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N° 4597

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2021.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2022,

 

 

TOME I

 

 

CULTURE

 

 

 

Par Mme Constance LE GRIP,

 

Députée.

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  4482, 4524 (annexes n° 10 et 11).

 


 


–  1  –

SOMMAIRE

___

Pages

introduction

I. Programme 175 patrimoines : l’État au rendez-vous pour soutenir ses grands opÉrateurs et le patrimoine protÉgÉ

A. Monuments historiques et grands projets patrimoniaux

1. Les subventions pour charges de service public

2. Les crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques

B. Les grands Musées frappés par la crise sanitaire internationale

1. Les crédits de l’action « Patrimoine des musées de France »

2. Le soutien de l’État aux grands musées nationaux frappés par la crise

1. Les crédits d’acquisition des musées

2. Le plan de soutien en faveur des musées territoriaux

B. Architecture, archéologie et archives

1. Architecture et espaces protégés

2. Patrimoine archivistique

3. Patrimoine archéologique

II. programme 131 crÉation : le spectacle vivant, les arts visuels et l’emploi artistique toujours soutenus

A. Le soutien au spectacle vivant, trÈs durement touchÉ par la crise sanitaire

1. L’État assure un soutien au secteur privé via les opérateurs sectoriels

a. Le soutien exercé par l’Association pour le soutien au théâtre privé (ASTP)

b. Le soutien exercé par le Centre national de la musique

2. Le financement des grands opérateurs

3. Les crédits déconcentrés de soutien au spectacle vivant

4. Le soutien aux productions à travers le crédit d’impôt spectacle vivant, élargi au théâtre

B. Le soutien aux ARTS VISUELS

C. Le soutien À L’EMPLOI DANS LE SECTEUR CULTUREL

III. programme 361 transmission des savoirs et dÉmocratisation de la culture : le poids considérable du Pass Culture

A. L’Enseignement supÉrieur et la recherche dans le domaine artistique et culturel

B. La coûteuse gÉnÉralisation du Pass culture

C. La dispersion des crÉdits consacrÉs à l’Éducation artistique et culturelle

IV. programme 224 soutien aux politiques du ministère de la culture

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. Audition de la ministre

II. EXAMEN DES CRÉDITS

annexe : Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure


–  1  –

   introduction

 

Le budget de la Culture pour 2022 sera encore un budget de crise. En effet, si la réouverture des lieux culturels a permis aux Français de retrouver avec bonheur le chemin des musées, des théâtres et des salles de concert, le retour à une fréquentation telle qu’on l’a connue avant la crise n’est pas pour 2022 chez les opérateurs les plus dépendants du tourisme international (château de Versailles, musées du Louvre et d’Orsay) ainsi que dans le secteur des musiques actuelles, où l’absence de tournées internationales et la persistance de jauges limitent l’activité. La reprise dans le spectacle de façon générale est lente : les habitudes de sortie n’ont pas encore été pleinement retrouvées.

Les crédits de la mission Culture sont très élevés : 3,5 milliards d’euros, en hausse de plus de 200 millions par rapport à 2021, auxquels s’ajoutent les crédits du plan de relance : 463 millions d’euros de crédits de paiement sont inscrits dans l’action « Culture » du programme Compétitivité de la mission Plan de relance, dont environ 350 millions concernent le champ de la mission Culture (100 millions d’euros sont consacrés aux industries culturelles relevant de la mission Médias, livre et industries culturelles). Cela fait donc un total de près de 4 milliards d’euros.

Ces montants élevés sont à la hauteur des menaces et défis auxquels font face les différents secteurs de la culture. L’État est au rendez-vous aussi bien pour soutenir le spectacle vivant public et privé, les artistes, que pour soutenir les monuments et les institutions les plus emblématiques de notre culture.

Le programme Patrimoines s’élève à plus d’un milliard d’euros. Il permet de soutenir, conjointement avec les crédits du plan de relance, les musées, les monuments historiques, l’architecture et le patrimoine des villes et villages. Un effort particulier est fait envers la restauration des monuments historiques appartenant aux communes et aux propriétaires privés. Ce programme finance aussi des projets emblématiques comme la restauration du château de Villers-Cotterêts dans l’Aisne et du Grand Palais à Paris.

Le programme Création permet de soutenir le spectacle vivant et les arts visuels. De nombreux dispositifs d’urgence et de soutien ont été mis en place pendant la crise par les opérateurs sectoriels : le Centre national de la musique, l’Association de soutien au théâtre privé et le Centre national des arts plastiques, à destination des entrepreneurs du spectacle et des artistes-auteurs. Grâce à cela, quasiment aucune faillite n’a été déplorée dans ces secteurs. Cependant, il faudra rester vigilant car l’année 2022 pourrait s’avérer plus difficile que les précédentes pour des entreprises et artistes très fragilisées alors que les dispositifs d’aide et de soutien s’éteignent progressivement.

 

Les crédits du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture augmentent de façon conséquente mais cette augmentation est presque entièrement dédiée au Pass Culture. Si ce dispositif a été amélioré au fil des expérimentations et si le projet actuel est plus complet et mieux structuré, la rapporteure pour avis émet quelques réserves sur la pertinence d’y consacrer autant de moyens budgétaires – 199 millions d’euros – et de concentrer l’essentiel de la politique d’éducation artistique et culturelle sur ce dispositif et sur la tranche d’âge des collégiens à partir de la 4e, des lycéens et des jeunes adultes.

Le tableau suivant présente la répartition des crédits de la mission Culture par programme.

Les crédits de la mission Culture en 2021 et 2022

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouverts en LFI 2021

Demandés pour 2022

Ouverts en LFI 2021

Demandés pour 2022

175 – Patrimoines

1 007

1 035

1 012

1 023

131 – Création

884

922

861

915

361 – Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

581

756

577

748

224 – Soutien aux politiques du ministère de la Culture

755

777

752

775

Total mission Culture

3 228

3 491

3 201

3 461

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2022.

À cela s’ajoutent les crédits du plan de relance : environ 350 millions d’euros de crédits de paiement dédiés au champ de la mission Culture, qui seront présentés dans les parties consacrées à chacun des programmes de cette mission.

C’est donc un budget élevé, à la mesure de l’ampleur de la crise que traverse le secteur et du principe d’exception culturelle que défend notre pays.

 

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, la totalité des réponses était parvenue à la rapporteure pour avis qui remercie sincèrement les services du ministère de la Culture pour leur travail.


–  1  –

I.   Programme 175 patrimoines : l’État au rendez-vous pour soutenir ses grands opÉrateurs et le patrimoine protÉgÉ

Le programme Patrimoines regroupe les crédits relatifs aux musées, aux monuments historiques, à la protection du patrimoine et de l’architecture, aux archives et à l’archéologie.

Très affectés par la crise sanitaire et le ralentissement prolongé du tourisme international, les musées et monuments ont dû être fortement soutenus par le budget de l’État, qui se montre à la hauteur des menaces et des défis auxquels font face ses opérateurs. L’État est aussi venu au soutien du patrimoine protégé public et privé sur tout le territoire, contribuant à sa restauration mais aussi à l’activité de tout le secteur de la restauration du patrimoine.

Le programme Patrimoines est doté de plus d’un milliard d’euros, auxquels s’ajoutent les crédits du plan de relance.

Les crÉdits du programme 175 patrimoines en 2021 et 2022

(en millions d’euros)

 

autorisations d’engagement

crédits de paiement (CP)

 

Action

Ouverts en LFI 2021

Demandés pour 2022

Ouverts en LFI 2021

Demandés pour 2022

Variation des CP

Monuments historiques et patrimoine monumental

423,74

449,78

430,02

433,17

+0,7 %

Architecture et espaces protégés

32,23

35,10

32,23

35,10

+8,9 %

Patrimoine des musées de France

359,11

368,73

363,21

364,48

+0,4 %

Patrimoine archivistique

39,32

26,02

34,12

34,57

+1,3 %

Acquisition et enrichissement des collections publiques

9,78

9,78

9,78

9,78

-

Patrimoine archéologique

142,97

145,68

142,97

145,55

+1,8 %

Total

1007,14

1035,10

1012,33

1022,67

+1,0 %

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2022.

 

614 millions d’euros ont été engagés dans le cadre du plan de relance en 2021 pour le patrimoine et l’architecture, avec 345 millions d’euros de crédits de paiement en 2021 et 227 millions d’euros en 2022.

 

La mission Plan de relance et le patrimoine

Les crédits de la mission Plan de relance consacrés au patrimoine sont inscrits au programme 363 Compétitivité, dans l’action 5 « Culture ». Les principales mesures sont les suivantes :

 La poursuite d’un soutien massif aux opérateurs qui souffrent de la faible reprise du tourisme afin d’assurer leurs dépenses de fonctionnement et d’investissement, et de relancer leur activité. Sur un total de 334 millions d’euros, le plan de relance prévoyait 240 millions d’euros en autorisations d’engagement et 232 millions d’euros en crédits de paiement en 2021, consommés à hauteur de 93 % au 31 août 2021. Pour 2022, 94 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 102 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus.

– La poursuite du plan « cathédrales » en faveur de la restauration des cathédrales appartenant à l’État. Sur un total de 80 millions d’euros, le budget 2021 prévoyait 60 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 30 millions d’euros de crédits de paiement, dont seuls 30 % des autorisations d’engagement et 6 % des crédits de paiement avaient été consommés au 31 août 2021. Pour 2022, 20 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 40 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus. Il devait y avoir encore 10 millions d’euros de crédits de paiement en 2023. D’après les informations obtenues par la rapporteure pour avis, les crédits de paiement non consommés seront soit réaffectés en avance de phase sur 2022 sur des dispositifs qui avancent plus rapidement, soit reportés. En tout état de cause, les crédits de paiement seront reconstitués en 2022 afin de couvrir les autorisations d’engagement qui, elles, seront pleinement consommées en 2021.

– Un soutien de 40 millions d’euros aux investissements réalisés par les propriétaires de monuments historiques autres que l’État. Le plan de relance prévoyait à ce titre 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et 10 millions d’euros en crédits de paiement en 2021, dont 44 % avaient été consommés au 31 août 2021. 15 millions d’euros de crédits de paiement sont inscrits pour 2022. La rapporteure pour avis espère que les crédits de paiement non consommés en 2021 seront réaffectés en 2022 pour couvrir les autorisations d’engagement. 

– La poursuite du réinvestissement dans les monuments nationaux relevant du centre des monuments nationaux (CMN), amorcé en 2021 avec 40 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 20 millions d’euros de crédits de paiement, dont 60 % ont été consommés au 31 août 2021. Pour 2022, 20 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus.

– 100 millions d’euros ont été engagés pour le projet présidentiel de VillersCotterêts, avec 43 millions d’euros de crédits de paiement en 2021, 40 millions d’euros en 2022 et 17 millions d’euros en 2023. Cet apport du plan de relance permet d’étendre le chantier à la restauration des communs du château, aucun opérateur privé n’ayant voulu investir sur cette partie du projet au stade de la restauration.

– Le réinvestissement dans les équipements patrimoniaux territoriaux (musées, archéologie, archives, etc.) pour soutenir les investissements des collectivités territoriales dans ces institutions, à hauteur de 20 millions d’euros, se poursuit en 2022 avec 10 millions d’euros d’autorisations d’engagement et autant de crédits de paiement.

Le tableau suivant présente la répartition des crédits du plan de relance et la consommation de ces crédits au 31 août 2021.

crédits du plan de relance en faveur du patrimoine

(en millions d’euros)

 

Total

AE=CP

LFI 2021

Exécution au 31 août 2021

2022

2023

AE

CP

AE

CP

AE*

CP

CP

Total

614

490

345

430

88 %

257

75 %

124

227

42

Plan cathédrales

80

60

30

21

35 %

2

6 %

20

40

10

Restauration MH non État

40

40

10

27

68 %

4

44 %

0

15

15

CMN

40

40

20

40

100 %

12

60 %

0

20

0

Villers-Cotterêts

100

100

43

100

100 %

22

51 %

0

40

17

Équipements territoriaux

20

10

10

9

86 %

2

22 %

10

10

0

Soutien aux opérateurs

334

240

232

233

97 %

215

93 %

94

102

0

dont fonctionnement

279

202

202

195

97 %

195

97 %

77

77

 

dont investissement

55

39

30

39

100 %

20

67 %

17

25

 

*NB : la totalité des autorisations d’engagement ont été ouvertes en 2021. Néanmoins, les mises à dispositions des AE par le ministère du Budget au ministère de la Culture sont réparties sur 2021 et 2022. C’est ce cadencement qui est présenté dans ce tableau.

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

 

A.   Monuments historiques et grands projets patrimoniaux

En janvier 2021, 44 540 immeubles étaient protégés au titre des monuments historiques, dont 14 235 immeubles classés et 30 305 immeubles inscrits. Près de la moitié de ces monuments appartient à des propriétaires privés. L’autre moitié relève du secteur public – principalement des communes.

Les crédits de l’action 1 « Monuments historiques et patrimoine monumental » demandés pour 2022 s’élèvent à 449,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 433,2 millions d’euros en crédits de paiement.

1.   Les subventions pour charges de service public

Au sein de l’action, 78,45 millions d’euros sont des dépenses de fonctionnement d’institutions publiques, constituées principalement :

– des moyens de fonctionnement courant de services à compétence nationale, pour 2,3 millions d’euros ;

– des subventions pour charges de service public du Centre des monuments nationaux (CMN) à hauteur de 36,6 millions d’euros, et du château de Versailles, pour 35,8 millions d’euros ;

– de la subvention du domaine national de Chambord pour 1 million d’euros.

 

La situation difficile du Château de Versailles

L’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles est l’opérateur qui subit le plus durement la crise car c’est celui dont la part de ressources propres était la plus élevée, et celui dont la part de visiteurs étrangers était la plus forte.

Sa fréquentation a été réduite à 2 millions de visites en 2020 contre 8,2 millions en 2019 (–76 %). L’année 2021 est tout autant marquée par la crise sanitaire, avec six mois de fermeture. L’année 2022 restera une année de crise, avec de l’ordre de 40 à 50 % de fréquentation attendue par rapport à l’année de référence, 2019, notamment en raison de l’absence de touristes asiatiques jusqu’à nouvel ordre, tandis que les Américains reviennent peu à peu. Si les visiteurs français et européens ont retrouvé Versailles avec un certain engouement, les recettes de billetterie correspondantes sont, à proportion égale, plus faibles que les recettes perçues en 2019 en raison de la gratuité octroyée à tous les Européens de moins de 26 ans et du grand nombre de familles parmi les visiteurs. Dans le public actuel, environ 54 % des visiteurs bénéficient d’une entrée gratuite.

Outre les dotations habituelles, soit 35,8 millions d’euros de subvention pour charges de service public et 15 millions d’euros en autorisations d’engagement et 18 millions d’euros en crédits de paiement de dotation en fonds propres pour le schéma directeur d’investissement, l’établissement public du château de Versailles a été soutenu par le plan de relance à hauteur de 87 millions d’euros, dont 55 millions d’euros en 2021 et 32 millions d’euros en 2022, qui se décomposent en une part destinée à soutenir le fonctionnement de l’établissement (35 millions d’euros en 2021 et 7 millions d’euros en 2022) et une part destinée à permettre les travaux indispensables à la conservation du monument (20 millions d’euros en 2021 et 25 millions d’euros en 2022). Les travaux réalisés par le château de Versailles créent de l’activité pour les entreprises du patrimoine sur tout le territoire. Une étude économique montre que les retombées économiques et les emplois générés par l’activité du château de Versailles se répartissent à parts égales entre l’Ile-de-France et les autres régions métropolitaines.

L’établissement public a réalisé d’importantes économies de fonctionnement quand il était fermé. En revanche, la présidente et l’administrateur général du domaine se fixent pour objectif de ne pas faire d’économies sur les investissements, car un patrimoine comme Versailles doit être entretenu et rénové en continu, et rester attractif pour les visiteurs. La Chapelle royale, entièrement rénovée grâce au mécénat, a rouvert ses portes en mai 2021. Côté jardins, le bosquet de la Reine a fait l’objet d’une restauration végétale (6 000 arbres replantés) grâce à de nombreux mécènes, entreprises, fondations et institutions, ainsi qu’une centaine de particuliers, français et étrangers.

Si le château de Versailles était parvenu, depuis une dizaine d’années, à financer entièrement son fonctionnement par ressources propres et à dégager une capacité d’autofinancement pour ses investissements, complétée par l’État, la situation actuelle rend un soutien prolongé de l’État indispensable. Symbole national, chef-d’œuvre patrimonial mais aussi lieu institutionnel et instrument diplomatique, Versailles rayonne sur tout le territoire grâce à une activité intense de prêts à d’autres musées et d’organisation d’expositions comme par exemple au musée Hyacinthe Rigaud de Perpignan.

 

2.   Les crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques

Les crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques représentent 371,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 352,8 millions d’euros en crédits de paiement. Leur répartition en fonction de l’objet (entretien ou restauration) et du maître d’ouvrage (État – administration centrale ou déconcentrée, opérateurs, collectivités territoriales, propriétaires privés) est présentée dans le tableau suivant.

crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques

(en millions d’euros)

 

 

2021

2022

 

 

AE

CP

AE

CP

Entretien des monuments historiques (MH)

Monuments nationaux (CMN)

7,6

7,6

7,6

7,6

Musée du Louvre

0,5

0,5

0,5

0,5

Crédits déconcentrés aux DRAC (MH appartenant à l’État, dont cathédrales)

18,9

18,8

18,9

18,8

MH n’appartenant pas à l’État (collectivités, secteur privé)

23,1

23,1

23,1

23,1

Total Entretien

50,1

50,0

50,1

50,0

Restauration des monuments historiques (MH)

MH appartenant à l’État, crédits centraux

32,6

28,0

32,6

30,13

Crédits centraux : provision pour imprévus

5

1

5

1

Crédits déconcentrés aux DRAC (principalement cathédrales)

71,4

53,8

69,13

53,77

Subventions d’investissement aux collectivités territoriales et propriétaires privés de MH

129,7

132,6

129,7

132,6

Fonds partenarial et incitatif pour les collectivités à faibles ressources

15

15

16

16

CMN (investissement)

20,9

20,9

20,9

20,9

Opérateurs (Académie de France à Rome, Chambord, Louvre…)

5,7

5,7

5,7

5,7

Total restauration

280,3

257,0

279,0

260,1

Grands projets (schémas directeurs d’investissement)

Archives nationales

-

1,7

4

1,7

Fontainebleau

5,8

5,8

23,2

5,8

Versailles

15

15

15

18

RMN-Grand Palais

0

12

0

12

Villers-Cotterêts

-

10,7

-

5,20

Total grands projets

20,8

45,2

42,2

42,7

TOTAL

 

351,2

352,2

371,33

352,8

Source : projets annuels de performances 2021 et 2022.

Le ministère de la Culture a pour doctrine de consacrer aux dépenses d’entretien un minimum de 15 % des crédits déconcentrés dédiés aux monuments historiques, conformément aux recommandations formulées en 2006 par l’inspection générale des affaires culturelles, l’inspection générale des finances et l’inspection du patrimoine à l’occasion de l’audit de rationalisation et de modernisation de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre des monuments historiques. En effet, un entretien négligé augmente les coûts de restauration à plus long terme. Dans le projet annuel de performances, l’indicateur 1.1 « Part des crédits de conservation préventive par rapport aux crédits de restauration des monuments historiques » reflète la part des travaux d’entretien réalisés sur les monuments historiques par rapport aux travaux de restauration. Pour 2020, cette part était de 18,53%. Pour 2021, elle est estimée « égale ou supérieure à 15 % ». 

Une partie des 18,8 millions d’euros de crédits déconcentrés, gérés par les directions générales des affaires culturelles (DRAC) pour l’entretien des monuments historiques appartenant à l’État, est consacrée à l’entretien des cathédrales.

Le fonds partenarial et incitatif pour les monuments historiques des collectivités à faibles ressources, créé par la loi de finances pour 2018, bénéficiera encore d’une augmentation de 1 million d’euros pour atteindre 16 millions d’euros d’autorisations d’engagement et autant de crédits de paiement. Ce fonds permet de porter à 80 % l’aide de l’État pour la restauration des monuments classés dans les collectivités à faibles ressources et de moins de 10 000 habitants. Cependant, il impose que la région participe au tour de table, à hauteur d’au moins 15 % (5 % dans les collectivités et territoires d’Outre-mer), ce qui rend l’accès à cette aide impossible pour les communes situées dans des régions qui n’investissent pas dans le patrimoine, ce qui est le cas de plusieurs régions.

Quelle que soit leur importance, et qu’il s’agisse de monuments historiques inscrits ou classés, l’aide des DRAC aux propriétaires ne se limite pas au financement. Elles assument en effet une mission de conseil et d’expertise scientifique et technique, voire, dans certains cas, d’assistance à maîtrise d’ouvrage, dès la phase d’étude et tout au long de l’opération.

Les crédits d’investissement déconcentrés permettent de financer des opérations de restauration de monuments historiques appartenant à l’État pour lesquelles la maîtrise d’ouvrage est exercée par les DRAC. Ces crédits, qui s’élèvent 69,13 millions d’euros en autorisations d’engagement et 55,7 millions d’euros en crédits de paiement (+ 3,7 %), sont notamment destinés au financement des travaux sur les cathédrales. Sont notamment concernées les cathédrales Saint Maurice d’Angers, Sainte Cécile d’Albi, Saint-Gervais Saint-Protais de Soissons, et Notre‑Dame d’Amiens. Sont aussi prévus des crédits à hauteur de 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 7 millions d’euros en crédits de paiement au titre du plan de mise en sécurité des cathédrales.

Au-delà de la question des dotations en loi de finances initiale, l’enjeu principal pour les crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques est leur consommation. Les rapporteurs de la mission flash sur le soutien au patrimoine immobilier protégé, Mme Emmanuelle Anthoine et M. Raphaël Gérard, avaient déjà souligné en 2018 le problème de la sous‑consommation chronique des crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques, qui s’explique non seulement par la difficulté à monter un dossier de restauration mais aussi par les gels importants dont font l’objet ces crédits chaque année.

Un audit flash de la Cour des comptes consacré au soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire ([1]), publié en septembre 2021, dénonce la surcharge de travail pour les DRAC, perceptible à travers la consommation de crédits de vacation en début d’année 2021, pour lesquelles la dotation initiale de 0,97 million d’euros a été portée à 1,47 million d’euros par le ministère de la Culture. Cette surcharge de travail pour un personnel trop peu nombreux s’accompagne naturellement d’un engorgement du traitement des dossiers de restauration par les administrations déconcentrées, que dénoncent les acteurs du secteur auditionnés par la rapporteure pour avis (Fondation du patrimoine, La Demeure Historique).

Le Loto du patrimoine permet d’abonder les crédits dédiés à la restauration du patrimoine. Mis en place en 2018 à la suite de la mission sur le patrimoine en péril confiée par le Président de la République à M. Stéphane Bern en septembre 2017, le Loto du Patrimoine a permis de récolter 21 millions d’euros pour la première édition, 24 millions d’euros pour la deuxième et 27 millions d’euros en 2020. L’édition 2021 a été lancée en septembre 2021. Les gains attendus sont de l’ordre de 25 millions d’euros comme pour les deux dernières éditions, et les taxes devraient à nouveau être neutralisées par le dégel de la réserve de précaution. Pour 2022, il est prévu de sélectionner 18 projets régionaux et 101 projets départementaux bénéficiaires du Loto du Patrimoine.

Le plan de relance prévoit un soutien supplémentaire aux investissements réalisés par les propriétaires de monuments historiques n’appartenant pas à l’État. Ce choix répond à la fois au souci d’améliorer l’état des monuments historiques sur tout le territoire et de permettre aux entreprises spécialisées dans la restauration des monuments historiques de mieux redémarrer après la crise sanitaire. L’enjeu sera d’engager et consommer les crédits du plan de relance tout en maintenant des engagements importants sur les crédits ordinaires.

Pour les monuments historiques n’appartenant pas à l’État, 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et 10 millions d’euros de crédits de paiement étaient programmés pour 2021 au titre du plan de relance, et 15 millions d’euros de crédits de paiement sont inscrits pour 2022. Le ministère de la Culture envisage le soutien de 52 monuments répartis dans quarantequatre départements. Sur ces opérations prévues, 35 sont déjà lancées au mois de septembre 2021. Les critères de sélection retenus sont le fait que les projets soient prêts, les études réalisées, le « tour de table » financier complet et les autorisations instruites, avec un calendrier d’opérations compatible avec la durée du plan de relance (20212022).

– 15 millions d’euros en autorisations d’engagement et 18 millions d’euros en crédits de paiement sont destinés au Château et domaine national de Versailles pour le financement de son schéma directeur d’investissement, comprenant notamment la rénovation des réseaux, le traitement climatique du corps central sud et nord et la rénovation du château d’eau : ce sont 3 millions d’euros de crédits de paiement supplémentaires par rapport à 2021 ;

– 5,2 millions d’euros de crédits de paiement sont destinés au Centre des monuments nationaux au titre du financement du projet de restauration du château de VillersCotterêts, en ligne avec l’échéancier d’investissement ;

 12 millions d’euros de crédits de paiement, soit autant qu’en 2021, sont prévus pour la Réunion des musées nationaux – Grand Palais (RMNGP) pour couvrir les travaux à réaliser au titre du programme 175 Patrimoines dans le cadre de l’immense chantier de restauration du Grand Palais.

 


La restauration du château de VillersCotterêts

La restauration du château de Villers‑Cotterêts est un projet voulu par le Président de la République dans le but d’en faire une Cité internationale de la langue française en 2022.

La rapporteure pour avis est allée visiter ce chantier avec le président du Centre des monuments nationaux, M. Philippe Bélaval. Chefd’œuvre de la Renaissance, ce château, situé en plein centre de la ville de VillersCotterêts, se trouve dans un état de délabrement avancé. Pendant 200 ans, jusqu’en 2014, cette propriété de l’État fut gérée par le département de la Seine puis la Ville de Paris qui en firent un dépôt de mendicité puis une maison de retraite pour les plus démunis. Cet usage a contribué à défigurer le château avec l’ajout de très nombreux entresols et réseaux d’eau, de chauffage et d’électricité. Le clos et le couvert n’ont pas été entretenus – des couvertures en taule ont été posées sur les toitures abîmées…

Le programme initial annonçait un investissement de 110 millions d’euros à horizon 2022, dont 55 millions d’euros apportés par le programme 175 Patrimoines, 30 millions d’euros par le grand plan d’investissement et 25 millions d’euros par le mécénat.

Or, aucun mécénat de cette ampleur n’a été trouvé. Par ailleurs, ce budget ne permettait que la restauration du logis royal et du jeu de paume, mais pas celle des communs. L’État comptait sur des investisseurs privés pour rénover les communs autour de la cour d’honneur et en faire usage. Or, aucun investisseur ne s’est présenté.

Il a finalement été décidé d’utiliser le plan de relance pour la rénovation des communs. Ainsi, 100 millions d’euros ont été engagés en 2021 et 43 millions d’euros de crédits de paiement étaient prévus en 2021. 40 millions d’euros de crédits de paiement sont inscrits pour 2022 et le reliquat, 17 millions d’euros, en 2023. Le budget total du projet est donc désormais de 185 millions d’euros (programme 175, grand plan d’investissement et plan de relance). L’intention du Centre des monuments nationaux est de trouver des entreprises pour exploiter les communs. Il pourrait s’agir d’hôtellerie, de restauration ou encore de formation.

La rapporteure pour avis a constaté que le chantier progressait à un rythme très soutenu. Cependant, l’effondrement d’un mur intérieur intervenu au début de l’été 2021 a occasionné des délais supplémentaires. Le CMN annonce toujours une ouverture du Logis royal au printemps 2022.

La rapporteure pour avis se réjouit de la restauration de ce château construit par François Ier et lieu de la signature de la célèbre ordonnance qui imposa la primauté et l’exclusivité de la langue française sur le latin et sur les langues régionales dans les documents relatifs à la vie publique, acte fondateur du royaume de France.

Par ailleurs, ce projet prestigieux aura certainement un impact très positif sur la ville de Villers‑Cotterêts et le sud du département de l’Aisne en matière d’attractivité économique et touristique. Le chantier contribue d’ailleurs déjà à l’activité des commerces de la ville. Il est à noter que les collectivités territoriales concernées (particulièrement la région Hauts-de-France et la communauté de communes de Retz-en-Valois) sont impliquées et enthousiastes.

Il est cependant déjà acté que ce projet ne sera pas rentable. Il faudra compter sur la péréquation entre monuments nationaux.

 

La restauration du Grand Palais

La restauration de cet immense monument créé pour l’Exposition universelle de 1900 est incontournable. Sans restauration, ce bâtiment emblématique de la capitale ne pourrait plus accueillir de public.

Le plan de financement a été établi en 2016. Le projet initial prévoyait non seulement une restauration mais aussi des aménagements pharaoniques, notamment le creusement d’une plateforme logistique sous la grande nef ainsi que la création d’une vaste rue intérieure.

À l’été 2020, le Gouvernement a décidé de profondément réorienter le programme initialement envisagé, en renonçant à ses aspects les plus structurants.

Le nouveau projet se concentre sur la restauration du monument, aujourd’hui très dégradé, et sur l’aménagement d’une entrée unique pour tous les visiteurs qui desservira à la fois la grande nef, les galeries nationales et le Palais de la découverte, avec toujours en ligne de mire la tenue de quelques épreuves des Jeux olympiques et paralympiques en 2024 (escrime et taekwondo). Il sera réalisé par l’architecte en chef des monuments historiques François Chatillon. Sont prévus des auditoriums, une galerie des enfants, des plateaux logistiques. Beaucoup d’espaces actuellement inutilisés seront à nouveau valorisés.

Cependant, malgré le renoncement à certaines parties du projet, le nouveau projet est annoncé pour le même budget que le précédent, soit 466 millions d’euros, avec 30 millions d’euros de réserve de précaution. Bien entendu, le cabinet d’architectes LAN qui avait été sélectionné pour le premier projet a dû être dédommagé et les études réalisées ont dû être payées.

Le plan de financement reste le même :

• 97 millions d’euros financés par le programme 175 Patrimoines ;

 26 millions d’euros financés par le programme 186 Recherche culturelle et culture scientifique, pour le Palais de la découverte ;

• 160 millions d’euros apportés par le programme d’investissements d’avenir ;

• 150 millions d’euros d’un emprunt qui sera remboursé grâce aux recettes d’exploitation futures du Grand Palais et dont la résiliation aurait coûté trop cher à la RMN ;

• 25 millions d’euros de mécénat de Chanel ;

• 8 millions d’euros d’autres mécénats et partenariats. 

La rapporteure pour avis approuve l’abandon des aspects les plus dispendieux de ce projet, qui reste très stimulant.

 

B.   Les grands Musées frappés par la crise sanitaire internationale

Les musées ont été évidemment très durement impactés par les mesures de fermeture des lieux culturels, mais le retour à la normale n’est pas encore à l’ordre du jour pour les plus grands d’entre eux, dont une grande partie des visiteurs étaient extra-européens et ne sont toujours pas de retour.

1.   Les crédits de l’action « Patrimoine des musées de France »

Les crédits de l’action 3 « Patrimoine des musées de France » s’élèvent à 369 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 9,6 millions d’euros et +2,7 % par rapport à 2021) et 365 millions d’euros en crédits de paiement (+ 1,3 million d’euros).

Les crédits de fonctionnement des musées nationaux constitués en services à compétence nationale sont constants à 11,83 millions d’euros en crédits de paiement.

Les subventions pour charges de service public des opérateurs, c’est‑à‑dire principalement des musées nationaux gérés sous forme d’établissements publics, s’élèvent à 286,25 millions d’euros. La légère hausse par rapport à 2021 (+ 1,27 million d’euros) s’explique par le transfert de crédits depuis le programme Soutien aux politiques du ministère de la culture au titre du rattrapage indemnitaire pour les agents titulaires des musées du Louvre et d’Orsay.

Plusieurs musées nationaux bénéficient d’un soutien renforcé de la mission Culture pour la mise en œuvre de leurs opérations d’investissement en 2022. Ces crédits sont dédiés à la poursuite du schéma directeur de restauration de l’établissement public de Fontainebleau (+7,35 millions d’euros d’autorisations d’engagement par rapport à 2021, soit 13,55 millions pour 2022), aux études et travaux anticipés du schéma directeur du Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou (+1 million d’euros d’autorisations d’engagement pour 2021, soit 8,06 millions pour 2022). L’investissement pour la restauration de l’établissement public du Palais de la Porte dorée reste constant à 1,65 million d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement.

2.   Le soutien de l’État aux grands musées nationaux frappés par la crise

Les musées nationaux, en particulier les plus grands, font face à une crise sans précédent, qui affecte leur modèle économique et culturel. Les établissements dont les taux de ressources propres sont les plus importants sont aussi les plus affectés par la crise sanitaire puisqu’ils s’appuient en temps normal sur les recettes de billetterie, de concessions et boutiques, de location, de mécénat…

Leur fréquentation, qui dépend pour une part importante du tourisme international, s’est effondrée. L’audit flash de la Cour des comptes publié en septembre 2021 fait état d’une baisse moyenne de 70 % de la fréquentation dans dix opérateurs culturels muséaux entre 2019 et 2020, le musée du Louvre passant ainsi de 9,6 à 2,7 millions de visiteurs (–72 %). Cette baisse massive est jugée durable par le ministère de la culture, qui estime la baisse moyenne de fréquentation des musées nationaux à –78 % en 2021 par rapport à 2019, et prévoit –50 % pour 2022. La Cour des comptes rapporte sur les musées nationaux un impact net en fonctionnement de –136 millions d’euros en 2020, soit –50 % par rapport à 2019, malgré des économies de 81 millions d’euros.

Le tableau suivant présente l’impact de la crise sanitaire sur les dépenses et recettes de fonctionnement des musées nationaux, et les crédits supplémentaires apportés par l’État pour compenser les pertes, à travers les dégels, la troisième loi de finances rectificative pour 2020 et le plan de relance.

Il montre que les grands opérateurs comme Le Louvre, Orsay et la RMN‑GP (ainsi que Versailles qui n’est pas financé par l’action relative aux musées), ont beaucoup plus souffert des fermetures que les musées moins fréquentés. Certains musées ont même réalisé des économies nettes pendant les fermetures car leur exploitation est coûteuse (MUCEM, Palais de la Porte Dorée, Cité de l’architecture).

 


Compensation des pertes des musées nationaux par le budget de l’état

(en millions d’euros)

 

  Impact 2020

  Impact 2021

  Impact 2022

 

  Impact net en fonctionnement*

  Compensation budgétaire (LFR III +dégel)

  Perte de recettes propres

  Économies

  Surcoûts

  Impact en fonctionnement*

  LFR à venir

  Relance

  2021

  Impact en fonctionnement*

  Relance

  2022

  MUCEM

+2,46

-

-1,06

-

-

-1,06

-

-

  -0,75

 

  Porte Dorée

+1,04

0,30

-0,67

1,47

-

+0,79

-

-

  -0,33

 

  Fontainebleau

-0,26

3,20

-2,69

0,48

-

-2,22

 

 

  -1,25

 

  Louvre

-73,20

1,00

-95,47

6,78

-0,40

-89,08

53,00

40,0

  -54,97

6,0

  Centre Pompidou

-4,51

8,99

-12,15

1,50

-

-10,65

 

16,7

  -7,53

5,0

  Cité de l’Architecture

+1,18

0,50

-2,10

3,28

-

+1,18

-

-

  -0,90

 

  Guimet

+0,38

0,60

-1,08

0,14

-

-0,95

 

 

  -0,54

 

  Picasso

-3,30

4,00

-5,23

0,49

-

-4,74

 

 

  -2,83

 

  Branly

-3,04

-

-5,65

0,07

-

-5,58

 

 

  -3,58

 

  Orsay

-15,78

11,69

-32,10

3,28

-

-28,82

18,20

12,0

  -17,78

3,0

  Rodin

-3,18

-

-4,74

0,34

-0,16

-4,56

5,80

-

  -2,47

 

  Arts Décoratifs

-0,01

3,00

-4,22

0,97

-

-3,26

-

-

  -1,05

 

  Henner-Moreau

-0,11

0,12

-0,07

-

-

-0,07

-

-

  -0,10

 

  RMN-GP

-32,54

2,50

-32,95

6,65

-

-26,30

12,30

30,0

  -15,09

10,0

  TOTAL

-130,87

19,2

-200,04

25,45

-0,56

-175,18

89,3

98,7

  -109,17

24,0

* Ce montant résulte de la somme des pertes de recettes propres et des économies et surcoûts réalisés sur la période.

Source : questionnaire budgétaire.


–  1  –

De façon générale, les grands musées font face à des problèmes de trésorerie à court terme, et leur capacité à investir et à se projeter dans une programmation pluriannuelle se trouve limitée.

Dès 2020, des crédits ont été apportés aux grands musées en loi de finances rectificative.

Le plan de relance prévoit un soutien aux opérateurs patrimoniaux (dont Versailles, précédemment cité) à hauteur de 334 millions d’euros, dont 232 millions d’euros en crédits de paiement dès 2021 et 102 millions d’euros en 2022.

Une partie de ces aides est destinée à combler les déficits d’exploitation subis par ces établissements publics ; l’autre partie est destinée à soutenir les investissements de ces opérateurs.

En 2022, sont prévus 6 millions d’euros pour le Musée du Louvre, 5 millions d’euros pour le Centre Pompidou, 3 millions d’euros pour les Musées d’Orsay et de l’Orangerie et 10 millions d’euros pour la RMN-GP. L’établissement public du Palais de la Porte dorée percevra 6,93 millions d’euros pour la poursuite des travaux destinés à favoriser les économies d’énergie.

Les établissements n’ayant pas bénéficié de crédits au titre de la loi de finances rectificative ou du plan de relance font l’objet d’un dialogue de gestion en lien avec le ministère afin d’apprécier l’impact de la crise et déterminer des modalités d’accompagnement au cas par cas.

1.   Les crédits d’acquisition des musées

Les crédits de l’action 8 « Acquisition et enrichissement des collections publiques » sont constants à hauteur de 9,8 millions d’euros.

Dans les musées nationaux ayant le statut d’établissement public, d’autres sources de financement viennent heureusement compléter ce budget très modeste : pourcentage des recettes de droits d’entrée réservé aux acquisitions, mécénat, contributions des sociétés d’amis, dons et legs, etc.

2.   Le plan de soutien en faveur des musées territoriaux

La négociation des contrats de plan État-régions (CPER) 20212027 a fait apparaître un besoin important en faveur de la construction ou de la rénovation des musées sur le territoire national.

Les crédits d’investissement destinés aux musées territoriaux, qui avaient progressé de 10 millions d’euros en 2021, sont constants au projet de loi de finances 2022 pour un montant total de 23 millions d’euros, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Les crédits du plan de relance viendront s’ajouter. Sur les 20 millions d’euros du plan de relance en faveur des équipements territoriaux (musées, archives, archéologie…), 7,6 millions d’euros concernent les musées (8 projets sur 17). Cela permettra par exemple de contribuer au financement de la rénovation du musée alpin de Chamonix‑Mont‑Blanc, du musée lorrain à Nancy et du réaménagement du musée du site archéologique de Bibracte.

B.   Architecture, archéologie et archives

1.   Architecture et espaces protégés

Les crédits de l’action 2 « Architecture et sites patrimoniaux » sont en hausse, à 35,1 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement (+8,9 % par rapport à 2021).

La moitié des crédits de cette action sont consacrés à la subvention de fonctionnement de la Cité de l’architecture et du patrimoine, à hauteur de 17,35 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement.

Le reste s’adresse à des dispositifs en faveur du patrimoine urbain et paysager : le réseau Villes et pays d’art et d’histoire et les Sites patrimoniaux remarquables, qui s’inscrivent dans le cadre du plan d’action Cœur de ville, ainsi que le plan national « petites villes de demain ».

2.   Patrimoine archivistique

Les crédits de l’action  4 « Patrimoine archivistique » baissent de 33,8 % en autorisations d’engagement car la plupart des dépenses relatives au schéma directeur d’investissement des Archives nationales ont déjà été engagées. Les crédits de paiement connaissent une légère augmentation de 1,32 %.

Les crédits d’investissement destinés aux archives territoriales progressent en 2022 de 3 millions d’euros. En effet, le secteur est actuellement en tension avec un taux de saturation élevé des bâtiments d’archives. Le soutien de l’État aux services d’archives départementales se traduit par une aide à la construction et à la rénovation des bâtiments, qui abritent à 70 % des archives produites par l’État.

Par ailleurs, les archives départementales et communales bénéficient du plan de relance (20 millions d’euros sur deux ans sont prévus en commun pour les musées territoriaux, les archives et l’archéologie, dont 10 millions d’euros en crédits de paiement pour 2022).

 

3.   Patrimoine archéologique

Les crédits de l’action 9 « Patrimoine archéologique » progressent de 2,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et 2,6 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à 2021. Ces crédits supplémentaires sont affectés au soutien de la réalisation des opérations de diagnostics d’archéologie préventive et de la mission de recherche de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) (+ 1,5 million d’euros de crédits de paiement), ainsi qu’aux moyens alloués au département des recherches subaquatiques et sousmarines (+1,1 million d’euros de crédits de paiement transférés du programme 361 vers le programme 175).

Dans le cadre du plan de relance, l’INRAP bénéficie d’un soutien de 20 millions d’euros en fonctionnement, dont 15 millions d’euros en 2021 et 5 millions d’euros en 2022.

Enfin, les centres de conservation et d’études (CCE) destinés à conserver les vestiges issus des fouilles archéologiques bénéficieront d’une partie de l’enveloppe du plan de relance de 20 millions d’euros destinée aux installations patrimoniales des territoires.

 

 


–  1  –

II.   programme 131 crÉation : le spectacle vivant, les arts visuels et l’emploi artistique toujours soutenus

Le programme 131 Création couvre à la fois le spectacle vivant (musique, théâtre, danse…) et les arts visuels (peinture, sculpture, photographie, métiers d’art, design).

Très durement touchés par la crise sanitaire, ces deux secteurs ont pu bénéficier des dispositifs transversaux de soutien à l’économie (prêt garanti par l’État, fonds de solidarité, chômage partiel, exonérations de cotisations sociales) ainsi que de mesures d’urgence spécifiques au secteur de la culture. Par ailleurs, une « année blanche » a été accordée aux intermittents du spectacle.

Malgré la réouverture des lieux culturels avec la mise en place du passe sanitaire et l’assouplissement progressif des jauges, la reprise est lente. Le retour à la normale n’est pas attendu avant 2023 pour les spectacles.

Le projet de loi de finances pour 2022 est encore un budget de soutien au secteur. Il prévoit une augmentation de 6,4 % des crédits de paiement du programme 131 Création, soit une hausse de près de 55 millions d’euros. Les crédits de paiement s’élèvent ainsi à 915 millions d’euros et les autorisations d’engagement à 922 millions d’euros.

Les crÉdits du programme 131 crÉation en 2021 et 2022

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement (CP)

 

Action

Ouverts en LFI 2021

Demandés pour 2022

Ouverts en LFI 2021

Demandés pour 2022

Variation des CP

Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant

749,9

782,4

725,7

758,1

+4,5 %

Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts visuels

89,5

89,4

90,0

106,7

+8,6 %

Soutien à l’emploi et structurations des professions

45,0

50,0

45,0

50,0

+11,1 %

Total programme 131 Création

884,5

921,8

860,1

914,9

+6,4 %

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2022.

Par ailleurs, le plan de relance prévoyait 426 millions d’euros d’autorisations d’engagement au total pour la création artistique. 313 millions d’euros étaient ouverts en crédits de paiement dès 2021 – à ce jour, 150 millions d’euros ont été consommés. Pour 2022, 116 millions d’euros de crédits de paiement sont inscrits au profit de la création et la diffusion artistiques au sein du programme Compétitivité de la mission Plan de relance.

La mission Plan de relance et la création artistique

Les mesures en faveur de la création artistique sont inscrites dans l’action 5 Culture du programme 363 Compétitivité. Elles sont les suivantes :

– un programme de commande publique doté de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement en 2021 pour soutenir les artistes et créateurs dans les domaines de la littérature, des arts visuels et du spectacle vivant ; 10 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus pour 2022 ;

– un fonds de transition écologique pour les institutions de la création en région doté de 20 millions d’euros pour deux ans afin de financer des investissements en faveur de leur « verdissement » ; 10 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus pour 2022 ;

– un soutien aux opérateurs nationaux du spectacle vivant, dont l’Opéra national de Paris, la Comédie Française, les théâtres nationaux, afin d’assurer leurs dépenses de fonctionnement et d’investissement ;44 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus pour 2022 ;

– pour la musique, un soutien à la programmation des institutions de spectacle vivant en région par l’accompagnement des labels et réseaux, lieux de diffusion, compagnies et ensembles musicaux déjà subventionnés (30 millions d’euros ont été engagés en 2021 ; 10 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus en 2022) ;

– pour le théâtre, la danse, les arts de la rue et le cirque, un soutien à la programmation en région (30 millions d’euros en autorisations d’engagement en 2021 et 7 millions d’euros en crédits de paiement en 2022) ;

– la consolidation de la filière musicale (spectacles, concerts et musique enregistrée) via le Centre national de la musique, qui a bénéficié de 200 millions d’euros d’autorisations d’engagement en 2021 et pour lequel 35 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus en 2022. Tous les crédits de paiement de 2021 n’ont pas été consommés : la rapporteure pour avis espère qu’ils pourront être reportés sur 2022.

Le programme 131 comporte trois actions, l’une dédiée au spectacle vivant, l’autre aux arts visuels et la troisième à l’emploi artistique.

A.   Le soutien au spectacle vivant, trÈs durement touchÉ par la crise sanitaire

Le spectacle vivant est le secteur culturel le plus touché par la crise sanitaire, avec une contraction du chiffre d’affaires, dans le secteur marchand, de 51 % au deuxième trimestre 2021 par rapport à la même période en 2019 d’après une note de conjoncture du ministère de la Culture ([2]). La production et la diffusion de spectacles ainsi que l’exploitation de lieux de spectacle sont encore très marquées par les effets produits par trois confinements nationaux, dont la fermeture de tout lieu de spectacle entre le 30 octobre 2020 et le 19 mai 2021.

La reprise du secteur s’est amorcée mais reste freinée par les protocoles sanitaires, le faible nombre de touristes internationaux et le fait qu’une partie du public n’a pas, ou pas encore, retrouvé le chemin des théâtres et des concerts. Alors que l’ensemble des dispositifs mis en place ont prouvé leur efficacité en permettant d’éviter les faillites d’entrepreneurs du spectacle, il est encore trop tôt pour y mettre un terme.

Afin d’accompagner le secteur, en association avec les crédits prévus dans le cadre du plan de relance, les crédits de l’action 1 Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant augmentent de 4,5 %. Ils passent ainsi de 750 millions d’euros en autorisations d’engagement et 726 millions d’euros en crédits de paiement en 2021 à, respectivement, à 782 et 758 millions d’euros en 2022.

1.   L’État assure un soutien au secteur privé via les opérateurs sectoriels

Les lois de finances rectificatives n°2020‑289 du 23 mars 2020 et n° 2020‑473 du 25 avril 2020 ont abondé les dotations des établissements publics sectoriels et des opérateurs du ministère de la Culture afin de mettre en place des mécanismes de sauvegarde adaptés au spectacle vivant. Ainsi, l’Association pour le soutien au théâtre privé (ASTP) et le Centre national de la musique (CNM) ont respectivement créé des fonds d’urgence adaptés à leur secteur.

La loi de finances rectificative n° 2020‑935 du 30 juillet 2020 a créé un fonds doté de 10 millions d’euros afin de soutenir les festivals annulés ou déficitaires en raison des mesures sanitaires. Ce fonds a été renouvelé en 2021, à partir de crédits complémentaires ouverts en cours de gestion, à hauteur de 30 millions d’euros, dont 20 millions d’euros pour les festivals de musique via le CNM et 10 millions d’euros pour les autres festivals via les DRAC, pour soutenir les festivals soumis à la mise en œuvre de mesures de restrictions sanitaires.

Ces fonds se sont ajoutés aux moyens habituellement consacrés aux festivals subventionnés, de l’ordre de 21 millions d’euros. En outre, l’aide aux festivals est réabondée par le présent projet de loi de finances de 10 millions d’euros de mesures nouvelles pour renforcer le soutien aux festivals de spectacle vivant et d’arts visuels. Il s’agit de moyens pérennes mobilisés pour accompagner un plus grand nombre de festivals dans le développement de leurs projets.

Cette même loi de finances rectificative a mis en place un fonds de compensation des jauges dégradées géré par le CNM pour les spectacles musicaux et par l’ASTP pour le théâtre.

Enfin, un fonds d’urgence spécifique de solidarité pour les artistes et les techniciens du spectacle (FUSSAT) a été créé, doté de 10 millions d’euros financés par le budget de la Culture en 2020, géré par AUDIENS, groupe de protection sociale et de prévoyance à destination des professionnels de la culture. Cette aide financière permet de cibler les artistes qui n’étaient éligibles ni aux précédentes aides octroyées par les divers fonds de soutien mis en place, ni au prolongement des droits des intermittents du spectacle. Ce fonds est relativement peu utilisé, ce qui montre que les dispositifs généraux sont pertinents.

a.   Le soutien exercé par l’Association pour le soutien au théâtre privé (ASTP)

L’Association pour le soutien au théâtre privé (ASTP) a pour principal objet la gestion d’un fonds de support au théâtre privé en vue de soutenir la création théâtrale, la production de spectacles, leur promotion et leur diffusion. Son financement est assuré par des subventions publiques de l’État et de la Ville de Paris, par des contributions des organismes de gestion collective (OGC) ainsi que par une partie de la taxe sur les spectacles, créée par les articles 76 et 77 de la loi de finances rectificative n°2003‑1312 du 30 décembre 2003, qui lui est affectée.

La crise sanitaire a rendu les actions de solidarité entre les théâtres privés d’autant plus nécessaires. Malgré des subventions publiques stables en 2020, la crise sanitaire a fragilisé l’ASTP en raison d’une diminution des prévisions de recettes de la taxe affectée pour l’année 2020 liée à l’annulation de nombreux spectacles lors du premier semestre 2020 puis à la décision d’exonérer les entreprises du spectacle vivant de cette taxe jusqu’à fin 2021.

En complément des dispositifs classiques, un fonds d’urgence pour le spectacle vivant (FUSV) a été institué afin de soutenir les théâtres privés et les compagnies non conventionnées. Géré par l’ASTP, il a été principalement financé par l’État au gré des lois de finances qui se sont succédées ainsi que par la Ville de Paris et la région Île‑de‑France. L’ASTP a également géré un fonds de compensation pour les annulations et un fonds de compensation pour les pertes de billetterie causées par les mesures de jauge. Ces fonds ont été ouverts au secteur du cirque traditionnel à partir de septembre 2020, secteur auquel l’ASTP ne s’adressait pas jusqu’alors.

En 2020, l’ASTP a bénéficié de près de 30 millions d’euros de l’État par redéploiements, ouverture en loi de finances rectificative et décrets de dépenses accidentelles et imprévisibles.

En 2021, 10 millions d’euros ont été à nouveau consacrés par l’État aux fonds d’urgence de l’ASTP dans le cadre du plan de relance. Face à la prolongation de la fermeture des lieux au premier semestre 2021, les différents fonds d’urgence de l’ASTP ont été réabondés de 15 millions d’euros en cours d’année.

Dans son audit flash ([3]) publié fin septembre 2021 consacré au soutien du ministère de la culture au spectacle vivant pendant la crise de la covid 19, la Cour des comptes constate que l’ASTP a joué son rôle d’opérateur de guichet avec diligence et que la totalité des crédits consacrés aux fonds d’urgence ont été consommés. Au 31 mars 2021, l’ASTP avait versé environ 35 millions d’euros aux exploitants et entrepreneurs de spectacles ainsi qu’aux compagnies et aux cirques, au titre des aides relevant des fonds d’urgence au spectacle vivant qui se sont succédés en 2020 et 2021. Au total, plus de 2 700 structures, 769 spectacles et 6 943 représentations, sans compter les cirques, ont été aidés.

La Cour observe cependant que les conventions avec les opérateurs et les règlements des différentes aides sectorielles, tels qu’ils sont conçus, ne permettent pas à l’État de s’assurer que le bénéfice des mesures générales et sectorielles n’a pas conduit à des effets d’aubaine voire de surcompensation. Cette remarque vaut également pour les aides octroyées par le Centre national de la musique (CNM).

b.   Le soutien exercé par le Centre national de la musique

Le Centre national de la musique (CNM), nouvel opérateur créé par la loi  2019-1100 du 30 octobre 2019, accompagne à la fois le secteur du spectacle vivant musical et celui de la musique enregistrée. Il est rattaché à la mission Médias, livre et industries culturelles qui couvre la musique enregistrée.

Mis en place au 1er janvier 2020, le CNM n’aura connu jusqu’à présent qu’une situation de crise et aura dès le début été le vecteur essentiel de l’aide apportée par l’État au spectacle vivant. Doté de 8 millions d’euros de crédits budgétaires en loi de finances initiale pour 2020, il s’est vu confier 152 millions d’euros en 2020 pour faire face à la crise. S’y sont ajoutés, pour 2021, 170 millions d’euros au titre du plan de relance ainsi que les deux tiers des crédits du fonds Festivals 2021 (soit les 20 millions d’euros destinés à la musique) et 38 millions d’euros destinés au réabondement du fonds billetterie, annoncés au printemps 2021.

Ces contributions de l’État se sont ajoutées aux abondements du CNM sur fonds propres (25,8 millions d’euros), aux subventions que ce dernier a reçues des collectivités territoriales (1,7 million d’euros, dont 1,4 million d’euros de la Ville de Paris et 0,3 million d’euros de la Région Île-de-France) et aux versements provenant d’organismes collecteurs de droits d’auteur (SACEM, ADAMI et SPEDIDAM, pour un total de 1,5 million d’euros en mars 2020).

Au 11 octobre 2021, le CNM a engagé 122,4 millions d’euros.

Le fonds de compensation billetterie a été mis en place en octobre 2020 pour accompagner la reprise des professionnels du spectacle vivant de musique et de variétés, dans un contexte de contrainte de jauge. Ce fonds a été peu utilisé au départ puisque les salles de spectacle sont restées fermées jusqu’en juin 2021. Tant que sera maintenue, dans certains territoires, une jauge maximale à 75 % pour les concerts debout dans les salles fermées, il apparaît nécessaire de prolonger ce fonds, qui devait s’arrêter au 30 septembre 2021. Ainsi, le conseil d’administration d’octobre a décidé de le prolonger jusqu’à la fin de l’année 2021. Les équipes du CNM estiment que le nombre total de dossiers soutenus devrait s’élever à 600 en fin d’année 2021, pour un budget total de 30 millions d’euros.

De même, le fonds de soutien exceptionnel aux festivals devait s’arrêter au 30 septembre 2021 mais a été prolongé par le conseil d’administration du CNM jusqu’au 31 décembre 2021. À ce stade, le montant total des crédits engagés s’élève à 16,4 millions d’euros, pour un budget de 20 millions d’euros. Certes, un grand nombre de festivals ont lieu l’été, néanmoins il ne serait pas cohérent de ne pas soutenir ceux qui ont lieu dans les derniers mois de l’année.

La Cour des comptes, dans son audit flash précité, note que la consommation des crédits est moins élevée au CNM qu’à l’ASTP, de l’ordre de 55 % au 31 mars 2021. Elle explique cela par le statut d’établissement public du CNM et par son mode de fonctionnement, reposant sur des instances de concertation et de consultation relativement complexes, mais qui sont aussi un gage de sérieux. Par ailleurs, le CNM a le souci de maintenir les équilibres entre les différents secteurs musicaux qu’il soutient.

Pour 2022, 35 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus par le plan de relance et 26,5 millions d’euros par le programme 334 Livre et industries culturelles. Le montant de recettes de la taxe sur les spectacles est quant à lui très incertain à ce stade.

La rapporteure pour avis souligne la nécessité de prendre en compte la situation des auteurs, compositeurs et éditeurs, pour lesquels les effets de la crise sont différés. En raison du décalage de 10 à 12 mois entre la collecte des droits d’auteurs et leur répartition, les auteurs, compositeurs et éditeurs s’apprêtent à connaître les moments les plus difficiles de la crise en 2022. Ainsi, le CNM envisage de prolonger les dispositifs exceptionnels dédiés à ces professionnels, pour un montant de 20 millions d’euros pour les auteurs et compositeurs et de 3,5 millions d’euros pour les éditeurs (1,5 million d’euros ont été engagés sur 5 mois en 2021).

Il sera également nécessaire de maintenir un fonds de soutien aux entreprises en difficultés en 2022, pour éviter les faillites. En effet, la reprise dans le spectacle vivant musical et de variétés est lente, alors que les charges augmentent et qu’il faut financer de nouvelles productions. La situation des grands cabarets parisiens est particulièrement préoccupante, car leur public est normalement constitué en grande partie de touristes étrangers.

La rapporteure pour avis considère donc qu’il faudra au minimum permettre au CNM de redéployer, au moyen de la mobilisation de son fonds de roulement, les 137,4 millions d’euros des crédits d’intervention non consommés en 2021 vers l’exercice 2022.

Se posera ensuite la question du financement du CNM à long terme. Celuici ne pourra pas être assis uniquement sur la taxe sur les spectacles, dont l’assiette ne correspond pas à l’ensemble des secteurs aidés par le CNM, et dont les recettes ne sont pas suffisantes pour couvrir ses missions. La rapporteure pour avis souhaite que le Parlement se saisisse de cette question afin d’envisager la façon dont la musique enregistrée, notamment les plateformes de streaming et les plateformes vidéo, pourraient contribuer au financement de la création musicale.

2.   Le financement des grands opérateurs

● L’État versera 259 millions d’euros de subventions pour charges de service public aux opérateurs du spectacle vivant en 2022, soit dix établissements publics et une association : l’Opéra de Paris (98 millions d’euros), la Cité de la musique (42 millions d’euros), la Comédie française (25 millions d’euros), les cinq théâtres nationaux (entre 10 et 14 millions d’euros chacun), la Grande Halle de la Villette (21 millions d’euros), le Centre national de la danse (9 millions d’euros) et l’Ensemble intercontemporain (4 millions d’euros).

Ces opérateurs percevront également 14 millions d’euros de dotations en fonds propres pour leurs investissements.

● D’autre part, 48 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 26 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus pour des investissements de l’État.

Il s’agit notamment du projet de Cité du Théâtre et de la relocalisation sur le site de Bastille des activités de l’Opéra national de Paris actuellement hébergées aux ateliers Berthier, pour lesquels sont prévus 9 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement. Ces projets ont pris du retard, et le Gouvernement semble repousser les décaissements d’année en année.

La ministre de la Culture a confié à MM. Georges François Hirsch et Christophe Tardieu une mission plus générale sur l’Opéra de Paris qui devait entre autres se prononcer sur l’opportunité des travaux prévus sur le site de Bastille : le déménagement des ateliers Berthier mais aussi l’aménagement d’une troisième salle modulable.

 

L’Opéra national de Paris

La situation de l’Opéra de Paris est particulièrement difficile. Frappé de plein fouet par la crise sanitaire, dans un contexte déjà très dégradé par la plus longue grève qu’ait connue l’établissement, fin 2019, l’établissement public estime son déficit sur 2020-2022 à près de 110 millions d’euros.

L’Opéra de Paris a réalisé 40 millions d’euros d’économies en 2020. Néanmoins, l’établissement ne pouvant avoir recours au chômage partiel, le déficit d’exploitation s’est creusé. Au cours des dix dernières années, l’Opéra de Paris avait fait passer sa capacité d’autofinancement de 43 % à 56 % grâce au développement du mécénat, de la billetterie et des visites. La subvention de l’État a ainsi diminué de 15 millions d’euros en 10 ans (soit un quart en coût réel). Le revers de cette dynamique est que l’Opéra s’est trouvé plus vulnérable face à l’arrêt de son activité.

En 2021, les salles sont restées fermées aux spectateurs jusqu’en mai, avant d’être ouverte avec une jauge réduite. Celle-ci n’a plus court mais le taux de remplissage des salles reste dégradé, avec une fréquentation de 50 à 60 % des capacités au lieu de 80 à 90 % en temps normal. Cela s’explique par le très faible nombre de touristes étrangers mais aussi par la baisse de moitié du nombre d’abonnés.

Les grands mécènes, particuliers et entreprises, sont restés fidèles mais les plus petits ont diminué leurs dons pendant la crise. Les recettes de mécénat atteignent ainsi 13 millions d’euros sur chacun des exercices 2020 et 2021 contre 18 millions d’euros en 2019.

Dans le cadre du plan de relance, l’État apporte un soutien exceptionnel de 81 millions d’euros à l’Opéra national de Paris :

– 61 millions d’euros doivent permettre de couvrir une partie des pertes des exercices 2020, 2021 et 2022 ; le reste des pertes doit être absorbé par le fonds de roulement – et pèsera donc sur la capacité d’investissement ;

– 20 millions d’euros sont consacrés aux investissements ; initialement destinés à l’aménagement de la salle modulable de l’Opéra Bastille, qui devait devenir une troisième grande salle d’opéra, ils seront finalement réorientés vers la réhabilitation des deux sites Garnier et Bastille.

Par ailleurs, pour 2022, le soutien de l’État à l’Opéra de Paris a été renouvelé par :

– le relèvement de la subvention annuelle de fonctionnement de 900 000 euros pour la porter à 98 millions d’euros ;

– le relèvement de la subvention d’investissement de 1,5 millions d’euros à 5 millions d’euros pour financer le plan pluriannuel d’investissement 2022‑2028.

Cependant, l’État a posé comme condition au soutien apporté à l’Opéra de Paris la mise en œuvre d’une réforme durable de son fonctionnement. Une feuille de route conduisant au retour à l’équilibre à l’horizon 2024 doit être présentée par l’établissement en vue de la mise en place d’un cadre contractuel avec la tutelle. Ce travail est d’ores et déjà entamé et doit faire l’objet de concertations avec les représentants du personnel.

Les réflexions sur le modèle artistique, économique et social de l’Opéra de Paris se font à la lumière du rapport d’audit précité commandé par la ministre de la Culture à MM. Hirsch et Tardieu. Ce rapport n’a pas été rendu public.

La première décision consécutive à ce rapport est le report sine die du projet d’aménagement de la salle modulable de Bastille. Un tel projet n’est pas apparu comme prioritaire, tant au regard des besoins d’investissement incontournables pour faire fonctionner les deux sites que de la situation financière très dégradée de l’établissement public. La rapporteure pour avis approuve cette décision : le retour d’un bon taux de fréquentation des deux salles existantes (Garnier et Bastille) et d’une situation financière assainie sont un préalable à l’aménagement d’une troisième salle.

Le volume de la salle modulable non aménagé restera disponible pour d’autres projets. L’Opéra et la RMN-GP sont actuellement en discussion pour que cet espace puisse être mis à disposition de cette dernière pour accueillir des expositions immersives pendant la rénovation du Grand Palais.

Le déménagement des activités de l’Opéra Garnier situées actuellement aux ateliers Berthier dans le 17e arrondissement vers l’Opéra Bastille est en revanche toujours envisagé, afin de permettre la réalisation du projet de Cité du Théâtre. Il nécessite l’extension des ateliers l’Opéra Bastille.

Le budget du projet de salle modulable et d’extension de l’Opéra Bastille était de 59 millions d’euros, dont 50 millions d’euros financés par l’État : 30 millions d’euros déjà inscrits dans les comptes de l’établissement et 20 millions d’euros prévus en 2022 dans le cadre du plan de relance. Ces moyens restent acquis à l’établissement. Ils permettront de financer une partie de ses besoins incompressibles d’investissement et de soutenir sa transformation. L’établissement, en contrepartie, doit mettre en œuvre les mesures permettant de mieux maîtriser ses dépenses et de revenir à un haut niveau de recettes propres.

En ce qui concerne les autres investissements de l’État, 7 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 0,7 million de crédits de paiement sont prévus pour la restauration des façades du Centre national de la danse (CND) situé à Pantin.

7 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement sont inscrits pour le Théâtre national de la danse de Chaillot pour l’établissement des études préalables au projet de rénovation de la salle Jean Vilar qui doit être financé en partie par le plan de relance au titre de la réduction de l’empreinte énergétique des bâtiments publics.

25 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 9 millions d’euros de crédits de paiements sont enfin prévus pour des travaux ne relevant pas de l’investissement courant des opérateurs, comme la mise aux normes énergétiques des ateliers de construction de la Comédie française, des travaux de remise à niveau des réseaux du Théâtre de l’Odéon ou d’autres travaux qui ont pris du retard (au Théâtre national de la Colline, à l’Opéra-comique et au Théâtre national de Strasbourg).

3.   Les crédits déconcentrés de soutien au spectacle vivant

● À côté du financement des grandes institutions, la politique de l’État en matière de soutien au spectacle vivant passe par l’attribution de labels qui ouvrent droit à des subventions. Les labels sont les suivants : centre dramatique national, scène nationale, opéra national en région, orchestre national en région, centre chorégraphique national, scène de musique actuelle, centre national des arts de la rue, centre national de création musicales, pôle national du cirque.

Le programme 131 Création comporte 363 millions d’euros de crédits déconcentrés d’intervention destinés aux structures labellisées, à d’autres lieux de création et de diffusion, aux festivals, aux résidences d’artistes et aux équipes artistiques indépendantes ([4]) . Ces crédits sont à nouveau en hausse de 18 millions d’euros par rapport à l’année 2021, dont 10 millions d’euros pour les seuls festivals et 8 millions d’euros pour les labellisations en cours, les résidences et le renforcement des marges artistiques. Le projet annuel de performances indique qu’une attention particulière sera apportée aux structures les plus fragilisées par les impacts de la crise sanitaire. Il appartiendra aux DRAC de répartir ces crédits.

À cet égard, certaines organisations ont fait part à la rapporteure pour avis de l’opacité de l’utilisation des crédits par les DRAC en cours d’exercice, ainsi que sur le dégel tardif de la réserve de précaution, qui ne permet pas aux institutions subventionnées de se projeter. S’il est normal de laisser une certaine marge d’appréciation aux gestionnaires, il serait souhaitable de connaître la répartition des crédits a posteriori.

Les 310 lieux labellisés recevront 221 millions d’euros en 2021 (contre 217 millions en 2020).

● En ce qui concerne les investissements, 21,7 millions en autorisations d’engagement et 19,7 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus, de manière similaire à l’année dernière. Les contrats de plan État‑région (CPER) 2021‑2027 ont presque tous été publiés. 13,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et 12,7 millions d’euros en crédits de paiement sont inscrits pour les CPER, y compris pour des projets relevant des précédents CPER qui ne sont pas terminés. Dans le cadre des nouveaux CPER, l’État finance des opérations telles que la construction de la Scène nationale de Blois ou la rénovation du Centre dramatique national de Nanterre (Théâtre des Amandiers).

4.   Le soutien aux productions à travers le crédit d’impôt spectacle vivant, élargi au théâtre

Le crédit d’impôt pour dépenses de création, d’exploitation et de numérisation d’un spectacle vivant musical ou de variétés, dit « crédit d’impôt spectacle vivant », permet de soutenir la création et d’encourager la diffusion des spectacles sur tout le territoire. Les bénéficiaires de ce crédit sont les entreprises créatrices de spectacles qui emploient des artistes émergents. En tant que dépense fiscale, il est rattaché au programme 131 Création. Cette dépense s’est élevée à 22 millions d’euros en 2020 et est estimée au même montant en 2021 et 2022.

Instauré par la loi de finances pour 2016, il porte sur les dépenses de création, d’exploitation et de numérisation d’un spectacle vivant musical français, plafonnées à 500 000 euros par spectacle. Le crédit d’impôt est égal à 15 % (ou 30 % pour les PME) des dépenses éligibles et plafonné à 750 000 euros par entreprise et par année. De manière temporaire et pour relancer la programmation de spectacles, le critère du nombre de représentations minimum a été abaissé à deux (contre quatre) dans deux lieux différents (au lieu de trois) par la loi de finances pour 2021. Ainsi, les estimations de dépenses sont plus élevées que ce qu’elles étaient dans le projet annuel de performances pour 2021. Cela s’explique aussi par le fait que les spectacles de variétés ont été réintégrés à compter du 1er janvier 2020.

Ce crédit d’impôt avait été étendu au théâtre en loi de finances rectificative pour 2020, ce dont la rapporteure pour avis se réjouit, ayant soutenu des amendements en ce sens depuis plusieurs années. Cependant, les critères d’émergence prévus pour le spectacle musical ne pouvant s’appliquer aux spectacles de théâtre, un crédit d’impôt spécifique aux représentations théâtrales d’œuvres dramatiques a été institué par l’article 22 de la loi de finances pour 2021.

Ce dispositif n’est entré en vigueur qu’à compter du 28 mai 2021, à la suite de la publication du décret n° 2021-655 du 26 mai 2021. Les dépenses de création, d’exploitation et de numérisation de représentations théâtrales d’œuvres dramatiques doivent porter sur un spectacle présentant les caractéristiques suivantes : présenter des coûts de création majoritairement engagés sur le territoire français, constituer la première exploitation d’un spectacle caractérisé par une mise en scène et une scénographie nouvelles, être interprété par une équipe d’artistes composée à 90 % au moins de professionnels, disposer d’au moins six artistes en plateau et être programmé pour plus de vingt dates sur une période de douze mois consécutifs dans au moins deux lieux différents. La rapporteure pour avis observe que le minimum de six artistes exclut les plus petites scènes.

Compte tenu de cette entrée en vigueur tardive, le dispositif n’a donc été que peu sollicité par les entreprises. À la fin du premier semestre 2021, la mesure avait fait l’objet de vingt-cinq demandes d’agrément provisoire déposées auprès du ministère de la Culture.

B.   Le soutien aux ARTS VISUELS

Dans une moindre mesure, le secteur des arts visuels est aussi fragilisé par la crise sanitaire.

Dans le projet de loi de finances pour 2022, l’action 2 Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts visuels bénéficie d’une augmentation sensible de ses moyens avec + 16,7 millions d’euros, dont 11,5 millions d’euros de mesures nouvelles.

Dans le plan de relance, 9,9 millions d’euros sont destinés exclusivement aux arts visuels :

– 3,9 millions d’euros pour soutenir les opérateurs et établissements nationaux assimilés de la création (2,9 millions d’euros pour le Palais de Tokyo et 1 million d’euros pour l’établissement de Sèvres - Cité de la céramique) ;

– 6 millions d’euros pour renforcer les dispositifs du Centre national des arts plastiques (CNAP) en faveur des artistes plasticiens et des galeries d’art, soutenir les jeunes créateurs de mode et les métiers d’art, renforcer les moyens des FRAC, centres d’art et autres lieux non labellisés en région.

Par ailleurs, 30 millions d’euros de crédits du plan de relance sont également mobilisés en priorité pour les jeunes créateurs, dans le cadre d’un plan de commandes artistiques annoncé par le Président de la République en septembre 2020. Ouvert à toutes les esthétiques, ce grand plan de commandes doit permettre de soutenir notamment des projets dans le domaine des arts visuels. L’appel à manifestation d’intérêt propose aux artistes d’inscrire leurs œuvres dans un des monuments historiques proposés par le CMN et le conservatoire du littoral. L’appel était ouvert aux candidatures du 28 juin au 22 août 2021. À l’issue d’une première sélection, chaque artiste a reçu une bourse d’étude forfaitaire pouvant atteindre 10 000 euros. En trois mois maximum, ils doivent produire les documents détaillés permettant le chiffrage du coût de réalisation ou de mise en production de leur projet. La liste définitive des projets retenus sera alors arrêtée.

1.   Le soutien aux institutions

● Au niveau central, le ministère soutient deux institutions au rayonnement national et international : le Jeu de Paume pour la photographie et le Palais de Tokyo pour la création contemporaine sous toutes ses formes. Comme en 2021, 4,7 millions d’euros sont prévus pour le Jeu de Paume en 2022 et 6,9 millions d’euros pour le Palais de Tokyo.

6,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 5,8 millions d’euros en crédits de paiement sont consacrés aux dépenses de fonctionnement du Mobilier national et aux manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie. Les moyens du Mobilier national sont renforcés de 1,5 million d’euros en 2022 pour accompagner sa transformation en établissement public administratif, tourné davantage vers la valorisation et la transmission des savoir-faire des métiers d’art et du design.

4,1 millions d’euros de subventions pour charges de service public sont prévus pour la Cité de la Céramique de Sèvres et Limoges et 7,8 millions d’euros pour le CNAP, cette dernière en hausse de 200 000 euros. Le CNAP reçoit également une dotation en fonds propres de 2,5 millions d’euros afin d’acquérir des œuvres et de soutenir des artistes plasticiens.

Les dépenses d’investissements s’élèvent à 5,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 25,2 millions d’euros en crédits de paiement. Parmi ceux-ci, 20 millions d’euros sont consacrés au chantier de relocalisation du CNAP, dont les réserves sont actuellement conservées sous la dalle de La Défense, sur le site de Pantin. Ils assureront aussi le déménagement d’une partie des réserves du Mobilier national sur ce même site.

● Les crédits déconcentrés sont à nouveau en hausse, passant à 30 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement (contre 28 millions en 2021 et 25 millions en 2020). La politique déconcentrée du ministère de la Culture en matière d’arts visuels repose principalement sur deux labels : les Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) et les Centres d’art contemporain d’intérêt national (CACIN). On compte 22 FRAC et 54 CACIN depuis 2020.

Outre les 9 millions d’euros de crédits déconcentrés prévus pour le fonctionnement des FRAC et les 7,4 millions d’euros pour les CACIN, 2 millions d’euros sont destinés à accompagner les labellisations en cours et le renforcement des marges artistiques.

En matière d’investissements, 7,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 5,4 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus pour permettre aux FRAC de se doter d’équipements répondant aux normes internationales, qui faciliteront la circulation des œuvres en région.

De plus, 0,6 million d’euros en autorisations d’engagement et 2,5 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus dans le cadre des CPER afin de poursuivre l’effort en faveur des FRAC comme, par exemple, l’aménagement du nouveau bâtiment du FRAC de Limoges et le déménagement du FRAC Auvergne‑Halle aux Blés. En ce qui concerne les nouveaux CPER (2021-2027), toutes les opérations ne sont pas encore arbitrées.

2.   Le soutien aux artistes

En matière de soutien aux créateurs, la politique du ministère de la Culture repose à la fois sur des dispositifs d’aides directes aux artistes et aux professionnels, et sur des commandes artistiques passées par le CNAP ou par les collectivités territoriales, avec le soutien de l’État.

● Ainsi, le CNAP dispose d’un budget d’acquisition en hausse, qui s’établit à 2,25 millions d’euros, enfin d’enrichir le Fonds national d’art contemporain (FNAC).

● Par ailleurs, les FRAC développent des politiques d’acquisitions spécifiques en fonction des projets de chaque structure dans le but de favoriser la diversité des esthétiques et des bénéficiaires. En 2022 comme en 2021, l’État dote les FRAC de 2,4 millions d’euros afin de soutenir leurs achats.

 En parallèle de la commande publique, la politique du « 1 % artistique » constitue un instrument essentiel du développement des projets artistiques dans les lieux publics et les schémas d’orientation pour le développement des arts visuels (SODAVI) restent un axe fort de la politique de l’action de l’État en direction des arts visuels et des territoires. Leur dotation sera de 900 000 euros en 2022.

Les crédits alloués aux aides individuelles aux artistes attribuées pour favoriser l’installation de leur atelier ou l’achat de matériel doubleront en 2022, pour atteindre 1,6 million d’euros.

 

Le Centre national des arts plastiques (CNAP)

 

Le CNAP a deux missions principales : d’une part, mener une politique d’acquisition d’œuvres d’art contemporain, d’autre part accompagner et aider les artistes et les professionnels des arts plastiques.

Le budget d’acquisition s’élève à 2,25 millions d’euros en 2022. Il ne doit pas être confondu avec le programme de commande publique décidé dans le cadre du plan de relance, doté de 30 millions d’euros sur deux ans, qui ne vise pas des acquisitions.

La mission de soutien aux artistes s’est beaucoup développée à l’occasion de la crise sanitaire. Pour répondre aux effets de la crise sanitaire, le CNAP a maintenu l’ensemble des dispositifs qui caractérisent son soutien à la création artistique et s’est vu doter, en complément, de moyens supplémentaires afin de mettre en place des aides d’urgence :

– le secours exceptionnel, dispositif qui existait déjà, est une aide ponctuelle visant à soutenir des artistes en difficultés financières ; grâce aux fonds apportés par le plan de relance, l’aide a été réévaluée à 1 500 euros et a été élargie aux commissaires, théoriciens et critiques d’art ; un millier d’aides ont été accordées à ce titre en 2021, pour un montant d’environ 1,5 million d’euros ; 3 millions d’euros ont été apportés par le plan de relance ;

– un fonds d’urgence a été créé en mars 2020 afin de compenser les pertes de rémunération subies par des artistes-auteurs, des commissaires, des critiques et des théoriciens d’art ; puis, en 2021, un fonds exceptionnel de garantie des revenus artistiques a été créé. L’aide est accordée en fonction de l’attestation d’un montant de revenus annuels de plus de 3 000 euros et d’une perte de plus de 40 % du chiffre d’affaires par rapport à 2019 ; le fonds a été doté de 5 millions d’euros par le plan de relance. Seules 150 demandes ont été soumises et 266 000 euros alloués au 31 août 2021. Ce dispositif paraît mal ciblé et il semble que les artistes se soient d’abord tournés vers le fonds de solidarité (dispositif transversal à destination de tous les secteurs) dont l’aide n’est pas cumulable avec l’aide du CNAP ; ce dispositif a été beaucoup plus sollicité dans les autres secteurs (CNM, ASTP) ;

– une aide exceptionnelle ciblée sur les charges fixes au profit des galeries d’art contemporain ; elle est financée à hauteur de 2 millions d’euros par le plan de relance ;

 un fonds d’acquisition exceptionnel doté de 1,2 million a été déployé grâce aux crédits supplémentaires accordés en loi de finances rectificative, en soutien de la politique d’acquisition du CNAP.

La rapporteure pour avis a appris au cours de ses auditions que seul un emploi sur les 77 que compte le centre est dédié à l’accompagnement des artistes, ce qui est peu, a fortiori en période de crise.

À l’occasion du déménagement des réserves de La Défense vers le site de Pantin, le CNAP a entrepris un travail de récollement de l’ensemble des 40 000 œuvres qui constituent sa collection – sans compter les 60 000 œuvres déposées dans des lieux publics. 75 % sont d’ores et déjà récollées. Ce travail mobilise une part importante des équipes.

L’installation sur le site de Pantin est prévue pour 2024. Or, le loyer du site de La Défense connaîtra une multiplication par 3 à partir d’août 2023. Un éventuel retard dans la livraison du site de Pantin aurait donc des conséquences financières importantes.

C.   Le soutien À L’EMPLOI DANS LE SECTEUR CULTUREL

Les crédits de l’action 6 « Soutien à l’emploi et structuration des professions » passent, dans le projet de loi de finances pour 2022, de 45 à 50 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une augmentation de 12 millions d’euros en deux ans (+30 %). Cette action finance plusieurs dispositifs, dont un nouveau.

● Le plan artistes-auteurs est doté de 2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. La mise en place de ce plan fait suite aux recommandations du rapport de Bruno Racine, intitulé « L’auteur et l’acte de création ». Les crédits doivent permettre :

‑ d’accompagner la recomposition du conseil d’administration de l’organisme de gestion de sécurité sociale des artistes-auteurs, à travers la désignation de ses membres par une enquête de représentativité, et de soutenir la structuration du secteur ;

‑ de mettre en place un portail numérique accessible aux auteurs rappelant les règles juridiques, sociales et fiscales qui leur sont applicables ;

‑ d’améliorer les dispositifs d’aides en faveur des auteurs au sein des différents centres nationaux et de développer le cas échéant davantage d’accompagnement social et professionnel.

● L’action finance la compensation de la hausse de la CSG pour les artistes-auteurs par le biais d’une prise en charge de leurs cotisations sociales, pour 18 millions d’euros.

● Les crédits du Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) s’élèvent à 27 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement en 2022, ce qui constitue une nouvelle hausse de 5 millions d’euros par rapport à 2021, après une hausse de 5 millions d’euros l’année précédente.

Après une mise en place laborieuse et une consommation des crédits en deçà des prévisions de consommation, les dispositifs du FONPEPS ont connu un recours croissant depuis 2020, après simplification du dispositif, et il s’est avéré nécessaire de revoir à la hausse sa dotation budgétaire.

Ces crédits permettent aussi le financement du fonds de professionnalisation et de solidarité, dispositif de soutien professionnel mis en place par l’État en 2007 pour proposer des solutions pérennes aux artistes et aux techniciens du spectacle en difficulté, afin qu’ils puissent poursuivre ou renouer avec une carrière professionnelle.

● Enfin, 3 millions d’euros sont à nouveau prévus pour le soutien aux organismes professionnels et syndicaux à la fois pour le spectacle vivant et pour les arts visuels.

Le dispositif de « l’année blanche » pour les intermittents du spectacle

Le dispositif dit de l’année blanche en faveur des intermittents du spectacle permet, depuis le 1er mars 2020, de garantir une indemnisation aux 120 000 artistes et techniciens intermittents bénéficiaires de l’assurance chômage au titre des annexes 8 et 10 de la convention sociale. Il a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2021.

Ce dispositif entraîne à la fois la prolongation des droits aux allocations, mais aussi des modalités spécifiques de réadmission pour les personnes qui en bénéficient. Concrètement, au 1er janvier 2022, les bénéficiaires auront atteint la fin de leurs droits. Pour bénéficier du renouvellement de leurs droits à l’allocation de retour à l’emploi spectacle au titre des annexes 8 ou 10, ils devront justifier de 507 heures au titre des annexes 8 et 10 dans les 12 mois précédant la dernière fin de contrat de travail. À défaut de justifier des 507 heures spectacle dans les 12 mois, et à titre exceptionnel, ces heures pourront être recherchées par période de 30 jours au-delà du 365e jour précédant la fin du contrat de travail.

La crise sanitaire perdurant, la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion et la ministre de la culture ont confié le 1er février 2021 à M. André Gauron une mission de diagnostic sur la situation des intermittents après le 31 août 2021, qui était alors la date prévue de fin du dispositif. Ce rapport a conclu que l’année blanche avait permis de remplir son premier objectif, c’est-à-dire de garantir les droits sociaux et les revenus des intermittents du spectacle, mais qu’elle n’avait pas résolu la question de la reprise de l’emploi dans le secteur. À la suite de ce rapport, le dispositif a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2021. En complément de la prolongation de la mesure, différentes mesures d’aménagement, ainsi qu’un dispositif spécifique pour les intermittents de moins de 30 ans entrant dans le régime ont été prises. Ces mesures vont permettre à ceux qui, faute de périodes travaillées suffisantes, ne parviendraient pas à renouveler leurs droits aux allocations, de bénéficier de l’accès à une indemnité pendant toute l’année 2022.

Le coût total de l’année blanche (949 millions d’euros) et de sa prolongation jusqu’à la fin de l’année 2021 (364 millions d’euros) est estimé à 1,3 milliard d’euros, ce qui est une somme très importante.Une réflexion de fond sur le régime des intermittents du spectacle est certainement à envisager.

 


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III.   programme 361 transmission des savoirs et dÉmocratisation de la culture : le poids considérable du Pass Culture

Le programme 361 regroupe les crédits des actions de démocratisation de la culture, d’éducation artistique et culturelle et de l’enseignement supérieur de la culture.

Les crédits de ce programme connaissent une augmentation considérable en 2022 (+171 millions d’euros soit +30 %), du fait de la généralisation et de l’extension du Pass Culture.

répartition des crédits du programme 361
transmission des savoirs et dÉmocratisation de la culture

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

Action

Ouverts en LFI 2021

Demandés pour 2022

Ouverts en LFI 2021

Demandés pour 2022

Variation des CP

Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle

245,6

258,5

241,2

262,5

+8,8 %

Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle

220,2

381,2

220,4

369,4

+67,6 %

Langue française et langues de France

3,2

4,2

3,2

4,2

+31,3 %

Recherche culturelle et culture scientifique et technique

112,6

112,4

111,9

111,9

-

Total programme 361

581,5

756,4

576,6

747,9

+29,7 %

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2022.

À cela s’ajoutent les crédits du plan de relance. En 2021, 70 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 50 millions d’euros de crédits de paiement ont été ouverts en faveur du réseau des écoles d’architecture et de la création. Pour 2022, 20 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus.

A.   L’Enseignement supÉrieur et la recherche dans le domaine artistique et culturel

Le ministère de la Culture exerce le contrôle pédagogique de 150 établissements d’enseignement supérieur qui accueillent près de 37 000 étudiants dans les six domaines suivants : architecture, patrimoine, arts plastiques, spectacle vivant, cinéma et audiovisuel.

Les crédits de l’action 1 « Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle » connaissent des transferts importants vers d’autres programmes, notamment les crédits de l’Académie de France à Rome qui passent au programme 131 et les crédits de l’ancien département de l’innovation et du numérique qui passent dans le programme 224.

Hors transferts, les crédits de paiement de l’action « Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle » sont en augmentation de 18 millions d’euros en autorisations d’engagement et 26 millions d’euros en crédits de paiement, soit 11 %.

Les nouveaux crédits bénéficient essentiellement :

– aux bourses sur critères sociaux, afin de tenir compte de la réalité de la consommation des crédits en 2020 et 2021 (+ 4 millions d’euros après une augmentation de 3 millions d’euros l’année précédente) ;

– à la vie étudiante et l’insertion professionnelle (+ 2 millions d’euros) ;

– aux grands projets d’investissement des écoles nationales d’art et d’architecture (+8,3 millions d’euros) et à ceux des écoles territoriales à travers les contrats de plan État-régions (+7,5 millions d’euros) ; aux subventions d’investissement des écoles nationales d’art et d’architecture (+3,5 millions d’euros).

Les écoles d’architecture bénéficient du plan de relance, avec le solde de 20 millions d’euros de crédits de paiement en 2022 sur les 70 millions d’euros engagés en 2021, dédiés à deux objets : d’une part la transition numérique des écoles, pour 5,6 millions d’euros, d’autre part les opérations d’investissement des écoles.

B.   La coûteuse gÉnÉralisation du Pass culture

À l’issue d’une phase d’expérimentation ouverte dans cinq puis quatorze départements par le décret n° 2019-66 du 1er février 2019, le décret n° 2021-628 du 20 mai 2021 a généralisé le Pass Culture à l’ensemble du territoire français. Le crédit ouvert est maintenant de 300 euros par personne, alors qu’il était de 500 euros dans le projet initial et les expérimentations. Le crédit est ouvert pour une durée de 24 mois.

Le coût du dispositif dépend du nombre de jeunes utilisateurs (comme tout dispositif d’aide public, un taux de non-recours est constaté), du nombre et des catégories de biens et services réservés (ex. : les offres numériques sont décomptées de l’enveloppe des 300 euros, mais ne sont pas remboursées par l’État aux offreurs) ou encore des conditions de remboursement des offres physiques aux acteurs (un barème dégressif ou spécifique de remboursement s’applique). En conséquence, les offreurs culturels qui proposent des biens et services sur le Pass Culture contribuent à son financement et constituent, derrière la dotation de l’État, la deuxième source de financement du dispositif après la dotation publique.

Pour 2022, 199 millions d’euros sont prévus au titre du Pass Culture sur l’action 2 « Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle », soit une hausse de 140 millions d’euros par rapport à 2021. Cette augmentation tient compte de la généralisation du dispositif, intervenue en mai 2021 – qui s’appliquera en année pleine en 2022 – et tient compte de la très forte dynamique de consommation enregistrée dès juin et juillet 2021. En trois mois (de fin mai à fin août 2021) plus de 500 000 jeunes se sont inscrits. Les hypothèses retenues pour estimer le budget sont les suivantes : un taux d’activation du Pass de 80 %, une consommation de 95 % de l’enveloppe de 300 euros et un taux de co-financement par les offreurs de 20 %.

Le montant des 140 millions d’euros de mesures nouvelles pour 2022 se décompose comme suit :

– 96 millions d’euros pour la généralisation du Pass Culture à destination des jeunes de 18 ans ;

– 6 millions d’euros pour financer la montée en puissance de la société en charge du Pass Culture, dont les missions sont ainsi élargies.

– 38 millions d’euros pour ouvrir un crédit individuel de 20 euros pour chaque élève en classe de seconde puis 30 euros en classes de première et terminale, afin de les familiariser, avant leurs 18 ans, à l’utilisation du Pass Culture.

Au-delà du volet individuel destiné aux lycéens, financé par le ministère de la Culture, un volet collectif pour les collégiens et les lycéens sera financé par le ministère de l’Éducation nationale à hauteur de 45 millions d’euros ; il sera destiné à des activités collectives d’éducation artistique et culturelle à partir de la classe de 4e. Chaque établissement scolaire secondaire public ou privé sous contrat bénéficiera d’un montant global, calculé sur la base du nombre d’élèves éligibles : 25 euros par élève de quatrième et troisième, 30 euros par élève de seconde, et de première et deuxième années de CAP, et 20 euros par élève de première et de terminale.

À compter de 2023, les besoins annuels du volet « plus de 18 ans » sont estimés à près de 155 millions d’euros.

Parmi les catégories d’offres les plus réservées sur le Pass Culture, le ministère de la Culture indique qu’en 2021, le livre domine, avec près de 80 % de réservations. Suivent la musique avec 8 % (salles de musique, studios, musique enregistrée, partitions, service numériques) et le cinéma (5 %). Les biens physiques représentent plus de 90 % des réservations, les biens numériques moins de 10 % (les biens numériques ne peuvent pas dépasser un plafond de 100 euros par bénéficiaire). Enfin, la part d’offres payantes réservées sur le Pass Culture est de 80 % et celle des offres gratuites de 20 %.

En montants dépensés, le livre représente seulement 50 % environ, tandis que les achats d’instruments de musique pèsent beaucoup plus en montant qu’en nombre de réservations.

La répartition des réservations et des montants dépensés en 2021 doit s’analyser dans le contexte de la fermeture de la plupart des lieux de spectacle et du couvre-feu qui s’est imposé tout le premier semestre. Cela explique que le spectacle vivant représente une faible part des réservations et des montants dépensés. Depuis le 1er septembre 2021, la part des montants dépensés dans les offres de spectacle vivant est de 3,2 %.

Si la rapporteure pour avis avait émis des doutes sérieux au moment du lancement des premières expérimentations du Pass, force est de constater que le dispositif généralisé cet été et élargi prochainement à des bénéficiaires plus jeunes est mieux construit. L’accompagnement et la médiation, qui manquaient dans une première version par trop consumériste, sont maintenant plus solidement envisagés.

Néanmoins, la rapporteure pour avis s’interroge sur l’opportunité de consacrer un tel budget – 199 millions d’euros – à ce dispositif et à des jeunes à partir de la classe de 4e, c’est-à-dire assez tard dans un parcours d’éducation et d’accès à la culture. À l’adolescence, les inégalités dans l’accès à la culture, à la diversité des pratiques et aux activités culturelles sont déjà notablement installées. Ne vaudrait-il pas mieux financer une politique d’éducation artistique et culturelle (EAC) plus ambitieuse et plus étoffée dès l’école maternelle ?

C.   La dispersion des crÉdits consacrÉs à l’Éducation artistique et culturelle

Le projet annuel de performances semble entretenir le flou sur l’usage des crédits de l’éducation artistique et culturelle.

● Comme les années précédentes, la présentation des crédits de l’action Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle est incomplète. Cependant, la rapporteure pour avis a obtenu du ministère de la Culture le détail des dépenses. Parmi les crédits destinés à l’éducation artistique et culturelle (EAC), soit 96,5 millions d’euros hors Pass Culture, sont prévus :

– 24 millions d’euros en faveur des pratiques artistiques et culturelles sur le temps scolaire (par exemple le plan chorales) ;

– 14,1 millions d’euros en faveur des pratiques artistiques et culturelles hors temps scolaire ;

– 14 millions d’euros en faveur des conservatoires classés destinés à élargir leurs actions en faveur de la jeunesse et de la diversité ;

– 1,5 million d’euros en faveur des contrats territoires-lecture (CTL) dans le cadre du plan Bibliothèques ;

– 7,2 millions d’euros pour les contrats territoires-lecture ;

– 8,7 millions d’euros pour le livre et la lecture (hors CTL) ;

– 7,4 millions d’euros pour l’éducation aux médias ;

– 7 millions d’euros pour la formation des intervenants et autres acteurs de l’EAC ;

– 12,3 millions d’euros pour le développement de partenariats avec les collectivités territoriales et les ministères.

 

En outre, le ministère de la Culture compense aux musées et monuments historiques dont il a la tutelle la gratuité pour les visites des enseignants de l’éducation nationale. 4 millions d’euros sont reversés à ce titre aux établissements depuis le présent programme.

● Les crédits dédiés à la démocratisation s’élèvent à 81 millions d’euros en autorisations d’engagement et 70 millions d’euros en crédits de paiement (dont respectivement 23 et 11 millions d’euros de mesures nouvelles) :

– 8 millions d’euros pour l’accès à la culture de publics empêchés (personnes âgées, personnes handicapées, personnes hospitalisées et détenus) ;

– 47 millions d’euros, dont 8 millions de mesures nouvelles, en faveur des politiques territoriales (dont les micro-folies) ;

– 3 millions d’euros en faveur des pratiques amateurs ;

– 8 millions d’euros pour la transition et l’innovation numériques.


IV.   programme 224 soutien aux politiques du ministère de la culture

Le programme 224 Soutien aux politiques culturelles porte sur les crédits dévolus aux fonctions de soutien du ministère de la Culture, c’est-à-dire la masse salariale de l’administration centrale et déconcentrée (682 millions d’euros), les dépenses de fonctionnement (76 millions d’euros) et d’investissement (10 millions d’euros) de l’administration centrale ainsi que sur l’action culturelle internationale du ministère (7,4 millions d’euros).

Les dépenses de fonctionnement des DRAC figurent dans le programme 354 Administration territoriale de l’État de la mission Administration générale et territoriale de l’État.

Les crÉdits du programme 224
Soutien aux politiques du ministère de la Culture

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

Action

Ouverts en LFI 2021

Demandés pour 2022

Ouverts en LFI 2021

Demandés pour 2022

Variation des CP

1-       Action culturelle internationale

7,4

7,4

7,4

7,4

-

2-       Fonctions de soutien du ministère

747,9

770,0

744,1

768,1

+3,2 %

Total programme 224

755,3

777,4

751,5

775,5

+3,2 %

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2022.

Le plafond d’emploi du ministère s’établit pour 2022 à 9 528 équivalents temps plein travaillé (ETPT), en recul de 50 ETPT par rapport au plafond d’emplois autorisé en loi de finance initiale pour 2021. Cette variation résulte de l’extension en année pleine du schéma d’emplois 2021 de –22 ETPT, l’impact en 2022 du schéma d’emplois 2022 de –8 ETPT et le solde des transferts entrants et sortants de –20 ETPT.

L’augmentation des crédits du programme résulte essentiellement de mesures catégorielles en faveur des agents du ministère de la Culture (+15 millions d’euros), du solde positif du glissement vieillesse technicité (GVT, +2,7 millions d’euros) et de la prise en charge par l’État d’une partie des cotisations de protection sociale complémentaire (+1,7 million d’euros).

Les moyens de fonctionnement de l’administration centrale du ministère de la Culture se composent de :

– 12 millions d’euros pour l’opérateur immobilier de la culture (OPPIC) ;

– 7 millions d’euros de charges immobilières (électricité, chauffage, taxes, entretien) ;

– 14 millions d’euros pour les affaires générales (accueil et sécurité, parc automobile, frais de déplacement, frais juridiques, fournitures sanitaires comme les masques et gels hydroalcooliques) ;

– 5 millions d’euros pour la formation et les concours ;

– 6,5 millions d’euros pour l’action sociale ;

– 22 millions d’euros pour le numérique (systèmes d’information, ordinateurs, maintenance) avec une augmentation de 4,5 millions d’euros pour permettre le télétravail ;

– 4 millions d’euros pour la communication ;

– 2 millions d’euros pour les études et recherches.

Il y a en outre 1,2 million d’euros de crédits déconcentrés pour la formation et la documentation des DRAC.

S’agissant de l’action culturelle internationale, les crédits sont constants depuis plusieurs années à hauteur de 7,4 millions d’euros. Il s’agit notamment de subventions à des organisations internationales comme l’UNESCO, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), le Conseil de l’Europe ou le Conseil international des musées (ICOM).

Le ministère de la Culture contribue également, à côté du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, au financement de l’Institut français (1,4 million d’euros).

2,5 millions d’euros sont enfin consacrés à l’accueil de professionnels de la culture et d’artistes étrangers en France.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   Audition de la ministre

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022 (seconde partie), la commission auditionne, au cours de ses deux séances du mardi 26 octobre 2021, Mme Roselyne Bachelot, ministre de la Culture.

 

M. le président Bruno Studer. Nous avons le plaisir d’achever notre part de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022 – le dernier de la législature – en compagnie de Mme la ministre de la culture. Après son propos liminaire, nous débattrons d’abord de la mission Culture, avec les interventions des rapporteures, pour avis et spéciale, et celles des orateurs des groupes, suivies des questions des commissaires et de la réponse de la ministre. Nous passerons ensuite, sur le même modèle, à la discussion de la mission Médias, livre et industries culturelles et du compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public. Après le départ de la ministre, nous examinerons les amendements déposés sur chacune des missions.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Je suis fière de vous présenter le budget des missions Culture et Médias, livre et industries culturelles pour 2022 : avec 273 millions d’euros de mesures nouvelles, il connaît une hausse sans précédent de 7,5 % par rapport à 2021. Pour la première fois de son histoire, il passera le cap des 4 milliards d’euros, pour atteindre 4,08 milliards, hors audiovisuel public. Cette hausse parachève un effort continu depuis 2017 en faveur de la culture. La progression sur cinq ans est considérable ; elle représente 507 millions d’euros, soit 15 % hors audiovisuel public et hors charges de pensions civiles.

Le budget pour 2022 donne corps à l’engagement que le Président de la République formulait au début de son quinquennat : redonner à la culture la place qui lui revient dans notre société. Cet engagement est d’autant plus indispensable que la crise sanitaire a profondément affecté les secteurs culturels et bouleversé les conditions de vie des artistes, des créateurs, comme des publics. Sur le plan économique, la succession de périodes de fermeture et d’ouverture dans les dix derniers mois a provoqué une chute sans précédent de la fréquentation des lieux culturels. Moralement, tout le secteur a été heurté, privé de ce qui fait l’essence même de la culture : la rencontre, l’échange entre les œuvres, les créateurs et le public. Ces conséquences seront sans doute durables.

La mobilisation rapide, forte et continue de l’État et des pouvoirs publics a sauvé notre écosystème culturel. L’État a ainsi mobilisé 13,6 milliards pour l’ensemble des secteurs publics et privés de la culture : 8,64 milliards d’aides transversales, 1,65 milliard d’aides sectorielles, 1,31 milliard au titre du soutien à l’intermittence, et 2 milliards au titre du plan de relance. Aucun autre pays n’a fait cela ; nous pouvons en être fiers, collectivement. Il suffit de voyager à l’étranger pour voir l’admiration que suscite notre pays à cet égard.

Il faut aussi saluer l’ensemble des professionnels de la culture : ils se sont mobilisés sans relâche pour maintenir le lien avec le public ; pour ouvrir ou rouvrir, dès que cela a été possible ; pour définir et mettre en place, avec notre aide, des protocoles sanitaires exigeants et efficaces ; et, depuis cet été, pour déployer le passe sanitaire, qui permet d’accueillir le public dans des conditions de sécurité optimales. Ce déploiement crucial nous a permis de ne pas refermer les lieux culturels pendant le mois d’août, alors que nous connaissions un dramatique rebond de l’épidémie. Aujourd’hui, la crise s’estompe, mais les derniers chiffres, qui présentent notamment une hausse du taux de reproduction du virus, incitent à la plus grande vigilance.

Le projet de budget répond à deux objectifs : le premier est d’accompagner la sortie de crise. La reprise reste fragile, avec des niveaux de fréquentation très inférieurs à ceux de 2019 – moins 30 % pour le cinéma, selon les semaines ; moins 50 % pour le patrimoine et le spectacle vivant. Selon l’enquête d’opinion que j’ai commandée, une partie des Français hésite à fréquenter les lieux de spectacle, en raison de la situation sanitaire. Environ 30 % d’entre eux estiment qu’ils sortiront moins qu’avant dans les prochains mois.

Le second objectif du budget est de préparer l’avenir de la culture en France, car la crise a cristallisé des mutations, auxquelles il faut répondre. La même enquête d’opinion montre la place croissante du numérique, notamment chez les jeunes : 46 % des Français soulignent qu’ils ont pris l’habitude d’utiliser des moyens numériques pour accéder aux œuvres ; 24 % des répondants, et un tiers parmi les moins de 35 ans, estiment qu’ils sortiront moins dans les prochains mois pour cette raison. S’il faut rester prudent, car nous n’avons qu’un recul de quelques mois, les pratiques évoluent vite, et nous devons nous organiser pour adapter nos politiques à ces évolutions.

C’est le sens des priorités de ce budget, que j’ai voulu tourné vers la jeunesse. Il renforce notre soutien sur le terrain, au plus près des territoires, et repense l’accès de tous à la culture, tout en répondant aux défis des transitions écologiques et numériques. Mon ambition est de consolider le présent et de structurer l’avenir. Ce budget en témoigne, avec 4,08 milliards d’euros de moyens pérennes alloués à la culture et 3,7 milliards pour l’audiovisuel public. La culture bénéficiera à la fois de l’annuité 2022 de France relance, qui s’élève à 436 millions d’euros ; de la poursuite de la mise en œuvre des 400 millions du quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA4) ; des taxes affectées au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), au Centre national de la musique et à l’Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) ; des dépenses fiscales dont l’impact progressera également en 2022 ; de 600 millions de crédits dans le cadre de France 2030, dont 60 millions de crédits de paiement dès 2022, qui permettront d’investir dans l’avenir, en particulier dans la formation, les infrastructures de tournage et les technologies de réalité virtuelle et de réalité augmentée. S’ajoutera enfin un soutien exceptionnel de 234 millions d’euros aux grands opérateurs du ministère, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2021 qui sera soumis à votre examen dans quelques semaines.

Le budget de la mission Culture est d’abord celui de la jeunesse, priorité qui se matérialise dans le programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, créé en 2021. Avec 181 millions de crédits supplémentaires en 2022, il connaîtra une hausse exceptionnelle de 31,4 %, portant son montant total à 757,8 millions avant transferts. Il se déploie autour de deux grandes priorités : la mise en œuvre du Pass Culture et le développement de l’éducation artistique et culturelle.

Le Pass Culture, généralisé à tous les jeunes de plus de 18 ans, sera étendu dès le 1er janvier prochain aux élèves de la quatrième à la terminale. Près de 200 millions d’euros y seront consacrés en 2022, sans compter les 45 millions qui viennent du ministère de l’éducation nationale, sur sa mission, pour financer le volet collectif du Pass au collège et au lycée. Pour la seule mission Culture, cela représente une hausse de 140 millions d’euros en mesures nouvelles, comprenant 96 millions dédiés à la généralisation du Pass aux jeunes de plus de 18 ans, 38 millions pour son extension aux collégiens à partir de la quatrième et aux lycéens pour le volet individuel, et 6 millions destinés à financer la montée en puissance de la société par actions simplifiée (SAS) Pass Culture.

La priorité en faveur de la jeunesse se manifeste aussi dans l’amplification de l’éducation artistique et culturelle (EAC). En cinq ans, nous aurons presque doublé les crédits qui y sont consacrés, pour les porter à plus de 100 millions d’euros en 2022, contre 50 millions environ en 2017. Il s’agit là d’un engagement du Président de la République et du Gouvernement, qui s’exprime, depuis le début du quinquennat, sous la forme du label « Objectif 100 % EAC à l’école », en partenariat avec les collectivités territoriales et les ministères concernés.

L’enseignement supérieur culturel bénéficie également d’un engagement sans précédent. Que ce soit pour le fonctionnement et la rénovation des écoles, la vie étudiante, notamment les bourses pour les plus modestes, ou l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, les crédits dévolus à cette politique augmenteront de 26 millions, soit une hausse de 11 %, après une longue période de stagnation, parfois même de baisse. À cela s’ajoute l’effort exceptionnel de 70 millions d’investissements sur deux ans, engagé – et bien engagé – dans le cadre de France relance pour accélérer la rénovation et la digitalisation de nos écoles.

Dans les deux missions budgétaires, des moyens sont consacrés à l’insertion des habitants, des territoires et des artistes au cœur de nos politiques culturelles. Ainsi, 12,5 millions de mesures nouvelles seront mis à la disposition des politiques territoriales pour renforcer l’accès de tous les habitants à l’offre culturelle, soutenir des dynamiques territoriales tournées vers la démocratisation culturelle, ainsi que des projets valorisant davantage les langues de France et la langue française.

Le soutien aux territoires passe aussi par la territorialisation de nos politiques publiques – à laquelle je suis très attachée, comme vous tous ici, je le sais. En 2022, les crédits déconcentrés dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) augmenteront de 4 % ; ce sont 37 millions de moyens nouveaux qui iront au plus près des territoires. Depuis 2017, les DRAC auront géré des moyens en augmentation de 22 %, soit 173 millions d’euros. Elles auront été le moteur d’une politique culturelle déployée, à leur service, depuis les territoires.

Dans le secteur de la création, j’ai souhaité que le cadre d’action du soutien de l’État aux festivals soit repensé. Les deux premières éditions des états généraux des festivals ont déjà permis de partager analyses et études ; la troisième, qui se déroulera le 1er décembre à Toulouse, sera l’occasion de présenter les actions qui en découlent. En 2022, les moyens des festivals augmenteront de 10 millions et, en renouvellement de l’effort important consenti en 2021, 10 millions d’euros supplémentaires seront consacrés aux institutions, labels, et réseaux ainsi qu’aux équipes artistiques en région. Au total, les crédits de la création artistique s’élèveront à 909 millions d’euros avant transferts, soit une hausse de 5,6 % : ce sont 100 millions de plus qu’au début du quinquennat.

J’ai souhaité que ce budget permette de mieux accompagner les initiatives locales, à travers le renforcement de la contractualisation avec les collectivités territoriales ou la restauration du patrimoine en régions. Un appel à projets national, doté de 5 millions, sera lancé pour soutenir des actions innovantes participant, en particulier, à réconcilier la culture patrimoniale de fréquentation des lieux culturels et la culture numérique. Ces actions doivent faire travailler ensemble des partenaires locaux autour de projets ancrés dans les territoires. Un effort de 7,5 millions sera consenti en faveur des politiques territoriales de démocratisation culturelle, à travers les centres culturels de rencontre, les tiers-lieux, les olympiades culturelles, ainsi que des projets autour des langues de France et de la langue française. Ces crédits permettront de lancer le projet, soutenu par l’État et les collectivités territoriales concernées, du nouveau bâtiment des Ateliers Médicis, à Clichy-Montfermeil, ainsi que de garantir les moyens de l’ouverture de la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts.

L’attention portée aux territoires est particulièrement présente dans le programme Patrimoines, qui bénéficie d’un budget de 1,019 milliard d’euros. Grâce à l’appui de France relance, les moyens consacrés aux monuments historiques s’élèveront à 470 millions, en augmentation de 3,5 % par rapport à 2021. C’est dans ce cadre que le plan « cathédrales », déjà en cours, continuera d’être déployé. Le soutien global au patrimoine, hors plan de relance, aura progressé de 7 % au cours des cinq dernières années.

La protection de notre patrimoine a été consolidée par le recours à des financements innovants, tel le Loto du patrimoine qui a permis de financer la restauration de plus de 500 monuments en péril, l’État apportant son soutien à ce dispositif à due concurrence des taxes afférentes. Sur quatre ans, 115 millions auront été mobilisés en plus. De même, le fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques situés dans les communes à faibles ressources (FIP) permet de soutenir les petites communes dans la restauration de leur patrimoine. Il sera doté de 16 millions en 2022, soit une progression de 6,7 %.

Ce budget témoigne également de notre soutien indéfectible aux artistes, aux créateurs et aux auteurs – c’est ma troisième ambition. Tout au long de la crise, nous avons agi pour aider l’emploi intermittent, en prolongeant l’année blanche jusqu’au 31 décembre 2021, en instaurant un dispositif d’accompagnement pouvant se prolonger jusqu’à seize mois à compter du 31 août 2021. Le ministère est déterminé à sortir le secteur créatif de la crise.

Le ministère, en outre, a soutenu l’emploi durant la reprise d’activité de ce second semestre 2021, grâce à trois dispositifs, dotés chacun de 10 millions d’euros : le guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO), le GIP Cafés Cultures, le renforcement du Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS). Cet effort sera prolongé en 2022 par l’abondement pérenne de 5 millions d’euros dédiés au FONPEPS.

Par ailleurs, tous les outils disponibles ont été mobilisés pour soutenir les auteurs et les créateurs, particulièrement affectés par la crise. Le fonds de solidarité a permis de verser 244 millions d’euros à 45 000 bénéficiaires, les exonérations de cotisations sociales, décidées en 2020, sont renouvelées pour 2021 et un nouveau versement sera opéré en 2022. Des aides spécifiques ont été instaurées par les établissements publics du ministère pour un montant de 35 millions entre 2020 et 2021. Nous continuerons, en 2022, à déployer le programme de travail en faveur des auteurs. Un appel à manifestation d’intérêt a été lancé pour le programme de soutien à la conception et à la réalisation de projets artistiques, intitulé Mondes nouveaux.

La progression de 48 millions d’euros en 2022 des crédits du programme Création inclut également des moyens renforcés pour le Mobilier national, qui bénéficiera de 4,5 millions d’euros supplémentaires pour accompagner sa transformation en établissement public.

Concernant maintenant la mission Médias, livre et industries culturelles, la progression des crédits de 2,4 % témoigne de notre volonté de renforcer ces filières culturelles stratégiques au service de la diversité culturelle. Nous avons engagé de profondes réformes, depuis cinq ans, en créant le Centre national de la musique (CNM), en réformant le financement de la production audiovisuelle et cinématographique, en renforçant le Centre national du livre (CNL), en engageant le plan de filière presse.

Pour ce qui est du plan de filière presse, nous poursuivrons notre effort de 483 millions d’euros pour 2020-2022, dont 140 millions d’euros au titre du plan de relance. En 2022, 70 millions d’euros continueront à soutenir la modernisation et la transformation de la filière pour garantir le pluralisme de la presse, pilier de notre démocratie et enjeu majeur de cohésion sociale et territoriale. Cette année sera aussi celle de la réforme du transport de la presse pour inciter la presse dite « chaude » à se tourner vers le portage et stabiliser les tarifs postaux pour l’ensemble des titres. Une partie des crédits, à hauteur de 62,3 millions, dédiés à la compensation du transport postal de la presse est ainsi rapatriée sur les crédits du programme Presse et médias. Ce projet de loi de finances prévoit également de renforcer de 1,1 million d’euros les crédits du Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) et d’amorcer, grâce à une dotation de 2 millions d’euros, le projet de création d’une Maison du dessin de presse, conformément à l’engagement du Président de la République.

Le secteur du livre bénéficiera d’un fort soutien de l’État, grâce à l’augmentation de 2 millions d’euros de la subvention pour charge de service public de la Bibliothèque nationale de France, et de la hausse de 1,7 million d’euros des crédits d’intervention au profit du CNL. Ces mesures s’accompagnent du prolongement des dispositifs en faveur des librairies et des bibliothèques, prévus dans le cadre de France relance, à hauteur de 23 millions. Par ailleurs, vous venez de renforcer l’arsenal législatif du secteur en adoptant à l’unanimité la proposition de loi sénatoriale relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique. La lecture, érigée grande cause nationale par le Président de la République en 2022, est largement soutenue.

S’agissant du secteur de la musique, le CNM a été créé en 2020. Il a prouvé, au cours de la crise, combien il était essentiel à la filière, en mobilisant 152 millions d’euros de moyens exceptionnels en 2020 et une enveloppe de 200 millions d’euros sur deux ans, dans le cadre de France relance. Nous avons décidé de renforcer encore ce soutien au secteur en prolongeant l’exonération de la taxe sur les spectacles au cours du second semestre 2021, par amendement au projet de loi de finances.

Nous avons également pris des mesures en faveur des filières cinématographiques et audiovisuelles. J’ai notamment engagé une réforme ambitieuse du financement de la création et de la régulation de ces secteurs. La transposition de la directive « Services de médias audiovisuels » et de celle relative aux droits d’auteur, adoptées sous l’impulsion des autorités françaises, est en cours d’achèvement. Le nouveau cadre sera complété par la loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, promulguée au Journal officiel de ce matin. L’ensemble de ces réformes permettra de mieux protéger la création française, les droits d’auteur, en prévoyant la contribution de l’ensemble des diffuseurs à la création française et en organisant un partage plus équitable de la valeur entre les plateformes, les producteurs et les auteurs. Grâce à la réforme du financement de la création, les investissements dans le cinéma et l’audiovisuel pourraient augmenter de 20 % dès 2022, ce qui représenterait plus de 250 millions supplémentaires.

Depuis le début du quinquennat, le soutien pérenne aux filières des industries culturelles aura ainsi progressé de 9 % – 49 millions d’euros de plus en cinq ans. Cet appui s’est accompagné du déploiement du fonds, doté de 225 millions, dédié aux investissements dans les industries créatives ainsi que des moyens exceptionnels dégagés dans le cadre du PIA4 – 400 millions d’euros –, sans oublier les 600 millions d’euros issus du plan France 2030.

Le financement de l’audiovisuel public continuera à respecter, en 2022, la trajectoire engagée en 2018, confirmée dans les contrats d’objectifs et de moyens. Pour ce qui est de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), la suppression complète de la taxe d’habitation, à laquelle la CAP est adossée, n’étant pas prévue avant 2023, la réforme de celle-ci n’interviendra pas dans le PLF pour 2022. Le rendement de la CAP, ajouté aux efforts d’économies demandés au secteur, permet de ne pas augmenter son tarif pour les particuliers.

En revanche, avec la suppression de la taxe d’habitation, la question du devenir de la CAP se posera. Elle s’inscrit d’ailleurs dans un débat ancien, relatif à son adaptation, notamment pour tenir compte des évolutions des modes d’accès au service de l’audiovisuel public, en dehors des téléviseurs. Le Gouvernement a identifié différentes pistes de réformes. Je sais combien le Parlement y est attentif mais elles doivent être analysées de plus près d’ici à 2022. Cette mission a été confiée par le Premier ministre à l’Inspection générale des finances (IGF) et à l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC). La mission travaillera à des scénarios qui devront permettre à l’audiovisuel public de disposer d’une ressource pérenne, adaptée à la réalité des usages audiovisuels actuels et respectueuse de l’équité fiscale. Cette ressource devra permettre d’assurer un rendement équivalent à celui de la CAP, tant en termes de niveau que de dynamisme. Elle devra être compatible avec l’exigence de prévisibilité de ses moyens et la garantie d’indépendance de l’audiovisuel public, pendant de la liberté de communication, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel. La mission veillera à vous consulter et à vous associer. J’y serai attentive.

J’ai donc l’honneur de défendre ce dernier budget du quinquennat, marqué par une politique résolue du Gouvernement pour faire face aux incroyables défis auxquels nous avons été confrontés, par la volonté de sauvegarder nos secteurs culturels, en défendant une ambition pour leur avenir et leur rayonnement. Il est doté de moyens inédits pour la culture. J’espère qu’il sera largement soutenu.

La culture change nos vies. Elle nous révèle à nous-mêmes, tout en nous révélant l’autre à travers le regard singulier d’un auteur. Elle est ce lien vivant entre les individus. Elle doit être au cœur d’un projet politique au sens noble. C’est le sens de mon action au ministère de la culture : accompagner les mutations des secteurs culturels, préparer l’avenir. Ce projet de budget et les moyens qu’il mobilise permettent d’être à la hauteur de cette ambition.

Mme Constance Le Grip, rapporteure pour avis. Le budget de la mission Culture pour 2022 sera à nouveau un budget de crise. En effet, si la réouverture des lieux culturels nous a réjouis et a permis aux Français de retrouver avec bonheur le chemin des musées, des théâtres, des monuments, des salles de concert, le retour à la normale n’aura pas lieu. La fréquentation touristique internationale est encore en berne, ce qui a des conséquences importantes pour Versailles, le Louvre ou le musée d’Orsay. La reprise est lente, également, pour le spectacle vivant. Les habitudes de sortie n’ont pas encore été retrouvées. L’absence de tournées internationales et la persistance de jauges limitent l’activité.

Les crédits de la mission Culture sont élevés : 3,5 milliards d’euros, en hausse de plus de 200 millions par rapport à 2021, auxquels s’ajoutent les crédits du plan de relance, à hauteur de 350 millions en crédits de paiement. Ces montants sont à la hauteur des menaces et des défis auxquels font face les différents secteurs de la culture. L’État est au rendez-vous, aussi bien pour soutenir le spectacle vivant public et privé, les artistes, les créateurs, que pour soutenir les monuments et les institutions les plus emblématiques de notre culture.

Je remercie les différents services du ministère de la culture et les opérateurs qui ont répondu à temps à la totalité du questionnaire budgétaire ainsi qu’à mes demandes complémentaires à la suite des auditions.

Le programme Patrimoines, qui s’élève à plus d’1 milliard, permet de soutenir, conjointement avec les crédits du plan de relance, les musées, les monuments historiques, l’architecture et le patrimoine des villes et villages.

Un effort particulier est consenti pour l’entretien et la restauration des monuments historiques qui appartiennent aux communes et aux propriétaires privés. En plus des crédits habituels répartis par les DRAC, le plan de relance a prévu 40 millions d’euros sur deux ans. Cependant, il ne suffit pas de voter les crédits, le plus difficile étant de les consommer. Les DRAC ont pris soin d’orienter les crédits dès le départ vers des projets déjà prêts, sur le plan architectural comme financier, mais il restera des crédits non consommés en fin d’année 2021 : pourront-ils être reportés en 2022 ?

Le programme Patrimoines finance également des projets emblématiques, comme la restauration du château de Villers-Cotterêts et du Grand Palais. J’ai visité le chantier de Villers-Cotterêts et j’ai été très intéressée à la fois par le chantier et par le projet de Cité internationale de la langue française. Cependant, ce projet ne sera pas rentable et il faudra compter sur la péréquation entre monuments nationaux pour soutenir ce centre culturel qui a vocation à revitaliser le sud du département de l’Aisne.

Le programme Création permet de soutenir le spectacle vivant et les arts visuels. De nombreux dispositifs d’urgence et de soutien ont été mis en place durant la crise par les opérateurs sectoriels : le CNM, l’Association de soutien au théâtre privé et le Centre national des arts plastiques (CNAP), à destination des entrepreneurs du spectacle et des artistes‑auteurs. Grâce à cela, aucune faillite n’a été déplorée dans ces secteurs. Le jeune CNM a été extrêmement réactif lors de la crise.

Cependant, nous devons rester vigilants car l’année 2022 pourrait être celle de tous les dangers pour des entreprises et des artistes fragilisés. Or la plupart des crédits de paiement du plan de relance ont été inscrits sur 2021. L’octroi des aides du CNM doit respecter certaines formes et tous les crédits ne seront pas consommés d’ici à la fin de l’année. Pourront-ils être reportés en 2022 ?

Côté opérateurs, l’Opéra de Paris reçoit un soutien très important mais il connaît une situation financière fortement dégradée, aggravée par la crise sanitaire et par d’autres facteurs, dont les mouvements sociaux qui l’ont précédée. Le projet d’aménagement de la salle modulable est abandonné ou reporté, ce qui paraît raisonnable au regard du contexte. Il faudrait d’abord retrouver le taux de fréquentation antérieur et assainir la situation financière. M. Tardieu et M. Hirsch vous ont remis un rapport, madame la ministre : comment l’Opéra de Paris pourrait-il retrouver une trajectoire vers l’équilibre ?

Pour soutenir la création, les artistes et les auteurs, le plan de relance finance un plan de commande publique dans tous les domaines artistiques, de la composition musicale aux arts visuels, en passant par l’écriture. L’appel à projet était ouvert jusqu’au 22 août 2021. À l’issue d’une première sélection, chaque artiste a reçu une bourse d’étude forfaitaire pouvant atteindre 10 000 euros pour affiner son projet. Qui choisira les lauréats ?

Les crédits du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture augmentent de manière importante mais cette hausse est presque entièrement dédiée au Pass Culture auquel sont consacrés 199 millions d’euros, dont 140 millions de moyens nouveaux. J’étais, au départ, très sceptique à l’égard du Pass Culture dont l’approche me semblait trop consumériste, mais je reconnais qu’il a été amélioré au fil des expérimentations et que le projet actuel est plus complet et mieux structuré, dans la mesure où il prépare les élèves dès la quatrième.

Cependant, je m’interroge sur la pertinence de consacrer autant de moyens à la tranche d’âge des collégiens, lycéens et jeunes adultes. Le contact avec la culture devrait commencer dès le plus jeune âge. Que fait-on concrètement avec les 24 millions d’euros de l’EAC en temps scolaire ? Connaît-on leur répartition par académie ou par discipline artistique ? Je déplore la dispersion des crédits de l’éducation artistique et culturelle.

Enfin, s’agissant du programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture, j’émets une petite interrogation sur les moyens consacrés aux DRAC. L’audit flash de la Cour des comptes sur les aides déployées pendant la crise dans le secteur culturel a souligné l’engorgement des DRAC, qui nous a été confirmé par des acteurs du secteur patrimonial. Des processus d’amélioration du fonctionnement sont-ils à l’étude ? Y aura-t-il des recrutements pour compenser, dans certaines régions, les réelles surcharges de travail ?

Sous ces réserves, je donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Culture. Ce budget, certes élevé, est à la mesure de l’ampleur de la crise que traverse le secteur culturel. Les effets des fermetures et des confinements successifs se feront sentir encore longtemps. L’exception culturelle française, c’est cela : une puissance publique qui se mobilise pour soutenir les créateurs.

En tant que députée de l’opposition, je me dois néanmoins de souligner que cette forte augmentation des crédits est financée par de la dette. Les choses étant ce qu’elles sont, c’est toutefois avec beaucoup de sincérité que je vous invite à donner un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Culture.

Mme Dominique David, rapporteure spéciale de la commission des finances (Création ; Transmission des savoirs et démocratisation de la culture). Le PLF 2022 confirme depuis le début de la crise un soutien au secteur de la culture sans équivalent dans le monde. Hors plan de relance, doté de 111 millions d’euros, le budget des programmes dont j’ai la charge connaît une augmentation des crédits de 11,4 % par rapport à 2022. Il atteint 2,483 milliards en crédits de paiement. C’est une hausse absolument sans précédent depuis plus de dix ans, qui confirme la place plus qu’essentielle qu’occupe la culture dans nos politiques publiques.

Dans le champ de la création, la hausse de plus de 50 millions du programme 131 permet de soutenir les réseaux dans les territoires et d’abonder le FONPEPS. Un rebasage des dotations des opérateurs, dont celle de l’Opéra national de Paris, est également engagé. À ce propos, le rapport Hirsch-Tardieu propose des pistes de réforme du fonctionnement de l’Opéra. Pourriez-vous, madame la ministre, nous en dire davantage sur les conclusions de cette mission et les réformes envisagées ?

Par ailleurs, vous avez annoncé, le 5 octobre dernier, à la suite du rapport de Caroline Sonrier, plusieurs axes de travail prioritaires pour renforcer l’art lyrique. Quelles mesures concrètes envisagez-vous pour soutenir la création, tout en améliorant l’accompagnement des artistes et en luttant contre toute forme de discrimination ?

Les arts visuels, dotés d’un budget presque dix fois inférieur à celui des spectacles vivants, souffrent des pratiques de la gratuité, qui expliquent la précarité de nombreux artistes. Les pouvoirs publics ne donnent pas toujours l’exemple : je déplore ainsi que la règle du 1 % de la commande publique soit très mal respectée. En Nouvelle-Aquitaine, les artistes ont épinglé pour cette raison le conseil régional, le conseil départemental de la Gironde et la mairie de Bordeaux. Des contrôles sont-ils effectués ? Cette obligation est-elle respectée par les différentes institutions concernées ? Des sanctions sont-elles prévues en cas de non-respect et, le cas échéant, faut-il en envisager ? Je me réjouis, en revanche, de la volonté affirmée de faire respecter le droit de présentation.

Concernant le programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, la hausse de plus de 180 millions d’euros est essentiellement consacrée au Pass Culture, dont le financement est majoré de 140 millions. Une enveloppe spécifique est prévue pour les écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA). La dynamique de création de postes de décharge, pour développer la recherche au sein de ces établissements, doit reprendre en 2022, conformément aux recommandations de l’IGAC. C’est une priorité de la réforme des ENSA de 2018, insuffisamment mise en œuvre. Le ministère de la culture y prend sa part avec la création de cinq postes cette année.

M. Pascal Bois (LaREM). Dans le cadre de ce cinquième projet de loi de finances de notre majorité présidentielle, l’heure est au bilan, et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les quatre programmes de la mission Culture sont tous en augmentation. Le programme 175 Patrimoines s’établit à plus de 1 milliard d’euros, auxquels s’ajoutent 227 millions du plan de relance. Le programme 131 Création s’élève à 990 millions, plan de relance compris. Le programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture connaît une envolée de quasiment un tiers de ses crédits, due en partie à la généralisation du Pass Culture. Enfin, le programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture augmente, hors dépenses de personnel, de 7,3 %.

Ces quatre programmes représentent un peu plus de 3 milliards d’euros, plan de relance compris. Ces chiffres, proprement historiques, traduisent l’engagement du Gouvernement et la détermination de notre ministre à renforcer la culture et à l’accompagner dans la sortie de crise. En effet, ce budget intervient dans un contexte sanitaire encore fragile, comme le montre la fréquentation timide des cinémas, des théâtres, des salles de spectacle et des cabarets.

Je ne reviendrai pas en détail sur l’accompagnement massif orchestré par l’État, mais la culture a bénéficié au total de 13,6 milliards d’aides transversales et sectorielles, et aucune filière n’a été laissée à l’abandon. Aucun autre pays n’a soutenu à ce point la culture, c’est dire notre attachement à notre principe d’exception culturelle. La place accordée à la culture par le Président de la République et notre majorité n’est plus à prouver. Ces augmentations ne sont pas dues à la crise, car elles sont constantes depuis 2017. Elles traduisent le retour concret des grandes politiques publiques culturelles.

Ce budget met le paquet sur la jeunesse et l’emploi artistique, et s’engage un peu plus vers l’équité territoriale. Pour la jeunesse, c’est l’élargissement du Pass Culture et le doublement des moyens de l’EAC. Pour l’emploi, c’est un plan global en faveur de l’enseignement supérieur culturel et un soutien sans précédent en faveur de l’emploi artistique et des artistes-auteurs, grâce aux dispositifs d’accompagnement jusqu’à la fin de l’année 2022 et aux retombées des chantiers de restauration des monuments historiques. Pour le rééquilibrage territorial, c’est une nouvelle progression des crédits des DRAC – ils auront augmenté de 22 % durant le quinquennat – ainsi que le renforcement du label Villes et pays d’art et d’histoire, qui s’appuie sur les ressources patrimoniales et culturelles pour contribuer à l’attractivité des territoires.

Pour l’ensemble de ces raisons, au nom du groupe La République en marche, je vous invite à donner un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Culture.

Mme Valérie Bazin-Malgras (LR). Le groupe Les Républicains prend acte de l’augmentation du budget du ministère de la culture pour 2022. La culture est l’un des secteurs les plus affectés par les conséquences de l’épidémie de coronavirus et ses acteurs ont particulièrement besoin d’être soutenus. L’augmentation du budget de la culture était donc essentielle.

Si nous nous réjouissons que l’augmentation des crédits du programme Patrimoines se traduise en dépenses d’investissement, nous demeurons toutefois vigilants concernant la conduite de certains grands projets menés par l’exécutif. Où en est la rénovation du Grand Palais ? Le projet annuel de performances indique que 12 millions sont affectés à ce projet, mais il ne nous donne aucun renseignement sur l’avancée des travaux et surtout sur le respect de la trajectoire financière. Remanié l’an dernier parce qu’il ne respectait pas les engagements financiers de départ, le projet de rénovation du Grand Palais doit tenir dans l’enveloppe initiale de 466 millions d’euros.

L’an dernier, vous avez tenu compte de nos préconisations en matière de patrimoine et de patrimoine des communes, mais l’effort reste insuffisant.

S’agissant du Pass Culture, 140 millions d’euros sont dédiés à sa généralisation. Ce dispositif représente plus de la moitié des crédits supplémentaires de la culture : 96 millions sont consacrés à son élargissement à l’ensemble du territoire national, afin que chaque jeune de plus de 18 ans puisse en bénéficier, et 38 millions bénéficieront à l’extension du pass aux collégiens et lycéens de moins de 18 ans. Sachant que le pass a une valeur de 300 euros et qu’une classe d’âge représente environ 800 000 jeunes, ces crédits seront-ils suffisants ?

Notre inquiétude, concernant cette mission Culture, est que ses crédits, bien qu’en augmentation, ne suffisent pas à répondre aux besoins d’un secteur particulièrement sinistré, en particulier du fait de la non-reconduction des crédits supplémentaires apportés par le plan de relance. Alors que, cet automne, le Président de la République a multiplié les annonces d’enveloppes se chiffrant en milliards d’euros en faveur de nombreux secteurs, nous ne pouvons que regretter que la culture ne bénéficie pas de cette prodigalité. Pour toutes ces raisons, la majorité des députés Les Républicains s’abstiendront.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Le groupe démocrate se réjouit que les moyens alloués à la mission Culture progressent, passant de 3,2 milliards en 2021 à plus de 3,46 milliards l’an prochain. Cette hausse historique de plus de 8,10 % mérite d’être saluée. Concrètement, le soutien au spectacle vivant recevra 48 millions d’euros de plus que l’année passée, permettant ainsi à l’art d’irriguer toujours plus nos territoires. De plus, 20 millions d’euros supplémentaires viendront développer la démocratisation culturelle et soutenir les contrats de plan État-région. Quant au programme Patrimoines, ses avancées alimenteront notamment le dispositif Ville et pays d’art et d’histoire. Le PLF 2022 est bien celui de la montée en puissance du soutien apporté à la culture partout en France, dans nos villes comme dans nos campagnes.

Nombreux sont les outils déployés à destination de nos artistes et de leurs équipes. Cette année, les Français ont retrouvé avec bonheur un accès aux activités culturelles. Les soutiens de l’État ont permis cette transition, du fonds de solidarité au chômage partiel en passant par les prêts garantis ou les exonérations des cotisations sociales. Ces nouveaux investissements sont destinés à une population qui, elle aussi, a souffert de la crise sanitaire, à savoir la jeunesse. La principale ambition de cette mission budgétaire est la généralisation du pass culture à tous les jeunes de 18 ans, ainsi que son élargissement aux élèves de la quatrième à la terminale. Sur les 180 millions d’euros alloués à la transmission et à l’accès à la culture pour tous, 140 millions sont destinés au Pass Culture. Les crédits doublent presque par rapport à l’année passée. Notre groupe accueille plus que favorablement cette évolution : réforme prioritaire de ce quinquennat, elle est un outil essentiel pour rapprocher les jeunes de la très riche offre culturelle de nos territoires. C’est aussi un levier de relance économique.

L’articulation du Pass Culture avec des initiatives locales bien identifiées a fait sa force et devrait assurer son attractivité. À ce jour, plus de 10 000 acteurs culturels sont inscrits sur la plateforme du Pass Culture, assurant une offre variée et qui devra s’étendre en même temps que le territoire concerné par la mesure. Dans les années à venir, comment cette offre sera-t-elle élargie dans un sens le plus attractif possible pour notre jeunesse ?

Le groupe démocrate donnera un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission.

Mme Michèle Victory (SOC). L’année 2020 a été terrible pour le monde de la culture, avec une perte de plus de 11 milliards d’euros, et les années 2021 et 2022 ne verront pas encore une reprise complète. La crise a mis en exergue des difficultés qui existaient auparavant, et les syndicats du secteur que nous avons auditionnés n’attendent pas un redémarrage avant le troisième trimestre 2022. Ces données nous obligent à penser le financement du secteur de la culture de manière pérenne. Les aides transversales et sectorielles ont permis de le sauver, mais il nous faudra attendre encore pour faire le bilan des mesures en faveur de l’emploi, dont l’année blanche pour les intermittents, et de la reprise des différentes activités culturelles.

Même si le PLF 2022, croisé avec les mesures d’un plan de relance un peu fourre‑tout, n’est pas très lisible, nous soulignons avec une grande satisfaction la hausse d’environ 8,2 % du budget de la culture, ainsi que les 8,64 milliards d’aides transversales et sectorielles.

Néanmoins, nous avons des réserves sur certains des choix opérés et la concentration de certains crédits, en particulier ceux du Pass Culture. Pour ce projet phare, votre gouvernement présente un budget de 140 millions d’euros de mesures nouvelles, auxquelles il faut ajouter 59 millions de dotations inscrites en 2021. Avec les moyens apportés par le budget de l’éducation nationale, ce seront 249 millions au total qui seront consacrés aux achats culturels de 825 000 jeunes, soit la moitié des nouveaux moyens du budget. Or ce dispositif répond davantage à un objectif de consommation immédiate qu’à celui d’approfondissement de la démocratisation culturelle. Nous ne sommes pas dans une opposition forcenée au Pass Culture qui, dans certains territoires, a montré des effets intéressants sur l’accès à la culture, mais nous défendons un travail de médiation indispensable pour donner envie de pratiquer la culture à long terme.

En comparaison, les crédits de l’éducation artistique et culturelle augmentent seulement de 1,5 million d’euros, alors qu’elle touche bien plus de jeunes, et sur un temps plus long : plan Chorale, Orchestre à l’école, ateliers culturels, intervenants en classe, sorties culturelles, tous ces dispositifs sont des leviers de transmission de la culture qui auraient pu bénéficier de manière complémentaire des mêmes crédits que le Pass Culture.

Nous approuvons les 26 millions d’euros supplémentaires au profit de l’enseignement supérieur culturel, qui participe à la fabrique de nos futurs artistes. Je déplore cependant, alors que nous alertons le ministère depuis plus de deux ans, et malgré nos propositions, qu’aucune réponse n’ait encore été donnée à la problématique des professeurs des écoles d’art territoriales.

Nous notons avec satisfaction les 37 millions supplémentaires accordés aux DRAC qui, en relation étroite avec les territoires, soutiennent la création, appuient les dispositifs vers de nouveaux publics et tissent des liens avec les artistes ; 61 % des crédits d’intervention du ministère sont maintenant déconcentrés.

Nous regrettons le fléchage du soutien à la création par la commande publique vers des publics spécifiques qui ne correspondent pas toujours à la réalité sociologique du monde de la création. Nous regrettons, de même, que vous n’ayez toujours pas retenu la proposition d’élargir le champ du crédit d’impôt pour l’acquisition d’œuvres d’art par les particuliers – hors mécénat – dans le but de permettre une présence plus citoyenne dans le monde des arts.

Enfin, nous nous satisfaisons de l’augmentation des crédits du programme Patrimoines. Nous souhaitons qu’ils bénéficient, bien sûr, aux opérateurs les plus connus, et aux opérateurs nationaux qui ont perdu 1 milliard d’euros de recettes commerciales entre 2020 et 2022, mais aussi aux territoires, qui connaissent si souvent des difficultés pour valoriser leur patrimoine. Car, au-delà du patrimoine dans l’acception architecturale du terme, c’est le cheminement de chaque citoyen qui s’écrit, conférant au particulier une valeur universelle qui nous unit.

Vous l’avez compris, nous sommes aux côtés des acteurs culturels de notre pays, que nous remercions encore une fois. Nous voterons pour ce budget.

M. Pierre-Yves Bournazel (Agir ens). Notre groupe salue le budget historique de la culture dans le PLF 2022 : hors contribution à l’audiovisuel public, grâce à une augmentation de ses crédits de 7,5 %, le budget des missions Culture et Médias, livre et industries culturelles dépassera pour la première fois le montant symbolique des 4 milliards d’euros. C’est une excellente nouvelle pour tous les professionnels du secteur, après deux années particulièrement difficiles marquées par une perte d’activité de plus de 11 milliards d’euros en 2020, et évaluée à 4,3 milliards sur les six premiers mois de l’année 2021 par rapport à 2019.

Le budget 2022 poursuit deux objectifs auxquels nous souscrivons pleinement : accompagner la reprise de l’activité culturelle et préparer l’avenir du secteur sur le long terme. Les investissements sont massifs. Sur le plan de la création, les crédits alloués au programme augmenteront de plus de 6 % afin de soutenir l’emploi artistique, de mettre en œuvre le plan en faveur des artistes-auteurs et de soutenir les initiatives culturelles locales : festivals, salles de spectacle vivant, résidences artistiques, soutien aux petits labels indépendants ou aux troupes itinérantes, tous bénéficieront de ces moyens supplémentaires. Ces crédits seront complétés par 116 millions d’euros inscrits dans la mission Plan de relance, au profit de la création et de la diffusion artistiques. À ce sujet, moins de la moitié des crédits affectés à la création en 2021 a été consommée. Pour quelles raisons ? Les crédits non utilisés seront-ils bien réinjectés dans le secteur culturel ?

Dans le domaine de la transmission des savoirs culturels, les jeunes seront les premiers bénéficiaires de l’effort inédit consenti en faveur de l’accès à la culture pour tous, avec un budget en hausse de 30 %. Notre groupe se réjouit tout particulièrement de la généralisation du Pass Culture pour tous les jeunes de 18 ans, et de son élargissement aux élèves de la quatrième à la terminale. Pour ce formidable outil, qui permet à toute une classe d’âge d’accéder à la culture, d’ouvrir ses horizons et de se laisser aller à la découverte, 200 millions d’euros sont prévus. Toutefois, les inégalités culturelles n’attendent pas l’adolescence pour se creuser. Quelles orientations le Gouvernement entend-il prendre, en lien avec le ministère de l’éducation nationale, en matière d’éveil culturel dès le plus jeune âge?

En matière de patrimoine, beaucoup a été fait depuis le début du quinquennat. Le Loto du patrimoine, bien sûr, créé à l’initiative de Stéphane Bern en 2018, a permis de financer la restauration de plus de 500 monuments en péril. Dans le plan de relance, 40 millions sont consacrés à la restauration du patrimoine. Et il y a aussi le plan « cathédrales ». Cette année encore, les crédits sont en hausse et le budget du patrimoine franchira pour la première fois la barre du milliard. Cela permettra de financer des chantiers emblématiques, comme la restauration du château de Villers-Cotterêts ou du Grand Palais à Paris, mais aussi des centaines de projets, moins médiatiques mais ô combien nécessaires à la préservation du patrimoine culturel territorial.

Madame la ministre, le groupe Agir ensemble salue votre engagement exemplaire et votre action résolue pour la culture. Nous savons qu’ils ont pesé dans les arbitrages, ce budget historique en est la démonstration. Notre patrimoine, notre culture, comme notre langue, sont notre histoire et notre identité. Il faut les aimer et les faire vivre. Nous voterons ces crédits avec conviction.

Mme Béatrice Descamps (UDI-I).  On ne peut que se réjouir de la hausse du budget de la mission Culture, surtout sachant combien le secteur a souffert durant la crise sanitaire. Cette année encore, des moyens sont fléchés pour promouvoir la culture et les événements culturels en région. Je m’en réjouis car, si Paris reste la capitale internationale de la culture, elle n’en a pas le monopole.

De nombreux efforts sont consentis en faveur de la réduction des inégalités sociales en matière d’accès à la culture, mais ils ne doivent pas faire oublier que les inégalités territoriales sont tout autant un problème. Alors que le pic de la crise sanitaire semble être derrière nous, quelle sera la nature des mesures de soutien à l’industrie culturelle ? En particulier, que deviendra le filet de sécurité évoqué pour les intermittents du spectacle ?

Si l’on peut se réjouir de la réouverture des salles de cinéma, force est de constater que la fréquentation a fortement baissé, et qu’elle est très inégale selon les films : ceux à gros budget arrivent à maintenir un score honorable alors que les films plus discrets, souvent de petites productions nationales, ne parviennent pas encore à attirer les foules. Si cette fréquentation fragmentée venait à perdurer, cela mettrait‑il en péril des pans du cinéma français ? Des aides encore plus ciblées pourraient-elles être envisagées ?

Depuis plusieurs années, je plaide pour davantage d’éducation culturelle à l’école car, pour de trop nombreux enfants, elle est le seul moyen d’accès à la culture dans toute sa diversité et sa complexité. Je salue donc l’extension du Pass Culture aux élèves dès la quatrième, tout autant que la décision de confier la gestion des fonds aux établissements, au moins dans les premières années. Comment le ministère de la culture et celui de l’éducation nationale contrôleront-ils cette gestion ? Les plateformes locales du Pass Culture pourraient‑elles être utilisées par les établissements pour organiser des sorties ?

Je ne peux m’empêcher de regretter que l’école primaire n’ait pas suffisamment de moyens pour offrir aux enfants un éveil à l’art et à la culture. C’est pourtant dès ce niveau qu’il faut les aider à développer leur curiosité, leur sensibilité, le goût de la diversité, qui sont les véritables clés de la réussite de ce pass.

Cette année encore, je tiens à pointer la situation de nos écoles d’art et de design. Le budget consacré à la recherche est en très légère baisse. Je ne peux que le regretter pour les écoles qui préparent l’avenir de notre culture et son rayonnement et qui manquent de moyens pour développer la recherche artistique.

Le groupe UDI et indépendants, tout en abordant favorablement nos discussions, restera attentif aux réponses apportées, notamment à nos amendements.

M. Michel Larive (FI). Dès la phase d’expérimentation, le Pass Culture était un échec : seulement 100 euros sur les 500 offerts ont été utilisés, principalement pour des livres scolaires et sur la plateforme musicale Deezer. Dans un article de Mediapart, le président de l’Association française des cinémas d’art et d’essai dresse le même constat : ce pass est une vision purement consumériste de la culture ! Pourtant, vous avez généralisé ce dispositif dès le 20 mai dernier, malgré son bilan pour le moins controversé.

Le bleu budgétaire le présente comme le point d’orgue d’un budget tourné vers la jeunesse, dans une démarche d’éducation artistique et culturelle : 53,9 % des sommes allouées à l’action Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle sont captées par le Pass Culture, dont le budget est désormais de 199 millions d’euros, en augmentation de 140 millions depuis le PLF 2021.

Dans sa version généralisée à tous les jeunes de plus de 18 ans, le Pass Culture s’élève à 300 euros. Sans surprise, après les mangas, ce sont les livres inscrits au programme des classes préparatoires aux grandes écoles qui arrivent en tête des ventes – une preuve supplémentaire que la médiation culturelle ne peut pas être réduite à un simple catalogue d’activité ou de produits culturels. Un accompagnement, une médiation sont nécessaires. Sans cela, les jeunes reproduisent logiquement les habitudes de leur milieu social.

Le Pass Culture sera également décliné à partir de la classe de quatrième dès 2022. Tous les élèves bénéficieront, dans un cadre collectif, sous la responsabilité de leur enseignant, de sorties ou activités culturelles, pour un montant de 25 euros par élève. À partir de la classe de seconde, chaque jeune se verra remettre un crédit de 30 euros. Ce budget de 38 millions d’euros devrait plutôt être alloué aux nombreux projets culturels et artistiques proposés par les enseignants dans le cadre scolaire, mais abandonnés faute de moyens.

Le seul intérêt du Pass Culture est de valider une promesse électorale du candidat Macron. Une journaliste de France Culture a proposé de faire l’autopsie de cette fausse bonne idée dans son émission du 7 novembre 2019 : elle évoque une mesure électorale qu’il serait plus que temps de débrancher puisque les principaux intéressés ne savent pas quoi en faire. Un tel acharnement à maintenir ce dispositif, défectueux et mercantile, pénalise les créateurs. Cinq ans après votre arrivée au pouvoir, les artistes-auteurs sont toujours les grands oubliés du Gouvernement et de la majorité. Ils ne bénéficient toujours pas d’un statut et d’une protection sociale, comme les autres travailleurs cotisants ; ils n’ont toujours pas de représentants élus au sein du conseil d’administration de l’organisme de gestion de la sécurité sociale des artistes‑auteurs ; le conseil national des artistes-auteurs a même disparu depuis le projet de loi de finances de l’an passé.

Durant cette législature, le groupe La France insoumise aura été le seul défenseur des artistes-auteurs : nous leur avons consacré quatre propositions de loi dont deux examinés au cours de nos niches parlementaires. Elles visaient l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, le fonds de soutien à la création artistique, le centre national des artistes-auteurs ou le domaine public commun. Vous les avez toutes rejetées. Il est pourtant temps de reconnaître aux serviteurs de la culture une place essentielle dans la société. Mais vous ne regardez la culture qu’à travers le prisme de la consommation, vous ne l’évaluez qu’à l’aune des flux financiers qu’elle génère.

En opposition au Pass Culture, pour soutenir nos créatrices et créateurs et face à un nouveau budget inconséquent, nous voterons contre les crédits de la mission.

M. Bertrand Pancher (LT). La hausse du budget de la culture était plus que nécessaire cette année encore, alors que le secteur est sans nul doute l’un des plus fragilisés par la crise sanitaire. Il souffrira pour longtemps de ses conséquences désastreuses. Les pertes d’activité sont considérables et elles seront durables. Ainsi la fréquentation est-elle au plus bas dans les grands établissements publics et le spectacle vivant peine à repartir.

Ces crédits en augmentation s’ajoutent aux mesures d’urgence et à celles du plan de relance. Tout cela ne sera malheureusement pas suffisant pour sauver l’ensemble des acteurs, notamment les festivals qui, même s’ils font l’objet d’une attention particulière – avec 10 millions d’euros – sont très fragilisés du fait de l’annulation d’un très grand nombre d’entre eux. Comme l’année dernière, nous appelons à augmenter les moyens en direction des créateurs et des producteurs et à proposer une véritable aide à l’équipement des salles pour la captation du spectacle vivant.

Notre groupe souhaite exprimer son inquiétude à l’égard des intermittents du spectacle alors que c’est une année blanche, heureusement prolongée, qui touchera à sa fin le 31 décembre. Nous devons réfléchir à l’amélioration de leur statut, qui n’est pas satisfaisant.

Nous ne comprenons pas l’insuffisance des crédits affectés à la culture et au patrimoine des territoires et dénonçons, une fois de plus, la concentration de ces crédits sur les équipements parisiens. À titre d’exemple, la ville de Limoges verse 5,3 millions d’euros à son opéra et l’État 240 000 euros. En revanche ce dernier verse 95 millions d’euros à l’Opéra de Paris et la Ville de Paris, rien. Comment l’expliquez-vous ? Ce n’est pas un bon signal en matière d’accès à la culture pour tous, dans tous les territoires.

Nous nous interrogeons sur le Pass Culture, même si nous partageons évidemment l’objectif poursuivi. Son poids financier paraît disproportionné, compte tenu des faibles répercussions. En Bretagne, seule région intégralement couverte par l’expérimentation, 80 % des bénéficiaires potentiels ont actionné l’application, dépensant en moyenne 105 euros sur dix mois, soit un potentiel d’achat de 252 euros sur vingt-quatre mois. Même si notre rapporteure nous a quelque peu rassurés, nous regrettons que ce pass touche peu les publics défavorisés, délaisse le spectacle vivant et les pratiques artistiques et accélère les achats en tous genres, notamment de musique.

L’an dernier, notre groupe déplorait un abondement croissant sans aucune évaluation. Un rapport a finalement été rendu en janvier 2021, mais l’expérimentation est biaisée du fait de la crise sanitaire. Pour 2022, le choix a été fait d’étaler ce dispositif dans le temps : 200 euros répartis de la quatrième à la terminale dans le cadre de l’éducation artistique et culturelle puis, à 18 ans, une enveloppe de 300 euros à utiliser suivant le goût des jeunes. Il n’est pas sûr que cette évolution suffise à faire évoluer les pratiques. Quant à la capacité de cet outil à toucher les publics défavorisés, la question demeure, car seulement 8,5 % des jeunes ayant expérimenté le pass vivent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Comment rééquilibrer le dispositif ?

Mme Jacqueline Dubois. L’augmentation pérenne de 15 % des moyens alloués à la culture depuis 2017 est historique. Elle représente 507 millions d’euros supplémentaires depuis le début du quinquennat et elle montre à quel point la culture est une priorité pour le Président de la République et le Gouvernement.

Le budget du programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture s’élève à 775 millions, ce qui représente une hausse de 3,19 % par rapport à la précédente loi de finances. Dans le cadre de ce programme, qui comprend un volet international, quelles actions privilégierez-vous pour défendre et promouvoir les positions et les politiques culturelles françaises lors de la présidence française de l’Union européenne, au premier semestre 2022 ?

Mme Frédérique Meunier. Selon une enquête commandée par votre ministère, 52 % des personnes interrogées ne fréquentent plus les salles de spectacle par peur d’être contaminées. Le passe sanitaire étant requis pour accéder à la vie culturelle, pensez-vous qu’il suffira à redynamiser le secteur ?

De plus en plus de Français ayant pris l’habitude de regarder des spectacles ou des films en streaming, comment les inciter à fréquenter à nouveau les salles de spectacle et à changer leurs modes de consommation ?

Mme Aurore Bergé. Je vous remercie de nous permettre de voter en faveur d’un budget historiquement haut, lequel mériterait d’ailleurs une approbation unanime. Depuis 2017, hors audiovisuel public, il augmente au total de 15 %, ce qui est inédit. Je vous remercie également parce que, grâce aux dispositifs que notre assemblée a su déployer avec le Gouvernement, nos artistes ont pu tenir et continuer à exercer.

L’éducation artistique et culturelle doit commencer dès le plus jeune âge. Si nous croyons au Pass Culture et à la façon dont il a été réévalué et réorganisé, comment vérifier que les moyens seront bien consacrés à la médiation culturelle et au parcours d’éducation artistique et culturelle afin d’ « aller vers » les publics qui n’utilisent pas spontanément ce pass ?

Mme Emmanuelle Anthoine. Si Paris bénéficie d’un statut de « ville-monde » et d’une histoire culturelle foisonnante, la province n’en est pas moins riche et ne saurait être reléguée aux marges de notre politique culturelle. Au contraire, elle devrait être l’objet d’un intérêt renforcé.

La crise sanitaire a eu le mérite d’appeler l’attention sur les conséquences du tourisme de masse. Il n’est plus possible d’envisager un modèle culturel avec des opérateurs parisiens tels que le Louvre ou le château de Versailles submergés par un afflux de visiteurs alors que des sites remarquables sont délaissés en province. Il est temps de rééquilibrer les parcours des visiteurs, ce qui suppose un effort supplémentaire de la part de votre ministère en faveur des territoires. Mont Saint‑Michel, Pont du Gard, Palais idéal du facteur Cheval, Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM), Azay-le-Rideau, Carcassonne et bien d’autres hauts lieux méritent toute notre attention. Allez-vous entreprendre une politique qui renforce vraiment l’attractivité des innombrables sites culturels de nos régions ?

M. Stéphane Testé. Les Ateliers Médicis, à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil, ont ouvert, au mois de juin 2018, un premier lieu éphémère qui a vocation à accueillir des actions artistiques et culturelles. Il constitue un outil essentiel dans la préfiguration du futur grand équipement culturel qui doit ouvrir à l’horizon 2025 et qui comprendra une salle de diffusion ainsi que des espaces consacrés aux ateliers et à l’accueil des publics ; il réaffirmera ainsi la place de la création artistique dans les banlieues. J’ai eu le plaisir de vous y accueillir le 9 septembre, en présence des maires de ces deux villes et du président de la métropole du Grand Paris, qui sera l’un des financeurs de ce nouvel équipement.

Selon le projet annuel de performances, le projet d’implantation des Ateliers Médicis dans un nouveau lieu sera doté de 3 millions d’euros permettant d’amorcer le projet d’investissement. Pouvez-vous faire un point sur l’avancée de ce chantier culturel très important pour la Seine-Saint-Denis et nous dire si une ouverture en 2025 est toujours envisagée ? Par ailleurs, qu’en sera-t-il de l’articulation de son financement avec les collectivités territoriales ?

Mme Souad Zitouni. Le programme 131 Création couvre les secteurs du spectacle vivant et les arts visuels, qui ont été durement touchés par la crise mais massivement soutenus par des mesures qui ont permis d’éviter des catastrophes. Fort heureusement, ce budget s’inscrit dans la même perspective : les crédits de paiement du programme augmentent de 6,4 %, ce qui représente une hausse de près de 55 millions. Si la culture change nos vies, elle leur donne également de la couleur !

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la labellisation des théâtres, qui bénéficiera de 10 millions d’euros ? Cette question est chère à mon cœur puisqu’Avignon est évidemment concernée.

Enfin, je vous remercie du petit post que vous avez laissé pour le Campus !

Mme Roselyne Bachelot, ministre. La molle fréquentation des spectacles vivants, des cinémas et des musées est-elle conjoncturelle ou structurelle ? Bien malin celui qui répondra à cette question. Sans doute est-ce les deux à la fois. À l’évidence, la crise a accéléré des évolutions à venir : nous allons encaisser en deux ans ce qui l’aurait été en dix.

Cette baisse de la fréquentation doit être également appréciée en fonction des critères retenus. Pour le cinéma, elle est importante par rapport à 2019 – année exceptionnelle suite à la sortie du film Joker – mais, par rapport à 2018, elle est moindre. Il est vrai que les opérateurs se réfèrent aux chiffres les plus propices à la perception des aides !

S’agissant du spectacle vivant, 75 000 spectateurs ont été accueillis à la mi-octobre, ce qui représente une baisse de 15 % par rapport à 2019 mais la situation est contrastée : les taux de fréquentation de la Grande halle de La Villette sont proches de 2019 alors qu’ils ont chuté de 29 % à l’Opéra national de Paris (ONP), étant entendu que les différences de fréquentation y sont considérables selon les spectacles proposés.

De plus, les consommateurs privilégiant les achats tardifs, les opérateurs manquent de visibilité. En début de saison à l’Opéra de Paris, traditionnellement, 45 % des places ou des abonnements sont pris ; cette année, le volume est de 25 % seulement.

De la même manière, les spectateurs achètent moins de places de première catégorie, ce qui soulève également des problèmes pour les gestionnaires de salles. Là encore, ces phénomènes perdureront-ils ? Je laisse à chacun le soin d’émettre des hypothèses. Seul l’avenir nous dira ce qu’il en sera.

La fréquentation des musées et des monuments nationaux a spectaculairement diminué, de 72 %, en raison de la fermeture de six mois mais, une fois encore, la situation est très hétérogène. Le fléchissement est plus important à Paris et en Île-de-France du fait de la baisse de la fréquentation étrangère – moins 72 % pour le Louvre, moins 76,5 % pour le musée d’Orsay, moins 82 % pour le musée Picasso, moins 75 % pour le château de Versailles – mais bien moindre en province.

Outre le reflux des visiteurs étrangers, nous constatons un retour des jeunes et une augmentation des gratuités.

Les prévisions de fréquentation, pour 2021, sont moindres que celles de 2020 et se situent autour de moins 78 % par rapport à 2019. Le passe sanitaire n’est pour rien dans cette situation : les Français l’ont très bien accepté. À juste titre, les opérateurs de structures et les directeurs avaient des craintes mais tous ceux qui fréquentent les lieux de culture ont pu constater que tout se passe bien. Pour 2022, nous attentons une amélioration puisque la fréquentation des musées et des monuments nationaux devrait être de moins 50 % par rapport à 2019, de moins 35 % en 2023 et de moins 20 % en 2024. Cela implique de poursuivre nos efforts, même si nous sommes en train de sortir de la crise sanitaire.

Les crédits déconcentrés du programme 175 Patrimoines s’élèvent à 340 millions en AE et 329 millions en CP. Nous voulons soutenir l’attractivité et le développement économique des territoires, accompagner les investissements des collectivités territoriales et contribuer à la revitalisation des centres-villes. Avec ces nouveaux moyens, nous assurerons la montée en charge du Fonds incitatif et partenarial, le relèvement du financement du label Villes et pays d’art et d’histoire et le renforcement du plan de mise en sécurité des cathédrales.

Les moyens obtenus en 2021 au titre du plan de soutien en faveur des musées territoriaux, des archives territoriales et de l’archéologie préventive sont par ailleurs confirmés.

Dans le cadre du plan de relance, 280 millions d’euros bénéficient aux territoires, dont 160 millions pour soutenir l’investissement en matière de monuments historiques et les équipements patrimoniaux en région. J’ajoute que 137 opérations seront lancées d’ici à la fin de 2022. Je me tiens à votre disposition pour vous fournir toutes les indications complémentaires.

Je connais les inquiétudes récurrentes à propos de l’exécution des crédits consacrés aux monuments historiques, notamment pour ceux qui n’appartiennent pas à l’État. Nous avons beaucoup œuvré pour en identifier les freins, notamment grâce à la mission flash menée par votre commission en 2018, afin d’améliorer le niveau effectif des dépenses. La consommation des crédits n’a cessé, depuis, d’augmenter : plus 62 millions par rapport à 2017. Pour cette année, je vous confirme que cette consommation est très dynamique, pour les crédits ordinaires comme pour les crédits relance. Nous n’avons aucune inquiétude.

La restauration et l’aménagement du château de Villers-Cotterêts sont magnifiques. L’atout patrimonial sera considérable, mais l’atout territorial également : nous savons à quel point un monument de prestige et un équipement important valorisent un territoire et redonnent de l’estime de soi à ses habitants. Outre la restauration du logis royal et de la Cour du jeu de paume, qui accueilleront le parcours de visite et le projet culturel, l’accélération du chantier autorisé par les crédits relance permettra de restaurer le clos et le couvert des communs et d’aménager le jardin. Cette revalorisation de l’ensemble du site constitue un préalable indispensable pour inciter les porteurs de projets à investir le lieu.

Hier soir, j’ai participé à Saint-Denis-de-La-Réunion aux états généraux du multilinguisme. J’en profite pour vous dire que la Cité internationale de la langue française fera toute sa part aux langues régionales de France.

J’ai confié à Christophe Tardieu et Georges-François Hirsch une mission consacrée à l’état des lieux de l’Opéra de Paris et aux perspectives à long terme. Les préconisations de leur rapport ont porté sur la refonte du modèle artistique et social de l’établissement ainsi que sur le renforcement des investissements afin de tenir compte des besoins des deux sites. La mission s’est interrogée dans son rapport sur la pertinence du projet de salle modulable. Suite aux échanges fructueux avec les dirigeants de l’établissement, nous sommes convenus de l’abandonner. Compte tenu des besoins de l’Opéra de Paris pour faire fonctionner ses deux sites et remédier à une situation financière très dégradée, ce projet n’est pas prioritaire.

Au début du mois de juillet, j’ai demandé à Alexander Neef, directeur de l’Opéra de Paris, d’engager avec le conseil d’administration et les tutelles, en étroite concertation avec les représentants du personnel, la réforme du modèle artistique, économique et social de l’ONP. Il s’agit de développer un nouveau projet stratégique en donnant à l’établissement de la visibilité sur ses conditions de développement afin d’être à même de pouvoir défendre un projet artistique à la fois ambitieux et financièrement soutenable. Il s’articulera autour des priorités suivantes : faire évoluer la politique et les méthodes de programmation artistique ainsi que la planification afin de mieux maîtriser les coûts de production et la masse salariale variable ; redéfinir l’organisation des services et les règles de fonctionnement afin de pouvoir réduire le niveau des charges fixes ; retrouver progressivement le niveau des recettes – billetterie, mécénat, concessions – et revenir à un budget équilibré en 2024.

En contrepartie de ces efforts, l’État continuera de soutenir cet établissement – vaisseau amiral de la culture française et formidable produit d’appel dans le monde – à travers un accompagnement financier de 25 millions d’euros prévu dans le projet de loi de finances rectificative de fin d’année, afin de reconstituer sa trésorerie. Le maintien des crédits d’abord consacrés au projet de salle modulable – 30 millions sont déjà acquis et 20 millions étaient prévus en 2022 – est acté pour le réinvestissement et la transformation de l’établissement. Le niveau de l’accompagnement dans la durée de ses moyens de fonctionnement et d’investissement sera examiné à l’aune des efforts réalisés. En 2022, la subvention de fonctionnement augmentera de 900 000 euros, pour un total de 98,15 millions
– son montant, qui avait baissé entre 2012 et 2016, était resté inchangé depuis. La subvention d’investissement augmentera, quant à elle, de 3,5 millions. L’établissement travaille cet automne à ce nouveau projet stratégique et à une trajectoire pluriannuelle, qui doivent faire l’objet d’une validation par la tutelle avant la fin de l’année.

J’entends souvent formuler le reproche selon lequel on donne tout à l’Opéra de Paris et rien à ceux de province. Nous soutenons la plupart des maisons d’opéra en région. Toutefois, il s’agit d’un réseau fortement diversifié, au sein duquel les statuts juridiques ainsi que les moyens humains, techniques et budgétaires sont très différents. Caroline Sonrier m’a remis son rapport le 5 octobre dernier. Il dresse un état des lieux totalement inédit, dépeint un secteur lyrique très divers et ouvre des perspectives pour renforcer la politique de l’État. Sur cette base, nous avons défini cinq axes de réflexion : l’instauration d’un dispositif permanent d’observation du monde lyrique ; l’accompagnement de la carrière des artistes ; l’ouverture et l’accessibilité de l’art lyrique au plus grand nombre ; le développement du soutien à la création ; la définition d’objectifs partagés en faveur de la diversité, de la lutte contre les discriminations, et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Outre ces pistes de travail concrètes, nous étudions une simplification du système de labellisation du ministère de la culture – qui comprend cinq niveaux pour vingt-neuf opéras – en vue de rendre plus lisible et plus cohérente la politique lyrique de l’État.

Dans le cadre du programme Mondes nouveaux une commande publique a été passée pour un montant de 30 millions – c’est dire si nous ne faisons rien pour les artistes-auteurs ! Le programme est organisé en trois phases : sélection des dossiers ; étude de faisabilité des projets ; production et présentation. La sélection des dossiers est construite avec des experts issus de multiples horizons, sans clivage entre disciplines artistiques, afin de dresser un portrait du temps et de ses attentes. Les experts qui composent le comité artistique, présidé par Bernard Blistène, sont Ronan de Calan, Lucie Campos, Julien Creuzet, Rebecca Lamarche‑Vadel, Bruno Messina, Caroline Naphegyi, Chloé Siganos et Noé Soulier. Tous les membres de ce comité strictement paritaire sont bien connus dans le monde artistique. Ce programme offre aux créateurs et aux créatrices une première bourse de recherche pour financer la construction de leur projet, avant d’en engager la production et la présentation au public.

J’en viens au Pass Culture, sur lequel vous avez été nombreux à m’interroger. Je fais de nombreux déplacements, dans tous les territoires. Je rencontre des jeunes, des profs et des artistes. Tous me disent leur extraordinaire satisfaction et plébiscitent le Pass Culture. C’est véritablement touchant ! Il y avait des inquiétudes et des interrogations. Moi-même, je faisais partie des gens qui en avaient. Nous avons réfléchi, notamment grâce à vous et à vos interrogations. Je remercie Constance Le Grip d’avoir dit que nous avons solidifié le système et que nous l’avons étendu. Nous avons introduit des garde-fous en matière de consommation d’objets numériques et de montée en puissance tout au long de la vie scolaire et étudiante de ses bénéficiaires. Mais n’oublions pas que la culture, à un moment donné, suppose un acte individuel de choix. C’est pourquoi le Pass Culture n’est plus sous le contrôle total d’une médiation, pour libérer ce qui est une démarche d’émancipation et d’autonomie.

J’entends parfois dire qu’il aurait fallu donner l’argent à tel ou tel, aux intermittents ou aux structures. Depuis soixante ans, la culture, dans ce pays, est un dialogue entre la puissance publique et les artistes. À un moment donné, il faut s’interroger : que veulent les spectateurs ? Que décident-ils ? Et les jeunes, que décident-ils ? Il faut en sortir ! Le Pass Culture est une politique d’émancipation et d’autonomie.

J’aime à raconter cette anecdote, qui fera peut-être comprendre pourquoi je parle avec passion. Ma grand-mère était analphabète. Quand ma mère a eu son diplôme, elle n’a pas osé entrer dans l’amphithéâtre de la faculté de médecine de Paris où avait lieu la cérémonie, estimant qu’elle n’y avait pas sa place. Lorsqu’elle a retrouvé sa fille sur le trottoir, elle lui a dit : « Tout ça, ma petite fille, c’est bien beau, mais il va falloir que tu plaises pour avoir des clients ! » La culture doit plaire, accueillir le public et offrir des spectacles. Il ne s’agit pas de faire de la démagogie ou de la sous-culture, ce à quoi je suis absolument opposée, mais d’encourager l’autonomie et l’émancipation.

Nous suivons cette politique avec beaucoup de soin. Sur une classe d’âge de 850 000 personnes, 780 000 se sont connectées au Pass Culture, et ce chiffre augmente chaque jour. C’est un triomphe, un succès incroyable !

Certes, il faudra diversifier les politiques culturelles. Je crois beaucoup aux communautés de jeunes. Le Pass Culture doit aussi favoriser le dialogue entre soi, un jeune disant par exemple à un autre « J’ai adoré l’opéra, ce n’est pas du tout ce que tu crois, allons-y ensemble ! ». Je crois aussi à son utilité dans les librairies. On a beaucoup critiqué l’achat de mangas : et alors ? On lit, avec des mangas ! Tous les libraires disent qu’ils proposent à cette occasion d’autres livres, que souvent les gens achètent. J’ai même entendu le responsable de la CGT-Spectacle prétendre qu’il est possible de s’abonner à Netflix avec le Pass Culture ! Il faut cesser de dire des bêtises ! C’est insupportable !

Les acteurs de la culture doivent aussi s’inscrire sur la plateforme du Pass Culture. Les places achetées avec alimentent le monde de la culture. L’argent n’est pas soustrait au monde de la culture, il est réinjecté dans le circuit. Le Pass Culture a une légitimité qui transcende nos divergences politiques : certains en ont rêvé, nous l’avons fait. Si vous aviez vu les jeunes qui ont assisté au festival Électropicales de La Réunion grâce au Pass Culture ! Il s’agissait de jeunes des quartiers en difficulté de Saint-Denis de La Réunion, pas de petits‑bourgeois friqués, je vous le garantis !

Le budget de l’EAC a doublé pendant le quinquennat. La question de la responsabilité dont elle relève n’est pas tranchée. Pour moi, nous venons en appui d’une politique principalement menée par l’éducation nationale. Notre objectif est de la généraliser à tous les enfants, sur tout leur temps de vie. En dépit des conditions défavorables dues à la crise sanitaire, 65 % des élèves des écoles et des collèges ont bénéficié d’actions relevant de l’EAC au cours de la dernière année scolaire. C’est un beau succès, me semble-t-il, compte tenu du contexte que nous connaissions, même si nous n’avons pas atteint l’objectif de 80 % d’une classe d’âge que nous nous étions fixé. Il faudra atteindre l’objectif de 100 %, ce pour quoi le Pass Culture sera un outil utile.

Par ailleurs, j’ai présidé avec Sophie Cluzel la commission nationale Culture et Handicap (CNCH). Je tiens beaucoup à ce que les élèves handicapés puissent bénéficier du Pass Culture. J’ai d’ailleurs rappelé, lors d’une visite dans une structure de l’association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) de La Réunion, qu’il n’y a aucune raison d’en évincer les jeunes handicapés. Il faudra être très vigilant sur ce point. Il ne manquerait plus que ça, à l’heure où nous parlons des publics empêchés ou éloignés de la culture !

Sur les DRAC, je partage votre avis, Constance Le Grip. Elles ont joué un rôle stratégique tout au long de la crise. Elles incarnent l’État sur le terrain, au plus près des besoins des secteurs et des Français. J’ai veillé à y préserver l’emploi. Dès cette année, j’ai dégagé des moyens supplémentaires pour des vacations, afin de les soutenir. Dans le cadre de France relance, des crédits de 1,7 million d’euros ont été déployés, ce qui correspond à la totalité des besoins recensés. Par ailleurs, nous avons consenti un effort considérable pour leur équipement informatique, en tirant les leçons des difficultés révélées par le télétravail imposé au personnel. Nous avons investi 7 millions d’euros cette année et investirons 4,5 millions l’an prochain.

Dominique David m’a interrogée sur le 1 % artistique. Ce dispositif de soutien, indispensable aux arts visuels depuis 1951, doit être, à l’heure où nous relançons l’obligation de décoration des constructions publiques, un instrument pérenne et structurant de soutien aux artistes. Le nombre de projets engagés a diminué au cours des dernières années. Le ministère publiera prochainement une circulaire adressée aux préfets leur rappelant cette obligation inscrite depuis 2019 au code de la commande publique et les modalités de sa mise en œuvre. Le texte est en cours de rédaction par les services de la direction générale de la création artistique (DGCA). Nous rappellerons leurs obligations aux commanditaires publics qui s’en exonèrent trop volontiers.

Nous consentons un effort budgétaire sans précédent en faveur des ENSA, à hauteur de 8,2 millions d’euros, dont 2,5 pour revaloriser leurs dotations de fonctionnement. Nous devrions dégager dix emplois supplémentaires en gestion pour renforcer leurs effectifs. Elles bénéficieront de 60 millions dans le cadre du plan de relance.

Les écoles doivent mettre correctement en œuvre la réforme de 2018 et occuper une place centrale dans la définition et dans la diffusion des solutions pour la transition écologique et sociale. Ce thème a été retenu pour leurs premières assises nationales, qui se sont tenues les 14 et 15 octobre derniers à Rouen. Une réflexion est également engagée sur l’avenir de l’enseignement de l’architecture, en fonction des attentes de la société à l’égard des architectes. Elle bénéficiera de la création, en novembre, d’un observatoire de l’économie de l’architecture.

S’agissant du Grand Palais, nous suivons le chantier. J’ai présenté la réorientation de son projet de restauration et d’aménagement dans un sens plus écologique et plus économique. Pour l’heure, d’après mes informations, l’affaire se déroule de façon satisfaisante. Cet important chantier ne fait l’objet d’aucune alerte.

Monsieur Larive est parti, ce qui est dommage, car il est le seul à s’occuper des artistes-auteurs, selon ses dires. J’ai quelques chiffres à lui donner. L’éligibilité des artistes‑auteurs au fonds de solidarité est l’un des piliers de ma politique. Depuis mars 2020, 250 millions d’euros ont été versés à 45 000 bénéficiaires. Les deux périodes de confinement et de couvre-feu de 2020 ont été couvertes par un dispositif d’exonération de cotisations sociales. Un autre, applicable aux revenus de 2021, est prévu par la loi du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

Pour compléter les dispositifs transversaux, des aides fléchées vers les artistes‑auteurs ont été attribuées par les établissements publics relevant du ministère de la culture les plus proches des secteurs impactés, tels que le CNC, le CNM, le CNL et le CNAP. Dans ce cadre, 14 millions ont été versés aux artistes-auteurs dès 2020. Nous avons abondé ces aides à hauteur de 22 millions en 2021. Fin août, 11 millions avaient été versés.

Par ailleurs, des mesures ciblées sur les auteurs du spectacle vivant ont été prises, notamment un dispositif de prise en charge et de paiement par l’État des dettes de droits d’auteur des compagnies et des structures privées, à hauteur de 3 millions d’euros, ainsi qu’un « couloir auteur » au sein du fonds de compensation des pertes de billetterie, doté d’une enveloppe de 400 000 euros, dont 300 000 ont d’ores et déjà été versés.

Outre ce soutien conjoncturel, j’ai annoncé le 11 mars dernier la mise en œuvre d’un programme de quinze mesures concrètes visant à améliorer rapidement les conditions de création des artistes-auteurs. Une question fondamentale demeure : quel est leur statut ? La réponse à cette question fait polémique. Certains souhaitent être les salariés du passeur de commandes, ce qui les fait passer dans un autre monde. D’autres sont attachés au statut que leur confère le code de la propriété intellectuelle. Je ne suis pas en mesure de résoudre ce conflit récurrent. Ce sont deux modèles totalement antinomiques.

Je comprends bien l’intérêt du modèle salarial : qui dit salariat dit représentation et syndicats. Mais il serait extrêmement complexe de le mettre en œuvre. Et puis, quel rapport y a-t-il entre un peintre, un écrivain de scénario, un sculpteur et un auteur de bandes dessinées ? D’ailleurs, c’est un tout autre monde : le jour où les écrivains recevront des commandes de la part des maisons d’édition, nous aurons basculé dans un modèle à la soviétique, avec des artistes d’État. Est-ce vraiment ce modèle que l’on souhaite instaurer ? Tel n’est pas mon cas.

Le soutien à l’emploi intermittent a été massif. Sur la base des recommandations du rapport d’André Gauron, nous avons prolongé l’année blanche jusqu’au 31 décembre 2021, en l’assortissant d’aménagements réglementaires pour garantir un accompagnement solide jusqu’à la fin 2022. J’ai déjà mentionné le GUSO, le GIP Cafés Cultures et le FONPEPS, qui visent à soutenir l’emploi pendant la reprise d’activité.

Dans la mesure où la crise a perduré, nous avons reconduit le fonds d’urgence spécifique de solidarité pour les artistes et les techniciens du spectacle (FUSSAT), mis en place en 2020, en le portant de 10 millions à 17 millions d’euros.

Nous avons également prévu diverses mesures d’aménagement pour la sortie du dispositif. Une date anniversaire plancher est fixée au 30 avril 2022 pour permettre aux intermittents dont la dernière date de fin de contrat était très éloignée du 31 décembre 2021 de disposer de davantage de temps pour reconstituer leurs droits. Une date spécifique, elle aussi fixée au 30 avril 2022, est prévue pour les intermittents qui seraient en congé maladie, maternité, paternité ou adoption au 31 décembre 2021. Une clause de rattrapage, dont les conditions d’éligibilité seront temporairement assouplies, permettra aux intermittents ayant totalisé entre 338 et 506 heures de bénéficier d’une indemnisation pendant une durée de six mois. L’allocation de professionnalisation et de solidarité pourra être versée pendant une durée de douze mois à tous les intermittents admis à son bénéfice, et ce même à l’issue des six mois de la clause de rattrapage. Les intermittents âgés de moins de 30 ans ouvrant pour la première fois des droits au titre de ce régime devront cumuler 338 heures et non 507 heures sur la période de référence.

Élisabeth Borne et moi-même suivons l’affaire de très près. D’ici à trois semaines, se déroulera un cycle de réunions bilatérales avec les organisations professionnelles du bureau du Conseil national des professions du spectacle (CNPS). Ces réunions se tiendront en présence des deux ministères. Ce sera l’occasion de partager un certain nombre de chiffres. Nous ne laisserons personne sur le bord du chemin : nous continuerons à soutenir les artistes intermittents, c’est l’un des joyaux de la politique culturelle française.

La présidence française de l’Union européenne aura d’importants enjeux culturels. Même si nos priorités seront annoncées ultérieurement, je puis d’ores et déjà vous dire qu’elle nous permettra de faire avancer des textes très importants tels que le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA). Selon moi, notre ambition doit se traduire par le renforcement de la souveraineté culturelle européenne à l’ère numérique. Nous poursuivrons les discussions pour préserver la création européenne dans une économie mondialisée, protéger la propriété intellectuelle, inscrire la culture dans le quotidien des citoyens européens – c’est-à-dire agir en faveur de la démocratisation de la culture, même si je ne raffole pas de ce terme –, promouvoir davantage la mobilité des artistes et des professionnels de la culture en Europe, développer le multilinguisme des contenus, protéger et valoriser le patrimoine culturel européen, ou encore favoriser la mise en place de nouveaux outils permettant de rapprocher les jeunes de la culture. À cet égard, le Pass Culture intéresse énormément : tous mes collègues ministres européens de la culture me demandent comment ils pourraient l’importer dans leur pays !

En ce qui concerne le rééquilibrage entre Paris et les régions, nous avons hérité d’un millénaire de concentration et de jacobinisme ; je ne saurais y remédier avec mes seules forces. Ce centralisme est aussi un puissant facteur d’attraction de notre pays. Même si l’opéra de Limoges est une institution tout à fait importante, les voyageurs américains qui viennent écouter de l’opéra se rendent d’abord à l’opéra de Paris… L’enjeu est de faire en sorte qu’après avoir assisté à un spectacle à l’opéra de Paris, on aille également à l’opéra de Limoges. Quarante ans après 1981, on salue à juste titre la politique de grands travaux menée par le président François Mitterrand et mise en œuvre par Jack Lang. Or il serait maintenant impossible de mener une telle politique : dans les territoires, tout le monde serait dans la rue… Je développe une action territorialisée à travers les opérateurs du ministère. Les grands opérateurs nationaux sont les têtes de pont d’une politique territoriale passant notamment par les DRAC. Celles-ci agissent directement dans les territoires à travers les bibliothèques, les scènes nationales, les fonds régionaux d’art contemporain (FRAC), les conservatoires et l’octroi de labels. Les DRAC nouent des partenariats avec les collectivités territoriales, avec pour objectif de mener des politiques efficaces.

J’ai visité le chantier des Ateliers Médicis– vous étiez d’ailleurs avec moi, monsieur Testé. Les jeunes qui y œuvrent sont absolument merveilleux. L’établissement public de coopération culturelle (EPCC) associe l’État et sept collectivités territoriales pour mettre en œuvre ce projet très ambitieux. L’ouverture du nouveau bâtiment est prévue pour la fin 2025, près de la gare, qui a été conçue dans le cadre du Grand Paris Express. Le calendrier prévisionnel est tenu. Le coût du projet inscrit au contrat de plan État-région 2021-2027 est évalué à 31 millions d’euros. La région s’est d’ores et déjà engagée pour 5 millions, le département de la Seine-Saint-Denis pour 1 million et la métropole du Grand Paris pour 7 millions, soit 13 millions émanant des collectivités territoriales ; le montant de la contribution des villes de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil sera annoncé très prochainement. Le financement de l’État s’élève à ce stade à 18 millions d’euros, dont 3 millions dans le cadre du plan de relance. L’EPCC souhaite financer le solde du besoin de crédits en recherchant des partenariats avec des mécènes potentiels, ce qui me semble être une très bonne idée. Lors de ma visite, j’ai entendu le président Patrick Ollier dire qu’il pourrait augmenter sa participation, mais je ne souhaite pas l’entraîner sur des sentiers qu’il n’aurait pas encore complètement validés. Quoi qu’il en soit, c’est un magnifique projet.

Mes services se tiennent à votre disposition pour éclairer tous les points de détail à propos desquels vous pourriez souhaiter les interroger.

M. le président Bruno Studer. Nous reprendrons nos travaux à vingt et une heures trente.


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II.   EXAMEN DES CRÉDITS

La commission examine ensuite, pour avis, les crédits de la mission Culture et les amendements à l’article 20 – État B (Mme Constance Le Grip, rapporteure pour avis).

Article 20 et état B

Amendement II-AC57 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Par cet amendement d’appel, nous souhaitons dénoncer le mépris dont les arts et la culture, jugés « non essentiels », ont fait l’objet durant la pandémie. Pendant près d’un an, toutes les activités culturelles et artistiques ont été supprimées. Deux mois après leur ouverture, les lieux culturels ont vu leur accès à nouveau restreint par l’instauration du passe sanitaire. Les Maisons des jeunes et de la culture, les cinémas, les festivals, les bibliothèques ferment leurs portes à tout une partie de leur public et usagers, souvent issus de milieux populaires. De surcroît, ils sont obligés d’endosser le rôle de contrôleur.

L’instauration du passe sanitaire a des conséquences économiques très importantes : par rapport à 2019, les ventes de billets en juillet et en août ont affiché un recul de 75 % pour les festivals, de 56 % pour les salles de concert, de 50 % pour les théâtres et de plus de 80 % pour les cabarets. Une baisse de 78 % sur la billetterie des concerts debout est attendue. L’Opéra de Paris observe, après trois mois de commercialisation, un recul de près de 20 % de ses ventes pour la prochaine saison.

Mme Constance Le Grip, rapporteure pour avis. Si une discussion sur le passe sanitaire peut se concevoir dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, un amendement portant précisément sur le passe sanitaire dans le budget de la culture n’est pas pertinent. Je rappelle que nous avons tout loisir de débattre des avantages et inconvénients du passe sanitaire lors de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, actuellement en navette. Avis défavorable.

M. Michel Larive. Heureusement, ce n’est pas vous qui décidez de la recevabilité des amendements ! Celui-ci ayant été déclaré recevable, c’est bien le lieu de le défendre.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC58 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Nous proposons de supprimer le Pass Culture, dont le bilan n’est pas satisfaisant, et de le remplacer, en concertation avec tous les acteurs, par un dispositif plus pertinent. Il s’agirait par exemple d’étendre la gratuité dans les musées et autres lieux culturels, en commençant par un accès gratuit le dimanche, et de coconstruire la programmation culturelle avec les publics pour que chacun puisse participer activement à la vie sociale et culturelle.

Mme Constance Le Grip, rapporteure pour avis. Des améliorations substantielles ont été apportées au projet initial et le dispositif, tel qu’il est structuré maintenant, paraît opportun. Par ailleurs, si je reconnais une certaine créativité sémantique dans l’intitulé du programme que vous proposez de créer, « Bilan Macron : démocratiser la culture n’est pas la marchandiser », je ne crois pas opportun d’y transférer 140 millions d’euros. Avis défavorable.

M. Michel Larive. Vous n’avez pas à juger de ce qui est écrit, mais à émettre un avis sur la pertinence de l’amendement !

M. le président Bruno Studer. Allons, la rapporteure pour avis a fait cette remarque dans un esprit bienveillant.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC59 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Par cet amendement d’appel, nous voulons souligner le désintérêt de la majorité pour les artistes-auteurs. Le rapport Racine a été ignoré ; ils ne bénéficient toujours pas d’un statut ni d’une protection sociale. La majorité parlementaire a rejeté nos multiples propositions, notamment la proposition de loi instaurant un domaine public commun.

Mme Constance Le Grip, rapporteure pour avis. C’est vrai, le régime des artistesauteurs a connu de grandes difficultés et des dysfonctionnements. Dans le cadre de la mission flash sur le statut des auteurs, qui avait suscité un large consensus dans la commission, Pascal Bois et moi-même avions formulé plusieurs propositions pour améliorer les droits sociaux des auteurs ainsi que leur représentativité. Ces propositions sont progressivement mises en œuvre – la ministre a détaillé tout à l’heure les annonces qu’elle avait faites en mars – et devraient permettre d’améliorer la vie des auteurs. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC80, II-AC83, II-AC82 et II-AC81 de Mme Michèle Victory.

Mme Michèle Victory. L’amendement II-AC80 vise à doubler les crédits alloués aux pratiques artistiques et culturelles en temps scolaire, portés à 48 millions d’euros.

Le II-AC83 consacre 10 millions au développement du projet Orchestre à l’école, qui donne d’excellents résultats.

Nous proposons, avec l’amendement II-AC82, de lancer, sur le même modèle, un plan Théâtre à l’école, parce qu’il nous semble essentiel de développer cette pratique à l’école.

Enfin, l’amendement II-AC81 abonde le financement du plan Chorale, en particulier pour assurer la formation de plus de chefs de chœur – en l’état généralement assurée par le privé et non par le ministère.

Mme Constance Le Grip, rapporteure pour avis. J’attache moi aussi une grande importance à l’éducation artistique et culturelle. Même si les crédits ont doublé depuis le début du quinquennat, il reste encore des marges de progrès.

J’émets un avis défavorable sur l’amendement II-AC80 car il me semble hasardeux de ponctionner 24 millions sur le programme Soutien aux politiques du ministère de la culture, qui finance le fonctionnement et la masse salariale du ministère.

Le dispositif Orchestre à l’école est un très beau projet, quoiqu’assez lourd : il faut des instruments, des professeurs de musique, des chefs d’orchestre… Même si les crédits de la mission Culture augmentent fortement, nous restons dans le cadre d’un budget de crise et je ne suis pas certaine qu’il soit possible de flécher 10 millions supplémentaires vers ce projet. Avis défavorable.

Il est vrai que l’activité théâtrale peut-être très bénéfique pour la confiance en soi, l’expression orale ou encore la maîtrise de la langue française. Consacrer 10 millions à un plan Théâtre serait un signal politique fort. J’émets donc un avis de sagesse.

De la même manière, je pense qu’il faut soutenir le plan Chorale : avis de sagesse sur l’amendement qui vise à l’abonder de 5 millions supplémentaires.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC86 de Mme Michèle Victory.

Mme Michèle Victory. Cet amendement vise à financer le développement de maisons communes « art et culture » dans les régions. C’est une proposition que j’avais déjà faite l’an passé, mais la ministre m’avait répondu que ce n’était pas utile. Je pense au contraire que ces maisons sont un bon outil.

Mme Constance Le Grip, rapporteure pour avis. Il existe déjà dans le champ culturel de nombreuses instances de dialogue et d’expression. Je citerai pour mémoire les états généraux des festivals qui se tiennent dans différentes villes, le MaMA festival, les centres culturels de rencontre, les tiers lieux, les olympiades culturelles, les assises des conservateurs territoriaux de bibliothèque ou encore les assises de la formation en bibliothèque territoriale, qui se tiendront en novembre… Il ne me semble pas nécessaire de créer une nouvelle structure, avec les pesanteurs administratives qui en découleraient. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC121 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. Nous proposons la création d’un fonds de soutien, doté de 5 millions d’euros, destiné aux bibliothèques qui s’efforcent de rendre leurs collections accessibles à tous.

Mme Constance Le Grip, rapporteure pour avis. L’enjeu est de taille : il s’agit de rendre les collections des bibliothèques accessibles aux personnes atteintes d’un handicap, quel qu’il soit. Le problème, c’est que les crédits destinés aux bibliothèques sont dispersés : les contrats territoires lecture relèvent de la mission Culture, la dotation générale de décentralisation en faveur des bibliothèques est rattachée à la mission Relations avec les collectivités territoriales et la politique de lecture publique relève de la mission Médias, livre et industries culturelles. Je vous suggère de retirer cet amendement d’appel et de le redéposer en séance, de manière à lancer le débat avec le Gouvernement.

L’amendement est retiré.

Amendement II-AC87 de Mme Michèle Victory.

Mme Michèle Victory. Nous souhaitons attribuer 3 millions supplémentaires aux écoles d’art territoriales. Il ne s’agit plus de la question du statut des enseignants dans ces écoles, à laquelle la ministre n’a d’ailleurs pas répondu, mais des activités de recherche, qui font partie de leurs missions et doivent être financées.

Mme Constance Le Grip, rapporteure pour avis. Je m’en remets à la sagesse de la commission. Il est indéniable que le Gouvernement tarde, inexplicablement, à clarifier la question tant du statut des enseignants que des actions de recherche dans ces écoles. La mission flash menée au début de la législature par Mmes Victory et Colboc avait pourtant souligné la nécessité de trancher cette question.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC84 et II-AC85 de Mme Michèle Victory.

Mme Michèle Victory. Nous proposons de créer deux fonds, destinés pour le premier au financement de la programmation d’œuvres écrites par des femmes, et pour le second à la construction d’un musée national des femmes.

Je sais qu’il existe des oppositions, mais la plateforme Demandez à Clara par exemple, qui répertorie les œuvres musicales écrites par des femmes, est dorénavant utilisée par de nombreux musiciens. Beaucoup de pièces n’auraient jamais été jouées sans cela. Ne nous contentons pas d’attendre que les choses se fassent ; agissons, en nous appuyant sur ce qui existe déjà.

Mme Constance Le Grip, rapporteure pour avis. J’entends votre préoccupation, et nous sommes à peu près tous favorables, je crois, à ce que l’on donne plus de visibilité aux femmes sur la scène culturelle et que l’on soutienne les talents féminins. Néanmoins, je ne suis pas sûre que vos propositions soient des réponses adéquates. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC122 et II-AC123 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. Ces amendements portent l’un sur les écoles de musique, l’autre sur les écoles de danse, qui ont énormément souffert de la crise sanitaire. Les écoles de musique, pour m’en tenir à elles, sont nombreuses et accueillent énormément d’enfants. Elles jouent des rôles différents et complémentaires des conservatoires dans l’apprentissage de la musique, mais ont plus souffert. Elles doivent par exemple encore appliquer un protocole sanitaire contraignant. Il convient de les aider.

Mme Constance Le Grip, rapporteure pour avis. Je suis entièrement d’accord avec vous : la situation actuelle est inéquitable et préjudiciable aux écoles de musique, qui ne peuvent s’exonérer par exemple de l’obligation de présenter le passe sanitaire. J’ai cru comprendre que le cabinet de la ministre était conscient de la nécessité d’aller vers une harmonisation des régimes, qui tienne compte bien entendu du contexte sanitaire. Je vous suggère de retirer vos amendements et de les redéposer en séance afin d’entendre la ministre sur le sujet.

Les amendements sont retirés.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Culture non modifiés.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission donne enfin un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Culture.

 

 

 


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   annexe :
Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure

 

            Syndicat national des pratiques artistiques amateurs (SNP2A) – MM. Vincent Fuchs, président, et Laurent Bel, trésorier

 

            Table ronde :

– Prodiss * – Mmes Malika Seguineau, déléguée générale, et AnneGaëlle Geffroy, directrice des études et affaires économiques

– Syndicat des Musiques actuelles (SMA) * – M. Laurent Decès, président, et Mme Aurélie Hannedouche, déléguée générale

 Syndicat national du Théâtre privé – M. Bertrand Thamin, président, et Mme Isabelle Gentilhomme, déléguée générale

 Syndicat National des Cabarets, Music-halls & Lieux de Création (CAMULC)  M. Daniel Stevens, délégué général

 

             Table ronde des organismes de gestion collective du droit d’auteur :

– SPEDIDAM  M. Guillaume Damerval, directeur administratif et financier

– ADAMI  M. Bruno Boutleux, directeur général-gérant, Mme AnneCharlotte Jeancard, directrice des affaires juridiques et internationales, et M. Benjamin Sauzay, directeur de la stratégie et des relations extérieures

 Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) * M. Guillaume Prieur, directeur des affaires institutionnelles et européennes

– SACEM  M. David El Sayegh, secrétaire général

 

            Centre national des arts plastiques (CNAP) – Mmes Béatrice Salmon, directrice, et Anne-Sophie de Bellegarde, secrétaire générale

 

            Pass Culture – MM. Sébastien Cavalier, président, et Maxence Daniel, responsable de la prospective et des relations avec les pouvoirs publics

            La Demeure historique – M. Olivier de Lorgeril, président, et Mme Alexandra Proust, conseillère

            M. Christopher Miles, directeur général de la création artistique, ministère de la culture

            MM. Jean-François Hebert, directeur général des patrimoines et de l’architecture, Ludovic Abiven, sous-directeur des affaires financières et générales et Mme Florie Yall, cheffe du bureau de la programmation budgétaire et de la performance

            Centre national de la musique  M. Jean-Philippe Thiellay, président

            Fondation du patrimoine *  M. Guillaume Poitrinal, président, et Mme Célia Verot, directrice générale

            USEP-SV : Syndicat national des scènes publiques (SNSP) *  Mme Laurence Raoul, directrice déléguée, Les Forces Musicales  M. Sébastien Justine, directeur, Syndicat professionnel des producteurs, festivals, ensembles, diffuseurs indépendants de musique (PROFEDIM) – Mme Aurélie Foucher, déléguée générale

            M. Noël Corbin, délégué général à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle

            Château de Versailles – Mme Catherine Pégard, présidente, et M. Thierry Gausseron, administrateur général

 

Déplacements effectués par la rapporteure :

            Déplacement à Villers-Cotterêts : M. Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux, Mme Valérie Senghor, directrice générale adjointe et M. Xavier Bailly, administrateur du château

            Déplacement à l’Opéra Bastille : M. Martin Ajdari, directeur général adjoint de l’Opéra national de Paris

            Déplacement au Grand-Palais : M. Emmanuel Marcovitch, directeur général délégué de la RMN-GP, Mme Nathalie Blanc-Guelpa, sous-directrice des affaires financières et M. François-Stéphane Hamon, responsable institutionnel

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1])  https://www.ccomptes.fr/fr/documents/56986

([2])  https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Etudes-et-statistiques/Publications/Collections-de-synthese/Note-de-conjoncture/Analyse-conjoncturelle-du-chiffre-d-affaires-de-la-culture-au-2e-trimestre-2021

([3])  https://www.ccomptes.fr/fr/documents/56985

([4]) NB : le format du tableau des aides déconcentrées au spectacle vivant a été simplifié pour le PAP 2022 pour les équipes artistiques : ont été regroupées sur une même ligne les aides pour les compagnies conventionnées