priorité au quotidien de ceux qui nous protègent. Certains m’ont reproché de m’intéresser aux toilettes et au fait qu’elles sont parfois bouchées dans les commissariats et les casernes. Il me semble que les agents du ministère de l’intérieur sont très sensibles au fait que leurs ministres s’intéressent à leurs conditions de travail et à la façon dont ils l’exercent. La visite de terrain – l’élu local que je suis le sait très bien – et l’action concrète sont de meilleurs mots d’amour que les simples discours.

Les crédits de fonctionnement et d’investissement de la mission « Sécurités » augmentent de 455 millions d’euros, dont 315 millions issus du plan de relance pour la seule année 2021. Concrètement, le budget consacré aux matériels et aux équipements est en hausse de 21 millions d’euros. Les agents des forces de l’ordre seront équipés d’étuis mi-cuisse ; la police nationale recevra des housses tactiques modulaires, et la gendarmerie nationale des gilets tactiques, conformément aux demandes de chacune des armes. La hausse du budget permet également de consacrer 213 millions d’euros au parc de véhicules, ce qui permettra d’en remplacer un sur quatre d’ici à la fin de l’année 2021. Auparavant, pour changer un véhicule, il fallait attendre huit ou neuf ans. Le renouvellement du parc lourd, dans le cadre du schéma national de maintien de l’ordre, permettra aux policiers et aux gendarmes de pouvoir remplacer des véhicules parfois âgés de trente ou quarante ans.

La hausse inédite de l’action sociale du ministère de l’intérieur, pour plus de 10 millions d’euros, soit une augmentation de près de 20 %, permettra d’augmenter l’offre de logements pour les policiers, d’étendre la garde d’enfants et d’améliorer l’offre de restauration. Le ministère de l’intérieur était sans doute le parent pauvre de l’action sociale.

Des dépenses nouvelles sont prévues en matière de numérique, notamment pour assurer la généralisation de la caméra-piéton ; on en comptera au moins une par brigade à l’horizon du 1er juillet 2021, conformément à l’annonce du Président de la République. Cette dépense est budgétisée, et les appels d’offres d’ores et déjà ouverts.

La hausse du budget consacré à l’immobilier est de 31 millions d’euros. À ce sujet, je tiens à dire à la représentation nationale que, grâce aux crédits votés par les parlementaires, notamment cet été, nous pourrons engager d’ici à la fin de l’année, pour un montant de 26 millions d’euros, 5 000 opérations dans les casernes de gendarmerie et les commissariats, afin de répondre aux situations d’urgence, que beaucoup d’entre vous déploraient. J’ai d’ailleurs publié sur le site du ministère de l’intérieur le plan « Poignées de porte », et je l’ai transmis aux parlementaires. Je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à continuer de rendre visite aux policiers et aux gendarmes, et à signaler ce qui ne va pas – n’hésitez pas à dire du bien du Gouvernement quand cela va bien !

En matière d’immobilier, nos demandes totalisent 1,63 milliard d’euros. Plus de 1,1 milliard d’euros relèvent de la mission « Sécurités », dans le cadre de l’appel à projets « France Relance ». Je remercie singulièrement Bruno Le Maire et Olivier Dussopt d’avoir entendu les demandes du ministère de l’intérieur. Nous avons déposé une candidature pour 330 opérations dans la police nationale, pour un montant de 684 millions d’euros, pour 472 opérations dans la gendarmerie nationale, pour un montant de 433 millions d’euros, et pour 32 opérations dans la sécurité civile, pour un montant de 12 millions d’euros.

Mon cabinet se tient à la disposition des parlementaires pour étudier des projets soumis à la validation des ministres Bruno Le Maire et Olivier Dussopt. Je publierai les projets retenus.

Dans le domaine du numérique, les appels à projets relèvent de la responsabilité de Mme de Montchalin. Nous demandons 137 millions d’euros, dont 66 millions pour la mission « Sécurités », notamment pour financer l’acquisition de doubles écrans pour les policiers et les gendarmes chargés de mener certaines enquêtes, qui sont de plus en plus numérisées. J’ai eu l’occasion jadis d’en doter la direction générale des finances publiques. Par ailleurs, des tablettes numériques seront allouées aux forces de l’ordre dans le cadre du déploiement de la police de sécurité du quotidien. En matière de numérique, les policiers ont un retard à rattraper sur les gendarmes.

J’aimerais avoir un mot particulier pour la sécurité civile, véritable troisième force de sécurité intérieure, et en particulier pour nos pompiers, même si l’intervention de l’État, en la matière, est limitée par le principe de libre administration des collectivités territoriales. La sécurité civile est en première ligne face aux risques. J’aimerais avoir un mot pour ceux qui ont été engagés très récemment dans les Alpes-Maritimes, et une pensée pour les deux pompiers victimes de la tempête.

La sécurité civile doit continuer à se moderniser. À cette fin, son budget connaîtra une augmentation de plus de 40 millions d’euros, soit près de 8 %, dans le cadre de « France Relance ». Je laisse à Mme la ministre déléguée le soin de défendre ce budget, comprenant notamment le renforcement des dispositifs d’alerte et d’information des populations, que nous avons annoncé avec la ministre Barbara Pompili, pour 37 millions d’euros.

S’agissant de la sécurité routière, je rappelle que les accidents de la route sont la première cause de mort violente en France. La période de confinement a provoqué des difficultés importantes pour le passage de l’épreuve pratique du permis de conduire. Réduire les délais d’attente sera la priorité du ministère en 2021. Nous avons d’ores et déjà octroyé une enveloppe correspondant à 90 000 examens supplémentaires pour accroître l’offre. Dans bien des territoires de la République, le permis de conduire et la voiture sont souvent synonymes d’emploi.

En matière d’accidentalité, les résultats de l’année 2020, selon toute vraisemblance, seront bien meilleurs que ceux précédemment enregistrés. Il s’agit notamment du résultat extraordinaire, au sens littéral du terme, de la crise de la covid-19 et de l’effet du confinement. L’objectif pour 2021 – en espérant que la crise sanitaire sera derrière nous – est de maintenir la diminution très importante du nombre d’accidents de la route.

Le déploiement de l’externalisation de la conduite des voitures-radars, lancé dans quatre régions depuis le printemps 2018, se poursuivra dans quatre autres régions – Hauts-de-France, Grand Est, Nouvelle-Aquitaine et Bourgogne-Franche-Comté. Lors de l’examen de la proposition de loi présentée par M. Fauvergue et Mme Thourot, je donnerai un avis favorable à la disposition confiant aux maires l’installation des radars, ce qui permettra d’améliorer la décentralisation des décisions et leur accompagnement dans la lutte contre l’insécurité routière.

Mesdames, messieurs les députés, si ces chiffres sont importants, ils ne seront que du sable s’il n’en résulte aucune amélioration concrète de la situation sur le terrain. Telle est notre préoccupation principale, à Mme la ministre déléguée et à moi-même : faire en sorte que les chiffres macros deviennent une réussite micro, et que les policiers, les gendarmes, les pompiers, les agents de préfecture, les agents travaillant au ministère, notamment à l’accueil des étrangers en France, constatent que les crédits votés par le Parlement seront utilisés dès demain dans les commissariats, les brigades de gendarmerie, les préfectures et les sous-préfectures.

M. Jean-Michel Fauvergue, suppléant M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ». Je précise que je remplace Stéphane Mazars qui est indisponible du fait d’une suspicion de contamination par la covid-19.

S’agissant des crédits de la police et de la gendarmerie, c’est un bon budget qui nous est présenté. Je ne suis pas le seul à le dire et à le penser : toutes les personnes qui ont été auditionnées, en particulier les représentants des syndicats de police, ont reconnu qu’un effort important est consenti en faveur de l’équipement et du fonctionnement, c’est-à-dire de ce qui permet le bon exercice des missions au quotidien.

Celui-ci n’est pas toujours facile. Si la gestion du confinement et de ses suites a beaucoup mobilité les forces de l’ordre, cela n’a pas effacé les autres problématiques auxquelles les policiers et les gendarmes sont chaque jour confrontés : délinquance – petite et grande –, risque terroriste, dont l’attentat commis vendredi dernier montre qu’il est toujours présent, maintien de l’ordre public, mais aussi relations de plus en plus dégradées avec une marge de la population parfois très violente, comme en témoigne l’attaque récente du commissariat de Champigny-sur-Marne.

Les policiers et les gendarmes que nous rencontrons le disent et le répètent : ils ont à cœur de faire leur métier. Les représentants de la nation doivent leur en donner la capacité financière dans le cadre des lois de finances. C’est l’honneur et la responsabilité de l’Assemblée nationale de doter les policiers et les gendarmes de moyens humains et matériels leur permettant d’exercer leurs fonctions dans les meilleures conditions possibles.

À cet égard, même si ce n’est pas l’objet du présent avis budgétaire, il faut saluer le fait que le plan de relance permettra d’intensifier, tout en le verdissant, l’effort d’investissement de la police et de la gendarmerie sur le plan immobilier et en matière de renouvellement du parc automobile. Pourriez-vous nous éclairer, monsieur le ministre, même si vous avez déjà abordé cette question, sur la ventilation des crédits du plan de relance en ce qui concerne la sécurité ? Vous savez que les attentes sont fortes.

Mon collègue Stéphane Mazars a choisi de consacrer la partie thématique du rapport de cette année aux nouvelles technologies.

Ces dernières, très diverses, peuvent avoir un double intérêt pour les policiers et les gendarmes. D’une part, elles leur permettent de gagner en efficacité – je pense notamment aux tablettes NEO, qui offrent un grand nombre d’applications « en mobilité », au profit d’une plus grande présence sur le terrain, au plus près des Français. D’autre part, les nouvelles technologies assurent un niveau plus élevé de sécurité en permettant une désescalade salutaire des tensions – vous aurez compris que je parle des caméras mobiles.

Cela nécessite, cependant, une formation adaptée des personnels et un encadrement juridique rigoureux. Nous aurons l’occasion d’en reparler prochainement, je l’espère, lorsque nous examinerons la proposition de loi que j’ai déposée avec Alice Thourot et les députés des groupes La République en Marche et Agir ensemble.

Ces technologies nécessitent aussi des moyens financiers importants. Pourriez-vous nous renseigner sur les moyens qui seront alloués à l’acquisition de nouvelles caméras mobiles ? Les modèles actuels seront-ils changés ? Les caméras font l’objet de critiques portant sur la faible qualité des batteries et des images.

En conclusion, je ne surprendrai personne en vous annonçant, d’ores et déjà, que j’émettrai un avis favorable aux crédits des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ».

M. Arnaud Viala, rapporteur pour avis pour le programme « Sécurité civile ». Le budget de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises sera stable l’an prochain – à hauteur de 520 millions d’euros –, exception faite des moyens supplémentaires que vous venez d’indiquer, monsieur le ministre, lorsque vous avez évoqué le plan de relance. J’aimerais d’ailleurs avoir des détails sur la répartition de ces crédits.

Le présent budget comporte quelques éléments positifs, comme la poursuite du renouvellement de la flotte d’avions, même si cela ne suffira pas à compenser la mise à l’arrêt définitive de l’ensemble des bombardiers d’eau Tracker, à la suite d’un accident survenu en septembre 2019.

Autre observation, le programme que nous examinons cet après-midi ne représente qu’une faible part des 6,5 milliards d’euros de crédits qui sont consacrés chaque année à la sécurité civile en France. L’État en finance un tiers, notamment par l’intermédiaire de la fraction de taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) transférée pour le financement des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS).

L’an dernier, je m’étais intéressé de près à l’organisation des secours, à leurs moyens humains et matériels et à la question des numéros d’appel d’urgence. Cette année, compte tenu du contexte, j’ai choisi de travailler sur la participation des acteurs de la sécurité civile à la gestion de la crise de la covid-19.

Les sapeurs-pompiers ont effectué plus de 122 000 interventions de secours d’urgence aux personnes en lien avec la covid-19 entre mars et mai 2020. Comme le pilotage des premières semaines de la crise – qui dépassait pourtant le cadre sanitaire – a été confié au seul ministère de la santé, les sapeurs-pompiers ont été peu sollicités dans de nombreux départements. Leur sentiment de frustration et de sous-emploi a été d’autant plus fort qu’ils avaient les moyens d’agir, notamment les matériels et les équipements indispensables. Dans les départements les plus touchés par la crise, en revanche, on s’est souvenu de l’utilité des sapeurs-pompiers quand les services de santé étaient saturés. Même à Paris, toutefois, l’agence régionale de santé (ARS) et les services d’aide médicale d’urgence (SAMU) ont refusé d’associer la brigade de sapeurs-pompiers à leurs réunions de crise quotidiennes, alors qu’elle participe à l’aide médicale urgente, avec ses médecins et ses ambulances de réanimation. Si le système a tenu, malgré des problèmes institutionnels majeurs, c’est grâce aux relations informelles avec des médecins que les sapeurs-pompiers ont l’habitude de côtoyer sur le terrain ou avec des responsables de l’ARS qu’ils connaissent personnellement.

De leur côté, les associations agréées de sécurité civile ont effectué près de trois millions d’heures de bénévolat en lien avec la covid-19 et 18 000 interventions en véhicules de secours entre mars et mai 2020. Ces acteurs ont fait face à une grande méconnaissance de leurs capacités et de leurs compétences du côté du ministère de la santé, qui les a peu sollicités dans un premier temps. Ils ont ensuite dû répondre à de nombreuses demandes qui leur parvenaient sans aucune coordination et de manière parfois contradictoire.

Ces problèmes semblent avoir leur source dans la gestion bicéphale de la crise au niveau national : il y a, d’un côté, le ministère de la santé et son centre de crise sanitaire, créé dès le 27 janvier dernier, et d’un autre côté, le ministère de l’intérieur et sa cellule interministérielle de crise, qui a été activée tardivement par le Premier ministre, le 17 mars. Ce choix a eu des répercussions préoccupantes au niveau local : certaines ARS auraient donné pour instruction à leurs délégués territoriaux et à des directeurs d’hôpital de limiter la communication avec les préfets, ce qui a privé ces derniers des informations nécessaires à la coordination des opérations de secours menées par les pompiers.

Les SDIS, la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et les associations agréées ont été obligés de contourner une collaboration interministérielle défaillante, au niveau local comme au niveau national, pour mener à bien des interventions indispensables à la population. Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour améliorer la coordination entre le ministère de l’intérieur et celui de la santé face à la deuxième vague de la covid-19 ?

Dans ce contexte, les sapeurs-pompiers et les associations agréées souhaitent, en premier lieu, une meilleure reconnaissance.

S’agissant des SDIS, il s’agit de mieux reconnaître leurs compétences en matière de soins d’urgence : 85 % de leurs interventions sont consacrées au secours d’urgence aux personnes, ce qui fait des sapeurs-pompiers des acteurs incontournables de notre système de santé. Cela doit conduire à un renforcement du rôle de leur service de santé et de secours médical et à un élargissement des gestes techniques que peuvent pratiquer les sapeurs-pompiers dans le cadre du secours d’urgence aux personnes.

Il faut aussi leur témoigner de la reconnaissance pour le rôle indispensable qu’ils ont joué dans la gestion de la crise au niveau local, en permettant de reconnaître automatiquement la covid-19 comme maladie professionnelle mais aussi en prévoyant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), comme vous l’avez annoncé fin août, monsieur le ministre, la suppression de la surcotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) pour la prise en compte de la prime de feu dans le calcul des pensions. Cette mesure permettra aux conseils départementaux d’accorder une augmentation de la prime de feu qui est d’autant plus méritée que les sapeurs-pompiers n’ont pas bénéficié d’une prime covid-19. Répondrez-vous à ces demandes de reconnaissance, monsieur le ministre ?

En ce qui concerne les associations agréées, il faudrait définir plus précisément les modalités de leur engagement opérationnel et celles de son financement, afin que ces acteurs ne soient plus obligés de quémander des indemnisations. Si les associations agréées se sont investies sans compter pendant la crise, leurs interventions ont un coût. Par ailleurs, la crise leur a fait perdre une grande partie de leurs ressources financières, faute de grands rassemblements, lors desquels elles organisent des postes de secours, et à cause de l’interruption des formations de secourisme. De nombreuses associations appartenant à des fédérations et antennes locales d’associations unitaires risquent tout simplement de disparaître en l’absence de dotation budgétaire d’urgence. J’ai donc déposé un amendement visant à leur accorder une subvention exceptionnelle. Envisagez-vous, monsieur le ministre, de soutenir cette initiative ?

En second lieu, les sapeurs-pompiers et les associations agréées demandent une meilleure coordination. Les sapeurs-pompiers souhaitent que le pilotage opérationnel des crises intervenant sur le territoire national revienne au ministère de l’intérieur et, au niveau local, aux préfets. Ils demandent aussi la création d’un état-major opérationnel auprès du directeur général de la sécurité civile, comme il en existe déjà pour la police et pour la gendarmerie. Cette direction générale doit pouvoir exercer un rôle de coordination opérationnelle des SDIS, qui fait défaut depuis le début de la crise. De leur côté, les associations agréées veulent un lien plus fort et permanent avec les ministères de l’intérieur et de la santé ainsi qu’avec leurs réseaux territoriaux. Elles souhaitent notamment disposer d’un interlocuteur privilégié de haut niveau au sein de la direction générale de la sécurité civile. Répondrez-vous à ces demandes, monsieur le ministre ?

Je tiens à évoquer trois autres défauts de coordination entre les ministères de l’intérieur et de la santé, qui durent depuis des années et que la crise de la covid-19 a rendus particulièrement visibles et critiques.

L’an dernier, j’ai abordé devant votre prédécesseur la question du numéro unique d’appel d’urgence et des plateformes communes de réception des appels. La saturation du 15 que l’on a constatée au début de la crise n’aurait pas eu lieu si des plateformes départementales réunissant le 15, le 17, le 18 et le 112 avaient été mises en place. L’expérimentation de ces plateformes a commencé dans les années 90, et les points de blocage qui empêchent leur généralisation ont été identifiés dans de multiples rapports. De plus, le futur service d’accès aux soins du ministère de la santé jette le trouble : aurons-nous un numéro unique de santé ou bien un numéro unique d’appel d’urgence ? Il me paraît essentiel qu’un arbitrage interministériel soit rendu dans les meilleurs délais.

Autre difficulté, les pompiers ont effectué de nombreux transports sanitaires pendant la crise, dans le cadre des carences ambulancières, en faisant parfois figure de dernier recours puisqu’ils ne disposent pas d’un droit de retrait. Or la définition des carences diffère entre les SDIS et les SAMU depuis des années et le montant de l’indemnisation fait l’objet d’un désaccord entre l’Intérieur, la Santé et l’Assemblée des départements de France (ADF). Le Gouvernement entend-il rendre un arbitrage, afin de permettre aux sapeurs-pompiers de se concentrer sur leurs véritables missions et aux SDIS et aux SAMU de collaborer plus sereinement ?

Enfin, les hélicoptères de la sécurité civile ont joué un rôle décisif en effectuant 254 missions de transport de patients entre mars et juillet. La faible coordination entre ces hélicoptères et les héliSMUR des SAMU, que mon prédécesseur en tant que rapporteur pour avis, Éric Ciotti, avait déjà soulignée en 2017, a été une source de difficultés pour l’évacuation et le transport interhospitalier de patients. Quels sont les obstacles à la création d’un organisme interministériel qui serait chargé de coordonner l’utilisation de tous les hélicoptères de service public, conformément à la recommandation formulée lors de la revue des dépenses de 2016 ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Je remercie les deux rapporteurs pour avis.

J’ai effectivement abordé la question du plan de relance, monsieur Fauvergue, mais je vais repréciser les choses. Il faut distinguer ce qui relève, d’une façon certaine, des crédits que nous avons obtenus et ce qui se rattache, d’une façon incertaine, à un appel à projets – le ministre de l’économie, des finances et de la relance étudiera à la fin du mois de novembre, sauf erreur de ma part, les projets proposés par les ministères, notamment en ce qui concerne l’immobilier et le numérique, ce dernier sujet entrant dans les attributions d’Amélie de Montchalin. Les projets doivent respecter deux critères : une consommation très rapide des crédits, en trois ans pour l’immobilier et en deux ans pour les projets numériques ; une action, s’agissant de l’immobilier, au service de l’environnement, comme la rénovation thermique des bâtiments, dans le cadre du programme « Écologie » du plan de relance.

Il y aura, de façon certaine, 160 millions d’euros supplémentaires pour la gendarmerie nationale, et 123 millions pour la police nationale. S’agissant des projets immobiliers que je viens d’évoquer, nous proposons 330 opérations, représentant 684 millions d’euros, pour la police nationale, 472 opérations, représentant 433 millions d’euros, pour la gendarmerie nationale, et 32 opérations, représentant 12 millions d’euros, pour la sécurité civile, soit un total de 1,1 milliard d’euros au titre de la mission « Sécurités » et de 1,63 milliard pour l’ensemble du ministère de l’intérieur. Nous demandons entre un quart et un tiers de l’enveloppe prévue pour les actions immobilières du plan de relance – nous n’aurons sans doute pas tous ces crédits, mais nous avons proposé des rénovations qui respectent les critères prévus et qui font parfois écho à vos propres demandes au sujet des gendarmeries et des commissariats.

Le Président de la République a demandé la généralisation des caméras-piétons, selon la proposition qui lui a été faite. Ce dispositif a des avantages et des inconvénients.

Tout d’abord, il permet aux policiers et aux gendarmes, lorsqu’ils interviennent et que les caméras fonctionnent – il y a parfois un problème en la matière –, de filmer la scène. Cela protège les policiers et les gendarmes, qui sont souvent agressés : les vidéos permettent de confondre, dans le cadre d’une enquête judiciaire, les auteurs des faits, ou de vérifier, par exemple, comment une arrestation s’est passée.

En revanche, le policier ou le gendarme ne peut pas utiliser les images pour revoir ce qui s’est passé, soit afin de retrouver quelqu’un très rapidement – il n’y a pas de caméras de vidéoprotection absolument partout, ni de centre de supervision urbain (CSU) dans toutes les communes de France, en particulier en milieu rural –, soit pour pouvoir bien décrire ce qu’on a vu car, lorsqu’on est en intervention, en état de stress extrême, on peut confondre certaines choses et on n’a pas la même vision que la caméra – pour cela, il faudrait que les policiers et les gendarmes puissent avoir accès aux images : c’est interdit à l’heure actuelle –, soit pour permettre au ministère de l’intérieur de lutter contre les images sauvages mises en ligne par des gens qui filment les policiers et les gendarmes, à 5 centimètres de leur visage, et qui publient sur Twitter ou Facebook des images tronquées, susceptibles de montrer que la police ou la gendarmerie n’a pas fait correctement son travail dans le respect de la déontologie, alors qu’une vue d’ensemble révélerait que la scène est plus complexe et que les policiers ou les gendarmes ont utilisé la force d’une manière proportionnelle.

Vous travaillez à une proposition de loi, monsieur le rapporteur pour avis, qui permettrait de débloquer la situation juridique en permettant d’utiliser toutes les images des caméras-piétons, en conformité totale avec ce que demande la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) – vous savez qu’elle souhaite que le Parlement légifère sur certains sujets…

Vous savez aussi que beaucoup de policiers achètent eux-mêmes leur propre caméra-piéton. On peut les comprendre – je ne les blâme pas –, mais ils utilisent un matériel qui n’est pas celui de l’administration et qui n’est pas soumis aux mêmes règles que les caméras-piétons achetées par le ministère.

Ces caméras-piétons ont le mérite d’exister, mais elles posent des problèmes. Elles gardent en mémoire les trente secondes précédant le déclenchement et les trente secondes suivant l’extinction. Le policier doit entrer son numéro d’identification au sein du référentiel des identités et de l’organisation (RIO) pour déclencher l’enregistrement, ce qui n’est pas facile en pleine intervention, d’autant qu’elles n’ont pas d’écran digital. La durée des brigades excédant l’autonomie de la batterie, il n’est pas possible de maintenir les caméras activées pendant l’intégralité de la brigade, il faut les éteindre et les rallumer en intervention. En concertation avec les policiers et les gendarmes de terrain et les organisations syndicales, nous avons conclu que ce modèle de caméra ne convenait plus. D’autant qu’elles posent d’autres problèmes : la glissière se cassait facilement, et le harnais de fixation central pouvait offrir une prise aux voyous et handicaper les forces de l’ordre lors des interventions.

J’ai donc décidé d’équiper les forces de l’ordre de nouvelles caméras, grâce aux crédits attribués par le Président de la République et le Premier ministre pour la généralisation des caméras-piétons. Nous relançons un appel d’offres pour des caméras dont l’autonomie sera beaucoup plus longue et l’utilisation plus simple, en réponse aux demandes du terrain. Ce sont d’ailleurs les policiers et les gendarmes qui ont choisi les modèles, sans préjuger des résultats de l’appel d’offres. Mais le cahier des charges a été rédigé en faisant venir des policiers et des gendarmes de divers endroits du pays dans la cour de l’hôtel de Beauvau, où ils ont pu choisir leurs voitures, leurs vélos et leurs caméras. Ce ne sont pas des personnes installées dans des bureaux à Paris qui ont choisi pour eux.

Je confirme donc la généralisation de ces caméras au 1er janvier prochain. Nous en avons prévu 30 000, plus que le nombre de brigades, pour compenser les pertes. Actuellement, il n’y a que 10 000 caméras à disposition, dans les conditions que j’ai évoquées. Les crédits seront suffisants : 7 millions d’euros sont prévus en deux ans pour ces caméras, qui coûtent 447 euros pièce.

S’agissant de la sécurité civile, certaines des questions posées relèvent des travaux de la commission d’enquête, ou concernent mon jugement sur le fonctionnement du ministère de l’intérieur vis-à-vis des pompiers.

Concernant le budget consacré aux moyens nationaux d’intervention de la sécurité civile, deux appareils DASH-8 commandés en 2018 vont être livrés, ce qui représente 80 millions d’euros de crédits de paiement. Il est également prévu de consacrer 6 millions d’euros à la location d’hélicoptères bombardiers d’eau. Le PLFR3 a prévu l’achat de deux hélicoptères EC 145 pour 32 millions d’euros, l’un sera livré en décembre 2021, l’autre en janvier 2022. J’ai effectué un déplacement avec Clément Beaune pour mettre en valeur la façon dont l’Union européenne nous aide en finançant des avions ou des hélicoptères, grâce à une proposition de M. Barnier lorsqu’il s’occupait de ces sujets.

À propos des associations agréées, nous avons augmenté le budget du ministère de l’intérieur pour faire face aux urgences que vous évoquez. Les sommes dédiées ont été portées de 100 000 à 600 000 euros, et nous sommes en train de trouver une voie de règlement avec le ministère de la santé, car ce sont les paiements par les ARS qui sont concernés. J’ai écrit dès mon arrivée au ministère à ces associations, et j’ai travaillé avec Olivier Véran à ce sujet. Ces associations font un travail très important, et l’État est effectivement en retard de paiement à leur égard. Une partie des sommes dues a été versée, et le ministère de la santé se charge du reste.

Vous évoquez la place des pompiers dans le continuum de sécurité civile ; elle est essentielle, et en tant que ministre des tutelles des pompiers, je la défends. Le centre interministériel de crise de Beauvau est présidé dans les faits par le Premier ministre, et le préfet Denis Robin cogère ces sujets. Les services du ministère de l’intérieur et du ministère de la santé y sont mobilisés. Le Parlement fera l’évaluation de cette crise sanitaire, mais il est sûr que les pompiers doivent être mis à contribution, car ils ont l’expérience, l’engagement et la proximité – pas uniquement en milieu rural.

Nous travaillons à des évolutions, mais je n’ai pas voulu lancer de grand chantier de réorganisation de la direction générale de la sécurité civile en pleine urgence, chacun le comprendra. Je m’engage, dès la crise sanitaire passée, à y travailler.

Le numéro unique, annoncé par le Président de la République, est une affaire compliquée qu’il nous faut résoudre. Il est prévu par la proposition de loi de M. Matras, et j’espère qu’elle sera inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour nous permettre d’en débattre. Dans l’attente, je peux encore retarder la discussion entre les « rouges » et les « blancs ». Il faut que les pompiers puissent jouer un rôle important dans les services d’urgence.

Je ne partage pas les remarques sur l’action de l’État pour résoudre les difficultés des pompiers. En tant que ministre de l’intérieur, je ne suis pas l’employeur des pompiers. Je suis trop soucieux des libertés des collectivités locales pour oublier que les SDIS en sont des émanations, au sein desquelles siègent des élus – d’ailleurs ceux qui les président touchent des indemnités à ce titre. Une recette miroir existe entre les départements et les SDIS, et lorsque j’étais ministre des comptes publics, j’ai invité le Parlement à s’intéresser aux transferts financiers entre les départements et les SDIS. Les pompiers sont les employés des SDIS, nous pouvons étudier si l’État doit augmenter ses contributions, mais je rappelle que cette recette spécifique doit être versée aux SDIS.

Nous devons continuer à assainir les relations entre l’État, les employeurs et les syndicats de pompiers professionnels et volontaires, les professionnels étant souvent également volontaires. Le Président de la République avait prévu de se rendre ce week-end au congrès des sapeurs-pompiers, mais il n’a pu le faire. Je remercie le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, M. Grégory Allione, de sa compréhension en ces circonstances. Le Président de la République recevra des pompiers volontaires et le président Allione, et cette rencontre aura certainement des suites dans les discussions parlementaires sur le projet de loi de finances ou le PLFSS.

Les organisations syndicales de sapeurs-pompiers professionnels attendent beaucoup de la proposition de loi déposée par le député Matras et des relations avec les SDIS, notamment le financement de la prime de feu, négocié par mon prédécesseur, qui doit faire l’objet d’une délibération dans chaque SDIS. J’ai proposé des solutions aux SDIS, dont j’ai discuté avec M. Olivier Richefou, président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, et M. Dominique Bussereau, président de l’Association des départements de France. Nous pouvons nous entendre, mais ce sont les SDIS qui emploient les pompiers. Il ne faut pas faire peser sur l’État une responsabilité qui n’est pas la sienne.

M. Guillaume Vuilletet. Je remercie Naïma Moutchou de me céder une partie de son temps de parole au titre du groupe la République en Marche pour réaliser cette intervention que j’aurais voulu ne jamais devoir faire.

Je souhaite, comme vous tous, saluer la mémoire de Samuel Paty. Deux villes de ma circonscription, Conflans-Sainte-Honorine et Éragny-sur-Oise, sont traumatisées par l’événement dramatique survenu vendredi. Je pense aux acteurs locaux qui ont géré cette crise sur le terrain : les policiers municipaux et nationaux ; la cellule d’urgence médico-psychologique du Val-d’Oise, très engagée dans le soutien à tous les habitants, dont ceux qui ont été plus spécialement impliqués ; et le maire de Conflans-Sainte-Honorine, M. Laurent Brosse, ainsi que le maire d’Éragny-sur-Oise, M. Thibault Humbert, qui s’est entretenu avec le Premier ministre et dont je salue l’action auprès de ses concitoyens dans cette crise.

J’ai pris note des efforts en faveur du renseignement, dont les crédits ont doublé. Dans cette affaire, le rôle des réseaux sociaux est omniprésent. Quel effort est effectué en la matière ?

Comment soutenons-nous les policiers et les forces de l’ordre impliquées en première ligne, qui arrivent directement sur les lieux ? Tous ne sont pas formés pour affronter des choses aussi dramatiques et brutales. Quel soutien est apporté à ceux qui ont connu ce type d’horreur ?

Mme Naïma Moutchou. Je m’associe avec solennité aux paroles du Président de la République et aux vôtres, monsieur le ministre, ainsi qu’à tous les hommages, officiels ou anonymes, qui ont été rendus à Samuel Paty dans toute la France.

Depuis vendredi, nous sommes sous le choc. Je ne me tiendrais pas ici sans tous les Samuel Paty que j’ai rencontrés sur mon parcours, je ne serais pas devenue qui je suis sans l’école publique, l’école de la République, et sans ses enseignants. Ce sont eux qui m’ont apporté, qui m’ont appris, quand mes parents n’en avaient ni les moyens, ni les capacités. Je défendrai sans relâche les Samuel Paty de France.

Après le deuil, le temps est venu de l’action pour éradiquer l’islamisme de notre pays. Nous y travaillons depuis trois ans, la question n’est pas nouvelle. J’espère que nous continuerons à le faire dans le consensus politique que j’appelle de mes vœux depuis longtemps.

Vous avez fait des annonces puissantes, avant et après la tragédie, et je voudrais à mon tour remercier les forces de l’ordre qui sont intervenues avec sang-froid dans le Val-d’Oise pour appréhender l’assassin. Plus largement, je remercie tous les acteurs de la sécurité qui nous protègent, et que nous devons protéger nous-mêmes.

C’est le sens de ce budget, dont les crédits sont en augmentation. Le projet de loi de finances pour 2021 est marqué par les impératifs de relance liés à la crise sanitaire, et donc à la crise économique. Pour autant, l’ambition du Gouvernement de renforcer le budget de la sécurité demeure intacte. Le rapporteur a évoqué les avancées notables en matière de recrutement au sein des services de renseignement, au sein de la police nationale – dans des proportions inédites depuis dix ans – et en matière de renouvellement des équipements, notamment des flottes mobiles. Ces évolutions répondent aux demandes du terrain, la majorité les salue.

L’actualité des dernières semaines, marquée par les images des Alpes-Maritimes partiellement dévastées par la tempête Alex, nous oblige en matière de sécurité civile, troisième force de sécurité intérieure. L’effort budgétaire va dans le bon sens, je me réjouis que plusieurs grands projets relevant des politiques d’anticipation, de préparation et de gestion des crises se poursuivent en 2021. C’est le cas du projet « NexSIS 18-112 », visant à moderniser le système d’information et de commandement unifié des services d’incendie et de secours, et de sécurité civile. Ce dispositif est souhaité de tout cœur par les sapeurs-pompiers du SDIS95 d’Eaubonne et du CODIS de Neuville-sur-Oise, que j’ai rencontrés récemment.

Face au risque de plus en plus prégnant de sécheresse et d’incendies à grande échelle, je salue le renforcement de l’organisation de la préparation et de la mise en œuvre des moyens d’intervention. Le renouvellement de la flotte d’hélicoptères et des bombardiers d’eau depuis trois ans, l’acquisition des avions multitâches – les troisième et quatrième des six Dash‑8 doivent être livrés dans l’année – sont des avancées majeures, qui sauvent des vies, comme dans la vallée de la Roya.

Nous ne saurons jamais suffisamment remercier les sapeurs-pompiers de leur abnégation. Ils étaient encore à pied d’œuvre en plein centre-ville de ma commune samedi après-midi pour maîtriser un départ de feu et sécuriser le périmètre. Mais les incendies ne sont pas le cœur d’activité des sapeurs-pompiers : le secours aux personnes est la principale cause d’intervention, ce qui n’est pas sans poser de difficultés. Le nombre des prises en charge des cas psychiatriques sur la voie publique, par exemple, augmente de façon exponentielle, et nos pompiers ne sont pas aguerris pour cette mission. Quelles évolutions du rôle, des missions ou du statut des sapeurs-pompiers sont envisagées ?

L’engagement des sapeurs-pompiers ne serait pas le même sans celui des volontaires. Il est essentiel que la mise en œuvre du plan « Volontariat 2019-2021 » suive son cours. La majorité des mesures réglementaires est déjà mise en œuvre ; il nous appartient de poursuivre le travail avec la proposition de loi de notre collègue Fabien Matras sur la consolidation du modèle de sécurité et la valorisation du volontariat des sapeurs-pompiers. Je salue, d’ailleurs, la revalorisation de la prime de feu, qui n’est pas le moindre des engagements que vous ayez tenus.

M. Mansour Kamardine. À ce stade des débats, le groupe Les Républicains ne donnera pas de consigne de vote concernant ces crédits. Nous considérons avec beaucoup de bonheur que ce budget va dans le bon sens, bien que des questions demeurent.

Je m’associe à l’émotion qui dévaste la nation suite à l’assassinat du professeur Samuel Paty vendredi. Étant musulman, je suis heurté par les actes d’un certain nombre de gens qui, au nom de la religion musulmane, tuent et assassinent. Ce n’est pas ma lecture de la religion musulmane, je le dis avec d’autant plus de force que dans des fonctions précédentes, j’ai soutenu l’égalité entre les femmes et les hommes alors que d’autres estimaient que la religion s’y opposait.

Il faut nommer les choses, monsieur le ministre, c’est ce qui nous pousse à poursuivre le débat jusqu’à l’hémicycle avant de prendre position sur ce budget. Nommer les choses, c’est dire qu’il s’agit de terrorisme islamiste radical, qui détruit l’unité de cette nation, et que nous devons combattre. Tant que nous biaiserons par crainte de heurter tel ou tel, nous continuerons vers le désastre qui a déjà fait beaucoup de dégâts et de victimes.

En disant cela, je pense au dernier département créé, à majorité musulmane, mais qui jouit d’une religion musulmane apaisée pouvant servir de modèle. Depuis plusieurs années, j’appelle à prendre l’exemple de Mayotte pour construire la communauté de destin que nous appelons tous de nos vœux. Malheureusement, je ne suis pas entendu. Peut-être que le poids politique de Mayotte n’est pas suffisant, ou que trop loin des yeux, nous sommes trop loin du cœur ; à moins que je ne sache pas m’exprimer.

Ne faisant pas partie de ceux qui rêvent tous les matins de devenir ministre ou Président de la République, je dis les choses très simplement. Je m’attache au parcours que j’ai accompli plutôt qu’à celui qui m’attend, et je n’ai donc rien à perdre. C’est pourquoi je vous dis que ce qui se passe à Mayotte est insupportable. On y envoie les professeurs dont personne ne veut en métropole parce qu’ils posent problème. Mayotte ne peut continuer à servir de réceptacle pour tous ceux qui sont radicalisés ou jugés tels. Je souhaite donc que l’Éducation nationale rapatrie très rapidement ces personnes en métropole.

Il existe une corrélation évidente, que les gens n’aiment pas reconnaître, entre immigration, violence et insécurité. L’auteur des faits contre Samuel Paty était demandeur d’asile, il a été accueilli généreusement, et nous en arrivons à la situation que nous connaissons. Il faut poser les sujets, le nombre de demandeurs d’asile en France en provenance de pays dits « sûrs » soulève des questions.

J’ai adressé une demande que je réitère ici : face à l’augmentation substantielle de la violence à Mayotte, nous avons pris le parti d’organiser des assises de la violence, et nous souhaitons qu’elles soient pilotées par le Gouvernement. Notre invitation n’a pas reçu de réponse jusqu’ici. Monsieur le ministre, je vous invite à nous rendre visite à l’occasion de ces assises, qui auront lieu aux alentours du 10 novembre, pour montrer que l’État se soucie de la sécurité des populations à Mayotte.

Le groupe Les Républicains sera toujours du côté de l’État sur les questions de sécurité, car la première mission d’un État républicain est d’assurer la sécurité de chacun de nos compatriotes.

Mme Isabelle Florennes. L’actualité est venue nous rappeler combien il est important de ne pas lésiner sur le budget de la sécurité : aujourd’hui moins que jamais, nous ne pouvons nous permettre de le sous-doter.

S’agissant des effectifs, la création de 2 000 postes supplémentaires au bénéfice des territoires prioritaires de la police de sécurité du quotidien et des quartiers de reconquête républicaine va dans le bon sens. Pour intervenir régulièrement sur le terrain, j’ignore si elle sera suffisante. Je crois même que la situation ne va pas aller en s’arrangeant et exige un renforcement plus substantiel de ces effectifs. Nos forces de l’ordre sont sur-sollicitées et la menace terroriste, que le drame de la fin de la semaine dernière nous a cruellement rappelée, pèse toujours. En outre, la gestion du couvre-feu promet d’être complexe dans certaines métropoles ou certains quartiers, face à de possibles débordements comme nous en avons connus à la fin du confinement. Nos forces de l’ordre ne pourront y faire face que si nous les accompagnons au mieux.

Quelle place est donnée aux élus locaux dans le déploiement de la sécurité du quotidien ? Alors que ceux-ci connaissent parfaitement les problématiques de certains quartiers, je suis toujours étonnée de les voir assez peu associés aux dispositifs. Ce sont pourtant de précieux alliés. En outre, la gendarmerie compte un nombre significatif de postes vacants dans des territoires réputés moins attractifs ; or cela nuit à cette sécurité du quotidien. Quels moyens financiers et politiques sont déployés pour résoudre ce problème ?

L’accent mis sur le numérique est une bonne chose, mais cette évolution ne doit pas se faire au détriment d’une véritable relation de proximité avec nos concitoyens ni à celui du renforcement des investissements matériels – notamment en véhicules – au profit des forces de l’ordre. Il faut tenir compte de la fracture numérique ainsi que de l’illectronisme, sans oublier la nécessité de mettre en place une bonne formation des agents à l’utilisation de ces nouveaux outils.

M. Hervé Saulignac. Je m’associe, au nom du groupe des Socialistes et apparentés, à l’hommage qui a été rendu à Samuel Paty, mort dans l’exercice d’une mission éminemment républicaine. Après le temps de l’émotion et du deuil devra venir celui de l’action qui ne saurait venir d’en haut sans associer la communauté éducative et la représentation nationale. Plus que jamais, cette actualité tragique nous appelle à la responsabilité, y compris dans le cadre de ce PLF et des crédits consacrés à la sécurité intérieure.

Les moyens supplémentaires octroyés au renseignement sont incontestablement nécessaires et, par conséquent, bienvenus. Ils augmentent depuis plusieurs années, car tout n’a pas débuté en 2017 puisque nous revenons, et c’est heureux, comme sous le quinquennat précédent, sur les 9 000 suppressions de postes qui avaient eu lieu entre 2007 et 2012.

Force est de constater néanmoins que les tragédies sont toujours possibles. L’honnêteté tout autant que la transparence que nous devons à nos concitoyens nous commande de dire que le risque reste élevé. Il nous faut également faire œuvre de pédagogie, car ils voient les ministres de l’intérieur successifs annoncer des moyens nouveaux et le risque terroriste rester toujours aussi élevé : combien de gendarmes et de policiers seront nécessaires pour assurer leur protection ? L’augmentation de ces moyens constitue-t-elle la seule réponse possible à cet effroyable défi ?

Un débat sur les menaces dont l’enseignant affreusement assassiné avait fait l’objet s’est fait jour. Certaines voix s’élèvent au sein de la communauté éducative pour réclamer des moyens permettant aux enseignants, d’une part, d’alerter et d’être réactifs, et d’autre part, de trouver une réponse protectrice. Qu’envisagez-vous ?

En matière de police de proximité et de sécurité du quotidien, disposez-vous d’éléments permettant de dresser un premier bilan de l’application du dispositif « moncommissariat.fr » ?

Le nombre d’agressions de sapeurs-pompiers ne cesse d’augmenter – plus de 200 % en dix ans, sept pompiers sont agressés chaque jour. Lorsqu’un camion de pompier est caillassé, c’est l’institution républicaine qui est caillassée, c’est l’autorité et l’ordre public. Envisagez-vous de généraliser les caméras-piétons ou les caméras embarquées, ou tout autre moyen permettant d’assurer enfin leur sécurité ?

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Je salue votre travail, à l’un et l’autre, en matière de sécurité et comprends les difficultés liées à la gestion de crise pour la police et la gendarmerie. Je m’en tiendrai à la sécurité civile.

À propos de la proposition de loi du député Matras, vous n’êtes pas sans savoir que nombre de groupes l’ont cosignée ou ont déposé un texte identique. Le groupe UDI et indépendants accompagnera ce travail dans un consensus aussi total que celui qui prévalait lorsque j’avais rapporté la loi sur les sapeurs-pompiers volontaires, en 2011.

Vous avez indiqué que les SDIS sont des établissements publics. Nous ne le contestons pas ; reste que des moyens financiers importants doivent leur être apportés pour l’acquisition d’équipements dont la nature est plus du ressort de l’État. Quels achats sont prévus en matière de gros-porteurs de type Dash ? Quelle est la doctrine retenue pour les Tracker et les Canadair vieillissants ainsi que pour les hélicoptères ? Certains départements ruraux et de montagne demandant d’en disposer à l’année. Combien coûte un hélicoptère, compte tenu des coûts de maintenance et de disponibilité vingt-quatre sur vingt-quatre d’une équipe médicale ? Comment organiser tout cela, sachant que le nombre d’hélicoptères de la sécurité civile sur l’ensemble du territoire participe à la mutualisation des « bleus », des « rouges » et des « blancs » ? Que répondre aux remarques selon lesquelles il est plus facile de traiter un AVC en juillet et en août, compte tenu des renforts estivaux d’hélicoptères, qu’en janvier ?

M. Ugo Bernalicis. Je m’associe à l’hommage rendu à Samuel Paty, cet enseignant qui a été assassiné par un terroriste islamiste dans d’atroces circonstances. La meilleure réponse à cette attaque ignoble est sans doute notre unité. On ne peut pas laisser passer cela.

S’agissant des crédits de la mission « Sécurités », monsieur le ministre, j’ai beau retourner les documents dans tous les sens, je ne retombe pas sur vos chiffres. Votre communication ministérielle fait état d’une augmentation de 125 millions d’euros pour le renouvellement de la flotte automobile, alors que j’en compte davantage, que ce soit dans le bleu budgétaire, avec 133 millions d’euros, ou dans le plan de relance.

S’agissant de l’immobilier, c’est le contraire : beaucoup moins de crédits sont affectés cette année. Le titre 5 consacré à l’investissement du programme 176 « Police nationale » passe ainsi de 137 millions d’euros en 2020 à 55 millions d’euros. Je comprends que certaines dépenses sont inscrites au plan de relance, mais ce dernier mérite-t-il ce nom si vous y inscrivez des crédits que vous avez soutirés au budget classique ? C’est malin – à votre place, j’aurais sans doute fait la même chose –, mais la lisibilité de votre budget en devient quelque peu chaotique.

Quant au fonctionnement courant des services, on est passé de 199,6 millions d’euros de crédits en 2020, à 196 millions d’euros en 2021, soit 3 millions de moins.

Je ne comprends donc pas quand vous affirmez pour la première fois, l’investissement et les crédits d’équipement et de fonctionnement suivent l’augmentation du titre 2. La page 14 de votre projet annuel de performances montre bien une augmentation des crédits, mais la page 16, en particulier le détail de la rubrique « Titre 2 et autres dépenses », fait ressortir, s’agissant du programme 176, une augmentation de 1,58 % entre 2020 et 2021, contre une baisse de 0,58 % des autres dépenses qui correspondent aux titres 3, 5, 6 et 7.

Je n’ai pas fait de grandes études en matière budgétaire, je n’ai fait qu’analyser vos propres documents. J’aimerais comprendre d’où proviennent ces grosses différences entre le document qui est soumis à notre vote et vos dires.

Sur un thème qui me tient à cœur, vous avez évoqué récemment l’académie de police : à quel propos ? Je demande depuis trois ans que l’on rouvre des écoles de police, pour revenir à leur nombre d’avant l’élection de Nicolas Sarkozy. Huit mois de formation pour les gardiens de la paix, c’est inacceptable ; il faut rebasculer au moins sur douze mois. Quelles sont les perspectives en la matière ? Il n’y a rien dans le budget et le plan de relance ne prévoit que 8 millions d’euros en raison de la vétusté des locaux desdites écoles ?

J’ai également entendu vos annonces concernant les nuiteux. Même s’il s’agit d’une bonne nouvelle, ils veulent voir traiter deux sujets : l’indemnisation du travail de nuit, sur laquelle vous prévoyez 15 millions d’euros alors qu’ils en demandaient 30 disons que c’est toujours ça de pris et le nouveau cycle horaire. Celui-ci peut paraître tout à fait intéressant lorsque l’on travaille de jour, mais c’est beaucoup plus compliqué lorsque l’on travaille de nuit, car il ne permet plus de partager les tâches de la vie de famille, et notamment de s’occuper des enfants. On peut donc craindre en conséquence une dégradation des conditions de travail. Alors que la délinquance est plus prégnante la nuit que le jour, une réflexion et un effort supplémentaires s’imposent.

À propos du nouveau service central de la police technique et scientifique, quand va s’arrêter la guerre entre la police judiciaire et la sécurité publique pour que la police technique et scientifique soit respectée et utilisée par les différentes directions centrales du ministère de l’intérieur ? Ses 3 000 agents résolvent à eux seuls un tiers des enquêtes.

M. Stéphane Peu. Je m’associe également, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, à l’hommage rendu à Samuel Paty. Notre unité est, bien évidemment, indispensable. Au cours des différents rassemblements auxquels j’ai participé depuis vendredi, que ce soit en Seine-Saint-Denis ou hier à Paris, se sont exprimées une grande émotion et une grande colère, qui appellent des réponses.

Dans ces circonstances, on ne peut que saluer l’augmentation du budget de la police et des services de renseignement et noter que, malheureusement, les années 2000 ont été catastrophiques tant pour les effectifs que pour le renseignement, dont la réforme a considérablement affaibli notre capacité à détecter en amont les signaux faibles. Le caractère technique du renseignement ne remplacera jamais la qualité ni le maillage d’un service de renseignement humain capable de nouer les contacts sur le terrain permettant de remonter tous les signaux. Ainsi, s’agissant du drame de vendredi, l’intéressé était passé sous les radars des services techniques.

On ne peut que se féliciter que ce budget augmente les moyens à la fois humains et matériels, qu’il s’agisse des équipements ou des voitures. J’ai toujours trouvé déplorable pour notre pays, pour l’autorité de l’État, pour la République de laisser des policiers pourchasser en Kangoo brinquebalante des dealers roulant, eux, en Porsche Cayenne.

Monsieur le ministre, dans d’autres fonctions, vous disiez qu’un budget en hausse n’était pas forcément un bon budget ; en tout cas, un budget en baisse est rarement un bon budget.

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est parfois le cas.

M. Stéphane Peu. Un budget en hausse dit les moyens mais il ne dit pas toujours la fin. Quelles sont vos perspectives s’agissant de la publication du Livre blanc de la police nationale ?

Dans mon commissariat, à Saint-Denis, sur quarante-trois officiers de police judiciaire (OPJ), seuls dix-sept émargent effectivement. La continuité pénale du travail de la police est forcément mise à mal quand le maillon OPJ est aussi faible. Le problème n’est pas aussi simple qu’une opposition entre police et justice ; parfois, de part et d’autre, il y a des failles au niveau des effectifs.

La faute en est à la doctrine en cours dans les années 2000, qui a contribué à affaiblir les effectifs et à restructurer les services de renseignement dans le même sens. Au regard de la lutte contre le terrorisme, la suppression de la police de proximité se révèle une funeste erreur : les services de police doivent marcher en équilibre sur leurs deux jambes : présence et prévention, d’un côté, répression de l’autre côté.

Enfin, depuis le début, je suis attentif à ce que la police scientifique puisse s’installer dans les délais prévus à Saint-Denis. Je me réjouis qu’après les experts à Miami, on ait les experts à Saint-Denis !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je vais essayer de répondre le plus rapidement possible à vos questions avant de partir. Si j’oublie certains points, la ministre déléguée pourra compléter.

Le Livre blanc sera présenté début novembre. Nous en discuterons en même temps que la proposition de loi de M. Fauvergue et Mme Thourot, qui en sera le premier acte – maintien de l’ordre, mis à part. Ce n’est pas faire de la politique politicienne que de souligner que la mise en œuvre du Livre blanc exige aussi une police municipale – qui a grandement manqué à Saint-Denis – et des caméras de vidéoprotection. Nous accompagnons le nouveau maire de Saint-Denis dans sa volonté de s’équiper et de mettre en œuvre le continuum de sécurité, dans la philosophie de la proposition de loi.

Vous avez tout à fait raison concernant les OPJ : il en manque dans la police nationale et, pourtant, il y en a. Il en manque en région parisienne et dans les grandes métropoles où les officiers de police judiciaire ne sont pas assez nombreux pour effectuer les enquêtes. Parfois, les procureurs de la République ne poursuivent pas ou classent une affaire à cause de cela. Il importe de donner des moyens de mieux faire son travail à la justice mais aussi, concomitamment, aux policiers.

Dans le même temps, 3 000 OPJ ne font pas un travail d’OPJ. Certains OPJ diplômés, après avoir suivi une formation, repartent dans les bureaux sans être affectés à des missions d’OPJ. C’est un problème d’organisation. J’ai donc proposé aux syndicats, qui l’ont accepté, d’améliorer la situation sur proposition du directeur général de la police nationale – que je remercie : davantage de formations, plus de formateurs, augmentation des rémunérations en prélevant sur les moyens affectés aux OPJ qui n’exercent plus leur fonction d’OPJ. Nous aurons l’occasion d’en reparler. Ce n’est pas un problème de postes budgétaires : mon prédécesseur a autorisé l’ouverture de concours cette année, car nous avons des postes à pourvoir, mais nous n’avons eu que 50 % de réussite.

Monsieur Bernalicis, je ne vous savais aussi comptable. J’ai découvert votre attachement aux règles de Maastricht ! Je partage votre constat : il faut analyser la dépense publique et les déficits – c’est l’hommage du vice à la vertu.

Si vous ajoutez les crédits du plan de relance à ceux du projet de loi de finances, vous obtenez les crédits de l’an prochain. Nous n’avons pas fourni deux documents mais distingué les missions budgétaires de la mission « Relance ». C’est déjà ce qu’avait fait le président Sarkozy et M. Woerth lors du dernier plan de relance. Pour la police, hors titre 2, la hausse est de 11 %. Elle est de quasiment 2 % pour le titre 2. Cela correspond exactement aux chiffres que j’ai donnés. Je suis étonné que La France insoumise considère désormais que, quand il y en a plus, c’est qu’il y en a moins et vice-versa… Je ne suis pas sûr que nous ayons tous compris votre démonstration, mais je lirai le compte rendu, et je reviendrai vers vous si vous avez toujours des questions. Ne vous inquiétez pas, les policiers auront plus d’argent pour investir dans leurs moyens matériels. Je suis sûr que vous vous en réjouissez.

L’expérimentation moncommissariat.fr n’est pas tout à fait finalisée. Elle est extrêmement importante. Douze agents ont été affectés au commissariat numérique localisé à Bordeaux. L’an prochain, la montée en puissance sera rapide puisque nous passerons à trente-six. Ce dossier est particulièrement lié à celui de la plainte en ligne, cher à Mme Avia, et au signalement des violences sexistes et sexuelles. La gendarmerie a également créé une brigade numérique, inaugurée le 27 février par mon prédécesseur. Vingt équivalents temps plein y ont été affectés et 343 demandes sont enregistrées chaque jour, dont 1 690 demandes pendant le confinement.

Même si cela ne remplace évidemment pas la présence physique dans les territoires, cela présente des avantages, notamment lorsque les gens sont empêchés – ce fut le cas pendant le confinement – et le degré de « satisfaction client », si vous me permettez l’expression, est élevé tant pour le commissariat que pour la brigade de gendarmerie numériques. Il conviendra sans doute de développer et de généraliser le dispositif.

Vous avez mille fois raison concernant les pompiers agressés : deux l’ont encore été aujourd’hui dans le département du Rhône. Il faut davantage les protéger. J’espère que vous nous suivrez lorsque nous proposerons, à l’occasion des débats sur la proposition de loi dite Fauvergue-Thourot, de les équiper de caméras-piétons, et d’équiper leurs véhicules. En effet, ils se font souvent agresser dans des lieux sans caméra de vidéoprotection.

Vous aurez constaté que j’ai pris une circulaire afin que le ministère de l’intérieur porte plainte et poursuive systématiquement toute agression de sapeurs-pompiers. Enfin, je souhaite revoir très rapidement la protection fonctionnelle des policiers, des gendarmes, comme celle des pompiers, afin qu’ils n’aient pas à avancer les frais médicaux, et bénéficient d’un soutien plus rapide au regard des frais d’avocat pour engager des poursuites quand ils doivent répondre aux attaques – sauf bien sûr lorsqu’ils sont mis en cause.

S’agissant de l’accompagnement psychologique, quatre-vingt-treize psychologues cliniciens – quatre de plus qu’en 2019 – accompagnent tous les agents, quel que soit leur statut ; 6 % des effectifs sont reçus chaque année. Ces psychologues sont évidemment au contact des policiers. L’année dernière, ils ont effectué 33 932 entretiens de soutien psychologique.

L’activité des pompiers représente à 85 % du secours à la personne. On peut mettre au crédit des gouvernements précédents, et singulièrement de ceux d’Édouard Philippe, la hausse de 2 % du volontariat chez les sapeurs-pompiers. Évidemment, lors de l’examen de la proposition de loi de M. Fabien Matras visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers, nous aurons l’occasion d’en rediscuter et de faire encore progresser notre très beau modèle de sécurité civile, parfois attaqué par des décisions jurisprudentielles européennes. J’ai d’ailleurs écrit pour savoir comment les interpréter.

Je suis très heureux que le groupe Les Républicains trouve que le budget de la police et la gendarmerie va dans le bon sens – ce n’est pas toujours la tonalité des questions au Gouvernement. J’espère que, demain après-midi, les premières questions d’actualité souligneront combien ce budget va dans le bon sens et combien nous faisons beaucoup pour la police. Peut-être ajouterez-vous que vous le voterez et soulignerez que nous accompagnons davantage les créations de postes. Je ne manquerai évidemment pas de rappeler à votre groupe que nous avons doublé les moyens du renseignement et avons créé des postes, ce qui n’avait pas été le cas depuis extrêmement longtemps.

Mayotte est un territoire départementalisé très singulier de la République ; nous devons davantage le soutenir, et M. Lecornu est particulièrement mobilisé. Si je peux y aller le 10 novembre, j’irai bien volontiers. Je vais prendre votre attache, monsieur Kamardine, et celle des élus mahorais, eux-même déjà reçus plusieurs fois par mon directeur de cabinet. Je laisserai le soin à M. Blanquer de vous répondre sur les questions d’éducation nationale et de sécurité des écoles.

La police et la gendarmerie font preuve de courage à Mayotte. Vous le savez, ce n’est pas simple, du fait de la proximité des Comores. C’est la principale difficulté que nous rencontrons, qui engendre, en outre, des difficultés sociales parfois créatrices d’insécurité. Je suis très heureux que la société civile et élective mahoraise se penche sur la question des violences, et j’y apporterai mon concours.

Madame Florennes, vous avez raison, il faut mettre en perspective l’action de l’État avec les élus locaux. Encore faut-il que les élus locaux nous accompagnent. Certains maires continuent d’estimer et de dire au ministre de l’intérieur que la sécurité n’est pas leur affaire, mais celle de l’État. Et il ne s’agit pas toujours d’élus très à gauche de l’hémicycle – je vous prie de bien vouloir excuser la caricature. Certains, plus à droite de l’hémicycle, estiment que la sécurité, c’est l’État. Nous ne voulons forcer personne.

Certaines missions sont clairement de la compétence des élus locaux dans le code général des collectivités territoriales : caméras de vidéoprotection, salubrité publique, utilisation des établissements recevant du public (ERP), modalités d’intervention, etc. Les polices municipales – armées ou non – sont une compétence optionnelle des collectivités locales. Nous les encourageons à les créer. Dans le cadre de l’examen de la proposition de loi Fauvergue-Thourot, nous allons coudre du sur-mesure, ce que demande le Parlement depuis très longtemps. Au titre de l’article 37-1 de la Constitution, des expérimentations permettront aux polices municipales des maires qui le souhaitent d’accéder à certains fichiers.

Certaines limites actuelles ne sont pas acceptables. Quand j’étais maire, les deux chefs successifs de ma police municipale étaient deux officiers de gendarmerie devenus directeurs de police municipale. Il leur a fallu à chacun six mois pour obtenir leur autorisation de port d’arme, après une longue formation, qui prenait parfois jusqu’à un tiers de leur temps de travail, c’est absurde !

Il ne s’agit pas de transformer la police nationale ou la gendarmerie en FBI et les autres en polices locales. Ce n’est pas notre modèle républicain. Il ne s’agit pas non plus que l’État se défasse de certaines compétences et les transfère aux élus locaux sans les compenser. Il s’agit simplement que, dans certains cas, la police municipale puisse faire le même travail que la police nationale en termes d’accès à des fichiers, d’intervention, voire de rapports au procureur de la République. La proposition de loi dite Fauvergue-Thourot sera l’occasion d’un débat sur ce sujet très intéressant, et complexe. Je suis favorable au continuum de sécurité, mais pour danser la valse il faut être deux. J’espère que tous les maires de France voudront danser la valse avec l’État.

Je vous remercie de votre écoute et vous prie, encore une fois, d’excuser mon départ précoce. La ministre déléguée soutiendra la suite de la discussion.

Mme Laetitia Avia. je m’associe aux hommages rendus à Samuel Paty et exprime mon soutien à tous ceux qui œuvrent quotidiennement pour l’éveil des consciences dans notre pays.

M. le ministre l’a dit à l’instant, l’usage d’internet et des réseaux sociaux n’est pas étranger à ce drame et à cet assassinat islamiste. Le terroriste s’était apparemment radicalisé via les réseaux sociaux, vecteurs d’apologie du terrorisme, de recrutement, d’endoctrinement et de diffusion de ces actes. Un père de famille y avait lancé ce que le ministre a justement appelé une fatwa. Enfin, l’image abominable de cette décapitation a été relayée sur les réseaux sociaux et sur internet.

Il faut sanctionner avec force tous ceux qui propagent des discours de haine sur internet : ceux qui les tiennent, ceux qui les relaient, ceux qui les commentent et ceux qui y apportent leur soutien.

Ces dérives ont plusieurs causes. La première est un sentiment généralisé selon lequel internet serait une zone de non-droit, un lieu hors de l’espace républicain et où certains, sous couvert d’anonymat, tiennent des discours intenables dans l’espace public. La seconde repose sur un cercle vicieux : peu de condamnations, donc peu de plaintes, peu d’enquêtes qui prospèrent et donc peu de condamnations, encore.

Pour y remédier et renforcer la réponse des pouvoirs publics, nous avons voté la création d’un parquet numérique spécialisé, dont la pleine effectivité repose sur le dépôt de plainte en ligne. Quel est le calendrier et quels sont les moyens prévus pour renforcer cette procédure de dépôt de plainte en ligne, et apporter une réponse judiciaire à travers le parquet spécialisé ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la députée, nous connaissons tous votre engagement très fort contre la haine en ligne et contre la prolifération des discours de haine en ligne. Vous savez notre détermination à agir également sur ces questions.

J’ai rencontré ce matin les équipes de la plateforme PHAROS, en compagnie des directeurs généraux de la DGSI, de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de l’ambassadeur au numérique. Ces équipes mènent un travail remarquable. Tous les services du ministère de l’intérieur sont mobilisés autour de l’événement terrible que nous avons connu, mais également pour veiller à ce qu’il ne se reproduise pas. Sur PHAROS, des milliers de signalement sont traités et donnent lieu à des échanges avec les réseaux sociaux, ce qui conduit soit à des suppressions de contenus, soit à des blocages.

Demain, je recevrai les responsables des différents réseaux sociaux, les plateformes, les GAFA, ainsi que les principaux sites de cagnottes de ligne, qui peuvent aussi être des vecteurs de haine. Telles sont les premières actions que nous menons dans le calendrier de la plainte en ligne, qui est en train de s’affiner.

Concernant le parquet, des échanges nombreux ont eu lieu. Le Garde des Sceaux pourra vous répondre plus précisément. Sachez qu’au ministère de l’intérieur tout le monde est mobilisé pour remonter jusqu’au bout de la chaîne.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je vous remercie, madame la ministre. Nous allons maintenant passer à l’examen des crédits de la mission « Sécurités ».

Après le départ de la ministre, la Commission en vient à l’examen des crédits de la mission « Sécurités ».

Article 33 et État B

La Commission est saisie des amendements II-CL19, II-CL20, II-CL14 et II-CL15 de M. Hervé Saulignac.

M. Hervé Saulignac. Alors que des recrutements ont été effectués dans la police et dans la gendarmerie ces dernières années, les moyens alloués à la formation n’ont pas été augmentés en conséquence. Les amendements II-CL19 et II-CL20 visent respectivement à allouer 100 millions d’euros au budget de formation de la police nationale et 100 millions d’euros à celui de la gendarmerie nationale. Quant aux amendements II-CL14 et II-CL15, ils visent respectivement à créer 1 000 emplois dans la police nationale et 1 000 emplois dans la gendarmerie, afin de préserver le rythme du recrutement auquel s’était engagé le Président de la République, en fléchant 64 000 euros vers le programme 176 « Police nationale » et la même somme vers le programme 152 « Gendarmerie nationale ».

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur pour avis suppléant. La formation des gendarmes et des policiers est un vrai sujet. Le budget destiné à la formation des gendarmes est à l’équilibre. Lors des auditions, ils n’ont pas fait part de problèmes de ce point de vue. S’agissant des policiers nationaux, le budget alloué à leur formation a été augmenté de près de 4 millions d’euros, afin d’assurer notamment la mise à niveau technologique des écoles de police, en particulier dans le cadre du déploiement de nouveaux outils, comme les tablettes NEO. L’augmentation de 100 millions d’euros que vous préconisez déséquilibrerait le budget, puisqu’il faudra bien aller prendre cet argent ailleurs.

Par ailleurs, des efforts importants sont déjà consentis dans le cadre du plan présidentiel visant à créer 10 000 emplois dans la police et dans la gendarmerie nationales pendant le quinquennat. Il ne suffit pas de recruter des policiers et des gendarmes, encore faut‑il leur donner les moyens de s’équiper et de travailler correctement. C’est la raison pour laquelle d’importants crédits sont prévus dans ce budget en faveur notamment du renouvellement du parc automobile.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Les amendements relatifs à la formation rejoignent mes préoccupations. Monsieur le rapporteur, je vous repose la question laissée sans réponse par M. le ministre : savez-vous s’il est prévu que la formation des gardiens de la paix revienne à douze mois au lieu des huit actuels ? On sait combien la formation est déterminante, notamment pour des départements comme la Seine‑Saint‑Denis, où se font les premières affectations.

Pour ce qui est du gage, monsieur le rapporteur, après trois ans, votre argument est au moins galvaudé. L’augmentation de 4 millions d’euros du budget de la formation continue de la police est une bonne chose et vient combler un manque criant. Mais il faudra prendre le temps de s’interroger sur les perspectives de formation dans la police nationale, plutôt que de s’en tenir à la mise à l’équilibre d’un budget ou de se dire que l’objectif des écoles de police est de former aux tablettes NEO. Je pense que l’on peut faire mieux. Cette réflexion globale doit bien avoir lieu, mais il serait bon qu’elle nous soit exposée.

On a vu que, s’agissant des violences sexuelles et sexistes, il y avait besoin de former, notamment à l’accueil du public. Mais il y a également besoin de former dans le renseignement territorial et la lutte contre la radicalisation, dans la prise en charge des mineurs, à l’usage des nouveaux outils, sur la nouvelle criminalité économique et financière ou encore sur les techniques de désescalade de la violence. Aussi, quelles sont les perspectives de formation ?

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement II-CL57 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala, rapporteur pour avis. Avant de présenter mon amendement de soutien aux associations agréées de sécurité civile et malgré l’absence du ministre, je tenais à dire que, dans le résumé de mon rapport, il n’était pas question de demander spécifiquement des moyens considérables supplémentaires pour les sapeurs‑pompiers, mais plutôt d’insister sur la nécessité de les coordonner.

Du fait de la crise de la covid, les associations agréées de sécurité civile sont confrontées à de graves difficultés financières. Elles ont perdu une grande partie de leurs revenus habituels faute de grands rassemblements, lors desquels elles organisaient des postes de secours, et à cause de l’interruption des formations de secourisme. Parallèlement, elles ont connu une importante augmentation de leurs dépenses d’intervention.

Elles ont effectué environ 3 millions d’heures de bénévolat et 18 000 interventions en véhicules de secours entre le mois de mars et le mois de mai 2020. Elles ont notamment participé aux opérations de secours publics, à la prise d’appels auprès des centres de régulation du SAMU et effectué des levées de doute covid-19 à la demande du SAMU. Elles ont mis des bénévoles à la disposition d’hôpitaux pour assister les soignants dans leurs tâches quotidiennes. Elles ont assuré l’accueil, l’animation et le suivi médical de rapatriés de Chine au sein de centres de confinement. Elles ont aussi participé au transfert de victimes en TGV médicalisés et par voie aérienne. Elles ont été chargées par des centres hospitaliers et des centres médicaux de réaliser des points d’accueil et de filtrage.

Elles ont également participé à des cellules téléphoniques d’information du public et créé des plateformes d’appel aux personnes isolées et vulnérables. Leurs bénévoles ont apporté un important renfort dans les EHPAD, en matière d’aide aux soins, d’animation, d’accueil des familles ou de distribution d’équipements de protection individuelle. Elles ont distribué des millions de masques à la population et aux soignants, à la demande des communes ou des agences régionales de santé (ARS). Elles ont aussi participé à la gestion de centres de confinement pour des personnes contaminées n’ayant pas de domicile stable. Elles ont déployé des équipes au sein des brigades sanitaires qui recherchent les cas-contacts.

Elles ont aménagé des centres et des hôtels covid à la demande des préfectures et des ARS, pour accueillir des personnes confinées hors de leur domicile. Elles ont mis sur pied des centaines de centres de dépistage fixes ou mobiles à la demande des ARS. Elles ont effectué des tests PCR sur les passagers venant de zones à risque dans de nombreux aéroports. Enfin, elles ont réalisé de nombreuses maraudes à la demande du SAMU social et ont distribué des centaines de milliers de repas et des courses aux personnes isolées ou démunies pendant le confinement.

L’indemnisation des frais engagés dans le cadre de leurs missions covid-19 couvre uniquement les frais courants et non l’ensemble de leurs dépenses. Les charges fixes de la Fédération nationale de la protection civile représentent ainsi 70 % de son budget annuel. Les fédérations d’associations comme la Protection civile, la Croix blanche, la Fédération française de sauvetage et de secourisme, l’Association nationale des premiers secours, le Centre français de secourisme et l’Union nationale des associations de secouristes et de sauveteurs, sont particulièrement affectées : plus de 120 associations membres disposent de moins de trois mois de trésorerie et risquent de disparaître. Sur la centaine d’associations départementales de la Fédération nationale de la protection civile, entre cinquante et soixante sont en difficulté et ne disposent que de trois à cinq mois de réserves. La Fédération nationale estime que le besoin de financement de ses associations jusqu’à la fin de l’année 2021 s’élève à 13 millions d’euros.

Les associations unitaires sont également touchées : la Croix rouge française a déclaré que, sur un budget de 1,3 milliard d’euros, les pertes liées à la crise de la covid représentaient 46 millions d’euros. Les associations agréées ont reçu des aides ponctuelles de sponsors ou de collectivités territoriales, mais elles ne suffiront pas à assurer la survie de toutes jusqu’en 2021. De même, la subvention de 560 000 euros versée en 2020 par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises s’avère très insuffisante. Dans la perspective des Jeux olympiques de 2024, une telle situation n’est pas tenable. 

Ainsi, l’amendement vise à verser 18 millions d’euros d’aide exceptionnelle à ces associations. Mes chers collègues, si vous allez à leur rencontre dans vos territoires, vous vous entendrez tous dire qu’elles risquent bel et bien de disparaître.

M. Ugo Bernalicis. Je suis tout à fait favorable à votre amendement. Peut‑être faudrait‑il préciser la nécessité de lever le gage dans l’exposé des motifs ? Prendre 18 millions d’euros sur les 20 millions alloués au budget de l’éducation routière me semble problématique… Une telle reconnaissance du travail des associations est essentielle. Votons tous l’amendement !

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis des rapporteurs pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités » sans modification.


—  1  —

   personnes entendues

   Mme Pauline Hodille, conseillère chargée de la sécurité civile, a indiqué à votre rapporteur pour avis que « le ministre ne souhaite pas que les membres de son cabinet soient auditionnés par l’Assemblée nationale ».

   M. Alain Thirion, directeur général

   M. Pierre-Emmanuel Portheret, sous-directeur des moyens nationaux

   M. Stéphane Thebault, sous-directeur des affaires internationales, des ressources et de la stratégie

   M. Olivier Richefou, président du conseil départemental de la Mayenne, président de la CNSIS, vice‑président de la commission SDIS de l’ADF

   Mme Miléna Munoz, conseillère particulière du président du conseil départemental de la Mayenne

   M. Jean-Baptiste Estachy, conseiller sécurités de l’ADF

   Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère relations avec le Parlement de l’ADF

   Colonel Hugues Deregnaucourt, vice-président chargé de l’action politique

   Médecin-colonel Patrick Hertgen, vice-président chargé du secours d’urgence aux personnes et du service de santé et de secours médical

   M. Guillaume Bellanger, directeur de cabinet du président

   Général Jean-Marie Gontier, commandant

   Médecin-chef Olivier Stibbe, chef du bureau médical d’urgence

   M. François Richez, président

   M. Hervé Bidault de l’Isle, secrétaire général

   M. Florent Vallée, directeur adjoint chargé de l’urgence et des opérations de secours

   Colonel Florian Souyris, directeur

   Commissaire divisionnaire Loïc Jézéquel, directeur

   Lieutenant‑colonel Yann Fagard, commandant

   M. Jean-Pierre Labardin, président

 


([1]) Synthèse sur la crise du coronavirus, FNSPF, juillet 2020

([2])  Compte rendu n° 42 (2019-2020) de l’audition du mardi 21 juillet 2020.

([3]) Rapport pour avis n° 2306 tome IX du 10 octobre 2019 sur le projet de loi de finances pour 2020.

([4]) Synthèse sur la crise du coronavirus, FNSPF, juillet 2020