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N° 4525

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2021

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 4482)
de finances pour 2022

 

 

TOME I

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT

 

PAR M. Raphaël SCHELLENBERGER

Député

——

 

 Voir le numéro : 4524–III–3

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2021 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, 54 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur pour avis.


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION............................................ 5

premiÈre partie : les crÉdits pour 2022 de la mission « administration générale et territoriale de l’État »

I. Le programme 354 « Administration territoriale de l’Etat »

II. Le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative »

III. Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur »

SECONDE PARTIE : L’ORGANISATION DES ÉLECTIONS RÉGIONALES ET DÉPARTEMENTALES EN 2021

I. UN SCRUTIN ORGANISÉ DANS DES CONDITIONS DIFFICILES

A. Une prÉvision budgÉtaire en très lÉgÈre augmentation par rapport aux prÉcédentes Élections rÉgionales et dÉpartementales

B. le contexte de la crise sanitaire

1. Le report des élections de mars à juin 2021

2. Le maintien de la concomitance des élections régionales et départementales

3. L’assouplissement des règles de financement

4. L’extension de la durée de la campagne électorale

5. La facilitation de l’établissement des procurations

6. Le maintien d’un protocole sanitaire strict

C. Les surcoÛts liÉs À la crise sanitaire devraient Être modÉrÉs

II. des dysfonctionnements constatÉs dans la distribution de la propagande Électorale, qui doivent conduire À des Évolutions prudentes

A. De graves dysfonctionnements constatÉs dans la distribution de la propagande Électorale

B. Des consÉquences budgÉtaires qui devraient être limitÉes

C. Une nÉcessaire souplesse À conserver dans la mise en œuvre de la rÉinternalisation de la mise sous pli

Examen en commission

Personnes entendues


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MESDAMES, MESSIEURS,

La mission « Administration générale et territoriale de l’État », pilotée par le ministère de l’Intérieur, poursuit trois principaux objectifs : garantir l’exercice des droits des citoyens dans le domaine des libertés publiques, assurer la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire de la République et mettre en œuvre, au plan local, les politiques publiques nationales.

Composée de trois programmes, cette mission regroupe les crédits consacrés au fonctionnement des services déconcentrés du ministère, à ses fonctions support ainsi qu’aux subventions et aides publiques dont il assure la gestion. Au total, ces différents postes de dépenses représentent 4,41 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et de 4,39 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) pour 2022, en hausse de respectivement 5,4 % et 4,5 % par rapport à l’exercice précédent.

Ces crédits sont alloués à 55 % au programme n° 354 « Administration territoriale de l’État », à 34 % au programme n° 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur », et à 11 % au programme n° 232 « Vie politique, cultuelle et associative ».

La dépense progresse sur les trois programmes :

– les crédits du programme n° 354 augmentent de 52 millions d’euros, conséquence de la hausse des effectifs ;

– les crédits du programme n° 232 intègrent une hausse de 55 millions d’euros, en raison du coût des élections présidentielle et législatives, évalué à 412,6 millions d’euros ;

– enfin, les crédits du programme n° 216, qui rassemble une part importante des fonctions support du ministère, sont en hausse de 85 millions d’euros, concentrées sur les dépenses d’action sociale et immobilières.

L’année 2022 verra également la poursuite de la mise en œuvre des chantiers ouverts les années précédentes : la réforme de l’organisation territoriale de l’État sera poursuivie, et le ministère procédera également au financement de projets informatiques majeurs, tels que le déploiement de la carte nationale d’identité électronique, ou le développement d’une identité numérique.

À la suite de la présentation des crédits budgétaires de la mission, votre rapporteur pour avis a choisi de s’intéresser à l’organisation des élections régionales et départementales de 2021, et aux enseignements à en tirer en vue de la prochaine élection présidentielle.

Ces élections ont été marquées, d’une part, par des taux d’abstention encore jamais atteints, et d’autre part, par de graves dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale. Il convient d’anticiper, dès maintenant, les mesures à prendre pour prévenir de futurs problèmes à l’occasion des échéances de 2022. Votre rapporteur insiste sur la nécessité de maintenir de la souplesse dans la mise en œuvre de la réinternalisation de la mise sous pli qui a été récemment décidée par le Gouvernement.

 

 

 


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   premiÈre partie : les crÉdits pour 2022 de la mission « administration générale et territoriale de l’État »

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit un montant de crédits de paiement ouverts égal à 4,39 milliards d’euros, en hausse de 190,8 millions d’euros par rapport à l’année précédente, ainsi qu’un plafond d’emplois de 41 509 équivalents temps plein travaillés, en hausse de 849 ETPT.

Depuis 2017, la mission a connu d’importants changements de périmètre qui rendent plus délicate l’analyse de l’évolution pluriannuelle des crédits. À périmètre courant, les crédits de paiement ouverts sur la mission s’élevaient en effet à 3,18 milliards d’euros en 2017 (pour 3,02 milliards consommés), soit une augmentation de 38 % sur cinq ans.

En réalité, au 1er janvier 2020, deux évolutions ont largement renforcé les crédits et les effectifs retracés dans la mission, sans correspondre à des dépenses nouvelles :

– d’une part, le programme n° 307 « Administration générale », de la mission AGTE, a été fusionné avec le programme n° 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », issu de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », pour créer le programme n° 354 « Administration territoriale de l’État » (soit une augmentation d’environ 600 millions d’euros et de 2 000 ETPT) ;

– d’autre part, de nombreux transferts entrants ont été réalisés depuis la mission Sécurités vers le programme n° 216 « Conduite et pilotage de l’Intérieur », qui constitue le programme de soutien du ministère (une trentaine au total, représentant 459,7 millions d’euros et 4 365 ETPT) ([1]).

En réintégrant ces évolutions, sur la base des montants 2020, la variation des crédits entre l’exécution 2017 et le PLF 2022 est bien moindre.

 


ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE LA MISSION (2017-2022)

(en millions d’euros)

 

Exécution 2017

Exécution 2018

Exécution 2019

Exécution 2020

LFI 2021

PLF 2022

P. 307 – Administration territoriale

1 705,3

1 718,8

1 699,3

P. 354 – Administration territoriale de l’État

2 224,2

2 362,1

2 414,1

P. 232 – Vie politique, cultuelle et associative

370,8

175,5

187,4

222,1

435,7

490,2

P. 216 – Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur

943,5

927,3

939,0

1 427,2

1 405,1

1 489,4

Total Mission « Administration générale et territoriale de l’État »

3 019,6

2 821,6

2 825,7

3 873,5

4 202,9

4 393,7

P. 333 – Moyens mutualisés des administrations déconcentrées

655,9

658,2

536,4

Transferts issus de la mission Sécurités (base 2020)

459,7

459,7

459,7

Mission AGTE « format 2020 »

4 145,2

3 939,5

3 821,8

3 873,5

4 202,9

4 393,7

Source : documents budgétaires, Cour des comptes, calculs commission des Lois.

 

 

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DE LA MISSION (2017-2022)

(en ETPT)

 

Exécution 2017

Exécution 2018

Exécution 2019

Exécution 2020

LFI 2021

PLF 2022

P. 307 – Administration territoriale

25 985

25 659

24 885

P. 354 – Administration territoriale de l’État

26 714

29 120

29 782

P. 232 – Vie politique, cultuelle et associative

50

48

49

54

63

65

P. 216 – Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur

6 432

6 859

7 253

11 378

11 477

11 662

Total Mission « Administration générale et territoriale de l’État »

33 124

32 566

32 187

38 146

40 660

41 509

P. 333 – Moyens mutualisés des administrations déconcentrées

1 919

1 957

1 954

Transferts issus de la mission Sécurités (base 2020)

4 365

4 365

4 365

Mission AGTE « format 2020 »

39 408

38 888

38 506

38 146

40 660

41 509

Source : documents budgétaires, Cour des comptes, calculs commission des Lois.


I.   Le programme 354 « Administration territoriale de l’Etat »

Le périmètre du programme n° 354 « Administration territoriale de l’État », qui concentre la majeure partie des crédits de la mission, regroupe :

– les emplois et la masse salariale des agents affectés au sein des préfectures et des sous-préfectures, des secrétariats généraux communs départementaux (SGC‑D), des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR), des hauts-commissaires à la lutte contre la pauvreté ainsi que des emplois des directeurs départementaux interministériels ;

– les crédits de fonctionnement et d’investissement des préfectures et sous-préfectures, des SGAR, des directions départementales interministérielles (DDI) et des directions régionales en métropole et des directions ultramarines.

Ce périmètre résulte de la fusion, depuis le 1er janvier 2020, du programme n° 307 « Administration territoriale », géré par le ministre de l’Intérieur, et du programme n° 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », géré par les services du Premier ministre.

Cette fusion permet ainsi de regrouper dans un seul programme l’ensemble des crédits destinés aux services déconcentrés dans le contexte de la réforme de l’organisation territoriale de l’État (OTE), mise en œuvre en application de la circulaire du 12 juin 2019 ([2]).

En 2022, le programme poursuivra trois principales priorités :

– la mise en œuvre des engagements du comité interministériel de la transformation publique : les services des préfectures et des sous-préfectures seront ainsi mobilisés afin de mettre en œuvre les feuilles de routes interministérielles, spécifiques à chaque département, ciblant « les réformes structurantes du territoire » ;

– la stabilisation de la nouvelle organisation des services, qui résulte de la mise en œuvre de la réforme de l’OTE, afin de réaliser des gains d’efficience. La consolidation de ces nouvelles structures (plateformes « main-d’œuvre étrangère », SGC-D, directions départementales de l’emploi du travail et des solidarités), et la poursuite du projet France Services, qui devrait atteindre une centaine d’établissements en 2022, a ainsi pour objectif de favoriser les mutualisations immobilières et du parc automobile ;

 la construction d’une vision stratégique de l’administration territoriale de l’État ainsi que des missions prioritaires des préfectures, à l’horizon 2025. Le projet annuel de performances (PAP) souligne ainsi qu’il s’agit « d’affirmer l’unité d’action de l’État au service des territoires et répondre à la demande des citoyens d’une plus forte proximité du service rendu en veillant à la qualité de vie au travail des agents ».

Entre 2021 et 2022, les crédits ouverts sont attendus en légère augmentation. Les autorisations d’engagement augmenteront de 102,1 millions d’euros (+ 4,3 %). Cette hausse est équitablement répartie entre les différentes actions du programme, et la hausse attendue sur l’action n° 6, que le PAP présente comme « temporaire et spécifique à l’exercice 2022 » s’explique principalement par le renouvellement de marchés pluriannuels en matière de fluides et d’énergie (+ 35 millions d’euros). La progression des crédits de paiement est moindre (+ 52 millions d’euros, soit + 2,2 %).

Évolution des crédits du programme 354 PAR ACTION

(en million d’euros)

 

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

 

LFI 2021

PLF 2022

Var. ()

LFI 2021

PLF 2022

Var. ()

Action 1 : Coordination de la sécurité des personnes et des biens

161,7

164,4

+ 1,7 %

161,7

164,4

+ 1,7 %

Action 2 : Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres

558,0

567,3

+ 1,7 %

558,0

567,3

+ 1,7 %

Action 3 : Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales

121,2

122,5

+ 1,1 %

121,2

122,5

+ 1,1 %

Action 4 : Pilotage territorial des politiques gouvernementales

583,7

603,9

+ 3,5 %

583,7

603,9

+ 3,5 %

Action 5 : Fonctionnement courant de l’administration territoriale

638,6

659,1

+ 3,2 %

636,9

652,2

+ 2,4 %

Action 6 : Dépenses immobilières de l’administration territoriale

300,3

348,5

+ 16,1 %

300,6

303,7

+ 1,0 %

Total

2 363,6

2 465,7

+ 4,3 %

2 362,1

2 414,1

+ 2,2 %

Source : documents budgétaires.

Le projet annuel de performances souligne qu’un schéma d’emplois « sans aucune suppression d’emplois sera ainsi appliqué pour la deuxième année consécutive aux préfectures, sous-préfectures et SGC-D ». Si cette sanctuarisation apparaît bienvenue, votre rapporteur rappelle néanmoins que les services déconcentrés doivent faire face à des demandes toujours plus nombreuses de la part des usagers des services publics comme des collectivités territoriales, dans un contexte de crise sanitaire et sociale, et alors que leurs missions évoluent.

Cette situation pose la question de la capacité des services à assurer les missions prioritaires qui leurs sont confiées. Ainsi, alors que de précédents travaux parlementaires relevaient les difficultés rencontrées par les préfectures pour assurer le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales, les crédits affectés à cette action restent stables ([3]). Sur le quinquennat, le plafond d’emplois affecté à l’action n° 3 « Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales » a même fortement diminué, passant de 2 841 ETPT exécutés en 2017 à une prévision de 2 063 pour 2022. La crise sanitaire avait pourtant révélé d’importantes difficultés à assurer la continuité de cette mission, puisque les collectivités avaient été amenées à prendre de nombreuses décisions en urgence : le taux de contrôle des actes des actes prioritaires reçus en préfecture avait alors atteint 82,2 %, pour une prévision de 90 %.

Ce programme finance également d’importants projets informatiques qui s’inscrivent dans un calendrier pluriannuel de dépenses, à travers le rattachement de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

Le PLF pour 2022 prévoit ainsi un montant de transfert de 32 millions d’euros du programme 354 vers l’ANTS. Lors de la rédaction de ce document, le jaune « Opérateurs de l’État » n’avait toutefois pas encore été publié.

Parmi les grands projets de l’ANTS pour 2022, figurent notamment le déploiement de la carte nationale d’identité électronique, le développement d’une solution et des usages de l’identité numérique régalienne, ainsi que la refonte du système d’immatriculation des véhicules.

L’ANTS poursuivra par ailleurs ses travaux concernant le dispositif COMEDEC de dématérialisation sécurisée des actes d’état-civil (qui doit permettre, d’une part, d’assurer la transmission directe des actes d’état civil entre les communes et les préfectures et, d’autre part, de lutter contre la contrefaçon et la falsification de ces actes) ainsi que le traitement DOCVERIF (qui a pour finalité de faciliter le contrôle de la validité des titres d’identité et de voyage émis par les autorités françaises et de renforcer l’efficacité de la lutte contre la fraude documentaire et l’usurpation d’identité).

II.   Le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative »

L’évolution des crédits de ce programme est cyclique, et fortement corrélée au calendrier électoral.

Après une année 2021 qui a vu l’organisation des élections régionales et départementales, la prévision 2022 est marquée par l’organisation des élections législative et de l’élection présidentielle.

Évolution des crédits du programme 232 PAR ACTION

(en million d’euros)

 

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

 

LFI 2021

PLF 2022

Var. ()

LFI 2021

PLF 2022

Var. ()

Action 1 : Financement des partis

68,7

68,7

68,7

68,7

Action 2 : Organisation des élections

356,2

416,4

+ 16,9 %

354,1

412,1

+ 16,5 %

Action 3 : Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

9,2

7,8

– 14,7 %

10,1

8,9

– 11,8 %

Action 4 : Cultes

2,8

2,9

Total

436,8

492,9

+ 12,9 %

435,7

490,2

+ 12,5 %

Source : documents budgétaires.

Les crédits consacrés à l’aide publique aux partis et groupements politiques demeureraient stables : l’action n° 1 « Financement des partis » bénéficierait en 2022 de 68,7 millions d’euros, comme l’année précédente.

L’action n° 3 retrace les crédits liés au fonctionnement de la CNCCFP, soit 8,9 millions d’euros en CP (10,1 millions d’euros en 2021) et un plafond d’emplois porté à 65 équivalents temps plein travaillés (ETPT) au lieu de 63 en 2021, évolution qui tient principalement aux « effets de la crise sanitaire » puisque « la CNCCFP aura pour mission non seulement de poursuivre l’instruction des comptes des élections départementales et régionales de juin 2021, compte tenu de la modification du calendrier électoral provoquée par la crise sanitaire de la Covid-19 mais également de contrôler les comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle et aux élections législatives du premier semestre 2022 ».

En 2022, les crédits relatifs à l’action n° 4 « Cultes » (2,8 millions d’euros en 2021) font l’objet d’une mesure de transfert vers le programme n° 216.

Enfin, l’action n° 2 « Organisation des élections » porte les financements associés aux deux grandes échéances de l’année 2022 : l’élection présidentielle, au mois d’avril, et les élections législatives, au mois de juin.

Comme le rappellent les services du ministère de l’Intérieur dans la réponse écrite adressée à votre rapporteur, le coût potentiel d’une élection repose sur plusieurs facteurs. Les dépenses liées aux élections dépendent « à la fois du type d’élection et du calendrier électoral » :

– premièrement, « le coût d’une élection varie selon le nombre de candidats mais aussi des résultats qu’ils obtiennent, puisque la prise en charge par l’État du remboursement de la propagande officielle dépend du résultat obtenu. Dans la mesure où ce dernier est différent pour chaque élection, les écarts de coûts varient fortement » ;

– deuxièmement, le coût augmente également avec le nombre d’électeurs ;

– troisièmement, « les spécifications du code électoral sur la taille des bulletins influenceront les coûts (remboursement de la propagande aux candidats, frais d’acheminement de la propagande) » ;

 enfin, quatrièmement, cet exercice s’est révélé particulièrement délicat pendant la crise sanitaire : « la consommation des crédits est liée au calendrier de l’élection et le report des élections (municipales, mais aussi régionales et départementales) entraîne également un décalage de la consommation des crédits ».

En pratique, l’administration considère que le coût des élections dépend principalement des deux premières variables présentées ci-dessus : le nombre d’électeurs et le nombre de candidats. Si la première variable est connue, la seconde ne l’est pas. La programmation budgétaire consiste ainsi à « reprendre le coût du scrutin concerné précédent et à le majorer deux fois : la première fois pour tenir compte de la hausse du nombre d’électeurs (augmentée de 5 % en 2022 compte tenu de la hausse du nombre d’inscriptions sur les listes pour l’élection présidentielle) ; une deuxième fois pour tenir compte de l’augmentation de certains postes de dépenses entre 2017 et 2022, liée notamment à l’inflation ».

Enfin, par rapport aux précédents scrutins, et comme votre rapporteur aura l’occasion de le développer dans la seconde partie de ce rapport, le ministère de l’Intérieur a fait le choix d’internaliser la mise sous pli de la propagande électorale, qui sera désormais réalisée soit par la préfecture en régie, soit par les communes via une convention liant la préfecture et la mairie. Cette évolution devrait conduire à un surcoût estimé à 5 millions d’euros en titre II (hors contribution au CAS Pensions).

Évolution des crédits du programme 232 PAR ACTION

(en million d’euros)

 

2002

2007

2012

2017

2022 (p)

Élection présidentielle : coût total (M€)

200,4

209,8

185,6

200,8

233,9

Élection présidentielle : coût par électeur (€)

4,54

4,54

4,87

4,72

Élections législatives : coût total (M€)

134,4

147

161,1

167,6

178,7

Élections législatives : coût par électeur (€)

3,72

3,90

3,74

3,97

Élections présidentielle et législatives : coût total (M€)

334,8

356,8

346,7

368,4

412,6

Source : réponses aux questionnaires et documents budgétaires.

III.   Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur »

Ce programme regroupe les crédits dévolus aux fonctions de pilotage du ministère de l’Intérieur (état-major, activités d’expertise et de contrôle), à ses fonctions support, au règlement des affaires juridiques et contentieuses ainsi qu’au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

Évolution des crédits du programme 216 PAR ACTION

(en million d’euros)

 

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

 

LFI 2021

PLF 2022

Var. ()

LFI 2021

PLF 2022

Var. ()

Action 1 : État-major et services centraux

636,6

650,4

+ 2,2 %

634,5

649,4

+ 2,3 %

Action 3 : Numérique

289,2

298,4

+ 3,2 %

267,4

275,4

+ 3,0 %

Action 4 : Action sociale et formation

43,6

70,3

+ 61,2 %

43,6

71,0

+ 62,8 %

Action 5 : Affaires immobilières

92,5

105,7

+ 14,3 %

137,2

165,5

+ 20,6 %

Action 6 : Affaires juridiques et contentieuses

88,5

88,5

88,5

88,5

Action 7 : Cultes et laïcité (action nouvelle)

2,1

2,1

Action 8 : Immigration, asile et intégration

40,6

40,7

+ 0,2 %

40,6

40,7

+ 0,2 %

Action 9 : Sécurité et éducation routières

127,8

127,3

– 0,4 %

127,8

127,3

– 0,4 %

Action 10 : Fonds interministériel de prévention de la délinquance

65,7

69,4

+ 5,6 %

65,4

69,4

+ 6,1 %

Total

1 384,4

1 452,9

4,9 %

4 202,9

4 393,7

4,5 %

Source : documents budgétaires.

Les dépenses prévues pour 2022 sont attendues en hausse de 68 millions d’euros en AE et 91 millions d’euros en CP par rapport à 2021 (soit + 4,9 % et + 4,5 %). Le projet de budget appelle les observations suivantes :

– la direction du numérique (DNUM), créée au 1er janvier 2020, est chargée de la stratégie numérique du ministère qui repose sur sept grands projets en 2022 : France Visas ([4]), la plate-forme convergée pour services à très haut débit opérationnels résilients mobiles (PC-STORM) ([5]) , le réseau radio du futur (RRF) ([6]), le système d’information de l’administration des étrangers en France (SI AEF) ([7]), le système d’information pour la logistique opérationnelle (LOG MI) ([8]), la modernisation du système d’information des centres d’information et de commandement de la police nationale (MCIC2) ([9]). Le coût total de ces projets devrait atteindre 573 millions d’euros (dont 111 millions attendus en 2022) ;

– les crédits affectés au Fonds interministériel de prévention de la délinquance connaissent une légère augmentation (+ 6 %), tandis que les dépenses contentieuses devraient rester stables, à 88,5 millions d’euros ;

– enfin, l’essentiel de la hausse constatée sur l’action 4 « Action sociale et formation » concerne l’offre de services collectifs (restauration, pour 25 millions d’euros environ).

 


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SECONDE PARTIE : L’ORGANISATION DES ÉLECTIONS RÉGIONALES ET DÉPARTEMENTALES EN 2021

Les élections régionales et départementales se sont tenues les 20 et 27 juin 2021. Organisées dans un contexte difficile, en pleine épidémie de Covid-19, et après plusieurs mois de restrictions sanitaires, ces élections ont par ailleurs été marquées par un niveau d’abstention jamais atteint (66,7 % au premier tour, et 65,3 % au second tour – après 41,6 % en 2015 et 48,8 % en 2010).

L’organisation des élections régionales et départementales s’appuyait sur une prévision budgétaire en très légère augmentation par rapport aux scrutins précédents, et a fait l’objet de mesures d’accompagnement dont les effets budgétaires devraient être limités (I). Si les graves dysfonctionnements rencontrés dans la distribution de la propagande électorale ont conduit le Gouvernement à décider la réinternalisation de la mise sous pli à l’occasion des prochaines élections présidentielle et législatives, cette décision doit ménager une certaine souplesse aux préfectures (II).

I.   UN SCRUTIN ORGANISÉ DANS DES CONDITIONS DIFFICILES

A.   Une prÉvision budgÉtaire en très lÉgÈre augmentation par rapport aux prÉcédentes Élections rÉgionales et dÉpartementales

Les montants inscrits dans la loi de finances pour 2021 étaient de 169,7 millions d’euros en autorisations d’engagement (169,1 millions d’euros en crédits de paiement) pour les élections régionales, et de 148,7 millions d’euros en autorisation d’engagement (148 millions d’euros en crédits de paiement) pour les élections départementales. Ces montants étaient en légère augmentation par rapport aux élections de 2015 (152,3 millions d’euros pour les régionales et 146,1 millions pour les départementales en 2015).

Les services du ministère de l’Intérieur ont précisé au rapporteur que « le coût des élections dépend principalement de deux variables : le nombre d’électeurs et le nombre de candidats. Si la première variable est connue, la seconde ne l’est pas. La programmation budgétaire consiste ainsi à reprendre le coût du scrutin concerné précédent et à le majorer deux fois : la première fois pour tenir compte de la hausse du nombre d’électeurs, augmentée de 5 % en 2022 compte tenu de la hausse du nombre d’inscriptions sur les listes pour l’élection présidentielle ; une deuxième fois pour tenir compte de l’augmentation de certains postes de dépenses entre 2017 et 2022, liée notamment à l’inflation ».

La programmation tient également compte d’autres paramètres, tel que le nombre de candidats au premier tour, qui influence directement le nombre de documents de propagande électorale, ainsi que le nombre de candidats qui pourront bénéficier des mécanismes de remboursement des dépenses de campagne. Leur estimation est fondée sur les résultats des scrutins précédents.

Au niveau du programme n° 232 Vie politique, l’indicateur relatif au « coût moyen de l’élection par électeur inscrit sur les listes électorales » permet de suivre l’évolution du coût de l’élection, indépendamment du nombre d’électeurs inscrits sur les listes électorales ([10]).

CoÛt moyen de l’Élection par Électeur inscrit sur les listes Électorales

(en euros)

 

2008

2010

2011

2015

2021 (p)

Cantonales/Départementales

2,74

3,75

3,42

3,52

part du coût de la propagande

n.c.

n.c.

1,84

1,97

Régionales

3,11

3,42

3,67

part du coût de la propagande

2,13

2,29

2,51

Source : réponses aux questionnaires.

La ventilation prévisionnelle de la dépense est présentée dans le tableau de la page suivante. Ainsi :

– les frais associés à la propagande électorale (impression, acheminement et mise sous pli) représentent près de 68 % du coût des élections régionales, et 61 % du coût des élections départementales ;

– le remboursement forfaitaire par l’État des dépenses retracées dans le compte de campagne représente 21 % du coût des élections régionales, et 27 % du coût des élections départementales ;

– les autres frais (transferts aux communes, frais des préfectures, indemnités pour travaux supplémentaires) s’élèvent à 11 % et 12 % des dépenses, respectivement.

 

coÛt prÉvisionnel des Élections régionales et dÉpartementales de 2021 (Évaluation LFI 2021)

(en millions d’euros)

Nature de la dépense

Élections régionales

Élections départementales

Acheminement de la propagande électorale (AE=CP)

56 (33 %)

43 (29 %)

Frais de la commission de propagande (mise sous pli) (AE=CP)

32 (19 %)

23,5 (16 %)

Remboursement de la propagande officielle (impression) (AE=CP)

28 (16 %)

24 (16 %)

Total propagande

116 (68 %)

90,5 (61 %)

Remboursement forfaitaire aux candidats (AE=CP)

35 (21 %)

40,5 (27 %)

Transferts directs aux communes (aménagement des bureaux de vote, entretien des panneaux) (AE=CP)

15 (9 %)

14 (9 %)

Autres frais des préfectures et de l’administration centrale (imprimés, frais de transport) (AE=CP)

1,65 (1 %)

1,5 (1 %)

Indemnités pour travaux supplémentaires (indemnités pour les soirées électorales) (AE=CP)

1,25 (1 %)

1,7 (1 %)

Campagnes audiovisuelles (AE uniquement)

0,7 (< 1 %)

0,7 (< 1 %)

Autres indemnités (AE=CP)

0,3 (< 1 %)

0,4 (< 1 %)

Total (AE)

169,7 (100 %)

148,7 (100 %)

Source : réponses aux questionnaires.

B.   le contexte de la crise sanitaire

Le contexte de la crise sanitaire et de l’état d’urgence a notamment conduit le Gouvernement à s’interroger sur la pertinence de maintenir les élections à cette date, alors que la mise en œuvre du premier confinement avait déjà conduit au report, dans la précipitation, du second tour des élections municipales, de mars à juin 2020 ([11]).

En effet, l’application des dispositions du code électoral ([12]) et de la loi de 2015 ([13]) aurait dû conduire le Premier ministre à convoquer les élections en vue du renouvellement général des conseillers départementaux, régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique au mois de mars 2021.

Le Premier ministre a confié, le 23 octobre 2020, à M. Jean-Louis Debré, ancien président du Conseil constitutionnel, la mission d’étudier les conditions dans lesquelles les prochaines élections départementales et régionales pourraient se tenir au mois de mars, ou devraient être, le cas échéant, compte tenu du contexte sanitaire, reportées à une échéance à définir.

Le rapport, remis le 13 novembre 2020 ([14]), formulait neuf recommandations, dont l’essentiel a été suivi par le Gouvernement.

En plus du report de l’élection, et de la prolongation des mandats en cours, le rapport Debré suggérait ainsi des aménagements « de portée limitée ».

Les recommandations du rapport de M. Jean-Louis Debré au Premier ministre
Quelle date et quelle organisation pour les élections régionales et départementales ?

1. Annoncer publiquement, dès le début du mois de décembre 2020, la date à laquelle le Gouvernement souhaite convoquer les électrices et les électeurs pour le renouvellement général des conseillers régionaux, départementaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique.

2. Fixer cette date à la fin du mois de juin 2021, dans l’objectif de ne déplacer que dans la stricte mesure nécessaire l’échéance antérieurement prévue. Une étude de la situation épidémiologique spécifique de la Guyane serait toutefois nécessaire.

3. Déposer à bref délai un projet de loi au Parlement afin de fixer la nouvelle date des scrutins. Prévoir que le Conseil scientifique Covid-19 remette directement au Parlement un point de situation sur l’évaluation de la situation sanitaire avant la tenue des scrutins. Cette information n’aurait pas le caractère d’une « clause de revoyure automatique ».

4. Aménager les conséquences du report des scrutins sur la conduite des campagnes électorales : majorer le plafond des dépenses de propagande, harmoniser et réduire le délai de paiement du remboursement forfaitaire des dépenses électorales, après leur validation par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Par ailleurs, envisager, après une étude de son coût financier et environnemental, un doublement du format des « professions de foi ».

5. Assurer l’organisation des scrutins dans de bonnes conditions sanitaires et favoriser l’expression du suffrage : tenir compte des demandes d’inscription sur les listes électorales jusqu’au sixième vendredi précédant les scrutins, faciliter le recours aux procurations et informer les électrices et électeurs suffisamment en amont de ces aménagements spécifiques.

6. Faciliter l’accès aux procurations : d’une part, permettre à chaque mandataire de recevoir deux délégations, de la part de tout électeur ; d’autre part, ouvrir le droit à certains électeurs de demander que des officiers de police judiciaire ou leurs délégués se déplacent eux-mêmes pour établir ou retirer leur procuration. Ce droit serait ouvert aux personnes attestant sur l’honneur soit qu’elles sont vulnérables à la maladie de Covid-19, soit qu’il leur est impossible de participer au scrutin en raison de leur santé, d’un handicap, ou de l’assistance qu’elles apportent à une personne malade ou invalide.

7. Envisager le développement du vote par correspondance ou par internet dans des conditions assurant sa fiabilité technique et matérielle, afin d’assurer la sincérité du scrutin. Veiller au respect du caractère personnel et secret de ce vote, notamment vis-à-vis des communautés.

8. Reconduire les simplifications d’organisation des scrutins consenties aux communes lors des dernières élections municipales. Envisager, dans la perspective des premiers mois de l’année 2021, des aménagements supplémentaires d’ordre réglementaire.

9. Prévoir une campagne d’information sur les compétences des collectivités régionales et départementales et leur rôle dans la vie quotidienne des Françaises et des Français.

1.   Le report des élections de mars à juin 2021

S’agissant de la date prévue pour le report des élections, le rapport Debré envisageait trois options : juin 2021, septembre-octobre 2021, et octobre-novembre 2021.

Le rapport identifiait la date de juin 2021 comme « l’option susceptible de réunir le soutien politique le plus large possible ». Il relevait ainsi qu’un report à l’automne 2021 présentait plusieurs inconvénients :

– la saison aurait été « plus propice à une reprise de l’épidémie » ;

– la conduite d’une campagne électorale au cours des mois d’été « en atténuerait très fortement la portée » ;

– cela aurait eu pour conséquence « une superposition des comptes de campagne » au titre des élections régionales et de l’élection présidentielle sur une durée de plus de six mois » ;

– cela aurait créé des difficultés « d’articulation du calendrier électoral avec le calendrier budgétaire des collectivités régionales et départementales » ;

– un report de trois mois présentait moins de risques de fragilité au regard de la jurisprudence constitutionnelle.

Le rapport relevait néanmoins la « plus forte probabilité relative, à cet horizon, de l’acquisition d’une immunité collective », et l’intérêt d’une « stabilité des exécutifs locaux pour assurer la relance des investissements publics » ([15]).

Suivant les recommandations du rapport, le Gouvernement a annoncé son intention de reporter les élections régionales et départementales de mars à juin 2021. Le projet de loi a été présenté devant le Parlement le 22 décembre ([16]), soit un mois et demi environ après la publication du rapport, et la loi a finalement été promulguée le 22 février 2021 ([17]).

Le texte prévoyait le Gouvernement remette un rapport « sur l’état de l’épidémie de covid-19, sur les risques sanitaires à prendre en compte et sur les adaptations nécessaires à la tenue des scrutins et des campagnes électorales les précédant », au plus tard le 1er avril 2021. Ce rapport serait réalisé au vu d’une analyse du Conseil scientifique Covid-19, qui seraient également rendue publique.

 

L’avis du Conseil scientifique publié le 29 mars 2021 n’ayant pas « [recommandé] de manière claire et explicite un report des élections convoquées les 13 et 20 juin », le Gouvernement a finalement choisi de maintenir les élections aux dates prévues.

2.   Le maintien de la concomitance des élections régionales et départementales

Le rapport Debré évoquait également la question du maintien de la concomitance des élections régionales et départementales, ou de leur dissociation. Il soulignait que cette concomitance répondait « à un vœu du législateur de 2010, réitéré en 2015 », tout en rappelant les inquiétudes de certaines personnes auditionnées, qui portaient notamment sur les contraintes matérielles associées. Le rapport concluait finalement que « le découplage des scrutins reportés serait davantage de nature à susciter un vif débat entre formations politiques que le maintien de concomitance ».

La loi du 22 février 2021 précitée a finalement opté pour un maintien de la concomitance de ces deux élections.

3.   L’assouplissement des règles de financement

L’article L. 52-11 du code électoral détermine le plafond des dépenses engagées par les candidats aux élections régionales et départementales. Son montant est calculé selon un critère démographique ([18]). L’article L. 52-11-1 garantit le remboursement public des dépenses de campagne à hauteur de 47,5 % des dépenses électorales en faveur des candidats ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés.

À l’instar de ce qu’avait prévu la loi dans le cadre du report du second tour des élections municipales à juin 2020 ([19]), la loi du 22 février 2021 précitée a procédé à la majoration de 20 % du montant du plafond de dépenses électorales prévu par l’article L. 52-11 précité ([20]).

4.   L’extension de la durée de la campagne électorale

Les articles L. 47 A, L. 353, L. 375 et L. 558-25 du code électoral prévoient que l’ouverture de la campagne officielle des élections régionales et départementales débute le deuxième lundi précédant le premier tour du scrutin, soit douze jours avant le scrutin.

Par dérogation avec les règles de droit commun, la loi du 22 février 2021 précitée ([21]) a permis d’allonger d’une semaine supplémentaire la durée de la campagne officielle, qui s’est ainsi étendue sur dix-neuf jours.

5.   La facilitation de l’établissement des procurations

Deux mesures sont venues faciliter le recours aux procurations.

D’une part, par dérogation à l’article L. 73 du code électoral, la loi du 22 février 2021 précitée a autorisé chaque mandataire à disposer de deux procurations, conformément à la dérogation déjà mise en œuvre pour le second tour des élections municipales du 28 juin 2020.

D’autre part, le décret du 11 mars 2021 a permis de simplifier la procédure d’établissement des procurations ([22]). Le décret institue une télé-procédure pour l’établissement des procurations de vote, « Maprocuration.gouv.fr », qui a été mise en service le 6 avril 2021 (sans toutefois dispenser de l’étape de validation de la procuration par un officier de police judiciaire). Il supprime par ailleurs l’obligation de justifier d’une impossibilité durable de se rendre à son bureau de vote pour le mandant souhaitant établir une procuration d’une validité dépassant le cadre d’un unique scrutin.

Au total, 685 695 procurations papier et dématérialisées ont été établies entre le 1er janvier 2021 et le 27 juin 2021 par les officiers et agents de police judiciaire habilités. Les procurations dématérialisées, établies entre le 6 avril 2021, date de la mise en service du site maprocuration.gouv.fr et le 27 juin, représentent 42,21 % de ce total, soit 289 414 procurations.

Si l’établissement des procurations a été facilité, leur nombre ne semble pas être en augmentation par rapport au précédent scrutin. D’après les remontées statistiques des forces de police et de gendarmerie, le nombre de procurations a été d’environ 685 000 au début de l’année 2015 (élections départementales), et de 900 000 à la fin de l’année 2015 (élections régionales).

6.   Le maintien d’un protocole sanitaire strict

Les conditions d’organisation des élections dans ce contexte particulier ont été détaillées par voie de circulaire ([23]).

Des instructions précises ont ainsi été données aux préfectures et aux communes, afin que les premiers et seconds tours des élections, ainsi que leurs opérations préparatoires, soient organisés dans les meilleures conditions sanitaires possibles de manière à protéger les électeurs, les candidats ainsi que les membres des bureaux de vote.

Un protocole a donc été défini pour que le processus électoral se déroule dans le respect des gestes barrières (schémas d’organisation des bureaux et du dépouillement, limitation à trois électeurs présents simultanément dans le bureau de vote, installation de parois de protection entre les membres et les électeurs, mise à disposition de points de lavage des mains), et du matériel a été mis à disposition des membres des bureaux de vote et des électeurs par l’État (gel hydro-alcoolique, masques, visières).

En particulier, le Conseil scientifique avait recommandé dans son avis du 29 mars 2021 analysant les enjeux sanitaires des élections régionales et départementales, de solliciter en priorité des personnes vaccinées ou immunisées et à défaut de faire réaliser un dépistage dans les 48 heures précédant le scrutin. En conséquence, le Gouvernement a mis en place un dispositif d’accès prioritaire à la vaccination des membres des bureaux de vote et des fonctionnaires municipaux mobilisés le jour du scrutin. Ces personnes pouvaient être vaccinées de manière prioritaire quel que soit leur âge et sans condition de vulnérabilité médicale.

Les maires ont ainsi été invités à délivrer des attestations à toutes les personnes déjà identifiées devant être mobilisées pour le scrutin. Des autotests ont par ailleurs été mis à disposition des mairies par l’État.

C.   Les surcoÛts liÉs À la crise sanitaire devraient Être modÉrÉs

Selon la direction de la modernisation et de l’administration territoriale du ministère de l’Intérieur, le coût budgétaire issu des mesures sanitaires a été modéré : la crise sanitaire a entraîné un coût budgétaire supplémentaire évalué à 34,35 millions d’euros pour les deux élections (soit 11 % du coût total de l’élection), qui se décompose de la manière suivante :

– la fourniture d’équipements de protection sanitaires aux bureaux de vote par l’État (gel hydro-alcoolique, masques, visières et autotests) a représenté un coût de 20,6 millions d’euros ;

– l’État s’est par ailleurs engagé à prendre en charge les dépenses liées à l’achat de parois de protection plexiglass dans les bureaux de vote, qui étaient laissées à l’appréciation des maires, sur facture, à hauteur de 150 euros pour les bureaux de vote déjà équipés à l’occasion des municipales ou 300 euros pour les bureaux de vote non encore équipés. S’il est difficile d’estimer les crédits nécessaires, la DMAT a avancé un chiffrage a été fait à hauteur de 6,2 millions d’euros (sur la base de 30 % d’équipement des 70 000 bureaux de vote) ;

– la majoration de 20 % des plafonds des dépenses de campagne a été évaluée à 7,55 millions d’euros, mais l’administration souligne qu’il n’est « pas certain que les candidats aient utilisé la totalité de leur plafond de dépenses de campagne », cette information ne pouvant être connue qu’après l’examen des comptes de campagne par la CNCCFP (qui peut par ailleurs approuver, rejeter ou réformer les comptes déposés).

Enfin, les services du ministère de l’Intérieur ont souligné que la concomitance des élections départementales et régionales n’a pas dégagé de postes d’économies. En effet, « chaque bureau de vote a dû être dédoublé (urnes, affiches, propagande…) de telle sorte que puissent être recueillis séparément les suffrages exprimés d’une part pour l’élection des conseillers départementaux et d’autre part pour l’élection des conseillers régionaux » :

– chaque isoloir était affecté à un unique scrutin afin d’éviter tout risque de confusion entre les deux scrutins ainsi que tout croisement de flux entre les électeurs (il a parfois été possible de mutualiser les isoloirs pour les deux scrutins, lorsque le nombre d’électeurs présents dans la salle de vote était limité à un) ;

– les maires ont mis en place deux séries distinctes de panneaux d’affichage, l’une pour les élections départementales et l’autre pour les élections régionales, y compris si deux bureaux de vote sont aménagés dans une seule salle de vote ;

– la propagande électorale a été dédoublée : chaque électeur devait recevoir quatre plis de propagande.

Le dédoublement total des opérations de vote n’a donc pas permis de générer d’économies notables, mais n’a pas non plus occasionné de surcoûts.

II.   des dysfonctionnements constatÉs dans la distribution de la propagande Électorale, qui doivent conduire À des Évolutions prudentes

A.   De graves dysfonctionnements constatÉs dans la distribution de la propagande Électorale

Les élections régionales et départementales ont été marquées par de graves dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale : plusieurs millions d’électeurs de plis contenants les documents de propagande électorale n’ont ainsi pas été reçus au domicile des électeurs avant le premier et le second tour.

 

 

Votre rapporteur a récemment présenté devant la commission des Lois le rapport d’information qu’il a établi sur cette question, avec M. Jean-Michel Mis ([24]). Il y souligne que « l’ampleur réelle de cet échec inédit a probablement été minimisée. Il est le fruit de multiples défaillances dont la responsabilité semble aujourd’hui partagée. Les fautes commises par certaines sociétés privées en charge des opérations de mise sous pli et de distribution ne doivent pas occulter le rôle primordial qu’exerce l’État en tant que pouvoir adjudicateur. »

L’analyse conduite par les rapporteurs a mis en évidence une « pluralité de défaillances » tout au long du processus de distribution :

– les défauts de conception et d’attribution du marché de distribution de la propagande électorale, et notamment l’importance trop grande donnée au critère du prix (60 % de la note finale), ont conduit au choix critiquable d’Adrexo ;

– l’externalisation des prestations de mise sous pli a connu un succès mitigé ;

– la coordination entre routeurs et distributeurs a parfois été difficile ;

– enfin, en bout de chaîne, ces dysfonctionnements ont été aggravés, voire suscités, par les défaillances d’Adrexo.

B.   Des consÉquences budgÉtaires qui devraient être limitÉes

Selon les services du ministère de l’Intérieur, les suites données aux difficultés rencontrées dans la distribution de la propagande électorale devraient conduire à de moindres dépenses.

L’État a résilié unilatéralement le contrat pluriannuel qui le liait à Adrexo, en raison des « dysfonctionnements inacceptables constatés dans l’acheminement de la propagande électorale lors des élections départementales et régionales » du mois de juin. La société était titulaire de sept des seize lots de l’accord-cadre couvrant la période quadriennale 2021-2024. Comme le prévoit le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché, des réfactions du prix et des pénalités ont également été appliquées à Adrexo.

RÉfactions et pÉnalitÉs appliquÉes par le pouvoir adjudicateur À adrexo

 

Pénalités

Réfactions

Total

Départementales

378 000 euros

1 077 169 euros

1 455 169 euros

Régionales

1 935 000 euros

4 434 811 euros

6 369 811 euros

Total

2 313 000 euros

5 511 980 euros

7 824 980 euros

Source : réponses aux questionnaires.

Au total, le montant payé par le ministère de l’Intérieur à Adrexo s’élève à 19,5 millions d’euros, pour une facturation initiale de 27,3 millions d’euros (soit 29 % de moins).

Toutefois, en sens inverse, la DMAT relève que « les défaillances qu’ont connues certains routeurs dans la mise sous pli ont conduit les préfectures à se subsister aux titulaires des marchés. Si seuls les plis qui ont effectivement été livrés ont été payés, ces dysfonctionnements entraîneront un surcoût lié au versement d’indemnités de mise sous pli des personnels mobilisés en urgence. »

C.   Une nÉcessaire souplesse À conserver dans la mise en œuvre de la rÉinternalisation de la mise sous pli

Dans un communiqué de presse du 13 août 2021, le ministre de l’Intérieur a fait part de sa décision de réinternaliser la mise sous pli des documents de propagande électorale. Le communiqué indiquait ainsi que « les mises sous pli seraient dorénavant effectuées par les services des préfectures ».

Actuellement, 80 % des préfectures ont choisi d’externaliser la mise sous pli, tant pour des raisons budgétaires que pour des raisons de praticité. Ces opérations nécessitent en effet, selon les départements, la mobilisation de plusieurs centaines de personnes, parfois de plus d’un millier (entre 700 et 800 personnes pour la préfecture de Haute-Garonne, et jusqu’à 1 300 personnes pour le département du Nord), sur une journée (environ 8 heures).

Elles nécessitent de plus une organisation logistique importante : il faut trouver les personnes disponibles, pouvoir les accueillir dans des espaces suffisamment grands, assurer ensuite leur rémunération, et réaliser les opérations comptables associées. Ces opérations sont lourdes à gérer pour les préfectures, dont les effectifs ont diminué dans des proportions importantes au cours des dernières années.

Selon les services du ministère de l’Intérieur, la réinternalisation de la mise sous pli devrait conduire à une « bascule interne au programme de 26,4 millions d’euros du hors titre II vers le titre II », ainsi qu’à un surcoût estimé à 5 millions d’euros en titre II, hors CAS. Le coût budgétaire estimé de cette décision est donc, à ce stade, très limité.

Votre rapporteur considère que la réinternalisation des opérations de mise sous pli n’est pas pleinement justifiée. Il s’inquiète notamment de la capacité des préfectures à assurer ces opérations. Il paraît donc nécessaire de leur laisser le choix de pouvoir externaliser ces opérations ou de les réinternaliser, en fonction de leurs capacités.

Par ailleurs, parallèlement à la mise sous pli stricto sensu – c’est-à-dire l’action de placer les documents de propagande électorale dans l’enveloppe – d’autres opérations peuvent en faciliter le déroulement. Il s’agit notamment :

– de l’assemblage des documents, c’est-à-dire le fait de rassembler au préalable les documents devant être mis dans l’enveloppe, plutôt que laisser la personne les « piocher » un à un ;

– de l’étiquetage, c’est-à-dire le fait de coller les adresses des destinataires sur les enveloppes ;

– et enfin de l’organisation en « quartier-lettre », c’est-à-dire du conditionnement géographique des enveloppes pour préparer la tournée du facteur.

Ces opérations accessoires permettent de rendre plus efficace, et donc plus rapide, la mise sous pli : l’assemblage préalable des documents permettrait ainsi de faire gagner entre 50 % et 75 % du temps consacré à la mise sous pli.

Selon les services du ministère de l’Intérieur, certaines de ces opérations pourraient être externalisées. Votre rapporteur s’inquiète de la complexité du système qui pourrait en résulter.


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   Examen en commission

Lors de sa réunion du mardi 12 octobre 2021, la Commission auditionne M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (M. Raphaël Schellenberger, rapporteur pour avis).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous abordons maintenant la présentation des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur. Les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » enregistrent une progression très importante, d’un montant de 351 millions d’euros. C’est une mission fondamentale, d’abord parce qu’elle concerne l’activité des préfectures et des sous-préfectures, qui ont accompli un travail considérable pendant la crise sanitaire et qui coordonnent à présent le soutien économique et territorial. Cette mission comprend également les crédits de l’administration centrale des ministères et ceux consacrés à l’organisation des élections.

Dans le cadre de la nouvelle organisation territoriale de l’État, conduite depuis deux ans, un certain nombre de personnels, qui dépendaient d’autres ministères, ont été réaffectés, sous l’autorité des préfets et des sous-préfets, au sein des secrétariats généraux communs, nouvellement créés. Cela s’est fait dans de très bonnes conditions, tant pour les agents que s’agissant des services rendus à la population. Nous avons la chance d’être entendus par le Premier ministre puisque, pour la deuxième année consécutive, nous ne supprimons aucun poste dans les préfectures et les sous-préfectures : c’est sans précédent depuis quinze ans. Jusqu’à présent, la tendance était inverse : à titre d’exemple, la préfecture de la Lozère avait vu ses effectifs passer de 130 à 90 agents en dix ans, entre la fin des années 2000 et le début de ce quinquennat. L’évolution tendancielle observée dans un passé récent aurait dû conduire à la suppression de 454 emplois. On ne peut que se féliciter de ce changement de cap, même si l’on peut sans doute espérer une augmentation des effectifs dans les sous-préfectures à l’avenir.

Parallèlement, nous renforçons substantiellement les services relatifs aux étrangers dans les préfectures, notamment pour assurer l’application des instructions que j’adresse aux préfets – je pense en particulier à la circulaire du 29 septembre 2020.

Les redéploiements de personnel, qui ont été annoncés lors du sixième comité interministériel de la transformation publique (CITP), à Vesoul, constituent un lourd chantier de modernisation. S’agissant du ministère de l’Intérieur, tour le monde va y participer : l’administration centrale du ministère, comme la direction générale de la gendarmerie et la direction générale de la police nationale. Par ailleurs, nous créons vingt-deux postes d’experts de haut niveau dans le cadre des directions de projet auprès des préfets. Enfin, les préfectures contribuent à l’application du plan « 10 000 jeunes » en faveur de la police et de la gendarmerie ; 400 apprentis ont par exemple été recrutés cette année.

Le budget de fonctionnement et d’investissement est principalement affecté à la réforme de l’organisation territoriale de l’État. Je pourrai vous apporter des précisions si vous le souhaitez.

S’agissant de l’administration centrale, les crédits destinés au numérique connaissent une très forte augmentation, qui fait écho à l’action que nous avons menée dans le cadre de la mission « Sécurités ». Plusieurs projets du ministère de l’Intérieur ont été de vraies réussites. Je pense, par exemple, au déploiement de la nouvelle pièce d’identité, qui a été mené par la ministre déléguée. Aujourd’hui, 1,3 million de demandes de nouveaux titres ont été recueillies ; 1 million d’entre elles ont été validées et près de 1 million de cartes ont été produites. Nous travaillons à la création d’une identité numérique, conformément à la volonté du Président de la République. Nous nous mobilisons également en faveur du réseau radio du futur et conduisons, de manière générale, des projets visant à renforcer le lien numérique avec nos concitoyens.

La hausse, de près de 80 millions d’euros, des crédits alloués au fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) permettra d’aider les collectivités à installer des caméras de vidéoprotection et de créer des centres de supervision urbains. Par ailleurs, nous pourrons favoriser l’insertion sociale dans la police et la gendarmerie.

S’agissant des élections, nous avons pris les décisions que j’avais annoncées devant le Parlement, à savoir la résiliation du contrat avec la société Adrexo. J’ai souhaité que les préfectures assurent à nouveau la mise sous pli et la distribution des courriers électoraux, à quelques exceptions près. Nous devons assurer une chaîne logistique continue. Il nous faut davantage internaliser les tâches, dans les limites permises par les directives européennes et les lois votées par le Parlement.

Nous réfléchissons aux moyens de lutter contre l’abstention – la ministre déléguée est particulièrement en charge de ce sujet –, notamment grâce à la modernisation du vote. Les délais sont toutefois trop courts pour que nous puissions envisager cette réforme dans le cadre des prochaines élections présidentielle et législatives.

Enfin, le ministère de l’Intérieur travaille avec le ministère des Outre-mer sur la question calédonienne, en particulier sur la révision des listes électorales, afin de permettre la tenue du référendum dans les meilleures conditions démocratiques possibles.

M. Raphaël Schellenberger, rapporteur pour avis. La mission « Administration générale et territoriale de l’État » regroupe les crédits consacrés aux administrations déconcentrées du ministère de l’Intérieur, à ses fonctions support, ainsi qu’aux subventions publiques dont il assure la gestion. Elle retrace également les financements destinés aux partis politiques, ainsi que les crédits affectés à l’organisation des élections.

En 2022, les crédits de paiement de la mission devraient connaître une hausse de 4,5 %, soit près de 190 millions d’euros, pour atteindre 4,4 milliards d’euros. La dépense progresse au bénéfice des trois programmes : les crédits du programme « Administration territoriale de l’État » augmentent de 52 millions d’euros, conséquence de la hausse des effectifs ; les crédits du programme « Vie politique » bénéficient d’une hausse de 55 millions d’euros, en raison du coût prévisionnel des élections présidentielle et législatives ; enfin, les crédits du programme support « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » connaissent une augmentation de 85 millions d’euros, du fait d’un accroissement des dépenses d’action sociale et immobilières.

L’année 2022 verra également la poursuite de la mise en œuvre des chantiers ouverts les années précédentes : je pense notamment à la réforme de l’organisation territoriale de l’État et au financement de projets informatiques, tels que le déploiement de la carte nationale d’identité électronique et le développement de l’identité numérique.

J’en viens au thème que j’ai choisi d’étudier plus particulièrement dans le cadre de l’examen de ce budget : l’organisation des élections régionales et départementales de 2021, et les enseignements que l’on peut en tirer dans la perspective des élections présidentielle et législatives. Ces élections ont été singulières à plusieurs égards. Organisés dans le contexte de la crise sanitaire, les deux scrutins, qui se sont tenus le même jour, ont fait l’objet d’un report de trois mois, de mars à juin 2021.

Les financements destinés à l’organisation des élections sont retracés dans l’action 2 du programme 232 « Vie politique ». Ils couvrent les frais liés au matériel électoral, le remboursement des sommes engagées au titre de la propagande officielle et des dépenses de campagne, ainsi que les transferts directs aux communes pour couvrir l’aménagement et la remise en état des lieux de vote après le scrutin. Les montants sont substantiels : le coût de l’organisation des dernières élections régionales a été estimé à 170 millions d’euros, et celui des départementales, à 148 millions d’euros.

En 2021, l’organisation simultanée de deux scrutins n’a pas entraîné d’économies : les bureaux de vote ayant été dédoublés, aucune synergie n’a été permise en matière d’équipement. Par ailleurs, la crise sanitaire a entraîné des coûts supplémentaires qui ont représenté environ 35 millions d’euros, soit près de 10 % de la prévision initiale. En effet, l’État a assuré la fourniture d’équipements de protection sanitaire et s’est engagé à rembourser les parois de plexiglas achetées par les maires, tandis que les plafonds des dépenses de campagne ont été majorés de 20 %. Dans l’ensemble, ce surcoût ne me paraît pas excessif, compte tenu de la situation exceptionnelle que nous avons traversée.

En revanche, de graves dysfonctionnements ont été constatés à l’occasion de la distribution de la propagande électorale. Je présenterai demain, devant la commission des Lois, le rapport de la mission d’information que j’ai conduite avec Jean-Michel Mis sur les dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale pour les élections régionales et départementales ; aussi, je me contenterai ce soir d’aborder cette question sous un angle principalement budgétaire, en insistant sur deux points principaux.

Premier point : vous avez annoncé, dès la fin du mois de juin, la réinternalisation de la mise sous pli de la propagande électorale. Actuellement, 80 % des préfectures ont choisi d’externaliser la mise sous pli, tant pour des motifs budgétaires que pour des raisons d’organisation. Ces opérations nécessitent en effet, selon les départements, la mobilisation de plusieurs centaines de personnes, parfois de plus d’un millier, ce qui demande une logistique importante : il faut trouver les personnes disponibles, les accueillir dans des espaces suffisamment grands, les rémunérer et procéder aux opérations comptables associées. Or, les services support des préfectures ont pâti de baisses d’effectifs, qui ont souvent affecté les bureaux des élections, conformément à la nouvelle organisation qui a été décidée. Je m’interroge sur la capacité des préfectures à assurer ces opérations, dans un contexte de rationalisation accrue et de recherche toujours plus grande de gains d’efficience. Il me paraît important de leur laisser le choix de pouvoir externaliser ou internaliser ces opérations, en fonction de leurs capacités.

Parallèlement à la mise sous pli stricto sensu – qui consiste à placer les documents de propagande électorale dans l’enveloppe –, d’autres opérations peuvent en faciliter le déroulement : l’assemblage des bulletins, l’étiquetage et, enfin, l’organisation en « quartier-lettre », autrement dit, le routage. J’ai compris, en auditionnant vos services, que vous entendiez externaliser tout ou partie de ces opérations. Je m’interroge sur la pertinence d’une externalisation à la carte du processus de mise sous pli, et sur le risque que cela ne conduise à une usine à gaz. Comment envisagez-vous concrètement les opérations de mise sous pli ? Quelles seront les consignes données aux préfectures, et comment celles-ci seront-elles accompagnées dans ces opérations ?

Le deuxième point concerne la dématérialisation de la propagande électorale. Un récent rapport d’inspection proposait de permettre aux électeurs qui le souhaitent de recevoir la propagande électorale par la voie dématérialisée. Par défaut, les électeurs recevraient à leur domicile la propagande par courrier postal, mais pourraient choisir d’opter pour une transmission dématérialisée. À mon sens, cela irait à l’encontre de l’attachement que les Français ont semblé manifester pour la distribution physique, mesurée à l’aune de la polémique née des dysfonctionnements de l’été dernier. Monsieur le ministre, que pensez-vous de cette proposition ? Quel est l’état de vos réflexions en la matière ? Jusqu’où entendez-vous aller ?

Enfin, le Gouvernement a annoncé au printemps la suppression du corps préfectoral. Cette décision, qui a suscité de vives réactions, n’a pas reçu de traduction dans le projet de loi de finances pour 2022. Je crains que cette réforme ne conduise à une perte de qualification et à une politisation accrue de la fonction de préfet. Avez-vous d’ores et déjà finalisé la rédaction des textes, et quelles seront les prochaines étapes du projet de réforme ? Pouvez-vous nous en rappeler les grands objectifs, et nous indiquer ce qu’y gagneront les Français – si tant est qu’ils puissent y gagner quelque chose ? Enfin, comment les ressources humaines seront-elles gérées ?

M. Rémy Rebeyrotte. Je me félicite que la mission « Administration générale et territoriale de l’État » progresse à nouveau dans le projet de budget 2022 : les crédits de paiement connaissent en effet une hausse de 4,54 %, pour atteindre 4,4 milliards d’euros. Cela me permet de souligner la rupture avec les législatures précédentes et les coupes qui les ont caractérisées, surtout en termes d’effectifs. Je suis heureux que le Premier ministre se soit prononcé en faveur d’un renforcement des préfectures de département, le « niveau opérationnel pour conjuguer proximité et efficacité », selon ses termes, avec son réseau de sous-préfectures. Je me réjouis également que les effectifs soient maintenus, voire progressent dans l’administration territoriale. On note aussi avec satisfaction les mutualisations des fonctions support, la création d’une direction du numérique au sein du ministère et le renforcement des efforts d’innovation, de formation et d’apprentissage, pour ouvrir les métiers aux plus jeunes. Cela traduit la recherche d’une organisation plus efficiente et tournée vers les territoires.

Il serait utile que ces sujets soient eux aussi au cœur du Beauvau de la sécurité, dont nous trouverons la traduction budgétaire dans les crédits relatifs à la conduite et au pilotage des politiques de l’intérieur, au côté des fonds de lutte contre la délinquance, des contributions à la vidéoprotection ainsi qu’aux quartiers de reconquête républicaine et à la lutte contre le séparatisme, du financement des achats de matériels – véhicules, numérique – et de la rénovation du parc immobilier.

Une question me tient à cœur : comment réhumaniser l’accueil, physique comme téléphonique, dans nos préfectures ? Faites l’expérience d’appeler votre préfecture : le renvoi systématique à des numéros qui sonnent fréquemment dans le vide, ou vers le numérique, est difficilement supportable, surtout lorsque vous habitez dans un secteur dépourvu de connexion internet ou disposant d’un faible débit. Il faut renforcer la proximité entre nos administrés et les préfectures. On l’a connue par le passé mais elle a disparu au fil du temps.

Je tiens à souligner que l’État et les collectivités ont réussi à organiser cinq tours de scrutin en période de crise sanitaire. Il n’a pas été simple de trouver des prestataires, les électeurs eux-mêmes se sont moins mobilisés, mais la démocratie est passée. Nous ne pouvons que saluer tous les acteurs locaux et les services de l’État pour le travail accompli.

Enfin, monsieur le ministre, avez-vous dressé un premier bilan du fonctionnement du nouveau service en ligne « maprocuration.gouv.fr » ?

Mme Cécile Untermaier. Je concentrerai mon propos sur le programme « Administration territoriale de l’État », en particulier sur les préfectures et les sous-préfectures. On constate une vaste mutualisation des services de l’État et le regroupement de la masse salariale et des crédits de fonctionnement au sein des secrétariats généraux communs nouvellement créés. La masse salariale et les crédits de fonctionnement connaissent une légère augmentation – on devrait plutôt parler de sanctuarisation. En 2022, la baisse des effectifs touchera à sa fin et le réseau France services fera son apparition.

Je salue les préfets et les sous-préfets, qui accomplissent un travail remarquable. Je remercie également l’ensemble des agents, qui sont d’un grand professionnalisme et que nous souhaitons ardemment conserver dans nos territoires. Cela étant, il est difficile pour la population, dans son ensemble, et pour les étrangers, en particulier, d’avoir accès aux préfectures et aux sous-préfectures. Nous devons nous en soucier, car il y va de la dignité des personnes.

Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple de la sous-préfecture de Louhans, maison de l’État qui a été sauvegardée. Toutefois, en raison de la réduction des effectifs, en particulier à l’accueil, la grille de ce bâtiment public est fermée ; il est barricadé comme une banque. Je me suis retrouvée devant l’interphone alors que j’étais accompagnée du président d’une grande association caritative. Cette situation n’est pas acceptable. Les préfets et les sous-préfets de Saône-et-Loire en ont conscience et vont tout faire pour améliorer l’accueil. Alors que vous ouvrez les établissements France services – ce qui est heureux –, les sous-préfectures ne peuvent rester fermées ! C’est très anxiogène ! Monsieur le ministre, êtes-vous sensible à ce sujet ? Comptez-vous faire en sorte que les maisons de l’État accueillent les citoyens et les élus sans qu’ils aient à prendre rendez-vous ou sonner à l’interphone ?

La dématérialisation – je pense en particulier au dispositif de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) – ne peut se faire sans tenir compte de la fracture numérique. Nous devons imposer, le cas échéant par la loi, une présence physique dans les préfectures et les sous-préfectures parallèlement aux procédures numériques. Nous passons beaucoup de temps dans nos permanences – nous le faisons avec plaisir et c’est notre rôle – à essayer d’obtenir des titres administratifs. Alors que leur délivrance est de droit, les citoyens ne peuvent les obtenir en raison d’un dysfonctionnement, d’une difficulté d’accès au numérique ou par manque d’explications. Rappelons que 27 % des Français n’ont pas d’accès à internet et que 33 % sont mal à l’aise avec cet outil.

M. Christophe Euzet. Je constate avec satisfaction une progression globale des crédits des trois programmes de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » : « Administration territoriale de l’État », « Vie politique » et « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». Je me réjouis également du maintien des personnels dans les préfectures et les sous-préfectures, même si je m’associe aux préoccupations exprimées quant au lien humain et à l’accueil du public. Je me félicite enfin des mesures prises en faveur de l’insertion des personnes handicapées et de la promotion de la laïcité.

L’action 1 du programme 216 finance la création d’une unité de contre-discours républicain. Pouvez-vous nous préciser ce qu’on doit entendre par là ?

On recourt aujourd’hui de manière croissante aux services de sécurité privée. Pourtant, le budget alloué au Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), financé sur le programme 216, demeure inchangé depuis cinq ans. Comment l’expliquer ?

M. Jean-Félix Acquaviva. Les préfectures ont été fortement mises à contribution pour assurer la continuité du service public en 2020 et en 2021. Aujourd’hui, il faut amorcer un virage. Nous insistons sur deux points, qui seront développés par Jennifer de Temmerman dans son rapport spécial. D’abord, le budget 2022 doit garantir la bonne tenue des élections présidentielle et législatives. Il faut éviter que la désorganisation et le manque de préparation qui ont caractérisé les élections de 2021 – et qui ont constitué une atteinte à la démocratie – ne se renouvellent. La société Adrexo a sa part de responsabilité, puisqu’elle n’était pas en mesure, semble-t-il, d’assurer la distribution dans les temps des documents électoraux. Par ailleurs, les services de l’État n’ont peut-être pas réagi comme ils auraient dû le faire et ont eu tendance à minimiser les difficultés lors des réunions des comités de liaison parlementaires. Dans certains territoires, seuls 60 % des documents et de la propagande électorale ont été distribués. Des enveloppes incomplètes ont parfois été expédiées, tandis que d’autres arrivaient dans la mauvaise circonscription. Aussi, nous approuvons la décision du ministère d’internaliser la mise sous pli de la propagande. Néanmoins, des inquiétudes persistent à l’égard de l’accord-cadre qui sera conclu pour la période 2022-2024. Nous souhaiterions obtenir des garanties quant au bon déroulement de la procédure d’appel d’offres.

J’en viens, ensuite, à la sempiternelle question de l’éloignement entre les populations et les administrations déconcentrées, en particulier l’administration préfectorale. Les centres d’expertise et de ressources des titres (CERT), institués en 2017 afin d’instruire les demandes de délivrance de cartes d’identité, passeports et permis de conduire, pâtissent de sous-effectifs inquiétants. Il en résulte un recours accru et temporaire à des contractuels, solution de facilité qui pallie une mauvaise anticipation des besoins. Vous semble-t-il nécessaire de renforcer les moyens des CERT dans le budget 2022, afin de maintenir le lien entre l’administration déconcentrée et les citoyens ?

M. Ugo Bernalicis. Le ministre souligne que les effectifs des préfectures n’ont pas diminué depuis deux ans, tout en expliquant que des réorganisations ont été conduites depuis 2019, marquées notamment par la création des secrétariats généraux communs. De fait, des agents d’autres ministères ont été affectés dans ces structures, financées par le programme 354. À l’échelle interministérielle, les effectifs des administrations déconcentrées, notamment dans les fonctions support, ont bel et bien diminué, puisque tel était l’objectif de votre réforme ! Tantôt, vous vantez la diminution des effectifs permise par la mutualisation et la rationalisation, tantôt, vous mettez en avant la stabilisation des postes dans les préfectures… En tout cas, ces dernières auront un travail accru, ce qui explique les embauches potentielles de contractuels pour préparer les élections. Il ne faudrait pas, en effet, retomber dans les travers de l’organisation des derniers scrutins. Cela étant, un nouveau marché sera conclu, et on risque d’être confronté aux mêmes difficultés, alors qu’il existe une obligation de résultat dans l’acheminement des bulletins de vote et des professions de foi.

L’augmentation des crédits du FIPDR est assez faible en comparaison de celle des lignes budgétaires consacrées à la surveillance et à la répression. Vous souhaitez installer le plus grand nombre possible de caméras, alors que cela n’a pas d’influence sur l’évolution de la délinquance. À ce propos, monsieur le ministre, vous avez indiqué que certaines infractions étaient en baisse, à l’image des cambriolages. Si l’on voulait traduire votre pensée, on pourrait donc en conclure qu’il n’y a pas d’ensauvagement de la société, mais cela dépend peut-être des années et des éléments de langage que vous voulez mettre en avant.

Par ailleurs, je note que le concordat d’Alsace-Moselle mobilise plus de 1 000 équivalents temps plein, qui, à notre sens, pourraient être redéployés, pour que le principe de laïcité soit pleinement appliqué.

Il y a évidemment des difficultés d’accès au numérique. Nous avons déjà fait observer que les prises de rendez-vous pour les étrangers étaient parfois monétisées. Or vous poursuivez dans cette fuite en avant, considérant que le numérique règlera tout. Plusieurs collègues appellent pourtant à réhumaniser l’accueil du public. Pour cela, il suffirait de déployer des hommes et des femmes. Mais telle n’est pas votre politique. Et finalement, vous devez créer les maisons France services et les guichets uniques pour aider les gens à accomplir leurs démarches sur ordinateur. Avec les secrétariats généraux communs, les agents des préfectures et tous ceux qui exercent les fonctions support tirent de plus en plus la langue. Ils mériteraient pourtant qu’on leur donne les moyens d’effectuer efficacement leur travail, surtout après l’engagement dont ils ont fait preuve en 2020. Je leur rends hommage. Le moment venu, nous mettrons les moyens pour que le réseau des préfectures et des sous-préfectures fonctionne correctement.

M. Éric Poulliat. Dans le cadre de la crise de la covid-19, les services déconcentrés de l’État se sont illustrés par leur profond dévouement au service de l’intérêt général, ce dont je les remercie collectivement. Renforcer l’administration territoriale de l’État, bâtir un État territorial me semble une priorité pour les décennies à venir. Il me paraît essentiel que nous sortions un jour de la religion du « toujours plus de décentralisation ». Dès 2017, nous avons eu à cœur de renforcer les missions des préfectures grâce au plan « préfectures nouvelle génération ». Jean Castex a poursuivi cet effort, lors des derniers CITP, en faisant des services déconcentrés les garants de la cohérence de l’action de l’État en faveur des territoires. Les crédits ouverts au titre du programme 354 « Administration territoriale de l’État » augmenteront de plus de 100 millions d’euros entre 2021 et 2022. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser comment vous comptez employer ces crédits pour appliquer les engagements pris lors des cinquième et sixième CITP, tant sur le plan de l’organisation des services que des effectifs ? Pourriez-vous nous en dire davantage sur la modernisation annoncée du fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Le Président de la République s’exprimera à nouveau au sujet du corps préfectoral. À ma connaissance, monsieur le rapporteur, les textes ne sont pas encore rédigés, étant rappelé que c’est Amélie de Montchalin qui conduit la réforme. Mettre fin au corps ne signifie évidemment pas supprimer la fonction. Plus on privilégie la fonction, plus on favorise l’agilité de l’État, au bénéfice des citoyens.

L’internalisation de la mise sous pli et de la distribution des courriers électoraux ne sera pas une loi générale. Je demanderai au secrétaire général du ministère, dans le cadre de la préparation des élections, d’adapter notre organisation au mieux en fonction des préfectures, car elles n’ont pas toutes les mêmes moyens. Dans certaines circonscriptions, des entrepreneurs locaux peuvent se charger de certaines tâches. L’idée générale est d’internaliser, grâce à des moyens supplémentaires, mais, pour diverses raisons, il peut être envisageable de confier une partie du travail à une structure externe. En tout état de cause, nous devrons avoir une plus grande maîtrise de l’activité des prestataires. C’est pourquoi nous avons découpé les opérations de mise sous pli. Je fais toute confiance au secrétariat général du ministère pour organiser au mieux les élections, conformément à mes consignes.

Je remercie monsieur Rebeyrotte d’avoir rappelé que la France a su organiser des élections dans des conditions exceptionnelles. Au même moment, la plupart des pays démocratiques reportaient les scrutins. On peut toujours critiquer les fonctionnaires de la République, mais il est bon aussi, parfois, de rappeler qu’ils ont été au rendez-vous. D’ailleurs, je constate que le juge électoral n’a identifié aucun dysfonctionnement de nature à altérer la sincérité du scrutin. Le ministère de l’Intérieur et les maires de France, qui ont agi en tant qu’agents de l’État dans ce cadre, ont été à la hauteur. Je suis évidemment d’accord, monsieur le rapporteur, pour que l’on donne la plus grande souplesse aux décideurs locaux que sont les préfets.

Pour la passation du prochain appel d’offres, nous prendrons notamment en considération les recommandations de l’Assemblée nationale et du Sénat, afin de mieux sélectionner les prestataires. Je rappelle toutefois que le cadre législatif européen et national limite notre marge de manœuvre, et que l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) avait autorisé deux sociétés à répondre à l’appel d’offres de 2020, ce qui limitait la concurrence.

« Maprocuration.gouv.fr » a bien fonctionné. Il s’agissait d’éviter aux citoyens, autant que faire se peut, de se rendre au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie pour faire valider leur identité par un officier de police judiciaire (OPJ). Alors que l’abstention a atteint un niveau très élevé, on a dénombré 685 695 procurations, dont 289 414 – soit 42,2 % – ont été établies par la procédure dématérialisée. C’est un très bon chiffre et nous nous en félicitons. Pour la présidentielle et pour les législatives, l’objectif serait, grâce à l’identité numérique, de ne pas passer du tout devant un policier ou devant un gendarme. Mais cela requiert un certain nombre de certifications

En lien avec les mairies, nous allons améliorer encore le dispositif notamment pour ce qui est de la connaissance en direct des procurations en ligne. Lorsque le citoyen l’a déposée au dernier moment, on constate bien souvent le dimanche qu’elle n’a pas été enregistrée au niveau du bureau de vote. Toutes ces améliorations contribueront à une meilleure information du bureau de vote ainsi qu’à une meilleure participation.

L’unité de contre-discours formée au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty, dont nous commémorons le triste anniversaire, est chargée d’investir les réseaux sociaux afin de lutter contre l’activité séparatiste et les discours qui s’en prennent à la République, en lien avec la loi que nous avons définitivement fait adopter il y a quelques mois. Cette unité, opérationnelle sept jours sur sept, se compose de dix-sept personnes et en comptera vingt au début de l’année 2022, comme le prévoit le projet de loi de finances. Leur profil ? Des veilleurs « community managers », des analystes, des rédacteurs, des journalistes reporters, des infographistes. Cela va de pair avec ce qu’a annoncé la ministre déléguée lors des débats sur la loi dite de lutte contre le séparatisme.

La subvention annuelle pour charge de service public du CNAPS a fait l’objet d’une revalorisation en 2017, passant de 16,8 millions d’euros à 17,5 millions d’euros. Cela lui a permis de faire face à l’augmentation du recours à la sécurité privée. Le nombre de cartes délivrées par le CNAPS est assez variable : 51 000 en 2017, 47 000 en 2018 et 60 000 en 2020. La loi « sécurité globale » a par ailleurs renforcé les exigences en la matière et l’a replacé dans une dynamique de modernisation. Les crédits 2022 me paraissent suffisants pour répondre aux instructions qui lui ont été données.

Se posera la question de l’ordonnance que nous avions évoquée lors de la discussion de loi « sécurité globale » – et celle de l’adaptation des moyens. Cela devrait être réglée au mois de mai 2022.

S’agissant des préfectures et des sous-préfectures, deux tendances ont été observées depuis quinze ans : la suppression d’effectifs…

Mme Cécile Untermaier. Cela s’est aggravé, monsieur le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. …et la diminution du nombre de leurs missions, qui sont confiées notamment aux collectivités locales, au nom de l’État, comme la délivrance des pièces d’identité. La majorité à laquelle vous avez appartenue, madame la députée, a largement baissé les effectifs des préfectures, ce que nous regrettons et corrigeons, et leur a donné moins de moyens. Il est vrai qu’aujourd’hui, hormis si vous avez à repasser votre permis de conduire parce qu’on vous l’a retiré ou si vous êtes un étranger, vous avez peu de raisons de vous rendre dans votre préfecture ou sous-préfecture. Il faut y remettre des moyens humains mais aussi donner aux citoyens des raisons de s’y rendre. Vous y êtes allée en votre qualité d’élue et pour accompagner des représentants d’associations mais l’objectif est plutôt de faire revenir nos concitoyens dans ces lieux qui représentent l’État.

C’est le sens de la grande action que mène Jacqueline Gourault avec les maisons France services puisqu’une vingtaine de sous-préfectures sont aujourd’hui labellisées et qu’on en comptera demain une centaine : cela permettra de les faire revivre de façon structurelle, notamment dans la ruralité.

Comment arriver à refaire venir des gens dans les sous-préfectures actuelles, celles qui connaissent une baisse d’activité en termes de services offerts et de moyens ? Il nous faut traiter ce sujet en en faisant des endroits où l’on peut rencontrer, au-delà des agents du ministère de l’Intérieur, toutes sortes d’agents publics.

Je ne reviendrai pas, car cela n’en vaut pas la peine, sur la provocation relative au Concordat.

S’agissant du télétravail, au sein de l’administration territoriale, nous avons largement avancé puisque 15 000 postes de télétravail ont été achetés à la suite des discussions sociales que nous avons menées. En juin 2021, 43 % des agents des préfectures étaient ainsi en télétravail. Il est vrai que le ministère de l’Intérieur compte beaucoup de policiers et de gendarmes dont il n’est pas évident d’organiser le télétravail.

Plus de 1 000 ETP ont été affectés aux services des étrangers en dix ans alors que les préfectures ont, dans le même temps, connu une baisse de 25 % de leurs effectifs.

Par ailleurs, pour moi, la vidéosurveillance ou la vidéoprotection font partie des outils de prévention de la délinquance.

Enfin, le plan de relance a pour conséquence une augmentation de 10 % des crédits affectés à l’action préfectorale, en premier lieu dans le domaine immobilier.

 

La commission en vient à l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

Article 20 et État B

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Aucun amendement n’a été déposé sur les crédits de la mission.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » non modifiés.


—  1  —

 

   Personnes entendues

   M. Olivier Jacob, secrétaire général adjoint, directeur de la modernisation et de l’administration territoriale

   M. Sébastien Audebert, chef du bureau des élections et des études politiques

   M. Jean-Philippe Vachia, président

   Mme Sylvie Calvès, secrétaire générale

 

 

 

 

 


([1]) Cour des comptes, note d’exécution budgétaire 2020, mai 2021.

([2]) Circulaire du 12 juin 2019 relative à la mise en œuvre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État.

([3]) Avis budgétaire n° 278, tome I, au projet de loi de finances pour 2018 présenté par M. Olivier Marleix http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2018/a0278-tI.asp

([4]) Ce projet a pour objet de permettre la dématérialisation intégrale de la délivrance des visas.

([5]) Architecture « cœur de réseau » à très haut débit utilisable par les forces d’intervention.

([6]) Annoncé par le Président de la République lors de son discours aux forces de sécurité intérieure le 18 octobre 2017, ce réseau doit assurer l’interopérabilité et la coordination de l’ensemble des acteurs de la sécurité.

([7]) L’objectif est de dématérialiser les démarches liées à l’asile, l’immigration et l’accès à la nationalité française dans le cadre de la mise en œuvre de systèmes d’information européens intégrés.             

([8]) Ce projet vise à renforcer l’échange d’information entre les unités de terrain du ministère de l’Intérieur et à moderniser la gestion de leurs équipements.

([9]) Ce projet vise à mettre en place un nouveau système d’information pour le traitement des appels d’urgence à police secours et le pilotage des demande d’assistance reçues.

([10])  Le projet annuel de performances pour 2022 rappelle ainsi que « Le coût moyen de l’élection par électeur inscrit doit se comparer pour un même type d’élection. Le coût par électeur présenté dans ce document est prévisionnel pour les scrutins à venir. En effet, son évolution dépend de plusieurs facteurs encore inconnus ou non maîtrisables par le responsable de programme au moment de la rédaction du projet annuel de performance : l’augmentation ou la diminution du nombre de candidats par rapport aux hypothèses de budgétisation ont un effet mécanique sur le coût du scrutin ; les résultats qu’obtiendront les candidats pourront augmenter ou diminuer le montant des remboursements forfaitaires ; un changement de mode de scrutin peut provoquer une augmentation ou une diminution mécanique du coût. Le coût définitif de l’élection rapporté au nombre d’électeurs est connu une à deux années après l’élection, le temps que l’ensemble des dépenses afférentes soit effectué. »

([11])  Le décret n° 2020-267 du 17 mars 2020 portant report du second tour du renouvellement des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, initialement fixé au 22 mars 2020 par le décret n° 2019-928 du 4 septembre 2019 ayant reporté le second tour à une date indéfinie, l’article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, prévoyait ainsi que « [le] second tour initialement fixé au 22 mars 2020, est reporté au plus tard en juin 2020, en raison des circonstances exceptionnelles liées à l’impérative protection de la population face à l’épidémie de covid-19 ».

([12])  Articles L. 192, L. 336, L. 364, L. 558-1 et L. 558-5 du code électoral.

([13])  Article 10 de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

([14]) Quelle date et quelle organisation pour les élections régionales et départementales ?, rapport de M. Jean-Louis Debré à M. le Premier ministre, 13 novembre 2020 (disponible en ligne).

([15]) rap. cit., p. 11 à 14.

([16])  Projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique, n° 254 , déposé au Sénat le lundi 21 décembre 2020.

([17]) Loi n° 2021-191 du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique.

([18]) Ainsi, à titre illustratif, le plafond de dépense par habitant s’agissant des circonscriptions électorales dont la population est inférieure à 15 000 habitants s’élève à 0,53 euro pour les élections régionales.

([19])  Article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et article 7 du décret n° 2020-643 du 27 mai 2020 relatif au report du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon de 2020 et à l’adaptation du décret du 9 juillet 1990 à l’état d’urgence sanitaire.

([20])  IV de l’article 6 de la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 précitée.

([21])  Article 6 de la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 précitée

([22])  Décret n° 2021-270 du 11 mars 2021 modifiant les dispositions du code électoral relatives au vote par procuration et instituant une télé-procédure.

([23]) Circulaire INTA2110958C du 28 avril 2021, relative à l’organisation matérielle et au déroulement des élections départementales, régionales et des élections aux Assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique.

([24]) Rapport d’information n° 4561 sur les dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale pour les élections régionales et départementales des 20 et 27 juin 2021, présenté par MM. Jean-Michel Mis et Raphaël Schellenberger, rapporteurs, le 13 octobre 2021, XVème législature.